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THIOPENTAL (Penthotal, Nesdonal)

Dr, Bun Soeun, DES ARMU, Hôpital Calmette

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Le thiopental, synthétisé en 1934, demeure l’agent de référence pour l’anesthésie
intraveineuse.
Propriétés physicochimiques
Le thiopental est un barbiturique soufré dont le pKa légèrement alcalin (pKa = 7,6)
rend la forme non ionisée prédominante au pH physiologique (61%). L’importance
de cette forme et la grande liposolubilité de la molécule expliquent un passage rapide
à travers la barrière hémato-encéphalique. Le thiopental n’est hydrosoluble que sous
forme de sel dont la solution est très alcaline (pH > 10), outre des propriétés
bactériostatiques, il peut en cas d’extravasation ou d’injection intra-artérielle
provoquer spasme et nécroses cutanées. En raison de ce risque, le thiopental est
utilisé à une concentration de 2,5 % chez l’adulte et 1% chez l’enfant. Il ne doit pas
être mélangé ou perfusé avec du Ringer-lactate® ou des solutions acides (curares …)
car il peut alors précipiter. Fortement lié à l’albumine (70 à 90 %), sa forme libre
peut être augmentée par déplacement du site de fixation par l’aspirine ou les anti-
inflammatoires stéroïdiens ou en cas d’acidose ou d’hypo-albuminémie.
Pharmacocinétiques
La distribution du thiopental dans les différents tissus de l’organisme dépend du
débit de perfusion local, de l’affinité tissulaire pour l’agent et gradient de
concentration avec le compartiment plasmatique.
Le thiopental est éliminé par le foie, oxydé par les cytochromes P450, avec un
coefficient d’extraction faible (15%) qui rend sa clairance indépendante du débit
sanguin hépatique.
La demi-vie de la phase de distribution rapide est de 4 minutes. La demi-vie
d’élimination est longue (10-12 heures pour les doses habituelles). Le thiopental
stocke dans les tissus graisseux (liposoluble +++). L’élimination du thiopental est
ralentie chez le vieillard, pendant la grossesse et chez l’obèse, elle est augmentée
chez l’enfant.
Le thiopental passe la barrière placentaire, mais les concentrations dans l’artère
ombilicale seraient moitié moindre que les concentrations plasmatiques maternelles
lorsque la dose d’induction est inférieure à 6 mg/kg.
Relation concentration-effet
Le délai nécessaire pour atteindre le maximum d’effet EEG est environ 1,7
minutes après administration intraveineuse de thiopental (tableau 5-II), ce qui en fait
l’agent hypnotique qui a le plus bref délai d’action, et justifie le choix de thiopental
pour les séquences d’induction rapide. La Cp50 (Concentration plasmatique effective
chez 50 % des patients) du thiopental pour la perte de connaissance et l’incision
cutanée en présence de 60 % de N2O sont respectivement de 15,6 à 39,8 µg/ml. Une
diminution de la fixation protéique qui entraîne une augmentation d’une fraction libre
diffusible est à l’origine d’un effet majoré chez le nouveau-né et l’insuffisant rénal.

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Pharmacodynamiques
Système nerveux central
Effet hypnotique et anticonvulsivant ; aucun effet analgésique ; phase de
désinhibition avec agitation éventuelle à doses infrahyonotiques ; dépression des
centres respiratoires, vasomoteurs et thermorégulateurs à fortes doses, mais peu de
dépression des centres du vomissement ; diminution du débit sanguin cérébral, de la
pression intracrânienne et de la consommation cérébrale d’oxygène. EEG : ondes
lentes de grande amplitude, ralentissant progressivement, puis apparaissant de
manière épisodique au sein de phase de silence électrique (burst suppression).
Effets cardio-vasculaires
L’effet prédominant du thiopental est une veinodilatation responsable d’une
séquestration sanguine périphérique. Il s’y associe une réduction dose-dépendante de
la contractilité myocardique (tableau 5-III). La résultante de ces effets est une
diminution de la pression artérielle et du débit cardiaque de 10 à 20 %. Une
tachycardie est fréquente même si l’activité baroréflexe est transitoirement déprimée.
Elle expose le sujet coronarien à un risque ischémique myocardique.
Effets respiratoires
Le thiopental entraîne une dépression ventilatoire plus ou moins marquée selon la
dose et la vitesse d’injection. À faible posologie, il déprime la réponse ventilatoire à
l’hypoxie et à l’hypercapnie, et entraîne une apnée dans 80 % des cas après
administration d’une dose d’induction. Le thiopental n’est pas considéré comme un
agent bronchoconstricteur.
Système endocrinien
A dose d’induction, le thiopental peut entrainer une dépression cortico-
surrénalienne avec baisse du cortisol plasmatique ; contrairement à l’étomidate, cette
dépression est rapidement réversible et répond bien à l’administration d’ACTH.
Autres effets
Le thiopental n’a pas d’action sur la musculature utérine et n’est pas tératogène. Il
passe la barrière placentaire mais ne provoque pas de dépression respiratoire
néonatale à la posologie de 3 à 4 mg/kg chez la mère. Il peut entraîner une réaction
anaphylactoïde par histamino-libération non spécifique. Il est contre indiqué chez les
patients atteints de porphyrie aiguë intermittente ou de porphyrie variegata.
Le thiopental peut diminuer le débit sanguin rénal parallèle à la baisse du débit
cardiaque. Il peut aussi diminuer la pression intraoculaire.

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Utilisation clinique
Le thiopental est l’agent de référence pour l’induction de l’anesthésie. Utilisée à la
posologie de 5 à 7 mg/kg, la perte de connaissance survient en 1 minute environ et
dure 3 à 7 minutes. Une ré-injection de 20 à 25 % de la dose initiale, prolonge l’effet
d’une durée analogue. Une titration en fonction des effets cliniques doit être réalisée
chez le patient fragile sur le plan hémodynamique et chez le sujet âgé. La posologie
est réduite de moitié chez le nouveau-né moins de 15 jours (3 mg/kg). Cette
différence pourrait être liée à une augmentation de la fraction libre, à une
perméabilité accrue de la barrière sang-cerveau ou à l’immaturité cérébrale. La
posologie est par contre plus élevée entre 1 et 6 mois (7 à 9 mg/kg) et diminue
ensuite avec l’âge (5 à 6 mg/kg entre 6 à 12 mois).
Le thiopental a été utilisé pour la sédation des traumatisés crâniens du fait de ses
effets sur le métabolisme et sur la circulation sanguine locale. Toutefois, son
accumulation en administration continue est un obstacle à une évaluation clinique
répétée de ces patients lors d’allègement de la sédation.

RÉFÉRENCES
1- S. Molliex et F.Servin. Anesthésiques intraveineux. Kamran Samii. Anesthésie-Réanimation
Chirurgicale, 3è édition, 2003, Chapitre 5, page 73-94.
2- Francis Bonnet, Annet Soulier, Chatherine Spielvogel. Agents anesthésiques intraveineux :
Thiopental (Pentothal, Nesdonal). Le live de l’interne anesthésiologie, 1998, Chapitre 7, page
69-73.
3- Bernard Dalens. Thiopental (Pentothal, Nesdonal). Médicaments en anesthésie, 2è édition,
2002, page 600-603.
4- Frédérique Servin. Pharmacologie des Anesthésiques Intraveineux. Traité d’Anesthésie et de
Réanimation (2014) 4è edition, page 111-127.

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