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S U P

Traité de psychologie
des émotions

Sous la direction de

Klaus R. Scherer
David Sander
P S Y C H O
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© Dunod, Paris, 2009 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 09/03/2020 14:17 - © Dunod
ISBN 978-2-10-070755-3
ISSN 1275–4854

Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de


l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite selon le Code de la propriété
intellectuelle (Art L 122-4) et constitue une contrefaçon réprimée par le Code pénal. •
Seules sont autorisées (Art L 122-5) les copies ou reproductions strictement réservées à
l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective, ainsi que les ana-
lyses et courtes citations justifiées par le caractère critique, pédagogique ou d’informa-
tion de l’œuvre à laquelle elles sont incorporées, sous réserve, toutefois, du respect des
dispositions des articles L 122-10 à L 122-12 du même Code, relatives à
la reproduction par reprographie.
LISTE DES AUTEURS
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Ouvrage réalisé sous la direction de :
DAVID SANDER Département de psychologie, faculté de psycho-
logie et des sciences de l’éducation, université de
Genève et Centre interfacultaire en sciences
affectives, université de Genève.
KLAUS R. SCHERER Département de psychologie, faculté de psycho-
logie et des sciences de l’éducation, université de
Genève et Centre interfacultaire en sciences
affectives, université de Genève.

Avec la collaboration de :
TATJANA AUE Center for Cognitive and Social Neuroscience,
université de Chicago, États-Unis et Centre interfa-
cultaire en sciences affectives, université de Genève.
TANJA BAENZIGER Faculté de psychologie et des sciences de
l’éducation, université de Genève.
GRAZIA CESCHI Unité de psychopathologie et neuropsychologie
cognitive, université de Genève.
ELISE DAN GLAUSER Centre interfacultaire en sciences affectives,
université de Genève et chercheuse boursière à
l’université de Stanford, États-Unis.
PATRICIA GARCIA- Suez Chair in Leadership and Personal
PRIETO CHEVALIER Developement, Solvay Brussels School of
Economics and Managagement, Bruxelles,
Belgique.
JÉRÔME GLAUSER Centre interfacultaire en sciences affectives,
université de Genève.
IV TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

DIDIER GRANDJEAN Département de psychologie, faculté de psycho-


logie et des sciences de l’éducation, université de
Genève et Centre interfacultaire en sciences
affectives, université de Genève.
OFRA HAZANOV Faculté de psychologie et des sciences de
l’éducation, université de Genève.
SUSANNE KAISER Faculté de psychologie et des sciences
de l’éducation, université de Genève.
SEBASTIAN KORB Département de psychologie, faculté de psycho-
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logie et des sciences de l’éducation, université de
Genève et Centre interfacultaire en sciences
affectives, université de Genève.
KATIA SCHENKEL Faculté de psychologie et des sciences
de l’éducation, université de Genève.
VÉRONIQUE TRAN Professeur assistant en psychologie organisation-
nelle à l’ESCP-EAP (European School of Mana-
gement), Paris, France.
THOMAS WEHRLE Psychologisches Institut, Universität Zürich.
STÉPHANE WITH Faculté de psychologie et des sciences de
l’éducation, université de Genève.
TANJA WRANIK Faculté de psychologie et des sciences de
l’éducation, université de Genève.
SOMMAIRE
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AVANT-PROPOS (David Sander et Klaus Scherer) IX

CHAPITRE 1 LA PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS : SURVOL DES THÉORIES


ET DÉBATS ESSENTIELS (David Sander et Klaus R. Scherer) 1

CHAPITRE 2 THÉORIE DE L’ÉVALUATION COGNITIVE ET DYNAMIQUE


DES PROCESSUS ÉMOTIONNELS
(Didier Grandjean et Klaus R. Scherer) 41

CHAPITRE 3 EXPRESSION FACIALE DES ÉMOTIONS


(Susanne Kaiser, Thomas Wehrle et Katia Schenkel) 77

CHAPITRE 4 EXPRESSION VOCALE DES ÉMOTIONS


(Didier Grandjean et Tanja Baenziger) 109

CHAPITRE 5 PSYCHOPHYSIOLOGIE DES ÉMOTIONS (Tatjana Aue) 157

CHAPITRE 6 MOTIVATION ET TENDANCES À L’ACTION (Tatjana Aue) 189

CHAPITRE 7 LE SENTIMENT SUBJECTIF. INTÉGRATION ET REPRÉSENTATION


CENTRALE CONSCIENTE DES COMPOSANTES ÉMOTIONNELLES
(Elise Dan Glauser) 223

CHAPITRE 8 LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS (Sebastian Korb) 259

CHAPITRE 9 STRESS ET COPING : UN ÉTAT DES LIEUX


(Ofra Hazanov, Susanne Kaiser et Stephane With) 289
VI TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

CHAPITRE 10 ÉMOTIONS INTERGROUPES : APPLICATION DES THÉORIES


DE L’ÉVALUATION ET DE LA DIFFÉRENTIATION DES ÉMOTIONS
(THÉORIES DE L’APPRAISAL) AUX RELATIONS INTERGROUPES
(Patricia Garcia-Prieto Chevalier) 315

CHAPITRE 11 LES ÉMOTIONS DANS LE MONDE DE L’ENTREPRISE


ET DU TRAVAIL (Véronique Tran) 333

CHAPITRE 12 LA PERSONNALITE ET LES ÉMOTIONS (Tanja Wranik) 359


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CHAPITRE 13 BIAIS D’ÉVALUATION COGNITIVE ET PHOBIE SOCIALE
(Jérôme Glauser et Grazia Ceschi) 383

BIBLIOGRAPHIE 414

INDEX DES NOTIONS 467

INDEX DES AUTEURS 473

TABLE DES MATIÈRES 477


REMERCIEMENTS
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La publication d’un Traité est un travail d’équipe qui va bien au-delà de la
mise en commun de textes isolés. Nos remerciements vont donc aux auteurs
qui ont bien voulu rédiger leurs chapitres de sorte à ce que « le tout repré-
sente plus que la somme des parties ». Nous souhaitons également remercier
vivement Jean Henriet et Marie-Laure Davezac-Duhem pour leur soutien
éditorial toujours positif, efficace et constructif, ainsi qu’Isabelle Chave pour
sa relecture attentive de l’ouvrage et les modifications qu’elle y a apportées.
Notre reconnaissance va aussi à Valérie Buron pour sa contribution à la qualité
des textes grâce à sa relecture et à ses conseils sur l’ensemble des premières
versions des chapitres. Merci également à celles et ceux qui ont relu et amélioré
certaines parties du Traité grâce à leurs commentaires ; pour cela, merci en
particulier à Rachel Baeriswyl-Cottin, Steve Binggeli, Véronique Bernard,
Géraldine Coppin, Alison Montagrin, et Sarah Viollier.
David SANDER et Klaus SCHERER
AVANT-PROPOS
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« En fait, on peut affirmer sans exagération que, scientifiquement, nous ne
comprenons absolument rien aux émotions, que nous n’avons pas l’ombre
d’une théorie sur la nature des émotions en général ou de telle émotion en
particulier. »

Voici ce qu’écrivait Carl G. Lange il y a un peu plus d’un siècle (Lange, 1885).
Qu’avons-nous appris depuis lors ? Tout d’abord, nous avons appris que
Carl G. Lange ne rendait pas totalement justice à ses prédécesseurs en niant
l’existence de toute théorie de l’émotion avant ses travaux. Mais, depuis un
siècle, nous en avons surtout appris beaucoup sur la nature de l’émotion, ses
composantes et ses fonctions. Ces avancées, nous les devons principalement
à la psychologie de l’émotion, champ disciplinaire naissant et fondement
des sciences affectives. En particulier, depuis une vingtaine d’années, avec une
pointe d’activité depuis les années 2000, une révolution affective dans de
nombreux domaines a généré un nouveau souffle scientifique dans l’étude
de l’émotion. Ainsi, la psychologie scientifique moderne reconnaît l’importance
des émotions et, par exemple en économie, des prix Nobel ont été attribués
à des chercheurs pour leurs travaux sur le rôle de l’émotion dans la prise
de décision et le jugement. Dans ce contexte d’une « révolution affective »
dans la plupart des sciences, l’objectif de ce Traité est de présenter certaines
contributions essentielles de la psychologie à l’étude empirique et à l’analyse
conceptuelle de l’émotion.
Une contribution importante de la psychologie a justement été de conceptua-
liser l’émotion en tant que phénomène multicomponentiel. Cette perspective
considère les différentes composantes de l’émotion que sont (1) les évaluations
de l’événement déclencheur (p. ex., le stimulus est agréable, je suis capable
de faire face à la situation), (2) le sentiment qui se profile dans la conscience
(p. ex., se sentir honteux, heureux ou en colère), (3) les réactions motrices (p. ex.,
sourire de plaisir, froncer les sourcils contre un événement allant contre nos
buts), (4) les réactions du système nerveux autonome (p. ex., rougir de honte,
avoir le cœur qui s’accélère), et (5) les tendances à agir (p. ex., préparation à
la fuite devant un danger, préparation à s’approcher d’un ami). La nature
multicomponentielle de l’émotion a été utilisée pour structurer ce Traité qui
X TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

est organisé en treize chapitres. Après un chapitre introductif à la psycho-


logie de l’émotion, une série de chapitres s’intéresseront aux composantes de
l’émotion en abordant de façon successive l’évaluation cognitive, l’expression
faciale émotionnelle, l’expression vocale émotionnelle, la psychophysiologie
de l’émotion, la motivation et les tendances à l’action, et, finalement, le
sentiment subjectif. La deuxième série de chapitres correspond à des thèmes
choisis pour leur importance dans la psychologie contemporaine de l’émotion.
Seront ainsi abordées des questions liées à la régulation émotionnelle, au
stress, aux émotions intergroupes, à l’émotion dans le monde de l’entreprise
et du travail, au lien entre la personnalité et l’émotion, et, finalement, aux
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biais d’évaluation cognitive dans la phobie sociale.
Alors que « la recherche d’émotion » est omniprésente dans les médias, les
technologies, et la société en général, il est frappant de constater le décalage
entre cette recherche d’émotion dans la société et la quantité relativement
faible d’enseignements universitaires spécifiques dans le domaine la psycho-
logie de l’émotion. Dans ce contexte, ce Traité aura atteint son objectif prin-
cipal s’il sert de support aux cours existant ainsi qu’au développement de
nouveaux enseignements universitaires sur l’émotion en licence, Bachelor
ou master de psychologie.
De façon générale, nous espérons que ce Traité conçu pour les étudiants
en psychologie, mais également adressé à nos collègues des diverses disci-
plines intéressées aux sciences affectives, devienne une source utile pour
l’enseignement et la recherche. De plus, il nous semble que ce Traité va au-
delà du champ spécifique consacré à l’étude de l’émotion et nous invitons nos
collègues s’intéressant aux autres territoires de l’esprit humain à le consulter.
En effet, la plupart des processus cognitifs apparaissent, soit nécessaires à
l’émotion en tant que telle (par exemple, le déclenchement de l’émotion ou
son expression), soit influencés par l’émotion (par exemple, la perception,
l’attention, la mémoire, le jugement moral, et la prise de décision), soit encore
impliqués dans la modulation de l’émotion (par ex., la réévaluation ou la
suppression). Ce statut privilégié de l’émotion dans l’esprit humain révèle
que l’émotion est au cœur de la cognition, et cela pas seulement d’un point
de vue métaphorique.
David SANDER et Klaus SCHERER
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SURVOL DES THÉORIES
LA PSYCHOLOGIE
DES ÉMOTIONS :

ESSENTIELS1
ET DÉBATS
Chapitre 1

1. Par David Sander et Klaus R. Scherer.


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INTRODUCTION

Vous êtes en train de vous promener dans un parc un dimanche après-midi


ensoleillé pendant le mois de mai. Les premières fleurs sont apparues et vous
marchez main dans la main avec la personne que vous aimez. Tout d’un coup,
vous apercevez un homme qui sort brusquement des buissons, juste à côté du
chemin. Il tient un couteau dans sa main droite ensanglantée.
À cet instant, il est très probable que vous ressentiez ce que l’on appelle
habituellement une émotion. Mais ce qui semble être une réaction simple suscite
de nombreux débats conceptuels et de nombreuses études expérimentales en
psychologie. Par exemple, qu’est-ce qui constitue exactement l’émotion
déclenchée dans l’exemple donné : votre fréquence cardiaque qui s’accélère ?
votre respiration qui se modifie ? votre bouche et vos yeux qui s’ouvrent large-
ment ? votre forte envie de fuir le plus vite possible et de protéger la personne
aimée ? votre impression d’être en danger ? ou encore la prise de conscience
que votre état mental est tel que vous le catégoriseriez comme de la peur ? ou
alors, est-ce que l’émotion est plutôt une combinaison de tous ces aspects ?
Pour répondre à ces questions, il est important de nous confronter aux
différents points de vue concernant la manière de définir ce phénomène.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Dans ce contexte, ce chapitre a pour objectif de présenter un survol des théories


et débats principaux qui animent la psychologie contemporaine de l’émotion.
Dans la mesure où ce chapitre consiste également en une introduction de
l’ouvrage, l’accent sera mis sur les composantes de l’émotion puisque celles-ci
ont été utilisées pour structurer ce traité. Nous discuterons ainsi des théories
et débats principaux en les articulant, lorsque cela semble pertinent, autour
des composantes émotionnelles que sont l’évaluation cognitive (chapitre 2),
l’expression motrice (chapitres 3 et 4), la réponse psychophysiologique
(chapitre 5), les changements motivationnels (chapitre 6) et le sentiment
subjectif (chapitre 7). Différents thèmes centraux, dont certains sont très
4 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

largement approfondis dans les chapitres 8 à 13, seront également abordés


dans cette introduction.
Le survol des théories et débats principaux se fera en s’intéressant à des
questions clés pour comprendre l’émotion : comment la définir ? quelles
sont ses fonctions ? comment est-elle différenciée ? quelle réaction la carac-
térise ? Même si ces questions ont occupé la psychologie depuis ses origines
philosophiques, l’objectif de ce chapitre, et plus généralement du traité, est
de se concentrer sur la façon dont la psychologie s’y est intéressée depuis
l’émergence de la psychologie expérimentale à la fin du XIXe siècle alors que
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Wundt et James créaient cette nouvelle discipline.

1 DÉFINITION : QU’EST-CE QU’UNE


ÉMOTION ?

« Qu’est-ce qu’une émotion ? » est le titre d’un des articles les plus influents
en psychologie. Cet article écrit par William James, l’un des pères fondateurs
de la psychologie expérimentale, apparut en 1884. Dans cet essai, James
défend ce qu’il considère comme une thèse révolutionnaire concernant la
nature des émotions : l’idée selon laquelle les changements corporels suivent
directement la perception d’un fait excitant et que le sentiment de ces change-
ments quand ils se produisent est l’émotion (James, 1884/1968, p. 19). Il est
à noter que James propose cette définition pour les émotions qui s’accompa-
gnent de ce qu’il qualifie comme un certain ébranlement corporel, telles que
la surprise, la curiosité, l’exaltation, la peur, la colère, la luxure ou l’avarice
mais qu’il ne se prononce pas sur les émotions qu’il qualifie alors comme
dépendantes exclusivement de « processus des centres d’idéation » avec un
effet corporel qui serait faible ou même inexistant. Ces émotions sont
souvent qualifiées d’émotions subtiles.

1.1 La théorie de James-Lange


James a illustré son point de vue par un exemple qui est devenu classique :
nous sommes face à un ours dans la forêt, notre cœur s’accélère, nos genoux
se mettent à trembler et c’est parce que nous percevons ces changements
physiologiques que nous ressentons de la peur. Un an après la parution de
l’article de James, le physiologiste Danois Carl Lange (1885) publie un
modèle de l’émotion qui suggère un mécanisme fondamental similaire à celui
étant proposé par James (voir Nicolas, 2006). Ainsi, la position de Lange est
synthétisée dans la question suivante qu’il pose dans sa publication :
SURVOL DES THÉORIES ET DÉBATS ESSENTIELS 5

« Si je commence à trembler parce que je suis menacé par un pistolet chargé,


est-ce que tout d’abord un processus psychique se produit, la terreur apparaît,
et c’est cela qui cause mes tremblements, mes palpitations du cœur, et la con-
fusion de la pensée ; ou alors, est-ce que ces phénomènes corporels sont pro-
duits directement par la cause terrifiante de telle sorte que l’émotion consiste
exclusivement en une modification fonctionnelle dans mon corps ? »

Lange est convaincu que la seconde alternative est la bonne : les change-
ments corporels sont à l’origine de l’émotion. Cette importance donnée aux
changements corporels en tant que cause de l’émotion étant similaire à celle
proposée par James, cette proximité des théories fait que l’on parle classi-
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quement de la théorie de l’émotion de James-Lange. Cette théorie est égale-
ment connue comme la position « périphérique » ou « périphéraliste », parce
qu’elle suggère que la cause de l’émotion provient de variations au sein du
système nerveux périphérique (voir chapitre 5). Selon cette théorie, une émotion
est déclenchée chez un individu lorsque celui-ci perçoit dans son corps un
pattern spécifique de changements. Ainsi, selon cette proposition, le processus
émotionnel peut être caractérisé par la séquence suivante : un stimulus, des
réponses corporelles, la sensation de ces changements périphériques et,
finalement, l’émotion.
James développe sa pensée et fonde en 1892 les bases de théories que l’on
peut qualifier de théories de la rétroaction corporelle (proprioceptive feedback
theories) ; en effet, James (1892) écrit :
« Si notre théorie est vraie, elle devrait avoir pour corollaire nécessaire que :
toute évocation volontaire et dépassionnée de ce que l’on croit être les mani-
festations d’une émotion particulière devrait nous procurer cette émotion elle-
même. »

Dans ce contexte, les recherches empiriques se sont principalement inté-


ressées à l’expression faciale, ce qui a donné naissance à l’hypothèse de
rétroaction faciale (Facial Feedback Hypothesis) selon laquelle des mouve-
ments faciaux modulent le ressenti émotionnel (voir le chapitre 3). Cette
hypothèse se fonde sur le postulat de Tomkins (1984) selon lequel l’expres-
sion du visage joue un rôle central dans la régulation émotionnelle. Trois
questions de recherches principales ont été dérivées de cette proposition :
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

est-ce qu’une expression faciale appropriée est nécessaire pour le ressenti


émotionnel ? est-ce qu’une expression faciale est suffisante pour produire un
ressenti émotionnel ? est-ce que la force de l’expression faciale est corrélée
positivement avec l’intensité du ressenti émotionnel ? De façon générale, les
recherches ont indiqué que les variations de l’expression faciale sont corrélées
positivement avec les variations du ressenti émotionnel (voir Soussignan,
2002).
Un exemple classique est l’étude de Lanzetta, Cartwright-Smith et Kleck
(1976) qui ont demandé à des participants de soit amplifier, soit supprimer,
leur expression faciale pendant qu’ils recevaient des chocs électriques
6 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

(l’expérimentateur faisait croire aux participants que cette manipulation visait


à induire en erreur les observateurs). Comme prédit, les participants qui ont
tenté de supprimer leur expression ont jugé les chocs comme étant moins
douloureux que ceux qui ont amplifié leur expression. Un autre paradigme
utilisé pour l’étude du feedback facial fait appel à une induction artificielle
des patterns d’activation musculaire du visage (voir chapitre 3). Sous le prétexte
d’étudier la coordination psychomotrice, Strack, Stepper et Martin (1988)
ont demandé à des participants de tenir un stylo d’une manière qui soit inhibait
(tenir avec les lèvres uniquement), soit facilitait (tenir avec les dents unique-
ment), les muscles typiquement associés au sourire. Dans deux études, les
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participants utilisant les muscles associés au sourire pour tenir le stylo ont
rapporté ressentir plus d’humour en réponse à des dessins animés qui leur
ont été présentés lors de la procédure expérimentale (pour une discussion des
différences individuelles dans de telles études, voir Laird, 1974 ; voir aussi
Soussignan, 2002).
Dans un article largement débattu, Ekman, Levenson et Friesen (1983) ont
suggéré que l’induction d’expressions motrices particulières pourrait non
seulement amplifier l’émotion mais véritablement la déclencher et la diffé-
rencier, comme cela serait mis en évidence par des réponses physiologiques
différenciées et des rapports verbaux spécifiques. Les chercheurs ont demandé
à des acteurs de produire des combinaisons de mouvements faciaux sur la
base d’un entraînement concernant la manière de bouger des parties spécifi-
ques du visage (voir le chapitre 3). Certaines réponses physiologiques étaient
mesurées durant cette manipulation, et il a ensuite été demandé aux acteurs
de verbaliser leur émotion. Les combinaisons des unités d’action faciales
demandées aux acteurs correspondaient à celles théoriquement caractéristiques
des émotions de base telles que la peur, la colère, la joie, la tristesse ou le
dégoût (Ekman, 1989). Même si les expérimentateurs n’ont jamais mentionné
le fait que l’étude concerne l’émotion, les résultats ont montré une différence
claire dans les patterns de réponses physiologiques pour différentes combi-
naisons faciales, correspondant largement aux prédictions théoriques. La
plupart des émotions de base pouvaient ainsi être discriminées deux à deux,
avec par exemple la joie qui se distingue de la tristesse en fonction de la
fréquence cardiaque ou encore la peur qui se distingue de la colère en fonction
de la température cutanée. De plus, il y avait une tendance à ce que les acteurs
rapportent verbalement avoir ressenti l’émotion dont ils avaient produit l’expres-
sion sur leur visage. Cette étude a été critiquée de manière répétée par rapport
à de possibles artefacts expérimentaux. Par exemple, les acteurs auraient pu
se rendre compte que chaque configuration faciale qui leur était demandée
correspondait à une émotion particulière, ce qui aurait pu suggérer un autre
mécanisme d’induction de l’émotion, comme par exemple, l’imagination ou
la conformité avec les attentes de l’expérimentateur. De plus, certaines confi-
gurations auraient pu demander un effort particulier, ce qui aurait eu un effet
sur la réponse psychophysiologique (voir Boiten, 1996). Malgré ces critiques,
SURVOL DES THÉORIES ET DÉBATS ESSENTIELS 7

notons que les auteurs ont pu répliquer les résultats avec des participants
nord-américains et indonésiens (Levenson, Ekman et Friesen, 1990 ; Levenson,
Ekman, Heider, et Friesen, 1992).
Le rôle causal des changements corporels dans l’émotion reste une propo-
sition défendue par un certain nombre de théories contemporaines de l’émotion
dont par exemple la théorie néo-jamésienne des marqueurs somatiques de
Damasio (1994), selon laquelle les événements de l’environnement (ou les
représentations mentales associées) peuvent être marqués par l’activité somati-
que au moment du traitement de l’événement. Ainsi, lorsque l’événement est
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présenté à nouveau au participant, le marqueur somatique correspondant est
activé, et peut alors notamment biaiser les prises de décisions liées aux consé-
quences potentielles de l’événement en question. L’approche jamésienne a
également influencé, en interagissant avec les « théories de la cognition
incarnée » (embodied cognition), les « théories incarnées de l’émotion »
(embodiment theories of emotion, voir Niedenthal, 2007). Selon cette appro-
che, les représentations cérébrales des processus corporels (notamment inté-
roceptifs et moteurs) impliqués lors de l’acquisition d’une connaissance
seraient à nouveau instanciées lorsqu’il est utile à l’individu de récupérer
cette connaissance. Concernant les émotions, les théories de l’incarnation
suggèrent donc que la perception et la pensée liées à l’émotion impliquent
chez l’individu une « ré-expérience » perceptive, somatosensorielle et motrice
de l’émotion correspondante (Niedenthal, 2007). Il est à noter que, dans les
théories contemporaines, l’importance est surtout donnée à la représentation
cérébrale de l’activité somatique plutôt qu’à l’activité somatique elle-même.
Cette importance donnée à la représentation cérébrale a notamment permis aux
théories néo-jamésiennes de se prémunir de certaines des critiques formulées
par Walter Cannon en réaction à la théorie originale de James et Lange. En
effet, sur la base de travaux neurophysiologiques effectués par Cannon et son
collaborateur Bard chez l’animal, un certain nombre de résultats empiriques
ont mis en doute la théorie périphéraliste pour proposer comme théorie alter-
native la théorie dite « centraliste » qui insiste sur le rôle du système nerveux
central, et en particulier le thalamus, dans le déclenchement de l’émotion.
Les critiques principales émises par Cannon et Bard à la théorie périphéraliste
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

sont les suivantes (voir Cannon, 1927, 1931). Tout d’abord, selon leurs études
chez l’animal, Cannon et Bard ont conclu que le comportement émotionnel
n‘est pas altéré lorsque les viscères sont déconnectés du cerveau. Un tel
résultat suggère que la réponse viscérale n’est pas nécessaire au comporte-
ment émotionnel, ce qui va directement à l’encontre de la théorie de James.
Cannon et Bard remarquent également que des changements viscéraux simi-
laires apparaissent dans des états émotionnels différents et dans des états non
émotionnels (par exemple, digestion, fièvre), ce qui remet en cause l’idée de
James selon laquelle chaque émotion spécifique serait causée par une activa-
tion corporelle spécifique. Nous discuterons plus en détail dans la suite de ce
chapitre de la question de la spécificité de la réponse périphérique de chaque
8 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

émotion. De plus, le fait que les viscères soient peu sensibles et que les chan-
gements viscéraux soient relativement lents suggère à Cannon et Bard que la
réponse viscérale ne peut pas être le déterminant principal des émotions. Fina-
lement, selon leurs travaux, une induction artificielle de changements viscéraux
n’induit pas d’émotion, ce qui irait également à l’encontre des prédictions de
James. Il est important de noter cependant que les critiques formulées par
Cannon et Bard ne font pas l’unanimité, surtout 1) si l’on considère l’ensemble
de la réponse corporelle, y compris musculaire, et pas uniquement viscérale,
et 2) si l’on considère, comme mentionné plus haut, le rôle des représenta-
tions cérébrales de l’activité corporelle plutôt que l’activité corporelle en tant
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que telle. Depuis que les théories périphéralistes et centralistes ont été propo-
sées (voir aussi Fehr et Stern, 1970 ; Fraisse, 1963), les défenseurs des deux
positions théoriques s’accordent depuis plusieurs décennies sur les « compo-
santes » du phénomène étudié : un événement (externe ou interne), la perception
(ou l’imagination) de cet événement, une large gamme de réactions corporelles
et de tendances à l’action, et un sentiment subjectif. Ces deux positions
s’accordent sur l’existence d’une séquence de traitements décomposable en
causes et en conséquences. Comme nous le discuterons plus loin, un problème
conceptuel est que le terme émotion est souvent utilisé pour se référer à la
composante correspondant au vécu du phénomène complet. Une question
importante apparaît alors : la réaction corporelle est-elle une cause, une
composante, ou une conséquence de l’émotion ? Le fait de savoir si la réponse
corporelle précède ou non l’émotion (« le problème de la séquence », Candland,
1977) est au cœur d’un débat animé encore aujourd’hui (voir Damasio, 1994 ;
Barrett, 2006 ; Prinz, 2004). Dans la section qui suit, nous verrons comment
la psychologie moderne a essayé de résoudre ce débat classique en proposant
une définition componentielle de l’émotion.

1.2 L’émotion en tant que concept hypothétique


et multicomponentiel
Un élément clé de l’approche contemporaine de l’émotion consiste à établir
une définition de travail de l’émotion en la décomposant en plusieurs compo-
santes, ce qui permet notamment une conception nouvelle du lien entre
émotion et sentiment. Cette approche est d’autant plus utile qu’il semble exister
autant de définitions de l’émotion qu’il existe de théories de l’émotion
(Kleinginna et Kleinginna, 1981 ; Strongman, 1996), et que, de façon géné-
rale, la spécificité de ce qu’est une émotion est souvent absorbée par un
cadre flou incluant d’autres phénomènes affectifs tels que les affects, les
sentiments (feelings), la motivation, le désir, la passion, l’humeur, le style
affectif, les attitudes, les préférences, les jugements, ou encore les pulsions.
Ainsi, Kleinginna et Kleinginna (1981) ont recensé quasiment cent définitions
de l’émotion qui rendent compte de la variabilité avec laquelle l’émotion est
SURVOL DES THÉORIES ET DÉBATS ESSENTIELS 9

conceptualisée. Dans ce cadre, les différentes classes de définitions ont été


regroupées selon qu’elles se référaient particulièrement à la dimension subjec-
tive, aux catégories de stimuli déclencheurs, aux mécanismes physiologiques,
à l’expression des comportements, aux effets adaptatifs, ou encore aux effets
perturbateurs de l’émotion. Il est important de souligner que, comme pour
beaucoup d’autres termes en psychologie provenant de la psychologie populaire
ou de la psychologie scientifique, l’émotion est un concept hypothétique qui
ne peut pas être observé directement, mais dont on infère l’existence à partir
d’un nombre d’indices.
Malgré cette variabilité conceptuelle, les psychologues s’accordent sur l’idée
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selon laquelle le terme « émotion » ne devrait pas être utilisé de manière
interchangeable avec le terme « sentiment » comme cela a pourtant souvent
été le cas dans le passé (notamment chez James), et même encore actuellement
(Barrett, 2006). En général, le sentiment est maintenant considéré comme
l’une de plusieurs composantes de l’émotion (voir chapitre 7). Deux autres
composantes clés reconnues par l’ensemble des théoriciens sont d’une part
la réponse psychophysiologique (voir chapitre 5) et d’autre part l’expression
motrice (du visage, de la voix et des gestes ; voir chapitres 3 et 4). Les
psychologues se réfèrent souvent à ces trois composantes – sentiment subjectif,
réponse psychophysiologique et expression motrice – en les désignant comme
constituant la triade de la réaction émotionnelle.
Au-delà de cette triade, une quatrième composante émotionnelle est
essentielle : la tendance à l’action, comme par exemple le désir de s’enfuir
ou de se cacher lorsque l’on a peur (voir chapitre 6). Selon certains auteurs,
cette composante, qui est une forme de préparation à l’action, représente la
facette la plus importante d’une émotion parce qu’elle est typique à chaque
émotion, par exemple vouloir s’enfuir serait typique de la peur tandis que
vouloir attaquer serait typique de la colère (Frijda, 1986, 1987, 2003, 2007 ;
Plutchik, 1980). Il est important d’attirer l’attention sur le fait que la plupart
des psychologues de l’émotion distinguent la tendance à l’action du compor-
tement instrumental effectif auquel elle peut éventuellement conduire. Contraire-
ment aux tendances à l’action, les actions elles-mêmes comme courir ou frapper
quelqu’un ne sont généralement pas considérées comme des composantes
de l’émotion, mais plutôt comme des conséquences comportementales de
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

l’émotion.
La cinquième composante qui est, comme nous le verrons plus loin,
souvent considérée comme celle qui détermine les changements dans les
quatre autres, est la composante d’évaluation cognitive (ou appraisal, voir
chapitre 2). Cette composante représente le processus cognitif par lequel un
événement externe ou interne va être évalué, même de façon implicite, de sorte
que la réponse émotionnelle constituée des quatre composantes mentionnées
ci-dessus est déclenchée et se différencie en une émotion spécifique, telle
que par exemple la joie, la peur, la colère, la tristesse, le dégoût, la honte, la
culpabilité, la fierté ou encore l’intérêt. L’existence de ce processus évaluatif à
10 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

la source du déclenchement et de la différenciation des émotions explique


notamment la grande variabilité intra- et inter-individuelle dans le domaine de
l’émotion : un même événement peut déclencher des émotions très différentes
chez un même individu selon le contexte et chez deux individus différents
(voir chapitre 12). Voilà pourquoi, si l’on considère l’exemple classique de
l’ours décrit par James, un chasseur d’ours évaluera de manière très diffé-
rente l’apparition de l’ours que ne le fera une personne qui se promène tran-
quillement. Ce processus d’évaluation cognitive change souvent rapidement
quand nous avons de nouvelles informations à notre disposition. Si l’on consi-
dère l’exemple précédent, nous allons évaluer l’homme avec le couteau à la
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main très différemment si nous nous apercevons tout d’un coup qu’il a taillé
un bâton pour un petit garçon qui joue à côté et qu’il s’est blessé légèrement
à la main.
Les différentes composantes de l’émotion, c’est-à-dire le sentiment subjectif,
les changements psychophysiologiques, l’expression motrice, les tendances
à l’action ainsi que l’évaluation cognitive, recrutent la plupart des systèmes
psychologiques. Comment peut-on alors différencier l’émotion d’autres formes
de processus psychologiques ?
Dans le but de proposer une définition de l’émotion, nous suggérons d’utiliser
le terme « émotion » pour désigner un ensemble de variations épisodiques
dans plusieurs composantes de l’organisme en réponse à des événements
évalués comme importants par l’organisme. Au lieu d’utiliser le terme « d’état
émotionnel » celui d’« épisode émotionnel » est plus approprié car il souligne
le fait que l’émotion est un processus dynamique d’une durée relativement
brève. Ceci nous permet de différencier l’émotion d’autres phénomènes
affectifs tels que par exemple l’humeur, celle-ci étant considérée en général
comme étant plus diffuse, durant plus longtemps et n’étant pas nécessaire-
ment déclenchée par un événement spécifique (Scherer, 2005). En effet, une
caractéristique importante de l’émotion est qu’elle se réfère toujours à un
objet qui la déclenche. Certains arguments suggèrent d’ailleurs que l’émotion
peut être déclenchée même si l’objet de l’émotion n’est pas perçu consciemment
(Ruys et Stapel, 2008). Une manière de souligner la caractéristique parti-
culière de l’émotion en tant que réponse urgente à une situation de crise (dans
le sens positif comme dans le sens négatif) est de postuler que les différentes
composantes psychologiques et physiologiques interagissent de manière très
particulière durant l’épisode émotionnel. Scherer (1984, 2001) a suggéré que
les sous-systèmes d’un organisme qui fonctionnent de manière indépendante et
autonome d’habitude deviennent synchronisés ou couplés pendant le processus
émotionnel afin de permettre à l’organisme de faire face à la situation d’urgence
créée par l’événement provoquant une émotion. Reprenons notre exemple :
pendant que vous êtes en train de vous promener dans le parc avec votre ami(e),
votre système nerveux végétatif est impliqué dans le processus de digestion
du déjeuner, votre respiration et la fréquence cardiaque sont ajustées idéalement
pour assurer le niveau d’oxygène dont vous avez besoin pour vous promener
SURVOL DES THÉORIES ET DÉBATS ESSENTIELS 11

et parler en même temps, vos muscles faciaux sont occupés à faire des souri-
res variés et vos pensées tournent autour de la conversation avec votre ami(e)
et la planification des activités à venir dans l’après-midi. Au moment où vous
apercevez l’homme, le couteau et le sang, votre digestion se modifie brus-
quement, votre respiration et votre fréquence cardiaque changent radicalement,
vos muscles faciaux se rigidifient, vos sourcils se lèvent, votre bouche s’ouvre,
la conversation s’arrête et vos pensées se focalisent sur la situation pour
essayer de comprendre ce qui se passe et décider de la réaction comportementale
à adopter. En même temps, l’apport sanguin vers la partie inférieure de votre
corps est augmenté afin de préparer les muscles des jambes pour un effort
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accru. Les systèmes corporels et mentaux sont donc coordonnés et synchro-
nisés, en recrutant toutes les ressources disponibles pour pouvoir faire face à
ce qui pourrait être une situation d’urgence majeure, une situation qui risque
de menacer l’un des buts majeurs dans la vie : survivre et rester sain et sauf.
Pour conclure cette section concernant la définition de l’émotion, il appa-
raît que si l’émotion est définie comme un épisode de changements interdé-
pendants et synchronisés de ces composantes en réponse à un événement
hautement significatif pour l’organisme, le problème de la séquence devient
alors une question qui concerne les interrelations dynamiques entre les compo-
santes d’un épisode émotionnel particulier. Dans une approche plus fonction-
nelle que purement descriptive, une question intimement liée à celle de la
définition est abordée dans la section suivante : quelle est l’utilité de l’émotion ?

2 POURQUOI AVONS-NOUS
DES ÉMOTIONS ?

Le fait de synchroniser les composantes dans le but de mobiliser toutes les


ressources d’un organisme pour faire face à un événement pertinent est
coûteux en termes énergétiques pour l’organisme. De ce fait, le fonctionnement
de certains sous-systèmes se trouve perturbé durant le processus émotion-
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

nel ; par exemple, nous avons de la peine à digérer ou à penser clairement


quand nous avons une émotion forte. Pour quelles raisons disposons-nous
d’un mécanisme aussi coûteux ?

2.1 La signification des émotions au cours de l’évolution


Dans leur analyse détaillée de la signification des études animales pour la
psychologie sociale, Hebb et Thompson (1979) ont suggéré que les êtres
humains sont les animaux les plus émotionnels. Ceci peut sembler étonnant
12 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

étant donné l’idée bien établie selon laquelle les humains seraient les premiers
organismes rationnels. Comment comprendre ce paradoxe ? Une réponse
vient du père de la théorie de l’évolution, Charles Darwin. Dans son ouvrage
sur l’expression des émotions chez l’homme et chez l’animal (The Expres-
sion of Emotions in Man and Animals, 1872/1998), Darwin développe la
thèse selon laquelle l’émotion a des fonctions utiles pour l’organisme. D’une
part, l’émotion permet la préparation d’un comportement adaptatif dans le
cadre des interactions avec l’environnement physique. D’autre part, l’émotion
est également utile pour la régulation des interactions sociales. En se focalisant
sur la fonctionnalité de l’expression émotionnelle, Darwin a essayé de
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montrer comment chacune des émotions principales peut être analysée en
termes de patterns de comportement adaptatifs de base, en particulier au niveau
du visage et du corps. Par exemple, lever les sourcils améliorerait l’acuité
visuelle, retrousser le nez permettrait d’éviter les odeurs désagréables (voir
Ekman, 1979). Récemment, Susskind et coll. (2008) ont testé empirique-
ment l’hypothèse d’une opposition fonctionnelle entre l’expression faciale
typique de peur et celle de dégoût. Ces auteurs ont ainsi démontré que
l’expression faciale de peur est, contrairement à celle du dégoût, configurée
pour augmenter l’acquisition sensorielle avec une ouverture marquée des
yeux, du nez et de la bouche. Ainsi, les expressions faciales émotionnelles
auraient acquis leur configuration dans le cadre de l’interaction avec l’envi-
ronnement physique et non seulement dans le cadre de la communication.
Une idée centrale de Darwin selon laquelle des précurseurs d’expressions
émotionnelles se trouvent chez les animaux a été confirmée par la recherche
en éthologie (van Hooff, 1972 ; Redican, 1982 ; Scherer, 1985).
Depuis Darwin, les théories psychologiques de l’évolution considèrent les
émotions comme un objet d’étude privilégié (voir Cosmides et Tooby, 2000 ;
Faucher, 1999 ; Griffiths, 1999). Les travaux de Darwin sur l’expression des
émotions ont eu deux apports principaux. Le premier a été de fournir,
comme évoqué ci-dessus et développé plus loin en détail, l’acte de naissance
d’une voie de recherche très active actuellement : l’étude des expressions
faciales émotionnelles (voir chapitre 3). Les capacités à produire une expression
émotionnelle et à reconnaître les expressions représentent ainsi un avantage
adaptatif. Par exemple, exprimer la colère comme l’indice d’une agressivité
peut faire fuir un ennemi si ce dernier est capable de la reconnaître.
Le second apport de Darwin n’est pas exclusif à son œuvre de 1872 mais
inhérent à sa théorie de l’évolution. Ainsi, la théorie synthétique (ou néo-
darwinienne) de l’évolution considère le système de traitement des informa-
tions émotionnelles de l’homme moderne comme remplissant une fonction
adaptative spécifique et s’appuyant sur un héritage phylogénétique. Dans ce
contexte, les théories adaptationnistes s’appuyant notamment sur l’émergence
de la psychologie évolutionniste (voir Tooby et Cosmides, 2000) visent à
appliquer les principes de la biologie évolutionniste aux recherches sur la
structure de l’esprit humain en s’intéressant à ce que l’on peut appeler les
SURVOL DES THÉORIES ET DÉBATS ESSENTIELS 13

« adaptations psychologiques ». À l’origine d’une problématique de recher-


che cruciale aux approches modernes de l’émotion, Martin Seligman a
proposé dans les années 1970 le concept de « préparation (preparedness) »
biologique pour expliquer pourquoi les phobies de certains stimuli sont telle-
ment plus probables que d’autres, en particulier les phobies des serpents et
des araignées. La logique de l’argumentation est que nous serions préparés à
avoir peur de certains stimuli qui étaient dangereux pour nos ancêtres. Ce
type de danger aurait, en interaction avec notre fonctionnement cérébral,
conduit à l’apparition d’un mécanisme de détection et de réponse à des stimuli
potentiellement dangereux d’un point de vue évolutionniste. Dans la mesure
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où l’homme moderne aurait hérité de ce mécanisme, nous serions également
préparés à avoir peur de ces classes de stimuli même si celles-ci sont certai-
nement moins dangereuses pour l’homme actuel que d’autres classes de
stimuli, comme les voitures par exemple. Se fondant sur cette proposition
théorique, Arne Öhman a eu pour objectif de tester expérimentalement ce
concept de « préparation » dans le cadre de l’apprentissage de la peur (fear
learning). Selon cet auteur, l’apprentissage est très important pour sélection-
ner quels stimuli déclenchent une réaction de peur et cet apprentissage serait
préparé biologiquement dans le sens où les réponses de défense sont beaucoup
plus facilement déclenchées par des stimuli qui apparaissaient dangereux
pour nos ancêtres (par exemple, araignées, serpents) qu’aux autres stimuli.
Öhman et les coll. ont pu démontrer dans des paradigmes de conditionne-
ment de peur que ces stimuli déclenchent une réaction même après un faible
conditionnement, déclenchent une réponse de façon persistante et sont peu
sensibles à l’extinction. Ainsi, sur la base d’une revue de la littérature,
Öhman et Mineka (2001) ont proposé l’existence d’un module de peur
répondant aux critères classiques d’un système modulaire. Ce module serait
sélectif car il ne serait activé que par les stimuli liés à la peur que l’espèce a
rencontrés au cours de son évolution ou par les stimuli associés. Par ailleurs,
ce module serait automatique car son activation ne nécessiterait pas l’atten-
tion volontaire ni le traitement conscient du stimulus. Ce module serait
également encapsulé car il effectuerait son traitement de manière relative-
ment indépendante des processus cognitifs. Enfin, ce module jouirait d’une
implémentation cérébrale dédiée grâce à un circuit centré sur l’amygdale.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

L’hypothèse d’un module de peur a notamment suscité des recherches


s’intéressant à « la peur de l’autre » lorsque l’autre ne fait pas partie de son
propre groupe. Ainsi, Olsson et coll. (2005) ont mené une étude en se fondant sur
les résultats indiquant que les primates associent plus efficacement certaines
classes de stimuli liés à la peur (par exemple, les serpents) à des conséquen-
ces négatives que des classes de stimuli non liés à la peur (par exemple, les
oiseaux). Précisément, Olsson et coll. (2005) ont testé l’idée selon laquelle
ce biais dans le conditionnement de peur pourrait s’étendre aux groupes
sociaux, opérationnalisés dans cette étude par la couleur de peau des visages
présentés durant le paradigme de conditionnement de peur. Les résultats ont
14 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

indiqué que les photographies d’individus ayant une autre couleur de peau
que la sienne étaient plus facilement associés à un stimulus aversif que les
photographies d’individus ayant la même couleur de peau que soi-même. Il
est intéressant de noter que cet effet, qui pourrait jouer un rôle dans les déter-
minants psychologiques du racisme, était diminué chez les participants qui
avaient déjà eu un contact rapproché et positif avec un individu ayant une
autre couleur de peau. Notons que l’approche du module de peur défendue
par Öhman et Mineka (2001) qui a été dominante plusieurs années a
tendance à ne plus s’imposer, en grande partie car il a été démontré que
l’amygdale n’est pas sélective à la peur (voir Sander, Grafman et Zalla, 2003 ;
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Sergerie et al., 2008) et que des stimuli non liés à la peur peuvent capturer
l’attention de façon similaire à des stimuli liés à la peur (par exemple, Brosch,
Sander et Scherer, 2007 ; Brosch, Sander, Pourtois et Scherer, 2008).

2.2 L’émotion comme système social de signalisation


L’expression de l’émotion d’un organisme permet aux autres d’inférer non
seulement la réaction de l’émetteur à un événement ou une action particulière,
mais elle transmet aussi une certaine tendance à l’action (par exemple,
l’agressivité dans le cas de la colère) ce qui peut influencer le processus
d’interaction qui s’ensuit. Supposons que l’homme avec le couteau à la main
est un agresseur novice. Une grande partie de l’interaction dépendra alors
des signaux émotionnels que vous lui envoyez. Si vous restez figé en poussant
un cri apeuré, l’homme verra qu’il vous a effrayé et qu’il peut vous demander
de lui donner votre portefeuille s’il réussit à vous empêcher de vous enfuir.
Si, par contre, vous lui criez dessus en vous approchant de lui (étant donné
que vous êtes champion de karaté), il est probable que votre agresseur se
rende compte du fait que vous êtes en colère et que vous pourriez l’attaquer.
Il est évident alors qu’une interaction dépend des signes émotionnels envoyés
par les partenaires de l’interaction. La psychologie de l’interaction humaine
démontre également l’importance des signes émotionnels dans l’établisse-
ment de nos relations avec d’autres hommes et femmes, dans l’interaction
des groupes et dans beaucoup d’autres domaines sociaux (voir Feldman et
Rimé, 1991 ; Fridlund, 1994 ; Tcherkassof, 2008). Des études empiriques (voir
par exemple, Scherer et Grandjean, 2008 ; Yik et Russell, 1999) démontrent
que, pour une expression faciale donnée, nous sommes tout à fait à même de
reconnaître des signaux, que cela soit en termes catégoriels d’émotions
données (par exemple, « je suis en colère »), de messages (par exemple,
« poussez-vous ou je vais vous attaquer »), de tendances à l’action (par exemple
« je veux frapper cette personne ») ou d’inférences d’évaluations cognitives
(par exemple, « ceci bloque mes buts et je vais faire ce qu’il faut pour avoir ce
que je veux »), avec une facilité particulière pour les catégories d’émotions
et les inférences d’évaluations cognitives (Scherer et Grandjean, 2008).
SURVOL DES THÉORIES ET DÉBATS ESSENTIELS 15

2.3 L’émotion permet un comportement plus flexible


Les émotions sont des mécanismes de réponse que nous ne pouvons pas
complètement contrôler de manière volontaire, mais qui ne suivent pas non
plus une simple séquence de stimulus-réponse (S-R). Pour les séquences de
type « S-R », une réponse particulière est directement couplée à un certain
stimulus ou une classe particulière de stimuli. L’émotion, quant à elle,
découple le stimulus de la réponse : elle sépare l’événement de la réaction en
remplaçant l’automatisme de réactions instinctives potentielles par plusieurs
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réactions alternatives. En d’autres termes, l’émotion permet à l’organisme de
« choisir » entre plusieurs réponses possibles pour un événement donné.
Ceci est un mécanisme flexible qui permet une certaine liberté à l’organisme,
même si un certain automatisme perdure. Les émotions nous préparent pour
des types de comportements adaptatifs particuliers (Scherer, 1984b, 2001).
Reprenons l’exemple abordé plus haut. Si j’étais un champion de karaté
et que ma réaction comportementale était exclusivement contrôlée par un
mécanisme de type « S-R », alors j’attaquerais immédiatement l’homme au
couteau. Mais étant donné que je peux ressentir une émotion comme de la colère
plutôt que de réagir en suivant une séquence de type « insulte-agression »,
cela permettra certes une préparation de mon organisme à une éventuelle
réaction agressive, notamment en assurant la circulation sanguine optimale
aux régions du corps susceptibles d’être impliquées et en montant la tension
musculaire, mais, étant donné que la colère découple le stimulus de la réponse,
je ne vais pas frapper la personne immédiatement. L’émotion a préparé la
réponse qui peut être considérée comme étant adaptative et m’a fait gagner
un temps de latence me permettant de choisir une réaction optimale parmi
une large gamme de comportements possibles. Par exemple, je peux renon-
cer à frapper l’homme s’il a l’air d’être beaucoup plus fort que moi ou si je
me rends compte un petit instant après l’avoir aperçu qu’il a, en fait, taillé un
bâton. Ce temps de latence ayant lieu entre le moment où l’émotion est
provoquée et le moment d’exécution d’un pattern de comportements adaptatifs,
il nous permet d’évaluer davantage la situation et d’estimer la probabilité de
succès ainsi que les conséquences d’une action particulière. C’est en cela
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

que l’émotion n’est pas de même nature qu’un réflexe. Ce découplage entre
la perception du stimulus et le déclenchement de la réponse nous donne plus de
temps pour l’évaluation de la situation et des conséquences de la réponse ; ceci
est une fonction très importante de l’émotion. Néanmoins, comme mentionné
auparavant, l’évolution a également mis à notre disposition une préparation
spécifique à l’action à laquelle nous pouvons avoir recours dans des situations
d’urgence ou dans des situations où davantage d’évaluations et d’échanges
de signaux pourraient avoir des conséquences négatives. Ces mécanismes
implicites et automatiques qui préparent et dirigent l’action appropriée ont
une forte influence sur la motivation, comme cela a été décrit par plusieurs
psychologues (Buck, 1985 ; Frijda, 1986, 2003, 2006 ; Plutchik, 1980). Il
16 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

semble maintenant admis que les systèmes de traitement de l’information


des êtres humains ne sont pas analogues au fonctionnement d’un ordinateur,
basé sur des règles et impliquant un traitement et un triage « froid » de
l’information. Le traitement de l’information chez l’homme est souvent basé
sur des « cognitions chaudes » (voir par exemple, Abelson, 1963), en parti-
culier dans le domaine social : les réactions émotionnelles nous aident à faire
le tri entre ce qui est pertinent et ce qui ne l’est pas (Frijda, 1986 ; Lazarus,
1991). Les anciens philosophes ont déjà suggéré que la valence (le plaisir
versus la douleur, ou encore l’agrément versus le désagrément) fait qu’une
cognition « froide » devient « chaude ». L’information afférente est évaluée
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par des critères qui sont parfois basés sur des préférences innées (par exem-
ple, un nouveau-né réagira positivement au sucré alors que les goûts amers
provoqueront une réaction affective négative, Berridge, 2000 ; Chiva, 1985 ;
Steiner, 1979) ou sur des critères d’évaluation acquis pendant notre sociali-
sation et qui sont représentés par nos besoins, préférences, buts et valeurs
(Berridge, 2000 ; Campos et Barrett, 1984 ; Frijda, 2006).
Dans cette section, nous nous sommes intéressés aux différentes fonctions
des émotions en nous interrogeant sur la signification des émotions au cours
de l’évolution, sur leur rôle en tant que système social de signalisation et sur
le fait que l’émotion permette un comportement particulièrement flexible. Mais,
sous quelles conditions les émotions, qui ont une telle utilité pour l’organisme,
sont-elles déclenchées ? Cette question fait l’objet de la section suivante.

3 DIFFÉRENCIATION : COMMENT
LES ÉMOTIONS SONT-ELLES
DÉCLENCHÉES ET DIFFÉRENCIÉES ?

Une grande partie des recherches et théories en psychologie de l’émotion


s’intéressent au lien entre les situations que nous vivons et les émotions
qu’elles produisent : quelles situations sont propices à déclencher des réponses
émotionnelles ? Quelle est l’émotion spécifique qui est déclenchée par un
certain type de situation (différenciation) ?

3.1 Quelques notions philosophiques


La plupart des philosophes qui se sont intéressés au lien entre les situations
et les émotions déclenchées ont suggéré que, par exemple, une insulte touchant
notre honneur déclencherait évidemment la colère, alors qu’une attaque par
un ennemi puissant déclencherait évidemment la peur. Cette approche normative
SURVOL DES THÉORIES ET DÉBATS ESSENTIELS 17

juge l’adéquation d’émotions particulières en réponse à des situations en


postulant une correspondance claire entre le type de situation et l’émotion
provoquée. Il peut ainsi sembler surprenant que cette question suscite un
débat en psychologie : il semble pourtant clair que quelqu’un réagit avec une
émotion particulière dans une situation particulière, par exemple que l’on ait
peur lorsque l’on rencontre un ours ou un homme avec un couteau. Or il se
trouve que l’information sur la situation elle-même ne suffit souvent pas
pour prédire quelle émotion sera provoquée. En effet, un chasseur pourrait
être content de voir un ours dans la forêt, ou un policier pourrait être soulagé
d’enfin trouver l’agresseur qu’il cherchait depuis longtemps. Il semble donc
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qu’un des facteurs clés dans le déclenchement et la différenciation des
émotions soit, non pas l’événement en tant que tel ou ses caractéristiques
objectives, mais plutôt la signification subjective de cet événement pour un
individu donné à un instant particulier.
Voilà pourquoi les philosophes éminents qui se sont intéressés aux émotions
ont défini soit explicitement, soit implicitement, les différents types d’émotions
en termes de la signification de l’événement pour la personne ou, autrement
dit, en termes de l’évaluation effectuée par la personne en fonction de ses
besoins fondamentaux, ses buts et ses valeurs. Même James, défenseur de
l’hypothèse révolutionnaire que l’émotion ressentie est déterminée par la
perception de patterns de changements corporels, a admis que la nature de
ces changements corporels était déterminée par l’« idée » prédominante de la
signification de la situation en ce qui concerne le bien-être de l’organisme
(par exemple, la probabilité que l’ours nous tuera ou que nous le tuerons ;
James, 1894, p. 518 ; voir Ellsworth, 1994). Ceci s’approche de la notion de
l’évaluation ou appraisal de l’événement en fonction des besoins, des buts et
des valeurs importants de l’individu (voir chapitre 2).

3.2 La théorie de Schachter et de Singer de l’émotion


Au début des années soixante, le psychologue Stanley Schachter a été l’un
des premiers à proposer une théorie cognitive de l’émotion. Il était en accord
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

avec plusieurs points de la théorie de James-Lange, notamment le fait d’assi-


miler l’émotion au sentiment rapporté verbalement et le fait d’accorder un
rôle important à l’activation du système nerveux périphérique. En revanche,
il remettait en question la vision de James selon laquelle les patterns de
changements physiologiques sont spécifiques et causaux dans l’émotion.
Schachter proposait alors que la perception d’une activation non spécifique
accrue, définie en termes d’activation de la branche sympathique du système
nerveux périphérique (se manifestant par exemple par des sensations comme
l’accélération cardiaque, les jambes qui tremblent ou le rougissement, voir
chapitre 5) était nécessaire pour le déclenchement d’une émotion, mais que
18 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

cette activation non spécifique ne suffisait pas pour la différenciation de


l’émotion. En ce qui concerne les différents facteurs donnant lieu à la diffé-
renciation des émotions, Schachter a attribué une fonction décisive aux
cognitions qui découlent de la situation immédiate interprétée sur la base des
expériences du passé.
Dans cette optique, deux facteurs sont nécessaires au déclenchement et à
la différenciation de l’émotion en tant que sentiment : 1) la perception d’une
activation physiologique (arousal) et 2) une cognition concernant l’interpré-
tation de la situation déclenchante de l’activation physiologique. Selon cette
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proposition, appelée « théorie bi-factorielle de l’émotion », l’activation
physiologique ne serait pas spécifique à une émotion : elle en déterminerait
l’intensité mais non la qualité. La cognition déterminerait quelle émotion est
ressentie ; comme l’écrivent Schachter et Singer (1962), « C’est la cognition
qui détermine si l’état d’activation physiologique sera labellisé comme
“colère”, “joie”, “peur” ou autre. »
D’après Schachter et Singer (1962) :
« Dans la plupart des situations qui donnent lieu à une émotion, ces deux fac-
teurs sont complètement interdépendants. Imaginez un homme qui marche
seul dans une ruelle sombre, une silhouette avec un fusil apparaît soudai-
nement. La perception-cognition “silhouette avec un fusil” va, d’une certaine
façon, initier un état d’activation physiologique. Cet état d’activation sera in-
terprété selon les connaissances concernant les ruelles sombres et les fusils, et
l’état activation physiologique sera labellisé “peur”. »

Ainsi, contrairement à James, Schachter ne présume pas que ce soit un


pattern physiologique particulier qui donne lieu à une émotion particulière,
mais propose plutôt que ce soit l’activation physiologique (arousal) non
spécifique couplée à l’interprétation cognitive de l’événement qui produise
l’émotion. Il est important de noter que la simple coïncidence temporelle de
ces deux facteurs ne serait pas suffisante pour que l’émotion apparaisse : il
faut que la cognition soit utilisée pour donner un label à l’activation physio-
logique.
Pour mettre à l’épreuve sa théorie, Schachter s’est particulièrement inté-
ressé aux situations où ces deux facteurs n’étaient pas liés. Que se passe-t-il,
se demandait Schachter, si une personne ressent une activation physiologique
pour laquelle il n’y a ni d’explication immédiate ni cognition adéquate ?
Selon Schachter, une telle situation provoque un processus de recherche
d’information et d’auto-attribution. Formulée simplement, une conséquence
de cette proposition est que si un individu ressent une activation physiologi-
que mais ne peut pas l’attribuer à un facteur externe, alors il sait que ce qu’il
ressent est probablement une émotion. Dans ce cas, l’individu analyse son
environnement social et physique et, à l’aide d’indices pertinents, décide
quelle est l’émotion adéquate. C’est alors cette émotion spécifique qu’il
SURVOL DES THÉORIES ET DÉBATS ESSENTIELS 19

ressent. Bien entendu, ce processus ne se fait pas au niveau conscient mais


relève plutôt de traitements implicites.
Une expérience devenue classique de Schachter et son collaborateur Singer
a essayé de tester un certain nombre d’hypothèses dérivées de cette théorie
(Schachter et Singer, 1962). La procédure expérimentale étant détaillée au
chapitre 6, nous ne présenterons donc ici que les hypothèses théoriques que
les auteurs suggèrent avoir validées : 1) étant donné un état d’activation
physiologique pour lequel un individu ne possède pas d’explication immé-
diate, il « labellisera » cet état selon les cognitions dont il dispose ; 2) étant
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donné un état d’activation physiologique pour lequel un individu possède
une explication totalement appropriée, aucun besoin d’évaluation n’apparaî-
tra, et il est peu probable que l’individu labellise son état d’activation selon
des cognitions alternatives dont il dispose ; 3) étant donné des circonstances
cognitives identiques, l’individu réagira émotionnellement seulement s’il
ressent un état d’activation physiologique. Il est à noter que, mis à part les
critiques possibles des interprétations de leurs résultats, la méthodologie de
cette recherche a été critiquée, et des tentatives de répliquer les résultats ont
échoué en général (voir chapitre 6 ; Gordon, 1987 ; Reisenzein, 1983, pour
une revue). Malgré ces défauts, cette expérience a eu une influence considé-
rable sur la psychologie de l’émotion, et, à présent, c’est un fait établi en
psychologie que nous faisons usage d’informations dans notre environne-
ment social pour guider notre jugement et nos choix dans des situations
d’incertitude (voir par exemple, la théorie sur le social appraisal, Manstead
et Fischer, 2001). Schachter et Singer étaient parmi les premiers à souligner
que notre ressenti émotionnel, qui a typiquement été considéré comme un
domaine très personnel et lié à ce qui se passe à l’intérieur de notre corps, est
en fait sujet à une multitude d’influences sociales et peut être complètement
manipulé dans certaines conditions.
Malheureusement, plutôt que de voir le paradigme de Schachter et Singer
comme un cas spécifique, beaucoup d’auteurs ultérieurs en ont fait usage en
tant que la théorie de l’émotion de Schachter et Singer. En fait, cette théorie
était dominante dans la plupart des manuels de psychologie sociale dans les
années 1960-1990 sous le nom de théorie bi-factorielle de l’émotion (two
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

factor theory of emotion). Cette théorie est d’une valeur limitée et potentiel-
lement trompeuse en tant que théorie générale de l’émotion qui cherche à
expliquer comment une émotion est typiquement déclenchée et quels
facteurs déterminent leur différenciation. Par exemple, la théorie bi-facto-
rielle de l’émotion ne détaille pas la manière dont l’activation physiologique
non spécifique serait induite. La recherche des processus par lesquels une
émotion, y compris sa composante périphérique, est typiquement déclenchée
et différenciée est justement l’objet d’une approche que l’on peut considérer
aujourd’hui comme majoritaire parmi les psychologues qui étudient le
déclenchement et la différenciation de l’émotion : les théories de l’évaluation
cognitive (appraisal).
20 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

3.3 Les théories de l’évaluation cognitive (appraisal)


Magda Arnold (1960) a été l’une des premières psychologues à suggérer
explicitement que la signification d’un événement induisant une émotion est
établie par un processus d’évaluation (appraisal) de l’événement basé sur un
ensemble de critères qui sont propres à la personne. Quelques années plus
tard, Richard Lazarus (1966) a apporté une contribution majeure en propo-
sant l’existence d’un processus d’évaluation (appraisal) mais également
d’un processus de réévaluation (reappraisal) pouvant modifier les premières
impressions ainsi que l’émotion déclenchée. Par exemple, dans une expé-
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rience classique, Lazarus, Speisman, Mordkoff et Davison (1962) ont montré
qu’il est possible de changer les réponses physiologiques des participants en
réponse à un film émotionnel (par exemple, un documentaire concernant une
cérémonie avec incisions corporelles) en modifiant le commentaire verbal
(par exemple, soit en mettant l’accent sur l’expérience douloureuse de la
personne incisée, soit en insistant sur la fonction sociale du rite cérémonial
en question).
Lazarus a également introduit la distinction entre ce qu’il appelle l’évalua-
tion primaire (primary appraisal) et l’évaluation secondaire (secondary
appraisal) d’un événement. L’évaluation primaire concerne l’évaluation de
l’événement sur sa dimension d’agrément et sur sa dimension d’opportunité
au but. L’individu évalue à quel point l’événement est agréable ou désagréa-
ble, et à quel point l’événement l’aide ou l’empêche d’assouvir un besoin ou
d’accomplir un but (voir chapitre 2 pour plus de détails). Selon Lazarus,
l’évaluation secondaire spécifie quant à elle à quel point la personne sera
capable de faire face (coping) aux conséquences d’un événement en fonction
de ses propres besoins, buts et ressources. En interagissant, ces deux types
d’évaluations détermineraient la différenciation de l’émotion (ou le niveau
de stress ressenti ; Lazarus, 1968, 1991).
Comme cela est détaillé dans le chapitre 2, une progression théorique
majeure concerne la spécification des critères qui permettent l’évaluation (voir
Ellsworth et Scherer, 2003 ; Roseman et Smith, 2001 ; Sander, Grandjean et
Scherer, 2005 ; Scherer, 1999 ; Scherer, Schorr et Johnstone, 2001 ; Smith et
Lazarus, 1993). Des exemples de tels critères sont la nouveauté et l’anticipation
d’un événement, son agrément, sa faculté d’aider ou d’empêcher l’individu à
atteindre ses buts et à quel point l’individu peut faire face aux conséquences.
Revenons à notre exemple du parc : lorsque vous voyez l’homme avec le
couteau à la main, un processus cognitif rapide d’évaluation de la significa-
tion de cet événement par rapport à votre bien-être s’ensuit. Ceci permet
d’illustrer quelques-uns des critères d’évaluation centraux suggérés par les
théoriciens de l’émotion : quelle est l’intention de cet homme (causalité et
agentivité) ? Est-ce que ses actions affecteront mes propres besoins et buts,
tel que rester sain et sauf (congruence aux buts) ? Est-ce que je serai en
mesure de faire face à une attaque, en d’autres termes est-ce que je suis plus
SURVOL DES THÉORIES ET DÉBATS ESSENTIELS 21

fort que lui ou est-ce qu’il vaudrait mieux appeler à l’aide (potentiel de
maîtrise) ? Le résultat de l’évaluation sur la base de ces critères, ainsi que d’autres,
détermineront la réaction émotionnelle. Le chapitre 2 décrit ce processus de
manière plus détaillée.
Beaucoup de recherches en psychologie de l’émotion ont testé quelques-unes
de ces prédictions ou ont étudié la relation entre les résultats de l’évaluation
et les réponses émotionnelles de manière plus inductive. Dans ce type d’études,
il est habituellement demandé aux participants de se rappeler des épisodes
d’émotions typiques, comme des moments de colère, de peur ou de honte. Il
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leur est ensuite demandé de répondre à des questions portant sur les processus
d’évaluation cognitifs (Roseman, Spindel, et Jose, 1990 ; Smith et Ellsworth,
1985 ; Scherer, 1997a). Dans une variante de cette procédure, Scherer (1993)
a utilisé un système expert informatique pour obtenir des éléments concernant
les critères d’évaluation utilisés par des participants en réponse à des événements
importants qu’ils ont vécu. Ce système expert a été utilisé pour prédire, sur la
base des propositions théoriques, quels termes émotionnels les participants
allaient utiliser pour décrire leur ressenti. L’obtention d’un pourcentage de
reconnaissance d’environ 70 % a confirmé le caractère prédictif des critères
d’évaluation cognitive. Une stratégie alternative est de construire des scéna-
rios ou des vignettes sur la base de profils d’évaluations prédits et de demander
ensuite aux participants de s’imaginer cette situation et d’indiquer leurs réac-
tions émotionnelles probables (Smith et Lazarus, 1993). De telles études ont
généralement validé les prédictions théoriques formulées par les théoriciens de
l’appraisal (voir Reisenzein et Hofmann, 1993 ; Scherer, 1999). Une autre
approche empirique consiste à choisir un événement particulier induisant
une émotion et ayant une répercussion sur un grand nombre de personnes
simultanément, comme les examens finaux pour des étudiants, et en tirer des
informations sur les évaluations de la situation ainsi que sur les types de
réponses émotionnelles. Ce type d’études montre notamment l’importance
des mélanges d’émotions (emotion blends), c’est-à-dire que ces études mettent
en évidence le fait que l’évaluation d’un événement donné par une personne
particulière va probablement déclencher un mélange de plusieurs émotions
plutôt qu’une seule émotion (Folkman et Lazarus, 1985 ; Smith et Ellsworth,
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

1987). Une étude sur le terrain, dans un aéroport, a confirmé cette hypothèse.
Scherer et Ceschi (1997) ont filmé et interviewé des passagers ayant perdu
leurs bagages. Les données de cette étude ont illustré non seulement le fait
que les émotions sont souvent mélangées, mais également l’idée centrale de
la théorie de l’appraisal : même si l’événement est le même pour tous les
passagers (la perte de ses bagages), le mélange d’émotions produit dépend
de l’évaluation subjective spécifique de la signification de l’événement par
chaque passager. Ainsi, les passagers ayant jugé que la perte des bagages
interfère de manière importante avec leurs projets et ayant évalué comme
relativement faible leur potentiel de maîtrise (coping potential) face à cette
22 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

perte, ont eu tendance à avoir davantage de mélanges d’émotions négatives,


surtout incluant la tristesse.
Un problème méthodologique pour la mise à l’épreuve empirique des
théories de l’appraisal vient du fait que la plupart des recherches mentionnées
auparavant se sont basées sur des comptes rendus verbaux rétrospectifs concer-
nant la nature de l’évaluation précédant l’expérience émotionnelle. Cette
approche expérimentale est très limitée car il est impossible d’exclure la
possibilité que les participants ne construisent leur réponse concernant leur
évaluation cognitive sur la base d’idées culturelles partagées (représentations
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sociales) concernant le type d’événement supposé produire une émotion
particulière. Le même problème s’applique à l’usage d’études de vignettes ou
de scénarios (voir Parkinson, 1997, 2001 ; Parkinson et Manstead, 1993).
Une manière d’éviter le danger de circularité dans ce type d’approche est
de manipuler les situations de façon à prédire les émotions déclenchées sur la
base des évaluations cognitives supposées être impliquées. Évidemment, un
éventuel problème pourrait être que les participants n’évaluent pas la situation
selon les attentes de l’expérimentateur, en particulier si leurs besoins, leurs
buts et leurs ressources diffèrent de manière importante de ceux des autres
participants. Même si ces études sont difficiles à opérationnaliser, elles repré-
sentent la seule manière de résoudre le problème méthodologique posé par le
rapport verbal. Une approche prometteuse dans cette direction est d’aller au-
delà de la simple présentation de stimuli visuels ou auditifs en utilisant des
jeux d’ordinateurs qui permettent aux chercheurs de manipuler les événe-
ments auxquels les participants se trouvent confrontés (comme par exemple
l’apparition soudaine d’obstacles aux buts, ou encore la capacité de faire face
aux ennemis). En plus, des adeptes aux jeux d’ordinateurs montrent une
implication personnelle importante dans le jeu, ce qui est la condition princi-
pale nécessaire pour pouvoir induire des émotions en laboratoire (voir Scherer
et al., 2000 ; van Reekum et al., 2004). De façon générale, et comme cela est
développé dans le chapitre 2, l’avantage d’utiliser une approche empirique
visant à manipuler les situations est qu’il est possible de mesurer non seulement
des indices comportementaux et verbaux, mais également psychophysiologiques
et cérébraux (voir Aue et Scherer, 2008 ; Grandjean et Scherer, 2008 ; Siemer,
Mauss et Gross, 2007).

3.4 Différences individuelles et culturelles


dans l’appraisal des événements
En psychologie, les théories de l’évaluation cognitive sont particulièrement
utiles comme cadre de référence pour expliquer les différences intra-indivi-
duelles, et inter-individuelles, notamment culturelles, dans le déclenchement
et la différenciation des émotions. En effet, comme cela a été évoqué plus haut,
SURVOL DES THÉORIES ET DÉBATS ESSENTIELS 23

selon ces théories, la subjectivité est une dimension essentielle à considérer :


un événement donné peut déclencher deux émotions différentes chez deux
personnes différentes ou chez une même personne à deux moments diffé-
rents car l’évaluation de l’événement est fonction des motivations et des
valeurs d’un individu donné à un moment donné. Comme cela est détaillé
dans le chapitre 2, même si certains traitements de l’évaluation cognitive sont
universaux, ce n’est pas systématiquement le cas puisque de nombreux buts,
besoins et valeurs sont essentiellement déterminés culturellement (voir
Mesquita, Frijda et Scherer, 1997). Par exemple, dans une étude interculturelle
conduite dans trente-sept pays, Wallbott et Scherer (1995) ont montré que
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chez les participants des cultures dites individualistes (qui attribuent une
grande valeur aux droits et intérêts des individus), il y avait relativement peu
de différence entre la honte et la culpabilité : dans les deux cas, le comportement
ayant provoqué l’émotion était considéré comme étant fortement immoral.
Dans les cultures dites collectivistes (qui donnent la priorité aux intérêts de
la famille et aux groupes sociaux), par contre, les sentiments de culpabilité
étaient provoqués plus fréquemment par des événements jugés comme beau-
coup plus immoraux que ceux déclenchant la honte. De façon cohérente, les
données ont également montré des différences frappantes qui relèvent d’autres
composantes de ces deux émotions. Les expériences de honte dans les cultures
collectivistes sont intenses et brèves, sans conséquences majeures. En revan-
che, dans les cultures individualistes, les profils de réaction des expériences
de honte ressemblent beaucoup à ceux de culpabilité ayant des effets à long
terme sur les auto-évaluations. Il semble donc que le système de valeurs
socioculturelles puisse moduler l’émotion de manière importante. Une autre
origine potentielle des différences interculturelles dans l’évaluation cogni-
tive est liée à des différences dans les structures de croyances. Dans l’étude
mentionnée ci-dessus, les participants des pays africains ont attribué plus de
causalité externe et d’immoralité aux événements provoquant des émotions
que les participants d’autres cultures. Une explication possible de ce résultat
est que certaines croyances sont largement répandues dans beaucoup de pays
africains. Précisément, ces résultats pourraient s’expliquer par l’existence de
croyances dans une structure privilégiant les attributions externes et l’assi-
gnement de blâme moral aux agents, présumés non naturels, d’événements
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

nocifs (Scherer, 1997b).


Les différences ne sont pas seulement liées à des variables culturelles. Les
buts et les valeurs diffèrent souvent parmi les classes sociales, parmi les
générations ou parmi les affiliations politiques, rendant probable le fait que
le même événement provoque des émotions différentes parmi les membres de
ces groupes différents, même s’ils appartiennent à la même culture. Au-delà
des différences culturelles et de groupes, il y a également des différences
individuelles non négligeables dans l’évaluation cognitive (voir chapitre 12).
Les différences dans la structure du concept du soi jouent également un rôle
important. Par exemple, Brown et Dutton (1995) ont montré que les participants
24 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

ayant une faible estime de soi ont des réactions émotionnelles plus marquées
face à l’échec que les personnes ayant une bonne estime de soi. Ceci est
particulièrement vrai pour les émotions impliquant directement le soi (p. ex
la honte ou l’humiliation). Il y a également des données qui suggèrent que
l’organisation du soi pourrait être affectée par le système de valeurs culturelles
(voir Markus et Kitayama, 1994). Un autre facteur important est la tendance
dispositionnelle à attribuer la responsabilité pour des événements plutôt à
soi-même ou plutôt à autrui (attribution interne ou externe ; Weiner, 1986 ;
voir le chapitre 12 du présent traité). Une revue des déterminants potentiels
des différences interindividuelles dans l’évaluation cognitive a été documen-
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tée par Van Reekum et Scherer (1997). De façon générale, il est probable que
de nombreux troubles émotionnels aient pour origine des biais ou déficits
dans le processus d’évaluation cognitive (voir Scherer, Sangsue et Sander, 2008 ;
voir le chapitre 13 du présent traité).

3.5 Primauté de l’évaluation cognitive


Un débat fondamental, fortement lié à la question de la différenciation de
l’émotion, concerne les relations entre les concepts hypothétiques « émotion »
et « cognition ». En effet, trouvant ses racines dans la philosophie, en particulier
platonicienne, la distinction entre un « système cognitif » et un « système
affectif » a été défendue par plusieurs écoles en psychologie. En ce qui concerne
le déclenchement et la différenciation de l’émotion, un débat important s’est
déroulé dans les années 1980 entre Robert Zajonc et Richard Lazarus. Zajonc
défendait l’idée d’une primauté de l’affect par rapport à la cognition (Zajonc,
1984), alors que Lazarus défendait au contraire l’idée d’une primauté de la
cognition par rapport à l’affect (Lazarus, 1984). Ce débat autour de la question
de l’indépendance et de la primauté entre affectif et cognitif a eu un impact
substantiel sur l’étude des niveaux de traitement dans l’émotion, en particulier
sur les recherches s’intéressant aux processus émotionnels automatiques.
Un résultat expérimental très influent (mais difficilement réplicable), mis
en avant par Zajonc (1980, 1984) pour suggérer la primauté de l’affect, est
l’effet dit de la « simple exposition » (mere exposure effect). Selon cet effet, la
simple exposition répétée à des stimuli neutres, même s’ils ne sont pas reconnus
comme familiers et même s’ils sont présentés de façon à ne pas pouvoir être
identifiés, génère une préférence à leur égard (par exemple, Kunst-Wilson et
Zajonc, 1980). Ainsi, le fait que de nouvelles réactions affectives, telles que
les préférences, puissent se former sans participation apparente d’évaluation
cognitive a conduit Zajonc à défendre l’idée selon laquelle les inférences
(cognitives) ne sont pas nécessaires pour l’apparition de préférences (affectives).
Sur cette base, Zajonc (1984) argumente qu’« une réponse émotionnelle pourrait
se produire directement sur la base d’information sensorielle non transformée »,
indiquant ainsi qu’un traitement sensoriel, par conséquent non cognitif selon
SURVOL DES THÉORIES ET DÉBATS ESSENTIELS 25

Zajonc, peut déclencher une émotion. Notons que cette vision n’est pas sans
rappeler celles de Lange ou de James. En effet, Lange (1885) écrivait que les
« phénomènes corporelles sont produits directement par la cause terrifiante ».
James (1892) écrivait que « grâce à une sorte d’influence physique immé-
diate, certaines perceptions produisent dans le corps des modifications orga-
niques ». Notons d’ailleurs que ces termes « directement » ou « influence
immédiate », qui peuvent certainement être traduits en termes computationnels
comme l’équivalent du concept « automatiquement », auraient dû contribuer
à poser une question fondamentale : quel mécanisme permet une évaluation
automatique (directe, immédiate) d’un événement émotionnel ? Au contraire, la
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vision de James, Lange et Zajonc a contribué à écarter cette question et a été
considérée comme une solution au problème de l’évaluation sans qu’il appa-
raisse nécessaire d’expliquer la cause des variations périphériques par
l’intervention d’un mécanisme causal. Or la caractérisation des mécanismes
automatiques, y compris de ceux dits de haut niveau tels que l’évaluation,
représente un objectif majeur de la psychologie.
Zajonc défend également l’idée selon laquelle les états affectifs pourraient
être induits par des procédures non cognitives telles que la prise de drogues
ou la rétroaction faciale. En réponse à cette critique, Lazarus a proposé que
dans tous ces cas, des activités cognitives ont pu être impliquées avant que la
réponse émotionnelle n’apparaisse car la définition de cognition implicite-
ment adoptée par Zajonc est beaucoup trop restrictive. Cette question de la
définition est également très importante pour les autres arguments dévelop-
pés par Zajonc. Par exemple, Zajonc propose que les réactions affectives
seraient phylogénétiquement et ontogénétiquement primaires par rapport à la
cognition. Cependant, comme l’explique Lazarus, il n’existe aucune évidence
fiable pour soutenir cette position. Au contraire, les enfants et autres espèces
sont potentiellement capables de processus cognitifs, même de bas niveaux
mais suffisants pour déclencher des émotions. De même, l’argument de
Zajonc selon lequel des structures neuro-anatomiques seraient séparées pour
affect versus cognition est critiquable selon Lazarus, notamment concernant
l’asymétrie hémisphérique (voir Sander et Koenig, 2002). Ainsi, selon Lazarus,
non seulement aucun argument de Zajonc ne prouve que la cognition n’est
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

pas impliquée, mais de nombreux arguments (telles que ceux présentés plus
haut dans cette section) suggèrent que l’évaluation cognitive peut être impliquée.
De plus, le fait que Zajonc ne donne pas de définition de l’émotion et prenne
en compte un grand nombre de phénomènes non suffisants pour constituer
une émotion telle que l’activation (arousal) ou la préférence remet en cause la
spécificité des phénomènes discutés par Zajonc. Au contraire, Lazarus argumente
que l’activité cognitive est une condition nécessaire à l’émotion : l’individu
doit comprendre la relation entre son bien-être et l’environnement pour
qu’une émotion puisse être déclenchée. Lazarus note également que la théorie
de Zajonc ne propose pas de mécanisme causal, et est moins parcimonieuse
26 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

car elle propose que l’émotion soit parfois causée par la cognition mais que
parfois elle ne le soit pas.
Une dizaine d’années après le débat entre Zajonc et Lazarus, la question
de l’indépendance et de la primauté entre affectif et cognitif a été à nouveau
débattue, mais cette fois sur le terrain de la neuroscience cognitive. Ainsi,
dans son article intitulé « Cognition versus emotion, Again – this time in the
brain », LeDoux (1993) expose les arguments en faveur de la primauté de
l’affect et de l’indépendance entre affect et cognition. Cet auteur note que
l’approche de type « Systems neuroscience » considère que le cerveau est
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constitué de systèmes ayant chacun une fonction spécifique. Par conséquent,
il serait tout à fait possible de concevoir la coexistence d’un « système affec-
tif » et d’un « système cognitif ». Suivant cette argumentation, il suggère
l’existence d’un système cérébral (incluant l’amygdale) qui assure des fonc-
tions affectives et qui peut fonctionner indépendamment du système cérébral
(incluant l’hippocampe) qui assure des fonctions cognitives. Les computa-
tions effectuées dans ces deux systèmes seraient de nature différente. Les
computations cognitives auraient pour but l’élaboration du stimulus d’entrée
et la génération de « bonnes » représentations du stimulus. En revanche, les
computations émotionnelles auraient pour but l’évaluation de la signification
du stimulus en termes de pertinence pour le bien-être de l’individu. De plus, le
système affectif serait primaire grâce à la voie sous-corticale vers l’amygdale
qui est très rapide et ne nécessite pas de traitement cortical (voir Phelps, 2006).
Cette vision séparatiste a été fortement critiquée par Parrott et Schulkin (1993),
selon qui les arguments apportés par LeDoux ne sont pas en faveur d’une
dissociation entre affectif et cognitif. À nouveau, la question de la définition
de la cognition est centrale à ce débat. Parrott et Schulkin adoptent une défi-
nition relativement stricte de la cognition en définissant un processus cognitif
comme un processus impliqué dans l’interprétation, la mémoire, l’anticipation
ou la résolution de problème. Il est intéressant de noter que, malgré la relative
spécificité d’une telle définition, celle-ci permet d’argumenter en faveur de la
vision selon laquelle la cognition est à l’origine de l’émotion. En effet, Parrott
et Schulkin remarquent une incongruence dans les propos de LeDoux quand
ce dernier propose que le système émotionnel implique des interprétations
permettant l’évaluation de la signification du stimulus, et ce, tout en étant
non cognitif. Si un processus est impliqué dans l’interprétation, peut-il ne pas
être cognitif ? L’approche défendue par Parrott et Schulkin permet d’éviter
de confondre la distinction Émotion/Cognition avec la distinction Sensation/
Cognition telle qu’elle était apparente notamment chez Zajonc. De plus, cette
vision n’est pas en contradiction avec l’approche de type « Systems neuro-
science » car elle soutient l’existence de « cognitions émotionnelles » et de
« cognitions non émotionnelles ».
En conclusion de ce débat autour de la question de l’indépendance et de
la primauté entre affectif et cognitif, il est important de noter que le débat
concernait principalement la question de la nécessité, et non de la suffisance,
SURVOL DES THÉORIES ET DÉBATS ESSENTIELS 27

de l’évaluation cognitive lors d’une émotion typique. Il faut noter l’existence


d’un accord sur le fait que la cognition délibérée et consciente n’est pas
nécessaire à l’émotion. En effet, la critique souvent portée par des auteurs
comme Öhman, Berkowitz ou Zajonc à l’encontre des théories de l’évaluation
cognitive est que, bien que ces dernières puissent expliquer certains types de
réactions émotionnelles, dans de nombreux cas, les émotions seraient produites
par des facteurs non cognitifs. Cependant, il est très important de remarquer
que l’essence de cette critique concerne finalement la définition de « cognition ».
Par exemple, si l’on accepte que le processus d’appraisal s’effectue sur
plusieurs niveaux de traitement (Leventhal et Scherer, 1987 ; Robinson, 2009)
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incluant des processus automatiques et non conscients que l’on peut qualifier
de cognitifs, alors la controverse disparaît. La question de savoir dans quelle
mesure les émotions esthétiques, notamment celles déclenchées par la musique,
sont typiquement déclenchées par des évaluations cognitives est particulière-
ment controversée (voir par exemple, Juslin et Västfjäll, 2008 ; Zentner,
Grandjean et Scherer, 2008).
Notons finalement que l’on peut identifier avec Sander et Koenig (2002)
un certain nombre de raisons au fait que les sciences cognitives ne considèrent
pas l’émotion comme un système cognitif typique. Tout d’abord, il y a des
raisons épistémologiques pour l’opposition Émotion/Cognition. En effet, si
la cognition est assimilée à la raison et l’émotion à la passion, alors l’opposition
actuelle se fonde en partie (et à tort) sur l’opposition Passion/Raison. De
façon encore plus ancrée que l’opposition Passion/Raison, il est aussi probable
que l’opposition actuelle trouve son origine dans le système platonicien décri-
vant l’opposition Thumos/Logos. Il y a également, comme cela a été abordé
plus haut, une raison définitionnelle à l’opposition Émotion/Cognition. Dans
ce cas, si une définition relativement inclusive de la cognition est utilisée,
comme cela est de plus en plus le cas en sciences cognitives pour intégrer
l’intelligence artificielle, alors l’opposition Émotion/Cognition ne tient plus.
Il est en effet fréquent de considérer comme processus cognitif tout proces-
sus, naturel ou artificiel, qui traite de l’information servant à l’acquisition,
l’organisation et l’utilisation de connaissances. Selon ce type de définition,
l’émotion peut être considérée comme étant de nature cognitive. Finalement,
une raison qui a probablement joué également un rôle important est d’ordre
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

méthodologique : les méthodes récentes des sciences cognitives, en particulier


l’imagerie cérébrale, permettent d’étudier les processus émotionnels avec
des paradigmes similaires à ceux utilisés pour étudier les systèmes cognitifs
classiques. Dans l’ensemble, ces arguments plaident non seulement pour un
rôle causal de l’évaluation cognitive dans le déclenchement d’une émotion
typique, mais également pour considérer le système émotionnel comme un
système cognitif à part entière, au même niveau intégratif que par exemple le
système attentionnel ou le système mnésique.
Cette section a traité principalement du déclenchement d’émotions spéci-
fiques, en insistant sur le rôle de l’évaluation cognitive (voir également le
28 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

chapitre 2). Mais au-delà du déclenchement d’une émotion particulière, est-il


possible d’identifier la signature d’une émotion spécifique sur la base d’une
analyse de la réponse émotionnelle ? Cette question fait l’objet de la dernière
section du chapitre.

4 RÉACTION : Y A-T-IL DES PATTERNS


DE RÉPONSE SPÉCIFIQUES POUR
DIFFÉRENTS TYPES D’ÉMOTIONS ?
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Alors que les théoriciens de l’émotion s’accordent sur le fait que la compo-
sante du sentiment soit différenciée, ce qui serait difficile à nier étant donné
le nombre important de labels émotionnels qui existent dans toutes les
langues, ceci n’est pas le cas en ce qui concerne les patterns de réponse dans
les composantes motrices et psychophysiologiques. En fait, cette question se
retrouve dans toutes les différentes approches théoriques. Comme nous l’avons
vu plus haut, certains théoriciens maintiennent que le feedback proprioceptif
hautement spécifique des systèmes périphériques détermine la différenciation
des émotions. D’autres, particulièrement Schachter et Singer, maintiennent
au contraire que c’est une activation physiologique générale et non spécifique
qui, une fois associée à une cognition, permet de labelliser l’émotion et ainsi
de créer la différenciation. Les théories cognitives diffèrent également en ce
qui concerne ce point. Alors que certaines théories ne se préoccupent pas de
la question de la différenciation physiologique et expressive (par exemple,
Oatley et Johnson-Laird, 1987), d’autres soutiennent que ce sont les résultats
des critères d’évaluation cognitive qui produisent des profils de réponse très
spécifiques, y compris la différenciation physiologique (Lazarus, 1991 ;
Scherer, 1986, 1992b ; Smith, 1989 ; Smith et Scott, 1997 ; voir le chapitre 5).
Cette proposition se fonde sur la notion du caractère adaptatif des émotions,
et notamment le fait qu’elles sont censées provoquer des tendances à l’action
permettant à l’individu de faire face à l’événement ayant déclenché l’émotion.
Ces tendances à l’action, à leur tour, devraient produire des patterns de
réponses et des signaux expressifs différenciés.
Nous allons maintenant insister sur une autre tradition théorique majeure :
les théories des émotions de bases (ou des émotions discrètes). Pendant les
années 1960, se basant principalement sur l’œuvre de Darwin, Tomkins a postulé
qu’il existe un nombre limité d’émotions de base ou fondamentales et a suggéré
qu’un programme neuro-moteur inné est exécuté quand l’émotion est induite
par une stimulation appropriée. Ces programmes neuronaux sont censés
produire, en complément d’expressions faciales typiques, des patterns de
réaction différenciés de la voix et du système nerveux périphérique (voir
SURVOL DES THÉORIES ET DÉBATS ESSENTIELS 29

Tomkins, 1984). L’approche théorique de Tomkins a fortement influencé Ekman


et Izard dont le travail théorique et empirique sur les expressions faciales
spécifiques pour chaque émotion a dominé le domaine de l’émotion durant
les quarante dernières années (Ekman, 1972, 1982, 1992 ; Izard, 1971, 1991).
Les deux chercheurs défendent le point de vue théorique selon lequel il exis-
terait un petit nombre d’émotions universelles bien délimitées ayant des patterns
de réponse expressifs et psychophysiologiques très spécifiques. Nous allons
maintenant traiter séparément chacune des trois composantes majeures qui
constituent la triade de la réponse émotionnelle : les expressions motrices,
les changements du système nerveux autonome et les sentiments.
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4.1 Expressions motrices

Si l’expression émotionnelle à travers le visage, le corps et la voix est censée


avoir une fonction majeure dans la communication et dans les réactions
émotionnelles, il doit y avoir des signaux clairement différenciés qui corres-
pondent à différents types d’émotion. Nous allons analyser les arguments
empiriques principaux pour les expressions faciales et vocales séparément.

4.1.1 Expression faciale

La modalité d’expression ayant été étudiée le plus intensivement, un siècle


après l’œuvre innovatrice de Darwin, est l’expression faciale. Si l’on suppose
que les programmes neuro-moteurs innés produisent des patterns de réponses
spécifiques pour les émotions primaires, les expressions faciales de l’émotion
devraient être très similaires à travers les cultures. Des études princeps d’Ekman
(1972) et Izard (1971) ont en effet montré que les participants de cultures
très différentes sont capables d’identifier assez précisément les émotions
faciales d’acteurs américains dans une série de photographies. Les critiques
ont rapidement relevé que cette procédure ne serait pas le moyen le plus
adéquate pour tester l’universalité des expressions faciales de l’émotion étant
donné la distribution mondiale des films hollywoodiens, ce qui aurait appris
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

aux peuples d’autres cultures à identifier les expressions faciales américaines


de manière fiable. Cependant, il est à noter que ces critiques ne s’appliquent
pas aux études d’Ekman et Friesen (1971) et d’Ekman, Sorensen et Friesen
(1969) qui ont montré que les membres d’une communauté d’une région très
isolée de la Nouvelle Guinée, ayant eu très peu de contacts avec le monde
extérieur, ont identifié les expressions faciales occidentales très précisément.
De plus, quand on leur demandait d’exprimer avec le visage la réaction typi-
que en réponse à une certaine situation émotionnelle, ils étaient capables de
produire ces expressions qui, d’ailleurs, ressemblaient à celles des occidentaux
(Ekman, 1972).
30 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

Depuis ces premières études, il y a eu de nombreuses recherches s’intéres-


sant à la fois au décodage et à l’encodage de différentes émotions primaires
(voir le chapitre 3). La plupart des données indiquent que les expressions
faciales encodées par des acteurs peuvent être décodées assez précisément
par des juges de cultures différentes (Ekman, 1982, 1989 ; Ekman et Rosen-
berg, 1997 ; voir le chapitre 3). Comme mentionné plus haut dans ce chapi-
tre, ceci est en faveur de la notion darwinienne postulant que les expressions
faciales auraient évolué sur la base d’anciennes « habitudes fonctionnelles »
qui devraient être identiques pour toutes les cultures du monde. Des études
comparatives (Redican, 1982 ; van Hooff, 1972) montrent qu’il existe un
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nombre d’éléments qui peuvent être reliés aux patterns comportementaux
fonctionnels et que l’on retrouve dans d’autres formes chez les animaux ainsi
que chez les jeunes bébés. Toutefois, ces études montrent également qu’il y a
des caractéristiques qui sont spécifiques aux expressions faciales humaines
et pour lesquelles il est difficile de trouver une explication fonctionnelle dans
le sens biologique. De plus, alors que les études interculturelles des expres-
sions faciales ont démontré une universalité considérable, il y a aussi eu des
données en faveur de la spécificité culturelle. Par exemple, en contradiction
avec la proposition de l’existence d’une expression faciale transculturelle du
mépris (Ekman et Friesen, 1986), Ricci-Bitti, Brighetti, Garotti et Boggi
Cavallo (1989) ont trouvé des différences plutôt importantes dans le pattern
facial de cette émotion en comparant les expressions de mépris aux États-
Unis et en Italie. Quelle pourrait être l’origine de ces différences culturelles
dans l’expression ? Une possibilité serait que les cultures diffèrent en ce qui
concerne le degré de contrôle des expressions socialement désirables.
Au-delà de la question de l’existence de différences culturelles, il existe un
débat important concernant l’existence de « programmes neuro-moteurs innés »,
qui sont supposés produire des patterns d’expressions faciales spécifiques.
En effet, il existe de plus en plus de données qui suggèrent que des acteurs à
qui on demande de mimer des expressions faciales émotionnelles typiques
n’utilisent que partiellement les patterns de mouvement musculaires décrits
par Ekman et Izard. Ainsi, Gosselin, Kirouac et Doré (1995) ont filmé des
acteurs affichant six émotions différentes. Ils ont montré que les observateurs,
comme attendu, ont atteint un score élevé de précision dans le décodage des
émotions exprimées. Néanmoins, une analyse détaillée des mouvements des
muscles faciaux a montré que, dans la majorité des cas, seulement une sous-
partie des patterns théoriquement postulés par Ekman a été effectivement
observée. De façon cohérente avec ces résultats, Galati, Scherer et Ricci-
Bitti (1997) ont demandé à des participants voyants et non-voyants sans
expérience préalable dans le théâtre de mimer quelques-unes des émotions
majeures. Ces acteurs amateurs n’ont également montré que des patterns
partiels (avec encore moins de mouvements que des acteurs professionnels) ;
cependant, les observateurs étaient toujours capables de décoder l’émotion
avec plus de précision que le hasard. Carroll et Russell (1997) ont étudié les
SURVOL DES THÉORIES ET DÉBATS ESSENTIELS 31

expressions faciales accompagnant les émotions de base dans des films


hollywoodiens. Les expressions identifiées comme de la surprise, la peur, la
colère, le dégoût ou la tristesse ont rarement montré le pattern entier prédit
par l’école de Tomkins, Ekman, et Izard. Ce résultat obtenu par Carroll et
Russell est cohérent avec l’idée selon laquelle le contexte d’un film suggère
déjà l’émotion (sur le rôle du contexte, voir Wallbott et Ricci-Bitti, 1993), ce
qui implique que les bons acteurs paraissent « sous-jouer » l’émotion (voir
aussi Wallbott et Scherer, 1986). Dans une étude récente, Scherer et Ellgring
(2007a) ont pu montrer que des acteurs professionnels n’utilisent que quel-
ques éléments clés de l’expression faciale, souvent étroitement liés à la fonction
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adaptative de l’émotion, pour la communiquer (par exemple, soulever ou froncer
les sourcils, ouvrir la bouche).
Les partisans de l’idée que les expressions sont le résultat de programmes
neuro-moteurs innés (comme Ekman, 1972, 1992) pourraient argumenter que
les expressions mimées par les acteurs ne représentent qu’une approximation
du déclenchant automatique de programmes neuro-moteurs sous-tendant
l’expression dans les conditions typiques de déclenchement. Malheureusement,
la plupart des recherches jusqu’à présent ont porté sur des expressions mimées
par des acteurs et il existe bien peu de résultats publiés sur les patterns expressifs
des expressions émotionnelles naturelles (voir le chapitre 3). Une exception
est l’œuvre d’Eibl-Eibesfeldt (1995), un des pionniers de l’éthologie humaine,
qui a filmé les expressions émotionnelles survenant de manière naturelle
dans beaucoup de cultures différentes, souvent avec une caméra cachée. Ces
films documentaires fournissent des études de cas, mais n’apportent pas de
preuves empiriques pour résoudre la question de l’existence de programmes
neuro-moteurs universaux. Une autre approche est d’étudier de très jeunes
bébés qui ne sont probablement pas encore capables de contrôler ou de régu-
ler leur expression émotionnelle, car le contrôle stratégique ou automatique
de l’expression (voir les chapitres 3 et 8) pose souvent problème dans le cas
d’inductions émotionnelles expérimentales chez les adultes. Selon les théori-
ciens des émotions de base, les patterns d’expression (ou les programmes
neuro-moteurs) sont innés et sont censés se former à un âge très précoce,
même s’ils sont dans une forme rudimentaire à ce moment-là (Izard, 1971,
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1991). Dans l’ensemble, il est cependant discutable que l’existence de patterns


d’expressions rudimentaires chez les nourrissons soutienne l’hypothèse de
l’existence de patterns neuro-moteurs innés. D’ailleurs, des études expéri-
mentales ayant induit la surprise chez des bébés âgés de quelques mois, en
leur présentant des stimuli étranges et inattendus, ont montré que les expres-
sions prédites par Izard et Ekman ne se produisent en fait que très rarement
(Scherer, Zentner et Stern, 2004). L’idée de programmes neuro-moteurs
innés est également mise en cause sur des bases théoriques (voir aussi Sander,
2008). Comme cela est détaillé dans le chapitre 3, quelques théoriciens ont
proposé une approche componentielle pour expliquer les patterns d’expression,
en partant du principe que les éléments individuels d’une expression dynamique
32 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

peuvent être déterminés sélectivement par des processus cognitifs et les tendan-
ces à l’action qui en résultent (Frijda et Tcherkassoff, 1997 ; Scherer, 1992 ;
Scherer et Ellgring, 2007a ; Smith et Scott, 1997).

4.1.2 Expression vocale

Est-ce que nous pouvons reconnaître une expression émotionnelle sur l’unique
base d’indices vocaux et de parole, c’est-à-dire sans information verbale
pertinente ? Comme cela est décrit dans le chapitre 4, beaucoup d’études ont
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été menées (la plupart d’entre elles utilisant des expressions émotionnelles
jouées par des acteurs) et des revues de la littérature ont été conduites (Scherer,
Johnstone et Klasmeyer, 2003 ; Juslin et Scherer, 2005) pour aboutir à la
conclusion que nous sommes assez performants pour ce type de reconnais-
sance. Dans une étude interculturelle, Scherer, Banse et Wallbott (2001) ont
pu montrer que la reconnaissance d’émotions exprimées vocalement était
plus élevée que le hasard, et ceci à travers les frontières langagières et cultu-
relles. Ces données sont en faveur de l’hypothèse selon laquelle l’expression
vocale, tout comme l’expression faciale, a, au moins en partie, des bases
biologiques (Frick, 1985). Cette hypothèse est renforcée par les arguments
de la psychologie comparative qui tendent vers une continuité évolutionniste
de l’expression vocale. Les biologistes comportementaux, en étudiant la
communication vocale des animaux, ont porté leur attention sur des similarités
importantes entre l’expression vocale et la communication d’états motivation-
nels et émotionnels de beaucoup d’espèces. Ainsi, des états hostiles, dominants
ou encore colériques sont généralement exprimés par des vocalisations fortes
et rugueuses ou rauques tandis que les états de peur et le sentiment d’impuis-
sance donnent lieu à des vocalisations aiguës et faibles. Ceci semble égale-
ment être largement vrai pour les vocalisations humaines (Scherer, 1985).
Cependant, comme pour les expressions faciales, il existe aussi des différences
entre les espèces et les cultures. En fait, les influences culturelles sur la voix
sont encore plus prononcées que sur le visage, parce qu’au cours de l’évolution
du langage, la voix est devenue le signal transportant la parole. Ainsi, tandis
que les muscles faciaux ont d’autres fonctions liées à la vision, l’alimentation et
la parole (voir Ekman, 1979), leur fonction majeure semble être l’expression
faciale des affects. En revanche, la voix a souvent la double tâche de trans-
mettre la signification linguistique (phonologique et morphologique) et
extralinguistique (relative à l’état du locuteur). Puisque des langues différentes
ayant des structures phonologiques et syntactiques très différentes sont parlées
dans des cultures différentes, nous pourrions nous attendre à un certain degré
de diversité linguistique et culturelle en ce qui concerne la signalisation
d’émotions par la voix. Cependant, malgré une telle diversité, l’émotion
sous-jacente semble tout de même être reconnaissable à travers les cultures,
comme le suggèrent les résultats des études interculturelles. Comme décrit en
détail dans le chapitre 3, les chercheurs ont utilisé des systèmes de décodage
SURVOL DES THÉORIES ET DÉBATS ESSENTIELS 33

très détaillés pour analyser les configurations des mouvements faciaux ayant
lieu pour des émotions spécifiques (Ekman, 1992). Dans le domaine vocal,
les chercheurs ont utilisé des voix digitales et analogiques pour déterminer les
profils acoustiques prototypiques, la signature, en quelque sorte, des émotions
majeures. Ces résultats sont précisés dans le chapitre 4 (voir aussi Scherer,
1986 ; Banse et Scherer, 1996). En général, les recherches sur l’expression
émotionnelle ont été menées séparément sur la voix et sur le visage bien qu’il
soit maintenant admis que les expressions dans les différentes modalités (y
compris les gestes et la posture) sont largement coordonnées et synchronisées
(Scherer et Ellgring, 2007b).
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Les arguments empiriques suggèrent donc l’existence de patterns d’expres-
sion spécifiques du visage et de la voix pour beaucoup d’émotions majeures.
Une certaine spécificité est nécessaire car, comme mentionné plus haut,
l’expression émotionnelle est notamment utilisée pour fournir des signaux
non ambigus dans la communication sociale informant les autres de la réaction
émotionnelle et des intentions comportementales d’un organisme. Toutefois,
cette spécificité est soumise à des modulations étant donné que nos
émotions, et en particulier leur expression, sont régulées ou même simulées
(voir en particulier les chapitres 3, 4, 8 et 11).

4.2 Les changements psychophysiologiques


À travers les siècles, la notion d’émotion a été associée à la présence d’une
réactivité physiologique assez importante. Comme nous l’avons déjà discuté
dans ce chapitre, l’une des problématiques centrales ayant été discutée vivement
concerne la spécificité de cette activation pour des émotions de base.
Les changements de l’état physiologique n’ont probablement pas comme
fonction première de communiquer à autrui son émotion, même si le fait de
rougir, d’avoir une respiration accélérée et un tonus musculaire généralisé
peut être des signes évidents d’une activation émotionnelle et peuvent être
utilisés comme base d’une attribution émotionnelle par les observateurs. Une
fonction primaire des changements physiologiques est l’apport d’énergie
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

permettant la préparation d’une action spécifique. Malheureusement, les études


empiriques dans ce domaine souffrent d’une difficulté méthodologique majeure :
il est presque impossible d’induire des émotions fortes et réalistes dans un
laboratoire par manipulation systématique en raison de problèmes éthiques et
pratiques. Par conséquent, des différences spécifiques aux différentes émotions
ont rarement pu être démontrées empiriquement, au moins chez l’homme.
Étant donné ce manque de preuves, certains psychologues ont suggéré de
remplacer la notion de différenciation physiologique par celle d’une activation
ou arousal non spécifique et généralisée (voir le chapitre 5 et la discussion de
la position de Schachter et Singer, 1962, plus haut ; voir aussi Duffy, 1962).
Mais cette position excessive reviendrait à jeter le bébé avec l’eau du bain.
34 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

Il est certainement vrai que les méthodes typiquement utilisées pour induire
des émotions dans les études de laboratoires (telle que l’imagination et le fait
de regarder des films) ne permettent pas d’induire des émotions très fortes,
mais elles permettent néanmoins d’aider à éclairer la problématique. Des
revues de la littérature (par exemple Cacioppo, Klein, Berntson et Harfield,
1993 ; voir le chapitre 5) montrent que les preuves en faveur d’une différen-
ciation autonomique complète pour chacune des émotions majeures, c’est-à-dire
d’une configuration spécifique de symptômes physiologiques pour chaque
émotion, sont peu concluantes. Il semble cependant y avoir des patterns de
différences cohérents pour certains paramètres physiologiques entre des paires
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d’émotions spécifiques (voir par exemple l’étude décrite plus haut d’Ekman,
Levenson et Friesen, 1983). Par exemple, on retrouve des différences stables
entre la peur et la tristesse en ce qui concerne la fréquence cardiaque à travers
les différentes études.
Si même des émotions de faible intensité comme celles induites en labora-
toire génèrent des patterns de réponse discernables, alors il semble probable
que les émotions de plus forte intensité montreraient des patterns encore plus
différenciés. Notons tout de même que durant les dernières années, quelques
études ont essayé de tester l’hypothèse de la spécificité dans un cadre plus
écologique. Ainsi, une étude empirique particulièrement valide écologiquement
a été menée par Stemmler et coll. (Stemmler, Heldmann, Pauls et Th. Scherer,
2001) ; la procédure et les résultats sont décrits dans le chapitre 5. De façon
générale, même si les arguments empiriques restent limités, il semble justifié
d’argumenter en faveur de l’existence de patterns émotionnels typiques liés
aux tendances à l’action caractérisant les émotions majeures telles que la peur
et la colère. Cette réaction du système nerveux autonome, qui pourrait trouver
son origine dans l’évaluation cognitive (voir chapitre 5), est particulièrement
fonctionnelle si l’on considère le rôle de l’émotion dans la préparation aux
actions adaptées (voir le chapitre 6).

4.3 Le sentiment subjectif


Dans une certaine mesure, le sentiment subjectif pourrait être considéré comme
la composante indispensable de l’émotion : comment imaginer le fait d’avoir
une émotion sans en avoir l’expérience consciente ou sans être capable de la
labelliser ? Étant donné l’importance de cette composante, il n’est pas
surprenant que, au travers de l’histoire de l’étude des émotions, de nombreux
théoriciens ont eu tendance à assimiler l’émotion avec le sentiment (voir le
chapitre 7). Cependant, comme cela est développé en détail dans le chapitre
7, l’approche moderne a tendance à considérer la composante « sentiment
subjectif » comme un reflet des changements se produisant dans les autres
composantes de l’émotion (voir Scherer, 2005). Cette proposition souligne le
rôle important que joue l’expérience consciente dans ce qui se passe dans
SURVOL DES THÉORIES ET DÉBATS ESSENTIELS 35

notre corps, tout en situant le sentiment dans le contexte total d’un soi parti-
culier avec son histoire, ses préférences et son état présent étant affecté par
un événement particulier.

4.3.1 Les dimensions du sentiment


À travers l’histoire de la philosophie, il a souvent été maintenu que les
dimensions majeures du sentiment sont liées au plaisir et à la douleur, à
l’agrément et au désagrément ou, en d’autres termes, à la valence positive ou
négative (voir Brosch et Moors, 2009 ; Colombetti, 2005). Aristote écrivait
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déjà dans sa Rhétorique, que « les émotions sont tous ces sentiments qui
changent l’homme de façon à affecter son jugement et qui sont accompagnés
par la souffrance ou le plaisir ». Cette distinction entre des émotions dont la
qualité est associée à la souffrance et des émotions dont la qualité est associée
au plaisir est à l’origine de la conception moderne de valence.
En fait, un certain nombre de psychologues modernes ont pour avis que
les sentiments peuvent être largement réduits à leur valence (c’est-à-dire à
leur affect positif ou négatif). Néanmoins, cette position ne tient pas compte
des avancées majeures de la psychologie depuis le XIXe siècle. Wundt (1874)
a proposé un système tridimensionnel pour caractériser la nature spécifique
des sentiments en ajoutant les dimensions « excitation versus dépression » et
« tension versus relaxation » à la dichotomie classique « agrément versus
désagrément » (voir également Plutchik, 1980 ; Schlosberg, 1954).
Une grande partie des travaux modernes dans ce domaine s’est basée sur
des descriptions verbales de l’expérience vécue, en particulier à partir de
mots émotionnels. Une multitude d’études a montré que les participants sont
capables de juger la similarité des concepts émotionnels verbaux ou d’évaluer
les mots émotionnels à l’aide d’échelles d’évaluations. Les données confirment
systématiquement deux des dimensions de Wundt : agrément/désagrément et
excitation/dépression (cette dernière dimension étant décrite plus souvent
comme actif/passif dans les recherches ultérieures). Au-delà du fait que ces
deux dimensions aient été retrouvées dans presque toutes les études, il est
important de noter que les chercheurs ont également pu localiser des labels
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

émotionnels particuliers (ou des expressions faciales) dans des régions clai-
rement identifiées d’un espace à deux dimensions, indépendamment de la
langue ou de la culture dans laquelle ces études ont été menées (Davitz, 1964 ;
Osgood, May et Miron, 1975 ; Russell, 1983). Selon cette approche, les termes
émotionnels peuvent donc être disposés dans un espace à deux dimensions,
défini par la valence (positif/négatif) et l’activation (actif/passif). La dimension
de valence a été discutée plus haut. La dimension d’activation (ou d’arousal)
peut être définie avec Duffy (1962) comme un continuum allant d’un point
bas dans le sommeil à un point haut dans l’effort extrême ou l’excitation
intense. La position des termes dans cet espace est déterminée par des juge-
ments de similarités effectués par des participants (voir Scherer, 1984a).
36 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

La réplicabilité du positionnement des termes émotionnels, ainsi que des expres-


sions faciales, dans un espace à deux dimensions a conduit à la formulation
d’un certain nombre de théories bi-dimensionnelles de l’émotion. L’exemple
le plus typique est le modèle du circumplex développé par James Russell
(voir Russell, 1983 ; Barrett et Russell, 1999) selon lequel les émotions prin-
cipales s’agencent de manière naturelle en forme de cercle (ce qui est à l’origine
du terme « circumplex ») dans cet espace à deux dimensions. Toutefois, les
arguments empiriques soutenant l’idée selon laquelle les termes sont autour
du cercle, et non pas à l’intérieur, pourraient bien être le résultat d’un artefact
provenant du choix biaisé des labels utilisés dans les jugements de similarité.
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En effet, si un plus grand nombre de labels sont utilisés, ils se répartissent
dans la totalité de l’espace. La plupart des études dans ce domaine sont limi-
tées par l’utilisation de simples jugements de similarité de mots émotionnels
ou d’expressions faciales. Récemment, une nouvelle approche pour étudier
la signification des mots représentant des émotions a été proposée (le GRID
sémantique ; Scherer, 2005). Selon cette approche, des caractéristiques pour
chaque composante de l’émotion sont utilisées pour établir le profil sémanti-
que des termes émotionnels. Se basant sur des jugements de similarité entre ces
profils (consistant en cent quarante-quatre items), Fontaine, Scherer, Roesch
et Ellsworth (2007) ont pu montrer que quatre dimensions sont nécessaires
pour décrire adéquatement l’espace émotionnel. Dans l’ordre d’importance,
ces quatre dimensions sont les suivantes : valence, puissance/dominance,
excitation, et prévisibilité.
Même si les émotions peuvent être projetées dans un schéma à deux, trois,
ou quatre dimensions, il s’agit toujours d’une simplification. La quantité de
labels verbaux pour décrire les émotions, en particulier pour décrire les senti-
ments subjectifs, qui existent quasiment dans toutes les langues du monde,
indique qu’une différenciation beaucoup plus subtile est possible (entre deux
cents et mille termes de ce type ont été identifiés pour quelques-unes des langues
étudiées). L’expérience subjective étant souvent limitée à l’expérience cons-
ciente de l’émotion (voir le chapitre 7 pour plus de détails), il semblerait que
l’expression verbale est ce qu’il y a de plus proche pour la définir.

4.3.2 La verbalisation des sentiments


Les anthropologues se sont fortement basés sur les labels émotionnels pour
discuter des similarités et des différences dans le vécu émotionnel de diffé-
rentes cultures. En général, ces chercheurs identifient des « informateurs » dans
la culture qu’ils étudient et obtiennent d’eux les termes utilisés pour décrire
les états affectifs dans leur culture. Par la suite, ils essaient d’établir l’équiva-
lence de ces termes dans le vocabulaire émotionnel des langues occidentales.
Par exemple, Levy (1984) rapporte que les habitants de Tahiti n’ont que
quelques mots pour décrire les émotions liées à la tristesse. Ils parlent par
exemple d’un « sentiment de lourdeur ou de fatigue » ou « de ne pas avoir un
SURVOL DES THÉORIES ET DÉBATS ESSENTIELS 37

sentiment de poussée intérieure » alors que pour d’autres émotions comme la


colère par exemple, ils possèdent un vocabulaire beaucoup plus riche. Des
études similaires menées dans des cultures non occidentales (voir Lutz et
White, 1986 ; Mesquita et al., 1997) ont trouvé une grande diversité culturelle
des vocabulaires émotionnels et des manières de parler des phénomènes
émotionnels. Ceci a mené certains anthropologistes à conclure que les émo-
tions sont peu universelles et qu’elles sont plutôt déterminées par des valeurs
et modes d’interaction propres à une culture (voir Shweder, 1993).
Ces données anthropologiques ainsi que les indications des changements
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historiques dans le concept de l’émotion (voir Konstan, 2009) ont souvent
servi de base pour l’hypothèse selon laquelle les émotions sont construites
socialement. Les psychologues sociaux ayant proposé ce point de vue, appelé
« constructivisme social » (Averill, 1980 ; Harré, 1986 ; voir également
Oatley, 1993), proposent que les émotions n’ont d’autre réalité que celle qui
est créée culturellement, ou socialement construite. Cette idée est bien
entendu partiellement cohérente avec le concept des états subjectifs comme
reflétant le contexte total de l’épisode émotionnel. Évidemment, le contexte
culturel, les valeurs concernées par l’événement ainsi que le rôle de l’indi-
vidu dans la situation vont moduler le processus émotionnel. Les différences
culturelles dans les systèmes de valeurs, les structures sociales, les habitudes
d’interaction et beaucoup d’autres facteurs pourraient donc influencer les
expériences émotionnelles et refléter les spécificités culturelles des senti-
ments. Il est probable que ces différences soient particulièrement prononcées
en ce qui concerne la verbalisation de certains aspects de l’expérience
émotionnelle, étant donné l’effet de la culture sur le langage. Toutefois, de
telles différences culturelles dans les sentiments et les manières d’en parler
n’invalident pas nécessairement l’idée selon laquelle certains processus
émotionnels soient partagés parmi les cultures. Pour pouvoir défendre l’idée que
toute émotion est construite socialement et qu’il n’y a pas ou peu d’universalité,
il faudrait démontrer qu’il existe des différences importantes dans les processus
d’appraisal, les comportements expressifs, les patterns de réactions psycho-
physiologiques et les tendances à l’action dans différentes cultures. Or les
données jusqu’à présent tendent plutôt dans la direction opposée. Les études
interculturelles mentionnées ci-dessus (voir Scherer, Wallbott et Summer-
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

field, 1986 ; Scherer et Wallbott, 1994) ont trouvé des différences culturelles
dans les profils rapportés de différents sentiments, mais celles-ci étaient
plutôt minimes comparées à l’effet massif des différences universelles entre
les émotions elles-mêmes. Bien que de plus amples recherches soient néces-
saires, les résultats suggèrent que la composante du sentiment telle qu’elle est
exprimée par des labels verbaux a plus tendance à être affectée par les variations
socioculturelles que ne le sont les autres composantes de l’émotion.
Pour conclure cette section concernant la spécificité de la réaction émotion-
nelle, nous pouvons constater que les arguments empiriques suggèrent des
profils relativement spécifiques pour l’expression faciale et vocale. En ce qui
38 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

concerne des paramètres psychophysiologiques spécifiques, les résultats


suggèrent qu’au moins des paires d’émotions peuvent être différenciées.
Finalement, de nombreuses études ont montré qu’un petit nombre de dimensions
(typiquement de deux à quatre) suffisent pour résumer les labels utilisés pour
verbaliser les sentiments. Les études interculturelles ont relevé des différences
culturelles dans la terminologie utilisée pour verbaliser les émotions, ce qui
reflète probablement des différences culturelles particulièrement marquées
dans la composante du sentiment subjectif.
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CONCLUSION

Avec ce chapitre, nous avons souhaité présenter un survol des théories et


débats majeurs en psychologie des émotions, tout en se référant aux chapitres
du traité qui analysent de façon approfondie des sujets qui nous semblent
particulièrement importants.
Alors que les avancées méthodologiques et les développements concep-
tuels ont été extrêmement importants depuis la psychologie de l’émotion de
James ou de Wundt, il est intéressant de noter à quel point certains débats
séculaires intéressent la psychologie moderne. Ainsi, les questions autour de
la spécificité des réponses émotionnelles pour des émotions de base, de
l’universalité de ces réponses, de la nature du déclenchement de ces réponses,
du rôle du corps dans l’émotion ou encore de la relation entre les concepts
« émotion » et « cognition » sont encore très débattues.
L’exemple le plus célèbre des débats classiques est celui de la séquence,
tel qu’introduit au début du chapitre : est-ce que l’on fuit parce que l’on a
peur ou, au contraire, est-ce que l’on a peur parce que l’on fuit ? Les avancées
théoriques consistent souvent à se poser différemment les questions classi-
ques. En fait, la vision multicomponentielle décompose ce phénomène : la fuite
serait déclenchée, non pas par l’émotion de peur en tant qu’entité, mais par
l’évaluation cognitive de l’événement, par exemple en tant que potentiellement
dangereux et difficile à maîtriser. L’émotion de peur en tant que telle, et le fait
d’en prendre conscience, résulteraient alors de la cohérence entre les compo-
santes 1) d’évaluation cognitive (par exemple, « l’événement est potentiellement
dangereux et difficile à maîtriser »), 2) d’expression motrice (par exemple,
« forte ouverture des yeux et de la bouche dans l’expression faciale »), 3) de
réaction du système nerveux autonome (par exemple, accélération cardiaque) et
4) de tendance à l’action (par exemple, « préparation à la fuite »). Par consé-
quent, selon cette approche, la tendance à l’action de fuir, à l’origine du
comportement de fuite, contribue à l’émotion tout en étant déclenchée par
une de ses composantes (la composante d’évaluation cognitive).
SURVOL DES THÉORIES ET DÉBATS ESSENTIELS 39

En abordant, autour de ces débats, les théories classiques de James-Lange


et de Cannon-Bard, ainsi que les approches plus récentes que sont la théorie
bi-factorielle, les théories de la rétroaction corporelle, les théories de l’émotion
incarnée (embodiment), les théories des émotions de bases, les théories bidimen-
sionnelles et les théories de l’évaluation cognitive, nous espérons justement avoir
démontré l’intérêt de l’approche componentielle de l’émotion pour analyser
la définition de l’émotion, ses fonctions, sa différenciation et les réactions
qui la caractérisent.
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LECTURES CONSEILLÉES

LEWIS M., HAVILAND-JONES J.-M., FELDMAN BARRETT L., (Eds) (2008). Handbook of
emotions, New York : The Guilford Press.
DAVIDSON R., SHERER K.R., GOLDSMITH H. (Eds.) (2003). Handbook of affective
sciences, New York et Oxford : Oxford University Press.
SANDER D., SHERER K.R. (Eds.) (2009). The Oxford companion to emotion and the
affective sciences, New York et Oxford : Oxford University Press.
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DES PROCESSUS
ÉMOTIONNELS1
ET DYNAMIQUE
L’ÉVALUATION
THÉORIE DE

COGNITIVE
Chapitre 2

1. Par Didier Grandjean et Klaus R. Scherer.


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INTRODUCTION

Le présent chapitre traite d’un modèle de l’évaluation cognitive dans la


genèse de l’émotion ou appraisal theory of emotion. L’épisode émotionnel,
dans le cadre de ce modèle, est conceptualisé comme un ensemble de sous-
processus d’évaluations cognitives ayant un impact sur les différentes compo-
santes de l’émotion. Ces évaluations cognitives sont vues comme un processus
séquentiel impliqué dans la différenciation des émotions ; par ailleurs, cette
théorie de l’évaluation cognitive est partie intégrante du modèle des processus
composants décrit par Scherer (2001). Cette théorie a pour but de proposer
un cadre conceptuel permettant d’expliquer la différenciation des états
émotionnels comme une résultante d’une séquence évaluative d’un stimulus
ou d’un événement donné et permet de proposer des prédictions concernant
des patrons ou pattern d’activations dans différents sous-systèmes de l’orga-
nisme. Des versions préliminaires de ce modèle ont été présentées dans des
chapitres et des articles scientifiques empiriques (Grandjean, Sander, Scherer,
2008 ; Sander, Grandjean, Scherer, 2005 ; Scherer, 1982, 1984d, 1988, 1992,
1993, 1997a, 1999a, 1999b, 2000, 2001). Durant le développement de la théorie,
des détails concernant les prédictions et des aspects liés à la terminologie ont
évolué. Dans ce chapitre, une description systématique de l’ensemble des
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

éléments de la théorie est présentée et discutée, une deuxième partie s’inté-


resse plus spécifiquement à la notion du traitement séquentiel du processus
d’évaluation cognitif proposé par Scherer dès 1984.
44 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

1 LE MODÈLE DES PROCESSUS


COMPOSANTS

Suivant des suggestions similaires dans la littérature, Scherer décrit l’émotion


comme un système ayant évolué, et donc un mécanisme phylogénétiquement
continu permettant une adaptation de plus en plus flexible aux contingences
environnementales par découplage progressif, dans l’évolution des espèces,
entre le stimulus et la réponse, permettant ainsi une réponse optimale et fine-
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ment différenciée en fonction d’un grand nombre de paramètres internes à
l’organisme et/ou environnementaux (Scherer, 1984d).
Comme pour d’autres fonctionnements organiques, les émotions inter-
agissent avec des réponses plus anciennes sur le plan phylogénétique telles
que des réflexes ou des « patterns innés d’action » ou fixed action patterns.
L’émotion est ici considérée comme un construit théorique consistant en cinq
composantes correspondantes à cinq fonctions distinctes (voir tableau 2.1 pour
une liste de ces fonctions, les systèmes les desservants et les composants
émotionnels respectifs). L’analyse théorique présentée ici conceptualise
donc l’émotion comme un processus continu d’évaluation ou « appraisal »
et suggère que les sous-systèmes organiques fonctionnellement définis, les
composantes de l’émotion, sont inter-reliés de manière dynamique et récur-
sive. Ainsi, un changement dans une des composantes peut conduire directe-
ment à un changement dans les autres composantes (figure 2.1 ci-contre).

Tableau 2.1

Sous-systèmes organiques
Fonctions Composantes
(substrat majeur)

Évaluations d’événements Composante Traitement de l’information


et de stimulus cognitive (SNC)
Système Composante péri- Support
de régulation phérique efférente (SNC, SNE, SNA)
Préparation et direction Composante Exécutif
de l’action motivationnelle (SNC)
Communication des
Composante Action
réactions et des intentions
expressive motrice (SNS)
comportementales
Contrôle et interactions états Composante Moniteur
internes-environnement du sentiment subjectif (SNC)
SNC : système nerveux central ; SNE : système neuro-endocrinien ; SNA : système nerveux autonome ;
SNS : système nerveux somatique. Les sous-systèmes organiques sont théoriquement des unités ou
des réseaux fonctionnels.
ÉVALUATION COGNITIVE ET DYNAMIQUE DES PROCESSUS ÉMOTIONNELS 45

Dans le cadre de ce modèle des processus composants, l’émotion est définie


comme un épisode de changements corrélés et synchronisés de l’état de tous ou
de la plupart des cinq sous-systèmes de l’organisme en réponse à l’évaluation
d’un stimulus ou d’un événement interne ou externe évalué comme pertinent
pour les préoccupations majeures de l’organisme. En d’autres termes, il est
suggéré de réserver le terme « émotion » uniquement à cette période durant
laquelle plusieurs sous-systèmes de l’organisme sont couplés ou synchronisés
afin de produire une réaction adaptée à un événement considéré comme
essentiel pour le bien-être de l’individu. Les caractéristiques majeures de
cette définition ont été discutées de manière plus détaillée dans d’autres
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contributions (Grandjean et al., 2008 ; Sander et al., 2005 ; Scherer, 1993) et
dans une tentative d’utiliser les concepts de dynamique non linéaire pour
définir l’émotion (Scherer, 2000).
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

La dynamique temporelle du processus d’appraisal situé dans la partie haute de ce


graphique est illustrée par la succession des critères d’évaluations. Ces critères d’éva-
luations cognitives (sous-composante cognitive) influencent les autres sous-compo-
santes de l’organisme que sont la physiologie périphérique, les tendances à l’action,
l’expression motrice et le sentiment subjectif. Ces composantes peuvent également,
en rétroaction, influencer le processus d’évaluation cognitif lui-même.
Figure 2.1
Modèle des composantes de Scherer et de ses interactions
avec d’autres systèmes fonctionnels tels que l’attention, la mémoire,
la motivation, le raisonnement et le soi (adapté de Scherer, 2005).
46 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

2 THÉORIE DES CRITÈRES SÉQUENTIELS


DANS LA DIFFÉRENCIATION
DES ÉMOTIONS

Presque toutes les théories de l’émotion présument, au moins implicitement,


que les caractéristiques spécifiques de l’émotion vécue dépendent du résultat
d’une évaluation de l’événement en termes de signification pour la survie et
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le bien-être de l’organisme. La nature de cette évaluation a été rarement
spécifiée, quand bien même quelques philosophes ont montré le chemin en
identifiant quelques dimensions majeures inhérentes à l’évaluation de la
signification d’événements (Gardiner, Clark-Metclaf, Beebe-Center, 1937).
Arnold (1960) et Lazarus (1966) ont été les premiers théoriciens de
l’émotion à avoir tenté une description plus explicite du processus d’évaluation
(pour une revue historique et plus générale du processus d’appraisal, voir
Roseman, Smith, 2001 ; Schorr, 2001). Basé sur ces premières approches et
sur l’observation que les dimensions de valence, d’activation et de puissance
de la signification émotionnelle semblent être liées aux critères d’évaluation
des événements-stimulus (valence = opportunité aux buts/besoins, activation
= urgence, et puissance = potentiel de maîtrise), Scherer a proposé un ensemble
de critères sous-jacents (appelé stimulus evaluation checks, « SECs » ou
critères d’évaluation de stimulus, CES) prédisant l’évaluation de la signification
d’un événement-stimulus pour un organisme (Scherer, 1984a, 1984d, 2001).
Tandis que le nombre et la définition de ces CES ont évolué avec le déve-
loppement de la théorie, le principe sous-jacent de la construction de cette
théorie est resté constant. Les CES ont été choisis afin de représenter un
ensemble minimal de dimensions ou critères considérés comme nécessaires
pour rendre compte de la différenciation des familles majeures des états
émotionnels (voir Scherer, 1997a pour plus de détails concernant la justifica-
tion du choix des critères et la comparaison avec d’autres approches). Alors
que le terme « critère » pourrait sous-entendre des évaluations de type binaires
« oui/non » ou « absent/présent », Scherer propose que les opérations et résultats
de ces évaluations sont aussi différenciés et complexes que les capacités de
traitement de l’information respectifs à l’organisme considéré. Dans de
nombreux cas, cela consiste en une évaluation continue ou graduée sur un
critère scalaire et/ou une évaluation multidimensionnelle. Il est suggéré que
le type et l’intensité d’une émotion provoquée par un événement ou stimulus
donné dépend du profil résultant du processus d’évaluation basé sur les CES.
ÉVALUATION COGNITIVE ET DYNAMIQUE DES PROCESSUS ÉMOTIONNELS 47

3 LA NATURE DES CRITÈRES


D’ÉVALUATION DE STIMULUS

Les CES postulés dans la plus récente version du modèle sont organisés en
quatre objectifs évaluatifs. Ces objectifs sont liés aux types ou classes majeures
d’information que l’organisme doit évaluer afin de préparer une réaction
appropriée à un événement ou un stimulus :
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1. l’évaluation de pertinence : à quel point cet événement est-il pertinent
pour moi ? est-ce qu’il va m’affecter directement ou mon groupe de réfé-
rence social ?
2. l’évaluation des implications : quelles sont les implications ou les consé-
quences de cet événement et à quel point affectera-t-il mon bien-être et
mes buts immédiats ou à plus long terme ?
3. l’évaluation du potentiel de maîtrise : à quel point je vais pouvoir m’adapter
ou m’ajuster à ces conséquences ?
4. l’évaluation de la signification normative : quelle est la signification de cet
événement en ce qui concerne mes standards internes (concept de soi) et
les valeurs et normes sociales ?
Les critères supposés être responsables de la production de ces informa-
tions sont décrits en détail, groupés par objectifs évaluatifs ci-dessous. Il est
important d’insister sur le fait que la résultante de tous les CES décrits ci-
dessus sont toujours subjectifs et dépendent exclusivement de l’évaluation
individuelle de la perception et des inférences au sujet des caractéristiques de
l’événement-stimulus. Tandis que lors de circonstances normales et pour une
confrontation à la réalité (reality testing) individuelle cette perception subjec-
tive partage de nombreuses caractéristiques de l’événement avec une réalité
objective, ces deux éléments peuvent diverger radicalement dans certains cas
(voir Perrez, Reicherts, 1995). De plus, les différences interindividuelles
(voir van Reekum, Scherer, 1997), les états motivationnels transitoires et les
humeurs (Forgas, 1991), les valeurs culturelles, les pressions des groupes et
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d’autres influences semblables peuvent moduler fortement le processus


d’évaluation (voir Manstead, Fischer, 2001 ; Mesquita, Ellsworth, 2001 ;
Mesquita, Frijda, Scherer, 1997 ; Scherer, 1997a, 1997b).

3.1 Détection de la pertinence


Les organismes ont besoin d’examiner constamment les stimuli internes et
externes afin d’évaluer si l’apparition d’un événement-stimulus (ou l’absence
d’une telle occurrence prévue) requiert un déploiement de l’attention, un
48 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

supplément de traitement d’informations, une réponse adaptée ou si le statu


quo peut être maintenu et l’activité en cours poursuivie. Le plus important
étant d’offrir un barrage constant aux stimulations, permettant à l’organisme
de décider quels sont les stimuli suffisamment pertinents afin de leur garantir
un traitement plus approfondi et donc une réaction adaptée.

Critère de nouveauté
Au niveau le plus primitif du traitement sensori-moteur, n’importe quel
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stimulus soudain (caractérisé par une abrupte apparition et une intensité rela-
tivement élevée) est enregistré comme nouveau et donc méritant l’allocation
de ressources attentionnelles (en produisant une réponse d’orientation ; voir
Siddle, Lipp, 1997). Ces phénomènes de capture attentionnelle en relation
avec des stimuli émotionnels ont été étudiés très largement pour les différentes
modalités sensorielles, visuelle, auditive (Grandjean et al., 2005) et olfactive
(Delplanque et al., sous presse). Au-delà de ce niveau le plus bas de détec-
tion de la nouveauté, que Scherer appellera détection de la soudaineté (voir
aussi Tulving et Kroll, 1995), l’évaluation de la nouveauté varie grandement
en fonction des espèces, des différences interindividuelles et de contingences
des situations, et pourrait également dépendre de l’état motivationnel, de
l’expérience préalable avec le stimulus ou des attentes de l’organisme. Un des
mécanismes le plus important pourrait être le schéma de correspondance
pour déterminer le degré de familiarité avec un objet ou un événement (voir
Tulving, Markowitsch, Craik, Habib, Houle, 1996 pour une discussion entre
la détection de la soudaineté et de la familiarité). À un haut niveau de traitement,
l’évaluation de la nouveauté est probablement basée sur une estimation
complexe (basée sur l’observation de régularités dans le monde) de la probabilité
et de la prédictibilité de l’apparition d’un stimulus.

Critère d’agrément intrinsèque


L’évaluation d’un stimulus selon que celui-ci va plus probablement induire
un plaisir ou de la douleur (dans le sens le plus large) est fondamentale pour
de nombreuses réponses émotionnelles et est souvent assimilée au sentiment
subjectif avec ses réactions positives ou négatives envers un stimulus. Au
contraire, le modèle que nous préconisons ici propose que l’évaluation de
l’agrément intrinsèque est dissociée et précède une évaluation en lien avec le
critère de congruence aux buts-besoins courants de l’organisme. En particulier,
il est suggéré que le côté plaisant ou déplaisant, détecté par le critère d’agrément
intrinsèque, est lié aux caractéristiques du stimulus même si la préférence
peut avoir été acquise et est indépendante de l’état momentané de l’orga-
nisme. Par contre, l’évaluation positive d’un stimulus permettant d’atteindre ses
buts ou satisfaire ses besoins courants dépend des relations entre la signification
du stimulus et l’état motivationnel de l’organisme. En fait, la congruence aux
ÉVALUATION COGNITIVE ET DYNAMIQUE DES PROCESSUS ÉMOTIONNELS 49

buts serait orthogonale à l’agrément intrinsèque. En effet, quelque chose


d’intrinsèquement positif, comme le cake au chocolat, peut être très entra-
vant à un but donné, si par exemple quelqu’un est forcé de manger trois
tablettes de chocolat alors qu’il essaie de perdre du poids. Le critère d’agrément
intrinsèque détermine la réaction ou la réponse fondamentale de l’organisme :
l’attirance ou un penchant pour quelque chose encourageant généralement
l’approche alors que quelque chose de déplaisant ou d’aversif conduit à
l’évitement ou la fuite (en une forme plus primitive une réponse de défense ;
Vila Fernandez, 1989).
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Critère de pertinence avec les buts et besoins
Cette évaluation établit la pertinence ou l’importance d’un stimulus ou d’une
situation à un moment donné dans la hiérarchie des buts et des besoins de
l’organisme. Un stimulus est pertinent pour un individu si le stimulus ou ses
effets vont affecter les buts et besoins majeurs de l’individu en question. La
pertinence est probablement de nature continue et en relation avec le nombre
de buts et de besoins affectés et/ou leurs statuts au sein de la hiérarchie des
buts et besoins. Par exemple, un événement est plus pertinent s’il menace
mes propres moyens de subsistance ou même ma survie que s’il m’empêche
l’écoute d’une pièce de musique.

3.2 Évaluation de l’implication


Un objectif essentiel de l’évaluation est de déterminer à quel point un stimu-
lus ou une situation est évalué(e) comme facilitateur(trice) ou au contraire
est une potentielle entrave pour la survie de l’organisme et son adaptation à
un environnement donné ou encore s’il (elle) permet de favoriser la satisfaction
des besoins et l’atteinte des buts de l’organisme. Tandis que les phénomènes
de motivation et les comportements orientés vers les buts sont centraux dans
les sciences du comportement, l’état actuel de ce champ constitue plutôt une
difficulté pour spécifier les fondements motivationnels sous-jacents à l’appraisal
de manière plus concrète. La terminologie dans ce domaine est même plutôt
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confuse : il n’y a pas de vrai consensus sur les différentes utilisations des
termes tels que conduites, besoins, instincts, motifs, buts et d’autres encore
concernant les motivations. Dans ce qui va suivre ci-dessous nous utiliserons
donc le terme de but/besoins de manière générale pour tous les termes liés à
des motivations que nous venons d’évoquer ci-dessus.

Critère d’attribution causale


Les organismes vont tenter de déterminer la ou les causes à l’origine d’un
événement et plus particulièrement tenter d’identifier l’agent responsable de
50 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

l’événement ou du stimulus en cours de traitement. Dans les cas pour lesquels


l’agent identifié est un être animé, l’organisme va également chercher à identifier
les motivations de celui-ci et donc les aspects d’intentionnalité. Les informations
pertinentes et utilisées dans les processus d’inférences liés à l’attribution
peuvent être relativement complexes (voir Weiner, 1985 pour une description
des facteurs impliqués). Bien évidemment, les évaluations sur l’évolution de
la situation, particulièrement la probabilité de la ou des conséquences et la
capacité de l’organisme à s’adapter ou à réagir à ces conséquences, vont
dépendre de manière importante du résultat de l’attribution causale de l’agent
et de ses intentions perçues. Par exemple, l’évaluation que va réaliser un étudiant
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et les émotions qu’il va ressentir suite à l’échec d’un examen va dépendre de
manière importante de ces processus d’attributions. Si l’étudiant pense que
c’est suite à une erreur de transcription d’un professeur qu’il a échoué ou si
au contraire il pense que c’est une erreur volontaire du professeur pour le
punir de son inattention durant ses cours ou encore par manque de travail, les
émotions ressenties seront effectivement très différentes.

Critère de probabilité des conséquences

L’élément central des théories de l’appraisal est que ce n’est pas l’événement
lui-même qui est déterminant mais bien les conséquences possibles évaluées
qui vont déterminer les émotions ressenties (voir aussi Lazarus, 2001 ; Rose-
man, Smith, 2001). En conséquence, l’individu a besoin d’évaluer la probabilité
des différentes conséquences possibles qui sont attendues. Ceci est parti-
culièrement important dans le cas des « marqueurs d’événements » ou signal
events, par exemple une menace verbale, pour lesquels à la fois la probabilité
d’occurrence de l’événement signalé et ses conséquences sont incertaines, et
donc sujet au doute. Ceci est également vrai pour les événements ayant déjà
eu lieu dans le passé et pour lesquels la probabilité des différentes consé-
quences alternatives doit être évaluée. Par exemple, un étudiant ayant échoué
à un examen ne peut évaluer les différentes conséquences de cet événement,
comme par exemple la réaction des parents, que d’une manière probabiliste.

Critère de différence avec les attentes

La situation générée par un événement peut être consistante ou dissonante


avec les attentes de l’individu concernant différentes dimensions, comme le
déroulement temporel ou la séquence des occurrences des actions conduisant
à un but donné. Par exemple, si le père de l’étudiant ayant échoué à son
examen lui donne un cadeau après avoir appris son échec, celui-ci sera fortement
étonné. Le degré de consistance ou de dissonance avec les attentes peut être
déterminé par le nombre de caractéristiques ou d’éléments de l’événement
qui vont correspondre avec les attentes initiales.
ÉVALUATION COGNITIVE ET DYNAMIQUE DES PROCESSUS ÉMOTIONNELS 51

Critère de facilitation/obstruction aux buts-besoins

L’organisme a besoin d’évaluer à quel point un événement ou un stimulus va


être facilitateur ou entraver l’atteinte d’un ou plusieurs buts/besoins. Les
conséquences d’une action ou d’un événement peuvent constituer une facili-
tation d’atteindre un but ou tout au moins aider à l’atteinte d’un but ou aider
aux actions qui permettront d’atteindre un but donné (voir Oatley Duncan,
1994). Plus les conséquences d’un stimulus ou d’un événement vont faciliter
ou aider l’atteinte d’un but de l’organisme, de manière directe ou indirecte, et
plus ce stimulus ou cet événement va être évalué comme facilitateur. Dans les
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cas opposés, le ou les résultats d’un événement-stimulus vont être obstructifs
et éloigner l’organisme de son but, par exemple temporellement, ou augmen-
ter l’effort nécessaire pour l’atteindre (voir Srull, Wyer, 1986). C’est le cas
classique de la « frustration », quand un but est proche d’être atteint mais est
bloqué par un événement. À nouveau, l’obstruction peut être plus ou moins
prononcée en fonction du degré d’entrave au but. L’évaluation de la facilita-
tion/obstruction aux buts est orthogonale aux attentes que l’individu élabore.
En effet, un événement peut être très facilitateur et permettre d’atteindre un
but alors que les attentes de l’individu étaient pessimistes, par exemple si un
étudiant obtient une bonne note alors qu’il s’attendait à une mauvaise note.
Un événement peut être hautement obstructif dans le cas d’attentes qui ont
été mal évaluées (voir le tableau 4 dans Scherer, 1988).

Critère d’urgence

Les actions adaptatives en réponse à un événement sont particulièrement


urgentes quand des buts/besoins à haute priorité sont en question et que
l’organisme doit décider de se battre ou de fuir et/ou des situations pour
lesquelles remettre la décision à plus tard pourrait conduire à une détérioration
encore plus grave de celle-ci. L’urgence est également évaluée sur une échelle
continue : plus les buts/besoins sont importants et la pression temporelle élevée,
plus l’urgence de réagir immédiatement est également impérative. Alors que
tout événement évalué comme nécessitant une réponse urgente est également
considéré comme pertinent, l’inverse n’est pas vrai. L’urgence ne dépend pas
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

seulement de l’importance et de la pertinence d’un événement pour les buts/


besoins de l’organisme mais également des contingences temporelles associées.

3.3 Potentiel de maîtrise


La maîtrise et la résolution d’une situation impliquent que les préoccupations
avec l’événement générateur de l’épisode émotionnel aient disparu et que la
synchronisation des sous-systèmes de l’organisme soit terminée. Il faut donc
qu’un découplage de ces sous-systèmes soit effectif et que l’épisode émotionnel
52 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

soit terminé. Toutefois, cela n’implique pas que l’organisme ait été capable
d’atteindre ses buts originaux. La résolution d’une situation peut également
être liée à une résignation positive quant à l’événement au-delà de l’aspect de
pur contrôle. Par exemple, dans notre exemple de l’échec de l’étudiant, celui-ci
peut tout à fait décider qu’en fait il peut vivre sans son diplôme universitaire
et donc entamer une autre formation à la place. L’évaluation du potentiel de
maîtrise détermine quels types de réponses sont possibles lors d’un événement
et quelles conséquences découleront des différentes options disponibles. Le
résultat de cette évaluation est donc de déterminer quelle est la réponse la plus
positive et la plus prometteuse parmi les réponses disponibles à l’individu
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dans une situation donnée.

Critère de contrôle
Une importante dimension dans le processus d’évaluation du potentiel de
maîtrise est à quel point l’événement ou ses conséquences peuvent être
influencés ou contrôlés par des agents naturels tels que des humains ou des
animaux. Par exemple, alors que les comportements d’un ami ou la direction
d’une automobile sont généralement contrôlables au moins à un certain
niveau, le temps météorologique ou une maladie fatale ne sont généralement
pas contrôlables par un agent naturel. Dans notre exemple, si l’obtention
d’un niveau universitaire était le résultat d’une loterie, cela serait totalement
hors du contrôle de l’étudiant. Il est important de distinguer le contrôle de la
prédictibilité tel que discuté ci-dessus. Ainsi il est peut-être possible, jusqu’à
un certain point, de prédire la course d’un ouragan avec un certain degré de
précision sans être capable du tout de l’influencer. Toutefois l’inverse n’est
pas vrai ; généralement le contrôle, en particulier lorsque le stimulus ou
l’événement sont terminés, implique un certain degré de prédictibilité (voir
Mineka Hendersen, 1985, p. 508-509 pour une discussion détaillée de ce point).

Critère de puissance
Si le contrôle est possible, l’évaluation du potentiel de maîtrise dépend alors
également de la puissance de l’organisme exerçant le contrôle ou sa capacité
de recruter l’aide d’autrui. Avec l’aide de l’évaluation de puissance, l’orga-
nisme peut évaluer les ressources à disposition lui permettant potentiellement
de changer les contingences et les résultats en accord avec ses propres intérêts.
Les sources de puissance peuvent être de plusieurs formes : la force physique,
la somme d’argent à disposition, les connaissances ou l’attractivité sociale
sont quelques exemples (voir French et Raven, 1959). Dans le cas de l’échec
à l’examen, l’étudiant ayant un oncle impliqué dans les comités de décisions
de l’université pourrait penser que celui-ci pourrait faire pression afin que les
règles pour l’obtention du grade changent en faveur de l’étudiant. Dans le
cas d’un événement obstructif généré par un conspécifique agresseur ou
ÉVALUATION COGNITIVE ET DYNAMIQUE DES PROCESSUS ÉMOTIONNELS 53

prédateur, la comparaison entre sa propre puissance estimée et la puissance


perçue de l’agent agresseur, par exemple, va influencer très certainement la
genèse d’une émotion de type colère ou peur et ainsi générer un comporte-
ment d’attaque ou de fuite.
L’indépendance entre les évaluations de contrôle et de puissance doit être
clairement rappelée puisque ces deux critères ne sont pas toujours bien
distingués dans la littérature où « contrôlabilité » semble souvent impliquer
ces deux aspects (voir les discussions dans Garber Seligman, 1980 ; Miller,
1981 ; Öhman, 1987). Le contrôle tel qu’il est conceptualisé ici réfère exclu-
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sivement à la probabilité qu’un événement puisse être empêché ou provoqué
ou que ses conséquences puissent être modifiées par un agent naturel. La
puissance, quant à elle, réfère à la probabilité qu’un organisme soit capable
soit par ses propres moyens soit par l’aide d’autrui d’influencer un événement
potentiellement contrôlable. Une distinction similaire a été suggérée par
Bandura (1977) en contrastant d’une part les attentes relatives aux résultats
(les contingences entre réponses et résultats) et d’autre part les attentes quant
à l’efficacité (les représentations quant à la possibilité de mes propres actions
de produire les résultats attendus).

Critère d’ajustement

Les organismes peuvent s’ajuster, s’adapter ou vivre avec les conséquences d’un
événement plus ou moins bien une fois que tous les moyens ont été épuisés
pour répondre à une situation donnée. Il est en effet particulièrement impor-
tant d’évaluer à quel point l’on peut s’adapter ou s’ajuster aux conséquences
d’un événement si les évaluations de contrôle et de puissance ont abouti à la
conclusion qu’un événement donné ou ses conséquences sont en dehors des
possibilités propres de maîtrise. Comme mentionné ci-dessus, l’étudiant pourra
parfaitement vivre avec son échec s’il sait d’ores et déjà que son futur est assuré
dans un autre contexte professionnel, par exemple, financier.

3.4 L’évaluation de la signification normative


© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Pour les espèces dites sociales, la réaction d’un organisme comprendra non
seulement la prise en compte de l’évaluation d’une action de la majorité des
membres du groupe social mais également à quel point la ou les réponses à
un événement induisant une réaction émotionnelle importent pour le concept
de soi et l’estime de soi. Évidemment, cette évaluation est, par définition,
seulement pertinente pour les espèces socialement organisées capables
d’élaborer une représentation de soi et des représentations des normes et
valeurs socioculturelles. Cette évaluation est sous-tendue par deux types
de critères.
54 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

Critère des standards internes


Ce critère évalue à quel point une action est à la limite ou au-delà des stan-
dards internes de l’individu tel que l’idéal de soi (les attributs souhaités) ou
le code moral interne (les conduites de rigueur). Ces standards internes
peuvent souvent varier avec des aspects culturels ou les normes de différents
groupes, particulièrement dans le cas de conflits de demandes liées à des rôles
où il y a une potentielle incompatibilité entre les normes ou les demandes de
plusieurs groupes ou de personnes de référence. Par exemple, notre étudiant
ayant échoué réagira très différemment s’il a un concept de soi lié à la notion
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d’excellence et d’élève brillant dans le champ de l’examen en question ou
s’il a écrit un essai particulièrement créatif à cet examen en lien avec son
idéal de soi comme génial financier.

Critère des standards externes


L’organisation sociale en groupes implique de partager des valeurs et des
règles ou normes concernant les hiérarchies liées au statut, les prérogatives, les
résultats attendus ou désirés et les comportements désirables ou indésirables.
L’existence et le renforcement de telles normes dépendent des réactions
émotionnelles appropriées des membres du groupe vis-à-vis des comporte-
ments violant les normes ou étant en conformité avec celles-ci. La plus
sévère sanction qu’un groupe peut infliger contre un membre violant une
norme, en dehors d’une agression réelle, est la manifestation visible d’une
émotion aversive et sa relégation à un statut inférieur ou d’un marginal voire
d’un rejet pur et simple, privant ainsi l’individu en question de l’atmosphère
émotionnelle positive du groupe. Ainsi, dans de nombreux cas, l’évaluation
de la signification d’une action particulière en termes de conséquences sociales
est une étape nécessaire avant de finaliser la résultante du processus d’éva-
luation et ainsi décider d’une réponse comportementale appropriée. Ce critère
évalue donc à quel point une action est compatible avec les normes perçues
ou les demandes du groupe actuel de référence en termes non seulement de
conduites obligatoires mais également désirables. L’évaluation de l’échec de
notre étudiant sera différente sur ce critère s’il applique les attentes intellec-
tuelles et les performances d’études standard d’un groupe de jeunes scientifiques
ou de l’équipe de football de l’université. Comme pour les précédents critères
d’évaluation, celui-ci s’évalue également sur un continuum indiquant la
consistance de l’action évaluée sur les critères internes et externes.
Cette énumération des différents critères d’évaluation pourrait donner
l’impression qu’un événement ou un stimulus n’est évalué qu’une seule fois.
Le processus d’évaluation cognitive, comme le terme « processus » l’indi-
que, n’est pas réalisé d’un seul bloc ou en une seule fois. Déjà très tôt, Lazarus
et coll. (1966 ; Lazarus, Averill, Opton, 1970) ont soulevé que le processus
d’évaluation est suivi d’un processus dit de reappraisal ou de « réévaluation »
ayant pour objet d’évaluer à nouveau un événement en fonction de nouvelles
ÉVALUATION COGNITIVE ET DYNAMIQUE DES PROCESSUS ÉMOTIONNELS 55

informations ou afin de traiter de manière plus approfondie la signification


de celui-ci. Les organismes scannent constamment leur environnement et
leurs états internes afin de détecter et d’évaluer les changements de ceux-ci.
Par conséquence, la théorie présentée ici propose que les événements ou les
changements internes déclenchent des cycles d’évaluations à travers les diffé-
rents critères que nous avons détaillés ci-dessus jusqu’à ce que le sous-système
de contrôle signale une résolution ou parvienne à un ajustement de la situation
ayant engendré l’ensemble du processus d’évaluation cognitif.
L’accent sur la notion de processus d’évaluation est complémenté par la
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proposition théorique selon laquelle ces différents critères d’évaluations se
dérouleraient selon une séquence suivant un ordre fixe. Tandis que les critères
proposés dans la théorie de l’évaluation cognitive par CES sont partagés par
les autres théoriciens de l’évaluation cognitive qui parlent, eux, de critères
d’évaluation ou de dimensions d’évaluation (Roseman, 2001 ; Scherer, 1988,
1999b ; Schorr, 2001), la notion de séquence est, elle, spécifique à la théorie
présentée dans ce chapitre. En effet, selon la théorie séquentielle l’ordre
temporel des critères d’évaluation est fixe et ne change pas en fonction des
différents contextes dans lequel les évaluations cognitives se réalisent.
L’émotion n’est donc pas un état statique comme nous l’avons largement
explicité ci-dessus, d’ailleurs la simple introspection d’un épisode émotion-
nel vécu permet de se rendre compte que l’émotion est loin d’être un état
mais se caractérise bien par une dynamique temporelle complexe. Au-delà de
la dynamique du processus émotionnel qui nous est accessible via notre
conscience et l’introspection, la deuxième partie de ce chapitre à laquelle
nous nous intéressons maintenant se propose de faire le point sur la recher-
che dans le domaine de la neuroscience cognitive des processus émotionnels
quant à cette dynamique temporelle, tant au niveau théorique qu’au niveau
empirique, et ainsi de faire une revue des arguments expérimentaux obtenus
grâce à différentes méthodes d’investigation.
Compte tenu de l’importance des différents sous-processus impliqués dans
la genèse d’un épisode émotionnel, il est étonnant que la recherche dans le
domaine ait tant privilégié la notion d’état émotionnel plutôt que celle de
dynamique du processus émotionnel. Aujourd’hui, grâce aux techniques
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d’investigations des fonctions cérébrales, nous sommes à même de mettre en


évidence et d’étudier avec une excellente résolution temporelle la dynami-
que des processus émotionnels au niveau cérébral et de tester des hypothèses
issues du champ de la psychologie de l’émotion. Cette deuxième partie a donc
pour buts, d’une part, de discuter les aspects théoriques liés à la dynamique
temporelle des processus émotionnels mais, bien évidemment, également
de discuter les travaux existants en psychologie et en neuroscience cognitive
concernant cet aspect.
La technique de choix, parmi celles disponibles pour l’investigation des
aspects temporels des processus cérébraux sous-tendant des fonctions cognitives
56 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

données est l’électroencéphalographie. Cette technique permet en effet de


caractériser les modulations des champs électriques, générés essentiellement
au niveau cortical, avec une résolution temporelle de l’ordre de la milliseconde.
Cette résolution temporelle est en effet nécessaire au regard de la rapidité à
laquelle des populations de neurones peuvent réagir et interagir lors d’une
stimulation sensorielle et des traitements subséquents liés à cette stimulation.
Cette rapidité du fonctionnement cérébral est non seulement vraie pour la
modulation de l’activité d’un groupe de neurones donné spatialement proche
mais également vrai quant aux interactions entre différentes populations neuro-
nales plus ou moins distantes sous-tendant certains aspects fonctionnels.
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Les processus cognitifs engagés dans la genèse des émotions ont été proposés
puis explorés par différents auteurs dans le cadre des théories de l’évaluation
cognitive ou « appraisal » comme nous l’avons déjà évoqué ci-dessus.
Les études des processus émotionnels, au niveau cérébral, ont longtemps
été dominées par des paradigmes influencés par les théories des émotions de
base (Calder, Keane, Manes, Antoun et Young, 2000 ; Calder, Lawrence,
Young, 2001 ; Ohman, Mineka, 2001 ; Phillips et al., 1997) tentant de mettre
en lien l’activation de régions cérébrales et une catégorisation des émotions
de type discret. Plus récemment, les modèles dimensionnels ont été utilisés
pour tenter de distinguer le rôle de structures cérébrales en lien avec les
dimensions de valence et d’activation. Ainsi, selon ces travaux, l’amygdale
serait sensible à la dimension d’activation alors que le cortex orbito-frontal
(COF) à la dimension de valence (Anderson et al., 2003). Malgré les résul-
tats intéressants de ces approches, les processus de genèse de l’émotion
restent mal compris non seulement au niveau cérébral mais également du
point de vue psychologique. Ces deux approches (modèle des émotions
discrètes et modèle dimensionnel) se sont souvent cantonnées à expliquer ou
tenter d’expliquer le pôle expressif du processus émotionnel mais n’ont
pratiquement jamais proposé d’explications plausibles et suffisamment
détaillée de la genèse d’une émotion. De plus, ces deux modèles se sont basés
presque exclusivement, dans leur développement, au rapport verbal des indivi-
dus quant à un épisode émotionnel. Dans cette démarche et ces modèles, la
confusion entre processus émotionnels et sentiment subjectif est patent.
Contrairement à ces deux approches, le modèle des composantes propose une
distinction très claire entre les processus émotionnels et l’élaboration du senti-
ment subjectif qui reste bien évidemment une part essentielle de l’ensemble du
processus émotionnel. D’ailleurs, ce modèle propose des relations comple-
xes entre les différentes composantes et les processus d’évaluations cogniti-
ves comme nous l’avons déjà mentionné précédemment. Les théories de
l’évaluation cognitive se sont également penchées sur la genèse d’un épisode
émotionnel et son expression à différents niveaux ou sur différentes composan-
tes (expressive, tendances à l’action, motivation par exemple) et ne se sont pas
cantonnées à étudier le pôle expressif des processus émotionnels.
ÉVALUATION COGNITIVE ET DYNAMIQUE DES PROCESSUS ÉMOTIONNELS 57

Aujourd’hui, il est nécessaire d’avoir un modèle de la genèse des émotions


non seulement pour comprendre le phénomène émotionnel lui-même mais
également pour certaines applications telles que la réhabilitation cognitive
dans le domaine clinique ou, par exemple, l’utilisation de tels modèles pour
des agents virtuels afin d’améliorer le réalisme de leurs réactions émotion-
nelles que ce soit dans des jeux ou pour des applications interactives telles
que des interfaces éducatives. Ainsi, la modélisation des processus émotion-
nels pour des agents virtuels nécessite aujourd’hui des modèles plus réalistes
et complexes permettant d’implémenter des notions telles que les différences
interindividuelles ou l’influence de certaines représentations sur la genèse
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des processus émotionnels (Sander et al., 2005).
Les modèles cognitivistes de l’émotion tels que nous venons de le décrire
ci-dessus ont initié de nombreuses études, mais celles-ci se sont souvent égale-
ment cantonnées, à l’instar des deux autres types de modèles, à des méthodes
d’investigation liées au rapport verbal subjectif et/ou comportemental ; c’est
d’ailleurs une critique majeure de certains auteurs à l’égard de cette appro-
che théorique. Récemment, des études en psychophysiologie ont investigué
les effets des processus cognitifs proposés théoriquement comme détermi-
nants dans la genèse et la différenciation des émotions (van Reekum et al.,
2004) en initiant un champ de recherche actuellement en plein développe-
ment. Aue et coll. (Aue, Flykt, Scherer, 2007) ont pu également démontrer
que les réponses physiologiques périphériques, plus spécifiquement l’activité
cardiaque et l’activité musculaire faciale, étaient compatibles avec un modèle
de traitement séquentiel des critères d’évaluations dans la genèse d’un épisode
émotionnel. Nous verrons également ci-dessous, les récents développements
en neuro-imagerie qui traitent de la dynamique temporelle liée à ces évaluations
cognitives.
Un des moyens privilégiés de l’étude des processus émotionnels est la
reconnaissance d’expressions faciales (par exemple : Pourtois et al., 2004) et
d’expressions vocales (par exemple : Grandjean, Banziger, Scherer, 2006 ;
Grandjean et al., 2005) aussi bien quant à la question de la dynamique tempo-
relle que celle des sous-processus impliqués et plus spécifiquement par
exemple de la latéralisation hémisphérique cérébrale des processus émotionnels.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Dans ces deux domaines de l’expressivité, les théories de l’appraisal ont


inspiré des travaux empiriques sur la dynamique temporelle de l’expression
faciale (Wehrle, Kaiser, Schmidt, Scherer, 2000) et vocale (Banziger, Grandjean,
Bernard, Klasmeyer, Scherer, 2002 ; Grandjean et al., 2006 ; Johnstone, Oakes,
Scherer, 2000 ; Johnstone, Van Reekum, Scherer, 2001). Sur le plan de la
production d’expressions émotionnelles, des propositions théoriques ont été
formulées et font l’objet de travaux empiriques visant à tester ces prédictions
(Scherer, 1986, 2001). Au niveau vocal, des travaux ont permis de mettre en
évidence l’effet de dimensions d’évaluations telles que l’opportunité au but
sur la production d’expressions vocales que les modèles dimensionnels ou
d’émotions de base ne permettent pas de comprendre ou de prédire (Johnstone
58 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

et al., 2001). Peu de travaux ont cherché à investiguer et étudier systématique-


ment les modèles de l’appraisal en utilisant des méthodes issues du champ des
neurosciences. Les recherches présentées ci-dessous ont consisté à mettre à
l’épreuve certaines prédictions théoriques du modèle de l’appraisal de Scherer
avec des méthodes issues de la neuroscience cognitive comme cela a été proposé
dans des travaux théoriques récents (Lewis, 2005 ; Sander, Grafman, Zalla,
2003 ; Sander Koenig, 2002).
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4 HYPOTHÈSE D’UN DÉCOURS TEMPOREL
SÉQUENTIEL DE L’APPRAISAL

Même s’il existe un consensus important entre les différents théoriciens de


l’appraisal sur les différents types d’évaluations nécessaires et suffisantes à
la différenciation des émotions, des divergences d’importance sur les processus
d’évaluations ou sur la forme que pourraient prendre les différentes évaluations
et leurs liens respectifs persistent. La séquence des différentes évaluations est,
selon les auteurs, fixe ou flexible. Ainsi, Scherer (1984d), dans son modèle,
prédit que la séquence des différentes évaluations est fixe, au contraire de
Smith et Lazarus (1990) proposant une grande flexibilité dans l’ordre d’appa-
rition des différentes évaluations, ordre influencé par des caractéristiques de
l’événement, de la situation ou d’évaluations cognitives antécédentes. Dans
la partie suivante, nous allons développer les arguments de Smith et Lazarus
ainsi que ceux de Ellsworth quant à la notion de séquence des processus
d’évaluations cognitives.
Dans leur travail, Smith et Lazarus (1990) proposent qu’il n’est en aucun cas
nécessaire que l’organisme traite de manière séquentielle les informations
lors d’un épisode émotionnel. Pour ces auteurs, l’ordre dans lequel les processus
d’appraisals sont réalisés est déterminé par les contingences de l’environnement
et de l’événement ou du stimulus ; la séquence des différentes évaluations
réalisées serait donc très variable.
Pour ces auteurs cela est particulièrement pertinent lorsque les processus
ne sont pas conscients et sont traités à un niveau schématique et/ou automatique.
Leur argument s’appuie sur la théorie des réseaux associationistes développé
essentiellement par Bower (1981), mais également Isen, et repris pour expli-
quer les effets des émotions sur les processus de jugement sociaux (Nieden-
thal, Showers, 1991).
Smith et Lazarus estiment que ce type de processus permet un traitement
très rapide et non conscient de l’information et qu’il n’est dès lors pas néces-
saire de faire appel à une quelconque séquence ou ordre prédéfini pour
rendre compte de ces processus. Smith et Lazarus (1990, p. 629) écrivent :
ÉVALUATION COGNITIVE ET DYNAMIQUE DES PROCESSUS ÉMOTIONNELS 59

« One way in which the operation of schematic processing can be understood


is by using the concepts of activation and associative networks commonly in-
voked in the study of memory… In considering this type of mechanism, it is not
necessary to think of the appraisal process as following a fixed or predefined
sequence, since the full appraisal meaning associated with the past experience(s)
can be activated in a single step. »

Nous voulons souligner ici, que ce type de processus faisant appel à des
réseaux d’associations n’explique pas les mécanismes impliqués dans les éva-
luations que réalise l’organisme. La recherche d’explications ou de modèles
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pouvant rendre compte plus en détail des processus d’évaluations à l’origine
des émotions nous semble centrale, non seulement dans la compréhension
des sous-mécanismes impliqués dans la genèse d’une émotion, mais égale-
ment par exemple dans sa modélisation, ce que la notion de réseaux associa-
tionistes ne permet pas. Le fait que des processus non conscients soient
impliqués dans les processus émotionnels ne fait aucun doute et ces auteurs
ne nient pas cette proposition, par contre, ils suggèrent que ces processus
peuvent être expliqués majoritairement par la notion de réseau d’association,
ce que nous rejetons. En effet, un nombre croissant de travaux indique que
les processus automatiques et non conscients sont également complexes et
qu’ils peuvent se réaliser selon une certaine séquence proposée par des
modèles dynamiques et temporels (Lewis, 2005). Dans le domaine de
l’expression faciale par exemple, Adolphs (2002) a proposé une séquence de
traitement impliquant diverses structures cérébrales dans la perception
d’expressions faciales émotionnelles dont l’activation n’est pas forcément
liée à une perception consciente par l’individu (fig. 2.2).
Smith et Lazarus (1990, p. 630) suggèrent toutefois que la notion de
séquence peut être proposée pour des évaluations sur un niveau conceptuel :
« Automatic or schematic processing, as we have described it, is quite passive,
and it is important not to lose sign of the fact that humans are sentient, pro-
blem-solving beings who actively seek to understand the world and their reac-
tions to it… Although conceptual processing of appraisal components could
perhaps follow predefined sequences, as Scherer (1984) has suggested, we are
wary of a stage theory, since whatever issues and aspects of the encounter
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

seem especially salient may well pre-empt attention at any given moment. »

Ces auteurs indiquent qu’au niveau conceptuel l’information pourrait être


effectivement traitée de manière séquentielle comme le propose Scherer.
Toutefois, ils soulignent que des éléments particulièrement saillants pour-
raient orienter l’attention et ainsi être traités de manière non séquentielle. Il
semble que dans cette proposition, les auteurs amalgament la notion de
séquence temporelle dans la microgenèse du processus d’appraisal, telle
qu’elle a été proposée par Scherer, à la notion de traitement de l’information
sur un plan conceptuel impliquant une séquence progressive associée à des
éléments de logique contraignant une certaine séquence.
60 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

A B
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CORPS
C

A) Traitement initial vers 120 ms, (B) Traitement détaillé vers 170 ms, (C) Traitement
à 300 ms associé aux connaissances conceptuelles du visage. SCx : cortex strié, T : tha-
lamus, A : amygdale, SC : colliculus supérieur, STG : gyrus temporal supérieur,
FFA : aire fusiforme du visage, O : cortex orbito-frontal, INS : insula.
Figure 2.2
Illustration de la proposition d’Adolphs sur un traitement séquentiel
de l’information relative au décodage de l’expression faciale émotionnelle
(adapté d’Adolphs et al., 2002).

Nous rappelons que la notion de séquence temporelle n’est pas proposée à


un niveau uniquement conceptuel mais justement également à un niveau sché-
matique et sensorimoteur ; ces différents niveaux de traitement ont été proposés
par Levental et Scherer (1987). Ainsi, la séquence proposée par Scherer pourrait
intervenir non seulement au niveau conceptuel mais également à des niveaux de
traitement ne requérant pas une représentation consciente ou explicitable. Dans
ces cas, l’implication de réseaux de neurones associés à certaines évaluations
automatisées s’activerait plus précocement que pour des évaluations plus
tardives et engendrerait des conséquences pour d’autres réseaux de neurones
ou d’autres sous-systèmes de l’organisme pour in fine émerger à un niveau
permettant l’accès de cette information intégrée à la conscience (voir Grand-
jean et al., 2008, pour une description détaillée de ces processus).
Ellsworth (1991) rappelle que la séquence des informations liées à des
événements ou stimuli lors d’un épisode émotionnel a été depuis longtemps
ÉVALUATION COGNITIVE ET DYNAMIQUE DES PROCESSUS ÉMOTIONNELS 61

soulevée par la problématique opposant James-Lange et leur théorie périphé-


raliste à une théorie plus axée sur le système nerveux central de Cannon (voir
par exemple Cannon, 1927 ; James, 1884). Dans le cadre des théories de
l’appraisal, Ellsworth écrit (p. 153) :
« Appraisal theories put forward a different set of questions about an emotio-
nal episode. They suggest that full-bown emotions are not unitary, that not all
of the components of the subjective experience, or of the peripheral response,
emerge simultaneously. Some appraisals may be more immediate than others,
suggesting that any given emotional experience may be broken down into a mi-
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crosequence of events both centrally and peripherally. »

Ellsworth soutient la notion de micro-séquence au sein du processus


d’appraisal, en tout cas au niveau des évaluations précoces comme la
nouveauté. En effet, en accord avec les propositions de Scherer, elle rappelle
que la nouveauté permet l’orientation de l’attention et ainsi l’investissement
de ressources mentales permettant un traitement plus approfondi du stimulus
ou de l’événement. Cette notion de nouveauté peut être mise en lien avec la
notion d’orientation de l’attention par une évaluation très rapide et s’effec-
tuant, au moins en partie, à un niveau schématique (Bradley, Lang, Cuthbert,
1993 ; Siddle Lipp, 1997 ; Sokolov, Nezlina, Polyansky, Evtikhin, 2001).
Ellsworth soutient également que l’évaluation consécutive à celle de
nouveauté peut être en lien avec la dimension positive ou négative du stimu-
lus ou de l’événement. Cependant, pour Ellsworth, ceci n’est pas systémati-
que et d’autres évaluations pourraient précéder l’évaluation liée à la notion
de positif-négatif. « The sequence of appraisals, once attention has been
aroused, may be somewhat variable », écrit-elle (Ellsworth, 1991, p. 154).
L’argument développé est que des évaluations de type « incertitude » ou
d’évaluation de la responsabilité (qui est à l’origine d’un événement en
termes de causalité, par exemple) ou même d’obstruction au but pourraient
prendre place à des périodes temporelles différentes en fonction des contin-
gences de l’événement. Ellsworth propose donc que l’évaluation de la
nouveauté précède effectivement toute autre évaluation mais qu’ensuite la
séquence des évaluations consécutives est fortement influencée par l’événe-
ment ou le stimulus. À noter que nombre d’études actuelles, surtout en
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

neuroscience cognitive de l’émotion, se focalisent sur les notions de « posi-


tif-négatif-neutre » en considérant ce type d’évaluation comme l’émotion
elle-même, ce que, de notre point de vue théorique, nous considérons comme
une composante. De cette manière, les chercheurs qui soutiennent ces études
évincent la complexité des phénomènes associés et/ou constitutifs des
processus émotionnels. Par ailleurs, des modulations très précoces de l’activité
du système nerveux central ont été démontrées et interprétées dans le contexte
des théories de l’évaluation cognitive en relation avec les aspects négatifs de
stimuli et, par exemple en réaction à des expressions faciales émotionnelles
capables de capturer l’attention de participants par des mécanismes impliquant
62 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

des structures sous-corticales ou corticales, pour une synthèse de ces travaux,


voir Vuilleumier (2005).
Scherer (1984b, 1984c, 1984d, 2001) propose, dans son modèle, une séquence
fixe d’occurrences des évaluations, séquence n’excluant pas du tout des
processus en parallèles concomitants (voir Grandjean et al., 2008 ; Sander et
al., 2005). En effet, bien que l’occurrence d’une certaine évaluation soit
prédite à un moment donné, le modèle propose que celle-ci puisse se pour-
suivre éventuellement à d’autres niveaux de traitement (Leventhal, Scherer,
1987). En 1984, Scherer écrit (p. 306, 1984a) : « I suggest that this
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process of evaluation consists of a very rapidly occurring sequence of
hierarchically organized stimulus processing steps », puis plus loin :
« This sequence assumption does not deny the existence of parallel processing.
All stimulus evaluation checks are expected to be processed simultaneously,
starting with relevance detection. However, the essential criterion for the se-
quence assumption is the point in time at which a particular check achieves
preliminary closure, that is, yields a reasonably definitive result, on that warrants
efferent commands to response modalities. The sequence theory postulates
that – for the reasons just outlined – on a macro level the result of a prior pro-
cessing step (or check) must be in before the consecutive step (or check) can
produce such a response-inducing result. »

Le modèle propose donc une évaluation de la nouveauté en premier lieu,


suivie d’une évaluation de l’agrément intrinsèque, puis d’une évaluation de
la pertinence de l’information dans la hiérarchie des buts-besoins actuels de
l’organisme. Ces trois évaluations ont été regroupées dans le modèle sous le
terme de « détection de la pertinence ». Les évaluations suivantes proposées,
qui ont déjà été détaillées ci-dessus, sont, pour rappel, l’attribution causale,
la probabilité de prédictions des conséquences, la congruence avec les atten-
tes et la facilitation versus l’obstruction au but poursuivi par l’organisme.
Enfin, l’évaluation de l’urgence de la réaction serait la dernière évaluation de
cet ensemble de processus regroupés sous le terme « évaluation des implica-
tions ». Les évaluations relatives à « la capacité de faire face » ou coping
potential sont au nombre de trois dans ce modèle : l’évaluation du niveau du
contrôle de la situation ou de l’événement, la puissance évaluée et la capacité
d’ajustement aux conséquences de l’événement. Enfin, le dernier ensemble
d’évaluations considérées se regroupe sous le terme d’« évaluation des
normes », dissocié en un processus d’évaluation des normes internes et un
autre d’évaluation des normes externes (voir figure 2.1).
Il n’existe pas, actuellement, de corpus d’études cohérentes sur les processus
et régions cérébrales impliquées ou sous-tendant les processus d’évaluations
cognitives dans la genèse des émotions bien qu’il existe, comme nous l’avons
déjà évoqué, des développements théoriques et mises en lien avec des travaux
en neuroscience cognitive. Certains de ces processus d’évaluations cognitives
ne sont pas uniquement impliqués dans la genèse des émotions ; les mécanismes
ÉVALUATION COGNITIVE ET DYNAMIQUE DES PROCESSUS ÉMOTIONNELS 63

d’évaluation de la nouveauté ou de la familiarité, par exemple, fortement en


lien avec l’étude des mécanismes mnésiques, ont été et sont encore l’objet de
nombreuses études en psychologie cognitive ou en neuroscience cognitive.
Pour rappel, la neuroscience cognitive s’intéresse aux structures et processus
cérébraux impliqués dans les mécanismes cognitifs sous-tendant des compor-
tements ou des fonctions cognitives déterminées.
Dans ce chapitre, nous présentons une série de travaux sur l’occurrence
temporelle de quatre évaluations cognitives qui sont particulièrement perti-
nentes dans le processus de genèse et de différenciation des émotions : la
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nouveauté, l’agrément intrinsèque, la pertinence d’une information liée à un
but et l’évaluation de la congruence ou de la non-congruence d’un événement
ou stimulus avec les buts actuels. Les trois premières évaluations sont des
sous-dimensions du critère de pertinence dans la théorie de Scherer (2001)
alors que l’évaluation de la congruence ou de l’incongruence d’un événement
avec les buts relève de l’évaluation de l’implication ou conséquences associées
à un but, nous parlons également de l’opportunité au but.
Comme nous l’avons précisé précédemment, nous définissons l’émotion
comme une synchronisation temporelle relative de changements au sein de
plusieurs composantes. C’est la modification concomitante de processus cogni-
tifs évaluatifs, de processus physiologiques périphériques (par exemple, des
modifications de la conductance de la peau, du rythme cardiaque), de processus
physiologiques centraux (modifications de l’activité de certaines structures
cérébrales), de processus motivationnels, et de processus de représentation
du sentiment subjectif qui caractériseraient une émotion. Nous avons accès
aux processus émotionnels en observant trois grandes composantes principales :
les expressions comportementales, le sentiment subjectif et la physiologie
(Bradley et Lang, 2000). L’observation des expressions comportementales
peut passer par différents indicateurs, comme nous l’avons brièvement
mentionné ci-dessus : l’expression faciale, vocale, posturale et gestuelle. Ces
expressions comportementales sont des indicateurs, selon Frijda, de tendan-
ces à l’action, initiées par les processus cognitifs et émotionnels (Frijda,
Kuipers, Terschure, 1989). Les expressions faciales ont été également
étudiées dans le cadre des théories de l’appraisal. Wehrle et coll. (2000) ont
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

mis en évidence une meilleure reconnaissance des expressions faciales


émotionnelles lorsque les changements sont dynamiques par rapport à des
images statiques. Quant au sentiment subjectif, il peut être investigué par des
questionnaires et permet d’avoir accès, au moins en partie, aux représentations
subjectives de la personne par rapport à ces émotions. La physiologie périphé-
rique est également un élément qui a toujours retenu l’attention des cher-
cheurs dans la recherche des émotions. La recherche de patterns de réactions
physiologiques, spécifiques à certaines émotions, fait encore l’objet de recher-
ches aujourd’hui. Ce courant de recherche valorisé par le célèbre débat entre
la théorie de James (1884) et celle Cannon (1927) a démontré tout l’intérêt
des mesures physiologiques dans la recherche sur les processus émotionnels,
64 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

même si l’identification de patterns et les effets de contexte souvent confon-


dus avec ceux propres aux processus émotionnels restent des problèmes non
complètement résolus (Stemmler, Heldmann, Pauls, Scherer, 2001). Ainsi
différentes mesures, telles que le rythme cardiaque, la conductance de la
peau, la pression sanguine et même la quantité de certains métabolites dans la
salive, peuvent indiquer un changement physiologique en lien avec des
émotions (Cacioppo, Klein, Bernston et Hatfield, 1993).
Même s’il existe aujourd’hui un large consensus pour une implication
déterminante des processus d’évaluations cognitives dans la genèse et la diffé-
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renciation des émotions, la question de la nécessité impérative d’une évaluation
cognitive, à quel que niveau que ce soit, reste toujours d’actualité. Par exemple,
la distinction d’Izard (1993) entre les émotions générées par le dysfonction-
nement de certains groupes de neurones responsables de la synthèse de neuro-
transmetteurs ou de déséquilibres hormonaux et les émotions générées par
des processus d’évaluations reste pertinente aux yeux de nombreux théoriciens
de l’appraisal. Ainsi, même si une grande majorité des processus émotionnels
sont générés par un ensemble d’évaluations cognitives, des émotions pour-
raient être générées en l’absence d’appraisal par des dysfonctionnements
endogènes ou des apports de substances neuro-mimétiques ou hormono-
mimétiques exogènes. De plus, des émotions reliées à l’expression artistique
pourraient être sous-tendues par des processus différents impliquant par exemple
pour la musique des phénomènes de résonances corporels en réponse à des
rythmes ou des mélodies scandées (Scherer et Zentner, 2001).

4.1 Arguments pour un décours temporel


des évaluations cognitives
Ci-dessous un ensemble d’arguments plaidants pour une séquence ou tout
au moins un décours temporel des évaluations cognitives est présenté. Des
arguments basés sur la phylogenèse seront développés, en s’appuyant sur des
travaux chez l’animal ayant démontré la présence d’évaluations telles que la
nouveauté ou l’agrément intrinsèque mais qui n’ont probablement pas déve-
loppé des évaluations réputées plus complexes telles que l’évaluation des
normes sociales par exemple. Suivra une argumentation centrée sur l’ontogenèse
chez l’humain, et le décours temporel de l’apparition d’émotions à travers le
développement, émotions dont l’apparition dépendrait, au moins en partie,
de la complexification des évaluations effectuées par l’enfant dans son déve-
loppement. Des arguments logiques seront développés pour étayer la thèse d’un
décours temporel séquentiel des processus d’évaluations. Enfin, nous discute-
rons des travaux basés sur la neuroscience cognitive et ayant mis en évidence
une séquence de certains processus étudiés avec des méthodes d’électro-
encéphalographie. Des études empiriques axées sur cette problématique de
ÉVALUATION COGNITIVE ET DYNAMIQUE DES PROCESSUS ÉMOTIONNELS 65

la séquence seront discutées aussi bien pour des études comportementales et


de rapport verbal que des études centrées sur des mesures périphériques.

4.1.1 Arguments phylogénétiques

La complexification progressive du système nerveux central à travers la


phylogenèse a permis aux organismes une construction de représentations du
monde de plus en plus sophistiquées et évoluant progressivement vers la
construction de relations sociales permettant, à travers l’acquisition d’une
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culture puis du langage, une accumulation de savoirs de plus en plus impor-
tante. L’argumentation s’articule autour de l’idée que des structures neuronales
simples telles que des ganglions neuronaux sont capables d’effectuer des compu-
tations permettant aux organismes porteurs de tels systèmes d’effectuer des
apprentissages et donc, par exemple, de détecter des événements ou des
stimuli nouveaux. Les animaux porteurs d’un système nerveux central primaire
comme par exemple la mouche sont, malgré la relative simplicité de leur
système nerveux central (SNC), comparés aux humains, capables de détecter
des stimuli pertinents pour leur survie. Une étude en électrophysiologie a en
effet mis en évidence la synchronisation de certains groupes de neurones en
oscillations à des fréquences élevées (gamma) en lien avec la détection de
stimuli nourrissants chez la mouche (Frye, Dickinson, 2003). Dans une pers-
pective évolutionnaire, la mise en place de systèmes primaires permettant à
des organismes de survivre dans leur milieu est également présente chez des
organismes ayant un système nerveux central plus complexe et les computa-
tions effectuées par ces réseaux restent probablement effectives et fonction-
nelles. Ainsi, des réseaux de neurones permettant de détecter des patterns visuels
extrêmement simples restent effectifs chez l’humain même si le système
visuel de celui-ci s’est largement complexifié et permet aujourd’hui de
construire des représentations complexes. Des travaux réalisés par Vuilleu-
mier et coll. (2003) ont mis en évidence la sensibilité de structures réputées
anciennes sur le plan phylogénétique, telles que l’amygdale, à des fréquences
visuelles basses et donc possiblement à des patterns visuels émotionnels
d’expressions faciales caractéristiques. Ces réseaux qui réalisent rapidement,
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

chez des organismes simples, des fonctions importantes pour leur survie
restent effectifs même si des réseaux supplémentaires, résultat de l’évolu-
tion, viennent se « greffer » sur ceux-ci pour effectuer des traitements plus
complexes permettant, par exemple, de construire des représentations plus
élaborées et pouvant faire l’objet d’une réflexion consciente. La proposition
de MacLean (1970, 1990) sur une évolution du SNC en une structuration
progressive à travers l’évolution, autour des concepts de cerveau reptilien,
mammalien et néo-mammalien, est une notion permettant d’illustrer l’idée
selon laquelle des structures très anciennes restent effectives même si leur acti-
vité est modulée et module des structures plus récentes sur le plan phylogéné-
tique. Notre proposition, déjà évoquée auparavant par Scherer (2001), suggère
66 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

que des traitements très rapides effectués par des structures cérébrales
basales de types sous-corticales, par exemple l’amygdale ou les noyaux gris
centraux, chez des organismes avec un SNC beaucoup plus rudimentaire que
celui de l’humain restent effectives chez celui-ci et que les fonctions liées à ces
réseaux neuronaux sont en partie conservées même si elles sont largement
modulées par des interactions avec d’autres structures plus récentes sur le
plan phylogénétique. Ainsi, des fonctions de détection de la nouveauté mises
en évidence chez des organismes simples comme chez le rat impliquant la
région CA1 de l’hippocampe et étant très rapides, pourraient perdurer chez
l’humain, même si d’autres mécanismes entrent en jeu chez ce dernier (Li,
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Cullen, Anwyl, Rowan, 2003). Nous devons toutefois souligner que cette
approche comparative entre des mécanismes ontogénétiques et phylogénéti-
ques reste une hypothèse critiquée, particulièrement par des visions évolu-
tionnistes plus récentes et actuelles (Gould, 2002).

4.1.2 Arguments ontogénétiques

Un autre argument pour une séquence à un niveau micro-génétique des


processus d’appraisal, et complémentaire de la précédente, relève de la mise
en évidence d’une réactivité émotionnelle du nourrisson peu différenciée. En
effet, l’évolution dans l’ontogenèse des fonctions cognitives ou tout au
moins de leur instrumentalisation dans les comportements du nourrisson est
fortement liée à des réactivités émotionnelles toujours plus complexes et
d’une différenciation progressive d’un panel d’émotions toujours plus large
(Izard, 1984 ; Rochat et Striano, 1999 ; Scherer, 1984a ; Scherer, Zentner,
Stern, 2004 ; Smith Lazarus, 1990 ; Sroufe, 1984). Ainsi des émotions
comme l’embarras ou la honte sont des émotions qui émergent plus tardive-
ment, ou tout au moins dont les manifestations comportementales sont
observables plus tardivement, que celles associées à la frustration ou à la
peur par exemple. Sroufe (1984) propose une séquence d’apparition des
émotions et lie cette complexification progressive des manifestations émotion-
nelles à la mise en place de fonctions cognitives de plus en plus élaborées. Il
propose que l’apparition de la peur associée à l’étranger (apparaissant vers le
8e-9e mois), largement investiguée à travers « la situation étrange » développée
par Ainsworth et coll. (Ainsworth, Blehar, Waters, Wall, 1978), est postérieure,
dans le développement, à la détresse liée à des privations ou des inconforts
physiques (dès la naissance). Cependant, elle précède l’apparition de mani-
festations associées à la honte ou à la culpabilité (apparaissant respectivement
vers 18 et 36 mois). En effet, ces émotions, honte ou culpabilité, requièrent ce
que Rochat (2003) appelle désormais le développement d’une co-conscience
permettant à l’enfant d’avoir une représentation de l’image qu’ont les autres
de lui-même et par là des évaluations associées aux attentes des autres ou des
normes sociales, même d’une manière implicite. Il est évident que de telles
évaluations ne sont possibles qu’avec le développement de réseaux de neurones
ÉVALUATION COGNITIVE ET DYNAMIQUE DES PROCESSUS ÉMOTIONNELS 67

effectuant des évaluations complexes, même si bien évidemment le contexte


social est déterminant dans de telles acquisitions. Cette complexification
progressive des évaluations possibles et donc de différenciations d’émotions
toujours plus subtiles est sous la contrainte d’une maturation progressive du
SNC. Nous suggérons donc que des processus d’évaluations telles que la
nouveauté (largement utilisé dans la littérature pour investiguer les capacités
de prédictions du tout petit humain), sont réalisées par des structures plus
rapidement matures et donc plus rapidement réalisées puisqu’élaborées par
des computations plus simples. Soulignons ici que nous parlons d’évalua-
tions réalisées par le SNC indépendamment de la conscience qu’en a l’indi-
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vidu. En effet, des évaluations explicites de la nouveauté engageraient des
mécanismes complexes sur le plan cognitif également et donc plus lents.
Nous évoquons à nouveau ici l’importance de la prise en compte des niveaux
de traitement dont nous avons parlé ci-dessus.
Le développement des connexions et l’augmentation des fibres fonctionnelles
et de la myélinisation entre les régions cérébrales antéro-postérieures durant
le développement seraient les soubassements biologiques de la complexification
progressive des capacités cognitives de l’humain dans l’ontogenèse (Muna-
kata, Casey, Diamond, 2004 ; Paus et al., 1999 ; Ramakers, 2005). Ainsi, le
développement des conduites émotionnelles, la complexification progressive
des processus émotionnels et leurs déterminants cognitifs, seraient en lien
avec la maturation progressive de certaines régions cérébrales et l’augmentation
de la fonctionnalité des relations entre ces régions cérébrales dans un contexte
social permettant l’émergence et la réalisation des conduites sous-tendues
par ces réseaux neuronaux.

4.1.3 Arguments logiques


Un des arguments central d’une micro-séquence des évaluations au niveau
du SNC dans le cadre des théories de l’appraisal est l’argument logique. En
effet, pour effectuer un traitement élaboré, à quel que niveau que ce soit, il
apparaît nécessaire une allocation des ressources minimales pour effectuer ce
traitement, allocation sous la dépendance d’évaluations antécédentes. Ainsi,
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

des processus de détection de la nouveauté devraient précéder des évalua-


tions de type congruence des attentes ou associées à l’évaluation du potentiel
de maîtrise. C’est d’ailleurs un des arguments développés par Ellsworth pour
appuyer la proposition de Scherer sur une séquence des processus d’évalua-
tions primaires. Par ailleurs, il est nécessaire d’avoir, par exemple, évalué
qu’une information ou un événement est pertinent pour mes buts-besoins
actuels pour évaluer à quel point l’événement est plutôt facilitateur ou au
contraire obstructif à mes buts-besoins. Ainsi, le fait même de devoir évaluer
une information en termes de compatibilité avec les normes internes ou
externes requiert un traitement de cette information préalable en termes de
pertinence pour mes buts-besoins actuels. De plus, l’évaluation du potentiel
68 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

de maîtrise requiert ipso facto une évaluation déterminant à quel point cette
information ou événement est en phase avec la réalisation de mes buts ou
besoins courants. Ainsi, certaines évaluations ne pourraient s’effectuer sans avoir
au préalable une résultante, aussi basique soit-elle, d’évaluations antérieures.

4.1.4 Arguments expérimentaux en psychologie de l’émotion


Scherer, en 1999, étudie ces relations d’ordre temporel dans un paradigme où
la séquence des informations relatives aux différentes évaluations est mani-
pulée systématiquement (Scherer, 1999b). Dans trois expériences successives,
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l’importance de l’ordre de présentation des informations relatives aux diffé-
rentes évaluations est mise en évidence, d’une part à travers la rapidité et
d’autre part grâce à la précision pour prendre une décision quant à l’émotion
ressentie par les protagonistes impliqués dans une narration. Cette étude, par une
voie indirecte de reconnaissance de l’émotion, est un argument non négligeable
pour l’existence d’une séquence des différentes évaluations impliquées dans
la genèse des émotions malgré les réserves de certains auteurs dans l’utilisation
de méthodologies impliquant des vignettes et donc des reconstructions a
posteriori d’événements émotionnels qui pourraient être influencées de
manière importante par des stéréotypes sociaux (Parkinson, Manstead, 1993).
Des expériences en psychophysiologie indiquent également des processus
séquentiels ; les modifications de l’activité au niveau cardiaque et au niveau
de l’expression faciale (corrugator et zygomaticus) indiquent des effets plus
précoces de l’évaluation de la pertinence (sur les mesures d’expressions faciales)
que de l’évaluation de l’opportunité au but sur ces mêmes indicateurs (Aue
et al., 2007). Les travaux de l’équipe de Hess ont également mis en évidence
une séquence dans l’activation de patterns faciaux mesurés par électro-
myographie en lien avec des manipulations expérimentales des évaluations
cognitives (Lanctot, Hess, 2007). Dans cette étude, les auteurs ont manipulé
l’agrément intrinsèque et l’obstruction versus la facilitation au but et observé
les modulations de l’activité musculaire faciale. Cette méthode, bien qu’indi-
recte, a pu mettre en évidence des modulations plus précoces liées à l’agrément
intrinsèque, aux environs des 400 ms après la présentation d’un stimulus
visuel alors que pour l’obstruction-facilitation au but les activations musculaires
étaient modulées autour des 800 ms.

4.1.4 Arguments de la neuroscience cognitive


L’intérêt pour les aspects temporels du traitement de l’information en
neuroscience cognitive est de plus en plus important et indispensable à une
compréhension du fonctionnement du traitement de l’information par le SNC.
Un exemple illustratif de l’intérêt pour les aspects temporels du traitement de
l’information en neuroscience cognitive est la proposition d’Adolphs (2002)
sur la séquence temporelle du traitement de l’information et l’implication de
ÉVALUATION COGNITIVE ET DYNAMIQUE DES PROCESSUS ÉMOTIONNELS 69

différentes structures cérébrales dans le traitement des informations relatives


à l’expression faciale émotionnelle (voir figure 2.2 page 60).
Les aspects temporels du traitement de l’information ont été particulièrement
investigués via des techniques et méthodes telles que l’électroencéphalographie
et les potentiels évoqués (PEs). De nombreux travaux sur la nouveauté et la
pertinence ont été réalisés grâce à ces techniques et démontrent une antério-
rité de l’évaluation de la nouveauté comparée à l’évaluation de la pertinence
(Ranganath, Rainer, 2003). En effet, la composante électrophysiologique P3a
décrite de longue date comme associée au traitement de la nouveauté, est
antécédente d’environ 70 ms comparée à celle étudiée en relation avec des
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processus d’évaluation de la pertinence, la P3b (voir figure 2.3).
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

En pointillés, le stimulus sonore standard (familier) ; en traits discontinus, le stimulus


pertinent pour la tâche ; et en trait continu, le stimulus nouveau. La composante P3a
précède la composante P3b associée au stimulus pertinent.
Figure 2.3
Topographies de potentiels évoqués appelés P3a et P3b en fonction
de l’évaluation de la nouveauté et de la pertinence d’une information sonore
(adapté de Ranganath et Rainer, 2003).

Dans une étude investiguant l’effet émotionnel sur les composantes électro-
physiologiques P3a et P3b, Delplanque et coll. ont démontré un effet de la
70 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

valence d’images issues de la base de données International Affective


Picture System ou IAPS (Lang, Bradley, Cuthbert, 2005) sur la composante
P3b mais non sur la composante de nouveauté P3a distinguée par analyse en
composantes principales. Il semblerait donc que l’agrément intrinsèque (nommé
valence dans cette étude) n’affecte pas cette composante traditionnellement
mise en évidence par des stimuli déviants ou rares. Par ailleurs, en modalité
auditive, une étude combinant des mesures électrophysiologiques et d’image-
rie à résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) indique une composante
liée à la nouveauté, la « mismatch negativity » (MMN), apparaissant vers
110-160 ms alors que la composante associée à la détection d’information
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pertinente apparaît vers 320 à 380 ms (Opitz, Mecklinger, Von Cramon,
Kruggel, 1999).
Nous allons illustrer ci-dessous ce domaine de l’investigation du décours
temporel des évaluations cognitives avec deux recherches utilisant la
méthode électroencéphalogaphique (voir Grandjean et Scherer, 2008, pour
plus de détails).

4.2 Études électroencéphalographiques de la


dynamique du processus d’évaluations cognitives
La première expérience porte sur les évaluations de nouveauté, d’agrément
intrinsèque et de pertinence au but, l’hypothèse majeure étant que l’évalua-
tion de la nouveauté précédera celle de l’agrément intrinsèque, qui elle-
même précédera celle de la pertinence au but. La deuxième étude a pour
objet l’investigation de la séquence temporelle des évaluations cognitives
d’agrément intrinsèque et d’opportunité aux buts. Dans ces deux études,
nous avons utilisé des stimuli visuels sous forme de photos IAPS et effectué
des mesures électroencéphalographiques afin de mesurer les champs électri-
ques générés au niveau du cortex en lien avec ces différentes évaluations
manipulées.
Dans notre première expérience, la nouveauté a été manipulée par la
fréquence d’occurrence des stimuli. En fait, les participants voyaient certains
stimuli de nombreuses fois alors que d’autres étaient nouveaux ; leur tâche
consistait à détecter une image-cible quand celle-ci était présentée. Cette
image-cible était présentée au début de l’expérience afin qu’elle soit mémo-
risée ; elle pouvait être positive, négative ou neutre. Les images nouvelles
pouvaient également être positives, négatives ou neutres. Les images familières
étaient, elles, toujours neutres. Les images étaient présentées pendant 500 ms
et précédées d’une croix de fixation.
Les mesures électrophysiologiques ont été effectuées par un système Neuros-
can à soixante-quatre électrodes. Différentes analyses ont été réalisées en vue
d’investiguer les patterns électrophysiologiques liés aux manipulations
ÉVALUATION COGNITIVE ET DYNAMIQUE DES PROCESSUS ÉMOTIONNELS 71

expérimentales ; celles-ci comprenaient des analyses usuelles de potentiels


évoqués (voir par exemple Guérit, 1991 pour une description des procédu-
res utilisées pour calculer ceux-ci), d’analyses topographiques des PEs
(voir Michel et al., 2004 pour une description de la technique) et des analy-
ses de fréquences par décomposition d’ondelettes (voir Basar, Demiralp,
Schurmann, Basar-Eroglu, Ademoglu, 1999). Les analyses topographiques
effectuées sur les signaux électrophysiologiques de la première expérience
ont permis de tester notre hypothèse du traitement séquentiel. En effet,
nous avions formulé l’hypothèse de la présence précoce d’une carte topo-
graphique électrophysiologique liée à la manipulation de la nouveauté puis
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des cartes plus tardives pour l’agrément intrinsèque et la pertinence. Les
résultats montrent en effet une carte spécifique précoce (~ 80-90 ms) asso-
ciée à la nouveauté alors que la carte spécifique à la manipulation expéri-
mentale de la pertinence était plus tardive (~150 ms) ; aucune carte
spécifique à la manipulation de l’agrément intrinsèque n’a pu être mise en
évidence (voir figure 2.4 A, B, C et D). Les analyses de la « puissance du
champ global » ou Global Field Power (GFP) ont pu mettre en évidence un
effet précoce de l’agrément intrinsèque à ~100 ms, donc postérieur à
l’évaluation de la nouveauté et antérieur à la manipulation de la pertinence
au but (voir figure 2.4 E). Les analyses de fréquences réalisées sur les PEs
ont également démontré les effets précoces de la nouveauté en comparai-
son de ceux induits par la manipulation de l’agrément intrinsèque et de la
pertinence (pour plus de détails voir Grandjean, Scherer, 2008). Il est à
noter que ces effets précoces sur les PEs, par exemple, induit par la mani-
pulation de la nouveauté, n’excluent pas du tout des effets plus tardifs de la
même manipulation expérimentale. En effet, l’hypothèse théorique de trai-
tement séquentiel des processus d’évaluations cognitives ne prédit pas
l’absence de traitements parallèles subséquents ; cette hypothèse spécifie
en effet que la première intégration résultante de l’évaluation, ici, de la
nouveauté, et affectant d’autres processus et donc d’autres réseaux neuro-
naux, est plus précoce que celle, par exemple, de l’évaluation de la perti-
nence. Cette évaluation initiale de la nouveauté se réalisant à quelque
niveau que ce soit de traitement (sensori-moteur, schématique ou concep-
tuel) n’empêche bien évidemment aucunement des traitements subséquents
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

et plus complexes, par exemple lors de la prise de conscience de cet


élément nouveau dans l’environnement par l’individu (voir Grandjean et
al., 2008 pour un développement sur ces processus et l’émergence du
sentiment subjectif).
La deuxième expérience avait pour but de tester l’hypothèse de traitement
séquentiel en manipulant expérimentalement l’agrément intrinsèque et un critère
d’évaluation plus tardif, en l’espèce, l’opportunité au but. Cette expérience avait
aussi pour but de déconstruire le concept de valence en proposant une mani-
pulation expérimentale tentant de dissocier les effets de l’agrément intrinsè-
que de ceux de l’opportunité au but confondus dans le concept de valence.
72 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS
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(A, B, C) Cartes topographiques et leur succession dans le temps en fonction de la
familiarité (A), de la nouveauté (B) et de la pertinence (C), la succession de ces dif-
férentes cartes topographiques est représentée en fonction de la puissance du champ
global (GFP). (D) Moyennes et écarts types de l’occurrence temporelle des cartes to-
pographiques spécifiques à la nouveauté et à la pertinence après l’apparition du sti-
mulus (temps 0) calculés sur tous les participants (N = 14). (E) Moyenne de la
puissance du champ global (GFP) en fonction du temps pour les différentes sous-con-
ditions positif, négatif et neutre du facteur d’agrément intrinsèque. La zone ombrée
représente la durée durant laquelle les différences entre les niveaux positif et négatif
contre neutre sont significatives.
Figure 2.4
Topographies de potentiels évoqués et puissance du champ global (GFP)
pour l’expérience testant la dynamique temporelle séquentielle de l’évaluation
de la nouveauté, de l’agrément intrinsèque ainsi que de la pertinence
au but-tâche (adapté de Grandjean et Scherer, 2008).

Dans cette deuxième expérience, l’agrément intrinsèque a été opérationna-


lisé et manipulé par le contenu des images IAPS (positif, négatif et neutre) et
l’opportunité au but par l’effet sur le gain d’argent des différentes catégories
ÉVALUATION COGNITIVE ET DYNAMIQUE DES PROCESSUS ÉMOTIONNELS 73

d’images. En effet, les images avaient été sélectionnées selon trois catégo-
ries, des personnes, des paysages-objets ou des animaux. En fonction de ces
catégories, les participants à l’expérience gagnaient, perdaient ou n’obte-
naient ni gain ni ne subissaient de pertes. Il y avait donc pour chaque catégo-
rie la possibilité de gagner ou perdre de l’argent, la troisième catégorie
n’ayant aucun effet sur le gain ou la perte (condition neutre pour l’opportu-
nité au but). Ces contingences ont été contrebalancées entre les participants
afin de contrôler l’effet spécifique des catégories. Pour un groupe de partici-
pant par exemple voir une image d’animal correspondait à une perte d’argent
alors que les paysages-objets leur faisaient gagner de l’argent et les images
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avec personnes n’avaient aucun effet sur leurs gains ou leurs pertes. À travers
toutes ces catégories, les images pouvaient être positives, négatives ou neutres
quant à leur contenu, cela correspondant à la manipulation de l’agrément
intrinsèque. Les participants étaient entraînés durant environ une heure à
l’association de ces contingences et, le lendemain, l’expérience EEG propre-
ment dite était réalisée (voir Grandjean Scherer, 2008 pour plus de détails).
Les résultats des analyses des potentiels évoqués, des analyses de fréquences
sur ces PEs et les analyses de fréquences sur le signal EEG brut, permettant
de mettre en évidence les composantes électrophysiologiques induites (voir
Tallon-Baudry, Bertrand, 1999 pour une explication de la distinction évoqué-
induit en EEG), ont permis de mettre en évidence des effets plus précoces
liés à l’agrément intrinsèque que ceux liés à la manipulation de l’opportunité
au but. En effet, alors que la manipulation de l’agrément intrinsèque par des
images positives-négatives et neutres a initié des modifications du GFP rela-
tivement précoces (~ 200 ms), les effets relatifs à la manipulation de l’oppor-
tunité au but n’ont pu être mis en évidence que plus tardivement (~ 400-
450 ms). Les analyses de fréquences sur les PEs ont révélé le même pattern
de résultats temporels à savoir des effets précoces liés à l’agrément intrinsèque
et plus tardifs pour l’opportunité au but. Au-delà des analyses de fréquences
sur les PEs, ces mêmes analyses par décomposition par ondelettes sur l’EEG
brut ont été réalisées, permettant une quantification de l’énergie dans les
différentes bandes de fréquences sans procéder à un moyennage des diffé-
rents essais. De telles techniques permettent d’investiguer des phénomènes
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

cérébraux dits « induits » en lien avec des processus cognitifs qui ne sont pas
exactement, pour chaque essai, réalisés au même instant mais qui sont toute-
fois systématiquement liés à la manipulation expérimentale. L’analyse des
hautes fréquences (gamma) par cette technique nous a permis de mettre en
évidence une augmentation de l’énergie dans cette bande liée à la manipulation
de la condition « perte » du facteur opportunité au but (figure 2.5). Le même type
d’analyse sur l’agrément intrinsèque n’a pas permis de mettre en évidence
une telle augmentation d’énergie dans les hautes fréquences pour aucune des
conditions expérimentales (images négatives-positives ou neutres) révélant
ainsi que ces deux types d’évaluations induisent des processus cognitifs
largement différenciés.
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A B
74

(A) Moyenne des coefficients d’ondelettes de l’EEG brut (composante


induite) pour les hautes fréquences (gamma) en fonction des niveaux du
facteur opportunité aux buts-tâches. Une augmentation significative a été
démontrée pour les niveaux Gain-Perte par rapport au niveau Pas d’effet
pour les fenêtres temporelles de 580 à 640 ms après l’apparition du stimulus
et donc dans une fenêtre relativement tardive comparée aux effets démon-
trés sur d’autres indicateurs électrophysiologiques du facteur d’agrément
intrinsèque. (B) Graphiques des scores Z de chaque participant en fonction
du niveau Perte du facteur Opportunité au but et du niveau Négatif du
facteur Agrément intrinsèque ; une différence significative entre ces deux
niveaux a été démontrée pour les fenêtres temporelles de 560 à 640 ms.
Figure 2.5
TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

Réponses électrophysiologiques en réponses à des stimuli pour lesquels l’opportunité aux buts-tâches était manipulée.

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ÉVALUATION COGNITIVE ET DYNAMIQUE DES PROCESSUS ÉMOTIONNELS 75

Globalement, ces deux expériences ayant systématiquement permis la


manipulation de différents critères d’évaluations cognitifs lors d’événements
émotionnels ont ainsi permis de mettre en évidence que ces évaluations
cognitives ne sont pas totalement réalisées en parallèle mais qu’elles se déve-
loppent dans le temps dans une séquence donnée prédite préalablement théo-
riquement.

CONCLUSION ET FUTURES PERSPECTIVES


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La genèse d’un épisode émotionnel, selon le modèle présenté dans ce chapitre,
est complexe et nécessite un ensemble d’évaluations cognitives séquentielles
permettant d’expliquer la différenciation des émotions et leurs labellisations
lors de l’émergence du sentiment subjectif. Les évaluations cognitives décrites
dans ce modèle se déroulent dans un temps très bref, de l’ordre de quelques
dizaines à quelques centaines de millisecondes, au niveau cérébral, et vont
induire des modifications concomitantes dans les différents sous-systèmes de
l’organisme et affecter d’autres fonctions et mécanismes cognitifs, par exem-
ple les processus attentionnels ou mnésiques. Les résultats initiaux de ces
évaluations cognitives se déroulent donc de manière séquentielle bien que les
processus temporellement subséquents puissent être massivement parallèles.
La notion de niveaux de traitement est ici centrale pour comprendre comment
à un bas niveau de traitement une évaluation donnée, par exemple la nouveauté,
va induire des modifications dans d’autres sous-systèmes neuronaux (un réseau
attentionnel par exemple) tout en continuant à être traitée à des niveaux de
traitement plus élaborés et permettant, par exemple, la construction d’une
représentation intégrée de l’objet ou de l’élément nouveau dans la situation
et donc son accès à la conscience. Ainsi, les évaluations cognitives ne sont
pas évaluées par un seul réseau neuronal mais plusieurs réseaux peuvent
entrer en activité et interagir entre eux, formant ainsi ce que l’on peut appeler
un méta-réseau. Ces différents réseaux opéreraient à des niveaux de traite-
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

ment multiples permettant par exemple le traitement de l’information de


nouveauté d’un niveau très primaire (sensorimoteur) à un niveau conceptuel
permettant l’intégration et la prise de conscience de la nouveauté d’une situation
ou élément dans l’environnement. L’émergence du sentiment subjectif et sa
verbalisation sont ainsi le résultat d’un ensemble de processus complexes
qu’il nous faut comprendre afin de pouvoir rendre compte et expliquer non
seulement la différenciation des multiples émotions possibles mais également
les différences interindividuelles dans la genèse d’épisodes émotionnels
impliquant, par exemple, des effets différentiels en fonction du contexte.
Les techniques d’imagerie cérébrale à haute résolution temporelle seront dans
l’avenir couplées plus systématiquement à des techniques à haute résolution
76 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

spatiale afin de permettre l’investigation de l’ensemble de ces processus et leurs


effets et ainsi comprendre plus finement les processus émotionnels et leurs effets
complexes sur le comportement humain. Par ailleurs, l’étude des mécanis-
mes développementaux et la mise en place de biais cognitifs systéma-
tiques dans l’évaluation des éléments-événements menant à des processus
émotionnels seront également un domaine d’investigation important pour
comprendre les caractéristiques individuelles et les troubles émotionnels.
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LECTURES CONSEILLÉES

ADOLPHS R. (2002). « Neural systems for recognizing emotion ». Curr. Opin. Neurobiol.,
12 (2), 169-177.
GRANDJEAN D., SANDER D., SCHERER K.R. (2008). « Conscious emotional expe-
rience emerges as a function of multilevel, appraisal-driven response synchroniza-
tion ». Conscioussness and Cognition, 17 (2), 484-495.
LEWIS M.D. (2005). « Bridging emotion theory and neurobiology through dynamic
systems modeling ». Behav. Brain Sci., 28 (2), 169-194 (discussion194-245).
SCHERER K.R. (2001). « Appraisal considered as a process of multilevel sequential
checking ». In K. R. Scherer, A. Schorr, T. Johnstone (éd.), Appraisal Processes in
Emotion : Theory, Methods, Research (p. 92-120). New York, NY : Oxford University
Press.

QUELQUES EXPÉRIENCES
FONDAMENTALES

GRANDJEAN D., SCHERER K.R. (2008). « Unpacking the cognitive architecture of


emotion processes ». Emotion, 8 (3), 341-351.
LANCTOT N., HESS U. (2007). « The Timing of Appraisals ». Emotion, 7 (1), 207-212.
SCHERER K.R. (1993). « Studying the emotion-antecedent appraisal process : An expert
system approach ». Cognition Emotion, 7 (3-4), 325-355.
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EXPRESSION FACIALE1
Chapitre 3

1. Par Susanne Kaiser, Thomas Wehrle et Katia Schenkel.


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INTRODUCTION

Vous vous êtes certainement déjà posé la question de savoir ce que le sourire
d’une personne avec qui vous interagissez voulait dire. Pour certains auteurs,
les expressions faciales sont le reflet d’un état interne, pour d’autres elles
sont communicatives, pour d’autres encore l’expression faciale correspond à
un mode de préparation à l’action, pour certains enfin, les expressions faciales
des émotions sont le résultat d’un processus sous-jacent d’évaluation cognitive.
Il existe plusieurs canaux de communication d’une émotion et chacun a ses
propriétés. Ekman (Ekman, Friesen et Ellsworth, 1972, p. 1) dit du visage :
« The face even in repose can be informative. And, except by veils or masks,
the face cannot be hidden from view. There is no facial maneuver equivalent
to putting one’s hands in one’s pockets. » Bien que les expressions faciales
soient une partie relativement visible de ce que l’on peut ou non ressentir, il
semble également que ce canal de communication ne soit pas exempt de
contrôle. Il existe certaines règles sociales qui nous indiquent ce qu’il est bon
d’exprimer, quand et ce qu’il faut cacher. Ce qu’une expression faciale veut
dire suscite bien des débats et nous allons parcourir les différentes théories
qui concernent ce sujet complexe dans ce chapitre. La manière de coder de
telles expressions sera également abordée et nous illustrerons nos propos par
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des expériences fondamentales dans le domaine.


80 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

1 LES ASPECTS MULTI-FONCTIONNELS


DE L’EXPRESSION FACIALE

Un sourire ou un froncement de sourcils peuvent recouvrir diverses fonctions ;


il peut s’agir :
– d’un signal régulatif du discours (regulator) ; par exemple, la réponse d’un
auditeur (backchannel signal) exprimant par un sourire le fait que le
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conférencier peut poursuivre sa présentation, son contenu étant suffisam-
ment compréhensible. Dans une même situation, un froncement de sourcils
signalerait au locuteur que l’auditeur n’a pas compris l’argument ou a des
difficultés à suivre le discours ;
– d’un signal illustratif, relié au contenu d’un discours (illustrator) ; ce peut
être le cas d’une personne cherchant à donner du poids à son argumenta-
tion. Mais les signaux faciaux peuvent également modérer ce qui est dit,
voire être en contradiction avec le contenu du message verbal. Par exemple,
dans le cas de l’ironie, une personne peut relativiser un message verbal
négatif par un sourire ;
– d’un moyen visant à établir, maintenir, cesser une relation sociale ou à
traduire la nature d’une relation ; par exemple, lors d’une rencontre, une
personne sourit à une autre lorsqu’elle souhaite poursuivre une relation ;
– d’un indicateur de l’engagement de processus cognitifs ; c’est le cas, rela-
tivement fréquent, des personnes fronçant leurs sourcils lorsqu’elles réflé-
chissent de manière intense. Le fait que l’on puisse déceler dans le visage
d’une personne une importante activité de réflexion est connu depuis long-
temps. Charles Darwin (1872) écrit au sujet des expressions faciales qu’elles
peuvent refléter certains processus cognitifs. Il décrit en détail les expressions
de ce que l’on nomme réflexion, médiation, décision et détermination et
affirme l’importance du rôle du muscle corrugator supercilii. Darwin inter-
prète le froncement de sourcils résultant de l’innervation de ce muscle comme
un indice de « quelque chose de difficile ou de déplaisant » ;
– d’un indicateur de l’état émotionnel d’une personne (affect display) ; dans
le cas, par exemple, d’une personne qui sourit parce qu’elle est heureuse.
Il est difficile de déterminer si une expression faciale traduit une émotion
(affect display), si elle sert à véhiculer un message non verbal ou si elle recouvre
les deux fonctions simultanément. Les expressions faciales, lors d’interactions,
sont très souvent des vecteurs d’informations à l’attention de l’entourage.
Ainsi, un sourire ou un froncement de sourcils peuvent avoir plusieurs sens
au même moment. Par exemple, un auditeur peut froncer les sourcils parce
qu’il ne comprend pas ce que le locuteur dit (engagement cognitif) et/ou pour
indiquer au locuteur qu’il faut expliquer plus en détail ses arguments (back-
channel-signal) ou encore pour indiquer son état émotionnel (affect display).
EXPRESSION FACIALE 81

2 LES EXPRESSIONS FACIALES


DANS LES INTERACTIONS SOCIALES

Depuis les premiers écrits de Darwin (1876) et Wundt (1874) qui ont mis en
évidence que les états internes sont extériorisés à travers les expressions
faciales émotionnelles, l’importance de ces expressions comme phénomène
social fondamental est reconnue, en ce sens qu’elles servent d’importantes
fonctions de signalisation. Le lien étroit entre externalisation et signalisation
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correspond à un phénomène phylogénétique continu et se retrouve dans toutes
les espèces vivant en groupes sociaux. Étant donné ce lien, les expressions
produites par les individus lorsqu’ils sont seuls sont difficiles à évaluer. Il
semble nécessaire pour le comportement expressif, encore plus que pour tout
autre phénomène comportemental, que celui-ci soit étudié dans des contextes
interactionnels afin d’atteindre une validité écologique (Fridlund, 1994 ;
voir 5.3). Toutefois, l’étude du comportement expressif est rendue parti-
culièrement difficile par le rôle important que jouent la régulation et le contrôle
des expressions au travers de normes sociales explicites et implicites (Ekman
et Friesen, 1975 ; Wundt, 1874).
De manière générale, il est établi que l’expression de nos émotions a un
impact réel sur les partenaires de nos interactions sociales. Dans ce sens, les
expressions faciales peuvent s’apparenter à une certaine forme de préparation à
l’action (action readiness ; voir 5.4). Sachant cela, nous essayons souvent
d’influencer (plus ou moins consciemment) les réactions d’autrui en leur
montrant l’expression adaptée, la « bonne » expression. Dans ce cas, le senti-
ment subjectif de la personne et son expression faciale pourraient ne pas
nécessairement correspondre. Par exemple, une femme énervée contre son
mari et qui souhaite pourtant lui demander de l’aide pour le ménage aurait
plus de chance d’obtenir satisfaction en adoptant la stratégie de sourire plutôt
que de crier. Cependant, si sa colère est trop forte, le conflit entre son sentiment
et sa stratégie de communication pourrait devenir visible sur son visage,
constituant ainsi un ébruitement non verbal (nonverbal leakage) (voir 2.2) au
sens d’Ekman et Friesen (1975).
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2.1 La rétroaction faciale


Les expressions faciales jouent un rôle important dans la communication des
émotions et dans leur régulation. Les émotions sont impliquées dans deux
processus de régulation inter-reliés : la régulation intra-individuelle des pensées
et des comportements et la régulation inter-individuelle dans le cadre des
interactions sociales. Les expressions faciales peuvent être vues comme une
interface entre ces deux processus ou systèmes de régulation. Elles sont à la
82 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

fois l’expression d’un processus de régulation interne et, simultanément, un


moyen de régulation de l’interaction.
Cependant, il n’y a pas de consensus quant au rôle initial des expressions
faciales : à l’origine, avaient-elles une fonction sociale de communication ou
une fonction de régulation interne ? L’idée que la rétroaction fournie par des
réactions spécifiques du visage puisse conduire à la génération d’états émotion-
nels (facial feedback hypothesis) a été appuyée par de nombreux chercheurs (cf.
Izard, 1990 ; Tomkins, 1980). Bien que tous ces résultats semblent concluants,
l’hypothèse a aussi certaines critiques. Tourangeau et Ellsworth (1979) ont
proposé une subdivision de l’action de la rétroaction faciale en trois hypothèses
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distinctes. La première, l’hypothèse de la nécessité, stipule qu’une expression
faciale est nécessaire à l’induction d’une émotion (il est nécessaire de sourire
pour pouvoir éprouver de la joie) ; l’hypothèse de la suffisance, pour sa part,
indique que l’expression faciale seule suffit à l’induction d’un état émotionnel
(il suffit de sourire pour éprouver de la joie) ; enfin, l’hypothèse de la mono-
cité (corrélation positive entre l’intensité de l’émotion ressentie et l’intensité de
son expression c’est-à-dire plus on exprime une émotion, plus on la ressent)
donne à la rétroaction faciale un rôle modulateur à l’intensité d’un état
émotionnel déjà existant (plus on sourit, plus on éprouve de joie). L’un des
arguments en faveur de ces hypothèses provient du fait que l’intensité des
expressions faciales serait proportionnelle à l’expérience que l’on a de ses
propres émotions. Les résultats empiriques restent pourtant contradictoires
(Tourangeau et Ellsworth, 1979 ; Levenson, Ekman et Friesen, 1990). Très peu
a été démontré pour ce qui est de l’hypothèse nécessaire, tandis que plusieurs
travaux tendraient à prouver l’hypothèse suffisante (Matsumoto, 1987 ; Strack,
1988). Quant à la relation proportionnelle entre l’intensité des expressions
faciales et l’expérience subjective lors d’une émotion (l’hypothèse de la
monocité), plusieurs études vont dans le sens de cette hypothèse (Hess, Kappas,
McHugo, Lanzetta et Kleck, 1992 ; Smith, McHugo et Lanzetta, 1986).

2.2 Le contrôle des expressions faciales (display rules)


Il semble donc plausible que la force avec laquelle on exprime une émotion
ait une influence sur l’expérience subjective. Krause (1981) affirme que nous
apprenons à réguler nos émotions (au niveau inter-individuel et intra-individuel)
en apprenant à contrôler nos expressions faciales. Par exemple, en disant à
une petite fille de ne pas froncer les sourcils car cela donne de vilaines rides
pourrait la mener à ressentir moins intensément la colère. Cet apprentissage
repose sur des règles et des normes sociales établies spécifiant les expressions
faciales qu’il est d’usage de montrer dans une situation précise, ceci en fonction
du statut social, du sexe, de l’âge de chacun.
Ces règles d’expression (display rules) peuvent varier grandement d’une
famille à une autre, d’un groupe social à un autre, d’une culture à une autre
EXPRESSION FACIALE 83

(Ekman, 1980). Ce que nous montrons est, par conséquent, largement contrôlé.
On distingue, au moins, quatre règles :
– modérer l’intensité de ce que l’on montre. Cette règle vaut principalement
pour l’expression d’émotions négatives. Par exemple, dans la plupart des
cultures, on attend des hommes qu’ils ne montrent que faiblement des
signes de peur et de tristesse, alors que l’on attend des femmes qu’elles
expriment la colère de manière modérée. Cependant, il y a aussi des situa-
tions dans lesquelles l’expression d’émotions positives doit être modérée.
Par exemple, les gagnants d’une compétition sportive ne devraient pas
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montrer leur triomphe de manière trop écrasante face aux perdants ;
– intensifier, au contraire, ce que l’on exprime. Par exemple, lorsqu’une
personne reçoit un cadeau qu’elle n’aime pas, elle montrera probablement
un « grand sourire » et dira « merci beaucoup » ;
– neutraliser ce qui est ressenti et ce qui est montré. C’est ce qu’on appelle le
« poker face » dont l’exemple type est le visage impassible de James Bond ;
– masquer l’affect ressenti en montrant un état différent de celui du moment.
Comme la neutralisation est très difficile à réaliser et pas toujours possi-
ble, une autre stratégie est d’essayer de masquer un sentiment négatif par
un sourire.
Le contrôle des expressions faciales peut devenir apparent à travers des
indices de tromperie (deception clues) :
– indices de contrôle ; par exemple presser les lèvres, sourire asymétrique.
Ces indices indiquent seulement que la personne essaie de contrôler son
expression, mais sans dévoiler l’émotion cachée ;
– ébruitement non verbal (nonverbal leakage) ; par exemple un sourire accom-
pagné d’indices d’émotions négatives dans la partie supérieure du visage.
Dans ce cas-là, des indices permettent de déduire la nature de l’émotion
cachée.

3 COMMENT MESURER LES EXPRESSIONS


© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

FACIALES : DIFFÉRENCES ENTRE JUGER


ET CODER

Deux approches méthodologiques sont utilisées, d’ordinaire, pour mesurer les


expressions faciales. Il s’agit, d’une part, de mesurer les expressions faciales
par degré d’accord inter-juges et, d’autre part, de mesurer le comportement
facial lui-même par l’observation très exacte de chaque indice facial (codage
des signes). Ces deux approches permettent, notamment, de répondre au type
84 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

de question suivant : l’expression faciale varie-t-elle en fonction de différentes


formes de psychopathologie comme la schizophrénie ou la dépression ?

3.1 Première méthode : degré d’accord inter-juges

Les expressions faciales enregistrées lors d’un entretien thérapeutique sont


présentées à un groupe d’experts, qui doivent statuer sur la structure psycho-
logique de la personne qu’ils ont vue, par exemple évaluer si elle est saine,
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schizophrène ou dépressive. Si les jugements concordent, on pourra formuler
des hypothèses sur les liens pouvant exister entre les expressions faciales et
la psychopathologie. Le critère de validité de cette approche, également nommée
« méthode des jugements », est le degré d’accord inter-juges.

3.2 Deuxième méthode : le codage des signes


Les expressions faciales sont notées et classifiées selon des critères prédéter-
minés. Si, par exemple, les données montrent que les dépressifs soulèvent
plus fréquemment le coin interne de leurs sourcils que les deux autres grou-
pes et que les schizophrènes ont une expression faciale plutôt neutre, c’est que
l’expression faciale varie en fonction de la forme de la psychopathologie.
La différence entre ces deux méthodes peut ne pas apparaître clairement
puisqu’elles nécessitent toutes deux des observateurs. Mais ce travail d’obser-
vation comporte une différence importante. Dans la première approche, les
observateurs font des inférences au sujet des dessous du comportement
(émotion, humeur, traits, attitudes, personnalité, etc.). De plus, cette approche
répond à la question de savoir si des observateurs peuvent évaluer correcte-
ment les messages véhiculés par les expressions faciales. Dans la seconde
approche, les observateurs décrivent le comportement lui-même (le nombre
de mouvements, leur durée, les muscles mis en jeu, etc.) et ce qui diffère sur
les visages des différentes personnes des groupes.
Certaines questions ne trouvent une réponse qu’avec la méthode de codage
des signes. Par exemple :
– quelles sont les expressions faciales susceptibles de pouvoir traduire l’impor-
tance d’un élément du discours ?
– existe-t-il une différence perceptible entre un sourire causé par la joie et
un sourire dissimulant un malaise ?
Il y a malgré tout davantage d’études réalisées selon l’approche de l’accord
inter-juges. En effet, les résultats et les données peuvent être obtenus plus
rapidement et plus facilement qu’avec la méthode de codage des signes.
EXPRESSION FACIALE 85

Cependant, étant donné la multi-fonctionnalité du comportement facial et


le fait que les indicateurs de processus émotionnels sont souvent très subtils
et changent très rapidement, nous avons besoin d’approches permettant de
mesurer objectivement des expressions faciales – sans connotation de signifi-
cation – sur un niveau micro-analytique (méthode de codage des signes). Le
FACS (Facial Action Coding System) créé par Ekman et Friesen (1978) se
prête à cet effet. Le codage ne fait pas référence à des hypothèses liant
expressions faciales et émotions. Il s’agit uniquement de décrire quels sont
les mouvements qui apparaissent sur le visage sans que ces mouvements
soient directement interprétés en termes d’émotion. En utilisant le FACS, nous
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pouvons tester différentes hypothèses sur le lien entre expressions faciales et
émotions. C’est pourquoi, avant de présenter ces différentes approches théo-
riques, nous allons présenter dans le paragraphe suivant les caractéristiques
principales du FACS (Cohn et Ekman, 2005).

4 FACIAL ACTION CODING SYSTEM


(FACS)

Le FACS repose sur des bases anatomiques et permet le codage de toute


expression faciale en termes de plus petites unités d’activité musculaire. Les
unités sont appelées action units (AU) ou unités d’action, et à chacune d’elle
est assigné un code numérique. Il est important de mentionner qu’avec le
FACS aucune théorie implicite ne sous-tend le recueil des données. Il n’y a
aucune relation entre le code et la signification ou l’interprétation d’une
expression faciale donnée. Le fait que l’AU4 (corrugator) qui provoque un
froncement de sourcils soit mobilisée ne veut rien dire d’autre que le muscle qui
la sous-tend a été contracté. Il n’y a pas d’interprétation en termes d’émotion
sous-jacente comme la colère lors de la phase de codage. De même, si
l’AU12 est présent cela veut dire que le muscle appelé grand zygomatique a
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

été contracté mais pas que c’est un sourire ou de la joie. Ces liens ne sont pas
faits à ce moment-là.
Dans le manuel FACS1, toutes les AUs sont présentées par groupes, en
fonction de la localisation et du type d’action. Pour chacun des groupes, une
photographie illustre les muscles mis à contribution (voir figure 3.1).

1. Plus d’informations sur le FACS se trouvent sur le site des auteurs de la nouvelle version
(Ekman, Friesen et Hager, 2002) : http://face-and-emotion.com/dataface/facs/new_version. jsp.
86 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS
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Le visage de gauche montre la localisation des fibres musculaires. Le visage de droite
indique schématiquement l’emplacement et la direction du mouvement de chaque
muscle. Les chiffres figurant sur la photo font référence aux nombres assignés aux
unités d’action (action units) décrites dans le manuel FACS. L’emplacement du nu-
méro dans le visage indique approximativement le point d’émergence du muscle de
la structure osseuse (c’est-à-dire son origine). L’extrémité de la ligne indique, quant
à elle, l’insertion ou l’attachement du muscle aux tissus mous du visage. Lors de la
contraction d’un muscle, le mouvement se fait dans la direction du chiffre (c’est-à-
dire vers l’émergence du muscle) ce qui produit un étirement des tissus mous dans sa
direction et a pour effet de rider la peau de manière perpendiculaire à la ligne de traction
du muscle.
Figure 3.1
Anatomie des muscles (gauche) et mouvements musculaires (droite).

Au sein de chaque groupe, les changements d’apparence pour chacune


des AUs sont décrits de manière détaillée. La description des changements
d’apparence comporte :
– les parties du visage qui ont bougé et la direction de ces mouvements ;
– les rides apparues ou accentuées ;
– les changements de configuration des différentes parties du visage.
Après cette présentation introductive des outils de codage, nous allons voir à
présent de manière plus détaillée quels sont les liens entre émotions et expres-
sions faciales, tels que postulés par différentes approches théoriques.
EXPRESSION FACIALE 87

5 EXPRESSIONS FACIALES ET ÉMOTIONS :


DIFFÉRENTES APPROCHES THÉORIQUES

5.1 Théorie des émotions discrètes (Tomkins, Ekman,


Izard) : émotions de base
Rappelons que le concept d’émotions de base (basic emotion) provient des
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tenants des théories des émotions discrètes, comme Ekman (1982), Izard (1991)
et Tomkins (1980). Ils affirment l’existence d’un petit ensemble d’émotions
primaires, chacune différenciée des autres et caractérisée biologiquement par
des réactions qui seraient préprogrammées. Selon Ekman (1992), une émotion
fondamentale :
1) possède un signal universel distinct ;
2) est présente chez d’autres primates que l’humain ;
3) a une configuration propre de réactions physiologiques ;
4) est associée à des événements déclencheurs universels distincts ;
5) a des réponses émotionnelles ou des composantes convergentes ;
6) est rapidement déclenchée ;
7) est de courte durée ;
8) est évaluée automatiquement ;
9) apparaît spontanément.
L’argument selon lequel il existe un petit nombre d’émotions fondamentales
est en grande partie fondé sur la découverte qu’ont faite Ekman et Friesen à
l’université de San Francisco. Dans leurs études, les expressions faciales
correspondant à six émotions (joie, colère, dégoût, tristesse, peur et surprise)
sont correctement identifiées par des individus appartenant à des cultures du
monde entier, y compris par des peuples n’utilisant pas l’écriture et qui n’ont
pas encore été influencés par le cinéma et la télévision – ce qui tendrait à
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

prouver l’universalité des émotions.


Plus précisément, Ekman et Friesen ont montré des photos de visages
exprimant ces émotions à des personnes appartenant à des peuples aussi loin-
tains que les Fore de Nouvelle-Guinée, une tribu vivant encore à « l’âge de
pierre » sur des plateaux reculés, et ils ont constaté que ces expressions faciales
étaient partout reconnues (Ekman et Friesen, 1971). Cette universalité des
expressions faciales des émotions a été remarquée d’abord par Darwin, qui y vit
la preuve que les forces de l’évolution ont imprimé ces signaux dans notre
système nerveux central. La figure 3.2 montre les photos utilisées dans des
recherches interculturelles.
88 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS
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A : joie ; B : surprise ; C : peur ; D : colère ; E : dégoût ; F : tristesse.
Figure 3.2
Photos utilisées dans des recherches interculturelles
(Ekman, Sorenson et Friesen, 1969).

Tableau 3.1
Taux de reconnaissance dans différentes cultures (Ekman, 1973, p. 206).

Pays Photo A Photo B Photo C Photo D Photo E Photo F

États-Unis 97 % 95 % 85 % 67 % 92 % 84 %
(N = 99) joie surprise peur colère dégoût tristesse

Brésil 95 % 87 % 67 % 90 % 97 % 59 %
(N = 40) joie surprise peur colère dégoût tristesse

Chili 95 % 93 % 68 % 94 % 92 % 88 %
(N = 119) joie surprise peur colère dégoût tristesse

Argentine 98 % 95 % 54 % 90 % 92 % 78 %
(N = 168) joie surprise peur colère dégoût tristesse

Japon 100 % 100 % 66 % 90 % 90 % 62 %


(N = 29) joie surprise peur colère dégoût tristesse
EXPRESSION FACIALE 89

Ekman et Friesen (Ekman, 1980) proposent un modèle neuro-culturel


intégrant deux aspects différents en ce qui concerne la question de la relation
entre l’universel et le culturel. Ils postulent, d’une part, un programme neuro-
moteur (universel, inné) et, d’autre part, des normes sociales établies (display
rules) spécifiant les expressions faciales qu’il est d’usage de montrer dans
une situation précise (contexte culturel variable).
Sur la base du FACS, qui, comme nous l’avons vu, représente un système
de codage purement objectif et sans hypothèses théoriques préalables,
Ekman et Friesen ont développé un système visant à caractériser les expres-
sions faciales émotionnelles prototypiques. Ce système est appelé EMFACS
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(EMotion FACS). Les expressions faciales émotionnelles les plus courantes
comme la colère, la peur, la tristesse, le dégoût, la surprise et la joie sont
ainsi répertoriées. La mise en correspondance entre les unités d’action et ces
émotions est établie dans une table de prédiction des émotions. À titre
d’illustration, la figure 3.3 montre l’expression prototypique de la tristesse,
comme postulée par Ekman et Friesen.

Le mouvement principal
de cette émotion vient sans
nul doute des sourcils.
Les paupières Ceux-ci sont légèrement
recouvrent froncés pour donner
une partie du champ cette forme / \ ou encore ⎠ ⎝.
de vision. (AU41) (AU1+AU4)

Par ce mouvement, la partie


intérieure du front est levée.
La bouche est serrée Des rides y apparaissent, elles
et descend sont horizontales au centre
légèrement. (AU15) et courbées aux extrémités.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Figure 3.3
Expression prototypique de la tristesse (source : Philippot P. (2007).
Émotions et psychothérapie, Wavre, Mardaga).

Les problèmes les plus importants intervenant dans une telle conception des
expressions prototypiques des émotions de base ainsi que dans des prédictions
qui y sont liées, sont les suivants :
– les configurations des unités d’action propres aux émotions sont rarement
observées dans le cas d’une interaction réelle ;
90 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

– opérationnaliser des expérimentations visant à prouver la correspondance


entre la présence de certaines unités d’action et une émotion se révèle être
une tâche extrêmement délicate ;
– cela est d’autant plus vrai pour les émotions qui ne sont pas considérées
comme faisant partie des émotions primaires ;
– le sens d’une expression faciale dépend largement du contexte ;
– et comme nous l’avons vu précédemment, beaucoup d’expressions facia-
les n’ont pas nécessairement valeur d’émotions (cf. illustrators, AU 1 + 2
(soulèvement des sourcils), AU 4 (froncement des sourcils et regulators,
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AU 12 (sourire)) ;
– ajoutons à cela une grande variabilité inter-individuelle.

5.2 Une approche dimensionnelle-contextuelle


des expressions faciales (Russell)
Russell (1997), quant à lui, rejette l’idée que les expressions faciales corres-
pondent à des émotions spécifiques et il renoue avec l’approche dimension-
nelle proposée par Wundt (1874), Schlosberg (1954), Plutchik (1980) et
Woodworth (1938). Selon la perspective dimensionnelle, les phénomènes
émotionnels peuvent se décrire et s’expliquer en faisant appel à un ensemble
de dimensions élémentaires qui se combinent pour produire n’importe quel
état émotionnel. Au sein du courant dimensionnel, Russell propose un modèle
circulaire (circumplex model) postulant que l’espace affectif peut être repré-
senté efficacement par un cercle dans un espace bidimensionnel, avec les
dimensions plaisant/déplaisant et niveau d’activation. La figure 3.4 montre
comment chaque émotion se situe sur un cercle construit en fonction de ces
deux dimensions.
Russell pense que lorsqu’un observateur regarde le visage d’une autre
personne, il obtient d’abord une information qu’il appelle « quasi physique » : il
voit le comportement de l’émetteur et l’attention que celui-ci porte à son envi-
ronnement, par exemple lorsque l’émetteur détourne son regard, qu’il demeure
silencieux ou qu’il crie…, etc. Il juge également le taux de satisfaction de
l’émetteur (plaisant ou déplaisant) et son état d’activation (agité ou détendu).
L’évaluation de l’information quasi physique ainsi que du taux de plaisir
et du niveau d’activation se font automatiquement et sans effort. Mais le trai-
tement cognitif ne s’arrête pas là et cette première information sera combi-
née à d’autres informations qui détermineront l’attribution d’une émotion
spécifique. En effet, avec un peu d’effort, l’observateur peut continuer à faire
un certain nombre d’inférences concernant le contexte de l’état émotionnel de
l’individu qu’il est en train de regarder. Il peut par exemple se demander : « Est-
ce que l’expression est simulée ou spontanée ? », « Est-ce qu’on cherche à
EXPRESSION FACIALE 91

Modèle circomplexe de Russel


Éveil

effrayé
exalté
en colère

heureux

Déplaisir neutre Plaisir


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triste détendu

épuisé

somnolent
Endormissement

Figure 3.4
Espace de jugement de plaisir et d’activation pour les sentiments subjectifs.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Figure 3.5
Huit expressions faciales situées dans l’espace plaisir/activation de la figure 3.4
(Russell, 1997).
92 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

me manipuler ou à me trahir ? », « Qu’est-ce que l’émetteur va faire ? »,


« Qu’est-ce qu’il pense ? », « Qu’est-ce qu’il désire ? », « Quel est l’état de
sa santé mentale ? » ou « Quelle est sa personnalité ? ».
Selon Russell, c’est seulement à cette deuxième étape qu’a lieu la caté-
gorisation émotionnelle. Pour cet auteur, l’évaluation quasi physique ainsi
que celle du taux de plaisir et du niveau d’activation sont élémentaires,
automatiques et universelles, tandis que la catégorisation émotionnelle est
subséquente, dérivée des informations contextuelles, complexe et varie
avec la culture.
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L’observateur pourrait ainsi facilement attribuer différentes émotions à la
même expression faciale selon le contexte spécifique dans lequel il se trouve.
Russell distingue à ce propos deux contextes : le contexte de l’émetteur et
celui de l’observateur :
– du point de vue de l’observateur, le contexte de l’émetteur est constitué de
l’émetteur lui-même et des événements qui participent à l’émergence de son
expression faciale : « Quel genre de personne est l’émetteur ? », « Qu’est-
ce qu’il dit ou fait ? », « Qu’a-t-il fait juste avant l’expression ? »,
« Quelle est la situation dans laquelle il se trouve ? »…, etc. ;
– le contexte de l’observateur est constitué des événements entourant l’acte,
c’est-à-dire des autres visages qu’il vient de voir, de la question qui est
posée, de ce que l’observateur a vu précédemment…, etc.
Selon Russell, le sens donné à un visage est en partie lié à l’expression
faciale, mais également à la spécificité du contexte. La perception d’une émotion
par ce modèle est plutôt à considérer comme un acte d’attribution complexe
se produisant à la fin d’une séquence d’inférences.
Visage et situation : dominance ou combinaison ? Si la situation et le
visage ne sont pas congruents concernant les aspects quasi physiques ainsi
que les éléments de plaisir et d’activation, l’information du visage prendra la
priorité. Si le visage et la situation sont congruents concernant ces mêmes
aspects, l’information situationnelle déterminera la catégorie émotionnelle
précise.
Prenons à ce propos l’exemple d’une étude réalisée par Carroll et Russell
(1996). Les sujets lisaient un texte qui racontait l’histoire d’une personne qui
se trouvait dans une situation de grande frustration et d’irritation. Les sujets
devaient ensuite déterminer l’émotion d’une femme (protagoniste de l’histoire)
représentée sur une photographie qui exprimait l’émotion de la « peur »
selon la classification d’Ekman. Les résultats montrèrent que 60 % des sujets
qui avaient lu l’histoire ont répondu qu’elle exprimait de la colère et personne
n’a décrit l’expression comme étant de la peur. Par contre, les sujets du
groupe contrôle, qui n’avaient pas lu l’histoire, ont en majorité répondu que
l’expression était de la peur.
EXPRESSION FACIALE 93

5.3 Une approche comportementale écologique


des expressions faciales (Fridlund)
Le terme « écologie comportementale » (behavioral ecology) se rapporte à
une branche de la zoologie qui étudie dans quelle mesure un comportement
contribue au succès de la reproduction.
Fridlund (1994, 1997) utilise ce terme parce qu’il voit son approche dans
une tradition évolutionniste et biologiste. Il s’oppose surtout à l’approche
d’émotions discrètes et au concept d’émotions de base. Il appelle cette approche
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« perspective d’émotions » (emotions view).
Il parle également de la « perspective d’émotions à deux facteurs » (the
two-factor emotions view), en se référant plus spécifiquement au modèle neuro-
culturel d’Ekman et Friesen. Ce dernier, rappelons-le, postule l’existence
d’un programme neuro-moteur (universel, inné), d’une part, et l’existence de
normes sociales établies (display rules), spécifiant les expressions faciales
qu’il est d’usage de montrer dans une situation précise (contexte culturel
variable), d’autre part. Dans l’exemple cité plus haut de cette femme qui est
fâchée contre son mari mais qui sourit tout de même, Ekman et Friesen inter-
préteraient la colère comme une réaction universelle et le sourire comme le
résultat d’une display rule. Les auteurs parlent alors d’un « faux sourire »
puisqu’il n’exprime pas l’émotion ressentie.

La perspective d’émotion à deux facteurs

Normes
sociales

Antécédents
Émotion
de l’émotion

Soi Soi Vrais et faux


authentique social visages

Figure 3.6
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Interprétation du modèle neuro-culturel d’Ekman et Friesen par Fridlund


(Fridlund, 1997).

Fridlund ne traite pas les manifestations faciales (facial displays) comme


des « expressions » d’états émotionnels discrets, ni comme un compromis
entre deux forces opposantes (inné et acquis). Pour lui, les manifestations
faciales sont simplement des messages ou des signaux qui influencent le
comportement d’autrui parce que la vigilance pour ces signaux et leur compré-
hension ont co-évolué avec les signaux eux-mêmes. Une telle co-évolution a
seulement pu se réaliser si les manifestations faciales ont fourni des signaux
94 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

fiables, comportant des avantages réciproques pour une action future contin-
gente. Les êtres humains ont donc pu évoluer sur la base de ces signaux fournis
pas les expressions faciales et ainsi aller vers un but commun. Selon Fridlund,
les impératifs de l’économie et de l’intimité de la vie privée supprimeraient
chaque expression involontaire susceptible de fournir des informations pouvant
avoir des conséquences préjudiciables pour l’individu (comme une expression
faciale d’un état émotionnel que la personne essaye de cacher).
Au lieu d’avoir six ou sept émotions de base, Fridlund suggère qu’il existe
un grand nombre (1 ou 100) de manifestations faciales par exemple pour
l’état « être sur le point d’agresser » (about to aggress displays), chacune
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étant appropriée à l’identité et à la relation des personnes en interaction ainsi
qu’au contexte dans lequel l’interaction a lieu. Tous ces facteurs (identité,
relation et contexte) déterminent les buts de la personne dans l’interaction.
La configuration d’un quelconque signal « être sur le point d’agresser » dépen-
drait des caractéristiques contextuelles (contextual features). Par exemple, si
l’autre est dominant ou non, s’il est de la même espèce (conspecific) ou
étranger à l’espèce (extraspecific), si on est en train de défendre son territoire
ou ses enfants, etc.
Comment la perspective écologique comportementale (behavioral ecology
view) interprète-t-elle les expressions faciales ? Selon Fridlund :
– les expressions faciales sont des indicateurs de motifs sociaux. Les émotions
sont des entités internes mal définies ; par contre, les motifs sociaux peuvent
être déduits du comportement observé. De plus, la perspective écologique
comportementale ne fait pas la différence entre le soi « authentique » et le
soi « social » (voir figure 3.6). Il n’existe que le soi social et toutes les
manifestations faciales prennent naissance à partir de l’interaction sociale ;
– dans une situation dans laquelle on veut apaiser l’autre, chaque sourire
serait interprété comme un « faux sourire » par l’approche « perspective
d’émotions ». Par contre, dans la perspective écologique comportemen-
tale, le même sourire serait interprété comme une manifestation d’« être
sur le point d’apaiser » (about to appease display), transmettant le même
message que les mots « Je renonce » (I give in), « Quoi que tu dises »
(Whatever you say).
Une des limites majeures de la perspective émotionnelle est sa position
« crypto-moraliste » de la tromperie. Les indices de tromperie (deception
clues) ou l’ébruitement non verbal (nonverbal leakage) ne désignent pas la
suppression incomplète d’une expression automatique, mais juste l’occur-
rence d’un conflit. Dans la majorité des expériences qui ont trouvé des indi-
ces de tromperie, les personnes ont ressenti un conflit entre se conformer aux
consignes expérimentales et la norme de ne jamais mentir. Les participants
d’une étude de Bavelas, Black, Chovil et Mullett (1990) ont dû mentir pour
tenir secret la petite fête d’anniversaire d’un ami. Ils ont tous menti parfaitement
et n’ont pas montré d’ébruitement.
EXPRESSION FACIALE 95

5.4 Les expressions faciales comme modes


de préparation à l’action (Frijda)

Nico Frijda (1953, 1986), quant à lui, a avancé l’hypothèse que l’expression
faciale correspond à un mode de préparation à l’action (modes of action
readiness) et que ce mode est perçu ou inféré par des observateurs sur la base
de l’expression faciale. Les individus font des inférences sur les expressions
faciales, ou plus précisément, sur les modes de préparation à l’action. Frijda
pense que les expressions faciales contiennent une information (le mode de
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préparation à l’action) que l’observateur perçoit instantanément et qui n’est
pas de l’ordre d’une émotion issue d’un processus cognitif d’attribution ou
d’inférence. L’attribution émotionnelle serait donc subséquente à cette infor-
mation, étant donné qu’une expression faciale précise peut être désignée par
des labels émotionnels différents. C’est le cas de plusieurs expressions faciales
visualisées hors contexte. De plus, une expression faciale peut être commune
à plusieurs émotions et même à des situations qui ne sont pas émotionnelles.
Frijda et Tcherkassof (1997) proposent le terme « affinité » (affinity) pour
évoquer le lien existant entre des expressions faciales particulières et des
catégories émotionnelles précises. Ils pensent que certaines expressions
faciales forment des représentations paradigmatiques de certaines émotions
(par exemple, les pleurs qui caractérisent la tristesse ou le sourire qui indique
la joie) qui pourraient être interculturelles, voire universelles ou « de base ».
En 1953, Frijda a demandé à des sujets de regarder des visages sur des
diapositives et sur des films, puis d’imaginer ce qui se passait à l’intérieur de
ces personnes ou ce qui venait de leur arriver. Il a constaté que très peu de
labels émotionnels étaient utilisés pour décrire la personne et que le processus
de reconnaissance émotionnelle n’impliquait pas nécessairement l’attribution
d’une étiquette émotionnelle. Au contraire, les sujets imaginaient des situations
émotionnellement chargées qui s’accordaient avec les expressions faciales.
Frijda donne l’exemple d’une séquence de film représentant une personne
qui attend un choc électrique et qui manifeste une attention anxieuse asso-
ciée à une tension musculaire. Un sujet décrivit la situation de la manière
suivante : « Comme si elle regardait quelque chose avec une attention fixe,
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

un jeu ou quelque chose d’excitant ; deux voitures qui ont failli avoir une
collision mais rien n’est arrivé… »
Les sujets ne voyaient donc pas des expressions faciales isolées, mais des
segments d’interactions vivantes. Les acteurs étaient placés dans des situa-
tions imaginaires et, bien qu’ils ne fussent représentés que par leur tête et par
leurs épaules, ils semblaient y répondre activement et de manière précise. Ils
étaient perçus comme s’approchant, s’éloignant ou se protégeant de quelqu’un
ou de quelque chose, comme s’ils étaient disponibles ou fermés à une relation
ou comme s’ils avaient tout simplement accepté l’apparition ou la présence
de quelqu’un. L’acteur était vu comme interagissant avec son environnement
96 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

extérieur et intérieur. L’expression faciale apparaissait comme un comporte-


ment faisant partie intégrante de cet échange.
Frijda propose d’observer les interactions quotidiennes pour saisir l’infor-
mation contenue dans les expressions faciales et il dégage trois réactions
possibles des observateurs face à celles-ci :
– « une attente environnementale » : l’expression faciale d’une personne
dirige l’attention de l’observateur vers un objet particulier ou éveille une
attente par rapport à lui. Par exemple, la compréhension de l’expression de
la peur pourrait indiquer à l’observateur de regarder autour de lui ou de
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percevoir un objet comme une menace ;
– « une réponse affective et une attente comportementale » : l’expression
faciale de l’encodeur modifie l’état émotionnel de l’observateur, ainsi que
ses attentes par rapport à la suite de l’interaction. Par exemple, la compré-
hension de l’expression de la colère pourrait impliquer d’avoir peur soi-
même et anticiper davantage de comportements hostiles ;
– « une réponse d’identification empathique » : l’expression faciale d’une
personne produit chez l’observateur une réponse empathique, un compor-
tement imitatif ou simplement le sentiment qu’on peut identifier ce que
veut dire l’expression d’autrui, en termes de son propre répertoire expres-
sif. La reconnaissance serait alors une préparation de soi-même pour des
sentiments similaires ou pour une réponse expressive semblable. Ainsi,
reconnaître un visage en colère voudrait par exemple dire que l’observateur
ressent la tension de la personne ; il peut également ressentir un mouvement
antagoniste d’approche et/ou produire involontairement par mimétisme
facial une expression de colère similaire.
Selon l’approche de Frijda, les expressions faciales ne correspondent pas à
des émotions spécifiques, mais à quelque chose de plus général que Frijda
décrit comme la « positionnalité » (positionality) ou « l’activité relation-
nelle » (relational activity) de la personne. L’expression faciale représente la
manière dont l’individu interagit avec son environnement à un moment donné et
elle implique une préparation pour être en relation avec celui-ci. L’état de
préparation à l’action (state of action readiness) est défini comme la disposi-
tion (ou le manque de disposition) de l’individu à s’engager dans une inte-
raction avec son entourage. La préparation peut consister en une tendance à
l’action (action tendency), en un élan d’approche ou en un mouvement de
distanciation. Les modes de préparation à l’action varient selon les intentions
et les buts (concerns) de la personne (obtenir une proximité, éviter un
contact, neutraliser un obstacle etc.) et selon son degré d’activation (hyper-
activation, hypoactivation, tension). L’attention, la fuite, le retrait, l’opposition et
l’attaque sont des comportements manifestes de ces tendances à l’action.
Les états de préparation à l’action sont involontaires et spontanés et ils
sont susceptibles de mener vers une action et d’interférer ou d’interagir avec
EXPRESSION FACIALE 97

le comportement déjà en cours (control precedence). Comme il s’agit d’états


motivationnels, chaque mode de préparation à l’action s’exprime à travers
une variété de comportements qui peuvent inclure des états purement mentaux
(des désirs, des projets, des rêveries, etc.). Si une expression faciale indique
une préparation à l’action, une tendance à l’action n’implique pas forcément
une expression faciale. Elle peut en effet demeurer une simple impulsion ou
un simple état de préparation à l’action, et rien d’autre.
Selon Frijda, la reconnaissance de la signification d’une expression corres-
pondrait à la reconnaissance de la préparation de l’individu à établir un
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rapport avec l’environnement, ainsi qu’au type de relation (acceptation, rejet,
etc.) dans lequel il est prêt à s’engager, c’est-à-dire son état de préparation à
l’action. Cette hypothèse a récemment été en grande partie validée par une
étude dont les résultats ont montré que les sujets sont capables d’interpréter
les expressions faciales en termes de modes de préparation à l’action, et que
ceux-ci sont systématiquement associés aux différentes expressions émotion-
nelles (Tcherkassof, 1999). Il apparaît donc que les expressions faciales
véhiculent des informations concernant la façon dont l’individu interagit, ou
se prépare à interagir, avec l’environnement, et que ces informations vont
vraisemblablement au-delà d’une simple identité catégorielle émotionnelle.
Frijda et Tcherkassof proposent donc que les émotions faciales « expriment »
l’état de préparation (ou de non-préparation) à l’action de l’individu, les
différents états de préparation à l’action étant définis par leurs buts (obtenir
un rapprochement, se dégager d’un obstacle, etc.). On peut alors supposer
que les fonctions des éléments composant une expression faciale sont celles
de mouvements protecteurs (abaisser les sourcils), d’orientation de l’attention
(lever les sourcils), de réalisation motrice de l’activation, etc.

5.5 Les théories cognitives multicomponentielles :


expression faciale et évaluation cognitive (appraisal)
5.5.1 Notions théoriques
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Les théories cognitives multicomponentielles, comme celles proposées par


Smith et Ellsworth (1985), Frijda (1986), Roseman et al. (1994) ou Scherer
(1984) postulent l’existence d’un système émotionnel organisé et fonctionnel.
Une émotion est conçue comme un système flexible, servant d’intermédiaire
entre les stimulations environnementales et les réponses comportementales.
Selon ces théories, une évaluation pertinente de l’environnement active une
réaction émotionnelle appropriée au contexte. Ces théories postulent que
c’est l’interprétation (appraisal) donnée par la personne à la situation
émotionnelle qui détermine la nature et la direction des états émotionnels, le
type d’émotion ressentie dépendant ainsi de l’attribution cognitive opérée
par l’individu.
98 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

Selon ces théories, les réactions émotionnelles induites consistent en plusieurs


composantes « individuelles » de réponse, qui, tout en étant bien distinctes,
seraient inter-reliées. Les cinq composantes sont :
– la composante d’évaluation (appraisal) ;
– la composante de tendances à l’action ;
– la composante d’activité physiologique (végétative et somatique) ;
– la composante d’expression motrice ;
– la composante de sentiment subjectif (feeling), qui refléterait les changements
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survenant dans les autres composantes.
Les tenants des théories cognitives multicomponentielles (Scherer, 1984,
1992, 2001 ; Frijda et Tcherkassof, 1997 ; Ortony et Turner, 1990 ; Smith et
Ellsworth, 1985 ; Smith et Scott, 1997 ; Kaiser et Wehrle, 2001 ; Kaiser, 2002)
s’opposent à la notion d’émotions de base et de programmes affectifs déclen-
chant des configurations d’expressions faciales prototypiques. En revanche,
ces auteurs postulent que les expressions faciales des émotions sont le résultat
d’un processus sous-jacent d’évaluation cognitive et que s’il existe vraiment
des mécanismes biologiquement déterminés et stéréotypés, ils seraient plutôt
à rechercher dans les réponses induites par ces processus d’évaluation.
En ce qui concerne les expressions faciales universelles, ces auteurs ne
contestent pas leur existence, mais ils soulignent qu’il s’agit là de configurations
de plusieurs éléments qui correspondent à leur tour aux différentes dimensions
d’appraisal spécifiques. Ortony et Turner (1990) illustrent cette position à
l’aide de l’exemple de l’expression prototypique de la colère (froncement
des sourcils (AU4) et lèvres pincées (AU24)). Ils affirment que cette expres-
sion peut être dissociée en des éléments qui reflètent les processus cognitifs
antécédents à la colère. En se référant à Darwin, ils considèrent que le fron-
cement des sourcils serait l’expression correspondant à l’événement perçu
comme un obstacle à la satisfaction d’un besoin primaire. Les lèvres pincées
refléteraient la détermination, dans ce cas, de surmonter l’obstacle. Dans
cette même perspective, les yeux grands ouverts (AU5) et les sourcils levés
(AU1 + AU2), qui font partie des expressions prototypiques de la surprise et
de la peur, ont pour fonction d’augmenter la vision périphérique. Ces deux
éléments faciaux surviendraient donc lorsque l’individu doit activement
prêter attention à son environnement pour réduire une certaine incertitude
quant à différents aspects de l’environnement. Les expressions faciales, et
leurs éléments, sont donc conçus d’un point de vue fonctionnaliste.
Sur ce thème également, Tcherkassof (1997) montre que les théories
cognitives s’opposent très nettement aux conceptions catégorielles (théories
des émotions discrètes) pour lesquelles le lien entre les actions faciales et
l’émotion exprimée est arbitraire mais fixe. Plus précisément, chaque émotion
de base possède une expression faciale caractéristique, définie par un pattern
global composé d’un certain nombre d’unités d’action bien spécifiques, ces
EXPRESSION FACIALE 99

unités d’action étant conçues comme des symboles arbitraires et n’ayant


aucune signification propre. Dans la perspective catégorielle, le fait que les
yeux grands ouverts (AU5) et les sourcils levés (AU1 + AU2) font partie des
expressions prototypiques de la surprise et de la peur n’est qu’une coïnci-
dence, et n’a, par conséquent, aucune valeur d’information dans la mesure où
les unités d’action, en elles-mêmes, n’ont aucune signification. Seul le pattern
global en possède une qui est celle de l’identité catégorielle de l’émotion
représentée.
Contrairement aux théories des émotions discrètes, les théories cognitives
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postulent que les éléments composant les expressions faciales possèdent une
signification intrinsèque et que chacun d’entre eux peut transmettre une
information bien précise. Ainsi, la suppression ou le rajout d’un élément
particulier permettrait de détecter les nuances de l’émotion exprimée, ce qui
pourrait rendre compte des multiples variantes d’une émotion donnée. De plus,
les expressions incomplètes apporteraient tout de même des informations sur
l’état émotionnel exprimé grâce aux diverses informations fournies par les
éléments composant une expression. Dans cette perspective, les expressions
émotionnelles ne sont pas liées aux émotions de façon arbitraire, mais possèdent
au contraire une structure systématique, cohérente et significative (Smith et
Scott, 1997). Elles sont reliées aux autres composantes de la réponse émotion-
nelle et aux fonctions d’adaptation de l’émotion.

5.5.2. Prédictions concrètes et recherches empiriques


■ Smith et Scott (1997)
Smith (1989) a examiné les liens entre trois critères d’évaluation postulés par
la théorie de Smith et Ellsworth (1985) et l’activité des muscles corrugator
(froncement des sourcils) et zygomatic major (sourire) mesurée par l’électro-
myographie de surface (EMG). Les sujets de cette recherche devaient s’imaginer
des scénarios positifs et négatifs prédéterminés dans lesquels les dimensions
d’évaluation « agrément » (pleasantness), « effort anticipé » (anticipated effort)
et « agence humaine » (human agency) étaient manipulées à des moments
différents durant la tâche. Les résultats ont montré que l’activité du corruga-
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

tor est significativement plus importante au moment de la manipulation de la


dimension « effort anticipé » que lors de la manipulation des autres critères
d’évaluation. Cette dimension constitue en réalité une combinaison de deux
dimensions, celle d’« effort anticipé » et celle des « obstacles perçus »
(perceived obstacles). Selon une analyse de régression portant sur les rela-
tions entre l’activité EMG du corrugator et les dimensions d’évaluation,
l’effet observé s’explique principalement par la dimension obstacles perçus,
ce qui conforte un peu plus l’idée défendue par Darwin.
Dans une seconde étude, Pope et Smith (1994) avaient pour objectifs de
répliquer les conclusions concernant la signification du froncement de sourcils
100 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

et de déterminer celle du sourire. Les résultats ont montré que le froncement


des sourcils est corrélé positivement avec la dimension « obstacles perçus »
et négativement avec la dimension « agrément ». L’activité du zygomatique,
en revanche, est positivement corrélée avec la dimension « agrément » et
négativement avec celle d’« obstacles perçus ». Par ailleurs, une analyse de
régression met en évidence que l’activité du corrugator peut être prédite par
la dimension « obstacles perçus » et celle du zygomatique par la dimen-
sion d’« agrément ». Pope et Smith soulignent que ces résultats consti-
tuent un support pour l’hypothèse postulant que les dimensions
d’« agrément » et d’« obstacles perçus » sont distinctes et peuvent être
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indépendantes. Ainsi, l’administration d’un vaccin, par exemple, peut être
évaluée à la fois comme très désagréable et très favorable à l’atteinte du but
de rester en bonne santé.

■ Wehrle, Kaiser, Schmidt et Scherer (2000)


Kaiser, Scherer et Schmidt (Wehrle, Kaiser, Schmidt et Scherer, 2000) ont
utilisé la version la plus récente du FACS dans le but d’étendre et d’affiner
les prédictions originales de Scherer reliant les actions faciales aux dimensions
d’évaluation (checks) qu’il a postulées (Scherer, 1992, voir chapitre 2 de ce
volume). Depuis que Scherer a décrit pour chaque émotion modale les
profils prototypiques résultant de l’évaluation (voir table 2 in Scherer, 1993),
nous pouvons prédire le genre de changements faciaux devant se produire
pour ces émotions. Le tableau 3.2 montre le profil d’évaluation postulé pour
la tristesse, la rage et l’exaltation, ainsi que les unités d’action activées (une
description des unités d’action est incluse au sommet du tableau 3.2). La
première colonne montre les dimensions d’évaluation selon l’ordre séquen-
tiel formulé par Scherer ; viennent ensuite pour chaque émotion deux colonnes
montrant les valeurs des paramètres (voir Scherer, 1993) et les changements
correspondant en termes d’unités d’action. Par exemple, pour la tristesse, la
valeur de la dimension contrôle est prédite pour être « très basse ». Il est
prédit que cette valeur aboutira à une expression faciale incluant l’élévation
des sourcils internes (AU 1), l’abaissement des commissures des lèvres (AU 15),
l’abaissement des paupières (AU 41), ainsi que les yeux tournés vers le bas
(AU 64).
Selon la séquentialité d’évaluation proposée par le modèle de Scherer, nous
pensons que les unités d’actions, supposées correspondre aux différentes
dimensions d’évaluations consécutives, se combinent les unes aux autres au
fur et à mesure de l’avancée du processus d’évaluation. En d’autres termes,
elles conduisent à des changements cumulatifs dans les expressions faciales,
avec pour conséquence que l’effet de chaque dimension suivant sera ajouté aux
effets des dimensions précédents (voir Scherer, 1992c, pour plus de détails).
Un des buts de cette étude était de comparer deux positions alternatives
concernant les caractéristiques dynamiques du comportement facial émotionnel.
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Rage Contrôle élevé


Neutre Soudaineté élevée Expression finale
Opportunité enrayée Puissance élevée
EXPRESSION FACIALE

1+2+5 4+7 4 + 7 + 10 + 17 + 24

= Condition séquencielle (Scherer) = Condition simultanée (Ekman)

Figure 3.7
Effets de l’appraisal sur les muscles faciaux : exemple de la rage.
101

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Tableau 3.2
102

Prédictions de patrons d’appraisal et d’action units


pour les émotions de la tristesse, de la rage et de l’exaltation.

Dimensions d’appraisal Tristessea AUsb Rage Aus Exaltation AUs

AU1b + AU2b élevée/ AU1b + AU2b


Soudaineté basse élevée
+ AU25 moyenne + AU25

Familiarité basse AU4a + AU7 basse AU4a + AU7

Prévisibilité basse AU4b basse

Agrément intrinsèque élevé AU6 + 12b

Pertinence élevée élevée

Degré de certitude dans la


très élevé très élevé très élevé
prédiction des conséquences

Attente basse basse

AU4b AU4b
+ AU7b + AU7b
Opportunité enrayée enrayée très élevée AU6 + AU12d
+ AU17b + AU17b
+ AU23b + AU23b

intensification,
Urgence basse élevée basse
haute tension

Causalité : agent Autrui


TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

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Tableau 3.2 (Suite)


Prédictions de patrons d’appraisal et d’action units
pour les émotions de la tristesse, de la rage et de l’exaltation.

Dimensions d’appraisal Tristessea AUsb Rage Aus Exaltation AUs


EXPRESSION FACIALE

chance/inte
Causalité : motif chance intentionnelle
ntionnelle

AU1c + AU15c
Contrôle très bas élevé
+ AU41 + AU64

Puissance très basse AU20c + AU26 élevée AU17c + AU24

Ajustement moyen élevé moyen

Standards externes bas AU10c élevé

Standards internes bas élevé

Nombres et noms : 1 (lever les sourcils internes) ; 2 (lever les sourcils externes) ; 4 (abaisser les sourcils) ; 5 (lever la paupière) ; 6 (lever les joues) ; 7 (serrer les paupiè-
res) ; 10 (lever la lèvre supérieure), 12 (lever les commissures des lèvres) ; 15 (laisser tomber les commissures des lèvres) ; 17 (lever le menton) ; 23 (tendre les lèvres her-
métiquement) ; 24 (presser les lèvres) ; 25 (entrouvrir les lèvres) ; 41 (paupière tombante) ; 43 (yeux fermés) ; 63/64 (yeux vers le haut, vers le bas) ; pour quelques
AUs, l’intensité est codée de a à e.
a La prédiction est ouverte pour les cellules vides. b Pour les cellules vides, pas de changement dans le comportement facial prédit
103

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104 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

La comparaison de la simultanéité versus de la séquentialité du commencement


des différentes unités d’action participant aux configurations complètes des
expressions permet, en effet, de préciser les différences fondamentales entre le
point de vue d’Ekman, qui postule des programmes neuromoteurs d’expres-
sions, dits molaires, et celui de Scherer, qui, lui, postule des changements
cumulatifs, dits moléculaires. Wehrle et al. ont testé les postulats sur le lien
entre des expressions faciales spécifiques et les dimensions d’évaluation
proposées par Scherer (1984) en utilisant des stimuli synthétiques animés. Ils
ont créé vingt stimuli (10 émotions × 2 intensités) sur la base de ces prédic-
tions. Ils les ont montrés à des juges dans trois conditions expérimentales :
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– condition statique ;
– condition simultanée (toutes les action units sont déclenchées en même
temps, selon la théorie d’Ekman) ;
– condition séquentielle (les action units sont déclenchées selon la séquence
prédite par Scherer).
Les lignes pointillées dans la figure 3.7 illustrent, selon les postulats de
Scherer, la cumulation séquentielle des combinaisons d’unités d’action propres
aux évaluations, cumulation conduisant à une configuration finale.
Wehrle et al. ont trouvé qu’une présentation dynamique (simultanée ou
séquentielle) permet de mieux reconnaître les émotions. Par contre, ils n’ont
pas trouvé de différence entre une présentation simultanée et séquentielle.

6 ÉTUDE DES EXPRESSIONS FACIALES


ET DE L’APPRAISAL DANS UN CADRE
EXPÉRIMENTAL INTERACTIF

Dans le but d’étudier la nature dynamique et interactive des épisodes émo-


tionnels, Wehrle et Kaiser ont développé le Geneva Appraisal Manipulation
Environment (GAME ; Wehrle, 1996). GAME permet la production expéri-
mentale de jeux informatiques afin de traduire des postulats psychologiques
en des scénarios virtuels (pour des détails sur les implications théoriques et
techniques de GAME, voir Kaiser et Wehrle, 1996). GAME enregistre auto-
matiquement les données de l’avancement dynamique du jeu et les actions des
sujets ; il propose également des questionnaires automatiques. Par exemple, les
évaluations de situations spécifiques faites par les participants sont établies au
moyen d’écrans apparaissant après l’achèvement de chaque niveau de jeu et
correspondant à dix-huit questions se référant aux dimensions d’appraisal
de Scherer (voir aussi Scherer, 1993). Les participants sont filmés durant le
jeu expérimental et leurs expressions faciales sont directement appariées
EXPRESSION FACIALE 105

aux données correspondantes de la tâche. Ces enregistrements permettent une


analyse automatique de leur comportement facial en utilisant le FACS comme
langue de codage (pour plus de détails voir Kaiser et Wehrle, 1992 ; Kaiser et
Wehrle, 2001).
L’évaluation de profils d’appraisal situationnels nous permet de différen-
cier plusieurs types d’émotions portant la même étiquette. Par exemple, dans
les interactions du jeu d’ordinateur expérimental, nous pouvons distinguer de
manière consistante au moins trois types de colère : a) se mettre en colère en
réaction envers un événement injuste mais sans blâmer personne, b) devenir
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colérique et blâmer quelqu’un d’autre pour avoir causé intentionnellement
l’événement et c) se mettre en colère et blâmer les autres aussi bien que soi-
même. Dans les limites de ce chapitre, nous pouvons seulement présenter un
exemple de cette recherche afin d’illustrer l’expression faciale présentée à la
figure 3.8 (plus de détails sont présentés dans Kaiser, 2002 ; Kaiser et Wehrle,
1996 ; Kaiser et Wehrle, 2001 ; Kaiser, Wehrle et Schmidt ; 1998).
La figure 3.8 montre un exemple de colère du type 1. Ici, la participante
est au niveau sept qui a commencé beaucoup plus rapidement que tous les
niveaux précédents. Après un petit moment, AMIGO (un agent animé du jeu
qui généralement supporte et aide le joueur) intervient afin de réduire la
vitesse du jeu à un degré réalisable. Dans cette situation, 73 % des partici-
pants rapportent du soulagement ou de la joie. Cependant, cette participante
rapporte de la colère. Comme nous pouvons le voir dans le profil d’apprai-
sal, elle évalue la situation comme très soudaine, très nouvelle, très désa-
gréable et comme absolument pas attendue. De plus, elle pense – bien que
la situation soit difficile à contrôler – qu’elle avait suffisamment de pouvoir
pour manœuvrer, qu’elle pouvait facilement s’adapter aux conséquences et
que son comportement était adéquat (référence au Self dans la figure 3.8c).
Elle ne blâme ni une personne, ni les circonstances. Cependant, elle évalue
la situation comme très « injuste » (référence à Norm (–) dans la figure
3.8c).
Comme on peut le voir dans la figure 3.8, elle réagit seulement en soule-
vant les sourcils (AU1 + AU2). Selon une approche des émotions basiques,
cette combinaison d’unités d’action ne pourrait pas être reliée à la colère.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Lorsque nous regardons la dynamique de l’action faciale, nous voyons que


a) le changement de l’AU4 (elle fronce les sourcils en lisant un message) et
l’innervation de l’AU1 et AU2 se produisent à l’intérieur de deux images
(0,08 seconde).
Cependant, la durée de l’AU1 et AU2 est plutôt longue (2,04 secondes), or
la durée moyenne de l’AU1 et AU2 dans nos études est 1,04 seconde. Alors
que les résultats montrent que l’innervation rapide de l’AU1 et AU2 sont
liées à la dimension d’appraisal de nouveauté, dans le cas de l’exemple de la
figure 3.8, l’expression peut être interprétée comme un indicateur d’évalua-
tion de la situation comme injuste. Cette interprétation est supportée par le
106 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

fait que des juges naïfs peuvent reconnaître sa réaction non verbale comme
exprimant de la colère. Bien que ces résultats soient préliminaires et spécula-
tifs, ils montrent que nous avons besoin d’en savoir davantage sur la dynami-
que de l’expression faciale.
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Cognitive Appraisal of Subject 2 in Situation: Speed Reduction
Reported Emotion: Anger
6

4
Value

es
s y ss ce e n ct y lf lf er er nce ro
l er t -) lf
nn elt ne van tcom tatio stru nc t Se Se Oth th a nt ow en m ( Se
ov ant g e n nt t t O h o P st m r
de N as le u
pe
c b
Ur e te en n C C ju o
d Re O O
Ag In te
Ad
N
Su Ple Ex Ag In

Appraisal Components

La partie a de la figure montre des photos du visage du sujet. La partie b montre les
résultats du codage automatique du visage, et la partie c montre l’évaluation de la
situation faite par le participant en termes de dimensions de l’appraisal de Scherer (SECs ;
sur des échelles de Likert allant de 1 à 5). La distribution des action units se déroule
sur une période de 4 secondes. L’axe des x présente le répertoire des action units
intégrées dans le programme. De manière similaire à un tracé d’encéphalogramme,
l’intensité des action units peut être vue dans la largeur horizontale des barres. On
peut voir la création (onset) la disparition (offset) d’une action unit ainsi que la durée
de l’expression faciale à son degré maximum (apex).
Figure 3.8 a-c
Séquence de réactions faciales se produisant
dans une situation où AMIGO réduit la vitesse.
EXPRESSION FACIALE 107

CONCLUSION

Étant donné la multi-fonctionnalité du comportement facial et le fait qu’aucun


des différents modèles théoriques actuels n’est capable de prédire pour chaque
émotion donnée, si et de quelle manière elle serait exprimée par un individu,
un minimum de deux conclusions s’imposent pour la recherche empirique :
– l’utilisation d’un système de codage indépendant de suppositions a priori
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concernant la signification des expressions (émotionnelle ou communicative)
et permettant une approche analytique centrée sur l’activité de muscles est
indispensable (FACS, Ekman et Friesen, 1978) ;
– le sens d’une expression faciale ne peut être interprété que si l’on prend en
compte l’intégralité temporelle et contextuelle d’une situation (comme, par
exemple, les messages parallèles et/ou successifs verbaux et non verbaux
dans d’autres canaux que le visage).
Des recherches complémentaires restent donc à mener sur les expressions
faciales et leur rôle, notamment dans les interactions interpersonnelles. Certains
auteurs ont ouvert la voie en montrant que nous sommes déstabilisés par des
personnes qui, en raison d’une maladie, ne peuvent pas avoir d’expressions
faciales (Ekman, 1992). En effet, les personnes atteintes d’une paralysie faciale
congénitale appelée « syndrome de Mobius » montrent de grandes difficultés
dans le développement et le maintien de relations amicales si elles ne sont
pas capables d’avoir d’expressions faciales. De même, Rottenberg, Kasch,
Gross et Gotlib (2002) ont montré que les patients dépressifs avaient moins
de comportements expressifs, et notamment moins d’expressions faciales que
les personnes non dépressives. Ils ont aussi démontré que cette non-réactivité
avait une influence délétère sur la rémission de la dépression. Ceci montre
que les expressions faciales, et les expressions émotionnelles en général, ont
une grande importance dans notre communication. La capacité à produire et
à reconnaître des expressions faciales peut être alors vue comme une compé-
tence sociale et il existe un intérêt clinique évident à l’étude des expressions
faciales.
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LECTURES CONSEILLÉES

EKMAN P., ROSENBERG E. L. (éd.) (1997). What the Face Reveals. Oxford : Oxford
University Press.
PHILIPPOT P., FELDMAN R. S., COATS E.J. (1999), The Social Context of Nonverbal
Behavior. New York : Cambridge University Press
108 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

RUSSELL J.A., FERNÁNDEZ-DOLS J.-M. (éd.) (1997). The Psychology of Facial


Expression. Cambridge : Cambridge University Press.

SITES WEB

Site du FACS : http://face-and-emotion.com/dataface/facs/new_version. jsp.


Site de Paul Ekman : http://paulekman.com/
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Saurez-vous distinguer les « vrais » des « faux » sourires ? Bonne chance ! :
http://www.bbc.co.uk/science/humanbody/mind/surveys/smiles/index.shtml

QUELQUES EXPÉRIENCES
FONDAMENTALES

Les expériences fondamentales sont décrites dans la « Théorie des émotions


discrètes (Tomkins, Ekman, Izard) : émotions de base » et concernent l’uni-
versalité des expressions faciales et sont illustrées par le tableau 3.1 et la
figure 3.2.
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EXPRESSION VOCALE
DES ÉMOTIONS1
Chapitre 4

1. Par Didier Grandjean et Tanja Baenziger.


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INTRODUCTION

« Les choses qui plaisent à l’oreille sont celles qui plaisent à l’esprit »
(Gustave Guillaume, citation d’Amélie Nothomb dans Cosmétique de l’ennemi).

À l’instar de l’expression faciale décrite dans le chapitre 3 de cet ouvrage, la


production vocale, fortement liée au langage chez l’humain, est affectée par
les processus émotionnels. En effet, comme décrit dans le chapitre 2 les diffé-
rentes évaluations cognitives que réalise l’organisme vont engendrer une
série de modifications physiologiques, par exemple via le système sympathique
et parasympathique, qui vont à leur tour modifier les caractéristiques du tractus
vocal et ainsi produire des modifications de la production vocale. Ainsi une
augmentation de la tension des cordes vocales va modifier la fréquence à
laquelle elles vibrent et ainsi modifier la fréquence fondamentale qui sera perçue
alors comme plus élevée et donc plus aiguë. Les modifications de tension de
l’ensemble du tractus vocal vont également avoir un impact sur les résonances
produites par les différentes cavités existant le long du parcours des ondes
sonores (par exemple le pharynx et le larynx) et modifier ainsi l’énergie contenue
dans le spectre.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Lors d’une interaction vocale, le producteur de l’énoncé vocal sous le coup


d’une émotion va donc produire un ensemble de sons modifiés par le processus
émotionnel en cours. La personne ou l’organisme percevant cet énoncé vocal
va, quant à lui, construire une représentation du stimulus auditif non seule-
ment sur le plan linguistique, c’est-à-dire l’extraction et la construction de
représentations phonétiques puis phonémiques, sémantiques et syntaxiques
mais également sur l’état mental d’autrui à travers les modifications perçues
et reconstruites par le système nerveux central des informations acoustiques
auquel il/elle a accès. Dans le présent chapitre, nous allons décortiquer ces
processus aussi bien du point de vue de la psychologie de la perception et de
112 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

la psychologie de l’émotion mais également d’un point de vue neuropsycho-


logique en articulant les concepts de la psychologie de l’émotion à ceux de la
neuroscience cognitive de la perception auditive.
Charles Darwin est le premier auteur qui s’est intéressé à l’étude systéma-
tique d’expressions correspondant à des émotions telles que la colère, la joie,
la tristesse ou la peur. Ses observations se sont portées aussi bien sur les
expressions vocales que sur les expressions faciales, produites par des êtres
humains appartenant à différentes cultures, ainsi que par des animaux de
différentes espèces. Le XXe siècle a vu se développer considérablement l’étude
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des expressions faciales pour lesquelles des systèmes de codage qui permettent
de décrire avec précision tous les mouvements du visage sont aujourd’hui
disponibles, par exemple le Facial Action Coding System (Ekman et Friesen,
1978 ; voir également le chapitre 3 de cet ouvrage). Comparativement, l’étude
des expressions vocales a été plus longtemps négligée. Le regain d’intérêt
rencontré depuis quelques années par ce domaine d’étude laisse cependant
présager d’un développement, comparable à celui réalisé dans le domaine
des expressions faciales, des méthodes utilisées pour l’étude des expressions
vocales.
Darwin écrit en 1872 :
« It has often struck me as a curious fact that so many shades of expression are
instantly recognized without any conscious process of analysis on our part. No
one, I believe, can clearly describe a sullen or sly expression ; yet many obser-
vers are unanimous that these expressions can be recognized in the various
races of man. […] So it is with many other expressions, of which I have had
practical experience in the trouble requisite in instructing others what points
to observe » (édité par Ekman, 1998, p. 355 ; Darwin, 1892, 1998).

Cette citation de Darwin s’applique encore aujourd’hui à deux aspects de


l’étude de la communication vocale des émotions. Premièrement, elle reflète
la problématique centrale de ce domaine d’étude : les émotions exprimées
par la voix peuvent être reconnues sans difficulté par la plupart des individus,
sans que ces individus soient nécessairement capables d’indiquer sur quels
aspects des expressions vocales ils basent leurs attributions. Deuxièmement,
elle reflète aussi l’état actuel de la recherche sur les expressions vocales
émotionnelles : dans ce domaine, de nombreuses études ont démontré que
les expressions vocales permettent d’identifier l’état émotionnel d’un individu
en l’absence d’autres indices, mais les caractéristiques vocales qui permettent
aux auditeurs d’identifier correctement l’émotion exprimée restent encore mal
connues. D’ailleurs, la synthèse vocale reste aujourd’hui difficile quand il
s’agit de transmettre de l’émotion dans la voix ; cet état de fait illustre bien la
difficulté à saisir les déterminants des modifications acoustiques pertinentes
utilisées pour l’inférence de l’état émotionnel sur la seule base de modifications
du signal auditif.
EXPRESSION VOCALE DES ÉMOTIONS 113

Ce chapitre est divisé en trois sections. La première section propose un


survol des méthodes couramment utilisées dans les études consacrées aux
expressions vocales émotionnelles et un aperçu des principaux résultats obtenus
par ces études. Cette revue des méthodes et des résultats sera suivie, dans la
deuxième section du chapitre, de la présentation d’un paradigme qui vise à
intégrer les études de production et de perception des expressions vocales
émotionnelles. Une troisième partie traitera des aspects neuropsychologiques
du traitement de la voix et, dans une dernière partie, quelques aspects plus
généraux des futurs développements de la recherche seront évoqués.
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1 REVUE DES MÉTHODES UTILISÉES
ET DES PRINCIPAUX RÉSULTATS OBTENUS

Deux revues de la recherche sur les expressions vocales ont été publiées
récemment : Scherer (2003) a, d’une part, réalisé une revue très complète des
paradigmes utilisés dans ce domaine ; Juslin et Laukka (2003) ont, d’autre
part, publié une revue des résultats obtenus par cent quatre études qui se sont
intéressées aux expressions vocales émotionnelles. Les principaux paradigmes
utilisés (la méthodologie) et les principaux résultats obtenus dans les études de
l’expression vocale émotionnelle seront présentés synthétiquement ci-dessous.
Pour un reflet plus exhaustif de ce domaine d’étude, le lecteur pourra se référer
aux deux revues mentionnées ci-dessus.
Les recherches effectuées dans le domaine de l’expression et de la commu-
nication vocale des émotions peuvent être classées en deux catégories en
fonction de leur centre d’intérêt principal : certaines études se centrent sur la
production des expressions vocales, c’est-à-dire sur les processus d’enco-
dage de l’émotion dans la voix. Ces études s’efforcent de décrire l’effet de
différents états émotionnels sur un ensemble de caractéristiques vocales. Des
explications détaillées concernant la manière dont les émotions produisent
ces effets sont assez rarement avancées. D’autres études se centrent sur la
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perception des expressions vocales, c’est-à-dire sur les processus de déco-


dage de l’émotion à partir des expressions vocales. Ces études s’intéressent
principalement à mettre en évidence la capacité des individus à reconnaître/
discriminer différentes émotions dans des expressions vocales en l’absence
d’indices verbaux ou contextuels (par exemple l’expression faciale). Les études
qui proposent des descriptions des caractéristiques vocales impliquées dans les
processus de décodage en associant les caractéristiques vocales des expressions
aux attributions émotionnelles sont beaucoup plus rares.
Les études qui considèrent simultanément l’encodage (la production) et le
décodage (la perception) sont pratiquement inexistantes. La section ci-dessous
114 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

présente en conséquence les méthodes utilisées et les résultats obtenus par


les études de production, dans un premier temps, et par les études de perception,
dans un second temps.

1.1 Encodage – caractéristiques vocales


des émotions exprimées
La communication des émotions par la voix n’est en principe possible que
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si un ensemble de caractéristiques vocales spécifiques correspond à chaque
émotion exprimée. En conséquence, un grand nombre de travaux ont essayé
d’identifier les caractéristiques vocales correspondant, le plus souvent, à un
nombre restreint d’émotions.

1.1.1 La méthodologie
Les études centrées sur l’encodage des expressions vocales émotionnelles se
distinguent sur plusieurs aspects méthodologiques : premièrement, la nature
des expressions vocales utilisées et les conditions dans lesquelles elles sont
obtenues sont souvent très variables. Deuxièmement, les états émotionnels
considérés, leur nombre et leur définition diffèrent d’une étude à l’autre. Troisiè-
mement, les caractéristiques vocales examinées sont également très variables.
Ces trois points sont successivement développés ci-dessous et suivis de quelques
éléments relatifs à l’étude des processus impliqués dans la production des
expressions vocales.

■ Nature et origine des expressions vocales étudiées


Les expressions vocales étudiées sont parfois enregistrées dans des situations
naturellement inductrices d’émotions. Des situations extrêmement différentes
ont été exploitées dans différentes études : talk-shows télévisés (par exemple,
Grimm, Kroschel, Mower et Narayanan, 2007), séances de psychothérapie
(par exemple, Eldred et Price, 1958) ou encore communications radio lors
d’accidents d’aviation (par exemple, Williams et Stevens, 1969). Ces expres-
sions possèdent une très bonne validité écologique, mais comportent égale-
ment un certain nombre d’inconvénients : (1) elles sont produites par un très
petit nombre de locuteurs (souvent un seul) ; (2) elles incluent un nombre
réduit d’états émotionnels pour un même locuteur (parfois un seul) ; (3) les
états émotionnels vécus par les locuteurs au moment de la production des
expressions sont définis a posteriori par les chercheurs, sur la base de critères
nécessairement arbitraires ; (4) le contenu verbal des expressions ne peut être
contrôlé ; (5) finalement, les conditions d’enregistrements sont souvent mauvaises ;
les enregistrements comportent des sons/bruits et leur qualité acoustique est
généralement réduite.
EXPRESSION VOCALE DES ÉMOTIONS 115

Une alternative consiste à induire des états émotionnels en plaçant les


locuteurs dans des situations contrôlées en laboratoire (par ex. Bachorowski
et Owren, 1995 ; Sobin et Alpert, 1999). Plusieurs locuteurs peuvent ainsi être
placés dans les mêmes conditions (destinées à modifier leur état émotionnel).
Différents types d’inductions peuvent être utilisés avec les mêmes locuteurs de
manière à éliminer la confusion entre le locuteur et l’état émotionnel induit. Ce
cadre permet également d’utiliser le « paradigme du contenu verbal constant »
(standard content paradigm), les locuteurs pouvant être amenés à prononcer
une même phrase dans différentes conditions émotionnelles. Les expressions
produites dans les différentes conditions sont dès lors réellement comparables,
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au sens où seule l’expression non verbale les distingue. Ce cadre de production
des expressions vocales comporte pourtant également des inconvénients.
En particulier, certains états émotionnels ne peuvent être aisément induits
en laboratoire ; les contraintes éthiques, d’une part, et la faible implication
personnelle des locuteurs dans les situations de laboratoire, d’autre part, ne
permettent notamment pas d’induire des émotions très intenses. L’induction
se limite donc le plus souvent à manipuler le contexte de manière à produire
différents niveaux de stress, souvent assez légers. De plus, les situations iden-
tiques dans lesquelles les différents locuteurs sont placés peuvent induire des
réactions parfois très différentes d’un locuteur à l’autre. En conséquence, les
expressions vocales produites par différents locuteurs dans une même condition
ne reflètent pas nécessairement le même état émotionnel et, dans tous les cas, les
expressions vocales ne sont que faiblement modifiées par les changements
d’états induits, relativement subtils.
Une troisième alternative, souvent privilégiée par les auteurs des recherches
effectuées dans le domaine des expressions vocales émotionnelles, consiste à
utiliser des expressions émotionnelles simulées ou produites par des acteurs (par
exemple, Banse et Scherer, 1996 ; Fairbanks et Pronovost, 1938 ; Williams et
Stevens, 1972). Contrairement aux expressions enregistrées dans un contexte
naturel, les expressions simulées par des acteurs présentent l’avantage de
fournir des expressions avec un contenu linguistique constant et correspon-
dant à plusieurs états émotionnels différents pour les mêmes individus. Elles
sont, d’autre part, beaucoup plus prononcées que les expressions enregistrées
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en situation d’induction émotionnelle qui reflètent en général des modifications


très légères de l’état affectif des individus. Le principal reproche formulé à
l’encontre des expressions simulées par des acteurs concerne leur manque,
supposé, de validité écologique. Dans ce type d’expressions, la composante de
communication volontaire est exagérée, alors que la composante d’expressivité
« pure/spontanée » – qui correspondrait à des modifications physiologiques
associées à un état émotionnel « réel » – est diminuée, voire absente. En réalité,
toutes les expressions comprennent une part de régulation ou de contrôle.
Les émotions exprimées dans un talk-show ou les expressions induites en
laboratoire ne sont notamment pas exemptes de régulations. Il importe surtout
de distinguer explicitement ces différents types d’expressions et de garder à
116 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

l’esprit que les codes de communication sociale sont certainement exagérés


dans les expressions « prototypiques » produites par des acteurs.
Selon Juslin et Laukka (2003), seules 7 % des cent quatre études qu’ils ont
examinées ont utilisé des procédures d’induction pour obtenir les expressions
vocales qui ont été analysées ; 12 % des études ont utilisé des expressions enre-
gistrées dans des contextes naturels et 87 % des expressions produites par des
acteurs. La disproportion entre le nombre d’études consacrées aux expressions
simulées relativement au nombre d’études consacrées aux expressions
« naturelles » et induites est manifeste. Les résultats actuellement connus se
rapportent donc essentiellement à des expressions « prototypiques », produites
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par des acteurs.

■ États émotionnels exprimés


La grande majorité des études réalisées à ce jour ont utilisé des catégories
émotionnelles, le plus souvent identifiées par des labels correspondant à des
émotions dites « fondamentales » ou modales. Les cent quatre études examinées
dans la revue de Juslin et Laukka (2003) utilisent des catégories émotionnelles ;
le nombre de catégories utilisées dans ces études varie entre un et quinze. En
moyenne une étude inclut quatre à quinze catégories d’émotions. Les catégories
les plus fréquemment étudiées sont : la « colère », la « peur », la « joie » et la
« tristesse ». Les études qui ont explicitement tenté de tester l’existence de
différences entre des expressions correspondant à différents types de « colère »,
de « peur », de « joie » ou de « tristesse » sont relativement rares. Banse et
Scherer (1996) ont introduit une différence entre la colère froide et chaude,
l’anxiété et la peur panique, la joie calme et la joie intense, la tristesse déprimée
et le désespoir ; dans ce cas, la distinction réalisée à l’intérieur de chaque
catégorie/famille émotionnelle reflète un niveau d’activation faible versus
fort. On trouve une distinction entre une joie calme et une joie excitée chez
Katz (1998). Juslin et Laukka (2001) ont introduit une distinction liée à
l’intensité des émotions exprimées ; leur étude différencie des expressions
correspondant à une intensité faible et une intensité forte de colère, de peur,
de tristesse, de joie et également de dégoût. Frick (1986) distingue, quant à
lui, des expressions correspondant à une colère frustrée et à une colère agres-
sive. Hammerschmidt et Jurgens (2007) ont également étudié les corrélats
acoustiques liés à six types différents d’expressions vocales émotionnelles
correspondantes à « rage/colère chaude », « désespoir/lamentation », « mépris/
dégoût », « surprise joyeuse », « joie voluptueuse/satisfaction sensuelle » et
« affection/tendresse ». Dans cette étude, les auteurs ont demandé à vingt-
trois étudiants en art dramatique de prononcer le mot « Anna » selon ces six
différentes catégories émotionnelles, et ce à deux reprises. Par la suite, les
auteurs ont réalisé une étude de jugement sur dix participants afin de s’assu-
rer que les émotions étaient bien reconnues dans une tâche de catégorisation
forcée, les taux de reconnaissance variant entre 43 % (mépris/dégoût) et 87 %
(rage/colère chaude). Une série d’analyses acoustiques forte de quatre-vingt-
EXPRESSION VOCALE DES ÉMOTIONS 117

dix paramètres a permis ensuite d’étudier les variations systématiques du signal


acoustique en lien avec les différentes émotions. Les résultats sont discutés
ci-dessous.
Parmi les exemples cités ci-dessus, on relèvera que certains auteurs ont inclus
des états émotionnels définis à la fois par une famille/catégorie émotionnelle
et par une dimension (activation ou intensité). Les états émotionnels sous-
jacents aux expressions étudiées sont plus rarement définis uniquement par
des dimensions. Quelques exceptions existent toutefois : Murray, Arnott et
Rohwer (1996) se sont par exemple centrés uniquement sur l’activation sous-
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jacente aux expressions vocales et Safer et Leventhal (1977) uniquement sur
la valence. L’utilisation d’une dimension unique est évidemment réductrice.
À notre connaissance, il n’existe que deux études qui ont tenté d’inclure
plusieurs dimensions pour définir les états émotionnels et les expressions
qu’elles ont étudiées : une étude de Johnstone (Johnstone, Van Reekum et
Scherer, 2001) et une étude de Laukka, Juslin et Bresin (2005). Quelques
aspects relatifs à l’approche utilisée par Johnstone sont développés ci-dessous,
dans la section consacrée à l’étude des processus de production.

■ Caractéristiques vocales examinées


En ce qui concerne les caractéristiques vocales examinées, deux types de
méthodes ont été employés par différents auteurs : dans un petit nombre
d’études, des jugements perceptifs ont été obtenus pour un ensemble de caracté-
ristiques vocales. Dans la plupart des études, toutefois, des analyses acousti-
ques ont été effectuées. Peu d’études ont cherché à systématiquement lier les
jugements perceptifs et les analyses acoustiques (par exemple, Banse et Scherer,
1996).
Les études qui ont produit des évaluations perceptives de caractéristiques
vocales sont relativement peu nombreuses. La revue effectuée par Juslin et
Laukka (2003) permet d’estimer la proportion des études qui ont utilisé cette
approche à environ 8 % (six études ayant utilisé des jugements perceptifs contre
soixante et onze études ayant utilisé des mesures acoustiques). Les juge-
ments sont parfois produits par des experts. Dans une étude de van Bezooijen
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

(1984), par exemple, l’auteur et cinq autres spécialistes en phonétique et en


linguistique ont effectué un entraînement collectif à l’évaluation de treize
caractéristiques vocales dérivées du système de production de Laver (1980) :
le degré d’arrondissement et le degré d’extension des lèvres, le degré de
tension du larynx, le degré de relâchement du larynx, le degré de « grince-
ment » (creak), de tremblement, de chuchotement, la qualité rauque, la hauteur,
l’étendue de la hauteur (pitch range), l’intensité (loudness), le tempo et la
précision de l’articulation. D’autres études ont fait appel à des jugements
produits par des auditeurs sans expertise particulière et sans entraînement
préalable. Dans une étude de Davitz (1964), vingt participants ont ainsi
évalué quatre caractéristiques vocales : l’intensité, la hauteur, le timbre et le
118 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

débit de parole. On relèvera que les caractéristiques vocales qui peuvent être
évaluées par des auditeurs sans expertise sont évidemment moins nombreuses
et moins spécifiques que les caractéristiques qui peuvent être évaluées par
des experts.
Une méthode plus objective pour analyser les caractéristiques vocales des
expressions émotionnelles consiste à effectuer des analyses acoustiques. Dans
ce domaine, également, les paramètres extraits varient en fonction des études.
Les mesures les plus couramment effectuées correspondent à des paramètres
dérivés du contour de la fréquence fondamentale, du contour de l’intensité et
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de la durée des expressions.
La fréquence fondamentale (F0), exprimée en hertz (Hz), correspond au
nombre de répétitions de la période fondamentale du signal acoustique par
seconde. Le contour de la F0 représente l’évolution de celle-ci au cours d’une
expression. L’intensité acoustique, exprimée en décibels (db), est dérivée de
l’amplitude du signal acoustique. Le contour d’intensité correspond à l’évolution
de l’intensité acoustique au cours d’une expression. Les mesures extraites du
contour d’intensité et du contour de F0 sont en général descriptives des tendances
centrales (moyennes ou médianes) et de la variabilité globale (écarts types
ou écarts entre minima et maxima) des contours. Des indications relatives à
la forme des contours de F0 ou d’intensité sont rarement rapportées. Récem-
ment toutefois, Juslin et Laukka (2001) ont examiné la direction globale des
contours de F0 (montants versus descendants) et l’attaque des contours d’inten-
sité (degré d’accroissement de l’intensité/amplitude par unité de temps).
Mozziconacci dans ces travaux (Mozziconacci, 1998, 2001) a par ailleurs
présenté une description qualitative de la forme des contours de F0 qu’elle a
observée pour différents types d’émotions exprimées.
Différents aspects de la durée des expressions ont été rapportés dans diffé-
rentes études. Les deux mesures les plus courantes sont le débit de parole – par
exemple, le nombre de syllabes prononcées par minute (ou plus simplement
la durée totale des expressions lorsque le contenu verbal est constant) – et la
durée proportionnelle des pauses relativement à la durée totale des expressions.
Lorsque les expressions sont suffisamment longues, le nombre des pauses est
parfois mesuré. Quelques auteurs (e.g. Banse et Scherer, 1996) ont égale-
ment rapporté la durée relative des parties voisées et des parties non voisées.
Cette distinction réfère à la production d’ondes sonores par la ou les vibrations
des cordes vocales ; en effet, lorsque celles-ci sont effectivement en action on
parle alors de voisement, contrairement à de la parole produite ne faisant pas
appel à la vibration des cordes vocales (parties non voisées).
Afin de parvenir à mieux caractériser les expressions correspondant à
différentes émotions, quelques auteurs ont récemment tenté de diversifier et
d’augmenter le nombre de paramètres acoustiques analysés. Banse et Scherer
(1996) ont notamment inclus un ensemble de mesures dérivées du spectre
moyen à long terme (long term average spectrum). Dans ce type d’approche,
EXPRESSION VOCALE DES ÉMOTIONS 119

un spectre moyen est calculé pour chaque expression vocale par une analyse de
Fourrier inverse qui permet de décomposer le signal acoustique en composan-
tes fréquentielles associées à différents niveaux d’énergie. L’énergie relative
dans différentes bandes de fréquence (par exemple, l’énergie comprise entre
0 Hz et 1000 Hz relativement à l’énergie totale) peut ainsi être examinée.
Banse et Scherer ont évalué l’énergie relative comprise dans plusieurs bandes
de fréquences séparément pour les segments voisés et les segments non voisés
des expressions.
Juslin et Laukka (2001) ont encore inclus d’autres mesures, notamment les
perturbations à court terme de la F0 (jitter) qui correspondent à des fluctua-
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tions rapides et aléatoires de la durée d’ouverture/fermeture des cordes voca-
les de cycle en cycle. Cette mesure a également été utilisée par d’autres
auteurs (e.g. Bachorowski et Owren, 1995) qui l’ont présentée comme une
mesure indicative de la présence d’un état de stress psychologique chez le
locuteur. La hauteur moyenne des formants et la largeur de la bande de
fréquence qui contient l’énergie associée aux formants ont également été
évaluées par Juslin et Laukka (2001). Les formants sont définis comme des
régions du spectre acoustique dans lesquelles l’énergie est particulièrement
élevée, reflétant les résonances produites par la forme du tractus vocal. Les
deux premiers formants définissent avant tout la valeur (catégorie perçue) de
la voyelle prononcée ; les valeurs des formants sont toutefois également
associées à la qualité vocale perçue. Juslin et Laukka (2001) ont aussi évalué
la « précision de l’articulation » définie comme la distance entre les valeurs
mesurées des formants et les valeurs de formant neutres (correspondant à la
voyelle « schwa »). Plus les valeurs des formants s’approchent de la référence
neutre, plus l’effort d’articulation est considéré comme faible.
Hammerschmidt et Jurgens (2007) ont, quant à eux, utilisé des indicateurs
tels que le pic de fréquence (PF), correspondant à la fréquence la plus élevée
dans un énoncé donné, ou un coefficient décrivant la relation entre ce pic de
fréquence et la fréquence de la fondamentale (PF/F0, voir figure 4.1 ci-après).
D’autres paramètres ont été calculés permettant l’étude des relations entre les
parties tonales et les parties dites « bruitées ». Les auteurs ont également
utilisé des analyses corrélationnelles en vue de réduire le nombre de paramè-
tres étudiés en sélectionnant quinze paramètres pour leurs analyses discrimi-
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

nantes. Finalement les auteurs ont démontré que les paramètres reliés à
l’intensité ou la fondamentale moyenne ne permettent pas de discriminer les
émotions positives des émotions négatives. Selon cette étude, le coefficient PF/
F0, décrit ci-dessus, et les paramètres liés au PF sont les meilleurs discrimina-
teurs de la distinction entre les émotions aversives et non aversives (Hammers-
chmidt et Jurgens, 2007).
En ce qui concerne les mesures plus classiques de la F0, de l’intensité ou
de la durée des expressions, ces paramètres – « jitter » ou valeurs associées
aux formants – et ceux associés aux relations entre les pics de fréquences et
la F0 sont conçus comme des mesures qui devraient permettre d’améliorer la
120 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

différenciation entre différentes émotions exprimées. Il s’agit toutefois de mesures


qui ne peuvent être évaluées de manière fiable qu’en présence de voyelles
soutenues ; en d’autres termes, elles requièrent une bonne « qualité phonétique »
des enregistrements. Or les émotions tendent à affecter (dégrader) la « qualité
phonétique » des expressions verbales. La possibilité d’obtenir des mesures
fiables de « jitter » ou de formants dans la parole émotionnelle doit donc
encore faire l’objet de plus amples investigations.

PF max, PF max loc


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5
DFA2
Pic de fréquence
Fréquence (KHz)

Étude de fréquence
3

1
Fréquence fondamentale

Temps 1s

PF max = pic de fréquence maximum, PF max loc = pic de fréquence maximum local,
DFA2 = fréquence à laquelle ont atteint 50 % de la distribution de l’amplitude des fr-
équences.
Figure 4.1
Spectrogramme présentant une production vocale émotionnelle, les niveaux
de gris codent pour l’énergie contenue dans les différentes bandes
de fréquences dans le temps (adapté de Hammerschmidt et Jurgens, 2007).

■ Étude des processus de production


Les processus de production – la manière dont l’état émotionnel affecte les
expressions vocales – ne sont presque jamais pris en compte dans les études.
À notre connaissance, il n’existe qu’un seul modèle théorique relatif à cette
question. Il s’agit du modèle formulé par Scherer (Scherer, 1986, 2003) qui
postule que différentes dimensions de l’évaluation cognitive antécédente aux
réactions émotionnelles (voir le chapitre 2) affectent systématiquement les
réactions physiologiques qui, à leur tour, conditionnent les expressions vocales
(voir Scherer, 1986, 2003).
Une partie des prédictions formulées dans le cadre de ce modèle ont été
testées par Johnstone et coll. (Johnstone et al., 2007). Dans une situation de
laboratoire (interactions avec un jeu d’ordinateur), Johnstone a manipulé deux
EXPRESSION VOCALE DES ÉMOTIONS 121

dimensions de l’évaluation cognitive : (1) l’implication de l’événement rela-


tivement aux buts de l’individu (l’événement favorise ou au contraire entrave
les buts de l’individu) et (2) la contrôlabilité de la situation (le contrôle de
l’individu sur la situation est soit élevé soit réduit). L’enregistrement des
réactions physiologiques des participants a permis de mettre en évidence un
effet d’interaction des deux dimensions manipulées. Les situations qui entra-
vaient les buts des participants ont produit une activation plus importante du
système nerveux autonome que les situations qui favorisaient leurs buts ;
mais ce sont les situations qui à la fois entravaient les buts des participants et
étaient peu contrôlables qui ont eu l’effet le plus massif sur l’activation auto-
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nome (évaluée par le niveau de conductance de la peau). Johnstone (2007) a
pu mettre en évidence que dans ces situations défavorables et peu contrôlables la
période d’ouverture de la glotte (mesurée par électroglottographie) diminue
en association avec l’augmentation de la conductance de la peau. Sur le plan
acoustique, les résultats de Johnstone montrent que cela se traduit par une
élévation des valeurs de plancher de la fréquence fondamentale (« F0 floor »).
Cette étude illustre la possibilité d’intégrer des résultats acoustiques à un
modèle théorique des processus de production. L’avantage de ce type d’approche
réside notamment dans la définition plus explicite de l’état émotionnel associé
aux modifications acoustiques observées. Dans l’exemple présenté, l’élévation
des valeurs de plancher de la fréquence fondamentale est associée à l’augmen-
tation de l’activation sympathique des participants qui est elle-même due à
une situation perçue comme défavorable et peu contrôlable. Cette définition est
plus spécifique qu’une définition qui se réduirait à une catégorie émotionnelle
telle que « stress » ou « anxiété ».

1.2.2 Les principaux résultats


Nous avons relevé ci-dessus que différentes études de production peuvent
inclure différents types d’expressions (simulées, induites ou spontanées) et diffé-
rents types d’émotions. De plus, les mêmes catégories émotionnelles (par exem-
ple : peur, colère, joie) peuvent recouvrir des états émotionnels variables dans
différentes études. Dans ce contexte, il est évidemment difficile de comparer et
de synthétiser les résultats obtenus par les études de production. Nous avons
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choisi de reproduire ci-dessous la synthèse des résultats proposée par Juslin et


Laukka (2003), ainsi que la synthèse des résultats proposée par Scherer
(2003). Quelques commentaires et conclusions relativement à ces descriptions
des résultats obtenus par les études de production seront ensuite formulés.
Le tableau 4.1 résume la revue des résultats présentés par Juslin et Laukka
(2003). Ces auteurs ont inclus les expressions de colère, de peur, de joie, de
tristesse et de tendresse dans leur revue. Ils ont inclus, d’autre part, sept para-
mètres acoustiques relativement fréquemment étudiés (partie supérieure du
tableau 4.1) ; ainsi que sept paramètres plus rarement utilisés (partie inférieure
du tableau 4.1).
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Tableau 4.1
122

Synthèse des résultats tirée de la revue de Juslin et Laukka). (2003, p. 792-799) (Laukkanen, Vilkman, Alku et Oksanen, 1996)

Paramètre Colère Peur Joie Tristesse Tendresse

Intensité (moy)
forte (30/32) forte (11/22) forte (20/26) faible (29/32) faible (4/4)
(forte – moyenne – faible)

Intensité variabilité
forte (9/12) forte (7/12) forte (8/13) faible (8/11)
(forte – moyenne – faible)

F0 (moy)
haute (33/43) haute (28/39) haute (34/38) basse (40/45) basse (4/5)
(haute – moyenne – basse)

F0 variabilité
forte (27/35) faible (17/32) forte (33/36) faible (31/34) faible (5/5)
(forte – moyenne – faible)

F0 contours
montant (6/8) montant (6/6) montant (7/7) descendant (11/11) descendant (3/4)
(montant – descendant)

Énergie hautes fréqu.


forte (22/22) forte (8/16) forte (13/17) faible (19/19) faible (3/3)
(forte – moyenne – faible)

Débit de parole
rapide (28/35) rapide (24/29) rapide (22/33) lent (30/36) lent (3/4)
(rapide – moyen – lent)

Régularités microstruct. b
irrégulier (3/3) irrégulier (2/2) régulier (2/2) irrégulier (4/4) régulier (1/1)
(régulier – irrégulier)
TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

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Tableau 4.1 (suite)


Synthèse des résultats tirée de la revue de Juslin et Laukka). (2003, p. 792-799) (Laukkanen, Vilkman, Alku et Oksanen, 1996)

Paramètre Colère Peur Joie Tristesse Tendresse

Proportion de pauses
faible (8/8) faible (4/9) faible (3/6) forte (11/12) forte (1/1)
(forte – moyenne – faible)

Précision articulation ?a
haute (7/7) haute (3/5) basse (6/6) basse (1/1)
(haute – moyenne – basse) (2 – 2 – 2)

Formant 1 (hauteur)
haut (6/6) bas (3/4) haut (5/6) bas (5/6)
(haut – moyenne – bas)
EXPRESSION VOCALE DES ÉMOTIONS

Formant 1 (largeur)
étroit (4/4) large (2/2) étroit (2/3) large (3/3)
(étroit – large)

« Jitter » ?a
fort (6/7) fort (5/8) faible (5/6)
(fort – faible) (4 – 4)

« Glottal waveform » c
abrupte (6/6) arrondie (4/6) abrupte (2/2) arrondie (4/4)
(abrupte – arrondie)

a Un nombre égal d’études ont rapporté différents niveaux pour ce paramètre et cette émotion (le nombre d’études ayant obtenu chaque niveau considéré pour ce paramètre

est représenté entre parenthèses)


b Lesirrégularités microstructurales sont définies comme des irrégularités à court terme au niveau de la F0, de l’intensité et/ou de la durée. L’irrégularité est théoriquement
associée aux expressions émotionnelles négatives.
c La forme du signal de la source vocale peut être obtenue par filtrage inverse.
123

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124 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

Juslin et Laukka ont reclassé les résultats obtenus dans différentes études
en trois niveaux pour certains paramètres acoustiques – par exemple : inten-
sité forte, moyenne ou faible – ou deux niveaux pour d’autres paramètres –
par exemple : contour de F0 montant versus descendant. Dans le tableau 4.2,
nous indiquons pour chaque paramètre acoustique et chaque émotion consi-
dérée le niveau le plus fréquemment obtenu dans les études examinées par
Juslin et Laukka. Les nombres entre parenthèses indiquent le nombre
d’études ayant obtenu ce résultat (1er nombre) sur le nombre total d’études
(2e nombre) ayant rapporté un résultat pour cette émotion et ce paramètre
dans la revue effectuée par Juslin et Laukka.
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Les proportions rapportées entre parenthèses dans le tableau 4.1 révèlent
qu’à partir du moment où un nombre relativement important d’études ont
examiné un paramètre acoustique pour une émotion donnée, l’unanimité des
différentes études concernant la valeur de ce paramètre pour cette émotion
est assez rare. De tels cas existent néanmoins. Ainsi, les vingt-deux études ayant
examiné la proportion d’énergie dans les hautes fréquences pour les expressions
de colère rapportent une forte proportion d’énergie dans les hautes fréquen-
ces pour ces expressions. Le désaccord entre les différentes études est parfois
assez important : seules dix-sept études sur trente-deux études examinées par
Juslin et Laukka rapportent par exemple que les expressions de peur sont
associées à une faible variabilité de la F0, six études ont rapporté une varia-
bilité moyenne de la F0 et neuf études une variabilité forte de la F0 pour les
expressions de peur. Cette variabilité des résultats est probablement en
grande partie attribuable au problème, déjà plusieurs fois évoqué, de la varia-
bilité de la définition des états émotionnels regroupés sous le même label. Les
expressions de « peur » pourraient par exemple correspondre à des expressions
« d’inquiétude » dans certaines études et à des expressions de « peur panique »
dans d’autres études.
Les paramètres acoustiques fréquemment utilisés, représentés dans la partie
supérieure du tableau 4.1, ne paraissent pas en mesure de différencier les
sept catégories émotionnelles examinées. À ce niveau de représentation, ces
paramètres semblent tous effectuer la même distinction entre les expressions
de colère, de peur et de joie, d’une part, et les expressions de tristesse et de
tendresse, d’autre part. La seule exception concerne la variabilité de la F0 qui
est plus souvent rapportée comme faible pour les expressions de peur1 alors
qu’elle est plus fréquemment rapportée comme forte pour les expressions de
colère et de joie. Les paramètres moins fréquemment utilisés, représentés
dans la partie inférieure du tableau, présentent des patterns différents pour
les cinq catégories émotionnelles considérées. Les résultats pour ces paramètres
sont toutefois peu nombreux et les résultats obtenus par différentes études ne

1. Le désaccord, en ce qui concerne la variabilité de la F0 pour les expressions de peur, est toutefois
assez important (cf. commentaire ci-dessus).
EXPRESSION VOCALE DES ÉMOTIONS 125

sont pas toujours identiques. D’avantage de résultats concernant ces paramètres


sont donc nécessaires avant de pouvoir en déduire des conclusions définitives.
Le tableau 4.2 est reproduit de la revue de Scherer (2003, p. 233). Les flèches
dirigées vers le haut désignent un accroissement du paramètre acoustique
considéré pour l’expression émotionnelle envisagée ; les flèches dirigées vers
le bas correspondent à une diminution de la valeur du paramètre (ou des contours
de F0 descendants). La synthèse de Scherer inclut six catégories émotionnelles :
le stress, la colère/rage, la peur/panique, la tristesse, la joie/joie intense et l’ennui.
Les spécifications des catégories émotionnelles proposées après les barres
obliques sont issues de l’idée que les expressions de colère, de peur et de joie
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habituellement étudiées correspondraient à des versions actives de ces émotions,
c’est-à-dire la colère chaude, la peur panique et la joie intense. Cette revue
inclut d’autre part sept paramètres acoustiques qui ont été fréquemment
évalués pour les expressions émotionnelles considérées (ou au moins pour
une partie d’entre elles) : l’intensité acoustique moyenne, la F0 moyenne (ou
une valeur minimale de la F0), la variabilité de la F0, l’étendue de la F0, la
forme des contours de F0, la proportion d’énergie dans les hautes fréquences
et le débit de parole.

Joie/Joie
Stress Colère/Rage Peur/Panique Tristesse intense Ennui
Intensité
Plancher/moyenne de F0
Variabilité de la F0
Étendue de la F0
Contours de phrase
Énergie dans les hautes fréquences
Tempo de parole et d'articulation

Tableau 4.2
Synthèse des résultats obtenus par les études de production
selon Scherer (2003, p. 233).
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Les critères d’inclusion/exclusion d’un paramètre acoustique ou d’une


catégorie d’expression émotionnelle dans une revue de la littérature sont
toujours plus ou moins arbitraires. La comparaison des revues de Scherer (2003)
et de Juslin et Laukka (2003) permet de constater que ces auteurs ont notam-
ment inclus des états émotionnels en partie différents – « stress » et « ennui »
dans la revue de Scherer et « tendresse » dans la revue de Juslin et Laukka –
et différents paramètres acoustiques – Scherer n’inclut notamment pas les
paramètres peu fréquents, alors que Juslin et Laukka ont inclus l’étendue de F0
(F0 range) dans la catégorie « variabilité de la F0 ». Les résultats qui recouvrent
les mêmes émotions et les mêmes paramètres acoustiques sont toutefois
126 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

identiques dans les deux revues, à l’exception des contours de F0 qui seraient
descendants pour la colère selon la revue proposée par Scherer, alors que
Juslin et Laukka indiquent que six des huit études qu’ils ont considérées
rapportent des contours montants pour les expressions de colère.
Ces deux revues permettent de tirer des conclusions qui ont été également
formulées dans d’autres publications (par ex. Davitz, 1964 ; Frick, 1986 ;
Johnstone, Oakes et Scherer, 2000 ; Johnstone et al., 2007 ; Johnstone, van
Reekum, Hird, Kirsner et Scherer, 2005 ; Scherer, 1986). Si l’on accepte le
postulat selon lequel les expressions de joie, de colère et de peur habituellement
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étudiées correspondent à des états émotionnels fortement activés (joie intense,
colère chaude, peur panique), les résultats issus des études de production
indiquent que les paramètres acoustiques habituellement mesurés reflètent
essentiellement l’activation émotionnelle. Les émotions qui incluent une
activation forte – telle que la colère, la peur panique, la joie intense – présen-
tent un accroissement des valeurs de F0 et d’intensité et une diminution de la
durée de différents segments correspondant à une accélération de la parole.
Ce qui n’est pas le cas des états qui incluent un degré d’activation faible, tels
que la tristesse, l’ennui ou la tendresse qui présentent une diminution des
valeurs de F0 et d’intensité, ainsi qu’une augmentation de la durée de différents
segments. Un constat très similaire a été effectué par Sundberg, Iwarsson et
Hagegård (1995) dans le contexte d’une étude de l’expression émotionnelle
dans la voix chantée. Ces auteurs ont observé que des extraits de musique
classique interprétés de manière expressive (émotionnelle) par un chanteur
professionnel sont réalisés avec un tempo ralenti et une intensité diminuée
pour les extraits qu’ils ont identifiés comme « non agités », alors que le
tempo est rapide et l’intensité élevée dans les interprétations émotionnelles
des extraits qui possèdent un caractère musical « agité ».
Des études isolées présentent parfois des patterns acoustiques spécifiques
pour différentes catégories/familles d’émotions exprimées. Mais ces profils
acoustiques sont rarement répliqués d’une étude à l’autre. Sur le plan géné-
ral, le consensus semble donc bien se limiter à un effet de l’activation sous-
jacente aux expressions étudiées. Deux types d’explications, au moins, ont
été avancés à ce sujet. La première concerne le problème, déjà plusieurs fois
évoqué, de la définition des états émotionnels sous-jacents aux expressions
étudiées. Des profils différenciés pour différentes catégories émotionnelles
ne peuvent être consensuels si ces catégories recouvrent en réalité différents
états émotionnels (et donc différentes expressions) dans différentes études.
La seconde explication a trait aux paramètres acoustiques utilisés pour définir les
profils acoustiques des expressions émotionnelles. Les paramètres mesurés
refléteraient essentiellement la dimension d’activation émotionnelle et
l’utilisation d’autres paramètres – mieux choisis – permettrait une meilleure
différenciation des différents états émotionnels sur le plan acoustique. Les
résultats résumés par Juslin et Laukka (2003, voir tableau 4.1) tendent à renforcer
cette hypothèse. Ils indiquent que les paramètres acoustiques moins
EXPRESSION VOCALE DES ÉMOTIONS 127

fréquemment utilisés pourraient éventuellement contribuer à différencier les


expressions émotionnelles examinées.

1.2 Décodage – reconnaissance des expressions vocales


émotionnelles
Les études de la perception des expressions vocales visent en premier lieu à
évaluer la possibilité pour des groupes d’auditeurs de reconnaître (discriminer)
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des expressions correspondant à différentes catégories émotionnelles. Quel-
ques études se sont par ailleurs intéressées aux caractéristiques vocales qui
permettent aux auditeurs de reconnaître les expressions vocales émotionnelles.
Les méthodes utilisées par ces deux types d’études et les principaux résultats
qu’elles ont obtenus sont présentés ci-dessous.

1.2.1 La méthodologie
Les principales méthodes utilisées par les études qui ont tenté d’évaluer la
possibilité de reconnaître différents types d’émotions exprimées seront présentées
et discutées dans un premier temps. Les méthodes utilisées par les études qui
se sont penchées sur les caractéristiques vocales qui interviennent dans le
processus de reconnaissance seront présentées ensuite.

■ Reconnaissance/discrimination des catégories émotionnelles exprimées


Les différents types d’expressions décrits ci-dessus, dans la section consa-
crée aux méthodes utilisées par les études de production, ont été exploités
également dans des études de reconnaissance des émotions exprimées. La
majorité des études de perception ont toutefois été réalisées en utilisant des
expressions émotionnelles simulées par des acteurs et correspondant à un
nombre relativement réduit de catégories émotionnelles. Dans ce domaine
d’étude, le contenu verbal des expressions ne doit, en principe, pas porter de
significations émotionnelles, de manière à ne pas influencer les attributions
des auditeurs. Le contenu des expressions correspondant à différentes émotions
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est donc en général constant et « neutre », au sens ou les locuteurs/acteurs


prononcent des phrases avec une signification non émotionnelle ou, parfois,
des séquences de syllabes sans signification (e.g. Banse et Scherer, 1996).
Différentes méthodes ont été utilisées dans ce domaine pour recueillir les
jugements des auditeurs relativement aux émotions exprimées. Le plus souvent,
des expressions vocales correspondant à des catégories émotionnelles –
telles que la joie, la peur, la tristesse ou la colère – sont présentées à des audi-
teurs qui ont pour tâche de choisir, parmi une liste de catégories émotionnelles,
la catégorie qui correspond à l’expression vocale présentée. La liste des caté-
gories disponibles correspond en général aux catégories émotionnelles qui
128 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

sont théoriquement exprimées dans les expressions vocales. Dans cette


procédure de choix forcé, la tâche des auditeurs n’est donc pas de reconnaître
les émotions exprimées mais de les discriminer en fonction des catégories
qui leur sont soumises.
Parallèlement au nombre d’émotions théoriquement exprimées dans les
enregistrements étudiés, le nombre d’alternatives de réponses varie d’étude
en étude : quatorze catégories émotionnelles ont été, par exemple, proposées
aux auditeurs dans l’étude de Banse et Scherer (1996) ; alors qu’on trouve
sept catégories (incluant une catégorie « neutre ») chez Mozziconacci (1998).
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Beaucoup d’études n’incluent toutefois pas plus de cinq à six catégories
différentes (par ex. Breitenstein, Van Lancker, et Daum, 2001 ; Scherer,
Banse, et Wallbott, 2001). Le nombre d’expressions correctement reconnues
est évidemment en partie fonction du nombre de catégories émotionnelles
exprimées et du nombre d’alternatives de réponse différentes. Dans une étude
qui utiliserait cinq alternatives de réponse, un auditeur a 20 % de chance de
donner une réponse correcte au hasard ; alors que la probabilité de répondre
correctement au hasard n’est que de 10 % dans une étude qui utiliserait
dix alternatives de réponse. La proportion de réponses correctes pour une caté-
gorie émotionnelle spécifique est d’autre part fonction des biais de réponse
qui peuvent éventuellement apparaître dans ces études. Si une catégorie
émotionnelle est systématiquement choisie plus fréquemment que les autres
(alors que toutes les catégories sont exprimées avec la même fréquence), la
probabilité que les expressions qui correspondent à cette catégorie soient
reconnues correctement est plus élevée que pour les catégories qui sont choisies
moins fréquemment.
Par ailleurs, la procédure basée sur la discrimination peut favoriser des taux
de reconnaissance élevés dans les cas où certaines catégories peuvent être
facilement discriminées de l’ensemble des autres catégories. Dans l’hypothèse
où certaines propriétés dimensionnelles des expressions vocales – telles que
la valence ou l’activation – pourraient être facilement identifiées, la présence
d’une catégorie opposée aux autres catégories sur une telle dimension facili-
terait notamment sa discrimination (Russell, 1994). Ainsi, une étude qui
inclurait les réponses alternatives « joie », « peur », « colère » et « tristesse »
pourrait obtenir des taux de reconnaissance très élevés, basés uniquement sur
la discrimination des expressions positives versus négatives (qui permettrait
d’identifier les expressions de « joie ») et sur la discrimination des expressions
faiblement activées versus fortement activées (qui permettrait d’identifier les
expressions de tristesse).
D’autres procédures ont également, bien que plus rarement, été utilisées
pour évaluer les attributions émotionnelles relatives aux expressions vocales.
Certains auteurs ont par exemple donné la possibilité aux auditeurs de sélec-
tionner plus d’une catégorie pour chaque expression vocale, de manière à
indiquer la présence d’un « mélange » entre plusieurs catégories émotionnelles
EXPRESSION VOCALE DES ÉMOTIONS 129

simultanément exprimées (e.g. Mozziconacci, 2001 ; Scherer et al., 2001).


Ces réponses multiples non systématiques sont toutefois difficiles à traiter
sur le plan statistique.
Une autre possibilité consiste à demander aux auditeurs d’évaluer l’intensité
de plusieurs émotions exprimées pour chaque expression vocale présentée
(e.g. Frick, 1986). Dans ce cas, les auditeurs indiquent une intensité nulle
lorsqu’ils n’identifient pas la catégorie émotionnelle considérée dans l’expres-
sion présentée ou un degré d’intensité correspondant à l’intensité de l’émotion
qu’ils perçoivent dans cette expression. Cette procédure ne nécessite pas, en
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principe, qu’une discrimination soit effectuée entre les catégories émotion-
nelles dont l’intensité est évaluée ; elle permettrait donc en théorie de résoudre
les problèmes associés à la discrimination des catégories. Toutefois, un très
grand nombre d’intensités nulles sont en général rapportées dans ce contexte.
Il existe donc un risque de « glissement » sur le plan de l’utilisation des
échelles d’intensité. Il ne peut être exclu notamment que les auditeurs sélec-
tionnent (discriminent) une catégorie et lui attribuent une intensité relative-
ment élevée tout en attribuant une intensité nulle à l’ensemble des autres
catégories. Paradoxalement, cette utilisation des échelles d’intensité est en
général « souhaitée » par les chercheurs qui postulent le plus souvent qu’un
seul type d’émotion est exprimé dans chaque expression vocale.
Une dernière possibilité d’évaluer les attributions émotionnelles relative-
ment aux expressions vocales consiste à évaluer les expressions sur une ou
plusieurs dimensions sous-jacentes aux émotions exprimées. Cette approche
a été utilisée déjà par Davitz (1964) qui a demandé à un groupe d’auditeurs
d’évaluer un ensemble d’expressions vocales sur trois dimensions proposées
par Osgood, Suci et Tannenbaum (1957) : la valence, l’activation (activity) et
le contrôle (strength). D’autres tentatives de caractériser les expressions
vocales émotionnelles en fonction de différentes dimensions perçues ont
depuis été effectuées (Laukka et al., 2005). Certains auteurs ont notamment
combiné une approche dimensionnelle avec une approche catégorielle en
ajoutant l’évaluation d’une ou plusieurs dimensions à la sélection d’une caté-
gorie (e.g. Breitenstein et al., 2001).
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■ Caractéristiques vocales impliquées dans les processus de reconnaissance


Dans le cadre de l’étude de la reconnaissance des expressions vocales
émotionnelles, un petit nombre de travaux s’est intéressé aux processus de
décodage. Ces études ont tenté d’identifier les caractéristiques vocales utilisées
par les auditeurs pour former des attributions émotionnelles à partir des expres-
sions vocales. Trois types d’approches ont été utilisés dans ce domaine.
Quelques études ont établi des corrélations multiples entre les caractéris-
tiques acoustiques des expressions vocales et les attributions émotionnelles
effectuées par des auditeurs. Cette première approche fournit des indications
130 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

concernant les caractéristiques susceptibles d’avoir influencé les attributions


émotionnelles des auditeurs (Banse et Scherer, 1996 ; Scherer, 2003 ; van
Bezooijen, 1984).
Une deuxième approche consiste à éliminer (masquer) une partie de
l’information contenue dans les expressions. Dans ce domaine, la technique la
plus fréquemment utilisée consiste à éliminer par filtrage toutes les fréquences
qui dépassent un seuil donné (low-pass filtering), ce qui a pour but de supprimer
les informations relatives au timbre vocal ainsi que le contenu phonétique
des expressions, alors que l’essentiel des aspects rythmiques et mélodiques
reste préservé. D’autres techniques – telles que le découpage des expressions
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en segments courts et leur recomposition dans un ordre aléatoire (randomized
splicing) – peuvent être utilisées afin de conserver au contraire le timbre
vocal et de supprimer les aspects de rythme et de mélodie. Cette approche a
permis de démontrer qu’il reste possible d’identifier l’émotion exprimée
même lorsque l’on supprime certaines dimensions de l’information. L’émotion
serait donc communiquée à la fois par les aspects mélodiques et rythmiques
de la voix ainsi que par certains aspects du timbre vocal (voir Scherer, Feldstein,
Bond et Rosenthal, 1985, pour une discussion des caractéristiques et des résul-
tats de différentes techniques de masquage).
La troisième approche consiste à manipuler certaines caractéristiques des
expressions en utilisant des techniques de synthèse ou de resynthèse vocale.
Cette approche permet la manipulation expérimentale simultanée de
plusieurs paramètres vocaux dont les effets directs et les effets d’interac-
tions sur les attributions émotionnelles peuvent être évalués. Scherer et
Oshinsky (1977) ont par exemple étudié l’effet de la variation de l’ampli-
tude, du niveau, du contour et de la variabilité de la F0, ainsi que l’effet de
la variation du rythme, de la richesse harmonique et de la tonalité sur les
attributions émotionnelles. Les techniques de resynthèse permettent d’utili-
ser des voix naturelles qui sont enregistrées, digitalisées puis reproduites
avec des modifications systématiques de certains paramètres. Dans une
publication de 1988, Bergmann et coll. (Bergmann, Goldbeck et Scherer,
1988) ont par exemple manipulé le niveau, la variabilité, l’écart et le
contour de F0, l’intensité et la durée de productions vocales réelles. Plus
récemment, Mozziconacci (1998) a également manipulé des aspects relatifs
aux contours de F0 et à la durée d’un ensemble d’expressions, en tentant de
définir les valeurs optimales pour la communication de plusieurs catégories
d’émotions.
Les études qui ont à ce jour utilisé l’une de ces trois approches ont confirmé
l’intervention de plusieurs dimensions vocales différentes dans le processus
d’attribution émotionnelle. Parmi les dimensions manipulées par ces études,
le rôle de l’évolution de la fréquence fondamentale au fil de l’expression
(contour de F0) a été plus particulièrement examiné par différents auteurs
(e.g. Lieberman et Michaels, 1962 ; Mozziconacci, 1998 ; Scherer, Ladd
et Silverman, 1984 ; Uldall, 1964). Les résultats obtenus par ces auteurs
EXPRESSION VOCALE DES ÉMOTIONS 131

indiquent plus largement que différents aspects relatifs à l’intonation1 des


expressions sont probablement impliqués dans la communication vocale des
émotions. La question du rôle exact de l’intonation dans cette forme de commu-
nication reste cependant débattue. Pakosz (1983) a notamment postulé que seul
le niveau d’activation émotionnel est transmis (exprimé et perçu) sur le plan
de l’intonation des expressions vocales. Une approche intéressante de cette
problématique peut-être trouvée chez Scherer et al. (1984) qui ont explicite-
ment testé deux hypothèses (ou modèles) concernant la manière dont diffé-
rentes caractéristiques vocales influencent l’attribution émotionnelle. Ils ont
montré que d’une part certaines catégories telles que le contour final des énoncés
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– montant versus descendant – influencent les attributions émotionnelles en
fonction de l’interaction avec d’autres catégories, notamment linguistiques.
D’autre part, ils ont pu montrer que la variation continue de certaines carac-
téristiques affecte directement les attributions émotionnelles. L’augmentation
(continue) de la fréquence fondamentale moyenne corrèle par exemple avec
les jugements du degré d’activation émotionnelle des locuteurs. Ces auteurs
ont proposé que les variables qui affectent les attributions émotionnelles de
manière continue reflètent surtout l’activation physiologique liée à la réaction
émotionnelle du locuteur. Alors que les variables catégorielles qui affectent
l’intonation en interaction avec des catégories linguistiques tendraient à signaler
plutôt des attitudes du locuteur (par exemple amicale ou réprobatrice).

1.2.2 Les principaux résultats

Comme pour les études de production, il est assez difficile de comparer et de


synthétiser les résultats obtenus par les études consacrées à la reconnaissance
(discrimination) des expressions vocales. Les différentes études effectuées
dans ce domaine ont utilisé différents types d’expressions et surtout différentes
catégories émotionnelles, plus ou moins nombreuses. Des synthèses des résultats
sont toutefois assez fréquemment proposées par les principaux auteurs des
recherches effectuées dans ce domaine.
Dans une revue de la littérature basée sur environ trente études effectuées
avant le milieu des années 1980, Scherer (1989) indique que le pourcentage
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de reconnaissance correcte des expressions vocales est d’environ 60 %,


toutes émotions confondues, dans ces études. Cet auteur estime que ce pour-
centage est approximativement cinq fois plus élevé que ce qui serait obtenu si
les auditeurs répondaient en choisissant une émotion au hasard. Dans une revue
plus récente, Scherer et al. (2001) rapportent également un pourcentage

1. L’étude de l’intonation des expressions vocales émotionnelles est très souvent réduite à une
description de certains aspects des contours de F0 ou – plus rarement – de la hauteur perçue.
Quelques auteurs ont toutefois inclus également des manipulations de la durée ou de l’intensité
des expressions dans leurs tentatives d’examiner l’intonation des expressions vocales émotionnelles.
132 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

moyen de reconnaissance correcte de 66 % (avec cinq alternatives de réponse)


pour onze études effectuées dans différents pays occidentaux.
Récemment Juslin et Laukka (2003) ont présenté une méta-analyse incluant
trente-neuf études ayant utilisé un paradigme de choix forcé. Ils ont traduit les
pourcentages de reconnaissance correcte rapportés dans ces études par un index
(effect size index, π) proposé par Rosenthal et Rubin (1989) pour la méta-analyse
des études de jugements effectuées dans un paradigme de choix forcé. Cet
index permet de comparer les résultats d’études incluant différents nombres
d’alternatives de réponses en transformant ces résultats pour les exprimer sur
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une même échelle de « choix dichotomique ». Sur une telle échelle, la valeur
.50 (50 %) correspond à des réponses données au hasard et la valeur 1.00 à
des réponses correctes à 100 %. Juslin et Laukka (2003) ont inclus cinq caté-
gories émotionnelles qui sont relativement bien reconnues : la colère, la peur,
la joie, la tristesse et la tendresse. Dans le tableau 4.3, nous reproduisons
l’index π moyen rapporté par ces auteurs pour chacune de ces cinq catégo-
ries émotionnelles et pour la reconnaissance globale des émotions. L’index π
le plus faible (minimum) et l’index π le plus élevé (maximum), ainsi que le
nombre d’études et le nombre total de locuteurs inclus dans cette méta-
analyse sont également reproduit dans le tableau 4.3.

Tableau 4.3
Résultats de la méta-analyse publiée par Juslin et Laukka (2003, p. 787).

Colère Peur Joie Tristesse Tendresse Total**

Moyenne index π* .93 .88 .87 .93 .82 .90

Minimum index p* .77 .65 .51 .80 .69 .69

Maximum index p* 1.00 1.00 1.00 1.00 .89 1.00

Nombre d’études 32 26 30 31 6 38

Nombre de locuteurs 278 273 253 225 49 473

*Les valeurs rapportées correspondent à la méta-analyse de Juslin et Laukka (2003) pour les études
intraculturelles (les résultats des études qui ont testé la reconnaissance interculturelle des expressions
vocales ne sont pas inclus).
** La colonne « total » reflète les taux de reconnaissance émotionnelle rapportés dans trente-huit études
indépendamment des émotions qu’elles ont étudiées. Ce résultat comprend donc implicitement un grand
nombre de catégories émotionnelles utilisées dans différentes études (non seulement les catégories
représentées dans les colonnes du tableau).

Les résultats de la méta-analyse de Juslin et Laukka corroborent une constata-


tion effectuée également dans d’autres revues de la littérature (e.g. Johnstone et
Scherer, 2000 ; Scherer, 2003) relativement aux pourcentages de reconnaissance
EXPRESSION VOCALE DES ÉMOTIONS 133

obtenus pour différentes catégories d’émotions. Dans la grande majorité des


études, la tristesse et la colère sont les catégories émotionnelles les mieux
reconnues. Les expressions de peur et de joie sont relativement moins bien
reconnues. Ce résultat a été régulièrement répliqué malgré la variabilité des
expressions et des méthodes utilisées dans différentes études. Dans le même
sens, les expressions de dégoût sont systématiquement très mal reconnues dans
les études qui ont inclus cette catégorie d’expression. Scherer (Johnstone et
Scherer, 2000 ; Scherer, 2003) a mis en évidence que les expressions moins
bien reconnues sur le plan vocal – notamment les expressions de dégoût et de
joie – sont très bien reconnues sur le plan des expressions faciales. Cette
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observation permet d’émettre l’hypothèse que certaines expressions – telles
que les expressions de joie et de dégoût – seraient « préférentiellement »
communiquées par le canal facial/visuel, alors que d’autres expressions –
telles que les expressions de colère et de tristesse – seraient préférentielle-
ment communiquées par le canal vocal/auditif.
Les confusions entre les émotions exprimées et les émotions reconnues/
discriminées sont assez rarement rapportées dans les études publiées. Plusieurs
auteurs relèvent toutefois que les matrices de confusions représentent une source
d’information essentielle, notamment relativement aux biais de réponse qui
interviennent probablement dans la plupart des études (voir Juslin et Laukka,
2003). Banse et Scherer (1996) ont proposé de considérer les confusions comme
des indicateurs de similarité perçue entre les expressions confondues. Dans leur
étude publiée en 1996, ces auteurs ont rapporté que les émotions appartenant
à une même « famille » – mais correspondant à différents niveaux d’activation
comme la « colère chaude » et la « colère froide » – sont plus souvent confon-
dues entre elles qu’avec des émotions appartenant à d’autres « familles ». Un
autre facteur de confusion (ou une autre dimension de similarité) pourrait
être, justement, l’activation. Les expressions « exaltées » (joie très activée) sont,
par exemple, assez souvent confondue avec les expressions de « désespoir »
(tristesse fortement activée). Selon Banse et Scherer (1996), une troisième
dimension de similarité serait la valence, les expressions positives sont plus
souvent confondues entre elles qu’avec des expressions négatives. Ces hypo-
thèses sont en partie confortées par les résultats obtenus par Green et Cliff
(1975). Ces auteurs ont recueilli des jugements de similarité pour un ensemble
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

d’expressions vocales émotionnelles. Une analyse multidimensionnelle leur


a permis d’identifier les deux dimensions principales sous-jacentes aux juge-
ments de similarité. Ils ont interprété ces dimensions comme correspondant à
la valence et à l’activation sous-jacentes aux émotions exprimées.
Au-delà des confusions (ou des similarités perçues), les études de perception
ont largement confirmé que les émotions exprimées par la voix, ou au moins
différents aspects des émotions – telles que la valence, l’activation ou la famille
émotionnelle – peuvent être correctement reconnues. Cette conclusion contraste
avec les résultats obtenus sur le plan acoustique où la synthèse de la littérature
indique que les caractéristiques vocales habituellement mesurées semblent
134 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

refléter essentiellement le niveau d’activation sous-jacent aux expressions


émotionnelles. Si des auditeurs sont capables de différencier des expressions
vocales correspondant à différentes familles émotionnelles, des différences
acoustiques spécifiques à différents types d’émotions sont nécessairement
présentes dans les expressions et devraient pouvoir être mesurées.
Cette dernière constatation doit cependant être modérée, dans la mesure
où les résultats relatifs à la reconnaissance des émotions exprimées et les
résultats relatifs aux caractéristiques vocales correspondant à différentes
émotions exprimées sont le plus souvent obtenus dans des études distinctes.
Les études centrées sur la description des caractéristiques vocales correspon-
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dant à différentes émotions exprimées rapportent très rarement des résultats
détaillés concernant la reconnaissance des émotions exprimées. Lorsque des
études de jugement sont effectuées dans ce cadre, elles sont en général destinées
à sélectionner les expressions émotionnelles qui sont « le mieux reconnues ».
Les caractéristiques vocales (paramètres acoustiques) des expressions « bien
reconnues » sont ensuite extraites et analysées. La proportion des expres-
sions vocales correctement reconnues par un groupe d’auditeurs est donc
parfois rapportée dans les études de la production. En revanche, les confu-
sions effectuées par les auditeurs ne sont en général pas examinées dans ce
contexte. Il semble donc particulièrement important d’examiner à la fois la
production (les caractéristiques vocales) et la perception (la reconnaissance)
des mêmes expressions vocales émotionnelles, notamment afin d’évaluer
dans quelle mesure la communication peut (ou ne peut pas) être expliquée
par les caractéristiques vocales mesurées.
Cette problématique de l’intégration des études de production et de perception
sera développée plus en détail ci-dessous, dans le contexte d’une proposition de
Scherer (1978, 2003) qui a suggéré d’utiliser le paradigme du modèle en lentille
de Brunswik (1956) pour l’analyse de la communication vocale des émotions.

2 PARADIGME DU MODÈLE EN LENTILLE


DE BRUNSWIK APPLIQUÉ À L’ÉTUDE
DE LA COMMUNICATION VOCALE
DES ÉMOTIONS

Dans un ouvrage de 1956, Brunswik a formulé un certain nombre de principes


théoriques et méthodologiques relatifs à l’étude de la perception. Il a appliqué
ces principes à l’étude de différents phénomènes parmi lesquels figurent, entre
autres, les constances et les illusions perceptives mais également l’attribution
de traits psychologiques à partir de l’observation de l’aspect extérieur d’un
individu. L’approche utilisée par Brunswik a été reprise par Scherer (1978)
pour étudier les jugements relatifs à des traits de personnalité sur la base de
EXPRESSION VOCALE DES ÉMOTIONS 135

l’expression vocale. À plusieurs reprises, cet auteur a ensuite proposé d’utili-


ser une version modifiée du modèle en lentille (lens model) de Brunswik
comme paradigme pour la recherche sur la communication non verbale, et en
particulier pour l’étude de la communication vocale des émotions (Grand-
jean, Banziger, et Scherer, 2006 ; Scherer, 1982, 2003). Cette adaptation du
modèle de Brunswik peut être représentée par la figure 4.2 (reproduite de
Scherer, 1978).

Validité fonctionnelle
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Niveau
phénoméno-
logique Externalisation Représentation Utilisation
perceptive inférentielle

Indicateurs Percepts
Traits/États distaux proximaux Attribution

D1 P1

D2 P2
C .. .. A
. .

Di Pj
Valeur Valeur des Jugements Attribution de
du critère indicateurs perceptifs jugements

Niveau Coefficient Coefficient Coefficient


opérationnel d’association de représentations d’utilisation

Coefficient de précision

À partir d’un état ou d’un trait (C, par exemple un état de colère), un ensemble de ca-
ractéristiques peuvent être décrites (indicateurs distaux) qui correspondent plus ou
moins à des phénomènes perceptifs (percepts proximaux) débouchant sur une attribution,
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

par exemple une émotion de colère (voir également Grandjean, Baenziger et Scherer
(2006) ; adapté de Scherer (1978)).
Figure 4.2
Modèle en lentille de Brunswik distinguant deux niveaux :
l’un fonctionnel et l’autre correspondant au coefficient de précision.

Dans ce modèle, les états internes – dans le cas présent les émotions – sont
extériorisés sous la forme d’indices distaux qui correspondent dans le
contexte de la communication vocale aux caractéristiques acoustiques de la voix.
136 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

La notion d’extériorisation recouvre à la fois la communication intention-


nelle des états internes et les réactions comportementales et physiologiques
involontairement produites. Sur le plan opérationnel, les états internes sont
représentés par des valeurs de critère et les indices distaux par des valeurs
d’indicateurs. Les indices distaux sont représentés de manière proximale
par des percepts qui sont le résultat du traitement perceptif réalisé par
l’observateur. Sur le plan opérationnel, les percepts peuvent être évalués par
des jugements exprimés sous forme de scores sur des échelles/dimensions
psychophysiques. Les corrélations entre valeurs d’indicateurs et jugements
perceptifs sont désignées par le terme de coefficient de représentation, elles
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indiquent le degré de précision de la projection des indices distaux dans
l’espace perceptif de l’individu. L’attribution d’un état est le résultat de
processus d’inférence basés sur la perception des indices distaux. Ces attribu-
tions peuvent être évaluées en obtenant à nouveau des jugements de la part
d’observateurs, mais cette fois sur des dimensions psychologiques. Les
corrélations entre jugements perceptifs et attributions sont représentées dans
le modèle par les coefficients d’utilisation qui donnent une mesure de l’utili-
sation (ou du poids) de chaque indice perçu lors de l’inférence d’un état.
L’exactitude des attributions relativement à l’état objectivement observé de
l’individu est définie sur le plan opérationnel par la corrélation entre les
valeurs de critère et les attributions (coefficients d’exactitude/accuracy).
Ce modèle permet de spécifier et de distinguer plusieurs étapes impliquées
dans le processus de communication. La partie gauche du modèle corres-
pond aux processus d’encodage de l’émotion dans la voix, alors que la partie
droite recouvre les processus de décodage. En opérationnalisant et en mesurant
toutes les étapes décrites par le modèle, il devient possible de représenter le
processus de communication et d’évaluer l’importance relative de différentes
caractéristiques vocales au niveau de l’encodage et du décodage.
Récemment, Scherer (2003) a considéré la possibilité d’inclure un nombre
plus important d’étapes dans la description du processus de communication
(voir aussi Scherer, Johnstone et Klasmeyer, 2003). Les « variables proximales »
sont notamment susceptibles d’être définies à plusieurs niveaux : première-
ment, les propriétés des expressions vocales produites par un locuteur peuvent
être modifiées (dégradées ou filtrées par le média de communication, couver-
tes par des bruits ambiants) avant de parvenir à l’émetteur. Deuxièmement, le
système perceptif de l’auditeur fonctionne lui-même comme un filtre, il sélec-
tionne et intègre différents aspects du signal acoustique qui lui parviennent.
Enfin, les caractéristiques acoustiques perçues sont catégorisées/organisées
dans le système de représentation de l’auditeur. Dans la proposition originale
de Scherer (1978), représentée par la figure 4.2, seul ce dernier niveau – les
représentations/jugements concernant les caractéristiques vocales des expres-
sions – est représenté. Les autres aspects du processus de communication
mériteraient toutefois d’être considérés dans un examen complet du proces-
sus d’inférence des émotions exprimées par la voix.
EXPRESSION VOCALE DES ÉMOTIONS 137

La proposition de Scherer (1978, 1982, 2003) concernant l’utilisation


du modèle en lentille pour la recherche sur la communication vocale
des émotions n’a pas rencontré un grand écho dans ce domaine de recher-
che. À notre connaissance, un seul auteur a repris cette proposition dans
le domaine de la communication non verbale des émotions. Il s’agit
de Juslin (1998) qui a utilisé le paradigme du modèle en lentille pour
analyser la communication des émotions par la musique. En revanche, le
modèle en lentille a été exploité dans d’autres domaines de recherche ; en
particulier pour « l’analyse de jugements », mais également dans le
domaine de la « perception interpersonnelle ». Un ouvrage édité par
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Hammond et Stewart (2001) offre une revue des travaux effectués récemment
dans ce domaine.

3 PROBLÉMATIQUES GÉNÉRALES

Trois aspects différents seront successivement examinés dans la partie


suivante. Premièrement, la question de la définition des catégories ou des
dimensions émotionnelles considérées dans le cadre de l’étude des expres-
sions vocales sera abordée. Deuxièmement, la problématique des processus
sous-jacents à la production et à la perception des expressions vocale sera
évoquée. Et, finalement, la question de la régulation des expressions vocale
et de l’influence du contexte social sur les expressions sera brièvement
présentée. Ces trois problématiques ne sont pas systématiquement exami-
nées dans le domaine de l’étude des expressions vocales émotionnelles. Elles
représentent néanmoins des problématiques centrales pour l’étude plus géné-
rale de la communication non verbale des émotions et mériteraient d’être
plus régulièrement soulevées également dans le cadre de l’étude plus spécifi-
que des expressions vocales.

3.1 Catégories et/ou dimensions émotionnelles


considérées
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Le premier aspect théorique abordé ci-dessous concerne l’utilisation de caté-


gories émotionnelles ou de dimensions émotionnelles dans le cadre de l’étude
des expressions vocales. Dans ce domaine, la plupart des études effectuées
ont utilisé des catégories émotionnelles – telles que la « peur », la « joie », le
« dégoût » – pour identifier les états émotionnels théoriquement sous-jacents
aux expressions étudiées. Les mêmes catégories sont également utilisées dans
les études destinées à évaluer la reconnaissance des émotions exprimées. Au-
delà des labels qui les identifient, ces catégories ne sont, le plus souvent, pas
définies théoriquement. Ce manque de spécification sur le plan des définitions
138 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

pose évidemment un certain nombre de problèmes. Les catégories identifiées


par les labels émotionnels les plus fréquemment utilisés dans ce domaine
(colère, peur, joie et tristesse) sont relativement larges et sont donc suscepti-
bles de correspondre à un éventail plus ou moins large d’états émotionnels
différents ; la colère, par exemple, pourrait correspondre à un état légèrement
irrité ou à une rage intense ; la peur à de l’inquiétude ou à de la peur panique.
Très peu d’études se sont intéressées à la possibilité de différencier des
expressions vocales correspondant à différents états émotionnels appartenant
à une même « famille » (identifiée par un label tel que colère, tristesse, peur
ou joie). Cet état de fait est probablement dû à l’influence dominante du
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courant théorique qui défend l’existence d’un nombre limité « d’émotions de
base » (ou « émotions fondamentales »). Selon ce courant théorique, un
pattern expressif défini correspond à chaque « émotion de base ». Le nombre
et la qualité des « émotions de base » varient en fonction des différents
auteurs qui représentent ce courant théorique ; bien qu’il semble exister un
consensus sur au moins un sous-ensemble « d’émotions fondamentales » qui
correspondraient à la joie, la peur, la tristesse, la colère, le dégoût et la
surprise.
Deux études, au moins, ont cependant montré que des expressions corres-
pondant à une même « émotion de base » peuvent être effectivement diffé-
rentes : (1) Frick (1986) a distingué un type de « colère » lié à l’agression et
un type de « colère » lié à la frustration. Ses résultats indiquent que ces deux
types de « colère » se différencient sur le plan acoustique et démontrent
également que des juges peuvent discriminer correctement un ensemble
d’expressions vocales « agressives » relativement à des expressions « frus-
trées » ; (2) Banse et Scherer (1996) ont mis en évidence des profils acoustiques
différents à l’intérieur des « familles » émotionnelles « peur », « tristesse »,
« joie » et « colère ». Dans une large mesure (avec quelques confusions), les
états correspondant à une même « famille » ont également été différenciés
par un groupe d’auditeurs dans cette étude.
Ces résultats confirment donc que différents états d’une même « famille »
émotionnelle (une catégorie large identifiée par un label d’ordre général)
peuvent être différenciés sur le plan des expressions vocales qui leur corres-
pondent. Le fait de ne pas spécifier l’état désigné par un label d’ordre général
a notamment pour conséquence de limiter la possibilité de comparer les
résultats obtenus dans différentes études qui utilisent les mêmes labels (sans
en préciser la définition). Une plus grande précision sur le plan de la définition
des états émotionnels, et donc des expressions considérées, est en conséquence
nécessaire.
Une méthode parfois utilisée pour préciser la définition des états émotionnels
consiste à utiliser des scénarios, des descriptions plus ou moins détaillées de
situations à l’origine des états émotionnels et des expressions étudiées (voir
par exemple Banse et Scherer, 1996).
EXPRESSION VOCALE DES ÉMOTIONS 139

Une autre possibilité consiste à définir les états émotionnels sous-jacents


aux expressions utilisées sur un ensemble de dimensions continues qui
permettent de différencier un grand nombre d’états émotionnels différents.
Cette perspective a été notamment développée par Scherer (1986, 2003) qui
a proposé d’utiliser un modèle de l’évaluation cognitive antécédente aux
réactions émotionnelles (« appraisal model ») comprenant plusieurs dimen-
sions (ou critères d’évaluation ; voir également le chapitre 2 du présent
ouvrage). Dans ce modèle, un grand nombre d’états différents, et d’expres-
sions différentes, peuvent théoriquement résulter de la valeur attribuée par un
individu particulier à une situation/événement spécifique sur un ensemble de
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dimensions/critères d’évaluation comprenant :
– la pertinence de l’événement pour la personne ;
– les implications de cet événement relativement aux buts et aux besoins de
la personne ;
– le potentiel de maîtrise/contrôle évalué par cet individu relativement à la
situation et, finalement ;
– la compatibilité de l’événement avec les normes et standards personnels et
sociaux généralement admis par cette personne.
D’autres dimensions peuvent évidemment être invoquées, notamment les
dimensions proposées comme descriptives des sentiments subjectifs associés
aux émotions, tels que la valence ou l’activation ressenties. L’utilisation de
dimensions continues permet de différencier un nombre d’états émotionnels
plus important que les états habituellement reconnus comme des « émotions
de base » (Russell et Feldamn Barrett, 1999). Toutefois, les « dimensions
essentielles » ne sont pas plus objectivement identifiables que les « catégories
de base ». La question des dimensions ou des catégories qui seraient parti-
culièrement pertinentes pour l’étude des expressions vocales est donc loin
d’être résolue. En conséquence, dans la perspective d’un progrès significatif
dans ce domaine de recherche, cette question requiert qu’un nombre plus
important de propositions théoriques et de tests empiriques soient rapidement
formulées/réalisés dans cette direction.
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3.2 Processus sous-jacents à la production


et à la perception des expressions vocales
3.2.1 Production
La relation entre l’expression vocale et les réactions physiologiques asso-
ciées à une réaction émotionnelle est particulièrement importante sur le plan
théorique. Il est en effet aisé de concevoir qu’un certain nombre de modifica-
tions physiologiques périphériques associées à des réactions émotionnelles
140 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

puissent affecter directement le système de production vocale et en consé-


quence induire des modifications sur le plan de l’expression vocale. Dans
une revue publiée en 1986, Scherer a formulé un ensemble de prédictions
concernant les effets attendus sur la voix pour différents changements de
l’état émotionnel d’un locuteur. Dans ce modèle, les changements physiolo-
giques associés à l’état émotionnel d’un locuteur affectent l’ensemble du
système de production vocale : le fonctionnement des appareils respiratoire,
phonatoire et articulatoire est modifié par les changements autonomes et soma-
tiques associés à la réaction émotionnelle (voir également Scherer, 2003).
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Cette conception suppose l’existence de réactions physiologiques périphé-
riques (autonomes et/ou somatiques) spécifiques à différents états émotionnels,
en l’absence desquelles les expressions vocales (spontanées, non régulées)
correspondant à différents états émotionnels ne seraient pas différenciées.
Depuis la proposition originale de James (1884), la spécificité des réactions
physiologiques périphériques associées à différentes émotions a été défendue
par différents auteurs. Dans la perspective de Scherer (1986, 2003) évoquée
ci-dessus, différentes dimensions de l’évaluation cognitive à l’origine de la
réaction émotionnelle – telles que la pertinence, l’agrément ou le degré de
contrôle évalués dans la situation source d’émotion – synchronisent les diffé-
rentes composantes (physiologique, expressive et subjective) pour donner lieu à
un état émotionnel différencié comprenant une réaction physiologique, une
réaction expressive et une réaction subjective (feeling) spécifiques. Les modèles
qui défendent l’existence d’un nombre limité d’émotions fondamentales
(basic emotions, Ekman, 1992) ont par ailleurs postulé et tenté de démontrer
l’existence de patterns physiologiques périphériques spécifiques pour un certain
nombre « d’émotions fondamentales » (voir par exemple Ekman, Levenson
et Friesen, 1983, voir aussi les chapitres 1 et 2 de ce traité).
La question de la spécificité des réactions physiologiques périphériques
associées à différents états émotionnels a cependant été mise en cause par
d’autres auteurs qui ont affirmé que sur le plan périphérique, seul un niveau
d’activation physiologique indifférencié est associé à toute réaction émotion-
nelle (Schachter et Singer, 1962). Par extension, ce niveau d’activation peut
également être conçu comme une dimension sous-jacente aux réactions émo-
tionnelles (voir Russell, 1980, pour une illustration de l’utilisation de l’acti-
vation comme dimension sous-jacente aux catégories émotionnelles). Dans
cette perspective, une activation physiologique (arousal) très importante
pourrait être associée à certaines émotions (par exemple la peur panique)
alors que d’autres émotions (par exemple la tristesse déprimée) comporte-
raient un niveau d’activation beaucoup plus faible. Bien évidemment, dans
cette optique, l’influence de la physiologie périphérique sur les expressions
vocales se limite également à refléter un niveau d’activation global. Cette
dernière hypothèse est régulièrement évoquée dans le cadre de l’interprétation
des résultats obtenus par les études qui se sont intéressées à décrire les
caractéristiques acoustiques des expressions vocales émotionnelles.
EXPRESSION VOCALE DES ÉMOTIONS 141

3.2.2 Perception

Sur le plan de la perception, il existe une autre source de confusion résidant


dans l’équivalence conceptuelle, à notre avis infondée, souvent postulée pour
les concepts d’activation et d’intensité. Le terme intensité désigne habituel-
lement l’importance de l’émotion sur le plan du vécu subjectif. Une émotion
intense est une émotion vécue comme forte, une émotion peu intense est une
émotion ressentie comme faible (pour plus de détails sur le concept d’inten-
sité émotionnelle voir Frijda, Ortony, Sonnemans et Clore, 1992 ; Guerrero,
Andersen et Trost, 1998). Le concept d’activation, tel qu’il a été introduit
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ci-dessus, désigne en premier lieu l’activation physiologique (autonome et
somatique) associée à l’émotion. Cette dimension se reflète également sur le
plan du vécu subjectif sous forme d’un niveau d’activation/excitation perçue
dans le cadre d’une réaction émotionnelle. Certains modèles/définitions de
l’émotion postulent une relation forte entre ces deux dimensions (intensité et
activation). La tradition théorique qui place les réactions périphériques (physio-
logiques, mais également motrices et donc expressives) au centre de la réaction
émotionnelle trouve ses origines dans les propositions de James (1884). Le
courant le plus conservateur de cette tradition soutient que le sentiment émotion-
nel résulte de la perception (proprioception) d’un pattern d’activation péri-
phérique spécifique (une configuration de réactions autonomes et motrices).
Une conception plus modérée, et plus largement partagée, issue de cette
tradition théorique, postule une relation entre la présence d’une réaction péri-
phérique (autonome et/ou motrice) et l’intensité du sentiment émotionnel.
Dans cette perspective, une activation périphérique faible serait associée à
une émotion vécue comme faible, alors qu’une activation périphérique forte
serait associée à une émotion vécue comme forte. À notre avis, ce postulat
théorique ne doit toutefois pas résulter dans une confusion complète de ces
deux dimensions. En particulier dans le domaine des expressions vocales où
le niveau d’activation sous-jacent à la réaction émotionnelle joue probable-
ment un rôle très important, l’existence potentielle d’états émotionnels vécus
comme très intenses mais associés à un niveau d’activation physiologique
relativement faible ne doit pas être exclue a priori (Guerrero et al., 1998).
Un prolongement de la perspective théorique évoquée ci-dessus (le modèle
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« périphéraliste ») a donné lieu à une hypothèse relative à la manière dont les


expressions émotionnelles (faciales ou vocales) sont perçues. Cette hypo-
thèse a été formulée par Lipps (1903) et développée notamment par Hatfield,
Cacioppo, et Rapson (1994). Ces auteurs ont proposé que la reconnaissance
des émotions exprimées par autrui soit basée sur les expériences émotionnelles
vécues par les observateurs. Dans cette perspective, un observateur « repro-
duit » (plus ou moins consciemment et ouvertement) les expressions qu’il
observe et se base sur la sensation interne associée à cette expression (le
sentiment subjectif) pour « reconnaître » l’émotion exprimée par autrui (Hess
et Blairy, 2001 ; Wallbott, 1991). Ce mécanisme s’apparente d’avantage à un
142 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

phénomène d’empathie qu’à une reconnaissance abstraite, l’émotion d’autrui


est ressentie (suite à « l’imitation » des expressions observées) plus qu’elle
n’est reconnue. Ce concept d’imitation est d’ailleurs à mettre en relation avec
le concept de « neurones miroirs ». En effet, il a été démontré que la perception
d’une action était corrélée à une activation d’ensemble de neurones également
actifs dans la production de cette action (Rizzolatti, Fogassi, et Gallese, 2001).
Il est à noter toutefois qu’il n’est pas clair à quel point ces mécanismes sont
indispensables à la perception, il pourrait en fait s’agir d’un résidu neuronal
de l’imitation réelle qui serait ainsi réactivé lors de la perception d’une action
apprise auparavant.
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Cette reconnaissance des expressions par imitation et feedback proprio-
ceptif est parfois opposée à un modèle plus classique d’apprentissage par
associations. Dans cette perspective, les émotions exprimées sont reconnues
par un observateur qui analyse (plus ou moins consciemment) les indices
vocaux/acoustiques ou faciaux/visuels disponibles et décide, sur la base
d’observations antérieures, à quel type d’émotion ces indices correspondent.
Dans cette perspective, des associations entre des combinaisons d’indices
vocaux/ou faciaux et des réactions émotionnelles globales, ainsi que les carac-
téristiques des situations qui les déclenchent sont formées au cours de l’histoire
individuelle de l’observateur et suffisent à rendre compte de la reconnaissance,
sans faire appel aux réactions émotionnelles vécues par l’observateur.
Il importe de relever que ces deux mécanismes ne sont en réalité pas exclu-
sifs. Dans la plupart des cas, les deux processus (reconnaissance abstraite et
imitation/feedback) contribuent probablement conjointement à la reconnaissance
des émotions exprimées.

3.3 Régulation, influence du contexte social


sur la communication
Les expressions (faciales et vocales) sont la manifestation observable des
réactions émotionnelles. Ce statut leur confère une double fonctionnalité
dans la communication et la gestion des interactions sociales. Les expressions
émotionnelles permettent, en principe, aux émetteurs (de ces expressions)
d’influencer le comportement de leurs interlocuteurs et permettent aux inter-
locuteurs de formuler des prédictions relativement aux comportements à
venir des émetteurs.
Dans ce contexte de communication, les expressions sont bien évidemment
régulées (modulées ou transformées) en fonction d’un ensemble de règles
socioculturelles. Ces « règles » (display rules) ont été étudiées par différents
auteurs qui ont montré que les expressions émotionnelles varient d’une culture
(ou d’un groupe social) à l’autre, dans des contextes « objectivement » similai-
res, en fonction de règles intégrées par les membres de ces cultures (groupes
EXPRESSION VOCALE DES ÉMOTIONS 143

sociaux) relativement à ce qu’il convient de montrer ou de ne pas montrer


(voir notamment Ekman et Friesen, 1969 ; Ekman, Sorenson et Friesen, 1969 ;
LaFrance et Hecht, 1999 ; Matsumoto, 1990). Les régulations induites par le
contexte social peuvent être de différents types. Certaines situations sociales
peuvent exiger la suppression de certaines expressions alors que d’autres
situations au contraire exigent de montrer ou même d’exagérer des expressions
spécifiques. Des expressions peuvent être utilisées également de manière à
masquer une expression spontanée qui ne serait pas désirable dans un contexte
social donné.
En parallèle aux règles sociales qui sont appliquées, souvent inconsciemment
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et automatiquement, dans la plupart des interactions sociales, le contexte
social peut également influencer les expressions émotionnelles en fonction
de la position et des objectifs de l’émetteur dans la situation. Dans une situa-
tion de communication un individu peut utiliser ses expressions émotionnel-
les de manière à influencer – plus ou moins in/consciemment et plus ou
moins in/volontairement – les réactions de ses interlocuteurs. Un exemple de
ce type de régulation a été récemment donné par Reissland, Shepherd et
Cowie (2002) qui ont observé un ajustement des expressions vocales d’un
groupe de jeunes mères relativement aux expressions faciales de leurs bébés.
Dans cette étude, les mères et leurs bébés jouaient à un jeu de surprise (avec
un diable à ressort) ; les mères ont produit des expressions vocales dont la
fréquence fondamentale était d’autant plus élevée que l’expression de surprise
(désirée) chez leur enfant était faible. Ce résultat peut être interprété comme
correspondant à une exagération de l’expression de surprise chez la mère
destinée à stimuler (renforcer) l’expression de surprise chez le bébé.
En outre, les expressions vocales sont également affectées par un ensemble
de facteurs non émotionnels. Les influences linguistiques et paralinguistiques
sur les expressions vocales ne sont notamment pas négligeables. Ces influences
incluent en particulier les phénomènes d’emphase dans le discours (destinés
à accentuer certains éléments) et les actes pragmatiques, tels que les expres-
sions de doute ou de désapprobation ou encore les interrogations qui peuvent
être communiquées par des modifications de l’intonation ou de la qualité
vocale. De plus, différents aspects propres au locuteur influencent également
les expressions vocales. Certaines inflexions vocales peuvent par exemple
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

être attribuées à un accent régional, à la personnalité, au style expressif, à


l’âge ou encore à l’état de santé du locuteur.
Dans le cadre de ce chapitre, notre intérêt se limite exclusivement aux
expressions émotionnelles. Il importe toutefois de souligner que ces expres-
sions sont en pratique difficiles à isoler des autres composantes expressives.
De plus, comme indiqué ci-dessus, les expressions émotionnelles sont elles-
mêmes pratiquement toujours soumises à des régulations qui dérivent de
règles sociales ou de stratégies de communication. Des expressions émotion-
nelles « pures » ou « spontanées » surviennent donc probablement assez
rarement dans la vie quotidienne ; et, dans la mesure où il est évidemment
144 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

très difficile pour les chercheurs d’enregistrer de telles expressions, elles sont
également très rarement étudiées. Afin de contrôler les différences expressives
interindividuelles, la méthode la plus fréquemment utilisée pour étudier les
expressions vocales émotionnelles consiste en effet à enregistrer des acteurs
qui simulent un nombre prédéfini de réactions émotionnelles. Cette méthode
a été souvent critiquée du fait que les expressions ne correspondraient pas ou
peu à des expressions émotionnelles « véritables » (« pures » ou « spontanées »),
mais plutôt à des modèles enseignés dans les cours d’art dramatique. En
réalité, il est peu probable que ces expressions ne correspondent en rien aux
expressions émotionnelles qui surviennent en situation sociale dans la vie
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quotidienne. Afin de paraître crédibles et d’avoir un impact sur leurs audi-
teurs, les acteurs ont intérêt à utiliser des codes d’expressions qui seront
interprétés comme authentiques. En revanche, l’exagération des codes sociaux
de communication est certainement présente dans les enregistrements réalisés
par des acteurs (voir également Banse et Scherer, 1996, pour une discussion
à ce propos).
Les différents points exposés dans cette conclusion préalable révèlent que
les problématiques associées à l’étude des expressions vocales émotionnelles
sont nombreuses. Malheureusement, elles sont généralement peu formalisées
dans le cadre des travaux de recherche qui ont été consacrés aux expressions
vocales. Beaucoup d’études dans ce domaine sont en conséquence effectuées
dans une perspective essentiellement exploratoire et se fondent assez rarement
sur des hypothèses ou des motivations théoriques.

4 VERS UNE NEUROSCIENCE COGNITIVE


DE LA RECONNAISSANCE VOCALE
ÉMOTIONNELLE

Une autre perspective dans la compréhension des mécanismes sous-tendant


la perception de l’émotion dans la voix est celle de la neuroscience cognitive
et de la neuropsychologie. En effet ces domaines permettent, d’une part à
l’aide de techniques d’imagerie cérébrale et d’autre part grâce aux études de
patients cérébo-lésés, de tester et d’investiguer les mécanismes cérébraux
permettant de tester et de contraindre les modèles psychologiques du traite-
ment de l’information auditive émotionnelle. Il est en effet important de
soulever que les démarches présentées ci-dessus consistant à multiplier les
paramètres acoustiques pour tenter de discriminer des états ou des processus
émotionnels perçus à travers la modalité auditive ne permettent pas de
comprendre comment l’humain réalise ce type d’inférences. Le postulat
selon lequel notre système cognitif intégrerait l’information comme elle
EXPRESSION VOCALE DES ÉMOTIONS 145

peut-être dissociée sur le plan acoustique par des méthodes de traitement du


signal est très probablement erroné. De nombreux exemples en perception
humaine ont d’ores et déjà démontré que les processus perceptifs sont un
phénomène actif de construction, certes s’appuyant sur des invariants
d’éléments pouvant être mesurés physiquement, comme par exemple la
fondamentale d’un stimulus sonore, mais qui dépendent aussi largement de
l’apprentissage et de l’état du système cognitif ainsi que du contexte de
l’apparition d’un stimulus. Ainsi, la reconstruction d’une fondamentale
inexistante dans un stimulus sonore est un exemple très concret de la capa-
cité de notre système nerveux de « combler » l’absence d’une partie d’un
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stimulus dont les occurrences passées similaires étaient toutes caractérisées
par la présence d’un élément donné, ici la fondamentale (Chialvo, 2003).
Une autre illusion dans le domaine auditif consiste à percevoir un son
continu alors que celui-ci est interrompu par du bruit blanc : c’est une illu-
sion auditive dite de continuité amenant les organismes à percevoir un son
continu et donc, à nouveau, de « combler » l’absence de la stimulation
sonore d’intérêt. Des études en enregistrement intracrânien chez l’animal ont
révélé que l’activité de neurones de l’aire auditive primaire A1 contribuent à
cette illusion auditive démontrant que celle-ci est construite à un stade
précoce de la chaîne de traitement neuronal (Petkov, O’Connor et Sutter,
2007). Ainsi l’étude des soubassements neuronaux et de la dynamique
temporelle de l’activité de réseaux de neurones lors de l’intégration de
l’information émotionnelle attribuée à un stimulus auditif donné sont donc
des méthodes importantes dans la contribution à la compréhension des méca-
nismes liés à l’émotion en modalité auditive.
Nous ne rentrerons pas dans le cadre de ce chapitre dans les détails des
mécanismes initiaux de perception auditive pure impliquant des mécanis-
mes de transduction entre le signal physique d’onde sonore et sa transfor-
mation en un signal électrique neuronal initial au niveau de la cochlée,
pour les détails concernant ces mécanismes nous conseillons l’ouvrage
Cognitive Neurosciences III et sa partie sur les systèmes sensoriels (Gazza-
niga, 2004).
Les travaux qui se sont intéressés à la perception de l’émotion en modalité
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

auditive ont utilisé des méthodes diverses de stimulation à l’instar de ce que


nous avons vu précédemment dans les paradigmes d’études de jugements, ci-
dessus. La plupart des études ont cherché à caractériser les réponses neuro-
nales à des stimulations auditives émotionnelles catégorielles de type
« colère », « joie », « peur » par exemple. Les stimuli verbaux sont le plus
souvent des noms, comme dans l’étude de Buchanan et coll. (2000) qui ont
utilisé les termes power, bower, tower et dower prononcés avec une prosodie
de joie, peur, colère, tristesse ou neutre. D’autres études ont utilisé des
pseudo-mots, tels que « goster », « niuvenci » permettant de s’affranchir des
aspects sémantiques de noms communs existants dont le sens pourrait entrer
en interaction avec la prosodie émotionnelle (par exemple Grandjean,
146 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

Sander, Lucas, Scherer et Vuilleumier, 2008 ; Grandjean et al., 2005 ; Sander


et al., 2005). D’autres études se sont également intéressées à la perception de
stimuli non linguistiques comme des onomatopées ou des interjections
prononcées selon différentes émotions (Fecteau, Belin, Joanette, et Armony,
2007). Les méthodes d’investigations utilisées sont également multiples ;
parmi les principales, il faut mentionner l’imagerie à résonance magnétique
fonctionnelle (IRMf), l’électroencéphalographie de surface et en profondeur
(particulièrement chez l’animal mais également chez l’homme dans des
contextes cliniques d’investigation de l’épilepsie ou de la maladie de Parkin-
son par exemple), l’étude des patients cérébrolésés, et, dans une moindre
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mesure la tomographie à émission de positrons (TEP).
Schirmer et Kotz (2006) ont élaboré un modèle du traitement de la prosodie
émotionnelle dans le but de distinguer différentes étapes du traitement de
l’information au niveau du système nerveux central et ainsi de remettre en
question la notion d’une primauté absolue de l’hémisphère droit dans le trai-
tement de la prosodie émotionnelle. En effet, les études lésionnelles ont
démontré l’importance des régions de l’hémisphère droit dans le traitement
de l’information auditive émotionnelle ; les patients avec lésions droites
temporales et temporo-pariétales montrent en effet des performances amoin-
dries dans la reconnaissance de prosodies émotionnelles et d’expressions
faciales émotionnelles (Borod, Zgaljardic, Tabert, et Koff, 2001). Cette litté-
rature a longtemps focalisé l’attention des chercheurs sur les contributions
différentielles des hémisphères gauche et droit dans les processus langagiers
et donc également du traitement de la prosodie émotionnelle aussi bien en
termes de production qu’en termes de perception. L’importance majeure de
l’hémisphère droit dans les processus impliqués dans le décodage de la
prosodie émotionnelle ne fait actuellement pas de doute mais il faut toutefois
noter que ces méthodes lésionnelles restent grossières et la compréhension
du décodage de l’information émotionnelle dans la voix nécessite des inves-
tigations plus précises et des modèles prenant en compte l’aspect temporel
de l’intégration auditive.
Dans leur modèle, Schirmer et Kotz (2006) ont spécifié trois grandes
étapes dans le traitement de la prosodie émotionnelle et les contributions
relatives de chaque hémisphère cérébral (voir figure 4.3). Ainsi après une
première étape de traitement sensoriel impliquant le cortex auditif primaire
et la scissure temporale supérieure (STS), une deuxième étape consiste à
l’intégration des signaux acoustiques permettant la construction d’une repré-
sentation de type gestalt émotionnelle au sein du système what. Il faut rappeler
ici, qu’à l’instar des voies de traitement visuel, le système auditif a été dissocié
en une voie du « quoi », du « où » et du « comment » (what, where and how)
(Alain, Arnott, Hevenor, Graham, et Grady, 2001 ; Belin et Zatorre, 2000).
Une troisième étape dite « cognitive » implique d’autres régions plus anté-
rieures lors des processus d’évaluations explicites ou de traitements sémantiques.
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© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Effets contextuels et individuels

Processus sensoriels Intégration Cognition


des signaux acoustiques
Production vocale émotionnels
Aires de traitements auditifs : Jugements évaluatifs :
Cortex auditif ⎯→ STS Réseau auditif « what » : Gyrus Inférieur Frontal (GIF)
GTS bilatéral ⎯→ STS antérieur droit et Cortex Orbito-Frontal
Résolution temporelle (COF)
haute basse linguistique paralinguistique
EXPRESSION VOCALE DES ÉMOTIONS

Traitements sémantiques :
GIF gauche
HG HD HG HD

0 100 200 400


Temps (en ms)

Ce modèle propose trois grandes étapes illustrées par les trois quadrants : (1) une étape sensorielle impliquant le cortex auditif primaire et le
sulcus temporal supérieur (STS), (2) une étape d’intégration des informations auditives émotionnelles impliquant le gyrus temporal supérieur
(GTS) ainsi que les territoires antérieurs du STS, et (3) une étape dite cognitive, consistant par exemple à une évaluation explicite du caractère
émotionnel des stimuli, impliquant les régions antérieures telles que le cortex orbito-frontal (COF) et les gyrus inférieurs frontaux (GIF). La
partie la plus à droite illustre les trois étapes et les régions cérébrales impliquées (hémisphère droit d’un cerveau). HD = hémisphère droit,
HG = hémisphère gauche.
Figure 4.3
Modèle neuropsychologique de la perception et du traitement de la prosodie émotionnelle adapté de Schirmer et Kotz (2006).
147

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148 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

Une distinction entre les contributions de l’hémisphère gauche et droit tout le


long de ces différentes étapes est également spécifiée : pour la première étape,
les différences de résolution temporelle entre l’hémisphère gauche (haute
résolution) et l’hémisphère droit (basse résolution) sont mises en avant ; pour
la deuxième étape ce sont les aspects linguistiques (hémisphère gauche) et
les aspects paralinguistiques (hémisphère droit) qui sont développés ; enfin,
pour la troisième étape, ce sont les aspects de jugements évaluatifs (hémi-
sphère droit) et les processus sémantiques (hémisphère gauche) sur lesquels
l’accent est porté. Au-delà de ce modèle, nous pouvons également spécifier
les processus psychologiques et cérébraux impliqués, d’une part, par le trai-
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tement du stimulus sonore lui-même et, d’autre part, par les effets des tâches
ou de l’activité cognitive de manière plus large lors du traitement de l’infor-
mation émotionnelle. Ainsi, les caractéristiques des stimuli sonores vont induire
des modulations de l’activité neuronale mesurée par imagerie à résonance
magnétique fonctionnelle (IRMf) dans les régions auditives primaires et
secondaires et également de la scissure temporale moyenne et supérieure.
Une sensibilité spécifique de régions temporales (STS et les sillons ou gyri
temporaux supérieurs ou GTS) à la voix humaine comparée à d’autres
stimuli auditifs de tous genres a été démontrée par Belin et coll. (Belin, Zatorre,
Lafaille, Ahad et Pike, 2000) évoquant l’existence d’une voice sensitive area à
l’instar de la face fusiform area dans le domaine du visage (Kanwisher,
McDermott et Chun, 1997). La question de la sensibilité à la prosodie
émotionnelle de ces régions activées par la voix humaine a été investiguée par
différentes équipes de recherche. Nous avons ainsi démontré que l’activité
neuronale dans ces régions est modulée par la prosodie émotionnelle, et ce,
indépendamment de l’attention spatiale portée aux stimuli (Grandjean et al.,
2005). En effet, dans cette étude nous avons utilisé une méthode d’écoute dicho-
tique permettant de présenter un stimulus auditif différent dans chaque oreille ;
en l’espèce un stimulus neutre et un stimulus émotionnel de colère. La tâche des
participants était de discriminer le genre du locuteur tantôt pour le stimulus
présenté à l’oreille gauche tantôt pour le stimulus présenté à l’oreille droite.
Cette méthode a permis d’étudier comment la prosodie émotionnelle était
traitée même si elle n’était pas dans le focus attentionnel du participant (voir
figure 4.4). Nous avons également démontré que ces modulations de l’acti-
vité du STS-GTS liées à la prosodie émotionnelle de colère persistent même
lorsque l’on contrôle des caractéristiques acoustiques de base que sont la
fondamentale moyenne et l’enveloppe sonore (voir figure 4.4). Des résultats
similaires de modulation de l’activité du STS-GTS ont également été démontrés
pour de la prosodie positive, dans ce cas une prosodie de joie, et ce, indépen-
damment de la tâche des participants (Ethofer, Anders, Wiethoff et al., 2006).
Les corrélations entre les paramètres acoustiques et la réponse neuronale
mesurée par IRMf dans les régions temporales en réponse à de la prosodie
émotionnelle comparée à de la prosodie neutre ont été étudiées de manière
détaillée dans une étude de Wiethoff et coll. (Wiethoff et al., 2008).
EXPRESSION VOCALE DES ÉMOTIONS 149
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Partie supérieure : activations au sein du gyrus temporal supérieur (GTS) et du sulcus Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 09/03/2020 14:18 - © Dunod
temporal supérieur (STS) en réponse à de la prosodie de colère en écoute dichotique
indépendamment de l’attention spatiale volontaire. Les modulations de l’activité cé-
rébrale par l’émotion (en noir) ont été observées dans cette région sensible à la voix
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

humaine (ligne noire entourant la région située dans le GTS-STS). Les zones grises
correspondent aux régions dont l’activité était modulée par la manipulation de l’at-
tention. Partie inférieure : mesures relatives de la réponse cérébrale mesurée par IMRf
dans les régions sensibles à la voix humaine en fonction des conditions expérimentales
(prosodie de colère ou neutre et attention spatiale vers l’oreille droite ou gauche)
(adapté de Grandjean et coll., 2005).
Figure 4.4
Activités cérébrales en fonction de la présentation de prosodies émotionnelles
de colère dans un paradigme d’écoute dichotique
(focus attentionnel spatial volontaire à gauche ou à droite).
150 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

Cette étude a révélé que les différences d’activité neuronale entre les proso-
dies émotionnelles (colère, joie, peur et érotique) et les stimuli neutres dans
les régions temporales STS et GTS sont corrélées de manière linéaire à
différents paramètres acoustiques (intensité sonore, variation de l’intensité,
fréquence fondamentale (F0), variabilité de F0 et la durée) et au niveau
d’activation (arousal) jugé par les participants. En fait, lorsque les auteurs
ont contrôlé ces différents aspects, les différences d’activité entre prosodies
émotionnelles et prosodie neutre n’étaient plus significativement différentes
dans les régions médianes du GTS droit. Ce résultat démontre l’importance
de contrôler les aspects acoustiques plus finement et de manière systémati-
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que même si dans cette dernière étude les relations entre l’activité neuronale
(mesurée par IRMf) et les paramètres acoustiques n’ont été investiguées que
de manière indirecte par des corrélations linéaires.
Au-delà de l’implication des régions temporales dans les processus d’inté-
gration auditive de type émotionnel, les modulations d’activité d’autres régions
cérébrales ont également été étudiées systématiquement en réponse à de la
prosodie émotionnelle. C’est particulièrement le cas des amygdales, situées
dans les lobes temporaux, dont l’activité est augmentée en réponse à de la
prosodie émotionnelle de colère comparée à de la prosodie neutre et ceci
également indépendamment de l’attention spatiale (Grandjean et al., 2005 ;
Sander et al., 2005). Notons que des modulations de l’activité de l’amygdale ont
été rapportées très fréquemment en réponse à des stimuli visuels émotion-
nels, particulièrement d’expressions faciales (pour plus de détail voir Sander,
Grafman, et Zalla, 2003). Les stimuli auditifs émotionnels de type onomatopées
et interjections non linguistiques modulent également l’activité amygdalienne
et ce, même pour des stimuli positifs (Fecteau et al., 2007). Ainsi nous pouvons
distinguer deux grands types de régions cérébrales, celles dont les modulations
d’activité par le contenu émotionnel sont indépendantes de la tâche ou de
l’activité volontaire de l’organisme sur le stimulus et celles dont l’activité est
modulée par l’émotion, mais de manière dépendante avec la tâche ou l’activité
en cours effectuée par l’organisme. Par exemple, dans notre étude en écoute
dichotique portant sur la modulation de régions cérébrales par la prosodie
émotionnelle de colère, nous avons pu démontrer des modulations d’activi-
tés indépendantes de l’attention spatiale (pour le STS-GTS et l’amygdale
droite) et d’autres régions dont l’activité est dépendante de l’attention
portée au stimulus émotionnel, particulièrement le cortex orbito-frontal et le
cortex visuel (voir figures 4.4 et 4.5 ; Grandjean et al., 2005 ; Sander et al.,
2005). De plus, dans cette dernière étude, nous avons démontré une corréla-
tion positive entre des caractéristiques individuelles de sensibilité à la puni-
tion et la récompense, par une échelle nommée behavioural inhibition scale
ou BIS développé par Carver et White (1994), et l’activité du cortex orbito-
frontal médian en réponse à de la prosodie émotionnelle de colère unique-
ment lorsque l’attention des participants était orientée sur le stimulus
émotionnel (Sander et al., 2005). Ainsi au-delà de l’investigation des
EXPRESSION VOCALE DES ÉMOTIONS 151

processus psychologiques et cérébraux impliqués dans le décodage de la


prosodie émotionnelle de manière général, la neuroscience cognitive permet
d’investiguer également les différences inter-individuelles en réponse à des
stimuli émotionnels et donc de mieux comprendre les spécificités individuel-
les dans l’élaboration d’une représentation d’un stimulus émotionnel et les
conséquences sur le comportement.
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Partie supérieure gauche : mesures de l’activité cérébrale de la région orbito-frontale
médiane en fonction des conditions expérimentales (prosodie neutre et colérique et
attention spatiale). Partie supérieure droite : activité spécifique du cortex orbito-fron-
tal médian en réponse à de la prosodie de colère lorsque le stimulus était dans le focus
attentionnel du participant. Partie inférieure gauche : mesures de l’activité cérébrale
des régions du cortex visuel en fonction des conditions expérimentales (prosodie neutre
et colérique et attention spatiale). Partie inférieure droite : activité spécifique du cortex
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

visuel en réponse à de la prosodie de colère lorsque le stimulus était dans le focus


attentionnel du participant.
Figure 4.5
Activités cérébrales mesurées par IRMf en réponse à de la prosodie de colère
lorsque celle-ci était dans le focus attentionnel spatial des participants.

La catégorisation explicite de la prosodie émotionnelle par les participants a


également fait l’objet de nombreuses études cherchant à dissocier les méca-
nismes et les régions impliquées lors de telles tâches explicites sur le contenu
émotionnel en comparaison à des tâches relevant plus de catégorisations
152 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

linguistiques. Par exemple, Wildgruber et coll. (Wildgruber, Ackermann,


Kreifelts et Ethofer, 2006 ; Wildgruber et al., 2004) ont mis en évidence une
activation des régions frontales gauches lors de l’évaluation des caractéristiques
linguistiques, alors que l’évaluation du caractère émotionnel des stimuli a induit
une modulation de l’activité des régions orbito-frontales droite et gauche mettant
en évidence une dissociation des processus impliqués dans ces deux types
de tâches.
Une importante littérature au sujet de la capacité des informations émotion-
nelles à induire des modifications des ressources attentionnelles des organismes
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a également permis de mieux comprendre l’importance de l’émotion lorsqu’elle
est perçue dans l’environnement (Vuilleumier, 2005). En effet de nombreuses
études se sont intéressées à la notion de capture attentionnelle par des stimuli
émotionnels, à l’instar de l’étude rapportée ci-dessus en écoute dichotique
et ayant mis en évidence l’activation des régions temporales STS-GTS et
amygdaliennes indépendamment de l’attention volontaire des participants
(Grandjean et al., 2005 ; Sander et al., 2005). Une autre étude portant sur des
patients cérébro-lésés a investigué la possibilité d’une modulation par l’émotion
d’un syndrome d’extinction auditive suite à des lésions pariétales droites.
L’extinction auditive est liée à l’héminégligence, syndrome apparaissant le
plus souvent à la suite d’une lésion pariétale droite et qui se manifeste par
une difficulté à prêter attention à des stimuli présentés dans l’hémichamp
gauche et ce dans les différentes modalités sensorielles. À noter que les plus
nombreux travaux ont été réalisés en modalité visuelle (Deouell, Hamalainen
et Bentin, 2000 ; Deouell, Heller, Malach, D’Esposito et Knight, 2007 ; Heilman
et Valenstein, 1972). L’extinction auditive, elle, se manifeste par un déficit
attentionnel et une négligence des stimuli présentés à l’oreille gauche ou dans
l’hémi-espace gauche alors que les stimuli sont présentés de manière concomi-
tante à l’oreille droite ou dans l’hémi-espace droit (Bellmann, Meuli et Clarke,
2001 ; Spierer, Meuli, et Clarke, 2007). Dans cette étude sur l’extinction audi-
tive, nous avons étudié la possibilité d’une réduction de la quantité de stimuli
négligés par de la prosodie émotionnelle dans un paradigme d’écoute dichoti-
que. Les résultats montrent un effet que les patients rapportent plus de stimuli à
gauche lorsque ceux-ci sont porteurs d’une prosodie émotionnelle négative ou
positive comparé à des stimuli neutres (voir figure 4.6). De plus, les corréla-
tions anatomiques des lésions des patients avec leurs performances à cette
tâche de détection ont montré que les régions temporales supérieures, le cortex
orbito-frontal ainsi que le noyau caudé sont essentielles dans cette modulation
de la performance par la prosodie émotionnelle (Grandjean et al., 2008).
Un autre aspect d’importance pour la compréhension des mécanismes
sous-tendant la perception et l’identification de prosodies émotionnelles est
la dynamique temporelle et la connectivité fonctionnelle entre les régions impli-
quées que nous avons discutées ci-dessus. Une étude de connectivité fonction-
nelle sur des signaux d’IRMf a été réalisée par Ethofer et coll. en utilisant la
technique de modèle causal dynamique (Ethofer, Anders, Erb et al., 2006).
EXPRESSION VOCALE DES ÉMOTIONS 153
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Notez la diminution des stimuli négligés pour les différentes prosodies émotionnelles.
Figure 4.6
Pourcentages de stimuli négligés (non détectés) par les patients hémi-négligents
présentant une extinction auditive en présentation bilatérale dans un paradigme
d’écoute dichotique pour les stimuli présentés à gauche, en fonction
des différents types de prosodies (adapté de Grandjean et coll., 2008).

L’investigation de la connectivité avec quatre modèles alternatifs de liens


entre les régions temporales droites et les régions frontales bilatéralement a
permis de mettre en évidence une supériorité du modèle avec connectivité
parallèle et réciproque entre la région temporale droite et les deux régions
frontales considérées. La dynamique temporelle de la reconnaissance de proso-
dies émotionnelles a également été investiguée grâce à l’électroencéphalo-
graphie permettant de caractériser les processus avec une haute résolution
temporelle. Les résultats montrent des activations antérieures précoces lors
de l’identification de la prosodie émotionnelle comparées à de la prosodie
linguistique ou d’une identification phonémique (Grandjean et al., 2006).
De futures recherches alliant les méthodes d’études de la connectivité
fonctionnelle et la manipulation systématique des caractéristiques acoustiques
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

des stimuli induisant des modifications de catégorisation ou d’identification


de différents types de prosodies émotionnelles permettront de mieux saisir et
comprendre les différentes étapes d’intégration permettant à l’humain de
construire une représentation dynamique de l’émotion dans la voix. De plus,
l’étude de la connectivité prenant en compte l’ensemble des régions impliquées
dans la perception et l’identification de la prosodie émotionnelle permettront
de mieux comprendre les différentes relations qu’entretiennent les régions
auditives primaires et associatives avec des régions impliquées dans l’inter-
prétation et la reconnaissance explicite du caractère émotionnel d’un stimu-
lus auditif ainsi que les mécanismes impliqués dans la prise en compte de ces
154 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

informations par l’organisme pour l’adaptation de son comportement dans


des interactions sociales.

5 CONCLUSIONS ET FUTURES PERSPECTIVES

Ainsi que nous l’avons mentionné dans les premières pages de ce chapitre,
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l’étude des expressions émotionnelles – en particulier l’étude des expressions
vocales – a connu récemment, et connaît encore, un très fort développement
aussi bien dans le domaine de la perception et des études de jugements que
dans le domaine de l’étude des mécanismes cérébraux sous-tendant ces
capacités d’inférences émotionnelles. L’accroissement du nombre de travaux
consacrés à ces domaines de recherche a été, et est encore, fortement motivé
par le développement des technologies de communication qui représentent
actuellement le champ d’application privilégié de ce domaine d’étude. Des
applications telles que la reconnaissance automatique de la parole, la synthèse
de la parole ou encore la reconnaissance automatique des locuteurs bénéfi-
cieraient incontestablement des progrès qui pourraient être réalisés dans ce
domaine. Une meilleure compréhension des processus d’intégration auditive
dans la construction d’une représentation accessible explicitement ou non de
la prosodie émotionnelle d’autrui est également un défi des années à venir
dans ce domaine de recherche. En effet, comment le système cognitif est-il
capable d’intégrer un ensemble d’informations auditives et quelles sont les
différentes étapes de traitement aboutissant à une représentation dynamique
d’un énoncé vocal émotionnel sont également les questions qui animeront la
recherche dans ce domaine dans les années qui viennent.
Par ailleurs, la compréhension des mécanismes cérébraux du décodage de
la prosodie émotionnelle et les interactions complexes entre des réseaux de
neurones distribués durant les multiples étapes de traitement des informations
auditives et leurs interprétations dans différents contextes seront également
un domaine de recherche prometteur pour un proche avenir en neuroscience
cognitive. Ces travaux permettront alors de mieux rendre compte des déficits
associés à des syndromes cliniques en neuropsychologie et auront des appli-
cations dans la possible rééducation des patients cérébro-lésés, par exemple
dans le domaine du langage. Les récents développements dans la stimulation
intracrânienne des noyaux gris centraux dans des syndromes cliniques tels
que la maladie de Parkinson (par exemple, Benabid et al., 1994) ou les trou-
bles obsessionnels compulsifs (Mallet et al., 2007) et la compréhension des
effets de ces stimulations sur l’ensemble des mécanismes émotionnels, dont
la reconnaissance de la prosodie émotionnelle, sont également un défi de
taille pour les années à venir dans la recherche appliquée à la neurologie et à
la neurochirurgie clinique.
EXPRESSION VOCALE DES ÉMOTIONS 155

Le domaine de l’intégration multimodale dans les processus émotionnels


– comment une voix émotionnelle est-elle perçue en lien avec une expression
faciale donnée et quelles sont les influences réciproques de ces différentes
modalités dans la construction d’une représentation ? – est également tout un
univers de recherche amené à se développer dans les années qui viennent et
qui permettra de mieux comprendre les mécanismes en jeu dans des situations
plus écologiques. Les mécanismes d’intégration de ces différentes informations
dans le contexte des processus émotionnels et les liens entre les différents
niveaux de traitements impliquant différents niveaux de conscience seront
également tout un champ d’investigation qui promet d’être passionnant.
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LECTURES CONSEILLÉES

SCHERER K.R., JOHNSTONE T. ET KLASMEYER G. (2003). « Vocal expression of


emotion ». In R. J. Davidson, H. H. Goldsmith et K. Scherer (éd.), Handbook of
the Affective Sciences (p. 433-456). Oxford, Oxford University Press.

QUELQUES EXPÉRIENCES
FONDAMENTALES

HAMMERSCHMIDT K., JURGENS U. (2007). « Acoustical correlates of affective


prosody ». J. Voice, 21 (5), 531-540.
SCHIRMER A., KOTZ S.A. (2006). « Beyond the right hemisphere : brain mechanisms
mediating vocal emotional processing ». Trends Cogn. Sci., 10 (1), 24-30.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
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PSYCHOPHYSIOLOGIE
DES ÉMOTIONS1
Chapitre 5

1. Par Tatjana Aue.


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INTRODUCTION :
POURQUOI S’INTÉRESSER
AUX RÉACTIONS CORPORELLES ?

Vous passez un examen écrit à l’université ; il ne vous reste plus que cinq
minutes. Vous avez plein d’idées, que vous voulez pouvoir relier les unes aux
autres et vous n’avez encore pas répondu à la dernière question. Une telle
situation induit chez la plupart des personnes une augmentation de l’activité
mentale et corporelle. Résultant d’une évaluation de non-maîtrise de la situa-
tion, vous vous sentez stressé(e) et vous sentez votre cœur battre plus fort.
La coordination motrice est tout à coup plus difficile, il se pourrait que vos
mains commencent un peu à trembler et que vous ayez du mal à tenir votre
stylo correctement. En plus, vous commencez à avoir chaud et à suer.
Cet exemple montre que les réactions corporelles jouent un rôle important
dans un épisode émotionnel, même si ce que nous percevons n’est pas
toujours corrélé avec ce qui se passe vraiment au niveau corporel (par exemple,
Valins, 1966 ; voir section 2.4). Un autre exemple qui souligne l’importance
de notre corps dans les réactions émotionnelles est que certaines personnes
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

commencent à rougir lorsqu’elles ont honte.


Déjà en 1884, James avait mis l’accent sur le rôle des réactions physiolo-
giques dans les expériences émotionnelles. L’interprétation traditionnelle de
sa théorie implique qu’une réaction corporelle spécifique à une émotion (par
exemple, des tremblements de genoux dans le cas de la peur) est déclenchée
par la perception d’un événement. L’autoperception des changements au niveau
corporel devrait, finalement, résulter dans un sentiment subjectif spécifique
ce qui est, selon James, similaire à l’émotion. Cette position ne reste pas sans
critique (Cannon, 1914, 1927) ; elle a déclenché ce qui s’appelle « la controverse
de la séquence » (section 2).
160 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

Jusqu’à aujourd’hui, il n’y a pas de consensus sur ce que l’on peut considérer
être « le déclencheur » d’un épisode émotionnel. Même si nos réactions
physiologiques ne constituent pas le déclencheur en soi, il est bien possible
qu’elles soient corrélées à l’importance d’un événement, et qu’elles servent
à l’énergétisation nécessaire de l’organisme, pour permettre une réaction
comportementale rapide et adéquate en cas d’urgence (comme fuir devant un
prédateur). Dans ce sens, les réactions périphériques sont souvent censées
préparer le corps aux réponses comportementales adaptatives (entre autres :
Gray et McNaughton, 1996, 2000 ; Jänig, 2003 ; Levenson, 2003 ; Levenson,
Ekman et Friesen, 1990 ; Öhman, 1979, 2000, 2003 ; Scott, 1980 ; voir aussi
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section III). Dans ce contexte, il est important de souligner le lien de ce
chapitre avec le chapitre 6 : « Motivation et tendances à l’action ».
Une émotion est un construit hypothétique : l’examiner avec des question-
naires ou avec des rapports verbaux ne suffit pas (au niveau du sentiment
subjectif, voir chapitre 7 « Sentiment subjectif »). Par ailleurs, il est parfois
très difficile d’exprimer ce que nous ressentons. Dans ce contexte, il pourrait
être intéressant d’étudier si des changements physiologiques, même s’ils ne
sont pas spécifiques aux émotions, peuvent nous indiquer si un événement a
impliqué ou touché une personne. Des individus nommés « répresseurs »,
par exemple, sont caractérisés par des réactions périphériques remarquables,
mais ils ne formulent que peu d’implication au niveau du sentiment subjectif
en se distançant des événements qui pourraient mettre en danger leur estime
de soi (par exemple, Mendolia, Moore et Tesser, 1996). Ici, il est également
intéressant d’examiner pourquoi il y a une telle contradiction entre les réac-
tions physiologiques et le sentiment subjectif, et comment ces deux compo-
santes d’une émotion interagissent avec d’autres composantes comme la
motivation ou l’expression.
Dans ce chapitre, le rôle des réactions corporelles dans nos expériences
émotionnelles sera traité plus en détail. Seront tout d’abord expliqués la
structure et le fonctionnement du système nerveux périphérique. Suivront la
description de différents points de vue concernant l’importance des réactions
périphériques pour le déclenchement et la différenciation des émotions (débat
de la séquence). Ensuite, sera soulignée la valeur des réactions corporelles
pour la préparation des réactions appropriées ou adaptatives par rapport à un
contexte donné. Puis, les postulats de deux grands courants théoriques (théo-
ries dimensionnelles et des émotions de base) et les plans expérimentaux
appliqués pour les tester seront aussi abordés. Finalement, les problèmes
méthodologiques existant dans ce champ de recherche et les nouvelles pers-
pectives amenées par des théories dans la tradition de l’appraisal (voir Scherer,
1988, pour un résumé de ces théories) seront mentionnés.
PSYCHOPHYSIOLOGIE DES ÉMOTIONS 161

1 DESCRIPTION DU SYSTÈME NERVEUX


PÉRIPHÉRIQUE

1.1 Structure du système nerveux périphérique


Le système nerveux périphérique (SNP ; voir figure 5.1) forme, avec le système
nerveux central (SNC), le système nerveux.
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Système
Système nerveux
nerveux

Système
Système nerveux
nerveux central Système
Système rv unerveux
nerveux périphérique
r érique
central (SNC)
(SNC) périphérique
(SNP) (SNP)

Système
Système nerveux
nerveux Système nerveux
Système nerveux
somatique (SNS)
somatique (SNS) autonome (SNA)
autonome (SNA)

Système
Système nerveux
nerveux Système nerveux
Système nerveux
sympathique
sympathique parasympathique
parasympathique

Figure 5.1
Structure du système nerveux.

Il peut être subdivisé en deux parties : une partie somatique (SNS, pour
système nerveux somatique) et une partie autonome ou végétative (SNA, pour
système nerveux autonome). La première partie permet l’expression de mouve-
ments volontaires et involontaires ainsi que des sensations thermiques et
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

tactiles. Tandis que ce système peut être contrôlé dans une large mesure par
notre volonté, le SNA se caractérise par une limite de l’influence de volonté.
Il est responsable des fonctions organiques automatiques comme la respiration
et la digestion. Il contrôle la constance du niveau d’activité de l’organisme
(homéostasie ; Cannon, 1929) et suivant les besoins de l’individu, il peut
augmenter ou diminuer l’activité corporelle par la coordination des deux sous-
systèmes suivants : le système nerveux sympathique et le système nerveux
parasympathique (pour plus d’informations concernant un troisième sous-
système appelé système entérique (enteric system), voir Langley, 1921). Dans
une vue traditionnelle (entre autres Cannon, 1914, 1939 ; Hess, 1949), la partie
sympathique effectue, en gros, une innervation des organes et permet d’activer
162 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

l’organisme pour exécuter des tâches physiques ou mentales : les rythmes


cardiaque et respiratoire s’accélèrent, la tension artérielle augmente, les pupilles
se dilatent et la peau a une plus forte conductance. La digestion, par contre,
serait ralentie. En cas d’urgence, de telles réponses auraient comme but de
mobiliser des ressources corporelles pour permettre des réactions adaptatives
(fight/flight response ou « réaction de défense ») utiles pour la survie. Le
système nerveux parasympathique aurait un effet contraire et serait prédomi-
nant pendant le repos. Il permettrait d’assurer la reproduction de l’espèce et
la conservation des ressources corporelles. Selon ce point de vue, plus l’urgence
de réagir à une situation est grande, plus le système nerveux sympathique
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dominera le système nerveux parasympathique.
Néanmoins, selon Jänig (2003), ces deux systèmes fonctionnent plutôt
rarement de manière antagoniste (par exemple, dans le cas où le système
sympathique accélère le rythme cardiaque et le système parasympathique qui
le décélère). Par ailleurs, la plupart des tissus cibles seraient innervés par un
seul des deux systèmes. Pour plus de détails concernant l’anatomie et la fonction
des deux subdivisions du système autonome, ainsi que sur leur connexion
avec le système nerveux central, voir Jänig (2003) et Rosenzweig, Leiman et
Breedlove (1998).
Par la suite, plusieurs formes de l’activité du système nerveux périphérique
(activités cardiovasculaire [SNA], électrodermale [SNA] et musculaire [SNS])
avec les paramètres et mesures associés seront décrites. Précisons qu’il n’est pas
possible, dans le cadre de ce chapitre, de donner une impression complète
sur ce champ de recherche. Seuls les aspects les plus pertinents seront exposés.

1.2 Activité et mesure de l’activité cardiovasculaire


L’activité du cœur est autonome et n’a donc pas besoin d’impulsions extérieures.
Néanmoins, il existe des influences des branches sympathiques et parasym-
pathiques, qui ont pour but d’adapter l’activité cardiovasculaire au contexte.
Le potentiel électrique des cellules du péricarde (résultant de leur dépola-
risation (excitation) et repolarisation) change de manière systématique entre
deux contractions du cœur. Ces changements peuvent être mesurés (en mVolts)
à la surface de la peau (voir figure 5.2). La forme de l’électrocardiogramme
décrit les différences électriques entre deux électrodes fixées sur la peau (le
placement spécifique des électrodes dépendant de la dérivation particulière choi-
sie ; par exemple, dérivation d’Einthoven I : mesure bipolaire entre bras droit et
bras gauche), mesurées pendant un certain intervalle temporel. Le signal se
compose de plusieurs ondes prises en considération dans la recherche.
L’intervalle R-R décrit un cycle complet. Le nombre de cycles par minute
définit le rythme cardiaque ou la fréquence cardiaque qui est compris en
général entre 60 et 100 cycles par minute. L’onde P signifie la dépolarisation (ou
PSYCHOPHYSIOLOGIE DES ÉMOTIONS 163

contraction) des oreillettes, le complexe QRS la dépolarisation des ventricules


et l’onde T la repolarisation des ventricules. Il est intéressant d’étudier d’une part
le temps de ces différentes ondes, et, d’autre part, leur amplitude. L’amplitude
de l’onde T, par exemple, diminue avec une plus grande activation du système
nerveux parasympathique. Des informations plus détaillées sont disponibles
chez Papillo et Shapiro (1990) ou Brownley, Hurwitz et Schneiderman (2000).
Pour la pression artérielle, une valeur maximale (pression systolique) et
une valeur minimale (pression diastolique) sont distinguées. La pression est
maximale lorsque les ventricules se contractent, éjectant le sang dans les artères.
Après cette phase – qui est appelée la systole – il y a une période de relaxation –
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la diastole – où le cœur est de nouveau rempli de sang. Dans cette phase, la pres-
sion artérielle prend une valeur minimale. La pression artérielle peut être mesu-
rée (en millimètres de mercure, mmHg) indirectement à l’aide d’un brassard
gonflable ou directement avec une aiguille introduite dans le flux sanguin.

T
P Segment Segment Segment P
+
PQ ST TP
0 Volt

Q
S
Figure 5.2
Électrocardiogramme.

1.3 Activité et mesure de l’activité électrodermale


L’activité électrodermale est influencée par la sudation de l’individu, par
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

l’activité de ses glandes sudoripares. Plus le nombre de glandes activées est


grand, plus l’activité électrodermale est importante. Cette dernière est suppo-
sée signaler surtout – ou même uniquement – l’activité du système nerveux
sympathique.
L’activité électrodermale est mesurée, dans la plupart des cas, à l’aide de
la conductance de la peau. Le « niveau de la conductance de la peau » (skin
conductance level) est une mesure tonique. Il reflète l’activité électrodermale
sans stimulation externe. Dans un tel état, il existe quand même quelques
augmentations phasiques spontanées de la conductance (ce sont des fluctuations
spontanées).
164 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

Les changements résultant d’une stimulation externe s’appellent les


« réactions de la conductance de la peau » (impliquées par exemple dans les
processus attentionnels et d’orientation). Une réaction de la conductance de
la peau est monophasique, c’est-à-dire que la conductance ne diminue jamais
suite à une stimulation. Une réaction de la conductance de la peau peut être
décrite par les expressions suivantes : « amplitude », « temps d’augmentation »,
« temps de récupération » (synonyme : « temps de retour à la ligne de base ») et
latence (voir figure 5.3). Plus grande est l’amplitude, plus court sont le temps
d’augmentation, le temps de récupération et la latence en général.
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Conductance

Amplitude
Amplitude

Temps
Stimulation
Latence
Temps
d’augmentation

Temps
de récupération

Figure 5.3
Réaction de la conductance de la peau.

Des stimuli nouveaux, intenses, ou à contenu émotionnel, autrement dit des


stimuli impliquant une certaine pertinence, sont associés à une réaction de la
conductance de la peau. Une stimulation répétitive a comme conséquence
une habituation.
Une faible tension électrique appliquée sur deux électrodes, fixées en général
aux doigts ou sur la paume de la main, permet d’enregistrer la conductance de la
peau. Il en résulte un circuit électrique, dans lequel les glandes sudoripares
fonctionnent comme rhéostats parallèles (résistance). Puisque la conduc-
tance de la peau est la réciproque de la résistance de la peau, elle peut être
approximativement décrite par la loi d’Ohm (simplification économique).
I = U/R = U*G
Avec :
I = intensité en ampère U = tension en volt
R = résistance en ohm G = conductance en siemens (1 siemens = 1 ohm – 1)
PSYCHOPHYSIOLOGIE DES ÉMOTIONS 165

Des informations plus détaillées sont disponibles chez Dawson, Schell et


Filion (2000), Edelberg (1972) et Stern, Ray et Quigley (2001).

1.4 Activité et mesure de l’activité motrice


La musculature striée de l’être humain consiste en plusieurs fibres musculaires
mises côte à côte. Elles sont innervées par des motoneurones. L’activation
d’une fibre musculaire s’effectue à l’aide du transmetteur Acétylcholine. Les
fibres sont connectées aux tendons, ces derniers sont attachés au squelette.
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Le nombre de fibres qu’un motoneurone est capable d’innerver varie consi-
dérablement d’une région corporelle à l’autre et est décrit par la « proportion
d’innervation » (anglais : innervation ratio). Pour les muscles oculaires exté-
rieurs, elle se monte à 1 : 6 ; autrement dit : un neurone est capable d’exciter
six fibres. Pour la région du dos, cette proportion obtient une valeur de 1 : 500
ou même 1 : 1 700. Plus grande est la proportion d’innervation, plus précise
ou fine est l’action motrice.
Pendant la conduite de l’excitation, il se produit un champ électrique, qui
peut être mesuré à l’aide de l’électromyogramme à la surface du corps en
faisant une dérivation bipolaire au muscle concerné (en général, par la fixa-
tion de deux électrodes à la surface de la peau). Plus grande est l’amplitude
(positive aussi que négative en µVolt) du signal, plus grande est l’activation
du muscle (voir figure 5.4).
Intensité

0 Vo lt
Temps
–-
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Figure 5.4
Électromyogramme du muscle Extensor digitorum (extension du bras).

Pour estimer l’activité dans une certaine fenêtre temporelle, nous nous
servons souvent de l’intégration temporelle en additionnant les amplitudes
pendant cette période. D’autres méthodes et des informations concernant le
166 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

traitement du signal (entre autres : filtrer, amplification et placement des


électrodes) sont décrites par Fridlund et Cacioppo (1986) et Tassinary et
Cacioppo (2000).
Dans le cadre de la psychologie de l’émotion, la recherche se concentre
particulièrement sur l’activité des muscles faciaux (voir aussi chapitre 3).
Le centre d’intérêt était jusqu’à présent essentiellement les deux muscles
Corrugator supercilii (lié au froncement des sourcils) et Zygomaticus major
(associé au sourire).
Il est nécessaire d’ajouter qu’il est pratiquement impossible d’enregistrer
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l’activité d’un seul muscle à la fois, puisque les différents muscles sont très
proches les uns des autres. C’est pour cela qu’il est préférable de parler des
régions plutôt que des muscles eux-mêmes (par exemple, région autour du
muscle Zygomaticus major).

1.5 Artefacts

Pour chaque enregistrement, il existe plusieurs sources d’artefacts, ce qui


peut rendre l’interprétation des résultats difficile. Voici quelques exemples.
Les artefacts pour l’enregistrement de l’activité cardiovasculaire et électro-
dermale sont constitués de la respiration, des changements de la température
et surtout des mouvements de la part des participants. Les résultats d’études,
où les conditions expérimentales diffèrent dans un de ces aspects, doivent
être interprétés avec précaution.
Les réactions motrices (SNS) peuvent être influencées plus facilement que
les réactions liées à l’activité cardiovasculaire et électrodermale (toutes les
deux, SNA). La fixation des électrodes peut alors être compliquée dans le sens
où les participants pourraient se focaliser sur leurs réactions musculaires et
éventuellement essayer de les changer. En plus de cela, l’influence des champs
électriques concurrents, produits par des écrans de présentation par exemple,
et les mouvements supplémentaires du participant risquent de compliquer
l’interprétation des résultats dans une recherche.

2 LE DÉBAT DE LA SÉQUENCE

Comme annoncé dans l’introduction de ce chapitre, il n’existe pas de consensus


concernant la séquence de changements appartenant aux différentes compo-
santes d’une émotion. Est-ce que les réactions physiologiques précèdent ou
suivent le sentiment subjectif, ou est-ce que les changements associés aux
PSYCHOPHYSIOLOGIE DES ÉMOTIONS 167

différentes composantes se passeraient simultanément ? Dans cette section


seront décrits différents points de vue sur ce thème.

2.1 William James et Carl Lange


La théorie de James (1884, 1894) met l’accent sur l’importance des réactions
périphériques lors du déclenchement d’une émotion. Selon cet auteur, suite à
une perception, a lieu un processus causant des changements corporels comme,
par exemple, des tremblements des genoux et une augmentation du rythme
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cardiaque à la vue d’un ours. Ces réactions sont censées être très nuancées.
La perception des changements provoquerait un sentiment subjectif (par
exemple, je me sens effrayé(e) car je tremble). Dans cette théorie, l’émotion
est équivalente au sentiment subjectif.
Une année après l’apparition de l’article fécond de James, le physiologiste
danois Carl Lange (1885/1922) a proposé un modèle de l’émotion qui,
malgré beaucoup de petites nuances, suggère le même mécanisme de base
concernant la séquence causale de James. À cause de cette similarité, nous
parlons traditionnellement de la théorie de l’émotion « James-Lange ». Elle
est appelée position « périphéraliste », puisqu’elle se centre sur le périphérique,
c’est-à-dire sur le SNA et le SNS, plutôt que sur le SNC. Lange suggère, par
exemple, une augmentation de l’activité du SNA et une dilatation des vais-
seaux sanguins pour la joie et la colère (mais avec une plus grande intensité
pour la colère que pour la joie).

2.2 Walter Cannon


La position James-Lange a été critiquée par Cannon (1927), pour qui la
différenciation et le déclenchement de l’émotion se font au niveau du SNC et
non pas au niveau du SNP. La structure la plus importante, selon lui, est
l’hypothalamus. Le point de vue de Cannon est donc « centraliste ».
Pour Cannon, des circuits au niveau du SNC traitent l’information perti-
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

nente pour l’émotion et ce sont finalement eux qui sont responsables du


sentiment subjectif d’une émotion. Les changements physiologiques accom-
pagneraient ce sentiment mais ne seraient pas antérieurs à lui. De plus, ils ne
sont pas nécessairement supposés être spécifiques à certaines émotions.
Cannon (1914) souligne tout de même que les changements viscéraux (SNA)
contribuent au complexe émotionnel.
Cannon a remis en question les postulats de la théorie James-Lange en lui
opposant les cinq arguments suivants :
1) Les mêmes changements viscéraux (SNA) apparaissent dans des états émo-
tionnels différents et dans des états non émotionnels (exemple : fièvre) ;
168 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

2) la déconnexion du SNC des viscères n’empêche pas un comportement


émotionnel ;
3) l’ensemble des viscères sont des structures relativement insensibles ;
4) les changements viscéraux sont trop lents pour pouvoir déclencher des
sentiments émotionnels ;
5) une induction artificielle de changements viscéraux n’induit pas d’émotions.
Ces arguments ne peuvent cependant pas rester sans contre-arguments. En
effet, le résultat des recherches de Cannon est attribuable aux animaux. Par
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ailleurs, James ne s’est pas uniquement intéressé aux viscères (SNA), mais

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aussi aux réactions musculaires (SNS). Aussi, Ellsworth (1994) et Stemmler
(1998) remarquèrent que la position de James a été souvent mal interprétée.
En 1894, James a, par exemple, ajouté à sa théorie des explications concernant
le processus de la genèse d’une émotion. Il expliqua que c’est l’interprétation
d’une situation initialement neutre qui provoque les changements périphériques.
Cet aspect considéré, cette théorie n’est pas si différente des théories récen-
tes mettant l’accent sur l’évaluation cognitive de la situation comme facteur
déclenchant d’un épisode émotionnel (Scherer, 1984, 2001 ; Ellsworth,
1991, Lazarus, 1966, 1982, 1984 ; Smith, 1989, 1996 ; Smith et Ellsworth,
1985 ; voir aussi chapitre 2 et section 6). Nous pourrions alors dire que cette
perspective était plutôt moderne et la réaction à une émotion ne correspondait
pas à une réponse automatique à un stimulus, comme cela a été proposé par
les béhavioristes.
De plus, d’après Stemmler, James a aussi été mal compris sur un autre point.
À chaque état émotionnel n’était pas associé un pattern périphérique différent.
Au contraire, James a affirmé que, parfois, les labels émotionnels – ou étiquettes
verbales pour décrire notre sentiment subjectif – ne seraient pas aussi variés
que les réactions périphériques. Différents états corporels pourraient être
décrits avec le même mot par différents individus. Quoi qu’il en soit, la théorie
de James-Lange a sans doute fortement inspiré les chercheurs dans la tradition
des émotions de base. Cette tradition sera expliquée dans ce chapitre plus
tard [c’est-à-dire : section 5.2 ?].

2.3 Stanley Schachter


Le psychologue social Schachter (1964, 1971) est l’un des premiers à avoir
proposé une théorie cognitive de l’émotion. Ce chercheur a explicité le caractère
non spécifique de la perception de l’activation sympathique (indiqué entre
autres par la palpitation et les tremblements des membres). Il suggéra qu’une
telle activation non spécifique à l’émotion est suffisante pour évoquer n’importe
quel sentiment subjectif. Les facteurs responsables de la différenciation des
émotions sont les cognitions. Ces dernières interprètent la situation sur la
base d’expériences antérieures. Selon ce théoricien, l’excitation corporelle
PSYCHOPHYSIOLOGIE DES ÉMOTIONS 169

influence donc l’intensité, tandis que la cognition détermine la qualité de


l’émotion ressentie. Chacun de ces deux facteurs est nécessaire mais non
suffisant.
Schachter prétend qu’une personne qui ne peut pas expliquer l’augmenta-
tion de son activation sympathique va susciter un processus de « recherche
d’informations et d’auto-attribution » : si cette activation sympathique ne
peut pas être attribuée à un facteur externe, la personne conclura qu’elle ressent
probablement une émotion. Suite à cela, elle va donc prudemment explorer
son environnement social et physique et décider quelle émotion est appropriée.
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Ce processus serait ni volontaire ni conscient.
Schachter et son étudiant Singer ont réalisé une expérience pour tester
cette hypothèse (Schachter et Singer, 1962) [expérience fondamentale 1]. Ils
ont injecté à deux groupes de participants, soit de l’épinéphrine (adrénaline ;
déclenchant une excitation sympathique) soit une solution saline (placebo ;
ne déclenchant pas une excitation sympathique ; groupe contrôle). Les expé-
rimentateurs informaient les participants que le but de l’expérience était
d’évaluer les effets secondaires d’un composé vitaminé sur la vision.
Les participants du groupe contrôle étaient avertis que l’injection n’aurait
aucun effet. Ceux du groupe épinéphrine ont eu l’une des trois informations
suivantes : 1) il n’y aurait aucun effet de l’injection (épinéphrine ignorant),
2) il pourrait y avoir des tremblements des membres et des palpitations
(épinéphrine informé) et 3) il pourrait y avoir des effets secondaires comme
des maux de tête (épinéphrine mal informé). Les participants du groupe
épinéphrine qui pouvaient attribuer leurs palpitations et tremblements à la
drogue (épinéphrine informé) étaient censés ne pas chercher d’autres justifi-
cations ou explications de leur état, car ayant déjà une justification pour ce
qu’ils ressentaient. Par conséquent, ils n’étaient pas supposés ressentir une
émotion. À l’inverse, les participants ignorants des effets potentiels de l’injection
(épinéphrine ignorant) ou ceux qui ont reçu une information fausse (épinéphrine
mal informé) étaient censés rechercher d’autres raisons que l’injection pour
expliquer leur activation sympathique. De telles raisons leur étaient offertes
au moyen de compères qui se comportaient de manière euphorique ou irritée
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

(condition euphorie versus colère) et étaient dans la même pièce.


Schachter et Singer ont obtenu des résultats soutenant leurs hypothèses.
En accord avec les attentes, les participants dans les groupes épinéphrine mal
informé et épinéphrine ignorant étaient jugés plus joyeux/plus en colère que
les participants du groupe épinéphrine informé (indiqué par un rapport verbal
et par l’observation du comportement). Contrairement aux hypothèses, les
participants du groupe contrôle (placebo) ne montraient pas toujours aussi
peu d’euphorie/de colère que les participants du groupe épinéphrine informé.
Schachter et Singer s’attendaient à ce que les deux groupes soient comparables.
Le premier groupe sans activation sympathique et le deuxième avec une
170 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

explication adéquate de leur excitation corporelle n’auraient pas dû, ni l’un


ni l’autre, chercher d’explication en se comparant aux compères.
L’étude a été fortement critiquée (Marshall et Zimbardo, 1979). D’une
part, le rapport verbal et l’observation des comportements utilisés dans cette
expérience ne permettaient pas de savoir si les participants avaient réellement
ressenti une émotion. D’autre part, Schachter et Singer n’ont pas contrôlé
l’excitation sympathique de manière continue ; ils ne l’ont mesurée qu’avant et
après l’interaction avec le compère avec pour seule mesure le pouls. Ensuite,
les résultats n’ont pas pu être répliqués indépendamment dans différents groupes
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de recherche (voir Gordon, 1987 ; Mezzacappa, Katkin et Palmer, 1999 ;
Reisenzein, 1983). Une dernière critique à mentionner est que l’induction d’une
excitation sympathique à l’aide de l’épinéphrine ne peut pas être considérée
comme une opérationnalisation adéquate, car elle ne reproduit pas le processus
d’une excitation émotionnelle en situation naturelle.

2.4 Stuart Valins

Une étude exemplaire mettant en question la théorie de Schachter est celle de


Valins (1966) [expérience fondamentale 2]. Cet auteur présentait aux partici-
pants masculins dix photos de femmes de la revue Playboy. La présentation
des images était accompagnée par un bruit. La moitié des participants recevait
l’information que ce bruit constituait leur rythme cardiaque (groupe averti).
Le rythme cardiaque était supposé être mesuré par un vieil appareil à côté
d’eux. Cet appareil n’était cependant en réalité pas du tout lié au rythme
cardiaque. Les participants avaient comme consigne de ne pas faire attention
aux sons. L’autre moitié des participants a été avertie que le bruit constituait
un moyen pour étudier l’effet de distraction lors du visionnage des images.
Valins a pu démontrer que même de fausses informations concernant
l’activité corporelle sont capables d’influencer nos réactions affectives. Les
participants du groupe averti préféraient les images associées à un bruit
signalant un changement de leur rythme cardiaque (soit accélération, soit
décélération) que celles qui étaient associées à un rythme cardiaque stable.
Ces différences n’étaient pas observables dans le groupe des participants qui
n’avaient pas fait l’association du rythme cardiaque aux sons émis par l’appareil.
De plus, les préférences du premier groupe sont restées temporairement stables
(encore présentes cinq semaines après l’expérience) et ont également résisté
à un éclaircissement concernant les vrais buts de l’étude. Ces résultats pourraient
refléter un besoin des participants d’expliquer leurs changements putatifs.
Néanmoins, cette étude ne peut pas rester sans critique non plus. Parkinson
(1985) pensait que les participants voulaient éventuellement soutenir l’expéri-
mentateur dans sa recherche en se comportant selon ses hypothèses. Il est très
probable que les participants, dans le groupe averti, pensaient que l’expérimentateur
PSYCHOPHYSIOLOGIE DES ÉMOTIONS 171

examinerait le lien entre leur rythme cardiaque et leurs préférences. Cet effet
est connu comme « l’effet Pygmalion » (voir Rosenthal, 1973, 2002). Enfin,
il faut prendre en considération que les préférences ne constituent pas de
vraies émotions non plus.

3 L’ASPECT ADAPTATIF
DES RÉACTIONS PÉRIPHÉRIQUES
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Pour plusieurs chercheurs, les réactions périphériques sont censées préparer
l’organisme aux réactions adaptatives relatives à la survie (entre autres
Ekman, 1992 ; Öhman, 1979, 1993, 2000 ; Öhman et Wiest, 2003 ; Plutchik,
1980, 1984 ; Panksepp, 1982, 2000 ; Scott, 1980). Nous expliquerons ulté-
rieurement la théorie de Öhman comme théorie exemplaire. Pour plus de
détails concernant les postulats de Plutchik, le lecteur se reportera au chapi-
tre 6.

3.1 Arne Öhman


Öhman (1979, 1993, 2000) considère que la peur et l’anxiété se sont formées
au cours de l’évolution. En accord avec la notion de preparedness énoncée
par Seligman (1971), Öhman souligne que des situations typiques pour diffé-
rentes formes de peur et d’anxiété seraient des situations impliquant un danger
pour la survie de l’espèce. Par exemple, la peur des interactions personnelles,
la peur de contamination, la peur de blessures, la peur des animaux, la peur
des larges espaces, toutes signalant un manque de sécurité (voir Arrindell,
Pickersgill, Merckelbach, Ardon et Cornet, 1991). Les êtres humains sont
censés être génétiquement sensibles à ce genre de stimuli pour assurer la survie
à long terme.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Öhman propose l’existence de systèmes comportementaux de base, respon-


sables du traitement des situations caractéristiques, à ces différentes formes
de danger. Par exemple, pour la peur évoquée dans des situations inter-
personnelles, il existerait un système appelé dominance-soumission ; pour la
peur des animaux, il propose un système de défense des prédateurs. Comme
il est plus tragique de ne pas faire attention aux menaces dans l’environnement
que d’y faire trop attention, la perception des êtres humains serait biaisée en
direction de la découverte des dangers. Un tel scanning de l’environnement
se ferait de manière rapide, inconsciente et pré-attentive, et demanderait peu
d’effort.
172 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

La fonction de la peur, évoquée par ce scanning, serait d’attirer l’attention de


l’individu sur les aspects menaçants et de permettre une réaction rapide et adap-
tative en initiant une excitation corporelle considérable (arousal). En accord
avec LeDoux (1990, 1996), Öhman propose que ces comportements sont initiés
par des structures sous-corticales, impliquant l’amygdale (« route basse », voir
chapitres 1 et 2).
À l’aide de plusieurs expériences, Öhman et coll. (voir Öhman, 1993, 2000,
pour un résumé) ont pu démontrer que des images d’araignées et de serpents
sont plus faciles à associer à un choc électrique que des images d’objets
neutres. La conductance de la peau était plus élevée pour des images contenant
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des menaces biologiques que pour des images neutres, ce qui indique une plus
grande excitation du système nerveux sympathique, donc signalant le rassem-
blement de ressources corporelles. Les êtres humains, comme les animaux,
sont alors très sensibles à de telles menaces dans leur environnement. L’orga-
nisme semble être préparé à traiter ces informations en leur donnant la priorité.
Les recherches mentionnées dans cette section ont également démontré
que l’extinction de la réaction conditionnée pour des stimuli biologiquement
importants prenait plus de temps que pour des stimuli neutres. De plus, un tel
conditionnement ne semble pas lié à la conscience (Öhman et Soares, 1993,
1994). Öhman, Dimberg et Esteves (1989) rapportent les mêmes effets avec
des expressions faciales de colère.

4 LA DIFFÉRENCIATION
DES ÉMOTIONS SELON
LES THÉORIES DIMENSIONNELLES

Les théories dimensionnelles partagent l’idée que les émotions peuvent être
décrites par un nombre limité de dimensions (deux ou trois, souvent la valence
et l’excitation subjective ressentie ; voir Peter Lang, section 4.2). Les diffé-
rences dans le sentiment subjectif ainsi que dans les réactions physiologiques
apparaissent suite à une différente localisation des émotions sur les dimensions
proposées. Par conséquent, les recherches sur les réactions périphériques
dans les phénomènes affectifs ne se centrent pas sur des émotions discrètes
mais sur les potentielles dimensions sous-jacentes.

4.1 Elisabeth Duffy


Duffy (1972) propose un concept unidimensionnel de l’activation. Selon cet
auteur, le comportement, peut être décrit par les deux dimensions « intensité »
PSYCHOPHYSIOLOGIE DES ÉMOTIONS 173

et « direction ». L’excitation corporelle de l’organisme refléterait surtout la


dimension d’intensité. De plus, les processus d’excitation devraient se mani-
fester de manière comparable dans chaque variable physiologique mesurée.
Selon cette conception, il serait possible de saisir l’excitation de l’organisme
en n’enregistrant qu’une seule variable. Différents sentiments subjectifs ou
émotions se distingueraient dans différentes intensités au niveau du SNP.
Une telle conception est mise en question par le problème de covariation.
De nombreuses études (par exemple, Cacioppo, Uchino, Crites, Snydersmith,
Berntson et Lang, 1992 ; Fahrenberg et Foerster, 1982 ; Lacey, Kagan, Lacey
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et Moss, 1963) ont démontré que plusieurs paramètres physiologiques ne
covarient pas de manière significative, comme cela a été proposé par Duffy.
Néanmoins, selon cet auteur, la covariation n’est pas toujours manifeste,
comme par exemple lorsque des expressions faciales (SNS) sont supprimées
volontairement.
Pourtant, Duffy ne réfute pas l’existence des réactions corporelles diffé-
renciées. Elle postule que les patterns d’excitation devraient être adaptés selon
les demandes situationnelles. Comme un certain mouvement (par exemple du
bras) requerrait l’activité de certains groupes musculaires, l’excitation la plus
grande se retrouverait nécessairement dans la région des muscles concernés,
tout en s’attendant également à une faible augmentation de l’activité dans
d’autres régions du corps (concernant par exemple les épaules et le dos).

4.2 Peter Lang


Lang et coll. (par exemple, Bradley, Greenwald, Petry et Lang, 1992 ; Lang,
1994) proposent également un modèle dimensionnel (voir chapitre 6 pour
plus de détails sur la théorie). Selon ces auteurs, les émotions constituent des
dispositions d’action (appétitif versus aversif). Les réactions affectives
peuvent être décrites par deux dimensions : la valence (positive versus néga-
tive) et l’excitation ressentie subjectivement (en accord avec Ertel, 1965 ;
Mehrabian et Russell, 1974 ; Osgood, Suci et Tannenbaum, 1957).
Dans plusieurs expériences, les chercheurs (Hamm, Schupp et Weike, 2003 ;
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Hamm et Vaitl, 1993 ; Lang, Greenwald, Bradley et Hamm, 1993) ont


présenté des images de l’International Affective Picture System (IAPS ; Lang,
Öhman et Vaitl, 1988 ; Lang, Bradley et Cuthbert, 1999) à leurs participants.
La valence des images varie de très négative à très positive et l’excitation
ressentie subjectivement de basse à haute.
Les résultats de ces recherches démontrent que la région entourant le muscle
Corrugator supercilii (froncement des sourcils) est plus activée lors de la vision
d’une image désagréable plutôt que lors de la vision d’une image agréable.
Le contraire est observé avec la région entourant le muscle Zygomaticus
major (sourire) dont l’activation semble être associée à une valence positive.
174 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

Néanmoins, cette région peut aussi être très activée pendant la présentation
d’images extrêmement désagréables telles que l’illustration d’une mutilation.
L’expression faciale pour ce type d’images ressemble à une grimace.
Certains auteurs ont démontré l’existence d’une relation monotone entre
l’agrément intrinsèque et la fréquence cardiaque – la fréquence forte
s’observe pour les images jugées comme positives (par exemple, Lang,
Greenwald, Bradley et Hamm, 1993). Ceci est en accord avec les résultats
rapportés par Hamm, Schupp et Weike (2003) qui décrivent un pattern
triphasique en réaction aux images. Lors de la présentation d’une image, une
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décélération du rythme cardiaque est observée au début. Elle est surtout
importante lors d’images désagréables et pourrait être liée à une réaction
d’orientation. Après cette décélération intervient une accélération, qui est
particulièrement forte pour les images agréables. S’ajoute ensuite à nouveau
une décélération qui est la plus visible pour des images désagréables. Hamm
et Vaitl (1993) suggèrent en outre que le pattern triphasique dépendrait du
mode d’induction d’une émotion (par exemple, l’imagination versus la
présentation d’images). La conductance de la peau, par contre, semble être
fortement influencée par l’excitation subjective ressentie d’un stimulus, mais
non par sa valence.
D’autres auteurs (par exemple, Schwartz, Fair, Salt, Mandel et Klerman,
1976 ; Schwartz, Ahern et Brown, 1979 ; Brown et Schwartz, 1980 ; Cacioppo,
Martzke, Tassinary et Petty, 1988) ont pu démontrer des résultats identiques
concernant des différences entre des émotions positives et négatives pendant
l’imagination d’événements associés à la joie, à la tristesse et à la peur, par
exemple. Certains de ces résultats sont basés sur des cadres théoriques peu
différents. Cacioppo et coll., par exemple, considèrent la valence positive et
la valence négative comme deux dimensions séparées.

5 LES PATTERNS SPÉCIFIQUES


AUX ÉMOTIONS

Dans la même optique que pour la notion d’adaptation, plusieurs scientifiques


et leurs équipes ont recherché des patterns spécifiques aux émotions. Selon
leur point de vue, les différents états affectifs au niveau du sentiment subjectif
devraient être reflétés dans nos réactions corporelles. Une certaine constella-
tion des réactions physiologiques serait alors caractéristique pour chaque état
émotionnel. Contrairement aux théories dimensionnelles, les émotions sont
censées se différencier de manière qualitative et non de manière quantitative
par rapport à deux ou trois dimensions.
PSYCHOPHYSIOLOGIE DES ÉMOTIONS 175

Stemmler (1998) souligne que la question des patterns spécifiques est impor-
tante dans plusieurs sens :
– sens théorique : comme argument que les nuances du sentiment subjectif
sont reflétées dans nos réactions corporelles ;
– sens pratique : pour identifier et évaluer les états émotionnels ;
– sens neurophysiologique : pour l’identification des structures au SNC
associées avec ces changements spécifiques ;
– sens neuropsychologique : pour la recherche des mécanismes causaux des
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troubles émotionnels liés aux particularités du système nerveux.

5.1 Albert Ax
Ax a remis en question l’hypothèse des patterns physiologiques non diffé-
renciés, comme proposé par Cannon et Schachter (et aussi Duffy). Avec son
article de 1953, il a essayé de démontrer des patterns spécifiques à la peur et
à la colère. Dans son expérience, les participants étaient confrontés à une
situation de peur et à une situation de colère (l’ordre était contrebalancé).
Plusieurs capteurs étaient fixés sur les participants afin de mesurer des réactions
physiologiques comme le rythme cardiaque, la pression artérielle (systolique
et diastolique), la respiration et la conductance de la peau [expérience fonda-
mentale 3].
Dans la situation de peur, l’expérimentateur appliquait des chocs électri-
ques sans douleurs sur le petit doigt du participant. Ce dernier était censé
associer ces sensations à de mauvais contacts électriques, l’expérimentateur
se montrant très inquiet et alarmé par un mauvais fonctionnement de l’équi-
pement technique. Dans la situation de colère, l’expérimentateur expliquait
au participant qu’un technicien incompétent et irascible (le seul disponible)
viendrait faire les inspections de l’équipement. Ceci dit, le technicien entrait
au laboratoire et l’expérimentateur sortait. Quand le participant et le technicien
étaient seuls, ce dernier démontrait un comportement agressif et injuste
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

avec le participant.
Avec cette manipulation, Ax a pu démontrer des différences concernant
plusieurs paramètres physiologiques entre la situation de peur et la situation
de colère. Parmi ces différences, il a rapporté, entre autres, une plus grande
augmentation de la pression diastolique, un plus grand nombre de réponses
de la conductance de la peau, une plus grande tension musculaire maximale et
une plus forte décélération du rythme cardiaque dans la condition de colère
que dans la condition de peur. Le rythme respiratoire, par contre, était plus
élevé pour la peur que pour la colère (note que la description des résultats
n’est pas exhaustive).
176 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

5.2 Silvan Tomkins, Paul Ekman et Carroll Izard


(émotions de base)

Dans les années 1960, Tomkins (1962, 1963) a postulé l’existence d’un nombre
limité d’émotions de base ou fondamentales, en se référant principalement
aux travaux de Darwin (1872/1965). Tomkins a suggéré que lorsqu’une situation
particulière produit une émotion spécifique, des programmes neuro-moteurs
innés s’enclenchent. Ces programmes neuronaux créent des expressions facia-
les typiques, des patterns de réactions différenciés dans la voix aussi bien que
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dans les systèmes de réponses physiologiques (voir Tomkins, 1984, pour un
résumé). L’approche théorique de Tomkins a fortement influencé les travaux
théoriques et empiriques d’Ekman et d’Izard sur la spécificité de l’expres-
sion faciale. Ces travaux ont dominé la recherche sur les émotions durant les
trente dernières années (Ekman, 1972, 1982, 1992 ; Izard, 1971, 1991 ; voir
aussi chapitre 3).
Une étude exemplaire des réactions périphériques liées aux émotions de
base très connue est celle de Levenson, Ekman et Friesen (1990) [expérience
fondamentale 4]. Afin de provoquer des états émotionnels, ils ont demandé
à leurs participants de produire des expressions faciales typiques pour six
émotions de base (colère, peur, tristesse, dégoût, joie et surprise). Les instruc-
tions n’impliquaient pas de termes affectifs, mais étaient plutôt techniques
(basées sur le Facial Action Coding System, voir chapitre 3). Les participants
étaient ainsi priés d’activer quelques muscles spécifiques, sans qu’il soit fait
mention d’émotions. Ceci empêchait, selon les auteurs, de prendre cons-
cience d’une association entre des expressions faciales et un certain état
émotionnel. La production de ces expressions faciales était supposée activer
des programmes neuro-moteurs innés et donc, provoquer un sentiment subjec-
tif et des réactions physiologiques spécifiques à l’émotion respective. Ce
processus est connu sous le terme de « rétroaction faciale ».
Avec cette expérience, Levenson et coll. ont démontré que la production
d’expressions faciales de différentes émotions de base entraîne des réactions
physiologiques différentes. L’expression faciale de colère, par exemple, était
accompagnée d’une augmentation du rythme cardiaque, de la température
mesurée au doigt et de la conductance de la peau. Les expressions faciales de
peur et de colère se distinguaient uniquement par rapport à la température
mesurée au doigt. Celle-ci diminuait pendant une expression de peur, mais
remontait pendant une expression de colère. Les productions de joie et de
surprise n’étaient pas accompagnées d’une augmentation de la conductance
de la peau et se distinguaient statistiquement des expressions de dégoût et de
peur. Pour ces dernières, la conductance était bien plus élevée. Dans cette
étude, il n’était pas possible de dissocier complètement toutes les expressions
faciales (concernant entre autres la joie et la surprise), mais selon les auteurs,
ce serait éventuellement possible en incluant plus de variables physiologiques
PSYCHOPHYSIOLOGIE DES ÉMOTIONS 177

dans une future expérience. Ces résultats ont pu être répliqués dans un contexte
interculturel (Levenson, Ekman, Heider et Friesen, 1992).
Levenson et coll. (1990) soulignent que les patterns spécifiques obser-
vés pourraient servir à la préparation du corps pour des réactions adaptati-
ves, évoluées dans la phylogenèse. Une personne en colère aurait plutôt
tendance à attaquer une autre personne, alors que dans un épisode de peur,
elle aurait tendance à fuir. Une augmentation de la température mesurée au
doigt (comme observée pour une expression faciale de colère) signale une
vasodilatation des vaisseaux dans cette partie du corps, permettant une coor-
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dination des mouvements des doigts plus fins. Selon les auteurs, cela pourrait
être avantageux pour tenir des armes en cas d’un combat. Pendant la peur, au
contraire, une telle coordination ne serait pas utile pour la fuite. Dans ce cas-
là, il serait plus adaptatif de pouvoir courir vite. Une réduction de la tempéra-
ture mesurée au doigt signale une vasoconstriction des vaisseaux dans cette
région du corps, pouvant indiquer que le sang est transporté aux grands
muscles du squelette pour permettre une fuite rapide. Le rythme cardiaque
augmenté et la conductance de la peau élevée pour la peur et la colère indi-
queraient une énergétisation du corps en général.
Néanmoins, il faut être prudent dans l’interprétation de ces résultats. En
effet, une étude de Boiten (1996) a remis les résultats de l’expérience de
Levenson et al. partiellement en cause. Les différences observées pour le
rythme cardiaque pourraient également refléter des différences d’effort ou de
respiration pour la production des diverses expressions faciales. Gross et
Levenson (1993, 1997) rapportent tout de même que les patterns spécifiques
aux émotions disparaissent si les participants suppriment leurs émotions.
Il est important de noter qu’en 1992, Ekman a postulé l’existence de
patterns spécifiques pour la peur, la colère et le dégoût, mais pas pour la joie
ni pour le dédain. Ceci parce que ces dernières émotions seraient non perti-
nentes pour la survie. Levenson (2003) postule également qu’il y a peu voire
pas de réponses spécifiques pour les émotions positives, parce qu’elles ne
demanderaient pas nécessairement une forte activité motrice.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

5.3 Les patterns spécifiques aux émotions : état actuel

De nombreux chercheurs se sont intéressés aux patterns physiologiques spécifi-


ques aux émotions (par exemple Lange, 1885/1922 ; Ax, 1953 ; Ekman, Leven-
son et Friesen, 1983 ; Funkenstein, 1955 ; Funkenstein, King et Drolette, 1954 ;
Levenson, Ekman et Friesen, 1990 ; Schwartz, Weinberger et Singer, 1981 ;
Stemmler, 1989, 1992a, 2001). Malgré le fait que les résultats obtenus dans
chaque recherche individuelle sont convaincants, il n’existe pas actuelle-
ment d’évidence empirique probante pour l’hypothèse des patterns spécifi-
ques concernant les émotions. Par exemple, en comparant les résultats de Ax
178 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

d’un côté et de Levenson et al. de l’autre, il est évident qu’ils ne sont pas tout
à fait congruents. Le rythme cardiaque, chez Ax, diminuait pour la peur et la
colère, pendant qu’il augmentait chez Levenson et al. En plus, dans l’étude de
Ax, la décélération était plus prononcée pour la colère que pour la peur. Leven-
son et al., par contre, n’ont pas pu démontrer de telles différences cardiaques.
Une méta-analyse de Cacioppo, Berntson, Klein et Poehlmann (1997) a
démontré peu de preuves en faveur de l’hypothèse des patterns spécifiques.
Cette analyse comprend les résultats de vingt-deux études incluant vingt-
deux mesures physiologiques. Il semble qu’il soit possible de distinguer les
émotions positives des émotions négatives mais pas les émotions discrètes
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(de base) entre elles (par exemple la tristesse et le dégoût). Dans cette méta-
analyse, la pression diastolique et le rythme cardiaque, par exemple, étaient plus
élevés pour les émotions négatives que pour les émotions positives. Cacioppo,
Berntson, Larsen, Poehlmann et Ito (2000) postulent que la valence d’un
stimulus constitue une des premières informations prise en considération par
un individu et qui pourrait donc être reflétée dans les réactions corporelles.
Ces résultats soutiennent l’idée de Lang et coll. (voir ci-dessus) distinguant
les aspects stratégiques et tactiques des émotions. Les dimensions de valence
et d’excitation ressentie subjectivement composeraient des aspects stratégiques,
donnant une direction générale aux réponses comportementales, expressives
et physiologiques. Les aspects tactiques des émotions, par contre, prendraient
en considération le contexte d’un événement. Dans le cas de la peur, selon le
contexte, il pourrait résulter la fuite, la vigilance ou même l’immobilisation.
Pour cette raison, les patterns physiologiques observés pourraient donc varier
pour une même émotion.
Néanmoins, Cacioppo et al. (1997) rapportent des différences dans plusieurs
mesures physiologiques comparant la peur et la colère. La pression diastolique,
la température du visage et le volume du pouls mesuré au doigt, par exemple,
étaient plus élevés pour la colère que pour la peur. Au contraire, la peur était
caractérisée, entre autres, par une plus forte accélération du rythme cardiaque
que la colère. Les réactions vasculaires semblent ainsi plus prononcées pour
la colère que pour la peur, tandis que les réactions cardiaques, sont plus élevées
pour la peur. Stemmler (2004), en intégrant également des résultats de
nombreuses études, rapporte aussi des différences entre la colère et la peur.
Ses recherches démontrent que, en général, la pression diastolique, la tension
musculaire, la température du visage et la résistance périphérique totale
(résistance vasculaire périphérique offerte par l’ensemble des artérioles systé-
miques) sont plus élevées pour la colère que pour la peur. Par contre, la peur
comparée à la colère est associée à un plus grand volume du sang éjecté dans
les artères par minute et à une fréquence respiratoire élevée. Dans l’ensemble,
ces résultats suggèrent des patterns différents pour ces deux émotions. Néan-
moins, il reste à étudier si d’autres émotions se comportent ou non comme
ces deux émotions ou s’il existe un pattern propre à chaque état émotionnel.
Ici, une conclusion serait précoce.
PSYCHOPHYSIOLOGIE DES ÉMOTIONS 179

Cacioppo et coll. (Cacioppo, Berntson, Larsen, Poehlmann et Ito, 2000 ;


Cacioppo, Berntson et Klein, 1992) ont développé un « modèle des afférences
somatoviscérales de l’émotion » (somatovisceral afference model of emotion ;
SAME) pour expliquer l’incongruité des résultats. Selon ce modèle, il existe
plusieurs chemins pour évoquer des émotions avec (1) plus ou moins d’exci-
tation physiologique spécifique et (2) une influence des processus cognitifs
plus ou moins complexes. Les auteurs admettent l’existence des patterns
physiologiques différenciés et non différenciés dépendant du contexte. La
présentation d’un stimulus dans une certaine situation pourrait être accompa-
gnée d’un pattern spécifique à une émotion. Dans ce cas-là, le message du
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système nerveux périphérique au cerveau serait non ambigu et l’opération
cognitive pour qu’il en résulte une expérience émotionnelle serait tout
simplement la reconnaissance du pattern. Ce chemin est en accord avec les
théories de la tradition de James et Lange. Si le pattern physiologique est non
différencié, au contraire, l’expérience émotionnelle nécessite un processus
cognitif plus élaboré, pouvant inclure des attributions complexes et des tests
d’hypothèses. Ce chemin correspond aux théories de Schachter ou Mandler
(1984, 1990). Cacioppo et al. proposent en plus un troisième chemin consis-
tant en patterns physiologiques partiellement différenciés. Ces patterns
constituent des afférences ambiguës au système nerveux central. L’expé-
rience émotionnelle résulterait de l’amorçage perceptif et de la reconnais-
sance des patterns. Un pattern qui signalerait la peur ou la colère à la base,
serait interprété comme « peur » ou « colère » selon l’amorçage ayant eu
lieu auparavant. Le SAME propose alors que (1) les mêmes réactions
physiologiques peuvent provoquer différentes expériences émotionnelles
(dans le cas de patterns partiellement différenciés et non différenciés), et (2)
différentes réactions physiologiques peuvent provoquer les mêmes expériences
émotionnelles.

5.4 Les patterns spécifiques aux émotions :


questions théoriques et méthodologiques
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Pour tirer des conclusions concernant les résultats de la recherche sur l’exis-
tence des patterns spécifiques aux émotions, les questions suivantes doivent
être posées dans le contexte théorique et méthodologique. Elles sont traitées
plus en détail chez Stemmler (1998, 2003) et Cacioppo et al. (2000).

5.4.1 Les participants des expériences décrites ci-dessus ont-ils vraiment


ressenti une émotion ?

Si les personnes ne ressentent pas d’émotions, il est impossible de pouvoir


démontrer des effets émotionnels au niveau du système nerveux périphérique.
180 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

Le fait de montrer des images, par exemple, ne pourrait pas toujours être
suffisant pour déclencher un processus émotionnel. De la même façon, on
peut douter que la simple production des expressions faciales typiques pour
une émotion (par exemple, Levenson, Ekman, et Friesen, 1990) produirait un
sentiment subjectif et les réactions physiologiques correspondants. La méthode
d’induction adoptée par Ax (1953), par contre, semble a priori plus efficace
à déclencher des « vraies » émotions.

5.4.2 Les intensités des émotions dans les différentes conditions


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expérimentales d’une expérience étaient-ils comparables ?
Si, par exemple, l’intensité d’une induction de peur est plus grande que
l’intensité d’une induction de colère, des différences dans certaines variables
physiologiques entre deux conditions pourraient refléter des effets quantitatifs
(intensité) ainsi que qualitatifs (nature de l’émotion). Pour l’étude de Ax, par
exemple, il n’est pas sûr que les deux conditions expérimentales ne diffèrent
pas pour cet aspect.

5.4.3 Combien et quelles variables physiologiques étaient enregistrées ?


Quand nous cherchons des patterns physiologiques, il faudrait inclure plusieurs
variables différentes. Ceci demanderait également d’inclure des paramètres
des systèmes neuro-endocrinien et immunitaire. Une attention particulière doit
être accordée à l’interdépendance des mesures physiologiques. Deux variables
fortement corrélées, car mesurant pratiquement la même chose, n’augmentent
pas la possibilité de trouver de vrais patterns.

5.4.4 Quand les réactions corporelles étaient-elles enregistrées ?


Le moment exact où une émotion est ressentie par une personne n’est pas
connu précisément. C’est pour cela que la fenêtre temporelle d’analyse des
signaux périphériques joue un rôle très important. Elle doit être assez longue
pour capter les effets émotionnels. En même temps, il faut faire attention à ce
qu’elle ne soit pas trop longue pour que des effets émotionnels courts et faibles
puissent tout de même être découverts.

5.4.5 Pourquoi étudier les réactions de différents organes


(par exemple rythmes cardiaque et respiratoire)
et non les systèmes influençant l’activité de ces organes ?
La plupart des organes sont contrôlés par les systèmes sympathique et para-
sympathique. Pour cette raison, les mêmes réactions physiologiques peuvent
résulter de différentes activités de ces deux systèmes. Berntson, Cacioppo et
PSYCHOPHYSIOLOGIE DES ÉMOTIONS 181

Quigley (1991) rapportent, par exemple, que la présentation des stimuli aver-
sifs peut évoquer une co-activation considérable des systèmes sympathique et
parasympathique, ce qui pourrait accélérer ou décélérer notre rythme cardiaque
ou ne pas le changer du tout. Même si le rythme cardiaque est comparable
dans une condition de peur et dans une condition de colère, cela n’implique
pas qu’il n’existe pas de différences entre les activités des deux systèmes
sous-jacents.

5.4.6 Quels facteurs autres que l’émotion influencent


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nos réactions physiologiques ?

Stemmler (1992a, 1998) distingue trois formes différentes de spécificité des


réactions physiologiques, contrairement à l’idée de la non-spécificité émotion-
nelle des réactions physiologiques, proposée par Cannon, Schachter et Valins :
– la spécificité absolue de l’émotion implique que les émotions sont corrélées
à des patterns physiologiques distincts. Même si le contexte change, ces
patterns peuvent toujours être observés (Ekman, 1992 ; Lange, 1885/1922 ;
Ax, 1953) ;
– la notion de la spécificité de la déviation du contexte décrit qu’un événement
est censé modifier un pattern physiologique, et que celui-ci est également
influencé par un contexte particulier. Les signaux physiologiques reflètent
des effets émotionnels et des effets contextuels simultanément (Lang, 1994 ;
Lang, Bradley et Cuthbert, 1990, 1998).
Pour déterminer un index émotionnel qui ne soit pas influencé par le
contexte, Stemmler, Heldmann, Pauls et Scherer (2001) ont adopté la stra-
tégie suivante : ils ont formé des groupes contrôles recevant exactement le
même traitement que les groupes d’induction de peur et d’induction de
colère. Pour éviter la genèse d’une émotion, les participantes des groupes
contrôles étaient pré-informées du but de l’expérience (induction de colère
ou peur). Étant donné qu’elles faisaient exactement la même chose que les
participantes qui n’ont pas été pré-informées, les facteurs du contexte
étaient comparables entre les groupes contrôles et les groupes d’induction.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

À l’aide de cette manipulation, les auteurs ont démontré que différents


contextes (imagination versus induction réaliste) sans induction
d’émotion peuvent induire différents patterns périphériques. La méthode
d’induction d’une émotion (imagination versus induction réaliste)
influença donc aussi les réactions périphériques. En éliminant les influen-
ces contextuelles pour les personnes sans pré-informations, ils ont finale-
ment comparé des patterns « purs » produits par une induction de peur
avec les patterns « purs » produits par une induction de colère. Une
méthode comparable a été adoptée dans une autre étude (Stemmler, Aue et
Wacker, 2007) ;
182 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

– la spécificité de l’émotion associée aux comportements prototypiques décrit


l’idée que certaines émotions sont liées aux comportements prototypiques
(Plutchik, 1980, 1984 ; Panksepp, 1982, 2000). Des émotions sont censées
évoquer des tendances à exécuter certaines actions, adaptées aux circons-
tances environnementales. La peur peut donc faciliter la fuite ou résulter
dans l’immobilité (freezing) si les aspects contextuels ne permettent pas
de fuite. Les changements physiologiques devraient, selon cette position,
indiquer la préparation de l’organisme à ces actions adaptatives, différents
comportements nécessitant différents patterns périphériques. Cette posi-
tion pourrait aussi expliquer en partie l’inconsistance des résultats rappor-
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tés dans le cadre de recherche sur les patterns distincts ; la préparation de
la fuite demanderait un autre pattern que la préparation de l’immobilité,
bien que les deux soient associés à la peur.
Stemmler (1992b) met aussi l’accent sur le fait que ces différentes positions
de spécificité demandent des plans expérimentaux particuliers (tenir compte
du contexte pour la spécificité de la déviation du contexte, par exemple).

5.4.7 Pourrait-il exister des différences individuelles dans les évaluations ?


Ce dernier point souligne l’idée poursuivie par les théoriciens de l’appraisal
(par exemple, Scherer, 2001 ; Arnold, 1960a, 1960b ; Smith, 1989, 1996).
Un stimulus en soi (comme un homme avec un couteau) n’est pas supposé
déclencher une émotion particulière. Ces auteurs postulent que la genèse
d’une émotion dépend des évaluations de l’individu. Une personne estimant
avoir un haut potentiel de maîtrise ne devrait pas être autant effrayée qu’une
personne s’évaluant sans les capacités de faire face à une situation dange-
reuse. Ces différences dans les évaluations devraient être également reflétées
au niveau du système nerveux périphérique.
Les évaluations sont fortement dépendantes de la personnalité. Glass et al.
(1980) et Suarez et Williams (1989) ont pu démontrer que la personnalité
peut modérer le lien entre une situation à caractère émotionnel et les change-
ments corporels. Les traits de personnalité facilitent ou inhibent certains
types d’évaluations.
Le fait que nos évaluations soient capables de modifier nos réactions physio-
logiques, de n’importe quelle manière que ce soit, pourrait également expliquer
le phénomène de réponse spécifique propre à chaque individu (individual
response specificity). Ce phénomène se caractérise par le fait que certains
individus réagissent préférentiellement par certains changements physiologiques
tels que l’augmentation de la pression artérielle, plutôt que d’autres (par
exemple, Engel, 1960, 1972 ; Marwitz et Stemmler, 1998). Selon cette idée,
les personnes réagissant de manière stéréotypée, sollicitant essentiellement
certains organes, risquent de présenter ultérieurement des troubles psycho-
somatiques comme de l’hypertension ou un infarctus du myocarde. Une telle
PSYCHOPHYSIOLOGIE DES ÉMOTIONS 183

stéréotypie pourrait être le résultat d’évaluations comparables dans diffé-


rentes situations (cognitive response sets), révélant un traitement non adapté
aux événements.

6 LES THÉORIES DE L’APPRAISAL


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Cette section décrit quelques expériences exemplaires conduites par les théo-
riciens de l’appraisal. Comme déjà décrite plus haut, une explication au manque
de patterns physiologiques fiables pourrait être l’existence de différences
individuelles dans les facteurs cognitifs. Chaque individu évaluerait un événe-
ment d’une manière distinct (pour un aperçu de la relation entre l’appraisal
et les réactions physiologiques, voir Pecchinenda, 2001). Plusieurs expériences,
qui soulignent l’importance des évaluations cognitives comme déclencheurs
de changements physiologiques caractéristiques, ont été réalisées. Le but
d’un expérimentateur devrait être de manipuler des évaluations cibles dans
différentes situations plutôt que dire à un niveau général : « C’est une situation
provoquant de la peur » ou : « C’est une situation provoquant de la colère. »
L’objectif serait donc d’anticiper et de contrôler les processus cognitifs des
participants de manière plus soigneuse.

6.1 Richard Lazarus


Lazarus et collègues (Lazarus et Alfert, 1964 ; Speisman, Lazarus, Mordkoff
et Davidson, 1964) ont été les premiers à démontrer une influence des diffé-
rentes évaluations cognitives du participant sur ses réactions corporelles. Les
participants assistaient à un film présentant un rituel de circoncision. Ceux ayant
reçu l’information comme quoi le rituel était traumatisant et ceux n’ayant pas
reçu d’informations avaient un niveau de la conductance de la peau élevé. Les
participants étant informés du fait que le rituel était indolore et ceux ayant
reçu uniquement un commentaire scientifique sans allusion à l’existence possible
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

de douleurs démontraient un niveau de la conductance plus bas.

6.2 Jim Blascovich et Joe Tomaka


Dans leur modèle biopsychosocial, Blascovich et Tomaka (1996) font une
distinction entre l’expérience de défi (une personne juge que ses capacités sont
plus grandes que les demandes de la tâche) et l’expérience de menace (une
personne juge que ses capacités sont insuffisantes par rapport aux demandes de
la tâche). Plusieurs expériences ont été exécutées pour examiner l’influence
184 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

de ces expériences sur les réactions corporelles et la motivation des individus.


En 1993, Tomaka, Blascovich, Kelsey et Leitten ont démontré que l’expé-
rience de défi était accompagnée, d’une part, par une plus grande activation
cardiaque (indiqué par un rythme cardiaque plus élevé, un intervalle tempo-
rel plus court entre le début de l’excitation des ventricules et l’éjection du
sang dans les artères [preejection period] et un volume élevé du sang éjecté
par minute [cardiac output]). D’autre part, l’expérience de défi a conduit à
une résistance vasculaire périphérique (appelé résistance périphérique totale)
plus réduite que l’expérience de menace. Ces changements reflètent proba-
blement une mobilisation différentielle d’énergie en vue de la réalisation
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d’actions. Dans le cas du défi, le potentiel de maîtrise était jugé relativement
haut et les sujets rapportaient peu d’émotions négatives. Tomaka et ses coll.
ont interprété la réaction à l’expérience de menace comme une réaction de
défense ayant pour but de protéger les ressources (des explications compara-
bles ont été utilisées dans les recherches sur les patterns spécifiques aux
émotions). Les participants subjectivement menacés décrivaient un niveau
élevé d’émotions négatives et un potentiel de maîtrise bas. Cette expérience
démontre alors, de nouveau, que les réactions physiologiques pourraient
avoir une fonction adaptative pour préparer l’organisme à certaines actions
(voir aussi chapitre 6).
En 1994, Tomaka et Blascovich ont démontré que le degré du belief in a
just world (« la croyance en un monde juste ») avait également une influence
sur l’évaluation du stress ressenti et les réactions corporelles. Les partici-
pants avec la croyance la plus prononcée rapportaient le plus bas degré de
stress dans une difficile tâche de soustraction. En accord avec leurs résultats
de 1993, les auteurs ont observé que les participants avec une croyance élevée
démontraient une réactivité cardiaque plus élevée, une résistance vasculaire
périphérique plus faible et un plus grand nombre de réponses de la conductance
de la peau que les participants avec une croyance faible. Les résultats peuvent
une nouvelle fois être interprétés selon le niveau d’engagement des sujets.
Ceux qui pensaient que ce qui se passe dans le monde n’est pas juste n’avaient
pas de raison de rester engagés, et ont évalué leur potentiel de maîtrise
comme pauvre. Tomaka, Blascovich, Kibler et Ernst (1997) ont rapporté des
résultats d’une expérience supplémentaire démontrant que les évaluations
peuvent influencer les réactions physiologiques, ce qui n’était pas le cas dans
l’autre sens.

6.3 Craig Smith


Smith (1989) a manipulé l’appraisal d’efforts anticipés dans une tâche
d’imagination de scénarios émotionnels positifs ou négatifs. Il a rapporté que
l’effort anticipé était positivement associé au rythme cardiaque et à la conduc-
tance de la peau. De plus, il a pu démontrer que l’activité du muscle Corrugator
PSYCHOPHYSIOLOGIE DES ÉMOTIONS 185

supercilii variait en fonction de la perception des obstacles et l’activité du


muscle Zygomaticus major en fonction de l’agrément subjectif de la situation.
Dans une autre expérience, Pope et Smith (1994) ont aussi utilisé des tâches
d’imagination pour faire varier les deux appraisals agrément subjectif et
(in)congruence motivationnelle (ce dernier décrivant si un événement est
congruent ou incongruent avec des buts personnels). Les résultats montrent
que les participants ont une activité plus élevée du muscle Zygomaticus major
pendant les scénarios agréables que pendant les scénarios désagréables. À
l’opposé, l’activité du muscle Corrugator supercilii était reliée positivement
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à l’incongruence motivationnelle. Ces résultats répliquent donc les observations
rapportées auparavant par Smith (1989).
En marge de ses études sur l’agrément subjectif et la congruence motiva-
tionnelle, Smith (Pecchinenda et Smith, 1996) a aussi étudié le lien entre le
potentiel de maîtrise et la conductance de la peau. Les participants à l’étude
démontraient un plus grand nombre de réponses de la conductance de la peau
et de plus grandes amplitudes de celles-ci quand ils jugeaient leur potentiel
de maîtrise comme haut que lorsqu’ils le jugeaient comme bas.

6.4 Klaus Scherer et Carien van Reekum


Van Reekum, Johnstone, Banse, Etter, Wehrle et Scherer (2004) ont étudié les
influences de différentes évaluations sur les réactions périphériques à l’aide
d’un jeu d’ordinateur. La tâche des participants était de collectionner des
cristaux, tuer des ennemis et éviter des mines distribuées dans une galaxie
fictive. L’opportunité selon le modèle de Scherer était décrite par le passage
au niveau prochain (opportun) ou la perte d’une navette spatiale (inopportun).
L’agrément intrinsèque était manipulé par des sons (agréable versus désa-
gréable) qui indiquaient la réussite ou l’échec d’un certain niveau. Chaque
niveau d’agrément intrinsèque était présenté avec chaque niveau d’opportunité
au but (quatre combinaisons possibles).
L’agrément intrinsèque dans cette expérience a peu influencé les réactions
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

corporelles et les rapports verbaux. Par contre, les participants indiquaient


plus de joie et de fierté et moins de colère, de surprise et de détente pour les
moments opportuns que pour les moments inopportuns. Les amplitudes de la
conductance de la peau et l’activité du muscle Extensor digitorum étaient plus
importantes après un événement inopportun en comparaison avec un événement
opportun. De même, le rythme cardiaque était plus élevé et le temps de transi-
tion du pouls plus court pour les événements inopportuns que pour les événe-
ments opportuns. Ces résultats pourraient indiquer que les personnes étaient
surtout motivées à montrer une meilleure performance après la perte d’une
navette spatiale et ont mobilisé des ressources physiologiques pour y arriver.
186 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

Dans sa thèse doctorale, Van Reekum (2001) a examiné les effets de traite-
ment schématique versus traitement contrôlé (voir Leventhal et Scherer, 1987)
sur les réactions physiologiques. Le traitement schématique dans ces recherches
résultait d’une présentation répétitive de différentes combinaisons de stimuli
(par exemple, le son 1 annonçait l’apparition de caractères amis et le son 2
annonçait l’apparition de caractères ennemis dans un jeu d’ordinateur). Ensuite,
d’un coup, les associations entre sons et caractères s’inversaient : le son 1
était alors associé aux ennemis et le son 2 aux amis, demandant donc un trai-
tement contrôlé. Avec ces manipulations, Van Reekum a pu démontrer une
sensibilité différente des mesures périphériques pour les deux types de traite-
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ment étudiés. Les changements dans la conductance de la peau, par exemple,
ont été associés au traitement schématique alors que les mesures musculaires
(concernant le M. Zygomaticus major et le M. Corrugator supercilii) variaient
en fonction du traitement contrôlé.
Finalement, Aue, Flykt et Scherer (2007) apportent des arguments en faveur
de l’hypothèse du modèle de processus composés (Scherer, 2001) selon
laquelle le processus d’appraisal se passe de manière séquentielle et dans un
ordre fixe. Par exemple, au départ, un événement est censé être jugé par
rapport à sa pertinence, suite à son implication. Ensuite, l’individu est supposé
évaluer son propre potentiel de maîtrise avant de mettre l’événement en lien
avec des normes internes et externes. Selon le modèle de processus composés,
les effets efférents provoqués par ces différents types d’appraisal devraient
se manifester de manière séquentielle également. Comme attendu, l’activité
musculaire autour des muscles M. Zygomaticus major et M. Corrugator
supercilii reflétait des appraisals liés à la pertinence de l’événement avant de
refléter des appraisals liés à l’implication de l’événement.

CONCLUSIONS ET FUTURES PERSPECTIVES

Même si la recherche sur les émotions a une tradition considérable et fasci-


nante, le rôle des réactions corporelles dans le déclenchement des émotions
reste, en large, un mystère. Nous ne pouvons pas dire si ces réactions précèdent,
accompagnent, ou suivent notre sentiment subjectif ou d’autres composantes
émotionnelles. Il se peut aussi que, dans certaines situations, les réactions
physiologiques déclenchent une émotion et dans d’autres, elles-mêmes sont
déclenchées par des changements cognitifs, motivationnels ou subjectifs.
De plus, aujourd’hui, nous ne savons pas s’il existe des patterns physio-
logiques spécifiques aux émotions ou non. Par les théoriciens des émotions de
base, par exemple, ces patterns sont censés préparer l’organisme aux actions
comportementales adaptatives, assurant une mobilisation physique rapide en
cas d’urgence. La peur, par exemple, devrait initialiser la préparation de fuite,
PSYCHOPHYSIOLOGIE DES ÉMOTIONS 187

tandis que la colère est censée préparer le combat (par exemple, Levenson,
Ekman et Friesen, 1990 ; Levenson, Ekman, Heider et Friesen, 1992).
Considérées indépendamment, plusieurs études semblaient avoir démontré
l’existence des patterns physiologiques distincts aux émotions. Néanmoins,
en comparant les résultats à travers ces études, il est évident que les patterns
observés pour une même émotion ne sont pas tout à fait les mêmes. Une
méta-analyse de Cacioppo, Berntson, Klein et Poehlmann (1997) menait à la
conclusion qu’il existe probablement des réactions physiologiques différen-
tes pour les émotions positives et les émotions négatives, mais peu ou pas de
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différences entre les émotions partageant la même valence. Néanmoins, au
moins quelques différences entre les patterns correspondants à la colère et
les patterns correspondants à la peur ont pu être répliquées à travers différen-
tes études (voir aussi Stemmler, 2004). Le manque de patterns fiables identifiés
pour les émotions pourrait avoir son origine dans les problèmes méthodo-
logiques (liés entre autres au choix de mesures et à l’ignorance des effets
contextuels) discutés dans ce chapitre. Des expériences futures devront alors
prendre en considération ces aspects méthodologiques afin de trouver des
patterns spécifiques potentiels. Un dilemme dans la recherche sur les signa-
tures physiologiques des émotions consiste, par exemple, en la supposition
implicite que différentes personnes seraient caractérisées par les mêmes
évaluations cognitives et les mêmes sentiments subjectifs dans une situation
donnée. Les théoriciens de l’appraisal (par exemple, Smith, 1989 ; Scherer,
2001) suggèrent donc que la manipulation des évaluations cognitives fines
puisse avoir plus de succès en découvrant les mécanismes entrant en jeu
pendant le déclenchement d’une émotion.
Les résultats obtenus dans les recherches exécutées par les théoriciens
de l’appraisal démontrent d’abord que les évaluations cognitives peuvent
influencer l’activité du système nerveux périphérique. Plusieurs chercheurs
ont étudié la relation entre le potentiel de maîtrise et les réponses physiologiques
(par exemple, Pecchinenda et Smith, 1996 ; Tomaka et Blascovich, 1994 ;
Wright et Dill, 1993). En résumé, ces chercheurs rapportent que les participants
s’évaluant être capables de confronter un défi sont caractérisés par le rythme
cardiaque, la conductance de la peau et la pression artérielle plus élevés que
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

leurs pendants. Ces résultats indiquent qu’un individu mobilise son organisme
pour faire face à une situation, mais uniquement quand il se sent capable de
le faire. Pourtant plus de recherches devront être réalisées afin de conclure
sur les influences potentielles d’évaluations cognitives autres que le potentiel
de maîtrise et l’agrément intrinsèque sur l’activité du système nerveux péri-
phérique. Une fois que des patterns systématiques seront trouvés et que leur
rôle dans le déclenchement des émotions deviné, cela pourrait même un jour
aider à identifier des cognitions problématiques (peut-être inconscientes)
dans les troubles émotionnels. Mais aujourd’hui, nous sommes encore loin
d’une telle situation et tout cela reste donc un rêve.
188 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

LECTURES CONSEILLÉES

AX A.F. (1953). « The physiological differentiation between fear and anger in


humans ». Psychosomatic Medicine, 15, 433-442.
CACIOPPO J.T., BERNTSON G.G., LARSEN J.T., POEHLMANN K.M., ITO T.A. (2000).
« The psychophysiology of emotion ». In M. LEWIS, J.-M. HAVILAND-JONES (éd.),
Handbook of Emotion, 2e éd. (p. 173-191). New York : Guilford.
CANNON W.B. (1927). « The James-Lange theory of emotions : A critical examina-
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tion and an alternative theory ». American Journal of Psychology, 39, 106-124.
JAMES W. (1884). « What is an emotion ? » Mind, 19, 188-205.
PECCHINENDA A. (2001). « The psychophysiology of appraisals ». In K.R. SCHERER,
A. SCHORR, T. JOHNSTONE (éd.), Appraisal Processes in Emotion (p. 301-315).
New York : Oxford University Press.
SCHACHTER S., SINGER J.E. (1962). « Cognitive, social and physiological determi-
nants of emotional state ». Psychological Review, 69, 379-399.

QUELQUES EXPÉRIENCES
FONDAMENTALES

Voir dans le texte :


– Schachter et Singer (p. 169) ;
– Valins (p. 170) ;
– Ax (p. 175) ;
– Levenson, Ekman, et Friesen (p. 176).
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ET TENDANCES
MOTIVATION

À L’ACTION1
Chapitre 6

1. Par Tatjana Aue.


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INTRODUCTION : L’IMPORTANCE
DE LA MOTIVATION ET DE L’ÉMOTION

Dans notre vie, nous sommes constamment confrontés à des événements perti-
nents pour notre bien-être et qui nous demandent de prendre des décisions
importantes. La motivation permet l’énergétisation et fournit la direction
d’une réaction (décision) lorsque nous sommes confrontés à de tels événe-
ments. Elle met à disposition une réaction comportementale adaptée aux
circonstances, en tenant compte de nos buts, valeurs, plans et besoins. Les
ressources de l’organisme et son attention sont rassemblées, pour poursuivre
ce qui semble le plus important à ce moment-là. Les facteurs énergisants et
dirigeants du comportement sont donc réunis sous l’expression « motivation ».
Par la suite, nous expliquerons la notion de motivation plus en détail.
À tout moment, nous avons des buts, valeurs, plans et besoins. Un événement
qui les comble ou, au contraire, qui remet en question un ou plusieurs d’entre
eux est capable de changer d’un coup nos priorités. Nous évaluerons la situation
par rapport à ces facteurs motivationnels. Si un événement les touche, il se
déclenchera un processus émotionnel produisant des tendances à l’action
particulières (par exemple tendance à la fuite ou tendance à l’attaque). De
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

telles tendances à l’action consistent en la préparation des réactions compor-


tementales appropriées nous permettant de poursuivre un but prioritaire à un
moment donné, en tenant compte, à un certain degré, des facteurs contextuels.
Dans ce sens, plusieurs chercheurs (Darwin, 1872/1965 ; Izard, 1991 ; Izard
et Ackerman, 2000 ; Plutchik, 1980, 1994 ; Tomkins, 1984) considèrent que
la fonction des émotions serait de « motiver » le comportement humain.
Selon cette position, l’émotion facilite un comportement particulier afin de
satisfaire nos buts et besoins.
Hebb et Thompson (1979), dans une analyse fine de l’apport des études
animales à la psychologie, ont montré que les êtres humains sont les plus émotifs
192 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

de toutes les espèces. Ceci paraît surprenant étant donné notre conception
établie des humains comme étant les premiers êtres vraiment rationnels.
Comment comprendre cela ?
Une des réponses vient du père de la théorie évolutionniste, Charles
Darwin. Dans son ouvrage The Expression of Emotion in Man and Animals
(1872/1965), il suggère que les émotions servent de fonctions utiles pour
l’organisme, aussi bien relativement à la préparation de comportements
adaptatifs qu’à la régulation de l’interaction entre les espèces vivant en
société. En se centrant sur l’aspect fonctionnel de l’expression émotion-
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nelle, Darwin a tenté de montrer, pour certaines émotions, comment leurs
différentes caractéristiques expressives, particulièrement sur le visage et le
corps, pourraient être analysées en termes de patterns de comportements
adaptatifs. Ces patterns seraient les rudiments des expressions, par exemple,
lorsque l’on plisse les yeux pour augmenter l’acuité visuelle ou que l’on se
bouche le nez pour éviter l’exposition à des odeurs désagréables (voir Ekman,
1979 pour une revue critique). L’idée centrale de Darwin, selon laquelle il
existerait des précurseurs des expressions émotionnelles humaines dans le
signalement animal, a été appuyée par des recherches éthologiques (Van Hooff,
1972 ; Redican, 1982 ; Scherer, 1985).
L’expression d’une émotion permet à autrui d’inférer une tendance à l’action
spécifique de l’émetteur (par exemple l’agression en cas de colère) qui peut
déterminer fortement le processus d’interaction ultérieure. Supposons qu’un
homme, dans un parc, ayant un couteau dans la main, soit un bandit peu
expérimenté et que vous êtes son « premier coup » (exemple adopté de Scherer,
2000). L’interaction dépendra dans une large mesure des signaux émotionnels
que vous enverrez. Si vous êtes paralysé(e) par la peur et que vous transmettez
un courant de peur, l’homme verra qu’il vous a effrayé et, qu’il peut vous
empêcher de fuir, qu’il est pour lui sans danger de vous demander votre
portefeuille. Si vous criez rageusement après lui et bougez d’avant en arrière
(comme si vous étiez un champion de karaté), il est probable qu’il verra que
vous êtes fâché(e) et que vous pourriez l’attaquer. Le déroulement des inter-
actions s’appuie donc fortement sur les signaux émotionnels envoyés par les
partenaires. La psychologie sociale a aussi particulièrement insisté sur l’impor-
tance de tels signaux dans la gestion des interactions sociales ou dans d’autres
domaines sociaux (voir les contributions dans Feldman et Rimé, 1991).
Les émotions sont des réponses quasi automatiques. Elles ne sont pas tota-
lement libres de s’enclencher ou de s’arrêter comme elles le veulent, mais
n’exécutent pas aveuglément de simples chaînes Stimulus-Réponse (S-R)
non plus. Tandis que dans une chaîne S-R, une réponse spécifique est direc-
tement couplée ou liée au stimulus la provoquant, les émotions « découplent » le
stimulus de la réponse. Elles séparent, par exemple, l’événement et la réaction
en remplaçant l’automatisme des réactions instinctives par une préparation
de plusieurs réactions alternatives. En d’autres mots, l’organisme peut choisir à
MOTIVATION ET TENDANCES À L’ACTION 193

partir de plusieurs réponses possibles celle à donner à un événement particulier.


Il existe ainsi plusieurs tendances à l’action en même temps. Ce mécanisme
est beaucoup plus flexible : il fournit à l’organisme un plus grand choix de
réactions comportementales. Un certain automatisme demeure néanmoins : les
émotions nous préparent, que nous le voulions ou non, à des types particuliers
de comportements adaptatifs (Scherer, 1984, 2001).
Prenons un exemple concret. Si j’étais un champion de karaté et si j’étais
uniquement dirigé par un mécanisme S-R, j’attaquerais immédiatement
l’homme au couteau. Étant envahi d’une émotion de colère plutôt que d’une
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simple chaîne insulte-aggression, je me fâcherais immédiatement ce qui,
entre autres choses, préparerait mon organisme à une action agressive en lui
fournissant l’activation nécessaire, la circulation sanguine optimale dans les
parties du corps concernées et une tension musculaire préparatoire. Cepen-
dant, puisque la colère sépare le stimulus et la réponse, je ne vais pas frapper
directement la personne. Je vais plutôt prendre un temps de latence qui me
permettra de choisir la réaction optimale dans un large répertoire de compor-
tements possibles. Le laps de temps, qui intervient entre le déclenchement de
l’émotion et l’exécution réelle d’un pattern de comportements réactifs, permet
une évaluation additionnelle de la situation comprenant une estimation de la
probabilité de succès ou de la gravité des conséquences d’une action particulière.
Mais « dans sa sagesse », l’évolution a également prévu une préparation
spécifique pour l’action que l’organisme peut produire, particulièrement quand
il y a une grande urgence et quand trop d’évaluations additionnelles ou
d’échanges de signaux pourraient avoir des conséquences négatives, comme
dans le cas d’un danger imminent. Ces prévisions construites pour la prépa-
ration et l’orientation d’une action appropriée ont été décrites par un certain
nombre de psychologues (entre autres Frijda, 1986 ; Plutchik, 1980).
Il est important de distinguer les tendances à l’action des actions résultantes,
car comme déjà indiqué plus haut, nous pouvons avoir plusieurs tendances à
l’action en même temps. Celle qui se manifestera finalement dans notre
comportement, par contre, dépend fortement des évaluations que nous opérons
sur les contraintes situationnelles. Ekman (1992) décrit par exemple qu’il
existe des règles normatives pour l’expression des émotions dans une société
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

(display rules). De la même manière, une tendance à l’action, comme l’attaque


(verbale ou physique) dans le cas de la colère par exemple, ne peut pas être
exprimée ouvertement contre son patron.
Ce chapitre a pour but de familiariser le lecteur avec les recherches réalisées
dans le cadre de la psychologie de la motivation. D’abord, nous distinguerons
la motivation comme antécédent et la motivation comme conséquent d’un
événement associée au déclenchement d’une émotion (voir Scherer, 2004).
Par la suite, plusieurs théories et modèles abordés dans la recherche sur la
motivation seront décrits afin de clarifier les conceptions de motivation comme
antécédent et motivation comme conséquent.
194 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

1 MOTIVATION COMME ANTÉCÉDENT


ET CONSÉQUENT DU PROCESSUS
ÉMOTIONNEL

Scherer (2004) distingue les deux types suivants de motivations (voir figure 6.1) :
la motivation comme antécédent et celle comme conséquent du processus
émotionnel :
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– la motivation comme antécédent détermine s’il y aura une émotion ou non.
Seuls les événements pertinents pour les buts, valeurs, plans et besoins
d’un individu sont associés aux émotions. Cette condition adaptative nous
permet de faire des économies de ressources mentales et corporelles. Un
événement pertinent pour le bien-être peut changer considérablement la
hiérarchie des facteurs motivationnels antécédents (par exemple, haute
priorité du but « sécurité corporelle » pendant la présence d’un danger) ;
– la motivation comme conséquent (tendance à l’action), par contre, prend
en considération les facteurs motivationnels antécédents et offre des possi-
bilités de les satisfaire selon leurs priorités momentanées, dans le contexte
d’un événement donné.

Motivation Motivation
antécédente Événement x conséquente
Buts, besoins, valeurs et plans Evaluation
Évaluation Tendances à líaction

Figure 6.1
Motivation comme antécédent et conséquent du processus émotionnel.

Imaginons que vous avez faim et qu’un ami retienne, ou garde pour lui,
quelque chose à manger que vous aimeriez bien avoir. Dans une telle situation,
vous serez probablement fâché(e) contre votre ami ou désespéré(e), et la
tendance à l’action résultante sera d’agresser votre ami ou d’abandonner la
situation pour chercher pitance ailleurs. La motivation comme conséquent
est alors toujours une fonction de la motivation antécédente et d’un certain
événement donné.
Nous décrirons plus bas le corpus de recherche sur la motivation comme
antécédent avant d’introduire des études sur la motivation comme conséquent
MOTIVATION ET TENDANCES À L’ACTION 195

du processus émotionnel. Il est important de noter que les recherches mention-


nées ci-dessus traitent souvent les deux types de motivation en même temps.
Il n’est par conséquent pas possible de les séparer complètement. De plus,
les tendances à l’action (motivation conséquente) ne peuvent pas être étudiées
indépendamment de la motivation antécédente, car elles en sont fortement
dépendantes. Dans ce sens, une telle distinction de recherche serait plutôt
artificielle. Mais elle s’avère quand même utile pour mieux comprendre les
deux concepts de motivation, d’une part comme antécédent et d’autre part
comme conséquent.
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2 MOTIVATION COMME ANTÉCÉDENT

2.1 Définition des buts à court terme, à moyen terme


et à long terme
Le comportement varie en fonction des signaux extérieurs et de l’état intérieur de
l’organisme. Il est fortement influencé par les buts et besoins. Nous distinguons
des buts à court terme, à moyen terme et à long terme (voir Scherer, 2004) :
– les buts à court terme sont liés au contentement des besoins physiologiques
(la faim, la soif et la reproduction entre autres) et à la protection de l’espèce.
La faim et la soif apparaissent selon un processus d’homéostasie. Les buts
à court terme (par exemple, éviter une punition, s’approcher d’une récom-
pense) constituent des causes proximales du comportement. Ils sont surtout
thématisés par des théoriciens du béhaviorisme, comme Thorndike (1911,
1932). Selon cet auteur, le comportement est contrôlé par le plaisir et la
douleur, donc par les caractéristiques d’un stimulus (voir aussi Schneirla,
1959) ;
– les buts à moyen terme nécessitent des plans ou des stratégies pour les
atteindre. Un étudiant à l’université, par exemple, est probablement motivé à
obtenir une bonne note aux examens à la fin du semestre. Il lui faut un
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

plan pour poursuivre son but. Il peut y arriver en organisant ses heures de
travail et son temps libre. Ces buts possèdent déjà une certaine distance envers
la punition et la récompense immédiates, mais l’étudiant est quand même
sensible aux deux. Par opposition aux buts à court terme, ce comporte-
ment-ci n’est pas directement dirigé par les caractéristiques d’un stimulus
concret, mais influencé par des plans et stratégies ;
– les buts à long terme décrivent des buts ultimes ou supérieurs, souvent
associés aux demandes de l’environnement social, comme dans le cas de la
motivation d’accomplissement ou le besoin d’affiliation (besoins sociaux).
Les buts à long terme peuvent découler des buts à court et à moyen terme.
196 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

Un étudiant avec une très forte motivation d’accomplissement va proba-


blement faire un plus grand effort pour réussir son examen de fin d’année
qu’un étudiant avec une faible motivation d’accomplissement.
Il est important de prendre en considération la coexistence de différentes
motivations. Un individu essaie de les satisfaire selon leur priorité et l’effort
mental et corporel nécessaire. Manger dans un bon restaurant avec un(e)
ami(e) proche satisfait deux besoins en même temps : notre besoin d’affiliation
et notre besoin d’alimentation.
Les motivations peuvent également être contradictoires. Un étudiant qui
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aimerait bien décrocher une bonne note aux examens peut aussi avoir envie
d’aller au cinéma ou à la piscine, par exemple. Au début du semestre, quand
ses examens sont encore loin, la motivation d’aller au cinéma est probable-
ment plus forte que celle de travailler pour un cours. Mais, avec le temps,
cette relation peut changer en faveur du travail, parce que l’importance d’un
but change avec la distance temporelle (et aussi spatiale, voir les recherches
de Miller (1944, 1959) sur les conflits entre les tendances à l’approche et à
l’évitement dans ce chapitre, section 3.1). Plus un individu s’est rapproché
du but, plus sa frustration après une interruption est grande.
Il est légitime de suggérer qu’il existe différentes formes de motivations
ou des systèmes motivationnels distincts, responsables de la recherche de la
nourriture, de la recherche d’un partenaire, de la défense contre des prédateurs
ainsi que du contrôle et de l’énergétisation des comportements respectifs. De
tels systèmes permettent en effet à l’être vivant un avantage adaptatif (Plutchik,
1980, 1994 ; Scott, 1980). Pour les êtres humains, il pourrait y avoir en plus
un ou plusieurs systèmes motivationnels sociaux, facilitant la vie sociale et
l’acquisition d’une position reconnue dans la société. De tels systèmes pour-
raient être reliés au système nerveux central (voir aussi Davidson, 1995 ; Gray
et McNaughton, 2000 ; Panksepp, 1982).

2.2 Classification des besoins selon Maslow


Maslow (1943, 1954) a proposé une hiérarchie des besoins humains (voir
figure 6.2), que nous pouvons considérer comme une classification de poten-
tielles motivations antécédentes.
– Les besoins physiologiques concernent la nourriture, le sommeil et le
sexe, par exemple. Ces besoins ne sont pas appris, mais innés. Néanmoins,
leur satisfaction est fortement influencée par notre environnement social.
– Tout individu a comme but sa propre sécurité physique, morale et celle
de ses proches. Les besoins de sécurité contiennent donc des signaux de
sécurité, de protection et de structure (non-danger, non-peur, non-crainte,
non-chaos).
MOTIVATION ET TENDANCES À L’ACTION 197

Besoins d’auto --
accomplissement

Besoins d’estime

Besoins d’appartenance
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Besoins de sécurité

Besoins physiologiques

Figure 6.2
Classification des besoins selon Maslow.

– Une troisième classe décrit les besoins d’appartenance, englobant les besoins
d’amour, de contact, d’amitié et d’affiliation.
– De plus, nous avons besoin d’être reconnus par les autres. Les besoins
d’estime comprennent la réputation, le statut, le succès, le sentiment de
compétence. Ces besoins sont fortement liés à l’estime de soi.
– Une dernière catégorie contient les besoins d’auto-accomplissement.
Toute personne a besoin de déplier sa propre personnalité, de développer
et de tester ses capacités.
L’insatisfaction de ces besoins déclenche une certaine motivation. Une
personne qui a faim serait, par exemple, plus motivée à manger qu’une personne
qui n’a pas faim. De plus, la satisfaction des besoins d’une classe inférieure serait
suivie par une motivation de satisfaire les besoins de la classe supérieure.
Les besoins dits supérieurs nécessitent donc la satisfaction des besoins infé-
rieurs. Appliqué sur notre conception des motivations dans le processus
émotionnel, le besoin d’affiliation, constitue une motivation antécédente. Sa
non-satisfaction est censée produire des sentiments subjectifs négatifs comme
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

de la tristesse. Résultant finalement des motivations conséquentes, permet-


tant de satisfaire la motivation antécédente d’affiliation (vouloir inviter des
camarades d’études chez soi) ou de minimiser le rejet ressenti pour protéger
l’estime de soi (vouloir reculer dans l’isolation).

2.3 Théorie du drive selon Hull


Selon Clark Hull (1943, 1952), l’être humain et les animaux fonctionneraient
comme des machines ou des robots qui auraient comme but la maintenance
198 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

de leur propre vie. La plupart de ses recherches étaient effectuées avec des
animaux et Hull généralisait les résultats de ses recherches aux êtres humains.
La notion du drive est à la base de sa théorie. Si un organisme était privé
de quelque chose d’important pour sa vie (comme de nourriture ou d’un
environnement reflétant de la sécurité), un certain besoin serait déclenché
(par exemple la faim, la soif ou l’évitement de blessures). Celui-ci, en consé-
quence, résulterait dans un drive particulier qui permettrait une énergétisation
de l’organisme pour exécuter des actions nécessaires à la satisfaction des
besoins et d’un retour à un état d’homéostasie. Dans cette théorie, l’homéo-
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stasie est caractérisée par une absence de besoins et d’activités. Les drives,
qui pousseraient à l’action, sont chargés d’assurer l’énergie obligatoire pour
une exécution des actions nécessaires à la survie. Cette notion implique
également que de telles actions se manifestent uniquement dans un état de
besoin, ce qui souligne encore plus leur adaptabilité.
Il est important de noter que l’énergétisation résultant d’un drive est suppo-
sée être non spécifique, c’est-à-dire qu’un drive n’entraîne pas automatiquement
une action particulière. Par contre, étant influencé par les expériences de
Thorndike (1911) concernant la « loi de l’effet » (law of effect), Hull propose
que la direction du comportement est déterminée par des associations/liaisons
entre stimuli et réponses (habits ou « habitudes »). Selon Hull, le compor-
tement est une fonction multiplicative du drive et de l’habitude. Un certain
comportement est exécuté uniquement, comme déjà décrit ci-dessus, si
l’organisme est dans un état de besoin et si la personne/l’animal a appris les
associations entre stimuli et réponses nécessaires. Cette notion de fonction
multiplicative a été soutenue par plusieurs expériences (par exemple, Perin,
1942 ; Williams, 1938).
En 1951, Hull a inclus une autre variable dans sa formule : l’incitation d’un
stimulus, qui peut être décrite par sa qualité (pain versus glace) ainsi que sa
quantité (une versus trois boules de glace). La motivation ou le comporte-
ment sont maintenant censés être le résultat de l’interaction drive × habitude
× incitation. Le drive est donc une force intérieure qui pousse l’organisme à
faire quelque chose (facteur push) pendant que l’incitation est une force
extérieure qui attire l’organisme (facteur pull) à faire quelque chose. Ce
dernier est, en outre, supposé être le résultat d’un apprentissage.
La théorie de Hull a été appliquée dans différents champs de recherche,
concernant entre autres, l’anxiété ou des situations conflictuelles. Spence et
Taylor (1951) ont pu démontrer que des personnes anxieuses censées être
caractérisées par un haut niveau du drive, étaient plus facilement condition-
nées dans un contexte aversif que des personnes peu anxieuses. De plus,
selon la théorie, les personnes anxieuses devraient être plus performantes
que les personnes peu anxieuses dans des tâches faciles. Dans ce cas-là, la
probabilité de donner une réponse correcte est haute (concernant l’habitude
ou le degré d’association entre situation/stimulus et réponse) et celle de
MOTIVATION ET TENDANCES À L’ACTION 199

donner une mauvaise réponse est, par conséquent, basse. Un haut degré du
drive (peur), devrait augmenter la différence absolue entre les tendances de
donner une réponse correcte et incorrecte. Pour les tâches complexes, où la
bonne réponse n’est pas dominante dans la hiérarchie des réponses (basse
probabilité), au contraire, les personnes d’un bas niveau d’anxiété devraient
montrer une meilleure performance que les personnes d’un haut niveau de ce
drive. Ces prédictions ont reçu le soutien d’expériences exécutées par
Spence et coll. (Spence, Farber et McFann, 1956 ; Spence, Taylor et Ketchel,
1956).
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Le fait que les êtres humains ainsi que les animaux cherchent souvent
un certain niveau d’activité ou d’excitation (jeu, parc de loisirs, sport)
pose un bémol à la théorie de Hull. Selon l’auteur, la non-activité de
l’organisme serait hédoniquement agréable, car associée avec la satisfac-
tion de besoins. Un autre point faible de cette théorie est l’ignorance des
plans et cognitions. Une tradition qui prend en considération ces deux
critiques est celle qui comprend les théories appelées « expectancy-value
theories » (« théories expectations-valeurs »). John W. Atkinson fait
partie de cette tradition.

2.4 La motivation d’accomplissement selon Atkinson

En 1938, Henry Murray présentait une taxonomie de 20 besoins humains de


base (voir tableau 6.1). Parmi ces besoins, il listait le besoin d’accomplissement,
qui a fortement influencé les travaux de McClelland (1961) ainsi que ceux
d’Atkinson (1964, 1978). McClelland, par exemple, a postulé que la motivation
d’accomplissement serait le résultat d’une éducation parentale focalisée sur
l’indépendance de l’enfant.

Tableau 6.1
Liste de besoins de base humains selon Murray (1938)
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Besoin Fonction

Admettre l’infériorité,
Abaissement
accepter des dommages ou le blâme

Accomplissement Accomplir quelque chose de difficile

Affiliation Adhérer ou rester fidèle à un ami

Agression Surmonter l’opposition avec force

Être indépendant ou libérer de l’action


Autonomie
par convention
200 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

Besoin Fonction

Action contraire Compenser un échec par « restriving »

Défendre l’individu contre l’assaut,


Défense
la critique, et le blâme

Admirer et soutenir un supérieur autre,


Déférence
pour se conformer à la coutume

Influencer le comportement d’autres


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Domination
en suggérant ou en manœuvrant

Exhibition Être vu et entendu, attirer les autres

Prendre des précautions par rapport à la douleur


Diminution de la douleur
(incluant la mort)

Prendre des précautions par rapport à l’humiliation


Évitement de l’humiliation
et l’embarras

Donner de la sympathie ou de la gratification


« Nourrir »
aux besoins des autres

Ordre Mettre des choses dans l’ordre

Jouer Agir dans l’amusement et sans but

Rejet Exclure ou abandonner un autre inférieur

Sensualité Chercher et apprécier les impressions sensuelles

Sexualité Promouvoir un rapport sexuel

Recherche de protection Rester près d’un protecteur dévoué

Être enclin à l’analyse d’événements


Compréhension
et les généraliser

Également influencé par les expériences de Miller (1944, 1959) décrites


plus bas (section 3.1), Aktinson voyait, dans une situation d’accomplissement,
le comportement comme fonction d’un conflit entre la tendance à approcher
le succès et la tendance à éviter l’échec. Pour chaque tendance (ou motivation
conséquente), il propose une émotion préalable et une émotion conséquente
(ou anticipée). L’espoir (préalable) et la fierté (conséquent) sont des émotions
associées au succès, la peur (préalable) et la honte (conséquent), par contre,
sont associées à l’échec.
Pour Atkinson, l’être humain est très rationnel. Une personne prendrait en
compte toutes les informations et alternatives comportementales possibles et
MOTIVATION ET TENDANCES À L’ACTION 201

serait capable de choisir une action qui l’amènerait le plus proche du but. Ses
réflexions influenceraient finalement ses tendances à l’approche et à l’évitement
par rapport à une tâche. La formule suivante, proposée par Atkinson, décrit la
tendance résultante (TA) vers la tâche, en comparant les tendances à l’approche
et à l’évitement respectivement :
TA = (MS ¥ PS ¥ IS) – (MAF ¥ PF ¥ IF)
avec :
MS = motivation vers le succès ou besoin d’accomplissement
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PS = probabilité subjective du succès
IS = valeur incitative du succès
MAF = motivation à éviter l’échec, associée à l’anxiété générale
de la personne
PF = probabilité subjective de l’échec
IF = valeur incitative de l’échec (en général négative)
La partie avant le symbole moins (MS ¥ PS ¥ IS) exprime alors la tendance
à s’approcher du succès, la partie après le signe moins décrit la tendance à
éviter l’échec.
Les incitations de l’échec et du succès sont supposées être dépendantes de
leur probabilité respective. Plus grande est la probabilité du succès (qui implique
la diminution proportionnelle de la probabilité de l’échec, car PS + PF = 1),
plus faible est l’incitation du succès (et plus importante est l’incitation de
l’échec). Pour une tâche facile, où, par définition, la probabilité du succès est
forte et la probabilité de l’échec est faible, l’incitation négative de l’échec
serait beaucoup plus élevée que dans une tâche difficile. Pour l’incitation du
succès, Atkinson prédit le contraire. Autrement dit : ce qui est facile à attein-
dre possède moins de valeur positive (basse valeur incitative du succès) que
quelque chose qui est difficile à atteindre. En même temps, échouer dans une
tâche complexe (reflétant une haute probabilité d’échec) est probablement
moins négatif pour l’estime de la personne (basse valeur incitative de l’échec)
qu’un échec dans une tâche très facile.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Néanmoins, il existe toujours des influences extérieures, qui pourraient


changer la tendance résultante dans une certaine direction. Un enfant, qui a
une tendance résultante à éviter une situation associée à l’accomplissement,
est quand même confronté à de telles situations à l’école et s’y expose. Ceci
pourrait résulter du fait que l’enfant essaie d’éviter des problèmes avec ses
parents ou/et avec ses professeurs (coexistence de différentes motivations).
Une personne démontrant une plus forte motivation d’accomplissement qu’une
motivation à éviter l’échec, devrait aussi préférer des tâches de moyenne
difficulté, parce que celles-ci donneraient plus d’informations sur leurs propres
capacités que des tâches faciles ou difficiles, où le succès et l’échec peuvent
être attribués aux caractéristiques externes (difficulté de la tâche plutôt que
202 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

capacité de l’individu). Atkinson et Litwin (1960) rapportent des résultats


soutenant ce postulat.
Nous pourrions mettre en doute le fait d’inclure des valeurs incitatives
différentes et des probabilités d’échec et de succès puisque ces quatre facteurs
sont interdépendants. Malgré cela, la théorie d’Atkinson a tout de même
inspiré plusieurs recherches dans les champs de la persistance et le choix du
comportement (voir Atkinson et Feather, 1966 ; Feather, 1961). Sa théorie
est incluse dans la section 2 « Motivation comme antécédent » plutôt que
dans la section 3. « Motivation comme conséquent », parce qu’Atkinson voyait
les tendances à l’approche et à l’évitement comme des caractéristiques
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stables résultant du besoin d’accomplissement et de l’anxiété de la personne.
Ces derniers peuvent être interprétés comme traits de personnalité et constituent
alors des motivations antécédentes.

2.5 La théorie de la personnalité selon Eysenck


D’après Eysenck (1953, 1967) la personnalité peut être décrite par deux
dimensions : l’extraversion (avec les deux pôles extraversion versus intro-
version) et le névrotisme (ou labilité émotionnelle avec les deux pôles stable
versus instable). Selon cet auteur, ces deux dimensions ont leur origine dans
l’activité de différents systèmes biologiques. Le degré d’extraversion d’un
individu serait influencé par la formation réticulée ascendante du système
nerveux central. Cette formation est supposée être plus facile à activer par des
introvertis que par des extravertis. Un individu chercherait des situations et
stimulations permettant une acquisition d’un niveau d’activation « optimal »,
c’est-à-dire ressenti comme agréable et satisfaisant. Parce que le seuil
d’excitation serait plus bas pour les introvertis par rapport aux extravertis,
ces premiers préféreraient des stimulations plutôt faibles. Les extravertis, par
contre, chercheraient des stimulations plus intenses, comme le contact avec
beaucoup d’autres personnes (« sensation seeking » ; Eysenck et Zucker-
man, 1978 ; Zuckerman, 1979, 1994). L’activité de cette formation a été
mesurée indirectement, entre autres par des clignements des yeux et par la
conductance de la peau (Eysenck, 1965). Une stimulation trop intense entraî-
nerait une inhibition d’activation et, selon Eysenck, également une diminu-
tion de la performance d’un individu. Les introvertis devraient alors
présenter de meilleures performances dans les tâches faiblement ou moyen-
nement stimulantes et montrer une plus grande activation que les extravertis.
Cette relation devrait s’inverser pour des tâches fortement stimulantes. Ces
prédictions ont reçu le support de plusieurs études exécutées dans le contexte
de la mémoire ou des tâches motrices (Eysenck, 1967 ; Howarth et Eysenck,
1968 ; McLean, 1969 ; Walker et Tarte, 1963).
Le système limbique est associé au névrotisme. Le seuil de ce système
serait bas pour des personnes instables, c’est-à-dire qu’elles réagiraient déjà
MOTIVATION ET TENDANCES À L’ACTION 203

fortement aux stimuli signalant un danger de faible intensité. Par contre, pour
qu’une telle réaction soit comparable à des personnes basses en névrotisme,
il faudrait une plus grande intensité d’un stimulus identique. Une activation
du système limbique aurait également comme conséquence une plus grande
activation du système nerveux autonome (voir chapitre 5 pour une description
des paramètres fréquemment utilisés dans la recherche).
L’anxiété et la dépression résultent, selon Eysenck, de l’introversion en
combinaison avec le névrotisme, c’est-à-dire un seuil bas pour les deux systèmes
neurophysiologiques associés (formation réticulée ascendante et système limbi-
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que). De faibles stimulations provoqueraient déjà une surexcitation de ces
systèmes avec une activité autonome élevée et un sentiment subjectif d’anxiété
ou de désespoir. Ces réactions augmenteraient en fonction de l’intensité des
stimulations.
La théorie a été surtout critiquée sur le fait que le névrotisme et l’extraver-
sion ne sont pas indépendants et que l’extraversion elle-même est un concept
avec plusieurs sous-facettes. Celles-ci ne sont pas essentiellement liées entre
elles (Amelang et Bartussek, 1997). Malgré ceci, la théorie d’Eysenck démontre
cependant (de manière satisfaisante) que les motivations antécédentes dépendent
de la personnalité de l’individu et qu’un individu sélectionne d’une certaine
manière les situations qui lui conviennent. Il influence ainsi fortement la
nature des événements qui peuvent lui arriver. Les évaluations et tendances à
l’action résultantes seront sûrement influencées par ces traits de personnalité.
Un nouvel étudiant extraverti, en comparaison avec un condisciple introverti,
évaluera la situation de rencontrer d’autres personnes inconnues probablement
plus positivement et aura une plus forte tendance à parler avec ses nouveaux
camarades.

3 MOTIVATION COMME CONSÉQUENT

3.1 Modèle de conflit de Miller


© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Miller (1944, 1951), fortement influencé par la théorie du drive selon Hull
décrite plus haut, s’est focalisé sur le conflit entre une tendance à l’approche
et une tendance à l’évitement, qui apparaît quand un être vivant est confronté
à une situation ambivalente. Lui aussi a postulé que le comportement ou les
tendances à l’action sont une fonction multiplicative du drive et de l’habitude.
Miller (1948) a étudié les comportements de rats affamés mis en présence
de nourriture. Cependant, pour avoir accès à la nourriture, le rat devait subir
un choc électrique. Il existait donc un conflit entre la tendance à s’approcher de
la nourriture et la tendance à éviter le choc électrique. L’ensemble, comprenant
204 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

la nourriture et le choc électrique, constitue un objet ambigu. Dans ce cas, le


drive associé à l’approche était la faim et le drive associé à l’évitement était
la peur. La peur est supposée être un drive appris (Hull, 1943, 1952) et
devrait fortement augmenter alors que la distance par rapport au choc électrique
se réduit, parce qu’elle serait plus influencée par des caractéristiques exté-
rieures que la faim. Être loin du choc indiquerait un certain degré de sécurité et,
par conséquent, la tendance à l’évitement serait faible. La faim, au contraire,
est censée rester relativement stable pendant une courte période temporelle,
étant moins dépendante des signes extérieurs, comme la distance à la nourriture.
Située à une longue distance de l’objet ambigu, la tendance à l’approche de
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la nourriture devrait alors être plus forte que la tendance à l’évitement du
choc. À une courte distance, cette relation devrait s’inverser.
Néanmoins, la tendance à l’approche et la tendance à l’évitement sont toutes
les deux supposées être les plus fortes à une courte distance de l’objet (nour-
riture avec application du choc). Ceci s’explique par le fait que les caractéris-
tiques situationnelles à courte distance font resurgir des habitudes (associations
stimulus-réponse) plus fortes pour les deux tendances à l’action que les
caractéristiques situationnelles à longue distance. Une synthèse de ces idées
est démontrée dans la figure 6.3.

Tendance à l’évitement
Force de la tendance

Zone de conflit maximal

Tendance à l’approche

Distance à l’objet ambivalent

Figure 6.3
Conflit entre les tendances à l’approche et à l’évitement selon Miller.

Dans les expériences de Miller, les rats se sont approchés de la nourriture


jusqu’à un certain point (diminution de la distance par rapport à la nourriture
et au choc), puis ils se sont éloignés du choc (augmentation de la distance par
rapport à la nourriture et au choc), pour ensuite de nouveau se rapprocher de
la nourriture, etc. Le comportement changeait de l’approche à l’évitement et
ainsi de suite. Les hypothèses de Miller sont donc soutenues par l’observation
de ces comportements oscillatoires.
MOTIVATION ET TENDANCES À L’ACTION 205

Miller (1959) décrit également des conditions selon lesquelles un certain


comportement peut être déplacé et exécuté dans un autre contexte qui
possède certaines caractéristiques similaires avec la situation originale. Weiner
(1992) donne l’exemple d’un employé qui, fâché contre son supérieur, ne
peut l’agresser compte tenu des contraintes normatives. Dans ce cas-là, la
tendance à l’évitement est plus forte que la tendance à l’approche. Toutefois,
en rentrant à la maison, cette personne pourrait agresser son épouse parta-
geant quelques caractéristiques avec son supérieur hiérarchique. La distance
spatiale ainsi que psychologique envers la cible (le supérieur) serait donc
plus grande. Comme la tendance à l’évitement est censée diminuer plus rapi-
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dement avec la distance que la tendance à l’approche, le mari pourrait alors
déplacer son comportement agressif contre sa femme.

3.2 La théorie psycho-évolutive des émotions


selon Plutchik
Plutchik (1970, 1980, 1994) considère l’émotion comme un construit hypo-
thétique avec plusieurs composantes indicatrices comprenant le sentiment
subjectif, les comportements expressifs et les réactions physiologiques. En
faisant référence aux travaux de Darwin (1872/1965) sur la sélection naturelle,
Plutchik postule que les émotions possèdent une valeur importante pour la
survie d’un être vivant et doivent pour cette raison être considérées dans une
perspective évolutionniste. Selon lui, les émotions peuvent être observées à
tous les niveaux phylogénétiques. Elles ne se retrouveraient pas uniquement
chez les êtres humains, mais également chez les animaux. Il propose huit
émotions de base (voir aussi Ekman, 1992 ; Izard, 1991 ; Tomkins, 1984) : la
peur, la colère, la joie, la tristesse, l’acceptation, le dégoût, l’anticipation et la
surprise. Chacune d’entre elles serait associée avec des types d’événements, des
cognitions, des réactions physiologiques et des comportements adaptatifs spéci-
fiques (tableau 6.2).
Selon cet auteur, les émotions peuvent être arrangées dans une sorte de
cercle (figure 6.4). Chaque émotion est supposée être à l’opposé d’une autre,
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

par exemple la peur (fuite) et la colère (attaque) ou la joie (gain de quelque


chose) et la tristesse (perte de quelque chose.). L’angle entre les différentes
émotions décrit leur degré de similarité. La peur et la surprise se retrouvent
l’une à côté de l’autre et sont donc plus similaires dans leurs effets sur notre
comportement et nos réactions physiologiques que la peur et la colère, par
exemple. De plus, chaque émotion de base est supposée exister à différentes
intensités (par exemple, distraction – peur – terreur). Ces propositions ont été
testées dans plusieurs expériences exécutées par Plutchik et coll. (par exemple,
Plutchik, 1967 ; Schaefer et Plutchik, 1966), et les résultats soutiennent en
général un tel arrangement d’émotions.
206 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

Tableau 6.2
Modèle psycho-évolutif des émotions selon Plutchik

Événement Cognition Sentiment Comportement Effet

Peur, Courir ou voler


Menace Danger Protection
terreur au loin

Obstacle Ennemi Colère, rage Mordre, frapper Destruction

Potentiel Joie, Poursuite,


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Possession Reproduction
appariement extase jonction

Perte d’indi- Tristesse,


Abandon Pleurer Réintégration
vidu de valeur chagrin

Membre Acceptation, Toilettage,


Amical Affiliation
de groupe avoir confiance partage

Objet Dégoût, Vomir, repousser


Poison Rejet
horrible aversion au loin

Nouveau « Qu’est-ce qui Examiner, carto-


Anticipation Exploration
territoire est dehors » ? graphier, organiser

Objet « Qu’est-ce que Stopper,


Surprise Orientation
inattendu c’est » ? en alerte

Acceptation Peur

Joie Surprise

Anticipation Tristesse

Colère Dégoût

Figure 6.4
Les émotions de base selon Plutchik.
MOTIVATION ET TENDANCES À L’ACTION 207

Plutchik décrit également des situations typiques pour l’évocation des


émotions opposées. Les situations concernant la peur et la colère implique-
raient, dans la plupart des cas, des hiérarchies (ayant un statut supérieur ou
inférieur). L’anticipation et la surprise joueraient un rôle important dans la
protection et l’exploration d’un territoire. Le dégoût et l’acceptation sont
supposés être des émotions pertinentes dans des situations d’identité sociale.
Finalement, la joie et la tristesse sont associées à l’intégration dans un
groupe social.
Plutchik ajoute un rôle important aux cognitions (comprenant la perception
et la mémoire). Selon lui, la cognition a évolué pour permettre une prédiction
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du futur et servirait à déclencher des réactions adaptatives. De plus, les
cognitions devraient être raisonnables, pour que la survie soit assurée. Un
être vivant évaluerait si un événement est bénéfique ou néfaste (« primary
appraisal » d’après Lazarus, 1966). L’auteur fait une distinction entre les
animaux moins évolués et les êtres vivants plus évolués. Les cognitions chez
les êtres vivants les plus évolués dépendraient plus de l’apprentissage et de
l’expérience que chez les animaux moins évolués. Les comportements adaptatifs
sont catégorisés dans huit classes, entre autres les réponses de protection (par
exemple, évitement et fuite), de destruction (par exemple, attaque) et de
reproduction.
Une situation pertinente pour le bien-être (par exemple l’attaque d’un ennemi)
mènerait à des cognitions spécifiques (danger), qui ensuite déclencheraient
un certain sentiment subjectif (peur), suivi par une tendance à l’action (volonté
de fuir), des réactions physiologiques (sudations) et enfin un comportement
adaptatif (fuite). La fonction de ce processus serait donc la protection. Pour
l’auteur, l’ensemble de ces réactions en chaîne constitue l’émotion (peur).
D’éventuels facteurs pouvant interrompre des réactions adaptatives seraient
le déni au niveau de la cognition et la répression au niveau du sentiment
subjectif, par exemple.

3.3 Organisation biphasique des émotions selon Lang


© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

D’après Lang et associés (Bradley, Greenwald, Petry, et Lang, 1992 ; Lang,


1994 ; Lang, Bradley, et Cuthbert, 1990), le comportement est organisé sur
une dimension appétitive-aversive. Il est aussi associé à des changements au
niveau du système nerveux central ainsi qu’au niveau du système nerveux
périphérique (voir chapitre 5 pour des recherches sur les réactions périphéri-
ques dans le cadre de cette théorie). Selon eux, il existe un système motiva-
tionnel responsable des stimulations appétitives et agréables qui mène aux
comportements comme l’approche, l’attachement et les actions consommatri-
ces. Un second système motivationnel, par contre, est associé aux stimulations
aversives et désagréables et faciliterait des comportements d’évitement, de
fuite et de défense.
208 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

L’activité de ces deux systèmes est censée être déterminée par la valence
et l’excitation subjectivement ressentie (arousal subjectif) par rapport à un
stimulus ou un événement. Pendant que la valence influence l’activation
d’un des deux systèmes, l’arousal subjectivement ressenti devrait déterminer
l’intensité ou le degré d’excitation du système concerné. Les deux systèmes
motivationnels consistent, selon ces chercheurs, en différents réseaux neuro-
naux au cerveau. Ils sont associés aux structures sous-corticales. Les êtres
humains ainsi que les animaux démontrent des comportements ou motivations
appétitifs et défensifs. Le noyau accumbens ainsi que le système mésolimbi-
que dopaminergique sont supposés composer le système appétitif. Un circuit
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sous-cortical, avec l’amygdale comme structure essentielle (en accord avec
Davis, 1989 et LeDoux, 1990), représente le système défensif.
Bradley et Lang (2000) décrivent un modèle appelé defense cascade model
qui propose que la distance envers un prédateur (predator imminence) joue
un rôle important qui peut avoir des conséquences comportementales ainsi
que physiologiques. Un prédateur loin devrait mener à un arousal léger et
une orientation en direction du prédateur. De plus, les auteurs prédisent dans
ce cas une décélération du rythme cardiaque, une légère augmentation de la
conductance de la peau et une diminution de la réaction du sursaut (causée
par une diminution d’attention envers d’autres stimuli) accompagnée par le
freezing (« expressions figées »). Le même stimulus à proximité, par contre,
est censé provoquer une accélération du rythme cardiaque, une conductance
de la peau plus élevée, une augmentation de la réaction de sursaut et des
tendances à la fuite ou au combat. Les réactions corporelles dans ce dernier
cas sont supposées préparer le corps à un comportement adaptatif en tenant
compte des besoins métaboliques.
La réaction de sursaut est associée au système motivationnel de défense,
constituant une valence négative (voir aussi Lang, Bradley et Cuthbert, 1990).
Elle est augmentée pendant une présentation de matériel aversif (addition
des effets négatifs) et réduite pendant une présentation de matériel appétitif
(compensation des effets positifs et négatifs). Ce fait démontre, selon Lang,
que les deux systèmes motivationnels seraient capables de s’inhiber l’un l’autre.
Néanmoins, cette réaction ne permet pas de mesurer indépendamment l’activité
des deux systèmes motivationnels décrits. Il est donc uniquement possible de
comparer leur activation relative.

3.4 L’organisation de la motivation selon Gray


Gray (Gray et McNaughton, 1996 ; Gray, 1987) distingue trois systèmes moti-
vationnels fondamentaux : un système responsable du combat et de la fuite
(fight/flight system, FFS), un système comportemental d’approche (beha-
vioural approach system, BAS) et un système comportemental d’inhibition
(behavioural inhibition system, BIS). Chacun d’eux serait associé à des
MOTIVATION ET TENDANCES À L’ACTION 209

structures cérébrales spécifiques (FFS : les noyaux gris centraux, l’hypothalamus


médian et l’amygdale ; BAS : le système dopaminergique, BIS : le système
septo-hippocampal, ses efférences néocorticales au lobe frontal et ses afférences
monoaminergiques au tronc cérébral).
Le FFS traiterait les stimuli non conditionnés de punition ou de non-
récompense et serait responsable de la fuite et de l’agression défensive.
L’émotion qui lui est associée est la panique. Le BAS serait responsable de
l’approche à un stimulus signifiant une récompense et de l’évitement actif,
c’est-à-dire de l’approche à des stimuli sécurisants en cas de danger. En outre, il
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initialiserait l’approche (par exemple une agression) pour éliminer une poten-
tielle source de punition (par exemple un concurrent). Ce système servirait, en
général, à une fonction appétitive et serait associé à une personnalité impul-
sive, à l’espoir et au soulagement. Au contraire, le BIS serait activé par des
stimuli conditionnés signifiant la punition et l’absence d’une ancienne récom-
pense (frustration), ce qui résulterait en une inhibition de l’action – l’évitement
passif – et une augmentation de l’activité générale (arousal) et de l’attention.
Il serait associé à une personnalité anxieuse et capable d’inhiber le BAS.
Le modèle de Gray se base sur la théorie de la personnalité selon Eysenck
(décrite plus haut ; section 2.5). Une rotation des deux axes d’Eysenck utilisés
pour décrire la personnalité d’un individu (extraversion et névrotisme)
d’environ 30 degrés résultait en deux nouvelles dimensions : l’impulsivité
(sensitivité pour une récompense ; BAS) et l’anxiété (sensitivité pour une
punition ; BIS). Selon Gray, les extravertis, dans le sens d’Eysenck, seraient
très impulsifs et très sensibles à la récompense, mais relativement insensibles
envers la punition. L’inverse a été proposé pour les introvertis, qui seraient
très anxieux et très sensibles aux punitions, mais pas aux récompenses. Ces
hypothèses ont été sujettes à plusieurs expériences (par exemple, Gray et
Nicholson, 1974 ; Nichols et Newman, 1986). Dans la plupart de ces études,
les extravertis ont été plus facilement conditionnés par un renforcement posi-
tif en comparaison à un renforcement négatif. Les résultats pour les introver-
tis allaient dans l’autre sens. Bartussek, Diedrich, Naumann et Collet (1993)
rapportent en outre, que les extravertis réagissent avec des amplitudes de
potentiels évoqués plus élevées dans le cas de récompenses (gain d’argent)
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

que dans le cas de punitions (perte d’argent). Le contraire se produisait pour


les introvertis.
La dimension d’extraversion, selon Gray, décrit donc l’activation relative
du BIS et du BAS pour chaque individu. Le névrotisme, par contre, serait
caractérisé par une augmentation de la sensibilité du BIS et du BAS, mais il
n’est pas censé changer leur activation relative. Carver et White (1994) ont
développé un questionnaire pour mesurer la sensibilité de ces deux systèmes
motivationnels BIS et BAS au moyen d’un rapport verbal.
En 2000, Gray et McNaughton ont effectué une modification du modèle
(voir figure 6.5).
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Punition + +
SC-Punition +
F ÉVITEMENT
210

SI-Punition + F –
Récompense – F
SC-Récompense – S
SI-Récompense –
D C +
É O ATTENTION
A 1. scanning de
Figure 6.5 IS-Pun + T N
N l’environnement
Les trois systèmes B E F 2. scanning de l’externe
NOUVEAUTÉ X (appréciation du risque)
motivationnels I C d L
IS-Rec + I 3. scanning de l’état interne
selon Gray S T e I (mémoire)
É
et McNaughton (2000). E T T
U S É +
Récompense +
R AROUSAL
SC-Récompense + B
SI-Récompense + A
Punition –
S –
SC-Punition –
APPROCHE
SI-Pun –
+

Dans cette figure, on voit comment – dans le modèle de Gray et McNaughton – les trois systèmes motivationnels peuvent être activés. Le
« behavioral activation system » (BAS) est responsable du traitement des stimuli conditionnels et non conditionnels ainsi que des stimuli in-
nés, qui représentent la récompense ou la non-punition en activant la tendance de s’approcher de quelque chose. Au contraire, le « fight-flight-
freezing system » (FFFS) s’occupe des stimuli de non-récompense et de punition en entraînant un évitement. Le « behavioral inhibition sys-
tem » (BIS), qui fonctionne comme détecteur de conflits, sera activé par une coactivation du FFFS et du BAS. En ce cas, il en résulte un conflit
d’approche-évitement. Le BIS va inhiber ces deux tendances motivationnelles et l’individu va s’engager dans le scanning de l’environnement
et de son état interne. Ce comportement sera accompagné par un arousal augmenté. Les informations négatives vont devenir plus saillantes.
TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

Pour cette raison, on observe un shift de la balance entre les deux genres de tendances en direction de l’évitement.

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MOTIVATION ET TENDANCES À L’ACTION 211

Le FFFS (fight/flight/freezing system ; avant : fight/flight system) pourrait


cette fois être activé par des stimuli innés (par exemple, un prédateur), non
conditionnés (par exemple, un choc électrique) et conditionnés (par exemple,
un son annonçant un choc électrique ; ces derniers ont préalablement été censés
être traités par le BIS) de punition et de non-récompense. La conséquence
d’une telle activation serait la tendance à éviter ces stimuli. Au contraire, le
BAS serait activé par des stimuli innés (par exemple, de la nourriture), non
conditionnés (par exemple, regarder des scènes plaisantes) et conditionnés
(par exemple, un son de cloche annonçant la fin du cours à l’école) de
récompense et de non-punition et initialiserait la tendance à s’approcher de
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ces stimuli. Le BIS fonctionnerait maintenant comme détecteur de conflits
entre le FFFS et le BAS et non plus tout simplement comme détecteur des
stimuli aversifs conditionnés :
« Crucially, it is not the presence of the aversive stimuli themselves which
activates the behavioural inhibition system, but their conjunction with appeti-
tive stimuli or other conditions that result in the animal’s having to choose
between conflicting, incompatible goals » (Gray et McNaughton, 2000, p. 84).

Le BIS serait capable d’inhiber les deux autres systèmes, accompagné par
l’attention augmentée de l’individu, le scanning de son propre état interne
et externe et de l’environnement pour trouver la réaction la plus adaptée.
Malheureusement, il est difficile de tester la théorie de Gray concernant les
structures cérébrales avec des méthodes non invasives. Les études qui ont traité
de ce sujet ont donc été réalisées avec des animaux et/ou avec des médicaments
(Gray, 1967, 1977 ; Gray, McNaughton, James et Kelly, 1975).

3.5 Approche et retrait selon Davidson


Pour Davidson (1992, 1995, 1998), deux tendances à l’action – l’approche et
le retrait – se sont développées durant la phylogenèse ; elles auraient permis
à l’homme de s’adapter aux conditions de son environnement. Ces deux
tendances à l’action seraient aussi observables chez les êtres vivants possédant
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

des systèmes nerveux moins complexes (voir aussi Schneirla, 1959). Les
émotions serviraient à coordonner la perception, la cognition et les tendances
à l’action. C’est le cortex préfrontal, selon cet auteur, qui permet une telle
coordination. Tandis que le cortex préfrontal gauche serait responsable de
l’approche et des émotions typiquement associées à cette tendance à l’action
(par exemple, bonheur, joie), le cortex préfrontal droit serait important pour
le retrait et les émotions qui lui sont associées (par exemple, peur, dégoût).
Plusieurs expériences (entre autres, Davidson et Fox, 1982, 1989 ; Ekman et
Davidson, 1993 ; Waldstein et al., 2000) ont soutenu ces propositions. Cepen-
dant, elles ont été également contredites par d’autres études (par exemple,
Schellberg, Besthorn, Pfleger et Gasser, 1993 ; Tucker et Dawson, 1984).
212 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

Davidson a surtout été inspiré par les observations sur des patients souf-
frant de dépression, qui présentaient peu d’activation dans le cortex préfrontal
gauche (Davidson, Abercombie, Nitschke et Putnam, 1999 ; Henriques et
Davidson, 1990, 1991). Les symptômes de tels patients indiqueraient bien un
déficit dans leurs tendances à l’approche aux conversations ou aux interactions
avec d’autres personnes (manque d’initiative) et une capacité réduite à ressen-
tir des émotions positives associées à l’approche. Harmon-Jones et Allen (1998),
notamment, ont démontré que l’expérience de la colère – qui est d’une valence
négative mais associée à l’approche – était accompagnée d’une activation
plus élevée du cortex préfrontal gauche que du cortex préfrontal droit. Ce
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résultat est donc en faveur de la théorie de la latéralisation de la motivation,
plus que celle de la latéralisation de la valence.
Sutton et Davidson (1997) rapportent également une relation entre l’asymétrie
hémisphérique et le questionnaire BIS/BAS de Carver et White (1994) qui
mesure la sensibilité des anciennes conceptions du BIS et du BAS selon Gray
(Gray et McNaughton, 1996 ; Gray, 1987 ; voir section III.4). Les sujets
montrant une plus grande activation préfrontale gauche avaient le score le
plus élevé à l’échelle BAS, alors que les sujets ayant une plus grande activation
frontale droite avaient le score le plus élevé à l’échelle BIS. Davidson (1992)
écrit :
« […] these individual differences in asymmetry are relatively stable over time
and are associated with different features of dispositional mood and affective
reactivity » (p. 40).

4 MOTIVATION ET TENDANCES À L’ACTION


DANS LES THÉORIES D’APPRAISAL

4.1 La théorie d’attribution de Weiner


Weiner (1986, 1992) a mis l’accent sur l’attribution causale dans le déclen-
chement des émotions et des motivations. Selon cet auteur, nous cherchons à
identifier les causes de nos réussites ou de nos échecs. Une telle attribution
est fondamentale, car elle permet de mieux s’adapter dans un contexte similaire
dans le futur. Il est fonctionnel de ne pas dépenser d’énergie, si un échec ou un
succès est lié au hasard ou de faire plus d’effort la prochaine fois, si l’échec
est censé résulter d’un manque d’effort, par exemple. Weiner propose trois
dimensions d’attributions causales déterminant l’état affectif et motivationnel
ainsi que les futures performances de l’individu : (1) la cause interne versus
externe (locus de causalité), (2) la stabilité de ces causes et (3) leur contrôlabi-
lité. Le locus définit si la cause d’une réussite/d’un échec est due à l’individu
MOTIVATION ET TENDANCES À L’ACTION 213

lui-même (capacité, effort) ou à des influences extérieures (hasard/chance,


difficulté de la tâche) et a déjà été décrit en détail par Rotter (1966). La stabi-
lité décrit, si ces causes sont supposées rester des influences stables/durables
(capacité, difficulté de la tâche) ou instables (effort en particulier, hasard/
chance). La troisième dimension, la contrôlabilité, indique si la cause est
influençable ou non.
Voici des exemples pour les huit combinaisons possibles des trois dimensions
(voir aussi Woolfolk, 1995) :
– interne-stable-non contrôlable : succès ou échec attribué à sa propre capacité ;
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– interne-stable-contrôlable : succès ou échec attribué à l’effort en général
(par exemple, étudiant qui ne lit jamais de la littérature nécessaire pour des
cours) ;
– interne-instable-non contrôlable : succès ou échec attribué à un état mental
ou physique momentané (par exemple, maladie) ;
– interne-instable-contrôlable : succès ou échec attribué à un effort en particulier
(par exemple, concernant un examen spécifique) ;
– externe-stable-non contrôlable : succès ou échec attribué au niveau hauts
ou bas standards exigé par l’université ;
– externe-instable-contrôlable : succès ou échec attribué au fait qu’un
professeur a été favorable ou défavorable à l’étudiant ;
– externe-instable-non contrôlable : succès ou échec attribué au hasard/à la
chance ;
– externe-instable-contrôlable : succès ou échec attribué à l’existence ou le
manque d’aide des amis.
L’attribution du locus est associée aux émotions concernant l’estime de
soi comme la fierté et la honte. Si des facteurs externes sont évalués comme
responsables d’une réussite ou d’un échec, le résultat des performances n’a pas
beaucoup d’impact sur l’estime de soi. Une personne qui attribue un succès à
ses propres capacités se sentira donc plus fière qu’une personne qui l’attribue
au hasard ou à autrui. L’attribution de la stabilité, par contre, est associée à
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

l’intensité d’une émotion ainsi qu’aux attentes de la personne. Si un échec est


vécu comme causé par des influences stables (manque de capacité ou diffi-
culté de la tâche), la personne ne s’attendra pas à réussir dans le futur. Elle ne
fera donc pas beaucoup d’efforts si une situation identique se représente à
elle. Cette dimension a alors une influence forte sur la motivation consé-
quente ou les tendances à l’action. L’attribution de la contrôlabilité influence
les émotions que la personne ressent envers elle-même et envers d’autres
individus. Cette attribution distingue par exemple la honte (cause interne non
contrôlable) de la culpabilité (cause interne contrôlable). La colère devrait
être le résultat d’un échec attribué à une cause externe et contrôlable. Par la
suite, les motivations conséquentes devraient aussi se distinguer (voir aussi
214 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

section 4.2 « Appraisal et tendances à l’action selon Frijda »). Plusieurs


recherches apportent du soutien à cette conception (par exemple, Weiner, Russell
et Lerman, 1978, 1979).
En faisant référence à la motivation d’accomplissement selon Atkinson
(1964), Weiner propose également que les personnes démontrant une forte
motivation pour le succès (forte motivation d’accomplissement) sont censées
attribuer leurs réussites plutôt aux facteurs internes qu’externes, et leurs échecs
plutôt aux facteurs externes qu’internes. Une telle évaluation permettrait de
maintenir une estime de soi élevée. Pour les personnes avec une forte moti-
vation à éviter l’échec, au contraire, les prédictions vont dans le sens inverse.
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La personne attribuera ses réussites à des facteurs externes et ses échecs à
des facteurs internes.

4.2 Appraisal et tendances à l’action selon Frijda


Frijda (Frijda, 1986 ; Frijda et Zeelenberg, 2001), dans sa recherche sur les
émotions, met l’accent sur l’appraisal et surtout sur les « tendances à l’action »
(action readiness). Étant influencé par les travaux de Lazarus (1966), il
distingue l’appraisal primaire (évaluation de l’événement comme favorable
ou défavorable par rapport aux motivations antécédentes) de l’appraisal
secondaire (évaluation de l’implication de l’événement, estimation du potentiel
de maîtrise). L’appraisal secondaire déclencherait, par la suite, des tendances
à l’action caractéristiques d’une certaine émotion. De telles tendances à
l’action influenceraient, en outre, largement notre sentiment subjectif. Une
tendance à l’action, ici, est définie d’une part comme un état où l’individu est
prêt à changer sa relation avec les circonstances intérieures ou extérieures (par
exemple, peur : éloignement, protection ; colère : opposition, hostilité ; honte :
soumission). D’autre part, elle correspond à un état où il est prêt à maintenir
la relation existante (par exemple, certaines formes de joie : rester proche de
quelqu’un). L’auteur décrit également le cas de perte de toute tendance à
l’action ou une diminution de la motivation (par exemple, dépression : apathie).
Frijda (2003) décrit :
« Les émotions, de façon générale, sont des états motivationnels. Elles sont
constituées d’impulsions, de désirs ou aversions, ou plus généralement, elles
comportent des changements de motivation. Elles poussent l’individu à modifier
sa relation avec un objet, un état du monde, ou un état de soi, soit à maintenir sa
relation existante malgré des obstacles ou des interférences. Pour ceci elles exigent
la priorité, elles absorbent l’attention, elles résistent à la distraction » (p. 16).

Cette citation montre aussi que l’émotion, déclenchée par une évaluation
cognitive d’un événement comme étant pertinent pour les besoins, buts ou
valeurs, est censée cibler toutes les ressources de l’organisme sur ce qui est
le plus important à un certain moment donné.
MOTIVATION ET TENDANCES À L’ACTION 215

Une tendance à l’action a plusieurs conséquences. Premièrement, elle est


supposée faciliter certains comportements moteurs (« activation sélective de
certains programmes d’action ») et en rendre d’autres plus difficiles. Une émotion
devrait toujours déclencher plusieurs tendances à l’action qui auraient la
même fonction. Pour la peur, par exemple, fuir ou se statufier aurait comme
but identique de se protéger. Celle qui se manifesterait finalement à travers
l’action serait dépendante du contexte. Deuxièmement, elle serait accompagnée
par des réactions physiologiques et musculaires (aussi à travers les expressions
faciales ; Frijda et Tcherkassof, 1997 ; Tcherkassof et de Suremain, 2005),
préparant les comportements moteurs. De plus, une tendance à l’action est
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censée se refléter dans les cognitions et le sentiment subjectif. Finalement,
Frijda et Mesquita (1994) décrivent l’importance des tendances à l’action dans
le contexte social. Les tendances à l’action signalées à autrui, entre autres par le
moyen de postures et expressions faciales, constituent une source importante
de la communication non verbale. Un tel signalement est aussi fortement
influencé par des contraintes sociales (punition des expressions de colère
dans certaines cultures, par exemple chez les Utku Eskimos ; Briggs, 1970).
Frijda et coll. (Frijda, 1987 ; Frijda, Kuipers et ter Schure, 1989) ont
commencé à examiner systématiquement la relation entre les évaluations
cognitives et la composante motivationnelle définie comme tendance à
l’action ou préparation à l’action et leur importance par rapport aux différen-
tes émotions (voir tableau 6.3 pour une description des tendances à l’action de
Frijda ; traduction basée sur Tcherkassof et de Suremain, 2005).

Tableau 6.3
Tendances à l’action selon Frijda, Kuipers et ter Schure (1989)

Tendance
Exemple de question
à l’action

Approche J’ai voulu m’approcher, établir le contact


J’ai voulu être ou rester proche de quelqu’un,
Être avec
être disponible pour quelqu’un
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Protection J’ai voulu me protéger de quelque chose ou de quelqu’un


J’ai voulu ne rien avoir à faire avec quelque chose ou quelqu’un,
Évitement
être dérangé/embêté le moins possible
Être attentif J’ai voulu bien observer, comprendre, ou j’ai fait attention
Distance J’ai voulu enlever quelque chose de mon chemin, le tenir à distance
Rejet J’ai cherché à ne rien avoir à faire avec quelqu’un ou quelque chose
Les choses qui se sont passées ne m’ont pas impliqué,
Désintérêt
je n’y ai pas prêté attention
Ne pas désirer J’aurais voulu que quelque chose n’existe pas
216 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

Tableau 6.3 (suite)


Tendances à l’action selon Frijda, Kuipers et ter Schure (1989)

Tendance
Exemple de question
à l’action

Bouillonner
Je bouillonnais intérieurement
intérieurement
Opposition J’ai cherché à m’opposer, à agresser, à faire mal, à insulter
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J’ai voulu aller au-delà d’un obstacle ou d’une difficulté,
Combativité
ou le conquérir
Interruption J’ai interrompu ce que je faisais, ou j’ai été interrompu
Préoccupation Je n’ai pas pu me concentrer ou mettre de l’ordre dans mes pensées
Je suis resté maître de la situation,
À la commande
j’ai senti que j’étais aux commandes, « je tirais les ficelles »
Aider J’ai voulu aider quelqu’un, prendre soin de quelqu’un
J’aurais voulu disparaître sous terre, du monde,
Disparaître
n’être pas aperçu par quelqu’un
Inhibition Je me suis senti inhibé, paralysé ou statufié
Rougir J’ai rougi ou j’ai craint de rougir
Je n’ai pas voulu m’opposer, ou j’ai cherché à correspondre
Soumission
à ce que voulait quelqu’un
Je ne me sentais pas de faire quoique ce soit,
Apathie
rien ne m’intéressait, j’étais apathique
Renoncement J’ai renoncé, j’ai abandonné
Fermeture Je me suis renfermé par rapport à l’environnement
J’ai cherché à faire quelque chose
Impuissance
mais je ne savais pas quoi, j’étais impuissant
Crier J’ai crié, dû crier ou voulu crier
Exaltation J’étais exalté, agité, je ne pouvais pas rester en place
Exubérance J’ai voulu bouger, être exubérant, chanter, sauter, faire des choses
Rire J’ai ri, dû rire ou voulu rire
Je me suis senti détendu, j’ai pensé que tout était ok,
Repos
je n’ai pas senti le besoin de faire quelque chose

Frijda (1987) demandait à ses participants d’associer trente états émotion-


nels à des critères d’évaluation (appraisal) et à des tendances à l’action. La
peur, dans cette étude, était caractérisée par une tendance à l’évitement, la
MOTIVATION ET TENDANCES À L’ACTION 217

colère par une tendance antagoniste et la joie par une tendance « à être avec »
et une tendance « à l’exubérance » (voir tableau 6.3 pour une explication de
ces tendances). En outre, il rapporte que l’approche est reliée aux évaluations
suivantes : (1) intérêt, (2) estime de soi élevée, (3) événement non causé par
autrui. L’évitement, par contre, était associé à (1) un manque de capacité de
contrôle et (2) un résultat incertain d’un événement. Néanmoins, deux années
plus tard, en 1989, Frijda et coll. en incluant encore d’autres évaluations et
tendances à l’action ont obtenu des résultats différents. Cette fois, l’approche
était associée à des événements jugés comme (1) équitables et (2) soudains, et
l’évitement lié à des stimuli évalués comme (1) non équitables, (2) inintéres-
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sants et (3) manquant de connaissance. De plus, les auteurs notent que certaines
émotions pourraient être mieux décrites par les appraisals des individus (par
exemple, jalousie, surprise, espoir), tandis que d’autres seraient mieux décrites
par des tendances à l’action (par exemple, dégoût, désespoir, anxiété, colère).
Une explication possible pour la non-congruence des résultats dans les
deux recherches décrites est qu’il existe un mélange d’expressions verbales
pour les tendances à l’action. Ainsi, « approche » et « évitement » pourraient
être des termes plus généraux qu’« aider » ou « rire » (voir le tableau 6.3).
De plus, dans ces articles, les questions concernant les tendances à l’action
traitent aussi des réactions comportementales (« pleurer », « rougir ») et des
évaluations, alors que Roseman, Wiest, et Swartz (1994) ont précisé qu’il est
important de distinguer soigneusement nos réactions comportementales de
nos tendances à l’action et de nos buts.

CONCLUSIONS ET FUTURES PERSPECTIVES

Tandis que les expressions faciales et les réactions physiologiques dans le


cadre de la recherche sur les émotions ont attiré l’attention depuis des dizai-
nes d’années, les facteurs motivationnels dans le processus émotionnel ont
été largement négligés. Les recherches sur l’émotion et sur la motivation ont
été faites de manière largement indépendante. Ceci est surprenant, étant
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donné que les thèmes abordés et situations décrites dans les deux champs de
recherche sont très similaires. Le but de ce chapitre a donc été de familiariser
le lecteur avec les recherches effectuées dans la tradition de la psychologie
de la motivation.
Néanmoins, le lecteur attentif devrait avoir réalisé l’impact de ces recherches
pour l’étude de l’émotion. Maslow (1943, 1954), par exemple, décrit les déter-
minantes ou facteurs nécessaires pour le déclenchement d’une émotion. Nous
allons juste ressentir une émotion dans les situations qui touchent nos propres
valeurs ou besoins, autrement dit : qui sont personnellement importantes.
Quelque chose sans importance pour notre bien être ne va pas nous mettre en
218 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

colère ou évoquer de la peur. Bien sûr, ceci s’applique aussi aux motivations
antécédentes que nous avons pour d’autres personnes (par exemple, sauver la vie
des enfants du tiers-monde). Hull (1952) a appuyé sur le fait que nos besoins
nous poussent à entretenir certaines actions qui, à la suite, devraient nous
permettre de satisfaire ces besoins. Il est facile de s’imaginer une situation
qui nous met de mauvaise humeur juste parce que nos besoins ne sont pas
satisfaits. Aussi, notre besoin d’affiliation nous motive à rechercher le contact
avec d’autres personnes. Si cela fonctionne bien, nous ressentons certainement
des émotions positives, tandis que si nous sommes rejetés, nous allons ressentir
de la colère ou de la tristesse.
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Atkinson (1964, 1978) dans sa théorie d’accomplissement et Miller (1944,
1959) avec son modèle de conflit, ont thématisé plus en détail la coexistence
des motivations. Pour Atkinson, nous sommes motivés à réduire des échecs et
maximaliser des succès, qui seraient à la suite associés aux émotions caracté-
ristiques. Les études de Miller, au contraire, suggèrent qu’une seule situation
peut provoquer différentes émotions et motivations conséquentes contradictoi-
res. Ceci est par exemple le cas, quand vous devez vous approcher d’un stimu-
lus aversif afin d’obtenir une récompense (comme devoir beaucoup étudier
avant de passer un examen ou accepter les douleurs pendant l’accouchement).
Eysenck (1953, 1967) adopte encore une autre perspective en démontrant
que différents individus avec différentes personnalités peuvent avoir des
motivations divergentes. Tandis que les extravertis sont censés chercher souvent
du contact social, ceci ne devrait pas être autant le cas pour les introvertis.
Cette théorie souligne donc, encore une fois, que les individus cherchent
activement des situations qui conviennent à leur personnalité ou à leurs besoins.
La probabilité d’être confronté avec une situation particulière devrait alors, à
un certain degré, varier en fonction de la personnalité.
Plutchik est le premier auteur à explicitement noter les tendances à l’action
comme composantes d’une émotion. En proposant huit classes d’émotions,
ce chercheur est probablement celui qui a le mieux réussi à intégrer les moti-
vations antécédentes (ou besoins) avec des cognitions typiques, des sentiments
subjectifs caractéristiques et tendances à l’action associées dans un même
modèle. En outre, il présente ces classes d’émotion sous le point de vue de
l’évolution, permettant à l’individu de s’adapter aux conditions situationnelles.
Les théories de Lang (1994) et Gray (Gray et McNaughton, 1996, 2000)
mettent en lien des caractéristiques affectives spécifiques des stimuli avec
des tendances à l’action. Tandis que Lang se focalise sur la valence comme
déterminante des motivations conséquentes, Gray classifie l’importance des
stimuli pour la détermination des tendances à l’action à l’aide des termes
(non) récompense et (non) punition. Cet auteur adopte donc un point de vue
clairement behavioriste.
Jusqu’à maintenant l’intégration des facteurs motivationnels dans la recher-
che sur les émotions s’est pratiquement limitée aux tendances d’approche,
MOTIVATION ET TENDANCES À L’ACTION 219

d’évitement et de retrait (par exemple, Davidson, 1992, 1995), comme moti-


vations conséquentes. Comme décrit en haut, Plutchik peut être considéré
comme une exception. Néanmoins, avec cette théorie, il n’est pas possible de
découvrir des mécanismes qui ont mené à telle ou telle émotion et tendance à
l’action. C’est là qu’entrent en jeu les théories de l’appraisal. Weiner (1986)
par exemple a pu lier les motivations des individus (par exemple, motivations
d’accomplissement) avec différentes attributions et ensuite avec différentes
émotions. Bien sûr ceci implique aussi des motivations conséquentes. Si vous
attribuez un échec aux facteurs externes, stables et non contrôlables (par
exemple, à un professeur méchant qui ne vous a jamais apprécié et vous a posé
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des questions difficiles pratiquement insolvables à l’examen), vous ne seriez
pas très motivé pour beaucoup vous investir dans de telles situations (par
exemple, concernant les cours donnés par le même professeur) dans le futur.
Les recherches de Frijda et coll. (Frijda, 1987 ; Frijda, Kuipers, et terSchure,
1989) ont démontré qu’un grand nombre de formes de motivations consé-
quentes différentes pourraient jouer un rôle dans le processus émotionnel.
De plus, ces tendances à l’action ont été mises en lien avec un grand nombre
d’évaluations cognitives. Pourtant, le fait qu’une partie des résultats rapportés
n’a pas pu être répliquée dans les deux recherches de 1987 et 1989 indique
clairement le besoin d’études supplémentaires.
Pendant les vingt dernières années, les chercheurs (par exemple, Plutchik,
Lang et Frijda) ont timidement commencé à allier des facteurs motivationnels
avec d’autres composantes d’une émotion. Cela se montre également par
l’apparition d’ouvrages portant des titres comme Emotion and Motivation
(Parkinson et Coleman, 1995). Pourtant, nous n’avons que commencé à
combiner les connaissances obtenues dans deux différentes traditions de
recherche s’ignorant presque complètement dans le passé. De nombreuses
recherches seront bientôt réalisées afin d’arranger ce manque. Les travaux
les plus éminents sont probablement ceux de Lang, Davidson et Frijda.

LECTURES CONSEILLÉES
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

FRIJDA N.H. (2003). « Passions : L’émotion comme motivation ». In J.-M. COLLETTA,


A. TCHERKASSOF (éd.), Les Émotions. Cognition, langage et développement
(p. 15-32). Liège : Mardaga.
PARKINSON B., COLEMAN A.M. (1995). Emotion and Motivation. Londres et New
York : Longman.
ROSEMAN I.J., WIEST C., SWARTZ T.S. (1994). « Phenomenology, behaviors, and
goals differentiate discrete emotions ». Journal of Personality and Social Psycho-
logy, 67, 206-221.
WEINER B. (1992). Human Motivation, Londres, Sage, 2e éd.
220 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

QUELQUES EXPÉRIENCES
FONDAMENTALES

Exemples de recherches dans le cadre


des tendances à l’action

Voyons quelques expériences qui ont été exécutées pour démontrer et


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analyser le caractère d’un lien entre les évaluations des stimuli affectifs et les
tendances à l’action. Solarz (1960) a mené une expérience qui s’est focalisée sur
le representational mediation process décrit par Osgood (1953). Ce processus
implique qu’une représentation d’un objet (comme un mot) serait capable de
déclencher les mêmes réactions comportementales que l’objet lui-même
(evaluatives reactions comme l’approche et l’évitement). Ceci serait possi-
ble grâce à l’association de l’objet avec le signe. Le mot « araignée » devrait
alors évoquer les mêmes réactions (un peu affaiblies) que lorsqu’un individu
voit une araignée dans son appartement. La tâche des participants a été intro-
duite comme une étude d’apprentissage, ayant pour objectif de découvrir des
relations entre la signification des mots et des mouvements (flexion et exten-
sion du bras). Les participants ont alors tiré (flexion) ou poussé (extension)
un levier selon les mots présentés. Pour quelques mots (positifs ainsi que
négatifs) la réponse correcte était de tirer, pour d’autres la réponse correcte était
de pousser.
Selon Solarz, l’extension du bras constitue un mouvement d’évitement
(refuser un objet en augmentant symboliquement la distance avec lui) et la
flexion du bras un mouvement d’approche (diminuer symboliquement la distance
avec un objet). Les résultats de cette expérience appuient cette conception.
Il a été démontré que l’initiation d’un mouvement par rapport à un stimulus
dépend fortement de la valence de ce dernier. Les latences étaient plus courtes
pour des essais où les participants tiraient le levier lors de la présentation de
mots agréables et poussaient le levier lors de la présentation de mots désa-
gréables en comparaison avec les combinaisons contraires. Cet effet était plus
grand pour les femmes que pour les hommes. Les résultats décrits ci-dessus
ont été répliqués dans d’autres expériences (par exemple, Chen et Bargh, 1999 ;
Duckworth, Bargh, Garcia et Chaiken, 2002).
Alors que pour Solarz, les évaluations sont supposées influencer nos réactions
comportementales ou tendances à l’action, Cacioppo, Priester et Berntson
(1993) suggèrent qu’une telle influence ne fonctionne pas uniquement dans
un sens. Ces auteurs ont démontré, à l’aide d’une série de six expériences,
que l’extension (mouvement indiquant l’évitement selon Solarz) et la flexion
(mouvement indiquant l’approche) du bras sont capables d’influencer nos
évaluations concernant des idéogrammes. Les participants ont été incités à
MOTIVATION ET TENDANCES À L’ACTION 221

fléchir ou à mettre en extension leur bras pendant la présentation des idéo-


grammes. Après cette tâche, ils ont évalué ces idéogrammes par rapport à leur
valence. Les images vues pendant la flexion ont été plus positivement cotées
que celles vues pendant l’extension du bras.
Néanmoins des recherches récentes suggèrent que le lien entre des évalua-
tions des stimuli et des mouvements du bras est dépendant d’un traitement
conscient du stimulus par rapport à sa valence. Rotteveel et Phaf (2004), par
exemple, ont réalisé une série d’expériences démontrant que des images
positives ne facilitent pas la flexion du bras et les images négatives ne facilitent
pas l’extension du bras, quand la tâche des participants est de catégoriser les
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images par rapport au genre de personnages paraissant sur ces images. Fina-
lement, Aue et Scherer (soumis), avec deux expériences, ont obtenu des résul-
tats qui suggèrent que les mouvements du bras ne peuvent pas être
considérés comme indicateurs irrévocables de tendances à l’action. Plutôt, la
préparation et l’exécution d’un mouvement dépendraient de facteurs contex-
tuels. Dans leurs expériences, les auteurs ont manipulé la conséquence des
mouvements du bras de leurs participantes. Suite à la présentation d’images
et de mots positifs, neutres ou négatifs, les participantes devaient faire soit
une flexion soit une extension du bras. Pour un premier groupe de participantes,
la taille du stimulus augmentait pendant la flexion du bras (contexte appro-
che = agrandissement du stimulus), tandis qu’elle diminuait pendant l’exten-
sion du bras (contexte évitement = réduction du stimulus). Pour un deuxième
groupe, ces contingences ont été inversées (flexion = réduction du stimulus ;
extension = agrandissement du stimulus). À l’aide de cette manipulation, Aue
et Scherer ont pu démontrer que l’effet d’un mouvement de bras sur un
stimulus présenté détermine sa facilitation ou son inhibition. Par exemple, la
présentation des stimuli positifs menait à des temps de réponses plus courts
pour la flexion que pour l’extension dans le premier groupe. L’inverse a été
observé pour les stimuli négatifs. Il est important de noter que dans ce groupe
la flexion produisait un agrandissement du stimulus et l’extension une réduc-
tion. Pour le deuxième groupe, au contraire, l’extension du bras était facilitée
pendant la présentation des stimuli positifs et la flexion pendant la présentation
des stimuli négatifs. Dans ce groupe, c’était l’extension qui produisait un
agrandissement du stimulus et la flexion menait à sa diminution. Ces résultats
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

suggèrent donc que la flexion du bras ne signifie pas nécessairement l’approche


ou l’extension du bras l’évitement. Il paraît plutôt que ce sont les facteurs
contextuels ou les conséquences des mouvements de bras qui déterminent leur
signification dans une situation donnée.
Chapitre 7
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LE SENTIMENT
SUBJECTIF.
INTÉGRATION
ET REPRÉSENTATION
CENTRALE
CONSCIENTE
DES COMPOSANTES
ÉMOTIONNELLES1

1. Par Elise Dan Glauser.


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INTRODUCTION

L’expérience émotionnelle subjective, appelée feeling en anglais, et classique-


ment nommée « sentiment », fait partie intégrante de la notion d’émotion.
Dans la littérature, les termes « émotion » et « sentiment » ont souvent été
utilisés pour désigner la même notion. Mais selon la théorie des composantes,
le sentiment subjectif constitue une sous-partie d’un ensemble de systèmes
impliqués dans les processus émotionnels (voir chapitre 1). Comme nous le
développerons dans le présent chapitre, l’appellation « sentiment » est spéci-
fique à un ressenti personnel et subjectif. Nous présenterons également une
caractérisation du sentiment subjectif dans le modèle des processus compo-
sants (voir section 1), puis, nous verrons comment le sentiment subjectif est
considéré par rapport à l’émotion en mettant en perspective l’intégration multi-
modale de l’information. Enfin, nous détaillerons les différentes méthodes
permettant d’appréhender cette notion et présenterons une brève revue des
études visant à cerner les processus cérébraux en jeu.

1 LE SENTIMENT SUBJECTIF
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

DANS L’OPTIQUE DU MODÈLE


DES PROCESSUS COMPOSANTS

1.1 Quelques notions utiles à connaître


1.1.1 Sentiment subjectif et émotion
Dans l’optique que nous adoptons ici, nous considérons l’émotion comme un
processus dynamique. Les labels verbaux ainsi que la description subjective
226 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

que nous faisons de nos émotions représentent une sorte d’arrêt sur image de
ce qui se passe réellement dans notre organisme. Comme nous l’avons vu dans
les précédents chapitres, différents systèmes sont impliqués lorsque nous
ressentons une émotion. Ce sont des systèmes indépendants, en général au
service d’autres fonctions, qui peuvent, à un moment donné de leur activité,
se positionner en synchronie relative et ainsi engendrer une émotion. Nous
allons donc considérer l’émotion comme une modification synchrone de
plusieurs sous-systèmes.
Pour comprendre ce que l’on entend par sentiment subjectif et pour savoir
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comment il est possible d’aborder ce concept de manière empirique, il nous
faut trouver une définition de cette notion équivoque. Nous considérons le
sentiment subjectif comme l’émotion telle qu’elle est vécue par l’individu ;
il s’agit de l’aspect conscient du processus émotionnel. Cette définition est
particulièrement en adéquation avec celle donnée dans le modèle des processus
composants. Dans cette partie, un bref rappel de ce modèle (Scherer, 1984)
sera effectué. Ceci nous permettra de considérer le sentiment subjectif dans
une optique précise et de l’étudier avec ces nombreuses facettes, à partir de
ces bases théoriques.
Le modèle des processus composants est issu de la théorie de l’émotion
élaborée par Scherer (1984). Le but de cette théorie est de développer un aperçu
des processus en jeu au sein d’une expérience émotionnelle. Selon cette théorie,
l’émotion est composée de plusieurs sous-systèmes ou « composantes » qui
représentent chacune une facette de l’expérience émotionnelle au sein de
l’organisme qui la vit. La première de ces composantes est constituée du
processus d’appraisal, aussi appelé processus d’« évaluation des antécédents ».
C’est une composante exclusivement cognitive qui a pour but d’appréhender
les événements qui surviennent dans l’environnement d’un individu et de les
analyser sur différents paramètres, ceci dans une séquence fixe de traitement.
Notons que le fait que ce système soit cognitif n’implique en aucun cas qu’il
soit conscient (Schulkin, Thompson et Rosen, 2003). La deuxième compo-
sante a trait à l’activation physiologique qu’expérimentera l’individu. Cette
activation comporte, notamment, des changements des rythmes cardiaque et
respiratoire ainsi que des modifications de la température et de la conduc-
tance de la peau. La troisième composante prend en compte les changements
d’expressions faciale et vocale qu’un individu expérimentera suite à un
événement survenant dans son environnement. La quatrième composante est
la motivation ; elle est constituée des buts intrinsèques et extrinsèques de
l’individu. Les motivations peuvent être conscientes ou inconscientes et, par
conséquent, sont élaborées ou relativement basiques et instinctives. La réaction
corporelle de l’individu à l’activation de cette composante est une préparation
à l’action, également par recrutement du système musculaire. Les modifications
de ces quatre composantes se refléteront de manière intégrée dans la cinquième
composante : le système moniteur. L’activation de ce système moniteur est
LE SENTIMENT SUBJECTIF 227

intrinsèquement liée au « sentiment subjectif », notion qui fait l’objet de ce


chapitre et que nous détaillerons plus loin.

1.1.2 Systèmes dynamiques non linéaires

Il est important de prendre note que les modifications des systèmes qui viennent
d’être présentés ont inévitablement des conséquences sur le fonctionnement
des autres systèmes. Ainsi, on ne se trouve pas confronté à un système linéaire
statique, mais bien à un système dynamique non linaire fait de boucles de
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rétroactions. En considérant l’émotion comme un processus non linéaire et
dynamique, il est possible d’envisager l’émotion (à titre d’illustration) à l’aide
d’un élément emprunté à d’autres disciplines : le concept de l’oscillateur.
Cette notion nous aidera à comprendre que la considération de l’émotion
comme un phénomène non linéaire nécessite l’étude des processus au cours
du temps et l’étude de systèmes multiples en interaction, ce qui fera l’objet
d’une discussion ultérieure.

■ Les oscillateurs
La notion physique d’oscillateur correspond à la propriété qu’a un système
de faire varier régulièrement et périodiquement son amplitude, sa fréquence
et/ou sa phase lors de son activité. Les systèmes biologiques sont en général
considérés comme des assemblages d’oscillateurs coordonnés ayant une période
irrégulière et chaotique. Cependant, l’assemblage d’oscillateurs coordonnés
donne la possibilité à l’organisme de s’adapter rapidement, fonction que l’on
retrouve dans le cadre émotionnel. Dans le cas d’oscillateurs couplés, le
degré de synchronisation sera amplifié si une adaptation quelconque est
nécessaire. Pour ce faire, les différents oscillateurs seront forcés d’adopter
un mode de fonctionnement plus stable que celui qui régit le fonctionnement
normal. Le passage entre un état instable (fonctionnement usuel) et un état
stable (lors d’un événement nécessitant une adaptation) se fait beaucoup plus
rapidement que le passage inverse, ce qui permet à l’organisme de réagir très
rapidement à un événement. Ainsi nous pouvons considérer l’émotion comme
un état attracteur de durée limitée qui permettra aux différents systèmes de
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

l’individu de glisser rapidement vers un état stable. Nous envisageons le système


moniteur comme un système en mouvance qui permettra à l’organisme de
réagir rapidement au travers et suite à une émotion ressentie. De même, un
épisode émotionnel sera considéré comme une période pendant laquelle les
degrés de couplage (synchronisation) de tous les sous-systèmes dépassent un
seuil de co-variation normal (Scherer, 2000a). Le rôle de l’appraisal (voir
paragraphe suivant) n’est pas négligeable dans l’établissement de cette synchro-
nisation puisqu’il module continuellement les activités des sous-systèmes,
ce qui permet à l’ensemble du système, si besoin est, d’entrer dans un espace
attracteur stable.
228 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

1.1.3 Patterns spécifiques d’activation et émotions modales

Une des plus grandes divergences au sein des différentes théories de l’appraisal
concerne le nombre et les types d’émotions qui devront ou qui pourront être
décrits par les différents modèles. Selon Scherer (1984), il y aura autant
d’émotions différentes qu’il y aura de modulations dans l’évaluation de
l’environnement. Chaque nuance qui pourra être mise en évidence dans l’évalua-
tion de l’environnement sera reflétée dans l’émotion qui sera engendrée. Ainsi,
potentiellement, il existe un nombre infini d’émotions. Il est commun cepen-
dant dans la littérature de rencontrer des vues qui prônent l’existence d’un
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nombre fini d’émotions de base, ou fondamentales, telles que la joie, la colère,
la peur, la tristesse, etc. (voir par exemple Ekman, 1999). Selon le modèle
des processus composants, il n’y a pas d’autres preuves de l’existence de ces
émotions dites de base que leur fréquence d’utilisation sous forme de labels
établis dans notre langue pour ces émotions. Or ceci n’établit en rien l’exis-
tence d’une égalité entre deux épisodes émotionnels labellisés par une seule
et même étiquette. Jusqu’à maintenant, il n’a pas encore été démontré que
certaines émotions sont constamment issues d’un profil de réponses spécifiques
sur l’ensemble des composantes émotionnelles, à savoir une configuration
d’appraisal donné, des réponses périphériques spécifiques (issues des systèmes
somatique et autonome), une modalité expressive particulière et l’émergence
d’un sentiment subjectif précis. En effet, il paraît assez difficile, dans l’état
actuel de la recherche, d’identifier des patterns spécifiques d’activation,
même pour quelques émotions dites « de base », de même que de mettre en
évidence une association systématique et définitive entre un certain type de
réaction corporelle et un rapport verbal particulier.
Si un pattern spécifique d’activation n’a pas pu être identifié pour les
émotions dites « de base », il existe néanmoins pour ces labels un couplage
entre le label donné à l’émotion et des comportements observables tels que
des tendances à l’action spécifiques (par exemple, peur-fuite, colère-attaque).
L’existence de ces associations récurrentes nous pousse à penser qu’il existe
des liens spécifiques entre un pattern d’évaluations (et leurs conséquences) et
un label donné dans une langue donnée. Dans notre optique, nous considérerons
ces associations prototypiques et récurrentes entre une évaluation de l’individu
et sa réaction à l’environnement comme des émotions que nous qualifierons
de « modales » (Scherer, 1994). Ce terme se référera donc à des configurations
d’appraisal et de réponses multimodales que le langage a décrites par des mots
spécifiques (Scherer, 1993a). Précisons cependant que le processus de label-
lisation est différent des processus émotionnels et de l’expérience émotionnelle
totale et relève d’autres processus (Scherer, 1987a). Les émotions modales
peuvent être très variables et donner un sentiment subjectif très nuancé. Pour
reprendre la notion d’oscillateur que nous avons utilisée précédemment, les
émotions modales seront considérées comme des patterns stables d’oscillations
LE SENTIMENT SUBJECTIF 229

couplées survenant de manière récurrente. Une émotion modale regroupera


l’ensemble des patterns stables (plus ou moins apparentés) qui seront labelli-
sés de manière identique.

1.1.4 Considérations sur l’émergence du sentiment subjectif

Comme cela a été décrit dans les chapitres précédents, le modèle des processus
composants de l’émotion propose une interrelation, une synchronisation de
systèmes dont le système moniteur fait partie.
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L’aspect dynamique de ces processus émotionnels vient du fait que les
influences de changements d’activation sont effectuées de manière récursive
et continue. Ainsi, comme le montrent des données récentes de Taylor, Phan,
Decker et Liberzon (2003), le fait d’attirer l’attention sur la façon que l’on a
d’évaluer la situation change radicalement le sentiment subjectif, tant au niveau
de son intensité que de l’activation corticale qui lui est associée.
Pour comprendre et discuter les processus émotionnels, il faut obligatoire-
ment découper un processus qui est continuellement en activité et en évolution
pour l’observer à un temps tx sous une appellation donnée. Il faut cependant
garder à l’esprit que si la description qui va suivre fait appel à des notions
discrètes, les processus qu’elle présente sont continus et auto-organisés dynami-
quement de façon complexe. L’accent sera mis ici sur le fait que les processus
émotionnels ne sont pas linéaires et donc ne se prêtent pas à une analyse
linéaire comme nous avons l’habitude de le faire, autant statistiquement (avec
des modèles de régression par exemple) que conceptuellement. La complexité
des processus est due au fait que le sentiment subjectif se manifeste par
l’émergence d’une représentation de sous-systèmes auto-régulés qui sont, en
même temps, dépendants des valeurs initiales et dépendants des changements
soudains qui interviennent tout au long du processus émotionnel. La diffi-
culté théorique posée par un phénomène comme celui de l’émotion nécessite
donc des axiomes clairs pour permettre de caractériser le sentiment subjectif
dans un cadre théorique bien défini.
Une distinction est particulièrement importante si l’on s’intéresse au senti-
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

ment subjectif : l’existence d’un pattern multidimensionnel d’activations spécifi-


ques doit être distingué du sentiment subjectif qui en résultera. Le sentiment
subjectif est toujours considéré comme le reflet conscient des changements
dans toutes les composantes, c’est-à-dire pas seulement dans la composante
appraisal. En effet, comme nous le verrons en détail ci-dessous, le sentiment
subjectif est considéré comme l’aspect conscient d’un processus reflétant les
changements survenant de manière synchrone dans les différentes composantes,
à savoir les aspects physiologiques, cognitifs, motivationnels et expressifs de
l’émotion. Ainsi, l’émotion telle que nous la vivons puise ses particularités
dans différentes représentations corporelles (périphériques et musculaires)
et dans l’environnement qui nous apporte matière à perception et évaluation
230 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

(voir Seager, 2002). L’expérience émotionnelle réunit d’une façon particulière


le soi et le monde extérieur (Lambie et Marcel, 2002) et inclut d’autres aspects
que la perception viscérale, comme par exemple l’aspect motivationnel (Craig,
2002). Nous rejoignons ainsi d’autres auteurs dans leur conception du senti-
ment et, en même temps, nous nous détachons des vues centralistes ou péri-
phéralistes pour nous situer dans une optique intermédiaire où le sentiment
subjectif est à la fois dépendant de proprioceptions et d’évaluations centrales
cognitives (Scherer, 1987a). Une question centrale concerne la façon dont se
forment les représentations (conscientes et non conscientes) qui consti-
tuent l’output du système moniteur. La création de la représentation pour-
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rait être aussi bien temporelle que fréquentielle. Une représentation
schématique de ce qui pourrait advenir dans le cas d’une synchronisation
des changements dans les différentes composantes de l’émotion (et donc
dans le cas d’un sentiment subjectif) est illustrée figure 7.1, celle-ci sera
également la figure de référence pour toutes les notions d’intégration décrites
plus loin.
Dans la figure 7.11, plusieurs aspects doivent être remarqués. Premièrement,
chacune des composantes a une activité continue et variable. Deuxièmement,
d’après les contraintes de l’environnement, elles varient en synchronie : un
certain temps après l’apparition du stimulus, on observe une fenêtre tempo-
relle où quatre composantes (I, II, III, IV, correspondant aux composantes
de l’appraisal, expressive, motrice et psychophysiologique) ont un pic
d’activation. En résultante (encart central de la figure), à un moment tx le
système moniteur répond plus fortement, ce qui laisse à penser qu’à ce
moment, l’individu aura un sentiment subjectif. Ainsi, les cinq composantes
de l’émotion (appraisal, psychophysiologie, expression, tendance à l’action
et sentiment subjectif) entrent en synchronie relative et, selon le modèle des
processus composants, un épisode émotionnel complet et cohérent émerge,
perçu par la personne au niveau de la conscience.
Ainsi, l’apparition d’une synchronie permettrait l’émergence d’un sentiment
subjectif. Mais de quoi est composé le système moniteur et qu’est-ce qui le
distingue des autres systèmes ? Quelle est sa fonction ? Comment et sous
quelle forme sont reflétées les informations provenant des autres composan-
tes ? Comment peut-on entreprendre d’étudier empiriquement le sentiment
subjectif ? Toutes ces questions posent les piliers de la réflexion que nous
développons ci-dessous.

1. Notons que la figure 7.1 est purement conceptuelle, ne se basant sur aucune donnée empirique.
Cette figure est utilisée pour illustrer notre propos et ne doit pas être considérée comme la repré-
sentation exacte de ce qui se passe tant au niveau des activations représentées pour les composan-
tes qu’au niveau de leur intégration.
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Composante I Composante II

0 0

Système moniteur
LE SENTIMENT SUBJECTIF

tx
Sentiment subjectif
0

Composante III Composante IV

0 0

Chacun des graphes représente l’activité au cours du temps. Le temps 0 indique un événement donné qui sera traité par l’individu et le temps tx
symbolise l’instant où émerge un sentiment subjectif.
Figure 7.1
Représentation théorique de l’intégration de l’information de quatre composantes émotionnelles en une cinquième.
231

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232 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

1.2 Particularités du sentiment subjectif


Comme nous l’avons abordé précédemment, nous considérons le sentiment
subjectif comme étant l’une des composantes de l’émotion. Peu de chercheurs
ont cependant distingué émotion et sentiment subjectif et il se trouve peu de
littérature spécifique sur l’aspect conscient de l’émotion. Damasio (1998) est
un des seuls chercheurs à ce jour (avec Scherer, voir paragraphe précédent sur
le modèle des processus composants) à distinguer clairement émotion et
« sentiment subjectif » (feeling) dans un modèle théorique des processus
émotionnels. Damasio définit l’émotion comme résultant de changements
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corporels et cérébraux entraînés par des circuits neuronaux spécifiques et
dont le déroulement serait causé en premier lieu par le contenu d’une percep-
tion ; ce processus serait perceptible par une tierce personne alors que les
feelings (« changements corporels perçus par l’individu ») ne seraient acces-
sibles que par la personne elle-même. Découlant (implicitement) de la théorie
de James sur les feelings comme perceptions des états corporels, Damasio
(Damasio, 1999 ; voir aussi Damasio et al., 2000) propose que le feeling est
basé sur des cartes neuronales représentant l’état interne de l’organisme (répon-
ses corporelles). Pour se développer, les expériences émotionnelles auraient
besoin, d’une part, du corps (substrat du feeling) et, d’autre part, d’un objet
externe entraînant les modifications corporelles sur lesquelles seront basés
les feelings. Les sentiments liés aux activités autonomes coloreraient les
sentiments émotionnels. Ainsi, pour Damasio, les expériences émotionnelles
peuvent provenir de deux mécanismes différents. Les émotions fortes vien-
draient de la perception de nos états corporels et de leur traitement dans des
centres comme le cortex ventro-médian, le cortex somato-sensoriel et
l’amygdale. Les émotions faibles n’auraient, par contre, pas besoin d’une
activité somatique pour exister : elles seraient basées sur une as-if body loop,
mécanisme uniquement cérébral qui permettrait d’inférer les activités que le
corps devrait avoir dans une telle situation et de les incorporer dans les repré-
sentations pour créer notre émotion (voir aussi Bechara, 2004).
Le modèle d’Izard (1993) se centre aussi sur des composantes mais en
considérant le sentiment subjectif comme pouvant être soit la résultante de
processus centraux (neuronaux) seuls, soit la résultante de ces derniers en
conjonction avec trois autres résultantes : celle des processus sensori-
moteurs, affectifs et cognitifs.
Bien qu’il existe une divergence de conception de l’émotion, les idées de
fond sont relativement similaires et les auteurs cités distinguent bien émotion
et sentiment.

1.2.1 Lien entre le sentiment subjectif et les autres composantes


Le système moniteur occupe une position particulière au sein du système
émotionnel. En effet, selon le modèle des processus composants, ce système
LE SENTIMENT SUBJECTIF 233

est le reflet unique des activités des quatre autres composantes. Il appartient
donc à l’ensemble des sous-systèmes, mais il est en même temps parallèle à
ceux-ci en adoptant une fonction de contrôleur, qui va devoir gérer la distri-
bution de ressources et permettre à l’individu de ressentir une émotion en
tant que telle et d’en prendre conscience.

1.2.2 Labels verbaux


Lorsque nous parlons de notre sentiment subjectif, nous nous référons souvent
à une émotion en particulier. L’individu qui ressent un sentiment subjectif
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éprouve consciemment de la peur, de la colère, de la tristesse, de la honte, de
la fierté ou de la joie par exemple. Cependant, les labels verbaux ne rendent
pas compte de toutes les activités du système moniteur. Il est en effet possi-
ble que l’individu ait des sensations qu’il ne peut pas verbaliser ni labelliser
par un terme couramment employé et connu de lui. Il est d’ailleurs possible
que, pour ce qu’il ressent, il n’y ait pas d’expression disponible dans sa
langue. Cependant, il est possible qu’il puisse trouver dans d’autres langues
un label défini pour le ressenti qu’il éprouve. Peut-on alors dire que certaines
cultures ressentent plus souvent des émotions qui sont rares ou absentes dans
d’autres cultures ? La question peut être discutée, mais ce qui est sûr c’est
que l’on ne peut pas verbaliser tous les ressentis possibles ; nous sommes
limités par le vocabulaire. C’est pour cette raison qu’il s’agira de prendre en
compte le fait que le sentiment subjectif ne se borne pas à ce qui est verbali-
sable. Il renvoie également à tout ce qui peut être ressenti mais non nommé,
ainsi qu’à toute représentation non accessible à la conscience en temps normal
mais qui pourrait être retrouvée stratégiquement par l’individu qui procéderait,
par indices, à une récupération d’éléments de son expérience. Pourtant, en ce
qui concerne l’opérationnalisation faite jusqu’à maintenant, peu d’études ont
envisagé la mesure du sentiment subjectif autrement que par rapport verbal.
Le problème est que labels verbaux ne représente évidemment pas tout ce
qu’il est possible de ressentir avec les nuances appropriées. C’est pour cela
qu’un défi très important de la recherche contemporaine est de mesurer le
sentiment subjectif par d’autres moyens que la verbalisation. Cette problé-
matique sera analysée plus en détails à la section III de ce chapitre.
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1.3 Fonctions du système moniteur


La fonction principale du système moniteur est une fonction de contrôleur,
reflétant les informations issues de plusieurs autres systèmes, aussi bien centraux
que périphériques. Nous pouvons isoler deux objectifs majeurs du système
moniteur. Premièrement, il focalise l’attention de l’individu sur des affaires
complexes qui demanderaient trop de ressources pour être résolues automati-
quement sans activité consciente de la part du sujet et, deuxièmement, il
permet de représenter globalement ce qui se passe dans notre corps et dans
234 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

l’environnement afin de faciliter le stockage en mémoire ainsi que l’appren-


tissage (Scherer 1987a). La tâche du système moniteur, pour atteindre ces objec-
tifs, consiste à intégrer toutes les informations provenant des autres
composantes. De plus, et c’est la spécificité du système moniteur, il doit rendre
cohérent cet ensemble d’informations afin d’en retirer du sens et de pouvoir diri-
ger les conséquences de l’émotion de la meilleure façon. Le sentiment subjectif
est donc un conglomérat complexe d’informations provenant des autres systè-
mes. Nous renvoyons le lecteur à l’observation de la figure 7.1 précédemment
présentée. Une expérience émotionnelle complète ne surviendra qu’en présence
de cette émergence consciente. Un assemblage d’activations comme des activa-
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tions cognitives, périphériques ou des tendances à l’action isolées n’a pas la
cohérence essentielle d’une expérience coordonnée et représentée globalement.

1.4 Les trois modules de l’expérience subjective et leurs


interrelations : l’utilisation du diagramme de Venn
Le sentiment subjectif est considéré comme un phénomène uniquement
conscient et mesurable grâce au rapport verbal. De plus, l’aspect conscient
apparaît comme la pointe de l’iceberg que représente l’activité du moniteur
central. Il est possible de représenter le système moniteur comme l’imbrica-
tion de trois cercles formant un diagramme de Venn (figure 7.2 ; voir aussi
Scherer, 2004).

Symptômes Expression
physiologiques motrice
Tendances
à l’action
Appraisal
A
Réflexion et régulation
B
inconscientes
Représentation
C et régulation conscientes
Zone de mesure valide
des « self-report »

Verbalisation et communication
de l’expérience émotionnelle

Figure 7.2
Le système moniteur présente trois parties : une représentation inconsciente,
une représentation consciente et un aspect verbalisable (adapté de Scherer, 2004).
LE SENTIMENT SUBJECTIF 235

Le cercle A représente le monitoring des changements dans les différentes


composantes, et cela, au sein du système nerveux central. Rappelons que ces
changements sont, à ce moment, synchronisés. Ce sous-système reçoit des
projections communes des structures corticales et sous corticales ainsi qu’un
feedback proprioceptif de la périphérie. Cet élément du système moniteur est
le premier à émerger en un tout cohérent d’information. C’est une représen-
tation centrale de toutes les caractéristiques des différents systèmes impli-
qués dans l’émotion. Bien que la théorie émotionnelle de base soit différente,
le modèle présenté se rapproche en ce sens de celui de Damasio (2001).
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Le cercle B représente le sentiment subjectif qui sera accessible à la cons-
cience de l’individu, ceci notamment à des fins de régulation émotionnelle.
Les changements « monitorés » dans A deviennent alors des paramètres
qualitatifs du sentiment subjectif. À noter que ce cercle ne se superpose que
partiellement au premier cercle, ceci pour représenter les caractéristiques
reconstructives de la conscience et mettre en évidence les apports mnésiques
que fait l’individu à son expérience émotionnelle originale. Cette représentation
consciente, ainsi que les qualités du sentiment sous-jacent, constituent les
aspects qui ont le plus intéressé les philosophes et les psychologues orientés
vers la phénoménologie. C’est à ces aspects qu’est liée la notion de « qualia ».
La « qualia » peut être envisagée de plusieurs manières. Avant tout, c’est
l’idée qu’à un moment donné l’individu va sentir qu’il ressent. Plus précisé-
ment, l’idée de « qualia » réfère à l’accessibilité qu’a l’individu, par intros-
pection, aux différents aspects de sa vie mentale (Tye, 2003). La « qualia »
est aussi l’aspect qualitatif de l’expérience consciente. De manière générale,
on peut dire que si la « qualia » est un aspect de l’expérience, elle n’est pas la
totalité de celle-ci. Le cercle B représente pourtant ce qui est communément
appelé « le sentiment ». Un autre aspect primordial de cette partie du senti-
ment subjectif est son aspect de régulation contrôlée. En effet, l’accès à la
conscience de l’émotion ressentie permet une régulation socio-normative
effectuée par des contraintes culturelles. Les représentations du soi qu’a
l’individu ainsi que d’autres apports personnels entrent aussi dans cet aspect
de régulation. Ces deux premiers cercles représentent les aspects conscients
et inconscients de l’expérience émotionnelle sur laquelle de nombreux
auteurs se sont penchés (voir par exemple Anderson, 1989).
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Les processus représentés par ces deux cercles sont difficilement mesura-
bles objectivement. La seule mesure dont nous disposons concernant cette
composante émotionnelle est le rapport verbal qu’un individu peut donner de
son expérience consciente de l’émotion. Ainsi, grâce à ce rapport verbal, il
est possible d’avoir accès à la partie du sentiment subjectif, représentée par
le cercle C. Nous n’avons alors accès qu’à une fraction restreinte de la partie
consciente du sentiment (cercle B). La superposition imparfaite du cercle B
et du cercle C indique que ce qui peut être rapporté verbalement ne repré-
sente qu’une infime partie de ce qui est effectivement ressenti consciemment
par l’individu. Cette épuration de nombreux aspects du sentiment subjectif
236 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

lors du rapport verbal peut être expliquée soit par une intention contrôlée de
l’individu à dissimuler certains aspects, soit par une dépendance du rapport
verbal au langage. La catégorisation du ressenti sera ensuite labellisée selon
une représentation personnelle des labels verbaux disponibles par l’individu
dans la langue parlée (voir point 1.2.2). Le rapport verbal ne peut être consi-
déré que comme une dénomination qui reflète ponctuellement, et plus ou
moins adéquatement (cf. la description de la non-superposition des cercles A,
B et C ci-dessus), l’état dans lequel l’individu se trouve (Kaiser, Wehrle et
Schmidt, 1998).
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5 2
3 1 6
Réflexion
et régulation inconscientes
4 Représentation
7 et régulation conscientes

Verbalisation et communication
de l’expérience émotionnelle

Partie de la représentation insconsciente devenue consciente et verbalisée


1 de manière appropriée
Partie de la représentation insconsciente devenue consciente
2 mais non verbalisée
Partie de la représentation insconsciente verbalisée intuitivement
3 sans représentation consciente
Représentation construite et verbalisée n’ayant aucun fondement inconscient
4 (ex. Stéréotype)
Partie de la représentation insconsciente
5 restant inaccessible
Représentation consciente construite n’ayant aucun fondement inconscient
6 et n’étant pas verbalisée

7 Surplus de sens au label non fourni par des représentations conscientes

Figure 7.3
Les sept parties du système moniteur.

Il est à mentionner également qu’une contrainte de capacité réduit souvent


le flot d’émotions à quelques arrêts sur images donnés par des descriptions
langagières. Une réflexion intéressante peut être aussi faite sur la partie du
rapport verbal (cercle C) qui ne chevauche pas le sentiment subjectif en tant que
tel (cercle B). Cette partie peut représenter tout le surplus sémantique qui peut
LE SENTIMENT SUBJECTIF 237

être amené avec la verbalisation du sentiment. Une série de connotations


rattachées culturellement ou par expérience personnelle à l’émotion verbali-
sée fera partie intégrante du rapport verbal, sans pour autant appartenir au senti-
ment subjectif présent chez l’individu à ce moment précis (voir Robinson et
Clore, 2002 ; Seager, 2002).
Nous pouvons faire l’hypothèse que les représentations sont toujours en
grande partie inaccessibles à la conscience et se reflètent consciemment chez
l’individu uniquement lorsque le système moniteur « donne l’alerte », c’est-
à-dire quand les activations d’un ou de plusieurs systèmes ont atteint un seuil
particulier d’intensité, qui nécessite un recrutement attentionnel de l’individu
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pour faire face à la situation. Cette prise de conscience reste cependant un flux
continu d’information. Pour l’extérioriser et communiquer son expérience, le
rapport verbal ponctuel reste, malgré tout, la seule option jusqu’à maintenant.
Grâce à cette représentation globale du système moniteur, il est théoriquement
possible de rendre compte des nombreuses différences interindividuelles au
niveau du sentiment subjectif. En effet, selon l’individu, les cercles seront plus
ou moins imbriqués, ce qui donnera par exemple des variations sur la quantité
d’information qui accédera à la conscience ou sur la partie verbalisée de celle-
ci, variations qui distinguent donc les individus au niveau de leur ressenti.
Cette représentation du système moniteur permet également d’avoir une
vision globale des sept aspects de ce complexe représentés par les sept aires
fermées du diagramme. La figure 7.3 ci-contre nous donne un aperçu de ces
aires et de leur signification au niveau émotionnel.

2 LE SENTIMENT SUBJECTIF COMME


INTÉGRATION MULTIMODALE
DE CHANGEMENTS SYNCHRONES

2.1 Intégration de l’information


© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Pour parvenir à ressentir une émotion, l’individu doit pouvoir intégrer l’infor-
mation qui provient de son environnement interne (proprioception) et externe
en un tout cohérent. Suite à l’évaluation de la situation, les répercussions sur les
différentes composantes de l’émotion doivent être intégrées pour (enfin) parve-
nir à provoquer une émotion complète. L’intégration ne peut se faire que lors-
que les informations arrivent des composantes. Même si les recherches les
plus avancées sur l’émotion ne permettent pas de se représenter clairement
comment ces différents systèmes communiquent, l’hypothèse que nous avan-
çons est que la synchronisation des changements dans les différentes compo-
santes pourrait se faire tant au niveau temporel qu’au niveau fréquentiel, chaque
système adoptant une fréquence d’émission commune pour « communiquer »
238 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

l’information à intégrer. La double intégration qui se produit, l’une au sein


de chacune des composantes, l’autre au niveau supra-systémique générant la
représentation dans le système moniteur à partir des informations provenant
des composantes, fait l’objet des prochains paragraphes.

2.1.1 Composante cognitive


Beaucoup de recherches se sont concentrées sur l’évaluation cognitive des
événements de notre environnement. En revanche, peu de chercheurs se sont
penchés sur l’intégration des informations relatives à ces évaluations. Cette
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intégration va permettre de transformer l’appraisal subjectif en moteur de
changement pour les autres composantes et ainsi transformer une évaluation
en réponse émotionnelle. Anderson (1989) a suggéré que la façon avec
laquelle les évaluations sont intégrées dépend largement des priorités de
l’organisme à un moment précis. La proposition d’Anderson est séduisante
dans le sens que l’on pourrait imaginer des règles d’intégration différentes
selon les profils résultants de l’évaluation des antécédents. Selon cette appro-
che, l’importance d’un critère serait modulée par l’importance des autres, ce
qui rendrait assez bien compte des nuances dans les différentes émotions
ressenties et de la notion de différenciation cumulative des émotions grâce à
un processus d’appraisal séquentiel (voir chapitres 2 et 4).

2.1.2 Autres composantes


Dans le domaine des activités psychophysiologiques, les recherches se sont
focalisées surtout sur les phénomènes d’intéroception physiologique sans se
pencher sur l’intégration préalable des informations. Des modèles théoriques
comme celui de Thayer et Lane (2000) proposent que différents circuits
neuronaux sont recrutés pour intégrer les réponses centrales et autonomes
aux stimuli émotionnels afin de diriger le comportement. Bien qu’essentiels,
ces modèles n’expliquent pas comment ces informations sont intégrées. En
ce qui concerne les expressions faciales, l’idée prédominante est celle d’une
connaissance de l’expression typique d’une émotion, un genre de prototype, qui
aiderait à l’intégration des informations provenant des muscles ; ces dernières
seraient groupées pour former la représentation d’une émotion particulière
(Gosselin, Kirouac et Doré, 1995 ; Galatti, Scherer et Ricci-Bitti, 1997). Peu
de travaux ont cependant été effectués concernant l’intégration d’informations
au sein de chacune des composantes isolées ici. Dans le futur, notamment
grâce aux méthodes de neuropsychologie, nous devrions améliorer notre
compréhension de l’intégration des différentes informations dans chacune
des composantes de l’émotion.

2.1.3 Intégration multi-componantielle : le sentiment


Comme nous l’avons déjà mentionné, nous considérons le sentiment subjectif
comme le reflet conscient des changements survenant dans les quatre autres
LE SENTIMENT SUBJECTIF 239

composantes de l’émotion. Cependant, pour refléter ces changements, le


système moniteur a besoin d’intégrer les informations propres à chacune des
différentes composantes. Le processus de synchronisation décrit plus haut
assurerait cette intégration et ceci probablement de manière non consciente.
Nous rejoignons donc l’hypothèse d’Anderson (1989) selon laquelle le senti-
ment n’est autre que la résultante intégrée de plusieurs déterminants. Ainsi,
ce qui atteint la conscience n’est autre que le résultat cohérent des change-
ments dans toutes les modalités, résultat déjà intégré à un niveau inconscient
(voir diagramme de Venn, figure 7.2).
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■ Unité et catégorie
Quelle forme prend le résultat de cette intégration ? Nous pouvons émettre
deux hypothèses. Premièrement, il se pourrait que le processus d’intégration
transforme toutes les informations provenant des différentes composantes en
une seule unité. L’information ainsi transformée formerait un tout cohérent
et homogène. L’inconvénient de cette hypothèse est une perte de détails
concernant l’information. En effet, aucune unité commune ne permettrait de
rendre compte de toutes les nuances de changements données par chacune des
composantes selon son propre système de codage et de transmission d’infor-
mation. Deuxièmement, il se pourrait que le résultat de l’intégration ne soit
rien d’autre qu’un mélange hétérogène de plusieurs types d’informations,
reflétant ainsi la nature de chacune des composantes à sa source.
Liée à la question de l’unité, l’interrogation sur la présence d’un nombre
fixe de catégories ou d’une infinité d’émotions différentes a sa place lorsqu’on
considère l’intégration de l’information menant au sentiment subjectif.
Pour ce qui est des émotions prédites par les résultats de l’appraisal, nous
avions postulé qu’il y aurait autant d’émotions que de profils différents
concernant les résultats de l’évaluation de tous les critères. Nous pouvons
supposer que les résultats de l’intégration des informations provenant de toutes
les composantes refléteront cette infinie variété. Il est possible de justifier
cette position par un aspect de fonctionnalité. Si le sentiment subjectif a une
fonction de régulation et d’intervention sur des sujets importants pour l’indi-
vidu, il est logique que la base informative sur laquelle il repose soit aussi
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détaillée que possible. Ainsi, ce système conserverait une trace détaillée de


l’information à la base de la représentation globale. Tout le long du parcours
de l’information, différents remaniements du message devront être effectués.
Le paragraphe suivant détaille des hypothèses sur le trajet possible parcouru
par l’information.
L’intégration des informations lors de l’appraisal et dans chacune des
composantes est la phase préliminaire à l’intégration opérée par le système
moniteur. Ensuite, vient la première étape, c’est-à-dire l’intégration de l’infor-
mation provenant des différents systèmes. L’intégration de cette information
va créer une représentation centrale (a priori non consciente) en maintenant
240 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

l’information maximale. Au fur et à mesure que l’information est élaborée,


elle rencontrera une contrainte de capacité et devra être intégrée à nouveau.
Ceci va être effectué pour pouvoir, d’une part, atteindre la conscience de
l’individu et, d’autre part, pour que cet individu stocke en mémoire à long
terme une expérience émotionnelle sous une forme un peu moins détaillée
que précédemment. Il est possible de faire l’hypothèse que c’est à ce
moment-là que les informations entrent dans un schème d’émotions basiques
ou primaires, telles que certains auteurs les qualifient (voir par exemple
Plutchik, 1980a ; Tomkins, 1984 ; Ekman, 1992, 1999). Malgré la perte de
détails qui résulte de cette étape, il est possible que l’information dans sa
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forme originale reste présente et ne soit pas perdue, ce qui va permettre à
l’individu de récupérer certains détails de son processus d’appraisal si la
demande lui en est faite. Ainsi, même si la représentation centrale complète
est inconsciente, certains aspects peuvent parvenir à la conscience de la
personne si celle-ci opère une recherche stratégique. Une fois que l’informa-
tion a atteint la conscience, elle est couramment l’objet d’une verbalisation
de la part de l’individu. Cette verbalisation de l’expérience consciente néces-
site une troisième intégration. Ceci ne signifie pas forcément que l’on passe
directement à une verbalisation catégorielle se résumant à l’utilisation d’un
seul mot, ce qui impliquerait que l’intégration se fasse par catégorisation.

Récupération possible de l’information


complète par recherche stratégique
Informations provenant
Intégration 2 : contrainte
des composantes de capacité pour atteindre
la conscience et stocker
Intégration 1 : information en mémoire à long terme
proprioceptive et cognitive
A Représentation
et régulation conscientes :
Représentation centrale B schèmes d’émotions basiques
inconsciente :
information maximale

C
Verbalisation et communication Intégration 3 : réduction
de líexpérience émotionnelle : de l’information et
labels verbaux, récits, analogies et métaphores catégorisation pour une
verbalisation du ressenti

Intégrations de l’information

Figure 7.4
Les trois étapes de l’intégration de l’information : intégration de l’information
venant des composantes, intégration de la représentation consciente d’après la
représentation inconsciente et intégration catégorielle menant à une description
possible du sentiment subjectif.
LE SENTIMENT SUBJECTIF 241

Nous pouvons verbaliser notre sentiment subjectif en faisant des phrases


complexes ou en utilisant des analogies ou des métaphores, ce qui permet de ne
pas restreindre cette dernière intégration à quelques mots usuels disponibles dans
notre langue. Ce n’est que dans le cas où l’individu est contraint à ne donner
qu’un mot pour décrire son émotion qu’il va récupérer l’information de manière
à trouver le label le plus proche. Les catégories définies dans la langue ne déter-
mineraient donc pas l’intégration à un niveau précoce. À ce niveau, toute
l’information est gardée dans une représentation reflétant dans les moindres
détails les changements survenant dans les différentes composantes de l’émotion.
Les différentes intégrations nécessaires pour passer du stade où les informa-
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tions brutes arrivent des autres composantes au stade où un label verbal est
donné par le sujet sont illustrées par la figure 7.4. Cette figure reprend large-
ment la figure 7.2 : après avoir décrit les étapes de l’intégration, nous venons
dans ces derniers paragraphes d’en détailler les processus dynamiques inter-
médiaires proposés pour compléter notre vision du système moniteur.

2.2 Intégration de l’information et intensité


du sentiment subjectif
Jusqu’à maintenant, nous nous sommes concentrés sur la nature de l’expérience
subjective et non sur son intensité. Pourtant, cette dernière est un aspect
important de l’émotion. C’est pourquoi nous allons maintenant l’intégrer à la
théorie des processus composants. L’intensité de l’émotion vécue serait une
unité commune à toutes les composantes dont l’intégration reflète l’intensité
générale de l’expérience émotionnelle. Chaque composante aura des change-
ments d’amplitude plus ou moins forts (on ne parlera pas d’intensité, ici,
pour les changements dans les composantes, nous réserverons ce terme au
sentiment) ce qui permettra ensuite une intégration centrale, tout comme
pour les aspects qualitatifs. La manière dont opère cette intégration demeure
un défi dans la recherche sur les émotions. Alors que l’amplitude des réactions
dans chacune des composantes a été clairement mesurée, l’intensité du sentiment
subjectif n’a été que peu étudiée. Edwards (1998) a montré que les critères
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

d’évaluation pertinents pour prédire l’intensité du sentiment subjectif variaient


selon le type d’émotion modale considérée. Cette recherche, bien que montrant
la complexité et la diversité des modes d’intégration, se concentre unique-
ment sur l’influence de l’évaluation cognitive sur l’intensité du sentiment
subjectif, mais ne permet pas d’obtenir des informations concrètes sur la forme
que prend la représentation centrale, issue de la première intégration (voir le
cercle A dans le diagramme de Venn, figure 7.2) des informations provenant
des quatre autres composantes émotionnelles. C’est pour cette raison qu’il
doit être envisagé dans les études à venir une façon de prendre en considération
l’intégration de l’intensité du sentiment subjectif pour pouvoir décrire l’origine
et les mécanismes de variation d’intensité que nous ressentons. Se fondant
242 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

sur d’autres recherches, Sonnemans et Frijda (1994) apportent quelques


informations sur l’aspect du sentiment subjectif lié à l’intensité, en identifiant
six facteurs entrant en jeu lors d’un sentiment subjectif et déterminant cette
intensité générale : sa durée, sa latence (c’est-à-dire le temps que l’émotion
met à atteindre son maximum), la proprioception, la re-expérimentation de
l’événement, le comportement et l’intensité perçue. L’étude de ces auteurs
permet de comprendre l’implication de plusieurs composantes dans le processus
émotionnel et ceci pour la première fois au niveau empirique. Les facteurs
mis en évidence sont interprétables en termes de composantes émotionnelles
puisqu’ils mettent en jeu l’activation physiologique (plus particulièrement la
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proprioception), les comportements (ce que nous assimilons à des consé-
quences de tendances à l’action) ainsi qu’un ensemble d’évaluations cognitives.
L’optique des processus composants peut donc rendre compte non seulement
des émotions de qualités différentes, mais aussi d’intensités différentes. L’étude
sur l’intensité du sentiment subjectif est ainsi l’une des nombreuses pistes
possibles pour tâcher de comprendre plus en détail ce phénomène. La théma-
tique d’« intensité seuil » est aussi dépendante de cette problématique. En
effet on pourrait supposer qu’il existe un seuil d’activités corporelles et
cognitives, au-delà duquel on ne peut que ressentir un sentiment subjectif. Le
problème est qu’il est difficile à l’heure actuelle de déterminer ce seuil. Il
peut dépendre de nombreux facteurs comme la personnalité des individus
mais aussi leur humeur du moment ou le type de contexte dans lequel ils se
trouvent. Nous avons un exemple de cette notion de seuil avec la description
de l’intensité d’un sentiment subjectif à l’aide des fonctions d’hystérèse.

2.2.1 Exemple de l’hystérèse


Après avoir décrit la notion d’oscillateur comme une modélisation possible
des processus émotionnels, il est possible d’emprunter une autre notion au
domaine physique afin de représenter les fonctions d’intensité du sentiment
subjectif : le concept d’hystérèse (voir aussi Scherer, 2004).
Au sens physique du terme, l’hystérèse correspond à une fonction qui
décrit l’apparition d’un retard dans l’évolution d’un phénomène par rapport à un
autre dont il dépend ; la relation qui en découle n’est donc plus une relation
linéaire en tant que telle. L’hystérèse correspond également à une propriété
des substances ferromagnétiques dont l’induction dépend du champ magné-
tisant actuel mais également des états magnétiques antérieurs. Si ces deux
définitions ne s’appliquent pas vraiment à la psychologie de l’émotion, l’hysté-
rèse peut être considérée comme une propriété d’une fonction avec une partie
non linéaire, inaccessible et non décrite, qui effectue à un moment donné un
retour sur elle-même. Cette fonction est donc composée de trois sous-fonc-
tions : une sous-fonction non linéaire et deux sous-fonctions linéaires (si
nous considérons un modèle avec une seule variable de départ, ces deux sous-
fonctions auront la même pente mais pas la même ordonnée à l’origine).
LE SENTIMENT SUBJECTIF 243

L’intensité d’une variable Y changera brusquement pour une certaine valeur


de X, ce qui implique qu’il n’y a pas de relation purement linéaire entre ces
deux variables. La figure 7.5 représente un schéma de cette fonction. Ce qu’il
est intéressant de noter dans ce schéma, et qui est essentiel à notre réflexion
sur la génération et la disparition d’un sentiment subjectif, est l’importance
du point de départ de la fonction (Scherer, 2000a). En effet, si la variable X
est à son minimum et que sa valeur croit, il faudra attendre la valeur Xb pour
que l’intensité de la variable Y fasse un bond et passe à la fonction supé-
rieure. Par contre, si la valeur de X est assez élevée et que celle-ci décroît, il
faudra attendre la valeur Xa pour que la valeur de Y redescende brusquement
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et suive ultérieurement la fonction inférieure. Nous supposons ici que les
valeurs Xa et Xb sont différentes.

Xa Xb X

Figure 7.5
Représentation de la fonction hystérétique
qui modélise la non-linéarité d’un sentiment subjectif et la différence
entre le début et la fin d’un épisode émotionnel ressenti.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Prenons la colère comme illustration. Soit la variable X une mesure de la


frustration et soit Y un indice de colère. Si la frustration augmente, il arrivera
un point où l’individu sentira brusquement la colère monter en lui (nous
sommes au point Xb). Son niveau de colère augmentera donc de manière
subite et passera la « marche ». Pour revenir à son état de calme antérieur à
l’épisode de colère, il faudra que la frustration engendrée par la situation soit
moins forte que celle qui a valu le début de sentiment de colère (nous
sommes au point Xa, point seuil pour revenir à un niveau minimal de colère).
Il est important de considérer les épisodes émotionnels, avec les réponses
qu’ils comportent, comme des phénomènes qui ne sont pas linéairement liés
244 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

à la situation ni à ses caractéristiques, telles qu’évaluées par l’individu. Cette


fonction permet donc de rendre compte de plusieurs facteurs en jeu dans les
épisodes émotionnels comme leur brusque revirement, la différence entre
augmentation et diminution, et la dépendance de l’origine. Bien sûr, il est
impossible que l’émotion soit conditionnée de cette manière par une seule
dimension (dans l’exemple précédent : la frustration). Ainsi, il est possible
d’envisager que l’ensemble des dimensions générant l’émotion (que nous
appellerons ici « espace de contrôle », voir Scherer, 2000a) crée une base à
partir de laquelle émergent les réponses émotionnelles. Celles-ci dépendent
des données de l’espace de contrôle et évoluent donc selon une fonction
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hystérétique (il faut imaginer ici un espace à plusieurs dimensions ; voir Zeeman,
1976). De cette manière, les changements dans l’épisode émotionnel peuvent
se faire brusquement (comme dans l’exemple vu précédemment) mais aussi
graduellement selon leur localisation sur la surface comportementale. Les
dimensions de la base de contrôle dépendent de l’environnement dans lequel
se trouve l’individu au moment où survient l’épisode émotionnel, mais
également de l’importance que prennent les caractéristiques de l’environnement
pour cet individu en particulier. Les constituants de l’espace de contrôle sont
probablement 1) les critères d’évaluation de l’environnement et 2) leurs
résultantes en termes de comportement, ces dernières étant définies par
l’évaluation de l’individu. Il est possible de faire l’hypothèse que l’émer-
gence d’une émotion se fait à partir du moment où un ou plusieurs éléments
de la base de contrôle atteignent un seuil critique d’intensité. Nous abordons
dans le point suivant une alternative à un ancrage d’un sentiment conscient,
sentiment non lié à un seuil d’intensité mais à un seuil temporel.

2.3 Chunking ou persistance de la synchronisation


La dynamique présumée des processus émotionnels nous pousse à considé-
rer que les changements dans les différentes composantes, ainsi que leurs
coordinations et leurs interactions, vont continuellement changer le sentiment
subjectif. À partir du moment où la représentation inconsciente que permet
le système moniteur s’élabore en temps réel par rapport aux modifications
des sous-systèmes, le sentiment conscient évolue en conséquence. Intuitive-
ment, il est possible que l’être humain puisse se concentrer sur les micro-
changements de son sentiment subjectif mais, généralement, on peut supposer
qu’il appréhende son émotion de manière globale. Qu’est-ce qui détermine la
formation de cette représentation globale consciente ? Nous faisons l’hypo-
thèse que les diverses composantes doivent rester synchronisées suffisam-
ment longtemps pour que l’individu prenne conscience de son émotion. Par
conséquent, l’émergence se ferait lorsque la synchronisation atteindrait un
seuil de durée. Ceci dit, l’individu a, en tout temps, la capacité de se rendre
compte de ce qu’il ressent en recherchant stratégiquement au sein de sa
LE SENTIMENT SUBJECTIF 245

représentation consciente. Celle-ci sera, à ce moment, enrichie de nombreux


éléments de la représentation inconsciente à l’aide d’une intégration plus
détaillée, obtenue grâce à la demande fournie par l’environnement de l’indi-
vidu, ou par l’individu lui-même. En d’autres termes, le sentiment subjectif
se décline autant comme de courtes unités sans cesse remodelées que comme
des chaînes de cause à effet avec des frontières bien délimitées. Ainsi, l’expé-
rience peut être aussi envisagée comme un seul bloc événementiel (experiential
chunk), obtenu par persistance de synchronisation qui effectuera des groupe-
ments (chunking) d’unités cohérentes entre elles. La délimitation de ce bloc,
c’est-à-dire dès le moment où l’on ressent une émotion jusqu’au moment où
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celle-ci s’amenuise pour enfin disparaître à la conscience, pourrait dans notre
optique être déterminée par le temps pendant lequel la synchronisation de
l’activation des différents systèmes émotionnels persiste, et correspondrait au
temps de l’intégration temporelle (Scherer, 1987b). Ces blocs seraient utilisés
également pour la verbalisation de l’expérience, négligeant les nuances inter-
médiaires mais permettant une communication minimale de l’expérience.
Aux sections 1 et 2, nous avons décrit la notion de sentiment subjectif et
nous l’avons intégrée au sein du modèle des processus composants. Nous avons
détaillé ses fonctions ainsi que les différentes parties du système moniteur
tout en illustrant comment l’information peut venir de tout le corps pour se
fondre en une représentation d’abord non accessible à la conscience puis,
consciente et verbalisable. Par ailleurs, nous avons aussi proposé deux voies
possibles pour envisager le seuil d’émergence d’un sentiment consciemment
vécu par la personne : le seuil d’intensité et le seuil de durée de synchronisation.
Une fois posé ce cadre théorique détaillé, il s’agit maintenant d’aborder l’étude
empirique du sentiment subjectif.

3 TECHNIQUES ET MÉTHODES DE MESURE


DU SENTIMENT SUBJECTIF

3.1 Approches
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Peu, voire aucune recherche, ne s’est penchée sur l’étude du sentiment subjectif
comme reflet, non seulement des changements dans le système cognitif
représenté par les phénomènes d’appraisal, mais aussi des changements surve-
nant dans les autres composantes émotionnelles. Pour aborder ces recherches,
il faudrait, selon Scherer (2004), découpler les composantes émotionnel-
les en deux groupes : les composantes cognitive, motivationnelle, expressive
et physiologique, d’une part, et le système moniteur, d’autre part. Cette sépara-
tion permettrait d’étudier chacun des groupes isolément sans écarter l’étude
de leurs interrelations. Cette façon d’appréhender les choses renvoie au statut
246 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

particulier qu’a le système moniteur, étant en même temps reflet des autres
composantes et composante en tant que telle. Pour mener à bien l’approche
suggérée, deux démarches sont envisageables. Premièrement, examiner les
prédictions que l’on pourrait faire des conséquences de l’appraisal sur les
systèmes motivationnels, expressifs et physiologiques indépendamment de toute
catégorie préconçue et regrouper ainsi les patterns qui peuvent être observés.
Deuxièmement, et c’est l’approche qui va nous concerner pour envisager
l’étude du sentiment subjectif, il faudra modéliser le fait que chaque épisode
émotionnel implique l’existence de sentiments complexes, intégrant trans-
versalement les activités des autres composantes sur toute la durée de l’épisode.
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On pourra ainsi essayer de déterminer quel facteur prédit l’appellation donnée
d’une expérience pendant l’épisode en question. L’objectif de cette procédure
est de modéliser les éléments de la représentation subjective et d’étudier l’inté-
gration qui la précède (quatre autres composantes) en essayant également
d’identifier un décours temporel du processus.
Comme nous avons pu le constater au point 1.1.2, il s’agit de considérer
l’émotion comme un processus dynamique et, de surcroît, non linéaire. De
plus, nous avons clairement montré que le sentiment subjectif ne se borne pas au
rapport verbal que l’on peut en faire (voir point 1.4). Cette problématique
n’échappe pas à la majorité des auteurs mais, comme le souligne Desmet (2003),
le rapport verbal peut être modulé en utilisant plusieurs échelles pour ajouter des
nuances et représenter différentes émotions (voir aussi la section « Recherche
supplémentaire » ; Scherer, 2005). Cependant, l’utilisation unique du rapport
verbal (ce qui est plus facile et, jusqu’à présent, la méthode la plus largement
utilisée) est une formule qui, bien qu’utile et sûrement indispensable, n’est
en tout cas pas suffisante pour la mesure expérimentale et exhaustive du
sentiment subjectif. Que ce soit un récit d’expérience émotionnelle, ou une
cotation sur des échelles prédéterminées, le risque est, comme le suggèrent
entre autres Lambie et Marcel (2002), de guider la personne vers certains
aspects de son expérience. De plus, un rapport verbal a posteriori risque
d’être une reconstruction, une distorsion de la réalité. Une idée développée
par Desmet (2003) est d’utiliser des pictogrammes pour capter le verbal comme
le non-verbal. Les rapports sont alors constitués d’images censées représen-
ter des états émotionnels. Cependant, si nous essayons ainsi de refléter une
partie supplémentaire du sentiment subjectif, nous n’écartons pas la problé-
matique du choix forcé qui limite le nombre de « catégories émotionnelles »
et nous ne permettons pas à l’individu de donner de plus amples détails sur
son ressenti conscient (cercle B du diagramme de Venn figure 7.2, point 1.4).
Un problème méthodologique se pose donc quant à la mesure de cette
composante de l’émotion qui génère le ressenti de l’individu, mais qui reflète
également les changements d’états des quatre autres composantes en jeu.
C’est ce dernier aspect qui est abordé en premier lieu dans ce sous-chapitre
concernant la méthodologie à employer lors de la recherche sur le sentiment
subjectif.
LE SENTIMENT SUBJECTIF 247

3.2 Pondération des composantes


En considérant le système moniteur comme reflet centralisé des changements
dans les autres composantes, et ceci d’une manière relativement synchrone,
il y a donc possibilité de refléter le sentiment subjectif par la mesure des
caractéristiques d’évolution des autres composantes. Cependant, une autre
question majeure se pose. Toutes les composantes ont-elles la même influence
sur l’émergence d’un sentiment ou certaines ont-elles plus de poids que d’autres ?
Si cette dernière réponse est la bonne (en tout cas c’est ce qui paraît le plus
probable), alors il faudra tenir compte des différentes pondérations avec
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lesquelles les différentes composantes sont intégrées, afin de rendre compte
d’un sentiment subjectif complet. Cette pondération reflétera la façon dont
l’information provenant des composantes sera intégrée selon les priorités de
l’organisme. Ainsi, ce qui permet à l’une des composantes d’être privilégiée
par rapport aux autres pourrait dépendre du contexte dans lequel se trouve
l’individu ainsi que de ses buts proximaux, deux des aspects majeurs de
l’évaluation que fait l’individu de son environnement. De plus, la façon dont
la composante expressive s’exposera au grand jour dépend des normes socia-
les et culturelles relatives à ce qu’on peut ou non montrer par rapport à ses
sentiments (display rules) et à ce qu’on peut ou non ressentir objectivement
(feeling rules ; Hochschild, 1983). Ces règles constituent ainsi la caractéristi-
que de régulation du sentiment subjectif. Nous proposons ici que la pondéra-
tion permettant de privilégier l’information provenant d’une composante
plutôt que d’une autre dans une situation donnée se fait de manière non
linéaire et probablement en conservant un aspect configurationnel, ce qui
permet d’avoir des profils d’activation différents, susceptibles d’engendrer
des sentiments subjectifs différents. L’intégration des composantes se faisant
en rapport avec la situation et les buts de l’individu, et la résultante variant
selon leurs caractéristiques, il est possible de peaufiner notre prise en consi-
dération du système moniteur. Jusque-là nous l’avons envisagé comme un
système de surveillance, reflétant les changements survenant dans les autres
systèmes émotionnels. Cependant, au vu des suppositions d’une intégration
pondérée de cette information, lorsqu’il est engendré, le sentiment subjectif
n’est pas seulement un reflet passif mais est une représentation prenant en
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

compte à la fois l’état qui doit être atteint par l’individu d’après une rééva-
luation cognitive de son environnement et une prise en considération d’une
régulation expressive et physiologique.

3.3 Dissociation entre rapport verbal


et mesures objectives
D’après les travaux déjà parus concernant le sentiment subjectif mesuré
grâce au rapport verbal et d’autres mesures concernant d’autres composantes
248 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

émotionnelles, un nouveau problème émerge. Si certaines recherches ont


réussi à obtenir une concordance entre rapport verbal et changement d’activité
dans une autre composante (par exemple physiologique Wallbott et Scherer,
1991), plusieurs travaux ont obtenu des résultats contradictoires. Myrtek et
Brügner (1996) ont constaté une divergence entre ce que leurs sujets rapportent
sur leurs sentiments subjectifs et l’activation physiologique qu’ils mesurent
sur ces mêmes sujets. De même, il existe un désaccord entre les chercheurs qui
avancent l’hypothèse d’un feedback proprioceptif suggérant que l’intensité du
sentiment va de paire avec l’expression, et ceux qui proposent l’hypothèse de
« catharsis », suggérant que l’extériorisation de l’émotion par son expression
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permet au sentiment subjectif de diminuer en intensité (voir Scherer 2000b).
Ces divergences scientifiques, de résultats et théoriques, peuvent résulter
de pondérations différentes des composantes émotionnelles. Par conséquent,
dans l’expérience de Myrtek et al. (1996), il est possible que la situation donne
une priorité assez faible à la composante physiologique ; d’autres composantes
sont plus importantes pour la génération du sentiment rapporté. Ainsi, en ne
mesurant qu’une seule composante émotionnelle (hormis le rapport verbal) il est
possible d’obtenir des résultats divergents, sans qu’il soit nécessaire pour
autant de remettre en cause le cadre théorique qui a été exposé ici. De la même
façon, l’hypothèse de catharsis et l’hypothèse de rétroaction proprioceptive ne
se disqualifient pas forcément et les deux peuvent se réaliser selon la configu-
ration d’intégration dans une situation donnée. Il est fort possible en effet que
sous une condition où l’hypothèse de rétroaction proprioceptive s’applique,
la composante expressive ait un poids important (relativement aux autres
composantes) et donc un fort impact sur la génération du sentiment subjectif,
alors que cette même composante n’a pas cette importance dans une situation
où l’hypothèse de catharsis s’applique. Ceci peut se voir, par exemple, dans
une situation où la répression de l’expression est socialement demandée.
Lors de la mesure des synchronisations d’activations des différents sous-
systèmes, c’est la réaction que nous pouvons mesurer à proprement parler qui
nous pose problème. Nous avons une méconnaissance de son délai d’activation,
de la particularité des pics d’intensité ainsi que des caractéristiques de la phase
d’extinction (Scherer, 1993a). Ainsi, il semble important, pour comprendre
le sentiment subjectif empiriquement, de se concentrer non seulement sur la
qualité ou l’intensité du sentiment subjectif, mais également sur sa génération,
c’est-à-dire sur les processus d’intégration des informations provenant des
différentes composantes ainsi que l’importance différentielle donnée à ces
informations.

3.4 Induire le sentiment subjectif


Pour que l’on puisse étudier le sentiment subjectif, il faut que les individus que
nous observons de manière empirique ressentent une émotion réelle. Dans
LE SENTIMENT SUBJECTIF 249

toute recherche sur les émotions, le challenge est de créer un environnement


expérimental propre à l’induction des phénomènes à mesurer/observer. Dans
le cas du sentiment subjectif, il faut que ces techniques soient très au point
pour permettre la réalisation d’un processus émotionnel complet débouchant
sur un sentiment subjectif.
Pour induire une émotion, il faut créer une situation émotionnellement
chargée à laquelle la personne va être confrontée. Cette situation peut être
externe ou interne. Dans le cas d’une situation externe, il est possible d’induire
des processus émotionnels avec divers types de stimuli, pouvant être regroupés
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grossièrement selon les modalités perceptives en jeu :
– visuel : l’induction au travers de stimuli visuels peut être de deux types :
dynamique (films) ou statique (images). Une abondante littérature rapporte
des expériences réalisées avec ce type de stimuli (par exemple Gross, et
Levenson, 1993 ; Fredrickson, et Levenson, 1998 ; Hamm, et Vaitl, 1993) ;
– auditif : la présentation de musique est la méthode de prédilection pour toutes
les études impliquant la modalité auditive. C’est une induction difficile car
fortement connotée avec les préférences sonores des individus. Elle est
pourtant considérée comme une méthode très valide pour les recherches
neurobiologiques et physiologiques sur les émotions, par exemple. Diffé-
rents sons sont également utilisés pour induire des processus affectifs
(pour des exemples de recherche avec des stimuli auditifs voir Nyklicek,
Thayer et van Doornen, 1997 ; Vaitl, Vehrs et Sternagel, 1993 ; Peretz,
2001) ;
– olfactif : cette modalité a pris son essor ces dernières années. Avec l’avan-
cement technologique, il est maintenant possible de procéder à des expé-
riences avec ce type de stimuli car ils sont à présent contrôlables, ce qui
permet la création d’une démarche expérimentale valide (pour quelques
exemples de recherche voir Bensafi et al., 2002 ; Millot et Brand, 2001).
En outre, l’utilisation de modalités combinées accroît la validité de l’induction
émotionnelle car les stimulations se rapprochent de ce qui est vécu dans la
réalité par les participants. Ce fait a notamment été montré par plusieurs
études (Baumgartner, Esslen et Jäncke, 2005 ; Baumgartner, Lutz, Schmidt
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

et Jäncke, 2006) alliant stimuli visuels et auditifs pour des émotions résultantes
plus effectives, autant sur le plan subjectif que physiologique.
Dans le cas d’une situation interne, ce sont avant tout des aspects mnésiques
ou d’empathie qui sont évoqués pour permettre à la personne de développer un
processus émotionnel. On demandera alors de se rappeler d’épisodes émotion-
nels ou d’essayer de se mettre émotionnellement à la place d’un personnage
(réel ou factice) dont on décrit la situation vécue (voir Roseman, 1991 ;
Smith et Lazarus, 1993 pour l’utilisation de vignettes et scénarios et Frijda,
Kuipers et terSchure, 1989 ; Mauro, Sato et Tucker, 1992 pour des exemples
avec le rappel mnésique).
250 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

3.5 Quelques recherches sur les systèmes neurologiques


impliqués dans le sentiment subjectif
Deux facettes du sentiment subjectif tel que nous l’avons défini peuvent être
testées. Premièrement, on peut tester si, temporellement, nous pouvons voir
une activité synchrone au niveau cérébral lorsqu’il y a un sentiment subjectif
(Scherer, 1993a). Très peu d’études ont toutefois pris cette direction. En
revanche, de nombreuses études se sont penchées sur les zones qui seraient
activées lorsqu’un individu ressent une émotion. Dans les paragraphes
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suivants, nous passerons en revue les avancées les plus significatives
amenées par ce deuxième type d’approches expérimentales, qui essait de
localiser et de comprendre le fonctionnement de zones impliquées dans le
sentiment subjectif. Pour cette approche, les chercheurs disposent de deux
voies d’étude : l’étude des corrélats, et l’observation de dysfonctionnements
neurologiques suite à des pathologies ou à des lésions cérébrales.

3.5.1 Les corrélats

Plusieurs études de corrélats, visant à établir l’implication de certaines régions


cérébrales dans le ressenti de l’individu au niveau émotionnel, ont été réalisées
dans des setups expérimentaux variés. Schaefer et coll. (2002), par exemple,
émettent et vérifient l’hypothèse que l’amygdale serait fortement impliquée
dans la représentation consciente de l’expérience émotionnelle et, plus parti-
culièrement, dans sa régulation. La même année, Anderson et Phelps (2002)
citent quelques recherches ayant montré une implication amygdalienne dans
les expériences subjectives émotionnelles. Pourtant, comme ces derniers auteurs
le soulignent, ces recherches reposent sur des corrélats et n’ont aucune validité
en ce qui concerne le lien de causalité entre activation amygdalienne et sentiment
subjectif. Les auteurs étayent leur propos en faisant état d’une de leurs recher-
ches ne montrant pas de différences au niveau du sentiment subjectif entre des
participants sains et des participants ayant une lésion de l’amygdale.
Beauregard et coll. (2001), quant à eux, impliquent le cervelet dans le trai-
tement et l’émergence du sentiment subjectif, mais celui-ci dans des condi-
tions bien spécifiques. Damasio et coll. (2000), pour leur part, se concentrent
sur les zones impliquées. Ils partent de l’hypothèse qu’un pattern donné
d’activations cérébrales engendrerait un sentiment subjectif et que ces acti-
vations se situeraient surtout dans une région qui cartographierait les change-
ments d’états de notre organisme. Cette hypothèse, testée par imagerie
cérébrale fonctionnelle, a d’abord montré que, selon l’émotion engendrée,
les activations cérébrales sont différentes. De nombreuses zones sont impli-
quées de manière constante, mais à des niveaux d’activation différents. C’est
le cas des cortex insulaire, somato-sensoriel secondaire, cingulaire, de même
que des noyaux du cervelet et de l’hypothalamus. Ces zones étaient déjà
LE SENTIMENT SUBJECTIF 251

connues pour leur réceptivité aux informations proprioceptives et pour leur


fonction homéostatique du corps humain, des aspects du système moniteur
tel que nous l’avons envisagé. Ces travaux sont confirmés par une étude de
Critchley et coll. (2004) qui concluent que l’insula, et plus particulièrement
sa partie antérieure droite, serait le support pour une représentation de répon-
ses viscérales accessibles consciemment. Cette région serait donc étroite-
ment reliée au sentiment subjectif. Les recherches de Craig (2002) retombent
également sur le même constat, en lien avec le sentiment subjectif. Ses
études suggèrent que les zones cérébrales responsables de l’intégration
représentationelle des informations proprioceptives sont également des
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zones dont l’activation est corrélée avec un sentiment subjectif. Ces zones
ont également été citées par d’autres auteurs (par exemple Hagemann et coll.
2003) comme faisant partie du processus d’intégration de l’information, base
de notre définition du sentiment subjectif. N’oublions pas non plus dans la
liste des zones cérébrales impliquées dans le sentiment subjectif, le cortex
préfrontal. Si cette région n’a pas été mentionnée dans la recherche de
Damasio et coll. (2000), elle est néanmoins envisagée par d’autres auteurs
(voir par exemple Davidson et Irwin, 1999 ; Davidson et coll., 1999) comme
l’une des régions fortement impliquées dans les troubles émotionnels
lorsqu’elle ne fonctionne pas normalement, notamment dans les troubles de
type anxieux et dépressifs. Il est donc nécessaire de prendre en considération
le cortex préfrontal comme une région essentielle dans la représentation
cohérente et adaptée d’une émotion vécue (Lane et coll., 1997). Une autre
zone probablement impliquée dans les représentations subjectives conscien-
tes serait le tronc cérébral (Parvizi et Damasio, 2001). Celui-ci permet aux
informations afférentes d’être renvoyées à des zones de convergence qui
entraîneraient l’émergence d’un sentiment subjectif. Les zones que nous
avons relevées sont des zones qui ont également été étudiées par de
nombreux auteurs en ce qui concerne l’émotion de manière générale, sans
référence explicite au sentiment subjectif (voir par exemple Phan et coll.,
2002). Cette absence de distinction dans la majorité des recherches pose un
problème majeur dans l’identification des zones impliquées dans les aspects
uniquement liés au sentiment subjectif. D’autre part, l’implication de fonc-
tions cognitives, comme l’attention, dans la perception d’un sentiment
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

subjectif, fait également apparaître que le cortex cingulaire antérieur peut


être activé (Lane et coll., 1997). Cette même zone avait déjà été identifiée par
Papez (1937) comme le siège des expériences émotionnelles.
Par ces illustrations de recherches, nous voyons qu’un autre problème dans la
recherche des corrélats neuronaux du sentiment subjectif se profile. L’expé-
rience émotionnelle fait appel à de nombreux concepts cognitifs différents,
comme la mémoire ou l’attention, ainsi qu’à de nombreux supports cérébraux,
comme ceux régissant les autres composantes. C’est pour cette raison que ce
qui est observé par imagerie cérébrale fonctionnelle lors d’un sentiment
subjectif correspond aussi à l’activation des zones nécessaires à son élaboration
252 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

et qui ne sont pas exclusives au sentiment subjectif. Ainsi, jusqu’à maintenant,


aucune aire spécifique à l’émergence de la représentation de l’émotion vécue
n’a été encore identifiée. Notons aussi que les différents paradigmes utilisés,
avec différentes populations et sous différentes conditions rendent ces
recherches difficilement comparables.

3.5.2 Utilisation de la psychopathologie et de l’étude


des lésions cérébrales
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Pour pouvoir identifier les entités nécessaires à l’émergence d’un sentiment
subjectif, il est envisageable de se concentrer sur les dysfonctionnements
survenant chez certains individus, afin d’établir un lien causal entre leurs
difficultés émotionnelles et les perturbations neurologiques dues à une lésion
(chirurgicale ou accidentelle), ou à une pathologie.
En ce qui concerne les dysfonctionnements pathologiques, des travaux sur
les troubles de type anxieux et dépressifs ont été menés et nous les avons
mentionnés brièvement au sous-chapitre précédent. La schizophrénie est
également une pathologie qui attire l’attention de part la présence de graves
troubles d’ordre émotionnel et plus particulièrement d’aspects de déperson-
nalisation. La dépersonnalisation a été, dans ce cadre, un phénomène patho-
logique de grand intérêt (voir par exemple Sierra et Berrios, 1998 ; Simeon
et al., 2000 ; Phillips et al., 2001 ; Maggini, Raballo et Salvatore, 2002). Un
des aspects de ce phénomène peut être considéré comme une absence d’expé-
rience subjective de l’émotion et, plus spécifiquement, comme une impression
de détachement par rapport au monde réel, ce qui rend les émotions difficiles
à vivre à la première personne. Les phénomènes de dépersonnalisation
seraient peut-être intéressants à étudier pour comprendre la différence entre
vivre une émotion réelle et vivre une émotion comme si elle n’était pas « notre
émotion », comme si une autre personne la vivait à notre place. Une déper-
sonnalisation va souvent de paire avec une alexithymie, qui se traduit par une
difficulté à identifier et verbaliser les émotions subjectives (Maggini et al.,
2002; Lambie et al. 2002). Plus précisément, selon Taylor et Bagby (2004),
le symptôme d’alexithymie serait dû à un déficit de symbolisation provo-
quant un affaiblissement du lien entre sensation corporelle et état émotion-
nel. Les patients dépersonnalisés de Phillips et coll. (2001) montraient en
imagerie cérébrale une hypoactivation de l’insula, des gyri temporaux
moyens et supérieurs, ainsi que du lobe pariétal inférieur lors d’une confron-
tation à des stimuli émotionnels. La conclusion des auteurs associe des
dysfonctionnements autant neuronaux que comportementaux au vécu
émotionnel, signalant de ce fait la nécessité d’activations spécifiques pour
avoir la possibilité de ressentir une émotion au niveau subjectif. Plus généra-
lement, les personnes souffrant de schizophrénie semblent présenter une
hypoactivation amygdalienne et orbitofrontale, mais rapportent un sentiment
subjectif équivalent au groupe contrôle (Taylor et coll., 2002). Ceci suggère
LE SENTIMENT SUBJECTIF 253

que, si l’amygdale est impliquée dans l’émotion, elle n’est pas forcément
essentielle à l’émergence d’un sentiment subjectif à proprement parler. Pour-
tant cette structure est impliquée dans des processus liés au sentiment
subjectif (comme la détection de la pertinence ou de la valence des stimuli
par exemple). L’amygdale interviendrait en amont du sentiment subjectif,
même si elle n’est pas forcément activée au moment de l’émergence de
l’émotion consciente. Nous touchons ici un problème assez épineux de
l’étude des mécanismes neurobiologiques du sentiment subjectif. Comme
nous l’avons déjà mentionné, le sentiment subjectif est complexe et fait appel
à de nombreuses autres fonctions cognitives, comme la mémoire ou l’attention
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(ainsi que le langage lorsque l’on veut communiquer son émotion), qui ont
toutes des circuits cérébraux spécifiques. Ainsi nous pouvons faire l’hypo-
thèse que la majeure partie du cerveau est reliée à l’élaboration de l’expé-
rience émotionnelle. Ce qui nous intéresse ici ce sont cependant les
structures qui sont directement en amont de l’expérience.
Pour les études sur les lésions cérébrales, la recherche très anatomique de
Hornak et coll. (2003) a permis d’identifier une zone cérébrale (aire de Brod-
man 9) appartenant au cortex orbitofrontal. En cas de lésion de cette zone,
unilatérale ou bilatérale, en conjonction avec une lésion du cortex cingulaire
antérieur, des changements marqués dans les états émotionnels subjectifs
sont observés. Mentionnons aussi les conclusions que Zald (2003) tire
concernant le rôle de l’amygdale dans le sentiment subjectif. Les patients
avec une lésion de cette zone ne rapportaient aucun déficit ni dans leurs
sentiments ni dans leurs évaluations subjectives, ce qui concorde avec les
résultats de la recherche d’Anderson et Phelps (2002) et celle de Taylor et
coll. (2002) précédemment citées.
En conclusion, la complexité du système moniteur se reflète également
dans les tentatives de compréhension des processus au niveau des activations
cérébrales et périphériques. La pondération différentielle probable entre les
différentes composantes ainsi que l’implication de plusieurs fonctions cogni-
tives dans les processus émotionnels rendent difficile l’isolation de processus
spécifiques et ont empêché ainsi une compréhension du sentiment subjectif
au niveau des processus cérébraux impliqués.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

SYNTHÈSE ET CONCLUSION

Avec ce dernier sous-chapitre sur les mesures du sentiment subjectif, nous


terminons, non pas un état des lieux exhaustif de la notion d’émotion vécue
dans la recherche en psychologie, mais plutôt une réflexion sur la
complexité et la diversité du sentiment subjectif comme composante
émotionnelle.
254 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

En décortiquant le phénomène qu’est le sentiment subjectif nous avons


voulu montrer à quel point les différentes composantes émotionnelles inter-
agissent pour aboutir à un tout phénoménologiquement indivisible et ayant
des propriétés émergentes qui lui sont propres. Cette analyse s’est voulue
basée sous l’angle d’une théorie de l’émotion suivant un modèle constitué de
plusieurs composantes et étant considéré comme un ensemble de processus à
la fois parallèles et séquentiels, enrichis de rétroactions et de pro-actions,
conférant ainsi à l’émotion un aspect complexe et dynamique. Le modèle des
processus composants permet de prendre en compte plusieurs problémati-
ques dont certaines ont été abordées ici comme la nécessité d’avoir une
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conception dynamique de l’émotion, d’éviter les pièges des labels verbaux et
de prendre en compte en même temps la psychobiologie et les contraintes
sociales et culturelles. De plus, le modèle permet de reconnaître les concepts
phénoménologiquement distincts et des concepts imbriqués, comme la cognition
et l’émotion par exemple (Scherer, 1993a). Par ailleurs, l’étude des compo-
santes séparées permet une description analytique et minutieuse des parties
impliquées, analyse nécessaire à leur compréhension et à leur utilisation
dans le domaine empirique. Pourtant, cette même étude permet le regroupe-
ment holistique de ces différents systèmes en un système émergent qu’est le
système amenant au sentiment subjectif.
Nous avons expliqué de nombreuses fois que le sentiment subjectif est une
partie du système moniteur qui gère et regroupe les informations arrivant des
autres composantes, engendrant une émotion consciente lorsque l’activité
des quatre composantes (autre que le système moniteur) se synchronise. Ceci a
la double fonction de recruter des ressources pour gérer une situation délicate
et de faciliter le stockage en mémoire à long terme de nos épisodes de vie.
Trois parties distinctes du système moniteur ont été détaillées : la repré-
sentation inconsciente, le sentiment, et cette partie du monitoring des change-
ments corporels et cognitifs qui peut être verbalisée. L’entrelacement de ces
parties engendre sept espaces différents de la composante émotionnelle centrale.
Nous avons également vu que, pour comprendre comment fonctionne ce
système moniteur, et par conséquent, le sentiment subjectif, il fallait comprendre
la façon par laquelle les informations étaient intégrées progressivement pour
pouvoir se représenter les différents aspects de notre émotion (comme la
dénomination de notre émotion, par exemple). Cependant, peu de recherches
s’y sont intéressées, ce qui laisse la place à de futurs approfondissements.
Afin d’étudier le processus d’intégration de l’information, il faut se concentrer
sur les processus de synchronisation. Il faudra cependant faire face à de
nombreux problèmes d’ordre méthodologique : en effet, la synchronisation
pourrait être décalée ou amortie. De plus, comme nous l’avons déjà mentionné,
l’intégration de l’information s’effectue probablement de manière non linéaire.
Pour parvenir à un cadre expérimental, il faudra définir certains paramètres
pour cadrer ce qui pourra être étudié. Ainsi, définir opérationnellement la
synchronisation de l’activation des sous-systèmes en définissant les critères
LE SENTIMENT SUBJECTIF 255

de début et de fin est une condition nécessaire à toute étude. De plus, il nous
faudra déterminer si tous les systèmes devront obligatoirement être impli-
qués, de manière continue ou non, et ensuite trouver un modèle expliquant le
changement soudain d’émotion ainsi que la génération d’émotions différentes
à des antécédents limités.
Avancer sur le terrain de la recherche sur le sentiment subjectif, c’est d’abord
observer les exigences de son émergence. Deux pistes ont été données dans
ce chapitre concernant la condition nécessaire et antécédente à l’apparition
d’un sentiment conscient. Premièrement, on pourrait faire l’hypothèse d’une
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apparition due à des pics des amplitudes d’activation et, deuxièmement, on
pourrait imaginer une synchronisation suffisamment longue pour être consi-
dérée comme un signal qui favorise l’émergence d’un sentiment subjectif.
Le lecteur aura entr’aperçu les difficultés relatives à la notion de sentiment
subjectif et à son étude. Les obstacles commencent dès lors que l’on veut le
mesurer. Il ne faut alors pas se contenter de labels verbaux mais aller au-delà
de la description catégorielle en demandant un rapport constitué d’analogies
ou de métaphores. Mais là encore, cela reste du rapport verbal, que l’on peut
évincer en utilisant du non verbal, chose délicate à réaliser en pratique. Ensuite,
si l’on veut mettre en lien le sentiment subjectif et les autres composantes
émotionnelles, on se heurte à des discordances dues probablement au phéno-
mène théorique de pondérations différenciées des composantes selon la
situation ou l’individu. Sur le plan neurologique, si l’on souhaite étudier les
régions cérébrales impliquées, l’ignorance des délais d’activation suite à une
stimulation et des fonctions régissant son déroulement ainsi que son extinction
rend délicate la mise à l’étude empirique du sentiment subjectif.
C’est notamment par le fait que le sentiment subjectif reste un continent
inexploré du domaine de la psychologie qu’il en devient si intrigant. C’est
par sa complexité et pourtant son implication quotidienne dans notre vie, et
cela dans tous les domaines, que ce soit interpersonnel, historique ou privé, que
le sentiment subjectif passionne. C’est par son opérationnalisation difficile
que celui-ci devient, pour le chercheur, un défi.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

LECTURES CONSEILLÉES

Pour une autre approche


COSNIER J. (2004). Psychologie des émotions et des sentiments. Paris, Retz.
BARRETT L.F., MESQUITA B., OCHSNER K.N. ET GROSS J.J. (2007). « The experience
of emotion ». Annual Review of Psychology, 58, 373-403.
256 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

Pour une revue récente


FRIJDA N.H. (2005). « Emotion experience ». Cognition and Emotion, 19 (4), 473-497.

Approfondissement de la théorie
SCHERER K.R. (2004). « Feelings integrate the central representation of appraisal-
driven response organization in emotion ». In A.S.R. Manstead, N.H. Frijda et
A.H. Fischer (éd.). Feelings and Emotions : The Amsterdam Symposium.
Cambridge : Cambridge University Press.
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SCHERER K.R. (2000a). « Emotions as episodes of subsystem synchronization driven
by nonlinear appraisal processes ». In M.D. Lewis et I. Granic (éd.), Emotion,
Development, and Self-organization : Dynamic Systems Approaches to Emotional
Development (p. 70-99). New York/Cambridge : Cambridge University Press.

QUELQUES EXPÉRIENCES
FONDAMENTALES

Scherer (2005) : mesurer le sentiment subjectif


Dans cet article, l’auteur résume quelques propositions concernant la théorie des
processus composants. Il se concentre plus particulièrement sur la compo-
sante du sentiment subjectif et évoque les difficultés qu’il y a à mesurer
empiriquement cette dimension : premièrement, à cause de sa subjectivité et,
deuxièmement, à cause de l’utilisation nécessaire de la langue pour obtenir les
réponses des individus. Deux méthodes largement utilisées dans la recherche
pour mesurer le sentiment subjectif sont présentées et des outils sont proposés,
soit pour pallier les inconvénients des méthodes, soit pour améliorer leur
utilisation. Une première méthode consiste à demander de rapporter l’émotion
vécue sous forme de réponses ouvertes : on laisse le choix à la personne de
labelliser l’émotion avec un terme de son choix. L’avantage de cette méthode
est de ne pas restreindre/forcer les réponses, l’inconvénient repose sur
l’analyse quantitative et statistique des réponses, entravée par la quantité très
importante de labels différents rapportés et la faible occurrence de chaque
label. Scherer propose, pour remédier à cela, un outil de catégorisation des
différents labels basé sur des aspects théoriques et empiriques. Trente-six
catégories émotionnelles sont identifiées avec leurs labels correspondants
(synonymes et mots associés), surtout définis au travers de leur racine pour
prendre en compte les différentes déclinaisons des mots. Un programme
informatique est présenté permettant sur la base de cette catégorisation
d’ordonner les labels obtenus lors d’une expérience.
LE SENTIMENT SUBJECTIF 257

Une seconde méthode consiste à demander aux participants de cocher,


parmi un choix d’émotions, laquelle correspond à son ressenti. Le
problème de cette méthode telle qu’elle est pratiquée habituellement est
que les émotions proposées le sont souvent par rapport aux buts de l’étude
en question, ce qui limite la comparaison entre études. Scherer propose un
outil (qui serait à utiliser dans toutes les études) prenant en compte diver-
ses approches théoriques (approches dimensionnelles et des émotions de
base) afin de mesurer le sentiment subjectif en proposant des catégories
émotionnelles représentatives dans la langue considérée et prenant en
compte dans la réponse l’intensité de l’émotion. Cet outil est présenté sous
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forme graphique pour une meilleure appréciation de la réponse donnée par
la personne elle-même.

Frjida et Sonnemans (1994) :


décrire l’intensité du sentiment subjectif
Cette recherche pose deux questions : « Y a-t-il différents éléments du senti-
ment subjectif qui peuvent être de bons descripteurs de l’intensité de cette
expérience ? » et : « Est-il possible de dériver l’intensité émotionnelle de ces
différents paramètres ? » Une réflexion sur le lien entre l’intensité générale
et l’intensité des différents paramètres est aussi abordée. Dans cette recher-
che, trente-sept personnes ont eu pour instruction de rapporter, sur six
sessions, une expérience émotionnelle. Après avoir décrit l’émotion et label-
lisé le ressenti, les participants devaient en décrire l’intensité (par question-
naire) et tracer un diagramme du décours temporel de leur expérience. Une
série de questions appropriées aux diagrammes tracés permettaient d’avoir
une indication sur les événements à l’origine de creux et pics d’intensité
ainsi que sur le décours temporel de ces variations d’intensité. Toutes les
informations recueillies dans l’expérience furent mises en relation (analyse
en composantes principales) avec les intensités relatées par rapport à chaque
émotion rapportée. Celle-ci peut être expliquée à 68 % par cinq facteurs
orthogonaux qui sont : durée et latence des pics émotionnels, les efférences
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

corporelles perçues, les aspects mnésiques de l’expérience (rappel), les


aspects comportementaux liés à l’expérience, ainsi que les croyances asso-
ciées à l’épisode. Ces cinq facteurs contribuent grandement à la détermina-
tion de l’intensité générale de l’expérience comme le montre une analyse de
régression des données. La structure des différents paramètres varie cepen-
dant selon la catégorie émotionnelle considérée. La tâche originale de cons-
truction de diagramme du décours de l’expérience émotionnelle permet aux
auteurs de proposer que la manière dont finit une expérience subjective pour-
rait donner des renseignements plus approfondis sur le lien entre intensité et
durée de l’expérience émotionnelle.
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DES ÉMOTIONS1
LA RÉGULATION
Chapitre 8

1. Par Sebastian Korb.


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INTRODUCTION

Nos émotions constituent un élément adaptatif et fondamental pour assurer


notre survie, de même qu’elles jouent un rôle déterminant dans la vie de tous
les jours (Scherer, 2001). Elles nous permettent de réagir de manière rapide à
des changements pertinents de l’environnement, comme lorsque l’on s’immo-
bilise d’un coup à la vue d’un serpent sur un chemin de montagne. Elles nous
permettent aussi de former des représentations sur les résultats possibles
de situations et comportements, et guident ainsi nos actions et pensées. Par
exemple, le souvenir d’un mauvais résultat d’examen scolaire et les émotions
négatives liées à cet événement nous pousseront peut-être à étudier plus pour
mieux réussir la fois suivante.
Même si nous ne pouvons pas survivre sans émotions, et que le ressenti
émotionnel joue un rôle important aussi dans des fonctions cognitives tradi-
tionnellement réputées comme étant « rationnelles » (par exemple la prise de
décision, voir Damasio, 1994), des réactions affectives privées de tout
contrôle peuvent rapidement devenir un élément négatif dans un contexte
privé et social et constituer un obstacle important à l’atteinte de nos buts.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Pour cela, il est important de savoir maîtriser ses affects – une faculté dont
nous acquérons les fondements pendant l’enfance, mais que l’on peut égale-
ment entretenir à l’âge adulte. Car des difficultés dans la régulation des
émotions peuvent aboutir à des pathologies plus ou moins graves comme,
par exemple, la dépression.
Ce chapitre sera dédié à cette faculté extraordinaire qu’est la régulation
des émotions. Nous présenterons son histoire, ses effets psychologiques et
physiologiques, ainsi que ses bases neuronales ; nous distinguerons différents
types et différentes formes de la régulation des émotions avec leurs avantages et
désavantages respectifs.
262 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

1 DÉFINITION DE LA RÉGULATION
ÉMOTIONNELLE

Fournir une définition du concept de régulation émotionnelle qui soit accep-


tée par la majorité des chercheurs est une tâche extrêmement difficile. Et ceci
d’autant plus que les pensées concernant la régulation des émotions datent d’au
moins 2000 ans, comme nous le verrons plus loin. Dernièrement, James Gross,
de l’université de Stanford en Californie, a néanmoins produit une définition
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qui semble être largement acceptée. Ainsi, Gross (1998b) conçoit la régulation
émotionnelle comme « le processus par lequel les individus influencent quel-
les émotions ils ont, quand ils les ont, et comment ils ressentent et expriment
ces émotions » (p. 275, traduction par l’auteur). Naturellement, cette définition
est extrêmement large et comprend donc une multitude de processus, comme
l’identification, la compréhension et l’intégration de l’information émotion-
nelle, et en même temps la gestion de son propre comportement en accord
avec ses buts personnels et sociaux (Zeman, Cassano, Perry-Parrish et Stegall,
2006). Scherer (2007) identifie trois éléments déterminants pour la régulation
émotionnelle : 1) le reflet et l’intégration des sous-composantes de l’organisme
(la physiologie, l’expression, les tendances à l’action et le sentiment subjectif),
2) un juste équilibre entre traitement conscient et inconscient, et 3) la
présence d’un bon et fidèle feedback proprioceptif. En termes généraux, la
régulation émotionnelle requiert donc la gestion et l’organisation, de la part
de l’individu, de ses différents systèmes et sous-composantes dans le but
d’adapter son comportement émotionnel au contexte et aux normes socio-
culturelles et/ou pour faciliter l’atteinte de ses buts et besoins. D’après Gross
(2002) (voir aussi Gross et Thompson, 2007) les processus de régulation
émotionnelle peuvent être à la fois conscients et inconscients, automatiques
ou contrôlés, et peuvent servir à augmenter, diminuer ou maintenir l’intensité
d’émotions positives et négatives. Ils peuvent aboutir à des changements éven-
tuels dans l’ampleur, la durée (globale et de propagation et d’extinction du
signal) et la latence des réponses dans les sous-composantes de l’organisme.
Il est important de souligner que la régulation émotionnelle n’est en soi ni
positive ni négative, tout comme des réactions émotionnelles ne sont pas positives
ou négatives dans l’absolu, mais deviennent mal adaptées, voire pathologiques,
seulement en relation à un contexte spécifique.
Le concept de régulation émotionnelle est proche d’autres notions impor-
tantes en psychologie, comme le coping, les « mécanismes de défense », et
l’« autorégulation » (self-regulation en anglais). Le coping (terme anglais
signifiant « faire face à ») est défini comme l’ensemble des pensées et compor-
tements utilisés pour gérer les besoins intérieurs et extérieurs des situations
qui sont évaluées comme stressantes (Folkman et Moskowitz, 2004). Ce concept
de la psychologie sociale, qui a été étudié principalement à travers l’utilisation
LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS 263

de questionnaires, met l’accent sur deux questions : la gestion de situations


négatives (qui provoquent du stress) et la diminution de sentiments désagréables
(dont le stress), essentiellement à travers l’utilisation de stratégies conscientes.
Par contre, la régulation émotionnelle (telle que conçue par Gross) peut servir
à diminuer et à augmenter des émotions négatives et positives. La régulation
émotionnelle comprend aussi des états et des actes non conscients et automa-
tiques, alors que des stratégies purement conscientes sont plutôt examinées
dans la tradition du coping (ceci étant principalement dû à l’utilisation de
questionnaires comme principale source de données). Néanmoins, Folkman et
Moskowitz (2004) proposent de concevoir les formes de régulation émotion-
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nelle étudiées par Gross et ses collègues comme une forme de coping centrée
sur les émotions. Dans la même lignée, Scherer (2007) met également
l’accent sur le lien étroit entre les concepts de coping et de régulation
émotionnelle et suggère qu’une tentative de les intégrer au niveau théorique
et empirique leur serait bénéfique.
L’étude des mécanismes de défense procède de l’approche psychanalytique
et est principalement basée sur des études cliniques de cas individuels. Selon
la théorie psychanalytique, le moi recourt à des défenses contre les pulsions
instinctuelles originaires du ça et les affects qu’y sont liés (Freud, 1946). Ces
mécanismes de défense sont d’habitude « considérés comme inconscients,
involontaires, relativement rigides, orientés vers les conflits internes et liés à
la psychopathologie », alors que les processus de coping, au contraire, sont
« considérés comme conscients, volontaires, flexibles, comportementaux,
orientés vers l’adaptation positive à la réalité externe, et liés à la santé mentale
et au bien-être » (Chabrol et Callahan, 2004, p. 3). Même si les mécanismes de
défense et le coping intéressent des domaines fort différents – la psychanalyse
et la psychologie sociale – ils peuvent aussi être vus comme les deux extrêmes
d’un même continuum (Chabrol et Callahan, 2004). Une coupure nette ou
une distinction claire entre les deux concepts ne semble pas exister, car leurs
définitions se chevauchent partiellement. De plus, mécanismes de défense et
coping sembleraient tous les deux intégrer le concept de régulation émotionnelle.
Clairement, les concepts de coping, « mécanismes de défense » et
« régulation émotionnelle » ont beaucoup de points en commun. Une inté-
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

gration et une mise en commun des connaissances acquises dans les différents
domaines dont ils découlent constituent des objectifs que les chercheurs en
sciences affectives devraient se forcer d’atteindre. En outre, certains auteurs
(Ceschi, 1997) conçoivent la régulation émotionnelle essentiellement comme
des processus automatiques qui ont lieu tout le temps et qui font partie inté-
grante de la genèse des émotions, alors que des processus plus conscients sont
regroupés sous le terme de contrôle. Pour notre part, nous préférons adopter
ici la terminologie plus courante qui est aussi prônée par Gross, selon laquelle
il existerait un continuum allant des phénomènes de régulation émotionnelle
automatique à ceux qui sont plus de l’ordre du conscient et du volontaire.
Enfin, la définition de Gross est centrée sur les formes de régulation intrinsèque,
264 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

c’est-à-dire la régulation de la part du sujet de ses propres émotions. D’autres,


en revanche (surtout dans le domaine de la psychologie du développement),
incluent aussi la régulation extrinsèque : c’est le cas de la mère qui essaye de
calmer son enfant, ou d’un adulte qui essaye de soulager un ami (ou une
collègue) en montrant de la compréhension et de l’empathie.
Un cas similaire de proximité sémantique se présente entre les concepts de
régulation émotionnelle et d’autorégulation (appelée self-regulation en anglais).
Certains auteurs (Baumeister et Vohs, 2004) conçoivent l’autorégulation comme
un terme plus vaste qui comprend, entre autre, le coping et la régulation
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émotionnelle. D’autres (voir les travaux de Beauregard), par contre, utilisent
les deux termes de manière presque interchangeable et n’établissent donc
pas de distinction claire. Ici aussi, des définitions plus précises et un accord
commun entre les chercheurs sur quel phénomène est représenté par quel
terme seraient hautement recommandés.
En résumé, la régulation émotionnelle, qui comprend une multitude de
processus plus ou moins conscients, volontaires et contrôlés, consiste à moduler
le type et l’intensité des émotions ressenties et exprimées par le sujet. Les
différences et similarités entre régulation émotionnelle, autorégulation, coping,
et mécanismes de défense restent à définir avec plus de clarté.

2 L’HISTOIRE DE LA RÉGULATION
ÉMOTIONNELLE

Depuis l’Antiquité, philosophes et écrivains s’interrogent sur l’origine des


émotions humaines et sur la juste façon de vivre et exprimer ses émotions.
L’empereur romain Marc-Aurèle (121-180), par exemple, faisait déjà remarquer
que la nature de nos émotions est déterminée par notre estimation des choses
et que nous avons le pouvoir d’influer sur elles en voyant le monde avec un
œil différent (cité dans Ochsner, 2005). Avant lui, Aristote (384-322 av. J.-C.)
conseilla aux lecteurs de son Éthique à Nicomaque de réagir à une insulte avec
la bonne dose de colère, au bon moment, et envers la bonne personne.
Les bases véritables de la recherche actuelle sur la régulation émotionnelle
remontent à l’étude des mécanismes de défense, qui débuta vers la fin du
XIXe siècle avec les écrits de Sigmund Freud, le père fondateur de la psycha-
nalyse. Une publication phare qui est souvent citée dans ce domaine est
Le Moi et les Mécanismes de défense de sa fille, Anna Freud (1946). Les méca-
nismes de défense désignent les outils du moi (activés de manière inconsciente)
dans le but de se défendre des pulsions du ça (Chabrol et Callahan, 2004 ;
Freud, 1946). Dans la théorie freudienne, les mécanismes de défense sont liés à
LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS 265

la pathologie et chaque symptôme résulte d’un conflit défensif. Freud avait


initialement décrit neuf types de mécanismes de défense, mais leur nombre total
a nettement augmenté dans les écrits d’auteurs suivants, et reste aujourd’hui
matière à débat, au point que certains ont proposé que la plupart des proces-
sus psychiques peuvent aussi devenir des mécanismes de défense (Chabrol et
Callahan, 2004). Alors que des questionnaires et des tests ont récemment été
créés pour les évaluer, les mécanismes de défense ont typiquement été estimés
sur la base d’entretiens cliniques, une méthodologie qui correspond moins
aux critères de la psychologie expérimentale moderne.
La recherche sur les stratégies de coping est née de la recherche sur les
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mécanismes de défense, mais a fini par devenir un champ d’investigation à
part – aujourd’hui autonome (Chabrol et Callahan, 2004). Un des représen-
tants principaux de la recherche sur le coping a été Richard Lazarus (1991b),
qui a fourni d’importantes connaissances sur les stratégies que les personnes
utilisent pour faire face aux émotions et aux sentiments négatifs causés par des
situations de stress. Le coping est typiquement évalué sur la base de question-
naires. Il est intéressant de relever que l’étude du coping et des mécanismes
de défense procèdent de champs théoriques à première vue très différents,
c’est-à-dire, respectivement, la psychologie sociale (et l’approche cognitive-
comportementale) et la psychanalyse. Il apparaît néanmoins, que coping et
mécanismes de défense peuvent être vus comme deux outils de l’individu – à
la fois conscients et inconscients ou volontaires et involontaires – servant à
réguler son état d’âme sous situation de stress ou de tension (Chabrol et
Callahan, 2004). L’étude du coping se différencie donc de celle de la régulation
émotionnelle principalement par son focus sur la réduction d’affect négatif,
et par sa prise en compte de phénomènes de plus longue durée (par exemple
humeurs) que les émotions (Gross et Thompson, 2007).
L’étude du développement des capacités de contrôle affectif chez l’enfant
constitue un autre domaine de recherche sur lequel s’est construit le
courant actuel d’investigation scientifique de la régulation émotionnelle.
Ainsi, des processus de régulation des émotions et d’autorégulation ont été
et continuent d’être un thème principal dans le domaine de la psychologie
du développement (voir par exemple Thompson, 1994). Ce courant souli-
gne, par exemple, l’importance de l’acquisition de mécanismes d’auto-
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

contrôle qui permettent à l’enfant de négliger une récompense immédiate


afin d’en recevoir une meilleure dans un moment futur (Mischel, Shoda et
Rodriguez, 1989).
Dernièrement, grâce principalement aux efforts de James Gross, l’étude
des processus de régulation émotionnelle est redevenue un thème d’actualité.
Depuis, le phénomène est étudié principalement chez l’adulte non pathologique,
où on s’intéresse fortement aux corrélats physiologiques et neuronaux. Grâce à
l’utilisation de l’imagerie cérébrale non invasive – comme l’électroencéphalo-
graphie (EEG), la tomographie par émission de positron (TEP), et l’imagerie
par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) – et aux connaissances de
266 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

plus en plus poussées des corrélats neuronaux des fonctions perceptives et


cognitives de base (Ochsner, 2005), les chercheurs ont aujourd’hui pu entamer
la quête des bases neuronales du phénomène complexe qu’est la régulation
des émotions. Ceci dit, ceux qui parlent de régulation émotionnelle dans
cette littérature récente, et d’autant plus dans les papiers décrivant des études
d’imagerie cérébrale, font d’habitude allusion aux formes de régulation
consciente, volontaire, et demandant un certain degré d’effort cognitif (voir
même corporel) (mais voir Westen, Blagov, Harenski, Kilts et Hamann, 2006,
pour une exception).
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En résumé, l’étude scientifique moderne de la régulation des émotions
s’intéresse principalement aux stratégies que les sujets adultes et sains utilisent
consciemment pour moduler leur ressenti et/ou leur expression émotionnelle.
Elle est fondée sur une longue tradition littéraire qui s’interrogeait sur la nature
des émotions, ainsi que sur l’étude des mécanismes de défense dans l’approche
psychanalytique, sur la tradition de recherche du stress et du coping en
psychologie sociale, et enfin sur l’étude de la mise en place des mécanismes
d’autocontrôle en psychologie du développement.

3 POURQUOI RÉGULER ?

Indépendamment de la question de savoir comment les individus régulent


leurs émotions, il est intéressant de raisonner sur le pourquoi de ce comporte-
ment. En fait, comme il sera abordé plus loin (voir chapitre sur les effets
cognitifs et physiologiques de la régulation émotionnelle), des données expéri-
mentales récentes suggèrent que plusieurs formes de régulation émotionnelle
requièrent un degré d’effort important de la part du sujet, et sont donc
coûteuses pour l’organisme en termes de dépense énergétique.
Une première hypothèse qui vient à l’esprit pour expliquer la régulation
émotionnelle est qu’il serait dans la nature humaine de rechercher le ressenti
de bonheur, et que diminuer le ressenti d’émotions négatives (comme la
détresse ou la peur) sert tout simplement à nous faire sentir mieux. Il est vrai-
semblable que la recherche du bien-être soit donc en général le moteur prin-
cipal de la régulation émotionnelle. Toutefois, dans certaines situations, des
processus de régulation émotionnelle sont utilisés pour maintenir, ou même
pour augmenter, le niveau d’émotions négatives que l’on ressent. Il suffit de
penser, par exemple, à une équipe de sport qui se force à augmenter son taux
d’agressivité (envers ses adversaires) avant un match important. Il semble donc
évident que nous ne pouvons pas nous contenter de l’argument d’hédonicité
pour expliquer la régulation émotionnelle dans sa totalité.
LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS 267

Plus vraisemblablement, nous utilisons la régulation émotionnelle pour


poursuivre et atteindre nos buts au sein de la société, qui ne sont pas toujours
liés à la recherche de sensations de bien-être dans l’immédiat. En effet, des
normes sociales nous dictent la manière dont nous sommes supposés réagir
face à telle ou telle situation ou encore quel type et quelle intensité d’affect
sont opportuns dans chaque contexte. De façon intéressante, la manière dont
les gens régulent leurs émotions semblerait même varier d’une culture à l’autre
et ces différences pourraient être attribuables à des différences de personnalité
(Matsumoto, 2006). Nous régulons donc nos émotions surtout pour modifier
notre image auprès des autres, et dans le but d’influencer nos relations avec
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les individus de la société (Fischer, Manstead, Evers, Timmers et Valk, 2004).
Néanmoins, la régulation émotionnelle ne sert pas qu’à des fins égoïstes.
Plutôt, elle contribue à structurer et contrôler la communication entre individus
et groupes, et, dans ce sens, elle peut être vue comme l’un des fondements
principaux de toute société humaine (Levesque et al., 2003).
Cependant, il est fort probable que des formes plus automatiques de régu-
lation émotionnelle servent en premier lieu au maintien de l’équilibre biolo-
gique et psychologique de l’organisme d’un point de vue évolutionniste (voir
Bonanno, 2001 ; Westphal et Bonanno, 2004 pour une description du concept
d’homéostasie émotionnelle). La plupart des chercheurs en sciences affectives
reconnaissent aujourd’hui l’existence de systèmes neuronaux capables de
détecter rapidement des stimuli importants dans l’environnement et de déclen-
cher des réponses physiologiques de manière quasi instantanée (LeDoux,
2005). Alors que ces systèmes peuvent assurer la survie de l’individu grâce
au déclenchement de comportements de fuite ou d’attaque, ces réactions
émotionnelles nécessitent souvent un réglage plus fin de la part de systèmes
neuronaux (corticaux) plus complexes, qui évaluent la situation de manière
plus détaillée. Ainsi, la régulation émotionnelle automatique pourrait servir à
une sorte d’inhibition des premières réactions émotionnelles, souvent exagérées,
dans le but de ramener l’organisme à un état d’activation moins coûteux. En
alternative, on peut aussi imaginer qu’à certains moments la première réac-
tion émotive sera augmentée ou maintenue pour une durée prolongée, pour
faire face aux besoins évoqués par un défi émotionnel plus intense. En lien
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

avec ceci, Scherer (2007) propose que la régulation émotionnelle automati-


que peut servir à un ajustement des mécanismes d’appraisal suite à un chan-
gement de l’information disponible à l’organisme.
Pour résumer, la régulation des émotions semble être requise surtout dans
un contexte social, où des normes culturelles dictent la nature des échanges
interindividuels. Plus que cela, la formation de groupes sociaux ne serait
probablement pas possible sans les capacités de contrôle des pulsions et
émotions. Des formes de régulation émotionnelle automatique pourraient
surtout servir au maintien d’une homéostasie de l’organisme et à l’adaptation
des dépenses énergétiques au contexte.
268 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

4 TYPES DE RÉGULATION ÉMOTIONNELLE

La régulation émotionnelle comprend une multitude de processus différents.


Ceux-ci peuvent être catégorisés sur un continuum allant de processus de régu-
lation rapides, automatiques, inconscients, et requérant peu d’effort, à d’autres
processus de régulation plus lents, conscients, volontaires, et nécessitant un
effort plus important de la part du sujet (Gross et Thompson, 2007 ; Ochsner et
Gross, 2005). Ces deux extrêmes sembleraient d’ailleurs être sous-tendus par
des systèmes neuronaux différents (voir plus bas dans la section sur les bases
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neuronales de la régulation émotionnelle). Plusieurs processus de régulation
émotionnelle avec des caractéristiques intermédiaires sont néanmoins possibles.

Automatique, Volontaire,
RÉGULATION ÉMOTIONNELLE
rapide, lente, consciente,
inconsciente, requérant
t n
sans effort en li sio lle ire de l’effort
em u r
s
e e n ta
id stim nts p n o
p ex tion vol
ra e sa on o on
g er n d ver r s ém uati
a tio le e l
e ng tten bou prim é va
s a p é
Dé on Su R
s

Une extrémité comprend des processus automatiques, rapides, inconscients, et qui


requièrent peu d’efforts de la part du sujet. De l’autre bout se trouvent les formes de
régulation qui sont plutôt volontaires, lentes, conscientes, et requérant plus d’efforts
cognitifs et/ou physiologiques. Plusieurs processus ayant des caractéristiques inter-
médiaires sont imaginables.
Figure 8.1
Les différentes formes de régulation émotionnelle
peuvent être représentées le long d’un continuum.

Les formes de régulation émotionnelle plus automatiques et inconscientes


incluent les conceptions implicites de l’individu sur ce qu’est la régulation
émotionnelle (celles-ci sont, en principe, objectivement mesurables). Elles
comprennent aussi des stratégies automatiques de régulation émotionnelle
(nettement plus difficiles à mesurer, car elles sont entremêlées avec les réactions
émotionnelles elles-mêmes ; voir Mauss, Evers, Wilhelm et Gross, 2006,
Westen et al., 2006). La régulation émotionnelle automatique peut résulter,
au moins en partie, de « l’automatisation » progressive – à travers la répétition
et l’entraînement – de processus à l’origine volontaires et contrôlés (Davidson,
1998 ; voir aussi Gross et Thompson, 2007). Telle sorte de transformation
permet une augmentation de la vitesse et de l’efficience du processus en
question, tout comme les gestes nécessaires à la conduite d’une voiture
LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS 269

deviennent de plus en plus rapides et automatiques, et donc plus sûrs, avec


l’expérience. Il serait aussi envisageable que des mécanismes mal adaptés de
régulation émotionnelle peuvent, avec le temps, devenir une partie intégrante
de la personnalité, en contribuant ainsi à la formation de pathologies psychiques.
Un exemple de régulation émotionnelle adaptative, rapide et automatique est
le désengagement de l’attention d’un stimulus émotionnellement boulever-
sant vers un autre qui l’est moins ou, au contraire, la capacité de ne pas se
faire distraire par des stimuli de nature émotionnelle et de garder son focus
d’attention sur un objet ou une tâche précise (voir Dolcos et McCarthy, 2006
pour les effets neuronaux de distracteurs émotionnels pendant une tâche de
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rétention). Certains auteurs suggèrent que surtout les formes plus automati-
ques de régulation émotionnelle dépendent de la disponibilité de ressources
cognitives en termes de fonctions exécutives (Baumeister et Vohs, 2004 ; Van
der Linden, 2004a).
Il existe plusieurs formes de régulation émotionnelle qui sont plutôt
conscientes, volontaires et probablement aussi plus lentes et plus coûteuses
en termes de ressources mentales et physiologiques (Gross, 1998a). Les
recherches les plus récentes en psychologie et en neurosciences ont été quasi
exclusivement dédiées à l’étude de ce type de stratégies. Gross (1998b) a
beaucoup travaillé sur la régulation émotionnelle consciente et a introduit un
modèle de la régulation émotitionnelle (inspiré des théories de l’appraisal,
voir par exemple Scherer, Schorr et Johnstone, 2001) qui est aujourd’hui
largement utilisé (voir figure 8.2 page 271). Dans ce modèle, Gross fait la
distinction entre la régulation centrée sur l’antécédent, qui a lieu avant que
la réponse émotionnelle (les changements du ressenti subjectif, les effets
physiologiques dans la périphérie, etc.) ne soit mise en place, et la régulation
centrée sur la réponse, qui, elle, se produit après la genèse de la réponse
émotionnelle. Un exemple de la catégorie des régulations centrées sur l’anté-
cédent est le changement ou le maintien volontaire du propre focus d’atten-
tion afin de se distraire de, ou de se concentrer sur, un ou plusieurs aspects
d’une situation. Cette catégorie comprend aussi toute forme de changement
cognitif, comme lorsque l’on compare sa propre situation à celle de
quelqu’un qui va moins bien, afin de se sentir plus chanceux et de relativiser
son sort (comparaison sociale par le bas ou downward social comparison en
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

anglais). La suppression volontaire de l’expression émotionnelle (dans le


visage, le mouvement du corps, la voix) fait, par contre, partie de la régula-
tion centrée sur la réponse. D’autres stratégies centrées sur la réponse sont
l’utilisation de substances (alcool, cigarettes, drogues, nourriture), l’exercice
physique, les pratiques méditatives, etc.
Il est important de spécifier que la chronologie des stratégies de régulation
proposées par Gross constitue une modélisation théorique intéressante, qui
n’a pourtant pas été prouvée empiriquement (voir Goldin et al., 2007).
En réalité, une telle séquence de stratégies centrées sur l’antécédent et
ensuite sur la réponse se déroule probablement plusieurs fois au cours d’un
270 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

événement émotionnel, donnant donc plutôt lieu à une boucle qu’à une
séquence linéaire. Par exemple, la réévaluation cognitive de type conscient et
contrôlé va, dans la plupart des cas, être mise en place après que le sujet
s’aperçoive de ressentir une émotion. De la même manière, une tentative de
suppression de son expression émotionnelle de la part du sujet suit sans doute
la genèse d’une émotion, mais elle peut rester antérieure à une nouvelle
évaluation cognitive de la situation (laquelle peut avoir changé suite à une
première régulation émotionnelle, etc.).
La forme la plus étudiée des changements cognitifs est la réinterprétation ou
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la réévaluation cognitive de la situation (reappraisal en anglais ; voir Sche-
rer, Schorr et Johnstone, 2001 pour un manuel de référence sur la théorie de
l’appraisal). Le fait de concevoir différemment, suite à un effort cognitif, les
enjeux, les causes, et/ou les résultats d’une situation, est une stratégie qui
peut servir à en modifier l’impact émotionnel (Davidson, 1998 ; Gross, 1998b).
Comme Ochsner et al. (2004) le suggèrent, ce résultat peut être atteint à travers
différents moyens. La réévaluation centrée sur soi (self-focused reappraisal)
consiste à se sentir soi-même ou ses proches plus ou moins connectés avec la
situation. La réévaluation centrée sur la situation (situation-focused reap-
praisal), par contre, requiert la réinterprétation (plus positive ou négative) de
la situation indépendamment du lien que la personne a ou n’a pas avec elle.
La signification d’éléments spécifiques d’une situation peut aussi être réévaluée.
Ainsi, une augmentation soudaine de la propre activité physiologique (par
exemple une accélération du battement du cœur et de la respiration) peut être vue
comme un phénomène inoffensif, plutôt que le signe inquiétant d’un malaise
imminent (Thompson, 1994). Logiquement, la mise en place de la stratégie
de réévaluation nécessite un certain nombre de connaissances de la part du sujet
sur la nature des émotions et sur le genre de situations qui les génèrent. Par
exemple, si je veux diminuer l’émotion négative générée par la vue d’une
personne très malade en imaginant qu’il ne s’agit pas d’une maladie grave et que
la personne s’en remettra bientôt, je dois avant tout être conscient du lien entre
mon état émotionnel et sa source, c’est-à-dire la vue de la personne malade.
Il est important de spécifier qu’une distinction des processus de régulation
émotionnelle, comme elle a été proposée ici, par rapport à leur automaticité,
rapidité, conscience, et demande d’énergie, peut être utile pour guider la
recherche. Néanmoins, une telle séparation ne reste qu’un outil de travail et une
approximation de la réalité qui n’a pas de valeur scientifique en soi. Premiè-
rement, il est probable que plusieurs types de processus de régulation soient
engagés en parallèle ou en succession récursive, dans une même situation.
Deuxièmement, il reste à vérifier la nature des éléments des processus de
régulation (comme la réévaluation volontaire de la situation émotionnelle)
dont le sujet est effectivement conscient. Suffit-il que l’initiation de tels
processus soit consciemment voulue pour que l’on puisse les classer dans la
catégorie des processus conscients, alors que la plupart de ses étapes cognitives
sous-jacentes ne le sont pas ?
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Situations Aspects Significations Réponses

a1
Ressenti
S1x a2
S1y a3 m1
S1 Tendances
S1z a4 m2 de réponse Comportement
a5 m3 émotionnelle
S2
LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS

Physiologie

Sélection Modification Déploiement Changement Modulation


de la situation de la situation de l’attention cognitif de la réponse

Réévaluation Suppression

Régulation émotionnelle Régulation émotionnelle


centrée sur la réponse centrée sur l’antécédent
Ce modèle différencie des formes de régulation émotionnelle par rapport au moment où elles vont modifier la genèse ou la réponse émotionnelle.
Gross et ses collègues ont surtout étudié la réévaluation cognitive (reappraisal) et la suppression de l’expression émotive.
Figure 8.2
Modèle de la régulation émotionnelle selon Gross (2002).
271

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272 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

De la même manière, les neurosciences modernes nous ont amenés à


questionner la nature de la volonté propre (voir par exemple Libet, Gleason,
Wright et Pearl, 1983), qui reste donc un élément arbitraire pour catégoriser
des processus cognitifs de toute sorte, et d’autant plus les processus de régu-
lation émotionnelle. Enfin, il n’y a pas de limite nette entre processus plus ou
moins conscients car, comme mentionné plus haut, une automatisation
progressive et un gain de vitesse de traitement peuvent se développer avec le
temps.
Une dernière distinction peut être faite entre la régulation émotionnelle
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extrinsèque et intrinsèque. La littérature développementale est souvent dévouée
au premier phénomène et conçoit l’apprentissage de la régulation émotionnelle
comme l’évolution, chez l’enfant, d’un processus qui au début est surtout
d’origine extérieure (régulation de la part des parents) et que l’enfant s’approprie
petit à petit, grâce à l’apprentissage des stratégies de régulation des émotions
et au développement des aires neuronales qui les sous-tendent. En général, la
littérature sur le sujet adulte est par contre axée sur la régulation émotion-
nelle de type intrinsèque (Gross et Thompson, 2007). Alors que les deux,
processus intrinsèques et extrinsèques, sont importants pour comprendre
comment nos émotions peuvent être modifiées, nous nous focalisons ici sur
la régulation de type intrinsèque.
En résumé, il est utile de catégoriser les formes de régulation émotionnelle
selon leur caractère plus ou moins conscient, contrôlé, rapide, et laborieux.
La recherche actuelle, dont James Gross est un représentant d’envergure,
s’est surtout penchée sur l’étude des processus cognitifs (plutôt volontaires
et conscients) de la régulation émotionnelle, tels que la réévaluation cogni-
tive des situations (reappraisal). La régulation des émotions des autres (extrin-
sèque) a surtout intéressé la psychologie du développement, alors que l’étude
chez l’adulte a préféré étudier comment les gens régulent leurs propres
émotions (régulation intrinsèque).

5 EFFETS COGNITIFS ET PHYSIOLOGIQUES


DE LA RÉGULATION ÉMOTIONNELLE

Alors que l’utilité (pour l’individu et la société) de la régulation des émotions


est en général hors de discussion, selon des résultats empiriques récents, il
semblerait que certaines formes de régulation émotionnelle soient plus avan-
tageuses que d’autres, pour ce qui concerne leurs effets sur la cognition, le
sentiment subjectif ou la physiologie de l’individu.
Gross et collègues (voir Gross, 2002, pour une revue) stipulent que la
réévaluation cognitive de la signification d’une situation est à conseiller par
LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS 273

rapport à la suppression de l’expression (corporelle et faciale) des émotions.


La suppression émotionnelle a été définie (Gross et Levenson, 1993) comme
étant l’inhibition consciente, pendant un état d’activation émotionnelle, de sa
propre expression émotionnelle (posture, expression faciale, voix, comporte-
ment). Elle comporte donc bien plus que l’absence d’une émotion et de son
expression, mais consiste plutôt dans l’effort qui a comme but précis le
contrôle de l’expression émotionnelle. La réévaluation, par contre, comporte
la tentative de modifier, activement et consciemment, la signification que
l’on accorde à une situation ou à certains éléments de cette situation. Il est
important de spécifier que la conviction est née récemment, que suppression
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et réévaluation peuvent aussi se dérouler de manière plus automatique, par
exemple après avoir été répétées maintes fois (Davidson, 1998 ; Gross et
Thompson, 2007), ou dans des situations où nous ne disposons pas de
ressources cognitives suffisantes (Kalisch, Wiech, Critchley et Dolan, 2006).
La stratégie de réévaluation cognitive semblerait diminuer le ressenti subjectif
d’émotions positives et négatives, alors que la stratégie de suppression de
l’expression peut diminuer le ressenti d’émotions positives, mais n’a aucun
ou que peu d’impact sur le sentiment négatif (toutefois, voir la première
expérience dans Butler et al., 2003 pour un résultat discordant). Ces conclu-
sions se basent sur plusieurs études. Par exemple, Gross (1998a) a montré
des films élicitant du dégoût à cent vingt participants adultes sains et a enregistré
leurs réponses comportementales et physiologiques, ainsi que leur ressenti
subjectif. Les sujets ont rapporté ressentir moins de dégoût après avoir réévalué
les films de manière plus positive, afin de ne plus en être troublés. Au contraire,
la suppression de l’expression émotionnelle n’a pas changé leur niveau de
dégoût ressenti. Pareillement, la suppression d’expression émotionnelle n’a
pas affecté le ressenti subjectif de dégoût dans une expérience réalisée par Gross
et Levenson (1993), alors qu’elle a diminué les sentiments d’amusement
évoqués par des films amusants et tristes (Gross et Levenson, 1997). Ces
différences dans les effets de la suppression de l’expression et de la réévaluation
cognitive pourraient être dues, selon Gross (Gross et Levenson, 1997), au fait
que nous avons davantage l’habitude de supprimer nos émotions négatives
que positives. Elles pourraient également être liées au fait que l’activité de
suppression de l’expression a en soi un effet négatif sur notre état émotionnel,
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

résultant en une diminution d’émotions positives (Butler et Gross, 2004).


L’efficacité de la suppression de l’expression émotionnelle sur la compo-
sante expressive peut être mesurée objectivement. Comment ? En analysant,
par exemple, le taux d’expressivité dans le visage (ici, plusieurs méthodes plus
ou moins standardisées sont utilisées pour analyser des enregistrements vidéo)
et le taux de mouvements corporels (grâce à l’enregistrement de l’activité
somatique à travers une vidéo ou avec un transducteur électromécanique
placé sous la chaise du participant). Ainsi, il a été établi qu’au plus tard à
partir de l’âge adulte, des sujets sains sont très habiles à cacher l’expression
de leur ressenti en réponse à des images ou des films émotionnels (Gross,
274 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

1998a ; Gross et Levenson, 1993, 1997 ; Richards et Gross, 1999, 2000), après
avoir bu une boisson acide (Feldman, Jenkins et Popoola, 1979) ou pendant
une conversation sur un thème bouleversant avec une personne à peine rencon-
trée (Butler et al., 2003). Cependant, la suppression de l’expression émotion-
nelle n’est pas souvent couronnée de succès de manière optimale. Il en
résulte des phénomènes de « fuite » au cours desquels de légers signes de
l’émotion restent visibles ou des émotions non liées à la situation apparaissent.
Il peut arriver, par exemple, que des participants exagèrent leurs tentatives de
suppression de l’expression faciale et finissent par montrer des expressions
de détresse (qui incluent la déflection des angles de la bouche vers le bas)
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alors qu’ils essayent de supprimer le rire (Gross et Levenson, 1997). D’autres
indices de suppression peuvent être dérivés de l’augmentation du taux de
clignements et des automanipulations du visage (Ceschi, 1997).
Les stratégies conscientes de la régulation émotionnelle nécessitent un
certain effort cognitif de la part du sujet, qui est souvent mesurable sous
forme d’une augmentation de son activation physiologique. Par ailleurs, un
effort plus important est nécessaire pour implémenter la stratégie de suppres-
sion de l’expression émotionnelle – appliqué seulement après la genèse
d’une réponse émotive et ayant peu d’effets sur le sentiment subjectif – que
pour l’utilisation de la stratégie de réévaluation cognitive – qui, elle, aboutit
à la modification profonde de la signification d’un stimulus émotionnel avant
qu’il puisse susciter une réponse psychophysique. Il s’agit ici des propos de
Gross et collègues (Butler et Gross, 2004 ; Gross, 2002), qui ont été appuyés
par plusieurs études (Butler et al., 2003 ; Gross, 1998a ; Gross et Levenson,
1997) dans lesquelles la suppression de l’expression émotive était accompagnée
d’une réponse augmentée du système nerveux sympathique, affectant entre
autre le système cardiovasculaire. En même temps, la stratégie de réévalua-
tion cognitive ne semble pas être accompagnée d’une réponse physiologique
augmentée. Reste à dire que, même si la plupart des études récentes indiquent
que la suppression de l’expression va de paire avec une réponse sympathique,
d’autres études n’ont pas trouvé de différence physiologique entre la suppres-
sion de l’expression et la réponse émotionnelle spontanée (Bush, Barr, McHugo
et Lanzetta, 1989 ; et première expérience dans Butler et al., 2003). Elles ont
abouti à des résultats mixtes (Gross et Levenson, 1993) ou ont même trouvé une
diminution de l’activation physiologique associée à la suppression (Zuckerman,
Klorman, Larrance et Spiegel, 1981). Ces divergences peuvent éventuellement
s’expliquer par des différences culturelles : les effets négatifs de la suppression
de l’expression émotionnelle semblent être réduits si le régulateur adhère à
des valeurs de type asiatique, que s’il croit dans des valeurs occidentales (Butler,
Lee et Gross, 2007).
De plus, contrairement à la réévaluation cognitive, la suppression de l’expres-
sion de son ressenti émotionnel semble affecter massivement les ressources
cognitives du sujet et détériorer ses capacités mnésiques concernant les infor-
mations à caractère social (par exemple noms propres, occupations). Richards
LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS 275

et Gross (1999) ont montré des images évoquant de faibles ou de fortes


émotions négatives à des jeunes femmes saines et ont demandé à la moitié
d’entre elles de supprimer toute sorte d’expression émotionnelle, de manière à
apparaître aux yeux d’un éventuel observateur sans aucun ressenti émotionnel.
Les participants devaient aussi mémoriser des informations qui étaient données
de manière auditive au moment de la présentation de chaque image. Les
résultats de cette étude ont démontré que les sujets auxquels on avait demandé
de supprimer toute expression émotionnelle se souvenaient moins bien des
informations auditives présentées avec les images, en comparaison avec des
sujets qui n’avaient pas reçu la consigne de supprimer. De plus, la suppression de
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l’expression était associée à une activation physiologique, qui, selon les
auteurs, n’a néanmoins pas été la cause directe du dysfonctionnement cognitif.
Une autre publication des mêmes auteurs (Richards et Gross, 2000) rapporte
trois études qui dans l’ensemble suggèrent que :
– la rétention de détails visuels et sonores d’un film élicitant des émotions
négatives est détériorée quand le sujet s’engage dans la suppression de
l’expression ;
– la suppression de l’expression, par opposition à la réévaluation cognitive,
affecte négativement la rétention d’information verbale présentée en même
temps que des images émotionnelles négatives ;
– le lien entre suppression et détérioration mnésique semble exister aussi en
dehors du laboratoire, au quotidien.
La réévaluation cognitive semble donc constituer une stratégie de régulation
émotionnelle plus recommandable que la suppression de l’expression émotion-
nelle. La réévaluation serait en fait plus effective dans la réduction du senti-
ment subjectif provoqué par des émotions négatives. Elle susciterait moins
d’activation physiologique (qui peut amener à des problèmes de santé, surtout
en cas de chronicité), et elle ne causerait pas (ou moins) de détérioration des
processus d’encodage et/ou de rétention mnésique de l’information. De plus,
comme décrit ci-dessous, il est préférable de réévaluer au lieu de supprimer non
seulement pour préserver notre propre santé physique et mentale, mais aussi
pour la santé et le bien-être des gens qui nous entourent (Butler et Gross, 2004).
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Concernant la question des effets de la régulation émotionnelle sur des


tiers, Butler et al. (2003) ont étudié les conséquences de la suppression de
l’expression et de la réévaluation cognitive au sein de dyades de femmes qui
ne se connaissaient pas et auxquelles ils ont demandé de discuter d’un film
bouleversant visionné auparavant. Ces auteurs sont partis du raisonnement
que si la suppression expressive diminue les expressions émotionnelles et les
ressources cognitives du sujet qui s’y engage, et en même temps provoque
du stress physiologique, alors elle devrait aussi avoir des conséquences néga-
tives sur des éventuels partenaires sociaux, et sur la communication avec ces
partenaires. En effet, plusieurs pistes de recherche suggèrent qu’un manque
d’expression d’émotions (surtout positives) de la part d’une personne (par
276 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

exemple le mari) peut nuire aux relations et aux communications dans lesquelles
cette personne s’engage, et ceci parce que ses tiers (par exemple, l’épouse)
ressentent ces situations comme étant stressantes et/ou insatisfaisantes (voir
Butler et Gross, 2004 pour une revue de la littérature). En revanche, Butler et
al. (2003) ont fait l’hypothèse que la réévaluation cognitive n’aurait pas ces
effets négatifs sur les partenaires sociaux, car elle diminue principalement
l’expression d’émotions négatives (et non pas positives), consomme moins
de ressources cognitives, et évoque moins ou pas de réponses physiologiques
de stress chez le sujet qui l’utilise.
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Dans les deux expériences rapportées dans Butler et al. (2003), des sujets
devaient discuter de leurs pensées et sentiments concernant un film de guerre,
puis des implications de ce film pour la nature humaine et de son importance
pour leurs croyances religieuses et politiques. Dans la première étude, à l’insu
de l’autre, un des partenaires de chaque dyade devait se comporter de manière
naturelle (condition de contrôle), supprimer toute expression émotionnelle
(condition suppression) ou réévaluer le film de manière à rester calme et paisible
(condition réévaluation). Comme les résultats le démontrent, la suppression
a des effets négatifs à la fois chez la personne qui l’applique et chez son
partenaire social. Les participants interagissant avec un partenaire qui supprimait
l’expression de ses émotions (positives et négatives) se sont sentis moins
proches de lui, et étaient moins attirés par lui. De plus, la suppression de
l’expression a abouti à une hausse de la pression sanguine chez les personnes
qui essayaient de cacher leurs émotions (mais pas dans la première des deux
études) et chez les personnes qui interagissaient avec eux. Ces résultats
semblent indiquer que, au moins dans certains contextes, la stratégie de
suppression de l’expression émotionnelle nuit à la personne qui l’utilise, tout
comme aux personnes avec lesquelles elle interagit, en interférant entre
autres avec la création de liens affectifs et en provoquant des symptômes
physiologiques de stress.
En résumé, les recherches les plus récentes, menées en grande partie par
Gross et collègues, se sont surtout intéressées à comparer la stratégie de
réévaluation cognitive à celle de la suppression de l’expression émotionnelle.
Les résultats empiriques et les hypothèses théoriques déduites de la littérature
suggèrent que la suppression de l’expression émotionnelle comporte plus
d’inconvénients que d’avantages pour le sujet qui l’applique, tout comme pour
les partenaires sociaux avec lesquels il interagit. Concrètement, la suppres-
sion expressive est généralement efficace dans l’inhibition de l’expression
des émotions (même si le résultat est souvent imparfait) et dans la réduction
du ressenti d’émotions positives. Elle est par contre moins efficace pour
diminuer le ressenti d’émotions négatives et s’accompagne de plusieurs
« effets secondaires », comme la diminution des ressources cognitives et
mnésiques, et l’augmentation de l’état d’activation physiologique. Enfin, la
suppression de l’expression émotionnelle détériore les relations avec autrui
LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS 277

et génère des sensations de stress chez les partenaires sociaux, s’exprimant


également par une réponse du système cardiovasculaire.
Clairement, un des buts de futures recherches devra être d’établir avec plus
de précision dans quels contextes la suppression de l’expression émotionnelle
peut être avantageuse. Cette stratégie pourrait par exemple aider à établir une
certaine distance entre soi-même et les personnes avec lesquelles on interagit.
D’autres cultures pourraient valoriser d’avantage un fonctionnement entre
individus basé sur la suppression de l’expression émotionnelle (voir Butler,
Lee et Gross, 2007). Dans l’état actuel des connaissances, nous conseillons
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néanmoins plutôt la réévaluation cognitive de la situation ou d’un élément de la
situation afin de modifier son effet émotionnel (stratégie appelée reappraisal
dans la littérature anglophone). Comparée à la suppression expressive, la straté-
gie de réévaluation cognitive semble être plus efficace dans la réduction des
sentiments négatifs. Elle serait moins coûteuse en termes de ressources
cognitives, ne provoquerait pas d’activation physiologique importante et
créerait moins de sentiments d’aliénation et de distance dans les rapports
avec autrui. Il se peut aussi que l’utilisation d’une forme de régulation
émotionnelle ne soit pas toujours préférable à une autre stratégie. Plutôt, ça
serait la flexibilité dans l’emploi de stratégies différentes – les plus adaptées à
la situation – qui démarquerait le sujet psychologiquement équilibré et sain
(Bonanno, Papa, Lalande, Westphal et Coifman, 2004 ; Westphal et
Bonanno, 2004).

6 LES BASES NEURONALES


DE LA RÉGULATION ÉMOTIONNELLE

Cette section a pour objectif de donner un aperçu (qui ne se veut surtout pas
exhaustif) des découvertes passionnantes qui ont été faites sur les aires du
cerveau permettant d’influencer la manière dont nous ressentons les choses,
interprétons le monde et exprimons nos émotions aux autres. En se servant
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

de plusieurs techniques modernes d’imagerie cérébrale, les chercheurs en


psychologie et en neurosciences ont pu commencer à explorer le fonctionne-
ment du cerveau in vivo, de manière non invasive et chez l’individu éveillé et
conscient. Il est aujourd’hui évident que le cortex préfrontal (CPF), qui se
situe dans la partie frontale du crâne, est une aire fondamentale pour la régu-
lation émotionnelle. Mais le CPF n’est guère une structure uniforme (ni
anatomiquement ni fonctionnellement) et on y distingue aujourd’hui de plus
en plus de sous-parties qui ont chacune des fonctions (partiellement) diffé-
rentes dans la régulation émotionnelle. Malheureusement, cette accumulation
du savoir pose aujourd’hui le défi de devoir comprendre des appellations de
278 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

zones cérébrales qui sont de plus en plus nombreuses et inintelligibles (surtout


pour le novice), qui diffèrent souvent d’un chercheur à l’autre, et qui se recou-
pent largement. Pour éviter que le lecteur se sente débordé par cette jungle
sémantique, nous lui proposons une petite introduction à la nomenclature des
aires préfrontales (voir encadré).

Encadré 1
Le cerveau humain comprend deux hémisphères (droit et gauche), chacun
comprenant à son tour quatre lobes (souvent appelés aussi cortex). En partant du
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front et en suivant l’ordre des aiguilles d’une montre, on retrouve les lobes frontal,
pariétal, occipital, et temporal. La partie la plus antérieure des lobes frontaux est
appelée le cortex préfrontal (CPF). Le cerveau en général, et le CPF en particulier,
peuvent être divisés le long de trois axes dans les composantes antérieure (ou
rostrale), postérieure (ou caudale), supérieure (ou dorsale), inférieure (ou ventrale),
latérale, et médiane. Les aires du CPF prennent leur nom par rapport à ces axes,
à l’exception du cortex orbitofrontal (COF) situé juste au-dessus des orbites, et du
cortex cingulaire antérieur (CCA) situé sur la couche interne et médiane. D’autres
nomenclatures se basent sur les aires de Brodmann (l’anatomiste allemand qui
publia en 1908 une carte du cortex humain comprenant cinquante-deux aires
différentes du point de vue cytoarchitectural), ou sur les coordonnées cartésien-
nes (x, y, z) utilisées en imagerie cérébrale.

Dorsal (supérieur)

Latéral droit
Caudal
(postérieur)
Médian

Rostral
(antérieur)

Latéral gauche

Ventral (inférieur)

Figure 8.3
Les axes utilisés pour nommer les aires du cortex préfrontal

Au début de l’imagerie cérébrale, les chercheurs se sont servis de l’électro-


encéphalographie (EEG) afin d’étudier les bases neuronales des processus de
régulation émotionnelle. Cette technique fournit une excellente résolution
temporelle, mais reste moyennement puissante dans la reconstruction des
LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS 279

sources neuronales des fonctions cognitives. De plus, l’EEG est moins sensi-
ble aux signaux provenant de structures sous-corticales, plus éloignées des
électrodes d’enregistrement, qu’aux décharges d’origine corticale. En utili-
sant l’EEG, Davidson et coll. (voir par exemple Davidson, Ekman, Saron, Senulis
et Friesen, 1990 ; Davidson, Jackson et Kalin, 2000), ainsi que d’autres labo-
ratoires, ont démontré que la latéralisation de l’activation préfrontale d’un sujet
au repos exprime son style émotionnel, c’est-à-dire la manière avec laquelle il a
tendance à répondre à des situations émotionnelles. Essentiellement, un sujet
psychiquement sain et équilibré serait caractérisé par une activation équili-
brée entre les deux cortex préfrontaux (van Honk et Schutter, 2006), voire
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par une hyper-activation du CPF gauche. La latéralisation de l’activité
préfrontale est habituellement inférée en mesurant au repos, à l’aide de l’EEG, la
puissance d’oscillations dans la bande de fréquence Alpha (8-12 Hz). Dans
ce contexte, la fréquence Alpha est vue comme le corrélat d’une activité
neuronale réduite (mais d’autres conçoivent Alpha différemment, voir Cooper,
Croft, Dominey, Burgess et Gruzelier, 2003 ; Schutter, de Haan et Van Honk,
2004). La fréquence Alpha mesurée par des électrodes placées sur la partie
gauche du front est ensuite soustraite de celle mesurée sur la partie droite du
front. Le sujet est dit avoir un style affectif d’autant plus positif (et une tendance
à l’approche) que son index de latéralisation est positif. Un index de latérali-
sation négatif, par contre, va de paire avec une tendance à la dépression et
des comportements d’évitement. Initialement, Davidson et ses collègues
pensaient que l’asymétrie de l’Alpha était un marqueur associé aux traits de
la personnalité, mais le fait que des sujets entraînés puissent volontairement
modifier leur asymétrie d’Alpha (Rosenfeld et Baehr, 2004) semble plutôt
suggérer qu’il s’agit d’un marqueur de l’état situationnel de la personne.

II
I II I

III III
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

IV
IV

Figure 8.4
Aires de Brodmann sur la face latérale (gauche) et médiane (droit) du cerveau
humain. Cortex : frontal (I), pariétal (II), occipital (III), et temporal (IV).

Le développement d’autres techniques d’imagerie cérébrale, comme la TEP


et l’IRM, ont permis d’explorer d’avantage le rôle des structures sous-corticales
280 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

(et l’échange entre réseaux corticaux et sous-corticaux) dans la genèse de


l’émotion et dans sa régulation. En se basant entre autres sur les résultats
d’études d’imagerie cérébrale, Davidson, Putnam et Larson (2000) ont proposé
un modèle des bases neuronales de l’émotion et de la régulation émotion-
nelle (voir figure 8.5). Ce modèle inclut quatre structures dans chacun des
hémisphères. Ainsi, l’amygdale, qui est une structure sous-corticale, serait
cruciale pour l’acquisition des contingences de récompense et punition et
pour la détection de stimuli importants (Sander, Grafman et Zalla, 2003). Le
cortex orbitofrontal (COF), se situant au-dessus des orbites, serait impliqué
dans la représentation d’états émotionnels positifs et négatifs et jouerait un
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rôle dans l’apprentissage au moment où les contingences et/ou le contexte
changent. Le cortex cingulaire antérieur (CCA), localisé dans la partie médiane
et profonde du cortex préfrontal, serait capable de reconnaître des conflits
intérieurs et extérieurs (par exemple entre différentes motivations ou entre
objectifs et circonstances). Enfin, le cortex dorsolatéral préfrontal (CDLPF),
sur la partie haute et latérale du cortex préfrontal, serait à l’origine du style
affectif général et des stratégies de régulation. Ce système neuronal se trou-
verait dans un état d’équilibre, chez le sujet sain, grâce notamment à l’inhibi-
tion de l’amygdale par des projections descendantes originaires du COF. En
contraste, des excès d’agressivité et des difficultés dans la régulation des
émotions pourraient être dûs à des insuffisances (structurelles et/ou fonction-
nelles) des régions préfrontales (suite à une lésion ou à un approvisionnement
anomale du neurotransmetteur sérotonine) qui amèneraient à une hyper-
activation amygdalienne. En support de ces hypothèses, une réduction de la
matière grise préfrontale a été mesurée chez des sujets avec trouble de la
personnalité antisociale (Raine, Lencz, Bihrle, LaCasse, et Colletti, 2000).
Par ailleurs, Tillfors et coll. (2001) ont rapporté une diminution du flux sanguin
dans le COF et le lobe temporal, et une augmentation de l’activité sous-corti-
cale, chez des phobiques sociaux devant parler en public. L’anomalie inverse,
c’est-à-dire une hypo-activation de l’amygdale (avec ou sans dysfonctionnement
préfrontal), semblerait être la cause d’une sensibilité réduite aux stimuli
sociaux, pouvant aboutir à des troubles psychotiques (Blair, 2003 ; voir aussi
Rilling et al., 2006).
En résumé, le réseau neuronal, sous-jacent à l’émotion et à la régulation
émotionnelle, proposé par Davidson et ses collègues, différencie plusieurs
aires cérébrales. D’un côté, des structures sous-corticales/limbiques sont impli-
quées dans l’apprentissage et les processus émotionnels de base (par exemple les
contingences de récompense/punition), d’un autre côté, plusieurs aires corti-
cales préfrontales sous-tendent une évaluation plus fine des stimuli (COF), la
reconnaissance de conflits internes/externes (CCA), et la production et la
mise en place de stratégies de régulation émotionnelle (CDLPF). De plus, le
style affectif général d’une personne correspond à son asymétrie d’activation
préfrontale. Ce modèle est largement accepté par la communauté scientifique,
mais reste malheureusement peu précis quant à sa spécification neuronale.
LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS 281

A B
II II
I I
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C D

(A) Cortex orbitofrontal (I) et cortex ventromédian préfrontal (II). (B) Cortex
dorsolateral préfrontal. (C) Amygdale. (D) Cortex cingulaire antérieur.
Figure 8.5
Structures neuronales principales dans l’émotion et la régulation émotionnelle
(selon Davison, Putnam et Larson, 2000).

Beauregard, Lévesque et Bourgouin (2001) ont utilisé l’IRMf pour confirmer


la pertinence du modèle proposé par Davidson, Putnam et Larson (2000).
Des participants masculins ont été scannés pendant qu’ils regardaient des
films sexuellement excitants. Dans une des conditions, les sujets devaient
essayer de se sentir plus éloignés des films en acquérant un regard détaché
(ce qui semble correspondre à la réévaluation cognitive centrée sur soi). Dans
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

cette condition, les participants ont, en moyenne, indiqué avoir ressenti moins
d’excitation sexuelle que dans la condition où ils devaient seulement regarder
les films, sans besoin de s’en détacher. Des films émotionnellement neutres
constituaient les stimuli de contrôle. En réponse au visionnement passif des
films sexuellement stimulants, une hausse d’activité neuronale a été enregis-
trée dans l’amygdale droite, le lobe temporal antérieur droit (aire de Brod-
mann [AB] 38) et l’hypothalamus. La régulation de son excitation sexuelle a
essentiellement causé une augmentation de l’activation neuronale dans le
gyrus supérieur frontal droit (AB 10, qui fait partie du CDLPF) et dans le
CCA droit (AB 32). Alors que l’excitation sexuelle n’est habituellement pas
282 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

considérée comme une véritable émotion, les résultats de cette étude vont
néanmoins dans la direction du modèle proposé par Davidson et ses collègues.
Par la suite, le groupe de Beauregard a publié deux études sur les bases
neuronales de la réévaluation cognitive utilisée pour diminuer les sentiments
de détresse (Levesque et al., 2003, 2004). Comme leurs résultats le suggèrent,
la détresse est associée à une augmentation d’activité dans l’amygdale gauche,
l’insula gauche, le cortex ventro-latéral préfrontal (CVLPF, AB 47), le cortex
préfrontal médian (CPFM, AB 10), le pôle temporal antérieur (AB 38, 21) et
le diencéphale. La diminution de la détresse à travers la réévaluation cogni-
tive est accompagnée d’une hausse d’activation dans le cortex préfrontal
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latéral (CPFL, AB 9, 10), le CPFM (BA 9, 10), le COF (AB 11), le CVLPF
(AB 47), le CDLPF droit et la partie rostrale du CCA droit (AB 24, 32). En
général, le CPF semble être plus actif pendant la réévaluation cognitive de la
détresse chez les enfants de huit à dix ans que chez les adultes. Ces résultats
sont en accord avec le fait que le CPF continue à se développer tout au long
de l’enfance.
Sur la base de leurs recherches par IRMf et des données provenant de la
neuropsychologie clinique, Beauregard, Lévesque et Paquette (2004) ont
modélisé les bases neuronales de la régulation émotionnelle de la manière
suivante (voir figure 8.6). Selon ces auteurs, « D’abord, le cortex préfrontal laté-
ral (CPFL, AB 9, 10) maintient les instructions données au sujet, sélectionne les
opérations cognitives appropriées pour produire les résultats souhaités (par
exemple suppression de la réponse émotionnelle induite par les films
émotionnels) et envoie une commande exécutive au COF (AB 11) qui est
chargé de la suppression des différentes dimensions associées à l’émotion.
Ensuite, le COF envoie un message à l’amygdale qui est amenée à changer
son interprétation de la signification émotionnelle des stimuli présentés. En
retour, le COF est informé de cette réinterprétation cognitive à travers les
projections bidirectionnelles qui le lient à l’amygdale. Le COF commande
alors au CCA (AB 24, 32) de moduler l’activité de structures impliquées
dans le fonctionnement autonomique, viscéral et endocrinien (par exemple
l’hypothalamus, l’insula, le mésencéphale et les noyaux du tronc cérébral).
À la suite de ces opérations, le CCA retransmet au COF des informations
concernant l’état émotionnel de l’organisme d’un point de vue physiologi-
que. Puis, le COF informe le pôle temporal antérieur (AB 21, 38) de modifier
son attribution de la couleur émotionnelle à l’expérience personnelle.
Ensuite, le COF informe le cortex préfrontal médial (CPFM, BA 10) sur les
différents changements en relation à l’état émotionnel de l’individu. Ceci
permet au CPFM de mener une analyse métacognitive de l’expérience
subjective d’un point de vue émotionnel. Enfin, le feedback du CPFM auto-
rise le COF à informer le CPFL si oui ou non l’état émotionnel actuel du
sujet doit être modifié ultérieurement (cognitivement, physiologiquement,
par rapport au ressenti subjectif, ou le comportement) » (Beauregard et al.,
2004, p. 181 à 182, traduit par l’auteur).
LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS 283

Cortex préfrontal Pôle temporal


médial (BA 10) antérieur (BA 21/28)

9 10 7 8

1 2
Cortex préfrontal Cortex orbitofrontal Amygdala
latéral (BA 9/10) 11 (BA 9/10) 3

4 6
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Cortex cingulaire antérieur
(BA 24/32)

5a 5b 5c 5d

Hypothalamus Insula Mésencéphale Noyaux du tronc

Les numéros correspondent à l’ordre temporel du flux d’informations d’une structure


à l’autre.
Figure 8.6
Modèle des bases neuronales de la régulation émotionnelle
proposé par Beauregard, Lévesque et Paquette (2004)

Kevin Ochsner a également investigué les bases neuronales de la régula-


tion émotionnelle en utilisant l’IRMf. De plus, ce chercheur a fait l’effort de
proposer un modèle neuronal du traitement de l’information émotionnelle et
des processus de régulation de l’émotion. Ochsner et Feldman Barrett (2001)
spéculent qu’il existe deux formes de traitement émotionnel dans le cerveau
humain. D’un côté, les processus d’évaluation de l’environnement qui sont
automatiques, rapides et demandant peu d’effort, se font dans des structures
sous-corticales comme l’amygdale (pour le danger) et les ganglions de la
base (pour la récompense). D’un autre côté, ils nécessitent également l’appui des
cortex associatifs latéraux et préfrontaux (qui récupèrent du savoir sémantique
sur l’émotion pour attribuer des qualités émotionnelles aux stimuli et pour
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

planifier des stratégies pour les gérer). Ces processus automatiques permet-
tent, par exemple, de classer les événements comme étant positifs ou négatifs
et donc de reconnaître au plus vite des dangers ou des récompenses poten-
tiels, afin d’assurer la survie de l’individu. D’autres processus sont plus lents
et coûteux en termes de ressources cognitives. Ils prennent lieu au moment
où nous dirigeons consciemment notre attention sur (ou loin de) un événe-
ment spécifique, une pensée, une sensation ou quand nous recherchons de
l’information dans notre mémoire ou encore quand nous décidons d’effectuer
ou d’inhiber une action ou un comportement. Ce genre d’actions mentales
requiert l’activation du CCA, du COF ventral et médial et des cortex associatifs
284 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

préfrontaux (qui interviennent donc à la fois dans les processus émotionnels


automatiques et volontaires).
Dans une modélisation plus récente, Ochsner et Gross (2005) proposent que
les réactions émotionnelles automatiques qui sont générées essentiellement
par des structures affectives sous-corticales (comme l’amygdale) peuvent
être inhibées et contrôlées par l’activité de deux systèmes préfrontaux diffé-
rents. Le système de contrôle ventral inclut le CPF ventral et le COF. Il
évalue la valeur émotionnelle du stimulus dans son contexte et sélectionne
les actions de réponses appropriées. Le CPF ventral et le COF sont d’ailleurs
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fortement interconnectés avec l’amygdale, le noyau accumbens et d’autres
structures affectives sous-corticales. Le système de contrôle dorsal comprend
des aires plus dorsales et latérales du CPF, comme le CDLPF et le CPFL. Il
serait impliqué dans le raisonnement explicite sur les associations entre
stimuli et réponses et sur comment celles-ci peuvent être modifiées. Au
contraire du système ventral, le système de contrôle dorsal n’a que peu de
connexions directes avec les zones sous-corticales mentionnées ci-dessus,
qu’il peut néanmoins influencer indirectement à travers le système ventral ou
à travers des systèmes perceptifs et de mémoire associative. Selon Ochsner
et Gross (2005), les formes les plus simples de régulation émotionnelle, que
l’on rencontre par exemple dans le règne animal, sont essentiellement accom-
plies par le système de contrôle ventral, se trouvant dans les parties basses et
médianes du CPF. Les formes de régulation émotionnelle à caractère plus
cognitif, typiques de l’humain (par exemple la réévaluation cognitive),
nécessitent en plus l’action du système de contrôle dorsal et donc des aires
dorsales et latérales du CPF. On retrouve ainsi des substrats neuronaux diffé-
rents pour les formes plus automatiques et plus volontaires de la régulation
émotionnelle (voir le continuum proposé dans la section « types de régula-
tion émotionnelle »). En lien avec ces propos, Schaefer et collègues (2003) ont
trouvé qu’un traitement holistique et général de l’information émotionnelle
est associé à l’activité du CPF ventro-médian (CPFVM, AB 10, 32), alors
qu’un traitement plus spécifique et détaillé fait recours au CPFL (AB 10).
À travers plusieurs études, Ochsner et son groupe ont investigué les bases
cérébrales de la réévaluation cognitive consciente (voir par exemple, Ochsner,
Bunge, Gross et Gabrieli, 2002 ; Ochsner et al., 2004). De façon intéressante,
leurs résultats montrent que la réduction de l’émotion négative à travers la
réévaluation cognitive est spécifiquement associée à l’activité du CDLPF droit
(AB 6, 8, 9 ; ce résultat s’oppose donc aux postulats de Davidson, qui conçoit
le CPF droit comme étant lui-même à l’origine d’émotions négatives, telle la
détresse) et du COF latéral (AB 44, 47). L’utilisation de la réévaluation
cognitive pour augmenter son émotion négative est par contre associée à l’acti-
vation du CPFM rostral gauche (AB 9, 10) et du cortex cingulaire postérieur
(AB 23, 30, 31). D’autres structures (le CPFL dorsal et ventral, le CPFM
dorsal et le CCA) sont activées par la réévaluation cognitive, indépendamment
de la direction (inhibition ou augmentation) de la modulation émotionnelle.
LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS 285

Enfin, Ochsner et ses collègues ont mis en évidence qu’au moins deux types de
réévaluation cognitive existent. Ils sont mis en place par des réseaux neuro-
naux différents. La réévaluation centrée sur soi recrute surtout des structures
préfrontales médianes, alors que la réévaluation centrée sur la situation est
opérée par les aires plutôt latérales du CPF.
En résumé, la plupart des modèles actuels proposent que les processus de
régulation émotionnelle soient mis en place par des structures préfrontales
(par exemple le CDLPF et le COF), qui vont inhiber ou modifier les premières
réponses affectives générées par des structures sous-corticales (par exemple
l’amygdale). L’identité et l’entre-agencement des aires préfrontales impliquées
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peuvent varier d’un modèle à l’autre. Enfin, une différenciation de plus en plus
fine des aires (préfrontales) jouant un rôle dans la régulation émotionnelle
est en train de voir le jour. Malheureusement, la nomenclature utilisée dans
la littérature ne suit pas toujours les mêmes standards.

CONCLUSION

L’actuel domaine de recherche sur les processus de régulation émotionnelle


est passionnant et en plein développement. Il amène à une compréhension plus
approfondie de comment les gens parviennent à contrôler, de manière consciente
ou inconsciente, leurs affects. De plus, on peut s’attendre à des retombées
importantes dans le domaine clinique, où les résultats d’études empiriques pour-
raient amener à une amélioration des techniques d’intervention thérapeutique.
Néanmoins, beaucoup de chemin reste à faire. Un des points principaux
que les chercheurs dans le domaine de la régulation émotionnelle devront
essayer de surmonter dans le futur est d’établir des définitions claires et
partagées de manière unanime sur ce qu’est une émotion et sur quels processus
cognitifs sont de l’ordre de la régulation émotionnelle. En effet, surtout les
formes de régulation plus automatiques et rapides ne sont que difficilement
dissociables des processus qui vont générer l’émotion elle-même. Ainsi, la
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

plupart des études en IRMf publiées jusqu’à présent peuvent difficilement


faire la distinction entre activations cérébrales spécifiquement dues à la régu-
lation émotionnelle (par exemple la réévaluation cognitive), et activations qui
par contre sous-tendent un effort cognitif non spécifique. En effet, plusieurs
auteurs ont suggéré que les activations neuronales en lien avec des tâches
émotionnelles ou cognitives se suppriment mutuellement (Blair et al., 2007 ;
Dolcos et McCarhy, 2006 ; Drevets et Raichle, 1998 ; Mitchell et al., 2006).
Un des objectifs futurs sera donc d’essayer de trouver la manière de cerner
l’activation neuronale spécifique à une certaine forme de régulation émotion-
nelle, par exemple en utilisant des paradigmes expérimentaux factoriels
complets (voir Kalisch et al., 2005).
286 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

Par ailleurs, peu de travaux ont jusqu’à maintenant étudié la nature et les
corrélats des différences individuelles dans l’utilisation et la performance de
la régulation émotionnelle. Une autre question importante est de savoir si des
différences interindividuelles dans des mécanismes de contrôle cognitif de
base (par exemple attention soutenue, concentration) peuvent prédire des diffé-
rences individuelles dans la capacité à réguler ses émotions. Ce lien devient
en effet plausible à travers la proposition, faite par Ochsner et Gross (2005),
que les aires préfrontales impliquées dans des tâches cognitives de haut niveau
seraient en grande partie également indispensables à la régulation émotion-
nelle consciente, telle la réévaluation cognitive. Des futures recherches pour-
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raient également adresser en profondeur la question du lien entre régulation
émotionnelle et psychopathologie. Par exemple, il semblerait que des indivi-
dus souffrant de troubles d’anxiété ou d’humeur aient la tendance à évaluer
leurs réactions émotives comme étant inappropriés, et que cette vision les
amène à utiliser de mauvaises stratégies de régulation telle que la suppres-
sion (Campbell-Sills, Barlow, Brown, et Hofmann, 2006). Enfin, une étude
publiée récemment suggère que toute tentative d’autocontrôle requiert un
certain taux de glucose dans le sang, sans lequel nos émotions se laissent
difficilement maîtriser (Gailliot et al., 2007). Une pause goûter peut donc
être bénéfique dans les moments où l’on se sent bouleversé ou submergé par
nos réactions émotionnelles.

LECTURES CONSEILLÉES

Définition de la régulation émotionnelle


GROSS J.-J. (1998). « The emerging field of emotion regulation : An integrative
review ». Review of General Psychology, 2 (3), 271-299.
THOMPSON R.A. (1994). « Emotion regulation : a theme in search of definition ».
Monographs of the Society for Research in Child Development, 59 (2-3), 25-52

Histoire de la régulation émotionnelle


CHABROL H., CALLAHAN S. (2004). Mécanismes de défense et coping. Paris, Dunod.
OCHSNER K.N., GROSS J.-J. (2005). « The cognitive control of emotion ». Trends in
Cognitive Science, 9 (5), 242-249.

Pourquoi réguler ?
BONANNO G.A. (2001). « Emotion self-regulation ». In T.J. Mayne et G.A. Bonanno
(éd.), Emotions : Current Issues and Future Directions (p. 251-285). New
York/Londres, The Guilford Press.
LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS 287

FISCHER A.H., MANSTEAD A.S.R., EVERS C., TIMMERS M., VALK G. (2004). « Moti-
ves and norms underlying emotion regulation ». In P. Philippot et R.S. Feldman
(éd.), The Regulation of Emotion (p. 415). Mahwah, New Jersey, Lawrence
Erlbaum Associates, Publishers.

Types de régulation émotionnelle


OCHSNER K.N., GROSS J.-J. (2005). « The cognitive control of emotion ». Trends in
Cognitive Science, 9 (5), 242-249.
GROSS J.-J., THOMPSON R.A. (2007). « Emotion regulation : Conceptual founda-
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tions ». In J.-J. Gross (éd.), Handbook of Emotion Regulation. New York, Guilford.

Effets cognitifs et physiologiques de la régulation émotionnelle


BUTLER E.A., GROSS J.-J. (2004). « Hiding feelings in social contexts : Out of sight
is not out of mind ». In P. Philippot et R.S. Feldman (éd.), The Regulation of
Emotion (p. 101-126). Mahwah, New Jersey, Lawrence Erlbaum Associates.
GROSS J.-J. (2002). « Emotion regulation : affective, cognitive, and social consequen-
ces ». Psychophysiology, 39 (3), 281-291.

Les bases neuronales de la régulation émotionnelle


BEAUREGARD M., LÉVESQUE J., PAQUETTE V. (2004). « Neural basis of conscious and
voluntary self-regulation of emotion ». In M. Beauregard (éd.), Consciousness,
Emotional Self-Regulation and the Brain (p. 163-194). Amsterdam, John Benjamins.
DAVIDSON R.J., PUTNAM K.M., LARSON C.L. (2000). « Dysfunction in the neural
circuitry of emotion regulation – a possible prelude to violence ». Science, 289
(5479), 591-594.
OCHSNER K.N. (2005). « Characterizing the functional architecture of affect regula-
tion : Emerging answers and outstanding questions ». In J.T. Cacioppo, V.P.S. et
C.L. Pickett (éd.), Social Neuroscience : People Thinking about Thinking People
(p. 245-268). Cambridge, MIT Press.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

SITES WEB

Site du laboratoire de psychophysiologie de Stanford (Gross et collègues) :


http://psychology.stanford.edu/~psyphy/index.html
Site du laboratoire de neuropsychologie de la conscience et des émotions (Beauregard
et collègues) : http://www.mapageweb.umontreal.ca/beauregm/
Site du laboratoire de régulation émotionnelle de l’université de Denver (Mauss et
collègues) : http://www.du.edu/psychology/people/mauss.html
288 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

QUELQUES EXPÉRIENCES
FONDAMENTALES

Ochsner et coll. (2002) ont été parmi les premiers à publier une étude en IRMf
sur la régulation émotionnelle. Ces auteurs ont présenté à leurs participants
(quinze femmes sans problème psychique ou neurologique) des images à
contenu émotionnel négatif et des images émotionnellement neutres. Dans la
condition contrôle, les participants devaient simplement regarder les images,
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sans essayer d’agir sur leur ressenti. Dans la condition expérimentale, par
contre, on leur demandait de réévaluer et réinterpréter la situation présentée
sur l’image afin qu’elle ne suscite plus (ou suscite moins) d’émotions négatives.
Le ressenti émotionnel subjectif – reporté après chaque essai – était moins
négatif dans la condition réévaluation que dans la condition contrôle. De plus,
les résultats de cette étude ont révélé une augmentation de l’activité neuronale
dans des régions préfrontales latérales et médianes, ainsi qu’une activation
réduite de l’amygdale et du cortex orbito-frontal médian pendant la réévaluation
cognitive.
Gross et Levenson (1993) ont étudié la stratégie de suppression de l’expres-
sion émotionnelle. Leurs sujets (quatre-vingt-cinq hommes et femmes) ont
visionné un extrait de film élicitant du dégoût, soit en pouvant exprimer libre-
ment leur ressenti émotionnel (condition contrôle), soit en devant se comporter
de manière à ce que personne puisse distinguer leur ressenti émotionnel
(condition suppression). Comme les résultats le démontrent, la suppression
consciente de l’expression émotionnelle réduit tout comportement expressif
et entraîne une augmentation de l’activité du système nerveux sympathique
(ce qui revient à une hausse d’activité physiologique). Par contre, la suppression
ne réduit point le ressenti subjectif émotionnel et laisse donc inchangées les
sensations de dégoût.
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STRESS ET COPING :
UN ÉTAT DES LIEUX1
Chapitre 9

1. Par Ofra Hazanov, Susanne Kaiser et Stéphane With.


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INTRODUCTION

Le fait d’être confronté à des stresseurs plus ou moins fréquents et intenses


est connu pour avoir un effet délétère tant sur le bien-être que sur la santé
physique et mentale (Avison et Gotlib, 1994 ; DeLongis, Folkman et Lazarus,
1988 ; Lester, 1994). Les effets potentiellement négatifs de l’exposition
fréquente à des stresseurs sont modérés par différents facteurs, dont notam-
ment les stratégies de gestion dites de « coping » (Holahan et Moos, 1994 ;
Turner et Roszell, 1994).
De manière générale, la notion de coping se réfère à toutes les stratégies
comportementales et cognitives qu’il est possible de mettre en œuvre pour
faire face à une situation stressante. À ce jour, plus d’une trentaine de défini-
tions du concept de coping ont été élaborées et discutées (De Ridder, 1997).
Ces définitions diffèrent les unes des autres principalement quant à la stabilité
ou à la variabilité des choix de coping individuels en fonction des paramètres
changeants d’une situation, quant à la nature automatisée ou consciemment
planifiées des stratégies de gestion, et enfin quant à l’étendue du domaine
d’application des stratégies de coping (fonctionnement général versus limité
à des situations stressantes).
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

1 ORIGINES DU CONCEPT DE COPING

Historiquement, le concept de coping peut être relié à deux domaines de


recherche éloignés, tant d’un point de vue théorique que méthodologique :
l’expérimentation sur le comportement animalier d’un côté et le courant
psychanalytique de la psychologie du moi de l’autre (Lazarus et Folkman,
292 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

1984). Dans l’approche expérimentale suivant une tradition évolutionniste


darwinienne, des auteurs comme Miller ou Ursin – cités par Lazarus (Lazarus
et Folkman, 1984, p. 118) – ont montré que la survie d’un animal dépendait
de sa capacité à découvrir dans son environnement ce qui est prédictible et
contrôlable pour éviter ou surmonter des dangers. D’après Lazarus (Lazarus
et Folkman, 1984), le coping chez l’animal est un mécanisme vital, qui
consiste à agir pour contrôler les conditions environnementales aversives, dans
le but de réduire d’éventuels troubles psychophysiologiques, principalement
au moyen de comportements de fuite et d’évitement.
Différents auteurs (Parker et Endler, 1996 ; Snyder et Dinoff, 1999) situent
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les premières recherches sur le coping dans les années 1960, dans le cadre de
travaux psychanalytiques portant sur les mécanismes de défense tels qu’initiale-
ment décrits par Freud, puis surtout développé par sa fille Anna (Freud, 2001).
La fonction de ces mécanismes de défense serait de maintenir, voire de restaurer,
une sorte d’« homéostasie psychologique » lorsque celle-ci est menacée par
des conflits d’origine intrapsychiques (Vaillant, 1971, p. 107).
Plusieurs modèles classifient les mécanismes de défense sur un continuum
allant des stratégies les plus archaïques et inadaptées aux plus matures et
typiques d’un fonctionnement adaptatif (Haan, 1965, 1969 ; Vaillant, 1971).
Initialement conçus comme des mécanismes principalement inconscients,
l’accent a ensuite de plus en plus été mis sur les stratégies conscientes qu’il
est possible de mettre en œuvre pour faire face à une situation stressante,
autonomisant progressivement l’étude des stratégies de coping du domaine
de la psychanalyse dont elle est partiellement issue (Parker et Endler, 1996 ;
Snyder et Dinoff, 1999).

2 LA RECHERCHE SUR LE COPING

Deux approches ont prédominé la conceptualisation et la recherche sur le


coping ; elles ont parfois été décrites dans la littérature en termes d’approche
différentielle et situationnelle (Parker et Endler, 1996). Partant de l’idée qu’un
certain nombre de caractéristiques relativement stables de l’individu le prédis-
posent à agir d’une manière plutôt que d’une autre lors de situations stressantes,
de nombreux auteurs ont postulé l’existence de différences inter-individuelles
stables en termes de préférences dans le choix des stratégies de coping, lors-
que celui-ci est observé à différents moments dans le temps et pour différents
types de situations stressantes (Terry, 1994). Pour expliquer ces différences
individuelles, les chercheurs ont fait appel à deux concepts différents : celui
de trait de personnalité et celui de style de coping.
L’explication basée sur la notion de trait de personnalité consiste à rechercher
des liens stables entre des traits de personnalité d’un côté et des stratégies de
STRESS ET COPING : UN ÉTAT DES LIEUX 293

coping de l’autre, dans l’idée que les premiers prédisposeraient l’individu à


réagir d’une manière plutôt que d’une autre (Costa, Somerfield, et McCrae,
1996) dans certaines situations de stress (Lazarus et Folkman, 1984).
La notion de style de coping semble plus inclusive que celle de trait (Lazarus
et Folkman, 1984) ; elle fait référence à une disposition relativement stable
qui, quelle que soit la situation que l’individu rencontre, influencerait le
choix de ses stratégies de coping (Terry, 1994, p. 896).
Le « modèle transactionnel du stress et du coping » développé par Lazarus
(Lazarus et Folkman, 1984 ; Monat et Lazarus, 1977) est emblématique de
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la seconde approche dite situationnelle ou contextuelle (Holahan, Moos et
Schaefer, 1996). Ce modèle effectue un rapprochement entre deux domaines
de recherche qui, à notre connaissance, n’avaient jusque-là pas été envisagés
conjointement de manière systématique, à savoir celui du stress et celui du
coping. Jusque-là, le coping avait surtout été considéré comme une caracté-
ristique propre au fonctionnement de l’individu, certes observable dans des
situations de stress, mais pas exclusivement. Quant au stress, la façon dont il
avait été conçu avant l’apparition du modèle transactionnel est résumée ci-après.

3 LE CONCEPT DE STRESS

En psychologie, avant d’être défini par Lazarus dans une perspective transaction-
nelle, le stress a tantôt été assimilé à la réaction d’un organisme face à une
demande qui excède ses ressources (réponse de stress), tantôt à l’événement
déclencheur qui suscite cette réaction (situation stressante).
C’est dans une perspective essentiellement physiologique, en référence
aux travaux de Hans Selye, que le stress a été défini comme une réaction non
spécifique de l’organisme, qui a lieu lorsqu’un organisme est confronté à des
agressions physiques diverses, dénommées « stresseurs » (Rivolier, 1989).
En 1936, Selye décrit le « syndrome du stress », qu’il nomme alors « syndrome
général d’adaptation » (SGA) et qui comprend trois phases (Selye, 1977,
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

p. 32-34) : une réaction initiale d’alarme, une phase de résistance ou d’adap-


tation et enfin une phase d’épuisement pouvant aller jusqu’à la mort.
Selon Rivolier (1989), c’est plus tard qu’est apparue l’idée qu’un stresseur
pouvait également être de type psychologique, et que les composantes
physiologiques, psychologiques et comportementales de la réponse de stress,
ont commencé à être étudiées conjointement. D’après ce même auteur, en
psychologie comme en médecine, on pensait depuis longtemps que certaines
étapes du cycle de vie, de même que certains changements d’origine psycho-
sociaux, nécessitaient un effort d’adaptation de la part de l’individu et pouvaient
de ce fait représenter un événement stressant.
294 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

À partir des années 1960, le stress a commencé à être considéré comme


une partie intégrante de la condition humaine au sens où, selon Lazarus
(Lazarus et Folkman, 1984), chaque individu rencontre forcément au cours
de son existence un certain nombre d’événements stressants qui l’affectent et
auxquels il doit s’ajuster. Des auteurs comme Holmes et Rahe (Holmes et Rahe,
1967 ; Rahe et Arthur, 1977) ont alors émis l’hypothèse d’un lien causal entre
des changements de vie – ou plus précisément des événements qui entraînent
un changement de vie à différents niveaux – et, parallèlement, une augmen-
tation de la vulnérabilité des individus face à la maladie (Rivolier, 1989).
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Les premiers travaux basés sur cette définition du stress ont porté surtout sur
des événements de vie majeurs (Avison et Gotlib, 1994), comme par exemple le
décès d’un proche, le chômage, le divorce, etc. La nature des stresseurs étudiés
s’est ensuite progressivement diversifiée (Avison et Gotlib, 1994), notamment
après que certains auteurs aient émis l’hypothèse selon laquelle l’impact de
tracas quotidiens mineurs mais répétitifs pourrait jouer un rôle plus impor-
tant sur la santé et le bien-être que des événements de vie certes plus impor-
tants mais aussi relativement peu fréquents (Kanner, Coyne, Schaefer et
Lazarus, 1981 ; Lazarus et Folkman, 1984). Ces tracas ou daily hassles font
référence aux petits problèmes de tous les jours, tels que le chien qui vomit
sur la moquette ou une dispute conjugale (Lazarus et Folkman, 1984, p. 13).
S’il est nécessaire de décrire et d’étudier ces différents types de stresseurs,
il ne faut pas pour autant oublier qu’ils sont considérés comme stressants sur
la base de la réaction qu’ils provoquent chez une majorité d’individus (Lazarus
et Folkman, 1984). Cette conception du stress, à l’instar de la précédente qui
le définit comme une réponse, tient très peu compte des différences indi-
viduelles. Elle souffre en effet d’un problème de circularité (Lazarus et
Folkman, 1984) : la spécificité d’une réaction de stress (par rapport à d’autres
réponses) réside dans le fait qu’elle a été provoquée par un stresseur et la
spécificité de ce dernier (par rapport à d’autres situations) repose sur la réaction
de stress qu’il a provoquée. Le stress ne peut donc pas être défini de manière
systématique sans que la relation entre un stimulus et une réponse soit considérée
ensemble (Lazarus et Folkman, 1984).

4 LE MODÈLE TRANSACTIONNEL
DU STRESS ET DU COPING

C’est dans un contexte scientifique interdisciplinaire que s’est développée l’idée


qu’il était nécessaire de considérer le stress psychologique comme « une
relation particulière entre une personne et son environnement qui est évaluée
subjectivement comme excédant ses ressources et menaçant son bien-être »
(Lazarus et Folkman, 1984, p. 19).
STRESS ET COPING : UN ÉTAT DES LIEUX 295

Envisagé dans une perspective à la fois dynamique et systémique (Rivolier,


1989), le stress devient une notion qui intègre à la fois des variables contex-
tuelles et des processus d’évaluation cognitive (Lazarus et Folkman, 1984).
Développé au départ comme modèle explicatif du stress et de coping, le
modèle transactionnel a ensuite été développé et reformulé pour s’appliquer aux
théories cognitives-motivationnelles-relationnelles des émotions (Lazarus,
1991).
Une synthèse de ce modèle, qui tient compte des écrits récents de Lazarus
(1991, 2001) et des adjonctions pertinentes par rapport aux notions de stress et
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de coping qui ont pu être faites, est présentée ci-dessous.
Le terme « transactionnel » fait référence au fait que la personne et l’environ-
nement sont considérés comme entretenant une relation dynamique, mutuel-
lement réciproque et bidirectionnelle (Folkman, Lazarus, Gruen, et DeLongis,
1986, p. 572). Lorsque cette relation est évaluée par l’individu comme excédant
ses ressources et menaçant son bien-être, on parle alors de stress. Deux processus
médiatisent le lien entre une telle relation personne-stresseur, et les consé-
quences que celle-ci peut avoir à court, moyen et long terme : l’évaluation
cognitive de la situation et le choix des stratégies de coping (Folkman et al.,
1986).

4.1 L’évaluation cognitive


Le modèle transactionnel est fondé sur l’idée que l’individu évalue en perma-
nence sa relation à l’environnement, et ce, relativement aux implications que
cette relation peut avoir pour son bien-être personnel et l’atteinte de ses buts
(Lazarus, 2001). Le terme d’évaluation dépasse la simple notion de traite-
ment de l’information (Lazarus et Folkman, 1984) et fait référence ici au fait
que l’individu, par l’intermédiaire de ce processus, considère la signification
de ce qui se passe pour lui personnellement (Lazarus, 2001).
Le processus d’évaluation a une fonction adaptative qui consiste à trouver
un équilibre entre deux types d’influences : celles des réalités de l’environne-
ment (demandes, contraintes, ressources) et celles des intérêts de la personne
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

dans la situation (Lazarus, 1991, p. 135). Il est en effet nécessaire de percevoir la


réalité environnementale de manière suffisamment lucide pour pouvoir s’y
adapter, tout en restant optimiste et en conservant les indispensables illusions
qui protègent l’estime de soi (Lazarus, 1991).
Selon Lazarus et Folkman (1984), l’évaluation cognitive se fait principale-
ment par deux processus cognitifs : l’« évaluation primaire » (primary apprai-
sal) et l’évaluation secondaire (secondary appraisal) (Lazarus et Folkman,
1984). Puisque la relation entre l’individu et son environnement est en constante
évolution, les termes de cette transaction sont constamment reconsidérés au
moyen d’un processus de réévaluation (reappraisal). Ce processus est de
296 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

nature similaire aux processus d’évaluation primaire et secondaire, mais il a lieu


à la suite de ceux-ci, et se réitère au gré des nouvelles informations disponibles
et des réactions de l’individu, modifiant sur cette base les résultats de ces
premières évaluations (Lazarus et Folkman, 1984).

4.1.1 L’évaluation primaire


L’évaluation primaire est le processus par lequel un individu cherche à déter-
miner si et de quelle manière un événement donné est pertinent pour lui, compte
tenu de ses buts, de ses valeurs, et de ses croyances (Lazarus, 2001, p. 42).
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Le processus d’évaluation primaire porte sur deux dimensions : la pertinence
ou non de l’événement par rapport aux buts activés dans une situation est tout
d’abord considérée. Ensuite, le caractère facilitateur ou obstructif de l’événe-
ment par rapport aux buts ou à la satisfaction d’un besoin est pris en compte
(Lazarus, 1991, p. 149). Ce processus d’évaluation aboutit à trois cas de figures
possibles (Lazarus et Folkman, 1984) :
1) l’événement est jugé non pertinent : dans ce cas, rien d’autre n’est à consi-
dérer et l’individu n’y prêtera pas (plus) attention ;
2) l’événement est jugé pertinent et positif : les présentes conditions soit facilitent
la réalisation des objectifs de l’individu (Lazarus, 2001), soit vont dans le sens
d’une préservation voire d’une amélioration de son bien-être (Lazarus et Folk-
man, 1984). Les émotions typiquement ressenties dans ce cas-là sont positi-
ves, comme la joie, le bonheur, la gaieté, etc. (Lazarus et Folkman, 1984) ;
3) la relation à l’environnement est évaluée comme pertinente et stressante
(Lazarus, 2001) c’est-à-dire que la situation entrave ou menace d’entraver
la réalisation d’un but ou la satisfaction d’un besoin (Lazarus, 2001).
Les situations qui nous intéressent ici sont celles concernées par ce troi-
sième cas de figure, mais conformément à la définition transactionnelle du
stress évoquée plus haut, la qualification de « stressante » dépend aussi de
l’évaluation secondaire (Lazarus, 2001)1.

4.1.2 L’évaluation secondaire


Le processus d’évaluation secondaire a lieu lorsque la relation entre l’indi-
vidu et l’environnement a été évaluée comme pertinente et stressante (cas de
figure 3 ci-dessus). Au moyen de ce processus, l’individu cherche à savoir si

1. Dans son texte de 1984 (Lazarus et Folkman, 1984), l’auteur décrit trois types de situations
stressantes (la perte, la menace, le défi) comme résultant de l’évaluation primaire, subordonnés
au cas de figure c). En 2001 (Lazarus, 2001), ces thématiques sont présentées comme résultats
de l’évaluation secondaire. Nous avons choisi de présenter les choses dans cet ordre-là (même si
le terme de stress est déjà employé ici avant qu’il ne soit question de l’évaluation secondaire),
parce que ce dernier correspond à la conceptualisation la plus récente de l’auteur.
STRESS ET COPING : UN ÉTAT DES LIEUX 297

quelque chose doit ou peut être fait, et si oui, quoi. L’évaluation secondaire
porte sur les stratégies de gestion possibles dans la situation, la probabilité de
chacune d’entre elles de parvenir au résultat escompté, la probabilité de les
accomplir de manière efficace, et les conséquences de chacune de ces actions
possibles, de même que les contraintes sociales et intrapsychiques liées à leur
réalisation (Lazarus, 2001 ; Lazarus et Folkman, 1984). Ces différents éléments
de l’évaluation secondaire se résument en trois composantes : le blâme ou le
crédit (qui peuvent être attribués à soi-même ou à un agent externe), le poten-
tiel de coping et les attentes pour le futur (Lazarus, 1991, p. 150). Le choix de
ce qui devra éventuellement être entrepris pour gérer la situation, dépendra du
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résultat de cette évaluation (Lazarus, 2001 ; Lazarus et Folkman, 1984).
Les processus d’évaluation primaire et secondaire sont aussi importants l’un
que l’autre et n’entretiennent pas un ordre spécifique, malgré leur appellation
(Lazarus et Folkman, 1984). Ils interagissent constamment pour déterminer
si la transaction est stressante ou non, et si oui de quelle manière et à quel point
(Lazarus et Folkman, 1984).
Les auteurs regroupent les situations évaluées comme stressantes en trois
catégories thématiques distinctes1 (Lazarus et Folkman, 1984, p. 32-34) :
– le préjudice, le dommage ou la perte : quelque chose a eu lieu qui constitue
un dommage ou une perte pour l’individu, comme par exemple une maladie
ou la perte d’une personne proche. Les émotions attendues lors de telles
situations sont la tristesse, la colère, la déception, la culpabilité et le dégoût
(Folkman et Lazarus, 1985) ;
– la menace : le dommage ou la perte n’ont pas encore eu lieu mais sont
possibles/probables dans le futur. Le fait qu’ils soient prévisibles permet à
l’individu d’avoir recours à des efforts de coping dit anticipatoires (Lazarus
et Folkman, 1984). Les émotions typiquement ressenties lors d’une menace
sont la peur, l’anxiété, l’inquiétude (Folkman et Lazarus, 1985) ;
– le défi : face à un dommage ou à une perte possible, une mobilisation des
efforts de coping est nécessaire comme c’est le cas pour la menace, mais
là, l’évaluation est focalisée sur les gains potentiels de cette transaction et sur
la maîtrise de celle-ci (Lazarus et Folkman, 1984). Les émotions ressenties
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

dans une telle situation sont surtout positives, comme la confiance, l’espoir,
l’impatience (Folkman et Lazarus, 1985).
Notons que ces différentes catégories ne sont à dissocier qu’à des fins
descriptives car en réalité, l’évaluation d’une relation de personne à stresseur
peut être complexe et mixte : une perte passée peut également constituer une

1. Par la suite, une quatrième catégorie thématique a été proposée, le bénéfice (Folkman et Lazarus,
1985 ; Lazarus, 2001). À notre connaissance, il est peu présent dans la littérature sur le stress et
le coping.
298 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

menace pour l’avenir ; une situation de menace peut évoluer et devenir un


défi, etc. (Lazarus, 2001). À titre d’exemple, la perte d’un emploi peut devenir
une menace pour la survie économique d’une personne.
Ces différents processus d’évaluation sont influencés tant par des facteurs
personnels, comme la confiance en soi et la croyance en sa propre efficacité 1,
que par des facteurs situationnels, tels que la nouveauté, la prévisibilité,
l’incertitude des conséquences ou encore la durée d’exposition au stresseur
(Lazarus, 2001, p. 45 ; Lazarus et Folkman, 1984).
Ces différents facteurs, considérés comme des antécédents de l’évaluation
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cognitive, sont interdépendants et contribuent à déterminer si une personne
va évaluer une situation comme représentant une menace ou un défi, et à quel
point sa réaction émotionnelle va être intense (Lazarus, 2001). À partir du
moment où une transaction est évaluée comme stressante, et tant qu’elle est
considérée comme telle, l’individu doit faire quelque chose en rapport avec
ce qui lui arrive et en fonction de la façon dont il a évalué la situation ; c’est
là qu’interviennent les stratégies de coping.

4.2 Les stratégies de coping


Le coping est défini par Lazarus comme « l’ensemble des efforts cognitifs et
comportementaux, constamment changeants, (mis en œuvre) pour gérer des
demandes externes et/ou internes spécifiques qui sont évaluées comme mena-
çantes ou excédant les ressources de la personne2 » (Lazarus et Folkman,
1984, p. 141).
Cette définition a plusieurs particularités si on la compare aux précédentes
conceptualisations du coping : il s’agit d’un processus qui a lieu à un moment
spécifique, et non pas d’une caractéristique stable de l’individu (Lazarus et
Folkman, 1984). Le coping ne comprend ici que ce que la personne fait cons-
ciemment et lors de situations évaluées comme psychologiquement stressantes
(Lazarus et Folkman, 1984). Enfin, il est important de noter que la notion de
stratégies de coping est indépendante de l’efficacité réelle des efforts de
gestion mise en œuvre pour maîtriser une situation évaluée comme stressante
(Lazarus et Folkman, 1984).
Définir le coping en termes de stratégies implique de tenir compte du dérou-
lement temporel de la situation (Lazarus et Folkman, 1984, pp. 142-143).
D’abord, pour décrire le coping, on s’intéressera à ce qu’une personne pense
et/ou fait réellement dans une situation donnée, compte tenu des paramètres
objectifs connus de cette situation. Ensuite, la mesure du coping ne peut être

1. « Self-efficacy belief », voir Bandura (1997).


2. Traduction personnelle.
STRESS ET COPING : UN ÉTAT DES LIEUX 299

statique et doit prendre en compte l’évolution temporelle des paramètres de


la situation en cours : les stratégies de coping étant constamment influencées par
les processus de réévaluation qui permettent à l’individu de tenir compte des
changements qui interviennent dans son environnement (Lazarus et Folkman,
1984).

4.3 Fonctions du coping : problème versus émotion


Lazarus et collègues (Lazarus et Folkman, 1984, p. 148) ont distingué deux
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fonctions majeures du coping qui visent à modifier la relation de personne à
stresseur. La première de ces fonctions consiste à influencer le vécu émotionnel
déclenché par la situation évaluée comme stressante, tandis que la seconde
revient à essayer d’agir concrètement sur la situation pour la modifier (Lazarus
et Folkman, 1984, p. 150). Les efforts de coping relatifs à ces deux fonctions
sont regroupés sous les termes respectifs de « coping centré sur l’émotion »
et de « coping centré sur le problème » (emotion-focused coping versus problem-
focused coping) (Lazarus et Folkman, 1984).
Dans la littérature, il est souvent fait référence aux efforts relatifs à chacune
de ces deux fonctions, en termes de types de coping, chacun incluant différentes
stratégies.
Le coping centré sur l’émotion comprend, entre autres (Lazarus et Folkman,
1984, p. 150), 1) des stratégies de palliation destinées à réduire la détresse
émotionnelle telles que : la relaxation, la distraction, l’exercice physique,
l’évitement, la recherche de soutien émotionnel auprès d’un proche, le déni,
la consommation excessive d’alcool ou de drogues, 2) des stratégies qui aug-
mentent la détresse émotionnelle (autoculpabilisation), 3) des stratégies qui
consistent à modifier la représentation du stresseur ou à changer ses propres
buts et/ou normes dans la situation. Par exemple, en se disant que la situation
n’est pas si grave ou en acceptant de réduire son niveau d’exigence personnel
(Lazarus et Folkman, 1984, p. 150).
Les stratégies de coping destinées à gérer une réaction émotionnelle sont
nombreuses à pouvoir s’appliquer à diverses situations, ce qui les distingue des
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

stratégies centrées sur le problème qui sont plus difficiles à décrire sans faire
référence à une situation spécifique.
Le coping centré sur le problème consiste à tenter de modifier concrètement la
relation de personne à stresseur en agissant activement sur la situation.
L’action est parfois précédée par une recherche active d’informations visant
à réduire l’incertitude quant au type d’action à entreprendre (Lazarus, 2001,
p. 48). Dans des situations de perte irréversibles, des stratégies de réorientation
active et de substitution de renforçateurs peuvent être mises en place.
Dans la littérature sur le coping, la distinction entre coping centré sur
l’émotion et le coping cenré sur le problème semble avoir été adoptée par
300 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

une majorité d’auteurs. On trouve également toute une littérature qui tend à
opposer ces stratégies en termes d’efficacité, les stratégies centrées sur l’émotion
étant généralement considérées comme inadaptées. Lazarus (2001) fait cepen-
dant remarquer que cette distinction entre coping centré sur l’émotion ou le
problème est arbitraire, et qu’une même stratégie peut simultanément servir
ces deux fonctions De plus, il note que dans la majorité des situations de stress,
il est typique d’avoir recours simultanément, ou de manière séquentielle, à
ces deux types de stratégies de gestion. Ces stratégies forment un tout ; elles
peuvent agir en synergie ou se nuire mutuellement (Lazarus, 2001). Enfin,
l’efficacité ou la nocivité d’une stratégie de coping, qu’elle soit centrée sur
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l’émotion ou sur le problème, dépend largement des circonstances dans
lesquelles elle est réalisée (Lazarus, 2001).
L’auteur donne à ce propos l’exemple du déni, une stratégie de coping centrée
sur l’émotion, dans le cas d’une personne qui a subi une attaque cardiaque
(Lazarus, 2001, p. 46) : au moment de son hospitalisation, le déni serait une
stratégie propice car elle lui éviterait bien des angoisses. À son retour au
domicile par contre, alors que le patient doit modifier drastiquement son hygiène
de vie, la même stratégie se révélerait improductive. Comme le montre cet
exemple, le déni (à l’instar d’autres stratégies centrées sur l’émotion), peut
être bénéfique quand rien ne peut être fait pour prévenir un dommage, mais
lorsque cette stratégie interfère avec une action adaptative nécessaire, elle
devient nuisible (Lazarus, 2001). Inversement, les stratégies de coping centrées
sur le problème semblent adéquates dans les situations où un changement est
possible, mais persévérer dans de tels efforts, alors que rien ne peut raisonna-
blement être fait pour modifier la situation, peut nuire à la santé et au bien-
être (Lazarus, 2001).
Pour comprendre ce qu’une personne met en œuvre lorsqu’elle se trouve
dans une situation qu’elle juge stressante, il est nécessaire de considérer un
certain nombre de variables liées à la personne et à l’environnement et qui
peuvent être regroupées en deux grandes catégories opposées : les ressources
et les contraintes.
Parmi les grandes catégories de ressources dont l’utilité a été mise en
évidence dans la majorité des situations stressantes, Lazarus mentionne la santé,
l’énergie, un certain nombre de croyances positives, des compétences liées à
la résolution de problèmes, des compétences sociales, le support social et enfin
les ressources matérielles (Lazarus et Folkman, 1984, p. 158).
Parmi les raisons qui font que les individus n’utilisent souvent pas au mieux
leurs ressources, Lazarus distingue trois types de contraintes (Lazarus et
Folkman, 1984, p. 165) : a) les contraintes personnelles (valeurs, croyances,
besoins de dépendance, peur de l’échec/du succès, préférences personnelles) ;
b) les contraintes liées à l’environnement (manque de ressources disponibles,
compétition entre les individus pour l’usage de ces ressources) et c) un
STRESS ET COPING : UN ÉTAT DES LIEUX 301

niveau de menace particulièrement élevé qui fait que dans certaines situations
extrêmes, les individus n’ont plus accès à leurs propres ressources.

4.4 Conclusions relatives au modèle transactionnel


La spécificité du modèle transactionnel réside dans le fait qu’il tient compte
à la fois des variables objectives propres au contexte, et des caractéristiques
subjectives de l’évaluation que fait l’individu en situation (Frydenberg, 1996,
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p. 17).
Le fait de juger de la valeur adaptative d’une stratégie de coping qu’après
avoir pris en compte le contexte de sa réalisation, et mesuré ses effets à moyen
et long terme, constitue une particularité fondamentale du modèle transactionnel
qui le distingue des précédentes conceptualisations du coping.
D’un point de vue méthodologique, une définition du coping qui se centre
sur la relation personne-stresseur implique que l’observation et la mesure des
stratégies de gestion doivent porter sur ce qu’une personne fait réellement
dans une situation spécifique, et non pas sur ce qu’elle pense devoir faire de
manière générale (Lazarus et Folkman, 1984). En conséquence, l’étude des
stratégies de coping devrait être à la fois contextualisée et micro-analytique
(Lazarus et Folkman, 1984, p. 178).
Les auteurs de ce modèle reconnaissent par ailleurs qu’il est utile d’identifier
la présence de préférences individuelles stables dans le choix de stratégies de
coping. Pour ce faire, ils préconisent à la fois d’exposer plusieurs sujets à une
même situation, mais également à différents types de situations stressantes, le
tout de préférence dans une perspective longitudinale ; ce qui revient à utiliser
un plan de recherche intra-individuel, imbriqué dans un plan interindividuel
(Lazarus, 2001 ; Lazarus et Folkman, 1984).
Le modèle transactionnel s’est aujourd’hui imposé comme un cadre théorique
incontournable dans le domaine de la recherche sur le stress psychologique
et les stratégies de coping. Selon Holahan (Holahan et Moos, 1994), ce modèle a
fondamentalement modifié notre manière d’envisager le phénomène du stress :
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après avoir longtemps mis l’accent sur les aspects négatifs du stress en termes
de vulnérabilité à différents troubles somatiques et psychologiques, de nombreux
auteurs s’intéressent de plus en plus aux capacités d’adaptation, à l’action
constructive et à la croissance personnelle face au défi (Holahan et Moos,
1994 ; Holahan et al., 1996).
Plusieurs auteurs ont montré notamment que la résistance individuelle au
stress, parfois appelée « résilience », se développait progressivement par
l’exposition à des situations dans lesquelles un sujet fait l’expérience de
maîtriser efficacement un événement initialement évalué comme stressant.
Cette exposition répétée à des situations stressantes mais maîtrisables facili-
302 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

terait l’acquisition de compétences de gestion nouvelles. La diversification et


l’application flexible de ces nouvelles capacités de gestion auraient en retour
un impact positif sur le niveau de stress perçu.

5 ÉTAT ACTUEL

Selon Matthews (Matthews, Zeidner et Roberts, 2003), le coping peut être


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envisagé comme un ensemble de stratégies variées dont l’application dépend
non seulement de facteurs individuels et environnementaux mais également
d’une dimension d’effets attendus sur le court et le long terme. Par ailleurs,
ces facteurs individuels, environnementaux et d’effets sont modulés par des
processus d’évaluation, cognitifs subjectifs.
De nombreux auteurs envisagent actuellement de manière complémentaire
les perspectives différentielle et situationnelle en matière de recherche sur les
stratégies de gestion du stress (Holahan et al., 1996 ; Matthews et al., 2003).
La distinction entre ces deux perspectives est, à bien des égards, comparable
à la distinction entre l’étude de variables dites « d’état » et de variables dites
de « trait » (« state versus trait »), bien connue dans le domaine de l’étude de
la personnalité (Parker et Endler, 1992 ; Schwarzer et Schwarzer, 1996).
D’après Watson (1999), le comportement de coping possède bien les caracté-
ristiques d’un trait, à savoir la stabilité (dans le temps) et la consistance (entre
différents contextes). Ceci étant, l’utilisation de stratégies de coping peut être
considérée comme une disposition (Watson, 1999), sachant que dans de
nombreux cas, des facteurs situationnels jouent un rôle modérateur important
dans la sélection d’une stratégie de gestion (Parker et Endler, 1992).
À titre d’exemple, dans le cadre d’une étude longitudinale, Costa et al. (1996)
ont étudié les réponses de coping pour trois types de situations stressantes :
des pertes, des menaces et des défis. Ces auteurs ont pu mettre en évidence à
la fois une constance intra-individuelle dans la façon de réagir à chacune de
ces situations et des effets situationnels consistants. Parmi ces derniers, ils
ont notamment trouvé que, dans des situations de perte, les personnes
avaient souvent recours à la foi et au fatalisme, tandis que, face à un défi, ils
employaient souvent l’humour et la persévérance.
Considérées sous cet angle, les études menées dans une perspective diffé-
rentielle et situationnelle ont chacune leur utilité dans la recherche sur le
coping, et la mise en relation de leurs résultats respectifs est facilitée entre autres
par le fait que les dimensions de coping étudiées de part et d’autre sont compa-
rables du point de vue de leur contenu. Mais avant d’aborder ces dimensions
et la question de leur utilité, les instruments employés actuellement dans la
recherche sur le coping seront présentés brièvement.
STRESS ET COPING : UN ÉTAT DES LIEUX 303

5.1 Instruments de mesure


La diversité des recherches menées dans le domaine du coping en termes de
populations et de types de situations étudiées semble avoir contribué au fait
que les instruments qui ont été mis au point pour le mesurer sont aussi très
nombreux et variés.
Depuis les années 1980, la majorité des auteurs semblent avoir choisi des
méthodes basées sur le « rapport verbal » (self-report) (Beehr et McGrath,
1996 ; Parker et Endler, 1992 ; Parker et Endler, 1996 ; Snyder, 1999). Dans
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ce type d’instruments, il est généralement demandé aux individus soit de
répondre par oui ou par non pour dire s’ils utiliseraient telle ou telle stratégie,
soit d’indiquer sur une échelle graduée à quel point il est probable qu’ils y aient
recours ou à quelle fréquence ils l’emploient, soit enfin de sélectionner parmi
un répertoire de stratégies celles qu’ils ont utilisées ou seraient susceptibles
d’utiliser (Parker et Endler, 1992).
Ces instruments basés sur le rapport verbal sont pour la plupart des entretiens
semi-structurés ou des questionnaires (Beehr et McGrath, 1996) qui permettent
de mesurer des dimensions de coping variées (Parker et Endler, 1992). La
diversité des approches et des méthodes employées pour l’étude et la mesure du
coping, à la fois en termes de construits théoriques et d’instruments employés,
fait qu’il est très difficile de généraliser les résultats obtenus (Parker et
Endler, 1992).
Malgré cela, il semblerait que la majorité des études porte sur un nombre
restreint de dimensions de coping. Elle a pour objectif de rechercher des
liens entre, d’une part, ces dimensions et, d’autre part, soit des résultats que
l’on pourrait leur attribuer en termes d’adaptation, soit des caractéristiques
propres aux personnes qui en font usage.

5.2 Principales dimensions de coping


Étant donné que les stratégies de coping observées sont multiples (Parker et
Endler, 1992) et que le nombre de réponses possibles est théoriquement
infini, il est nécessaire de les catégoriser d’une manière ou d’une autre (De
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Ridder, 1997 ; Schwarzer et Schwarzer, 1996). Empiriquement, cette catégo-


risation est généralement réalisée au moyen de l’analyse factorielle et les
solutions retenues sont très variables d’un échantillon à un autre, ainsi que
d’une situation de stress à une autre (Schwarzer et Schwarzer, 1996).
La littérature fait aussi état de plusieurs dimensions qui sont fonctionnel-
lement équivalentes aux stratégies centrées sur l’émotion ou sur le problème,
discutées plus haut (Parker et Endler, 1992). Ainsi, de nombreux auteurs
assimilent les stratégies de coping centrées sur le problème à celles qui sont
« orientées vers la tâche » (task-oriented) tandis que les stratégies de coping
centrées sur l’émotion sont dites « orientées vers la personne » (person-oriented)
304 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

(Parker et Endler, 1992). D’autres auteurs ont distingué le coping « assimila-


teur » et le coping « accommodateur ». D’autres encore ont fait une distinction
entre le coping de « contrôle primaire » et le coping de « contrôle secondaire »
(Rudolph, Dennig et Weisz, 1995), pour désigner respectivement les stratégies
qui visent à contrôler les conditions objectives, et celles qui visent l’ajustement
de la personne à la situation (Schwarzer et Schwarzer, 1996).
La distinction entre stratégies d’approche et d’évitement est fréquente, elle
aussi (De Ridder, 1997). Globalement, l’approche fait référence à des stratégies
orientées vers une confrontation du problème, tandis que les stratégies d’évite-
ment ont pour but d’éviter la confrontation au stresseur (Holahan et Moos,
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1994).
Enfin, d’autres auteurs (Cosway, Endler, Sadler et Deary, 2000 ; Parker et
Endler, 1992) proposent de prendre en compte trois dimensions de base : le
coping orienté vers la tâche (ou le problème), le coping orienté vers l’émotion
(ou la personne) et l’évitement. Selon cette perspective, le coping orienté
vers la tâche inclurait des stratégies comme l’analyse du problème, le réajus-
tement des priorités et la gestion du temps (Cosway et al., 2000). Parmi les
efforts orientés vers l’émotion, on trouve le fait de se blâmer soi-même, de
s’inquiéter de ce que l’on va faire ensuite ou encore de s’énerver (Cosway et
al., 2000). Enfin le coping d’évitement comprend des stratégies comme par
exemple faire du lèche-vitrines, téléphoner à quelqu’un ou aller voir un film
(Cosway et al., 2000). Ces stratégies d’évitement consistent à rechercher des
contacts sociaux (diversion sociale) ou à s’engager dans des activités de
remplacement (distraction) (Parker et Endler, 1992).
Ces trois dimensions semblent faire l’objet d’un consensus (Endler et Parker,
1990 ; Matthews et al., 2003 ; Parker et Endler, 1996) et paraissent susceptibles
de décrire le coping à la fois en termes de dispositions générales et tel qu’il
se manifeste dans des situations spécifiques (Matthews et al., 2003).
Ces dimensions de base représentent différentes façons de faire face à une
situation stressante. Elles ne sont probablement pas équivalentes du point de
vue de leur résultat adaptatif pour l’individu (Watson, 1999). On sait par
exemple que certaines stratégies permettent d’alléger les difficultés et de
réduire la détresse émotionnelle qui en résulte, tandis que d’autres ne font
qu’exacerber le problème (Zeidner et Saklofske, 1996). Le fait d’évaluer les
différentes stratégies de coping devrait permettre, entre autres, d’aider les
cliniciens à diagnostiquer un coping inadapté et à proposer des façons plus
adaptées de gérer le stress (Zeidner et Saklofske, 1996).

5.3 Coping adapté versus inadapté


La question de l’efficacité (succès) ou de l’efficience (rapport entre coûts et
bénéfices) des stratégies de gestion est présente implicitement dans presque
toutes les discussions sur le coping (Matthews et al., 2003). En principe,
STRESS ET COPING : UN ÉTAT DES LIEUX 305

pour dire d’une stratégie de coping qu’elle est adaptée, il faudrait pouvoir
prendre en compte le contexte de son application et se baser sur un certain
nombre de critères de succès (Matthews et al., 2003). Mais aucun de ces critères
n’est universel (Zeidner et Saklofske, 1996) et le choix de ceux qui sont à
prendre en compte n’est pas trivial puisque les conclusions sur l’efficacité d’une
stratégie de gestion particulière en dépendent (Matthews et al., 2003, p. 17).
Pour juger de l’efficacité du coping en référence à une situation spécifique,
les critères les plus courants sont (Matthews et al., 2003, pp. 17-19 ; Zeidner
et Saklofske, 1996, p. 508) :
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– la résolution du conflit ou de la situation stressante (autant que possible) ;
– une réduction des réactions physiologiques et biochimiques (respiration,
rythme cardiaque, etc.) ;
– une réduction de la détresse psychologique et le maintien de l’anxiété dans
des limites supportables ;
– un fonctionnement social normatif, c’est-à-dire que les comportements qui
ont été mis en œuvre ne sont pas déviants par rapport à ce qui est socialement
acceptable ;
– une reprise des activités routinières qui avaient lieu avant l’événement
stressant ;
– le bien-être de l’individu et des différentes personnes directement confrontées
à une situation ou concernées par celle-ci ;
– le maintien d’une estime de soi positive ;
– l’efficacité perçue : l’individu doit au moins avoir l’impression que sa façon
de faire face lui a été utile.
Perrez et Reicherts (1992, p. 161 et sqq.) ont proposé une méthodologie
pour évaluer le niveau de pertinence d’une stratégie de gestion, qui tient
compte à la fois des propriétés objectives de la situation, de l’évaluation
subjective qu’en fait le sujet et de ses buts activés dans la situation. Dans ce
modèle, la fonctionnalité d’une stratégie de coping est évaluée selon trois
critères (Perrez et Reicherts, 1992, p. 163-164) :
La stratégie de coping doit être compatible avec certaines règles de gestion
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

cognitives et comportementales qui se sont empiriquement avérées être effica-


ces dans des conditions internes et externes similaires (critère d’efficacité). Les
coûts et les effets négatifs doivent être compensés de manière acceptable par les
bénéfices (critère d’efficience). Les moyens mis en œuvre doivent être éthi-
quement acceptables (critère normatif).
Actuellement, bien que de nombreux auteurs reconnaissent que la valeur
fonctionnelle d’une stratégie de gestion est fonction des caractéristiques propres
à chaque situation rencontrée (Matthews et al., 2003), l’évaluation standardisée
des stratégies de coping continue généralement de ne tenir compte que d’un
nombre très restreint de critères d’efficacité ou d’efficience.
306 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

Une des méthodes les plus courantes pour évaluer le coping consiste à
rechercher des liens entre, d’une part, le recours systématique à certaines
stratégies de gestion, et d’autre part, un certain nombre de variables qui sont
soit des indicateurs directs d’une symptomatologie anxio-dépressive, soit des
dimensions de la personnalité ou du fonctionnement psychologique, qui sont
connus pour corréler avec certains troubles psychophysiologiques.
Les situations de stress rencontrées étant par définition très variées, il faut
relever qu’à la base, un comportement adapté nécessite de disposer d’un vaste
répertoire de stratégies et de ressources, mais également la capacité d’en
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faire un usage flexible, combiné et créatif (Holahan et al., 1996 ; Matthews
et al., 2003).
Notons que certaines stratégies de coping sont peu adaptées quelle que soit
la situation dans laquelle elles sont mises en œuvre, parce qu’elles ont des
effets nocifs connus à moyen ou long terme bien qu’elles puissent procurer
un soulagement immédiat de courte durée (Matthews et al., 2003). Parmi ces
stratégies figurent l’usage excessif d’alcool ou de stupéfiants (Zeidner et
Saklofske, 1996), ainsi que des comportements qui impliquent une prise de
risque élevée comme la conduite à haute vitesse (Matthews et al., 2003).
Certains auteurs ont considéré que le coping orienté vers l’émotion était
mal adapté, alors que d’autres auteurs sont arrivés à une conclusion inverse
(Matthews et al., 2003). Le moment où l’effet des stratégies de gestion est
évalué explique peut-être cette divergence : il semblerait en effet qu’à court
terme, le fait de maintenir la détresse émotionnelle dans des limites gérables
reflète un coping efficace (Matthews et al., 2003). Par contre, lorsque les effets
sur le long terme sont pris en compte, il apparaît parfois préférable de pouvoir
exprimer dès le départ ses émotions sans trop de retenue (Matthews et al.,
2003).
Le coping centré sur le problème est généralement considéré comme adaptatif
dans des situations où quelque chose peut être fait par la personne pour gérer
la menace ou modifier les conditions qui sont à l’origine du stress (Zeidner et
Saklofske, 1996). Les personnes qui essaient de gérer le problème auraient
tendance à mieux s’adapter aux stresseurs rencontrés et à présenter moins de
symptômes psychologiques que ceux qui se focalisent sur la régulation du
vécu émotionnel (Holahan et al., 1996).
À l’instar du coping centré sur l’émotion, les stratégies d’évitement semblent
ne pas avoir les mêmes effets selon que l’on considère l’impact à court ou à
long terme. À court terme, l’évitement permettrait de préserver un équilibre
émotionnel (Matthews et al., 2003), de réduire le stress ou l’anxiété (Parker
et Endler, 1992) et d’échapper à une pression constante (Zeidner et Saklofske,
1996). Les stratégies cognitives d’évitement semblent particulièrement effica-
ces pour supporter la douleur, le bruit ainsi que des traitements médicaux
pénibles (Matthews et al., 2003). À long terme cependant, les diverses stratégies
STRESS ET COPING : UN ÉTAT DES LIEUX 307

regroupées sous le terme « d’évitement » semblent porter préjudice au bien-


être (Matthews et al., 2003).
En résumé, il semblerait, d’un point de vue très général, que les stratégies
de coping centrées sur la régulation de la détresse émotionnelle et d’évite-
ment des situations stressantes soient adaptées et efficaces surtout à court
terme, mais que dans des situations où il est possible d’agir pour modifier les
conditions à l’origine d’un stress, ces formes de coping ne devraient pas être
sur-utilisées, et encore moins se substituer à la mise en œuvre de stratégies
orientées vers la résolution de problèmes.
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Étant donné la variété des processus impliqués plus ou moins directement
dans le coping, les raisons d’un coping mal adapté sont multiples, et très
variables d’un individu à l’autre (Matthews et al., 2003). L’origine d’un coping
dysfonctionnel est à rechercher à différents niveaux et relativement à toutes
les variables qui, d’une manière ou d’une autre, influencent ce mécanisme.
Jusque-là, nous avons décrit les différentes stratégies et dimensions de coping
sans faire référence à l’impact de différences interindividuelles sur le choix des
stratégies de gestion du stress. Des liens ont cependant été mis en évidence
entre certaines stratégies de coping et des caractéristiques du fonctionnement
psychologique et de la personnalité. Ci-dessous, nous tentons brièvement d’en
décrire quelques-uns.

5.4 Corrélats d’un coping adapté


Sachant que certaines personnes parviennent mieux que d’autres à faire face
à des situations stressantes (Snyder, 1999), la question se pose de savoir quelles
sont les caractéristiques des individus qui se montrent capables de sélectionner
les bonnes stratégies au bon moment ou qui réussissent à les mener à bien avec
plus d’efficacité.
De nombreux aspects du fonctionnement psychologique sont liés de manière
plus ou moins directe avec le choix de certaines stratégies de coping. Compte
tenu du nombre important de liens décrits dans la littérature récente, il serait
impossible de les aborder tous ; nous ne mentionnerons donc ci-après que les
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

exemples qui nous semblent les plus pertinents.


Parmi les traits de personnalité qui ont été mis en lien avec le coping, on
trouve en bonne place le « névrosisme » (Carver et al., 1989 ; Parkes, 1986 ;
Watson, 1999), qui est fortement corrélé à divers indicateurs de psycho-
pathologie (dépression, anxiété, abus de substances, troubles alimentaires,
somatoformes et de personnalité). Le névrosisme semble également être un
facteur prédictif important de la vulnérabilité au stress (Matthews et al., 2003).
Ainsi, les personnes qui ont un score élevé de névrosisme rapportent plus
souvent que d’autres des événements de vie négatifs ; ils tendent aussi à
s’auto-évaluer et à évaluer leur environnement avec pessimisme, à employer
308 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

plus de stratégies de coping centrées sur la régulation de l’émotion et moins de


stratégies centrées sur la résolution de problème (Matthews et al., 2003 ;
Watson, 1999).
La capacité à appliquer et à généraliser de manière flexible ses capacités
cognitives à de nouveaux problèmes semble être une caractéristique reconnue
du facteur g ou d’intelligence fluide (Matthews et al., 2003). Zeidner considère
que l’intelligence fait référence à une capacité globale d’adaptation à l’envi-
ronnement et s’attend à ce que des personnes dites « intelligentes » soient
mieux ajustées socialement et émotionnellement que celles qui le sont moins
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(Zeidner, 1995, p. 304). Telle une ressource personnelle, l’intelligence devrait
alors influencer le choix des stratégies de gestion à différents niveaux (Zeidner,
1995, p. 304-305). Mais bien que l’importance de l’intelligence en tant que
ressource pour un coping adaptatif ait été soulignée, la recherche empirique
dans ce domaine est extrêmement rare et lacunaire (Zeidner, 1995).
En revanche, le lien entre l’étude des stratégies de coping et le concept
aujourd’hui très populaire d’intelligence émotionnelle (IE, EI en anglais) semble
plus prometteur (Salovey, 1999). Bien que certains auteurs critiquent vivement
le fait de qualifier d’« intelligence » les compétences émotionnelles habituel-
lement discutées dans ce cadre, il semble toutefois qu’un consensus émerge
sur l’existence de différences individuelles en termes de capacités à expéri-
menter, à réguler et à utiliser les processus émotionnels à des fins adaptatives
(Scherer, 2006) Si les auteurs semblent diverger quant au nombre et à la
nature précise de ces compétences émotionnelles (Roberts et al., 2001), le fait
de gérer efficacement des situations stressantes est souvent considéré comme
un élément clé de l’intelligence émotionnelle (Matthews et al., 2003). D’après
Matthews (Matthews et al., 2003), un coping adapté serait même parfois
considéré comme de l’intelligence émotionnelle « en action ».
Selon Avison (Avison et Gotlib, 1994), le support social émotionnel et
instrumental semble également être une ressource importante pour faire face
au stress (Parker et Endler, 1992). La qualité du support social semble contri-
buer principalement de deux manières à un coping efficace : premièrement,
indépendamment du niveau de stress actuel, le soutien émotionnel d’un tiers
constitue un facteur protecteur susceptible de renforcer la confiance et l’estime
de soi, et contribue ainsi à protéger la santé mentale et physique (Holahan
et al., 1996 ; Plancherel, Bolognini, et Nunez, 1994 ; Salovey, 1999). Deuxième-
ment, selon l’hypothèse connue sous le nom de « l’effet tampon », le support
social contribuerait à amortir l’impact du stress sur le bien-être de l’individu,
lorsque des tiers prodiguent des conseils qui peuvent aider la personne à
mieux évaluer sa situation et à planifier des stratégies de coping adaptées
(Holahan et al., 1996 ; Plancherel et al., 1994 ; Salovey, 1999).
Dans la littérature sur le coping, il est souvent fait référence à différents
concepts qui se chevauchent partiellement, et qui ont trait à la façon dont
l’individu se perçoit lui-même, et/ou appréhende les situations qu’il rencontre.
STRESS ET COPING : UN ÉTAT DES LIEUX 309

Ces variables semblent exercer une influence plus ou moins directe sur la
façon dont ces situations sont évaluées, sur la réaction émotionnelle qui s’en
suit, ainsi que sur les stratégies de gestion que l’individu tente ou ne tente pas
de mettre en place pour y faire face. Parmi ces variables, on trouve la confiance
en soi, le self-efficacy belief (Bandura, 1997), la contrôlabilité (perçue), l’estime
de soi, mais aussi certaines tendances d’attribution causale ou de locus of
control (Rotter, 1966), et même l’optimisme.
Selon Cox, au moment de l’évaluation d’une situation, la perception que
l’individu a de ses propres capacités à faire face serait plus importante encore
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que le fait de posséder réellement ces capacités (Cox, 1987), notamment
pour déterminer dans quelle mesure la situation est vécue comme stressante.
Nous retiendrons de ce qui précède, que bien qu’il soit indéniablement
crucial de disposer dès le départ d’un capital de ressources, telles que les
compétences émotionnelles mentionnées plus haut ou encore un réseau
social de qualité, il semble tout aussi important de pouvoir croire, dans une
certaine mesure, en nos capacités à agir efficacement pour modifier les situations
stressantes que nous rencontrons, sans quoi il nous sera difficile de mobiliser
nos efforts et de mettre en œuvre des stratégies de gestion du stress adaptées.

CONCLUSION

Depuis son origine, et tout au long du XXe siècle, le concept de coping a


beaucoup évolué. Un des aspects majeurs de cette évolution nous paraît être
la compréhension par les chercheurs du fait qu’il n’est pas possible de porter
d’emblée un jugement relatif à la valeur adaptative ou dysfonctionnelle des
stratégies de gestion du stress, et encore moins sur la qualité du fonctionnement
psychologique de l’individu qui les met en œuvre.
La plupart des auteurs semblent aujourd’hui d’accord pour dire que l’effi-
cacité d’une stratégie de coping ne peut être déterminée que sur la base de
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

plusieurs critères, et notamment en tenant compte des caractéristiques de


l’individu, de la façon dont il évalue subjectivement sa situation, et de
l’adéquation de son comportement aux circonstances précises du moment.
Cette évolution du concept de coping, ainsi que de la façon de l’étudier, doit
beaucoup au développement du modèle transactionnel de Lazarus (Lazarus
et Folkman, 1984).
L’étude croisée des résultats de recherches ayant envisagé les stratégies de
coping exclusivement en termes de dispositions stables de l’individu, ou en
termes de réponses comportementales déterminées par des catégories de
stresseurs prototypiques a permis de mettre en évidence toute l’importance
310 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

d’un modèle qui tienne explicitement compte de la relation de personne à


stresseur.
Bien des questions relatives au coping restent encore ouvertes, ce qui peut
s’expliquer par la présence d’un certain nombre de difficultés d’ordre métho-
dologique1. La recherche dans le domaine des stratégies de gestion du stress
se fait encore souvent au moyen de questionnaires basés sur le rapport verbal
relatif à des situations passées, voire fictives. Outre le fait que les question-
naires ne permettent pas d’accéder à des informations essentielles sur le contexte
des situations stressantes rencontrées, elles ne permettent pas non plus de savoir
ce que font réellement les individus lorsqu’ils sont confrontés à ces situa-
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tions. Il paraît donc nécessaire actuellement de développer des méthodes
complémentaires à celles qui existent déjà, et qui permettraient d’évaluer le
coping tel qu’il a lieu dans un contexte donné, et non pas seulement tel que la
personne s’en souvient. Un exemple qui permet d’estimer les stratégies
d’évaluation cognitive et de coping de manière plus écologique consiste à
avoir recours à un échantillonnage de situations stressantes réelles au moyen
d’instruments d’évaluation ambulatoires qui permettent de remplir des ques-
tionnaires de coping informatisés installés sur des agendas électroniques
portables au moment, ou juste après, la confrontation avec un stresseur.

LECTURES CONSEILLÉES

LAZARUS, RICHARD S. (1999) Stress and Emotion : A New Synthesis. New York,
Springer Pub. Co.
REICHERTS M. (1999). Comment gérer le stress ? Le concept des règles cognitivo-
comportementales. Fribourg/Suisse, Éditions Universitaires
ZEIDNER M., ENDLER N. (éd.). (1996). Handbook of Coping : Theory, Research,
Applications. New York, John Wiley

SITE WEB

www.geneve.ch/stressnet/welcome.asp.

1. Pour une revue exhaustive de ces problèmes méthodologiques, nous invitons le lecteur à consulter
les références suivantes : Hazanov, 2003 ; Parker et Endler, 1996.
STRESS ET COPING : UN ÉTAT DES LIEUX 311

QUELQUES EXPÉRIENCES
FONDAMENTALES

Dans une étude, Susan Folkman et Richard Lazarus (1985) ont étudié l’évolution
dans le temps du vécu émotionnel et des stratégies de coping d’étudiants
universitaires confrontés à une situation d’examen. Partant d’une situation
familière et écologiquement pertinente pour une population estudiantine, les
auteurs identifient trois phases successives relatives à la passation d’un contrôle
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continu : une phase initiale d’anticipation lors de laquelle l’étudiant se prépare à
l’examen, une phase d’attente des résultats et enfin une phase qui suit l’annonce
des résultats.
L’étude complète se déroule en deux étapes : premièrement, les auteurs
étudient les changements de vécu émotionnel et des formes de gestion du stress
pour l’ensemble des sujets. Dans un second temps, ils s’intéressent aux diffé-
rences interindividuelles dans le vécu émotionnel des sujets. Ces différences sont
mises en lien avec les stratégies de coping utilisées et l’évaluation cognitive
de la situation. Le présent résumé portera uniquement sur la première étape
de cette recherche.
Les participants à l’étude (cent trente-six étudiants universitaires de l’uni-
versité de Californie, Berkeley) sont invités à répondre à un questionnaire de
« stress » à trois moments différents : deux jours avant un contrôle continu
(temps 1), deux jours avant la communication des résultats (temps 2), et cinq
jours après la communication des résultats (temps 3). Les items du questionnaire
portent sur différentes composantes d’un événement stressant : l’évaluation
cognitive, le vécu émotionnel et les stratégies de gestion du stress. Enfin les
notes à l’examen sont prises en compte.
Concernant le vécu émotionnel, les auteurs considèrent deux questions :
– le vécu émotionnel des sujets est-il différent en fonction des trois temps
étudiés ? Les auteurs font l’hypothèse que les émotions qui indiquent un défi
ou une menace seront ressenties surtout pendant la phase d’anticipation
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

(temps 1), pour diminuer après l’examen et être presque absentes suite à la
communication des résultats (temps 3). Les émotions qui correspondent à
une situation d’échec-perte, par contre, seront peu ressenties pendant la
phase d’anticipation (temps 1) et deviendront prépondérantes quand les
résultats sont connus (temps 3) ;
– les changements dans le degré de certitude quant aux résultats de l’examen
ont-ils une influence sur les émotions ressenties ?
L’issue de la situation stressante constituée par l’examen est incertaine
jusqu’à la communication des résultats. Les auteurs font donc l’hypothèse que
l’étudiant peut ressentir en même temps des émotions qui indiquent le défi et
312 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

des émotions correspondant à la menace au temps 1 et au temps 2. Au


moment où l’incertitude est levée (temps 3), les étudiants vont ressentir plus
d’émotions liées ou à une situation d’échec-perte, ou à un bénéfice en fonction
du résultat. Au contraire de la phase d’anticipation, les auteurs s’attendent à
ce que l’émotion ressentie soit bien différenciée.

Principaux résultats et discussion sur le vécu émotionnel


Les émotions ressenties par les sujets changent au cours des trois phases de
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l’étude. Ainsi les émotions liées à une situation de menace (soucieux, effrayé,
anxieux) ou de défi (confiant, plein d’espoir, enthousiaste) sont fortement ressen-
ties aux temps 1 et 2, pour diminuer significativement en intensité au temps 3.
Les émotions liées à une situation d’échec-perte (fâché, triste, déçu, coupable,
dégoûté) ou de réussite (joyeux, content, soulagé) augmentent significative-
ment en intensité entre le temps 1 et le temps 2 et restent élevées au temps 3.
Ces résultats appuient la position théorique des auteurs, selon laquelle un
changement dans l’évaluation cognitive d’une situation stressante engendre
un changement dans la qualité des émotions ressenties.
En ce qui concerne le rôle du niveau d’incertitude, les résultats montrent
que lorsque celui-ci est élevé les étudiants peuvent éprouver en même temps
des émotions négatives (menace) et des émotions positives (défi). Par contre,
lorsque l’issue de la situation stressante est connue, les étudiants éprouvent soit
des émotions positives (réussite), soit des émotions négatives (échec-perte).
Relativement aux stratégies de gestion du stress, les auteurs formulent
deux hypothèses :
– les étudiants vont utiliser en même temps des stratégies de coping centrées
sur la régulation du vécu émotionnel (emotion-focused coping) et des stra-
tégies centrées sur la résolution du problème (problem-focused coping) ;
– le choix des stratégies de gestion du stress sera différent en fonction de
l’évolution de la situation dans le temps.
Principaux résultats et discussion sur les stratégies
de gestion du stress
Conformément à la première hypothèse, à chacune des trois phases de l’étude,
la plupart des sujets (94 %) utilisent tour à tour des stratégies de coping centrées
sur le problème et des stratégies centrées sur l’émotion.
En ce qui concerne la deuxième hypothèse, les résultats montrent qu’il y a
des changements importants dans le choix des stratégies de coping en fonction
de l’évolution dynamique de la situation. Ainsi, le coping centré sur le problème
est utilisé principalement au temps 1, par contre au temps 2 l’utilisation de
cette stratégie diminue de façon importante. Ce changement s’explique par
STRESS ET COPING : UN ÉTAT DES LIEUX 313

le fait que dans la phase d’anticipation, le coping centré sur le problème


soutient la préparation à l’examen, tandis qu’au temps 2 cette même stratégie
devient peu pertinente car l’issue de l’examen n’est plus influençable. En ce
qui concerne la régulation du vécu émotionnel, au temps 1, les auteurs observent
notamment des auto-injonctions d’optimisme et la recherche active de soutien
émotionnel par un tiers.
Après l’examen (temps 2) la prise de distance émotionnelle augmente signi-
ficativement par rapport au temps 1. Selon les auteurs, cette stratégie est utilisée
surtout dans les contextes où, il n’y a rien d’autre à faire qu’à attendre.
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Entre le temps 2 et le temps 3, aucune stratégie de coping ne semble
augmenter de manière significative pour l’ensemble du groupe. En fait, au
temps 3, le recours à une stratégie de coping n’est plus un phénomène partagé
par tout le groupe, mais dépend de la performance individuelle des étudiants.
Les étudiants ayant obtenu une mauvaise note font plus appel à des stratégies
de coping centrée sur l’émotion que les étudiants pour lesquels l’examen a
été réussi.
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Chapitre 10
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ÉMOTIONS
INTERGROUPES :
L’APPLICATION DES
THÉORIES DE L’ÉVALUA-
TION ET DE LA
DIFFÉRENTIATION
DES ÉMOTIONS (THÉO-
RIES DE L’APPRAISAL)
AUX RELATIONS
INTERGROUPES1
1. Par Patricia Garcia-Prieto Chevalier.
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INTRODUCTION :
LES ÉMOTIONS INTERGROUPES

La recherche sur les émotions intergroupes représente une avancée majeure


pour la compréhension des préjugés et de la discrimination entre groupes
sociaux. Proposé pour la première fois en 1993 par Eliot R. Smith (voir aussi
Smith, 1999), le concept d’émotion intergroupe bouscule les modèles plus
traditionnels qui distinguent « préjugé » (émotion négative envers un
groupe), « stéréotype » (évaluation négative d’un groupe) et « discrimina-
tion » (comportement négatif envers un groupe). Smith propose d’appli-
quer les théories de l’évaluation et de la différentiation des émotions (Frijda
et al., 1989 ; Scherer, 2001), qui étudient les liens entre cognition, émotion et
comportement, au domaine des relations intergroupes. Ainsi, les comporte-
ments observés lors de conflits intergroupes peuvent être rattachés à des
émotions spécifiques et à des schémas précis d’évaluation cognitive d’un
événement ou d’une situation.
Mais la recherche sur les émotions intergroupes représente aussi un pas
important pour la psychologie des émotions qui marque de plus en plus son
intérêt pour les aspects sociaux du phénomène (Garcia-Prieto et Scherer, 2006 ;
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Parkinson et al., 2005 ; Van Zomeren et al., 2004). En effet, peu d’études ont
directement examiné l’effet du contexte social (Jakobs et al., 1997 ; Kappas,
1996), en dépit du fait que les théoriciens de l’appraisal reconnaissent que
ce dernier peut avoir un impact important sur les émotions (Lazarus, 1991),
et que les émotions ont elles-mêmes d’importantes fonctions sociales (Frijda
et Mesquita, 1994). En réalité, les théories de l’appraisal ont souvent été
critiquées pour trop se focaliser sur l’expérience émotionnelle de l’individu
en dehors de son contexte social (Manstead et Fischer, 2001 ; Parkinson et
Manstead, 1993). Ainsi, la recherche sur les émotions intergroupes permet
d’identifier certains des mécanismes psychosociaux (catégorisation sociale,
318 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

identification sociale) par lesquels le contexte intergroupe influencerait


l’évaluation cognitive des événements, les émotions et les tendances à l’action.
Le modèle théorique proposé (figure 10.1) suggère que les émotions inter-
groupes seraient déterminées par l’interaction entre la catégorisation sociale
et l’identification ressentie par l’individu à cette catégorie dans un contexte
donné (voir Gordijn et al., 2006 ; Yzerbyt et al., 2006). Les émotions inter-
groupes seraient alors déclenchées par des événements pertinents pour le bien-
être de ce groupe social, indépendamment de la pertinence de l’événement
pour le bien-être de l’individu, et elles auraient principalement une fonction
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de régulation des comportements intergroupes (Mackie et al., 2004).

Identification
sociale

Catégorisation Émotion Comportement


Évaluation
sociale intergroupe intergroupe

Figure 10.1
Modèle de l’émotion intergroupe.

1 APPROCHES THÉORIQUES

1.1 La théorie de l’émotion intergroupe (TEI)


Proposée initialement par E.R. Smith en 1993, et développée par Mackie et
al. en 2000, la théorie de l’émotion intergroupe (TEI) suggère que le vécu
émotionnel d’une personne en tant que membre d’un groupe est identique à
celui d’une personne en tant qu’individu, tel que proposé par les théories de
l’appraisal (Scherer, 2001). La seule différence est que l’émotion intergroupe
implique l’évaluation cognitive d’un événement qui concerne l’identité sociale
d’un individu (aspects qui lient la personne à des groupes sociaux : femme,
hispanique) au lieu d’impliquer son identité personnelle (aspects qui rendent
la personne unique : extravertie, distraite, etc.).
Dans son article de 1993, E. R. Smith se base sur les prédictions établies par
plusieurs théoriciens de l’appraisal (notamment Frijda et al., 1989 ;
Roseman, 1984 ; Scherer, 1988) pour développer des hypothèses sur les
types d’évaluations cognitives, d’émotions et de tendances à l’action qui
permettraient de mieux comprendre les relations entre groupes sociaux (pour
un résumé, voir tableau 10.1).
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Tableau 10.1
Prédiction des évaluations cognitives (ou appraisals), des émotions
et des tendances à l’action dans des contextes intergroupe
(adapté de Smith, 1993).

Tendances à
Appraisals
l’action
(Roseman, 1984 ; Frijda et al. 1989 ; Émotions Conséquences intergroupes
(Frijda et al.,
Scherer, 1988)
1989)
ÉMOTIONS INTERGROUPES

Empêche buts et objectifs,


Les membres des groupes minoritaires
inattendu/incertain, causé par quelqu’un Envie d’éviter,
Peur (ou sans pouvoir) ont peur des groupes
d’autre (ou les circonstances), envie de fuir
majoritaires (ou qui ont du pouvoir)
faible potentiel de maîtrise

Empêche buts et objectifs, certain, Les membres des groupes majoritaires (ou
causé par quelqu’un d’autre qui ont du pouvoir) sont dégoûtés d’être
Dégoût Envie d’éviter
(ou les circonstances), avec des membres de groupe minoritaires
va à l’encontre des normes (ou sans pouvoir)

Empêche buts et objectifs, injuste,


certain, causé intentionnellement Le mépris est ressenti
Mépris Envie d’affronter
par quelqu’un d’autre, envers les exogroupes
faible potentiel de maîtrise

Les membres du groupe majoritaire


Injuste, certain, causé intentionnellement
(ou qui ont du pouvoir) ressentent de la colère
par quelqu’un d’autre, Colère Envie d’affronter
envers les membres du groupe minoritaire
faible potentiel de maîtrise
en cas de demandes ou de menaces.
319

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320

Tableau 10.2
Extension des dimensions de l’évaluation cognitive (ou appraisals) de la théorie de Scherer (2001)
au contexte intergroupe (adaptée de Garcia-Prieto et Scherer, sous presse)

Lorsqu’un individu est


Dans un contexte interpersonnel,
confronté à un événement, Dans un contexte intergroupe,
si l’identité personnelle
celui-ci est évalué si l’identité sociale est saillante :
est saillante :
en termes de :

La priorité est donnée aux objectifs,


La priorité est donnée aux objectifs, buts et besoins de l’endogroupe
Opportunité ou menace buts et besoins personnels Priorité des revendications de l’endogroupe
pour besoins, intérêts, buts Priorité des attentes personnelles La responsabilité d’un individu est engagée
Adéquation avec attentes La responsabilité personnelle est en tant que membre d’un endogroupe,

Implication
Causalité et responsabilité engagée, et la causalité des événe- et non en fonction d’un événement dont il serait
ments est attribuée à des individus personnellement responsable, et la causalité
des événements est attribuée à des groupes

L’individu évalue son potentiel de maî- L’individu évalue son potentiel de maîtrise en
Contrôle
trise en fonction de son adaptabilité, fonction de l’adaptabilité, du pouvoir relatif de
Puissance
de son pouvoir et de son contrôle sur l’endogroupe, et du contrôle que l’endogroupe
Ajustement

Potentiel
de maîtrise
les conséquences de l’événement peut avoir sur les conséquences de l’événement

Compatibilité
Évaluation d’après les standards
avec les standards Évaluation d’après les standards et les normes
personnels et les normes sociales
Internes de justice et de moralité de l’endogroupe.
de justice et de moralité

normative
Signifiance
Externes
TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

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ÉMOTIONS INTERGROUPES 321

Selon cette perspective, lorsqu’une personne s’identifie fortement à un groupe


d’appartenance ou « endogroupe » (par exemple, hispanique), elle peut ressentir
des émotions envers un membre d’un autre groupe auquel elle n’appartient
pas ou « exogroupe » (par exemple un Américain), comme elle peut ressentir
des émotions envers l’exogroupe lui-même (les Américains). Ainsi, si un
exogroupe est perçu comme menaçant l’endogroupe, et que l’endogroupe est
perçu comme étant dans une position de force relative à l’exogroupe, les
membres de l’endogroupe ressentiront de la colère et une envie d’affronter ce
groupe. Dans le cas contraire, si l’endogroupe est perçu comme étant dans
une position de faiblesse, ses membres ressentiront plutôt de la peur et une
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envie d’éviter l’exogroupe.
Cette théorie a été développée en particulier pour prédire les aspects négatifs
des relations intergroupes liés aux préjugés, aux stéréotypes ou à la discrimi-
nation (racisme, guerres ethniques, génocide, etc.). La théorie TEI est la
première à appliquer au domaine des relations intergroupes les prédictions
des théories de l’appraisal pour la détermination des émotions et des tendances
à l’action.

1.2 Extension de la théorie de l’appraisal de Scherer


(2001) au contexte intergroupe
Pour compléter la théorie TEI, Garcia-Prieto et Scherer (2006) ont utilisé les
prédictions de la théorie de l’évaluation et de la différenciation de l’émotion
(Scherer, 2001) afin de développer des propositions pour le contexte inter-
groupe (voir tableau 10.2). À la différence de la TEI, leurs propositions se sont
centrées sur l’influence de la saillance de l’identité sociale sur les dimensions
de l’évaluation des événements qui ont déjà été identifiées comme étant sensi-
bles à l’influence du contexte social. L’évaluation de contribution/obstruction
aux buts, la causalité/intentionnalité et l’incompatibilité avec les standards
internes et externes (pour une discussion d’autres dimensions de l’appraisal
qui peuvent être influencées par le contexte social, voir également David et al.,
2005) en sont des exemples.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

2 ÉVIDENCES EMPIRIQUES

Deux stratégies principales de recherche ont été adoptées pour démontrer


l’existence des émotions intergroupes. La première se base sur la théorie des
émotions intergroupes développée par Mackie et ses collègues (Mackie et al.,
2000 ; Mackie et Smith, 2003). Elle consiste à démontrer que selon la façon
de percevoir une situation intergroupe (par exemple, en termes de pouvoir relatif
de l’endogroupe fort/faible par rapport à l’exogroupe), des modulations spéci-
fiques des réactions émotionnelles (colère/peur) et des tendances à l’action
322 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

(approche/évitement) se produisent. La seconde stratégie a plutôt pour objectif


de démontrer l’impact des variations de la catégorisation sociale (par exemple,
l’individu partage, ou non, une catégorie sociale avec un groupe qui est victime
dans une situation de conflit intergroupe) et de l’identification avec cette caté-
gorie sociale (forte/faible) sur la détermination des émotions (peur/colère) et
des tendances à l’action (évitement/affrontement) envers l’exogroupe (voir
Yzerbyt et al., 2006).
Nous nous concentrerons, dans les paragraphes suivants, sur le modèle
théorique présenté dans la figure 10.1 pour présenter les preuves empiriques
accumulées en faveur des émotions intergroupes.
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2.1 Le rôle de la catégorisation sociale
et de l’identification sociale
L’expérience d’une émotion intergroupe dépend de la catégorisation d’un
individu en tant que membre d’un groupe social (par exemple « hispanique »)
et l’identification à un groupe social varie d’un individu à un autre. La théorie
des émotions intergroupes postule que plus un individu s’identifie à un groupe,
plus facilement, fréquemment et intensément il ressentira des émotions inter-
groupes (Mackie et al., 2004).

2.1.1 Lorsque l’endogroupe est menacé :


la colère et la peur au nom des « victimes »
Les recherches de Yzerbyt et al. (2006) en Belgique et en Hollande ont clai-
rement démontré que la catégorisation sociale dans laquelle un individu se
classe peut avoir un impact sur son vécu émotionnel. Leur hypothèse est que
plus un individu sent qu’il partage le même groupe qu’un groupe de victimes
dans une situation de conflit intergroupe, plus il sera enclin à ressentir les
mêmes émotions (colère, fierté) et les mêmes tendances à l’action (affronte-
ment) que ce groupe de victimes.
Ainsi, dans une expérience menée par Gordijn (2001), des participants,
tous étudiants de l’université d’Amsterdam, ont été confrontés à un article de
presse fictif construit pour induire la colère. L’article décrivait une situation
conflictuelle entre des professeurs et des étudiants de l’université de Leiden.
Il rapportait qu’un comité de professeurs de cette université était en train de
développer des conditions d’études plus restrictives pour les étudiants (intro-
duction d’examens d’admission, augmentation des frais de scolarité pour les
étudiants les moins performants, exclusion des étudiants qui ne passent pas
leurs examens, etc.). Elles apparaissaient si restrictives que les étudiants
étaient très en colère et envisageaient de manifester pour protester contre ces
changements. Avant de les confronter à l’article de presse, les étudiants
avaient été amenés à se ranger dans l’un des trois groupes constitués pour
ÉMOTIONS INTERGROUPES 323

l’expérience. Le premier était celui des victimes, le groupe « des étudiants » :


on faisait croire aux étudiants que leurs réponses seraient comparées à celles
des professeurs qui seraient aussi interrogés. Le deuxième correspondait à un
groupe différent de celui des victimes, le groupe « des étudiants de l’université
d’Amsterdam » : les étudiants pensaient alors que leurs réponses seraient
comparées à celles des étudiants de l’université de Leiden qui seraient aussi
interrogés. Les étudiants du troisième groupe, contrôle, ne recevaient pas de
consigne. Les résultats des questionnaires d’auto-évaluation mesurant leurs
émotions ont confirmé que les étudiants qui ont été amenés à se ranger dans
le groupe le plus proche de celui des victimes avaient ressenti plus de colère
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que les participants placés dans les deux autres conditions.
Dans une autre expérience ( Yzerbyt et al., 2003), les chercheurs ont
analysé plus précisément le rôle de la catégorisation et du niveau d’identifi-
cation sur les émotions et les tendances à l’action. Les participants, des
étudiants francophones de l’université catholique de Louvain-la-Neuve (UCL),
ont été également confrontés à un article de presse fictif pour induire la colère.
L’article décrivait une situation conflictuelle entre des professeurs et des
étudiants néerlandophones de l’université de Gand. Il rapportait qu’un comité
de professeurs de l’université voulait imposer l’anglais comme seule langue
pour les étudiants, dès la troisième année. Avant d’être confrontés à l’article de
presse, les étudiants devaient se ranger soit dans le groupe des victimes (on leur
faisait croire que leurs réponses seraient comparées à celles des professeurs, qui
seraient aussi interrogés), soit dans un autre groupe (ils pensaient que leurs
réponses seraient comparées à celles d’étudiants d’autres universités en Belgi-
que qui seraient aussi interrogés). Là encore, les résultats des questionnaires
d’auto-évaluation mesurant leurs émotions et leurs tendances à l’action ont
confirmé que les étudiants qui avaient été amenés à se ranger dans la catégorie
des victimes ont ressenti plus de colère. Par ailleurs, le niveau d’identifica-
tion a eu un impact sur le degré des émotions et les tendances à l’action :
plus le niveau d’identification ressentie avec le groupe des victimes était fort,
plus la colère et l’envie d’affronter les professeurs étaient intenses.
Enfin, Dumont et al. (2003) se sont penchés sur l’influence de la catégori-
sation et de l’identification sur les réactions de peur ressentie au nom des
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

victimes en prenant comme référence les attentats du 11 septembre 2001 à


New York (voir encadré ci-dessous). Le but était d’étendre les résultats des
études précédentes sur l’impact de la catégorisation et du niveau de l’identi-
fication à la colère sur une autre émotion : la peur. Au cours de ces expérien-
ces, les expérimentateurs ont fait croire aux étudiants qu’ils compareraient
leurs réponses d’Occidentaux soit à celles de la communauté arabe, soit à
celles d’Américains, les incitant ainsi à se ranger dans le même groupe que
celui des victimes ou dans un autre groupe. Comme dans les études précédentes,
les chercheurs ont mesuré, par le biais de questionnaires d’auto-évaluation,
le niveau d’identification des participants à la catégorie manipulée, ainsi que les
émotions et les tendances à l’action. Les stimuli pour induire la peur étaient
324 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

soit une très brève description rappelant les attaques terroristes, soit une photo
des tours jumelles en flammes. Comme prévu, les résultats de ces études ont
montré que les participants qui avaient été amenés à se ranger dans la même
catégorie que les victimes, et qui avaient une plus grande identification à la
catégorie manipulée, ont rapporté une plus grande peur et une plus forte
disposition à agir, liée à la peur des terroristes. Dans une étude non publiée
sur les émotions ressenties par des étudiants américains quelques semaines
après les attentats du 11 septembre 2001, Mackie et al. (2004) ont trouvé que
leur niveau d’identification en tant qu’Américains déterminait l’intensité de
la colère et de la peur ressenties après les attentats.
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Unis dans la peur des attentats terroristes du 11 septembre ?
Ça dépend…
Dans une série d’études menées quelques semaines après les attentats du
11 septembre 2001 en Belgique et en Hollande, Dumont et ses collègues (2003)
ont amené des étudiants à se catégoriser comme étant plus ou moins proches des
victimes états-uniennes, et ils ont testé l’impact de ces manipulations sur la peur
ressentie en réponse aux attentats. Ils ont démontré que tant la catégorisation
sociale comme Occidental (donc proches des victimes américaines) ou comme Euro-
péens (donc distincts des victimes américaines), que le niveau d’identification avec
cette catégorie, ont eu un impact sur le niveau de peur indiqué, ainsi que sur les
comportements adoptés par la suite.

Dans une tout autre perspective de recherche, McCoy et Major (2003) ont
étudié l’impact de la perception de la discrimination envers l’endogroupe –
des femmes confrontées à la prévalence du sexisme – sur les émotions négatives
dirigées contre soi-même (la dépression, la tristesse, le sentiment d’échec, la
colère ou encore l’irritation). Ces chercheurs ont montré que lorsque la préva-
lence de la discrimination envers l’endogroupe est rendue saillante, les individus
s’identifiant fortement à l’endogroupe évaluent cette discrimination comme
une menace personnelle et ressentent des émotions négatives dirigées contre
eux-mêmes. La discrimination d’un endogroupe (dans cet exemple, les femmes)
peut donc avoir des conséquences affectives néfastes pour le bien-être des
individus qui s’identifient fortement avec ce groupe.

2.2 Le rôle des évaluations cognitives (ou appraisals)


2.2.1 Lorsque l’endogroupe est évalué comme fort :
la colère envers – et l’affrontement de – l’exogroupe
Dans une série d’expériences, Mackie et al. (2000) ont démontré que la nature
du contexte intergroupe peut influencer la nature des émotions et des tendances
ÉMOTIONS INTERGROUPES 325

à l’action envers l’exogroupe. Ces auteurs ont testé l’hypothèse que dans une
situation de conflit d’opinions (par exemple, entre groupes pour ou contre
l’utilisation de la marihuana ou pour ou contre les droits des couples homo-
sexuels), la perception de la position relative de l’endogroupe (fort ou faible)
déterminera le type d’émotion suscitée (colère ou peur) et la disposition à
agir (affrontement ou évitement) envers l’exogroupe. En d’autres termes, si
mon endogroupe (qui est pour l’utilisation de la marihuana) et en position de
force relative face à un exogroupe (qui est contre l’utilisation de la mari-
huana), j’aurai une tendance plus grande à ressentir de la colère et à avoir
envie d’affronter cet exogroupe, que de la peur et une envie de l’éviter. Dans
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ces expériences, Mackie et al. ont demandé à des étudiants de se définir
comme étant pour ou contre des groupes d’opinion. Puis, ils ont manipulé la
perception de force ou de faiblesse de l’endogroupe en présentant aux parti-
cipants des coupures de presse qui montraient soit un fort/faible soutien de
l’endogroupe. Ils ont ensuite mesuré l’impact de ces manipulations sur les
émotions et les tendances à l’action exprimée contre l’exogroupe au moyen
de questionnaires d’auto-évaluation. Les résultats ont confirmé l’hypothèse
initiale : lorsque l’endogroupe était dans une position forte, les participants
ont exprimé de la colère envers l’exogroupe (plus que de la peur ou du
mépris) ainsi qu’une tendance à vouloir l’affronter (plus qu’à l’éviter).

2.2.2 Lorsque l’endogroupe est évalué comme faible :


la peur et l’évitement de l’exogroupe

Devos et al. (2003) ont fait état des résultats d’une série d’études portant sur des
contextes intergroupes suscitant la peur et l’évitement de l’exogroupe. Dans une
première étude, les chercheurs ont induit la peur en demandant à des femmes
de s’imaginer en train de marcher seules, la nuit, dans une rue, et d’être accu-
sées injustement par un homme d’avoir cassé la fenêtre de sa voiture garée
dans la rue. Pour êtres sûrs d’induire la peur et l’évitement, l’homme, dans le
scénario, a été décrit comme étant menaçant et agressif. Ensuite, les auteurs
ont créé des variations dans le contexte social de cette interaction (pour une
description complète de ces conditions, voir tableau 10.3).
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Les participantes, toutes étudiantes d’une université californienne, étaient


amenées à s’imaginer soit (1) seules sans aucune appartenance à un groupe
spécifique, (2) seules en tant que membre de leur université « A » ou (3)
accompagnées d’autres membres de leur université. De plus, elles devaient
imaginer que l’homme avec qui elles avaient l’altercation était soit (1) seul
en tant que membre d’une autre université « B » ou (2) accompagné par
d’autres membres de son université (voir tableau 10.3). Après avoir lu le
scénario, les participantes devaient compléter des questionnaires d’auto-
évaluation sur leur perception de leur force/faiblesse et sur leurs émotions et
tendances à l’action dans la situation imaginée.
326 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

Tableau 10.3
Conditions expérimentales d’induction de la peur et de l’évitement
de l’exogroupe (adapté de Devos, Silver, Mackie et Smith, 2003).

Les participantes sont soit :


Catégorisées
Sans Catégorisées
« un membre
catégorisation « avec un
de A »
(P est seule) groupe de As »
(P est seule)
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Catégorisé « un Individu Membre de A Groupe de As
Homme membre de B » versus versus membre versus membre
décrit dans (homme est seul) membre de B de B de B
le scénario Catégorisé Individu Membre de A
est soit : « avec un versus versus groupe Bs
Groupe de Bs » groupe de Bs de Bs

Les manipulations ont eu l’impact prévu sur les évaluations de force/


faiblesse et de peur exprimée. En effet, les participantes ont rapporté la plus
grande faiblesse dans les conditions où elles devaient s’imaginer seules en tant
que membres de leur université « A ». Si la peur a été ressentie à des intensités
élevées dans toutes les conditions, les plus faibles intensités ont été exprimées
lorsqu’elles s’imaginaient avec d’autres membres de leur université. Dans
l’ensemble, les résultats ont aussi montré que plus les participantes se perce-
vaient comme faibles, plus elles rapportaient un sentiment de peur envers
l’homme et une tendance à l’éviter.
Dans une autre expérience, les chercheurs ont ajouté une condition dans
laquelle les participantes devaient imaginer que l’altercation décrite dans le
scénario ci-dessus ne les concernait pas directement mais arrivait soit (1) à
une autre personne, sans appartenance à un groupe spécifique ; (2) à une
autre personne de la même université « A », soit (3) à un groupe de person-
nes de la même université « A ». Les participantes devaient alors compléter
des questionnaires d’auto-évaluation sur leur perception de faiblesse, ainsi
que les émotions ressenties et les tendances à l’action en lisant le scénario. Il
est intéressant de noter ici, que même dans des conditions où les participan-
tes n’étaient pas impliquées personnellement, elles ont exprimé des intensi-
tés élevées de peur, surtout lorsqu’il s’agissait d’une situation qui arrivait à
des membres de leur université.

2.2.3 Lorsque l’endogroupe a commis des actes injustes et immoraux


envers un exogroupe : la culpabilité collective

La culpabilité collective est ressentie lorsqu’un individu se catégorise en tant que


membre d’un groupe, et que ce groupe a injustement fait du tort à un autre
ÉMOTIONS INTERGROUPES 327

groupe (Branscombe et al., 2003). Plusieurs recherches ont démontré qu’un


individu peut ressentir de la culpabilité au nom de son groupe (par exemple les
Blancs envers les Noirs aux États-Unis) sans être personnellement responsable
du tort commis (Branscombe et Doosje, 2004).
Doosje et al. (1998) ont été les premiers à démontrer qu’une personne
peut ressentir de la culpabilité en raison des actions injustes de l’endogroupe
dans le passé. Après avoir amené des participants à se catégoriser dans un
groupe « A », les chercheurs leur ont fait croire qu’ils devaient interagir avec une
autre personne via des ordinateurs. Cette personne était décrite comme étant
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soit un membre de l’endogroupe « A », soit un membre d’un exogroupe « B ».
Les participants ont exprimé, au moyen de questionnaires d’auto-évaluation,
de la culpabilité au nom de l’endogroupe lorsqu’ils apprenaient que leur
groupe avait traité l’exogroupe de façon injuste lors d’un jeu ayant eu lieu dans
le passé, même lorsqu’ils apprenaient qu’ils n’avaient pas personnellement
été injustes ou commis du tort envers un membre de l’exogroupe.
Depuis cette recherche, un important corpus d’évidences empiriques a été
accumulé en faveur de l’existence de la culpabilité collective. Par exemple,
les Hollandais peuvent ressentir de la culpabilité liée à leur passé colonial en
Indonésie (Doosje et al., 1998) et en raison du rôle joué par leur pays dans
l’histoire de l’esclavage (Zebel et al., 2001). C’est aussi le cas pour les inégalités
de traitement auquel les femmes sont soumises (Schmitt et al., 2004).
Mais, comme le soulignent Branscombe et al. (2003), la culpabilité collective
n’est pas une réponse généralisée envers tous les groupes ayant subi une injustice
dans le passé. Elle est au contraire une réponse spécifique déterminée par des
évaluations spécifiques de la relation entre l’endogroupe et l’exogroupe dans
un contexte donné. Par exemple, les Blancs aux États-Unis ressentiront plus
volontiers une culpabilité liée au traitement injuste des Noirs dans le passé,
qu’envers les injustices commises envers les Mexicains ou les Amérindiens
(Branscombe et al., 2003). Pour que la culpabilité collective soit ressentie, il
faut (i) que la personne se catégorise en tant que membre de l’endogroupe,
(ii) une prise de conscience qu’une action (ou manque d’action) de la part de
l’endogroupe a causé du tort à un autre groupe, et (iii) une reconnaissance
que ces actions représentent une violation de standards moraux.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Au même titre que pour la culpabilité individuelle, l’évaluation d’illégitimité


des actions commises par l’endogroupe joue un rôle principal dans la déter-
mination de la culpabilité collective (Roseman, 1984). Plus les actions de
l’endogroupe sont perçues comme illégitimes, plus la culpabilité collective
est intense, et plus l’envie de réparation est forte (Iyer et al., 2003). Toute-
fois, si les actions de l’endogroupe sont trop négatives, au point de menacer
l’identité positive de la personne, elles risquent de déclencher des processus
de justification pour rétablir l’identité positive en minimisant, par exemple,
l’importance du tort, en dévalorisant les victimes ou en rendant légitime le
tort causé (Branscombe et al., 2003).
328 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

2.2.4 Le plaisir ressenti lors de la souffrance de l’exogroupe :


le cas du Schadenfreude intergroupe
Le mot allemand Schadenfreude décrit le sentiment de plaisir ressenti lors de
la souffrance d’une autre personne (Ortony et al., 1988). Si la question a déjà
été étudiée en ce qui concerne l’individu (Smith, 1991), ce n’est que récem-
ment que des chercheurs se sont penchés sur la question du Schadenfreude
au niveau des relations intergroupes. Spears et Leach (2004) définissent le
Schadenfreude intergroupe comme étant le plaisir ressenti par les membres
de l’endogroupe envers la souffrance d’un exogroupe. Il serait suscité par un
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contexte de conflit intergroupe très particulier dans lequel l’exogroupe est
adversaire dans un domaine d’intérêt pour l’endogroupe, et où le statut d’infé-
riorité de l’endogroupe est clairement menacé (guerre, compétition sportive).
D’après ces auteurs, cette émotion serait inhibée par le statut de supériorité
de l’exogroupe et sa légitimité ou acceptation sociale.
Leach et al. (2003) ont étudié le Schadenfreude ressenti par des étudiants
néerlandais suite à l’élimination de l’équipe de football allemande lors de la
Coupe du monde en 1998 en France. Les chercheurs ont mesuré l’intérêt porté
au football au moyen de questionnaires d’auto-évaluation. Ils ont ensuite
manipulé le niveau de saillance de « l’infériorité » de l’équipe néerlandaise
en demandant aux participants de se rappeler, soit des victoires d’autres
équipes de football par le passé pour induire une perception d’infériorité
chronique de l’équipe de football néerlandaise, soit de la défaite de l’équipe
néerlandaise en finale contre le Brésil en 1998 pour induire une perception
d’infériorité aiguë de l’équipe de football néerlandaise. Les chercheurs ont
aussi inclus un groupe contrôle (aucune manipulation sur la perception du statut
de l’équipe néerlandaise). En accord avec leurs hypothèses, le Schadenfreude
provoqué par la défaite de l’équipe allemande était plus intense dans les deux
conditions rendant saillante la perception d’infériorité de l’équipe néerlandaise
(infériorité chronique et infériorité aiguë). Et comme prévu, plus les participants
étaient intéressés par le football, plus ils ont exprimé de Schadenfreude et ce,
indépendamment de la manipulation d’infériorité. Une deuxième étude a
confirmé ces résultats et démontré que l’intensité du Schadenfreude peut être
inhibée dans des conditions où la supériorité de l’exogroupe est rendue
légitime.

2.3 Quel est le rôle des émotions dans la détermination


des comportements intergroupes ?
Pour les psychologues sociaux travaillant dans le domaine des émotions inter-
groupes, l’intérêt principal est d’améliorer la prédiction des comportements
négatifs liés aux préjugés pour pouvoir in fine les anticiper ou les réduire. Si
plusieurs recherches ont démontré l’impact des variations de la catégorisation
ÉMOTIONS INTERGROUPES 329

sociale et de l’identification sur la détermination des émotions et des tendances


à l’action, c’est-à-dire l’envie indiquée d’entreprendre telle ou telle action, nous
connaissons encore très peu l’impact des émotions intergroupes sur des compor-
tements réels entre les groupes (Dumont et al., 2003). Cette situation est générée
en partie par les cadres légaux et éthiques qui régissent l’expérimentation en
psychologie, et qui ne permettent pas d’induire des situations expérimentales
trop négatives qui pourraient porter atteinte au bien-être des participants.
Mais cette situation est également une conséquence directe de la méthodo-
logie d’auto-évaluation sur laquelle repose l’ensemble des recherches sur les
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émotions intergroupes. En effet, en psychologie de l’émotion, l’utilisation de
l’auto-évaluation a souvent été remise en question (Parkinson et Manstead,
1993 ; Parkinson, 1997 ; Parkinson, 2001), car les participants doivent en
général rapporter à la fois l’émotion qu’ils ont ressentie et les dimensions
d’évaluation qui correspondent à cette émotion. La critique principale qui est
faite à cette méthodologie est que l’auto-évaluation des participants pourrait
s’avérer plus représentative des stéréotypes que l’on peut avoir sur le type
d’évaluation correspondant à telle ou telle émotion, que de la vraie relation
qui pourrait exister entre l’évaluation et la réponse émotionnelle.
Un des défis importants pour les chercheurs dans le domaine des émotions
intergroupes sera donc de développer des méthodologies qui incluent aussi
des indicateurs comportementaux.

CONCLUSION

En appliquant des théories de l’appraisal aux relations intergroupe, la théorie


de l’émotion intergroupe (TEI) suggère que le vécu émotionnel d’une personne
en tant que membre d’un groupe implique l’évaluation cognitive d’un événe-
ment qui concerne l’identité sociale d’un individu au lieu d’impliquer son
identité personnelle. Cette théorie prédit que les individus qui s’identifient
fortement à leur endogroupe ont une tendance à évaluer des conflits intergroupe
en fonction de la position de l’endogroupe relative à l’exogroupe, et ressentent
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

des émotions et des réponses comportementales spécifiques envers l’exogroupe.


Nous avons observé que la catégorisation et l’identification sociales avec un
endogroupe jouent un rôle-clé dans la détermination des évaluations cognitives,
des émotions et des tendances à l’action envers un exogroupe. Plusieurs études
montrent qu’un individu qui est amené à se définir comme faisant partie du
même groupe que celui des victimes dans une situation de conflit intergroupe,
peut ressentir les mêmes émotions et tendances à l’action que les victimes.
D’autres recherches montrent que des variations dans la position relative de
l’endogroupe (forte/faible) peuvent déterminer le type d’émotion ressentie
(colère/peur) et le type de disposition pour agir envers l’exogroupe. Certains
330 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

travaux se sont concentrés sur la culpabilité qu’un individu peut éprouver envers
des actes injustes commis dans le passé par son endogroupe, ou encore sur le
sentiment de Schadenfreude qui peut être suscité par la souffrance de
l’exogroupe.
Nous avons souligné également l’importance d’inclure des indicateurs
comportementaux dans les recherches futures. La spécificité des tendances à
l’action envers l’exogroupe provenant d’évaluations cognitives et d’émotion
spécifiques a été démontrée empiriquement par plusieurs études, mais nous ne
connaissons encore que très peu de choses sur la détermination des compor-
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tements intergroupes réels. Si les émotions intergroupes ont déjà été manipulées
avec succès en laboratoire nous pensons qu’un pas important serait de les étudier
en situation réelle. Le contexte des organisations est un terrain de recherche
qui pourrait, par exemple, s’avérer particulièrement riche. En effet, le monde
du travail offre souvent des situations de conflit intergroupes (fusions, inter-
nationalisation, relations homme/femme, etc.) dans lesquelles des catégories
d’appartenance sociale peuvent devenir importantes pour les col. Ainsi, il serait
intéressant d’étudier dans quelle mesure les émotions intergroupes peuvent jouer
un rôle dans la détermination des comportements organisationnels et dans la
performance (pour une discussion de ce point, voir Garcia-Prieto et al., 2005).

LECTURES CONSEILLÉES

La théorie des émotions intergroupes


DEVOS T., SILVER L.A., MACKIE D.M., SMITH E.R. (2002). « Experiencing inter-
group emotions ». In D.M. Mackie et E.R. Smith (éd.), From Prejudice to Inter-
group Emotions : Differentiated Reactions to Social Groups. Philadelphia, PA,
Psychology Press.
DEVOS T. (2005). « Identité sociale et émotions intergroupes ». Cahiers internatio-
naux de psychologie sociale, n° 67-68, 2005 « Préjugés, stéréotypes et relations
intergroupes », p. 85-100.

Le rôle de la catégorisation et de l’identification sociale


YZERBYT V.Y., DUMONT M., GORDIJN E., WIGBOLDUS D. (2002). « Intergroup
emotions : The impact of self-categorization on reactions to victims ». In Mackie
D.M. et Smith E.R. (éd.), From Prejudice to Intergroup Emotions : Differentiated
Reactions to Social Groups. Philadelphia, PA, Psychology Press.

Le rôle des évaluations dans la détermination des émotions collectives


GARCIA-PRIETO P., SCHERER K. (2006). « Connecting social identity theory to cogni-
tive appraisal theory of emotions ». In R. Brown, D. Capozza (éd.), Social Identi-
ties : Motivational, Emotional, Cultural Influences. Hove, UK, Psychology Press.
ÉMOTIONS INTERGROUPES 331

La culpabilité collective
BRANSCOMBE N.R., DOOSJE B., MCGARTY C. (2002). « Antecedents and consequen-
ces of collective guilt ». In D.M. Mackie et E.R. Smith (éd.), From Prejudice to
Intergroup Emotions : Differentiated Reactions to Social Groups. Philadelphia,
PA, Psychology Press.

Pour une discussion sur le rôle des émotions intergroupes


dans les organisations
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GARCIA-PRIETO P., TRAN. V., WRANIK T. (2005). « Les théories de l’évaluation et de
la différenciation des émotions : une clé pour comprendre le vécu émotionnel des
individus au travail ». In O. Herrback et K. Mignonac (éd.) Les Émotions au
travail. Recherches en comportement organisationnel. Paris, De Boeck.

SITE WEB

Emotion intergroupe et les attentats terroristes de septembre 11, 2001:


http://www.psychologicalscience.org/observer/getArticle.cfm?id=1475

QUELQUES EXPÉRIENCES
FONDAMENTALES

Les expériences les plus complètes en faveur de l’existence des émotions


intergroupe ont été réalisées par Smith, Seger et Mackie (2006). Ces chercheurs
ont demandé aux participants soit de se définir en termes d’identité personnelle
soit de se définir en termes d’identités sociales particulières (Américains,
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

républicains, démocrates, hommes, et ainsi de suite) et de rapporter les émotions


ressenties. Pour chaque identité sociale activée, les participants ont rapporté
des profils émotionnels différents, distincts les uns des autres et distincts aussi
des participants qui se sont définis en termes d’identité personnelle. C’est-à-dire,
bien qu’un individu particulier pourrait dire se sentir heureux et relaxé en tant
qu’individu, ce même individu pourrait avouer se sentir fâché et soucieux en
tant qu’Américain et coupable et déprimé en tant que démocrate. L’identité
sociale des participants a clairement dicté les émotions rapportées.
SMITH E.R., SEGER C.R., MACKIE D.M. (2007). « Can emotions be truly group-
level ? Evidence regarding for conceptual criteria », Journal of Personality and
Social Psychology, 93, 461-446.
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DANS LE MONDE
DE L’ENTREPRISE
ET DU TRAVAIL1
LES ÉMOTIONS
Chapitre 11

1. Par Véronique Tran.


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INTRODUCTION

À l’heure actuelle, il est assez usuel de parler d’émotions dans le contexte de


l’entreprise. Comme l’expression Zeitgeist l’indiquerait, les émotions sont
dans l’air du temps. Cette évolution s’est déroulée au cours des vingt dernières
années (voir Brief et Weiss, 2002). Des ouvrages tels que L’Intelligence émotion-
nelle de Daniel Goleman (1995) ont contribué au regain de popularité des
émotions et à leur reconnaissance au sein des entreprises. Cette évolution,
que Barsade, Brief, et Spataro (2003) qualifient de révolution scientifique
kuhnienne1, procure à tous une excellente opportunité de mieux comprendre
les émotions. Elles font partie intégrante de la vie quotidienne dans le cadre du
travail, même si pendant des années, on a voulu le nier (Fineman, 1993). Certes,
diverses stratégies sont mises en place individuellement ou collectivement
pour gérer les émotions, mais leur présence est indéniable et a même des
effets importants sur les activités des membres d’une organisation (Ashforth
et Humphrey, 1995).
Les émotions ont été longtemps considérées comme individuelles, comme
des expériences privées. Les occurrences collectives de l’émotion sont géné-
ralement vues comme un événement exceptionnel durant lequel beaucoup
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

d’individus tendent à avoir des émotions très similaires (par exemple événe-
ments sportifs, émeutes, catastrophes). Cependant, on peut aisément penser à des
exemples plus quotidiens d’émotions collectives dans les équipes et entreprises :
la joie de célébrer de bons résultats, la tristesse lors de licenciements ou la
colère pendant des grèves.
L’objectif de ce chapitre est donc de passer en revue, d’une part, les prin-
cipaux courants de recherche prenant en compte les émotions et, d’autre part,

1. Voir Kuhn (1970).


336 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

d’explorer les aspects tantôt positifs, tantôt négatifs des émotions, que ce soit
pour l’individu, pour le groupe (ou l’équipe) ou encore pour l’organisation
(ou le collectif). Après un bref historique, nous présenterons rapidement les
travaux portant sur l’affect et l’humeur les plus représentatifs du domaine, avant
de passer aux émotions. Étant donné l’ampleur que le sujet a prise, nous nous
référerons autant à des études en psychologie de l’émotion qu’en psychologie
industrielle, en comportement organisationnel1 ou encore en sociologie.
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1 HISTORIQUE2

L’étude des émotions sur le lieu de travail émerge en tant que concept scien-
tifique dans les années 1930, principalement aux États-Unis (Brief et Weiss,
2002), notamment lorsque les premiers théoriciens des dynamiques de groupe,
comme par exemple Mayo ou Lewin (Anzieu et Martin, 1994), introduisirent
le concept de relations humaines au travail. En 1932, une étude cruciale, bien
que peu reconnue, montre les liens entre les affects ressentis au jour le jour et
la performance, de même qu’elle met en évidence l’influence des émotions
ressenties à la maison sur le comportement au travail, Hersey (1932, cité par
Brief et Weiss, 2002) a été un précurseur des études utilisant la méthode du
journal (ou experience sampling methodology) : il a demandé à un petit groupe
d’ouvriers spécialisés de reporter, entre autres, leurs émotions, et ce, quatre
fois par jour pendant plusieurs semaines (dix à treize) ; il a pu ainsi identifier
la variabilité des affects et des cycles affectifs différents pour chaque ouvrier.
On notera aussi les études que Roethlisberger et Dickson (1939, cités par
Brief et Weiss, 2002), psychologues d’Harvard, ont effectuées dans l’usine
Hawthorne de la division Western Electric de ATetT3, et qui identifient déjà
l’importance de l’interaction entre la personne et la situation dans l’adaptation
du travailleur à son travail.
La profusion de travaux dans les années 1930 fut suivie d’une période
creuse avec peu de développements théoriques et des approches empiriques
limitées, jusqu’aux années 1980 où l’on assistera à la renaissance de l’intérêt
pour les phénomènes affectifs (émotions et humeurs). L’on se doit de s’attarder
un peu sur le concept de satisfaction au travail, car il fait partie de l’historique
de la problématique des émotions dans l’entreprise et leur développement
historique fut parallèle et inséparable. Reste alors que même si la satisfaction

1. De l’anglais organizational behavior.


2. Cette section s’appuie sur Weiss et Brief (2001). Pour un historique détaillé, voir Barsade, Brief
et Spataro (2003) et Brief et Weiss (2002).
3. Également connues au travers d’Elton Mayo.
LES ÉMOTIONS DANS LE MONDE DE L’ENTREPRISE ET DU TRAVAIL 337

au travail ne devrait pas nécessairement figurer dans un chapitre consacré


aux émotions (puisque ce n’est pas une émotion), c’est un thème incontour-
nable et l’on comprend pourquoi, puisque les chercheurs se sont attachés à
considérer la satisfaction au travail comme un phénomène affectif pendant
une trentaine d’années. Nous en proposons un résumé ici.

1.1 La satisfaction au travail


Malgré la prolifération d’idées et de méthodologies explorant l’affect au
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travail au cours des années 1930, les recherches sur l’affect et les méthodes
utilisées pour l’approcher convergent autour de la satisfaction au travail, de
ses causes et de ses conséquences en milieu organisationnel. Cette convergence
continuera au cours des années 1940, pendant lesquelles les scientifiques
exploitent un avantage majeur de la méthodologie des questionnaires : l’apti-
tude à tester beaucoup de gens rapidement et efficacement. Peu de place est
accordée à d’autres méthodologies telles que les interviews et autres démarches
qualitatives et jusqu’à la fin des années 1960, il existe peu de développements
théoriques (Brief et Weiss, 2002). La recherche sur la satisfaction au travail
dans les années 1950 a cependant posé les bases des futurs avancements de la
recherche, comme par exemple les travaux d’Herzberg (Herzberg, Mausner,
et Snydernman, 1959) sur la satisfaction et l’insatisfaction1. Les années 1960
voient la revitalisation de la recherche sur la satisfaction au travail. En 1969,
Locke est le premier théoricien de la satisfaction à la considérer comme une
émotion. Il pose l’hypothèse que les émotions telles que la satisfaction résul-
tent d’évaluations, ce qui s’avère similaire au concept actuel d’évaluation
cognitive (Barsade et al., 2003). Locke (1976, cité par Brief et Weiss, 2002)
avance la définition suivante : « Un état émotionnel plaisant ou positif résul-
tant de l’évaluation qu’on se fait de son travail ou des expériences vécues au
travail » (p. 1300).
Les années 1970 représentent une période de consolidation et de calme
relatif. Des revues de littérature sur la satisfaction et la motivation voient le
jour, aidant les chercheurs à organiser et à consolider leurs réflexions sur les
courants de recherche existants. Jusqu’à ce point dans l’histoire, la satisfaction
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

au travail était la variable affective de choix. On a tenté souvent de manière


infructueuse à l’utiliser comme variable prédictive de performance.
Cela étant, d’après Barsade et al. (2003) et malgré la définition de Locke,
le concept de satisfaction au travail ne permet pas, et de loin, d’explorer le
vaste champ de l’affect. C’est la déception produite par l’incapacité de lier le
concept de satisfaction au travail à d’importantes variables organisationnelles

1. La théorie bifactorielle de la motivation, incontournable classique des cours de comportement


organisationnel.
338 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

(comme par exemple la performance) qui aurait poussé les chercheurs à trou-
ver une autre manière de caractériser l’affect au travail. Staw, psychologue,
spécialiste du comportement organisationnel, développe notamment l’idée
que l’affectivité comme trait de personnalité est une composante essentielle
du comportement (Staw et al., 1986). Il se base sur les travaux de Watson et
Tellegen (1988) et sur les concepts d’affectivité positive/affectivité négative 1.
Ceci constitue un des tournants de la révolution affective et ouvre beaucoup
de nouvelles perspectives.
En conclusion, même si les chercheurs ont considéré l’affect comme facteur
principal de la satisfaction au travail, ils ne se sont préoccupés en réalité que
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des aspects cognitifs dans leur manière de mesurer le problème. Mais, comme
nous l’expliquent Brief et Weiss (2002), il faudrait pouvoir distinguer entre
le concept de satisfaction au travail comme étant une attitude – incluant à la
fois des aspects affectifs et cognitifs – ou au contraire comme étant un juge-
ment évaluatif. Certaines études ont même démontré que les émotions ou les
affects influencent directement la satisfaction au travail (voir Weiss et al.,
1999 ; Fisher, 2000). Brief et Weiss suggèrent que l’on considère soit l’affect
comme un antécédent de la satisfaction au travail, soit la satisfaction comme une
composante affective, et l’affect devient alors un indicateur de la satisfaction.
D’après eux, le débat n’est pas encore clos.

1.2 La progression vers l’engouement actuel


pour les émotions
Pour en revenir au développement de l’intérêt pour les émotions dans le monde
du travail, et pour comprendre pourquoi elles ont été ignorées ou prudemment
canalisées, il faut se remémorer le fait que les années 1950 à 1970 sont marquées
par le cognitivisme et le behaviorisme. Par conséquent, le comportement
humain est vu à travers ce prisme rationnel où les émotions sont perçues comme
des imperfections (Scherer, 1984). Les entreprises s’immunisent donc contre
les émotions, d’autant plus qu’elles sont considérées comme inappropriées
dans le monde du travail : dans les mentalités, les émotions demeurent liées à
la dimension irrationnelle ou privée (Putnam et Mumby, 1993).
Cependant, dès le milieu des années 1980, les chercheurs dans le domaine
organisationnel trouvent un regain d’intérêt pour les émotions, et ces années
marquent un tournant dans l’histoire de l’étude de l’affect lié au travail. Les
travaux d’Arlie Hochschild (1983) représentent une étape importante dans

1. Une personne AP se définit comme enthousiaste, confiante, active. Elle serait plus énergique et
persistente dans son travail, à long terme. Une personne AN est plus encline à ressentir de
l’anxiété, de l’hostilité, de la culpabilité. Elle favorisera des échanges plus conflictuels et plus
critiques.
LES ÉMOTIONS DANS LE MONDE DE L’ENTREPRISE ET DU TRAVAIL 339

cette évolution avec les notions de « normes émotionnelles » et de « travail


émotif » et ont généré une nouvelle génération de travaux basés sur ces concepts.
En 1992, on demandait à Pekrun et Frese, psychologues du travail, d’écrire
une revue de la littérature sur les émotions au travail : ils reconnurent eux-mêmes
le défi que cela pouvait représenter car encore au début des années 1990, il y
avait peu de matière à disposition. En 1993, Stephen Fineman, d’orientation
davantage sociologique, publie un ouvrage sur les émotions au sein des orga-
nisations. Mais c’est David Goleman (1995) qui, la même année, popularise
les émotions avec son livre L’Intelligence émotionnelle. Les émotions semblent
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pouvoir prendre une place légitime dans les entreprises. Depuis, plusieurs
ouvrages sont parus entièrement dédiés aux émotions dans le contexte du
travail et de l’organisation (voir lectures conseillées). Le développement a
été tel qu’on peut même parler de changement de paradigme (voir Barsade et
al., 2003).
Cependant, les récentes revues de la littérature (Barsade et al., 2003 ; Brief
et Weiss. 2002) s’accordent à reconnaître que davantage d’attention a été
consacrée et est toujours plus consacrée à l’affect ou à l’humeur, plutôt
qu’aux émotions discrètes (voir chapitre 1). Il devient dès alors très difficile
de rapporter des études sur les effets ou influences d’émotions discrètes sur
divers processus organisationnels puisqu’il n’en existe que peu. Nous nous
devons donc d’exposer ici les principaux travaux concernant les effets de
l’affect et de l’humeur et d’attirer l’attention du lecteur sur cet important défi
de la définition. La vigilance est de mise car dans de nombreux articles, en
effet, les mots « affect », « humeur » et « émotion » sont utilisés de manière
interchangeable1. De ce point de vue, il y a là encore du chemin à parcourir
pour que les émotions discrètes obtiennent une part plus importante dans la
recherche dans le milieu organisationnel. C’est pourquoi des modèles théori-
ques tels que, par exemple, l’Affective Event Theory (Weiss et Cropanzano,
1996) sont importants, car ils procurent aux chercheurs une base sur laquelle
s’appuyer, comme nous le verrons plus loin.

2 L’AFFECT ET L’HUMEUR
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Concernant l’affect, deux courants de recherche émergent : l’affect en tant


que trait de personnalité et l’affect en tant qu’état provisoire. Comme nous
l’avons mentionné dans la section précédente, les travaux de Staw forment la
référence en matière d’affect en tant que trait de personnalité. En matière

1. Voir Tran (2007) sur les implications méthodologiques et empiriques.


340 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

d’affect comme étant un état transitoire, Alice Isen est une pionnière de
l’étude de l’influence de l’affect positif (induit extérieurement) sur la cognition
et le comportement social (1970 à nos jours). Isen se concentre essentiellement
sur l’affect positif de faible intensité, qu’elle induit chez les sujets en leur
offrant un bonbon, un biscuit, ou un rafraîchissement, ou encore en leur faisant
croire qu’ils ont fortuitement trouvé une pièce de monnaie « oubliée » dans
une cabine téléphonique. Elle a trouvé une relation positive entre l’affect positif
et les éléments suivants : la prise de décision, la négociation, une résolution
plus créative des problèmes, la coopérativité, la bienveillance et l’aide à autrui
(voir Isen et Baron, 1991 pour une revue). Elle a trouvé que l’affect positif
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favorise la flexibilité cognitive, permettant aux individus de faire des liens
plus inusuels entre les informations, une meilleure performance dans des
tâches de résolution de problème, une meilleure recherche d’informations et une
meilleure évaluation des alternatives à disposition avant de prendre une décision.
Plus récemment, Isen a aussi souligné les avantages que cela pouvait avoir
dans le domaine organisationnel (Isen et Baron, 1991). Les travaux d’Isen et
collègues sont incontournables dès lors que l’on s’intéresse aux phénomènes
affectifs et leurs relations au travail ou à l’entreprise.
Staw et ses collègues que nous avons évoqués plus haut se sont penchés
sur les effets des affects sur la performance en général. Staw et Barsade (1993)
ont démontré que les individus dotés d’une affectivité positive sont plus
performants dans un contexte de prise de décision, mais ont aussi plus de
succès interpersonnel dans l’entreprise et dans leur carrière en général. Staw,
Sutton et Pelled (1994) se sont concentrés sur les émotions positives, conçues
plutôt au sens large du terme « contentement ». Les employés montrant des
émotions positives expérimenteraient des effets positifs au niveau du produit
de leur travail, c’est-à-dire de meilleures évaluations de performance (et donc
une augmentation du salaire), un travail plus riche et un support social plus
important de la part des supérieurs et des collègues. Il s’est avéré qu’en effet
les affects positifs étaient liés à une meilleure évaluation de la performance
par le supérieur hiérarchique et un support social d’autant plus important de
la part des supérieurs que des collègues. Par contre, aucun impact sur la
richesse du travail à effectuer n’a été trouvé.
Récemment, un certain nombre de chercheurs ont investigué comment les
affects ou les humeurs ressenties au sein d’équipes se combinent en un
processus collectif qui influence comment les équipes vont fonctionner (nous
reviendrons sur les émotions collectives plus loin dans la section intitulée
« climat émotionnel »). Barsade (2002) a étudié la contagion émotionnelle
dans les équipes de travail, utilisant la définition de la contagion émotion-
nelle de Hatfield et collègues (Hatfield et al., 1994), à savoir un processus
d’imitation inconscient et automatique des comportements non verbaux d’autrui.
George (1990) définit la tonalité affective d’un groupe comme des réactions
affectives pertinentes de la part des membres du groupe. Ces études ont
révélé une influence de l’affect collectif sur des processus ou des outputs du
LES ÉMOTIONS DANS LE MONDE DE L’ENTREPRISE ET DU TRAVAIL 341

groupe. La tonalité affective positive est négativement corrélée à l’absentéisme


et la tonalité affective négative est négativement corrélée au comportement
pro-social (George, 1990). Par exemple, lorsque l’on est de bonne humeur,
nous aurions davantage tendance à aider nos collègues en cas de coup dur, ou
à être de bons citoyens dans l’entreprise en général. Bartel et Saavedra (2000)
définissent les humeurs collectives comme des humeurs partagées par les
membres d’une équipe. Leurs résultats démontrent que la convergence des
humeurs positives est associée à une interdépendance relationnelle, à une
interdépendance dans la tâche, à une stabilité de l’adhésion des membres à
leur équipe et à une régulation des normes de régulation de l’humeur. Totterdell
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et ses collègues (Totterdell et al., 1998 ; Totterdell, 2000) définissent les liens
entre les humeurs des membres d’une équipe de travail comme des influences
interpersonnelles d’humeurs similaires.
Ces quelques études ne constituent évidemment qu’un échantillon des
nombreuses études effectuées ces vingt dernières années, mais comme nous
l’avons mentionné plus haut, notre but dans cet ouvrage est de nous concentrer
sur les émotions.

3 PLAIDOYER EN FAVEUR DES ÉMOTIONS


DANS L’ENTREPRISE

Avant de traiter des thèmes plus spécifiques concernant la relation entre les
émotions et le travail, il semble important de rapporter les points de vue de
plusieurs chercheurs qui ont non seulement voulu justifier le fait de conduire
des recherches sur les émotions dans le cadre du travail et de l’entreprise,
mais aussi justifier leur existence, après qu’elles aient été mises si longtemps de
côté, voire ignorées (Fineman, 1993). En parallèle, il est tout aussi nécessaire
et important de préciser que la plupart des travaux portant sur les phénomè-
nes affectifs dans le monde du travail se sont basés sur l’affect et l’humeur, et
non pas sur l’émotion telle que nous la définissons dans le présent ouvrage
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

(voir chapitre 1). Dans une revue récente de la littérature sur les humeurs et
les équipes, Kelly et Barsade (2001) décrivent la quasi-inexistence des études
empiriques portant sur l’influence d’émotions intenses sur les processus grou-
paux. Ceci serait dû entre autres à la difficulté que les chercheurs ont à accéder
aux entreprises qui permettraient que de telles émotions soient étudiées.
Pour Pekrun et Frese (1992), le travail peut être considéré comme une des
principales sources de la vie émotionnelle des êtres humains. Les émotions
sont les déterminants essentiels du comportement et de l’accomplissement au
travail et, par conséquent, les émotions influencent probablement en profondeur
le climat social et la productivité des entreprises.
342 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

Pour Fineman (1993), les émotions font partie intégrante de notions, telles
que l’ordre et le désordre social, les structures, les performances, le succès
ou l’échec, le conflit, l’influence, la conformité, les intrigues, le pouvoir, etc.
Les entreprises sont des lieux où des émotions comme la peur, le mépris, la
jalousie, la fierté, la joie, l’enthousiasme sont constamment présentes.
Pour Ashforth et Humphrey (1995), les émotions sont un élément essentiel
et incontournable de la vie organisationnelle. Des sentiments de déception,
de bonheur, de tristesse ou de peur sont autant d’exemples d’émotions ou
d’affects ressentis dans le cadre de l’entreprise. Ashforth et Humphrey (1995)
marquent leur étonnement quant à la négligence démontrée à l’encontre du rôle
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que jouent les émotions dans la vie quotidienne au travail. Car, d’une part,
leur importance avait justement été démontrée dès les années 1930 et, d’autre
part, les émotions sont à l’évidence à l’origine de beaucoup de processus
organisationnels, tels que les dynamiques de groupe, les relations formelles
ou informelles entre les employés (quel que soit le niveau hiérarchique occupé),
le leadership, etc.
Lazarus et Cohen-Charash (2001) plaident en faveur de l’étude des effets
des émotions discrètes, par opposition aux nombreuses études basées sur
l’affectivité négative ou positive, en tant que large composite ou bien sur les
humeurs positives ou négatives. Les émotions discrètes vécues au travail
constituent pourtant la pierre d’achoppement du domaine pour nous aider à
mieux comprendre comment les employés s’adaptent à la vie organisation-
nelle. Les recherches sur le travail émotif (Hochschild, 1983), qui traitent de la
façon dont les émotions sont façonnées et régulées dans le but d’une accom-
modation aux demandes organisationnelles, tendent d’ailleurs à se focaliser
sur les émotions discrètes. On tend donc vers la reconnaissance de l’impor-
tance des émotions discrètes, qui vont au-delà des catégories plus élargies
d’affects négatifs ou positifs. Lazarus et Cohen-Charash suggèrent en fait
que les émotions discrètes fournissent l’une des sources d’information les
plus utiles quant aux processus d’adaptation des êtres humains à leur lieu de
travail et aux autres humains qu’ils y rencontrent.

4 L’AFFECTIVE EVENT THEORY (AET)

La théorie des événements affectifs, avancée par Weiss et Cropanzano (1996),


se révèle très prometteuse. Elle se base sur les théories de l’évaluation cognitive
(voir chapitre 1) pour avancer que ce n’est pas l’environnement de travail en
général qui provoque des états affectifs, mais bien les événements vécus et
interprétés par les gens au travail. D’après ces auteurs, les émotions au travail
sont déterminées par une évaluation primaire de l’importance et de la perti-
nence d’un événement pour le bien-être du travailleur, et par une évaluation
LES ÉMOTIONS DANS LE MONDE DE L’ENTREPRISE ET DU TRAVAIL 343

secondaire du potentiel à maîtriser les conséquences de l’événement. Ce qui


est novateur dans l’approche de Weiss et Cropanzano (1996) est que leur
modèle reconnaît l’influence des facteurs individuels (dispositions affectives)
et des facteurs contextuels (demandes endogènes à l’environnement de travail)
sur le processus de l’évaluation cognitive et de la différenciation des émotions.
Le modèle suggère que des caractéristiques stables de l’environnement du
travail (par exemple aspects physiques de l’organisation, la nature du travail)
et les dispositions affectives de l’individu (par exemple affectivité positive ou
négative) peuvent faciliter ou entraver l’occurrence de certains types d’événe-
ments qui seraient sources à la fois d’émotions discrètes et d’affect positif ou
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négatif. Ces auteurs suggèrent aussi que c’est la fréquence d’un certain type
d’expériences affectives, plus que leur intensité, qui agira de façon cumulative
sur les attitudes vis-à-vis du travail et sur le comportement organisationnel.
Ceci dit, leur modèle n’exclut pas que certaines expériences affectives puissent
avoir une influence directe sur le comportement. Ainsi, cette théorie nous
permet de comprendre de quelle façon certains événements au travail peuvent
être sources d’émotions discrètes, et de quelle façon les émotions ressenties
peuvent agir soit directement, soit de manière cumulative sur les attitudes
vis-à-vis du travail, et sur le comportement organisationnel. Ils cherchent
clairement à se démarquer de la tradition « satisfaction au travail = affect ».

Isen Ashforth
Hochschild Staw Goleman
& Humphrey

« Feeling rules » Affect/trait Comportement Normes Intelligence


social et
de personnalité cognition régulatrices émotionnelle

• Émotions • Régulation et
• Affect et • Affect et • Régulation adaptation
montrées vs. satisfaction au évaluation de la émotionnelle
ressenties de l’émotion
travail performance
• Effets de la • Gestion de • Aptitudes à
• Affect et • Affect/humeur & l’impression communiquer
culture, du genre, absentéisme prise de décision
du statut sur les • Utilisation • Impact sur
emotions • Affect et • Affect et conflit/
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stratégique l’efficacité des


montrées/ressen- comportement negociation de l’émotion individus, des
ties/attendues prosocial équipes, des
organisations

Figure 11.1
Quelques auteurs-clé, leur concept central
et les types de recherches sur les recherches qui en découlent.

Dans l’ensemble, les recherches empiriques supportent les propositions


élaborées par la théorie des événements affectifs. Plusieurs chercheurs ont réper-
torié des événements qui seraient sources d’émotions positives et d’émotions
344 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

négatives au travail. Comme le proposaient Weiss et Cropanzano, Basch et


Fisher (2000) ont identifié, en se basant sur l’AET, trois principales sources
d’émotions positives à l’origine de, par exemple, la joie, la fierté ou le soula-
gement, à savoir : (a) la réussite des objectifs, (b) la reconnaissance et (c) des
agissements de leurs collègues. Les trois principales sources d’émotions
négatives, à l’origine par exemple de la colère, de l’irritation de dégoût ou de
tristesse sont : (a) des actions de la part des collègues, (b) des agissements de
leurs supérieurs (encadrement) et (c) des problèmes liés à la tâche. Le fait que
les émotions négatives soient principalement générées tant par les actions des
collègues que par les actions du management incite les auteurs à conclure
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que les employés, autant que les managers, ne réalisent sans doute pas très
bien l’impact de leurs propres actions sur ceux qui les entourent.
D’autres chercheurs ont montré les effets d’émotions discrètes sur des
comportements organisationnels. Fisher (2000) a trouvé que la fréquence
d’émotions positives (comme par exemple apprécier quelqu’un ou quelque
chose, être content(e), enthousiaste, heureux (se), fier(e), satisfait, délecté(e) et
optimiste) plus que leur intensité, prédisait fortement la satisfaction au travail.
Dans son étude de 2002, Fisher a trouvé que les réactions émotionnelles posi-
tives prédisaient l’engagement affectif et le comportement altruiste. L’intention
de démissionner est plutôt prédite par la satisfaction au travail que par les
émotions négatives. Grandey et al. (Grandey, Tam et Brauburger, 2002) ont
utilisé l’échelle développée par Fisher, c’est-à-dire la même liste d’émotions
positives. Parmi les émotions négatives, on trouve trois sous-catégories : le
groupe colère (fâché[e], frustré[e], dégoûté[e]), le groupe tristesse (déçu[e],
mécontent[e], déprimé[e]), et le groupe anxiété (soucieux[se], embarrassé[e]).
Par contre, Grandey et al. se sont attachés à étudier plus spécifiquement les
effets de deux émotions : la colère et la fierté. Ces chercheurs ont donc trouvé
que les prédispositions à l’affect négatif avaient un impact sur les réactions
émotionnelles négatives, et que ces dernières étaient à leur tour associées à
l’intention de quitter son travail, et ceci tout particulièrement dans le cas des
émotions du groupe tristesse. Au contraire, les prédispositions à l’affect positif
n’ont que peu ou pas prédit les réactions émotionnelles positives. Des analyses
qualitatives ont révélé que de mauvaises relations interpersonnelles avec certains
clients formaient la plus grande source de colère au travail et résultaient en
une réaction feinte dans environ 50 % des cas, alors que la reconnaissance
d’une bonne performance au travail par les supérieurs hiérarchiques constitue
la source principale de fierté.
On réalise bien la complexité des interactions lorsqu’on se penche sur ces
recherches, et surtout, comme le remarque Fisher (2000), que les émotions
sont une pièce maîtresse dans notre vie au travail. Ceci est d’ailleurs logique :
nous rencontrons au travail (nous y passons une grande partie de notre jour-
née !) autant d’événements et d’interactions potentiellement générateurs
d’émotions que dans notre vie privée, et il n’y a aucune raison pour que notre
cerveau s’arrête d’évaluer ces événements parce que nous avons franchi la
LES ÉMOTIONS DANS LE MONDE DE L’ENTREPRISE ET DU TRAVAIL 345

porte du bureau ! Les émotions sont donc bien là, mais la nuance, c’est que
nous ne pouvons pas toujours nous permettre de les exprimer de la même
manière que dans notre sphère privée, d’où l’idée de régulation.

5 LA RÉGULATION ÉMOTIONNELLE

Hochschild (1983), sociologue, est la figure symbolique qui a donné l’impul-


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sion du changement de la place qu’occupent les émotions dans le paysage
organisationnel. Elle a développé la théorie des feeling rules, c’est-à-dire des
règles sociales qui régissent nos émotions, pour qu’elles soient compatibles
avec les normes en vigueur. Elle parle d’emotional labor, ou le « management
du sentiment » dans le but de créer une expression faciale et corporelle publi-
quement observable (Hochschild, 1983, p. 7), c’est-à-dire du travail émotif que
l’on fournit pour produire des émotions que l’on transmettra ensuite aux autres.
Elle a étudié notamment le personnel de Delta Airlines et le travail émotif effec-
tué par le personnel naviguant. Se plaçant dans une perspective dramaturgique,
Hochschild distingue entre deux stratégies principales de gestion des émotions :
le jeu de surface (surface acting), au cours duquel on régule ses émotions, et le
jeu en profondeur (deep acting), au cours duquel l’on modifie consciemment
ses sentiments afin de pouvoir exprimer les émotions désirées.
Ashforth et Humphrey (1993), quant à eux, définissent le travail émotif
comme l’acte d’afficher des émotions appropriées, à savoir que l’on s’engage
dans une forme de gestion de son image au sein de l’entreprise. Ils considèrent
le travail émotif comme étant influencé par une série de facteurs externes,
contrairement à Hochschild qui le voit plus comme une gestion interne
(effectuée par l’individu). Ils décrivent quatre stratégies de normalisation des
émotions sur le lieu du travail (Ashforth et Humphrey, 1995) : la neutralisation,
l’amortissement, la prescription et la normalisation. La neutralisation consiste
à prévenir l’émergence des émotions. L’amortissement consiste à éviter que
les émotions ne viennent troubler les activités professionnelles en cours. La
prescription consiste à réguler les émotions avec des scripts précis (par exemple,
huissiers, personnel compagnies aériennes). Enfin, la normalisation consiste
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à minimiser les émotions inacceptables ou à recadrer leur signification. Les


émotions peuvent être utilisées comme instrument stratégique pour l’entre-
prise (Rafaeli et Sutton, 1989), voire être manipulées au travers de la culture
d’entreprise (Van Maanen et Kunda, 1989).
Il n’est pas surprenant que les premières études à ce sujet se soient focalisées
sur les employés de l’industrie de service (serveurs(ses), vendeurs(ses), person-
nel naviguant) de la part desquels on s’attend à une expression d’émotions
positives et à une suppression des émotions négatives qu’ils pourraient ressentir
par rapport à leur travail ou par rapport aux interactions avec les clients. Plus
récemment, une grande part des recherches axées sur les émotions au travail
346 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

s’est développée sur le thème de la régulation émotionnelle en tant que re-


conceptualisation du travail émotif. La régulation émotionnelle est en effet
définie comme « les processus aux travers desquels les individus influencent
les émotions qu’ils ressentent, à quel moment ils les ressentent, comment ils
les expérimentent et comme ils les expriment » (Gross, 1998, p. 275) – voir
chapitre 8. Il existe donc une série de stratégies de régulation qui incluent
des aspects non seulement cognitifs mais aussi physiologiques ou physiques.
La notion de régulation ouvre donc les portes à toutes les recherches sur les
implications du vécu émotionnel sincère ou joué sur la santé (par exemple lié
aux problématiques de stress et de burnout). Nous référons le lecteur aux
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travaux d’Alicia Grandey et collègues, qui portent notamment sur les différentes
stratégies d’expression de l’émotion (sincère ou « jouée ») et leur impact sur le
bien-être des individus employés dans l’industrie de service (vendeurs, employés
de supermarchés) (voir Grandey et Brauburger, 2002 pour une revue théorique).
Ainsi, parmi un échantillon de cent trente et un assistants administratifs, Gran-
dey (2003) a pu identifier que le jeu en profondeur permettait une meilleure
reconnaissance des émotions parmi les collègues de travail, mais par contre
le jeu en surface s’avère être une plus grande source de stress. Chez des
employés travaillant dans un centre d’appel, plus fréquent est le sentiment de
se faire agressé par les clients et de ressentir du stress, plus l’individu a des
chances de souffrir d’épuisement émotionnel, ce qui est également lié au
taux d’absentéisme (Grandey, Dickter, et Sin, 2004). L’environnement culturel
peut également jouer un rôle. Grandey, Fisk, et Steiner (2005) ont comparé un
échantillon de cent un Américains et quatre-vingt-quinze Français travaillant
dans différents secteurs d’activité requérant un contact avec des clients. La
relation entre la régulation émotionnelle et l’insatisfaction au travail était
plus faible pour les Français qui semblent avoir plus de liberté (ou de contrôle)
sur l’expression de leurs émotions.
Il sera intéressant dans le futur de considérer d’autres catégories d’employés
(au-delà de l’industrie de service) et d’intégrer la notion de régulation émotion-
nelle à la socialisation des employés débutant leur emploi ou leur carrière
dans telle ou telle entreprise, ou tel ou tel secteur d’activité. L’on pourra ainsi
mieux comprendre les influences du secteur, de la culture de l’entreprise tout
en gardant à l’esprit les différences inter-individuelles en matière de régulation
face aux attentes émotionnelles de l’emploi ou de l’entreprise.

6 LES ÉMOTIONS ET LEURS CONSÉQUENCES

Parce que le nombre d’émotions distinctes n’est pas juste limité à un petit
nombre d’émotions de base, ou à une série d’états positifs ou négatifs, ou au
positionnement de l’émotion selon des dimensions de valence (positif/négatif)
et d’excitation (intensité haute/basse), mais en fait comprend un bien plus
LES ÉMOTIONS DANS LE MONDE DE L’ENTREPRISE ET DU TRAVAIL 347

grand nombre de variantes, Scherer (1994) a proposé le terme d’émotions


« modales ». Derrière ce terme, il décrit des familles d’émotions partageant
des schémas d’évaluation cognitive et des tendances à l’action, similaires et
récurrentes (voir aussi Scherer, 2005). Les conséquences comportementales
de chaque émotion dépendront de la manière spécifique dont elle sera ressentie
(Ekman et Davidson, 1994). Frijda (1986) définit la tendance à l’action comme
un état de préparation « pour exécuter un type donné d’action » (p. 70). Les
tendances à l’action constituent une composante de l’émotion très pertinente
pour comprendre les comportements organisationnels potentiels ou réalisés.
Ces comportements réalisés ont à leur tour un impact sur les relations avec
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les autres, car ceux-ci vont réagir en fonction des signaux qu’ils perçoivent
(Frijda et Mesquita, 1994). Cet aspect d’influence mutuelle entre les émotions
de l’individu et les attitudes ou agissements de l’interlocuteur est important
lorsqu’il s’agit de prendre en considération les émotions générées dans un
contexte organisationnel.
Tran (2004) a postulé que des émotions pouvant être considérées comme
un échantillon représentatif d’émotions modales peuvent être regroupées en
quatre classes : les émotions d’accomplissement, les émotions d’approche,
les émotions de résignation et les émotions antagonistes. Le concept de classes
d’émotions fut initialement proposé par Scherer et Tran (2001). Dans cette
section, nous les décrirons et nous illustrerons certaines des conséquences,
positives et négatives, pour les individus et les groupes au sein des organisations
(pour un résumé, voir tableau 11.1)1.

6.1 Les émotions d’accomplissement


Ces émotions sont représentées par exemple par la fierté, l’exaltation, la joie
et la satisfaction. Elles sont ressenties au cours de situations telles que lorsque
des individus ont accompli quelque chose personnellement ou professionnel-
lement, et ont un désir de célébrer ces accomplissements avec d’autres. Les
comportements et/ou tendances à l’action associés à ces émotions sont d’être
exubérant, expansif ou excité. Les émotions d’accomplissement peuvent être
générées soit au niveau individuel, soit au niveau collectif. Par exemple, lorsque
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

l’on ressent de la fierté, on s’approprie le mérite de l’accomplissement mais


la fierté peut aussi être ressentie collectivement et l’identité de tout le groupe
s’en retrouve rehaussée. La fierté entraîne une évaluation de mise en avant de
l’ego et de l’estime de soi. Les gens qui travaillent dans une entreprise aiment
en général être fiers de ce qu’ils sont et de ce qu’ils font, et quand cette fierté
est dénigrée, alors cela peut mener à des comportements contre-productifs
pour l’entreprise en question.

1. Voir Tran (2004) et Garcia-Prieto et al. (2005) pour les références complètes.
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Tableau 11.1
348

Implications comportementales générales, positives et négatives, de chacune des classes d’émotion


pour l’individu (I) et le groupe (G) (Garcia-Prieto, Tran et Wranik, 2005)

Classe Émotions Comportements Aspects positifs* Aspects négatifsa

Exubérance, expan- Complaisance (I/G)


sivité, excitation Augmentation de l’ego/de l’identité du groupe (I/G) Arrogance (I/G)
Fierté, Se vanter, s’affirmer Impression de vivre pleinement (I) Risque de s’engager dans des actions
exaltation, Impulsivité Attention aux autres et participation (I/G) de vantardise (I/G)
joie, Vouloir être avec Être généreux, patient, tolérant, encourageant (I/G) Ralentissement de la performance
satisfaction les autres Augmentation de la créativité et la confiance (I/G) intellectuelle, manque d’analyse (I/G)
Activation libre, Vouloir célébrer avec les autres (G) Concentration en baisse (I)
créativité Stagnation, complaisance (I/G)

Émotions d’accomplissement
Vigilance, mobilisa-
Élimination de la détresse (I) Retrait (I/G)
tion, engagement
Regain d’énergie avant de passer au prochain projet (I/G) Manque d’énergie (I/G)
Prêt à augmenter
Soulage- Soutien de l’activité du groupe (G) Poursuite de buts irréalistes (I/G)
l’effort si nécessaire
ment, Accroissement de la vigilance (I/G) Dispersion de l’énergie et de l’attention
Approche,
espoir, Amélioration de la créativité et la curiosité (I/G) (I/G)
exploration
intérêt, Acquisition de nouvelles compétences (I/G) Focalisation sur des événements
Énergie, excitation
surprise Persistance dans toutes les tâches, même les pénibles (I/G) potentiellement nuisibles (I/G)
Apprentissage,
Contribution à la gestion efficace des événements soudains Si surprise suivie de peur, alors risque

Émotions d’approche
attention
(I) de panique collective (I/G)
Orientation

a. I indique les implications pour l’individu ; G indique les implications pour le groupe.
TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

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Classe Émotions Comportements Aspects positifs* Aspects négatifsa

Possibilité de s’ajuster aux nouveaux événements,


Retrait revue des objectifs réalistes (I/G)
Résignation Renforcement des liens sociaux et du soutien (G),
Sens de l’échec, comme si rien
Évitement, méfiance réunification du groupe (G)
ne pouvait fonctionner (I/G)
Se protéger Restriction du comportement agressif (I/G)
Tristesse, Vision limitée (I/G)
Se cacher Penser prudemment aux risques (I/G)
peur, honte, Se bloquer/I/G)
ou vouloir se cacher Amélioration de la conformité et de la responsabilité sociale
culpabilité Douloureux (I)
Conscience du moi (I/G)
Sentiment d’isolation (I)
Pensée Améliorations du soi (I)
Rumination (I)
Confessions, excuses, Encouragement à la réconciliation et à l’empathie (G)

Émotions de résignation
actions réparatrices Encouragement à la conformité
aux normes du groupe.

Mobilisation À terme, ces émotions peuvent


Attaque potentielle ou empoisonner les relations avec amis
réalisée ou collègues (G)
Effort à encourager l’amélioration de soi ou de l’équipe (I/G)
Envie, Réjection Risque de rejet
Signalement des membres toxiques (G)
dégoût, Agression indirecte par le groupe (G)
Maintien de la conformité de groupe (G)
mépris, Mépris Préjudice à l’encontre
Amélioration de la confiance en soi (I/G)
colère Agression verbale d’un autre groupe (G)
Renforcement des valeurs de l’équipe (G)
ou symbolique En cas d’attaque, punition,
LES ÉMOTIONS DANS LE MONDE DE L’ENTREPRISE ET DU TRAVAIL

Émotions antagonistes
Comportement passif désapprobation sociale ou
agressif préparation à la vengeance (I/G)

a. I indique les implications pour l’individu ; G indique les implications pour le groupe.
349

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350 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

La joie et la satisfaction sont également deux émotions très importantes dans


l’environnement du travail : la joie de recevoir une promotion, une augmenta-
tion de salaire, un compliment ou une relation agréable avec les collègues.
Ces émotions donnent un sentiment de travail bien fait, que ce soit dans une
nouvelle tâche ou un défi intellectuel, et donnent à l’individu et au groupe un
sentiment de valorisation et de compétence. Elles constituent aussi des
émotions importantes pour le renforcement des liens entre personnes : on se
sent plus ouvert, plus réceptif et plus participatif, on se soucie des autres, ce
qui mène à davantage de solidarité et à une célébration collective des
succès. La satisfaction induit un sentiment de sérénité, de relaxation ou
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d’ouverture.
Les émotions d’accomplissement peuvent aussi avoir des implications
négatives. Elles peuvent aboutir à une surestimation de son mérite personnel
et à l’encouragement de la stagnation ou de la complaisance. Lorsqu’on
montre sa fierté, il se peut que l’on provoque de la jalousie ou de l’hostilité
de la part de ses collègues, ce qui peut aboutir à des conflits peu productifs.
L’exaltation peut engendrer des actions irréfléchies, qui peuvent s’avérer
nuisibles pour l’individu ou le groupe. Bien que la joie stimule la créativité et
l’intuition, elle peut aussi réduire la performance intellectuelle. La satisfaction
peut empêcher l’individu ou le groupe à faire l’effort d’explorer de nouvelles
alternatives.
Les entreprises l’ont bien compris, c’est pourquoi elles organisent des
apéritifs, soirées et autres voyages de promotion, pour motiver les troupes
après l’effort. Par contre, la stagnation et la complaisance, mentionnées plus
haut, représentent un réel danger dont il faut être conscient : si après ce succès
vous en remportiez un autre, et encore un autre, et peut-être encore x autres, cela
pourrait monter à la tête des individus impliqués. Ils pourraient alors se mettre
à négliger des choses même élémentaires, comme, par exemple, se rappeler que
nul n’est infaillible, que peut-être la concurrence est en train de lancer un produit
encore plus performant ou de gagner des parts de marché sous votre nez.

6.2 Les émotions d’approche


Ces émotions sont représentées, par exemple, par le soulagement, l’espoir,
l’intérêt et la surprise. Elles sont ressenties lorsque l’on est attentif, alerte, en
phase d’exploration, désireux d’apprendre et se réjouissant du futur. Lorsque
l’on ressent de l’espoir et de l’intérêt, on est vigilant, mobilisé ou engagé,
attentif, énergique, prêt à l’effort, motivé et impliqué. Lorsque l’on ressent
du soulagement, on se sent plutôt relaxé, montrant des signes de décompression
permettant ainsi à l’organisme d’obtenir un regain d’énergie pour faire face à
de nouveaux stimuli. Lorsque l’on ressent de la surprise, il y a relativement
peu d’effort physique engagé, mais on gagne une certaine clarté de l’esprit,
pendant que notre cerveau absorbe l’information, ce qui nous permet de nous
LES ÉMOTIONS DANS LE MONDE DE L’ENTREPRISE ET DU TRAVAIL 351

réorienter après l’événement inattendu qui a causé la surprise. Dans un contexte


organisationnel, les membres d’une équipe qui ressentiraient du soulagement
après, par exemple, l’accomplissement de leurs tâches ou après l’obtention
d’une récompense, se sentiraient redynamisés pour s’engager dans la phase
suivante de leurs objectifs. L’espoir et l’intérêt permettent de soutenir la vigi-
lance et la mobilisation dont les équipes ont besoin pour avancer. L’intérêt
renforce les liens entre les personnes, et comme Izard (1991) l’explique : « Il
s’agit d’un moyen de formation et de maintien d’unités sociales » (p. 109-110).
L’espoir contient en partie une évaluation d’incertitude ; c’est une émotion
tournée vers le futur qui joue un rôle clé dans l’adaptation de nos buts par
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rapport aux événements. L’espoir est une source vitale très importante contre
le désespoir. Par exemple, il est généré dans le monde du travail par des
occasions de carrière ou une évaluation positive de leurs compétences pour
justement mieux résister aux restructurations impliquant des licenciements.
Les émotions d’approche peuvent également avoir des implications néga-
tives. S’il se prolonge, le soulagement peut aboutir à une attitude de retrait et
l’espoir, à la poursuite d’objectifs irréalistes et à des actions inappropriées.
S’il est trop étroitement focalisé, l’intérêt peut mener à la poursuite de plans
irréalistes, à une attention éparse, à l’aveuglement ou à la dispersion de l’énergie
et la surprise au blocage de toute autre activité.

6.3 Les émotions de résignation


Ces émotions sont représentées par exemple par la tristesse, la peur, la honte
et la culpabilité. Elles débouchent sur une réduction des activités et des efforts,
sur peu d’innovation, et elles entraînent une focalisation de l’attention sur
soi-même. La tristesse est ressentie au cours de situations, telle une perte
personnelle, par exemple le décès d’un proche, ou une perte professionnelle, par
exemple la perte de son emploi ou la restructuration de l’entreprise entraînant
le départ de collègues, et elle s’accompagne typiquement d’un sentiment de
résignation et d’échec, avec des comportements comme le retrait, l’apathie et
l’appel au soutien des autres. Ce retrait aide par ailleurs l’organisme à écono-
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

miser de l’énergie, afin de pouvoir s’adapter aux nouvelles conditions. La peur


génère un sentiment de menace et de perte de contrôle sur les événements.
Elle restreint la pensée, ce qui peut conduire à considérer un nombre limité
d’options pour agir. Par contre, elle peut également avoir une fonction de
signal qui permet ainsi d’obtenir de l’information utile dans l’environnement
de l’individu ou du groupe. La peur peut davantage se traduire en termes
d’anxiété quand il s’agit de la ressentir dans le contexte du travail. Au sein de
l’organisation, l’anxiété pourrait se manifester lorsque l’individu se sent jugé
par rapport à son rôle dans l’entreprise, lorsque ce rôle n’est pas clairement
défini, et que des changements structurels pointent à l’horizon. Dans ce contexte,
l’anxiété pourrait se cacher derrière la colère, car les individus au travail
352 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

semblent être plus honteux d’exprimer leur anxiété que leur colère. La honte est
ressentie lorsqu’on effectue une évaluation négative du soi : on se sent humilié,
incapable à ses propres yeux et aux yeux des autres, causant une incapacité
temporaire de penser efficacement et logiquement. La culpabilité implique
également une évaluation négative du soi par rapport à des actions et des
comportements spécifiques. Par exemple, lorsqu’on ressent du remords, on
regrette les actions réprimandables que l’on a pu effectuer et que l’on voudrait
pouvoir tout de suite réparer. Lazarus et Cohen-Charash (2001) nous expliquent
que les individus au travail peuvent ressentir de la honte ou de la culpabilité
notamment lorsque leurs propres valeurs sont en conflit avec celles du mana-
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gement.
Les émotions de résignation peuvent aussi avoir des implications positives.
Elles renforcent les liens entre les membres d’un groupe. La tristesse favorise
un comportement de protection et une augmentation de la cohésion sociale ;
la peur freine les comportements agressifs et réunit aussi les membres d’un
groupe ; la honte encourage le comportement pro-social et agit également
comme une force cohésive, ce qui a pour résultat d’augmenter le degré de
conformité et de responsabilité individuelle. De même, la culpabilité augmente
la conformité, renforce les liens sociaux, accompagnés d’un sens de l’obligation
interpersonnelle et d’empathie. De plus, les émotions de résignation permettent
l’octroi d’un temps de récupération, pendant lequel on peut se réadapter aux
nouvelles conditions et éviter de s’engager dans des activités trop risquées.

6.4 Les émotions antagonistes


Les émotions antagonistes sont représentées par exemple par l’envie (ou la
jalousie), le dégoût, le mépris ou la colère. L’envie est généralement ressentie
lorsque l’on désire ce que quelqu’un d’autre possède et que l’on se sent infé-
rieur. Si cette émotion est associée à la colère, l’envie peut potentiellement
aboutir à une attaque et si elle dure relativement longtemps, elle entraîne une
détérioration des relations, avec les membres de la famille, les amis ou les
collègues de travail. L’envie, dans le contexte organisationnel, est générée par
les gains ou la promotion obtenus par d’autres collègues. La jalousie, elle,
intervient lorsque les gains du collègue sont obtenus aux dépens de la personne
jalouse. Une des implications de la jalousie, au demeurant souvent cachée, est
que la personne qui la ressent s’auto-déprécie, en estimant que les gains de
l’autre impliquent une limite à ses propres succès. Le dégoût (et il s’agit
davantage de dégoût moral dans le contexte du travail) est ressenti lorsque
l’on est confronté à quelque chose qui nous répugne, donc à quelque chose
qui choque nos valeurs personnelles, par exemple dans le cas d’un collaborateur
ou d’une collaboratrice qui se ferait harceler. C’est également le cas lorsque
des dirigeants évaluent mal les exigences de performance et imposent un
comportement non éthique à leurs employés (comme ce fut le cas par exemple
dans les sociétés récemment condamnées pour raison de fraude financière).
LES ÉMOTIONS DANS LE MONDE DE L’ENTREPRISE ET DU TRAVAIL 353

Lorsque le dégoût est associé à la colère, cette émotion peut devenir une
motivation à l’attaque, contre un individu ou un autre groupe. Le mépris est
considéré comme l’émotion « froide » de ce qu’on appelle la triade hostile
(colère, dégoût, mépris) : on se sent supérieur, triomphant, mais au lieu d’atta-
quer, on peut s’adonner à des stratégies plus perverses comme l’humiliation
ou le rejet. La colère est ressentie lorsque l’on estime que soi ou les siens
sont attaqués, moralement ou physiquement, et que la cause de cette attaque
semble injuste. La colère est une des émotions les plus fréquemment ressenties
dans le contexte de l’organisation. Lazarus et Cohen-Charash (2001) expli-
quent que la colère peut être générée par les manières de recruter le personnel,
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par les évaluations de performance effectuées en fin d’année, par les licen-
ciements ou par la manière insultante dont quelqu’un peut nous demander de
faire quelque chose. L’usage du pouvoir par le management est aussi une
importante source de colère dans les entreprises, de même qu’une perception
de négligence par rapport à ce que les employés ressentent. Par ailleurs, dans
un contexte professionnel, la colère contre soi-même est une émotion tout aussi
fréquente que la colère envers quelqu’un d’autre. Il y a clairement plusieurs
types de colère : d’une part, la colère peut être positive et motivante, d’autre
part, elle peut être mal adaptée et destructrice (Garcia-Prieto, Tran et Wranik,
2005). Cependant, la colère est souvent inhibée pour des raisons sociales, car
l’agression physique est en principe socialement désapprouvée et peut même
être punie. Par conséquent, il se peut que la colère soit remplacée par une
agression verbale ou symbolique (par exemple, le déni ou le retrait d’un
avantage détenu jusqu’ici par l’instigateur de la colère), par une apparence
très calme pour compenser ou par des comportements passifs agressifs (par
exemple, contrer un ordre donné par le chef ou se porter malade).
Les émotions antagonistes peuvent aussi avoir des implications positives.
Elles peuvent aider les membres d’un groupe à acquérir une certaine confiance
et une quantité d’énergie suffisante pour accomplir leurs objectifs ensemble.
Elles peuvent aussi permettre éventuellement de contre-attaquer (l’ennemi, la
concurrence) avec le but de gagner. L’envie peut mener à une certaine émulation
vers un accomplissement positif afin de gagner l’admiration des pairs ; le dégoût
peut servir de signal donné à l’individu ou au groupe afin qu’ils changent
leur attitude, ou de risquer le rejet s’ils ne le font pas, comme par exemple le
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fait de maintenir un bas niveau de pollution. Le mépris contribue également


au maintien des normes sociales en mettant une certaine pression sur les indi-
vidus déviants et, finalement, un peu de colère améliore la confiance en soi dans
certaines situations, lorsqu’il est nécessaire de réagir à l’agression des autres.
Le groupe peut gagner en cohésion car la colère renforce les valeurs groupales.
En résumé, chacune des seize émotions1 présentées ici a des facettes positives
et des facettes négatives. Lorsqu’on les étudie de plus près, on leur découvre

1. Voir tableau 11.1 pour une vue synoptique.


354 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

justement des aspects méconnus et cela nous aide à corriger certaines idées
préconçues qu’on a pu avoir sur l’une ou l’autre émotion. Par exemple, les
aspects positifs des émotions négatives ne sont pas souvent évoqués, de
même que les aspects négatifs des émotions positives. Mais que se passe-t-il
lorsque plusieurs de ces émotions sont ressenties régulièrement par une
collectivité ? L’idée de classe d’émotions est un tremplin idéal au concept de
climat, car, en effet, il semble plus probable qu’un groupe ressente une
collection d’émotions similaires – mais pas identiques – plutôt qu’une seule
et même émotion. C’est ce que nous allons voir dans le chapitre suivant.
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7 LE CLIMAT ÉMOTIONNEL

De plus en plus souvent, le concept de « climat émotionnel » est suggéré


pour couvrir ces cas d’émotions partagées ou convergentes dans les groupes,
les entreprises ou même dans la société en général, bien que peu ou pas
d’études existent pour le moment. Paez et collègues (Paez, Asun et Gonzales,
1995) postulent qu’un climat émotionnel est basé sur des émotions, des
croyances et des représentations sociales partagées, représentant un phéno-
mène collectif qui n’est pas juste une agrégation d’émotions individuelles.
Les membres d’une organisation, du fait qu’ils partagent le même environne-
ment social (par exemple la structure de l’organisation, le type de leadership,
le type de réseaux et les conditions physiques de travail) de même que des
expériences communes, développeraient ainsi des valeurs, des motivations,
des buts, des besoins, des croyances et des attitudes similaires. Ces compo-
santes à leur tour contribuent à l’émergence de dispositions d’évaluations
cognitives communes qui produiront des émotions similaires chez tous ou la
plupart des individus composant un groupe, en réponse à des événements
spécifiques. Il est évident que ces dispositions partagées sont les composantes
essentielles de ce qui est généralement appelé culture d’entreprise (par exemple
Schein, 1992) ou climat d’entreprise (par exemple Reichers et Schneider, 1990).
Cela étant, il est important de souligner que les points psychologiques communs
entre les membres d’une entreprise quant à la perception et à l’évaluation
d’événements (qui sont, en large partie, dues à la culture ou au climat organi-
sationnels) produisent des tendances à réagir émotionnellement à des événe-
ments spécifiques. Ils sont donc une pré-condition à la génération d’un climat
émotionnel au sein d’une organisation. L’émotion collective a ainsi des
propriétés différentes de celles de l’émotion individuelle. C’est cette conver-
gence émotionnelle qui constitue le climat émotionnel d’une équipe, d’une
unité ou d’un département, voire de l’organisation entière, qui à son tour
peut avoir de puissants effets, à la fois positifs et négatifs, sur les processus
organisationnels. Il ne reste plus qu’aux chercheurs à trouver les moyens de
LES ÉMOTIONS DANS LE MONDE DE L’ENTREPRISE ET DU TRAVAIL 355

mesurer et d’opérationnaliser ce phénomène. Tran (2004) a tenté de mesurer


le climat émotionnel basé sur des émotions discrètes, et a obtenu une conver-
gence émotionnelle positive au sein d’équipes de cadres travaillant ensemble
douze heures par jour pendant dix jours. Ce type de recherche n’est pas encore
très développé, du fait qu’il implique certaines difficultés méthodologiques.
Nous renvoyons le lecteur aux études sur les affects ou humeurs collectifs
(voir ce chapitre, p. 340-341), qui constituent les premières tentatives de
mesure des affects collectifs.
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CONCLUSION

Les émotions sont des déterminants essentiels du comportement et de l’accom-


plissement au travail, et par conséquent, les émotions influencent sans doute
profondément le climat social et la productivité des entreprises, même si
pendant des années, cet aspect a été ignoré ou sous-estimé. Du point de vue
de la recherche, nous sommes encore confrontés à quelques défis. Le premier
défis est celui de la définition et de l’utilisation des termes affect, humeur et
émotion, ce qui nous amène immédiatement au deuxième et au troisième
défis. Le deuxième défi est celui de la mesure, à savoir que dans la grande
majorité des études menées dans le domaine de la psychologie organisation-
nelle, on utilise l’auto-évaluation comme mesure des phénomènes affectifs et
ce pour des raisons évidentes : les accès aux sujets sur le terrain sont souvent
limités. Par conséquent, il n’est pas aisément « prouvable » que les individus
aient ressenti soit de l’humeur, soit de l’émotion. On ne peut que continuer à
être plus rigoureux et précis dans la manière de prendre les mesures. Le troi-
sième défi découle directement des deux premiers : nous manquons encore à
ce jour d’études portant sur les émotions discrètes. Nous nous devons donc
malgré tout de reconnaître toutes les recherches faites jusqu’ici, et dont nous
n’avons rapporté ici qu’un échantillon, axé sur l’affect et l’humeur. Cependant,
comme nous avons tenté de l’exposer dans ce chapitre, il y a une richesse
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immense à exploiter les émotions discrètes. Il faut notamment garder à l’esprit


que toute émotion positive ou négative a sa courbe curvilinéaire d’effets positifs
ou négatifs. Nous pouvons être fiers, mais si nous le sommes à outrance, nous
en devenons arrogants. Nous pouvons être très joyeux, mais au-delà d’un
certain point, nous perdons la tête et n’arrivons plus à nous concentrer. Nous
pouvons être tristes et cela peut nous aider à nous ressourcer, mais trop de
tristesse amène à la dépression. Nous pouvons nous mettre en colère, nous
battre pour un projet ou un emploi, ou pour nos collègues, mais trop de rage
peut mener à cette fameuse irrationalité qui a si longtemps fait penser que les
émotions n’avaient pas leur place au sein des organisations. À l’heure actuelle,
aborder la question des émotions dans les organisations apparaît comme
356 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

l’une des clefs du succès de l’entreprise. Le but n’est sans doute pas d’aboutir
au « tout émotionnel », comme l’on a pu avoir du « tout rationnel » pendant
presque un demi-siècle. Un juste équilibre entre la pensée et le sentiment est
probablement un objectif plus sensé.

LECTURES CONSEILLÉES
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ASKANASY N.M., HARTEL C.E.J., ZERBE W.J. (éd.). (2000). Emotions in the Work-
place : Research, Theory, and Practice. Westport, CT, Quorum.
PAYNE R.L., COOPER C.L. (éd.). (2001). Emotions at Work : Theory, Research, and
Applications in Management. Chichester, UK, Wiley.
LORD R.G., KLIMOSKI R.J., KANFER R. (éd.). (2002). Emotions in the Workplace :
Understanding the Structure and Role of Emotions in Organizational Behavior.
San Francisco, Jossey-Bass.
HERRBACK O., MIGNONAC K. (éd.) (2005). Les Émotions au travail. Recherches en
comportement organisationnel. Paris, De Boeck.

SITE WEB

http://www.business.uq.edu.au/research/emonet/

QUELQUES EXPÉRIENCES
FONDAMENTALES

Cet article (Fisher et al., 2000) a pour objectif d’explorer les relations entre
les humeurs et émotions ressenties au travail en temps réel et plusieurs mesures
classiques de la satisfaction au travail, alors que la plupart des études existan-
tes mesurent généralement la satisfaction comme une évaluation cognitive des
caractéristiques du travail. La méthode de l’échantillonnage (experience
sampling method) fut utilisée pour recueillir plus de cinquante enregistrements
immédiats d’humeurs et d’émotions auprès de cent vingt et une personnes
sur une période de deux semaines. Comme les auteurs l’avaient prédit, l’affect
en temps réel est bien lié à la satisfaction au travail, mais ne peut être considéré
comme son équivalent. En outre, les émotions positives et négatives contribuent
LES ÉMOTIONS DANS LE MONDE DE L’ENTREPRISE ET DU TRAVAIL 357

chacune de manière unique : par exemple, le fait de se sentir content ou


enthousiaste est lié positivement à la satisfaction au travail alors que le fait de
se sentir embarrassé ou angoissé est lié négativement à la satisfaction. Enfin, si
l’on considère la différence entre émotions positives et émotions négatives,
la quantité nette d’émotions positive prédit plus fortement la satisfaction que
l’intensité des émotions positives ressenties.
Source : FISHER C.D. (2000). « Mood and emotions while working : Missing pieces
of job satisfaction ? », Journal of Organizational Behavior, 21, 185-202.
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ET LES ÉMOTIONS1
LA PERSONNALITÉ

1. Par Tanja Wranik. Traduction française : Rachel Baeriswyl-Cottin, MSc Psychologie.


Chapitre 12
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INTRODUCTION

Georges et Céline ont obtenu tous les deux une note de 3/6 à leur dernier
examen en marketing (une note insuffisante). Quand il prend connaissance
de ce résultat, Georges est visiblement bouleversé. Il se rend d’abord dans
les toilettes afin de se reprendre et se dirige ensuite vers le bureau du
professeur, intéressé de savoir s’il n’y a pas une erreur de correction et
espérant trouver un moyen de changer cette note. Céline pour sa part
décide de se concentrer sur les autres notes qu’elle a obtenues et découvre
avec plaisir qu’elle a passé tous les autres examens auxquels elle s’était
présentée. Elle appelle alors sa meilleure amie et lui propose d’aller boire
un verre pour marquer la fin du semestre.
Cet exemple illustre un phénomène bien connu : face à un même événement,
les gens réagissent de manière différente. De plus, si nous observons les
comportements de Georges et de Céline sur la durée du semestre et que nous
voyons ce premier fréquemment anxieux et la seconde souvent joyeuse, nous
en déduirons que nous connaissons un peu de leur personnalité.
Qu’est que la personnalité ? Dans le langage courant, ce concept fait référence
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

au charisme ou à l’habileté à susciter des réactions positives chez autrui.


Ainsi, nous disons d’un individu qu’il a ou non de la personnalité. Une autre
définition plus précise, et d’ailleurs plus pertinente pour la psychologie, décrit le
terme de personnalité comme reflétant les caractéristiques les plus marquées
ou les plus dominantes d’une personne. Dans ce sens, nous pourrions dire que
« Céline est une personne gaie » et que « Georges est une personne anxieuse ».
Ces traits, qui décrivent le vécu émotionnel des individus, sont basés sur des
postulats implicites concernant la personnalité.
En psychologie, on étudie le concept de personnalité pour pouvoir comparer
les individus les uns aux autres. Pour cela, il est nécessaire de vérifier ces
362 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

postulats implicites avec des tests scientifiques et des observations. Par exemple,
un premier postulat est qu’il existe des différences individuelles. Si nous disons
« Georges est une personne anxieuse », nous supposons qu’il est plus anxieux
que la majorité des gens. Cela implique également que nous avons une certaine
idée quant à l’intensité moyenne et la fréquence auxquelles nous éprouvons
généralement de l’anxiété. On peut alors situer la personne observée sur une
échelle. Deuxièmement, nous supposons une certaine stabilité dans ces
comportements : Georges était déjà anxieux durant l’enfance et se comportera
plus fréquemment sur un mode anxieux face aux situations futures. Si nous
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pensons que les caractéristiques de la personnalité sont vraiment stables,
nous conviendrons alors que nous ne pouvons pas grand-chose pour amélio-
rer l’anxiété de Georges. Par contre, si notre concept de personnalité permet
une certaine flexibilité, nous pouvons supposer que l’anxiété de Georges
peut varier en fonction des contextes et/ou se modifier selon son parcours de
vie. Troisièmement, nous supposons que derrière le comportement observé
se trouve une organisation cohérente, qui permet d’expliquer l’origine et le
fonctionnement de ces traits de personnalité. Ainsi par exemple, nous pouvons
émettre l’hypothèse que Georges est anxieux parce qu’il a grandi auprès d’un
père lui-même anxieux ou parce qu’il présente certains déficits biologiques
ou biais cognitifs. Tous ces postulats que nous avons au sujet de la personnalité
influencent la manière dont nous interagissons avec Georges, et si et comment
il pourra apprendre à gérer son anxiété.
Qu’est-ce que les émotions ? L’affect, souvent utilisé comme un terme
général qui inclut l’émotion et l’humeur, fait référence plus particulièrement
soit à un sentiment qui implique l’agréabilité ou la désagréabilité au sens large
des termes (Frijda, 1994), à un trait de personnalité (Diener, Smith, et Fujita,
1995 ; Watson, Clark et Tellegen, 1988) ou à une attitude (Scherer, 2000).
L’humeur fait plutôt référence à un état affectif diffus, faible en intensité,
relativement de longue durée, sans cause particulière (Ekman, 1994 ;
Forgas, 1991 ; Frijda, 1994). Finalement, l’émotion est souvent définie comme
un épisode dans le temps qui implique un changement visible dans le fonction-
nement de l’individu déclenché par un événement précis, qui peut être externe
(tels que les comportements d’autrui, un changement dans le courant des
choses ou lors de la rencontre avec de nouveaux stimuli) ou interne (tels que les
pensées, souvenirs ou sensations) (Ekman, 1992 ; Scherer, 1993). La majorité
des théories contemporaines dans le domaine des émotions postulent qu’une
définition multi-componentielle de l’émotion inclut des processus cognitifs,
une activation physiologique, l’expression motrice, le sentiment subjectif
ainsi que les tendances à l’action (Frijda, 1994 ; Izard, 1991 ; Scherer, 2000 ;
voir les chapitres 1 et 2 pour plus de détails).
Dans ce chapitre, nous examinons comment la personnalité et les
émotions interagissent.
LA PERSONNALITÉ ET LES ÉMOTIONS 363

1 LA PERSONNALITÉ ET LES ÉMOTIONS :


DU POINT DE VUE DE L’INDIVIDU

1.1 Les théories de la personnalité appliquées


aux phénomènes affectifs
La psychologie de la personnalité serait une science relativement récente,
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pourtant elle a été pratiquée dès que les hommes et les femmes se sont inter-
rogés sur la nature humaine. Dans son essence, comprendre ce qu’est la
personnalité revient à se poser la question « Qui suis-je ? » ainsi qu’à donner
sens aux motivations, réactions et comportements d’autrui. Comment réagi-
ront des personnes différentes face à une même situation ? Comment dois-je
agir face à elles ? En qui puis-je avoir confiance ? Qui dois-je craindre ?
Dans les sociétés occidentales, la volonté de comprendre la nature humaine est
née chez des philosophes tels qu’Hippocrate, Aristote et Descartes. Chacun
d’entre eux créa sa propre construction théorique pour rendre compte de la
personnalité. Plus récemment, les psychologues se sont eux aussi attelés à
comprendre et à décrire la personnalité et les différences individuelles. Ils
avaient pour objectif de déterminer les origines de ces différences et de
prédire les comportements de la personne. Fondamentalement, la psychologie
de la personnalité a une vision holistique de l’individu et elle a pour but de
comprendre la grande variabilité des individus, hormis le champ de la patho-
logie (McAdams, 1997).
La recherche empirique dans le champ de la personnalité tente de répondre
à d’innombrables questions. Elle rassemble par conséquent des éclairages issus
de la psychologie développementale, sociale, cognitive et biologique. Elle se
fonde historiquement sur quatre courants principaux : psychanalytique, typo-
logique, béhavioriste et humaniste (pour plus d’informations sur l’histoire de
la recherche en psychologie de la personnalité, voir McAdams, 1997 ; pour
une revue des courants prédominants de la personnalité, voir Pervin, 1996).
Dernièrement, ces paradigmes ont été revus et étendus ; de nouveaux ont vu
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

le jour, tels que les nouvelles théories biologique, évolutionnaire et socio-


cognitive (Funder, 2001). L’objectif de chacun de ces modèles est de fournir
un cadre théorique qui puisse rendre compte des patterns caractéristiques de
la pensée, des émotions et du comportement, ainsi que des mécanismes
psychophysiologiques et neurologiques qui se cachent derrière ces patterns.
Bien que la discussion détaillée de ces modèles ne fasse pas l’objet de ce
chapitre, il est à relever que les descriptions et explications qu’ils nous four-
nissent sur la personnalité sont parfois complémentaires, mais parfois égale-
ment totalement en opposition. Nous nous focaliserons principalement sur
deux modèles : 1) l’approche typologique, qui est probablement celle qui est
la plus fréquemment utilisée dans la recherche empirique ; 2) et l’approche
364 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

socio-cognitive qui est particulièrement utile pour l’examen des différences


individuelles dans les évaluations cognitives et les processus dynamiques
liés à l’affect.

1.2 L’approche typologique


Par souci d’ordonner les choses du réel, la plupart des jeunes sciences s’attachent
à les classer et à les nommer. Cette démarche de catégorisation a également eu
lieu en psychologie. La première qui s’est intéressée en ce sens à la person-
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nalité est l’approche typologique. Les psychologues travaillant à ce niveau
d’analyse ont eu pour but de nommer, mesurer et différencier les types de
personnalité afin de décrire et comparer leurs caractéristiques psychologiques,
et leur donner du sens (John, 1990).
L’utilisation de termes décrivant un trait de caractère ou des aspects de la
personnalité est très répandue dans nos conversations courantes ; le vocabu-
laire relatif à la description de la personnalité est d’ailleurs très riche 1. Ainsi,
de manière peu surprenante, beaucoup de théories typologiques se sont-elles
basées sur le langage pour fonder leur système de classification. Un examen
détaillé des descripteurs de la personnalité et le recours à des techniques statis-
tiques de classification (telles que l’analyse factorielle), ainsi que la recherche
empirique ont abouti à divers systèmes de classification. Chaque modèle a en
effet identifié les traits de personnalité qui englobent le plus adéquatement
possible les différences du comportement humain et propose une structure de
la personnalité particulière pour en rendre compte. Deux des plus importants
sont le modèle en trois facteurs d’Eysenck (Eysenck, 1990, 1992) et celui
en cinq facteurs de Costa et McCrae (Costa et McCrae, 1992, 1997) (voir
tableau 12.1).
Les émotions et les phénomènes affectifs jouent un rôle important dans le
comportement humain et les interactions sociales. C’est pourquoi il n’est pas
étonnant que la plupart des traits de personnalité mis en évidence par ces
modèles soient reliés de près ou de loin à l’affect, et aux émotions en particulier.
Mais que signifie au juste avoir un score élevé à l’échelle d’anxiété ou de la
colère ? L’individu qui présente un tel score éprouve probablement plus
fréquemment et/ou plus intensément des sentiments d’anxiété que l’individu
ayant un score bas à cette même échelle. Toutefois, un score élevé à l’échelle
d’anxiété ne veut pas dire que l’individu n’est pas parfois calme et détendu,
joyeux ou en colère. Ainsi, il est important de distinguer 1) un trait stable qui
décrit comment les individus sont généralement, 2) d’un état transitoire qui
décrit comment l’individu se sent à un moment particulier (Davitz, 1969).

1. Dans le Webster’s Unabridged Dictionary, il existe par exemple environ dix-huit mille termes
anglais qui désignent la personnalité (Allport et Odbert, 1936).
LA PERSONNALITÉ ET LES ÉMOTIONS 365

Tableau 12.1
Traits de personnalité associés avec deux inventaires de personnalité.

Anxieux, dépressif, coupable,


Névrosisme mauvaise estime de soi, tendu, irrationnel,
Les traits associés timide, lunatique, émotionnel.
aux trois
Sociable, vif, actif, assertif, recherche de sensa-
dimensions Extraversion
tions, optimiste, dominant, facile, bavard.
d’Eysenck
Agressif, froid, égocentrique, impersonnel,
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Psychoticisme
impulsif, antisocial, créatif, changeant.

Chaleur, grégarité, assertivité, activité,


Extraversion
recherche de sensations, émotions positives

Compétence, ordre, sens du devoir, recherche


Conscience
de réussite, autodiscipline, délibération
Les traits associés
aux cinq aux rêveries, à l’esthétique, aux sentiments,
Ouverture
dimensions de aux actions, aux idées, aux valeurs
Costa et McCrae
Confiance, droiture, altruisme, compliance,
Agréabilité
modestie, sensibilité

Anxiété, colère-hostilité, dépression,


Névrosisme
timidité sociale, impulsivité, vulnérabilité

Cette distinction « trait » (comprendre pourquoi Georges est une personne


anxieuse) versus « état » (comprendre pourquoi Georges est anxieux/inquiet
à un moment spécifique) joue un rôle important dans les sciences affectives,
malgré le fait que les frontières entre les traits liés aux affects et les états affectifs
soient floues et complexes (par exemple, Chaplin, John, et Goldberg, 1988 ;
Endler et Mangusson, 1976 ; Spielberger, 1972). Différencier les traits affectifs
des états affectifs est en effet un enjeu important lorsqu’il s’agit de mesurer
la personnalité.
Deux méthodes d’investigation se distinguent lorsqu’il s’agit de mesurer
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

les traits de personnalité dans le domaine de l’affect. La plus répandue consiste


à demander aux individus de faire eux-mêmes la synthèse de leurs états affectifs,
en répondant à une question du type « je suis souvent en colère » ou « je suis
anxieux/inquiet dans la majorité des situations ». Cette méthode est celle
utilisée par la majorité des questionnaires/inventaires de personnalité (le ques-
tionnaire de personnalité révisé de Eysenck (EPQ-R) ; Eysenck, 1990, 1992 ;
l’inventaire de personnalité révisé de Costa et McCrae (NEO-PI-R) ; Costa
et McCrae, 1992). L’avantage de ce type de méthode réside dans la facilité à
collecter des données, à comparer les réponses ainsi récoltées et à procéder à
des analyses statistiques. Toutefois, les individus ne sont pas toujours très
366 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

conscients de leurs états affectifs et comportements ou encore émettent des


réserves à en rendre compte. Par exemple, une personne anxieuse peut ne pas
réaliser qu’elle éprouve plus fréquemment de l’anxiété que la moyenne des
gens ; une autre ressent peut-être fréquemment de l’hostilité envers son
entourage, ce qu’elle n’admettra pas forcément.
La seconde approche, moins courante, consiste à questionner les gens par
rapport à leurs états affectifs à de multiples reprises sur une période d’une ou
deux semaines. Dans cette approche, la synthèse des états affectifs se base sur
les observations ainsi récoltées. Chaque individu peut être alors comparé en
fonction de son score relativement à la moyenne du groupe (Eid, 2001). En
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d’autres termes, il est présumé que si une personne rapporte un état affectif
particulier – tel l’irritation – 12 fois sur 20, et que la moyenne du groupe se situe
à 7 fois sur 20, elle est alors considérée comme haute sur le trait de l’irritabilité,
en comparaison à une personne qui ne rapporte de l’irritation que 3 fois sur 20.
Bien que cette méthode de mesure permette des résultats plus précis que celle
précédemment décrite, elle présente le désavantage d’être onéreuse et coûteuse
en temps. Toutefois, les avancées de la technologie (ordinateurs et téléphones
portables notamment) et la sophistication des modèles statistiques et des soft-
wares informatiques rendront très probablement cette approche plus accessible
et donc plus répandue.
Les chercheurs issus de la tradition typologique qui tendent à comprendre
les différences individuelles liées à l’affect mesurent généralement un trait
affectif particulier – tel que l’irritabilité – et le corrèlent avec des états affectifs
dans un contexte spécifique (par exemple, à quel point l’individu était-il en
colère lors d’une expérimentation sur un jeu informatique) ou d’autres variables
(par exemple, le bien-être, la perception de la santé, la satisfaction au travail,
etc.). Un des résultats le plus souvent rapporté avec ce type de recherche est que
les individus qui ont un score élevé sur la dimension Extraversion rapportent
plus d’émotions positives, alors que ceux qui obtiennent un score élevé sur la
dimension Neuroticisme tendent à rapporter plus d’anxiété et d’émotions
négatives (Costa et McCrae, 1980, 1992). Un tel résultat n’est pas surprenant
si l’on considère les traits associés à ces deux dimensions (voir le tableau
12.1). L’approche typologique a été très influente dans la compréhension des
différences individuelles par rapport aux types d’humeurs et d’émotions
rapportées, mais également relativement à l’intensité, à la fréquence et à la
durée des états affectifs (Schimmack et al., 2000), à l’affectivité dans le
domaine de la santé (Wiebe et Smith, 1997) et à la psychologie du travail
(Barrick et Mount, 1993). Cependant, elle se limite souvent à décrire ces
différences et n’offre que peu d’informations quant à leurs origines et à leurs
relations avec le comportement (Mischel, 1968 ; Wiggins, 1997).
LA PERSONNALITÉ ET LES ÉMOTIONS 367

1.3 L’approche socio-cognitive

Au sein de l’approche socio-cognitive, les psychologues tentent de prédire


les comportements en tenant compte des cognitions, des émotions et des buts
d’une personne. L’objectif est de déterminer comment des variables indivi-
duelles, telles que les attentes, les croyances, les valeurs, les buts, les compé-
tences ainsi que les stratégies de régulation, diffèrent entre les individus. De
plus, on s’intéresse à la manière dont ces différences jouent un rôle dans la
perception et l’interprétation de l’environnement. Chaque individu a une
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organisation propre de motivations, buts, émotions, valeurs, etc., qui est rela-
tivement stable et distinctive. Ainsi, lorsque deux personnes sont confrontées
à une même situation, leurs différences de buts ou motivations vont influencer
la manière dont elles perçoivent et interprètent cette situation (Mischel et Shoda,
1995, 1998). En outre, la même personne, face à deux situations, même simi-
laires, peut les saisir de manière très différente, en fonction de ses buts du
moment. L’idée est que chaque individu a des patterns si… alors… relativement
permanents et distincts qui sont mis en jeu par des événements spécifiques ou
dans des circonstances particulières. En d’autres termes, bien que la struc-
ture de la personnalité soit stable, différentes unités sont « activées » selon
les spécificités des situations rencontrées (aussi voir Stemmler, 1997).
Si nous reprenons la situation décrite en amont, imaginons que l’objectif
le plus important pour Georges est de mener une carrière remplie de succès
et que sa croyance est que s’il ne réussit pas tous ses examens parfaitement
bien, alors il ne trouvera pas de travail intéressant après ses études. Dans cette
optique, Georges va certainement interpréter ces mauvais résultats académiques
comme très importants et pertinents pour son bien-être. L’évaluation d’une
situation d’après son importance et sa pertinence par rapport aux objectifs de
l’individu est souvent considérée comme le critère le plus important dans la
genèse des émotions (Ellsworth et Scherer, 2003). En ce sens, Georges va
probablement éprouver des réactions émotionnelles plus fortes dans le contexte
universitaire que d’autres étudiants qui accordent moins d’importance à leurs
performances académiques relativement à leur carrière future. Ainsi, ceux
qui connaissent Georges uniquement dans le contexte universitaire vont le
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

percevoir comme une personne anxieuse. On peut supposer que dans d’autres
contextes, tels que le sport et les sorties entre amis, Georges soit un coéquipier
amusant et enjoué, une personne très relax dans les soirées. En effet, si
Georges ne fait du sport que dans une optique de contacts sociaux et de bien-
être, et qu’il n’a pas l’ambition d’être la personne la plus populaire dans ses
sorties, il ne considérera pas les difficultés survenant dans ces deux contextes
comme très importantes. On peut donc s’attendre à ce qu’il n’y éprouve pas
autant d’émotions intenses que dans le contexte universitaire. Contrairement
à l’approche typologique décrite plus haut, le modèle socio-cognitif permet de
rendre compte des comportements stables – mais très différents – de Georges
368 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

dans des contextes distincts et d’éclairer quelque peu ces comportements


apparemment contradictoires.
Si on met en lien le modèle socio-cognitif de la personnalité et la théorie
de l’appraisal des émotions (par exemple, Scherer, 2001), il est possible de
prédire quelles variables de personnalité influencent systématiquement des
dimensions de l’appraisal dans des conditions particulières (voir aussi
chapitre 2). Par exemple, la peur et l’anxiété ont été associées à une évalua-
tion cognitive qui inclut les dimensions d’appraisal suivantes : un haut
niveau de pertinence par rapport aux buts, d’urgence et d’incertitude, ainsi
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qu’un bas niveau de contrôle et de puissance (par exemple, Roseman, 2001 ;
Scherer, 2001). Imaginez une personne qui croit qu’elle remplit une fonction
cruciale dans son entreprise – un environnement qui est par ailleurs chargé
d’incertitude (Schabracq, Cooper, Travers et van Maanen, 2001). On peut
s’attendre à ce que cette personne considère que beaucoup d’événements
survenant au travail sont extrêmement importants, puisque très pertinents par
rapport à ses objectifs et relativement urgents. Si ces évaluations sont
couplées à une faible estime de soi et un lieu de contrôle externe (« external
locus of control » ; la personne pense que des agents extérieurs sont respon-
sables des événements), cette personne évaluera sa marge de manœuvre et de
pouvoir dans la gestion de la situation comme relativement faible. Par consé-
quent, on peut s’attendre à ce qu’elle éprouve plus fréquemment de la peur et
de l’anxiété dans le contexte professionnel que ces collègues qui sont plus
réalistes par rapport aux priorités et au degré d’urgence, et qui ont une haute
estime d’eux-mêmes et « un locus de contrôle interne ». Ainsi, la personna-
lité et les différences individuelles n’influencent pas directement les
émotions, mais bien l’évaluation qui est faite de l’événement. Cette évalua-
tion influence à son tour les émotions. Le tableau 12.2 fournit des exemples
de variables de personnalité qui peuvent influencer certaines dimensions de
l’appraisal dans le modèle de Scherer décrit dans le chapitre 2.
Les variables reportées dans le tableau 12.2 représentent une sélection
de différences individuelles qui agissent sur des dimensions spécifiques de
l’appraisal ; elles sont basées sur des recherches antérieures (pour une
description plus détaillée des prédictions théoriques de ce modèle, voir
van Reekum et Scherer, 1997). Certaines de ces variables sont des traits de
personnalité issus du modèle des « cinq facteurs » (tels que « ouverture à
l’expérience » ; voir Costa et McCrae, 1992) ; d’autres sont des traits de person-
nalité socio-cognitifs qui rendent compte de variables de personnalité plus
larges (confiance en soi, estime de soi, optimisme) ; d’autres encore agissent
sur des processus cognitifs de plus bas niveau (inhibition, vitesse de traitement
de l’information). L’idée est que certaines différences de personnalité
influencent ces dimensions de manière relativement stable et permettent
d’expliquer pourquoi certaines personnes rapportent plus souvent certaines
catégories d’émotions que d’autres dans des circonstances particulières. La
section suivante va rendre compte de ce modèle plus en détail.
LA PERSONNALITÉ ET LES ÉMOTIONS 369

Tableau 12.2
Relations possibles entre les dimensions d’appraisal (Scherer, 2001)
et des variables de personnalité.

Dimensions d’appraisal Variables

Détection de la pertinence
Vitesse d’habituation, inhibition,
Nouveauté
vitesse de traitement de l’information
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Affectivité négative ; affectivité positive (PANAS,
1. Valence
Watson, Clark et Tellegen, 1988)

Motivation (e.g., motivation d’accomplissement,


Pertinence buts/besoins motivation d’affiliation, McClelland, 1985 ;
Murray, 1938)

Implication buts/besoins
Style d’attribution (Peterson et al., 1982 ;
Causalité
Seligman, 1986)

Optimisme-pessimisme
Certitude
2. (LOT-R, Scheier et Carver, 1985)

Attentes Ouvert/traditionnel (Costa et McCrae, 1992)

Opportunité Perfectionnisme

Urgence Réalisme

Potentiel de maîtrise
Contrôle Lieu de contrôle (Rotter, 1966) ; Illusion of control
3. Estime de soi (Rosenberg, 1965), auto-efficacité
Puissance
(Bandura, 1997)

Ajustement Ouverture (Costa et McCrae, 1992) ; flexibilité

Compatibilité
avec les standards
4.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

a) Standards internes Valeurs personnelles (Schwartz, 1992)

b) Standards externes Valeurs culturelles (Hofstede, 2001)

La détection de la pertinence (relevance detection)


Les émotions apparaissent généralement quand une personne évalue une
situation comme importante et pertinente pour son bien-être. Les différences
individuelles dans les buts et la motivation devraient par conséquent déterminer
quelles situations une personne va juger comme pertinentes plutôt que d’autres.
370 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

Données expérimentales : Smith et Pope (1992) ont sélectionné des indi-


vidus qui présentaient des scores élevés sur les dimensions « motivation
d’accomplissement » (achievement-motivation ; motivation à réussir, à être
performant dans les activités jugées importantes, par exemple le travail, les
études) et « motivation d’affiliation » (affiliation-motivation ; motivation à avoir
de bonnes relations avec autrui). Ils ont ensuite mesuré leurs évaluations
cognitives et les émotions occasionnées par des tâches expérimentales. Comme
attendu, les résultats indiquaient que les individus avec un score élevé sur la
dimension « motivation d’accomplissement » évaluaient les situations liées à
l’accomplissement plus motivantes que les individus avec un score bas sur
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cette même dimension. Toutefois, les individus avec un score élevé sur la
dimension « motivation d’affiliation » n’ont pas évalué les tâches d’affiliation
comme plus pertinentes que les individus avec un score bas. Griner et Smith
(2000) ont alors étudié cette variable à l’aide d’une autre méthode. Plus
particulièrement, les participants étaient sélectionnés en fonction de leurs
scores extrêmes sur la dimension « motivation d’affiliation ». Puis, il leur
était demandé d’enseigner un programme informatique à un étudiant particu-
lièrement incapable et démotivé – en fait un des expérimentateurs. Comme
escompté, les individus avec une motivation d’affiliation élevée ont évalué
l’aspect interpersonnel de la situation comme particulièrement pertinent et
important avant d’effectuer la tâche, comparativement aux participants avec
une motivation d’affiliation basse.
Implication : ces deux études suggèrent que les motivations d’accomplis-
sement et d’affiliation sont deux variables qui aident à expliquer les différen-
ces observées entre individus par rapport à l’importance et à la pertinence de
situations spécifiques. Si nous reprenons l’exemple du début de ce chapitre,
nous pouvons dire que Georges a certainement une motivation d’accomplis-
sement plus élevée que Céline, ce qui veut dire qu’il a évalué son échec dans
une situation de performance de manière beaucoup plus importante que cette
dernière, et ainsi éprouvé une réaction émotionnelle plus intense.

Évaluation de l’implication (implication assessment)


Une fois que l’importance et la pertinence d’un événement ont été établies,
l’individu doit en évaluer l’implication et déterminer la meilleure manière de
procéder face à cet événement. Parmi ces évaluations, il est notamment impor-
tant de déterminer qui ou quoi en a été la cause.

Attribution causale (causal attribution)


■ Données expérimentales
Les théoriciens de l’appraisal s’accordent généralement pour dire que la colère
est liée à une évaluation élevée sur les dimensions suivantes : la pertinence
LA PERSONNALITÉ ET LES ÉMOTIONS 371

par rapport aux buts, l’obstruction par rapport à ce but important et l’attribu-
tion externe et/ou le blâme (par exemple, Fridja, Kuipers et ter Schure, 1989 ;
Roseman, 2001 ; Scherer, 2001 ; Smith et Ellsworth, 1985 ; Smith et Laza-
rus, 1993). D’après cette définition de la colère, les individus qui pensent systé-
matiquement que les événements négatifs sont dus à des agents externes
peuvent éprouver plus de colère. Afin de mettre cette hypothèse à l’épreuve,
les individus ont été sélectionnés en fonction de leur score élevé sur une varia-
ble de personnalité spécifique, le style d’attribution (Peterson et al., 1982 ;
Seligman, 1986). Cette variable différencie les individus qui attribuent géné-
ralement les événements négatifs à des agents externes de ceux qui les attri-
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buent généralement à des agents internes. Ces deux types de participants ont
ensuite pris part par couple à une tâche de performance. Cette tâche leur était
présentée comme un test d’intelligence, mais était en réalité impossible à
résoudre. Il était attendu que les individus qui attribuent généralement les
situations négatives à des causes externes (les externes) blâmeraient plus
fréquemment leur partenaire pour leur échec à la tâche et ainsi rapporterait
plus de colère, relativement à ceux qui attribuent généralement les situations
négatives à des causes internes (les internes). Cette hypothèse a été partielle-
ment confirmée. En effet, les externes ont plus volontiers blâmé leur parte-
naire pour cet échec que les internes, mais ils ne rapportaient pas plus de
colère que ces derniers. Une analyse plus précise des évaluations a toutefois
mis en évidence que la colère reportée par les Internes était en premier dirigée
contre eux-mêmes, alors que celle rapportée par les externes était souvent
dirigée vers le partenaire. Ainsi, la fréquence de la colère était similaire entre
externes et internes ; cependant, l’objet de la colère éprouvée par ces deux
groupes était différent (Wranik, 2005).

■ Implications
Cette recherche suggère que les différences individuelles liées au style d’attri-
bution influencent de manière systématique l’évaluation causale, et, par là,
les émotions ressenties et les conséquences qui s’ensuivent. En effet, ressentir
de la colère envers autrui ou envers soi-même amène à différentes stratégies
de régulation et a des répercussions sur les interactions sociales. Blâmer un
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

partenaire peut engendrer des comportements agressifs vis-à-vis de lui ou un


refus de collaborer plus avant. Quant au fait de se blâmer pour avoir échoué,
cela peut amener des sentiments d’impuissance ou, au contraire, une forte
motivation à faire mieux la prochaine fois. Ainsi, Georges n’a peut-être pas
pu envisager qu’il a échoué à un examen qu’il avait par ailleurs préparé, et a
par conséquent attribué son échec à un agent extérieur. Sa démarche auprès
de l’assistant en est peut-être le reflet. Céline semble par contre avoir accepté
sa mauvaise note. Elle a peut-être travaillé plus dur pour d’autres matières et
s’est attendue à ne pas obtenir un excellent résultat à cet examen. Une autre
explication peut résider dans le fait qu’elle n’apprécie pas cette matière et ne
s’est pas souciée de bien réussir l’examen. D’autres explications sont encore
372 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

possibles. Dans tous les cas, elle a accepté cet échec comme étant dû à elle-
même, et non comme une erreur d’appréciation de la part du professeur.
Globalement, s’il s’avère que Georges recherche toujours une cause exté-
rieure pour ces échecs alors que Céline s’en attribue la cause, on peut alors
supposer que ces différences sont dues à une variable de personnalité, telle
que le style d’attribution.

Potentiel de maîtrise (coping)


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Une fois que les individus ont évalué la situation comme pertinente et qu’ils
ont déterminé son implication et ses causes, ils évaluent leur propre potentiel
de maîtrise. Cette évaluation permet de distinguer différents types d’expé-
riences et de réactions émotionnelles. En particulier, les individus évaluent la
situation en ces termes :
– contrôle : ai-je un contrôle suffisant pour pouvoir agir dans cette situation ?
– puissance : ai-je suffisamment de pouvoir pour traduire mes stratégies en
actions ?
– ajustement : puis-je m’adapter aux conséquences de cette situation ?

■ Données expérimentales
Les différences individuelles relatives aux checks de puissance et de contrôle
sont parmi les plus étudiées dans le domaine des sciences affectives, et notam-
ment dans la littérature sur le stress et le coping (voir chapitre 9 de cet
ouvrage). En bref, la plupart des recherches ont montré qu’il y a des indivi-
dus plus enclins à croire en leur capacité et à montrer des comportements
proactifs plus que d’autres. Ces individus ont plus de confiance en leur capa-
cité à trouver une solution (Bandura, 1997) et/ou ont une estime de soi suffi-
samment élevée (Rosenberg, 1965) pour faire face à la situation et chercher des
solutions. Par cette approche proactive et orientée vers la recherche de solu-
tion, ces individus ont une vue souvent plus optimiste du futur. De plus, ils
tendent à ressentir plus d’émotions positives, moins de stress et sont moins
sujets à la dépression. À l’inverse, les individus qui n’ont pas le sentiment de
pouvoir contrôler les situations mais pensent qu’ils n’ont qu’à se soumettre
aux événements, ressentent plus fréquemment de l’impuissance, du déses-
poir et présentent plus souvent une symptomatologie dépressive (Judge et
Bono, 2001).

■ Implications
Dans notre exemple introductif, Céline et Georges croient tous les deux en leur
capacité à gérer cet échec. Georges a suffisamment d’estime de lui-même pour
tester son contrôle et sa puissance dans cette situation. Il prend donc la décision
d’aller parler avec le professeur dans l’idée d’œuvrer activement pour modi-
LA PERSONNALITÉ ET LES ÉMOTIONS 373

fier sa note. Céline ne pense pas qu’elle puisse la changer, et accepte que la
notation de cet examen échappe à son contrôle. Cependant, elle s’adapte aux
conséquences et ne se laisse pas ébranler par ce mauvais résultat.

Compatibilité avec les standards (normative significance)


Enfin, la plupart des individus évaluent également l’implication d’une situa-
tion relativement à leurs propres normes et valeurs. Pour certains individus,
il importe surtout de se conformer à leurs propres normes et standards internes,
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alors que pour d’autres il est plus important d’agir en fonction de standards
externes et de recevoir l’approbation d’autrui. Ces différences individuelles
sont en partie dues à des normes culturelles, mais d’autres variables peuvent
également jouer un rôle.

■ Données expérimentales
Dans les cultures collectivistes, l’intégration de l’individu dans le groupe est
un élément essentiel et les pressions sociales y sont très efficaces pour main-
tenir un certain conformisme. Des études ont montré que les individus issus
de ces cultures ressentent fréquemment de la honte lorsqu’ils n’agissent pas en
fonction des normes attendues. Dans des pays plus individualistes, les individus
ressentent quant à eux plus de culpabilité s’ils ne vivent pas selon leurs propres
standards (Hofstede, 2001 ; Mesquita et Walker, 2003). D’autres variables de
personnalité sont également importantes pour expliquer des biais d’évaluation
relativement à ce critère d’évaluation (check). Par exemple, les perfectionnistes
perçoivent plus souvent leurs standards internes comme non atteints (Hawley,
Zuroff et Blatt, 2006), alors que les sociopathes peuvent ne ressentir aucun
scrupule, quels que soient leurs actes (Klass, 1980).

■ Implications
La forte réaction émotionnelle de Georges face à son échec pourrait provenir
de ses standards internes (« je dois être le meilleur dans chaque matière ») ou
externes (« mes parents attendent de moi que je sois un excellent élève »)
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

élevés. Céline quant à elle pourrait avoir des standards internes (« tout le monde
a des mauvais jours ») ou externes (« mes parents et mes amis m’apprécient
pour ce que je suis, peu importe le reste ») plus modérés.

En résumé, nous avons illustré dans cette partie deux manières d’examiner
les différences individuelles et la personnalité dans le champ de l’affect.
L’approche typologique est intéressante car elle permet de distinguer les indi-
vidus en fonction de la fréquence et de l’intensité émotionnelle généralement
vécues. Par ailleurs, les questionnaires de personnalité issus de cette approche
374 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

ont démontré qu’être anxieux ou colérique, par exemple, peut influencer le


bien-être, la santé et les relations de travail. L’approche socio-cognitive est
quant à elle intéressante pour comprendre les différences individuelles dans les
processus émotionnels. Elle permet également d’expliquer les grandes varia-
bilités intra-individuelles selon le contexte. Bien que certains considèrent ces
deux approches en totale opposition (Cervone et Shoda, 1999), d’autres voient
la première (la partie « descriptive » de la personnalité) et la seconde (la partie
« processus » de la personnalité) comme complémentaires (Cantor, 1990 ;
Mischel, 1999). Au vu des relations complexes entre les divers composants
et niveaux de l’émotion, il est fort probable que les recherches ultérieures
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montreront effectivement une complémentarité entre ces deux approches.

2 DIFFÉRENCES INDIVIDUELLES
ET ÉMOTIONS
DANS LES PROCESSUS SOCIAUX

Jusqu’à présent, nous avons vu quelle pouvait être l’influence de la person-


nalité sur les évaluations cognitives et les émotions à un niveau individuel.
Cependant, la plupart des émotions se produisent dans des situations sociales.
C’est pourquoi il n’importe pas uniquement de savoir que Georges est plus
anxieux que Céline dans des situations de performance, mais il importe égale-
ment de savoir ce qu’il va faire de ses émotions et de celles de son entourage.

2.1 Compétences émotionnelles


ou « intelligence émotionnelle »
Les émotions et autres phénomènes affectifs reflètent généralement la tentative
de l’organisme à s’adapter à son environnement. Dans les sociétés occidentales,
les défis et les opportunités sont principalement associés à des interactions
sociales. En effet, la plupart d’entre nous souhaitent pouvoir bien s’entendre avec
sa famille, se faire des amis, trouver un emploi, collaborer avec ses collègues/
clients. Manœuvrer dans cet environnement social complexe nécessite une
panoplie de compétences émotionnelles. Nous devons percevoir les émotions
des autres et savoir comment réagir face à celles-ci (par exemple, exprimer
de l’empathie et du soutien à un ami qui vient de perdre sa femme). Il peut
également être utile d’être conscient de la manière dont nous manifestons
nos propres émotions, de savoir comment les gérer et les réguler efficacement
lorsque nécessaire (par exemple, ne pas montrer sa colère face à son employeur).
Enfin, dans un environnement multiculturel tel que le nôtre, savoir que
LA PERSONNALITÉ ET LES ÉMOTIONS 375

d’autres règles peuvent régir le ressenti et l’expression émotionnels d’indivi-


dus provenant de cultures différentes, et adapter notre comportement en
fonction, peuvent être des atouts.
Même si la plupart d’entre nous possèdent les structures biologiques – et donc
le potentiel – pour une adaptation réussie, il existe également très clairement
des différences individuelles dans les compétences et habiletés émotionnelles.
Et ceci parce que les compétences sociales et émotionnelles s’acquièrent dans
la cellule familiale et s’imprègnent des normes sociales et culturelles dans
lesquelles nous évoluons (Denham, 1998). Durant les dix dernières années, il
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est devenu courant de parler de ces compétences en termes d’« intelligence
émotionnelle ».
Le terme d’« intelligence émotionnelle » (IE) a été introduit dans la litté-
rature psychologique en 1990 (Salovey et Mayer), afin de comprendre les
différences individuelles dans les phénomènes affectifs. En effet, bien qu’une
importante avancée dans le domaine de la recherche sur les émotions ait
permis de faire progresser notre compréhension des différences individuelles
à la fin des années 1980, les études étaient menées selon des méthodes et
dans des buts différents, et les résultats étaient dispersés. Par exemple, alors
que la psychologie cognitive et la psychologie sociale s’appliquaient à iden-
tifier et à décrire les différences individuelles liées à des phénomènes tels
que la perception, l’encodage, le traitement et la régulation des affects, les
psychologues cliniciens examinaient les compétences émotionnelles et cher-
chaient à savoir si on pouvait les développer. La psychologie affective semblait
prête pour une intégration de ces résultats dans un cadre théorique unique.
Ce cadre allait permettre de placer les différences individuelles dans les
processus émotionnels sur un continuum allant du pathologique au normal,
différences qui pourraient être ainsi décrites, mesurées et peut-être même
entraînées.
Dans le courant des années 1990, dû à l’air du temps et au best-seller
Emotional Intelligence, Why it Matters more than QI de Daniel Goleman (1995),
ce modèle qui devait encourager le développement théorique et empirique
dans la recherche sur les émotions est devenu un concept populaire. Ce livre
donnait l’impression qu’il y avait un consensus sur la définition de l’intelli-
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

gence émotionnelle, et que ce concept était relativement facile à mesurer.


À sa suite, toute une série de tests psychologiques ont vu le jour. Comme nous
le démontrerons plus loin, même si ces tests peuvent avoir un intérêt pour la
psychologie du travail et le management, la majorité est loin de mesurer les
compétences émotionnelles. Cette confusion entre l’approche scientifique
et l’approche populaire a alimenté de nombreux débats (Matthews, Zeidner et
Roberts, 2002).
Afin d’apprécier pleinement les avantages et limites de l’IE dans la compré-
hension des différences individuelles liées aux aptitudes affectives, nous allons
brièvement discuter les deux principales visions de l’IE, soient l’intelligence
376 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

émotionnelle comme compétence (ability IE) et l’intelligence émotionnelle


comme trait (trait IE).

2.2 L’intelligence émotionnelle comme compétence


(« ability EI »)
Ability EI se rapporte essentiellement au modèle d’intelligence émotionnelle
tel qu’il a été originalement présenté par Salovey et Mayer (1990 ; révisé par
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Mayer et Salovey, 1997). D’après ce modèle, l’intelligence émotionnelle
consiste en la capacité à percevoir, comprendre, utiliser et gérer les émotions.

La perception des émotions


Elle implique la capacité à reconnaître les expressions émotionnelles faciales,
vocales et gestuelles des personnes qui nous entourent (par exemple, Ekman
et Friesen, 1975 ; Nowicki et Mitchell, 1998 ; Johnston, Van Reekum et Scherer,
2001) ainsi que les nôtres. Par exemple, une sensibilité générale pour les
émotions (Campbell, Kagan et Krathwohl, 1971) et l’habileté à déchiffrer
des signaux émotionnels non verbaux (Rosenthal, Hall, DiMatteo, Rogers et
Archer, 1979) se réfèrent aux aptitudes liées à la perception des émotions
exprimées par autrui. La conscience de ses propres émotions (Lane, Quinlan,
Schwartz, Walker et Zeitlin, 1990), la capacité à les nommer et à les commu-
niquer (Apfel et Sifneos, 1979), ainsi qu’à les exprimer de manière peu ambi-
valente (King, 1998 ; King et Emmons, 1990) se rapportent aux compétences
liées à la perception de ses propres émotions.

La compréhension des émotions


Ce deuxième domaine renvoie au langage et à la pensée propositionnelle. Il
se rapporte à la capacité à analyser les émotions, à apprécier leurs évolutions
probables sur la durée et à comprendre les comportements qui peuvent en
découler (Frijda, 1988 ; Lane, Quinlan, Schwartz, Walker et Zeitlin, 1990 ;
Roseman, 1984). Ceci implique une large compréhension du lexique émotionnel
et la manière par laquelle les émotions combinent, évoluent et changent d’un
état à un autre (par exemple, de l’irritation vers la colère et la rage). Ce domaine
est fortement influencé par des facteurs développementaux et évolue, norma-
lement, avec l’âge et l’expérience (Lewis, 2000). La compréhension des
émotions, incluant celles des processus d’appraisal, des normes et règles socia-
les, joue probablement un rôle clé dans l’intelligence émotionnelle (Wranik,
Feldman Barrett et Salovey, 2006).
LA PERSONNALITÉ ET LES ÉMOTIONS 377

L’utilisation des émotions pour faciliter la pensée

Elle implique la capacité à utiliser les humeurs et les émotions afin de focaliser
son attention et penser de manière plus rationnelle, logique et créative. Elle
peut également consister en des actions telles que maîtriser des sentiments
perturbateurs afin de permettre le raisonnement, la résolution de problème et
la prise de décision. En effet, des recherches passées ont montré que les humeurs
et les émotions peuvent créer divers états mentaux plus ou moins adaptés
selon les situations. Ainsi, par exemple, le fait d’être d’humeur positive favo-
riserait la création et les pensées innovantes (Isen et Daubman, 1984 ; Isen,
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Daubman et Nowicki, 1987), alors que les humeurs négatives serviraient
plutôt le raisonnement déductif (Palfai et Salovey, 1993). De plus, la planifi-
cation de diverses actions peut être facilitée par la compréhension des liens
entre des émotions spécifiques et la pensée (Izard, 2001). Puisque l’on sait
que les émotions positives favorisent la créativité, il serait préférable d’attendre
d’être de bonne humeur avant de se lancer dans une séance de brainstorming.

La gestion des émotions

La capacité à réguler ses propres humeurs et émotions signifie habituelle-


ment que l’individu doit pouvoir percevoir, discriminer et nommer les senti-
ments de manière plus ou moins correcte. En effet, une régulation efficace
des émotions signifie habituellement d’être capable de gérer les émotions en
accord avec les règles sociales, selon les émotions et les situations. Si nous
ne percevons pas correctement que nous sommes en colère à cause de notre
employeur, il est plus difficile de contrôler notre expression faciale et/ou
vocale liée à cette émotion face à lui. La capacité à gérer ses émotions dépend
également de la personnalité de chacun, puisque la gestion des émotions se
base aussi sur nos buts, ainsi que sur la connaissance de soi et de son envi-
ronnement social (Averill et Nunley, 1992 ; Gross, 1998 ; Parrott, 2002). Il
existe clairement des différences individuelles dans la capacité à gérer les
émotions (Catanzaro et Greenwood, 1994 ; Gross et John, 2003 ; Salovey,
Mayer, Goldman, Turvey et Palfai, 1995), différences qui peuvent en partie
être reliées à d’autres variables telles que la confiance en soi et l’estime de
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

soi (Rosenberg, 1965).


Les individus qui sont compétents dans les quatre domaines décrits ci-
dessus sont considérés comme émotionnellement intelligents. On s’attend à
ce qu’ils aient de meilleures relations interpersonnelles, soient en meilleure
santé et éprouvent plus de bien-être. Les recherches empiriques, qui mesu-
rent généralement ces ability EI à l’aide de batteries de tests fondées théori-
quement (par exemple, le test d’intelligence émotionnelle de Mayer-Salovey-
Caruso (MSCEIT) ; Mayer, Salovey et Caruso, 2002), ont mis en évidence
des données allant dans ce sens. En particulier, un haut score sur l’IE a été mis
en lien avec : des comportements quotidiens adaptés chez les jeunes adultes
378 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

(Brackett, Mayer et Warner, 2004), la qualité perçue des interactions sociales


(Lopes, Salovey, et Straus, 2003), la qualité des interactions sociales (Lopes,
Brackett, Nezlek, Schütz, Sellin et Salovey, 2004), ainsi qu’avec diverses
variables liées à la vie professionnelle, comme la performance, le potentiel
de leadership, les affects et les attitudes au travail (Lopes, Côté, Grewal,
Kadis, Gall et Salovey, 2006).

2.3 L’intelligence émotionnelle comme trait


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(« trait EI »)
Trait EI est de loin le modèle prédominant de l’IE dans le monde du travail et de
l’éducation. Selon ce modèle, l’IE est composée de caractéristiques person-
nelles non cognitives qui sont bénéfiques au fonctionnement et aux succès de
l’individu (Bar-On, 1997 ; Goleman, 1995). On parle également des modèles
de trait EI comme de « modèles mixtes » (Mayer, Caruso, et Salovey, 2000),
car ils rassemblent plusieurs habiletés, traits de personnalité, humeurs et
facteurs motivationnels qui sont potentiellement intéressants pour l’adaptation
sociale et le succès professionnel.
Deux des mesures les plus utilisées des traits d’IE sont le EQ-i (Bar-On,
1997) et l’Emotional Competence Inventory (ECI) (Boyatzis, Goleman et
Rhee, 2000). Le premier est un autoquestionnaire comportant quinze sous-
échelles organisées en cinq facteurs. Le second est un instrument multi-juges
qui fournit des informations provenant de soi, du manager, de l’employé et
du jugement des pairs relativement à quatre domaines qui regroupent vingt
sous-échelles (voir tableaux 12.3 et 12.4).

Tableau 12.3
Échelles du EQ-i (Bar-On, 1997)

Connaissance de ses émotions, assertivité, estime de soi,


Intra-personnel
accomplissement de soi, indépendance

Empathie, relation interpersonnelle,


Interpersonnel
responsabilité sociale

Résolution de problèmes,
Adaptation
confrontation à la réalité, flexibilité

Gestion du stress,
Gestion du stress
inhibition

Bonheur,
Humeur
optimisme
LA PERSONNALITÉ ET LES ÉMOTIONS 379

Tableau 12.4
Emotional Competence Inventory (ECI) (Boyatzis, Goleman et Rhee, 2000)

Conscience de soi Conscience sociale

Connaissance de ses émotions Empathie


Reconnaissance Auto-évaluation réaliste Relations client
Confiance en soi Connaissance de l’organisation

Gestion de soi Compétences sociales


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Formation d’autrui
Gestion de ses Émotions Influence
Honnêteté Communication
Conscience Gestion des conflits
Régulation
Flexibilité Leadership
Besoin de réussite Agent de changements
Initiative Compétence relationnelle
Travail en équipe et collaboration

Un examen détaillé de ces deux instruments indique qu’ils mesurent des


traits de personnalité similaires à ceux de deux inventaires de personnalité
présentés dans le tableau 12.1. C’est pourquoi il n’est pas étonnant de constater
que le EQ-i corrèle fortement avec les mesures de personnalité fréquemment
employées (Brackett et Mayer, 2003) et que les quatre domaines de l’ECI
sont pour leur part également fortement corrélés avec les facteurs Extraversion
et Conscience (Murensky, 2000). Au contraire, les scores du MSCEIT montrent
peu de corrélations avec la personnalité et l’intelligence cognitive (Brackett et
Mayer, 2003). Cependant, ces instruments, et particulièrement l’ECI, incluent
également d’autres sous-échelles portant sur les relations professionnelles et
la performance (telles que le développement personnel, la gestion managériale
des conflits, le travail d’équipe) qui sont indirectement liées aux émotions.
Ainsi, bien que ces instruments soient utiles parce qu’ils prédisent d’impor-
tants facteurs en jeu dans la réussite professionnelle et privée (Day, 2004), ils
doivent être considérés comme des mesures de personnalité spécialisées,
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

voire comme des inventaires de capacités interpersonnelles professionnelles,


et non comme des instruments mesurant des compétences émotionnelles.

■ Implications
Le modèle de l’Ability EI est enraciné dans la recherche en psychologie. Il
suggère qu’il existe d’importantes différences individuelles dans le domaine
des compétences et des habilités émotionnelles. De nombreux groupes de
recherches sont actuellement occupés à examiner une large variété de diffé-
rences individuelles dans les processus émotionnels afin de différencier
diverses compétences et habilités, de déterminer comment les mesurer et de
380 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

comprendre comment elles sont reliées entre elles ainsi qu’avec d’autres mesu-
res. Le cadre de ce chapitre ne nous permet pas de discuter des multiples
avancées qui ont déjà été menées. Toutefois, des résultats et discussions inté-
ressants devraient certainement voir le jour au cours des prochaines années.
Par conséquent, dans la mesure où nous parlons de différences individuelles
dans le domaine des aptitudes, habilités ou compétences, et que l’avance-
ment de la recherche dans ce domaine ne nous informe pas sur le nombre de
ces compétences ni sur l’étendue des relations qu’elles entretiennent entre elles,
il nous paraît plus indiqué de parler de « compétence émotionnelle » (ou de
compétences émotionnelles) que d’« intelligence émotionnelle ». Ceci
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suggère que chaque personne possède des compétences dans le domaine des
émotions. Par ailleurs, le fait d’employer les termes de compétences et
d’habiletés laisse envisager qu’elles puissent être entraînées et développées,
un des objectifs majeurs de ce courant de pensée. Pour la majorité en effet,
les termes d’intelligence et de personnalité renvoient à des domaines qui sont
plus difficiles à modifier et influencer. Dans ce sens, le concept de compé-
tence émotionnelle permet également de différencier le modèle de l’Ability
EI, focalisé sur les processus émotionnels et les compétences, de l’approche
Trait EI, pour sa part plus centrée sur les traits de personnalité et les compéten-
ces sociales en général.
Malgré l’avancée prometteuse dans le domaine des compétences émotion-
nelles, de nombreuses questions restent ouvertes. À savoir par exemple, quel est
le niveau optimal des habiletés perceptives dans le domaine des émotions ?
D’une part, les individus qui sont insensibles aux indices émotionnels non
verbaux d’autrui auraient probablement plus de difficultés à répondre à leurs
besoins et problèmes. À l’autre extrême, les individus qui seraient trop sensibles
pourraient être submergés par les émotions des autres et être inaptes à recourir
aux difficiles – mais nécessaires – comportements de régulation sociale, tels
que réprimander un enfant irrespectueux ou licencier un employé paresseux.
Il est probable que d’autres compétences émotionnelles présentent un pattern
similaire et sont dysfonctionnelles lorsqu’elles sont trop « hautes/fortes »
ou trop « basses/faibles ». Deuxièmement, qu’est-ce que cela signifie être
compétent dans le champ de la régulation émotionnelle ? Est-ce que les indi-
vidus sont compétents pour réguler leurs émotions d’une manière globale ou
est-ce que certains individus sont aptes à réguler certaines émotions, et pas
d’autres ? Troisièmement, jusqu’à quel point les habiletés et compétences
émotionnelles sont-elles définies culturellement ? Pouvons-nous identifier
des compétentes émotionnelles universelles ou les définitions et instruments
de mesures doivent-ils être culturellement construits ? Enfin, comment
peut-on développer des instruments de mesure fiables dans le domaine des
compétences émotionnelles ? Certes, le MSCEIT a permis de montrer le lien
entre certaines compétences émotionnelles et des habilités sociales spécifiques,
mais il ne mesure qu’une partie limitée des compétences émotionnelles. Une
grande part de la recherche a actuellement pour objectif le problème de la
LA PERSONNALITÉ ET LES ÉMOTIONS 381

mesure, et si les chercheurs collaborent efficacement, on peut espérer qu’une


batterie de test plus détaillée et complète pourra être établie prochainement.

SYNTHÈSE ET CONCLUSION

Les émotions et les humeurs sont des processus complexes comportant d’innom-
brables effets et conséquences personnels et interpersonnels. Les nombreuses
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variables concernant les différences individuelles qui peuvent influencer les
processus émotionnels sont au cœur de cette complexité. La personnalité, les
valeurs culturelles ainsi que les variables contextuelles influencent la manière
dont les événements et les situations sont évalués, et par conséquent, quelles
émotions en découlent. Par ailleurs, les compétences et habilités émotionnelles,
déterminées tout d’abord par les expériences passées et l’éducation, influen-
cent la manière dont les individus perçoivent, comprennent, utilisent et régu-
lent leurs émotions. Dans ce chapitre, nous avons présenté les modèles et
méthodes dominants afin d’illustrer comment les différences individuelles
peuvent jouer un rôle dans les processus affectifs.
Les émotions ne sont en soi ni positives ni négatives (Solomon et Stone,
2002). Le caractère approprié de l’évaluation et l’émotion qui s’en suit relati-
vement à un contexte spécifique vont plutôt dépendre de l’adaptabilité d’une
émotion pour la santé et le bien-être de l’individu, ainsi que de l’acceptabilité
sociale de cette émotion (Parrott, 2002). Les individus qui surévaluent cons-
tamment l’urgence d’une situation ou sous-estiment leur marge de manœu-
vre lors d’événements importants vont fréquemment éprouver des émotions
contre-productives, des émotions qui ne vont pas leur permettre un compor-
tement des plus adaptés dans ce contexte. De plus, les individus qui ne savent
pas comment gérer leurs émotions ou celles des autres rencontreront plus
souvent des difficultés dans les situations sociales. La compréhension des
émotions qui ne prend pas en compte ce type de différences individuelles
reste sévèrement limitée. Ceux qui sont intéressés par les émotions et leurs
conséquences sont ainsi invités à se référer aux modèles présentés dans ce
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

chapitre pour guider leur compréhension. En combinant les connaissances


sur les processus émotionnels avec celles sur la personnalité et les compétences
émotionnelles, la compréhension des émotions devient plus claire.
382 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

LECTURES CONSEILLÉES

CERVONE D., SHODA Y. (1999). The Coherence of Personality. Social Cognitive Bases
of Consistency, Variability, and Organization. New York, Guilford.
FELDMAN BARRETT L., SALOVEY P. (2002). The Wisdom in Feeling : Psychological
Processes in Emotional Intelligence. New York, Guilford.
FRIJDA N.H. (2006). The Laws of Emotion. New York, Lawrence Erlbaum.
MATTHEWS G., ZEIDNER M., ROBERTS R.D. (2002). Emotional Intelligence : Science
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and myth. Cambridge, MA, MIT Press.
PERVIN L. (2002). The Science of Personality. New York, Oxford.
SCHERER K.R., SCHORR A., JOHNSTONE T. (éd.) (2001). Appraisal Processes in
Emotion : Theory, Methods, Research. New York, Oxford University Press.
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BIAIS D’ÉVALUATION

ET PHOBIE SOCIALE1
COGNITIVE
Chapitre 13

1. Par Jérôme Glauser et Grazia Ceschi.


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INTRODUCTION

Dans le monde occidental, les dysfonctionnements émotionnels les plus courants


sont les troubles anxieux et de l’humeur (Kessler, Chiu, Demler et Walters,
2005). Par leur forte incidence et par les coûts individuels et de santé publique
qui y sont associés, une bonne compréhension de leurs mécanismes constitue
un défi de taille aussi bien d’un point de vue scientifique que socio-économique.
Fort de ce constat, ce chapitre propose une lecture de l’émotion dysfonction-
nelle fondée sur le modèle des processus composants (MPC ; Scherer, 2001).
Bien que ce modèle décrive les bases cognitives du fonctionnement émotionnel
« normal », nous montrerons qu’il constitue également un atout à la compré-
hension de l’émotion « pathologique ». Le MPC nous permettra de dépasser
quelques limites des modèles cognitifs classiquement utilisés en psycho-
pathologie. Dans ce sens, le MPC fournira un cadre théorique validé empiri-
quement pouvant guider l’élaboration d’une nouvelle psychopathologie basée
sur l’émotion.
Nous commencerons ce chapitre par une brève présentation de l’approche
cognitive classique des troubles émotionnels (Beck, 1976) ainsi que de ses limi-
tes. Nous nous centrerons sur le MPC et plus particulièrement sur la compo-
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

sante d’évaluation cognitive des événements. Nous nous focaliserons ensuite


sur un certain nombre de biais d’évaluation pouvant caractériser les troubles
émotionnels et illustrerons ce propos à l’aide d’exemples issus de la phobie
ou de l’anxiété sociale.
386 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

1 LA PHOBIE SOCIALE

1.1 Description et données épidémiologiques

La phobie sociale représente une peur intense ressentie par une personne
lorsqu’elle se trouve ou anticipe une situation sociale. Cette réaction se carac-
térise par une motivation à faire une bonne impression sur les autres, combinée
à des doutes quant à sa propre compétence (Schlenker et Leary, 1982). Dans
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une perspective évolutionniste, cette forme d’anxiété est considérée comme
adaptative car l’affiliation à un groupe présente une valeur de survie (Gilbert,
2001). Malgré son caractère adaptatif, pour certains individus les coûts liés à
l’anxiété l’emportent sur les bénéfices de l’intégration sociale (Ledley et
Heimberg, 2006). Dans ces cas, l’anxiété s’associe facilement à un retrait
social qui n’est ni désiré, ni bénéfique. En effet, l’évitement de la situation
sociale redoutée diminue l’anxiété sur le court terme, mais contribue à son
aggravation à plus long terme. Ainsi, par exemple, éviter de parler en public
ne permet pas de réévaluer à la hausse l’évaluation de ses propres compéten-
ces de maîtrise de la situation. De fait, ce type d’évitement ne permet pas
d’infirmer les doutes quant à sa propre performance en situation redoutée.
Au contraire, cet évitement contribue à « confirmer » les évaluations cogniti-
ves dysfonctionnelles. En retour, ces croyances tendent à renforcer l’anxiété
ressentie lors des situations comparables.
Dans la classification diagnostique et statistique des troubles mentaux
(DSM-IV-TR ; American Psychiatric Association, 2000), la phobie sociale
est définie comme une peur intense et persistante des situations sociales. Ce
trouble anxieux peut se manifester sous plusieurs formes comme une incapacité
à parler en public, une peur intense à monter sur scène (le trac) ou encore
comme une impossibilité d’écrire ou de manger en public. Les personnes ont
peur d’être scrutées par autrui et anxieuses à l’idée de se comporter, face à
eux, de manière embarrassante voir même ridicule. Les personnes souffrant
de ce trouble reconnaissent généralement le caractère excessif de leurs peurs.
Cependant, elles ont tendance à éviter l’exposition à des situations sociales
craintes.
Au-delà des formes sévères d’anxiété sociale, il est très courant de ressentir
de telles émotions dans des contextes publics. Pour que le diagnostique puisse
être posé, l’anxiété doit interférer de manière significative avec le fonction-
nement de la personne. De plus, même sous sa forme extrême et dysfonc-
tionnelle, la prévalence sur la vie de la phobie sociale est élevée. D’après
Kessler et al. (1994), 13,3 % de population américaine en souffre. Ceci fait
de la phobie sociale le troisième trouble mental du monde occidental après la
dépression et l’abus d’alcool (Kessler et al., 1994).
BIAIS D’ÉVALUATION COGNITIVE ET PHOBIE SOCIALE 387

1.2 Modèle cognitif de la phobie sociale

Plusieurs modèles cognitifs de la phobie sociale ont été développés (Clark et


Wells, 1995 ; Rapee et Heimberg, 1997). Ils portent principalement sur les
facteurs de maintien du trouble et moins sur ceux de son développement.
Dans leur grande majorité, ces modèles postulent l’existence d’un « schéma
cognitif dysfonctionnel » qui détermine la nature de l’évaluation cognitive
de la situation. À son tour, le résultat de cette évaluation entraîne une modifi-
cation de la réponse émotionnelle ainsi que des biais de traitement de l’infor-
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mation au niveau des processus cognitifs tels que l’attention, la mémoire ou
le jugement. Dans l’ensemble, ces modèles font de l’évaluation cognitive de
la situation le concept explicatif au cœur des phénomènes observables dans
le cadre du dysfonctionnement émotionnel.
Ces modèles cognitifs ont généré, à la fois, un nombre impressionnant de
recherches empiriques (portant principalement sur les biais de traitement
de l’information sociale ; voir pour une revue Clark et McManus, 2002) et de
nombreux protocoles d’intervention thérapeutiques dont l’efficacité a été validée
empiriquement (Heimberg, 2002).
Sur la base des travaux princeps de Beck, Emery et Greenberg (1985), Clark
et Wells (1995) ont développé le modèle cognitif de l’anxiété sociale présenté
dans la figure 13.1. Selon les auteurs, les phobiques sociaux (PS) en situation
sociale déplacent leur focus attentionnel de l’environnement vers eux-mêmes.

Situation sociale

Activation croyances

Perception danger social


p
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Traitement du Soi
en tant qu’objet
social

Symptômes Symptômes
comportementaux somatiques et cognitifs

Figure 13.1
Modèle de la phobie sociale de Clark et Wells (1995).
388 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

Ce déplacement attentionnel est fonction d’un certain nombre de croyances


préalables (par exemple, « les situations sociales sont dangereuses » ; « je
suis ridicule »). Ces croyances sont sur-apprises et stockées en mémoire
sémantique. Elles fonctionnent en tant que schéma d’assimilation prioritaire
des informations (sociales, perceptives, intéroceptives, etc.). Ces croyances
favorisent le traitement des informations congruentes à leur propre contenu
et entravent celui des informations qui ne le sont pas. De fait, cet effet de
congruence accentue la pertinence et la fréquence des informations sociales
qui indiquent un danger. Par exemple, un sourire sera plus facilement compris
comme un indice de dénigrement que comme un signe d’approbation. La
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personne, se sentant en danger, entre ainsi dans un cercle vicieux au sein duquel
elle focalise son attention sur son propre fonctionnement afin d’améliorer,
tant que faire se peut, sa propre performance sociale. Bien entendu, cette
focalisation sur soi-même entraîne à son tour une augmentation du degré de
conscience de ses propres réactions d’anxiété et de peur qui interfère négati-
vement avec le traitement des informations contextuelles, avec la performance
sociale réelle, ainsi qu’avec la compréhension du comportement des inter-
locuteurs, poussant la personne vers un cercle vicieux d’anxiété.

2 L’APPROCHE COGNITIVE
EN PSYCHOPATHOLOGIE

L’approche cognitive classique des troubles émotionnels trouve ses fonde-


ments dans les travaux d’Aaron Beck (1976) et plus particulièrement dans sa
théorie des schémas. D’après Beck, les personnes souffrant d’anxiété sociale
fondent leurs jugements sur un schéma cognitif qui les conduit à sur-évaluer
le danger représenté par les situations sociales et à sous-estimer leurs propres
compétences d’y faire face (Beck, Emery, et Greenberg, 1985). Selon Beck, les
schémas peuvent être considérés comme des systèmes de croyances stockées
en mémoire sémantique concernant le self, le monde et le futur. Ces schémas
interagissent avec le traitement de l’information en favorisant l’élaboration
des informations congruentes au contenu du schéma. Ces systèmes de
croyances se développent dès l’enfance à partir, prioritairement, des interactions
entretenues avec son propre entourage (par exemple, parents, camarades
d’école, etc.). Une fois stockés, ces schémas cognitifs restent latents jusqu’à
ce qu’ils soient (ré)activés par des stimuli pertinents. Très souvent, ces
stimuli correspondent à des événements ou des configurations relationnelles
présentant un certain degré de similitude avec ceux du passé ayant participé
à l’élaboration de la croyance réactivée. Cette réactivation contribue à biaiser
les traitements cognitifs – tels que ceux à l’œuvre dans les processus d’atten-
tion sélective, de mémoire ou de jugement – de manière congruente au
BIAIS D’ÉVALUATION COGNITIVE ET PHOBIE SOCIALE 389

contenu du schéma. Pour Beck, chaque trouble émotionnel entraîne des biais
comparables au niveau des processus de traitements de l’information. Seul le
contenu du schéma est spécifique à chaque trouble. Autrement dit, pour
Beck, les divers troubles émotionnels s’expriment par des biais de traitement
de l’information analogues au niveau de leur processus, mais spécifiques au
niveau de leur contenu.

2.1 Limites de l’approche cognitive classique


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Cette approche cognitive des troubles émotionnels a été extrêmement influente
pour l’élaboration d’interventions cliniques dont l’efficacité thérapeutique a été
vérifiée empiriquement (Butler, Chapman, Forman, et Beck, 2006). Cepen-
dant, avec le cumul des évidences empiriques, ce modèle cognitif classique a
également fait l’objet de diverses critiques dont il convient de rendre compte.
Premièrement, certains auteurs ont signalé que ce modèle n’intègre pas la
notion de niveau de traitement, c’est-à-dire le fait que les émotions sont
soutenues par des traitements de l’information distincts d’un point de vue de
leur degré d’automaticité. Ces processus se distinguent quant à leur degré
d’accessibilité à la conscience mais ils opèrent en parallèle (Leventhal et Scherer,
1987 ; Barnard et Teasdale, 1991 ; Power et Dalgleish, 1997 ; Philippot, 2007).
Globalement, les auteurs cités ci-dessus postulent que les processus émotion-
nels peuvent être tantôt automatiques, rapides et non conscients, tantôt
contrôlés, volontaires, réfléchis et conscients. Partant de cette observation,
différents modèles dits « multiniveaux » ont vu le jour. Tous postulent que le
traitement émotionnel nécessite différentes représentations de l’information.
Par exemple, Philippot, Douilliez, Baeyens, Francart et Nef (2003) ont proposé
un modèle bi-mnésique des émotions. Selon ce modèle, les processus émotion-
nels sont régis par deux types de processus mnésiques : un système schématique/
associatif et un système propositionnel/conceptuel. Au niveau schématique,
les représentations mnésiques sont constituées d’associations entre divers
éléments perceptifs (de la situation émotionnelle et de sa propre réaction à
cet événement) qui constituent l’expérience émotionnelle. Ces représentations
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non déclaratives schématiques sont activées de manière implicite et cadrent,


sous un mode automatique, les réponses émotionnelles dans des situations
récurrentes. Au niveau propositionnel, les représentations mnésiques se fondent
sur des connaissances épisodiques et sémantiques accessibles à la conscience
et au langage, activées par des processus de récupération volontaire. Ces
représentations rendent possible la prise de conscience émotionnelle, la
communication verbale de ses propres affects et l’élaboration de stratégies
de coping émotionnel intentionnelles. Pour les auteurs, ces deux formes de
mémoire émotionnelle agissent généralement de concert. Ainsi, les représen-
tations émotionnelles propositionnelles interagissent avec les représentations
schématiques.
390 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

Loin de cette approche multiniveaux, les modèles classiques en psycho-


pathologie cognitive se focalisent prioritairement sur les représentations
émotionnelles de niveau propositionnel, accessible à la conscience. En cela,
ces modèles passent à côté de la richesse des phénomènes émotionnels
impliqués dans nombreux phénomènes psychopathologiques tels que ceux,
par exemple, sous-jacents à la phobie sociale. En effet, les personnes souffrant
de PS nous apprennent que la prise de conscience de ses propres évaluations
cognitives dysfonctionnelles ne suffit pas forcément ni à l’explication exhaustive
de ses propres difficultés émotionnelles, ni à l’amélioration thérapeutique de
ces dernières. Ainsi, l’amélioration de l’efficacité des interventions thérapeu-
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tiques dans le cadre des troubles émotionnels pourrait bien passer par une
considération plus directe des niveaux automatiques de traitement de l’infor-
mation et notamment des composantes implicites de l’évaluation cognitive
de la situation.
Deuxièmement, l’approche classique ne permet pas de rendre compte de
la complexité des évidences empiriques cumulées depuis les années 1980 qui
indiquent que, dans bien des cas, les dysfonctionnements cognitifs associés
aux troubles émotionnels ne sont pas uniquement déterminés par une variation
dans le contenu du schéma cognitif (Van der Linden et Ceschi, 2008). En
adoptant une perspective de psychopathologie cognitive qui capitalise sur les
concepts et les méthodes de la neuropsychologie cognitive, il est possible de
distinguer derrière les troubles émotionnels trois types de particularités
distinctes pouvant affecter les processus mentaux : les déficits cognitifs, les
biais cognitifs et les croyances dysfonctionnelles (Van der Linden, 2004).
Les déficits cognitifs constituent des difficultés affectant un ou plusieurs
processus cognitifs indépendamment du contenu de l’information traitée (par
exemple, une difficulté générale de mémoire affectant toutes les informa-
tions indépendamment du sens du matériel à mémoriser). Les biais cognitifs
se traduisent par un traitement préférentiel de certaines informations par
rapport à d’autres (par exemple, un biais d’attention sélective vers les mots
« menaçants » mais pas vers les mots « neutres »). Enfin, les croyances
dysfonctionnelles peuvent être assimilées à des réseaux de concepts stockés
en mémoire sémantique qui modulent le fonctionnement cognitif, affectif et
relationnel de la personne de manière plus globale (par exemple, une
croyance inconditionnelle de type « Je suis nul » qui conditionne le fonction-
nement général de la personne). Étant donné qu’une même perturbation dans
le traitement de l’information peut être déterminée par des causes différen-
tes, la distinction proposée par Van der Linden (2004) devrait, à terme,
permettre d’améliorer la compréhension des dysfonctionnements émotion-
nels et, de ce fait, l’efficacité thérapeutique. Ici encore, en intégrant cette
distinction les modèles classiques des troubles émotionnels gagneraient en
efficacité.
Troisièmement, la théorie de Beck est issue principalement d’observations
cliniques qui n’ont fait l’objet que d’une vérification empirique partielle. De
BIAIS D’ÉVALUATION COGNITIVE ET PHOBIE SOCIALE 391

plus, divers auteurs ont signalé que, dans cette théorie, la conception des
processus d’évaluation cognitive de la situation est peu sophistiquée et n’intègre
que partiellement la richesse des théories cognitives de l’émotion « normale »
(Power et Dalgleish, 1997 ; McNally, 2001 ; Philippot, 2007). L’intégration
de ce savoir au sein de l’approche cognitive des troubles émotionnels devrait
permettre de dépasser cette limite (Watts, 1992). Le présent chapitre vise
précisément à dépasser cette limite en conceptualisant les troubles émotionnels
à partir d’une théorie cognitive de l’émotion « normale », le MPC. Cette théorie
permet de formuler des prédictions concernant les dimensions d’évaluation
impliquées dans des troubles affectifs distincts. En accord avec cette idée,
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Kaiser et Scherer (1997) ont prédit diverses associations entre biais évaluatifs et
troubles émotionnels. Par exemple, pour ces auteurs, la dépression s’associerait
à une sous-évaluation de sa propre puissance, c’est-à-dire une sous-évaluation
systématique de ses propres ressources pour changer un événement.
Dans la prolongation de ce travail, nous proposons ici une revue de la litté-
rature ayant trait aux biais d’évaluation cognitive (ou biais d’appraisal). Ces
biais sont conçus comme des dispositions différentielles conduisant certaines
personnes plus que d’autres à ressentir certaines émotions plus fréquemment que
d’autres. Les intérêts d’une telle approche sont multiples. Premièrement, cette
approche repose sur un modèle cognitif de l’émotion « normale » fournissant
un cadre théorique largement fondé empiriquement. Par rapport au modèle
de Beck, cette approche permet de multiplier et d’affiner les hypothèses rela-
tives aux particularités évaluatives associées aux pathologies émotionnelles.
Deuxièmement, elle permet d’interpréter le fonctionnement pathologique à
partir d’un modèle théorique du fonctionnement normal. Ceci contribue à mettre
en évidence le caractère adaptatif de toute réponse émotionnelle (Watts, 1992).
Finalement, cette approche devrait contribuer à une définition des patterns de
biais d’évaluation cognitive propres à chaque cluster de symptômes émotionnels.
De ce fait, elle devrait contribuer au développement d’une psychologie clinique
du cas unique, permettant de cibler des outils d’évaluation et d’intervention
spécifiques à chaque situation émotionnelle que l’on souhaite modifier.
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3 LES TROUBLES ÉMOTIONNELS


DANS LE CADRE DU MPC

Un des points forts du MPC est de spécifier de manière détaillée et systématique


les dimensions d’évaluation de la situation préalables au déclenchement de toute
réponse émotionnelle. De ce fait, le MPC permet la formulation de prédictions
précises concernant les biais d’évaluation cognitive de la situation pouvant
conduire aux divers troubles émotionnels (Scherer, 2001). Dans ce contexte, il a
392 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

été proposé que des troubles affectifs pourraient être le résultat de stratégies
d’évaluation inappropriées lors desquelles soit la pertinence, soit la capacité à
faire face à la situation ont été estimées de manière erronée (Kaiser et Scherer,
1997 ; Roseman et Kaiser, 2001 ; Scherer, Sangsue et Sander, 2008).

3.1 Évaluation cognitive et dispositions affectives


Scherer (2001) propose de définir l’émotion comme un ensemble de varia-
tions épisodiques dans plusieurs composantes de l’organisme en réponse à
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des événements évalués comme importants pour l’organisme (p. 93). Cette
définition permet de différencier l’émotion des autres phénomènes affectifs
tels que les styles interpersonnels, les humeurs ou les dispositions affectives.
Pour Scherer, les dispositions affectives comprennent les traits de personna-
lité stables, les tendances comportementales ayant une composante affective
forte, ainsi que les pathologies émotionnelles (Scherer, 2005). Ces dernières
reflètent les tendances d’une personne à ressentir certaines humeurs plus
fréquemment que d’autres ou à avoir une prédisposition à réagir face à diverses
situations dans un certain registre affectif.
En accord avec cette idée, Scherer, Wranik, Sangsue, Tran et Scherer (2004)
ont demandé à mille deux cent quarante-deux personnes de se rappeler et de
décrire verbalement des événements ayant généré une émotion lors de la journée
précédente. Les chercheurs montrent que les émotions rapportées les plus
fréquemment sont, dans l’ordre, le bonheur, la colère, l’anxiété, la joie et la
tristesse. De plus, l’étude met en évidence des facteurs pouvant contribuer à
prédire l’émotion rapportée par les participants. L’un de ces facteurs est dit
d’émotionnalité ou de disposition affective. Ce facteur d’émotionnalité est
obtenu en demandant aux participants de rapporter la fréquence relative avec
laquelle la personne ressent quatorze émotions prédéfinies. À partir de ces
données, les auteurs calculent la probabilité de ressentir chaque émotion sachant
la fréquence relative avec laquelle la personne rapporte ressentir chacune de ces
émotions. Par exemple, les participants qui ressentent de l’anxiété fréquem-
ment par rapport à ceux qui la ressentent peu fréquemment ont 2,88 fois plus
de chance d’avoir vécu la même émotion la veille. Au-delà de sa réalité factuelle,
le défi du concept de disposition affective est de comprendre quels sont et
comment fonctionnent les mécanismes de cette prédisposition (Gotlib, 2007).
Plus particulièrement, il convient d’expliquer quels sont les liens existants
entre les dispositions affectives et le fait de vivre certaines émotions plus
fréquemment que d’autres, ou alors le fait de vivre certaines émotions dans
des contextes dans lesquels l’individu « moyen » ne les ressent pas. Ce lien
entre dispositions affectives et expérience émotionnelle pourrait être expliqué
par un certain nombre de différences individuelles au niveau des tendances
stables d’évaluation des situations ou des biais systématiques dans les
processus d’évaluation (Van Reekum et Scherer, 1997 ; Scherer et al., 2004 ;
BIAIS D’ÉVALUATION COGNITIVE ET PHOBIE SOCIALE 393

Siemer, 2005). Par exemple, en accord avec le MPC, la sous-estimation de sa


propre capacité à faire face aux situations rencontrées augmente la probabilité
de ressentir de la tristesse, de l’anxiété ou une humeur dépressive. Le fait de
conceptualiser les troubles émotionnels et les dispositions affectives en termes
de biais systématiques d’évaluation implique que les processus sous-jacents
aux émotions dysfonctionnelles ne sont pas de nature différente de ceux sous-
tendant les émotions « normales ». Ainsi, l’anxiété ressentie par une personne
souffrant de trouble d’anxiété généralisé (TAG) serait qualitativement similaire
à l’anxiété ressentie par une personne tout-venant. Par contre, ce qui diffé-
rencierait ces deux formes d’anxiété se situerait dans leur seuil de déclenchement
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respectif. Cette différence de seuil modifierait la fréquence d’apparition et la
tendance à généraliser cette réponse émotionnelle à un nombre plus ou moins
étendu de situations.

3.2 Biais d’évaluation cognitive


Dans le cadre du MPC, l’émotion permet de faire face de manière adaptative
aux événements évalués comme étant importants pour les buts et les besoins de
l’organisme. Dans cette perspective, les dysfonctionnements des processus
émotionnels s’expriment plus dans une émotion figée, intense et/ou prolongée
que dans une réaction affective intrinsèquement dysfonctionnelle. Ainsi, une
réponse d’anxiété (par exemple, en situation d’examen) permet de mobiliser
les ressources physiques et mentales nécessaires pour faire face à la situation
stressante. En revanche, si cette réaction de stress se prolonge pour de longes
périodes de temps ou si elle s’exprime trop facilement, alors elle devient une
réaction aux conséquences nocives. De ce fait, les caractéristiques dysfonc-
tionnelles et peu adaptatives d’une réponse émotionnelle sont plus à rechercher
dans son mode chronique ou récidivant, que dans ses caractéristiques propres.
Les émotions sont liées aux événements qui surviennent ainsi qu’à la manière
dont nous les évaluons. Ainsi, deux personnes vivant le même événement
peuvent ressentir différentes émotions en fonction de leur évaluation (Siemer,
Mauss et Gross, 2007). Certaines de ces réactions peuvent être plus fonctionnel-
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

les que d’autres, indépendamment de leur seuil de déclenchement. Cependant,


étant donné le caractère subjectif de l’évaluation cognitive, il n’est pas
toujours aisé de définir le caractère approprié d’une émotion. Un premier
critère de jugement d’une réponse émotionnelle peut être recherché chez les
paires ou dans la société. Suivant ce critère, une émotion est inappropriée
lorsqu’elle est jugée comme telle par l’entourage. Ce critère de jugement
consensuel est parfois partagé par le patient qui se rend compte du caractère
inapproprié de son émotion. Par exemple, la personne souffrant de phobie
sociale est couramment consciente du caractère extrême de ses préoccupa-
tions et de l’anxiété qui en est liée. Un deuxième critère de jugement du
degré d’adéquation d’une réponse émotionnelle est relatif à la validité de
394 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

l’évaluation cognitive (Scherer, 2007). Ici encore, vu son caractère subjectif,


il est difficile de déterminer clairement le degré d’adéquation d’une évaluation,
sauf en passant par l’établissement d’une norme d’évaluation intersubjective
(l’évaluation faite par la majorité des personnes ou l’évaluation « moyenne »).
Suivant ce critère, une évaluation est biaisée si elle s’éloigne trop de l’évalua-
tion intersubjective moyenne de l’événement qui la déclenche. C’est par exemple
le cas lorsque l’évaluation est influencée par des croyances idiosyncratiques
ou des jugements stéréotypiques. Ainsi, pour qu’une réaction émotionnelle
soit fonctionnelle, il faut que la pertinence de la situation soit évaluée correc-
tement, que l’implication de l’événement soit évaluée le plus objectivement
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possible, que la capacité à faire face ne soit ni sous-évaluée ni sur-évaluée et
finalement que la personne puisse disposer d’une représentation adéquate
des normes sociales d’évaluation et d’expression de l’émotion ressentie.
Dans cette idée, Perrez et Reicherts (1992) ont proposé de distinguer les
paramètres objectifs (par exemple, l’agrément intrinsèque, le degré de
contrôlabilité de l’événement ou sa probabilité d’occurrence) des évaluations
subjectives des événements. Pour ces auteurs, une évaluation cognitive
appropriée se caractérise par une adéquation entre paramètres objectifs et
subjectifs. Par exemple, les évaluations cognitives fonctionnelles doivent
permettre aux personnes d’agir activement sur les situations désagréables
contrôlables, mais de ne pas agir sur les situations comparables mais objecti-
vement incontrôlables.
L’expression appropriée d’une émotion requiert des compétences au
niveau de l’évaluation cognitive afin de produire une évaluation adéquate (ou
valide) de l’environnement. Selon Scherer (2007), la production d’une
évaluation cognitive appropriée repose sur des compétences au niveau (1) du
déclenchement de l’émotion (c’est-à-dire, déclenchement lorsque cela est
nécessaire) et au niveau (2) de sa différenciation (c’est-à-dire, le déclenche-
ment de l’émotion « appropriée »). Le déclenchement approprié d’une
émotion est lié à la capacité de détecter dans l’environnement interne et
externe un objet/événement « nécessitant » une réponse émotionnelle. En
effet, il est important de ne pas sur-réagir ou sous-réagir et/ou de réagir de
manière décalée. Cette aptitude est liée à l’évaluation de la pertinence de
l’objet, c’est-à-dire l’évaluation de la nouveauté, de l’agrément intrinsèque
et de la pertinence par rapport au but. L’évaluation de la pertinence vise à
détecter les objets et événements pertinents qui nécessitent un traitement
plus approfondi. Elle détermine l’allocation des ressources attentionnelles.
Ce mécanisme de détection de la pertinence est d’importance majeure
d’autant plus qu’il repose sur des processus principalement non conscients
de bas niveau (Sander, Grandjean et Scherer, 2005). La compétence de diffé-
rentiation consiste à réagir avec l’émotion requise plutôt qu’avec une autre
émotion moins en accord avec les caractéristiques situationnelles (Scherer,
2007). La différentiation d’une émotion appropriée requiert d’évaluer les
implications d’un événement de manière réaliste, d’évaluer correctement le
BIAIS D’ÉVALUATION COGNITIVE ET PHOBIE SOCIALE 395

potentiel de maîtrise et d’avoir une représentation précise des attentes, des


normes sociales et des standards moraux. Ces évaluations sont fortement
connectées avec les croyances, le self, le raisonnement et la motivation de la
personne. Dans ce qui suit, nous allons nous focaliser sur ces deux facettes
de la compétence d’évaluation cognitive de la situation afin d’identifier les
biais d’évaluation cognitive caractérisant la phobie sociale.

3.3 Biais d’évaluation cognitive dans le cadre


de la phobie sociale : prédictions
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Comme nous l’avons vu préalablement, dans le cadre de la phobie sociale, les
interactions sociales, ses propres réactions psychophysiologiques et le juge-
ment d’autrui constituent des stimuli pouvant solliciter des réactions
d’anxiété. Sur la base du MPC, il est possible de postuler que cette anxiété est
reliée à des difficultés au niveau du déclenchement d’une émotion (c’est-à-
dire évaluation de la pertinence de l’événement) et plus précisément à des
biais au niveau de l’évaluation de l’agrément intrinsèque et de la pertinence
par rapport au but (pour plus de détail voir tableau 13.1). Nous pouvons
prédire que les PS vont procéder à une évaluation négative des stimuli
sociaux, y compris les expressions faciales en général et les expressions facia-
les « menaçantes » en particulier (expressions de colère). Ces stimuli auraient
une pertinence plus élevée pour les PS que pour les autres personnes.
Les réactions d’anxiété dans le cadre de la phobie sociale peuvent égale-
ment être mises en lien avec des difficultés au niveau de la différentiation
de l’émotion et plus précisément avec des biais au niveau de l’évaluation
des implications d’un événement, du potentiel de maîtrise et de la compati-
bilité par rapport aux normes. Comme nous l’avons mentionné précédem-
ment, ces évaluations sont fortement connectées avec les croyances, le self,
le raisonnement et la motivation de la personne. Or, diverses études ont
montré que les PS disposent de croyances négatives par rapport à eux-
mêmes et à l’environnement. Par exemple, dans une situation sociale, les
PS ont tendance à se juger de manière plus négative et moins positive que
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

les observateurs (Stopa et Clark, 1993). Ils tendent à être très critique
envers leur comportement social, ont des attentes négatives par rapport aux
situations sociales dans lesquelles ils se trouvent et ont l’impression
d’avoir peu de contrôle par rapport aux événements de leur vie (Ledley,
Fresco et Heimberg, 2006). Sur la base de ces données et du MPC, nous
pouvons faire les prédictions suivantes concernant les évaluations cogniti-
ves impliquées dans la différentiation des émotions (voir tableau 13.1) : (i)
une surestimation de la probabilité d’apparition de conséquences négatives
d’une situation sociale, (ii) une attribution stable et interne des causes des
interactions sociales négatives, (iii) une sous-évaluation de la contrôlabilité
des interactions sociales, (iv) une sous-estimation de sa propre puissance face à
396 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

une situation sociale (c’est-à-dire de sa capacité à contrôler l’événement), (v)


une sous-estimation de la capacité d’ajustement aux conséquences négatives
d’une situation sociale et, finalement, (vi) une surestimation du degré de
divergence entre sa propre performance et les standards de performance
externes et internes.

Tableau 13.1
Biais d’évaluation cognitive attendus dans le cadre de la phobie sociale.
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Évaluation Biais attendu dans le cadre de la phobie sociale

Pertinence

Évaluation négative des signes sociaux.


Agrément Expressions faciales = stimuli pertinents pour les PS.
intrinsèque Expressions de colère plus pertinentes que les expressions
positives ou neutres.

But prioritaire des PS = éviter situations sociales.


Pertinence
Expressions faciales = stimuli pertinents
par rapport au but
par rapport au but d’éviter situations sociales.

Implication

Degré de certitude
Surévaluation de la probabilité de conséquences négatives
dans la prédiction
d’événements sociaux.
des conséquences

Potentiel de maîtrise

Tendance à attribuer la cause d’événements sociaux


Cause
négatifs à soi-même.

Contrôlabilité Sous-évaluation de la contrôlabilité des événements sociaux.

Puissance Sous-évaluation de la puissance dans des situations sociales.

Surévaluation des difficultés d’ajustement aux conséquences


Ajustement
d’un événement social négatif.

Compatibilité avec les standards

Standards externes élevés.


Externes Tendance à évaluer ses performances sociales comme étant
inférieures aux standards externes.

Standards internes élevés.


Internes Tendance à évaluer ses performances sociales
comme étant inférieures aux standards internes.
BIAIS D’ÉVALUATION COGNITIVE ET PHOBIE SOCIALE 397

En conclusion, nous faisons l’hypothèse que ces prédictions, sous forme de


pattern de biais dans l’évaluation des interactions sociales et des signaux
sociaux, pourraient mener au déclenchement plus fréquent de réponses
émotionnelles d’anxiété dans des situations sociales.

3.4 Biais d’évaluation cognitive dans le cadre


de la phobie sociale : évidences empiriques
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3.4.1 Biais d’évaluation de la pertinence

Dans le domaine de la phobie sociale, de nombreuses études se sont intéressées


aux processus attentionnels, de mémoire et de jugement. Il est possible d’inférer
que les processus attentionnels témoignent de la pertinence des stimuli pour la
personne. Selon cette conception, un stimulus pertinent recevrait une alloca-
tion de ressources attentionnelles plus rapide et plus conséquente afin qu’un
traitement plus profond soit effectué. Souvent, les études investiguant les
processus attentionnels manipulent l’agrément intrinsèque des stimuli. Par
exemple, les expressions faciales de colère, de joie et neutres se distinguent
en fonction de leur degré spécifique d’agrément intrinsèque (respectivement :
négatif, positif et neutre). Ces mêmes expressions se différencient également au
niveau de leur traitement attentionnel.
La tâche de détection de cible (dot probe detection task (DPDT) ; MacLeod,
Mathews et Tata, 1986) est couramment utilisée dans l’investigation des
processus d’attention sélective. Dans cette tâche, deux stimuli (mots ou images)
sont présentés simultanément sur un écran d’ordinateur, l’un à droite et l’autre
à gauche. Généralement, ces couples de stimuli sont constitués d’un stimulus
émotionnel sur un côté de l’écran apparié avec un stimulus émotionnellement
neutre situé sur l’autre côté. Lors de la tâche, on présente aux participants
une série de couples de stimuli. Après la présentation d’un point de fixation
central, chaque couple de stimuli est présenté pendant 500 ms (présentation
optimale). Suite à la disparition des stimuli, une flèche orientée vers le haut
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

ou vers le bas (cible) apparaît à l’adresse spatiale de l’un des deux stimuli.
Les participants doivent détecter aussi vite et précisément que possible la
nature de la cible présentée (flèche vers le haut ou vers le bas). Une détection
plus rapide des cibles présentées à l’adresse spatiale préalablement occupée
par le stimulus émotionnel est interprétée comme un biais d’attention sélec-
tive pour la stimulation chargée émotionnelle par rapport à celle non
émotionnelle. En partant du principe que les processus attentionnels nous
permettent d’inférer le degré de pertinence que la personne attribue au stimulus
évalué, nous postulons que les expressions faciales seront considérées comme
des stimuli plus pertinents pour les PS par rapport aux autres participants.
398 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

De plus, pour les PS, les expressions faciales de colère seront plus pertinen-
tes que les autres expressions faciales. Ces effets devraient se traduire dans
des biais d’attention sélective vers les stimuli pertinents.

Trois études ont adapté la DPDT pour investiguer cette question. Ces
recherches ont principalement utilisé des expressions faciales. Chen, Ehlers,
Clark et Mansell (2002) ont présenté, dans le cadre d’un paradigme de
DPDT, des paires de stimuli composées d’un objet domestique (téléphone,
aspirateur, sofa, etc.) et d’une expression faciale : neutre, négative (colère,
tristesse, peur ou dégoût) ou positive (joie). À partir du modèle de Clark et
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Wells (1995), les auteurs postulent que les PS auront tendance à diminuer le
traitement des stimuli externes en faveur des stimuli internes. Ainsi, pour
les auteurs, les PS devraient montrer un biais d’évitement des stimuli
sociaux (expressions faciales) associé à un biais d’attention sélective vers
les objets domestiques. Les résultats montrent que les PS sont plus lents à
détecter les cibles qui suivent les expressions faciales (indépendamment de
leur expression) par rapport à celles succédant à des objets domestiques.
Ces résultats sont entièrement consistants avec le modèle de Clark et Wells
(1995) qui postule qu’en situations sociales les PS détournent leur attention
des stimuli sociaux. Cependant, cette étude ne manipule pas directement le
contexte social, ce qui ne permet pas de tirer une conclusion définitive sur
ce point.

En accord avec cette critique, Sposari et Rapee (2007) ont répliqué cette
étude en y ajoutant une condition d’anxiété sociale. L’induction de
l’anxiété est réalisée par une consigne de « parler en public » donnée aux
participants avant l’exécution du DPDT. Les auteurs se demandent si
l’anxiété sociale accentuerait (comme prédit par le modèle de Clark et
Wells, 1995) ou bien diminuerait l’évitement des expressions faciales. Une
diminution de l’évitement, donc un biais d’attention sélective vers les
stimuli sociaux, serait en accord avec le modèle de la phobie sociale de
Rapee et Heimberg (1997) qui prédit que les PS montrent une hypervigi-
lance envers les indices de menace sociale. Les résultats obtenus mettent
en évidence un biais d’attention sélective vers les expressions faciales
émotionnelles, c’est-à-dire un pattern attentionnel opposé à celui décrit par
Chen et al. (2002).

Dans l’ensemble, ces deux études suggèrent que les biais d’attention
sélective pour les expressions faciales varient en fonction du degré de
menace sociale. Alors qu’en situation de menace sociale faible, les PS se
détournent des stimuli sociaux (comme Chen et coll. l’ont rapporté), en
situation de menace sociale forte, ils montrent un biais d’attention sélective
vers ces mêmes stimuli (Sposari et Rapee, 2007). Naturellement, la diffé-
rence de résultats entre les deux études peut également être expliquée par des
différences méthodologiques entre les deux recherches (par exemple, genre
BIAIS D’ÉVALUATION COGNITIVE ET PHOBIE SOCIALE 399

des participants, comorbidité). Cependant, les résultats obtenus sont consis-


tants avec l’idée que les biais d’attention sélective ne sont pas uniquement
soumis à des effets bottom up qui modifient la pertinence de la stimulation.
Ils sont aussi soumis à des effets top down qui tendent à modifier l’attention
de la personne par des conduites volontaires et effortfull (Mathews et
Mackintosh, 1998).

En accord avec le MPC, il est possible d’imaginer qu’en situation de


plus forte menace, l’évaluation de la pertinence de la stimulation par
rapport aux buts devient plus déterminante. Cette augmentation pourrait
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contribuer à motiver la personne à réaliser un renversement du biais
d’évitement de la stimulation originairement déterminé par l’évaluation
des caractéristiques intrinsèques du stimulus (désagréables). Ainsi, la
gestion attentionnelle serait fonction de mécanismes de type bottom up
issus du résultat de l’évaluation de l’agrément intrinsèque de la stimula-
tion, et de mécanismes de type top down issus du résultat de l’évaluation
de la pertinence de la stimulation par rapport aux buts de la personne. Pour
les PS, les expressions faciales constituent des stimuli intrinsèquement
négatifs et très pertinents par rapport à ses propres buts (par exemple, dimi-
nuer le rejet social). Ainsi, d’un point de vue du MPC, il est possible de
prédire que chez les PS les expressions faciales seront évaluées comme
étant plus pertinentes que les objets. Ceci se traduit par un traitement diffé-
rent caractérisé dans un premier temps par une hypervigilance des expres-
sions faciales, suivie d’un évitement qui refléterait la tendance des PS à
éviter les situations sociales pour diminuer leur degré d’anxiété. De
manière générale, les données décrites précédemment sont en accord avec
les prédictions pouvant être formulées à partir du MPC. Cependant, les
études dont nous venons de parler n’ont pas été construites ni pour vérifier
ces hypothèses, ni pour vérifier l’évolution temporelle du biais d’attention
sélective. Ainsi, l’interprétation de ces données à la lumière du MPC doit
être considérée avec réserve. Des études pouvant manipuler les diverses
dimensions évaluatives de manière plus directe sont requises afin de tirer
des conclusions plus robustes.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Outre ce point, il est intéressant de relever que les deux études citées
n’ont pas montré de différences d’attention sélective pour les expressions
faciales en fonction de l’émotion représentée. Ceci peut être dû au fait que
le jeu d’expressions négatives utilisées ne comprenait pas que des expres-
sions de colère (l’expression redoutée par les PS). De plus, la tâche
s’organise autour de la compétition entre deux types de stimuli très diffé-
rents, des expressions faciales et des objets domestiques. Des couples
d’images mettant en compétition des expressions faciales seraient plus à
même de mettre en évidence un biais en faveur des expressions faciales
négatives.
400 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

En réponse à ces limitations méthodologiques, Mogg, Philippot et


Bradley (2004) et Philippot (2007) ont investigué chez des PS les processus
d’attention sélective pour des expressions faciales de colère, de joie et
neutres présentées pendant des temps de présentations variables (500 ms
versus 1 250 ms). Dans cette étude, chaque paire de stimuli est composée
d’une expression faciale neutre et d’une expression faciale émotionnelle.
Conformément à ce qui peut être prédit à l’aide du MPC, les chercheurs
postulent chez les PS un biais d’attention sélective vers les expressions de
colère pour des présentations optimales (500 ms) mais un biais d’évite-
ment pour ces mêmes stimuli en présentation plus longue (1 250 ms). Les
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résultats indiquent que les PS, comparés aux participants de contrôle,
montrent un biais d’attention sélective vers les expressions faciales de
colère par rapport aux expressions faciales neutres ou de joie lors de
présentations optimales (500 ms). Par contre, ce biais n’est plus présent
pour des présentations de 1 250 ms. Les participants de contrôle montrent
un biais d’attention sélective pour les expressions faciales de colère par
rapport aux neutres seulement lors des présentations plus longues
(1 250 ms). Ces résultats sont en accord avec les hypothèses des auteurs,
car ils montrent la présence d’une vigilance initiale chez les PS pour les
visages de colère. Cependant, ils n’indiquent pas d’évitement de la menace
ni de vigilance pour une présentation plus longue des stimuli. Ces données
suggèrent que les PS traitent de manière différente que les participants de
contrôle les expressions de colère et de joie lorsqu’elles sont présentées
pendant 500 ms. Ceci est consistant avec le MPC qui prédit que les PS
évaluent les expressions de colère comme plus pertinentes (et plus dange-
reuses) que les expressions de joie ou neutre. L’absence de biais pour ces
mêmes expressions à un temps de présentation plus long s’accorde avec
l’idée que les PS, après avoir détecté les stimuli menaçants, tendent à acti-
ver une réponse d’évitement de cette même information (Mogg et Bradley,
1998). La présence chez les personnes de contrôle d’un biais d’attention
sélective vers les expressions de colère plus tardif est interprétée comme
un comportement adaptatif (c’est-à-dire l’allocation d’un surplus de
ressources attentionnelles aux expressions de colère permettant de bien
évaluer si la personne constitue un obstacle à l’atteinte de ses propres
objectifs). En résumé, la présence d’un biais d’attention sélective chez les
SP suppose la présence d’un abaissement du seuil de détection de la stimu-
lation ou d’une réponse d’hypervigilance qui pourrait expliquer le fait que
les anxieux sociaux ont tendance à ressentir plus fréquemment de l’anxiété
que les individus non cliniques.

En dépit de leur intérêt, les études dont nous venons de parler présentent
plusieurs limites dont l’absence d’un groupe de contrôle clinique ou d’une
mesure des comorbidités (dépression, autres formes d’anxiété, etc.). Ainsi,
il n’est pas possible d’exclure que les résultats obtenus proviennent de trou-
bles émotionnels autres que l’anxiété sociale.
BIAIS D’ÉVALUATION COGNITIVE ET PHOBIE SOCIALE 401

Tableau 13.2
Évidences empiriques relatives aux biais d’évaluation cognitive
dans le cadre de la phobie sociale.

Évaluation Données empiriques dans le cadre de la phobie sociale

Pertinence

Biais d’attention sélective vers objets domestiques


par rapport à expressions faciales (Chen et al., 2002).
Agrément
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Biais d’attention sélective vers expressions faciales par rapport
intrinsèque
à objets domestiques en situation de menace sociale
(Sposari et Rapee, 2007).

Biais d’attestation sélective vers expressions colère


Pertinence par par rapport à autres expressions faciales (Mogg et al., 2004).
rapport aux buts Abaissement du seuil de reconnaissance expression de colère
par rapport à tristesse et joie (Joorman et Gotlib, 2006).

Implication

Degré de certitude Sur-évaluation de la probabilité d’occurrence


dans la prédiction et des coûts personnels des événements négatifs sociaux
des conséquences par rapport aux non sociaux (Foa et al., 1996).

Capacité de maîtrise

Attributions causales plus stables, globales et internes


Cause
des événements négatifs (Heimberg et al., 1989).
Sous-évaluation des compétences de contrôle interne
Contrôlabilité
(Cloître et al., 1992).
Sur-évaluation de la puissance des autres. Les événements sont
contrôlables mais n’ont eux-mêmes pas la capacité de contrôler
Puissance
la situation. (Cloître et al., 1992)
Sous-évaluation de sa propre efficacité sociale (Muris, 2001).
Sur-évaluation des coûts des événements sociaux négatifs
Ajustement
(Foa et al., 1996)
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Compatibilité avec les standards

Sous-évaluation de sa performance (par rapport à l’évaluation


réalisée par les autres) (Rapee et Lim, 1992).
Externes Sur-évaluation des standards attribués à une audience. En pré-
sence d’une information de faible standard, même évaluation que
contrôles (Moscovitch et Hofman, 2007).

Sur-évaluation de l’importance du perfectionnisme


Internes (préoccupations concernant les erreurs, doutes, importance attri-
buée aux critiques parentales, etc. ; Juster et al., 1996)
402 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

Toujours en lien avec l’évaluation cognitive de la pertinence mais dans le


cadre d’une étude portant sur l’identification de l’émotion exprimée par des
visages, Joorman et Gotlib (2006) ont utilisé une technique de morphing de
visages (d’une expression neutre à une expression de tristesse, de colère ou
de joie) pour investiguer la quantité d’information nécessaire à la reconnais-
sance de l’émotion exprimée. Les participants étaient tantôt non cliniques
tantôt des patients souffrant de dépression ou de phobie sociale. Les résultats
ont montré que les PS, par rapport aux autres patients ou aux participants
non cliniques, identifient les expressions de colère à des intensités plus
faibles. Cet effet de facilitation n’est pas retrouvé pour les expressions de
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tristesse ou de joie. Ces résultats confirment que les PS ont un seuil de détec-
tion de la colère plus bas que les personnes ne souffrant pas d’anxiété
sociale. Ceci est consistant avec le MPC qui prédit que l’expression de colère
est particulièrement pertinente pour les PS étant donné leurs préoccupations.
En résumé, l’ensemble de ces recherches suggère que les PS traitent les
expressions faciales de manière différente que les participants de contrôle.
Cette différence s’exprime au niveau des critères d’évaluation de l’agrément
intrinsèque et de la pertinence par rapport aux buts (Sposari et Rapee, 2005 ;
Chen et al., 2002 ; voir tableau 13.2). Les PS montrent un biais d’attention
sélective vers les expressions faciales de colère (du moins pour des temps de
présentation de 500 ms) par rapport aux expressions faciales neutres et de
joie. Ce résultat reflète une évaluation des expressions de colère comme étant
plus pertinentes que les expressions faciales neutres ou de joie (Mogg et al.,
2004 ; voir tableau 13.2). De plus, les PS ont besoin de moins d’information
que les personnes de contrôle ou souffrant de dépression pour reconnaître les
expressions de colère (Joorman et Gotlib, 2006 ; voir tableau 13.2). Ces
résultats renvoient à des difficultés dans le déclenchement d’une émotion,
c’est-à-dire à une incapacité à détecter dans l’environnement interne et
externe les objets/événements nécessitant une réponse émotionnelle.
Ils suggèrent que les PS présentent des biais dans les processus d’évalua-
tion de la pertinence de stimuli sociaux. Ceci peut mener au déclenchement
plus fréquent d’une réponse d’anxiété en contexte social alors que la situa-
tion n’est en réalité pas menaçante. Le déclenchement plus fréquent d’une
réponse d’anxiété serait lié à une tendance à éviter les situations sociales
redoutées. À leur tour, ces évitements seraient impliqués dans le maintien de
la phobie sociale car ils empêcheraient d’infirmer les croyances dysfonction-
nelles et d’entamer le processus de désensibilisation des situations anxiogènes
(Clark et Wells, 1995).

3.4.2 Biais d’évaluation de l’implication d’un événement pour soi-même


L’évaluation de l’implication d’un événement pour soi-même repose sur
plusieurs dimensions incluant l’évaluation de la cause de l’événement, du
degré de certitude dans la prédiction des conséquences, de l’opportunité par
BIAIS D’ÉVALUATION COGNITIVE ET PHOBIE SOCIALE 403

rapport aux buts de l’individu et de l’urgence (c’est-à-dire de la nécessité


d’agir). Les PS redoutent les situations sociales et ont tendance à les éviter
et à évaluer leur performance sociale plus négativement qu’elle ne l’est.
Sur la base de ces éléments, il est raisonnable de postuler que les PS, en
situation sociale, auront tendance à sur-évaluer la probabilité que l’événe-
ment social entraîne des conséquences négatives.
Quelques études ont permis d’appréhender la perception de soi-même et
du monde social en utilisant des tâches offline (c’est-à-dire lors desquelles le
traitement de l’information pertinente a déjà eu lieu) telles que celles portant
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sur les variables rétrospectives auto-rapportées. À l’aide de ce type de tâche,
Foa, Franklin, Perry et Herbert (1996) se fixent comme objectif l’étude chez
les PS (a) des biais dans l’estimation de la probabilité et des coûts d’un
événement négatif social, et (b) des modifications de ces biais suite à une
prise en charge cognitivo-comportementale. Pour ce faire, les chercheures
demandent à chaque participant de remplir le Probability Cost Questionnaire
(PCQ ; dérivé de Butler et Mathews, 1983 et McNally et Foa, 1987). Ce
questionnaire est constitué d’une série de quarante événements négatifs
(vingt sociaux et vingt non sociaux) dont il faut définir la probabilité
d’occurrence et le coût subjectif (c’est-à-dire le degré d’intensité du malaise
ressenti si l’événement devait se produire). Les résultats montrent que les PS
ont tendance à surestimer la probabilité d’occurrence des événements néga-
tifs liés à des situations sociales. De plus, les PS comparés au groupe de
contrôle, perçoivent ces événements comme plus coûteux. Finalement,
l’étude montre également que ces biais de jugements diminuent suite à une
thérapie cognitivo-comportementale. Cependant, même après la prise en
charge, les biais de jugement des PS restent plus élevés que ceux observables
chez les participants du groupe de contrôle. En résumé, les PS présentent un
biais d’évaluation cognitive caractérisé par une tendance à surestimer la
probabilité de survenue des événements sociaux négatifs, auquel s’ajoute
une sur-évaluation du coût subjectif de cet événement si par malchance il
venait à se produire. Ceci s’accorde avec l’idée que les PS présentent un
biais d’évaluation de la probabilité des conséquences associé à un biais dans
l’évaluation de l’ajustement. Dans le MPC, cette dernière évaluation cogni-
tive est l’une des facettes de l’évaluation du potentiel de maîtrise.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

3.4.3 Biais d’évaluation de sa propre capacité à faire face à l’événement


Kaiser et Scherer (1997) associent différents troubles émotionnels, incluant
la dépression à une sous-évaluation de sa propre capacité de maîtrise d’un
événement non désiré. Le MPC nous apprend que le jugement de sa propre
capacité à faire face est le résultat d’une évaluation de l’événement déclen-
cheur sur au moins trois dimensions : le degré de contrôlabilité de l’événement,
la puissance que la personne s’auto-attribue, ainsi que ses capacités d’ajuste-
ment. La contrôlabilité fait référence à la probabilité qu’un événement puisse
404 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

être évité, changé ou contrôlé par un agent. Cette évaluation répond à la question
subjective : « Dans quelle mesure puis-je contrôler cet événement ? » L’évalua-
tion de sa propre puissance est définie comme l’évaluation par l’individu des
ressources dont il dispose pour influencer un événement évalué préalablement
comme contrôlable. Le terme « ressources » peut faire référence à de
l’argent, aux compétences sociales, à la connaissance ou encore à la force physi-
que. Cette évaluation permet de répondre à des questions de type : « Est-ce
que je dispose des ressources nécessaires pour changer les contingences et
les conséquences de l’événement dans le sens de mes intérêts ? » L’évalua-
tion de son propre degré d’ajustement se réfère à l’évaluation de ses propres
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capacités à « faire avec » les conséquences de l’événement. Dans l’ensem-
ble, toutes ces dimensions d’évaluation concourent à la détermination de sa
propre compétence à faire face aux événements non désirés ou, dit autrement,
à l’évaluation de son propre potentiel de maîtrise. Comme spécifié dans le cadre
du MPC, l’évaluation de son propre potentiel de maîtrise est, en outre, forte-
ment dépendante de l’évaluation de la cause de l’événement. C’est pourquoi,
bien que ce critère d’évaluation fasse partie de l’évaluation plus globale des
implications de l’événement, nous le développerons dans ce paragraphe.
Pour Weems et Silverman (2006), la notion de contrôle a été utilisée par
différentes approches dans des sens différents. Dans l’effort de rendre
compte des diverses formes de contrôle émotionnel relatées dans la littéra-
ture, Weems et Silverman (2006) proposent un modèle intégratif du contrôle
bidimensionnel (voir figure 13.2). Trois conceptions théoriques du contrôle y
sont mises en perspective sur deux dimensions de contrôle orthogonales : le
contrôle réel et le contrôle perçu. Les trois conceptions théoriques du contrôle
sont : le locus de contrôle, l’impuissance apprise et l’auto-efficacité. Chacune de
ces conceptions théoriques peut être mise en lien avec les dimensions d’évalua-
tion de l’événement citées ci-dessus (c’est-à-dire évaluation de la cause de
l’événement, évaluation de la contrôlabilité de l’événement et évaluation de sa
propre puissance face à l’événement).
Concernant le lieu de contrôle, Rotter (1966) indique que ce concept se
réfère au fait que la personne peut percevoir le contrôle sur une situation
donnée comme étant lié tantôt à des facteurs externes (comme la chance ou
le hasard), tantôt internes (comme sa propre performance). Ceci est très
proche de l’évaluation de la contrôlabilité d’un événement proposée dans le
cadre du MPC. Pour Weems et Silverman (2006), il est possible de distinguer
quatre formes de lieu de contrôle en fonction des évaluations réalisées sur le
contrôle réel versus perçu (voir figure 13.2). Les formes de locus de contrôle
problématiques sont celles dans lesquelles il y a une incongruence entre
l’évaluation du locus de contrôle perçu et réel, c’est-à-dire lorsqu’il apparaît un
biais d’évaluation de la contrôlabilité. Deux types de biais sont envisageables :
une sous-évaluation ou une sur-évaluation de la contrôlabilité de l’événe-
ment par rapport à sa contrôlabilité réelle. De nombreuses observations clini-
ques suggèrent que les PS sous-évaluent la contrôlabilité de l’événement.
BIAIS D’ÉVALUATION COGNITIVE ET PHOBIE SOCIALE 405

Cette observation est corroborée par un certain nombre d’évidences empiriques.


Dans ce contexte, Cloitre, Heimberg, Liebowitz et Gitow (1992) demandent à
des personnes présentant une phobie sociale ou un trouble panique ainsi qu’à
des personnes de contrôles de répondre à l’échelle de « lieu de contrôle » de
Levenson (1973). Cette échelle permet d’évaluer les attributions causales inter-
nes ou externes par rapport à un ensemble d’événements positifs et négatifs.

Contrôle réel
Élevé
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Auto-efficacité basse Locus de contrôle interne correct
Locus de contrôle externe incorrect Évaluation correcte de la responsabilité
Déni de responsabilité Auto-efficacité élevée correcte

Contrôle perçu
Faible Élevé

Locus de contrôle externe correct Attribution de la responsabilité à soi incorrecte


Auto-efficacité basse correcte Locus de contrôle interne incorrect
Évaluation correcte de la responsabilité Sur-efficacité

Faible

Figure 13.2
Modèle du contrôle de Weems et Silverman (2006).

De plus, elle permet de mesurer deux aspects différents du contrôle


externe : la croyance que les événements sont difficilement contrôlables
parce qu’ils sont dus au hasard et la croyance que les événements sont contrô-
lable mais seulement par d’autres personnes que soi-même (personnes consi-
dérées comme étant particulièrement puissantes). Les résultats indiquent que
les deux groupes cliniques effectuent moins d’attributions causales internes
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

que les autres personnes. Par contre, ces deux groupes se différencient au niveau
de l’attribution du contrôle externe. Alors que les participants souffrant de
trouble panique montrent des scores plus élevés à la sous-échelle indiquant
que les événements sont uniquement déterminés par des facteurs aléatoires,
les PS montrent des scores plus élevés à la sous-échelle indiquant que ces
événements peuvent néanmoins être contrôlés mais uniquement par d’autres
personnes puissantes. Ce dernier résultat suggère que les PS tendent à penser
que les événements sont effectivement contrôlables (c’est-à-dire pas de biais
au niveau de l’évaluation de la contrôlabilité de l’événement), mais qu’eux-
mêmes ne disposent pas des compétences internes nécessaires à y faire face.
Dans ce sens, les PS présentent un biais d’évaluation de leur propre puissance.
406 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

La seconde conception théorique du contrôle s’appuie sur l’idée d’impuis-


sance acquise. Cette théorie se fonde sur l’analyse de l’attribution causale
des événements (par exemple, « est-ce que l’événement est survenu par hasard
ou à cause de mes propres agissements ? »). Théoriquement, les personnes
souffrant d’impuissance acquise tendent à produire des attributions causales
instables, externes et spécifiques des événements positifs. Au contraire,
elles réalisent des attributions causales prioritairement stables, internes et
globales des événements négatifs. Autrement dit, une personne souffrant
d’impuissance acquise à tendance à se considérer responsable des événe-
ments négatifs et ceci dans plusieurs facettes de sa vie et de manière récur-
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rente. Ces biais dans l’évaluation causale des événements constituent un
facteur de vulnérabilité pour divers troubles émotionnels, et notamment
pour la dépression (Abramson, Seligman et Teasdale, 1978). L’attribution
causale proposée dans la théorie de l’impuissance acquise peut être mise en
lien avec la dimension d’évaluation de la causalité de l’événement du MPC.
Ici encore, Weems et Silverman (2006) mettent en perspective l’impuissance
acquise et les discordances entre contrôle réel et contrôle perçu. Pour les
auteurs, une attribution externe de la cause de l’événement alors qu’en réalité
l’événement pourrait facilement être contrôlé par soi-même reflète une
tendance au déni de responsabilité. Au contraire, une attribution interne de
la cause de l’événement alors qu’en réalité l’événement ne serait que faible-
ment contrôlable reflète une tendance à personnaliser. Dans le cas de la
phobie sociale, comme présenté dans le tableau 13.2, il est possible d’imagi-
ner que les PS ont tendance à attribuer les causes des événements sociaux
négatifs à eux-mêmes et des événements sociaux positifs aux autres. En
partant des prédictions formulées dans le cadre du modèle de l’« impuis-
sance acquise », Heimberg et al. (1989) étudient la spécificité du style
d’attribution interne, stable et global des événements négatifs auprès de diver-
ses populations cliniques. Pour cela, ils demandent à des personnes souffrant de
dépression ou d’anxiété (dont des PS et des agoraphobiques) et à des individus
de contrôle de répondre à une version modifiée du questionnaire de style
d’attribution (Peterson et al., 1982). Les résultats montrent que les dépressifs
ne se distinguaient pas des anxieux au niveau de leur attribution causale. Par
contre, les attributions causales de ces deux groupes cliniques se différencient
significativement de celles produites par des personnes de contrôles : les
personnes souffrant d’un trouble émotionnel présentent des attributions
causales des événements négatifs plus stables, globales et internes. Ces
résultats suggèrent que les anxieux sociaux (tout comme les dépressifs et les
agoraphobes) tendent à ramener l’évaluation des événements négatifs à des
facettes peu reluisantes, rigides et relativement peu spécifiques de l’évalua-
tion d’eux-mêmes.
La troisième conception théorique du contrôle s’organise autour du
concept d’auto-efficacité. Ce concept a été développé par Bandura (1977) et se
réfère aux croyances relatives à ses propres capacités d’atteindre un objectif.
BIAIS D’ÉVALUATION COGNITIVE ET PHOBIE SOCIALE 407

Au sein du MPC, ce concept peut être mis en lien avec l’évaluation de sa


propre puissance. Dans ce sens, une personne qui considère que son propre
niveau d’auto-efficacité est élevé sera disposée à faire face aux événements
négatifs auxquels elle est confrontée. Au contraire, une personne avec une
faible perception de sa propre efficacité sera en mesure de mobiliser une
quantité moins importante de ressources pour faire face aux difficultés. En
accord avec Bandura, une faible perception de son auto-efficacité sera asso-
ciée à une moins bonne évaluation de sa propre compétence et de son propre
potentiel de maîtrise. Ces biais d’attribution vont constituer un facteur de
vulnérabilité à l’anxiété lors des situations où la personne décide de réaliser
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un but pertinent pour sa survie personnelle ou sociale. Autrement dit, dans le
cas de la phobie sociale, il est possible de prédire l’existence d’une sous-
évaluation de sa propre puissance spécifique aux situations sociales. Quel-
ques données s’accordent avec ces postulats. Muris (2002) a étudié la rela-
tion entre auto-efficacité et troubles émotionnels dans un large échantillon
d’adolescents tout-venants. Pour ce faire, il a administré aux participants une
batterie d’échelles mesurant l’auto-efficacité (Muris, 2001), l’anxiété trait,
l’anxiété pathologique et la dépression. Les résultats obtenus montrent qu’un
niveau bas d’auto-efficacité est lié à une forte anxiété trait, à des symptômes
anxieux et dépressifs généraux, ainsi qu’à des symptômes de phobie sociale.
Ceci s’accorde avec l’idée que les PS tendent à sous-évaluer leur propre
puissance lors des interactions sociales.
Finalement, la dernière dimension d’évaluation liée au potentiel de maîtrise
est l’évaluation par l’individu de sa propre capacité d’ajustement aux consé-
quences de l’événement. À ce propos, Foa et al. (1996) montrent que les PS,
par rapport à des personnes de contrôle, évaluent les événements sociaux
négatifs comme plus coûteux impliquant qu’une adaptation aux consé-
quences de ces événements leur serait plus difficile.

3.4.4 Biais d’évaluation de la signification de l’événement


par rapport aux normes
En accord avec l’étude rapportée par Bouvard et al. (1999), nous pouvons
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

postuler que le système de croyances des PS se caractérise par une représen-


tation de soi particulièrement négative. Il est possible que cette faible estime
de soi puisse conduire ces personnes à sous-évaluer leur performance sociale
en la considérant comme étant très éloignée de leurs standards externes et
internes (Rapee et Lim, 1992). Dans ces recherches, l’évaluation de soi est
mesurée de manière explicite par des questionnaires d’auto-évaluation.
En dépit de leur validité, ces mesures présentent deux sortes de limites
bien connues : d’accessibilité (c’est-à-dire, pour les facettes du concept
non accessibles à la prise de conscience) et de désirabilité (c’est-à-dire,
pour les facettes du concept que la personne souhaite modifier, dissimuler
ou accentuer en fonction de ses propres normes sociales ou individuelles).
408 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

Cette dernière limite est souvent décrite sous le terme de biais de désirabilité
sociale. Elle constitue une limite à ne pas négliger dans l’étude des PS parti-
culièrement sensibles aux normes. Pour pallier ces limites, divers auteurs ont
récemment recommandé l’emploi de mesures implicites.
Dans cette optique, une voie prometteuse s’est mise en place à partir de
l’adaptation d’un paradigme de psychologie sociale, connu sous le nom de
Test d’Association Implicite (Implicit Association Test (IAT) Greenwald,
McGhee et Schwartz, 1998). Ce paradigme, couramment employé pour
évaluer les stéréotypes implicites, a été adapté par Greenwald et Farnham
(2000) comme mesure de l’estime de soi. Dans l’adaptation de cette tâche
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informatisée, les auteurs demandent aux participants de catégoriser des mots
se rapportant à leur propre identité ou à celle d’autrui (tels que « moi » ou
« autrui ») et des adjectifs émotionnels (tels que « positif » ou « négatif »).
Deux conditions sont présentées aux participants. Dans la première condition,
on leur demande de répondre le plus rapidement possible sur une même
touche, à l’apparition des mots se rapportant à leur propre identité et à des
adjectifs positifs (« moi » ET « positif »). Dans la seconde condition, on croise
les concepts de sorte à ce que les participants répondent, sur la même touche, à
l’apparition des mots liés à leur propre identité et à des adjectifs négatifs
(« moi » ET « négatif »). Généralement, les résultats montrent que les person-
nes sont plus rapides lorsqu’elles doivent répondre aux mots liés à leur identité
associée aux adjectifs positifs, suggérant l’existence d’un biais d’évaluation de
soi positif. Plus spécifiquement, cette rapidité relative suggère que, par rapport
au concept d’autrui, le concept de soi est plus fortement associé aux adjectifs
positifs qu’à ceux négatifs. La valeur obtenue à l’aide de cette tâche d’associa-
tion est considérée comme une mesure implicite de l’estime de soi, ou, autre-
ment dit, du système de croyances de soi stocké en mémoire sémantique.
En psychopathologie cognitive, l’IAT a été adapté à l’étude de nombreu-
ses croyances dysfonctionnelles implicites (De Houwer, 2002). Récemment,
Tanner, Stopa, et De Houwer (2006) ont présenté l’IAT à un échantillon de
personnes non clinique ayant des scores élevés ou bas d’anxiété sociale. Avant
de passer la tâche, on induit un état d’anxiété auprès des participants par
l’annonce d’une présentation orale à effectuer après avoir répondu à l’IAT.
Les résultats montrent que tous les participants présentent un biais d’estime
de soi implicite positif. Cependant, chez le groupe présentant des scores
d’anxiété sociale élevés cette attitude implicite est moins positive que chez
les moins anxieux. On peut supposer sur la base de ces résultats qu’une
personne avec une moins bonne estime de soi implicite pourrait tendre à sous-
évaluer sa propre performance en contexte social.
Le perfectionnisme dans le cadre de la PS a été étudié par Juster et al.
(1996). Ces chercheurs montrent une association entre phobie sociale et
perfectionnisme tel que mesuré à l’aide de l’Échelle multidimensionnelle de
perfectionnisme de Frost (The Multidimensional Perfectionism Scale (MPS) ;
Frost, Marten, Lahart et Rosenblate, 1990). Comme indiqué par les résultats
BIAIS D’ÉVALUATION COGNITIVE ET PHOBIE SOCIALE 409

de cette étude, les patients souffrant de PS montrent des scores plus élevés
que les personnes de contrôles aux sous-échelles évaluant les préoccupations
concernant les erreurs, les doutes par rapport aux actions et la critique paren-
tale. Autrement dit, les PS doutent plus de leur performance et redoute plus
les erreurs que les autres personnes. Cette observation s’accorde avec l’idée
que les PS sont enclins à sous-évaluer leurs propres performances sociales et
à les évaluer comme étant incompatibles avec leurs standards internes et/ou
externes qui se trouvent être particulièrement tyranniques.
D’autres études ont porté sur les jugements que les PS portent aux interactions
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et aux performances sociales. Ces jugements sont en lien avec les dimensions
d’évaluation de la compatibilité par rapport aux standards. La grande majo-
rité de ces études utilisent un paradigme de récupération du souvenir d’un
événement autobiographique social (par exemple, une interaction avec une
autre personne, un exposé oral). On demande ensuite à la personne d’évaluer sa
propre performance lors de cet événement spécifique. Rapee et Lim (1992)
ont investigué la manière dont les PS jugent leur propre présentation orale et
plus particulièrement le fait qu’il existe ou non une différence entre perfor-
mance réelle – telle qu’elle est jugée par des observateurs – et l’auto-jugement.
Dans cette étude les participants sont réunis en groupe de 6-8 personnes.
Chaque personne, à tour de rôle, est invitée à prendre la parole pour effectuer
une présentation orale devant le groupe. À la fin de chaque présentation, chaque
personne du groupe évalue la performance de l’orateur, soit en remplissant un
questionnaire d’auto-évaluation (s’ils viennent de donner la conférence), soit
d’hétéro-évaluation (s’ils viennent d’assister à la présentation). Les présenta-
tions sont évaluées sur la base de critères globaux (par exemple, assurance
dégagée par l’orateur) et spécifiques (par exemple, tremblements dans la
voix). Les résultats indiquent que, d’un point de vue de l’évaluation faite par
les autres, la performance des PS ne diffère pas de celle des participants de
contrôle. En revanche, les PS par rapport aux personnes de contrôle évaluent
leur propre performance de manière nettement moins positive. De plus, chez
les PS, l’écart entre auto-évaluation et hétéro-évaluation est plus important.
Cette différence s’accorde avec l’idée que les PS étayent le jugement de leur
propre performance sociale à partir d’une représentation élevée des stan-
dards externes et internes. Ces croyances dysfonctionnelles impliquent des
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

conséquences multiples comme, par exemple, une différence importante


entre ce qu’on se croit capables de faire et ce qu’on pense que les autres nous
demandent de faire, une pression irréaliste vers l’amélioration de sa propre
performance sociale qui pousse la personne dans une spirale perfectionniste,
ainsi qu’une forte anxiété lors de la confrontation à des situations sociales.
Plus récemment, Moscovitch et Hofmann (2007) ont investigué la manière
dont les PS évaluent leur propre performance après avoir parlé en public, et
ceci en fonction de divers standards sociaux. Les chercheurs demandent à
des PS et à des participants de contrôle de parler devant une audience après
avoir reçu des informations concernant les standards sociaux relatifs à la
410 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

présentation en public. Un tiers des participants reçoit une information suggérant


des standards sociaux exigeants. Un autre tiers reçoit des informations relatives
à des standards sociaux peu exigeants. Un dernier tiers ne reçoit aucune
information. Avant d’être assigné à l’un de ces trois groupes expérimentaux,
ainsi qu’avant et après leur présentation orale, chaque participant est invité à
indiquer sa représentation des standards sociaux de l’audience. Finalement,
la performance orale de chaque participant est évaluée par des juges. Les
résultats montrent que lorsque les PS anticipent un événement social, ils
pensent que les standards de l’audience sont plus élevés que ne le pensent les
personnes de contrôle. De plus, les PS par rapport aux autres personnes
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évaluent moins bien leur performance à venir. Chez les PS, l’information par
rapport aux standards sociaux module l’évaluation de leur propre perfor-
mance. Les PS ayant reçu une information de standards élevés ou n’ayant
reçu aucune information jugent leur performance plus négativement que les
personnes de contrôle. Par contre, les participants souffrant de PS ayant reçu
une information relative à des standards peu exigeants ne se différaient pas
des personnes de contrôle. En résumé, les personnes souffrant de PS tendent
à évaluer leur propre performance sociale de manière fortement négative.
Cette évaluation est modulée par l’information disponible relative aux standards
sociaux. Or, dans la vie courante, la définition des standards sociaux est souvent
peu explicite. Ainsi, cette information présente toutes les caractéristiques
d’ambiguïté propre aux informations soumises à des biais d’évaluations cogni-
tives. Dans le cadre du MPC, ces résultats suggèrent que les PS tendent à
utiliser « par défaut » des standards élevés. Le fait de sous-évaluer sa propre
performance et d’avoir l’impression de ne pas parvenir à satisfaire les atten-
tes que l’on attribue à autrui entraîne une incongruence entre sa propre
performance et les standards externes et/ou internes. Selon le MPC, cette
discordance conduit la personne à ressentir des émotions de honte et
d’anxiété. En conclusion, les évidences empiriques liées à l’évaluation de la
signification d’un événement social par rapport aux standards internes et
externes suggèrent que les PS ont tendance à sur-évaluer les standards et, de
ce fait, à sous-évaluer leur propre performance sociale.

SYNTHÈSE ET CONCLUSION

Dans ce chapitre nous avons tenté de montrer en quoi une approche cognitive
de l’émotion telle que celle soutenue par le MPC de Klaus Scherer contribue
à la compréhension des états psychopathologiques en général et de la phobie
sociale en particulier. Plus précisément, nous avons montré comment conceptua-
liser les données actuelles sur la phobie sociale en termes de biais d’évaluation
cognitive reliés au MPC. Ces biais constituent les soubassements cognitifs
BIAIS D’ÉVALUATION COGNITIVE ET PHOBIE SOCIALE 411

des états psychopathologiques et/ou des dispositions affectives. Dans les


deux cas, ils permettent d’expliquer pourquoi une personne donnée par
rapport à une autre ressent plus facilement et/ou plus intensément une
émotion donnée par rapport à une autre. Bien que les biais d’appraisal ne
soient pas uniquement le propre de la PS, nous proposons que le pattern
spécifique de biais d’évaluation cognitive que nous avons dégagé dans ce
chapitre constitue la particularité de ce trouble. Parmi ces biais, nous avons
notamment rapporté une sur-évaluation de la probabilité et du coût des
conséquences négatives des situations sociales, une sous-évaluation de sa
propre capacité à y faire face et une sous-évaluation de ses propres perfor-
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mances sociales fondée principalement sur une représentation des standards
externes particulièrement élevée.
Outre son intérêt théorique, cette conceptualisation de la PS comporte
diverses implications cliniques qu’il convient de rappeler brièvement. D’une
part, cette approche permet de spécifier les biais évaluatifs attendus dans le
cadre de la PS. Elle devrait permettre de construire des outils d’évaluation
des croyances et des évaluations dysfonctionnelles propres à la PS et/ou à un
symptôme particulier de la PS (Scherer, Sangsue et Sander, 2008). À terme,
ce développement devrait favoriser l’avènement d’une psychopathologie du cas
unique pouvant permettre de rendre compte des particularités individuelles.
En effet, l’expression de la PS est fortement variable d’une personne à une
autre. Or, le MPC auquel nous avons fait référence permet de rendre compte
de cette variabilité en identifiant l’apport respectif de chaque composante
évaluative impliquée sans devoir recourir à la définition d’une nouvelle caté-
gorie diagnostique. En cela, cette approche s’accorde avec une vision dimen-
sionnelle de la PS pouvant s’adapter à la description d’une multitude de
configurations symptomatologiques au sein d’un cadre théorique cohérent.
D’autre part, l’établissement d’un pattern détaillé de biais d’évaluation
cognitive devrait permettre de cibler des programmes d’intervention plus
spécifiquement orientés vers les dysfonctionnements cognitifs de chaque
personne souffrant de PS. Ceci devrait contribuer à augmenter l’efficacité de
la thérapie cognitivo-comportementale classique en la rendant plus spécifique
par rapport aux caractéristiques de chaque personne.
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Au-delà de son intérêt théorique et de ses implications cliniques, notre


revue présente un certain nombre de limites. La première réside dans le fait que
dans la plupart des cas les évaluations cognitives de la situation ont lieu en
dehors de la conscience de la personne. Le rapport verbal de ses propres
évaluations cognitives tel qu’il est utilisé dans la grande majorité des études
dont nous avons rendu compte, permet d’accéder uniquement aux évalua-
tions explicites. Ceci est d’autant plus regrettable que les troubles émotion-
nels s’avèrent être fortement déterminés par des processus automatiques ou
involontaires faiblement accessibles à la conscience (McNally, 2001).
L’avènement des mesures implicites dans de nombreux secteurs de la psycho-
logie devrait permettre de pallier cette limite par l’élaboration d’instruments
412 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

de mesure indirecte des biais d’évaluations. Il faut également relever que la


composante cognitive de l’émotion, qui sous-tend le processus d’évaluation
de la situation, n’est qu’une composante du processus émotionnel parmi
d’autres. Dans ce sens, il est fondamental de compléter l’évaluation et le
traitement des biais d’évaluation cognitive par la prise en compte des autres
composantes émotionnelles telles que l’expression faciale ou posturale, les
réactions physiologiques ou le sentiment subjectif. Deuxièmement, notre revue
de la littérature ne nous a pas permis de considérer les biais d’évaluation
cognitive de la situation réalisés par les PS dans une optique constructiviste
ou développementale. Or, afin de mieux comprendre ces processus affectifs
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complexes, il pourrait se révéler intéressant de se demander par quel méca-
nisme et à partir de quoi ces biais se développent. Cette question constitue un
autre versant de grande importance de l’étude des biais d’évaluation et se carac-
térise par l’identification de biais dispositionnels ou de facteurs de différence
individuelle (par exemple, des styles cognitifs, des traits de personnalité) pouvant
influencer les évaluations cognitives. Dans le cas de la phobie sociale, certains
auteurs ont montré un lien entre ce trouble et le style d’attachement (Eng,
Heimberg, Hart, Schneier, et Liebowitz, 2001), l’inhibition comportementale
(Biederman et al., 2001) ou encore le style cognitif de looming (Riskind,
Williams et Joiner, 2006). Ces derniers facteurs pourraient influencer de
manière relativement stable les processus d’évaluation cognitive de la situation.
De nouvelles études semblent cependant requises à la fois pour étendre la
description de ces facteurs et pour mieux expliquer les mécanismes condui-
sant aux symptômes phobiques en partant de ces différences individuelles.
Troisièmement, notre revue de la littérature ne nous permet pas d’aborder le
statut causal des biais d’évaluation cognitive dans l’apparition d’un trouble
émotionnel. Plus particulièrement, faut-il considérer les biais d’évaluation
cognitive comme des éléments de vulnérabilité ou bien plus comme des
conséquences des troubles émotionnels ? Est-ce que les biais d’évaluations
jouent un rôle dans l’étiologie du trouble et/ou dans son maintien ? En consi-
dérant que les principaux modèles actuels de la PS (Clark et Wells, 1995 ;
Rapee et Heimberg, 1997) mettent l’accent sur les facteurs de maintien du
trouble bien plus que sur son étiologie et son développement, l’élaboration
d’un modèle constructif des biais d’évaluation cognitive pourrait contribuer
à l’élaboration de programmes de prévention primaire et secondaire de la PS.
En conclusion, notre chapitre nous a permis de dégager un pattern spécifi-
que de biais d’évaluation cognitive de la situation propre à la PS adulte. Ce
savoir devrait nous permettre de construire des outils d’évaluation et d’inter-
vention fondés sur l’émotion pouvant contribuer à diminuer la souffrance des
personnes indisposées par leur anxiété en situation sociale. Enfin, de nouvel-
les études seront nécessaires pour investiguer le rôle joué par les biais
d’évaluation cognitive dans le développement et le maintien des troubles
émotionnels.
BIAIS D’ÉVALUATION COGNITIVE ET PHOBIE SOCIALE 413

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INDEX DES NOTIONS

A attentes 50
action readiness 95, 214 attention spatiale 150
action units (AU) 85 attribution causale 49, 212
activation (arousal) 18, 25, 33, 35, 90, 140 automatisation 268
activité autorégulation (self-regulation) 262
– cardiovasculaire 162 B
– électrodermale 163
belief in a just world 184
– motrice 165
besoins 191, 196
adaptations psychologiques 13
– d’accomplissement 199, 202
affect 25
– d’appartenance 197
Affective Event Theory (AET) 342
– d’auto-accomplissement 197
agrément 35 – d’estime 197
– intrinsèque 48 – de sécurité 196
ajustement 53 – physiologiques 196
amorçage perceptif 179 biais d’évaluation cognitive 383, 391, 393
amygdale 26, 56, 150, 280 buts 191
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analyses – à court terme 195


– de Fourier 119 – à long terme 195
– de fréquences 71 – à moyen terme 195
– topographiques 71
anxiété 202, 203, 209 C
appraisal 97, 182, 183, 212, 267, 269, catégorisation 323
315, 321, 324, 329, 368, 370 – sociale 322
appraisal theory of emotion 43 causes proximales du comportement 195
apprentissage de la peur (fear learning) 13 changements
approche 210, 211 – corporels 5
– socio-cognitive 367 – d’apparence 86
arousal 208 – psychophysiologiques 33
468 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

circumplex 36 cultures 30
climat – individualistes 23
– émotionnel 354
– social 355 D
coder 83 daily hassles 294
cognition 24, 25 déclenchement 10
– chaude 16 décodage 30, 32, 113, 127
collectivistes 23 defense cascade model 208
communication 134, 142 définition
– vocale 32 – de l’émotion 10
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compétences émotionnelles 308, 374 – de la cognition 26
comportement organisationnel 343 dépression 203
composantes désagrément 35
– de l’émotion 3 détection de la pertinence 47
– électrophysiologiques induites 73 différences
compréhension des émotions 376 – culturelles 30
computations – individuelles 22, 23, 374, 381
– cognitives 26 différenciation 10, 16
– émotionnelles 26 – des émotions 28, 46
concept unidimensionnel de l’activation dimensions
172 – du sentiment 35
conductance de la peau 163, 174, 175, – émotionnelles 137
176, 184, 185, 186, 202, 208 display 142
conflit 203 display rules 93, 142
connectivité fonctionnelle 153 dispositions d’action 173
conscience 60, 233, 235 douleur 35
constructivisme social 37 drive 197
contagion émotionnelle 340
contrôle 52 E
coping 20, 262, 289, 291, 372 ébruitement non verbal
– centré sur l’émotion 299 (non verbal leakage) 83, 94
– centré sur le problème 299 échec 200, 212
Corrugator supercilii 173, 184, 186 écologie comportementale (behavioral eco-
cortex logy) 93
– auditif primaire 146 effet Pygmalion 171
– cingulaire antérieur (CCA) 278, 280 efficacité 304
– dorsolatéral préfrontal (CDLPF) 280 efficience 304
– orbito-frontal 150 électro encéphalographie (EEG) 278, 279
– orbitofrontal (COF) 278, 280 électrocardiogramme 162
– préfrontal (CPF) 277 électroencéphalographie 56
– visuel 150 électromyogramme 165
covariation 173 électromyographie de surface 99
critères 20 EMFACS (EMotion FACS) 89
– d’évaluation de stimulus 46 emotional labor 345
culpabilité 23 emotion-focused coping versus problem-
– collective 326 focused coping 299
INDEX DES NOTIONS 469

émotions 25 fonctionnalité de l’expression émotion-


– antagonistes 352 nelle 12
– collectives 354 fréquence
– d’approche 350 – cardiaque 162, 174
– de base 31, 87, 176, 205 – fondamentale 118
– de résignation 351 – respiratoire 178
– discrètes 28, 99, 355 frustration 51
– intergroupes 315 G
– positives 344
genèse des émotions 57
– subtiles 4
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Geneva Appraisal Manipulation Environ-
encodage 30, 113 ment 104
endogroupe 322, 325, 326 gestion
entreprise 333 – des émotions 377
estime de soi 24 – du stress 302
évaluation 20 Global Field Power 71
– ambulatoires 310
– cognitive 41, 43, 97, 295, 324 H
– cognitive (appraisal) 9 habitudes 198, 204
– primaire (primary appraisal) 20, hippocampe 26
295, 296 homéostasie 161, 198
– secondaire (secondary appraisal) 20, honte 23
295, 296 hypothèse de rétroaction faciale (Facial
événements de vie majeurs 294 Feedback Hypothesis) 5
évitement 210
I
évolution 11
excitation 35, 36 identification 323
– sociale 322
exogroupe 324, 325, 326
identité
expressions
– personnelle 329
– faciales 29, 77, 79
– sociale 329
– motrices 29
implication 47, 49
– vocales 32, 109, 114 impulsivité 209
extension du bras 220 incitation 198
Extensor digitorum 185 indices
extinction auditive 152 – de contrôle 83
extraversion 202 – de tromperie (deception clues) 83, 94
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individu 363
F
intégration 225, 230
face fusiform area 148 – multimodale 155
facilitation/obstruction aux buts-besoins intelligence émotionnelle 308, 374
51 intensité 141
FACS (Facial Action Coding System) 85, – acoustique 118
105, 112, 176 interactions 344
feedback proprioceptif 28 – sociales 81
feeling 225 International Affective Picture System 173
feeling rules 345 intonation 131
flexion du bras 220 IRM 279
470 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

J O
jugements perceptifs 117 organisation biphasique des émotions 207
juger 83
P
L panique 209
labels 18 paramètre acoustique 125
– émotionnels 36 patterns 174
locus de causalité 212 – de réponse 28
loi – innés d’action (fixed action patterns)
44
– d’Ohm 164
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perception des émotions 376
– de l’effet 198
personnalité 292, 359
M pertinence 47
phase
marqueurs somatiques 7
– d’épuisement 293
mécanismes de défense 263, 292
– de résistance 293
mélanges d’émotions (emotion blends) 21 phénomènes affectifs 363, 364
mere exposure effect 24 phobies 13
modèles – sociales 383, 386
– biopsychosocial 183 plaisir 35
– circulaires (circumplex model) 90 plans 191
– des « cinq facteurs » 368 positif 35
– des afférences somatoviscérales de position « périphérique » ou « périphéra-
l’émotion 179 liste » 5
– des processus composants 44 potentiels
– dimensionnels 56 – de maîtrise (coping potential) 21, 47,
– du contrôle 405 51
– en lentille 134 – évoqués 69
– en trois facteurs 364 préférences 24, 25
– neuro-culturel 93 préparation
– à l’action 95
– transactionnel du stress et du coping
293 – de comportements adaptatifs 192
– preparedness 13
module de peur 13
pression
motivation 189, 191
– artérielle 163, 175
– comme antécédent 194
– diastolique 163, 178
– comme conséquent 194
– systolique 163
– d’accomplissement 214 prévisibilité 36
N primauté
– de l’affect 24, 26
négatif 35 – de la cognition 24
neuroscience cognitive 68, 112, 144 probabilité des conséquences 50
névrotisme 202 problème de la séquence 8
niveau de la conductance de la peau 183 processus émotionnels 381
niveaux de traitement 60 programmes neuro-moteurs 28, 29, 30,
normalisation 345 31, 176
nouveauté 48 prosodie émotionnelle 146
INDEX DES NOTIONS 471

puissance 52 sentiment 9, 225


puissance/dominance 36 – subjectif 34, 71, 75, 223, 225, 231,
punition 209 232, 257
séquence 58, 166
R signaux faciaux 80
réactions signification normative 47, 53
– d’alarme 293 simple exposition 24
– de la conductance de la peau 164 social appraisal 19
récompense 209 souffrance 35
réévaluation spécificité
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– absolue de l’émotion 181
– centrée sur la situation 270, 285
– de l’émotion associée aux comporte-
– centrée sur soi 270, 285
ments prototypiques 182
– cognitive 270, 272, 284
– de la déviation du contexte 181
réévaluation (reappraisal) 20, 54, 270, spectrogramme 120
272, 295
stabilité des causes 212
règles standards
– d’expression (display rules) 82 – externes 54
– de gestion cognitives et comporte- – internes 54
mentales 305 stimulus evaluation checks 46
– sociales 345 stratégies
régulation 142, 269 – d’évitement 306
– des émotions 259 – de coping 295, 298
– du vécu émotionnel 306 – de gestion 291
– émotionnelle 262, 345, 346 – de palliation 299
– émotionnelle extrinsèque et intrinsè- stress 289, 293
que 272 stresseurs 291
relations intergroupes 315 style de coping 292
réorientation active 299 substitution de renforçateurs 299
réponse émotionnelle 29 succès 200, 212
représentations 230 support social 308
– corporelles 229 suppression 269
– émotionnelle 273
répresseurs 160
synchronisation 227, 229, 244
réseau neuronal 75
syndrome
résilience 301
– du stress 293
respiration 175
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– général d’adaptation 293


retrait 211 système
rétroaction faciale 81, 176 – comportemental d’approche (beha-
rythme vioural approach system, BAS) 208
– cardiaque 162, 175, 176, 178, 184, – comportemental d’inhibition (beha-
185, 208 vioural inhibition system, BIS) 208
– respiratoire 175 – de contrôle dorsal 284
– de contrôle ventral 284
S – moniteur 226, 227, 233
satisfaction au travail 337 – nerveux
scissure temporale supérieure 146 – autonome 161
sensation seeking 26, 202 – parasympathique 161
472 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

– périphérique 161 – des événements affectifs 342


– somatique 161 – des schémas 388
– sympathique 161 – dimensionnelles 172
– responsable du combat et de la fuite – expectations-valeurs 199
(fight/flight system, FFS) 208 – incarnées de l’émotion » (embodi-
– social de signalisation 14 ment theories of emotion) 7
– néo-jamésiennes 7
T
– psycho-évolutive des émotions 205
tâche de détection de cible 397
tonalité affective 340
température 176, 178
tractus vocal 111
tendances
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trait EI 378
– à l’approche 203
transactionnel 295
– à l’évitement 203
tendances à l’action 9, 189, 191, 325 travail 333
tension musculaire 175, 178 – émotif 345
TEP 279 two factor theory of emotion 19
Test d’Association Implicite 408
U
théories
– bi-dimensionnelles 36 universalité 87
– bi-factorielles de l’émotion 18 urgence 51
– centralistes 7 utilisation des émotions 377
– cognitives de l’émotion 17
– cognitives multicomponentielles 97
V
– de l’émotion intergroupe (TEI) 318 valence 35, 36, 56, 208
– de l’évaluation cognitive (appraisal) valeurs 191
19, 20 verbalisation des sentiments 36
– de la cognition incarnée » (embodied voice sensitive area 148
cognition) 7 voisement 118
– de la rétroaction corporelle (proprio-
ceptive feedback theories) 5 Z
– des émotions de base 28, 56 Zygomaticus major 173, 186
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INDEX DES AUTEURS

A Blascovich J. 183
Abramson L.Y. 406 Bower 58
Adolphs R. 59 Branscombe N.R. 327
Ainsworth M.S. 66 Brauburger A.L. 346
Anderson A.K. 250 Brief A.P. 335
Anderson N.H. 235, 238, 239 Brosch T. 14, 35
Brunswik E. 134, 135
Aristote 35, 264
Arnold M.B. 20, 46 C
Ashforth B.E. 335 Cacioppo J.T. 34, 174, 178, 179, 220
Asun 354 Cannon W. 7, 61, 167
Aue T. 57, 186, 221 Carroll J.M. 30, 31, 92
Avison W.R. 294 Cartwright-Smith J. 5
Ax AQ.175, 177 Caruso D. 377
Cervone D. 374
B
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Chovil N. 94
Bagby M.R. 252 Clark D.M. 387
Bandura A. 309, 372, 406 Clore G.L. 237
Banse R. 32, 33, 118 Cohen-Charash Y. 342
Bard 7 Cohn J. 85
Barsade S.G. 340 Colombetti G. 35
Bavelas J.B. 94 Cooper C. 368
Beauregard M. 250, 264, 281, 282, 283 Costa P.T. 364, 366, 368
Beck A. 388 Craig A.D. 251
Berkowitz 27 Critchley H.D. 251
Black A. 94 Cropanzano R. 339
474 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

D Greenwald A.G. 408


Damasio A.R. 7, 232, 235, 250 Gross J.J. 107, 262, 265, 269, 271, 272,
Darwin C. 12, 28, 80, 81, 112, 192 273, 284, 286, 288
Davidson R.J. 211, 268, 279, 280 H
Davison L.A. 20 Hammerschmidt K 119
De Houwer J. 408 Hess U. 82
Decker L.R. 229 Hess W.R. 68
Delplanque S. 69 Hochschild A.R. 338, 247
Desmet P.M.A. 246 Hull C. 197
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Devos T. 325 Humphrey R.H. 335
Doosje B. 327
Doré F.Y. 30
I
Duffy E. 33, 172 Isen A.M. 340
Dumont M. 323 Izard C.E. 29, 30, 64, 82, 87, 176, 351, 377

J
E
James W. 4, 25, 61, 167, 232
Edwards P. 241
Johnstone T. 120, 121
Ekman P. 6, 29, 30, 34, 79, 81, 82, 83, 85,
Jurgens V. 119
87, 88, 89, 93, 104, 176, 228, 240
Juslin P.N. 113, 117, 119, 121, 132
Ellgring H. 31
Ellsworth P.C. 36, 58, 79, 82, 97, 98, 367 K
Ethofer T. 152 Kaiser S. 98, 100, 104, 105
Eysenck H.J. 202, 209, 364, 365 Kappas A. 82
Kasch K.L. 107
F Kirouac G. 30
Fineman S. 335 Kleck R.E. 5, 82
Folkman S. 291, 296 Koenig O. 27
Fontaine J.R. 36 Kotz S.A. 146
Freud S. 264, 292 Krause R. 82
Fridlund A.J. 81, 93, 94 Kunst-Wilson 24
Friesen W.V. 6, 79, 81, 82, 85, 88, 93
L
Frijda N. 9, 95, 96, 97, 98, 214, 242, 257
Lambie J.A. 230, 246
G Lane R.D. 238
Galati D. 30 Lang P. 173, 178, 207
Lange C. 4, 25, 61, 167
Garcia-Prieto P. 321
Lanzetta J.T. 5, 82
George J.M. 340
Laukka P. 113, 117, 119, 121, 132
Goleman D. 335, 375
Lazarus R. 20, 24, 25, 46, 54, 58, 183, 265,
Gonzales 354 291, 296, 342
Gosselin P. 30 Leach 328
Gotlib I.H. 107, 294 LeDoux J.E. 26
Grafman J. 14 Levenson R.W. 6, 34, 82, 176, 177, 178
Grandey A.A. 344, 346 Levental H. 60
Gray J. 208 Liberzon I. 229
INDEX DES AUTEURS 475

M R
Mackie D.M. 318, 321, 322, 324 Reicherts M. 305
MacLean P.D. 65 Ricci-Bitti P. 30
MacLeod C. 397 Rivolier J. 293
Roberts R. 302
Marc-Aurèle 264
Robinson M.D. 237
Marcel A.J. 230, 246 Rochat P. 66
Martin S. 6 Roesch E.B. 36
Maslow A.H. 196 Roseman I.J. 55, 97
Mathews A. 397 Rosen J.B. 226
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Matsumoto D. 82, 267 Rosenberg M. 372
Matthews G. 302 Rottenberg J. 107
Rotter J.B. 309, 404
Mayer J.D. 375, 377
Rotteveel M. 221
McAdams D.P. 363 Russell J.A. 30, 31, 36, 90, 91, 92
McCrae P.T. 364, 366, 368 Ruys K.I. 10
McHugo G.J. 82
Mesquita B. 23 S
Miller N.E. 203 Salovey P. 308, 375, 377
Mineka S. 13 Sander D. 14, 27, 43
Schabracq M. 368
Mischel W. 367
Schachter S. 17, 18, 19, 28, 33, 168
Moors A. 35 Schein E.H. 354
Mordkoff A.M. 20 Scherer K.R. 10, 14, 60, 98, 100, 104, 118,
Mullett J. 94 185, 186, 194, 195, 221, 226, 227, 228,
Murray H. 199 243, 246, 270, 321, 347, 367, 368, 394
Schirmer A. 146
N Schlosberg H.A. 90
Niedenthal P.M. 7 Schmidt S. 100
Schulkin J. 26, 226
O Scott H.S. 98, 99
Ochsner K. 264, 270, 283, 284, 286, 288 Seager W. 230
Seligman M.E.P. 13, 406
Öhman A. 13, 27, 171
Selye H. 293
Olsson A. 13 Sergerie K. 14
Ortony A. 98 Shoda Y. 367, 374
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Silverman W.K. 404


P Singer J.E. 19, 33
Paez 354 Smith E.R. 317
Parkinson B. 329 Smith C.A. 28, 58, 82, 97, 98, 99, 184, 370
Parrott W.G. 26 Smith E.R. 318
Perrez M. 305 Solomon 381
Sonnemans J. 242, 257
Phan K.L. 229
Sorenson E.R. 88
Phelps E.A. 250 Soussignan R. 5
Philippot P. 389 Speisman J.C. 20
Plutchik R. 90, 205, 240 Sroufe L.A. 66
Pope L.K. 99, 370 Stapel D.A. 10
476 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

Staw B.M. 338, 340 Van der Linden M. 390


Stemmler G. 34, 175, 178, 179, 181 van Maanen D. 368
Stepper L.L. 6 van Reekum C. 185
Stern D. 31 Vuilleumier P. 65
Stone 381
Strack F. 6, 82 W
Susskind J.M. 12 Wallbott H.G. 23, 32
T Weems C.F. 404
Tata P. 397 Wehrle T. 63, 98, 100, 104, 105
Taylor G.J. 252 Weiner B. 205, 212
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Taylor S.F. 229 Weiss H.M. 335, 339
Tcherkassof A. 95, 97, 98 Wells A. 387
Teasdale J.D. 406 Wildgruber D. 152
Thayer J.F. 238 Woodworth R.S. 90
Thompson B.L. 226 Wranik T. 371
Tomaka J. 183 Wundt W. 35, 81, 90
Tomkins S.S. 5, 28, 29, 82, 87, 176, 240
Totterdell P. 341 Y
Tourangeau R. 82
Yzerbyt V.Y. 322, 323
Tran V. 347
Travers C. 368 Z
Turner T.J. 98
Tye M. 235 Zajonc R. 24, 25, 27
Zalla T. 14
V Zeeman E.C. 244
Valins S. 170 Zeidner M. 302
TABLE DES MATIÈRES
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LISTE DES AUTEURS III

SOMMAIRE IV

REMERCIEMENTS VII

AVANT-PROPOS IX

CHAPITRE 1 LA PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS :


SURVOL DES THÉORIES ET DÉBATS ESSENTIELS
(David Sander et Klaus R. Scherer) 1

Introduction 3
1 Définition : Qu’est-ce qu’une émotion ? 4
1.1 La théorie de James-Lange 4
1.2 L’émotion en tant que concept hypothétique et multicomponentiel 8
2 Pourquoi avons-nous des émotions ? 11
2.1 La signification des émotions au cours de l’évolution 11
2.2 L’émotion comme système social de signalisation 14
2.3 L’émotion permet un comportement plus flexible 15
3 Différenciation : comment les émotions sont-elles déclenchées
et différenciées ? 16
3.1 Quelques notions philosophiques 16
3.2 La théorie de Schachter et de Singer de l’émotion 17
3.3 Les théories de l’évaluation cognitive (appraisal) 20
478 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

3.4 Différences individuelles et culturelles dans l’appraisal


des événements 22
3.5 Primauté de l’évaluation cognitive 24
4 Réaction : y a-t-il des patterns de réponse spécifiques
pour différents types d’émotions ? 28
4.1 Expressions motrices 29
4.2 Les changements psychophysiologiques 33
4.3 Le sentiment subjectif 34
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Conclusion 38
Lectures conseillées 39

CHAPITRE 2 THÉORIE DE L’ÉVALUATION COGNITIVE


ET DYNAMIQUE DES PROCESSUS ÉMOTIONNELS
(Didier Grandjean et Klaus R. Scherer) 41

Introduction 43
1 Le modèle des processus composants 44
2 Théorie des critères séquentiels dans la différenciation des émotions 46
3 La nature des critères d’évaluation de stimulus 47
3.1 Détection de la pertinence 47
3.2 Évaluation de l’implication 49
3.3 Potentiel de maîtrise 51
3.4 L’évaluation de la signification normative 53
4 Hypothèse d’un décours temporel séquentiel de l’appraisal 58
4.1 Arguments pour un décours temporel des évaluations cognitives 64
4.2 Études électroencéphalographiques de la dynamique
du processus d’évaluations cognitives 70
Conclusion et futures perspectives 75
Lectures conseillées 76
Quelques expériences fondamentales 76

CHAPITRE 3 EXPRESSION FACIALE DES ÉMOTIONS


(Susanne Kaiser, Thomas Wehrle et Katia Schenkel) 77

Introduction 79
1 Les aspects multi-fonctionnels de l’expression faciale 80
TABLE DES MATIÈRES 479

2 Les expressions faciales dans les interactions sociales 81


2.1 La rétroaction faciale 81
2.2 Le contrôle des expressions faciales (display rules) 82
3 Comment mesurer les expressions faciales : différences entre juger
et coder 83
3.1 Première méthode : degré d’accord inter-juges 84
3.2 Deuxième méthode : le codage des signes 84
4 Facial Action Coding System (FACS) 85
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5 Expressions faciales et émotions : différentes approches théoriques 87
5.1 Théorie des émotions discrètes (Tomkins, Ekman, Izard) :
émotions de base 87
5.2 Une approche dimensionnelle-contextuelle
des expressions faciales (Russell) 90
5.3 Une approche comportementale écologique
des expressions faciales (Fridlund) 93
5.4 Les expressions faciales comme modes de préparation
à l’action (Frijda) 95
5.5 Les théories cognitives multicomponentielles :
expression faciale et évaluation cognitive (appraisal) 97
6 Étude des expressions faciales et de l’appraisal
dans un cadre expérimental interactif 104
Conclusion 107
Lectures conseillées 107
Sites web 108
Quelques expériences fondamentales 108

CHAPITRE 4 EXPRESSION VOCALE DES ÉMOTIONS


(Didier Grandjean et Tanja Baenziger) 109

Introduction 111
1 Revue des méthodes utilisées et des principaux résultats obtenus 113
1.1 Encodage – caractéristiques vocales des émotions exprimées 114
1.2 Décodage – reconnaissance des expressions vocales émotionnelles 127
2 Paradigme du modèle en lentille de Brunswik appliqué
à l’étude de la communication vocale des émotions 134
3 Problématiques générales 137
3.1 Catégories et/ou dimensions émotionnelles considérées 137
480 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

3.2 Processus sous-jacents à la production et à la perception


des expressions vocales 139
3.3 Régulation, influence du contexte social sur la communication 142
4 Vers une neuroscience cognitive de la reconnaissance vocale
émotionnelle 144
5 Conclusions et futures perspectives 154
Lectures conseillées 155
Quelques expériences fondamentales 155
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CHAPITRE 5 PSYCHOPHYSIOLOGIE DES ÉMOTIONS (Tatjana Aue) 157

Introduction : pourquoi s’intéresser aux réactions corporelles ? 159


1 Description du système nerveux périphérique 161
1.1 Structure du système nerveux périphérique 161
1.2 Activité et mesure de l’activité cardiovasculaire 162
1.3 Activité et mesure de l’activité électrodermale 163
1.4 Activité et mesure de l’activité motrice 165
1.5 Artefacts 166
2 Le débat de la séquence 166
2.1 William James et Carl Lange 167
2.2 Walter Cannon 167
2.3 Stanley Schachter 168
2.4 Stuart Valins 170
3 L’aspect adaptatif des réactions périphériques 171
3.1 Arne Öhman 171
4 La différenciation des émotions selon les théories dimensionnelles 172
4.1 Elisabeth Duffy 172
4.2 Peter Lang 173
5 Les patterns spécifiques aux émotions 174
5.1 Albert Ax 175
5.2 Silvan Tomkins, Paul Ekman et Carroll Izard (émotions de base) 176
5.3 Les patterns spécifiques aux émotions : état actuel 177
5.4 Les patterns spécifiques aux émotions : questions théoriques
et méthodologiques 179
6 Les théories de l’appraisal 183
6.1 Richard Lazarus 183
TABLE DES MATIÈRES 481

6.2 Jim Blascovich et Joe Tomaka 183


6.3 Craig Smith 184
6.4 Klaus Scherer et Carien van Reekum 185
Conclusions et futures perspectives 186
Lectures conseillées 188
Quelques expériences fondamentales 188

CHAPITRE 6 MOTIVATION ET TENDANCES À L’ACTION (Tatjana Aue) 189


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Introduction : l’importance de la motivation et de l’émotion 191
1 Motivation comme antécédent et conséquent
du processus émotionnel 194
2 Motivation comme antécédent 195
2.1 Définition des buts à court terme, à moyen terme et à long terme 195
2.2 Classification des besoins selon Maslow 196
2.3 Théorie du drive selon Hull 197
2.4 La motivation d’accomplissement selon Atkinson 199
2.5 La théorie de la personnalité selon Eysenck 202
3 Motivation comme conséquent 203
3.1 Modèle de conflit de Miller 203
3.2 La théorie psycho-évolutive des émotions selon Plutchik 205
3.3 Organisation biphasique des émotions selon Lang 207
3.4 L’organisation de la motivation selon Gray 208
3.5 Approche et retrait selon Davidson 211
4 Motivation et tendances à l’action dans les théories d’appraisal 212
4.1 La théorie d’attribution de Weiner 212
4.2 Appraisal et tendances à l’action selon Frijda 214
Conclusions et futures perspectives 217
Lectures conseillées 219
Quelques expériences fondamentales 220

CHAPITRE 7 LE SENTIMENT SUBJECTIF. INTÉGRATION ET REPRÉSENTATION


CENTRALE CONSCIENTE DES COMPOSANTES ÉMOTIONNELLES
(Elise Dan Glauser) 223

Introduction 225
482 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

1 Le sentiment subjectif dans l’optique du modèle des processus


composants 225
1.1 Quelques notions utiles à connaître 225
1.2 Particularités du sentiment subjectif 232
1.3 Fonctions du système moniteur 233
1.4 Les trois modules de l’expérience subjective et leurs interrelations :
l’utilisation du diagramme de Venn 234
2 Le sentiment subjectif comme intégration multimodale
de changements synchrones
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237
2.1 Intégration de l’information 237
2.2 Intégration de l’information et intensité du sentiment subjectif 241
2.3 Chunking ou persistance de la synchronisation 244
3 Techniques et méthodes de mesure du sentiment subjectif 245
3.1 Approches 245
3.2 Pondération des composantes 247
3.3 Dissociation entre rapport verbal et mesures objectives 247
3.4 Induire le sentiment subjectif 248
3.5 Quelques recherches sur les systèmes neurologiques
impliqués dans le sentiment subjectif 250
Synthèse et conclusion 253
Lectures conseillées 255
Quelques expériences fondamentales 256

CHAPITRE 8 LA RÉGULATION DES ÉMOTIONS (Sebastian Korb) 259

Introduction 261
1 Définition de la régulation émotionnelle 262
2 L’histoire de la régulation émotionnelle 264
3 Pourquoi réguler ? 266
4 Types de régulation émotionnelle 268
5 Effets cognitifs et physiologiques de la régulation émotionnelle 272
6 Les bases neuronales de la régulation émotionnelle 277
Conclusion 285
Lectures conseillées 286
Sites web 287
Quelques expériences fondamentales 288
TABLE DES MATIÈRES 483

CHAPITRE 9 STRESS ET COPING : UN ÉTAT DES LIEUX


(Ofra Hazanov, Susanne Kaiser et Stephane With) 289

Introduction 291
1 Origines du concept de coping 291
2 La recherche sur le coping 292
3 Le concept de stress 293
4 Le modèle transactionnel du stress et du coping 294
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4.1 L’évaluation cognitive 295
4.2 Les stratégies de coping 298
4.3 Fonctions du coping : problème versus émotion 299
4.4 Conclusions relatives au modèle transactionnel 301
5 État actuel 302
5.1 Instruments de mesure 303
5.2 Principales dimensions de coping 303
5.3 Coping adapté versus inadapté 304
5.4 Corrélats d’un coping adapté 307
Conclusion 309
Lectures conseillées 310
Site web 310
Quelques expériences fondamentales 311

CHAPITRE 10 ÉMOTIONS INTERGROUPES : L’APPLICATION DES THÉORIES


DE L’ÉVALUATION ET DE LA DIFFÉRENTIATION DES ÉMOTIONS
(THÉORIES DE L’APPRAISAL) AUX RELATIONS INTERGROUPES
(Patricia Garcia-Prieto Chevalier) 315

Introduction : les émotions intergroupes 317


1 Approches théoriques 318
1.1 La théorie de l’émotion intergroupe (TEI) 318
1.2 Extension de la théorie de l’appraisal de Scherer (2001)
au contexte intergroupe 321
2 Évidences empiriques 321
2.1 Le rôle de la catégorisation sociale et de l’identification sociale 322
2.2 Le rôle des évaluations cognitives (ou appraisals) 324
484 TRAITÉ DE PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS

2.3 Quel est le rôle des émotions dans la détermination


des comportements intergroupes ? 328
Conclusion 329
Lectures conseillées 330
Site Web 331
Quelques expériences fondamentales 331

CHAPITRE 11 LES ÉMOTIONS DANS LE MONDE DE L’ENTREPRISE


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ET DU TRAVAIL (Véronique Tran) 333

Introduction 335
1 Historique 336
1.1 La satisfaction au travail 337
1.2 La progression vers l’engouement actuel pour les émotions 338
2 L’affect et l’humeur 339
3 Plaidoyer en faveur des émotions dans l’entreprise 341
4 L’Affective Event Theory (AET) 342
5 La régulation émotionnelle 345
6 Les émotions et leurs conséquences 346
6.1 Les émotions d’accomplissement 347
6.2 Les émotions d’approche 350
6.3 Les émotions de résignation 351
6.4 Les émotions antagonistes 352
7 Le climat émotionnel 354
Conclusion 355
Lectures conseillées 356
Site web 356
Quelques expériences fondamentales 356

CHAPITRE 12 LA PERSONNALITÉ ET LES ÉMOTIONS (Tanja Wranik) 359

Introduction 361
1 La personnalité et les émotions : du point de vue de l’individu 363
1.1 Les théories de la personnalité appliquées
aux phénomènes affectifs 363
TABLE DES MATIÈRES 485

1.2 L’approche typologique 364


1.3 L’approche socio-cognitive 367
2 Différences individuelles et émotions dans les processus sociaux 374
2.1 Compétences émotionnelles ou « intelligence émotionnelle » 374
2.2 L’intelligence émotionnelle comme compétence (« ability EI ») 376
2.3 L’intelligence émotionnelle comme trait (« trait EI ») 378
Synthèse et conclusion 381
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Lectures conseillées 382

CHAPITRE 13 BIAIS D’ÉVALUATION COGNITIVE ET PHOBIE SOCIALE


(Jérôme Glauser et Grazia Ceschi) 383

Introduction 385
1 La phobie sociale 386
1.1 Description et données épidémiologiques 386
1.2 Modèle cognitif de la phobie sociale 387
2 L’approche cognitive en psychopathologie 388
2.1 Limites de l’approche cognitive classique 389
3 Les troubles émotionnels dans le cadre du MPC 391
3.1 Évaluation cognitive et dispositions affectives 392
3.2 Biais d’évaluation cognitive 393
3.3 Biais d’évaluation cognitive dans le cadre de la phobie sociale :
prédictions 395
3.4 Biais d’évaluation cognitive dans le cadre de la phobie sociale :
évidences empiriques 397
Synthèse et conclusion 410
Lectures conseillées 413

BIBLIOGRAPHIE 414

INDEX DES NOTIONS 467

INDEX DES AUTEURS 473

TABLE DES MATIÈRES 477

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