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Du 13/10/2020 N° RG : 20/00167
RAPPORT D’EXPERTISE
30 décembre 2021
1 Introduction .................................................................................................. 5
14 Conclusions .............................................................................................. 36
16 Annexes ................................................................................................... 49
1 Introduction
Ce projet de rapport constitue la synthèse des informations reçues oralement, de celles
communiquées et contenues dans les pièces présentées à ce jour. Les documents qui
m’ont été présentés sont réputés contradictoires. L’ensemble des pièces transmises
par les parties est rappelé en Annexe 1.
2 Rappel de ma mission
- Convoquer et entendre les parties, assistées, le cas échéant, de leurs conseils,
et recueillir leurs observations à l'occasion de l'exécution des opérations ou de
la tenue des réunions d'expertise.
- Relever et décrire les défauts tels que dénoncés dans l'acte introductif
d'instance ; dire s'ils rendent le navire litigieux impropre à l'usage auquel il est
destiné.
- Déterminer les causes des défauts allégués et dire s'ils étaient apparents lors
de l'acquisition du navire ou s'ils sont apparus postérieurement ; dans le premier
cas, indiquer s'ils pouvaient être décelés par l'acquéreur ; dans le second cas,
dire s'ils trouvent leur origine dans une cause antérieure à l'acquisition.
DATE OBJET
Entre 2016 et 2018, le bateau est exploité en location en France et aux Antilles. Il est
rapporté par Monsieur LAWSON que le bateau aurait touché un banc de sable en 2017
aux Antilles alors qu’il était exploité en location par ALTERNATIVE SAILING.
En 2018, Monsieur LAWSON achemine son bateau des Antilles jusqu’en France, et
constate à son arrivée la perte du quillon bâbord.
Elles concernent :
- La présence de zones sur les murailles des deux coques du bateau et la nacelle
détectées comme des « anomalies au tapping » réalisé par Monsieur BLANKEN,
expert pour le compte de Monsieur LAWSON ;
- La résistance mécanique des deux quillons, l’un ayant été perdu, et l’autre
manifestant des signes d’endommagement ;
A l’aide de prélèvements, nous avons prouvé que les anomalies au tapping se trouvent
être des zones sèches, c’est-à-dire des défauts de mise en œuvre. Ces défauts rendent
le bateau impropre à son usage, mais peuvent être réparés pour assurer une résistance
mécanique durable du navire.
Les premiers prélèvements sur les quillons révèlent des défauts de foisonnement des
plis de verre dans les arrondis. Ces défauts seront décrits plus clairement dans les
prochaines rubriques de ce rapport.
Aucune fissure n’a été trouvée dans les zones de greffage des quillons au fond des
deux coques.
La mousse dans les safrans présente des défauts de répartition. Les zones creuses
dans les safrans se remplissent d’eau.
Photo 1
Une fois découpées, les parties haute et basse sont de nouveau tronçonnées pour
permettre l’examen des plis stratifiés dans l’épaisseur.
Chaque section a été poncée et un produit de ressuage coloré en rouge a été appliqué
puis rincé. Ce liquide pénétrant permet de visualiser les fissures entre les plis de
composites.
Sur les photographies, elles n’apparaissent pas toujours très clairement, mais sur les
échantillons les fissures sont évidentes.
Dans le prolongement du paragraphe 8.2, on remarque bien ici que les peaux tribord
et bâbord n’ont pas la même épaisseur.
Chaque échantillon comprend une zone rectiligne avec 8 plis dont l’épaisseur est
comprise entre 7,6 et 8,5mm, et une zone arrondie avec 12 plis dont l’épaisseur est
de l’ordre de 10 mm. Suite aux réparations en 2016, le stratifié est ici plus épais qu’à
l’origine.
T2 : Le défaut constaté en T1
s’amplifie et une fissure apparait de
la base de la zone riche en résine
jusqu’à la moitié de l’échantillon.
Les plis foisonnés constituent la
moitié des plis du stratifié.
T3 : Le défaut de foisonnement
s’amplifie toujours, atteignant deux
tiers des plis stratifiés. La même
fissure qu’au T2 est présente
jusqu’à la moitié de la hauteur de
l’échantillon.
T6 : le foisonnement a disparu,
mais de multiples fissures sont
présentes.
J’ai examiné l’usure sous le quillon qui a provoqué une perte de matière au voisinage
du bord d’attaque. A partir de la Photo 2 ci-dessous, je détaille mes observations.
En premier lieu, l’état de surface ne présente aucun impact qui serait lié à un obstacle
dur. Le bas de la quille semble avoir été poncé avec un papier à grain moyen. Cela
correspond soit au passage du quillon sur un haut fond de sable fin, soit à un ponçage
antérieur chez MARSAUDON COMPOSITES, suite à l’avarie qui était survenue à
Monsieur LAWSON lors d’une croisière en Ecosse en 2016. Un enduit de finition et une
partie de la peinture antifouling ne sont quasiment plus présents sous le quillon. La
majeure partie de la surface du dessous du quillon a été érodée. Aucun signe
d’endommagement significatif de l’avant ou de l’arrière du quillon n’est visible.
Les côtés du quillon n’ont pas été affectés par cette érosion ou ce ponçage.
Q1 : On remarque que les deux côtés du quillon n’ont pas la même épaisseur.
L’arrondi le plus érodé sur tribord est zoomé ci-dessous. J’estime l’érosion à trois plis
de stratifié dans l’arrondi, soit environ 3 mm d’épaisseur. L’arrondi opposé a subi
également une légère érosion.
11 Mon analyse
En premier lieu, l’ensemble des défauts que j’ai révélés par mes investigations étaient
présents antérieurement à la vente du bateau à Monsieur LAWSON et non décelables
par ce dernier au moment de la vente. Ces défauts sont les zones sèches, les
foisonnements des plis dans les arrondis des quillons et le manque de remplissage des
safrans par la mousse.
Les réparation effectuées sur la coque, le quillon et le safran tribord par MARSAUDON
COMPOSITES suite à l’échouage de Monsieur LAWSON en 2016 en Ecosse sont
considérées comme conformes à l’état de l’art, c’est-à-dire que les matériaux
endommagés ont été retirés et remplacés par des matériaux satisfaisant aux mêmes
exigences structurelles. Dans le cas contraire, ces travaux seraient affectés de vices
cachés pouvant potentiellement expliquer certains dommages constatés à l’occasion
de mon accédit.
Le quillon peut être comparé à une dérive en termes de conception, à savoir qu’il doit
d’abord résister aux efforts hydrodynamiques liés à sa fonction anti-dérive. Il existe
cependant une différence de conception majeure entre ces appendices à proximité de
la coque.
Une dérive traverse le puits de dérive et les plis de composites de part et d’autre
subissent essentiellement de la traction et de la compression car ils demeurent
rectilignes. C’est l’atout majeur des composites stratifiés : ils résistent très bien aux
efforts statiques et à la fatigue pour des contraintes de traction et de compression.
A contrario, sur le quillon, les plis stratifiés « détournent » les contraintes à cause d’une
géométrie complexe dans la zone de raccordement quillon-coque. Cette géométrie
provoque une augmentation des contraintes locales de cisaillement interlaminaire et
de traction transverse qui constituent justement les points faibles des composites
stratifiés.
Le drapage arrondi des quillons constitue une erreur de conception qui les fragilise
significativement à la fatigue comme l’a prouvé la fissuration interlaminaire des deux
côtés du quillon tribord qui est resté en place.
Pour les mêmes raisons, le quillon bâbord a probablement fini par se détacher du
bateau suite à une fatigue mécanique en flexion qui a généré et propagé des fissures
interlaminaires. Le fait que nous n’ayons pas retrouvé de marques d’impact du quillon
sur l’arrière de la coque ou sur le safran bâbord renforce cette probabilité : le quillon
est parti sur le côté du bateau sans le toucher au moment de la rupture.
Personne, pas même GSEA DESIGN, n’a été en mesure de relever ce problème de
conception car d’une part il est complexe à prendre en compte et d’autre part le quillon
constitue une innovation. Dans le calcul de GSEA DESIGN, seule la contrainte normale
de flexion des parois du quillon a été prise en compte au travers d’un critère de
résistance de Tsai-Hill, alors que le dommage constaté est bien de la fissuration
interlaminaire et non de la rupture de plis en traction ou en compression. Ce calcul n’a
donc pas été utile au dimensionnement du quillon en flexion.
Pour corriger la conception du quillon, je propose une solution qui sollicite les stratifiés
de manière satisfaisante en traction et en compression, comme dans une dérive
classique. Je préconise que les plis stratifiés soient rectilignes au droit de leur entrée
dans la coque, au moins dans la zone où le quillon présente une épaisseur importante
entre 10 et 50% de la corde du profil. Cela est facile à réaliser avec une entretoise
intermédiaire stratifiée entre le profil du quillon et le boitier actuel comme illustré en
rouge sur les dessins ci-après.
11.2.2 Fabrication
En premier lieu, l’épaisseur des deux côtés du quillon tribord n’est pas la même :
7,5 mm à bâbord et 6,2 mm à tribord. Aucune ne correspond à l’épaisseur attendue
de 8,8 mm
L’arc de cercle intérieur est fixe car c’est le moule. Le drapage des tissus secs présente
une épaisseur délimitée par le pli rouge, puis la mise sous vide (flèches rouges)
compacte l’ensemble des plis en noir. Ces derniers plissent car ils sont plaqués au
moule, ils deviennent alors trop longs entre les traits bleus et ne peuvent se rétrécir.
Ces plis sont nocif pour la résistance mécanique du stratifié. Il faut considérer que
chaque tissu est comme un ressort très rigide sollicité en traction ou en compression.
L’ensemble des ressorts contribue alors à la reprise des contraintes de flexion.
𝑀𝐹𝑙𝑒𝑥𝑖𝑜𝑛 ℎ
Résistance d’une poutre à la flexion : 𝜎𝐹𝑙𝑒𝑥𝑖𝑜𝑛 = .
𝐼 2
Sur le quillon, c’est environ la moitié des tissus qui est plissée, affectant ainsi
très fortement la résistance mécanique de ces zones essentiellement sollicitées
en flexion à cause de leur forme arrondie.
Ainsi, le quillon n’a pas été mis en œuvre conformément au plan d’échantillonnage de
MARSAUDON COMPOSITES, et il présentait des défauts de plissage visibles des tissus
au moment de la construction des quillons. Ce sont deux défauts de qualité qui
affectent directement la résistance mécanique du quillon.
11.2.3 Utilisation
Le bas de ce quillon bâbord semble identique à la base du quillon tribord que j’ai
expertisé, signe d’un frottement sur du sable dans le sens longitudinal car visible
uniquement dans la partie avant à la base du quillon. Aucun signe de talonnage n’est
visible sur le bord d’attaque du quillon, et aucune marque d’effort latéral n’est visible
contrairement au cas de l’échouage de Monsieur LAWSON en Ecosse en 2016.
A ce moment, le dommage subi par le quillon en fatigue est interne et déjà bien
avancé. Le chantier de réparation n’éprouve pas le besoin d’approfondir ses
investigations dès lors qu’il a trouvé la re-stratification délaminée et qu’il l’a remplacée.
Le quillon bâbord a ainsi été réparé de manière superficielle en toute bonne foi, mais
sans soupçonner la présence de fissures de fatigue sous-jacentes. Il est alors évident
que ce quillon n’a pas résisté à une transatlantique au printemps 2018 malgré la
réparation.
Pour rappel, c’est le quillon tribord, pourtant endommagé en Ecosse, qui a résisté le
plus longtemps. Seule une fatigue des quillons avec les chargements répétés en
navigation, peut procurer les fissures constatées et donner lieu à une rupture au bout
d’un temps aléatoire car dépendant de la vitesse de propagation de ces fissures.
Il est possible que la perte du quillon bâbord ait modifié l’équilibre du navire,
accentuant la portance subie en permanence par les safrans.
Pour mieux illustrer mon avis, je présente quelques photos du safran tribord :
Des plots de colle sont disposés en quelques La mèche en inox est conique
endroits sur la peau tribord du safran (entouré en
et pourvue de traverses
rouge). Cette disposition n’est pas conforme au
rondes qui transmettent le
plan. moment de torsion. Aucun
matériau composite n’y était
Côté bâbord, aucune liaison mèche peau n’est
collé au démontage.
assurée. On ne trouve aucune mousse entre la
mèche et la paroi bâbord.
Tel qu’on peut le constater, il n’y a pas de matière structurelle entre la mèche et le
côté bâbord du safran. Ainsi les efforts de portance ne peuvent transiter que par la
paroi tribord du safran. Ce choix de construction est une erreur du point de vue
mécanique, il est impératif que la mèche soit correctement collée aux deux côtés du
safran pour transmettre les efforts de portance.
défauts. Cela ne concerne pas qu’une seule infusion non maîtrisée sur une seule pièce,
mais au moins trois infusions sur les parties avant tribord des deux coques et la nacelle.
Les conséquences peuvent être critiques pour l’intégrité du bateau. En effet, l’absence
de résine, même sur de petites surfaces comme celles constatées lors de ma réunion
contradictoire du 3 avril 2019, affecte directement la résistance de la structure car elle
correspond à une absence de résistance mécanique là où les plis ne sont pas
imprégnés.
Je considère que ces désordres constituent des défauts de mise en œuvre non
négligeables et des vices de construction qui rendent le bateau impropre à l’usage
auquel il est destiné. Ces défauts sont inacceptables pour un tel bateau dimensionné
au plus juste et destiné à procurer des performances de vitesse haut de gamme.
réaliser une paire de moules (2 parties, tribord et bâbord) afin de fabriquer des
pièces (8 k€),
mouler deux quillons (6 k€),
greffer les quillons par collage et re-stratification (5 k€),
réaliser les finitions incluant la reprise de carène, l’anti-fouling et la décoration
(15 k€).
Ce poste constitue un total de 38 k€ pour ce poste.
14 Conclusions
J’ai convoqué et entendu les parties, assistées de leurs conseils, et recueilli leurs
observations à l'occasion de l'exécution de mes opérations de la tenue de cinq réunions
d'expertise.
J’ai procédé à l'examen du TS 42 litigieux. J’ai relevé et décrit les défauts tels que
dénoncés dans l'acte introductif d'instance. J’ai trouvé les causes racines de ces
défauts.
Défauts qui à eux seul auraient pu engendrer la perte du bateau et exposer ses
occupants à des risques de naufrage :
Des zones dites « sèches », c’est-à-dire des composites stratifiés présentant des
plis de renforts fibreux exempts de résine qui assure la cohésion et la résistance
mécanique de l’ensemble ont été relevées à environ une dizaine d’endroits sur
les coques et la nacelle du TS 42. Ces zones résultent d’un manque de maîtrise
de la mise en œuvre par infusion du chantier MARSAUDON COMPOSITES.
Des raidisseurs en bois se sont décollés ou ont cassé durant les navigations. La
structure à ces endroits est insuffisamment renforcée.
Les zones sèches peuvent être réparées. Ce travail nécessite d’abord un contrôle
approfondi afin de trouver toutes les zones sèches, puis un soin particulier pour ne pas
voir les réparations sur la carène du bateau. La décoration devra également être
refaite.
Les raidisseurs doivent être réparés sous la direction de l’architecte afin d’être
suffisamment renforcés pour garantir l’intégrité du bateau.
Les safrans doivent être remplacés en réemployant éventuellement les mèches. Leur
qualité de fabrication doit être cependant améliorée en garantissant un collage de la
mèche sur les deux faces du safran, et en réalisant une véritable étanchéité au sommet
du safran à l’endroit de l’entrée de la mèche.
Les quillons doivent être remplacés. Leur conception doit toutefois être modifiée, par
exemple comme je l’ai préconisé dans mon analyse, afin d’éviter des concentrations
de contraintes interlaminaires trop élevées.
Dans l’historique du bateau, un échouage est survenu en 2016. Des dommages ont
été subis sur la coque, le quillon et le safran tribord, et réparés au chantier
MARSAUDON COMPOSITES. Cette fortune de mer peut en théorie constituer une cause
racine des désordres survenus sur le quillon tribord qui est le seul à avoir été affecté
par l’échouage. Cependant, il n’a pas rompu malgré le cumul de dommages constaté
après deux ans de navigation et des voyages transatlantiques.
Lors de son exploitation en location en 2017 et 2018, le bas des quillons s’est trouvé
en contact avec des fonds marins. J’ai examiné le bas du quillon tribord, et je n’ai
constaté aucune marque qui aurait expliqué l’origine d’un dommage tel que la
fissuration constatée au sommet du quillon. En effet, aucun talonnage même bénin ne
s’est produit car il aurait provoqué des marques d’impact au bord d’attaque du quillon.
Aucun mouvement latéral du bateau alors échoué n’a pu provoquer la fissuration des
quillons car j’aurais retrouvé des marques à la base du quillon, comme des stries
latérales et une usure sur tout le dessous du quillon. Or l’usure est visible surtout en
partie avant du quillon tribord et elle est symétrique, attestant d’un mouvement
d’avancement du bateau lorsqu’il a été en contact avec un fond sablonneux.
De plus, je considère qu’on ne peut pas à la fois dire que les quillons résistent à la
mise à terre du bateau et non à un contact avec un banc de sable qui a provoqué une
usure longitudinale de leur base. Les sollicitations sont dans les deux cas des conditions
J’ai donné une estimation du coût des réparations qui s’élève à 77000 €.
Concernant le préjudice de jouissance, il est manifeste que les avaries ont privé
Monsieur LAWSON de son navire durant plusieurs années. Les pertes avancées par
Monsieur LAWSON par l’achat du TS 42 s’élèvent selon son expert-comptable à un
total de 573046 €.
J’ai intégré dans mon projet de rapport et dans mon rapport les réponses à ce dire :
Sur le point 1, les zones sèches retrouvées lors de mes analyses sont bien des vices
de cosntruction. Sur les autres points, je n’ai pas de réponse spécifique car ils
constituent des commentaires à l’un des dires de la SAS MARSAUDON COMPOSITES.
J’ai ajouté ces deux phrases dans le paragraphe 9.4 de mon rapport.
Au paragraphe 12, j’ai estimé les différents frais selon mon expérience et j’ai fait le
choix de ne pas me référer à des devis car le chiffrage des professionnels peut varier
du simple au double. Cependant, les remarques objectives du conseil de Monsieur
LAWSON me conduisent à augmenter certains postes de coût pour aboutir à un total
de 72K€ pour les réparations.
Sur le point 3 considérant que le bateau est impropre à l’usage auquel il est destiné,
j’ai rétabli mon analyse et mes conclusions sur des bases objectives, à savoir que les
défauts constatés rendent en l’état le bateau impropre à son usage mais peuvent être
réparés.
Sur le point 4 relatif aux demandes du juge, j’ai réorganisé mes conclusions pour y
répondre explicitement.
Sur le point 5, concernant les réparations, j’ai donné mon avis. La question relative au
respect de la norme ISO 12215 est caduque à la lumière des pièces produites par la
SAS MARSAUDON COMPOSITES. Mon rapport ne dénonce pas le non-respect de la
norme ISO 12215 dans la mesure où l’application de cette norme n’était pas obligatoire
par le chantier ni l’architecte. Les réparations devront toutefois être réalisées en
supprimant l’arrondi sur les côtés des quillons comme je l’ai préconisé dans mon
analyse. Cela résoudra deux problèmes, celui de la mauvaise conception et celui de la
mise en œuvre non maîtrisée.
Sur le point 6, Monsieur LAWSON recense l’ensemble des préjudices financiers qu’il a
subis au travers d’une attestation comptable annexée à son dire n°4 du présent
rapport. Ces préjudices devront être adressés au juge. De mon côté, j’ai chiffré les
points techniques dans mes attributions.
J’ai ainsi répondu à toutes les questions posées par Monsieur LAWSON.
J’ai rajouté ce fait dans le rappel des faits de mon rapport. Les réparations consécutives
à ce sinistre ont été réalisées par MARSAUDON COMPOSITES. Il est prouvé que la zone
arrondie au sommet du quillon était partiellement délaminée. Après avoir identifié cette
zone à réparer, le chantier a effectué le nécessaire et le bateau a pu continuer à
naviguer durant plusieurs années. Ainsi ce délaminage a été réparé semble-t-il dans
les règles de l’art.
Si d’aventure cette réparation avait été mal réalisée, il est évident que le quillon aurait
cassé rapidement après. De plus, un défaut de réparation aurait constitué un vice
caché car non apparent pour le propriétaire.
Le dire évoque que le bateau a touché un banc de sable en 2017 durant son
exploitation en location par la société Alternative Sailing.
Comme je l’ai détaillé dans mes examens sur le quillon tribord, l’usure à la base du
quillon corrobore l’existence d’un tel événement. On ne peut pas considérer ce fait
comme susceptible de rompre les quillons, ou même d’initier des endommagements
car l’examen de la zone usée prouve que le contact s’est produit alors que le bateau
faisait route. En effet, l’usure est limitée au-dessous du quillon et aucune marque de
mouvement latéral n’est visible. Il faut avoir conscience que le sable est « mou ». Un
autre fond marin susceptible de générer des dommages tels que prétendus par
MARSAUDON COMPOSITES, Yvon Quernec ou GSEA DESIGN serait solide et
correspondrait à une butée comme les rocher écossais.
Ce fait ne peut être retenu comme cause racine d’une initiation ou d’une propagation
de fissures, d’autant que la notice d’utilisation du bateau autorise une mise à terre qui
pourrait, à elle seule, provoquer des chargements latéraux par la manutention ou
l’exposition du bateau à des vents forts alors qu’il est posé sur ses quillons.
Ainsi je considère qu’on ne peut pas à la fois dire que les quillons résistent à la mise à
terre du bateau et non à un contact avec un banc de sable qui a provoqué une usure
longitudinale de leur base sans rayures latérales. Les sollicitations sont dans les deux
cas des conditions de chargement réalistes subis par le bateau en utilisation. De plus,
comme je l’ai expliqué dans mon analyse, les quillons souffrent d’abord d’un défaut de
conception.
Ce dire affirme qu’un échouage tel qu’évoqué par Monsieur LAWSON dans une vidéo
peut être la cause de l’endommagement des quillons. J’ai déjà répondu sur ce point
étayé par mes constatations.
Ce dire évoque le fait que les safrans auraient été également en contact avec les fonds.
Je n’ai relevé sur les safrans aucune marque prouvant cette allégation. Je ne la retiens
pas comme cause possible de l’endommagement des safrans.
Ce dire précise que seul le bateau de Monsieur LAWSON est affecté par ce type de
dommages. Je n’ai évidemment pas été en mesure de visiter les autres TS 42. Compte
tenu que j’ai trouvé des désordres sur ce bateau que ni le chantier, ni les experts des
assurances des parties n’avaient trouvé, je ne peux être convaincu par cette
affirmation.
Ce dire émet des observations sur plusieurs comptes rendus de réunion et sur le dire
n°1 pour Monsieur LAWSON.
Ce dire présente des photos. Celle du dessous du quillon est identique à celles que je
présente dans mon rapport. Par contre, si la photo du dessous d’un safran a bien été
prise par Monsieur Quernec le 3 avril 2019, Monsieur Quernec n’a pas attiré l’attention
des parties sur l’état de ce safran. Cela n’est donc pas contradictoire. Le safran a pu
se retrouver dans cet état pour diverses raisons autres qu’un échouage du bateau posé
sur un seul safran. En effet, j’ai expertisé le safran tribord qui, lui, ne présente aucune
marque de la sorte. Il semble que cette photo a été prise plutôt en 2016 après
l’échouage du bateau en Ecosse. Il a alors été réparé par MARSAUDON COMPOSITES.
Sur les zones sèches, MARSAUDON COMPOSITE va jusqu’à affirmer que la présence
de zones sèches sur la peau extérieur n’a pas d’incidence sur la résistance structurelle
du bateau. Je rejette cette affirmation. Même si les zones sèches sont réparables et
que le bateau n’a pas encore subi d’avarie à cause d’elles, ce défaut n’est pas
acceptable. Si MARSAUDON COMPOSITES considère que de tels défauts sont inhérents
au procédé d’infusion, je le dénonce car j’ai à maintes reprises constaté que plusieurs
chantiers de construction navale en France et à l’étranger maîtrisent l’infusion et
produisent systématiquement des pièces exemptes de zones sèches. De plus, si
MARSAUDON COMPOSITES admettait que des zones sèches étaient inévitables, elle
aurait pu mettre en place un contrôle qualité afin de les détecter et de les réparer
avant que ces défauts de structure ne se distribuent en quantité non négligeable dans
les coques et la nacelle du TS 42.
Si la mousse ne remplit pas la totalité de l’espace, alors pourquoi ne pas laisser la pièce
entièrement creuse ? La réponse est évidente : pour éviter que l’eau ne rentre dans le
safran. Ce raisonnement par l’absurde vient ainsi démontrer qui est impératif de
remplir totalement le safran de mousse à cellules fermées afin d’atteindre un niveau
de qualité à la hauteur du niveau de performance du bateau.
De plus, le collage de la mèche sur la face tribord uniquement n’est pas satisfaisant.
Le safran transmet les contraintes hydrodynamiques aux peaux du safran puis à la
mèche. L’ensemble se déforme nécessairement, et seule la peau tribord est clairement
solidaire de la mèche grâce à l’emploi de colle. Il est singulier de ne pas mettre
également de la colle entre la face bâbord et la mèche. Cette raison très bien expliquée
en termes de mise en œuvre n’est pas cohérente du point de vue structurel.
Le dire interprète le faciès de rupture du quillon tribord qui s’est désolidarisé du bateau.
J’ai expliqué dans mon rapport que la rupture était liée à la fatigue qui a provoqué la
fissuration interlaminaire des couches de composite. A gré des cycles de fatigue, les
tissus perdent leur rigidité, et les efforts sont alors repris par la matière restante jusqu’à
ce que les efforts rompent le quillon d’un seul dernier coup. L’enfoncement de la
mousse dont on ne sait pas si elle remplissait la totalité du quillon, ne dit rien sur les
causes racines de la rupture.
J’ai complété le rappel des faits en incluant les événements marquants de l’historique
du bateau dont j’ai pu avoir connaissance lors des réunions contradictoires et dans les
pièces des parties.
Sur l’échouage de 2016, j’ai donné mon avis dans le rapport. Il ne peut pas constituer
la cause racine de l’endommagement du quillon tribord constaté contradictoirement.
Seule la fatigue peut être la cause de l’endommagement du quillon, facteur acceptué
par la piètre qualité de stratification dans les zones arrondies avec environ la moitié
des tissus affectés par les plissages.
Sur l’état actuel du bateau, ce dernier est qualifié « d’ épave » par MARSAUDON
COMPOSITES. Je n’ai pas la même appréciation : le bateau est sale après avoir
stationné deux ans en chantier. Il est percé aux différents endroits où j’ai prélevé les
échantillons de coque pour mettre en évidence les zones sèches, et il a perdu ses
appendices.
Sur les quillons, j’ai mieux explicité mon avis sur leur tenue mécanique au paragraphe
11.2. La note de calcul de GSEA DESIGN est inappropriée pour valider la structure des
quillons. Elle ne prend pas en compte le critère de résistance au délaminage.
J’ai proposé une solution visant à améliorer la résistance à la flexion du quillon tout en
conservant l’avantage théorique d’une rupture en cas de choc. Dans un tel cas de
figure, il n’est pas prouvé que le scénario dessiné avec un choc et un mouvement du
quillon se produise effectivement. Le quillon qui recule peut éventuellement
« trancher » la boite et la coque avec son bord de fuite.
Il est évident que des accostages de fonds marins répétés auraient endommagé la
base du quillon de manière beaucoup plus importante, et ce dans toutes les directions :
tribord, bâbord, marche arrière et marche avant. Or, seule une légère abrasion
clairement provoquée par un contact du quillon avec un fond sablonneux alors que le
bateau était en marche avant a été relevé.
Au sujet des fissures expertisées dans mon rapport, je complète les explications sur la
fissure Q6. Il s’agit probablement de la fissure déjà visible dans la pièce n°15 « bord
de fuite quillon » pour MARSAUDON COMPOSITES, photo prise suite à l’échouage du
bateau en Ecosse. Cette zone du quillon est peu sollicitée, et les réparations de
l’époque ont visiblement empêché cette fissure de se propager.
tissus observés sur le quillon tribord correspondent à des boursouflures qui doublent
localement l’épaisseur du stratifié (vues T2 et T3). Combiné à l’emploi de tissus du
mauvais grammage, cette accumulation force la loi des séries. Au contraire, il est
particulièrement hasardeux de considérer que le quillon bâbord, affecté d’aucun défaut
de fabrication, aurait été le premier à se rompre à cause d’efforts à sa base qui n’ont
laissé aucune trace de leur passage. Cela n’est simplement pas sérieux.
Les safrans ont alors subi des chargements hydrodynamiques plus importants car ils
ont naturellement compensé en partie l’absence du quillon bâbord.
Au sujet de leur qualité de fabrication et des problèmes de structure, j’ai complété mon
analyse et rajouté des photographies afin d’apprécier la piètre qualité de fabrication
du safran tribord. Elles montrent que la mèche n’est pas solidarisée de manière
correcte aux deux faces du profil. Cette cause supplante toutes les autres pour justifier
que les safrans peuvent se déchausser de la mèche sans autre effort que celui d’une
navigation normale.
Pour rappel, le bateau est capable d’atteindre une vitesse supérieure à 20 nœuds. Il
pèse plus de 6 tonnes et les safrans subissent des efforts de navigation très importants
en dynamique.
Je n’ai pas démonté le safran bâbord. Nous avons simplement constaté son
déchaussement alors qu’il était en place.
Concernant l’échouage en Ecosse, j’ai apporté des éléments d’éclairage explicites dans
mon rapport.
Il est fait mention que, même sans traces de ragage latéral, les quillons auraient pu
subir des efforts latéraux endommageants. Je ne suis pas d’accord avec cette
allégation. Seules des causes produisent des effets. En absence de marques, point
d’efforts et les photographies que j’ai insérées dans mon rapport démontrent que j’ai
très bien cherché mais je n’ai pas trouvé.
Le reste du dire sur ce point n’est que conjecture et théorie sans aucune preuve. Les
traits sur les photographies (zones Q2-3 à Q6) ne sont pas des rayures mais des
mèches de mat de verre disposées aléatoirement.
Au sujet du pourcentage d’érosion calculé par GSEA DESIGN, j’ai indiqué qu’un
ponçage justement sur le côté tribord avait pu être réalisé par MARSAUDON
COMPOSITES à la réparation suivant l’échouage en Ecosse. En complément, je rappelle
que le bateau fait plus de 6 tonnes et GSEA DESIGN prétend que le bateau se serait
arrêté sur un banc de sable et mis en travers puis manœuvré au moteur, et tout cela
sans laisser la moindre trace correspondante sur le quillon tribord. Ces conjectures ne
sont pas crédibles.
Dans ce dire, la question des zones sèches est de nouveau évoquée. Il est faux de dire
que les zones sèches avaient été identifiées par les parties avant mon accédit, car c’est
moi qui les ai découvertes le 3 avril 2019 à l’occasion de ma réunion contradictoire.
Ces zones sèches constituent bien un vice caché mais elles peuvent être réparées.
Les annexes à ce dire fournies par Monsieur Quernec et la société GSEA DESIGN ne
posent aucune question qui n’a pas été résumée dans le dire n°6. J’ai ainsi répondu à
toutes les demandes de MARSAUDON COMPOSITES.
J’ai mieux explicité mon avis à partir de mes observations : aucune marque significative
de talonnage latéral ou d’échouage sévère n’a été constatée. Seule une usure sous le
quillon, correspondant aux trace d’un frottement sur du sable et affectant uniquement
le dessous du quillon pour laquelle je me suis expliqué dans mon rapport, a été
constatée. Cette usure ne peut justifier l’état d’endommagement des quillons dans les
arrondis au sommet.
Monsieur BARRAUD m’interroge sur une potentielle réparation du quillon tribord. C’est
juste, le quillon a bien été réparé par MARSAUDON COMPOSITES après l’échouage en
Ecosse en 2016. MARSAUDON COMPOSITE n’a pas fourni de rapport de réparation.
Par la suite, Monsieur BARRAUD nie les dires de MARSAUDON COMPOSITES à propos
d’une responsabilité dans le choix du nombre de tissus de renfort des quillons.
16 Annexes
Bordereau des pièces transmises par les parties