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Rappel physiopathologique
L'hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) est une maladie grave caractérisée par une
obstruction vasculaire à l'origine de l'augmentation des résistances vasculaires pulmonaires. Il en
résulte une augmentation de la post-charge du ventricule droit qui, à terme, conduit à une insuffisance
cardiaque droite. On distingue les HTAP primitives, (systémiques ou idiopathiques), des HTAP
secondaires à une maladie thromboembolique, pathologie pulmonaire ou insuffisance cardiaque
gauche.
La physiopathologie de l’HTAP est complexe et partiellement méconnue. La prolifération des
cellules musculaires lisses pulmonaires et des cellules endothéliales est associée à une
vasoconstriction excessive, qui témoigne d’un déséquilibre entre substances vasodilatatrices et
vasoconstrictrices.
Sur le plan fonctionnel, les anomalies décrites dans l’HTAP sont multiples : la voie du monoxyde
d’azote (NO) est atteinte, avec une diminution de la production endothéliale de NO. La prostacycline
(ou prostaglandine I2, PGI2), qui a un effet antiagrégant plaquettaire et vasodilatateur est également
diminuée dans l’HTAP, alors que la production de thromboxane A2 (prothrombotique et
vasoconstricteur) est augmentée. Enfin l’endothéline (ET-1), un peptide endothélial ayant un effet
vasoconstricteur puissant, a un rôle clé dans la physiopathologie de l’HTAP. Une activation du
système endothéline a été décrite chez les patients ayant une HTAP, et cette activation semble être
corrélée à l'augmentation des résistances vasculaires pulmonaires.
Médicaments existants
La prise en charge de l’HTAP associe des médicaments spécifiques, pour la plupart récents, à
d’autres médicaments dits « non-spécifiques », parmi lesquels les anticoagulants (AVK) ou les
diurétiques, et dans certains cas les inhibiteurs calciques (formes rares d'HTAP dite répondeuses aux
inhibiteurs calciques dont le mécanisme semble être principalement lié à une vasoconstriction
excessive). Ce chapitre se limite aux trois familles de médicaments spécifiquement indiqués dans
l’HTAP: les analogues de la prostacycline, les antagonistes des récepteurs de l’ET-1 et les inhibiteurs
de la PDE-5.
Voies
d’administr
Spécialit
DCI ation et
és
doses
usuelles
Analogues de la prostacycline
Epoprost Flolan®, Perfusion IV
enol Vélétri® continue
(forme via un
thermosta cathéter
ble), central
générique sous-clavier
s 0,5 et tunnelisé
1,5 mg débit : 16
ng/kg/min
selon
efficacité et
tolérance
Iloprost Ventavis 6à9
® 10 inhalations/j
µg/mL our
Treprosti Remoduli Perfusion
nil n® 1 SC ou IV
mg/mL, continue ;
2,5 débit initial
mg/mL, 5 de 1,25
mg/mL et ng/kg/min,
10 mg/mL augmenté
progressive
ment à
26-42
ng/kg/min
selon
efficacité et
tolérance
Antagonistes des récepteurs de
l’endothéline
Bosenta Tracleer® Voie orale,
n 32 mg, 2 fois/jour
62,5 mg
et 125 mg
Ambrise Volibris® Voie orale,
ntan 5 et 10 une
mg prise/jour
Inhibiteurs de la
phosphodiesterase-5
Sildenafil Revatio® Voie orale,
cp à 20 20 mg 3
mg, pdre fois/jour
susp buv
10mg/mL
Tadalafil Adcirca® Voie orale,
20 mg 40 mg en
une
prise/jour
Stimulateur de la guanylate
cyclase soluble
Riocigua Adempas Voire orale,
t ® 0.5, 1, jusqu’à 2.5
1.5, 2 et mg 3
2.5 mg fois/jour
Agoniste du récepteur de la
prostacycline (IP)
Selexipa Uptravi® Voire orale,
g 200, 400, jusqu’à
600, 800, 1600 µg 2
1000, fois/jour
1200,
1400 et
1600 µg
La PGI2 est un éicosanoïde produit par l’endothélium, qui exerce ses effets antiagrégant
plaquettaire et vasodilatateur en activant les récepteurs IP plaquettaires et musculaires lisses,
respectivement (Figure 1). L’époprostenol (Flolan®, Vélétri®, ou génériques), chef de file de cette
famille, est un analogue synthétique de la prostacycline endogène.
L’ET-1 agit en activant deux sous-types de récepteurs (ET A et ETB), présents au niveau des
cellules musculaires lisses des artères pulmonaires, mais aussi des fibroblastes, cardiomyocytes et
cellules inflammatoires. Les récepteurs ETB sont également présents au niveau endothélial, où ils
exercent au contraire un effet vasodilatateur en potentialisant la libération de NO et de PGI2.
Le bosentan est un antagoniste compétitif qui se lie avec une forte affinité aux deux récepteurs
de l'ET-1. L’ambrisentan présente en revanche une plus forte affinité pour les récepteurs ETA, ce qui
permet en théorie, par rapport aux inhibiteurs mixtes, de préserver l’effet vasodilatateur lié à
l’activation des récepteurs ETB endothéliaux, tandis qu'à l'inverse le blocage mixte conduit en théorie à
un blocage plus complet des effets délétères de l'ET-1 (Figure 1). Les inhibiteurs sélectifs ET-A n'ont
pas apporté de bénéfice supplémentaire et se sont avérés plus hépatotoxiques.
Inhibiteurs de la PDE-5
L’effet vasodilatateur puissant du NO passe par l’activation de la guanylate cyclase soluble, qui
stimule la production de guanosine monophosphate cyclique (GMPc), lui-même responsable de la
relaxation des muscles lisses vasculaires. Le GMPc est hydrolysé en GMP par des
phosphodiestérases, et notamment la PDE-5. Les inhibiteurs de la PDE-5 sont donc à l’origine d’une
augmentation de la concentration de GMPc, à l’origine d’une augmentation de la vasodilatation
(Figure 1).
Stimulateur de la guanylate cyclase soluble (sGC)
Le riociguat (Adempas) est le premier stimulateur direct de la sGC. Il permet de rétablir la voie
NO-sGC-GMPc par un mode d’action double. Il sensibilise la sGC au NO endogène en stabilisant la
liaison NO-sGC et stimule directement la sGC indépendamment du NO. Il potentialise donc la voie
NO-sGC-GMPc en augmentant la production du GMPc, ce qui induit une vasodilatation ainsi que des
effets antiprolifératifs et antifibrotiques.
Sotatercept, une nouvelle protéine de fusion, lie les activines et les facteurs de différenciation de la
croissance dans le but de rétablir l'équilibre entre les voies de signalisation favorisant la croissance et
inhibant la croissance. Son efficacité vient d'être démontrée.
Figure 1. Mécanisme d’action des médicaments de l’HTAP. Les flèches pleines représentent une activation, les flèches en pointillés une
inhibition. AA : acide arachidonique ; Ach : acétylcholine ; AMPc : adénosine monophosphate cyclique ; Big-ET : big endothéline ; BK :
bradykinine ; COX : cyclo-oxygénase ; CYP : cytochrome P450 ; ECE : enzyme de conversion de l’endothéline ; EETs : acides
époxyéicosatriénoiques ; eNOS : NO synthase endothéliale ; ET-1 : endothéline ; ETA/ETB : récepteurs de l’endothéline A/B ; GCs : guanylate
cyclase soluble ; GMP : guanosine monophosphate : GMPc : GMP cyclique ; IP : récepteur IP ; NO : monoxyde d’azote ; PDE-5 :
phosphodiesterase de type 5 ; PGI2 : prostacycline ; SP : substance P.
Les critères de choix thérapeutiques sont la classe fonctionnelle NYHA, ainsi que le niveau de preuve et de
recommandation :
- classe fonctionnelle NYHA III : certains traitements oraux (ambrisentan, bosentan, sildénafil), l’iloprost
inhalé ou l’époprosténol IV ont le plus haut niveau de preuve chez ces patients (I-A).
- classe fonctionnelle NYHA IV : seul l’époprosténol IV a un haut niveau de preuve (grade A) chez les
patients les plus sévères.
Des traitements dits « combinés » associent deux médicaments ayant des mécanismes d’action différents. Ils
peuvent être proposés d’emblée ou si la réponse à une monothérapie est insuffisante.
Outre son indication dans l’HTAP, le riociguat est le seul médicament actuellement autorisé dans le
traitement de l’hypertension pulmonaire chronique thrombo-embolique pour les patients contre-
indiqués à la chirurgie ou pour lesquels l’hypertension persiste ou réapparaît après le traitement
chirurgical.
Effets à l’origine
Biotransformation et
DCI d’interactions
élimination
médicamenteuses
Prostacycline et analogues de la prostacycline
Epoprostenol T1/2 : 3-6 min
Iloprost T1/2 : 5-25 min
Treprostinil T1/2 : 3-5 h
Antagonistes des récepteurs de l’endothéline
Bosentan Transport - Inducteur
hépatocytaire par CYP2C9 et
OATP1B1 et CYP3A4
OATP1B3 - Inhibiteur de
Biotransformation transporteurs
par CYP2C9 et biliaires (MRP2,
CYP3A4 BSEP)
Ambrisentan Biotransformation
par CYP3A4
principalement
Inhibiteurs de la phosphodiesterase-5
Sildenafil Biotransformation
par CYP3A4 (et
dans une moindre
mesure CYP2C9)
Tadalafil Biotransformation
par CYP3A4
Médicament Contre-indications
- Insuffisance cardiaque congestive due à un dysfonctionnement sévère du ventricule gauche
- Cardiopathie ischémique sévère ou angor instable ; infarctus du myocarde récent (<6 mois)
Prostacycline et
- Arythmies sévères
analogues de la
prostacycline
- Lésions cérébrovasculaires récentes (<3 mois)
Effets indésirables
Effets indésirables communs
Ils sont liés à leur effet pharmacologique principal (effet vasodilatateur). Ils sont, par ordre
décroissant de fréquence, observés avec les analogues de la prostacycline, les inhibiteurs de la PDE-
5 et les antagonistes des récepteurs de l’endothéline. Ils sont dose-dépendants et nécessitent
exceptionnellement une interruption du traitement :
- Les céphalées, parfois très intenses, justifient le recours à un traitement antalgique symptomatique
(paracétamol de préférence, les AINS sont à éviter) ;
- Bouffées vasomotrices, érythème ;
- Hypotension, vertiges.
Les effets indésirables les plus fréquents ou les plus graves de chacune des classes
thérapeutiques sont listés dans le tableau 4. Outre leurs effets indésirables liés à leur puissant effet
vasodilatateur, le profil de toxicité de l’époprosténol et du tréprostinil est marqué par des complications
liées à leur administration parentérale continue.
Surveillance et
DCI Nature des effets
conduite à tenir
Prostacycline et analogues de la prostacycline
- Douleurs de la mâchoire
- Diarrhées, nausées, Traitement symptomatique
vomissements
- Complications au site
d'administration (douleur, L’éducation thérapeutique du
infection, thrombose) patient est essentielle :
Epoprostenol - Dysfonction de la pompe, avec - à la préparation des
risque d’aggravation brutale de perfusions dans des conditions
l’HTAP d’hygiène et d’asepsie
- Œdème pulmonaire : observé satisfaisantes ;
en cas d’atteinte veinulaire - à l’identification des
prédominante (Cf contre- complications
indications)
Treprostinil Douleur au point d’injection Très fréquentes, elles sont
dose-limitantes et peuvent
parfois conduire à un arrêt du
traitement.
Des antalgiques morphiniques,
des anesthésiques locaux ou le
changement de site de
perfusion peuvent être
proposés.
- Douleurs de la mâchoire
- Diarrhées, nausées, Traitement symptomatique
vomissements
Elle est moins grave qu’avec
Dysfonction de la pompe l’époprosténol du fait de la T1/2
plus longue du tréprostinil
Iloprost Toux, bronchospasme
Antagonistes des récepteurs de l’endothéline
- Surveillance mensuelle
ALAT/ASAT :
Hépatotoxicité : élévation dose- . Si >3 et <5 LSN, surveillance
dépendante des étroite
aminotransférases hépatiques, . Si >5 et <8 LSN, suspendre le
surtout rencontrée avec le traitement (réintroduction
Bosentan & bosentan (mais cas décrits sous possible)
ambrisentan ambrisentan) . Si >8 LSN ou signes cliniques
évocateurs d’hépatotoxicité,
arrêt définitif
Surveillance mensuelle de
Anémie (dose-dépendante, dans
l’hémoglobine en début de
les 4 à 12 premières semaines)
traitement
Œdèmes des membres inférieurs Traitement diurétique
Inhibiteurs de la phosphodiesterase-5
Vision trouble, baisse de l’acuité
visuelle NOIAN, occlusion Arrêt du traitement
vasculaire rétinienne
Sildenafil & Vertiges, acouphènes, voire
tadalafil surdité brutale (rare)
- Dyspepsies, diarrhées
- Myalgies, douleurs dorsales, Traitement symptomatique
douleurs des membres
Tableau 4. Effets indésirables des médicaments de l’HTAP. LSN : Limite supérieure des valeurs
normales
Inhibiteurs de la PDE-5
Une interaction pharmacodynamique avec les dérivés nitrés et les « donneurs de NO » (par
exemple la molsidomine) contre-indique la co-administration des inhibiteurs de la PDE-5 avec ces
médicaments, du fait de la potentialisation de l’effet vasodilatateur.
Le sildénafil est majoritairement éliminé après biotransformation par le CYP3A4. Par conséquent, les
inhibiteurs du CYP3A4 diminuent la clairance du sildénafil, alors que les inducteurs enzymatiques
l’augmentent :
- La co-administration de ritonavir augmente l’AUC du sildénafil (x 11) et est contre-indiquée ; par
extension les inhibiteurs puissants du CYP3A4 sont contre-indiqués. Les inhibiteurs modérés peuvent être
utilisés mais requièrent une baisse de la posologie à 20 mg x 1 ou 2 /j selon les médicaments.
- La co-administration de sildénafil et d’inducteurs enzymatiques (bosentan, carbamazépine, phénytoïne,
millepertuis, rifampicine) diminue la concentration plasmatique de sildénafil.