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Les éléments sociaux : satyre

; Les avocats : satire II /


Alfred Lacour

Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France


Lacour, Alfred. Auteur du texte. Les éléments sociaux : satyre ;
Les avocats : satire II / Alfred Lacour. 1871.

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LES ÉLÉMENTSSOCIAUX

SATYRE

Parmi tous les plaisirs, qu'on peut se procurer,


Celui que je préfère, est celui d'observer
Pour démêler le vrai du faux dans la nature,
Et savoir distinguer où règne l'imposture.
Qui goûte ce plaisir, trouverait le bonheur,
;
S'il ne voyait que tout est sujet à l'erreur
Le moindre fait surpris, peut nous servir d'étude,
Nous retrouvons Clara sous un masque de prude,
Notre garçon coiffeur sous l'habit d'un rentier,
;
Parlant en avocat bien plus qu'en perruquier
Jeanne près du fourneau, me parle politique,
Et l'épicier du coin négligeant sa boutique,

1871
©
Va juger au Palais les meilleurs avocats,
Blâmant tous leurs discours et les traitant de plats,
Tout étonné, dit-il, qu'à l'époque où nous sommes,
On puisse en un Palais, entendre de tels hommes.
Ici, c'est un commis à trente francs par mois,
Qui se croit un grand homme et veut dicter des lois,
De tout fait accompli, se rend juge suprême,
Ne reconnaît de bien nul autre que lui-même,
Juge nos généraux, fait marcher nos soldats.,
Nous promettant alors de brillants résultats;
Là, c'est un paysan dont les poings sont solides,
Et l'estomac rempli de différents liquides,
Jetant sur ses voisins un regard de dédain,
Prêt à laisser sur eux, tomber sa large main,
Convaincu que l'esprit consiste à frapper juste,
Et que l'on est qu'un sot, quand on n'est pas robuste;
Plus loin, c'est un vieillard commerçant enrichi
En volant ses chalants, dans l'usure blanchi,
Pour lui rien de sacré si ce n'est la richesse,
Il massacre en esprit qui vit dans la détresse.
Je ne finirais pas, si je voulais citer
Tous genres d'éléments: je saurai m'arrêter
Vous priant d'excuser tout d'abord ma critique.
Je crois dans ce café, qu'on parle politique,
Entrez donc avec moi, prenons place en un coin,
Que de gens on devrait nourrir avec du foin!
Mais voici le patron, sa face est rubiconde,
Il parait très-heureux de se trouver au monde!
Quelle tête, bon dieu! cet homme doit aimer
Raconter, bavarder, politiquer, rimer;
Comme il est rasé fin! Aussi mainte fillette,
En passant près de lui, fait un peu la coquette,
Le regarde dans l'œil, d'un petit air boudeur
Qui lui dit: Je t'adore, et tu fais mon bonheur.
Il s'avance vers nous: « Bonjour, mon cher poëte,
,. A-t-on
bonne santé?» « J'ai bien mal à la tête,
»
-
L'acrostiche abrutit" Vo-ons ce n'est pas mal,
» Toujours de vos
écrits, chacun fit son régal. »
« J'ai quelque peu de goût, car c'est là mon affaire,

On naît poëte enfin, comme l'on naît notaire; ,.-
Mais chut! Ecoutons bien, Voyez près du comptoir,
Ce monsieur qui paraît chercher un démêloir
Pour pouvoir s'exprimer : « J'adore ma patrie,
»
Comprenez moi donc tous, etjugez, je vous prie :
»
Il faut que tout français mette tout en commun,
»
Désormais le peuple ne formera plus qu'un,
»
Le riche a fait son temps, qu'il rende avec usure,
»
Que l'égalité règne et cela sans mesure. »
Son discours est fini, le silence est complet,

-
:
Que répondre à quelqu'un qui vous parle aussi net!
Cependant une voix » Quoi! partager ma caisse!"
- « Vous plaisantez, je crois, souffrez que je vous laisse
» Sur ce raisonnement, "reprend en ricanant,
Un vieux républicain avant tout commerçant,
«
Corbleu je le veux bien, Vive la république!
» Mais donner notre argent, vous êtes trop comique

« Ils sont charmants tous trois, me dit un professeur,


! »

» En quel temps vivons-nous, ma parole d'honneur!


» Sénèque méprisait justement la richesse,
»
Mais maintenant, c'est tout; qu'importe la sagesse!
» Aussi moi qui n'ai rien, je préfère fumer,

» Chanter, boire et danser plutôt queprocréer,

•>
Car faire des enfants, ce n'est qu'une sottise,
» Un résultat forcé d'une affreuse méprise. »
Parmi tous ces causeurs, je me trouvais assis,
J'écoutais et croyais ne point avoir compris;
Pourquoi donc tous ces mots qui ne veulent rien dire?
D'autres un peu plus loin, s'acharnaient à médire.
Je pris tout doucement, ma canne et mon chapeau,
Et sortis en songeant que l'homme n'est pas beau,
Que tout examiné, c'est une triste bête,
Si l'on veut le toiser des pteds jusqu'à la tête,
Car on ne voit que fous et gens sans jugement
Prouvant à chaque mot, leur déraisonnement;
Ces gens là sont des sots, mais c'est aussi le monde,
Le monde presque entier, pauvre machine ronde!
?
Qui t'a donc faite ainsi Je croirais que les dieux
;
Ont voulu propager la sottise en tous lieux
?
Voulez-vous un conseil Vivez en solitude,
Le temps vous sera long, livrez-vous à l'étude,

ALFHED LACOUR.
LES AVOCATS

Si je ne craignais point d'être trop téméraire,


Peut-être qu'en deux mots je dirais mon affaire,
Le cas étant douteux, je préfère conter
Et ne jamais rien dire à moins de le prouver.
Qu'est-ce qu'un avocat? C'est une manivelle
Qui mise en mouvement, fait comme une crécelle
Un effroyable bruit, entasse mots sur mots
Composant un discours, à l'usage des sots.
Le plus humble avocat, d'un mot fait une page,
Mais peut en faire deux, s'il connaît son langage,
Doit montrer an public, comme dans un miroir,
Et que le noir est blanc, et que le rouge est noir,
Puis avec un ami, de peur qu'on le confonde
Plonger ses auditeurs dans une nuit profonde.
Mais le grand avocat, l'avocat de talent
Arrive à tout cela, par degrés, lentement;
Aux juges endormis, racontant son histoire
Il sait les réveiller pour sa plus grande gloire
Quand son discours arrive à la péroraison,
Et malgré tous ses torts, prouver qu'il a raison.
Quoiqu'ait fait son client, il nous met à sa place,
Il réclame son droit, et ne veut pas de grâce.

Vous avez lu parfois, des récits émouvants


Dans Ponson du Terrail, des crimes de brigands
Qui sans peur ni respect, dévalisent les hommes,
Les abattant d'un coup, comme on abat des pommes,
Mais tout cela n'est rien, car pas un avocat
Ne lira sans pitié, les crimes d'un forçat
De notre auteur chéri. Parbleu, la belle affaire!
Assassiner quelqu'un, forcer un secrétaire,
Il faut bien l'avouer, Ponson, tu ne dis rien,
Ton plus grand scélérat, n'est qu'un homme de bien ;
Tu crois nous étonner, quand l'un des personnages
Qui nous sont présentés, s'éloigne des gens sages
Par un crime odieux, nous avons vu cent fois
De très-grands avocats faire mentir les lois
Sans voir intervenir ce qu'on nomme justice
,
Ce mythe qu'on pressent, sans en trouver l'indice,
Qui pourrait bien, je crois, comme la vérité
Dans un puits très- profond cacher sa nudité;
L'honnête homme la cherche et le pauvre l'espère,
Mais le vrai philosophe attend une autre sphère
Convaincu qu'ici bas, nous avons mille mots
Ne représentant rien qu'une amorce de sots.
Mais laissons tout cela, laissons les préambules,
Employons le savon, sans en faire des bulles;
Je ne vous ai cité que l'homme du métier
Qui commence d'abord par être bachelier,

;
Puis marchant doucement de diplôme en diplôme,
De l'abrutissement, indique le symptôme
Alors il peut parler, et faire des discours,
Les examens passés, on l'écoute toujours.
!
Eh bien ce n'est pas tout, il a sa parodie !
?
Auriez vous soupçonné pareille comédie
On voit des gens jaloux, qui n'ayant rien appris
Veulent bien mieux parler, et avoir mieux compris,
;
Et ces avocats-là, c'est bien la pire espèce
Je veux traiter des deux dans ma petite pièce
Et les réunissant sous un nom général

:
Je les assigne tous devant mon tribunal.
Avocats, avancez Si l'on vous fait injure,
Sachez prouver au moins que c'est une imposture.

Si la France un moment a paru s'abîmer,


C'est que trop d'avocat voulurent s'affirmer.
Chacun pensait créer une petite page 1 y,JI

En aucun temps, je crois, tel abus deJarie

!
Ne devint si flagrant. Comme des champignons
Les avocats poussaient Autant de lumignons
Pour éclairer la France, et faire sa fortune;
Le café, le trottoir, tout servait de tribune.
Personne n'ignorait, chacun voulait prouver,
On n'avait plus qu'un but, de se faire écouter.
L'ennemi moins causeur avançait avec ordre,
Accourant parmi nous, y jetait le désordre,
Mais on causait toujours, on faisait des caquets,
On entendait japper des milliers de roquets.
On vaincra, disait-on, notre belle patrie
Ne peut en aucun temps demeurer asservie,
On chantait, on criait: !
vive la liberté
Et l'on était vaincu parla duplicité;
Pourtant les avocats promettaient la victoire,
Rappelaient nos combats et notre antique gloire,
Et tous leurs mots ronflants nous faisaient espérer
A tel point qu'aucun fait ne put désabuser.
Il fallut voir enfin la France toute nue
Pour savoir qu'elle était complétement vaincue !
Cependant la dépêche annonçait des combats
Où l'ennemi perdait jusqu'à quinze soldats.

Je n'en dirai pas plus, je n'aime pas les phrases,


Je veux être compris sans que les périphrases
Conduisent mon récit par cent mille détoura.
Messieurs les avocats, reprenez vos discours.

28 aoin 1871.

Alfred LACOUR.

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