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Introduction

À l’ère de la démocratie représentative moderne, les campagnes électorales


constituent de véritables rituels de la vie sociale, ainsi le paysage politique
français n’a pas cessé de se réinventer régulièrement aux cours de ces dernières
années.
Dans un contexte plutôt agité entre la crise migratoire en Europe, des
questionnements sur le devenir de l’union européenne et une montée des
incertitudes géopolitiques due à des attentats terroristes islamistes, un
nouveau mouvement politique est apparu, sous le nom de « La république en
marche ».
Lancé le 06 avril 2016 par Emmanuel Macron, qui finit par remporter les
élections présidentielles le 07 mai 2017. Son dernier discours précédant son
élection fait l’objet de notre analyse et constitue notre corpus.
Le discours politique représente le lieu où se rassemblent les politiciens et les
citoyens pour tenter de définir et redéfinir la situation sociale, économique et
politique de leur pays.
Ce type de discours n’a pas de sens hors de l’action. En effet, le but de l’homme
politique est d’agir sur l’auditoire, l’influencer et l’amener à adhérer à son
idéologie politique. Pour ce faire, il adopte des techniques et des stratégies
argumentatives, qui visent à faire faire, à faire dire ou à faire penser le sujet
visé en le mettant dans une relation de soumission à la position du sujet
communiquant1.
Dans le cas du discours que nous analyserons, nous soulignons la présence
d’une grande part de procédés persuasifs et rhétoriques qui s’inscrivent dans la
dimension argumentative du discours de Macron.
Nous constatons également différentes stratégies discursives, car lorsqu’un
énonciateur cherche à persuader son destinataire, il met en place des
opérations linguistiques orientées dans une perspective argumentative qui
laisseront des marques tangibles dans son énonciation2.

Chapitre I : Méthodologie et cadrage théorique

1. Problématique

Cette recherche a pour objectif d’analyser le discours politique à travers sa


perspective actionnelle. En se basant sur une approche pragmatique et en
prenant en considération le contexte d’énonciation dans lequel est inscrit le
discours, nous tenterons de répondre aux questions suivantes :

 -Quels sont les procédés persuasifs et rhétoriques auxquels a eu recours


Emmanuel Macron dans son dernier discours avant son élection pour
persuader ses auditeurs ?
 – Quelles sont les stratégies discursives utilisées par Macron pour faire
adhérer ses sympathisants à son idéologie politique ?
 -Qu’est ce qui caractérise le discours de Macron ? Le confond ou le
distingue des discours d’autres présidents français ?
Afin de pouvoir apporter des réponses à nos interrogations, nous nous
baserons sur les hypothèses suivantes :

 – Le discours politique est axé sur une perspective actionnelle, c’est


autour de cette action qu’il exerce son pouvoir sur les autres afin qu’ils y
adhèrent.
 -La rhétorique représente une mise en scène du discours politique.
 -Les stratégies discursives réfèrent aux choix langagiers dans une
énonciation pour persuader.
2. La démarche méthodologique

Dans notre travail de recherche, nous adopterons une démarche pragmatique


basée sur la théorie des actes de langage d’Austin présentée dans son ouvrage «
Quand dire, c’est faire » (1970), qui considère que le langage ne sert pas
uniquement à décrire le monde mais plutôt à agir sur celui-ci.
De ce fait, nous essayerons de dégager la visée argumentative de l’énonciateur
à travers les procédés persuasifs et rhétoriques ainsi que les stratégies
discursives qu’il a employés dans son discours pour faire adhérer son
auditoire.
Cette analyse pragmatique du discours ne peut se réaliser sans tenir compte de
la situation d’énonciation, qui permet d’étudier le langage dans des situations
concrètes. Comme l’explique D. Maingueneau : « Une énonciation politique,
par exemple, implique un citoyen s’adressant à des citoyens […] elle définit le
statut des partenaires et un certain cadre spatio-temporel » (2007: 61).
Ainsi, nous avons subdivisé notre travail en deux chapitres :
Le premier chapitre nous l’avons consacré à la définition des notions de base
ainsi qu’à la présentation des différentes théories rhétoriques et
argumentatives du discours politique.
Le deuxième chapitre est réservé à l’analyse du corpus, par l’identification des
procédés rhétoriques/persuasifs et des stratégies discursives et leur
interprétation. Ainsi que les caractéristiques du discours de Macron.

3. Choix et motivations

Notre choix s’est d’abord porté sur une analyse pragmatique du discours, qui
implique l’analyse d’une matérialité linguistique, c’est-à-dire les formes
d’organisation lexico- sémantiques et syntaxiques de séquences discursives
données. Dans le but de mieux saisir notre objet d’étude qui est l’utilisation de
la langue.
Nous avons pris aussi en considération un autre paramètre, le domaine
politique, car s’intéresser à la politique, c’est jeter un œil sur le monde actuel.
Il faut dire que la politique est présente dans nos sociétés modernes à travers
tous ces médias qui contribuent à édifier l’espace public et qui diffusent plus
ou moins explicitement leurs tendances idéologiques et leurs programmations
sociales. Ceci dit, qu’on le veuille ou non, on est tous impliqués dans le
domaine politique, ne serait-ce parce que c’est à ce niveau là que se dressent
les sphères sociales et économiques qui représentent les piliers de tous les
pays.
Choisir le discours politique comme corpus, c’est avant tout le considérer
comme pesé et réfléchi par son orateur, avec un lexique soigneusement choisi
et assumé par l’homme politique.
Enfin notre choix s’est porté sur un discours d’Emmanuel Macron, un intérêt
personnel sur l’homme, ce personnage qui se présentait comme porteur de la
voix de la jeunesse et du changement. En particulier son dernier discours avant
son élection, qui est très décisif pour sa victoire.

4. Description du corpus

Il s’agit du discours « Albi », le dernier meeting avant le second tour


qu’Emmanuel Macron a tenu le 04 mai 2017. En plein air à la place du Vigan
dans la commune d’Albi, face à 4000 personnes réunies sur place.
Macron choisit d’adresser son dernier discours à Albi (Tarn), en hommage à
Jean Jaurès qui a également été élu dans cette ville et qu’il cite d’ailleurs dans
son ultime discours de campagne pour adresser un message à la jeunesse.
Nous avons recueilli le discours retranscris du site officiel du parti politique «
la république en marche » : [https://en-marche.fr/ ]. Afin de mener à bien
notre analyse pragmatique qui nécessite le support écrit de ce discours et qui
comporte 7 pages, rédigé avec la police Arial MT/ taille 12.

5. Discours : production orale et discours politique

5.1. Le discours politique

Le discours politique représente une communication publique tenue par des


professionnels de la politique qui ciblent un auditoire précis. Cette parole
politique qui s’inscrit dans une pratique discursive et sociale recouvre les
stratégies énonciatives auxquelles le locuteur aura recours dans son discours
pour atteindre sa visée communicative.
Dans l’antiquité, le discours politique est appelé « discours délibératif », qui
représente l’un des trois genres répertoriés de la rhétorique ancienne. « Chez
Aristote, le discours délibératif, destiné à réguler la vie de la Cité, est au centre
du dispositif rhétorique.
Fondé sur l’exhortation et la dissuasion, il vise l’avenir en termes d’avantages
et d’inconvénients. C’est en des termes similaires qu’on définit aujourd’hui la
communication politique qui, en régime démocratique, tente de faire adhérer
les destinataires aux choix politiques qui leur sont proposés » (Gerstlé,
2008 :79).
Ce genre de discours s’adresse à une assemblée publique pour la persuader ou
la dissuader à accomplir une action concernant l’ensemble de la société. Ce
faisant, le discours politique est le lieu où s’exerce l’action des politiciens sur
l’auditoire. Ils utilisent ce moyen de communication pour transmettre leurs
idéologies ainsi que leurs intentions à produire un effet sur l’auditoire.
5.2. Analyse du discours

Les recherches en analyse du discours s’inscrivent dans le domaine des


sciences humaines et sociales ainsi que les sciences du langage. Cette étude
interdisciplinaire est née vers les années 50 suite à la publication de Zellig
Harris d’un article intitulé « Discourse analysis » (1952), qui propose une
méthode d’analyse dépassant le cadre de la phrase, c’est- à-dire l’analyse
d’énoncé.
L’analyse du discours fut le produit d’un long processus d’études.
Effectivement, plusieurs linguistes se sont consacrés à la recherche de la
fonction du langage dans une communication, à l’instar de Chomsky qui publie
un livre intitulé « Structure syntaxique » (1957), où il affirme que le langage
humain vient d’une capacité innée3.
Quant à Benveniste, il s’est intéressé à l’énonciation dans le discours qu’il
définit comme : « l’acte individuel par lequel un locuteur met en
fonctionnement le système de la langue ; “la conversion de la langue en
discours” » (1970 : 12-13).
D’autres linguistes se sont interrogés sur l’argumentation dans le discours à
l’exemple de Ruth Amossy, qui dans son ouvrage « L’argumentation dans le
discours », affirme que : « le discours argumentatif vise un auditoire et son
déploiement ne peut se comprendre en- dehors d’un rapport d’interlocution »
(2000 : 31).
Citons également Austin qui a adopté la théorie des actes du langage dans son
ouvrage (« Quand dire, c’est faire » (1970), dont la méthode représente le point
d’appui de notre recherche, qui considère que le langage ne représente pas
seulement une description du monde mais plutôt une action sur celui-ci

5.3. Approche pragmatique

La pragmatique est une discipline récente de la linguistique qui a émergé vers


les années 60 dont le terme est attribué à Charles Morris, qui la définit comme
suit :
» La pragmatique est cette partie de la sémiotique qui traite du rapport entre
les signes et les usagers des signes » (1938)4. Elle devient par la suite une
composante importante pour les linguistes qui s’accordent à la définir comme
l’étude de l’utilisation du langage.
Chaque discipline étudie le discours à partir de son propre cadre d’analyse,
dans le cas de la pragmatique, elle s’intéresse à l’utilisation du langage dans
une situation de communication telle que l’argumentation, l’implicite, ou les
actes du langage, etc.
L’analyse pragmatique est rattachée à l’énonciation, que Benveniste définit
comme suit : « L’énonciation est cette mise en fonctionnement de la langue par
un acte individuel d’utilisation » (1974 : 80).
A côté de cela, on retrouve également les travaux de Kerbrat-Orecchioni dans
son ouvrage « L’énonciation de la subjectivité dans le langage », qui affirme
qu’il s’agit de : « la recherche des procédés linguistiques (shifters,
modalisateurs, termes évaluatifs, etc.) par lesquels le locuteur imprime sa
marque à l’énoncé, s’inscrit dans le message (implicitement ou explicitement)
et se situe par rapport à lui (problème de la “distance énonciative”) » (1980 :
36).

5.4. Les actes de langage :

La théorie des actes de langage s’est développée à partir des travaux d’Austin,
qui remet en cause la conception descriptive du langage et défend l’idée que le
langage permet également d’accomplir des actions.
Le philosophe anglais John Austin était insatisfait du manque de clarté des
philosophes sur le fonctionnement du langage. Dans son ouvrage « Quand dire
c’est faire » (1970) où il réunit douze conférences prononcées à Harvard en
1955, distingue entre l’énoncé constatif et l’énoncé performatif.
« L’énoncé performatif se distingue de l’énoncé constatif (ou descriptif) en ce
que

a) Il ne peut être évalué en termes de vérité ou fausseté, mais en termes


de bonheur ou malheur ;
 b) Il ne relève pas de l’activité du dire, mais du faire (il réalise une
action) ;
 c) La réalisation de l’action en question est fonction de l’énonciation
(l’action est donc produite par le fait de dire) » (Moeschler, 1985, p 26).
Exemples :

 a- La fleure est rouge.


 b- La séance est levée
A est un énoncé constatif car il décrit un élément La fleur par sa couleur. B est
un énoncé performatif parce qu’il s’agit d’accomplir une action
Selon Austin, la performativité : « désigne le fait pour un élément linguistique
de constituer lui-même l’action qu’il décrit lors de son énonciation » (1970 :
40).
Lorsqu’un locuteur s’adresse à son interlocuteur, il produit un effet sur lui, il
peut ou pas dans ce cas-là le conduire à réaliser des actions selon le contexte
d’énonciation. Mais encore cela dépend de la réception du message, car le
destinataire peut comprendre ou pas l’intention du locuteur et ainsi
l’interpréter de plusieurs façons.
Prenons l’exemple-type de ce fait5 :

a- Il pleut

Le locuteur parle du faite qu’il pleuve, mais aussi il peut vouloir inciter
implicitement à accomplir des actions. Dans ce cas-là, le destinataire peut faire
différentes interprétations de cet énoncé en rapport à l’intention de
l’énonciateur :

 – Il serait préférable de ne pas sortir


 – Sortez couvert !
 – Prenez avec vous un parapluie
Austin remarque qu’un simple énoncé constatif « Il pleut », peut conduire à
réaliser des actions, et il s’est rendu compte par la suite que la distinction entre
les énoncés constatifs et performatifs n’était plus aussi évidente.
Car des constatifs peuvent devenir des performatifs implicites. Alors il
abandonne cette opposition d’énoncés et propose une nouvelle théorie
générale en faisant une taxonomie des actes du langage en distinguant trois
catégories d’actes de langage : l’acte locutoire, illocutoire et perlocutoire.
« La notion d’acte illocutoire décrit l’actes réalisé en disant quelque chose (…)
L’acte locutoire consiste simultanément en l’acte de prononcer certains sons
(acte phonétique), certains mots et suites grammaticales (acte phatique) et
enfin certaines expressions pourvues d’un sens et d’une référence (acte
rhétique). De son côté, l’acte perlocutoire consiste en la production de certains
effets sur l’auditoire. » (Moeschler, 1985, p 28-29).
Lors de notre étude, nous nous intéresserons davantage aux actes illocutoires,
qui nous informent sur les actes de parole réalisés par Macron lors de son
discours.
Les actes de langage s’inscrivent dans le discours politique, en effet puisqu’il
s’agit d’un discours à la fois argumentatif et performatif dont l’objectif est de
faire agir le destinataire, donc celui qui adresse le discours choisis ses mots en
fonction des actions qu’il souhaiterait faire faire à son auditoire de manière
explicite ou bien implicite. Néanmoins ces actes de langage sont conditionnés
par un environnement social, qui inscrit l’énonciateur et le co-énonciateur
dans la situation de communication. Effectivement Austin précise que :
« Nous voyons de plus en plus clairement que les circonstances d’une
énonciation jouent un rôle très important et que les mots doivent être «
expliqués » pour une bonne part, par le « contexte », où ils sont destinés à
entrer ou dans lequel ils sont prononcés, de fait, au cours de l’échange
linguistique » (1970 : 113).
On interprète les actes de langage à partir des énoncés qui ont un enjeu dans
l’énonciation. Dans le discours politique, il s’agit des énoncés qui ont une
activité illocutoire, que Ducrot définit comme « L’ensemble des actes qui
s’accomplissent immédiatement et spécifiquement par l’exercice de la parole »
6 (DNPD7, p 36).
Cette énonciation est conditionnée par des éléments du contexte qui
permettent de déterminer le locuteur et le destinataire, le lieu de l’énonciation
ainsi que la visée énonciative.

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