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INTRODUCTION

Une requête du gouvernement de la République Démocratique du Congo, signée le 1 er


février 2024 par le Premier ministre Jean-Michel SAMA LUKONDE KYENGE et enrôlée
sous la référence Rconst 2139, a été déposée à la Cour constitutionnelle. Ainsi, la Haute Cour
était saisie pour interpréter l’article 110, alinéas 2 et 3 de la constitution de la République.

Craignant le risque d’incompatibilité auquel ils sont exposés dès la validation de leur
mandat par l’Assemblée nationale, et le vide institutionnel que créerait leur départ, Jean-
Michel SAMA LUKONDE KYENGE a recouru à la Haute cour.

Selon lui, « ils ne peuvent pas cumuler les fonctions de député et de ministre. Les secrétaires
généraux ou les ministres qui ne sont pas députés peuvent assurer l’intérim de leurs collègues.
C’est comme ça. Pour que les activités reviennent, il faut attendre le nouveau gouvernement.
C’est clair. Je ne vois pas de conséquences vraiment de leur départ. Surtout que beaucoup
d’entre eux étaient de très mauvais gestionnaires ».

Mais cette dernière a jugé la requête non fondée. Ce que salue l’Observatoire de la
dépense publique, l’Odep, dont Florimond MUTEBA est le président.
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ARRÊT CONSTITUTIONNEL

La Cour constitutionnelle de la République Démocratique du Congo a rejeté la requête


introduite par le Premier ministre, Jean-Michel SAMA LUKONDE au nom des membres à
propos du cumul des fonctions.

La Haute Cour siégeant en matière d’interprétation de la constitution estime que le cul


des fonctions ministérielle et législative est contraire à la loi fondamentale qui régit le mode
d’exercice des fonctions au sein de l’appareil étatiques.

La Cour constitutionnelle pense que la disposition de l’article 110 alinéas 2 et 3 de la


Constitution s’applique aux responsables publics dont les fonctions incompatibles surviennent
après la validation de leurs pouvoirs.

En conséquence, une fois que leurs pouvoirs seront validés, ils devront démissionner
du gouvernement ou d’autres fonctions pour laisser la place à des intérimaires, conformément
à la loi et aux textes réglementaires en vigueur en RDC.

Décision : “ La Cour constitutionnelle, siégeant en matière d’interprétation de la


constitution, après avoir entendu l’avis du procureur général, se déclare compétente, déclare
la requête recevable, dit que l’article 110, alinéas 2 et 3 de la constitution s’applique aux
responsables publics dont les fonctions incompatibles surviennent après la validation de leurs
pouvoirs, tandis qu’en cas d’intérim, la question relève du droit d’option entre l’exercice des
fonctions incompatibles et la renonciation à leur mandat électif ou inversement. En
conséquence, la Cour déclare que les membres du gouvernement, des cabinets ministériels et
du Secrétariat général du gouvernement, nouvellement élus députés nationaux, sénateurs,
députés provinciaux, conseillers communaux des secteurs ou des chefferies, et qui optent pour
leur mandat électif perdent d’office et immédiatement leurs fonctions incompatibles, et leur
intérim doit être assuré de droit conformément à la constitution, aux lois et règlements de la
République ”, indique l’arrêt de la Cour lu par son président Dieudonné KAMULETA
BADIBANGA lors de l’audience tenue jeudi 8 février 2024 dans la Salle Marcel Lihau de la
Cour de Cassation.

Commentaire : Après l’installation du bureau d’âge de l’Assemblée nationale, la prochaine


étape ou mission de ce bureau d’âge sera la validation des pouvoirs des nouveaux députés
nationaux. C’est à ce moment que les ministres ou autres personnalités occupant des charges
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publiques devront faire le choix, conformément aux dispositions de l’article 19 du règlement


intérieur de l’Assemblée nationale.

L’article 19 dispose : “ le député qui fait l’objet de l’une des incompatibilités prévues à
l’article 122 du présent Règlement intérieur opte, dans les huit jours suivant la validation des
pouvoirs, entre son mandat de député et les autres fonctions qu’il exerce. S’il opte pour le
mandat de député, il en avise, par lettre, dans le même délai, le Président de l’Assemblée
nationale. À défaut de se prononcer dans le délai fixé, il est présumé avoir renoncé à son
mandat de député ”.

Rappelons que le premier ministre Jean-Michel SAMA LUKONDE KYENGE a


motivé sa requête tout en rappelant que sur 60 membres qui composent le gouvernement, 51
ont usé de leurs droits d’éligibilité reconnus à tout Congolais par l’article 5 alinéa 5 de la
constitution parmi lesquels 31 ont été élus députés nationaux dont le premier ministre, le
VPM, ministre de l’Intérieur, sécurité et Affaires Coutumières, le VPM, ministre des Affaires
Étrangères et Francophonie, le VPM, ministre de la fonction publique, modernisation de
l’administration et de l’innovation du service public, le ministre d’État, ministre du Budget et
le ministre des Finances pour ne citer que ceux qui gèrent les secteurs clés de souveraineté et
de l’économie nationale.

Des membres du gouvernement élus députés

31 des 60 membres du gouvernement, dont le Premier ministre, ont été élus députés
nationaux. Parmi eux figurent notamment Peter KAZADI, vice-premier ministre de
l’Intérieur, Christophe LUTUNDULA, vice-premier ministre, Ministre des Affaires étrangères
et de la Coopération internationale, Jean-Pierre LIHAU, vice-premier ministre chargé de la
Fonction publique, de la modernisation de l’administration et initiation de service public ,
Aimé BOJI, ministre d’État, ministre du Budget , et Nicolas KAZADI, ministre des Finances.

Alerte sur le cumul des fonctions

Par sa requête, Jean-Michel SAMA LUKONDE KYENGE soulève la problématique


de l'incompatibilité entre les fonctions au sein du gouvernement et les mandats électifs.

La Haute Cour dit non au cumul. Elle a évoqué l'article 110 de la Constitution du 18
février 2006 qui serait mal interprété. Cet article dispose que lorsqu'un député national ou
sénateur est nommé à une fonction incompatible, il y a suspension de ses fonctions de député
et il va les reprendre après cessation de cette fonction incompatible.
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Dans le cas sous examen, la Cour Constitutionnelle a affirmé qu'il y a incompatibilité


entre les deux fonctions et a demandé aux membres du gouvernement, aux gouverneurs et
mandataires élus députés nationaux de faire un choix dans les huit jours entre leurs fonctions
et l'hémicycle du palais du peuple. Au cas contraire, ils perdront leurs mandats électifs.

Pour étayer sa position, la Cour a aussi évoqué la loi électorale telle que modifiée et
complétée à ces jours, en son article 77, qui dispose qu'un élu exerçant une fonction
incompatible doit opter pour l'une des fonctions dans les huit jours, mais aussi l'article 17 du
règlement intérieur de l'assemblée nationale qui est claire sur cette question.

La Cour Constitutionnelle a par ailleurs argué que les membres du gouvernement élus
députés nationaux ne peuvent évoquer la continuité de l'État pour se cramponner au pouvoir et
que seul le président de la République assure la continuité de l'État.

La société civile avait déjà alerté sur le cumul des fonctions, comme l’explique
Dieudonné MUSHAGALUSA, coordonnateur du panel des experts de la société civile.

Il estime que « la loi elle-même prévoit qu’il y a incompatibilité entre la fonction d’un
élu et le mandat public de l’Etat. Mais également, c’est malsain de trouver quelqu’un qui est
ministre, en même temps député national et député provincial, puis il veut être sénateur et puis
gouverneur. La société civile avait déjà dénoncé cela et nous avons toujours recommandé que
ceux qui ont été proclamés élus restent avec un seul mandat. ».
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CONCLUSION

Le Premier Ministre, Jean-Michel SAMA LUKONDE, n’a pas obtenu gain de cause
dans sa requête introduite à la Cour Constitutionnelle concernant le cumul des fonctions.

En effet, dans son verdict du jeudi 8 février 2024, la Haute Cour dans son
interprétation de certaines dispositions de la Constitution, a jugé incompatible le mandat de
député à celui d’un membre du Gouvernement.

Cette décision de la Cour constitutionnelle a suscité de vives réactions, certains y


voyant une limitation des droits des ministres élus. Cependant, il convient de rappeler que la
Cour constitutionnelle est l’instance chargée d’interpréter la Constitution et de veiller à son
respect. Sa décision, bien que contestée, doit être respectée et acceptée.

Ainsi, les membres du gouvernement actuel devront faire face à la problématique de


l’incompatibilité de fonction et devront prendre des décisions en fonction de leur situation
personnelle. Certains pourraient choisir de démissionner de leur poste de député afin de se
consacrer pleinement à leur fonction gouvernementale, tandis que d’autres pourraient faire le
choix de continuer à exercer ces deux fonctions simultanément.

Ce rejet de la requête du premier ministre souligne l’importance de la clarté et de la


précision des dispositions constitutionnelles concernant les incompatibilités de fonction. Il
revient désormais au législateur de clarifier ces dispositions afin d’éviter toute confusion à
l’avenir.

En conclusion, la requête du premier ministre Jean-Michel SAMA LUKONDE


KYENGE en interprétation de l’article 110 alinéas 2 et 3 de la Constitution a été rejetée par la
Cour constitutionnelle. Cette décision a des conséquences sur les membres du gouvernement
actuel qui devront faire face à la problématique de l’incompatibilité de fonction. C’est ainsi
que nous suggérons au législateur de clarifier les dispositions constitutionnelles afin d’éviter
toute confusion à l’avenir.

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