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Aide-mémoire EMDR
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Sommaire

Présentation des auteurs VII

Introduction 1

1 Le modèle TAI (ou Traitement Adaptatif de l’Information) 3

Sommaire
2 Stabilisation du patient et EMDR 19

3 Lieu sûr/lieu calme et installation de ressources 35

4 Indications et contre-indications de l’EMDR 45

5 De la conceptualisation de cas au plan de traitement 57

6 Le protocole EMDR standard 73

7 Le plan de ciblage standard 81

8 Les cognitions dans la thérapie EMDR 93

9 Le protocole des scénarios futurs de la thérapie EMDR 103

10 Protocoles EMDR spécialisés 119

11 Les blocages du traitement 133

12 EMDR, violences domestiques, troubles de l’attachement et dissociation 147

III
Aide-mémoire EMDR

13 Traumatismes transgénérationnels et EMDR 165

14 EMDR et vicariance du psychotraumatisme 177

15 L’EMDR et les histoires narratives en adoption 187

16 Pratique de la thérapie EMDR avec les enfants 203

17 Couple et thérapie EMDR 211


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18 EMDR et thérapie des états du moi 217

19 L’utilisation de l’EMDR avec les troubles dissociatifs 237

20 Le protocole des empreintes précoces 271

21 Le protocole des lettres 287

22 La Boîte de Vitesses 299

23 Les techniques d’oscillation 313


Sommaire

24 Le protocole inversé 323

25 EMDR et trouble de la personnalité 333

26 La prise en charge du trauma dans la psychose 349

27 Dépression et EMDR 359

28 EMDR et psychologie positive 369

29 EMDR et coaching 391

30 EMDR et culture 405

31 Intervention EMDR immédiate 429

32 Intervention EMDR rapide 439

33 Les protocoles EMDR R-TEP et G-TEP 451

34 Traiter les peurs et les phobies spécifiques avec l’EMDR 463

IV
Aide-mémoire EMDR

35 EMDR et anxiété 477

36 Le protocole de groupe EMDR-IGTP ou technique des quatre champs 485

37 La prise en charge du deuil et deuil bloqué 491

38 Le potentiel de la thérapie EMDR en gynécologie 507

39 Le potentiel de la thérapie EMDR en obstétrique 519


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40 EMDR et addiction 535

41 EMDR et douleur chronique 549

42 EMDR et fibromyalgie 563

43 EMDR et syndrome du membre fantôme 575

44 Prise en charge des troubles de la sexualité avec la psychothérapie EMDR 589

45 Maladies cardiovasculaires et EMDR 603

46 Cancer et thérapie EMDR : contribution ! 617

Sommaire
Table des matières 631

V
Aide-mémoire EMDR

Présentation des auteurs


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Ouvrage coordonné par :

Présentation des auteurs


• Cyril TARQUINIO

Professeur de psychologie clinique à l’Université de Lorraine (Metz),


APEMAC/EPSAM EA 4360, directeur du Master de psychologie clinique,
fondateur et directeur du centre Pierre Janet, éditeur en chef de
l’European Journal of Trauma and Dissociation (Elsevier), psychothé-
rapeute, superviseur EMDR, Institut français d’EMDR (France).

• Marie-Jo BRENNSTUHL
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Maître de Conférences à l’Université de Lorraine (Metz), APEMAC/EPSAM


EA 4360, Centre Pierre Janet, psychothérapeute, superviseur, facilitateur
EMDR, Institut français d’EMDR (France).

• Hélène DELLUCCI

Docteur en psychologie, chargée de cours à l’Université de Lorraine


(Metz), psychothérapeute, formatrice et superviseur EMDR, Institut
français d’EMDR (France).

VII
Aide-mémoire EMDR

• Martine IRACANE

Chargée de cours à l’Université de Lorraine (Metz), psychothérapeute,


formatrice et superviseur EMDR, Institut français d’EMDR (France).

• Jenny Ann RYDBERG

Enseignante associée à l’Université de Lorraine (Metz), Centre Pierre


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Janet, éditrice associée de l’European Journal of Trauma and Dissociation
(Elsevier), psychothérapeute, superviseur, facilitateur EMDR (France).

• Michel SILVESTRE

Docteur en psychologie, chargé de cours à l’Université de Lorraine,


psychothérapeute, formateur EMDR Enfants et superviseur, facilitateur
Présentation des auteurs

EMDR, Institut français d’EMDR (France).

• Pascale TARQUINIO

Chargée de cours à l’Université de Lorraine, Centre Pierre Janet, psy-


chologue, psychothérapeute, superviseur, facilitateur, Institut français
d’EMDR (France).

• Eva ZIMMERMANN

Psychothérapeute FSP, formatrice, superviseur, facilitateur EMDR, Insti-


tut romand de psychotraumatologie (Suisse), Institut français d’EMDR.

Avec la participation de :

• Pascale AMARA

Psychologue, psychothérapeute, superviseur, facilitateur EMDR (France).

VIII
Aide-mémoire EMDR

• Emmanuel AUGERAUD

Psychiatre des hôpitaux, psychothérapeute, psychothérapeute EMDR,


enseignant en TCC, addictologue (France).

• Fanny BASSAN

Chargée de cours à l’Université de Lorraine (Metz), Centre Pierre Janet,


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psychologue, psychothérapeute, superviseur, facilitateur EMDR (France).

• Gabrielle BOUVIER

Psychiatre FMH, psychothérapeute, superviseur, facilitateur EMDR


(Suisse).

Présentation des auteurs


• Ludwig CORNIL

Psychologue, responsable pédagogique de l’Institut Français d’EMDR,


formateur EMDR, superviseur, facilitateur EMDR (Belgique).

• Olivier PIEDFORT-MARIN

Psychologue, superviseur, facilitateur EMDR, vice-président EMDR Europe,


Institut Romand de Psychotraumatologie, chargé de cours à l’Université
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

de Lorraine (Metz), éditeur associé de l’European Journal of Trauma and


Dissociation (Elsevier) (Suisse).

• Annie DELPLANCQ

Psychologue clinicienne pour enfants, superviseur, facilitateur EMDR,


(Belgique).

• Nathalie MALARDIER

Psychologue clinicienne, psychothérapeute, superviseur, facilitateur


EMDR, (France).

IX
Aide-mémoire EMDR

• Joanic MASSON

Psychologue, psychothérapeute EMDR, Maître de Conférences (HDR) en


Psychologie clinique et pathologique, Centre de Recherche Psychologie,
Université de Picardie Jules Verne, (France).

• Monika MIRAVET
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Psychologue clinicienne, psychothérapeute, superviseur, facilitateur
EMDR (France).

• Andrew MOSKOWITZ

Professeur de psychologie clinique, Touro College de Berlin, éditeur


associé de l’European Journal of Trauma and Dissociation (Elsevier)
Présentation des auteurs

(Allemagne).

• Ingrid PETITJEAN

Coach, formatrice MT. Cosynergie, fondatrice et experte de la méthode


Target (France).

• Martine REGOURD-LAIZEAU

Docteur en psychologie, chargée de cours Université de Lorraine (Metz),


psychologue, psychothérapeute EMDR, (France).

• Laura VISMARA

Chargée de cours Université de Lorraine (Metz), Centre Pierre Janet,


professeur de psychologie clinique à l’Université de Cagliari, éditrice
associée de l’European Journal of Trauma and Dissociation (Elsevier)
(Italie).

X
Aide-mémoire EMDR

Introduction
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Cet Aide-Mémoire vient compléter et enrichir l’ouvrage paru en 2017
intitulé Pratique de la psychothérapie EMDR. Il le complète car il permet
de rendre compte des avancées dans le domaine depuis deux années. Il
l’enrichit car de nouveaux textes sont proposés dans cet Aide-mémoire
qui ne figuraient pas dans l’ouvrage inaugural. Ces deux livres constituent
ainsi un socle solide et inégalé dans le domaine qui permet de rendre
compte de ce qu’est la psychothérapie EMDR, de son usage et des

Introduction
théories qui l’organisent. Ces ouvrages seront à partir de maintenant
réédités et revus régulièrement afin de devenir les références dans
le domaine. L’équipe éditoriale est constituée des meilleurs experts,
pédagogues et scientifiques francophones, tous reconnus dans le champ
de l’EMDR et souvent bien au-delà. Ces derniers ne sont pas dépositaires
de théories rocambolesques et n’ont pas attendu l’EMDR pour exister. Ils
sont honnêtes, rigoureux et intègres sur le plan intellectuel et clinique,
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

mais avant tout ils sont passionnés et généreux. Et c’est sans doute la
raison pour laquelle les ouvrages réalisés avec eux sont de si grande
qualité. À vrai dire nous avons tous œuvré pour fabriquer les ouvrages
dont nous voulions disposer pour mieux pratiquer l’EMDR et faire en
sorte que cette forme psychothérapeutique soit encore mieux diffusée.
Pour ma part, j’ai été honoré de travailler avec chacun de ces spécialistes
à la réalisation de ces livres. J’ai rarement croisé des professionnels
aussi investis dans leur travail et aussi remplis d’humanité. C’est une
grande fierté pour moi d’avoir leur confiance !
Cet Aide-Mémoire sera un soutien incontournable non seulement pour la
formation initiale des psychothérapeutes EMDR, mais également pour
la formation permanente des professionnels curieux de faire évoluer

1
Aide-mémoire EMDR

en permanence leurs pratiques et leurs réflexions. Aujourd’hui, l’EMDR


s’enseigne à l’Université dans le cadre de Masters qui consacrent de
plus en plus de temps à la formation des étudiants. Des Diplômes
d’Université existent en France grâce notamment à l’engagement de
l’Institut Français d’EMDR. Et sur le plan européen, des collaborations
fortes et des diplômes communs s’organisent entre l’Université de
Lorraine par exemple et l’Université Libre de Bruxelles. La machine
est bien en marche et l’EMDR deviendra universitaire, ce qui la protégera
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des « copyrights » et des zones d’influence (d’ombre) que certains
veulent étendre pour contrôler les choses, souvent à leur profit. L’avenir
de l’EMDR sera de considérer que les savoirs n’appartiennent à personne
et qu’il ne suffit pas d’avoir un semblant d’idée pour que cela fasse
science. Un ouvrage n’est pas une preuve scientifique, tout au plus un
compte rendu plus ou moins bien fait d’un état de l’art, mais il n’est
pas « l’art » ! Les théories organisatrices de l’EMDR, et par conséquent
de ce qu’est une psychothérapie, nécessitent, pour les comprendre, de
la rigueur intellectuelle et de l’expérimentation. Il nous faut tester,
évaluer, comprendre, transformer. La métaphysique, l’irrationnelle et la
métaphore n’ont plus leur place dans ce domaine. De la même manière
Introduction

qu’une formation à l’EMDR sans une recherche clinique et fondamentale


solide s’effondrera sur elle-même !
Cet Aide-Mémoire a été conçu comme un support pédagogique et
professionnel susceptible d’aider tous ceux qui s’intéressent à l’EMDR et
qui pourront trouver dans les chapitres proposés un complément solide
pour les accompagner dans leur pratique, qu’ils soient débutants ou
spécialistes.

Cyril Tarquinio

2
Aide-mémoire EMDR

1. Le modèle TAI (ou Traitement Adaptatif de l’Information)


1
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LE MODÈLE TAI
(OU TRAITEMENT ADAPTATIF
DE L’INFORMATION)

Ludwig Cornil et Martine Iracane


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En 25 ans, Francine Shapiro a transformé le champ de la psychothérapie. En soi,


la stimulation bilatérale n’est pas l’élément le plus novateur : on pourrait attribuer
cette découverte à la chance, au contexte de vie de Shapiro. Mais Shapiro a su,
à partir de cette observation, élaborer dès 1995, une méthode de thérapie dont
l’efficacité a été observée cliniquement.

Le TAI comme hypothèse de travail

Lorsqu’elle a été confrontée à des résultats positifs de sa nouvelle


intervention, Shapiro a été contrainte de chercher un cadre théorique
pour expliquer les guérisons spontanées qu’elle a vues à plusieurs
reprises sous ses yeux. La force de son modèle théorique, qu’elle a

3
Aide-mémoire EMDR

nommé le Modèle de Traitement Adaptatif de l’Information, réside


dans sa simplicité. Comme tous les modèles théoriques, le Modèle de
Traitement Adaptatif n’est ni vrai ni faux, mais il est seulement une
approche approximative à la réalité.
1. Le modèle TAI (ou Traitement Adaptatif de l’Information)

Pendant des siècles, le rasoir d’Occam a été un principe directeur dans


la science : si plusieurs théories expliquent les mêmes phénomènes,
sélectionnez la théorie qui est la plus simple et contient le moins
d’hypothèses et d’éléments.
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Bien sûr, ce principe n’est pas toujours tenable. Envisagez l’évolution
de la physique newtonienne à la complexité de la physique quantique.
Même s’il est recommandé de donner la préférence à des explications
simples pour des phénomènes complexes, il faut faire attention de ne
pas trop simplifier. Ceci est l’une des critiques qui ont été exprimées
parfois : le modèle de Shapiro est trop simple pour être vrai. Mais comme
il ne s’agit jamais de la vérité quand on parle d’un modèle de la réalité
- juste d’une approximation de cette réalité – la question de la vérité
peut être laissée sans réponse et remplacée par le terme « utilité. »
Shapiro elle-même appelle son modèle une « hypothèse de travail. »
Le modèle TAI est très utile et permet comme un modèle théorique est
censé le faire, de :
• fournir une explication pour les phénomènes cliniques ;
• servir de base pour la conceptualisation de cas ;
• prédire des effets thérapeutiques possibles ;
• servir de guide aux nombreux points de décision au cours du
traitement.

! TAI comme modèle de traitement d’information


Le TAI est un modèle de traitement d’informations dans lequel des
expériences sont constituées d’informations. Tous les stimuli que nous
vivons au cours d’une expérience à travers nos sens - à un niveau
conscient ou inconscient – forment l’information sensorielle de cette
expérience, ainsi que les informations sous la forme de pensées, de
sentiments, d’émotions et de sensations qui sont présents dans le même
temps.

4
Aide-mémoire EMDR

Lorsque quelqu’un dans une salle de concert, écoute une musique


envoûtante, les informations de cette expérience consistent en plus
de l’information sensorielle (entendre et sentir la musique, regarder
le spectacle visuel) à ressentir l’atmosphère de la pièce, l’impact

1. Le modèle TAI (ou Traitement Adaptatif de l’Information)


émotionnel, les réactions physiques à la musique, et l’évaluation
cognitive de l’événement. Toutes ces informations font partie d’une
expérience qui est stockée dans la mémoire, une expérience dont nous
pouvons ensuite vivement nous rappeler lorsque nous voulons partager
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cette expérience avec les autres. La mémoire du concert est stockée
dans un réseau de mémoire avec des souvenirs similaires associés. Nous
pouvons comparer le concert à d’autres concerts que nous avons vécus
et évaluer si le dernier concert était mieux ou pire.
Sur un plan fondamental, voilà ce qui arrive constamment : tout ce que
nous expérimentons ne prend de sens que dans un réseau de mémoire
existant. Même si un patient n’a jamais vu la chaise ultra-moderne sur
laquelle son thérapeute l’invite à s’asseoir, la perception de la chaise
aura activé un réseau dans lequel sont stockées les expériences passées
avec des chaises. Le patient voit suffisamment de similitudes avec
d’anciennes chaises pour reconnaître l’objet comme une chaise. Si ce
n’est pas le cas, le patient reste sans aucun doute debout avec des yeux
interrogateurs...
Les informations contenues dans chaque situation / expérience seront
automatiquement liées avec les réseaux de mémoire associés. Habituel-
lement, nous ne sommes pas conscients de cela, mais ces réseaux de
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mémoire activés automatiquement vont colorer notre perception.


Si nous possédons des réseaux de mémoire pleins de souvenirs positifs
d’expériences avec des chiens, voir un chien évoquera des sentiments
positifs et nous aimerons que le chien se rapproche pour faire
connaissance. Par contre, si nous avons appris dans le passé que les
chiens sont dangereux, alors nous serons plus prudents et prendrons
le temps d’évaluer la situation de sécurité. Le réseau de mémoire qui
vient d’être activé, contient d’autres informations qui détermineront
également notre comportement.
Un réseau de mémoire est un groupe d’informations associées constitué
d’expériences qui partagent des perceptions sensorielles, des cognitions,

5
Aide-mémoire EMDR

des émotions ou des sensations physiques similaires et sont donc liées


les unes aux autres.
Les concepts de « traitement d’information » et « réseaux associatifs »
ne sont pas une invention de Shapiro. Une telle conception des choses
1. Le modèle TAI (ou Traitement Adaptatif de l’Information)

existe dans le champ des sciences neuro-cognitives (Lang, 1977 ; Lang,


1979 ; Bower, 1981) depuis le début des années 80 (Michell, 1982).
Francine Shapiro postule que les réseaux de mémoire sont des structures
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neurologiques réelles (Shapiro, 2001), organisés autour de certaines
expériences fondamentales de thèmes centraux, autour desquelles les
expériences ultérieures sont regroupées de façon associative. Cela peut
inclure une pensée négative, une émotion ou sensation récurrente, une
situation répétitive ou une personne en particulier. Mais des informations
positives aussi peuvent se retrouver regroupées dans les réseaux de
mémoire associatifs positifs, par exemple tous les souvenirs des moments
de réussite dans sa vie.

! Un système de traitement d’information inné


Le TAI présuppose un système d’informations inné qui permet aux
nouvelles informations de se relier et d’intégrer des réseaux de mémoire
existants. Chez une personne en bonne santé, de nouvelles expériences
sont « digérées » grâce à ce système inné. Seules les informations utiles
sont conservées afin que l’expérience à son tour puisse aider la personne
dans le futur. En d’autres termes, nous apprenons de ce que nous vivons.
Supposons que quelqu’un ait été manipulé sur internet en ayant réagi
à un email venant d’un très tendu ami en détresse à l’étranger et en
demande urgente d’un soutien financier. La personne apprend alors
rapidement qu’elle devra à l’avenir être plus prudente, elle devra digérer
la perte de son argent et à n’en pas douter traitera les emails de ce
type qui lui parviendront avec plus de méfiance, on ne l’y reprendra
plus. L’expérience est traitée, l’information est intégrée dans la base
de données des informations sur lesquelles se fonde la personne pour
naviguer dans le monde. L’information est devenue adaptative.
Francine Shapiro postule que, tout comme nos corps ont la capacité
de guérir spontanément les blessures physiques, nous avons aussi
un système pour traiter les blessures psychologiques. Et tout comme

6
Aide-mémoire EMDR

le mécanisme de la guérison physique, le mécanisme de la guérison


psychique est inné et présent chez tous.
Chacun de nous a subi des blessures émotionnelles dans la vie, a
connu des situations psychologiquement stressantes. Beaucoup d’entre

1. Le modèle TAI (ou Traitement Adaptatif de l’Information)


elles sont traitées à travers le temps par ce système de traitement de
l’information innée.
Nous nous souvenons tous de la première fois que nous avons eu un
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petit ami ou amant. Nous nous souvenons aussi comment cette première
relation a pris fin, comment nos cœurs se sont cassés et à quel point
nous avons pensé que nous ne pourrions plus jamais être heureux. Et
peut-être qu’il a fallu un certain temps pour retrouver confiance ; mais
le système de traitement de l’information a fait son travail, a donné une
place à cette expérience (au sein de l’ensemble des réseaux de mémoire
adaptative). Nous avons continué notre vie et très probablement nous
avons encore pu vivre des moments heureux.
Quand nous disons que nous avons digéré quelque chose, que c’est
du passé, comment le savons-nous ? Parce que nous n’avons plus de
réactions émotionnelles lorsque nous pensons au souvenir, notre corps
ne devient plus tendu, nos pensées ne sont plus les pensées d’avant.
Mais qu’arrive-t-il quand l’expérience n’est pas traitée ?

Informations stockées de façon dysfonctionnelle


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Pourquoi est-ce que certaines personnes ressentent encore de la douleur


et du chagrin et souffrent toujours émotionnellement et physiquement
lorsqu’elles pensent à la fin de cette première histoire d’amour ? Comment
est-il possible que ce souvenir leur donne le sentiment d’être sans valeur
ou inondé par des sentiments d’impuissance, même après dix ou vingt
ou même cinquante ans plus tard ?
Le modèle TAI suppose que ces réactions sont causées par des
expériences non résolues qui sont stockées de façon dysfonctionnelle
dans leurs propres réseaux neuronaux. Le matériel dysfonctionnel
se réfère à l’hypothèse que ces réseaux sont entièrement distincts
des réseaux plus adaptatifs et ne parviennent pas à se connecter à

7
Aide-mémoire EMDR

ceux-ci, contenant des informations adaptatives, positives. Comme


si le mécanisme de traitement inné, qui lie les informations à des
réseaux neuronaux adaptatifs existants, n’était pas en mesure de traiter
l’information, et de ce fait, l’expérience reste stockée dans un réseau
1. Le modèle TAI (ou Traitement Adaptatif de l’Information)

neuronal séparé dans sa forme brute, avec les images originales, les
pensées, les sentiments et les sensations corporelles. L’information
devient figée dans le temps et ne change plus, comme si une capsule
de temps s’était créée (Croitoru, 2014).
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Une capsule de temps est une boîte ou un tube métallique dans lequel
les objets sont enfermés ; ils y sont typiquement représentatifs pour
une certaine période de temps. Le but est de donner une image de cette
période de temps à des générations à venir. La capsule est scellée et le
contenu n’évolue plus, le temps dans la capsule s’arrête.
Les réseaux neuronaux isolés vont se comporter de manière totalement
indépendante et le contact avec des informations adaptatives existantes
n’est pas possible. Même si la personne vit des expériences positives
dans l’amour, ou entend régulièrement comment les autres l’apprécient,
c’est comme si ces informations positives ne pouvaient pas « pénétrer »
dans la capsule, et ne faisaient pas de contact avec le réseau de mémoire
isolé. Il y a une scission au sein de la personne : quelque part elle sait
qu’elle a de valeur, mais elle ne peut pas le sentir. Pire encore, à un
moment où elle est encore un peu en contact avec son estime de soi,
c’est comme une mince couche de glace qui casse immédiatement à la
suite d’une remarque négative, ou présumée négative.
Chaque commentaire négatif ouvre la capsule, active le réseau de
mémoire isolé et la personne se sent sans valeur, expérimente la douleur,
la lourdeur dans son corps, le manque d’énergie et les pensées négatives
sur elle-même : « vous voyez, je ne vaux rien. » La personne n’est plus
en mesure d’apprendre, le mécanisme de traitement est bloqué.

! Les réseaux neuronaux à la base de la santé


et de la pathologie
La prémisse fondamentale du modèle TAI est basée sur l’existence de
ces mémoires non traitées, stockées dans des réseaux neuronaux isolés.
L’hypothèse de base du modèle TAI affirme que les plaintes actuelles,
les symptômes avec lesquels le client se connecte à un thérapeute, sont

8
Aide-mémoire EMDR

le résultat de l’activation des informations du passé non traitées, sauf


si elles sont causées par des facteurs biologiques ou biochimiques.
À titre d’exemple, une femme qui est terrifiée par l’examen annuel de sa

1. Le modèle TAI (ou Traitement Adaptatif de l’Information)


performance au travail, elle perdra son sang-froid à la moindre critique
qui sera formulée, même de façon constructive. Elle sera incapable de
répondre de façon mature et rompra le contact avec son interlocuteur
en baissant la tête et en fixant le sol. Elle ne peut plus répondre et
quand le patron lui demande ce qui ne va pas, elle devient émotionnelle,
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se met à pleurer et ressent l’irrésistible envie de fuir. Comment est-il
possible que cette femme qui fait une forte impression dans d’autres
circonstances, gère les tâches imposées, peut fonctionner sans problème,
avoir des contacts positifs avec ses collègues et avec les clients et qui
mérite vraiment la promotion, présente ce comportement étrange ?
Parce que les souvenirs des critiques systématiques qu’elle a connues
de la part de son père en tant qu’enfant et adolescente n’ont jamais
été traités et sont stockés dans leur forme brute dans un réseau de
mémoire associatif isolé. Toute expérience réelle qui peut être liée à
l’information associative dans cette capsule de temps – dans ce cas,
obtenir des critiques – peut ouvrir la capsule et lui faire vivre les mêmes
sentiments, pensées et sensations qu’elle a vécus dans sa jeunesse. En
outre, elle perd le contact avec toutes les expériences positives qui sont
stockées dans un autre réseau adaptatif et qui sont à ce moment-là
inaccessibles. Elle ne peut faire qu’une chose, fuir, tout comme avant.
Ce que le modèle de TAI postule est que la situation réelle n’est pas le
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vrai problème, mais simplement un déclencheur pour des événements


non traités du passé. La situation actuelle déclenche un réseau neuronal
dysfonctionnel. Les émotions négatives, les sensations physiques et les
perspectives reviennent à la surface et créent la plainte que la personne
amène en thérapie.
Le problème est que la personne n’a pas toujours conscience de l’effet
du déclenchement des circonstances actuelles et se concentre sur le
symptôme : la dame ne peut pas faire face à des évaluations de la
performance au travail. Il peut en effet exister des similitudes entre la
situation actuelle de déclenchement et certaines expériences du passé
non traitées (dont on ne peut pas avoir conscience). Les émotions
stockées, les sensations et les réactions corporelles dysfonctionnelles

9
Aide-mémoire EMDR

vont alors s’imposer à la personne comme de vrais réflexes et vont


déterminer son comportement. La personne non seulement nous décrira
ces sentiments et ces émotions négatives, comme la honte, la peur, la
tristesse, mais revivra le passé dans le présent. Comme le dit Shapiro :
1. Le modèle TAI (ou Traitement Adaptatif de l’Information)

le passé est le présent (Shapiro, 1995). En tant que thérapeutes, nous


pouvons alors avoir la sensation de voir un enfant devant nous, qui
parle avec les mots et l’intonation d’un enfant. Le patient vit des
émotions, des pensées et des perspectives qui correspondent au niveau
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de développement de l’enfant qu’il était au moment de l’expérience
difficile. Cela explique aussi pourquoi un patient adulte lors d’une
séance d’EMDR peut avoir l’impression que ses jambes ne touchent plus
le sol. Lors du traitement d’un souvenir de l’enfance, le schéma corporel
de l’époque stocké alors dans la capsule de temps se trouve activé. En
tant que fille de quatre ans, elle était en effet positionnée différemment
dans le siège que la femme adulte puisqu’à l’époque, le contact avec le
sol n’était pas possible.

! Limites du mécanisme inné de traitement de l’information


Comment est-il possible que ce mécanisme de traitement de
l’information, postulé par Shapiro, échoue et ne réussisse pas à
traiter certaines expériences, rendant l’information de ces expériences
immobiles parfois pendant des années dans les réseaux neuronaux isolés,
qui, lorsqu’ils sont déclenchés, continuent à créer des problèmes ?
Pour répondre à cette question, Shapiro utilise une métaphore de la
médecine. Là, le pouvoir de guérison innée du corps est son point de
départ.
Le corps est dans une certaine mesure capable de se guérir. Les patients
ne font appel à un médecin que s’ils pensent qu’ils ne guériront pas
spontanément - et très souvent cela est une erreur, parce que même si la
perception des patients est parfois différente, les médecins apprennent
dans leur formation qu’ils ne guérissent pas les patients, mais qu’ils
permettent – grâce à leurs interventions, au corps de guérir.
Un enfant qui se coupe le doigt sur un morceau de papier ou dont
le genou saigne après une chute à vélo, a seulement besoin d’une
désinfection minimale des plaies et surtout de réconfort. Le saignement

10
Aide-mémoire EMDR

cesse par lui-même, des croûtes apparaissent et tombent après quelques


jours. Les blessures ont guéri spontanément.
Chez un adolescent qui chute au cours d’un événement sportif et se

1. Le modèle TAI (ou Traitement Adaptatif de l’Information)


casse un doigt, on va simplement immobiliser ce doigt un certain temps,
et de préférence dans la bonne position de sorte que l’os cassé puisse
se reformer de la bonne façon. L’intervention du médecin se limite ici
au positionnement correct de la fracture, de sorte que le corps puisse
activer son travail de guérison.
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Bien sûr, il y a des situations où l’intervention d’un médecin peut nous
sauver la vie, parce que le traumatisme physique dépasse la capacité de
guérison du corps. Dans le cas d’accident de voiture avec rupture d’une
artère ou d’un larynx écrasé, le corps lui-même ne sera pas restauré sans
aide extérieure.
Shapiro se pose la question de savoir s’il doit exister une différence
entre un traumatisme psychologique et un traumatisme physique. Elle
refuse d’accepter la scission entre l’esprit et le corps – qui a été créée
historiquement dans la culture occidentale, mais qui n’existe pas dans
beaucoup d’autres cultures – et elle suggère que, tout comme un homme
peut guérir spontanément d’un traumatisme physique, il peut guérir
spontanément d’un traumatisme psychologique.
Ceci est en fait quelque chose qui arrive constamment. L’exemple de
la première rupture indique clairement que la plupart des gens ont
pu traiter cette expérience. Ils repensent maintenant à l’époque où ils
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étaient enfants et rient à l’idée qu’ils pensaient qu’il ou elle était l’amour
de leur vie et qu’une vie sans lui ou sans elle ne semblait plus possible.
Mais sur une plus petite échelle, chacun de nous s’est déjà coupé le
doigt même si cela fut sans conséquences émotionnelles. Nous avons
aussi déjà été choqués par la colère excessive de certains automobilistes
au volant de leur voiture. Si ces situations nous apparaissent comme si
bénignes, c’est parce que des mécanismes de traitement de l’information
sont activés et nous permettent de gérer au mieux ces situations sur le
plan émotionnel.
Ainsi, chacun d’entre nous est donc capable d’intégrer des informations
provenant de situations difficiles et d’en tirer les apprentissages pour, à
l’avenir, s’adapter de façon plus efficace encore.

11
Aide-mémoire EMDR

Mais comme avec le mécanisme de la guérison physique, il y a des


limites au mécanisme de la guérison mentale. Certaines épreuves sont
parfois si difficiles que le système de traitement de l’information est
dans l’impossibilité de les traiter.
1. Le modèle TAI (ou Traitement Adaptatif de l’Information)

! Une expérience trop difficile


Qu’est-ce qu’une situation trop difficile ? Les faits objectifs ou l’ex-
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périence subjective qu’en a la personne ? Le DSM 5 fait le choix de
l’objectivité : l’État de Stress Post Traumatique résulte d’une confronta-
tion à la mort, à une menace de mort, à une grave atteinte corporelle, à
des violences sexuelles. L’accent est mis sur la menace réelle de l’intégrité
physique. Le diagnostic « Trouble de l’Adaptation » dans le DSM-V donne
plus de place à la subjectivité. Des facteurs de stress, quelles qu’en
soient la gravité ou l’intensité, génèrent des troubles émotionnels,
comportementaux. Mais le diagnostic ne peut être posé que 6 mois
après la fin des facteurs de stress. Le modèle EMDR ne différencie pas
les vécus traumatiques des expériences négatives répétitives (maladie
chronique d’un proche, problèmes relationnels.). Mol et al. (2005) a
montré qu’elles produisent au moins autant de symptômes de TSPT
que les événements traumatiques, ce qui sera confirmé par Gold et al.
(2005) et Van Hoof et al. (2009). Le Critère A du TSPT dans le DSM-V ne
mentionne pas le vécu du patient. Cependant, aux émotions originelles
comme la peur, l’horreur ou l’impuissance, s’ajoutent, avec le temps,
d’autres troubles : anhédonie, dissociation... C’est la réponse subjective
du patient à l’événement qui va justifier l’intervention thérapeutique.

! TAI comme explication pour l’efficacité de l’EMDR


Un mécanisme inné qui cherche la santé physique et mentale est l’un
des principes de base du modèle TAI. L’hypothèse de base est que les
procédures utilisées en EMDR sont déclencheurs d’un état physiologique
qui autorise le traitement de l’information et qui rend possible le contact
de l’information dans le réseau dysfonctionnel avec les informations
nécessaires pour arriver à une solution adaptative.
Il s’agit d’un traitement adaptatif de l’information qui se déroule sur
un niveau neurophysiologique, au niveau de la liaison des réseaux de
mémoire.

12
Aide-mémoire EMDR

Une femme peut savoir qu’elle n’est pas coupable de son viol quand elle
était adolescente, mais se sentir coupable néanmoins. Ceci est un bon
exemple de l’existence de réseaux de mémoire qui coexistent. Dans le
réseau de l’information adaptative se trouve l’information correcte : la

1. Le modèle TAI (ou Traitement Adaptatif de l’Information)


femme adulte sait qu’elle avait seulement 14 ans, était amoureuse du
garçon de 24 ans, mais encore ignorante en termes de sexualité. Elle
voulait l’amour, il voulait du sexe. Elle sait qu’il aurait dû la respecter
quand elle ne voulait pas aller plus loin, mais elle se le reproche quand
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même quand elle pense à ce qui est arrivé. Dans le réseau traumatique
se retrouvent toujours les mots du garçon : « le fait que tu m’aies
embrassé et que tu n’aies pas résisté, signifie que tu voulais autant du
sexe que moi. » La culpabilité qui lui a été imposée fait partie du réseau
de mémoire dysfonctionnel. Ce réseau associatif peut contenir encore
d’autres expériences – expériences pas nécessairement d’ordre sexuel
ou relationnel – mais des moments de culpabilité par le fait d’avoir
soi-même créé des expériences négatives. Elle pourrait être une de ces
patientes qui disent se sentir généralement rapidement coupable.
Plutôt que de partir d’une position d’autorité pour tenter de convaincre
la femme de son innocence, le thérapeute EMDR invitera la patiente à
prendre contact avec le souvenir du viol. En évoquant le souvenir et en
retournant au moment le plus difficile de cette expérience, la patiente
est aidée à prendre conscience de ses réactions. Le réseau de mémoire
dysfonctionnel est activé et les informations contenues dans le souvenir
sont revécues. La patiente a une représentation de l’événement, sent
la réaction émotionnelle et physique actuelle et verbalise la pensée
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

négative « c’est de ma faute. »


Grâce à la stimulation bilatérale et les instructions à la patiente,
(« laisser venir ce qui vient »), on crée une situation dans laquelle
l’information congelée peut se remettre en mouvement. Après chaque
série de stimulations bilatérales ce mouvement de l’information peut
être suivi. On voit souvent un mouvement de vague, la conscience du
patient est d’abord plus investie dans le réseau dysfonctionnel, avant
d’établir progressivement – série après série – des connexions avec des
informations plus adaptatives.
La patiente mentionnée ci-dessus, a initialement éprouvé encore plus
de culpabilité lorsque les détails du viol lui sont revenus au cours du

13
Aide-mémoire EMDR

traitement. Son corps pouvait de nouveau sentir la douleur. À un certain


moment apparaissait un lien avec le réseau de l’information positive :
l’image de sa nièce qui a le même âge qu’elle avait alors. Un peu plus
tard, elle a décrit les rêves irréalistes dont parle sa nièce. Après une
1. Le modèle TAI (ou Traitement Adaptatif de l’Information)

autre série de stimulations bilatérales elle a réalisé qu’à l’âge de 14 ans


elle aussi se croyait adulte. Peu de temps après, la prise de conscience
est apparue que son ex-petit ami était un adulte et elle encore une
enfant ; elle a pu arriver à une expérience profonde de « Je suis OK, ce
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n’est pas de ma faute ».
En EMDR ces moments de perspicacité sont des moments où le réseau
dysfonctionnel contacte des informations adaptatives. Bien sûr, la
patiente savait bien avant la séance EMDR, que c’était lui l’adulte
et elle l’enfant – et donc pas la responsable – mais cette information
n’était pas reliée au réseau traumatique, et donc inaccessible lorsque le
réseau traumatique était déclenché.
À la fin d’une séance réussie, le patient est capable de se rappeler
du souvenir, qui se présente d’une manière plus positive, avec une
perspective différente, un sentiment de calme et des pensées sur soi
plus positives.
La réponse normale d’un patient est de s’éloigner des mémoires difficiles.
Un patient se permettra de penser à un souvenir et d’activer le
réseau traumatique seulement s’il se sent suffisamment en sécurité
et soutenu dans le contact avec son thérapeute. Au lieu d’éviter les
informations du réseau traumatique, le mécanisme inné de traitement de
l’information peut être stimulé par la stimulation bilatérale et faire en
sorte que de nouvelles associations puissent se produire avec les réseaux
d’information plus positifs. Avec chaque série de stimulations bilatérales
l’information nouvelle et adaptative est assimilée dans le réseau
neuronal, et l’information dysfonctionnelle subit une transformation
jusqu’au moment où il a atteint un état sain, fonctionnel (Shapiro,
2001).
Enfin, l’intérêt du Modèle TAI est de s’inscrire dans une approche en trois
temps : passé-présent-futur. En effet, l’un des principes centraux de ce
modèle est de considérer que les déficits ou les troubles psychologiques
du présent sont le fait d’expériences passées stockées en mémoire

14
Aide-mémoire EMDR

et physiologiquement stockés. Le traitement des situations du passé


conduit à des réponses plus adaptées dans le présent et le futur.
Ainsi pour atteindre sa pleine efficience intégrative, la thérapie EMDR

1. Le modèle TAI (ou Traitement Adaptatif de l’Information)


basée sur le modèle du TAI posera les bases d’une orientation vers les
trois temps du traitement : le passé, le présent et le futur.
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Les limites du modèle TAI

Le modèle TAI, s’il permet de comprendre l’origine et le processus de


guérison des symptômes chez un patient, fournit peu d’explications sur
la formation des réseaux dysfonctionnels. Shapiro évoque le déséquilibre
crée par le traumatisme et le stress dans la période développementale
où l’enfant est fragile. Elle fait le constat qu’alors, le système du TAI
se bloque. Mais elle ne dit pas comment et pourquoi ce blocage se
produit, ni ce que serait une expérience trop difficile. Ce manque de
cadre théorique fait défaut à l’EMDR et freine sa reconnaissance en tant
que mouvement thérapeutique à l’instar de la thérapie comportementale
ou la psychanalyse.
C’est Daniel Siegel (1999) qui, dans son livre The Developing Mind,
répond à ces questions en faisant référence à une fenêtre de tolérance.
Cette fenêtre est individuelle et reflète la capacité de chacun à faire face
à de hauts niveaux d’excitation émotionnelle. Certaines personnes ont
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une fenêtre large qui leur permet de conserver un bon fonctionnement


cérébral face à un niveau élevé de perturbation (parfois les capacités
d’intégration sont même augmentées par le stress). Chez d’autres, la
fenêtre est étroite et l’excitation émotionnelle fait perdre au cerveau sa
faculté d’intégration, provoque un fonctionnement désorganisé.
Selon le modèle TAI, les informations ne peuvent être traitées si
la personne, lors d’une expérience négative, sort de sa fenêtre de
tolérance (soit dans le sens d’une sur-activation, soit dans celui d’une
sous-activation). Dans la sur-activation, le système sympathique domine
et la personne éprouve une telle anxiété qu’elle n’est plus en capacité
d’intégrer l’information.

15
Aide-mémoire EMDR

Dans la sous-activation, le système parasympathique prédomine entrai-


nant une désactivation du cerveau. Siegel décrit une troisième pos-
sibilité, la « rage explosive » qui est le résultat d’une sur-activation
sympathique et parasympathique. La personne ressent un sentiment
1. Le modèle TAI (ou Traitement Adaptatif de l’Information)

d’implosion intérieure. Dans ces trois façons de quitter la fenêtre de


tolérance, le cerveau perd sa fonction intégrative et selon le modèle TAI
l’intensité de l’affect a figé l’expérience dans un réseau associatif isolé
(Shapiro, 1995). Il se peut que la peur, l’impuissance ressentis lors de
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l’expérience originelle aient disparu. Le patient ne remplit alors plus
les critères de l’ESPT du DSM-V. Cependant, l’expérience peut continuer
d’agir comme facteur de conditionnement à l’échec de tout traitement
de l’excitation émotionnelle.
Selon Shapiro (2007), l’estime de soi se constitue par un maillage
d’expériences vécues dans l’enfance. Un environnement chaleureux
validant les expériences va permettre de développer la tolérance aux
affects, un moi souple. Les nouvelles expériences et informations,
positives et négatives, enrichiront les réseaux de mémoire existants.
Un individu est en bonne santé lorsqu’il peut intégrer et apprendre des
expériences positives et négatives (Shapiro, 2007)

Traitement accéléré ou adaptatif ?

Un dernier point à mentionner est que lors de la première édition de


son manuel EMDR (Shapiro 1995) le modèle du Traitement Adaptatif
de l’Information s’appelait encore le modèle de Traitement Accéléré
de l’Information. Dans la deuxième édition (Shapiro, 2001) le mot
« accéléré » a été remplacé par « adaptatif » dans le titre du modèle TAI,
mais dans le reste du livre, Shapiro continue à utiliser l’expression
« traitement de l’information accéléré ». Elle postule que par les
procédures EMDR, y compris la stimulation bilatérale, l’information
est amenée à une résolution adaptative d’une manière accélérée. Du
moins cela était son observation.
Pour cette observation, concernant les changements au cours du
traitement EMDR qui semblent se produire plus rapidement qu’avec
les thérapies conventionnelles (Shapiro, 2001), elle tente de répondre
avec le modèle TAI.

16
Aide-mémoire EMDR

Tout d’abord, les souvenirs sont regroupés. Cela revient à dire que,
dans un réseau qui se compose de mémoires dysfonctionnelles liées,
il suffit généralement d’intégrer un nombre limité de souvenirs. Le
traitement d’un seul souvenir assure que l’affect positif et des cognitions

1. Le modèle TAI (ou Traitement Adaptatif de l’Information)


positives peuvent généraliser à d’autres souvenirs dans le même réseau
neurophysiologique. Cela signifie que pour une femme qui pendant des
années a été abusée par son père, à travers d’innombrables expériences
de violence, seules les expériences les plus chargées d’affect doivent
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être traitées pour obtenir un effet de généralisation à toute la question
de l’abus par le père. Concrètement, cela signifie que, après le traitement
d’un souvenir, l’affect négatif en évoquant un autre souvenir similaire
peut avoir diminué ou disparu.
Une deuxième explication de la vitesse de l’EMDR, en congruence
avec le modèle TAI, est que l’EMDR intervient directement dans le
matériel dysfonctionnel qui est à la base de la pathologie. Donc, au
lieu d’apprendre des techniques de relaxation pour mieux faire face
à l’anxiété, on va travailler directement avec la cause de l’anxiété :
les informations stockées dans les réseaux neurophysiologiques. La
désensibilisation, les prises de conscience, la restructuration cognitive
et les associations avec des affects positifs et des ressources sont vues
comme des effets secondaires d’un processus adaptatif qui a lieu à un
niveau neurophysiologique (Shapiro, 2001).
Une troisième raison de la vitesse de l’EMDR est le fait que l’on
utilise un protocole très structuré qui se concentre spécifiquement
sur l’activation de l’information dysfonctionnelle, en stimulant le
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mécanisme de traitement et en gardant le traitement de l’information


dysfonctionnelle dans la bonne direction pour arriver à une intégration
adaptative.
Toujours dans l’hypothèse qu’il existe des réseaux de stockage isolés
comme des réalités neurophysiologiques, la proximité physique de ces
réseaux dans le cerveau peut conduire à la conclusion logique que le
résultat du traitement EMDR ne dépend pas nécessairement du temps.

Pour une bonne application du protocole EMDR il est indispensable de comprendre


le modèle théorique qui le sous-tend. Tout ce qui se passe en EMDR est basé sur
l’idée que la pathologie est issue des expériences de vie difficiles non intégrées et ☞

17
Aide-mémoire EMDR

☞ que la santé mentale est la conséquence d’une bonne intégration de ce que l’on
vit. Malgré le fait qu’il s’agisse seulement d’une hypothèse de travail, le modèle TAI
nous donne des lunettes qui aident à comprendre les plaintes de nos patients et
qui nous guident dans l’approche thérapeutique EMDR.
1. Le modèle TAI (ou Traitement Adaptatif de l’Information)

Bibliographie
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18
Aide-mémoire EMDR

2
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STABILISATION DU PATIENT ET EMDR

2. Stabilisation du patient et EMDR


Olivier Piedfort-Marin

L’EMDR est une méthode puissante. Sa puissance se présente dans les résultats
positifs et parfois même exceptionnels de nombreux traitements. Cette puissance
s’exprime aussi dans des émotions et sensations physiques perturbantes qui peuvent
apparaître pendant le retraitement et par des symptômes transitoires parfois intenses
en cours de traitement. Par ailleurs certains patients viennent en thérapie dans un
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état psychique fragile. Il convient donc de s’assurer que le patient puisse faire face
au retraitement des souvenirs de traumatismes ou autres expériences adverses et
perturbantes. Ce chapitre clarifie le concept de stabilisation en psychotraumatologie
et en EMDR et propose des mesures concrètes pour stabiliser les patients qui en
ont besoin.

Concepts et principes de la stabilisation

! La stabilisation comme concept médical


La stabilisation est à la base un concept médical que tous les médecins
connaissent, indépendamment de leur spécialité. Ce principe implique

19
Aide-mémoire EMDR

qu’un patient doit présenter les conditions suffisantes pour pouvoir subir
un traitement, une intervention chirurgicale ou un examen intrusif. Par
exemple certains patients ne se verront pas proposer une intervention
chirurgicale lourde si leur condition somatique n’est pas assez bonne et
stable. Les médecins feront alors en sorte que le patient améliore
et stabilise sa condition avant d’envisager l’opération. Avant une
intervention chirurgicale l’anesthésiste s’assure que le malade a les
conditions qui lui permettront de supporter l’anesthésie et l’intervention
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chirurgicale. Cela permet aussi de prévoir les risques possibles et les
mesures à prévoir si un de ces risques devait se présenter. Par ailleurs,
Primum non nocere : d’abord ne pas nuire. Tel est le principe qui doit
guider tout médecin lorsqu’il prend en charge un patient. Il devrait en
2. Stabilisation du patient et EMDR

être de même pour les psychothérapeutes.

! La thérapie par phase de Janet


De nombreux auteurs proposent que le traitement des séquelles de
traumatisations se fasse selon un modèle en trois phases. La première
phase est communément nommée phase de stabilisation. La seconde
phase cible le travail sur les souvenirs traumatiques, et la troisième
phase cible la réhabilitation. Ce modèle de traitement est soutenu
depuis les années 1970 par de nombreux auteurs qui voient chez les
patients ayant des séquelles post-traumatiques complexes des difficultés
importantes à se confronter (trop tôt) aux souvenirs des expériences
traumatisantes (Cloitre et al., 2011 ; Courtois et al., 2009 ; Herman,
1992 ; Najavits, 2009 ; Phillips & Frederick, 1995/2001 ; Steele, Boon &
Van der Hart, 2018 ; Van der Hart, Nijenhuis & Steele, 2010). L’approche
par phase est particulièrement recommandée pour le traitement des
troubles dissociatifs, des Troubles de Stress Post-Traumatiques complexes
(TSPT-C) et d’autres troubles sévères d’origine traumatique.
Le contenu de la phase de stabilisation peut se résumer ainsi :
• développement d’une relation de travail harmonieuse entre le patient
et le thérapeute ;
• sécurisation dans la vie réelle (pas de contact avec le ou les
agresseurs ; amélioration de la situation financière, sociale et admi-
nistrative) ;
• activation des ressources ;

20
Aide-mémoire EMDR

• réduction des symptômes ;


• amélioration de la régulation des affects.

! Traitement standard et traitement individualisé


Lorsque Francine Shapiro a développé l’EMDR, le scepticisme prévalait
face à cette méthode d’apparence étrange. L’attention des spécialistes
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s’est portée sur la réalisation d’études de qualité pour obtenir une recon-
naissance scientifique et valider les innombrables expériences cliniques
positives, ce qui fut fait, en particulier à travers les recommandations
de l’Organisation Mondiale de la Santé.

2. Stabilisation du patient et EMDR


Les études scientifiques contrôlées ont des critères d’inclusion et
d’exclusion stricts dans la sélection des participants. Par ailleurs un
protocole de recherche est pré-défini et ne laisse que peu de place
aux souhaits du patient. Tout cela a pour but d’harmoniser autant que
possible le groupe de sujets et l’intervention thérapeutique testée et
d’éliminer le maximum de facteurs potentiels. Néanmoins cela éloigne
ces études de la réalité clinique usuelle à laquelle sont confrontés les
cliniciens.
Il convient donc de se baser sur les résultats des études scientifiques
pour nous guider dans notre travail clinique et en même temps de
maintenir notre attention sur le patient en tant qu’être humain unique
qui doit rester au centre du processus thérapeutique. Le risque est grand
de vouloir coincer les patients dans un moule conceptuel plutôt que
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d’accepter qu’un concept – quel qu’il soit – n’est qu’un guide général.
Chaque psychothérapie est une rencontre unique et non réplicable, et
Shapiro (2018, p. 86) nous rappelle bien que « les besoins et réponses
de chaque client sont uniques. »

! Le concept de stabilisation en EMDR


En EMDR la notion de stabilisation est évoquée principalement en lien
avec le traitement des troubles dissociatifs (Shapiro, 2018), troubles
pour lesquels le traitement par phase est aussi proposé dans la littérature
EMDR (Van der Hart, Nijenhuis, & Solomon, 2010 ; Van der Hart et al.,
2013, 2014). Les phases 1 (anamnèse) et 2 (préparation) de la thérapie

21
Aide-mémoire EMDR

EMDR peuvent être considérées comme équivalentes à la phase de


stabilisation telle qu’elle est conçue en psychotraumatologie générale.
Shapiro met en avant la nécessité lors de la phase d’anamnèse d’évaluer si
l’EMDR est une indication pour le patient et de prendre en considération
les réponses variables que les patients et patients peuvent avoir lors
de la confrontation au trauma par l’EMDR et entre les séances. Certains
patients supportent difficilement les réactions parfois intenses.
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Les facteurs de sécurité du client sont décrits comme autant d’éléments
à investiguer et le cas échéant à améliorer (Shapiro, 2018, pp. 87-97).
On peut comprendre ces facteurs comme autant de facteurs évaluant
la stabilité du patient. Elle conseille ainsi d’évaluer les éléments de
2. Stabilisation du patient et EMDR

stabilité suivants :
le niveau de confiance entre le patient et le thérapeute ;
la capacité de résistance à la perturbation émotionnelle ;
la stabilité sociale ;
la présence de soutien dans l’environnement social du patient ;
l’état de santé général, y compris la présence de possibles troubles
neurologiques ou d’épilepsie,
la consommation d’alcool et de drogue ;
l’analyse de l’impact du traitement sur la famille ;
l’analyse du moment le plus adéquat pour le travail de confrontation au
trauma.

! La controverse sur l’utilité de la stabilisation en EMDR


Alors qu’un certain consensus s’est développé parmi les spécialistes
des troubles dissociatifs et du TSPT-C sur le besoin d’une phase de
stabilisation parfois importante, certains auteurs ont commencé à
remettre cela en question (de Jongh et al., 2016). Les arguments
principaux de ces auteurs sont :
La remise en question de la validité du diagnostic de TSPT-C et de trouble
dissociatif,
L’absence d’un nombre suffisant d’études scientifiques de haute qualité
sur l’efficacité des traitements mettant l’accent sur la stabilisation,

22
Aide-mémoire EMDR

Le principe selon lequel, en l’absence de preuve de l’efficacité des


traitements basés sur la stabilisation, ce sont les études montrant
l’efficacité du travail de confrontation au trauma qui devraient guider la
pratique clinique.
Ces principes ont eu une certaine influence sur la dernière prise de
position de l’ISTSS à propos du TSPT-C (ISTSS, 2018). Il y est rappelé que
la « médecine personnalisée » permet les meilleurs effets de traitement
et implique une diversité de traitements pour mieux satisfaire une large
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majorité de patients. Par ailleurs les auteurs de cette prise de position
proposent de futures pistes de recherches sur les traitements du TSPT-C,
y compris des traitements multi-modaux flexibles, en cohérence avec le

2. Stabilisation du patient et EMDR


principe de traitement centré sur le patient.
Cette controverse est très présente aussi dans le champ de l’EMDR,
quand bien même Shapiro (2018) est on ne peut plus claire quant à la
nécessité d’une stabilité minimale avant de pouvoir entamer le travail
de retraitement des souvenirs traumatiques par stimulation bilatérale
alternée (SBA). Il convient de considérer la stabilisation comme un
concept médical devant réguler la pratique de la psychothérapie.
L’expérience issue de la pratique permet ainsi de combler les lacunes
des lignes directrices issues de la recherche et générales par définition.
Ainsi être psychothérapeute ne devrait pas se limiter à l’application de
lignes directrices générales mais devrait porter sur la rencontre avec une
personne en souffrance et l’accompagnement de cette personne vers la
guérison, en se centrant sur ces ressources, et selon les principes d’une
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prise en charge individualisée centrée sur le patient.

Le concept de stabilisation adapté à l’EMDR

! Ce qui est nécessaire pour un retraitement efficace


Pour pouvoir faire un retraitement EMDR en sécurité et de manière
efficace, le thérapeute doit pouvoir s’assurer que le patient a certaines
compétences requises.
Le patient doit pouvoir se sentir à l’aise et en sécurité avec le thérapeute.
En effet lors de la phase de retraitement, le patient doit pouvoir

23
Aide-mémoire EMDR

retransmettre au thérapeute les éléments qui ont émergé pendant les


SBA afin que le thérapeute puisse évaluer correctement l’évolution du
retraitement. Si le patient manque de confiance ou n’ose pas se confier
à son thérapeute, cela peut poser problème. Le thérapeute doit pouvoir
être relativement sûr et confiant que le patient pourra lui communiquer
les éléments émergés avec une bonne fiabilité.
Le patient doit pouvoir faire face à l’émergence possible d’émotions et
de sensations physiques intenses, de pensées et d’images hautement
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perturbantes, de prises de conscience déstabilisantes. Le retraitement
des souvenirs pouvant être accompagné d’une péjoration transitoire
des symptômes, les patients devraient avoir précédemment acquis des
2. Stabilisation du patient et EMDR

moyens de gérer ces symptômes, par exemple des attaques de panique,


des accès de colère, du désespoir, etc. Lorsque les patients utilisent des
moyens auto-dommageables pour la régulation émotionnelle (alcool,
substances, abus de médicaments, comportements excessifs divers,
comportements auto-dommageables), le thérapeute EMDR doit s’assurer
que le patient a précédemment acquis des comportements alternatifs
pour faire face aux perturbations émotionnelles afin d’éviter autant que
possible une rechute. En outre les patients particulièrement déconnectés
aux niveaux émotionnel et sensoriel doivent être préparés en ce sens
aussi et, si possible, apprendre au préalable à mieux se connecter à
leurs émotions et sensations physiques.
Parfois des événements amnésiés, comme des violences sexuelles
vécues dans l’enfance, vont (re)venir à la conscience accompagnés de
perturbations émotionnelles et cognitives importantes. Le thérapeute
doit s’assurer que le patient puisse faire face à de telles perturbations,
selon bien sûr les hypothèses qu’il ou elle a posé pour tenter d’expliquer
les troubles du patient.
Le thérapeute EMDR doit aussi s’assurer que des conditions médicales
n’empêchent pas un retraitement en toute sécurité. Par exemple des
crises d’épilepsie, des troubles neurologiques, des problèmes cardio-
vasculaires ou respiratoires peuvent amener le thérapeute à attendre
une meilleure condition médicale avant de procéder au retraitement
grâce à l’EMDR.
Pendant le processus de retraitement adaptatif de l’information avec
l’EMDR, des connexions se font entre les éléments des souvenirs

24
Aide-mémoire EMDR

de l’événement perturbant, stockés de manière dysfonctionnelle, et


des éléments mnésiques stockés de manière fonctionnelle. Ainsi, le
thérapeute doit s’assurer que des réseaux mnésiques comportant les
ressources adaptatives existent, c’est-à-dire que le patient peut se
référer à des expériences positives pouvant être activées en vue d’un
retraitement adaptatif. Enfin il faut garder à l’esprit que le retraitement
par EMDR nécessite un niveau d’énergie important qu’un état médical
instable ou qu’un état de fatigue importante ne permet pas toujours.
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! Évaluation de la stabilité du patient
L’évaluation de la stabilité des patients est subjective et intersubjective.

2. Stabilisation du patient et EMDR


Comme c’est le thérapeute qui évalue l’état de stabilité du patient,
cette évaluation dépend des connaissances du thérapeute, de sa
compréhension de la situation passée et présente du patient, de sa
propre régulation émotionnelle, de son sentiment d’efficacité personnelle
dans la contenance et le soutien qu’il peut donner au patient et dans sa
capacité à supporter des émotions intenses chez autrui.
Dans son manuel Shapiro (2018) n’est guère diserte à ce sujet. Arne
Hoffman propose des critères plus objectivables pour tester la stabilité
des patients et s’assurer de l’état de préparation du patient pour faire
le retraitement EMDR :
1. le test du quotidien : le patient est-il bien intégré dans sa vie
professionnelle, familiale et sociale ;
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2. le test du lieu sûr : le patient parvient-il à faire l’exercice du lieu sûr


de manière satisfaisante ;
3. le test de la stimulation bilatérale : le patient arrive-t-il à supporter
les SBA ;
4. le test de l’anamnèse : le patient peut-il parler de sa vie, de son
enfance et de ses expériences de vie difficiles sans être débordé
d’émotions ni se couper des affects, et peut-il évoquer aussi des
ressources.
Dans l’évaluation de la stabilité du patient ajustée au besoin de
l’EMDR, on s’assurera de la présence de réseaux de mémoire adaptatifs,
c’est-à-dire de ressources susceptibles de faciliter le retraitement des
souvenirs traumatiques.

25
Aide-mémoire EMDR

La stabilisation en EMDR

! Développer une bonne alliance thérapeutique


Selon Shapiro (2018), le développement d’une bonne alliance thérapeu-
tique est un critère important dans la stabilisation des patients, mais elle
ne décrit pas comment cette alliance peut se mettre en place. Il convient
donc d’utiliser d’autres approches thérapeutiques pour cette tâche
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importante. Selon leur approche de base (psychodynamique, systémique,
comportementaliste, etc.) les thérapeutes EMDR seront enclins à utiliser
des moyens différents. Même parmi les psychotraumatologues il peut
2. Stabilisation du patient et EMDR

exister des points de vue différents. Avec des patients qui ont un
attachement sécure et n’ont pas vécu de trahisons de la part de leurs
parents ou de thérapeutes précédents, développer une bonne alliance
thérapeutique ne prendra que quelques séances, voire seulement une
ou deux. Par contre, les patients qui ont vécu des maltraitances et
trahisons de la part de leurs parents ou d’autres personnes significatives
ont de la peine à faire confiance et à se reposer sur autrui. Soit ils
sont très méfiants, soit ils font trop facilement confiance et perdent
tout jugement critique qui pourrait permettre de guider la thérapie
de manière optimale. Les patients qui ont vécu des trahisons ou des
maltraitances de la part d’autres thérapeutes précédents ou qui ont vécu
des échecs thérapeutiques répétés auront aussi des difficultés à se sentir
en confiance avec un nouveau thérapeute, quand bien même ils sont
venus avec l’objectif de faire de l’EMDR. Les aider dans ces difficultés
par l’EMDR en ciblant les situations de trahison ou maltraitance pose
problème puisqu’ils ont justement besoin d’un minimum de confiance
pour entrer dans le traitement EMDR à proprement parler.
Pour suivre une thérapie EMDR il est nécessaire que le patient soit
observant quant à sa présence aux rendez-vous. L’EMDR demande en
effet un suivi régulier et des séances complètes, en particulier lorsque la
phase 4 est engagée. Il est donc important que le patient ait démontré
auparavant qu’il était capable d’un suivi régulier et de venir aux séances
à l’heure.

26
Aide-mémoire EMDR

Solutions possibles
Dans ces cas je recommande un travail de thérapie verbale en vue de développer
une alliance suffisante avant de passer à l’utilisation de l’EMDR en tant que telle. Un
tel travail devrait avoir pour but de verbaliser les problématiques relationnelles de
manière générale et en particulier lorsqu’elles émergent en séance ; cela comprend
aussi le respect du cadre thérapeutique, comme le respect des horaires et de la
charge financière.
Il faut aider le patient à différencier les réactivations dans le setting thérapeutique
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sur la personne du thérapeute de problématiques relationnelles en lien avec des
expériences adverses ou traumatiques du passé (transfert). Cela peut se faire par
une analyse des interactions qui ont lieu dans le cadre thérapeutique et dont
le thérapeute est un témoin privilégié. Cette analyse doit être respectueuse et

2. Stabilisation du patient et EMDR


compassionnelle. L’analyse du transfert et du contre-transfert est une source riche
pour la compréhension de cette phase de la thérapie (Piedfort-Marin, 2018). Alors
que la thérapie EMDR tend à promouvoir les actions thérapeutiques – le savoir-faire
– il convient dans ces cas de valoriser le savoir être du thérapeute.

! Abandonner les comportements auto-dommageables


Les comportements auto-dommageables et excessifs comme l’abus
d’alcool, de substances ou de médicaments, d’autres abus ou excès
comportementaux comme le jeu excessif, une sexualité compulsive, etc.,
sont autant de signes que le patient a des problèmes de régulation
émotionnelle. Demander au patient de diminuer ce comportement peut
se révéler être un test intéressant. Par exemple à un patient qui a des
excès d’alcool lorsqu’il se sent psychiquement mal, on lui demandera
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de limiter sa consommation d’alcool en lui disant que cela cache sans


doute un problème de régulation émotionnelle et que l’EMDR nécessite
une certaine régulation des affects. Le thérapeute teste ainsi la capacité
du patient à se passer d’alcool et il teste aussi sa motivation cibler les
traumatismes avec l’EMDR.
Dans les cas de séquelles plus graves, comme des comportements
auto-dommageables, voire auto-agressifs, le thérapeute devra être
attentif, au-delà d’une difficulté patente de régulation des affects, à un
possible trouble dissociatif sous-jacent, ce qui impliquerait des mesures
de stabilisation spécifiques. La thérapie comportementale dialectique
(Linehan, 2017) peut être une approche intéressante pour apprendre
aux patients à gérer leurs émotions autrement que par des actes

27
Aide-mémoire EMDR

auto-dommageables comme des scarifications ou des brûlures. Dans


tous les cas, une analyse des situations où ces comportements ont
lieu permettra au thérapeute et au patient de mieux comprendre ces
symptômes, premier pas vers une meilleure gestion. Par la suite ces
symptômes pourront aussi faire l’objet d’un plan de ciblage, manière
structurée de comprendre l’origine d’un symptôme tout en préparant la
phase de la thérapie qui sera dédiée au retraitement EMDR en tant que
telle.
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Solutions possibles
2. Stabilisation du patient et EMDR

Informer le patient que l’EMDR nécessite une baisse ou un arrêt de la consommation


d’alcool, de substance ou de médicament, puis observer sa compliance. Selon la
sévérité de ces excès, un travail de modification comportementale associée à une
bonne motivation vont amener à un état satisfaisant, alors que dans les cas graves
une approche addictologique s’avérera nécessaire.
Dans les cas de comportements auto-dommageables et en l’absence de trouble
dissociatif (sévère), on pourra opter pour une phase de thérapie comportementale
dialectique selon Linehan ou de thérapie cognitivo-comportementale dans le but
de diminuer les symptômes et de donner au patient plus de contrôle sur ceux-ci.
L’utilisation de la technique EMDR de l’éponge (ou technique d’absorption) peut
s’avérer très intéressante pour activer des ressources qui aideront le patient à faire
face à des comportements problématiques en vue de les surmonter.

! Améliorer la régulation émotionnelle


Les difficultés de régulation émotionnelle peuvent prendre des formes
très différentes et avoir divers degrés de sévérité. Leurs évaluations sont
une difficulté majeure en psychotraumatologie, et donc aussi en EMDR.
Parfois c’est en retraitant un traumatisme avec l’EMDR que l’on se rend
compte que le patient n’est pas encore prêt et qu’il n’a pas encore les
capacités suffisantes pour réguler ses affects pendant le retraitement
ou entre les séances.

Solutions possibles
• Exercice du lieu sûr ou du lieu calme
• Exercice du contenant (ou du coffre-fort) ☞

28
Aide-mémoire EMDR

☞ • Exercice du faisceau lumineux


• Exercices hypno-imaginatifs comme par exemple « Déposer ses bagages »
• Cohérence cardiaque
• Pratique de la pleine conscience
• Méditation
• Yoga
• Neurofeedback
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L’exercice du lieu sûr peut être un bon test pour s’assurer que le patient

2. Stabilisation du patient et EMDR


a bien internalisé un sentiment de sécurité intérieur. En demandant à
un patient s’il peut visualiser un lieu connu synonyme de sécurité, on
va découvrir s’il a à disposition (dans ses réseaux mnésiques) le concept
de sécurité dans la réalité. On va aussi découvrir si le lieu sûr est
attaqué par des monstres et des animaux menaçants ou encore des êtres
humains agressifs, signes que le patient n’a pas de sentiment interne de
sécurité. Ou encore si le patient a besoin d’un accompagnant dans son
lieu sûr, comme un animal ou un être humain connu ou imaginaire ; cela
peut signifier que cette personne a internalisé le sentiment de sécurité,
mais pas seul. Selon la problématique traitée cela impliquera des choix
cliniques différents. Certains patients, malgré un passé traumatique
sévère, arrivent à s’imaginer un lieu sécure dans lequel ils peuvent être
seuls et le thérapeute peut observer une bonne détente physiologique ;
on peut alors en conclure à une meilleure résilience chez ces patients,
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et pronostiquer un processus thérapeutique plus aisé.


Selon les différents cas de figure, on recommandera une pratique
régulière entre les séances de l’exercice du lieu sûr, ne serait-ce que
pour contrôler que la notion de sécurité interne soit stable.
D’autres exercices hypno-imaginatifs peuvent aider le patient à dévelop-
per ses capacités de régulation émotionnelle. L’exercice du contenant
(ou coffre-fort) est un classique : on demande au patient de mettre
les éléments perturbants comme des images dans un contenant, par
exemple un coffre-fort, puis de fermer celui-ci à clé et de décider où on
veut le mettre. Cet exercice pourra être utilisé pendant le retraitement
EMDR si le patient est submergé par des éléments du trauma.

29
Aide-mémoire EMDR

L’exercice du faisceau lumineux peut aussi aider le patient à apaiser des


sensations physiques, des douleurs ou des émotions perturbantes. On
demande au patient de se concentrer sur la sensation désagréable. On lui
demande de donner une forme à cette sensation, de décrire cette forme,
sa couleur, sa taille. Ensuite on lui demande quelle couleur est associée
à la guérison. On lui demande d’imaginer qu’un faisceau lumineux de
cette couleur, venant d’une source inépuisable dans le cosmos, se dirige
vers la forme, entre en elle et/ou vibre autour d’elle ou en elle. Il arrive
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souvent que la forme change alors de taille ou de couleur et que la
sensation perd en intensité. Il existe différentes versions de cet exercice
et le thérapeute pourra l’adapter à chaque patient.
2. Stabilisation du patient et EMDR

« Déposer les bagages » est un récit métaphorique qui peut être très
aidant (Piedfort-Marin & Reddemann, 2016). On invite le patient à
s’imaginer marcher dans un paysage vallonné puis arriver sur un plateau.
On invite alors le patient à arrêter sa marche et à déposer ses bagages,
puis à prendre un chemin qui l’amène vers un lieu ressourçant. Lorsqu’il
a repris assez de force, il retourne vers l’endroit où il avait laissé ses
bagages. Un être bienveillant apparaît et lui donne un cadeau. Le
thérapeute encourage sans excès le patient à garder le cadeau et à
remercier l’être bienveillant. Puis il doit décider quels bagages il reprend
avec lui pour la suite de sa marche. Le thérapeute adaptera cet exercice
en fonction de ce qu’il connaît du patient.
Il existe de très nombreux exercices hypno-imaginatif et la créativité
des thérapeutes et des patients offre des possibilités illimitées. Le déve-
loppement de l’auto-compassion me semble une ressource indispensable
pour la phase de confrontation aux souvenirs traumatisants. Cela peut
être acquis par des exercices d’apaisement de l’enfant intérieur blessé
(cf. chapitre 18 « EMDR et thérapie des états du moi »).
Des techniques comme la cohérence cardiaque, la pleine conscience,
le yoga, la méditation ou encore le neurofeedback peuvent aussi aider
les patients à augmenter leur capacité de régulation émotionnelle. On
sera néanmoins prudent avec la méditation et la pleine conscience. En
guidant le patient à se concentrer sur ses sensations physiques, on peut
rendre la personne plus en contact avec des symptômes dont elle n’avait
pas conscience jusqu’alors et cela peut en déstabiliser certaines.

30
Aide-mémoire EMDR

! Développer l’accès aux ressources


Comme on l’a vu l’accès aux ressources est essentiel pour une thérapie
EMDR. Certains patients – par exemple des personnes dépressives – ont
l’impression qu’ils n’ont pas de ressources. Les personnes émotionnel-
lement labiles ou à traits histrioniques peinent à garder leur attention
sur les choses positives de leur vie. Par ailleurs certaines personnes, de
part un vécu carencé et/ou traumatique sévère, ont effectivement peu
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de ressources. Le thérapeute doit alors aider le patient à reconnaître
les ressources qu’il a déjà, puis à l’aider à développer de nouvelles
ressources. Il convient de faciliter l’internalisation des ressources, ce
qui facilite alors un renforcement du moi. Il faut parfois commencer

2. Stabilisation du patient et EMDR


par aider le patient découvrir ses ressources, par exemple en lui faisant
observer son quotidien pour y découvrir les petits moments de bonheur.
Des exercices hypno-imaginatifs peuvent aider à créer au développement
de ressources et au renforcement du moi. Avec l’EMDR, en particulier par
des SBA lents, on peut renforcer ses moments de ressources afin qu’ils
s’ancrent davantage, c’est-à-dire qu’on renforce les réseaux mnésiques
qui portent ces expériences et ces ressentis. Il en ressort souvent des
états émotionnels adaptatifs et des cognitions positives. En l’absence
de ressources on aidera le patient à s’identifier à des personnes qui
possèdent les ressources qu’il souhaite voir se développer en lui.
Enfin de nombreuses procédures ont été proposées qui intègrent l’EMDR
avec la thérapie des états du moi ou d’autres approches (par exemple
Phillips, 2008/2017 ; Knipe, 2008/2017).
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Solutions possibles

Pour renforcer l’accès aux ressources, on peut demander au patient de tenir un


journal des joies ou un journal des expériences positives du quotidien. Puis en
séance le thérapeute demande au patient de choisir un des événements positifs de
la semaine et le renforcera avec des stimulations lentes. Dès que le patient passe à
un élément négatif, le thérapeute le recentre sur l’événement positif. Peu à peu le
thérapeute aidera le patient à mettre à jour les émotions agréables et par la suite
des cognitions positives. L’objectif de cette procédure est d’entraîner le patient à se
concentrer sur du positif et à stopper tout passage à un élément négatif. Ce procédé
est particulièrement utile pour les patients émotionnellement labiles. ☞

31
Aide-mémoire EMDR

☞ Développement et installation des ressources (RDI ou DIR en anglais), de Korn et


Leeds (2002).
Exercices hypno-imaginatifs pour le renforcement du moi : exercice de l’arbre,
exercice des cinq éléments, exercice du jardin intérieur (Piedfort-Marin & Reddemann,
2016).
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L’évaluation de l’état de stabilité du patient traumatisé est un défi pour nombre
de psychothérapeutes EMDR. Comme chaque cas est différent, il convient de
se baser sur des principes de base pour guider une pratique EMDR à la fois
efficace et précautionneuse. En thérapie – en donc aussi en thérapie EMDR – les
2. Stabilisation du patient et EMDR

blocages et impasses ont souvent comme origine l’oubli de principes de base. Ce


chapitre permettra aux thérapeutes EMDR de se situer par rapport à ces principes
et leur donnera des outils pour penser un traitement respectueux et favoriser un
retraitement efficace par l’EMDR.

32
Aide-mémoire EMDR

Bibliographie

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34
Aide-mémoire EMDR

3. Lieu sûr/lieu calme et installation de ressources


3
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LIEU SÛR/LIEU CALME
ET INSTALLATION DE RESSOURCES

Marie-Jo Brennstuhl, Hélène Dellucci

Le travail en thérapie EMDR nécessite au préalable un temps de stabilisation et de


régulation, comme nous l’avons vu dans le chapitre précédent.
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Des outils viennent compléter ces pré-requis. En effet, la thérapie EMDR ne se


réduit pas aux mouvements oculaires, mais propose une prise en charge globale et
intégrative, ainsi qu’un temps de préparation avant de pouvoir entamer le travail de
désensibilisation et de retraitement de l’information.
L’installation d’un lieu sûr est en soi une étape nécessaire, faisant partie intégrante
de la thérapie EMDR.
Ce protocole peut tout à fait être complété par des protocoles d’installation de
ressources qui seront utiles à différents temps du traitement.

35
Aide-mémoire EMDR

Lieu sûr/Lieu calme

! Introduction
La recherche et l’installation d’un lieu sûr n’ont pas été inventées en
même temps que la thérapie EMDR. L’hypnose et les TCC, par exemple,
utilisent également cette méthode.
3. Lieu sûr/lieu calme et installation de ressources
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L’objectif principal est de créer un lieu de sécurité, un ancrage, un
refuge ou même un signe-signal qui permettra au patient, à chaque fois
que cela est nécessaire, avant, pendant ou après la séance, de pouvoir
s’apaiser en réactivant une ressource, lorsqu’il est submergé par ses
émotions.
Il paraît alors fondamental que ce « lieu sûr ou lieu calme » soit bien
installé au préalable du traitement, afin que cette sécurité fasse partie
des bases fondamentales de la thérapie.
L’objectif est de créer un conditionnement qui va permettre au patient,
s’il a été suffisamment été exercé, de réactiver la réponse de sécurité
et de relaxation ressentie dans le lieu sûr, à chaque fois qu’il en aura
besoin.
Un lieu sûr bien installé va permettre de rassurer le patient et de le
mettre en confiance pour la suite de la thérapie. Il y aura toujours un
endroit vers lequel il pourra se tourner si l’exposition aux symptômes
traumatiques est trop intense.
L’installation du lieu sûr permet également d’introduire les Stimulations
Bilatérales Alternées dans la relation thérapeutique, sans aborder
d’affects perturbants.

! Protocole
Afin de créer ce principe d’ancrage, le protocole du lieu sûr va allier
différents éléments sensitifs, kinesthétiques, olfactifs, visuels et / ou
auditifs, en lien avec la sensation de relaxation induite.
Il sera alors demandé au patient de choisir un lieu qui évoque pour lui
le calme et la sécurité. Bien sûr, ce lieu peut être réel, imaginaire, passé
ou actuel.

36
Aide-mémoire EMDR

Il faut néanmoins éviter que ce lieu soit perturbé par des personnes
ou des souvenirs négatifs et il est nécessaire de bien vérifier qu’il ne
déclenche que des sensations positives.
Si le patient ne dispose pas d’un lieu sûr, il est tout à fait possible
de l’aider à le construire en lui suggérant des endroits qui peuvent
être calmes et sécurisants pour d’autres : des paysages de mer ou de

3. Lieu sûr/lieu calme et installation de ressources


montagne, des endroits « cocoon »...
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La sensation de sécurité n’est pas toujours innée ou facile à obtenir,
notamment chez les patients traumatisés complexes. L’étape du lieu sûr
est donc une première étape de vérification sur le niveau de stabilisation
du patient. Tant que le lieu sûr n’est pas installé, cela est le signe qu’il
est trop tôt pour aborder le travail sur le trauma pour l’instant, et
qu’un temps de réassurance et de sécurisation sera nécessaire avant de
poursuivre.
Lorsque le lieu a pu être sélectionné, il s’agira de prendre un temps pour
bien le définir et surtout identifier les ressentis et sensations positives
qui émergent lorsque l’on s’imprègne de cet endroit.
Afin de créer une réponse conditionnée, ce lieu sûr ainsi que les
sensations corporelles qu’il procure, seront associés à un mot-clé, choisi
par le patient (exemple : calme, sérénité, paix, montagne, vacances...).
La répétition de ce mot-clé va permettre l’ancrage et l’association du
mot et de l’état.
Des stimulations bilatérales alternées lentes permettent de soutenir et
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d’appuyer cet ancrage.


Une fois le lieu sûr défini et installé, il est important de vérifier s’il est
suffisamment solide pour aider à faire face aux situations de stress et
d’émotions négatives.
Pour cela, il est demandé au patient de laisser revenir de petits
éléments stressants ou négatifs du quotidien à sa conscience. Une
fois la perturbation perceptible, le patient pourra réactiver son lieu sûr
en utilisant le mot-clé, et laisser revenir les sensations positives de
calme et de sécurité.
Cette étape de l’exercice permet d’une part de vérifier que le lieu sûr
fonctionne et est solidement installé, mais permet d’autre part de venir

37
Aide-mémoire EMDR

renforcer la confiance en soi de l’individu et ses capacités à faire face


aux émotions qui pourraient le submerger.
Le patient est ensuite invité à s’exercer entre les séances, à domicile,
afin de continuer l’installation et l’ancrage du lieu sûr, ainsi qu’à le
tester in-vivo sur des situations quotidiennes.
Le lieu sûr / calme une fois installé, pourra être utilisé en début
3. Lieu sûr/lieu calme et installation de ressources

de traitement, pour calmer des abréactions, pour clôturer une séance


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incomplète ou pour que le patient puisse s’auto-réguler entre les séances.

Protocole d’installation du lieu sûr / calme


• Image : « Je voudrais que vous pensiez à une expérience que vous avez eue,
ou à un endroit où vous avez été, ou à un lieu imaginaire où vous vous sentez
calme et en sécurité. Peut-être sur une plage ou à la montagne, ou en faisant
une activité que vous aimez.
« Quelle image représente cet endroit ? Décrivez ce que vous voyez. »
• Émotions et sensations : « Quand vous pensez à cet endroit sécurisant, à cette
expérience, notez ce que vous voyez, entendez et ressentez. Quelles émotions
ressentez-vous ? Où ressentez-vous cela dans votre corps ? »
• Accentuation : « Concentrez-vous sur ce lieu sécurisant et calme, ses vues, bruits,
odeurs, et les sensations dans votre corps. Dites-moi ce que vous notez. »
• SBA : « Laissez venir l’image de cet endroit sécurisant et calme.
Concentrez-vous sur la sensation agréable dans votre corps et permettez-vous
d’en profiter.
Maintenant, concentrez-vous sur ces sensations et suivez mes doigts des yeux
(4-8 SBA lentes).
Comment vous sentez vous maintenant ? »
Si positif : « Concentrez-vous sur cela. (SBA). Comment vous sentez vous
maintenant ? »
Si négatif : Diriger l’attention du patient loin de l’image, mettre de côté les parties
négatives et retourner au positif. Si cela est possible, dire « Concentrez-vous sur
cela. (SBA). Qu’est-ce que vous remarquez maintenant ? »
Si cela n’est pas possible, alors identifier avec le patient un autre lieu sûr / calme
en vous assurant qu’il n’y a pas d’associations avec des personnes.
Utiliser d’autres exercices comme la pleine conscience ou un exercice de
respiration.
• Mot-clé : « Y a-t-il un mot ou une expression qui représente cet endroit sécurisant
et calme ? ☞

38
Aide-mémoire EMDR

☞ Pensez à _____ et notez les émotions et sensations agréables que vous ressentez
quand vous pensez à ce mot. »
« Maintenant, concentrez-vous sur ces sensations et le mot-clé et suivez mes
doigts. » (4-8 SBA lentes).
« Comment vous sentez-vous maintenant ? »
Répétez et augmentez les sentiments positifs avec des séries de SBA tant que
l’expérience continue à se renforcer.

3. Lieu sûr/lieu calme et installation de ressources


• Auto-réplique : « Maintenant, répétez ce mot _____ et notez comment vous
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vous sentez. »
Réplique avec dérangement : « Et maintenant, laissez venir une situation
légèrement perturbante (SUD 1-2) et les sensations qui l’accompagnent. Notez
les changements qui interviennent dans votre corps lorsque vous laissez venir ce
mot _____. Que remarquez-vous maintenant ? »
• Auto-réplique avec dérangement : « Maintenant je voudrais que vous pensiez
à une autre situation légèrement perturbante (SUD 2-3). Notez à nouveau les
changements qui interviennent dans votre corps lorsque vous pensez à ce mot. »
• Exercer de manière autonome : « Je voudrais que vous effectuiez cet exercice
à plusieurs reprises d’ici notre prochaine séance, et surtout, à chaque fois que
vous vous sentiez gêné(e). »
« Notez dans votre journal les déclencheurs, les images, les croyances, les
émotions et les sensations que vous avez eues et nous en parlerons lors de notre
prochaine rencontre. »

Installation de ressources
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! Introduction
L’installation du lieu sûr / calme est une étape fondamentale de la
thérapie EMDR. Nécessaire, mais pas toujours suffisant.
Il est parfois important – en fonction des patients et des problématiques
– de venir renforcer les ressources de l’individu, voire tout simplement
de les développer !
Cela permet d’avoir accès aux réseaux de mémoires adaptatifs, ou d’en
créer. Il sera alors plus facile pour le patient de faire face aux affects
négatifs dans sa vie quotidienne, mais aussi en lien avec le traitement.

39
Aide-mémoire EMDR

Il s’agit alors de booster et de renforcer la confiance en ses capacités,


de développer des stratégies de coping plus adaptées, ainsi que son
sentiment d’efficacité personnelle.

! Protocole de développement d’installation de ressources


(DIR)
3. Lieu sûr/lieu calme et installation de ressources

Le protocole de développement et d’installation de ressources (DIR) a


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pour objectif d’identifier et renforcer des ressources positives (confiance,
compétence, maîtrise...) pour faire face de manière adaptée à certaines
situations.
Généralement, les ressources se situeront dans trois domaines :
– Ressources de maîtrise : ressources permettant de faire face à des
situations ou expériences difficiles (compétence, fierté, confiance,
force, compassion...)
– Ressources relationnelles : ressources permettant au patient d’in-
teragir de manière plus adaptée avec l’environnement et les autres
(persévérance, courage, franchise...)
– Ressources symboliques : ressources issues de personnages symbo-
liques, animaux, nature...
– Le protocole DIR peut être répété et appliqué à différents moments
de la thérapie EMDR, dès qu’une ressource sera nécessaire à la
poursuite du travail, ou même pour installer une ressource qui vient
d’être « gagnée » après le travail sur une cible et l’installation d’une
Cognition Positive (CP).
– Les ressources installées deviennent ensuite de véritables aides au
traitement, qui peuvent être utilisées en stabilisation, lors d’une
abréaction, pour favoriser le tissage cognitif, pour faciliter la clôture
d’une séance incomplète etc.

Protocole de Développement et Installation de Ressources (DIR)


• Identifier la situation spécifique :
« Dans quelle situation spécifique aimeriez-vous être capable de réagir de façon
plus positive / efficace ? »
• Identifier la qualité : ☞

40
Aide-mémoire EMDR

☞ « De quelle qualité avez-vous besoin ou avez-vous le plus besoin lorsque vous


pensez à _____ ? »
ou « Comment aimeriez-vous vous sentir afin d’être capable de mieux réagir (face
à cette situation difficile) ? »
• Identifier l’expérience de cette ressource :
« Vous rappelez-vous un moment où vous avez incarné cette qualité ? »
ou « Vous rappelez-vous un moment où vous avez observé cette qualité chez

3. Lieu sûr/lieu calme et installation de ressources


quelqu’un ou au travers de quelque chose ? »
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• Image :
« Décrivez cette expérience. »
« Quelle image représente le mieux cette qualité ? »
• Émotions et sensations :
« Lorsque vous pensez à cette ressource positive, remarquez-vous les images, les
sons, les odeurs, les goûts. Que remarquez-vous ? »
• Renforcer :
« Concentrez-vous sur cette expérience positive, les images, les sons, les odeurs,
les goûts, et remarquez où dans votre corps vous avez déjà un peu de cette
qualité. »
« Prenez le temps de ressentir cette expérience. »
« Dites-moi ce qu’il en est. »
• Renforcer la ressource avec des SBA :
« Entrez en contact avec l’image de cette ressource (qualité) et concentrez-vous
sur la sensation corporelle. Autorisez-vous à ressentir cela pleinement. »
« Restez en contact avec cela et suivez mes doigts. » (8-10 SBA lentes)
« Comment est-ce maintenant ? »
Si c’est positif : « Continuez avec ça. (SBA lentes). « Que remarquez-vous
maintenant ? »
Répéter avec plusieurs séries de SBA, jusqu’à ce que la ressource soit complète-
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

ment installée.
Si c’est négatif : rediriger l’attention du patient sur une autre expérience associée
à cette ressource ou envisager une autre ressource.
• Mot-clé :
« Y a-t-il un mot ou une expression qui représente cette ressource positive ? »
« Pensez à _____ et notez les sensations agréables que vous ressentez quand
vous pensez à ce mot. »
« Maintenant, concentrez-vous sur ces sensations et le mot-clé et suivez mes
doigts. » (8-10 SBA lentes)
« Comment vous sentez vous maintenant ? »
Répéter avec plusieurs séries de SBA lentes jusqu’à ce que cela soit complètement
renforcé. ☞

41
Aide-mémoire EMDR

☞ • Auto-réplique :
« Maintenant, je voudrais que vous laissiez revenir ce mot (ou cette expression et
que vous notiez comment vous vous sentez. »
• Projection dans le futur en utilisant la ressource positive :
« Maintenant, imaginez une situation que vous voudriez mieux gérer ou dans
laquelle vous voudriez réagir de façon plus efficace. Imaginez un film ou vous
pourriez vous voir réagir comme vous le souhaitez en utilisant votre ressource.
3. Lieu sûr/lieu calme et installation de ressources

Que remarquez-vous maintenant ? »


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Ajouter plusieurs séries de SBA lents jusqu’à ce que le scénario souhaité ait été
définitivement établi.
La longueur des séries peut varier en fonction de la capacité du patient à rester
en contact avec la réponse souhaitée sans activer une association négative.
Il est aussi possible d’installer cela petit à petit, un segment de l’expérience à la
fois, afin de minimiser une contamination éventuelle.
• Projection dans le futur avec dérangement (optionnel) :
« Maintenant, pouvez-vous imaginer un défi qui pourrait survenir dans cette
situation ? Regardez le film et imaginez-vous réagissant comme vous le souhaitez
en utilisant votre ressource. Que remarquez-vous ? »

! Technique de l’éponge
La technique de l’éponge s’utilise généralement pour faire face à des
situations stressantes. Il s’agit d’aider à la stabilisation du patient, mais
aussi de le maintenir dans sa fenêtre de tolérance.
Cette technique d’absorption des affects négatifs et de la perturbation
peut s’utiliser dans de nombreuses situations afin d’aider le patient à
développer ses ressources pour faire face.
Cette technique peut également être utile en début de séance afin de
diminuer du stress ou des perturbations autres qui pourraient venir
entraver ou retarder le retraitement qui doit se poursuivre sur une cible
en cours.

Technique de l’éponge
1. Chercher une situation stressante :
Cherchez une situation stressante dans la vie quotidienne et demandez le SUD.
2. Chercher trois qualités : ☞

42
Aide-mémoire EMDR

☞ « De quelles qualités auriez-vous besoin pour mieux faire face à ce stress ? »


Rassemblez trois qualités spécifiques comme : force, calme intérieur, capacité à
mettre des limites, etc.
-
-
-

3. Lieu sûr/lieu calme et installation de ressources


3. Choisir une qualité :
« Avec quelle qualité aimeriez-vous commencer ? »
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Prenez la qualité que le patient choisit, ou qui évoque chez le patient le plus
d’affects.
4. Chercher une situation / expérience :
« Y a-t-il eu une situation dans laquelle vous avez remarqué que vous disposiez
déjà un peu de cette qualité ? »
Laissez le patient décrire clairement une situation dont il se souvient et pour
laquelle il montre quand même quelques réactions positives.
5. Image :
« Quelle est l’image qui décrit le mieux cette situation ? »
Cherchez l’image qui évoque le plus cet affect.
6. Émotions et sensations :
« Lorsque vous pensez à cette ressource positive, remarquez-vous les images,
les sons, les odeurs, les goûts ? Que remarquez-vous ? »
« Concentrez-vous sur cette expérience positive, les images, les sons, les odeurs,
les goûts et remarquez où dans votre corps vous avez déjà un peu de cette
qualité ? »
« Prenez le temps d’intensifier cette expérience. »
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7. Renforcer :
« Entrez en contact avec l’image _____ et la sensation corporelle. Êtes-vous en
contact ? »
Si oui : « Restez en contact avec cela et suivez mes doigts » – SBA.
Faites une série de 4-6 SBA lentes et demandez ensuite « Comment est-ce
maintenant ? »
Demandez de manière ciblée s’il y a un changement dans la sensation corporelle.
Lorsque celle-ci est devenue plus forte, faites encore une série.
S’il y a un pont d’affect vers du matériel négatif, cherchez une autre situation
dans laquelle le patient disposait de cette qualité.
8. Faire les étapes 3 à 7 pour les trois qualités.
9. Renforcer le contact avec les trois qualités : ☞

43
Aide-mémoire EMDR

☞ « Entrez en contact avec les sensations corporelles de la première qualité, gardez


cette sensation dans le corps. Ajoutez les sensations corporelles qui vont avec la
seconde qualité. Maintenant, ajoutez les sensations corporelles qui vont avec la
troisième qualité. Êtes-vous en contact avec tout ça ? »
Si oui : SBA lentes.
10.Réévaluer le SUD :
« Laissez revenir à nouveau la situation stressante _____ et remarquez à combien
3. Lieu sûr/lieu calme et installation de ressources

elle vous paraît perturbante maintenant de 0 à 10 ? »


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Normalement le SUD est nettement plus bas.
Nouveau SUD :

La thérapie EMDR est une psychothérapie intégrative qui permet une désensibilisa-
tion et un retraitement de l’information traumatique.
Pour réaliser ce retraitement, il est nécessaire de venir stabiliser le patient, mais
aussi de le préparer à se confronter au matériel traumatique et d’augmenter ses
capacités de faire face.
Pour cela, l’installation d’un lieu sûr / calme ainsi que le renforcement et le
développement des ressources à travers le DIR ou la technique de l’éponge
viennent accompagner et compléter le travail en EMDR.

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Aide-mémoire EMDR

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4. Indications et contre-indications de l’EMDR
INDICATIONS ET CONTRE-INDICATIONS DE L’EMDR

Emmanuel Augeraud

L’EMDR est reconnu et validé par la médecine basée sur les preuves (INSERM,
2004 ; HAS, 2007 ; OMS, 2013) comme étant le traitement psychologique de
choix du Trouble de Stress Post-Traumatique (TSPT) au même titre que le « gold
standard » que sont les thérapies cognitivo-comportementales (Seidler & Wagner,
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2006 ; Chen et al., 2015 chez l’adulte ; Gillies et al., 2013 chez l’enfant).

Ce chapitre va tenter de répondre aux questions suivantes :


– La thérapie EMDR a-t-elle d’autres indications que le TSPT ?
– Existe-t-il des contre-indications ? Si oui quelles sont-elles ?

Indications

Lorsque l’on évoque un TSPT, on parle de conséquences de traumatismes.


Le TSPT est la seule pathologie psychiatrique du DSM 5 (APA, 2013)

45
Aide-mémoire EMDR

qui a une cause connue, un ou plusieurs traumatismes. Il convient


de mentionner que les événements traumatiques se divisent en deux
groupes distincts selon les caractéristiques propres de l’événement
causal (Terr, 1991). Les événements de type I qui représentent
généralement des événements soudains, inattendus et d’une durée
limitée comme un accident, un sinistre ou encore un désastre naturel. Les
événements de type II sont habituellement de longue durée, répétitifs,
cumulatifs, souvent infligés volontairement par un être humain et
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4. Indications et contre-indications de l’EMDR

peuvent être davantage anticipés par les victimes. Il s’agit par exemple
de violence conjugale, d’abus physiques ou sexuels, de torture ou encore
d’expériences de combat.
La psychologue Américaine Eldra Solomon et sa collègue criminologue
Kathleen Heide distinguent une troisième catégorie de trauma (Solomon
& Heide, 1999). Ces traumas de type III désignent des événements
multiples, envahissants et violents présents durant une longue période
de temps. Ils sont induits par un agent stressant chronique ou abusif,
par exemple : les camps de prisonniers de guerre et de concentration,
la torture, l’exploitation sexuelle forcée, la violence et les abus sexuels
intrafamiliaux, etc.
Si les traumas de type I peuvent avoir pour conséquence un TSPT, les
traumas de type II et III, dits aussi traumas complexes ou développemen-
taux, peuvent avoir, quant à eux, une expression psychopathologique
variée et appartenant à quasi toute la nosographie psychiatrique du
DSM.
Ainsi chercheurs et cliniciens ont traité avec l’EMDR différents troubles
psychiatriques.
C’est le cas pour des sujets souffrant (liste non exhaustive) :
• de troubles psychopathologiques dont
– des troubles anxieux comme les phobies (De Jongh et al., 2002), le
trouble anxieux généralisé (Gauvreau & Bouchard, 2008), le trouble
panique (Fernandez & Faretta, 2007 ; Feske & Goldstein, 1997), le
trouble obsessionnel compulsif (Marr, 2012)
– des troubles de l’humeur
– unipolaire chez l’adolescent (Bae et al., 2008) et chez l’adulte
(Hofmann et al., 2014 ; Hase et al., 2015)

46
Aide-mémoire EMDR

– bipolaire (Oh & Kim, 2014) chez l’adulte


– de troubles psychotiques (De Bont et al., 2013 ; Croes et al., 2014 ;
Van den Berg et al., 2015)
– de troubles de la personnalité comme le trouble de la personnalité
limite (Brown & Shapiro, 2006 ; Mosquera et al., 2014), le trouble de la
personnalité narcissique (Mosquera & Knipe, 2015) ou la personnalité
dissociative (Lazrove & Fine, 1996) et autres pathologies complexes
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de la personnalité (Fensterheim, 1996)

4. Indications et contre-indications de l’EMDR


• d’addictions

– avec substance (Hase et al., 2008 ; Zweben & Yeary, 2006 ; Carletto
et al., 2017)
– sans substance
– comme le jeu (Henry, 1996)
– comme le sexe (Cox & Howard, 2007)
• de troubles somatiques et somatoformes

– comme la douleur
– du membre fantôme (Schneider et al., 2008 ; Brennstuhl et al., 2017)
– chronique (Grant & Threlfo, 2002 ; Friedberg, 2004 ; Mazzola et al.,
2009)
– comme la dysmorphophobie (Brown et al., 1997)
– comme certaines dermatoses (Gupta & Gupta, 2002)
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– comme certains troubles sexuels (Leiblum & Wiegel, 2002)


• de deuils (Solomon & Rando, 2007)
• de traumatismes :

– récents
– désastres naturels (Natha & Daiches, 2014 ; Fernandez, 2008)
– terrorisme (Coletti & Patterson, 2008)
– ...
– de guerre (Silver & Rogers, 2002)
– sexuels (Edmond et al., 1999)
– ...

47
Aide-mémoire EMDR

Mais, l’EMDR semble aussi efficace pour développer de bons souvenirs


(Keller et al., 2014) ou la compassion (Kennedy, 2014), en psychologie
positive (Tarquinio & Tarquinio, 2015) et pour renforcer/optimiser les
performances (Foster & Lendl, 1995).
Ces indications s’étendent de l’enfant et l’adolescent (Tinker & Wilson,
1999 ; Tufnell, 2005) au sujet âgé (Thomas & Gafner, 1993), en
individuel, en couple (Protinsky et al., 2001) et en groupe (Zaghrout-
Hodali et al., 2008).
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4. Indications et contre-indications de l’EMDR

Cependant s’il est théoriquement possible de traiter en EMDR tous ces


troubles et que des rapports de cas font état de son efficacité pour les
indications sus-citées, la recherche ne l’a pas encore forcément mis en
évidence par des études randomisées contrôlées. De plus, les mécanismes
démontrant l’efficacité de l’EMDR n’ont pas encore complètement été
mis à jour.

Contre-indications

Plutôt que de contre-indications nous parlerons de précautions à prendre


avant de procéder à un traitement en EMDR.
Il s’agira :
• d’établir avec le patient une bonne relation thérapeutique (Dworkin,
2005)
• de s’assurer que le patient a les ressources nécessaires pour gérer le
stress en relation avec le traitement. Le patient doit avoir des moyens
de dissiper des perturbations éventuelles pendant et après les séances
d’EMDR. Après cette évaluation, les praticiens EMDR apprennent aux
patients différentes techniques (Shapiro, 2012) dont le lieu sûr, le
conteneur, le faisceau lumineux...
• d’évaluer le patient sur d’éventuels troubles dissociatifs (Paulsen,
1995). Une préparation spécifique concernant les patients présentant
des troubles dissociatifs est nécessaire pour stabiliser et permettre
d’accéder aux souvenirs cibles en maintenant une attention double
• d’identifier et de s’adapter à d’éventuels bénéfices secondaires des
patients

48
Aide-mémoire EMDR

• de prendre des précautions en cas :


– de troubles de l’usage de substances psychoactives qui peuvent gêner
le traitement adapté de l’information lors du protocole EMDR
– de ce qu’on appelle la létalité en psychiatrie. Il s’agit d’idéation et
ou velléités suicidaires et de l’intentionnalité d’actes hétéro-agressifs
ou idées de violence. Devant ces dangers éventuels envers soi et/ou
un tiers, l’hospitalisation sans consentement pourra s’imposer. On
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comprend bien que dans de telles situations la thérapie ne peut être

4. Indications et contre-indications de l’EMDR


débutée
– de comportements auto-mutilatoires qui, pour certains auteurs,
correspondent à des gestes dissociatifs. Ces actes doivent être apaisés
avant de pratiquer l’EMDR
– d’état de santé physique précaire ou de complications somatiques
– de troubles neurologiques et cognitifs incompatibles avec un travail
psychothérapeutique
– de troubles ophtalmologiques étant donné que l’EMDR utilise les
mouvements oculaires. Néanmoins d’autres formes de stimulations
bilatérales alternées que les mouvements oculaires peuvent être
employées
– de grossesse. Il s’agira là d’assurer la sécurité psychologique de la
mère et par là même du fœtus
• de considérer les éventuels traitements psychotropes en cours notam-
ment les benzodiazépines. Ces dernières, par leur action (indésirable)
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amnésiante, bloquent le traitement adaptatif de l’information.

Réactions indésirables possibles

Néanmoins, que peut-il se produire si les précautions citées au


paragraphe 2 ne sont pas respectées ? Et même si ces précautions
sont respectées, peut-il se produire des réactions indésirables ?
En plus des réponses à ces interrogations cette section indiquera des
solutions à apporter.
La littérature fait état de peu « d’effets indésirables » de l’EMDR.
C’est rassurant mais restons circonspects lorsque notamment dans leur

49
Aide-mémoire EMDR

méta-analyse J. Bisson (Bisson et al., 2007) ne rapportent pas d’effet


indésirable de l’EMDR (ni de l’exposition prolongée d’ailleurs) sur 38
essais cliniques contrôlés.
Citons par exemple A. Brunet (Brunet, 2002) qui expose un état
dissociatif sévère après une séance d’EMDR réalisée par un praticien
certifié chez un vétéran qui ne présentait aucun signe dissociatif
avant-coureur ou prise médicamenteuse ou de substance psychoactive
pouvant interagir.
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4. Indications et contre-indications de l’EMDR

Citons aussi le rapport de cas de R. Kaplan et V. Manicavasagar (Kaplan


& Manicavasagar, 1998) qui présentait des troubles dissociatifs.
Enfin, une analyse très documentée mais non publiée de L. Gaston pose
l’hypothèse que l’EMDR induirait un mécanisme dissociatif et pourrait
expliquer les effets indésirables possibles, parfois sévères et pouvant
persister, retrouvés par l’expérience des praticiens EMDR (Shapiro, 2001).
Ils sont par ordre de sévérité croissante :
– l’apparition imprévisible d’abréactions
– l’apparition de symptômes dissociatifs qui peuvent persister

Le premier cas correspond à un haut niveau de perturbation émotionnelle


et affective qui survient en général au court du traitement par la thérapie
EMDR lorsque le patient réactive les souvenirs d’un épisode traumatique
du passé. L’erreur la plus fréquente serait d’arrêter le retraitement
pensant interrompre l’abréaction. Tant le patient que le thérapeute
doivent développer une bonne tolérance aux affects pour permettre au
patient de vivre ses émotions sans peur. Des techniques dites de tissage
(cognitif) peuvent être utilisées pour apporter l’information manquante
et soutenir le patient dans le processus de retraitement. Dans le cas
de l’abréaction, il est préférable de suivre le processus en cours en
soutenant le patient émotionnellement en disant par exemple : « Je sais
que c’est dur, je vous accompagne ». Le thérapeute peut aussi l’aider en
le soutenant au moyen de changement de perspective (autre tissage)
en disant tout en poursuivant les stimulations bilatérales alternées :
« Regardez ce qui vient après, c’est du passé... ».
Une autre manière de soulager l’abréaction est l’utilisation de moyens de
distanciation imaginaires comme changer la scène en noir et blanc, faire
imaginer au patient une paroi en verre (blindée) entre soi et la scène

50
Aide-mémoire EMDR

ou encore l’adulte qu’est le patient prend la main de l’enfant vulnérable


qu’il était
Dans le deuxième cas on différenciera des symptômes dissociatifs se
produisant en séance de ceux pouvant persister plusieurs jours après
la séance. La dissociation est la séparation d’ensembles de contenus
mentaux de la conscience (APA, 2013) allant de simples problèmes
de sommeil (cauchemars, terreurs nocturnes...) à des symptômes
schneideriens (Kluft, 1987 ; Ross et al., 1990). Ces symptômes invitent à
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4. Indications et contre-indications de l’EMDR
la prudence et tout praticien EMDR doit les évaluer en s’aidant d’échelles
comme la Dissociative Experience Scale (Bernstein & Putman, 1996) et
adapter leur plan de traitement où l’EMDR est un soin thérapeutique dans
un cadre de traitement plus général (Van der Hart et al., 2006). Ainsi
lorsque les symptômes dissociatifs se produisent en séance, plusieurs
techniques peuvent être utilisées (Forgash & Copeley, 2008) dont la
description sort du cadre de cet exposé. Quand les symptômes dissociatifs
se manifestent après la séance d’EMDR, ils correspondent le plus souvent
à des manifestations de panique, des troubles somatiques (céphalées
résistantes aux remèdes courants), des cauchemars post-traumatiques
ou catastrophiques répétés, de l’automutilation jusqu’à l’impression
insoutenable d’être mort pendant des jours. Le patient est prévenu de
cette possibilité et doit faire appel au thérapeute pour la gestion
des symptômes. S’il est compétent pour prescrire, un traitement
médicamenteux adapté peut être nécessaire. Il peut recourir aussi
à l’hospitalisation en milieu spécialisé.
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Quelques études contrôlées, des études de cas et l’expérience des praticiens EMDR
montrent que toutes les psychopathologies pourraient bénéficier de l’EMDR. La
thérapie EMDR s’est ainsi développée dans le traitement des événements de vie
négatifs, au-delà du traumatisme (Logie, 2014), responsables ou associés aux
grands syndromes de la nosographie psychiatrique. L’EMDR est aussi indiquée pour
le développement de ressources.
Il n’y a pas de contre-indication formelle à la thérapie EMDR mais des précautions
à prendre qui relèvent de la qualité et l’efficacité du thérapeute. Ce dernier doit, en
résumé, être bien formé, évalué, supervisé et conscient de ses limites.

51
Aide-mémoire EMDR

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in an elderly male : Treatment with eye

4. Indications et contre-indications de l’EMDR


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55
Aide-mémoire EMDR

5. De la conceptualisation de cas au plan de traitement


5
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DE LA CONCEPTUALISATION DE CAS
AU PLAN DE TRAITEMENT

Martine Iracane

Si l’étude de Maxfield et Hyer (2002) démontre que l’efficacité clinique de la


thérapie EMDR est potentialisée par l’application d’une méthodologie rigoureuse
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mettant en route le Traitement Adaptatif de l’Information (TAI) selon un protocole


standard respectant 8 phases et prenant en considération 3 temps du traitement
(passé-présent-futur), nous pouvons également ajouter que le succès d’une thérapie
EMDR dépend beaucoup de la qualité de la phase 1, nommée histoire du patient.
C’est au cours de cette phase que s’effectue ce que Francine Shapiro nomme la
conceptualisation du cas clinique.
Véritable élaboration clinique, dans le respect une psychothérapie intégrative selon le
modèle neuro-émotionnel de la thérapie EMDR (Shapiro & Forrest, 2005 ; Shapiro,
2007), la conceptualisation prend en compte la qualité de l’alliance thérapeutique
(Dworkin, 2005), le type de présentation clinique, l’équilibre entre les symptômes
actuels et des ressources internes et externes du patient, pour planifier les options
et les étapes thérapeutiques à travers la mise en place d’un plan de traitement.

57
Aide-mémoire EMDR

Contours et objectifs de la conceptualisation de cas

À l’exception des maladies strictement organiques, des problèmes prove-


nant de carences d’information et d’apprentissage, ou des conséquences
d’une exposition toujours active à un agent causal aversif, les souffrances
5. De la conceptualisation de cas au plan de traitement

psychiques et psychosomatiques présentes du patient seraient la


résultante d’événements traumatiques non métabolisés. Retraiter les
expériences de vie négatives pour intégrer des expériences positives
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adaptatives, constitue la partie centrale de l’approche thérapeutique
EMDR (Shapiro, 2005 ; 2007).
Cependant, cette démarche ne peut être entreprise de manière aléatoire ;
elle exige, au préalable, pour la sécurité du patient et pour l’efficience du
soin, une vision et compréhension globale, un repérage des symptômes
et des problématiques, une évaluation des ressources, une hypothèse
sur les capacités du patient à mobiliser des changements dans le respect
de sa sécurité, de son libre arbitre et surtout une appréciation de
la qualité de l’engagement dans la relation thérapeutique. C’est vers
l’observation et l’analyse de ces paramètres que se tourne l’étape de la
conceptualisation de cas.

! Conceptualiser le cas à la lumière du TAI


La conceptualisation de cas repose sur une élaboration, en amont du
traitement, des données qui composent la présentation clinique. Elle
met en œuvre un questionnement à propos des éléments pertinents
de manière à penser et anticiper leur mobilisation pour optimiser les
actions thérapeutiques du TAI.
Conceptualiser le cas clinique permet de poser un regard sur le
tableau psychopathologique qui conduira, autour d’une bonne alliance
thérapeutique, à trouver les articulations et les leviers thérapeutiques
pour modifier favorablement et en profondeur cette présentation
clinique.
Basée sur la présentation clinique spécifique du patient, la conceptua-
lisation du cas clinique éclairée par le modèle TAI, va, en phase 1 du
protocole EMDR, définir un plan de traitement correspondant à diverses
stratégies de soin programmées dans un agencement et un ordre précis.

58
Aide-mémoire EMDR

Elles s’orientent vers la résolution des problématiques et un traitement


à la fois complet et intégratif, axé sur l’approche EMDR.
Parmi les points cités, la conceptualisation de cas permet de « dialecti-
ser » problématiques et ressources de la personnalité.

5. De la conceptualisation de cas au plan de traitement


En effet, pour augmenter l’incidence positive du TAI, la thérapie doit
être adossée au modèle décrit par Pierre Janet (1904) qui préconise
d’effectuer le traitement des traumatismes en trois phases : la stabilisa-
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tion initiale et la réduction des symptômes, le traitement des souvenirs
traumatiques, et enfin l’intégration et le deuil dans un processus de
symbolisation de l’expérience. Dans cette perspective, les ressources
constituent de véritables réservoirs contenant des informations posi-
tives, à la fois sensorielles, somatiques, émotionnelles, relationnelles,
cognitives, spirituelles, puisées dans les réseaux fonctionnels composant
le vécu du patient.
Les ressources favorisent la stabilisation dans différents champs de
la personnalité, dans une approche holistique et biopsychosociale du
traitement. Ainsi, plus les ressources sont disponibles, plus vite le
TAI activera, par associations successives, le maillage aux informations
positives appropriées, nécessaires à la réorganisation des réseaux de
mémoire.

! Les objectifs de la conceptualisation


La conceptualisation va s’orienter vers le repérage des différentes
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plaintes du patient dans le présent. Les expériences négatives du passé,


qu’elles soient perturbantes ou traumatiques, sont identifiées dans une
mise en lien avec la ou les problématiques du présent afin de développer
un plan de traitement approprié.
L’évaluation de la présence ou l’absence de ressources, de déficits
développementaux causés par les traumas précoces, et des capacités à
mobiliser des réseaux adaptatifs, contribuent à établir des hypothèses
sur la vitesse et l’engagement dans le travail de désensibilisation des
cibles pertinentes pour soulager le patient de sa symptomatologie.
Les projections vers le futur, une fois identifiées, permettent au théra-
peute d’apprécier leur réalisation potentielle en termes de changements
profonds et durables, compatibles avec le maintien de la stabilité

59
Aide-mémoire EMDR

psychologique de la personne aux différentes étapes de soin et ceci,


en tenant compte de l’équilibre du système familial et environnemental
dans lequel elle évolue.
Parfois des problématiques médicales, médico-légales, judicaires,
émergent lors des premières rencontres thérapeutiques : la phase de
5. De la conceptualisation de cas au plan de traitement

conceptualisation intègre aussi, dans la perspective d’une thérapie


EMDR, les différentes précautions cliniques et éthiques qui s’imposent
dans ce type de situation. Par exemple, l’obtention d’un consentement
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éclairé est exigée avant une thérapie EMDR, face à des risques de rechute
en cas de comportements addictifs ainsi que face à la possibilité de
mise à distance émotionnelle et de difficultés à se remémorer certains
détails des situations ou agressions traumatiques après traitement
EMDR, dans les contextes de témoignage victimologique ou en cas
d’expertises médicales et/ou judicaires.
Cette conceptualisation synthétise les considérations qui conduiront à
établir un ou plusieurs diagnostics. En effet la présentation clinique
ainsi mise en exergue peut regrouper une ou plusieurs problématiques
associées et recouvrir parfois plusieurs diagnostics concomitants (Kessler
et al., 1995) ; elle répondra le plus souvent, soit aux critères d’une
présentation clinique non complexe, soit à celle d’une présentation
clinique complexe.
La conceptualisation permet ainsi de poser l’indication, ou son corollaire,
la contre-indication de la thérapie EMDR à court terme : diverses
décisions cliniques, le recours à une phase de stabilisation ou à des orien-
tations thérapeutiques complémentaires (pharmacothérapie, thérapies
corporelles, orientations vers des groupes de médiation, consultations en
addictologie, ou en secteur social, judiciaire...), préalables au traitement
EMDR, font partie intégrante de la conceptualisation.
La conceptualisation pose le principe d’un plan de traitement intégral
et exerce la planification des soins dans une perspective intégrative.

60
Aide-mémoire EMDR

Quelles bases de données


pour la conceptualisation ?

Pour répondre à ces objectifs, nous pouvons nous interroger sur la


manière de recueillir les informations nécessaires à la conceptualisation

5. De la conceptualisation de cas au plan de traitement


de cas et à la construction du plan de traitement qui en découle.

! L’entretien clinique
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La rencontre du patient et du thérapeute autour de l’entretien clinique,
vise à établir la relation thérapeutique, à recevoir la demande de soin
et à recueillir les repères biographiques du patient. À cette occasion
nous serons attentifs au mode d’entrée en relation du patient, et à
la qualité du contact. Le ressenti contre-transférentiel du thérapeute
permet l’ébauche d’hypothèses psychopathologiques.

L’anamnèse
L’anamnèse permet de faire l’historique de la plainte, d’explorer sur la
vie entière les antécédents psychopathologiques, les épisodes de vie
difficiles, les événements traumatiques et perturbants et les facteurs
de vulnérabilité du patient. Le thérapeute peut identifier les ressources
et soutiens qui représentent les facteurs de résilience dont le patient
a bénéficié pour faire face, ainsi que les expériences positives de sa
vie. Au cours de cette phase, le patient peut évoquer les liens entre les
événements du passé et sa problématique actuelle, témoignant ainsi
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précocement de bonnes capacités d’élaboration, de bon augure pour le


travail thérapeutique.

Une cartographie des ressources et des traumas

Élaboré en séance et utilisé comme un objet de médiation dès les


premières séances avec des patients disposant de faibles capacités
d’élaboration, la cartographie des ressources et des traumas facilite la
mise à jour des événements de vie positifs et négatifs ayant ponctué le
parcours biographique de notre patient et en identifie leur nature.
L’occasion est donnée au thérapeute d’observer le matériel verbal
et non verbal, les attitudes et expressions émotionnelles corrélées
au récit autobiographique : le matériel s’exprime-t-il de manière

61
Aide-mémoire EMDR

congruente, discordante, désaffectivée ou inondée par des émotions


perturbantes incontrôlables ? Ces informations recueillies alimentent la
conceptualisation du cas et fournissent des éléments précieux pour le
plan de traitement. Les différents axes cliniques sont pressentis dès
l’abord du récit narratif autobiographique, même lorsqu’il se déroule de
5. De la conceptualisation de cas au plan de traitement

manière chaotique. Il faudra alors dès ce stade aider le patient à tolérer


et réguler ses affects. Par exemple, la conceptualisation peut prévoir
le renforcement de la psychoéducation dans le plan de traitement, en
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visant le développement de compétences pour augmenter la capacité à
gérer les réponses émotionnelles, ou la capacité à connecter les affects
sans convoquer de dissociation défensive ou/et, celle de rester dans le
présent en gardant la double attention, en amont même du retraitement
de cibles névralgiques du passé.

Âges

Traumas 10

Ressources

10 0 10
Intensité

Figure 5.1. La carte des ressources et des traumas


(Manuel niveau 1 EMDR, Institut Français d’EMDR p. 264, Edition 2015)

La figure 5.1 est construite la plupart du temps durant la séance à partir


du recueil de l’anamnèse. Elle donne un aperçu de l’équilibre entre les
ressources et les expériences traumatiques du sujet. Elle permet de faire

62
Aide-mémoire EMDR

apparaître selon les âges, les bons et les mauvais souvenirs, en évaluant
leur intensité positive et négative respectives, selon une échelle allant
de 0 à 10.

Histoire d’attachements

5. De la conceptualisation de cas au plan de traitement


Les stades précoces et pré-verbaux posent les bases de la construction
de la personnalité. C’est dire l’importance de l’exploration du contexte
relationnel du patient lors de sa petite enfance pour examiner, le type
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et les qualités du lien d’attachement avec les figures parentales et la
tonalité des empreintes précoces. Traumas et attachements comportent
un lien de synergie étroite ; une qualité d’attachement sécure (les
relations pérennes, prévisibles, en accord avec les besoins de l’enfant)
assure une sécurité intérieure et une estime de soi satisfaisantes lors
de la croissance psychologique et majore la capacité à faire face aux
événements aversifs de la vie. Lorsque les attachements ont été de type
anxieux/évitant ou de type anxieux/ambivalent et surtout désorganisés
(Bowlby, 1969 ; Ainsworth, 1978) la personnalité sera moins armée
et la probabilité de vivre sur un mode destructeur et traumatique des
relations ou des événements de vie négatifs augmente.
Ces éléments sont perceptibles lors des premiers entretiens cliniques
et seront pris en compte dans la construction du plan de traitement
pour favoriser une consolidation de l’équilibre psychologique du sujet
et mettre en exergue les points saillants à travailler en thérapie EMDR
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! Examiner la stabilité dans le présent


Dans la conceptualisation, nous tiendrons compte, pour la sécurité
du patient, de son niveau de stabilité dans le présent perceptible à
travers un bon équilibre somatique, psychologique, relationnel, social
et spirituel.
Parfois il est utile de renforcer la stabilité ; celle-ci sera alors consolidée
par la psychoéducation, par la mobilisation des ressources internes et
externes, relationnelles, symboliques (Korn & Leeds, 2002). C’est un
principe de précaution.
Un patient suffisamment stable aura un accès rapide au Lieu Sûr (Daniels
& Shapiro, 1997). Cette compétence renforcée va lui permettre d’être

63
Aide-mémoire EMDR

dans l’attention duelle « un pied dans le passé, un pied dans le présent »


(Shapiro, 2007) au cours du retraitement. Le patient qui aura la capacité
de réguler ses affects pourra rester dans sa fenêtre de tolérance (Ogden
et al., 2006).
C’est un principe d’efficacité clinique. Cette conjoncture présage
5. De la conceptualisation de cas au plan de traitement

d’une évolution favorable rapide des problématiques : les nombreuses


ressources et réseaux de mémoire fonctionnels alimentant l’efficience
du traitement adaptatif de l’information.
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! La relation thérapeutique
Définie par la qualité de l’accordage et de l’empathie et véhiculée par
l’alliance thérapeutique, la relation entre patient et thérapeute est
marquée par l’affiliation et la confiance réciproques tournées vers des
objectifs communs. Elle constitue le meilleur facteur prédictif de l’issue
de thérapies (Luborsky et al., 1985).
En thérapie EMDR, à toutes les phases, et dès le plan de traitement, la
relation thérapeutique – véritable filet de sécurité – procure un espace
symbolique de pare excitation et de holding contenant, indispensable
au traitement des épisodes de vie difficiles et traumatiques. L’alliance
thérapeutique va alimenter, sous l’angle du modèle théorique du TAI,
un réseau de mémoire fonctionnel et adaptatif. En activant, lors
du traitement EMDR, une atmosphère de sécurité (Dworkin, 2005)
et un système d’attachement sécure, qui contrecarre le système de
défense activé par les expériences traumatiques (Schore, 2009 ; Liotti,
1992), le lien thérapeutique devient catalyseur de la restauration des
mémoires traumatiques et participe de ce fait, à leur intégration et leur
mentalisation.
En deçà et autour de l’aspect technique du protocole, le lien d’empathie
et de soutien porté par la figure d’attachement essentielle que représente
le thérapeute (Dworkin, 2005) établit le levier prévalent d’un travail de
reconstruction et restructuration psychique qu’imposent les effets de
démolition induits par des traumatismes aigus ou/et cumulatifs.
La présence de la qualité de l’alliance thérapeutique et d’accordage avec
le thérapeute, associée à un bon niveau d’autonomie et de maturité dans
l’expression du désir de changement, déterminent un critère nécessaire,

64
Aide-mémoire EMDR

mais parfois non suffisant, en faveur d’un engagement à court terme


dans le traitement EMDR.

! La capacité au changement

5. De la conceptualisation de cas au plan de traitement


La conceptualisation prend en compte la disponibilité temporelle et
psychique du patient. Les bénéfices secondaires seront mis à jour :
le patient sera invité à exprimer ses réticences et ses peurs. Un
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positionnement ambivalent pourrait se manifester au cours du traitement
par des blocages de l’information et du TAI en empêchant l’accès à la
phase résolutive de l’intégration qui aurait participé à mobiliser le
changement.

! Le type de présentation clinique


La conceptualisation du cas clinique et la construction du plan de
traitement varieront dans leur forme et leur planification en fonction
du type de présentation clinique.

Rappel sur le type de traumatismes selon la proposition


de Francine Shapiro
Les traumas peuvent être classifiés (Shapiro, 2007) :
• En « T » quand l’événement répond aux critères A du Trouble de Stress
Post-Traumatique (TSPT) dans le DSM-V (APA, 2013) et à ceux du
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trauma simple et unique de type 1 (Terr, 1991) ;


• En « t » qui représentent des événements de vie perturbants, appar-
tenant au « trouble de l’adaptation » dans le DSM-V (APA, 2013)
tels qu’une vexation, un échec, un vécu de rejet, une séparation
sentimentale, des conflits au travail qui n’en sont que les exemples
les plus fréquents (Shapiro, 2007) définis à partir d’une notion élargie
du traumatisme lorsque l’événement entraîne une perte de contrôle,
une humiliation, des sentiments d’impuissance, sans exposition à la
mort (Carlson et Dalenberg, 2000 ; Catherall, 2004).

Notons que des scores d’Etats de Stress Post-Traumatiques (ESPT dans le


DSM-IV, APA, 2000) équivalents voire plus élevés, peuvent être obtenus
par cumuls d’événements « t » qui révèlent une incidence comparable

65
Aide-mémoire EMDR

et parfois plus toxique sur la pathologie actuelle que les « T » (Mol et


al., 2005).

La présentation clinique du patient peut être non complexe

Elle s’oriente vers les diagnostics de Trouble de Stress Post-Traumatique


5. De la conceptualisation de cas au plan de traitement

(TSPT), de l’État de Stress Aigu (ESA) ou d’un trouble de l’adaptation.


Par exemple, un accident de la voie publique traumatique peut entrainer
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dans les mois qui suivent un TSPT caractérisé avec symptômes de revi-
viscences, symptômes d’évitement, activation neurovégétative, troubles
dans les cognitions et de l’humeur... Une série d’agressions verbales
stressantes survenues dans la rue, quelques années auparavant chez un
adulte, occasionne encore de l’anxiété chez ce patient qui développe un
trouble de l’adaptation en étant tendu quand il circule à pied en ville.
Dans ces tableaux cliniques, le comportement est inapproprié dans un
secteur spécifique mais parfaitement adapté par ailleurs.

Parfois la présentation clinique peut être complexe

Elle résulte souvent d’un cumul de traumatismes de type 1 et de


type 21 répétés tels que violences physiques et sexuelles, cruauté
mentale, expériences de négligence affective (classification de Terr,
1991) survenues au cours des stades psycho-développementaux. Souvent
abusifs et émis par les figures d’attachement primaires, ils entraînent
autour de traumas relationnels précoces, des attachements désorganisés,
(Ainsworth, 1964) de la dissociation (Liotti, 1992) et s’accompagnent
de symptômes de dépersonnalisation de déréalisation (Van der Hart et
al., 2006)
Les tableaux psychopathologiques associent l’existence de plusieurs
problématiques, des troubles envahissants touchant l’affect, la relation
à l’autre et des symptômes post-traumatiques – ensemble diagnostiquant
l’existence d’un TSPT complexe – (Herman, 1992b), d’un Trouble
Dissociatif de l’Identité (TDI) ou de Troubles Dissociatifs Non Spécifiés
(TDNS) (DSM-V, 2013). Dans cette catégorie de tableaux cliniques

1. Si le trauma de Type 1 est le plus souvent d’une événement traumatique unique


est situé dans le temps, avec le trauma de Type 2, l’événement ou les événements
sont prolongés ou répétés.

66
Aide-mémoire EMDR

complexes, la présentation peut parfois être diffuse et indéfinie : les


capacités à nommer les troubles, définir le malaise, exprimer les émotions
et a fortiori faire des liens, s’avèrent limitées.

Des échelles de diagnostic et de repérage

5. De la conceptualisation de cas au plan de traitement


des troubles dissociatifs
Des outils d’évaluation complémentaires peuvent affiner les investiga-
tions cliniques pour recueillir les données nécessaires à la conceptualisa-
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tion ; outre l’évaluation psycho sociale, il est important de faire mention
des échelles de diagnostic et de repérage des troubles dissociatifs.
Nous citerons ci-dessous, les principales :
• l’Echelle d’Expériences Dissociatives. EED (Bernstein & Putman, 1986)
est un questionnaire d’auto-évaluation pour adultes, constitué de 28
items ; chaque item est gradué pour sa cotation de 0 % à 100 %
indiquant la fréquence de survenue d’un comportement ou d’un
symptôme dissociatif survenant dans la vie quotidienne. Une moyenne
du score total égale ou supérieure à 25 indique la présence d’une
psychopathologie dissociative ;
• l’Echelle SDQ20. Questionnaire de dissociation somatoforme à 20 items
(Nijenhuis et al., 1996), est utile pour le dépistage de la dimension
somatique des troubles dissociatifs ;
• le SCID-D. Interview clinique structurée pour le DSM-IV-Troubles
dissociatifs (Steinberg et al., 1990).
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La présence de troubles dissociatifs peut être source de résultats


aléatoires, voire d’échecs du traitement des cibles et entrainer le
patient soit dans des abréactions débordant ses capacités de gestion
émotionnelle (Ogden et al., 2006) soit dans une mise à distance rendant
le retraitement inopérant.

De la conceptualisation de cas
au plan de traitement

À l’aide de tous ces éléments précités et des objectifs définis avec le


patient, la conceptualisation de cas permet de construire un plan de

67
Aide-mémoire EMDR

traitement contenant et organisateur de la thérapie EMDR. La demande


du patient vise-t-elle une réduction ou disparition des symptômes
actuels ? Ou souhaite-t-il cheminer vers une psychothérapie intégrale
de toutes les problématiques actuelles ?
Quelle que soit la direction retenue, une étape de stabilisation par
5. De la conceptualisation de cas au plan de traitement

renforcement voire création de ressources peut s’avérer nécessaire. Les


objectifs seront l’amélioration du fonctionnement psycho-social et de
la gestion des émotions, ainsi que le développement des capacités
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relationnelles.
En cours de traitement, la demande de réduction de symptômes du
patient peut évoluer vers une demande de traitement intégral.

! Le renforcement des ressources


La figure 5.2 représente une étape du plan de traitement et concerne la
problématique des ressources. Les ressources peuvent exister mais ne
sont pas accessibles : elles peuvent être mobilisées par la technique
du renforcement des ressources avec des SBA ; en cas d’absence, elles
peuvent être installées et créées à partir d’orientations thérapeutiques
dont le patient retire des expériences positives. Dans ce contexte,
le retraitement du trauma réactive le TAI et facilite l’intégration des
souvenirs ; l’accès à la transformation du souvenir permet l’émergence
d’une cognition positive qui a son tour constitue une ressource.

! La réduction symptomatique
La décision de s’axer sur la réduction de symptômes ou leur élimination
est souvent articulée à une présentation clinique simple où un diagnostic
unique a été posé face à une problématique unique également. Du fait
d’une demande très circonscrite à la disparition d’un ou des symptômes
réactionnels à un événement récent et/ou unique, le temps de la thérapie
est limité.
Certains patients présentent quant à eux des tableaux plus complexes
consécutifs à des traumatismes anciens. Pour autant ils peuvent
souhaiter ne cibler que la problématique la plus perturbante dans le
présent en évitant même l’engagement vers le traitement des cibles du
passé à la base de cette problématique ; la réduction de symptômes qui

68
Aide-mémoire EMDR

Mobiliser
– Réveiller les réseaux positifs Retraiter
Adaptatifs dormants

5. De la conceptualisation de cas au plan de traitement


Faciliter l’intégration
avec le TAI
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et/ou

Installer
– Importer et introjecter
des ressources

Figure 5.2. Renforcer les ressources et retraiter les traumas : une approche globale

en résulte peut agir comme un facteur d’encouragement ou de reprise de


contrôle sur un vécu d’impuissance et de débordement et ces patients
peuvent secondairement donner un accord pour s’engager dans la suite
de leurs soins. C’est parfois le thérapeute qui guide le plan de traitement
en ce sens.
La modalité de thérapie brève centrée sur la réduction de symptômes,
peut être appliquée dans le cadre de recherches mais aussi, lorsque
le patient bénéficie d’une assistance pour quelques séances d’EMDR
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prises en charge financièrement par une compagnie d’assurance ou par


une mutuelle en cas de survenue d’événement unique à haut potentiel
traumatogène.

! La psychothérapie intégrale
Encouragé par la réduction de symptômes obtenue, le patient peut se
sentir plus apte à contenir ses émotions et alors demander un traitement
plus large. Le plan de traitement sera alors remodelé par le thérapeute.

69
Aide-mémoire EMDR

La conceptualisation favorise l’élaboration d’un plan de traitement adapté à la


présentation clinique en posant des repères stables, transparents et structurants ;
Que la présentation soit simple ou complexe, le plan de traitement intégrera si
nécessaire, la stabilisation, pour éviter des impasses et des complications cliniques
(Leeds, 2009) et s’acheminera, en toute sécurité, vers la construction de plans de
ciblage adaptés à chaque problématique.
5. De la conceptualisation de cas au plan de traitement

Dans ce contexte, l’activation du traitement adaptatif de l’information lors du


retraitement des cibles favorisera l’efficience et la stabilité des résultats cliniques
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de la thérapie EMDR augurant des prises de conscience et des changements
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interrelationnels qui alimentent la résilience psychologique du sujet.

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72
Aide-mémoire EMDR

6
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LE PROTOCOLE EMDR STANDARD

6. Le protocole EMDR standard


Les procédures EMDR standard :
huit phases et trois volets

Jenny Ann Rydberg


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La psychothérapie EMDR se déroule en huit phases et s’appuie sur un protocole


standard en trois volets temporels. Ces phases et ces volets temporels constituent les
procédures EMDR standard. Ils guident la conceptualisation de cas pour identifier les
cibles que sont les informations stockées en mémoire de manière dysfonctionnelle
qui selon la métaphore fondatrice du traitement adaptatif de l’information (TAI) sont
à l’origine de la symptomatologie actuelle.
Dans le langage usuel des praticiens EMDR, le terme « protocole standard » est
employé pour désigner autant les huit phases et les trois volets que la procédure
appliquée aux cibles des plans de ciblage.

73
Aide-mémoire EMDR

Les huit phases de la psychothérapie EMDR

Une prise en charge EMDR se constitue de huit phases. Le nombre de


séances consacrées à chaque phase et le nombre de phases abordées
en une même séance varieront d’un patient à l’autre. Les huit phases
correspondent à la chronologie du déroulement de la psychothérapie,
mais un certain chevauchement entre diverses phases sera inévitable.
En effet, chaque phase vise des objectifs qui seront toujours poursuivis
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et mis à jour tout au long du traitement (Shapiro, 1995, 2001, 2007,
2014, 2018).
Les phases 1 (« recueil de l’histoire ») et 2 (« préparation ») corres-
pondent à la démarche commune à un grand nombre de psychothérapies,
6. Le protocole EMDR standard

consistant à recueillir la problématique actuelle, à définir les attentes


ou buts, et à établir les actions à entreprendre pour y parvenir.
Les phases 3 à 6 (« évaluation », « désensibilisation », « installation »
et « scanner corporel ») sont celles qui utilisent les stimulations
bilatérales, communément identifiées comme étant « de l’EMDR »,
pour ceux qui y voient une simple technique ou méthode plutôt
qu’une approche psychothérapeutique complète. Elles ne peuvent
bien évidemment se déployer que grâce aux phases précédentes
qui ont élaboré une conceptualisation de cas définissant des buts
psychothérapeutiques ainsi que les moyens donnés pour y parvenir.
Elles abordent directement la désensibilisation et le retraitement des
souvenirs, des déclencheurs et des éventuels obstacles à la réalisation
d’une action future souhaitée, jusqu’à une résolution adaptative, avec
une augmentation des connexions avec des réseaux mnésiques positifs.
Les phases 7 (« clôture ») et 8 (« réévaluation ») reprennent des
éléments plus généraux de toute psychothérapie : en fin de séance,
le praticien s’assure que le patient est en état de reprendre sa vie
quotidienne ; d’autre part, il évalue régulièrement les effets des séances
précédentes, le vécu du patient et le déroulement de la prise en charge
pour ajuster le plan de traitement.

! Phase 1 : recueil de l’histoire et plan de traitement


Dans la première phase, le praticien accueille le récit du patient et
identifie les éléments marquants de son histoire, y compris son contexte

74
Aide-mémoire EMDR

actuel ; ensemble, praticien et patient établissent une alliance théra-


peutique, définissent des objectifs psychothérapeutiques correspondant
aux attentes et élaborent un plan de prise en charge comprenant les
ressources à développer ainsi que les événements passés, déclencheurs
présents et attentes futures en lien avec la problématique actuelle.

! Phase 2 : préparation
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Dans la deuxième phase, le praticien décrit la psychothérapie EMDR
et le modèle TAI, introduit les stimulations bilatérales, enseigne des
techniques d’autorégulation telles que le lieu sûr, évalue les ressources
et le soutien social dont dispose le patient pour déterminer s’ils sont

6. Le protocole EMDR standard


suffisants ou s’ils doivent être développés et renforcés avant de procéder
aux phases suivantes.

! Phase 3 : évaluation
La phase 3 permet d’obtenir les différents composants de la réaction
initiale à la cible qui sera traitée dans la séance (souvenir, déclencheur
ou scénario futur).

• Image. Le patient est invité à décrire l’image (ou la représentation sensorielle,


à défaut d’informations visuelles) qui correspond le mieux à la cible ou qui
représente le pire aspect de l’expérience ciblée.
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• Cognition négative. Le praticien demande au patient quels sont les mots qui
vont le mieux avec cette image (ou avec la représentation sensorielle s’il n’y a pas
d’image) et qui expriment sa croyance négative sur lui maintenant. Cette cognition
doit être négative, irrationnelle, autoréférencée et généralisable ; cet affect
verbalisé exprime ce que la cible évoque ou confirme comme appréciation sur
soi, « résonnant comme vrai maintenant ». Généralement, une cognition négative
appartient à l’un des trois registres suivants : a) la responsabilité/défaillance (« j’ai
mal fait » ou « je suis mauvais(e) »), b) le manque de sécurité et c) le manque
de contrôle.
Quelques exemples : je ne vaux rien, quelque chose ne va pas chez moi, je ne
suis pas quelqu’un de bien, je suis sale, je suis détestable, je suis en danger, je
serai abandonné(e), je suis impuissant(e), je suis hors de contrôle, je ne peux
pas réussir. ☞

75
Aide-mémoire EMDR

☞ • Cognition positive. Le praticien demande au patient, quand il pense à l’image,


ce qu’il aimerait croire de lui-même maintenant. Cette cognition doit être
autoréférencée, refléter le sens du changement désiré, être au moins un petit peu
crédible en tant que but espéré, généralisable, et concerner la même thématique
que la cognition négative. La formulation est positive (par exemple, « je suis fort »
ou « je suis bien comme je suis ») plutôt qu’une négation de la cognition négative
(par exemple, « je ne suis pas faible » ou « je ne suis pas nul »).
• Validité de la croyance (VOC : validity of cognition). Le praticien demande au
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patient d’évaluer, au niveau de son ressenti (de ses « tripes »), la validité de la
cognition positive (le praticien répète les mots de la cognition positive) lorsqu’il
pense à la cible. Cette échelle en sept points va de 1, « complètement faux », à
7, « complètement vrai ».
• Émotion. Le praticien demande au patient, lorsqu’il se centre sur l’image (le
praticien précise quelle est l’image) et sur les mots de la cognition négative (le
6. Le protocole EMDR standard

praticien répète les mots de la cognition négative), quelles émotions il éprouve


maintenant.
• Unités subjectives de perturbation (SUD : subjective units of disturbance).
Le patient est invité à évaluer le niveau de perturbation qu’il éprouve maintenant,
sur une échelle entre 0, « pas de perturbation », et 10, « le plus haut niveau de
perturbation imaginable ».
• Siège des sensations corporelles. Juste après avoir estimé le niveau de
perturbation ressentie (SUD), le patient est invité à localiser cette perturbation
en termes de sensations corporelles.

! Phase 4 : désensibilisation
La phase de désensibilisation (phase 4) suscite, par les stimulations
bilatérales (qui seront de préférence des mouvements oculaires mais
peuvent également consister en des sons, tapotements ou autres
stimulations tactiles alternées), l’expression des émotions perturbantes
du patient ainsi que des associations d’idées et des prises de conscience.
Au départ de la phase 4, le patient se centre sur l’image (or représentation
sensorielle) perturbante, la cognition négative et les sensations
physiques traduisant la perturbation émotionnelle. Au fil des séries
de stimulations bilatérales, le patient observe son expérience intérieure
qu’il décrit brièvement pendant les pauses. À la fin de chaque canal
d’associations, le praticien invite le patient à faire revenir la situation
initiale et la désensibilisation se poursuit jusqu’à parvenir à une absence

76
Aide-mémoire EMDR

de perturbation rapportée par le patient (valeur 0 sur l’échelle SUD, voire


1 si cette valeur est estimée comme étant écologique et adaptative).
Le praticien utilise des interventions supplémentaires (comme un
tissage cognitif ou des techniques d’accélération ou de décélération du
traitement) seulement en cas de blocage ou d’envahissement émotionnel
du patient.
La durée de cette phase est très variable et peut d’étendre d’une à
plusieurs séances. Si la désensibilisation n’est pas terminée, la séance
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est considérée incomplète ; le praticien vérifie que le patient retrouve un
état de stabilité à l’aide d’un ou de plusieurs exercices de stabilisation ;
ensemble, ils évoquent la période jusqu’à la séance suivante et la manière
dont le patient pourra gérer d’éventuels moments de perturbation.

6. Le protocole EMDR standard


En cas de séance incomplète, lors de la séance suivante, le praticien
réalise une « mini-phase 3 » en demandant au patient ce qui lui vient
maintenant quand il pense à la situation initiale, ainsi que l’émotion, le
SUD et les sensations corporelles ; la phase 4 reprend ensuite.

! Phase 5 : installation
La phase 5 vise à renforcer l’intégration de la réorganisation cognitive,
c’est-à-dire du changement de perspective sur la situation ciblée et de
la croyance autoréférencée. Les stimulations bilatérales permettent
d’intégrer la cognition positive souhaitée, ressentie comme étant
entièrement vraie (valeur 7 sur l’échelle VOC, voire 6 si cette valeur est
estimée comme étant écologique et adaptative).
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! Phase 6 : scanner corporel


La phase 6 permet de retraiter toute perturbation résiduelle s’exprimant
sur le plan somatique, en lien avec la cible et la cognition positive.

! Phase 7 : clôture
La phase 7 permet au patient de faire le point sur la séance et sur ce
qu’il souhaite en retenir. Le praticien s’assure que le patient est stabilisé
et en mesure de gérer toute perturbation pouvant émerger entre les
séances (par les techniques d’autorégulation et par la tenue d’un journal
de bord).

77
Aide-mémoire EMDR

! Phase 8 : réévaluation
La phase 8 consiste à vérifier les effets thérapeutiques et permet, par
les informations recueillies, d’actualiser le ou les plans de ciblage définis
en phase 1 et d’apporter le cas échéant des ressources ou des outils
d’autorégulation supplémentaires.
Si chaque phase se centre sur des aspects particuliers, Shapiro (2001,
2018) rappelle que les effets (la réduction des émotions négatives,
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l’augmentation de la confiance en ses capacités, des prises de conscience
et une compréhension nouvelle, la modification des sensations cor-
porelles et un changement de perspective cognitive) se produisent
simultanément à mesure que les informations dysfonctionnelles sont
6. Le protocole EMDR standard

retraitées.

Le protocole EMDR standard en trois volets

Tandis que les procédures EMDR standard s’appliquent à chaque séance


de retraitement, le protocole EMDR standard en trois volets orientent la
conceptualisation de cas et le déroulement de la prise en charge globale
du patient.
Les cibles à retraiter appartiennent à ces trois volets temporels :
– Les expériences passées qui ont fait le lit de la pathologie ;
– Les situations actuelles ou déclencheurs qui activent la perturbation
dans la vie présente ;
– Les modèles ou schémas nécessaires à une action appropriée à l’avenir.

Cependant, tous les souvenirs d’événements passés et tous les déclen-


cheurs ne devront pas être retraités individuellement, car tant l’expé-
rience clinique que la recherche contrôlée ont démontré la généralisation
des effets thérapeutiques depuis les cibles représentatives à d’autres sou-
venirs et stimuli similaires appartenant aux mêmes réseaux mnésiques
(Leeds, 2009).

78
Aide-mémoire EMDR

Ces procédures standard s’appliquent au traitement de divers troubles cliniques


autres que l’état de stress post-traumatique (ESPT) simple, auprès de populations
variées, dans différentes conditions et situations, nécessitant parfois une adaptation
qui s’opère au moyen de protocoles spécifiques qui modifient légèrement les huit
phases et l’application des trois volets temporels (Luber, 2009, 2010, 2013, 2015a,
2015b ; Shapiro, 1995, 2001, 2018).
La conceptualisation de cas, la définition d’un plan de traitement avec un ou
plusieurs plans de ciblage et l’introduction du travail psychothérapeutique (phases 1
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et 2) associées à la réévaluation régulière (phase 8) permettent de continuellement
ajuster l’identification des cibles (souvenirs, expériences, intrusions... tout élément
de mémoire en lien avec la problématique décrite par le patient) afin de répondre
au mieux aux objectifs thérapeutiques (Shapiro, 2001, 2007, 2018).

6. Le protocole EMDR standard


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79
Aide-mémoire EMDR

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6. Le protocole EMDR standard

80
Aide-mémoire EMDR

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LE PLAN DE CIBLAGE STANDARD

7. Le plan de ciblage standard


Martine Iracane

Le plan de traitement est défini à partir de l’évaluation de la stabilité du patient et


sa prise en charge, son type de présentation clinique (simple ou complexe) et du
repérage des différentes problématiques. Cette feuille de route établie, le thérapeute
va orienter l’application du traitement EMDR vers la problématique choisie par le
patient, en général celle qui est la plus perturbante pour lui actuellement, de laquelle
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il va faire émerger un plan de ciblage.


Le plan de ciblage est le recueil de cibles recensées, selon le modèle TAI (Traitement
Adaptatif de l’Information), sur trois temps à savoir le présent, le passé et le futur.
À partir de la plainte du patient le thérapeute recherche les différentes situations
actuelles qui déclenchent sa problématique, ce sont les déclencheurs (cibles du
présent). Puis à partir du déclencheur le plus perturbant il va rechercher les souvenirs
anciens, en lien avec cette problématique du présent, stockés dans des réseaux
de mémoire dysfonctionnels (cibles du passé), jusqu’au souvenir le plus ancien,
« le souvenir source. ». Ces cibles du passé sont à l’origine des symptômes actuels
du patient. Le thérapeute va enfin orienter le traitement vers le futur en invitant le
patient pour chaque déclencheur à envisager les réponses souhaitées.
S’il existe plusieurs plans de ciblage, selon qu’ils s’appliquent à des problématiques
spécifiques et/ou complexes, leur armature commune repose sur les bases du plan ☞

81
Aide-mémoire EMDR

☞ de ciblage standard proposé par Francine Shapiro qui pose les repères nécessaires
à une avancée sécure et exhaustive de la problématique alléguée par le patient et
que nous allons présenter dans ce chapitre.

Comprendre la structure du plan de ciblage standard


et sa finalité thérapeutique
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Toute problématique actuelle occasionnant souffrance et/ou symptômes
dans le quotidien peut être conceptualisée selon le modèle du Traitement
Adaptatif de l’Information (modèle TAI). L’hypothèse repose sur un
postulat : lorsque les épisodes de vie n’ont pas été psychologiquement
7. Le plan de ciblage standard

assimilés, les éléments qui composent ces expériences encodées et


enkystées dans leur forme initiale dans la mémoire, deviennent des
réseaux de mémoire pathogènes. Générant des symptômes dans le
présent, ils empêchent le changement et peuvent être responsables de
projections péjoratives vers l’avenir. C’est la mise en sens de ces liens
entre événements perturbants du présent et événements non traités du
passé qui va renforcer les capacités d’élaboration du patient.
La tâche du thérapeute est de recueillir l’ensemble des cibles du présent,
du passé et du futur élaborant ainsi un plan de ciblage, véritable feuille
de route pour le traitement de la problématique choisie avec le patient.
Chacune de ces cibles présentant un niveau de perturbation supérieur
ou égal à trois sur l’échelle des unités subjectives de perturbation
(SUD) (Shapiro, 2007) fera l’objet d’un retraitement des phases 3 à 8 du
protocole standard (voir chapitre sur les phases du protocole standard).
La problématique sera dépassée lorsque les cibles des trois temps du
traitement auront été traitées.
Les cibles du présent recueillies en première intention par le thérapeute
sont les « déclencheurs » de la symptomatologie du patient. Ce sont
les plaintes actuelles formulées par le patient, celles qui motivent la
démarche de consultation médico psychologique et qui sont parfois
les seules alléguées par le patient. Au moment de leur traitement,
à savoir après le traitement des cibles du passé, ils seront évalués
méthodiquement par l’évaluation de leur niveau de perturbation à
l’échelle du SUD. Ils sont souvent « affectés positivement par le

82
Aide-mémoire EMDR

retraitement des cibles du passé » mettant en lumière un effet de


généralisation (Shapiro, 2007). Toutefois, si leur niveau de perturbation
le nécessite, effet possible de leur ancrage par conditionnement, leur
retraitement sera effectué.
Enfin l’installation de scénarii positifs du futur à partir de chacun
des déclencheurs du présent constitue la troisième étape du plan
de ciblage. Cette exposition en imaginaire prépare les connexions
neuronales appropriées, et facilite l’apprentissage de nouvelles conduites
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d’adaptation (Shapiro, 2007).

« Là où s’oriente l’attention, des neurones s’allument ; et là où des neurones


s’allument, on peut établir de nouvelles connexions » (Siegel, 1999).

7. Le plan de ciblage standard


Construire le plan de ciblage standard

Le plan de ciblage standard que nous allons ici présenter est celui
le plus souvent utilisé dans les problématiques liées à un trauma
simple ou à des tableaux cliniques de présentation non complexes.
Dans ces cas spécifiques le patient relie spontanément ses symptômes
aux traumatismes vécus dont le plus ancien sera considéré comme le
souvenir source et la cause directe des symptômes.

Antoine, éboueur, a subi un accident de travail


Sa problématique consiste dans des manifestations d’angoisse.
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Dans le passé récent : il a été mordu par un chien au début de sa tournée lors
de l’enlèvement des ordures ménagères.
Les déclencheurs de ses crises d’angoisse sont apparus trois mois après
l’accident. Ce sont les moments où il croise un chien dans la rue, quand il
entend les aboiements du chien du voisin, quand il voit l’image de chiens à la
télévision, etc...
Le scénario du futur : dominer l’anxiété et faire face aux chiens tout en restant
prudent, mais confiant, de manière ainsi à envisager sa reprise de travail.

Dans d’autres types de présentations cliniques, les symptômes du présent


reposent sur une série d’expériences difficiles dont les liens sont moins

83
Aide-mémoire EMDR

conscients où l’origine des difficultés est moins claire rendant les cibles
moins accessibles.

Sylvie
Sylvie, mère de trois enfants et cadre en entreprise se plaint d’une difficulté de
prise de parole en public – situation à laquelle elle est fréquemment exposée
dans le contexte professionnel. La gêne est ancienne et la patiente fait peu
de liens avec l’origine de ce trouble invalidant. L’existence de ressources et de
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bonnes capacités d’adaptation indiquent une présentation clinique stable.

! La problématique du présent
7. Le plan de ciblage standard

La problématique actuelle représente toujours le point d’appel de la


construction du plan de ciblage. Elle s’active lorsque le patient est
confronté aux déclencheurs. Le thérapeute invite le patient à lister les
situations dans lesquelles il rencontre son problème. La focalisation par
la description précise de ces moments difficiles met le patient en contact
avec les contenus perceptifs, somatiques, émotionnels, cognitifs de ces
déclencheurs permet de trouver celui qui est le plus actif.
À la question :
« Dites-moi quelles situations, personnes ou lieux déclenchent cette
problématique dans votre vie actuelle ? »
Sylvie pourrait répondre : « C’est au travail surtout en réunion... Mais
c’est même avec mes amis au restaurant, j’ai peur de parler. »
« Quelles sont les expériences récentes qui représentent cette probléma-
tique ? »
Pour Sylvie, une réunion la semaine avant la consultation, un dîner
entre amis le week-end précédent.
« Quelle est l’expérience la plus perturbante ? »
Ainsi le déclencheur le plus perturbant pour elle est la présentation
orale du bilan financier mensuel au comité directeur quand tous les
regards de l’auditoire se sont tournés vers elle.

84
Aide-mémoire EMDR

! Les cibles du passé

À partir de ce déclencheur le plus perturbant, le patient est invité à


rechercher les expériences perturbantes du passé où il a eu un vécu sem-
blable (perceptif, émotionnel, cognitif, somatique, comportemental).
« Dans le passé, vous souvenez-vous d’autres moments de votre vie où
vous avez vécu la même chose ? » (le même comportement et/ou la
même réaction émotionnelle et/ou la même croyance négative et/ou la
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même sensation dans le corps ?)
Différents souvenirs peuvent ainsi émerger jusqu’au plus ancien acces-
sible à la conscience à savoir le « souvenir source ». Celui-ci est
considéré comme la racine de la problématique actuelle. Souvent c’est un

7. Le plan de ciblage standard


souvenir infantile où l’enfant vulnérable de par son âge a été confronté à
des sentiments d’impuissance, d’insécurité, d’incompréhension ne s’étant
pas senti ou n’ayant pas été soutenu par des figures d’attachement.
« En dehors des présentations aiguës et récentes, les fondations de la
problématique se situent, dans un passé référé à la période psycho
développementale » (Shapiro, 2007).
C’est sur l’empreinte laissée par cette expérience première, non méta-
bolisée, que d’autres expériences similaires vont venir ultérieurement
se déposer, amplifiant la problématique et les symptômes. Nous ne
sommes jamais sûrs que « ce souvenir source » corresponde réellement
au fondement de la problématique. Toutefois nous le considérons comme
une hypothèse de base du travail. Ainsi au cours du traitement, il
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se pourra qu’émerge un ou des souvenir(s) plus anciens constituant


l’expérience princeps de la problématique. Qu’il soit recomposé ou
inventé ne constitue pas un obstacle car c’est la dimension subjective
de la réalité psychique qui importe au traitement, plus que la réalité
historique et événementielle. Ainsi « le souvenir source » pourra être
une trace lointaine et flottante ou inscrite dans les mythes familiaux ou
dans les mémoires transgénérationnelles.
Pour Sylvie, grâce au questionnement direct elle rapporte comme cible
du passé : « Au lycée, Il fallait préparer des exposés, et parler devant la
classe... Je me disais que je ne pouvais pas y arriver... »

85
Aide-mémoire EMDR

Lorsque le questionnement direct est improductif, pour faciliter l’accès


au « souvenir source » le thérapeute pourra utiliser les techniques du
« floatback » et du « pont d’affect » que nous présentons ci-dessous.

La technique du floatback (Browning, 1999 ; Shapiro, 2007)

La technique du floatback de Browning (1999) permet grâce à une


régression temporelle, une exploration plus profonde (Shapiro, 2007).
Partant du souvenir le plus ancien mis à jour par le questionnement
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direct, le patient est invité à y associer une phrase négative sur lui ».
« Quelle croyance négative avez-vous vous concernant en pensant à
cette situation ? »
Pour Sylvie : « Je ne peux pas faire face. »
7. Le plan de ciblage standard

Puis à y joindre l’émotion associée.


Pour Sylvie : « Quelles sont les émotions que vous ressentez mainte-
nant ? »
« Et maintenant, pensez à la situation, notez quelle image vous vient à
l’esprit, ces mots négatifs (répéter la pensée négative), remarquez les
sentiments qui s’installent en vous, et laissez flotter votre esprit vers le
passé vers une époque lointaine de votre vie, peut-être quand vous étiez
un adolescent ou un enfant, ne recherchez pas quelque chose de précis...
laissez juste flotter votre esprit vers le passé et dites-moi la première scène
qui vous vient à l’esprit où vous avez eu les mêmes pensées ( répétez la
pensée négative) et éprouvé les mêmes ressentis de ( répétez les émotions
). »
Sylvie se souvient alors d’un épisode à 10 ans où, lors d’un repas de
famille, sa mère lui a demandé de réciter un poème où elle est restée sans
voix...
Le souvenir le plus ancien identifié grâce au floatback peut ne pas être
le « souvenir source », le thérapeute a alors la possibilité à partir de
celui-ci d’appliquer la technique du pont d’affect.

La technique du pont d’affect


La technique du pont d’affect (Shapiro, 2007) inspirée de la technique
de Watkins et Watkins (1971), met l’accent sur la sensation inscrite

86
Aide-mémoire EMDR

dans le corps. C’est l’empreinte somatique corrélée à la situation la plus


ancienne qui va « faire le pont » avec l’affect du souvenir passé.
« Concentrez-vous sur le souvenir, les émotions et les sensations dans
votre corps, et laissez votre esprit scanner dans le passé la première fois
où vous vous souvenez avoir eu ces sensations, qu’est-ce qui vient ? »
Sylvie grâce au pont d’affect rapporte un souvenir plus ancien : elle a 6
ans lorsqu’à la maison un soir, le téléphone a sonné pour annoncer le
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décès brutal de son grand-père...sa mère lui donne alors cette injonction :
« surtout ne dis rien à ta petite sœur ! » La parole est devenue source
d’angoisse par télescopage ou condensation avec le danger lié à la perte à
laquelle la petite fille ne pouvait subjectivement faire face. La pensée « je
ne peux pas faire face » convoquée dans les situations de « dire », est

7. Le plan de ciblage standard


restée figée avec tous les autres composants traumatiques de la cible...
La peur, les sensations physiques de danger...

! Le troisième temps du traitement : le futur


L’exploration du futur est conduite à partir des déclencheurs du
présent. Le patient est invité à imaginer ses réactions futures positives
désirées dans les situations déclenchantes de sa problématique. Il
s’agit d’imaginer un scénario précis pour chaque déclencheur du
présent comportant les éléments sensoriels, somatiques, cognitifs et
émotionnels. C’est une préparation mentale facilitant la réalisation.
Le traitement de l’information va ouvrir de nouvelles voies neuro
émotionnelles et préparer l’accomplissement de l’action (Shapiro, 2007).
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Ce futur correspond tout simplement à l’objectif thérapeutique du patient


référé à la problématique actuelle. La formulation doit être directement
positive sans double négation (« je serai calme » et non « je ne serai
pas anxieux »)
Chaque déclencheur donnera accès à son propre scénario du futur.
« Quand vous pensez aux difficultés que vous avez décrites auparavant,
comment aimeriez-vous vous imaginer dans le futur dans une situation
similaire ? »
« Je voudrais être capable de parler à mes collaborateurs et supérieurs
au travail, simplement en restant calme ; et dans des situations privées
comme le restaurant entre amis, également. »

87
Aide-mémoire EMDR

! Synthèse

Le plan de ciblage standard : synthèse de l’exemple de Sylvie


Problématique actuelle : la peur de parler en public
Déclencheurs actuels :
Situation : au travail, quand la patiente remet son compte rendu au comité directeur.
Situation : au restaurant, en présence d’amis.
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Situation retenue la plus perturbante : quand la patiente remet son compte rendu
au comité directeur et que tous les regards de l’auditoire se sont tournés vers elle.
Événements du passé :
Dans le passé :
souvenir 1 du passé : « Au lycée lors des exposés devant la classe ».
7. Le plan de ciblage standard

souvenir 2 du passé : « À table, réciter ma poésie devant la famille ».


Souvenir source : lors de l’annonce du décès de son grand-père quand sa mère
lui a demandé de ne pas le dire à sa petite sœur
Scénario du futur :
être capable de parler à ses collaborateurs et supérieurs au travail, simplement, en
restant calme ; et dans des situations privées également ;
partager des moments de convivialité, en restant sereine lors des échanges verbaux.

Futur

?
La problématique retenue

La situation
Présent Perception-/CN-/
Déclencheur Déclencheur
sensation-/émotion- QD QD

FB
S1 Souvenir passé 1
?
PA
S2 Souvenir passé 2

Passé SS Souvenir Source

Figure 7.1. La construction du plan de ciblage standard

88
Aide-mémoire EMDR

La figure 7.1 représente la démarche de construction du plan de ciblage


standard en trois temps :
– Étape 1 : le temps du présent correspond à la recherche des
déclencheurs de la problématique et en leur sein, du repérage de
la situation la plus perturbante. Le patient focalise alors sur une
perception gênante (image, son, odeur...), et/ou une pensée négative,
et/ou une émotion, et/ou une sensation physique dominante attachée
à cette situation, pour partir en quête des événements du passé.
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– Étape 2 : le temps du passé. Par le questionnement direct (QD) en
première intention, puis le float back (FB) et enfin le pont d’affect
(PA) si nécessaire le patient part à la recherche des souvenirs du passé
jusqu’au « souvenir source ».

7. Le plan de ciblage standard


– Étape 3 : le temps du futur. Le patient est invité pour chaque
déclencheur à se projeter en imagination vers un futur intégrant
la solution à son problème.

Remarques importantes

Ces techniques (FB et PA) importées de l’hypnose ericksonienne peuvent


contourner les résistances et les défenses et faire émerger de manière
impromptue, des souvenirs enfouis. Dès cette phase de la thérapie, les
capacités de contenance émotionnelle du patient pourraient se voir
alors débordées.
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Aussi, il convient d’en informer le patient (voir phase 1 du protocole


(Histoire du patient), consentement éclairé et psycho éducation) et
de le préparer. Avant même de commencer la construction du plan de
ciblage, le thérapeute aura pris soin d’armer le patient de techniques
de distanciation et de stabilisation : techniques du contenant (Murray,
2011) et de distanciation (écran, vidéo, voir phase 2 du protocole
nommée Préparation), technique de stabilisation comme le lieu sûr
proposée par Neal Daniels et adaptée par Francine Shapiro (Shapiro,
2007) ou toute autre approche apaisante). La reprise de contrôle par

89
Aide-mémoire EMDR

le patient de ces remontées mnésiques amène immédiatement une


anxiolyse1 et répare le vécu d’impuissance.

Les plans de ciblage spécifiques

Les modalités de recueil des cibles et les phases du traitement varient


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selon la complexité et la spécificité des problématiques alléguées par les
patients. Ainsi, le plan de ciblage pourra être assoupli dans sa procédure
d’application par un maillage avec des techniques de stabilisation pour
les patients narcissiquement plus fragiles. (Korn et Leeds, 2002) (pour
plus d’éléments voir les chapitres consacrés à la stabilisation et aux
7. Le plan de ciblage standard

traumas complexes).
Cependant la structure en trois temps restera toujours une constante.
Nous renvoyons le lecteur aux chapitres correspondants aux problé-
matiques particulières qui donnent lieu à la construction de plans
de ciblages spécifiques (traumas récents, troubles somatiques et
psychosomatiques, phobies et protocoles de groupe, prise en charge des
enfants et famille).

En respectant les trois temps du traitement (passé, présent et futur) le plan de


ciblage garantit une approche thérapeutique rigoureuse, séquentielle et exhaustive
de la problématique.
Pour le patient, il fournit un espace d’élaboration et d’introspection en stimulant le
contrôle positif. Les mises en perspective présent/passé vont faciliter la projection
vers une représentation d’un futur adapté.
Pour le thérapeute, il représente une feuille de route et un guide de progression
vers une résolution complète de la problématique, en minorant le risque de
déstabilisation du patient.

1. Réduction de l’anxiété.

90
Aide-mémoire EMDR

Bibliographie

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91
Aide-mémoire EMDR

8
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8. Les cognitions dans la thérapie EMDR
LES COGNITIONS DANS LA THÉRAPIE EMDR

Hélène Dellucci, Gabrielle Bouvier

L’utilisation des cognitions en thérapie EMDR est fondamentale pour un retraitement


efficace. Elle participe grandement au remaniement des souvenirs traumatiques
stockés de façon dysfonctionnelle. Les cognitions utilisées sont de deux sortes,
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

négatives et positives. La cognition négative est indispensable pour le démarrage


du processus de retraitement et la cognition positive nécessaire pour définir un but
à atteindre. La cognition positive permet, par son aspect généralisable, de restaurer
des capacités d’apprentissage et agir comme un facteur de protection face à de
nouveaux événements négatifs.

En EMDR, les cognitions sont fondamentales. Les trouver, dans leur juste
formulation, est souvent un défi tant pour les patients que pour les
thérapeutes. Sont-elles vraiment nécessaires ? Répondent-elles à des
contraintes ? Devons-nous parfois les aménager (enfants, adolescents,
personnes âgées ou déficitaires) ? Y a-t-il des façons de nous aider à
les trouver ?

93
Aide-mémoire EMDR

Définition

Une cognition est une croyance que nous avons à propos de nous-mêmes
et qui organise notre perception, notre pensée et la planification de
nos actions. Nous savons qu’un souvenir traumatique est constitué de
matériel stocké de façon dysfonctionnelle et bloqué dans le temps.
Une partie de cet apprentissage (par exemple « je suis en danger »,
« je ne peux faire confiance à personne », « je ne peux rien faire »),
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bloquée dans le système de survie, qui a été très utile au moment de son
installation, devient dysfonctionnelle avec le temps qui passe, surtout
8. Les cognitions dans la thérapie EMDR

si celle-ci sous-tend toute nouvelle expérience.


Une cognition est une conviction sur soi qui nous définit en tant que
personne. Ce n’est ni une action, (par exemple « je gère »), ni une
émotion, (par exeple « j’ai peur »), ni une affirmation sur autrui (par
exemple « il/elle/c’est dégoûtant »). Sa formulation doit donc être
autoréférencée : « je suis ... », « je peux ».
Les cognitions restent souvent implicites, tout en agissant sur un plan
sous-cortical. Elles sont attachées à des émotions et à des sensations
corporelles (Damasio, 1995). C’est au thérapeute EMDR de permettre
au patient de les rendre explicites en lien avec la situation ciblée. Les
critères de la cognition négative sont les suivants : cette croyance doit
être autoréférencée, c’est-à-dire formulée à la 1re personne, irrationnelle,
actuelle et en lien avec la problématique du patient, généralisable, et
avoir une résonance affective.
La définition d’une cognition négative va permettre de définir ensuite
une cognition positive, c’est-à-dire un objectif à atteindre. Il s’agit
d’une conviction positive à propos de soi, dont le lieu de contrôle est
interne, qui est en lien avec le désir de changement du patient et qui
peut être généralisable à d’autres situations. Dans le protocole EMDR, il
sera important que cognition négative et positive autour d’une situation
donnée fassent partie du même thème.

94
Aide-mémoire EMDR

Différents thèmes de cognitions

En EMDR, les cognitions se répartissent entre quatre thèmes : la sécurité,


(par exemple « je vais mourir »), qui montre chez le patient une
confusion de temps entre le présent et le passé ; la possibilité de faire
un choix ou d’avoir le contrôle (par exemple « je ne peux rien faire »),
montrant une confusion du le lieu de contrôle (interne versus externe) ;
la responsabilité, divisée en deux pôles : celui de l’être, l’estime de soi
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(par exemple « je ne vaux rien ») et celui de la culpabilité (par exemple
« je suis coupable »), montrant chez le patient une confusion entre soi

8. Les cognitions dans la thérapie EMDR


et l’autre.
C’est au thérapeute d’accompagner le patient dans le cheminement de
l’identification de la cognition négative sous-jacente à sa problématique.
Ceci implique que le thérapeute ait en tête ces thèmes, soit sous forme
de cognitions prototypiques (s’agit-il d’une problématique de sécurité,
de choix, de culpabilité ou d’estime de soi ?), soit sous forme de genre
de confusion (le patient confond-il le temps, le lieu de contrôle ou entre
lui-même et l’autre ?).
Parfois, certaines formulations peuvent faire référence à sur plusieurs
thèmes. « Je suis faible » par exemple peut autant vouloir dire « je
suis nul » (estime de soi, confusion entre soi et l’autre) que « je suis
vulnérable » (sécurité ou confusion de temps) mais encore « je ne
peux rien faire » (confusion du lieu de contrôle). Le thérapeute, par ce
questionnement, aidera le patient à expliciter le thème qui sera le plus
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en lien avec la problématique.


À noter la cognition « je n’existe pas », qui occupe une place particu-
lière : cette cognition représente pour nous le socle de la traumatisation
complexe. Elle apparaît notamment en lien avec le retraitement des
mémoires préverbales. Elle se retrouve également dans les troubles de
personnalité s’exprimant soit sur le plan narcissique, « je ne suis pas
vu », soit sur le plan abandonnique, « je ne compte pas ». La cognition
positive correspondante, « j’existe », plus abstraite peut nécessiter une
reformulation en « je compte », « je peux prendre ma place », « je peux
être vu » ou « je peux être moi-même ».
Parfois la cognition négative est formulée de façon positive : « je dois
être parfait », « je suis génial ». Rappelons-nous qu’elle accompagne

95
Aide-mémoire EMDR

le stockage dysfonctionnel d’un souvenir et que nous cherchons une


information inadéquate par rapport au souvenir ciblé. Un événement
tragique peut avoir été « embelli » par un stockage dysfonctionnel, par
exemple un patient en injonction de soins, qui décrit une agression
sexuelle à 6 ans comme une révélation, avec la cognition négative
« je suis un grand séducteur ». Le travail de retraitement a pour but
de rendre davantage fonctionnel ce souvenir, ce qui implique pour ce
patient, de comprendre que cette « expérience » était une agression et
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qu’il puisse être touché par la souffrance de l’enfant qu’il a été.
8. Les cognitions dans la thérapie EMDR

Établir de bonnes cognitions négative et positive ?

Le meilleur moyen de définir une bonne cognition négative consiste à


obtenir une image suffisamment précise, exprimée en termes d’une entrée
sensorielle tangible, c’est-à-dire quelque chose qui est vu, entendu
ou senti, peu importe qu’il s’agisse d’une perception réelle ou non.
L’activation provoquée par une image suffisamment nette permet de
prendre contact avec le réseau dysfonctionnel, donc également avec la
cognition qui l’organise.
La formulation invitant le patient à formuler sa cognition négative peut
paraître compliquée de prime abord, du fait qu’elle contient plusieurs
propositions. Nous invitons le thérapeute à la formuler avec la prosodie
suivante :
– Quand vous regardez cette image...
– quels sont les mots qui vous viennent à l’esprit...
– qui disent quelque chose de négatif sur vous...
– et qui résonnent comme vrai...
– maintenant ?

Ce rythme permet au patient d’entendre un item à la fois, et lui laisse le


temps de comprendre la question. Il arrive fréquemment que la réponse
du patient ne soit pas encore la bonne formulation d’une cognition
négative, amenant le thérapeute à continuer le questionnement tel que
« quand vous dites... qu’est-ce que cela dit de vous ? », ou bien « ...
qu’est-ce que cela dit de vous en tant que personne ? »

96
Aide-mémoire EMDR

La cognition positive arrive comme un objectif à atteindre par rapport à


la problématique visée. De ce fait, elle doit être formulée dans le même
thème que la cognition négative. Quant à sa formulation, nous invitons
le thérapeute à avoir recours à la même prosodie que pour la recherche
de la cognition négative :
– Quand vous regardez cette image... (il peut être utile de répéter
l’image)
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– plutôt que... (répéter la cognition négative),
– qu’est-ce que vous voudriez penser de vous-même...

8. Les cognitions dans la thérapie EMDR


– même si vous n’y croyez pas en ce moment ?

Cette formulation est plus longue que celle qui est enseignée. Elle
contient la mention, souvent implicite et mal comprise des patients, que
la croyance positive, quoiqu’enviable, n’est pas crédible actuellement.
Lorsque le patient ne comprend pas ces formulations, nous lui rappelons
que c’est la partie la plus ardue, et nous répétons la formulation citée
ci-dessus. Il se peut qu’il ait juste besoin d’un peu de temps pour se
familiariser avec ce questionnement particulier.

Cognitions et plan de ciblage

Le plan de ciblage peut déjà contenir des cognitions, surtout s’il


s’agit de cognitions fondamentales. Elles permettent ainsi de mettre à
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jour un ensemble de réseaux dysfonctionnels. Étant donné sa fonction


organisatrice, le thérapeute EMDR peut se servir de la cognition négative
comme d’une tête chercheuse pour mettre à jour les événements du
passé en lien avec la problématique. Apparaissent alors des cibles dont
le patient n’avait souvent pas fait état lors de l’anamnèse, ce qui permet
des prises de conscience, mais ce qui peut aussi déstabiliser.
Même si le plan de ciblage se fait en phase 1 de la thérapie EMDR,
nous encourageons les thérapeutes EMDR à installer un lieu sûr et
un contenant (phase 2) au préalable de façon à pouvoir confiner ces
souvenirs en attendant de pouvoir les aborder et stabiliser le patient.
La recherche de la cognition positive et l’installation du scénario du
futur agissent aussi comme des éléments stabilisateurs.

97
Aide-mémoire EMDR

Les cognitions dans la phase d’évaluation

David Servan Schreiber nous enseignait que les cognitions font partie
du trépied indispensable pour correctement activer un réseau neuronal
dans le but d’un retraitement efficace : l’image, la cognition négative et
le siège de la sensation corporelle. Si nous voulons donc efficacement
et durablement retraiter un événement du passé, nous ne pouvons pas
faire l’impasse sur les cognitions.
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La bonne définition des cognitions non seulement facilite le retraitement,
8. Les cognitions dans la thérapie EMDR

mais entraîne le processus associatif vers d’autres ramifications.


Parfois, lors de la phase 3, une vague émotionnelle peut émerger. De
manière cohérente avec les recherches de Sack et ses collègues (2007,
2008a, 2008b), nous commençons dès lors les stimulations bilatérales
alternées (SBA), en vue d’activer le système parasympathique ventral
et de ce fait produire un apaisement corporel, ce qui est rapidement
obtenu dans la plupart des cas. Étant donné qu’un des buts de la phase
3 est d’activer le réseau mnésique, il nous paraît important, lorsqu’une
abréaction émerge, de l’accompagner à ce moment, de sorte que le
patient se sente soutenu et en sécurité. Ensuite, nous retournons là où
nous en étions de la phase 3 et continuons le protocole.

Cognitions et enfants, adolescents,


personnes déficitaires et grand âge

Chez les enfants, le protocole standard est réduit pour s’adapter à leur
stade développemental. Chez les enfants uniquement, une cognition
peut aussi être une émotion, (par exemple « j’ai peur »).
Avant 4 ou 5 ans, les questions sur les cognitions ne font pas partie
du protocole. Dès 4/5 ans, le thérapeute peut poser la question de
la cognition négative, mais avec d’autres mots que chez les adultes :
« Quels sont les mots méchants qui te viennent dans la tête quand tu
penses à... (répéter l’image) ? »
À partir de 7/8 ans, il est utile de rechercher également la cognition
positive et la VOC, sans qu’elles ne soient forcément obtenues. Cette

98
Aide-mémoire EMDR

logique s’applique jusqu’au travail avec les adolescents (Morris-Smith


& Silvestre, 2015). Le plus important pour le thérapeute EMDR sera de
suivre les capacités cognitives de l’enfant.
Certaines formulations ou protocoles, utiles pour les enfants, peuvent
l’être également pour les personnes déficitaires. Cependant, nous
invitons le thérapeute à ne pas sous-estimer les capacités du patient et
à ne jamais faire l’économie de poser la question des cognitions. Plus
d’une fois, nous avons été surpris par une réponse tout à fait adéquate
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que nous supposions difficile a priori.

8. Les cognitions dans la thérapie EMDR


Pour les adolescents en général, comme pour toute personne appartenant
à une culture collectiviste, où le regard de l’autre est particulièrement
important, il peut être utile de reformuler la recherche de la cognition
négative sous une forme indirecte, (par exemple « que craignez-vous que
les autres puissent dire de vous de pire ? »), qui peut nous permettre
d’obtenir une cognition négative correspondant à nos critères.
Les personnes âgées, lorsqu’elles présentent des déficits cognitifs, nous
amènent à faire l’impasse sur les cognitions dans un premier temps.
Ici aussi, il est utile de commencer par poser les questions sur les
cognitions comme à toute personne, sans supposer que la personne
âgée ne puisse y répondre.

Cognitions, trauma complexe et chronicité


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Pour les patients dépressifs, Hofmann et ses collègues (Hofmann et al.,


2014 ; Hase et al., 2015) préconisent de cibler dans un premier temps
les « événements de vie stressants » en termes de pertes, de deuils et
d’humiliations. Cela permet, selon ces auteurs, d’assouplir la dépression,
ce qui pourrait faciliter l’accès aux autres cibles traumatiques. Hofmann
soutient que pour déloger la chronicité des patients dépressifs à rechutes
multiples, cibler les cognitions est incontournable.
Parfois, des patients traumatisés complexes se présentent avec des
cognitions fondamentales (Janoff-Bulman, 1992) qui semblent organiser
leurs perceptions, leur façon d’appréhender le monde et leurs défenses.
C’est ici qu’un plan de ciblage à partir d’une cognition négative prise
comme une problématique à part entière, tel que le propose de Jongh

99
Aide-mémoire EMDR

(de Jongh, ten Broecke & Maijer, 2010) devient particulièrement utile.
Le questionnement des déclencheurs se fait autour des occurrences
de pensée : « Dans quelles situations de la vie quotidienne, il vous
arrive de penser cela ? » Émerge alors une liste de déclencheurs qui ont
l’air anodins pour tout un chacun, mais pas pour ce patient. Pour lui,
cela signifie le début d’un fonctionnement automatisé et implicite, qui
s’emballe et qui n’est plus du tout adapté. Les souvenirs du passé sont
recherchés de la manière suivante : « Quels sont les souvenirs du passé
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qui prouvent que... (répéter la cognition négative) ? ». Le souvenir
source est la toute première fois où le patient a pensé cela de lui.
8. Les cognitions dans la thérapie EMDR

Lanius et al. (2010) nous propose un modèle dans lequel elle préconise
que 30 % des patients traumatisés complexes n’ont pas un accès facile
aux émotions, et réagissent à l’évocation d’un trauma par une activation
majeure des aires préfrontales inhibant le système limbique et les aires
responsables du ressenti corporel. Avec ces patients, nous observons
régulièrement que l’émotion s’émousse le long de la phase 3, notamment
après la définition des cognitions. Dans ces cas, mais aussi avec les
patients fragiles, nous faisons le choix de laisser de côté les cognitions
en phase 3, de façon à limiter cette inhibition limbique et ainsi faciliter
l’accès au réseau traumatique et à l’émotion qui y est contenue.
Au terme de la phase de désensibilisation, nous continuons avec une
phase 5, lors de laquelle la cognition positive est définie : « Lorsque
vous pensez à la situation initiale, quels sont les mots qui vous viennent
à l’esprit, et qui disent quelque chose de positif sur vous ? » Le
travail de retraitement continue comme d’habitude. Avec ces patients,
l’accès aux cognitions et le retraitement fluide à partir de celles-ci est
l’aboutissement d’une tolérance à l’affect suffisante.

Les cognitions en thérapie EMDR sont fondamentales pour un travail psychothéra-


peutique efficace et en profondeur, permettant une réorganisation de la perception
et de l’expérience sur le plan cognitif et affectif. Outre le stockage fonctionnel de
l’expérience, le travail à l’aide des cognitions favorise un apprentissage au-delà du
souvenir abordé. Le processus EMDR permet, par la généralisation des cognitions
positives, aux personnes d’être mieux armées pour le futur. Si les événements
négatifs ne peuvent se prévenir, le blocage de ceux-ci en réseaux traumatiques
semble moindre chez des personnes plus solides, plus stables et plus à même
d’apprendre de leurs expériences.

100
Aide-mémoire EMDR

Bibliographie

DAMASIO, A. R. (1995). L’erreur de Des- LANIUS, R.A., VERMETTEN, E., LOEWENSTEIN,


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8. Les cognitions dans la thérapie EMDR


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101
Aide-mémoire EMDR

9. Le protocole des scénarios futurs de la thérapie EMDR


9
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LE PROTOCOLE DES SCÉNARIOS FUTURS1
DE LA THÉRAPIE EMDR

Eva Zimmermann

La thérapie EMDR est une thérapie en huit phases et en trois temps. Les huit phases
permettant d’identifier les cibles du passé à traiter pour en définir un plan de ciblage,
et à les retraiter ensuite l’une après l’autre. Les trois temps représentent le guide
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chronologique « passé-présent-avenir » pour le suivi des cibles dans l’avancement de


la thérapie. En élaborant un plan de ciblage, il importe d’identifier les cibles du passé
liées à la problématique du patient ainsi que tous les déclencheurs de réactions
inadaptées ou d’autres symptômes présents. Chaque déclencheur présent a son
scénario futur correspondant ; autrement dit, un scénario futur est une situation
où le même déclencheur se représente dans un avenir plus ou moins proche.
Ces scénarios futurs constitueront des cibles et représentent donc le troisième
temps du traitement. L’application du protocole des scénarios du futur permet de
contrôler les effets du retraitement des cibles du passé (étant à la base de la ☞

1. Il est commun d’utiliser les termes de « scénarios du futur » ce qui est incorrect.
Il convient plutôt de parler de « scénarios futurs » expression que nous avons retenus.
Nous aurions aussi pu privilégier les termes de « scenarii futurs ».

103
Aide-mémoire EMDR

☞ pathologie, comme stipulé par le modèle TAI ; Shapiro, 2001, 2018) ainsi que
des déclencheurs actuels et de bien préparer les réactions futures souhaitées de
même que de diminuer l’anxiété anticipatoire pour tout comportement ou situation
futurs inconnus ou nouveaux. Le traitement en thérapie EMDR ne sera complet
que lorsque l’application du protocole des scénarios futurs ne révélera plus aucune
9. Le protocole des scénarios futurs de la thérapie EMDR

cible supplémentaire à retraiter et que les effets seront sans exception neutres, voire
positifs.
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Les protocoles des scénarios futurs

! Généralités et objectifs
La thérapie EMDR est une thérapie en huit phases et en trois temps. Les
scénarios futurs représentent le troisième temps ou la troisième étape
dans l’approche en trois temps. En cas de traitement de souvenirs cibles
avec un plan de traitement standard, les scénarios futurs sont considérés
comme la fin du traitement, assurant ainsi un traitement complet. Pour
des cas plus complexes, le traitement de cibles futures peut s’avérer une
étape intermédiaire, voire initiale de la thérapie EMDR. Les objectifs
quant au traitement des scénarios futurs sont d’une part, de préparer
le patient de manière optimale à des situations futures représentant un
défi pour lui et d’en supprimer la dernière charge affective (exemple :
l’anxiété anticipatoire) qui pourrait bloquer ou empêcher le patient
d’aborder des actions futures. D’autre part, il s’agit également de le
préparer avec une nouvelle vision ou de nouvelles attitudes par rapport
à un avenir encore inconnu ou inhabituel, car jadis toujours évité, et
d’en repérer des blocages possibles jusque-là non identifiés.

! La place des scénarios futurs dans le plan de ciblage


Comme mentionné, un plan de ciblage est élaboré généralement durant
la phase 1 du traitement en huit phases, c’est-à-dire en parallèle à et à
la suite de l’entretien d’anamnèse. Selon la théorie de la thérapie EMDR
et du modèle TAI (voir chapitre 1), aucun comportement (y compris
« dysfonctionnel ») n’est dû au hasard, mais prend son origine dans des
expériences passées ayant conduit au succès ou à l’échec, au calme et
à la satisfaction, ou alors à des émotions fortes et à un malaise. Les

104
Aide-mémoire EMDR

problèmes actuels du patient sont considérés comme étant le ou les


symptômes indiquant des souvenirs stockés de manière dysfonctionnelle
dans de réseaux mnésiques isolés et aux effets néfastes sur la manière
de vivre le présent (Shapiro, 2018 ; Solomon & Shapiro, 2008). Ce sont
généralement ces symptômes dérangeants qui amènent nos patients à

9. Le protocole des scénarios futurs de la thérapie EMDR


venir consulter. Des émotions, attitudes ou sensations sont revécues
dans le présent comme lors de l’événement, car l’événement a été
« stocké » dans le cerveau dans son état original au moment où les faits
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se sont déroulés, sans que le souvenir ait pu bénéficier d’un retraitement
adaptatif de ses éléments. De nombreux évitements de comportements
souhaités à l’avenir peuvent en résulter. L’élaboration du plan de ciblage
vise donc à identifier non seulement les cibles du passé, mais les
déclencheurs actuels et les comportements évités en raison de l’anxiété
anticipatoire qui empêche la survenue des comportements parfois même
très souhaités, mais trop appréhendés ou avec une issue trop incertaine
selon l’estimation du patient. En élaborant donc le plan de ciblage, un
accent important est mis sur l’identification de cibles futures en lien
avec les déclencheurs présents.
L’évitement maintient les symptômes. Dépasser l’évitement pour tout
comportement appréhendé fait partie intégrante du traitement des
scénarios futurs.

Élaborer un plan de ciblage

L’élaboration du plan de ciblage a donc pour but principal d’identifier


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les cibles à retraiter dans les trois temps (voir chapitres 6 et 9).
L’identification des déclencheurs présents et leurs scénarios futurs fait
partie de la planification du traitement (phase 1). Néanmoins, durant
tout le traitement à travers les trois temps (c’est-à-dire durant le
retraitement de cibles du passé et du présent), de nouvelles cibles (par
exemple de nouveaux déclencheurs) peuvent apparaître, voire doivent
être recherchées activement (Shapiro, 2018) par le clinicien, car le
retraitement de traumatismes peut faire émerger des comportements
dysfonctionnels cachés. Si ce cas se présente, les nouvelles cibles sont
tout simplement rajoutées au plan de ciblage et ensuite traitées en
suivant la chronologie du plan de ciblage (passé-présent-avenir). Chaque
nouveau déclencheur représente une nouvelle cible dans l’avenir. Une
fois les cibles identifiées et la patiente suffisamment stabilisée, les

105
Aide-mémoire EMDR

séances de retraitement (phases 3 à 7/8) avec chaque cible peuvent


être effectuées dans l’ordre chronologique, pour les plans de ciblage
standard et le traitement du Trouble de Stress Post-Traumatique (TSPT,
DSM-V, F 43.1).
9. Le protocole des scénarios futurs de la thérapie EMDR

Les scénarios futurs lors de l’élaboration du plan de ciblage


Lors de l’élaboration du plan de ciblage, les scénarios futurs sont
plutôt peu élaborés. Il est notamment demandé à la patiente durant
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l’élaboration du plan de ciblage d’identifier le comportement souhaité
à l’avenir, en partant du problème actuel qui a amené la personne à
consulter.
La question suivante devrait permettre à identifier le ou les scénarios
futurs : « Comment aimeriez-vous pouvoir gérer à l’avenir les situations
actuelles qui déclenchent la problématique (déclencheurs actuels) ? »
Cette question devrait être posée pour chaque déclencheur, après qu’il
ait été traité comme cible, alors que lorsque le plan de ciblage est
élaboré (en phase 1), l’identification d’un seul comportement souhaité
peut encore suffire.

Les scénarios futurs lors du traitement des cibles du passé


et des déclencheurs
Plus tard dans la phase de retraitement des cibles et tout au long de
la thérapie, de nouvelles cibles déclencheurs peuvent être identifiées.
Ces nouvelles cibles peuvent être notamment des conditions actuelles
(nouvelles ou apparaissant durant le traitement), des situations ou des
personnes qui continuent à déclencher des comportements d’évitement
ou des comportements inadaptés, ou encore des perturbations émo-
tionnelles ainsi que des sensations physiques et des impulsions qui
peuvent être sources résiduelles de comportements dérangeants. Selon
Shapiro (2018), il est important de rechercher activement de nouveau
déclencheurs et situations déclenchantes tout au long du retraitement
des cibles pour garantir un traitement aussi complet que possible.
Notamment de nouvelles cibles avec des personnes significatives doivent
être recherchées. Par exemple, si les cibles du passé sont en lien avec
une personne ayant blessé ou nui à la patiente, une rencontre possible
avec cette personne devrait être une cible future, que la rencontre ait
réellement lieu un jour ou non. Il en va de même pour des situations

106
Aide-mémoire EMDR

significatives : si la patiente a subi des situations de violence sexuelle,


des cibles dans l’avenir de relations sexuelles satisfaisantes devraient
faire partie des scénarios futurs. Cela permet au patient de s’orienter
vers un avenir avec de nouveaux choix possibles, avec des changements
de comportements ou des réactions émotionnelles et sensorielles

9. Le protocole des scénarios futurs de la thérapie EMDR


différentes. Chaque scénario futur est directement abordé suite au
traitement de son déclencheur. Concrètement, dans la chronologie du
traitement en trois temps (les trois temps passé-présent-avenir), lorsque
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les cibles du passé ont été retraitées complètement avec les phases
3 à 7 et leur phase 8 permettant de passer à la prochaine cible, on
commencera à retraiter les déclencheurs. Lorsque le premier déclencheur
est abordé en tant que cible avec les phases 3 à 7, dans la même
séance si le temps le permet, la cible « scénario futur » avec ce même
déclencheur doit être abordée. Pour cela, le protocole spécifique est
suivi comme décrit ci-dessous.

! Le protocole spécifique des scénarios futurs


après le traitement d’un déclencheur

Dès que le premier déclencheur a été retraité, on invite le patient à


suivre le scénario futur en trois étapes en lui demandant :
• Étape 1 : d’identifier une situation relative au déclencheur où une
réponse plus fonctionnelle ou adaptée est désirée. Discuter ensuite
avec le patient de ses compétences réelles pour pouvoir assurer une
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réussite possible avec une croyance positive (Cognition Positive)


accessible. Par exemple, dans le cas de quelqu’un qui a une réaction
importante d’anxiété à chaque fois qu’il doit passer dans un tunnel
sur l’autoroute, et après avoir traité ce déclencheur (l’entrée dans le
tunnel), on demandera à la personne de s’imaginer traverser un tunnel
où le problème est résolu. Comment la personne imagine-t-elle (et
décrit-elle) cette scène ? Identifier avec la personne sa réponse et en
discuter en y intégrant une Cognition Positive souhaitée (par exemple
« je vais y arriver »). Passer ensuite à la prochaine étape (étape 2) en
demandant :
• Étape 2 : d’imaginer un film de l’avenir indiquant une résolution du
problème actuel. On demandera donc d’imaginer de passer dans le
tunnel et que la situation future est gérée correctement, en ayant à

107
Aide-mémoire EMDR

l’esprit la Cognition Positive (« je vais y arriver ») et les sensations


positives associées. Concrètement on l’y invite de la manière suivante :
« J’aimerais que vous imaginiez maintenant ce scénario en gardant à
l’esprit la pensée positive (renommer la pensée positive) et en vous
centrant sur le ressenti (renommer le ressenti). Entrez en contact avec
9. Le protocole des scénarios futurs de la thérapie EMDR

cette scène... et notez comment vous gérez la situation... ce que vous


pensez... ressentez... et expérimentez dans votre corps. »
On laissera passer suffisamment de temps pour que le patient puisse
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se concentrer sur la scène entière avant de demander : « Qu’est-ce
que vous remarquez ? » Il y a trois types de réponses possibles :
a) La réponse est positive : on ciblera donc toute la scène en renforçant
avec une à deux séries de SBA (rapides) puis on installera la Cognition
Positive jusqu’à VOC 7 (ou réponse écologique).
b) La réponse est neutre ou incertaine : on développe avec le patient
une réponse positive appropriée puis cibler comme une réponse
positive (voir point a ci-dessus).
c) La réponse est négative : en discutant avec le patient, on identifie
toutes les difficultés imaginées et on y cherche des solutions
appropriées. Parfois l’enseignement de compétences supplémentaires
s’avère nécessaire à ce stade (par exemple un jeu de rôle entre patient
et thérapeute avec un focus quelconque nécessaire, ou l’enseignement
de stratégies d’auto-apaisement supplémentaires comme la cohérence
cardiaque, etc.). Une fois passées ces appréhensions ou difficultés,
on cible comme ci-dessus (réponse neutre ou positive de l’étape 2).
Par la suite, l’étape 3 est abordée :
• Étape 3 : cette étape cherche à ancrer davantage les réponses positives
du patient et à le préparer à des complications possibles à l’avenir.
Les différents pas se suivent comme suit :
– Renforcement de la réponse : « Maintenant, je voudrais que vous
puissiez imaginer le film où vous vous voyez gérer efficacement la
situation, en ayant à l’esprit la croyance positive (CP) et le ressenti
que vous avez de vous ». Le patient visualise la scène en entier,
les yeux ouverts, en suivant des SBA (rapides) du thérapeute, et en
se centrant sur la CP et le ressenti positif. Si des perturbations se
manifestent, quelques séries de SBA (rapides) peuvent généralement
diminuer la perturbation immédiatement. Le but est de permettre au

108
Aide-mémoire EMDR

patient de visualiser toute la scène sans complications, du début à la


fin, avec la CP (à 7 ou 6 écologique) et le ressenti positif. En cas de
complications, un retraitement ultérieur d’une nouvelle cible (trouvée
par le pont d’affect par exemple) peut devenir nécessaire.
– Introduire des défis : les étapes 1 à 3 sont répétées avec un défi

9. Le protocole des scénarios futurs de la thérapie EMDR


ou une complication imaginée par le patient dans son scénario futur.
Le thérapeute lui dira : « Je voudrais maintenant que vous imaginiez
cette situation future en y incorporant un défi ou une difficultéq́ue
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vous pourriez rencontrer dans cette situation, tout en vous centrant
sur la pensée et le ressenti positifs auxquels vous aimeriez être
connecté(e). » Passer les trois étapes comme pour la situation du
scénario futur sans défi ou complication, jusqu’à résolution positive
des défis ou des complications imaginés ; en d’autres termes, le patient
peut retrouver une CP positive avec VOC à 7 (ou 6 écologique) et une
bonne sensation corporelle même en imaginant une imperfection dans
son scénario futur. Le but est de préparer le patient à une difficulté
éventuelle en l’abordant dans le cabinet du thérapeute pour la première
fois, et non dans la « vie réelle », ce qui risquerait de décourager le
patient, car il ne s’y serait pas attendu. Ne travailler que le scénario
futur positif pourrait induire en erreur nos patients dans une idée
fausse que tout se passera au mieux, ce qui, malheureusement, n’est
pas toujours le cas.

! Le plan de traitement inversé


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Il est possible, en cas de personnes souffrant de symptômes de traumas


complexes, d’inverser le protocole standard en trois temps. Plutôt que de
travailler « passé-présent-avenir », on commencera donc le retraitement
avec des scénarios futurs avant de travailler sur les déclencheurs. Ce ne
sera qu’ensuite que l’on ciblera le passé récent et l’on terminera avec les
cibles du passé. Cette inversion est proposée par Hofmann (2009). Elle
permet aux patients instables d’avancer et d’atteindre plus rapidement
une stabilité dans leur vie quotidienne en osant enfin aborder ou faire
des choses longuement évitées (l’évitement fait partie des symptômes de
stress post-traumatiques, DSM-V, 2013). Ce comportement d’évitement
est particulièrement prononcé chez les personnes souffrant d’un état de
stress post-traumatique complexe (CIM-11, version Beta). En inversant le
protocole standard et en travaillant donc sur l’avenir proche sous forme

109
Aide-mémoire EMDR

Introduction : « Nous avons travaillé sur les événements du passé qui étaient liés
à votre problématique actuelle et les situations actuelles qui ont déclenché la
perturbation. Aujourd'hui, je voudrais vous proposer de travailler sur vos réactions
futures dans des situations similaires. »

Résultats souhaités :
9. Le protocole des scénarios futurs de la thérapie EMDR

!"Étape 1 : discuter et identifier situation future avec CP


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!"Étape 2 : imaginer situation future positive avec CP et ressenti positif.
« Entrez en contact et notez ce que vous pensez, ressentez, expérimentez ...
Qu'est-ce que vous remarquez ? » Trois options :

# Réponse positive : # Réponse neutre : # Réponse négative :


cibler la scène et aider à imaginer identifier difficultés,
renforcer avec 1-2 réponse positive chercher solutions,
séries de SBA souhaitée et développer
(rapides), puis installer poursuivre « réponse compétences,
VOC (6-7) positive » reprendre !"Étape 2

! Étape 3 :
# Renforcer ancrage : visualiser une nouvelle fois le scénario positif futur, les
yeux ouverts, avec CP et ressenti positif en suivant les SBA (rapides) du
thérapeute.

! Étape 4 :
# Introduire des défis :Appliquer les étapes 1-3 avec cette fois-ci un défi ou
une difficulté imaginés par le patient.
# Visualiser scène avec défi sans perturbation, avec VOC 7 (ou 6 écologique)
et bon ressenti positif : procédé identique avec déclencheur suivant. Quand
tous les déclencheurs ont été retraités avec scénario futur positif y relatif
(étapes 1-3), fin du plan de ciblage (éventuellement d'autres problématiques
à retraiter).

Figure 9.1. Le protocole des scénarios futurs, vue d’ensemble

110
Aide-mémoire EMDR

de comportements évités, les premières séances de désensibilisation


sont ainsi plus douces car pas nécessairement déjà en lien direct avec
les situations fortement perturbantes du passé, mettant la patiente ainsi
plus à l’aise et en abordant les cibles vraiment difficiles uniquement en
fin de plan de ciblage, à un stade plus avancé de la thérapie. On opte

9. Le protocole des scénarios futurs de la thérapie EMDR


donc ainsi pour une plus grande stabilité de la patiente avant d’aborder
les souvenirs vraiment difficiles. En plus, les patientes sont rassurées
par de bonnes expériences en séances de désensibilisation. Dans ce
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genre de situation, les scénarios futurs représentent donc les premières
cibles du plan de ciblage. Par contre les phases 3-8 restent inchangées.

! Fin du plan de ciblage


Une fois les déclencheurs et leurs scénarios futurs traités avec succès, le
plan de ciblage est terminé. Ceci ne veut par contre pas forcément dire
que le traitement EMDR est terminé. Un plan de traitement comporte
souvent plusieurs plans de ciblage et d’autres interventions nécessaires,
comme un entrainement à l’affirmation de soi, ou apprendre à mieux
parler en public, etc., surtout chez les personnes avec des troubles
de trauma complexe et des troubles dissociatifs. Un nouveau plan de
ciblage peut donc suivre après avoir terminé les scénarios futurs. Ce
chapitre ne peut toutefois pas aborder toutes les éventualités dans ce
sens.
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Des stratégies supplémentaires


pour les scénarios futurs

Aborder des situations futures avec la thérapie EMDR nécessite donc


toujours un laps de temps assez important pour y parvenir. La plupart du
temps, le clinicien suit la logique de base en thérapie EMDR en suivant
les trois temps du traitement, c’est-à-dire passé-présent-avenir. Parfois
il se trouve que le temps nécessaire pour y parvenir fait défaut, car
la situation future est une situation de l’avenir proche, autrement dit,
elle va se présenter dans un laps de temps très court. Ceci se produit
notamment chez un patient se présentant au cabinet peu avant une
épreuve comme typiquement un examen, ou une séance au tribunal,

111
Aide-mémoire EMDR

ou encore un accouchement imminent, une opération d’urgence, etc.


Comment aborder la situation future imminente dans ce cas, si on n’a
pas eu le temps de traiter le passé et les déclencheurs présents ? Le
clinicien choisira de retraiter directement la situation future avec le
protocole standard des phases 3 à 7, ou encore d’utiliser le protocole
9. Le protocole des scénarios futurs de la thérapie EMDR

des scenarios futurs selon le plan de traitement décrit plus haut. Ce


faisant, il veillera bien à « couper » toutes les associations vers le passé
traumatique pour éviter d’activer le patient peu avant son épreuve. Pour
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« couper » des associations qui se font vers le passé, on invitera tout
simplement le patient à mettre de côté cette association. On pourra
lui dire la phrase suivante : « Je vous invite à laisser de côté ce sujet
(ce dont il vient de parler). Je le note et on le traitera le temps voulu.
Revenez à la situation initiale. Qu’est-ce qui est là maintenant ? » On
cherchera essentiellement à cibler la situation dans l’avenir.
Si une seule séance est possible avant ladite épreuve, le clinicien peut
aussi opter pour la technique de l’éponge (Shapiro, 2018).

! La technique de l’éponge
Cette technique vise le renforcement des ressources déjà présentes chez
nos patients, mais souvent oubliées par ceux-ci, étant submergés par
leurs angoisses et peurs du présent. La technique de l’éponge peut faire
une différence importante dans le ressenti pour la situation à venir.
Les étapes de la technique de l’éponge sont utilisées comme suit :
1. Chercher une situation stressante dans la vie quotidienne (ou la
situation future imminente) et demander le SUD et chercher ensuite
2. Trois qualités ou compétences intérieures en demandant : « De
quelles qualités ou compétences intérieures auriez-vous besoin pour
mieux faire face à ce stress ? » Rassembler trois qualités spécifiques
intérieures (par exemple courage, force intérieure, sérénité).
3. Ensuite le patient choisit une première qualité, ceci en lui demandant
« Avec quelle qualité aimeriez-vous commencer ? » Avec la qualité
choisie, on cherchera avec le patient une
4. Situation représentant sa capacité à utiliser cette qualité (au moins
un peu). On demandera donc : « Y-a-t-il eu une situation dans laquelle

112
Aide-mémoire EMDR

vous avez remarqué que vous disposiez déjà un peu de cette qualité ? »
Laisser le patient décrire la situation en détail.
5. Chercher l’image associée : « Quelle est l’image qui décrit le mieux
cette situation et cette compétence ? » (Chercher l’image qui évoque

9. Le protocole des scénarios futurs de la thérapie EMDR


le plus d’affect positif !)
6. Émotions et sensations : « Lorsque vous pensez à cette ressource
positive, remarquez les images, les sons, les odeurs, les goûts. Que
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remarquez-vous ? »
« Concentrez-vous sur cette expérience positive, les images, les sons,
les odeurs, les goûts et remarquez où dans votre corps vous ressentez
cette qualité. » « Prenez le temps d’intensifier cette expérience. »
7. Renforcer ensuite en disant : « Entrez en contact avec l’image
.................. et la sensation corporelle. Êtes-vous en contact ? »
Si oui : « Restez en contact avec cela et suivez mes doigts. » Faites
une série de 4 à 6 SBA lents et demandez ensuite : « Comment est-ce
maintenant ? »
Demandez de manière ciblée s’il y a un changement dans la sensation
corporelle. Lorsque celle-ci est devenue plus forte, faites encore une
série de SBA lents.
S’il y a un pont d’affect vers du matériel négatif, cherchez une autre
situation dans laquelle le patient disposait de cette qualité.
8. Faire les étapes 3 et 7 pour les trois qualités (donc les deux
autres restantes).
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9. Renforcer le contact avec les trois qualités : « Entrez en contact


avec les sensations corporelles de la première qualité, gardez cette
sensation dans le corps. Ajoutez les sensations corporelles qui vont
avec la seconde qualité. Maintenant, ajoutez les sensations corporelles
qui vont avec la troisième qualité. Êtes-vous en contact avec tout
ça ?». Si oui : SBA.
10.Réévaluer le SUD : « Laissez revenir à nouveau la situation stressante
......................... et remarquez à combien elle vous paraît perturbante
maintenant de 0 à 10. »

Pour pratiquement toutes les situations, le SUD final est clairement plus
bas que le SUD initial. On ne s’attendra par contre pas à un SUD à 0
avec la technique de l’éponge. L’essentiel de cette procédure est de

113
Aide-mémoire EMDR

montrer au patient qu’il peut lui-même avoir un impact positif sur ses
appréhensions en se connectant à ses ressources.

! La procédure du flashforward
9. Le protocole des scénarios futurs de la thérapie EMDR

Généralités

La technique du flashforward (Logie & De Jongh, 2014) représente


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une technique qui permet de traiter l’anxiété irrationnelle en lien
avec des situations futures. Engelhard et al. (2011, 2010) ont pu
démontrer dans deux études parallèles que des images intrusives
concernant des situations futures appréhendées perdaient en vivacité
en comparaison avec un groupe contrôle après un retraitement avec des
stimulations bilatérales alternées. L’intensité émotionnelle des images
n’a pu bénéficier d’un changement positif significatif que dans l’une des
deux études (Engelhard et al., 2010).
La procédure
Le flashforward est la représentation du scénario catastrophe, donc
de la pire situation qui pourrait se réaliser, et cela même si elle
paraît quasiment impossible (le caractère irrationnel de la cible !).
Pour procéder à la technique du flashforward, il est important d’avoir
d’abord retraité les cibles du passé ainsi que les situations déclenchantes
du présent, et leurs scénarios futurs associés. Si des peurs persistent,
alors on peut procéder au flashforward. Pour ce faire, on demande donc
à la personne de s’imaginer et de décrire le pire scénario qu’elle puisse
rencontrer. On expliquera bien au patient que nous sommes à la recherche
de ses pires images et appréhensions pour bien les retraiter afin qu’elles
perdent leur intensité et la charge affective dont le patient souffre.
L’élaboration d’une image arrêtée est importante avec une activation de
tous les éléments appréhendés et spécifiques, en lien avec les symptômes
du patient. Ensuite, cette cible imaginée est retraitée selon le protocole
de base (Shapiro, 2001, 2018) comme une cible ordinaire en suivant
les phases 3 à 7/8. De futures recherches cliniques sont par contre
nécessaires pour prouver l’efficacité de la technique du flashfoward par
rapport à un plan de ciblage complet.

114
Aide-mémoire EMDR

! Les scénarios futurs A – B – C

L’auteur de cet article pense qu’un certain nombre de situations futures


ne sont pas suffisamment respectées, ni par le protocole des scénarios
futurs, ni par la technique de l’éponge ou encore par le flashforward.

9. Le protocole des scénarios futurs de la thérapie EMDR


Il s’agit avant tout de situations où l’issue de la situation future est
incertaine et quand plusieurs options se présentent. Ceci est le cas
notamment pour des couples infertiles : est-ce qu’à la fin, il y aura
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un enfant (en bonne santé) ou pas ? Ou ce même questionnement se
trouve lors de soucis de santé graves comme le diagnostic d’un cancer
avec tout ce qui en découle (opérations, chimiothérapie, radiothérapie,
hormonothérapie, etc.) ou encore une infection HIV. Les questions
que les gens se posent très fréquemment sont les suivantes : « Est-ce
que je vais m’en sortir, ou est-ce que je vais mourir, ou encore est-ce
que la maladie va se manifester à nouveau, ou est-ce que je vais
souffrir beaucoup, est-ce que j’aurai des douleurs terribles, etc. ? » Une
situation similaire se présente à une patiente qui doit se présenter
à des examens décisifs qui ont un rôle déterminant sur le futur,
comme la dernière chance pour des examens, un concours essentiel
par rapport à la carrière souhaitée, ou encore une épreuve sportive ou
artistique décisive, comme un examen de passage qui bloque l’accès
à une carrière en cas de non-réussite. Pour chacun de ces scénarios,
l’issue peut être considérée comme étant fatale. Dans ce cas, il est utile
de développer trois scénarios : le scénario A représente l’issue favorable
et souhaité, le scénario B représente le scénario mitigé, avec toutes
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sortes de complications, mais la fin sera favorable quand-même, et le


scénario C représente le scénario catastrophe (semblable au flashforward)
(Zimmermann, 2017). On discutera avec le patient des trois options
pour les traiter ensuite comme des cibles classiques, une à une et dans
le sens inverse, c’est-à-dire en commençant par le scénario C, puis
le scénario B, pour ensuite terminer par le scénario A (ce dernier en
suivant le protocole des scénarios futurs comme décrit plus haut). En
préparant le scénario C, il est important de bien expliquer à la patiente
qu’il s’agit d’une éventualité que personne ne désire, mais que de ne
pas s’en occuper en thérapie serait d’éviter les pires scénarios, alors
que la patiente y pense bien par elle-même, souvent seule, la nuit. Pour
les gens malades, le scénario C représente souvent une confrontation à
la mort, donc à leur propre mort. Ce qui est généralement atteint, en

115
Aide-mémoire EMDR

retraitant alors le scénario C, est un apaisement de l’angoisse et la peur


de la mort : une attitude avec des propos du genre « je n’ai pas envie de
mourir maintenant, mais je sais qu’un jour ça devra arriver, et je peux
m’imaginer être sereine quand ce sera mon tour ». Généralement, les
scénarios C ne sont pas abordés avec les familles ou les proches, car
9. Le protocole des scénarios futurs de la thérapie EMDR

lorsque la personne se met à en parler, bien souvent on leur dit qu’il ne


fallait pas en parler, que ça n’arrivera certainement pas, qu’il faut rester
positif. Donc les personnes concernées se retrouvent seules et isolées
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avec leurs peurs. En thérapie, parler de tout, même du pire, est possible.
Et la thérapie EMDR a un effet bénéfique aussi sur ce genre de scénarios
que personne ne désire, mais que bien des personnes sont contraintes
d’accepter.

La technique principale abordée dans ce chapitre, le protocole des scénarios


futurs, se base sur les préconisations de leur auteur Francine Shapiro. Les autres
correspondent à des développements de cliniciens suite à des observations cliniques
et des développements créatifs, comme la technique du flashforward, la technique
de l’éponge ou encore les scénarios A-B-C. La caractéristique principale de toutes
ces interventions est de permettre un traitement aussi complet que possible en
cherchant activement toute problématique non encore résolue lors du traitement
en trois phases passé-présent-avenir des cibles du plan de ciblage.
Tous les protocoles et techniques proposés visent à préparer le patient au mieux à
un avenir qui comporte parfois une issue incertaine, parfois avec de grands défis
à relever qui demandent affirmation de soi, ou encore un avenir lui demandant
courage, motivation et force.
Pour l’application de toutes ces techniques, il est important de garder une certaine
ouverture et une flexibilité permettant de s’adapter à la personne et à ses besoins
et problématiques spécifiques. La décision clinique du moment prévaut toujours
sur un protocole rigide.

116
Aide-mémoire EMDR

Bibliographie

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9. Le protocole des scénarios futurs de la thérapie EMDR


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117
Aide-mémoire EMDR

10
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PROTOCOLES EMDR SPÉCIALISÉS

10. Protocoles EMDR spécialisés


Jenny Ann Rydberg

Si l’efficacité de la psychothérapie EMDR dans la prise en charge de l’état de


stress post-traumatique est largement établie par de nombreux essais randomisés
contrôlés, son indication dans d’autres troubles cliniques ne bénéficie pas encore
d’un soutien aussi solide par la recherche.
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Certaines études illustrent l’application du protocole et des procédures EMDR


standard dans la prise en charge de problématiques diverses, notamment de la
dépression (Gauhar, 2016), du trouble panique (Faretta, 2013), de la douleur
chronique (De Roos et al., 2010), de difficultés conjugales (Reicherzer, 2011) et
de l’anxiété liée aux examens (Maxfield & Melnyk, 2000). De nombreux autres
auteurs décrivent des protocoles spécialisés. Chaque nouveau protocole annonce
l’introduction de spécificités en comparaison du protocole et des procédures EMDR
standard, mais son efficacité est testée globalement, sans qu’on ne puisse évaluer
la pertinence de telle ou telle modification particulière. Ceci s’applique d’ailleurs
aussi aux études sur les procédures EMDR standard : à l’exception des stimulations
bilatérales d’attention double, la recherche n’a pas encore examiné le rôle ou
l’impact précis de chaque composant du protocole.

119
Aide-mémoire EMDR

De nombreuses études soutiennent le principe du traitement adaptatif


de l’information (TAI) selon lequel les expériences de vie défavorables
ou indésirables (adverse life experiences) sont à l’origine de toute une
gamme de troubles (Shapiro, 2014). Quel que soit le trouble ou le
diagnostic du patient, le praticien emploie la même stratégie de ciblage :
il identifie les expériences passées qui alimentent les symptômes actuels.
Suivant le protocole à trois volets temporels, seront traités d’abord les
événements passés, puis les déclencheurs actuels, avant d’intégrer de
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nouveaux scénarios futurs positifs.
Par exemple, dans le cas d’un patient présentant une anxiété sociale, Le
praticien pose des questions directes ou utilise les techniques du pont
d’affect ou du floatback afin d’identifier les expériences antérieures qui
10. Protocoles EMDR spécialisés

contribuent à la honte, à la timidité, à la peur et à la dévalorisation


actuelles. Il peut s’agir d’expériences vécues dans l’enfance, d’échecs ou
d’humiliations, de situations relationnelles.
Dans le cas d’un trouble de la personnalité, le praticien détermine les
expériences lors desquelles se sont développés les schémas et les modes
affectifs, cognitifs et relationnels dysfonctionnels qui caractérisent la
personnalité.
Le praticien détermine aussi quels sont les facteurs actuels qui
provoquent actuellement les réactions négatives du patient, ainsi que les
informations, ressources et capacités que le patient a besoin d’acquérir
en vue d’un fonctionnement adaptatif. Le protocole en trois volets
s’applique ainsi à la prise en charge de tout tableau clinique.
La durée de la prise en charge dépend de la quantité de préparation
(stabilisation, développement de ressources, amélioration du soutien
social) qui sera nécessaire avant d’entamer le traitement de souvenirs,
du nombre et de la sévérité des problèmes qui composent le tableau
clinique, du nombre de situations et d’expériences qui doivent être
traitées pour chaque problème, et des compétences à développer en vue
d’un fonctionnement adaptatif futur (Shapiro, 2018).
Si les procédures décrites ci-dessus permettent une prise en charge
globale et complète de la personne en abordant l’ensemble de ses diffi-
cultés émotionnelles, relationnelles, comportementales et cognitives, il
arrive aussi qu’un patient souhaite que la thérapie se focalise sur une
problématique précise seulement. Dans ce cas, un protocole spécialisé

120
Aide-mémoire EMDR

peut répondre à cette demande ciblée dans un premier temps. Si ce


travail initial suscite de nouvelles prises de conscience ou interrogations
qui dépassent le contrat thérapeutique initial, le patient et le praticien
peuvent décider d’élargir les objectifs et de s’appuyer sur les procédures
et le protocole standard.

Les types de protocoles et procédures spécialisés


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La lecture des protocoles et procédures spécialisés recensés dans les
ouvrages de Luber (2009, 2010, 2013, 2015a, 2015b), dans les articles
du Journal of EMDR Practice and Research ainsi que dans plusieurs

10. Protocoles EMDR spécialisés


publications scientifiques internationales permet d’identifier que les
protocoles et procédures sont définis par leurs auteurs en fonction de
critères assez variables :
– destinés à la préparation : stabilisation et régulation émotionnelle ;
– définis par le caractère récent du trauma : urgences et événements
récents ;
– définis par l’étape ou la maturité développementale : souvenirs
précoces/préverbaux, enfants & adolescents, déficits intellectuels
ou cognitifs ;
– définis par la nature somatique des plaintes : maladies, troubles
somatoformes, douleurs ;
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

– définis par le diagnostic d’un trouble psychologique ou psychiatrique :


phobies, addictions, troubles obsessionnels compulsifs ;
– définis par la population : intervenants de première ligne, militaires,
mineurs ;
– définis par la complexité : trauma complexe, troubles dissociatifs,
comorbidité ;
– définis par les objectifs et le cadre d’intervention : psychologie
positive ;
– définis par leur intégration avec d’autres approches : hypnose, états
du moi, thérapie conjugale, compressions crâniennes (dans le cas des
migraines).

121
Aide-mémoire EMDR

Les protocoles EMDR spécifiques originels

Les protocoles EMDR spécifiques de Shapiro (1995, 2001, 2018), toujours


enseignés dans la formation initiale en EMDR et dont plusieurs doivent
être maîtrisés pour l’accréditation de praticien EMDR Europe, sont repris
dans le tableau 10.1.
À lire ces conseils, on imagine aisément leur utilité dans bien d’autres
cas : adaptation de la psychoéducation et des moyens enseignés pour
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la stabilisation et l’autorégulation aux besoins et à la situation du
patient ; pertinence de la notion de fragments-cibles nécessitant un
traitement individuel avant la consolidation de l’ensemble dans la
mémoire ; technique de visualisation d’un déroulement quand la mémoire
10. Protocoles EMDR spécialisés

n’est pas consolidée (ce qui se manifeste par un défaut de généralisation


spontanée), intégration possible de techniques d’autres approches ; et
mises à jour régulières du plan de ciblage.
La notion de « modifications » ou de « variations standard » est d’ailleurs
implicite dans les stratégies destinées à relancer un traitement bloqué
ou à gérer les abréactions (Shapiro, 2001, 2018).

Stratégies pour accélérer ou décélérer le traitement

Ces stratégies employées dans la phase de désensibilisation (phase 4)


visent soit à accélérer un traitement bloqué ou trop lent, soit à ralentir
un traitement trop activant ou intense, en induisant des phénomènes
qui s’observent spontanément lors du retraitement de cibles chez un
grand nombre de patients :
• modifier la fréquence, la direction ou le type de stimulations bilatérales
d’attention double ;
• inviter le patient à se centrer sur ses sensations corporelles (en
y prêtant spécifiquement attention, en étant attentif aux mots
qui aimeraient émerger, en posant sa main sur la localisation des
sensations, en effectuant un mouvement) ;
• lors du retour à la cible, scanner la scène à la recherche de « ce qui est
encore/le plus perturbant maintenant » (pour accélérer) ou focaliser
sur un seul aspect de la scène (pour décélérer) ;

122
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Tableau 10.1. Modifications et apports des protocoles EMDR spécifiques originels

Protocole spécifique Modifications Type de modifications


Événement traumatique unique Cibles : souvenir ou image de l’événement Conseils pour la sélection des cibles
traumatique, flash-back de la scène, image d’un rêve
ou cauchemar associé, stimuli présents ; scénarios
futurs en fonction des situations déclencheurs.
Anxiété et comportements actuels Cibles : souvenir associé initial ou le plus ancien, ou Conseils pour la sélection des cibles.
premiers événements anxiogènes ; situations Développement des compétences
anxiogènes actuelles ; projection future d’une réponse nécessaires à un fonctionnement adaptatif.
émotionnelle et comportementale souhaitée
Événements traumatiques récents Recueillir le récit Adaptation pour tenir compte de la nature
Dans la 3e édition de son Manuel de l’EMDR, Traiter l’aspect le plus perturbant fragmentée, non consolidée, des souvenirs

123
Shapiro (2018) précise que ce protocole est traumatiques récents
Traiter les autres aspects perturbants
recommandé seulement pour traiter un trauma Introduction de la technique de visualisation
chronologiquement
individuel isolé datant de 2 ou 3 mois, comme un du déroulement d’un événement
Visualiser tout le déroulement (comme un film), les
accident, un viol ou l’exposition à un environnement
yeux fermés, traiter toute perturbation restante
post-désastre dans un pays développé, suivi d’une
période de sécurité et de calme. Les protocoles Visualiser tout le déroulement, les yeux ouverts, et
EMDR R-TEP et EMDR-IGTP sont préconisés installer la cognition positive
notamment dans les régions en voie de Scanner corporel
développement dans lesquelles des « conditions Traiter les stimuli présents (si nécessaire)
normalisées » tardent à être restaurées.
Aide-mémoire EMDR

10. Protocoles EMDR spécialisés

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10. Protocoles EMDR spécialisés

Tableau 10.1. (suite)

Phobies Phobies simples (peur d’une « chose » délimitée et Précision/rappel : il faut adapter les exercices
indépendante des actions du patient) : de stabilisation et d’autorégulation aux
1 Procédures d’autocontrôle (gérer la peur de la peur) besoins du patient
Aide-mémoire EMDR

2 Traiter les souvenirs (antécédents/auxiliaires, premier, Conseils pour la sélection des cibles : liens
plus perturbant, plus récent, stimuli présents associés, directs et indirects avec la problématique
sensations physiques et autres manifestations de la actuelle, manifestations somatiques actuelles
peur) Nécessité pour le patient de se confronter à la
3 Scénario futur positif situation redoutée dans la réalité (techniques
issues des thérapies cognitives
Phobies de processus (peur d’une situation où le
comportementales)
patient doit exercer plusieurs actions au cours d’une
période de temps) : points 1 à 3 et Technique de visualisation du déroulement de
l’action souhaitée

124
4 Contrat pour passer à l’action
Précision/rappel : le plan de ciblage se met à
5 Visualiser le déroulement de cette action et traiter
jour tout au long de la psychothérapie
toute perturbation
6 Traiter les cibles apparues entre les séances
Deuil compliqué Cibles : événements actuels, images intrusives, Conseils pour la sélection des cibles
cauchemars, déclencheurs actuels, questions de
responsabilité personnelle, de sa propre mortalité ou
pertes antérieures non encore résolues

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Tableau 10.1. (suite)

Maladies et troubles somatiques Définir un plan d’action pour répondre aux besoins Préparation approfondie et continue :
immédiats réels nécessité de prendre en compte les besoins
Traiter les souvenirs pertinents, les situations actuelles immédiats réels ; besoin éventuel pour le
et les peurs de l’avenir (contraintes personnelles ou patient d’avoir d’autres sources de soutien ;
physiques, difficultés sociales ou enjeux relationnels, attention continue aux compétences
expériences médicales) nécessaires pour prendre soin de soi
Visualiser le déroulement des prochaines années (un à Conseils pour la sélection des cibles
cinq ans selon les cas) Technique de visualisation du déroulement de

125
Imagerie de type Simonton l’avenir souhaité
Identifier la cognition positive souhaitée et la lier à Intégration possible de techniques d’imagerie
l’image obtenue avec l’imagerie
Enseigner l’utilisation des mouvements oculaires avec
l’image et la CP entre les séances (uniquement avec
cela)
Invitation à tenir un journal et à utiliser les exercices
d’autorégulation ainsi que d’autres ressources et
sources de soutien éventuelles (par exemple groupes
de parole)
Aide-mémoire EMDR

10. Protocoles EMDR spécialisés

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Aide-mémoire EMDR

• altérer volontairement l’image ou la scène (projetée sur un écran,


modifiée en noir et blanc ou avec le son coupé, voir son agresseur
immobile, modifier les dimensions spatiales ou temporelles) ;
• rediriger l’attention vers l’image ou vers la cognition négative, ajouter
des mots positifs, vérifier si la cognition positive est appropriée ;
• chercher des souvenirs antérieurs qui « alimentent » la problématique
(technique du floatback ou du pont d’affect ;
faire émerger la croyance bloquante ;
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• employer des tissages cognitifs.

Cette autorisation à induire des changements qui se produisent


naturellement chez d’autres patients mérite d’être retenue. Combien
10. Protocoles EMDR spécialisés

d’apports originaux des protocoles spécialisés n’ont-ils pas trouvé leur


inspiration dans l’observation du déroulement du retraitement chez les
patients et dans l’utilisation intuitive des éléments répertoriés parmi
les protocoles spécifiques originels et les stratégies d’accélération ou
de décélération du traitement ?

Variations standard

Sans prétendre à une analyse exhaustive, voici quelques-unes des


modifications les plus originales ou fréquentes observées dans les divers
protocoles EMDR spécialisés et susceptibles de faire partie d’un ensemble
de « variations standard » (tableau 10.2).

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Tableau 10.2. Modifications récurrentes ou originales des protocoles EMDR spécialisés

Type de modifications Variations standard


CIBLES Une cible peut être toute manifestation d’une information dysfonctionnelle ou
Cible : plutôt que de sélectionner un souvenir, dessiner la croyance inadaptée : état-ressenti ; mémoire addictive ; dessin ou représentation
négative ou la perception de soi (Carvalho, 2009) symbolique ; défense psychologique ; sensation somatique ; événement
étiologique, auxiliaire, antécédent, aggravant ou contributif selon l’hypothèse TAI
Pour identifier les cibles : le défilé de visages (Adler-Tapia, 2014)
Cibler la mémoire addictive (Hase et al., 2008)
Cible = état-ressenti (état comportemental distinct d’émotion positive
partagée [Leeds, 2007] ; un souvenir dépendant d’état, lien entre un
ressenti (sensations-émotions-pensées) positif et un comportement
addictif [Miller, 2010])
Approche des deux méthodes (De Jongh et al., 2010) pour définir les

127
cibles à traiter : 1re méthode – ligne du temps pour identifier les souvenirs
d’événements étiologiques et aggravants ; 2e méthode – les souvenirs qui
sous-tendent les croyances dysfonctionnelles centrales

SÉQUENCES Séquence de ciblage modifiable : séquence chronologique, inversée, organique


Séquences non chronologiques : protocole inversé [Hofmann, 2010] ; (c.-à-d. suivant ce qui est accessible et tolérable)
R-TEP : recherche Google ou scanner pour identifier les fragments-cibles
considérés comme appartenant à un seul épisode traumatique [Shapiro &
Laub, 2008] ; protocoles TOC : présent-avenir-passé ou
présent-passé-avenir, en considérant tous les
déclencheurs-peurs-souvenirs comme appartenant à un seul événement
complexe multiple [Marr, 2012] ; DeTUR : objectif futur-déclencheurs
présents-avenir-passé [Popky, 2005]
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10. Protocoles EMDR spécialisés

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10. Protocoles EMDR spécialisés

Tableau 10.2. (suite)

NIVEAUX DE PERTURBATION Le SUD peut être remplacé par d’autres échelles d’intensité subjective (douleur,
LOU (Level of Urge to Use) : niveau d’envie de consommer (Popky, 2005) craving, envie, affect positif inadapté...), ce qui amènerait à considérer cette mesure
comme celle du niveau subjectif d’intensité de l’affect ou du ressenti
SUP (Subjective Units of Pain) : unités subjectives de douleur (De Roos et
Aide-mémoire EMDR

dysfonctionnel/inadapté
al., 2010)
LOUA/LOPA (Level of Urge to Avoid/Level of Positive Affect) : niveau
d’envie irrépressible d’éviter/d’affect positif (procrastination, défenses,
codépendance, amour à sens unique) (Knipe, 2005)
ÉLÉMENTS DE L’ÉVALUATION Éléments indispensables de la phase d’évaluation (phase 3) qui demeurent dans
Évaluation (phase 3) réduite : protocole opaque : pas d’image mais un tous les protocoles :
mot-clé, pas de cognition [Blore, 2013] ; protocole TOC : pas de cognition représentation sensorielle ou symbolique (image ou autre représentation
[Marr, 2012] ; douleurs : pas de cognition quand la cible n’est pas un sensorielle ou dessin ou mot-clé) de la cible ;

128
événement traumatique, par contre la cible est décrite en termes de taille, SUD (ou équivalent) ;
forme, couleur... [Grant, 2002] ; douleurs : pas de cognition, cible décrite
siège de la sensation corporelle.
en termes de couleur, forme, température, texture... [De Roos et al., 2010]
Des recherches seront nécessaires afin d’identifier les facteurs qui déterminent le
caractère nécessaire, utile ou superflu des autres éléments de l’évaluation selon le
type de cible, de population, de contexte, de trouble, etc.
TECHNIQUE FILM/VIDÉO Technique de visualisation du déroulement ou scanner non chronologique
Protocoles spécifiques originels de F. Shapiro (1995, 2001, 2018). aidant à l’identification de sources de perturbation ou à l’intégration de
fragments-cibles.
Faire défiler la vidéo plutôt que de revenir à la cible (Marr, 2012).
Lorsque l’effet de généralisation par canaux associatifs est limité en cours de
Récit de l’épisode traumatique et recherche Google/scanner du R-TEP
désensibilisation (le patient ne s’éloignant jamais de la situation initiale), la
(Shapiro & Laub, 2008)
conception de la cible comme étant une visualisation d’un déroulement ou
d’une période pourrait permettre de favoriser ces associations de manière
similaire à ce qu’on observe chez d’autres patients (visualisation de la période
entourant la situation initiale, scanner à la recherche d’événements similaires,
déroulement de tout un épisode).

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Tableau 10.2. (suite)

MAINTENIR/FAVORISER L’ATTENTION DOUBLE Les techniques pour maintenir/favoriser l’attention double doivent pouvoir être
Échelle de l’arrière de la tête (Back-of-the-head scale) et installation utilisées dès que le patient peine à maintenir une attention double ou à rester
constante de l’orientation dans le présent et de la sécurité (CIPOS) (Knipe, dans ou à la limite de sa fenêtre de tolérance.
2005).

129
NOTION DE LA COGNITION POSITIVE GLOBALE Conception légèrement différente de la CP : notion de l’importance de la CP pour
De nombreux protocoles qui omettent la Cognition Positive en phase 3 l’événement ou l’épisode intégré, après la désensibilisation ; notion de la CP
l’introduisent en phase 5 pour installer une croyance positive sur ressource, de coping ou antidote par rapport à la douleur restante
l’événement ou l’épisode intégré (protocoles d’événements récents,
protocoles TOC).
Notion de la CP antidote (protocoles douleur).
Aide-mémoire EMDR

10. Protocoles EMDR spécialisés

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Aide-mémoire EMDR

Ces quelques pistes pour la définition de « variations standard » nous invitent à


nous interroger sur le rôle et sur l’action de chaque élément des huit phases, des
principes TAI, du protocole à trois volets.
En suivant le principe déjà admis que des stratégies répertoriées sont utilisées
pour susciter des phénomènes similaires à ceux qui se produisent spontanément
chez un grand nombre d’autres patients (stratégies pour accélérer ou décélérer le
traitement), les variations standard consisteraient en des options qui permettraient au
praticien de s’adapter à l’organisation inhérente du système de traitement adaptatif
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de l’information du patient au niveau du choix des cibles, de leur conception en
tant qu’instants précis ou comme une période ou un ensemble fragmenté, de la
séquence de ciblage, des éléments d’évaluation retenus, de la formulation du niveau
d’intensité subjective du ressenti dysfonctionnel, de l’introduction de techniques
favorisant l’attention double et de l’utilisation particulière de la cognition positive.
10. Protocoles EMDR spécialisés

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LES BLOCAGES DU TRAITEMENT

11. Les blocages du traitement


Martine Iracane

La thérapie EMDR basée sur une bonne alliance thérapeutique et sur une
conceptualisation clinique approfondie, conduite selon l’approche en trois temps,
s’applique à traiter les souvenirs et situations pertinentes pathogènes alimentant la
problématique du patient, à travers la mise en œuvre d’un protocole rigoureux en
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huit phases. La réactivation du traitement adaptatif ainsi engagée « remet en route


le processus de digestion, au cours duquel des prises de conscience se font, les
associations nécessaires s’établissent, la personne apprend ce qui lui est utile et
les émotions appropriées s’installent » (Shapiro et Silk-Forrest, 1997). Le modèle
de traitement adaptatif de l’information (modèle TAI) apparait comme le processus
neuro émotionnel activateur de la digestion et de l’intégration des informations
dysfonctionnelles perturbantes restées encodées dans leur forme initiale dans les
réseaux de mémoire. Il arrive cependant que ce système favorable à la résolution
post-traumatique rencontre quelques aléas qui peuvent se manifester par des
blocages ; ceux-ci risquent de compromettre son efficience. Nous présenterons
dans cette fiche la définition des blocages, leur manifestation, les contextes qui les
génèrent et les principales propositions de traitement des blocages afin de remettre
en route un processus d’auto guérison spontané activé par le traitement adaptatif
de l’information

133
Aide-mémoire EMDR

Généralités sur les blocages

! Définition
Francine Shapiro évoque la présence d’un blocage du traitement adaptatif
de l’information (TAI) au cours de la désensibilisation d’un souvenir
« quand, l’information n’ayant pas atteint le niveau de désensibilisation
appropriée, reste inchangée après deux séries consécutives de SBA »
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(Shapiro, 2007). Parfois au cours de la désensibilisation d’une cible,
et malgré les changements apparents de contenus, le même niveau de
perturbation est maintenu enfermant en boucle les associations qui
n’aboutissent à aucune perspective intégrative nouvelle : le bouclage
ainsi défini entraîne les mêmes effets que le blocage et témoigne d’un
11. Les blocages du traitement

processus TAI, mis à mal et susceptible de s’interrompre.


De manière plus globale, les blocages peuvent se manifester par une
persistance des troubles, un allongement excessif de la durée du
traitement d’une situation cible, voire par une aggravation transitoire
de la symptomatologie

! Les causes des blocages


Durant le traitement, nous pouvons situer les blocages à différents
niveaux, intercorrélés et interdépendants : celui qui se situe lors du
déroulement du plan de traitement EMDR et celui plus directement
inhérent au processus du TAI.

Résistances, évitements et facteurs de maintien


Les causes peuvent être corrélées en première intention à des formes
de résistances à la thérapie EMDR et s’inscrire dans l’évitement d’un
engagement dans un travail ressenti comme trop anxiogène. Un déficit
de stabilisation ou une alliance thérapeutique fragile peuvent expliquer
alors les blocages du traitement ; Le repérage précoce de peurs afférentes
aux changements projetés qui s’inscrivent parfois dans un contexte
systémique et familial et/ou la mise en exergue des bénéfices secondaires
conditionnant le maintien des symptômes, peuvent alors prévenir
l’occurrence de ces difficultés éprouvées dans la mise en œuvre du
traitement.

134
Aide-mémoire EMDR

Les blocages du processus TAI


Pour que le TAI soit opérant nous savons que les informations négatives
(perceptives, émotionnelles, cognitives, somatiques) doivent se relier
à une ou des informations adaptives positives contenues dans d’autres
réseaux de mémoire déjà métabolisés ou inscrites dans les ressources
psychologiques intérieures. Ce constat suppose leur disponibilité et leur
accessibilité– la survenue de la liaison facilitatrice du TAI permettant
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l’intégration du matériel dysfonctionnel.
Si cette information positive venait à manquer (cas des enfants par
exemple ou autres patients aux profils psychopathologiques complexes)
il appartient alors au thérapeute EMDR d’aider son patient à en disposer ;
la psycho éducation véritable mine de données informatives positives, les

11. Les blocages du traitement


ressources-supports au travail d’appropriation et d’élaboration-pourront
pallier ce déficit et permettre l’évolution favorable du TAI
Les informations positives nécessaires au maillage salutaire du TAI
peuvent être présentes sans être pour autant accessibles ; elles peuvent
être situées « trop loin » dans la chaîne associative ou être ensevelies
sous la masse des réseaux dysfonctionnels. Le flux associatif du TAI est
sous-activé : de ce fait, le matériel neuro émotionnel associatif émerge
de manière très lente et la capacité du retraitement et de mise en
lien des contenus en est affectée ; dans cette perspective, les pensées
négatives persistent, les émotions restent aussi perturbantes ou le
contenu sensoriel reste inchangé (images, sons, etc.) caractérisant le
blocage du traitement.
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Paradoxalement un TAI suractivé entraînant une augmentation du flux


associatif pourrait entraîner sa perte d’efficience surtout si de fortes
charges émotionnelles (abréactions) conduisent le patient hors de la
fenêtre de tolérance de ses affects (Siegel, 1999 ; Odgen et Minton,
2006). En effet, si l’abréaction peut provoquer une catharsis salutaire
et faciliter la métabolisation du souvenir, il arrive a contrario qu’elle
conduise le patient hors limite de sa tolérance émotionnelle ; par sa
complexité et son intensité, l’abréaction peut empêcher le traitement,
entraîner le patient dans une contamination supplémentaire et obérer
l’efficacité transformatrice et intégrative du TAI.
L’hypo activation du TAI risque également de suspendre les associations :
ce cas se présente lorsque le patient « débranche » déconnecte de

135
Aide-mémoire EMDR

ses affects dans un processus dissociatif défensif ; ces manifestations


entravent également l’intégration du matériel traumatique ou dysfonc-
tionnel.

Quand surviennent les blocages ?

Tous ces risques de blocage du traitement de l’information surviennent


essentiellement en phase de désensibilisation (phase 4 du protocole
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standard)
Mais il arrive qu’au cours de la phase d’installation (phase 5 du protocole
standard) le blocage empêche l’accession à la pensée positive à son
niveau optimum (VOC à 6 ou 7) indiquant l’impossibilité du TAI d’accéder
à l’intégration de l’information positive. Lorsqu’il se manifeste en phase
11. Les blocages du traitement

du scanner du corps (phase 6 du protocole standard) le blocage va


prendre la forme de reliquats négatifs persistants, de traces somatiques
non élaborées venant parasiter l’accès à un apaisement complet du
corps. Il est à noter que plus les présentations cliniques relèvent de
tableaux complexes et instables (voir chapitre dédié) plus les blocages
et abréactions peuvent survenir de manière itérative et débordante au
cours du traitement.
Les préconisations répertoriées ci-dessous pour soutenir thérapeute et
patient dans la gestion de ces aléas assureront le maintien du patient
dans la sécurité du présent et dans la contenance du lien thérapeutique.

Comment intervenir en cas de blocages

Il convient à cette étape, face aux indicateurs de survenue d’un


blocage, de mobiliser quelques changements afin de rétablir un bon
fonctionnement du TAI, l’objectif étant de redynamiser son pouvoir
naturel d’auto guérison en valorisant les capacités d’autonomie du sujet.
«...L’aider à retrouver sa propre capacité d’auto guérison et de la guider
vers sa propre force de vie » (Servan-Schreiber in Shapiro et Forrest,
1997).

136
Aide-mémoire EMDR

! Les stratégies alternatives

Les approches mécaniques

Les premières mesures préconisées sont des approches dites méca-


niques :
• allonger la durée des sets SBA ;
• augmenter la vitesse des SBA ;
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• modifier la direction des SBA visuelles en passant dans le sens oblique ;
• passer à une autre modalité de stimulation : stimulation audio ou
tapotements si les SBA visuelles étaient utilisées ou « butterfly hug »
ou embrassade du papillon ;

11. Les blocages du traitement


• auto stimulations si besoin.

Rappelons aussi, que certaines formes de stimulations ressenties comme


source de malaise sont bien entendu écartées (le confort du patient, ici
et maintenant, restant souverain).

Les changements de registre

Les différents registres contactés au décours des associations libres


peuvent être cognitif, perceptif, émotionnel, sensoriel au sens somatique.
Lorsque les associations révèlent un blocage sur un de ces registres, le
thérapeute interviendra de manière succincte pour attirer l’attention du
patient sur un autre registre ; il modifie ainsi le point de focalisation.
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Par exemple : « Et dans votre corps que notez-vous quand vous pensez
cela ? », « Quelles émotions ressentez-vous derrière cette sensation
dans votre corps ? » La réponse du patient sera toujours rapidement
stimulée pour ne pas éloigner le patient de la remise en route du TAI

Les stratégies ICES : Image, Cognition, Emotion, Sensation

Une autre stratégie consiste à aller revisiter la cible dans le détail de ses
constituants perceptifs, cognitifs, émotionnels, sensoriels... pour aller y
repérer d’éventuels nouveaux composants ou croyances bloquantes. Ces
nouvelles résurgences associatives une fois stimulées, peuvent favoriser
la traversée du point de blocage

137
Aide-mémoire EMDR

Les suggestions de type hypnotique


Elles vont venir influencer le rythme du TAI menacé d’interruption du
fait de son hyperactivation ou au contraire de son hypo activation.
Voici quelques propositions de stratégies de décélération :
• Il est possible d’orienter le patient au cours de la désensibilisation
sur une seule sensation physique à la fois lorsque plusieurs sensations
affluent au même moment
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• Si les images véhiculent une reviviscence angoissante lors du
retraitement du souvenir il est possible d’en réguler la charge
émotionnelle en suggérant au patient d’imaginer la scène en noir
et blanc ou en l’invitant à suspendre le mouvement dans la scène
11. Les blocages du traitement

revisitée...tel un arrêt sur image provoqué par une télécommande


imaginaire. Les réponses du patient souvent de moindre intensité
seront alors stimulées pour une reprise normale du traitement.

Si le TAI ralentit, des techniques d’accélération du traitement vont


prévenir l’installation du blocage. Dans le contexte de la suggestion
hypnotique citons la possibilité d’inviter le patient à se rapprocher de la
scène perturbante, ou d’ajouter de la couleur à la scène, ou de visualiser
le mouvement dans la scène, d’amplifier les sons, de focaliser sur
plusieurs sensations ou émotions en même temps etc. La télécommande
imaginaire venant soutenir la métaphore ou la suggestion
Ces techniques de suggestion encouragent l’imaginaire chez le patient
et la créativité du thérapeute. Elles sont inspirées par les contenus
convoqués spontanément par le patient au cours du traitement EMDR
lorsqu’il ne subit pas de blocages.

! Le tissage cognitif (TC)


Nous préconisons le tissage cognitif lorsque le traitement est pris dans
un bouclage, dans un blocage, ou suscite une forte abréaction, et que
les techniques précédentes s’avèrent inefficaces.
La même stratégie de tissage cognitif est indiquée lorsque l’urgence ou
la limitation de disponibilité temporelle imposent un arrêt de séance
en phase 4 ou le patient est encore prisonnier d’émotions fortes ou de
blocages sur des registres cognitifs, émotionnels ou corporels.

138
Aide-mémoire EMDR

Définition et finalité du tissage cognitif

Dans les blocages, les bouclages ou les fortes abréactions, les associa-
tions restent corrélées au passé, inscrites et rivées à la perspective de
l’épisode traumatique malgré les tentatives de stimulation du TAI. Le
thérapeute peut alors constater le point de fixation autour d’un registre
cognitif référé à un thème spécifique tel que celui de la sécurité, du
contrôle, de la responsabilité (estime de soi ou culpabilité).
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Le blocage enferme le sujet dans une posture cognitive passée,
irrationnelle sans accès possible à des informations positives et adaptées
inhérentes au contexte actuel. Pris « les 2 pieds dans le passé » le patient
ne dispose pas de la distance suffisante pour connecter l’information
réaliste adaptée orientée vers le changement souhaité.

11. Les blocages du traitement


Repérer le thème dans lequel l’information est figée constitue le préalable
nécessaire pour que le tissage cognitif « ouvre de nouvelles voies pour
relier les réseaux neuronaux correspondants » (Shapiro, 2007, p. 308).
Le tissage cognitif – technique que nous allons illustrer à travers
quelques exemples – consiste à susciter, par le biais d’une intervention
brève du clinicien, un recadrage cognitif qui désamorce immédiatement
la détresse incluse et renforcée par le blocage. Elle conduit le patient
à créer de nouveaux liens adaptés jusque-là hors de portée consciente,
ceux qui vont l’aider à s’acheminer vers une perception différente de la
situation, à se démarquer de la posture psychique passée pour envisager
un changement.
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« Le traitement adaptatif peut être considéré comme une reliaison spontanée


des réseaux neuronaux appropriés (...) Cependant quand le processus
thérapeutique est bloqué, le clinicien peut utiliser le tissage cognitif
comme un moyen d’ouvrir de nouvelles voies pour lier les réseaux neuronaux
correspondants » (Shapiro, 2007).

Le tissage constitue une intervention et une aide ponctuelle très ajustée


au point de blocage, qui, dès la rétroaction positive obtenue, permet
la reprise d’un traitement autonome basé sur la libre association et le
processus spontané.

139
Aide-mémoire EMDR

Mise en œuvre et types de tissages cognitifs

Le tissage cognitif peut être activé de 2 manières :


• Si l’information positive est inexistante, si le blocage est généré
par une méconnaissance, une carence d’information, ou par l’existence
d’une information pervertie, l’accès à une perspective adaptive ne
peut s’opérer ; il convient alors de fournir l’information manquante
sous forme de psycho éducation ; Par exemple, dire à l’enfant que
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les relations sexuelles concernent les grands et pas les enfants
ou que l’abuseur n’avait pas le droit, qu’il a fait quelque chose
d’interdit. Reprendre aussitôt les SBA et laisser cheminer le traitement
spontanément. À une victime de viol enfermée dans la culpabilité parce
qu’elle a réagi par des sensations de plaisir, donner une information
11. Les blocages du traitement

pour normaliser ses réactions physiologiques en les différenciant du


désir.
• Si l’information positive est existante mais non accessible :
souvent le blocage est généré par l’indisponibilité de l’information
adaptée qui est pourtant existante ; mais trop lointaine, elle se
situe hors de portée de la conscience Stimuler sa quête par une
intervention sous forme de question va orienter et faciliter les étapes
du raisonnement vers les conclusions adaptatives un peu comme si
nous créions les maillons manquants d’une chaîne. C’est à travers des
questions fermées très ajustées au thème du blocage, que la technique
du tissage cognitif apportera une aide subtile et efficace et permettra
de stimuler l’émergence d’un traitement de l’information adapté.

Voici quelques types de tissage cognitifs :


• Le blocage de l’information centrée sur le thème de la sécurité :
pris en otage par le passé ayant réellement compromis sa sécurité
de base et son intégrité physique et psychique, le patient se sent
toujours en danger et parfois en danger de mort.
Exemple de tissage cognitif : « Où êtes-vous maintenant ? Êtes-vous
encore en danger aujourd’hui ? »
• Le blocage de l’information centrée sur le thème de la responsabilité
(culpabilité) :

140
Aide-mémoire EMDR

Le sentiment de culpabilité éprouvé dans la situation douloureusement


vécue peut verrouiller tout accès à une information ou pensée plus
appropriée dans le présent.
Enfant, Corinne était maltraitée ; le point de blocage pendant le
traitement gravite autour d’une adhésion totale à la pensée « c’est de
ma faute si mes parents me battaient ».
Exemple de tissage cognitif : « De l’adulte ou de l’enfant qui est
responsable ? »
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• Le blocage de l’information centrée sur le thème du contrôle :
La traversée d’un épisode de vie impliquant une perte totale de
contrôle, ou un sentiment d’impuissance dans un certain contexte
coercitif peut également figer le vécu de la situation passée et
conditionner dans le présent des réponses irrationnelles contaminées

11. Les blocages du traitement


par les ressentis de l’époque.
Véronique ayant subi une autorité paternelle tyrannique se plaint de
son comportement soumis face à toute demande de son époux « je
n’arrive jamais à faire valoir mon point de vue » lors du traitement
d’une situation du présent elle bloque autour de la pensée « je ne
peux m’opposer... »
« Feindre la surprise pour mettre l’accent sur l’aspect dysfonctionnel
de la croyance « Attendez.... je ne comprends pas bien... Quel âge
avez-vous maintenant ? »
Établir un dialogue socratique peut être une autre alternative pour
conduire progressivement le patient à s’approprier le schéma et la
pensée positive adaptés.
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Exemple de tissage par la méthode socratique : « Qui était l’adulte ? »,


« Lui », « Qui était l’enfant ? » « Moi », « Comment l’enfant que vous
étiez aurait-il pu s’opposer à cet adulte ? »
Rappelons que le tissage cognitif déclenche un processus qui
s’apparente à ce qui se passe naturellement et spontanément pendant
le traitement. Le changement de perspectives qui en découle est
marqué par la modification de la valence des associations : le matériel
négatif persistant dans le blocage devient soudainement caduc tandis
que l’espace libéré laisse place à une perspective du présent adaptative
et congruente sous forme d’associations positives. Le traitement
autonome et spontané basé sur l’efficience du TAI est ainsi relancé.

141
Aide-mémoire EMDR

Tissages cognitifs, les tissages somatiques,


les tissages créatifs

Parfois au décours du traitement d’une cible, une sensation physique


inconfortable et rémanente peut empêcher la poursuite du travail
d’association et d’intégration du matériel mnésique mobilisé. Il peut
s’agir d’une tension, brûlure, picotement, douleur, pression, souvent
localisées dans le corps avec précision.
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• L’invitation du thérapeute à contacter le point de résistance dans le
corps à travers une légère auto pression manuelle : (« posez votre
main sur l’endroit où vous ressentez cette tension... ») favorise, après
une série de SBA, la dissolution de la trace somatique, sans aucune
association consciente. Parfois au contraire, l’émergence de matériel
11. Les blocages du traitement

mnésique sera immédiatement verbalisée et accompagnée d’une prise


de conscience autour du sens du blocage.
• Une autre piste de déblocage est d’utiliser le pont d’affect à partir
d’une sensation physique soutenue. Là aussi, il s’agit d’apporter
une aide subtile pour favoriser l’émergence de composants délétères,
la perturbation somato-émotionnelle non élaborée ayant fonction
d’indicateur et d’avertisseur de l’interruption du TAI.

La technique du pont d’affect qui prend appui sur la sensation physique


va peut-être permettre le lien avec d’autres éléments enfouis appartenant
à ce même réseau de mémoire dysfonctionnel, à un autre réseau de
mémoire ou une autre cible à laquelle elle est reliée. Le pont d’affect
peut permettre de connecter au souvenir source dysfonctionnel jusque-là
inaccessible mais toujours pathogène.
De nombreuses formes de déblocages corporels passent par les tech-
niques de tissage cognitif ou somatique :
• Une sensation dans la zone pharyngée nous indique empiriquement
que cette tension est souvent synonyme de contenus verbaux non-dits,
retenus et inhibés du fait d’un hypercontrôle interne relatif au registre
cognitif « je n’ai pas le droit de répondre » ou du fait d’injonctions
externes menaçantes « tu n’as pas le droit de dire... » liés dans les
deux cas, aux épisodes traumatiques ciblés. Notons qu’il apparaît
souvent au niveau clinique que cette auto-censure verbale représente

142
Aide-mémoire EMDR

l’incorporation d’un discours émis par une figure d’autorité abusive


ou toute autre personne en place d’agresseur.
• L’exemple qui suit, à propos d’un traitement sans blocage faisant cepen-
dant intervenir la persistance d’une sensation corporelle peut éclairer
les modalités de déblocage dans des conditions plus réfractaires :
au cours de la désensibilisation Laurence manifeste une sensation
désagréable de striction pharyngée associée à une voix enrouée ;
le « notez cela et continuez » relayé par des SBA va faire émerger
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spontanément cette association « c’est tout ce que je n’ai pas dit qui
reste bloqué là... quand j’étais petite et qu’on me violait et que je
pouvais le dire à personne » L’invitation du thérapeute à « continuer
avec cela », sera suivi de « ça y est, c’est parti... ».

11. Les blocages du traitement


• Dans le cas du blocage de la sensation persistante dans la gorge, le
thérapeute pourrait suggérer au patient de laisser-aller les mots qui
auraient besoin d’être dits selon une formule telle que « Permettez
aux mots non-dits qui auraient peut-être besoin de s’exprimer, d’être
dits maintenant... mentalement... à voix basse ou à haute voix... ».
• Au contraire, les sensations de la zone pharyngée peuvent également
représenter « quelque chose que je ne peux pas « avaler », quelque
chose d’inacceptable. Exemple : « Le corps est une machine plutôt
bien faite et lorsqu’il ne peut pas avaler quelque chose il peut le
rejeter en le recrachant ».
• La fixation de sensations corporelles peut représenter un écho du
mouvement réprimé lors de l’événement traumatique ; permettre
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l’actualisation de ce geste pour libérer les mouvements éprouvés,


refoulés ou empêchés au moment de l’événement, peut participer à
débloquer le travail du traitement adaptatif de l’information ; nous
opérons de ce fait une sorte de tissage somatique (il s’agit bien d’un
registre symbolique où le patient ne portera pas atteinte à l’intégrité
de sa propre personne ou à celle du thérapeute, sur le registre de la
réalité).
« Dans les deux cas, le principe est de permettre à l’information
stockée d’être convenablement traitée, ce qui inclut une stimulation
des émotions, des propos et des actions physiques refoulées » (Shapiro,
2007).
• Le tissage cognitif qui donnerait la parole à cette sensation bloquée
pour en révéler le sens : « Si cette sensation pouvait parler, que

143
Aide-mémoire EMDR

dirait-elle ? » la réponse du patient, stimulée (SBA) va remettre en


route le processus naturel de métabolisation.
• Dans le cas de douleurs physiques post-traumatiques, l’appel à
« l’antidote imaginaire » permet de créer des tissages créatifs (Grant et
Threlfo, 2002 ; De Roos et Veenstra, 2009) : par exemple la sensation
bloquée de brûlure peut appeler la référence à la fraîcheur de la glace
sur la peau.
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L’ensemble des techniques abordées dans ce chapitre, reprenant les préconisations
didactiques de leur auteur Francine Shapiro, permettent la remise en route du
principe actif du traitement. Ces interventions situées sur des registres différents
réorientent le travail thérapeutique vers l’activation du processus autonomisant de
11. Les blocages du traitement

l’autoguérison, postulat de la thérapie EMDR cher à son auteur.


Allant de simples variations mécaniques, à la puissante stratégie du tissage cognitif,
ces interventions, toujours attentives à la « règle d’or philosophique » de l’attention
double (Shapiro, 2007) participent à la levée des blocages, à la gestion des
abréactions et donnent un tempo au travail thérapeutique en évitant les risques
d’enlisement du processus.
Ces propositions ne sont ni exhaustives ni applicables à la lettre ; le principe de la
flexibilité et l’adaptabilité prévaut à l’application systématique dans ces interventions
qui doivent toujours s’exercer dans le sens du respect du patient, de « ses croyances
écologiquement valides » (Shapiro, 2007).
Ces stratégies ne peuvent en aucun cas se substituer aux compétences cliniques
qui régissent l’efficience thérapeutique ; bien au contraire elles viennent en révéler
toute la créativité et la subtilité clinique.

144
Aide-mémoire EMDR

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145
Aide-mémoire EMDR

12. EMDR, violences domestiques, troubles de l’attachement et dissociation


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EMDR, VIOLENCES DOMESTIQUES,
TROUBLES DE L’ATTACHEMENT ET DISSOCIATION

Michel Silvestre et Hélène Dellucci

Nous voulons souligner dans cet article qu’une thérapie EMDR des violences
domestiques va s’inscrire dans une clinique complexe des dynamiques individuelles
et familiales où s’entremêlent les troubles de l’attachement et les processus
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dissociatifs parmi les blessures présentes et passées chez l’auteur et les victimes.

Panorama des violences domestiques

! Définition
Les Nations Unies définissent la violence domestique comme une
situation dans laquelle une personne exerce des violences physiques,
psychiques, sexuelles ou économiques sur une autre personne avec
laquelle elle est liée par un rapport familial, conjugal, de partenariat
ou d’union libre, existant ou rompu, actuel ou passé (Christen, Heim,
Silvestre et Vasselier-Novelli, 2004).

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Aide-mémoire EMDR
12. EMDR, violences domestiques, troubles de l’attachement et dissociation

! Prévalence
Dans le monde, les agressions masculines entraînent plus de décès et
de handicaps chez les femmes de 15 à 44 ans que le cancer, la malaria,
les accidents de la route et la guerre (Parlement Européen, 2004). En
Europe, 50 % des femmes assassinées chaque année sont tuées par leurs
conjoints (enquête européenne, 1999) et en France une femme est tuée
tous les 2,5 jours (INED, 2001).
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Le National Child Traumatic Stress Network aux USA (NCTSN, 2003)
montre que les hommes sont majoritairement les auteurs de violence
domestique, que 99 % de cette violence se passe dans la maison de la
victime et que les femmes risquent deux fois plus d’être victimes de
violence domestique s’il y a des enfants à la maison.

! Conséquences des violences domestiques sur les enfants


Parmi les victimes des violences domestiques, les enfants méritent une
attention particulière. Ces enfants présentent deux fois plus de risque
d’avoir des problèmes psychiatriques que les autres enfants. Plus ils sont
jeunes lors de l’occurrence des violences, plus les blessures entraînent
des vulnérabilités d’attachement. Ces enfants ont trois fois plus de
risque d’être déscolarisés (atteinte cognitive) et quinze fois plus de
risque d’être agressées que les autres (Morris-Smith & Silvestre, 2013).
Les violences subies dans l’enfance augmentent le risque de comporte-
ments de violence dans la relation conjugale future, soit comme auteur
de violences, soit comme victime. Être témoin de violences entre les
parents est un facteur de risque pour développer des relations adultes
empreintes de violence (Brewin et al., 2000).
Notre pratique clinique nous enseigne cependant, que malgré ces chiffres
alarmants, tous les enfants qui ont vécu ou été témoin de violences
domestiques ne sont pas forcément à risque, et ce grâce à leurs capacités
de résilience.

Impact neuro-psychologique
Perry et al., (1995) décrivent deux continuums différents de réponse
comportementale face au trauma des violences, une réponse d’hyper-
excitabilité de type noradrénergique (système nerveux sympathique)

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Aide-mémoire EMDR

12. EMDR, violences domestiques, troubles de l’attachement et dissociation


caractérisée par des comportements d’hyperactivité, de distractibilité
et de faible concentration et une réponse d’hypoexcitabilté de type
sérotoninergique (système nerveux parasympathique), caractérisée par
des comportements d’évitement passif, de déni, de soumission et
de sidération. Ces deux réponses comportementales peuvent être
considérées comme des manifestations de processus dissociatifs.

Impact sur l’attachement


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Les violences domestiques génèrent chez l’enfant des ruptures dans les
attentes développementales de protection envers la figure d’attachement
et dans les stratégies de régulation de l’affect. Le protecteur devient
une source de danger, l’enfant développe des sentiments contradictoires
envers la figure d’attachement et il a à faire face à des peurs
insurmontables avec nulle part où aller pour se faire aider.
Même si l’enfant n’a pas directement vu les situations de violence, il aura
subi une exposition sensorielle à ces situations comme le confirment
les travaux de Fusco & Fantuzzo (2009). Le lien désorganisé qui en
découle et une communication parentale perturbée sont d’importants
prédicteurs pour les symptômes dissociatifs à l’âge adulte (Lyons-Ruth
et al., 2003, 2006 ; Ogawa et al., 1997), de même que les états d’âme
faits d’hostilité et d’impuissance chez les parents (Lyons-Ruth et al.,
2005), ou l’indisponibilité, voire l’absence de réponse émotionnelle
parentale (Dutra et al., 2009).
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! Les auteurs de violences


Une étude américaine (Fusco & Fantuzzo, 2009) montre que 73 % des
auteurs de violences domestiques sont des hommes, 13 % sont des
femmes. Hommes et femmes sont auteurs ensemble pour 14 %. 67 %
des victimes et des auteurs étaient mariés ou cohabitaient au moment
des violences et 43 % avaient des enfants à la maison au moment des
violences. Un élément souvent cité dans les situations de violences
domestiques est le rôle de l’alcool. Finney (2003) souligne que 32 %
des actes de violence domestique ont lieu lorsque l’agresseur était sous
influence de l’alcool. Il s’agit d’un élément contributeur aux violences
et non pas la cause des violences. L’alcool a un effet désinhibiteur
en exacerbant les problèmes, lorsque les conflits sont déjà présents.

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Aide-mémoire EMDR
12. EMDR, violences domestiques, troubles de l’attachement et dissociation

La prise d’alcool est souvent mentionnée comme une excuse après les
violences.

Les effets des violences domestiques


sur la dynamique familiale
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! Une hiérarchie familiale dysfonctionnelle
Les violences domestiques amènent une hiérarchie familiale dysfonc-
tionnelle avec des frontières générationnelles floues, des parents qui
ne sont pas à leurs places, un enfant « parentifié », des parents
« abdiquants » et incapables d’apaiser où de réguler l’enfant, des
comportements parentaux effrayants, déstabilisants, incongruents qui
créent des situations paradoxales, insolubles et problématiques pour
l’enfant. La conséquence chez l’enfant est le développement d’un style
d’attachement désorganisé, où il est mis en position de sécuriser les
parents, et en même temps ses efforts n’aboutissent pas. Une telle
situation peut entrainer l’apparition de symptômes dissociatifs comme
seule réponse possible à cette situation paradoxale, permettant à l’enfant
à la fois de survivre en gardant le lien avec son parent, tout en se coupant
du contenu véhiculé au sein de ce lien (Goldsmith, 2004).

! L’attachement désorganisé
L’attachement désorganisé est un des types d’attachement décrit dans
les travaux de Main (1993). Les autres modalités d’attachement sont les
attachements organisés, sécure, anxieux-évitant et anxieux-ambivalent
qui représentent 95 % des cas dans la population à bas risque. Dans la
population à haut risque des violences domestiques, les attachements
désorganisés peuvent représenter plus de 50 % des situations (Delage,
2008).
Un attachement désorganisé se traduit par des difficultés intraper-
sonnelles et interpersonnelles, des difficultés d’accordage aux états
émotionnels d’autrui avec perte d’empathie, dérégulation de l’af-
fect, comportements auto destructeurs et suicidaires, une attitude
de méfiance et de suspicion, des attitudes et comportements qui

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Aide-mémoire EMDR

12. EMDR, violences domestiques, troubles de l’attachement et dissociation


imitent l’agresseur et un processus de revictimisation, d’isolement
social, avec des difficultés à maintenir des relations constructives,
des problèmes avec les limites et des difficultés avec la prise de distance
interpersonnelle.

Les troubles dissociatifs, une clé pour comprendre


les effets des violences domestiques à l’âge adulte
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Les troubles dissociatifs constituent les suites d’une traumatisation
chronique. Les auteurs de la Théorie de la Dissociation Structurelle de la
Personnalité (Van der Hart, Nijenhuis et Steele, 2006/2010) définissent
la dissociation comme « (...) un manque d’intégration parmi deux ou
plusieurs sous-systèmes psychobiologiques de la personnalité comme
système entier, ces sous-systèmes endossant chacun au moins un sens
de Soi rudimentaire » .
Pour Pierre Janet, un précurseur de cette pensée, la dissociation était
une incapacité à intégrer l’expérience traumatique par l’alternance entre
le fait de ressentir trop ou trop peu (Janet, 1904). Cette incapacité
mène à un échec de la réalisation des événements qui se sont produits,
(par exemple « Je ne peux pas croire ce qui est arrivé », « mes sœurs
disent qu’il y a eu des choses difficiles qui se sont produites, mais je
ne suis pas de leur avis »). Un symptôme qui accompagne fréquemment
la dissociation est la dépersonnalisation, qui se caractérise par une
perte des sensations pour son propre corps, qui peuvent aller jusqu’à
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des vécus « hors du corps », principalement lorsque la personne, au


moment du vécu traumatique, ne peut pas s’enfuir. Un autre phénomène
caractéristique de la dissociation est la non-présentification, c’est-à-dire
une perte de la capacité à percevoir, ressentir et se vivre dans le temps
présent.
Nous pouvons voir ces phénomènes dissociatifs également comme une
ressource de survie, qui se fait au prix d’une distanciation de l’expérience
psychique, et physique, avec l’esprit qui s’échappe de l’ici et maintenant,
de la réalisation consciente des événements et de l’expérience corporelle.
Au-delà de la survie, ces mécanismes peuvent devenir des habitudes,
déclenchées par des éléments moins massifs, et finir par se constituer
en défenses autour desquelles s’organise la personnalité. Bien entendu,

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Aide-mémoire EMDR
12. EMDR, violences domestiques, troubles de l’attachement et dissociation

les éléments traumatiques restent en l’état et font l’objet d’un évitement


massif
Parmi les modèles théoriques qui expliquent la dissociation, les théories
de l’attachement ont une place de choix. Celles-ci proposent comme
étiologie de la dissociation des défauts d’attachement entre parents et
jeunes enfants (Barach, 1991 ; Liotti, 1999 ; Lyons-Ruth et al., 2006)
menant à un style d’attachement désorganisé (Fonagy, 1997 ; Liotti,
1999 ; Van der Hart et al., 2006/2010), qui constitue le socle des
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traumatisations du tout-petit et de ses besoins fondamentaux négligés.
L’adulte avec un attachement désorganisé va employer des stratégies de
défense contre toute forme d’attachement, car celui-ci est vécu comme
une menace pour l’intégrité psychique ou physique (Blizard, 2003 ;
Howell, 2005 ; Steele et al., 2001 ; Van der Hart et al., 2006/2010). Ainsi,
l’attachement désorganisé se montre sous forme de deux mouvements en
conflit, l’un avec une phobie de l’attachement (avec une activation des
systèmes d’action de défense, comme la fuite ou la lutte), l’autre avec
une phobie de perte de l’attachement avec d’autres significatifs (avec
une activation du système d’action de pleur d’attachement, comme
une panique devant toute séparation, des peurs d’abandon). Dans
une méta-analyse, Brewin et ses collègues (2000) estiment le risque
de développer des troubles dissociatifs élevé, lorsque les personnes
manquent de lien social après des événements terrifiants.

! La Théorie de la Dissociation Structurelle de la Personnalité


Le cadre de pensée qui nous est le plus utile à l’heure actuelle
pour conceptualiser les troubles dissociatifs est la théorie de la
dissociation structurelle de la personnalité (Van der Hart, Nijenhuis
et Steele, 2006/2010). Cette théorie conceptualise la dissociation
post-traumatique, en distinguant d’après Myers (1940) entre un fonction-
nement apparemment normal et un fonctionnement de type émotionnel.
Les réseaux qui assurent le fonctionnement apparemment normal
sont orientés vers la survie de l’espèce, le fonctionnement de la vie
quotidienne et restent dans un évitement phobique de tout contenu
traumatique et de l’émergence émotionnelle. Cet évitement phobique
peut aller jusqu’à une amnésie complète de l’existence même du trauma.

152
Aide-mémoire EMDR

12. EMDR, violences domestiques, troubles de l’attachement et dissociation


Les réseaux traumatiques, par contre, portent les contenus traumatiques,
et sont véhiculés par des systèmes d’action de défense contre les
menaces. Ce type de fonctionnement est avant tout orienté pour la
survie individuelle.
Pour plus de facilité, la littérature utilise communément le terme de
« parties de la personnalité », en distinguant partie de la personnalité
apparemment normale et partie de la personnalité émotionnelle, une carte
de lecture qui ne doit pas conduire le thérapeute à réifier à outrance la
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métaphore utilisée.
La théorie de la dissociation structurelle de la personnalité (TDSP)
prévoit trois degrés de dissociation.

La dissociation structurelle primaire


La dissociation structurelle primaire comprend une partie de la person-
nalité apparemment normale (PAN) et une partie de la personnalité
émotionnelle (PE). Pour les auteurs de la TDSP ce niveau de dissociation
équivaut à un Trouble de Stress Post-Traumatique (ou TSPT) simple,
pouvant comprendre plusieurs traumatismes. Il s’agit de personnes
dont le niveau de fonctionnement général est bon. La stabilisation
est en général courte, et la résolution traumatique peut être acquise
rapidement.

La dissociation structurelle secondaire


La dissociation structurelle secondaire comprend une PAN, qui assure le
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fonctionnement de la vie quotidienne, et plusieurs PE. Ces différentes


PE sont le plus souvent véhiculées par des systèmes d’action différents,
par exemple l’une étant organisée par des actions défensives, avec des
stratégies de lutte ou de fuite, tandis qu’une autre peut être organisée
par le système d’action de soumission, encore une autre coincée dans
le système d’attachement resté à un stade archaïque, sous forme de
pleur d’attachement, ce qui se traduit par une tendance à l’agrippement,
menant à une recherche de proximité plutôt que de sécurité.
Plus le niveau de fonctionnement dissociatif est prononcé, plus le conflit
entre phobie de l’attachement et panique de perte du lien est important.
Dans la structure de traitement proposée par la TDSP, la première phobie
à dépasser est celle de la phobie d’attachement avec le thérapeute,

153
Aide-mémoire EMDR
12. EMDR, violences domestiques, troubles de l’attachement et dissociation

avec en même temps une panique de perte d’attachement avec le même


thérapeute (Van der Hart et al., 2006/2010 ; Steele et al., 2001, 2005).

La dissociation structurelle tertiaire

La dissociation structurelle tertiaire fait partie des tableaux dissociatifs


complexes, où le fonctionnement dissociatif est très prononcé. Ici,
il y a plusieurs PAN, par exemple un fonctionnement en tant que
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parent, différent du fonctionnement professionnel, encore différent du
fonctionnement en tant que conjoint.
Dans la dissociation structurelle tertiaire, le nombre de PE est important,
et souvent organisé par couches successives. Ces PE portent des trauma-
tismes de l’histoire de la personne, en général depuis la petite enfance,
où il faudra porter autant d’attention aux actes commis, comme des
agressions de tous ordres, qu’aux actes omis, c’est-à-dire des négligences,
des défauts de protection, des indifférences, des évitements. Il arrive
souvent aussi que certaines PE portent du matériel transgénérationnel,
qui peut provoquer des symptômes d’aspect psychotique.
L’attachement chez les personnes qui souffrent de dissociation structu-
relle tertiaire est désorganisé, avec un conflit apparemment insoluble
entre la peur de s’attacher et en même temps la peur de perdre l’atta-
chement (Steele et al., 2001, 2005 ; Van der Hart et al., 2006/2010).
Le diagnostic posé à ce niveau de dissociation est celui de Trouble
Dissociatif de l’Identité1 (TDI). Ce qui est caractéristique chez ces
personnes, et qu’on retrouve moins chez les personnes souffrant d’un
trouble dissociatif pas autrement spécifié (DDNOS), est que les patients
TDI ont des amnésies dans la vie quotidienne, font des choses dont ils
ne se rappellent pas, par exemple écrire des messages, avec un contenu
qu’ils ignorent, et d’autre part, peuvent être amenés à changer d’état,
menant à des comportements qui peuvent paraître incompréhensibles
au thérapeute non averti. Chez ces patients, la thérapie nécessite
du temps. Souvent ces personnes ne sont pas bien fonctionnelles
dans le quotidien, ou alors au prix d’un épuisement important, se
soldant par un état dépressif chronique. Il n’est pas rare que ces

1. Dans la terminologie internationale, ce trouble est appelé Dissociative Identitity


Disorder (DID).

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Aide-mémoire EMDR

12. EMDR, violences domestiques, troubles de l’attachement et dissociation


personnes reçoivent de multiples diagnostics, d’une part en raison
d’une comorbidité importante, d’autre part, parce qu’elles peuvent se
comporter extrêmement différemment dans deux situations différentes,
avec deux interlocuteurs différents, donnant à une équipe l’impression
d’avoir à faire à deux personnes, jumelles en apparence, mais différentes
dans le comportement, la relation.
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Conceptualisation et plan de traitement EMDR
dans un contexte de violences domestiques

! Information générale
Le traitement est complexe car il peut s’adresser aux victimes, à l’auteur
des violences, à la famille et doit intégrer les différents déterminants
singuliers et relationnels. Trois points clés doivent guider l’intervention
thérapeutique :
Le premier est la sécurité concernant les membres de la famille. Le
thérapeute doit évaluer si et quand les comportements de violences
domestiques doivent être signalés : s’agit-il d’une affaire privée ou
publique ? Dans le cas d’un travail avec un enfant, il faudra se rappeler
que la sécurité de l’enfant est essentielle. Le travail avec l’auteur des
violences doit s’effectuer en premier, avant tout autre travail relationnel
familial ou avec un enfant de la famille. En effet il est illusoire de penser
un travail thérapeutique avec un enfant s’il est toujours confronté
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aux comportements de violence domestique dans sa vie quotidienne


(Morris-Smith & Silvestre, 2013).
Le deuxième point est l’organisation du plan de traitement. Qui a besoin
de traitement, qui doit venir en séance, et quand ?
Finalement le troisième point est une réflexion du contexte pour savoir
quelles sont les institutions publiques qui doivent être impliquées dans
cette prise en charge.

! La stabilisation et la phase de préparation à l’EMDR


En psychotraumatologie et notamment dans la mise en œuvre de la
thérapie EMDR, la stabilisation est une phase importante, et consiste en

155
Aide-mémoire EMDR
12. EMDR, violences domestiques, troubles de l’attachement et dissociation

une préparation avant toute confrontation visant à retraiter les réseaux


de mémoire traumatiques. Une stabilisation réussie va répondre à trois
besoins fondamentaux :

Intégrité et sécurité

Le premier besoin concerne l’intégrité immédiate et le sentiment d’être


en sécurité. Les personnes impliquées dans les violences dont elles
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portent les séquelles traumatiques ont fait l’expérience tangible que leur
intégrité n’est pas sauve. Tant que la sécurité dans l’ici et maintenant
pose question, celle-ci est une priorité. Cela passe par une réflexion sur
les conditions de sécurité dans l’environnement immédiat, et par un
apaisement du corps en séance.

Une relation correspondant aux conditions


d’un attachement sécure

Le second besoin consiste à construire avec le thérapeute un lien


d’attachement sécurisé. Nous avons affaire à des personnes blessées sur
le plan relationnel avec une proportion non négligeable d’attachement
désorganisé. Cependant, la possibilité de construire une relation corres-
pondant aux conditions d’un attachement sécurisé avec le thérapeute
demeure présente, pourvu que ce dernier soit prédictible, contenant
et constant. Cette étape peut prendre du temps et nécessiter un soin
constant à travers la thérapie, surtout avec des patients ayant des
difficultés à garder le lien. Une fois qu’un lien suffisamment bon est
mis en place avec le thérapeute, d’autres liens constructifs peuvent être
créés avec des personnes de l’entourage, et en cas de dissociation avec
des mouvements internes.

Accès à une perspective d’avenir

Un troisième besoin important pour se stabiliser consiste en la possibilité


à avoir de l’espoir et une perspective d’avenir. La caractéristique
principale du trauma complexe est d’avoir fait l’apprentissage que le
trauma ne va pas s’arrêter. Les personnes vivant dans des contextes
de violences domestiques pendant plusieurs années sont dans ce cas.
La perspective d’avenir a donc été modifiée, ce qui expose tous les
protagonistes à d’intenses sentiments d’impuissance et de désespoir,

156
Aide-mémoire EMDR

12. EMDR, violences domestiques, troubles de l’attachement et dissociation


qu’ils vont chercher à contrer par des actions substitutives, comme des
passages à l’acte, des addictions, de l’auto-mutilation, etc.
Pour les parents aux prises avec des logiques de violence domestique,
nous les invitons à se projeter à un moment où leurs enfants auront
leur âge, pour leur demander ce qu’ils aimeraient que leurs enfants
puissent dire avoir reçu de leur part (Dolan, 1991). Cette question, par
la projection dans un futur lointain, permet ensuite de centrer le travail
sur les moyens d’arriver aux souhaits exprimés.
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Avec les personnes souffrant de troubles dissociatifs, lorsque les réseaux
traumatiques sont activés, cette partie de l’expérience coincée dans le
trauma, sans lien vers un après apaisé, peut faire perdre la perspective
de l’ici et maintenant et mener à des blocages. Une perspective d’avenir
préalablement construite à travers des objectifs, un scénario du futur,
est un bon antidote à cela.

! Le travail spécifique avec l’auteur de violences


Il y a plusieurs cibles possibles dans le travail EMDR avec l’auteur.
L’expérience clinique nous a montré qu’il était plus pertinent de démarrer
avec des cibles du présent comme son comportement en relation avec
sa partenaire, pour ensuite aborder des cibles du passé, le plus souvent
en rapport avec des scènes de violence vécues enfant. Cette approche
thérapeutique (protocole inversé) permet à l’auteur d’expérimenter une
modification plus rapide de son comportement quotidien tout en prenant
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en compte une fenêtre de tolérance étroite, avant de se confronter à


des souvenirs du passé toujours très douloureux.
Les cibles du quotidien pour l’auteur de violences sont multiples et
vont permettre de travailler sur son mode d’attachement hyper-anxieux
voire désorganisé, son niveau de différentiation faible (envahissement
important de l’émotionnel sur le cognitif), son estime de soi forte ou
faible mais vulnérable, sa fenêtre de tolérance étroite et sa relation avec
sa famille d’origine.
Nous tenons à signaler qu’un aspect important de la thérapie EMDR avec
les auteurs réside dans le fait qu’ils n’ont pas à décrire les situations
traumatiques et ils expriment souvent que lors de cette thérapie, « c’est
différent, je n’ai pas besoin de parler ».

157
Aide-mémoire EMDR
12. EMDR, violences domestiques, troubles de l’attachement et dissociation

La figure 12.1 illustre la boucle interactionnelle dans laquelle l’auteur


fonctionne et se débat avec lui-même. Les différentes étapes de cette
boucle sont autant de points d’entrée du traitement.

Mon partenaire
s’éloigne de moi,
c’est différent
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Peur de l’abandon,
Peur baisse besoin de s’agripper
Besoin d’être
en relation
augmente

Émotion : je suis
à la merci ! réflexe
Je détruis de survie
pour exister :
je n’ai besoin
de personne

Figure 12.1. Boucle interactionnelle de l’auteur de violences domestiques

Nous avons constaté dans notre pratique clinique que les auteurs ne
viennent que très rarement eux-mêmes demander de l’aide. Ils montrent
par leurs comportements qu’ils vont mal mais ils ne le verbalisent pas.
Leur participation en traitement nécessite souvent une décision de
justice (Smith & Silvestre, 2011) ou une forte contrainte de la part du
partenaire (Christen et al., 2004).

158
Aide-mémoire EMDR

12. EMDR, violences domestiques, troubles de l’attachement et dissociation


! Le travail spécifique avec les victimes de violences
Le travail spécifique avec les victimes de violences se concentre dans
un premier temps sur la prise en charge de la partenaire, qu’elle soit
mise à l’écart ou non et une sécurisation du lien parent-enfant.
Dans notre travail thérapeutique avec ces patientes, nous avons constaté
que dans un premier temps, les mères ne demandent pas d’aide
psychologique pour elles-mêmes. Ce sont le plus souvent les travailleurs
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sociaux ou d’autres témoins de leur souffrance qui demandent de l’aide.
Ces femmes présentent des tableaux dissociatifs assez prononcés, avec
un évitement massif de tout trauma. Elles ne sont pas intéressées à
aborder le passé, ont des difficultés à faire confiance. Construire une
relation thérapeutique n’est pas chose facile et la tolérance à l’affect
est souvent faible, avec une difficulté à ressentir et percevoir leurs
émotions.
Sortir des violences démarre le plus souvent avec une période dépressive
importante, avec des risques suicidaires réels, car ce qui est à l’ordre
du jour est de faire le deuil d’une relation qui a pris beaucoup de place.
Au-delà de l’accompagnement de cette première phase dépressive, le
travail thérapeutique consiste surtout à aider la partenaire à sortir des
effets d’une relation d’emprise, à la soutenir dans ses compétences
parentales.
L’ambivalence face au conjoint auteur de violences reste intacte. Ici,
avant tout travail sur le trauma, inaccessible dans une première phase,
nous centrons le travail EMDR vers des cibles portant sur l’idéalisation
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(Knipe, 2014), de façon à permettre de vrais choix, sur les peurs


émergeantes, pour augmenter la tolérance à l’affect.
Nous avons constaté chez les victimes de violences domestiques, qu’il
s’agisse de partenaires ou d’enfants, qu’ils ont pris l’habitude de prendre
sur leurs épaules la problématique de l’autre. Cette façon de garder le
contrôle, tout en espérant éperdument que l’auteur va changer peut
se montrer délétère pour toute tentative de reprise d’un lien plus
constructif.
Outre l’utilisation de figures symboliques (Dellucci & Bertrand, 2012),
nous controns cette habitude en effectuant avec ces patients un

159
Aide-mémoire EMDR
12. EMDR, violences domestiques, troubles de l’attachement et dissociation

rituel pour rendre (Sparrer, 2004/2007), en installant une ressource


de différenciation au moyen de l’EMDR.

Protocole d’installation d’une ressource de différenciation


par un rituel pour rendre
• Explications de l’exercice du rituel pour rendre : « Je vous propose un exercice
qui a pour but de rendre à votre partenaire/parent, tout ce que vous avez porté
et qui ne vous appartient pas. Il ne s’agit pas de lui faire du mal, au contraire, il
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s’agit de remettre à leur juste place les affaires de chacun, pour qu’elles puissent
être traitées adéquatement. »

S’assurer de l’accord du patient.


• Pour le travail hors trauma, mettre tout contenant traumatique dans le
contenant : « Je vous demande de laisser aller tous les souvenirs difficiles du
passé dans le contenant »

N.B. Pas de stimulations bilatérales (SBA)


• Créer une représentation de la personne-cible : « Je vous demande d’imaginer
votre partenaire/parent. Comment réagit-il ? Comment réagissez-vous ? »

Accompagnez toute émergence émotionnelle avec des SBA, jusqu’à ce qu’un


contact mental apaisé soit possible entre la patiente et son partenaire/parent et
que son corps soit calme.
• Imaginer ce qui a été porté indûment : « Je vous invite à penser à tout ce que
vous avez porté et qui n’est pas à vous, en lui donnant la forme qui convient. »

Si la personne n’a pas d’idée, le thérapeute peut suggérer des contenants appropriés :
un paquet, une valise... Accompagnez la patiente avec des SBA, en l’invitant à laisser
aller dans ce contenant destiné à l’autre, tout ce qu’elle a porté indûment.
• Rituel pour rendre en plusieurs étapes :

1. « Veuillez répéter après moi : En travaillant sur moi, je me suis rendu compte,
que je portais des choses qui ne m’appartiennent pas. »
SBA jusqu’à ce que la patiente a pu dire cette phrase mentalement.
2. « Et comme ça ne m’appartient pas, je te le rends, et tu peux le rendre à qui de
droit. »
Accompagnez les émergences émotionnelles avec des SBA jusqu’à ce que le
corps soit calme.
Le but est que le patient puisse lâcher son fardeau et laisser le destinataire
le gérer. Si cela est trop difficile, notamment à l’égard de parents, d’aïeux, les
tissages suivants peuvent aider : ☞

160
Aide-mémoire EMDR

12. EMDR, violences domestiques, troubles de l’attachement et dissociation


☞ – a)« Parfois des petits, aussi courageux que des héros, prennent sur leurs
épaules des choses qui ne sont pas à eux... »
SBA jusqu’à ce que le corps du patient se calme
– b)« ... surtout s’ils se rendent compte que leurs parents ne vont pas bien. »
– SBA
– c)« Mais cela ne soulage personne, ni les parents, ni eux. »
– SBA
– d)« Le travail des grands est de s’occuper eux-mêmes de leurs soucis... »
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– SBA
– e)« ... et celui des enfants est de faire confiance que leurs parents vont y
arriver. »
SBA jusqu’à apaisement du corps. Souvent la patiente émet des craintes que
le parent ne soit pas en capacité de gérer son fardeau. Les SBA continuent
jusqu’à ce que la patiente puisse renoncer à prendre sur elle ce qui ne lui
appartient pas.

3. « Je te souhaite d’aller bien. Je m’occuperai de ma vie de mon côté. »


Ce rituel est terminé si la patiente a pu lâcher et rendre son fardeau au destinataire
choisi, que son corps est calme, et qu’elle est bien orientée dans le présent.

! Le travail avec la famille


Le travail familial, possible lorsque l’auteur a arrêté ses comportements
de violence et a suivi son traitement individuel, ciblera l’amélioration
de la qualité des liens d’attachement parents-enfants, la mise en place
d’une hiérarchie familiale congruente et l’élaboration d’un récit narratif
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

permettant de développer des attachements plus sécures, de même que


la réduction de la vulnérabilité émotionnelle par l’élargissement de la
fenêtre de tolérance. Ce mouvement thérapeutique servira de soutien au
traitement des souvenirs traumatiques chez les enfants, visant à réduire
les conséquences des traumas et à les aider à développer un meilleur
contrôle des affects avec moins d’impulsivité.

La thérapie EMDR a toute sa place dans le traitement des pathologies liées aux
violences domestiques et de ses conséquences, qu’il s’agisse des auteurs de
violences, des victimes ou des témoins. La finalité du travail thérapeutique est triple :
agir sur l’arrêt de la transmission des violences des blessures traumatiques à la ☞

161
Aide-mémoire EMDR
12. EMDR, violences domestiques, troubles de l’attachement et dissociation

☞ génération suivante, permettre à tous les protagonistes de s’affranchir des blessures


traumatiques, et dépasser les apprentissages implicites de comportements de
violences comme seule réponse, en amenant un apprentissage explicite et une
mentalisation suffisante des émotions.

Bibliographie
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Aide-mémoire EMDR

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Aide-mémoire EMDR
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Aide-mémoire EMDR

13. Traumatismes transgénérationnels et EMDR


13
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TRAUMATISMES TRANSGÉNÉRATIONNELS ET EMDR

Hélène Dellucci

La réalité d’une dimension traumatique transgénérationnelle est aujourd’hui


clairement établie (Ancelin Schützenberger, 1993, 1996 ; Yehuda et al., 2014).
Une thérapie psychotraumatologique comme l’EMDR a ici toute sa place dans le
traitement de ces blessures particulières. Comment reconnaître et conceptualiser
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

ce type de traumatisation transmise ? Quelles sont les pistes en EMDR pour traiter
ces traumatismes que nos patients n’ont eux-mêmes pas vécus ? Peut-on prévenir
la transmission de ce type de blessures ?

Les traumatismes transmis

Nous distinguons trois types de blessures traumatiques transmises : les


traumatismes familiaux, les traumatismes transgénérationnels et les
traumatismes vicariants.
On peut parler de traumatisme familial ou collectif, lorsque les effets
traumatiques d’un ou plusieurs événements négatifs s’étendent à plus

165
Aide-mémoire EMDR

d’une personne d’un même groupe1 . Ces blessures perturbent les liens
familiaux, les rôles et les fonctions des uns et des autres ainsi que la
capacité à partager des émotions. Comme chez les individus, l’événement
est gelé dans la famille, et les symptômes d’un trouble de stress post-
traumatique peuvent être portés à des degrés variables par différents
membres de la famille, par exemple certains soignant l’évitement,
d’autres pouvant devenir irascibles ou anxieux, d’autres encore faire des
cauchemars.
13. Traumatismes transgénérationnels et EMDR
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Les traumatismes deviennent transgénérationnels lorsque les trauma-
tismes familiaux ne sont pas métabolisés et que le temps passant,
les membres des générations puînées en portent les séquelles sous
forme de symptômes post-traumatiques, de répétitions, d’inhibitions,
de croyances irrationnelles... C’est ainsi que nous avons été amenés
à désensibiliser des séquelles post-traumatiques de la première et
de la Seconde Guerre mondiale chez des patientes nées après cette
période (Dellucci, 2009). Ces patientes ne pouvaient pas avoir vécu
ces événements, historiquement datés, mais force est de constater,
cliniquement, qu’elles portaient bien des séquelles post-traumatiques,
allant parfois jusqu’à des troubles dissociatifs avec des manifestations
envahissantes.
Une dernière catégorie de blessures transmises constitue les trauma-
tismes vicariants2 , c’est-à-dire ceux qui touchent les aidants. Nous
parlons de traumatismes vicariants lorsqu’un aidant se retrouve avec des
blessures émotionnelles provenant de sa démarche d’aide.

1. Cette définition peut être étendue à tout groupe, par exemple une équipe, un
groupe classe, etc.
2. Pour plus d’informations, consultez le chapitre 14 « EMDR et vicariance du
psychotraumatisme ».

166
Aide-mémoire EMDR

La symptomatologie d’une souffrance


transgénérationnelle

Les principaux symptômes décrits par Hummel et Hase (2013), qui


doivent amener le clinicien à explorer la présence d’une souffrance
transgénérationnelle, sont le meurtre et le suicide.
Nous proposons d’affiner cette lecture en ajoutant les tentatives de

13. Traumatismes transgénérationnels et EMDR


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meurtre et les tentatives de suicide, les passages à l’acte répétés dans
le cadre de violences domestiques, qu’elles aient lieu uniquement dans
le couple ou s’étendent à d’autres membres de la famille.
Lorsque dans une famille, il y a des pathologies psychiatriques
lourdes comme la psychose, il est important d’inclure la dimension
transgénérationnelle dans la conceptualisation du cas clinique. Nous
mettons sur le même plan les problématiques d’inceste.
Selon Boszormenyi et Sparck (1984), ces tableaux cliniques ne prennent
sens qu’à partir du moment où la lecture s’étend sur trois générations.
L’auteur postule l’existence de loyautés invisibles, c’est-à-dire non
explicites, mais bien présentes sur le plan implicite.
Lorsque de jeunes enfants sont ressentis comme dangereux par les
parents, nous avons l’assurance que ce qui est perçu chez l’enfant relève
de réseaux déclenchés chez le parent, des réseaux traumatiques qui
proviennent de son propre passé ou de celui de ses aïeux.
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Nous ajoutons à la symptomatologie transgénérationnelle les secrets


de famille, des défauts ou les ruptures d’attachement entre parents et
enfants, alors que grands-parents et petits-enfants se sentent proches.
Un signe plus discret, mais pas moins parlant concerne d’importantes
différences de traitement parmi les membres d’une même fratrie.
Les phobies d’impulsion, se montrant la plupart du temps sous la forme
d’une peur de faire du mal à autrui, alors qu’il n’y a aucun fait avéré,
nous invitent aussi à explorer la dimension transgénérationnelle.
Des déclencheurs apparaissant soudainement, des somatisations appa-
raissant lors de phénomènes anniversaires ou à des âges correspondant à
une traumatisation survenue dans la famille, des flashback ou intrusions
perceptuelles ressentis comme délirants chez des personnes qui par

167
Aide-mémoire EMDR

ailleurs n’ont pas de mal à discerner la réalité, doivent mener le clinicien


à rechercher des cibles transgénérationnelles.
Les symptômes provenant de traumatisations transgénérationnelles où
le contenu est absent n’ont par définition pas de sens. Celui-ci doit être
trouvé dans une conceptualisation incluant la dimension phylogénétique,
c’est-à-dire l’histoire de la famille, avant la dimension ontogénétique
du patient, c’est-à-dire ce qui s’est passé au cours de sa vie.
13. Traumatismes transgénérationnels et EMDR
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Conceptualiser les traumatismes transgénérationnels

Ces blessures sont par essence des blessures relationnelles : les


personnes portent des séquelles post-traumatiques parce qu’elles sont
en lien. Il s’agit de symptômes provenant de la souffrance de quelqu’un
d’autre, de traumatismes non intégrés, gelés au temps du trauma et
transmis comme tels. Dans la traumatisation transgénérationnelle, la
loyauté constitue une composante essentielle.

! Trauma transgénérationnels et Traitement Adaptatif


de l’Information

Le modèle TAI indique que les symptômes d’aujourd’hui proviennent


d’informations dysfonctionnellement stockées. Si pour un problème
donné, le souvenir source peut être trouvé et désensibilisé, cela a un
effet soulageant sur toute la problématique.
Si par contre le souvenir source reste inconnu, la cible dans l’enfance
sur laquelle se concentre le travail n’est pas le souvenir le plus ancien.
Ce dernier peut provenir d’un âge préverbal, ou peut même être plus
ancien encore. Étant donné que les traumatismes transgénérationnels
ne sont pas explicités, ils ne sont souvent pas mis en lien avec
la problématique, et peuvent dès lors agir comme des réseaux de
mémoire qui alimentent une cible dont le SUD ne baisse pas. Ainsi, les
déclencheurs ne deviennent pas neutres, le travail peut se bloquer et le
processus s’enliser.
Une explication possible est que le souvenir source dans la vie du
patient (dimension ontogénétique) n’est pas le souvenir source de

168
Aide-mémoire EMDR

la problématique. Celui-ci est alors à rechercher dans la dimension


phylogénétique.
Dans notre pratique clinique nous constatons que les traumatismes
transgénérationnels, une fois décelés, constituent de petites cibles qui
peuvent être facilement retraitées. Une hypothèse serait qu’il s’agit
d’un réseau mnésique qui ne contient pas l’expérience de la sortie de la
fenêtre de tolérance pour le patient qui porte la symptomatologie, ce

13. Traumatismes transgénérationnels et EMDR


qui permettrait d’expliquer la facilité et l’absence de blocages dans ce
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type de retraitement.

! Comment tenir compte de la traumatisation


phylogénétique dans le plan de ciblage ?

Généralement, un plan de ciblage est établi à partir d’une problématique


ou d’un symptôme posant problème. La première dimension questionnée
est la vie quotidienne du patient, permettant d’établir la liste de
déclencheurs avec les souvenirs du passé s’y rapportant, ainsi qu’un
scénario du futur permettant une projection dans l’avenir où la
problématique sera résolue.
En deçà des souvenirs déterminés comme sources, nous pouvons
identifier le socle des expériences préverbales, qui constituent souvent
le début d’une problématique complexe, d’autant plus s’il y a des
dysfonctionnements familiaux. Avant ces mémoires préverbales se trouve
la dimension phylogénétique, c’est-à-dire tout ce qui précède la vie du
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patient.
Étant donné que les trauma transgénérationnels sont par essence des
traumatismes du lien, nous proposons, lors de l’établissement du plan
de ciblage, de rechercher le lien source, c’est-à-dire l’événement dans
le passé familial ou bien une relation qui résonne avec la problématique
du patient.
Trois types de questionnement peuvent guider le praticien dans la
recherche du lien source :
1. « Est-ce que quelqu’un d’autre dans votre famille souffre ou a souffert
du même problème ? / a été confronté à la même chose ? »
La personne est ainsi invitée, soit par questionnement direct, soit

169
Aide-mémoire EMDR

par float back ou pont d’affect, à faire le lien avec sa famille d’origine.
Très souvent, une réponse éclairante se fait jour.
2. Lorsque des cognitions négatives sont évoquées, la recherche peut se
faire par le biais d’une conviction partagée : « Qui dans votre famille
aurait pu dire la même chose ? » : répétez la cognition négative.
Cette question posée ainsi invite le patient à se décentrer de lui pour
vérifier la pertinence d’un message implicite reçu de ses aïeux. Un
13. Traumatismes transgénérationnels et EMDR

lien ainsi explicité est généralement chargé en émotions, et constitue


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le début d’un récit qui peut surprendre.
3. En cas de maltraitances, d’agressions, de négligences de la part d’un
ou des parents, il est utile de demander au patient « où votre parent
a-t-il/elle appris à agir de telle sorte ? »
Apparaissent alors des maltraitances et des négligences dans l’enfance
des parents, ce qui permet de trouver des explications qui apaisent
le sentiment de loyauté implicite, même si cela n’excuse en rien les
comportements parentaux délétères.
Au-delà des cibles mises à jour à travers le questionnement direct, il peut
être nécessaire d’aller à la recherche de cibles transgénérationnelles,
d’autant plus si la problématique reste verrouillée, les changements
timides.
Le plus souvent, lorsqu’il y a traumatisme transgénérationnel, il y a aussi
une absence de parole, des secrets maintenus par la peur et la honte.
Ces émotions sont à prendre en compte, et parfois à désensibiliser en
amont de toute traumatisation. Le résultat est une parole davantage
libérée, qui va de pair avec un cheminement de pensée plus précis.

! Comment déceler les trauma transgénérationnels cachés ?


Un moyen pour aller à la recherche des traumatismes transgénérationnels
est le génogramme, inventé par Murray Bowen (1974) et qui représente
un outil majeur en thérapie familiale.
Il s’agit d’une représentation graphique, retraçant les membres de la
famille d’origine d’une personne, les générations, la qualité des relations,
les héritages, les problématiques et bien sûr les ressources. Plus il y a eu
d’expériences négatives, qui peuvent avoir laissé des traces traumatiques,
plus il sera important de poser des questions de survie au long de cette

170
Aide-mémoire EMDR

exploration : « Comment votre grand-mère a-t-elle fait, après décès de


son mari, pour mener la barque familiale avec quatre jeunes enfants ?
Comment le grand-père a-t-il fait, au retour de la guerre, pour avoir le
courage de ... ? Comment, en dépit des catastrophes qui ont eu lieu,
ont-ils réussi à avoir des enfants, à les élever ? » Sur le plan familial, une
famille qui a survécu est une famille qui a réussi à ce qu’il y ait une
génération suivante.

13. Traumatismes transgénérationnels et EMDR


Établir un génogramme permet de mettre en lumière un premier niveau
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de compréhension pour mettre en face des difficultés traversées, les
ressources que les personnes ont mises en œuvre pour faire face à ce
qui leur est arrivé. Ce questionnement peut être déstabilisant si l’accent
n’est pas suffisamment mis sur les ressources.
Outre les compétences et les forces transmises, raconter ce que l’on sait
de son histoire familiale et les émotions que cela suscite est un moment
important qui renforce le lien thérapeutique.
Nous utilisions le génogramme comme un outil exploratoire pour trouver
des cibles familiales en lien avec une problématique. Le thérapeute
décèlera les absences d’informations, les incohérences, les « points
chauds » et les « points froids. » Ces dernières notions nous ont été
inspirées par le concept de fenêtre de tolérance de Siegel (1999).
Les « points chauds » sont des relations où peut être repéré une
hyperactivation (par exemple des colères débordantes, des violences, des
conflits, une anxiété non contenue, des intrusions, de l’enchevêtrement,
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des douleurs qui semblent inconsolables).


Les « points froids » à l’inverse, sont des relations où il y a une
hypoactivation : l’émotion ne peut être ni vécue, ni partagée. Il y
a des défauts d’empathie, un manque de soutien, des ruptures, une
absence de parole, des règles familiales où « on ne se parle pas », ou
bien « on ne pose pas de questions ».
Les cibles ainsi mises à jour permettront de hiérarchiser les « éléments
source » pertinents par rapport à la problématique. En fonction de la
motivation du patient, ceux-ci peuvent être ciblés au préalable, rendant
ainsi l’accès aux souvenirs ontogénétiques plus facile.

171
Aide-mémoire EMDR

Traiter les traumatismes transgénérationnels

Pour traiter les cibles transgénérationnelles, nous invitons le praticien


à privilégier le protocole EMDR standard de la phase 3 à la phase 8,
d’autant plus s’il s’agit d’événements précis comme par exemple un
décès, un accident... Généralement ces cibles régressent en peu de
temps en une à deux séances.
13. Traumatismes transgénérationnels et EMDR
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Les cognitions, (par exemple : « Cognition Négative : on va tous mourir ;
Cognition Positive : tout va bien ») sont souvent autoréférencées
au groupe plutôt qu’à la personne, ce qui dans une perspective
transgénérationnelle a tout son sens.
Si la dimension transgénérationnelle concerne une relation plutôt qu’un
fait précis, et ce surtout s’il y a foison de cibles possibles, nous proposons
le protocole des lettres (Dellucci, 2017). Cette méthode douce permet
de retraiter pas à pas un nombre important de cibles, qui sont pour la
plupart des blessures relationnelles. Le but est d’assainir ce lien.
Dans les cas de liens non constructifs, où le patient a pris sur lui et a
porté une large part de la problématique d’un parent ou d’un membre de
la famille, nous recommandons d’ajouter un « rituel pour rendre » tel
que nous l’avons appris dans les pratiques de constellations familiales
(Sparrer, 2004/2007). Ici, ce rituel est effectué à travers un dialogue
avec la personne ciblée représentée mentalement, en accompagnant le
patient par des stimulations bilatérales, jusqu’à apaisement complet.
Les techniques décrites au long de ces pages permettent d’approcher un
grand nombre de cibles provenant de traumatisations transgénération-
nelles, pourvu que le lien thérapeutique soit de bonne qualité et que le
patient soit d’accord et motivé.
Le travail sur des cibles transgénérationnelles dans le cas de troubles
dissociatifs avec évitement massif est tout à fait possible, à travers
une pratique spécifique incluant le travail avec les parties dissociatives
de la personnalité (Dellucci, 2016). Néanmoins la présence de troubles
dissociatifs indique une traumatisation ontogénétique considérable qu’il
ne faut pas négliger.

172
Aide-mémoire EMDR

Le travail avec les personnes souffrant de traumatismes complexes, avec


ou sans troubles dissociatifs nécessite que le clinicien puisse bénéficier
de formations spécifiques et d’un accompagnement en supervision.

Prévenir les trauma transgénérationnels,


est-ce possible ?

13. Traumatismes transgénérationnels et EMDR


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La première crainte qui émerge auprès d’adultes touchés, soucieux du
bien-être de leurs enfants, est celle de leur avoir transmis la souffrance
transgénérationnelle. À cela nous répondons deux choses : d’une
part, tout le travail thérapeutique sur les séquelles des traumatismes
transgénérationnels qu’ils portent soulage aussi leurs enfants. Nous
avons ainsi vu des changements spectaculaires non seulement chez nos
patients, mais également dans le lien avec leur entourage : les enfants,
les conjoints et parfois les parents.
Le second élément à considérer est que la transmission est inévitable.
L’enjeu devient alors de savoir qu’est-ce que nous souhaitons transmettre
et comment. Si nous raisonnons en termes TAI, nous pouvons dire qu’en
cas de traumatismes transgénérationnels, ce qui est transmis est de
l’ordre de la blessure non intégrée, perçue comme menaçante, qui ne
permet pas de faire la différence entre aujourd’hui, où le danger est
écarté, et l’époque du trauma où déjà survivre était un défi de taille.
S’affranchir de cette traumatisation permet dès lors de transmettre des
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ressources, des apprentissages utiles.


Si un traumatisme peut être considéré comme une expérience d’ap-
prentissage non encore aboutie en raison d’une charge émotionnelle
trop importante, faisant basculer la physiologie dans des réactions de
survie (Dellucci, 2014), alors nous pouvons dire que la transmission
de l’expérience sans trauma devient une transmission ayant du sens,
racontant une histoire permettant d’honorer la mémoire, sans que celle-ci
ne fasse souffrir.
Pour résumer, le but d’une transmission non traumatique est la création
d’une narration, une histoire qui a du sens et qui peut être partagée,
tout en permettant la circulation d’émotions non débordantes. Se sentir
touché n’a rien de pathologique, au contraire.

173
Aide-mémoire EMDR

Ce travail de prévention se fait habituellement avec les membres de


la famille les plus motivés, et après intégration du trauma, nous les
invitons à « faire tache d’huile » avec le résultat qu’ils ont acquis en
commençant le récit avec ceux qui peuvent entendre.
Entendre une histoire familiale qui a du sens est vécu comme apaisant
par tous les membres. Le plus souvent cela a un effet assainissant sur
les liens, les personnes se redressent et finissent par être fiers de leurs
13. Traumatismes transgénérationnels et EMDR

aïeux survivants, auxquels ils peuvent désormais rendre hommage sans


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souffrir.
En général, les personnes s’étant affranchies de traumatismes transgéné-
rationnels sont davantage en mesure de poursuivre leurs objectifs dans
le présent, sans l’entrave d’une loyauté limitante.

Pour conclure, nous pouvons dire que la souffrance transgénérationnelle est


réelle et qu’elle est guérissable, pourvu que la personne portant les séquelles
post-traumatiques soit motivée à les aborder et que les conditions de travail
soient suffisamment bonnes. Dans la mesure où la dimension explicite concernant
ces événements reste cachée et que ces symptômes apparaissent sans aucun
sens, il est utile que le clinicien élargisse sa conceptualisation à cette dimension
transgénérationnelle qui dépasse l’expérience ontogénétique du patient.
Une fois mises à jour, ces cibles peuvent être abordées grâce à la thérapie EMDR et
en principe elles sont rapidement retraitées. La rapidité du retraitement provient du
fait qu’il s’agit essentiellement d’une blessure du lien, ne remettant pas en cause
ce dernier.
Finalement, nous pouvons dire que non seulement tout traumatisme est guérissable,
mais nous pouvons ajouter la mention : « quel que soit l’endroit d’où il provient »,
permettant ainsi une transmission saine et étayante envers les générations futures.

174
Aide-mémoire EMDR

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13. Traumatismes transgénérationnels et EMDR


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175
Aide-mémoire EMDR

14

14. EMDR et vicariance du psychotraumatisme


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EMDR ET VICARIANCE DU PSYCHOTRAUMATISME

Gabrielle Bouvier et Hélène Dellucci

Le travail en psychotraumatologie a des effets sur les soignants. Outre le sentiment


d’efficacité, la satisfaction dans une relation d’aide « soutenante », ces effets peuvent
aussi être moins agréables. Les psychotraumatologues entendent des contenus qui
peuvent surprendre, provoquer des visions d’horreur, et contaminer le professionnel.
Prendre soin de personnes dans un état de stress aigu, ayant un ESPT simple ou
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complexe peut avoir des répercussions délétères sur les soignants, jusqu’à la création
d’une blessure traumatique ? L’épuisement d’un soignant peut-il être compris dans
le cadre d’une traumatisation vicariante ? Il est important que la réalité de ces effets
et des risques soit prise en compte pour le bien-être des soignants, souvent dévoués
et volontaires, de façon à ce que leurs interventions restent efficaces.

De l’empathie à la blessure

! Définition et mécanismes à l’œuvre


Selon le Larousse la définition du terme vicariant est : qui remplace
quelque chose d’autre. Par extension, un traumatisme vicariant parle

177
Aide-mémoire EMDR

d’un traumatisme apparu chez une personne « contaminée » par le vécu


traumatique d’une autre personne avec laquelle elle est en contact.
En 1990 Mc Cann et Pearlmann commencent à parler d’expériences
traumatiques vécues par des thérapeutes travaillant avec des survivants.
Ils arrivent à la conclusion qu’un traumatisme vicariant peut apparaître
chez tout professionnel travaillant avec des personnes traumatisées.
L’empathie semble être fondamentale dans le mécanisme pouvant
14. EMDR et vicariance du psychotraumatisme
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amener un traumatisme vicariant (Pearlman & Saakvitne, 1995). Dans
sa description de l’empathie, Decety (2005) indique qu’elle comprend
deux facteurs : « un partage affectif non conscient et automatique avec
autrui », et « la nécessité de supprimer ou réguler temporairement et
consciemment sa propre perspective subjective pour se mettre à la
place de l’autre sans perdre son identité ». Ce second facteur aurait
un effet protecteur. En reprenant cette définition de l’empathie, nous
pouvons voir que ces 2 facteurs jouent un rôle dans la relation du
professionnel avec son patient. Le partage affectif non conscient et
automatique est inné et amène le professionnel à se mettre à la place
du patient. Il s’agit d’une résonance motrice passant par le système des
neurones miroirs (Gallese, 2005), qui implique notre état du corps, nos
réactions viscérales, puis nos émotions et permet au professionnel de se
représenter le vécu de son patient de façon très réaliste. La capacité à
se mettre à la place de l’autre sans perdre son identité, acquise au sein
d’une relation d’attachement sécure, notamment par les apprentissages
qui aident ainsi à trouver la bonne distance, jouerait quant à elle un
rôle protecteur en permettant au professionnel de se demander ce que
son patient a subi, comment il l’a vécu et comment il y a survécu. Le
professionnel ressentira alors de la compassion et y trouvera un moteur
pour aider son patient tout en pouvant penser « Je sais que je suis
différent de toi ».
Lors de l’apparition d’un traumatisme vicariant, ce second facteur ferait
défaut et ne jouerait alors plus son rôle protecteur, amenant ainsi le
professionnel à s’identifier à son patient traumatisé et à commencer
à imaginer ce qu’il ressentirait si les événements racontés lui étaient
arrivés à lui. Le défaut de cette protection pourrait dès lors mener à
une exacerbation du ressenti non volontaire et automatique (premier
facteur), et provoquer chez le professionnel une sortie de sa fenêtre

178
Aide-mémoire EMDR

de tolérance. Les événements vécus par le patient, son histoire ou


ses réactions peuvent entrer en résonance avec le propre vécu du
professionnel, ce qui peut aboutir à une réaction traumatique chez ce
dernier.
Ce mécanisme ne peut se prévenir, surtout la première fois, car les
réseaux entrant en jeu sont souvent restés implicites chez le profession-
nel. Il ne s’agirait alors que du réveil de réseaux neuronaux traumatiques
dormants qui, s’ils sont suffisamment chargés en matériel émotionnel

14. EMDR et vicariance du psychotraumatisme


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non résolu, pourraient être activés face à un déclencheur vécu chez
l’autre. Les personnes ayant des histoires traumatiques personnelles non
résolues semblent plus vulnérables face à la traumatisation vicariante,
même si les résultats des recherches divergent quant à ce point.
Une autre hypothèse expliquant l’apparition d’un traumatisme vicariant,
complémentaire à la précédente, pourrait être celle du débordement
face à des sentiments de désespoir et d’impuissance vécus par un profes-
sionnel engagé dans une relation d’aide. La motivation du professionnel
à faire tout son possible pour la personne dont il s’occupe peut alors
l’amener à en faire toujours davantage dans un mécanisme d’escalade
symétrique proportionnel au sentiment d’impuissance ressenti.

! Symptomatologie du traumatisme vicariant


Les symptômes du traumatisme vicariant sont semblables à ceux d’un
trouble post-traumatique selon le DSM V, mais tendent à être moins
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intenses. Un traumatisme vicariant peut donc se manifester entre autres


par des symptômes intrusifs tels que des flashbacks, des cauchemars
et des pensées obsessionnelles, des comportements d’évitement, des
sentiments de détresse, une altération du fonctionnement global. Un
traumatisme vicariant peut aussi se traduire par une rupture dans les
croyances fondamentales du professionnel, dans son image, son estime
de soi, la confiance en ses capacités, ses croyances envers autrui et
son environnement. Peuvent apparaître également des troubles dans les
relations interpersonnelles professionnelles ou privées avec notamment
un sentiment d’insécurité, une difficulté à faire confiance et à gérer la
distance relationnelle avec les patients, des difficultés à respecter la
confidentialité, une inquiétude exagérée pour la sécurité des patients,
des sentiments d’isolement et d’impuissance. On observe également des

179
Aide-mémoire EMDR

symptômes somatiques tels que des troubles du sommeil, de l’anxiété


et des états dépressifs.

! Concepts reliés : burnout, fatigue compassionnelle,


traumatisme secondaire, contre-transfert

Le traumatisme vicariant a souvent été comparé à la fatigue compas-


sionnelle, à un état de stress traumatique secondaire, au burnout, voire
14. EMDR et vicariance du psychotraumatisme
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au contre-transfert analytique. Les définitions de tous ces termes sont
variables selon les sources et elles se recouvrent souvent.
Le terme de traumatisme secondaire est un terme générique utilisé la
plupart du temps pour parler de tous les concepts décrivant une atteinte
de la santé psychique d’un professionnel travaillant avec des personnes
traumatisées. Il ne définit donc pas précisément et uniquement le
concept de traumatisme vicariant.
Le burnout est aujourd’hui clairement identifié dans le DSM-V comme
une sous-catégorie de la dépression. C’est une pathologie liée à l’activité
professionnelle quelle qu’elle soit et décrite comme une démotivation
à travailler. Toutes les professions sont concernées sans avoir de lien
particulier avec un travail en rapport avec des traumatismes.
La fatigue compassionnelle quant à elle n’est pas liée de façon restrictive
à l’activité professionnelle et indique plutôt un débordement, un
épuisement du professionnel, face à la souffrance d’autrui, sans que cela
soit forcément en lien avec une histoire traumatique de la personne
aidée. Sa symptomatologie peut se montrer très diverse et ressembler
au burnout, au traumatisme vicariant, à la dépression, ou à un mélange
de tout cela.
Il est à noter que le traumatisme vicariant, contrairement à la
fatigue compassionnelle et au burnout, est toujours en lien avec une
exposition au matériel traumatique d’autrui et présente lui-même les
caractéristiques cliniques d’une traumatisation (Pearlman et Saakvitne,
1995), comme des images intrusives, ce qui n’est pas le cas de la fatigue
compassionnelle ou du burnout. Il est important de comprendre que ces
deux dernières entités peuvent être observées chez des professionnels
qui n’ont jamais été en contact avec des patients traumatisés ce qui
n’est jamais le cas du traumatisme vicariant.

180
Aide-mémoire EMDR

Pour terminer cette liste, parlons du contre-transfert qui est une réaction
du professionnel à son patient. Il est présent dans chaque relation et il
fait partie de la thérapie. Le professionnel peut l’utiliser dans la thérapie
à condition qu’il soit correctement compris et manié. Les traumatismes
vicariants pourraient aussi être vus comme des réactions face à un
patient donné, une histoire particulière mais si le contre-transfert est
un aspect indissociable de la relation thérapeutique, que celle-ci se
situe dans un courant psychanalytique ou non, un traumatisme vicariant

14. EMDR et vicariance du psychotraumatisme


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n’est heureusement pas toujours présent dans une thérapie car il est
dommageable, pour le patient et pour le professionnel.

Prévenir et traiter

À la suite de ce que nous venons de lire, devons-nous penser que chaque


professionnel travaillant avec des victimes de traumatismes soit à risque
d’une traumatisation vicariante ? Si nous prenons en compte les facteurs
énoncés plus haut quant aux raisons pouvant amener un traumatisme
vicariant (le rôle de l’empathie, la présence de réseaux implicites chez le
thérapeute, un possible débordement par des sentiments de désespoir et
d’impuissance), nous pouvons affirmer que nul professionnel travaillant
au contact de patients traumatisés n’est à l’abri de développer un
traumatisme vicariant. Peut-on le prévenir ? Et s’il n’a pas été possible
de le prévenir, comment le traiter ?
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! Prévenir le traumatisme vicariant


Une prévention efficace devrait nous amener à nous protéger de
l’émergence de vagues de désespoir et d’impuissance chez nos patients.
Lorsque celles-ci surgissent dans le processus, cela signifie que nous
avons affaire à un réseau neuronal bloqué dans des mémoires du passé,
c’est-à-dire sans perspective d’avenir, donc sans espoir. La théorie de la
dissociation structurelle (Van der Hart, Nijenhuis & Steele, 2006/2010)
nous apprend que réseau traumatique et réseaux de la vie quotidienne
peuvent être déconnectés les uns des autres, et présenter une amnésie
pour leurs contenus respectifs. Cela a pour conséquence d’une part un
évitement phobique et hostile de tout contenu traumatique, d’autre

181
Aide-mémoire EMDR

part, la libération de charges émotionnelles considérables, lorsque les


mémoires du passé sont touchées, risquant alors d’amener le patient à
sortir de sa fenêtre de tolérance. Il est important que le professionnel
après s’être assuré de la stabilité émotionnelle de son patient, ne perde
pas de vue qu’il a affaire à un survivant. Il faut donc que le thérapeute
continue à s’intéresser aux ressources de survie de son patient et reste
garant du maintien de la perspective d’un avenir positif. En pratique,
même si nous sommes des professionnels bien formés, nous sommes
14. EMDR et vicariance du psychotraumatisme
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aussi tous des humains, susceptibles d’être surpris par ce que nous
entendons et percevons de la part de nos patients. Il existe toujours
un risque d’oublier cette dimension de survie si importante et il n’est
pas inutile de se rappeler régulièrement que dans notre travail de
psychotraumatologues, nous faisons équipe avec des survivants.
Nous conseillons aux professionnels qui pourraient avoir des idéations
touchées par le désespoir ou l’impuissance, de faire une pause pendant
l’entretien lorsqu’ils le réalisent leur permettant de sortir brièvement
de la pièce. Cette pause de quelques minutes peut nous permettre, de
restaurer nos capacités d’orientation. Faire un café, un thé ou aller
chercher un verre d’eau sont des actions qui mettent en mouvement
le corps du thérapeute, et de ce fait le font changer d’état. Cette
interruption, notamment dans le contenu du récit, en plus d’aider le
thérapeute à porter son regard à nouveau sur les capacités de survie et
de résistance de son patient, lui permet également de prendre soin de
lui, une dimension qui devient primordiale dans ce moment crucial et qui
agira comme une modélisation à l’égard du patient. Cette intervention
thérapeutique ne prend que quelques minutes. Le professionnel ainsi
réarmé pourra retourner en entretien avec un état du corps plus calme,
qui lui sera nécessaire pour continuer à aider la personne.
Un aspect particulièrement important pour le bien-être du professionnel
est de veiller à ce que la prise en charge du patient soit solidement
construite, avec un plan de traitement clair, auquel il pourra se
référer de façon à avoir toujours à l’esprit les objectifs du traitement.
Cette clarté et cette précision dans la prise en charge permettent au
professionnel de se maintenir dans une situation où il peut avoir une
influence thérapeutique favorable sur le patient. Un plan de traitement,
des objectifs thérapeutiques concrets et des évaluations régulières
permettent ainsi de suivre avec plus de d’attention l’avancée du patient

182
Aide-mémoire EMDR

et les changements opérés par lui. Il nous paraît donc nécessaire et


utile de prendre le temps de construire cet outil de travail qui s’avérera
précieux tant pour la personne en thérapie que pour le professionnel.
Il nous paraît enfin essentiel que l’outillage du professionnel compte un
espace de supervision, ou d’intervision, c’est-à-dire un lieu bienveillant
et neutre qui peut lui permettre de se remettre en question en toute
sécurité et d’avancer dans le confort d’un accompagnement et des
conseils de ses pairs. Cela permettra au professionnel de prendre et

14. EMDR et vicariance du psychotraumatisme


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garder des repères tout en gagnant en objectivité par le partage
collégial. En plus du soutien dont il pourra ainsi bénéficier, cette
pratique réflexive l’amènera également à garder une distance suffisante,
dans le but de rester thérapeutique et efficace dans de bonnes conditions
pour son patient et pour lui-même. Le groupe de soutien pourra
également constater chez le collègue l’apparition des premiers signes
d’une traumatisation vicariante et l’interpeller en ce sens, afin que
cette blessure puisse rapidement être transformée en un apprentissage
pertinent.
Toutes ces mesures visent bien sûr à permettre au professionnel de ne
pas rester seul face à un patient susceptible de déclencher chez lui des
réactions pouvant conduire à développer un traumatisme vicariant.

! Traitement du traumatisme vicariant


Lorsqu’un traumatisme vicariant est identifié, plusieurs pistes existent. Il
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n’existe pas d’ordre précis dans lequel les appliquer et il n’est pas besoin
de les appliquer toutes. Elles seront à choisir en fonction des besoins
propres à chaque professionnel. Un bon outil est le protocole de la
lettre d’influence, directement dérivé du protocole de la lettre (Dellucci,
2017). Lorsque le professionnel se sent coincé, en situation d’impasse,
émotionnellement touché et à risque de sortir de sa fenêtre de tolérance,
nous lui demandons d’écrire une lettre à son patient mentionnant tout
ce qu’il aimerait pouvoir lui dire sans aucune censure. Cette lettre ne
sera bien sûr jamais remise au patient et ne servira qu’au travail effectué
par le thérapeute en supervision, intervision ou thérapie en utilisant le
protocole des lettres (Dellucci, 2017). Cet outil permet au professionnel
d’aborder ses propres réseaux implicites entrant en résonance avec ceux
de son patient et finissant par amener le travail thérapeutique dans une

183
Aide-mémoire EMDR

impasse. Cette pratique, d’après nos constatations empiriques, conduit


à l’apaisement du professionnel, faisant émerger des pistes chez ce
dernier, qui étaient bien présentes, mais obnubilées par sa souffrance.
Nous avons également constaté des changements importants, chez le
professionnel, mais aussi chez le patient. D’autre part, le thérapeute
pouvant se situer plus clairement dans la prise en charge, cela a un effet
sur la relation thérapeutique qui s’en trouve grandement améliorée.
Nous pensons qu’il est utile que le thérapeute soit attentif à tous
14. EMDR et vicariance du psychotraumatisme
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signes de suradaptation à son patient, celle-ci pouvant être comprise
comme un signe indiquant l’apparition d’un traumatisme vicariant
chez le thérapeute. La suradaptation amenant inévitablement chez
le professionnel une perte de distance, une réaction face à l’impuissance
ressentie, l’amenant à se surinvestir, pas toujours de la façon la plus
adaptée.
Une autre piste est l’exercice du patient catastrophe. Cet exercice
consiste à effectuer un plan de ciblage à partir de la situation dans
lequel le thérapeute se trouve en difficulté avec le patient. Ce plan de
ciblage permet de remonter jusqu’aux cibles du passé du thérapeute
qui entre en résonance avec la situation actuelle avec le patient. Les
souvenirs émergeant et les souvenirs source qui apparaissent souvent de
façon étonnante chez le thérapeute soutiennent l’idée de l’interaction
de réseaux implicites du thérapeute avec l’histoire de son patient. Les
cibles mises en évidence chez le thérapeute peuvent être retraitées en
EMDR.
Une troisième piste peut être d’expliciter et chercher les pires peurs du
thérapeute face à ce patient afin d’en déterminer les parts rationnelles
et irrationnelles. Cela permet d’agir dans la réalité sur la part rationnelle
et permet de travailler au travers d’un protocole standard sur la part
irrationnelle. Il peut aussi s’avérer utile de travailler sur les émotions
et les sensations qui peuvent émerger chez le professionnel, qui parfois
peuvent prendre une place prépondérante. Ici, nous utiliserons les outils
classiques du travail en EMDR (protocole standard, travail sur les peurs
du futur, remises à zéro des émotions...).

184
Aide-mémoire EMDR

Nous pouvons dire que les traumatismes transmis dits vicariants existent, qu’ils
se manifestent comme n’importe quel traumatisme sur le plan clinique et qu’ils
se désensibilisent aussi facilement que les blessures d’événements que l’on a
soi-même subies. Comme pour toute blessure traumatique transmise, dont les
traumatismes vicariants font partie, celle-ci signale l’importance et l’intensité du lien
qui peut exister entre deux ou plusieurs personnes. En termes d’attachement, cette
dimension nous paraît non-négligeable.
Même si les professionnels restent centrés sur les ressources et les compétences

14. EMDR et vicariance du psychotraumatisme


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de leurs patients et usagers, ce qui à notre sens les protège en grande partie
d’une traumatisation vicariante, il n’empêche qu’ils peuvent être touchés par ce que
vivent leurs patients. Rappelons-nous que la notion de fenêtre de tolérance n’est
pas réservée à l’exclusivité de nos patients. Nous invitons dès lors nos collègues à
s’exercer à prendre soin d’eux-mêmes. Cela aura deux conséquences : Ils seront
mieux en mesure de prendre soin des personnes dont ils s’occupent et leur capacité
à prendre soin d’eux agira comme un modèle.

Bibliographie

DECETY, J. (2005). Une anatomie de l’em- PEARLMAN, L.A. & SAAKVITNE, K.W. (1995).
pathie. Psychologie et Neuropsychiatrie Trauma and the therapist : Countertrans-
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tive. S’adapter sans se perdre dans la Gal- VAN DER HART, O., NIJENHUIS, E.R.S. & STEELE,
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185
Aide-mémoire EMDR

15. L’EMDR et les histoires narratives en adoption


15
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L’EMDR ET LES HISTOIRES NARRATIVES
EN ADOPTION

La blessure d’abandon et son impact


chez l’enfant et ses parents adoptifs

Annie Delplancq
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Les problématiques de fond que nous rencontrons en consultation reflètent


régulièrement un malaise lié à la question de la place et de la relation aux autres.
Ces difficultés semblent prépondérantes chez les enfants qui ont vécu des ruptures
de liens. Dans les situations d’adoption ou d’accueil, les histoires ont tendance à se
rejouer si elles ne sont pas mises en lumière pour enfin être comprises, acceptées
et intégrées.
Nous proposons dans un premier temps une analyse du vécu de l’enfant adopté
avec comme fil conducteur, la notion de place. Nous examinons les empreintes
précoces, les blessures du premier lien mais aussi leurs résonances chez les parents
adoptifs et l’impact sur la relation actuelle dans une approche systémique. Ensuite,
nous abordons l’histoire narrative en tant qu’outil thérapeutique.

187
Aide-mémoire EMDR

Le vécu de l’enfant adopté

! Autour de la naissance : quand la mère est sereine


On sait aujourd’hui que le lien entre le bébé et sa mère se met en place
déjà avant la naissance. Le fœtus, en situation d’extrême dépendance est
en interaction continue avec sa mère. La qualité du temps de gestation
15. L’EMDR et les histoires narratives en adoption

va impacter l’avenir psychologique et émotionnel de l’enfant (Cyrulnick,


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2004). Le bébé sera marqué dans sa mémoire in utero par ce qu’il a
ressenti au plus profond de lui-même de la place qui lui était réservée.
Le bébé arrive à la vie avec plusieurs systèmes d’action dont les fonctions
sont d’assurer sa survie (Ogden, Minton, Pain, 2006). Il émet des
messages et active le système motivationnel de sa mère qui lui répond
de manière à le protéger en tant qu’être plus fragile, plus faible.
À travers ces premières interactions, les fondations de base de l’enfant
se mettent en place. Au fil du temps, elles se consolident s’il reçoit des
soins adéquats et deviennent des socles qui déterminent sa confiance
en lui, aux autres et dans le monde. Lorsque l’adulte lui répond avec
bienveillance, cohérence, prévisibilité et rapidité l’enfant sent qu’il est
un être important, qu’il peut faire confiance en celui qui gère et contrôle
sa vie, qu’il peut montrer ses fragilités sans crainte car il les écoutera,
les soignera et les fortifiera (Ainsworth, 1978). L’enfant se perçoit en
sécurité dans le monde qu’il aura progressivement envie de découvrir
(Lemieux, 2013). À travers ce regard, ces gestes et cette enveloppe
d’attentions rassurantes, il ressent être à sa place, dans la relation et
dans l’univers.
Avant 2 ans, les sensations et émotions de l’enfant seront déterminantes
quant à sa manière d’être au monde et son style d’attachement (Bowlby,
1969). Katie O’Shea (2009a) souligne toute l’importance des empreintes
précoces dans la construction de soi.

! En cas d’ « intempéries » du lien


Plus l’enfant est jeune lorsqu’il est confronté à des événements difficiles,
plus ceux-ci impacteront sa perception du monde. Ainsi, un enfant peut
ressentir qu’il n’est pas important, qu’il n’a pas de place, qu’il ne peut

188
Aide-mémoire EMDR

pas faire confiance aux adultes qui s’occupent de lui, qu’il est en danger
et que dès lors il ne peut pas montrer ses fragilités.
Le bébé a besoin de se connecter à sa mère, de la rejoindre. Si la mère
est absente, indisponible ou anxieuse, le bébé ne parvient pas à entrer
en communion avec elle. Progressivement il va s’en détourner. La mère
souffre aussi et ne se sent pas reconnue par son enfant. L’un et l’autre
peuvent ressentir un profond sentiment d’impuissance et de honte.

15. L’EMDR et les histoires narratives en adoption


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Lorsque l’enfant est abandonné, il est placé « à côté », au ban et n’a
pas l’occasion de s’épanouir dans le cocon formé par les bras de sa mère
(Dufour, 2007). Il est alors directement confronté à l’ailleurs, au tiers.
Ce manque aura un impact fondamental sur son sentiment de confiance.

! La notion de place
Se sentir à sa place est une condition de base pour s’épanouir. Prendre
sa place signifie l’occuper, la faire respecter, tout en respectant celle
des autres.
Se sentir mis de côté, non intégré voire exclu, réveille une insécurité
profonde. La qualité de la relation à autrui dépend aussi du degré
de sécurité quant à la place occupée. Les tensions relationnelles sont
souvent liées à une question de place non reconnue.

! Les racines du sentiment d’être à sa place


Il arrive régulièrement que l’enfant adopté se sente peu à sa place alors
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que rien dans son présent ne justifie ce malaise. La notion de place est
une notion archaïque, s’inscrivant dans la mémoire implicite.
La place réservée à l’enfant à venir se construit dès le désir d’enfant.
Qu’il soit conçu ou attendu dans le cadre d’un projet d’adoption, cette
place évolue au fil du temps et de l’attente, en lien avec l’histoire autour
de la gestation, de celle de chacun des futurs parents et de leur vécu
familial. L’enfant, porteur de son patrimoine génétique viendra s’inscrire
dans l’arbre familial et inaugurera une place spécifique en lien avec les
histoires de chacun. L’enfant adopté, chargé de sa première histoire, va
prendre sa place dans l’intimité de la relation de ses nouveaux parents.
Les histoires de chacun vont se croiser et continuer à modeler celle de
l’enfant.

189
Aide-mémoire EMDR

Le sentiment de soi passe par la sensation d’exister, la relation aux autres


et la possibilité d’appartenir à un groupe socialisant. Avoir une place
en arrivant au monde permet d’expérimenter la fiabilité d’un espace où
pourra grandir le sentiment de l’intimité, la conviction d’exister. La place
renvoie au sentiment d’appartenance : j’ai ma place dans ma famille,
dans l’univers.
La place est toujours donnée par un autre ou ressentie par rapport
15. L’EMDR et les histoires narratives en adoption

aux autres. Tout enfant éprouve le besoin d’être regardé, accepté et


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approuvé par ses parents. Le pire est de se sentir exclu.
Fondamentalement, l’enfant ressent à travers ses expériences, c’est-à-
dire ses perceptions sensorielles et émotionnelles, s’il était attendu et
si sa place est reconnue. Le regard de son parent empreint de plaisir,
bienveillant et inconditionnel lui confirme sa place, qui n’est pas à
gagner. Ensuite, l’enfant perçoit s’il y a ou pas cohérence dans la
continuité des actes posés par son parent, s’il y a congruence entre ce
qu’il ressent et ce qu’il entend au sein de son univers ambiant.

! Résonances chez les parents


Le chemin qui mène au désir d’adoption est souvent parsemé de
souffrances. La question de la place réveille aussi des blessures chez le
parent.
Dans la situation d’adoption, le parent va pouvoir réserver à l’enfant
une juste place s’il a pu élaborer le deuil de l’enfant biologique. S’il y a
un désir de réparation à travers l’adoption, la place de l’enfant réel ne
correspondra pas à celle de l’enfant rêvé.

! Le rôle des parents adoptifs


L’enfant adopté peut ressentir qu’il est différent, que seule une partie de
lui répond aux attentes de sa famille. Il commence à avoir l’impression
de ne pas y appartenir, percevant qu’il n’est pas accepté dans son
intégralité. Certains enfants développent ce sentiment de ne pas être à
leur place, amplifié par la blessure primitive d’avoir été abandonné, « mis
au ban ». La question de la place sera testée continuellement, l’enfant
y développera une sensibilité toute particulière. Parfois, il cherche à
prendre une place excessive, désireux d’être regardé à tout prix pour se

190
Aide-mémoire EMDR

sentir exister. D’autres enfants évitent de prendre leur place, de réussir,


de développer leur potentiel, comme s’ils n’y avaient pas droit.
La question de la place est cruciale. Il est impossible de construire à
partir du vide. Les parents adoptifs auront pour mission de réinjecter de
la sécurité dans les fondations de leur enfant pour qu’ensuite, il lui soit
possible de se construire sur une base consolidée.

15. L’EMDR et les histoires narratives en adoption


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L’histoire narrative

La technique de l’histoire narrative a été mise au point par Joan Lovett


(1999). Elle permet de nommer les événements traumatisants, de les
replacer dans leur contexte et de leur donner un sens. Travaillée en
EMDR, l’histoire narrative ouvre à de nouvelles voies de résolution. Elle
s’adresse aux jeunes enfants, qui n’ont pas la capacité de comprendre
ce qu’ils ont vécu mais aussi aux plus âgés, lorsque les événements se
sont produits au stade préverbal. Elle est habituellement rédigée par les
parents aidés du thérapeute.

! Pour qui ?
Ce travail autour de l’histoire narrative s’adresse à tout enfant ou
adolescent adopté ou en situation d’accueil familial qui a vécu des
ruptures de liens et des traumatismes en période non verbale, quel que
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soit son âge au moment de son arrivée dans sa famille adoptive ou


d’accueil et du moment de la première consultation.

! Pourquoi ?
L’histoire narrative permet d’entrer dans le monde imaginaire de l’enfant.
Tous ses sens sont en éveil. Elle relie l’immense savoir de son inconscient
et l’adaptation au quotidien (Floret, 2014). Elle aborde ses craintes, ses
inquiétudes, ses angoisses et ses traumatismes. Elle permet à l’enfant
d’affronter avec douceur les événements douloureux, tout en débloquant
la situation et en avançant avec le(s) personnage(s) vers la résolution
et l’intégration (Sunderland, 2001).

191
Aide-mémoire EMDR

Au niveau de l’enfant
• À travers l’histoire, l’enfant va apprendre comment résoudre ses
difficultés. Il va pouvoir donner du sens à ce qui lui est arrivé,
trouver des possibilités de résolution et transformer ses croyances
négatives en croyances positives. L’histoire l’aidera à traverser ses
différentes émotions et à mettre des mots sur ses ressentis (Lovett,
1999).
15. L’EMDR et les histoires narratives en adoption

• L’attachement se mesure à la qualité du récit de narration (Main,


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1993). Lorsque les parents parviennent à transmettre à leur enfant
une histoire, il peut se développer en intégrant et en situant tous les
événements de sa vie. Ceux-ci sont déjà inscrits dans les mémoires
implicites (Siegel, 1999, 2001) de l’enfant et le fait de les placer
dans son histoire, en utilisant un langage adapté à son niveau de
développement lui apporte une nouvelle compréhension de son vécu,
de ses difficultés, mais aussi de ses forces et de ses ressources.
• L’enfant s’apaise lorsqu’il réalise que son parent sait et comprend,
sans juger. Elle permet le développement de la fonction réflexive de
l’enfant : il se sent compris. Le reflet ajusté du parent des différents
états sensoriels, émotionnels, mentaux et physiques aide l’enfant à
établir des liens entre ceux-ci, l’ouvre à l’empathie et l’invite à mieux
comprendre ce qui lui est arrivé, pour mieux le surmonter et y survivre
(Fonagy, 2002).
• L’enfant s’appropriera son histoire et continuera à se la raconter.

Au niveau des parents


• Les parents, aidés par le thérapeute posent les différents morceaux
du puzzle de la vie de l’enfant et les remettent à leur place, en
développant une empathie toute particulière et une sensibilité qui
les rapprochent du monde de leur enfant. L’adulte est invité à se
décentrer, à entrer dans la peau de son petit afin de mieux ressentir
quelles ont été ses sensations, ses émotions et de mieux comprendre
ses comportements et ses pensées. L’élaboration de l’histoire permet
ainsi d’augmenter la sensibilité parentale, c’est-à-dire la réactivité
sensible du parent aux signaux et aux communications de son enfant
(Ainsworth et al., 1978).
• Il est utile de vérifier les résonances sur le parent : quelle place
lui a été donnée dans son enfance, quelle place a-t-il pu prendre ?

192
Aide-mémoire EMDR

Considère-t-il que sa place en tant que parent soit légitime ? Et


quelle place peut-il donner, laisser à son tour à son enfant ? Il sera
accompagné de manière à revisiter, soigner ses propres blessures afin
de pouvoir apporter à l’enfant toute la sécurité dont il a besoin.
• Lire à son enfant son histoire crée un pont entre lui et son parent,
façonné par la qualité d’écoute et la réelle disponibilité. Elle va les
aider à prendre conscience du chemin qui les a conduits l’un vers

15. L’EMDR et les histoires narratives en adoption


l’autre.
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! Quand ?
• Idéalement, assez rapidement après l’arrivée de l’enfant dans sa
nouvelle famille. En développant la sensibilité des parents, l’histoire
narrative favorise la mise en place d’un attachement le plus sécure
possible.
• Quand l’enfant manifeste un malaise, un évitement par rapport à son
histoire.
• Lorsque les difficultés actuelles et les symptômes présentés sont en
lien avec son histoire. En cas de traumatismes précoces, on constate
que le passé reste actif et se manifeste dans le présent.
• Régulièrement, l’adolescent se heurte à des difficultés en lien avec
son vécu pré-adoptif. Le protocole de l’histoire narrative peut être
utilisé avec lui en tant que base de travail, de manière à lui restituer
cette partie de sa vie, l’aider à l’intégrer et à mieux comprendre les
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liens entre son passé et son présent.

! Comment ?
L’EMDR se fonde sur le modèle TAI (Traitement Adaptatif de l’Informa-
tion), orienté vers la santé et la guérison (Shapiro, 1995 et seconde
édition 2001). Lorsque l’individu subit un traumatisme, ses capacités de
traitement se figent et ne remplissent plus leurs fonctions adaptatives.
Lors du travail en EMDR, le traitement de l’information bloquée
est facilité par la stimulation bilatérale alternée (SBA) pendant la
connexion des sensations, émotions et pensées, reliées aux événements
traumatisants.

193
Aide-mémoire EMDR

L’enfant adopté a été blessé dans son premier lien. Cette blessure est
inscrite profondément en lui et se manifeste principalement à travers des
symptômes plus ou moins envahissants. L’histoire narrative constitue
une porte d’entrée vers les mondes sensoriel et émotionnel de l’enfant
au moment du trauma et ses croyances négatives.
Lorsque le parent n’a pas conscience des résonances de l’histoire de
l’enfant sur ses ressentis ou croyances, il peut perdre sa disponibilité
15. L’EMDR et les histoires narratives en adoption

psychique et sa fonction de contenance auprès de l’enfant.


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L’EMDR va permettre au parent de différencier son histoire de celle
de son enfant, de ne pas amalgamer leurs émotions. L’EMDR permet
la métabolisation de ce qui était bloqué et rétablit une information
adaptée.
La procédure décrite ci-dessous s’adresse à toute famille adoptive, quel
que soit l’âge de l’enfant au moment de la première consultation. Elle
sera adaptée aux caractéristiques particulières de la situation s’il s’agit
d’un adolescent mais habituellement, l’histoire sera écrite et lue par les
parents comme pour un jeune enfant.
Lorsque les parents ne sont pas mobilisables et que le travail à partir de
l’histoire narrative se justifie, l’adolescent peut l’élaborer avec l’aide du
thérapeute. Celui-ci, via son dossier, va lui transmettre les informations
de son passé et l’aider à imaginer quel a été son vécu. Dans ce cadre,
l’adolescent lira sa propre histoire en présence du thérapeute.
La méthodologie d’intervention s’inspire du protocole de l’histoire narra-
tive initialement développé par Joan Lovett (1999). Nous recommandons
les étapes suivantes :
• Étape 1 :
La rencontre des parents : le thérapeute en tant que tuteur de
tuteurs va les aider à prendre conscience de leurs forces et de leurs
fragilités dans la relation avec leur enfant. Il est utile qu’ils se sentent
compétents avant de travailler sur la base de l’histoire narrative. C’est
aussi l’occasion pour eux de réaliser quelles sont leurs ressources,
leurs zones d’ombre, leurs limites ou fragilités. Il est utile de mettre
en relief les raisons qui ont motivé la consultation. Les difficultés
et les résonances sur les parents sont examinées de manière telle à
mettre en lumière les cognitions négatives.

194
Aide-mémoire EMDR

• Étape 2 :
Éventuellement, lorsque la situation est très chargée émotionnel-
lement, par exemple si elle éveille un sentiment d’impuissance du
parent ou réactive des blessures personnelles et/ou anciennes, nous
lui proposons d’écrire une lettre adressée à l’enfant comme s’il pouvait
tout entendre, selon le protocole des lettres d’Hélène Dellucci (Dellucci,
2017b). Elle lui permettra de mettre des mots sur ses émotions et

15. L’EMDR et les histoires narratives en adoption


sera lue et désensibilisée au cours d’une séance EMDR en l’absence
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de l’enfant. La présence de l’autre parent est conseillée (soutien et la
compréhension du vécu du conjoint). Cette phase préliminaire permet
aux parents d’augmenter leur fenêtre de tolérance de manière à être
plus disponibles aux affects de l’enfant.
• Étape 3 :
L’accompagnement des parents à la rédaction de l’histoire : la longueur
et le style doivent correspondre à l’âge émotionnel de l’enfant.
Parfois, les parents adoptifs possèdent un minimum d’informations
et se sentent démunis lorsqu’il leur est demandé de rédiger cette
histoire. Et pourtant il est possible, sur la base de quelques indications,
d’imaginer le vécu de l’enfant en fonction de son lieu de naissance,
les circonstances de l’abandon, son âge, son état de santé, là où il a
ensuite été recueilli, ses conditions de vie, ses éventuels problèmes
de santé, la durée de l’accueil et les circonstances de l’adoption. Plus
le trauma est précoce, plus l’attention sera portée sur les sensations
corporelles du bébé et du petit enfant. Le toucher, le goût, l’odorat
et l’ouïe sont déjà opérationnels bien avant la naissance (Lecanuet,
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1995). Il est proposé aux parents d’imaginer quel a été le vécu de


leur enfant, en tant que fœtus, nourrisson, bébé et petit enfant, ce
qu’il a pu ressentir dans les circonstances de vie traversées.
En général, nous recommandons d’écrire l’histoire à la troisième
personne de manière à laisser une certaine distance entre l’enfant et
le personnage central de l’histoire. En effet si l’enfant se sent trop
directement concerné, il peut se dissocier ou activer ses défenses.
Toutefois lorsque l’adolescent, accompagné du thérapeute rédige sa
propre histoire, elle sera écrite à la première personne.
Nous suggérons différents choix de manière à ouvrir le champ des
possibles : l’adulte n’impose pas sa perception ni son interprétation.
Nous proposons d’utiliser régulièrement « et peut-être que... » de

195
Aide-mémoire EMDR

façon à donner à l’enfant la possibilité de naviguer dans le déroulement


des faits et la manière dont il les a vécus. (« Peut-être qu’il avait faim,
qu’il avait froid, qu’il se sentait seul, peut-être qu’il avait tellement
peur... »)
Il est aussi nécessaire de mentionner la force personnelle de l’enfant
qui l’a aidé à survivre malgré les facteurs défavorables.
Nous pouvons suggérer aux parents de transposer l’histoire de l’enfant
15. L’EMDR et les histoires narratives en adoption

à celle d’un petit animal auquel il s’identifiera. Il est parfois plus aisé
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pour l’adulte d’aborder de cette manière des faits graves, lourds et
ainsi rejoindre l’enfant.

Protocole de l’histoire narrative :


• Partie 1 : L’histoire commence de manière positive, emballante, de manière
à éveiller l’attention et la curiosité de l’enfant. Dans cette première partie, les
activités, habitudes préférées de l’enfant sont décrites pour qu’il se rapproche du
personnage.
• Partie 2 : Le nœud de l’histoire est ensuite abordé avec douceur, le parent
explique que la vie de l’enfant n’a pas commencé là mais dans un autre pays
ou dans un autre lieu en cas d’adoption nationale. Les difficultés traversées,
les différents traumas sont nommés. La trame de l’histoire est tissée à partir
de ces trois fils conducteurs : les sensations, les émotions de l’enfant et les
croyances négatives qui en découlent, de la grossesse jusqu’à l’adoption, l’arrivée
et l’adaptation dans la nouvelle famille.
Le bébé s’est-il senti important et à sa place dans le regard des adultes qui se
sont occupés de lui ? A-t-il appris à leur faire confiance ? Pouvait-il leur montrer
ses faiblesses ? Se sentait-il en sécurité ?
• Partie 3 : La fin du récit souligne qu’il a survécu aux épreuves, qu’il est précieux
et peut maintenant confier sa vie aux personnes qui prennent soin de lui. Dans
la conclusion, les croyances négatives sont transformées en croyances positives.

196
Aide-mémoire EMDR

• Étape 4 :
Nous constatons régulièrement qu’il est plus aisé aux parents d’écrire
que de dire. Si les parents sont trop activés pendant la lecture,
l’enfant ne se connecte pas avec ses propres émotions. Avant de
raconter l’histoire à l’enfant, nous proposons aux parents de la lire l’un
à l’autre. Le protocole des lettres est de nouveau utilisé si nécessaire.
• Étape 5 :

15. L’EMDR et les histoires narratives en adoption


Rencontre de l’enfant en présence de ses parents. Il est utile de mettre
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l’enfant en confiance, de vérifier s’il sait pourquoi il est là, de lui
expliquer ce qui va suivre et d’être le plus prévisible possible. Mise
en place du lieu sûr. Pendant la lecture de l’histoire à l’enfant par
un des parents en présence de l’autre, le thérapeute va pratiquer des
Stimulations Bilatérales Alternées habituellement tactiles (vibreurs)
et continues. Si l’enfant est plus jeune ou s’il refuse les vibreurs, le
parent qui ne lit pas l’histoire pourra tapoter les épaules ou les mains
de son enfant au rythme donné par le thérapeute. Celui-ci réalise les
tapotements en miroir sur ses genoux, un coussin ou une peluche
placée devant lui. Les SBA sont lentes dans la première partie de
l’histoire afin de renforcer les ressources de l’enfant. Ensuite, jusqu’à
la fin, elles sont rapides. En cas d’activation de l’enfant, on demande
au parent d’arrêter la lecture, à l’enfant de nous dire ce qui vient et on
continue les SBA jusqu’à l’apaisement. On reprend ensuite la lecture
selon le même procédé jusqu’à la fin du récit.
• Étape 6 :
Par la suite, l’enfant est invité à se réapproprier l’histoire, c’est-à-dire
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à raconter ce qu’il en a compris. S’il ne le souhaite pas, on demande


au parent de reprendre le récit de manière informelle et on relance
l’enfant par des questions, afin de stimuler son intérêt. Le thérapeute
peut aussi proposer de jouer l’histoire avec des peluches ou des
marionnettes. L’enfant est invité à participer : « Et que s’est-il passé
à ce moment ? Et comment le petit s’est-il senti ? ». Un enfant plus
âgé peut reprendre les éléments positifs et négatifs de l’histoire à
travers un matériel mis à disposition (des fleurs en feutrine et des
pierres de tailles différentes).
• Étape 7 :
Le thérapeute demande enfin à l’enfant ce qui se passe en lui lorsqu’il
pense à l’histoire entière. Les SBA sont continuées jusqu’à l’obtention

197
Aide-mémoire EMDR

d’un Sud 0. Si possible, en fonction de l’âge de l’enfant, le thérapeute


l’invite à formuler une cognition positive tout en pensant à l’histoire.
On lui demande alors le Voc et on procède selon un protocole standard.
Pour un enfant plus jeune, la Cognition Positive est fournie par les
parents.

Sarah, 15 ans
15. L’EMDR et les histoires narratives en adoption
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Sarah est âgée de 15 ans. Elle exprime peu ses émotions et est particulièrement
jalouse de sa sœur cadette.
D’origine vietnamienne, elle est déposée le lendemain de sa naissance à
l’orphelinat. Elle est adoptée à l’âge de 2 mois. La maman adoptive a eu un
cancer qui l’a rendue stérile à l’âge de 22 ans. Ce cancer est détecté suite à
une IVG. Madame rencontre ensuite son futur mari. Rapidement, le couple
se tourne vers l’adoption. La période d’attente est éprouvante. Ils reçoivent
une première attribution qu’ils refusent car l’enfant est atteint d’une pathologie
lourde qu’ils ne se sentent pas capables d’accompagner.
Un peu plus tard, Sarah leur est désignée. Madame décrit leur relation comme
étant très fusionnelle.
Un an et demi plus tard, la famille s’agrandit et accueille une petite fille
d’origine chinoise. Elle est âgée de 17 mois et vient bousculer la dynamique
familiale. Les deux fillettes ont 18 mois de différence ; la deuxième présente un
tempérament et un physique bien affirmés mais aussi d’importantes carences.
Les parents se mobilisent pour l’aider à récupérer et s’apaiser.
On peut imaginer que l’arrivée de la sœur a perturbé le lien fusionnel entre
Sarah et sa maman et a réactivé le sentiment d’abandon lié aux empreintes
précoces. Cette difficulté est amplifiée chez la maman par des blessures en
lien avec sa propre histoire.
Nous travaillons avec cette famille selon les différentes étapes décrites. Voici
leur déroulement :
Séance 1 : Rencontre des parents sans Sarah (étape 1). Il apparaît que les
difficultés actuelles de la jeune fille inquiètent particulièrement la maman. Elle
craint que Sarah ne trouve pas sa place dans la vie. La maman est très émue
à cette perspective. Il lui est proposé de rédiger une lettre à l’intention de sa
fille (étape 2).
Séance 2 : Rencontre de Sarah. Les parents expliquent leur démarche. Ensuite,
au cours de l’entretien individuel mis en place vu son âge, la jeune fille signale
souffrir de cette jalousie, principalement focalisée sur sa sœur. Il est convenu
de travailler avec elle et ses parents sur la base de son histoire. Mise en place
du lieu sûr.

198
Aide-mémoire EMDR

Séance 3 : Rencontre des parents, en l’absence de Sarah. La maman lit la


lettre dans laquelle elle explique son parcours pour devenir maman et la
relation fusionnelle dont elle l’a entourée dès son arrivée. Le papa écoute et
soutient son épouse. Désensibilisation selon le protocole des lettres (étape 2.)
Proposition de rédiger l’histoire de Sarah selon le protocole décrit (étape 3).
Les parents écrivent l’histoire et me l’envoient. Vérification de l’adéquation et
du fait qu’ils peuvent se la lire sereinement (étape 4).

15. L’EMDR et les histoires narratives en adoption


Séance 4 : Rencontre de Sarah en présence de ses parents. Lecture de l’histoire
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par un des parents et désensibilation de Sarah (SBA avec vibreurs) (étape 5).
Séance 5 : Rencontre de Sarah seule. Elle explique ce qu’elle a retenu de
l’histoire, les aspects positifs mais aussi les moments difficiles (étape 6.) Nous
ciblons la relation à sa sœur (étape 7) selon un protocole standard. Diminution
rapide du Sud. Cognition Positive : J’ai ma place, je suis importante.
Séance 6 : Rencontre de la famille. Les relations au quotidien se sont beaucoup
améliorées. Les sœurs expriment ce qu’elles apprécient l’une de l’autre. Sarah
est apaisée. Elle ne sent plus sa place menacée.
Au cours de ce travail, la maman a pu élaborer les deuils liés à son histoire et
différencier ses blessures de celles de sa fille. Cela lui a permis de s’apaiser
quant aux difficultés réelles de Sarah. D’autre part, le travail sur l’histoire narrative
et sur la notion de place a aidé la jeune fille à mieux comprendre l’origine
de ses ressentis et réaliser combien elle avait été désirée et attendue, que sa
place au sein de sa famille était la sienne. Ce fut aussi l’occasion pour Sarah de
mieux discerner le parcours de ses parents et de développer un autre regard à
l’égard de sa sœur.
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Conclusion

La question de la juste place à prendre est souvent une question cruciale


pour les enfants adoptés. Elle soulève, éveille ou cache régulièrement
de multiples souffrances, chez l’enfant, l’adolescent et sa famille.
Les parents ont aussi leur histoire, leur chemin qui les a menés à
l’adoption. L’enfant vient souvent réactiver ou déclencher des blessures
des parents. Une partie importante du travail de préparation consiste à
soigner la relation en aidant les parents à prendre conscience de leurs
forces et fragilités, à renforcer leurs ressources, élaborer leurs deuils
principalement autour de la notion de place à prendre ou à donner.

199
Aide-mémoire EMDR

À travers la rédaction de l’histoire narrative, les parents accompagnés


par le thérapeute rejoignent davantage leur enfant. Le travail en EMDR,
en présence des parents, permet à l’enfant d’intégrer son histoire et se
l’approprier.
Les protocoles de l’histoire narrative et des lettres sont intégrés dans
une approche systémique. Les différentes étapes permettent un travail
global, respectueux du rythme de chacun.
15. L’EMDR et les histoires narratives en adoption
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Il ne sera sans doute pas suffisant pour toutes les situations mais offrira
un socle sur la base duquel le travail clinique pourra être poursuivi,
selon les problématiques de chacun.

200
Aide-mémoire EMDR

Bibliographie

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15. L’EMDR et les histoires narratives en adoption


baum Associates.
gular (coherent) vs multiple (incoherent)
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201
Aide-mémoire EMDR

16. Pratique de la thérapie EMDR avec les enfants


16
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PRATIQUE DE LA THÉRAPIE EMDR
AVEC LES ENFANTS

Michel Silvestre

Seront présentés dans cette fiche les points clés de la thérapie EMDR
avec les enfants en illustrant particulièrement les trois premières phases
du protocole EMDR standard adapté au niveau de développement des
enfants.
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Introduction

Les premières applications de la thérapie EMDR développée par Francine


Shapiro furent avec une population adulte et en particulier des anciens
militaires souffrant de TSPT. Par la suite des cliniciens américains comme
Bob Tinker et Sandra Wilson (1999), Joan Lovett (1999) ont ouvert la
voie du traitement EMDR pour les enfants avec des ouvrages qui font
référence.
Faire de la thérapie EMDR avec les enfants est un processus complexe
et stimulant (Adler-Tapia & Settle, 2008). C’est tricoter plusieurs fils

203
Aide-mémoire EMDR

ensemble, les apports de la neurobiologie, les éléments de fonctionne-


ment individuel et familial en termes de développement et les notions
d’attachement pour élaborer un plan de traitement. C’est adapter la
thérapie EMDR au travers du protocole développemental pour prendre
en compte les différences et ressemblances avec le protocole EMDR
générique (adulte).
16. Pratique de la thérapie EMDR avec les enfants
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Le traitement EMDR avec les enfants

Le traitement EMDR dépendra de plusieurs paramètres que nous devons


évaluer. Sommes-nous face à un traumatisme simple, ou à traumatisme
complexe ? Face à un enfant avec ou sans ressources, individuelles ou
familiales. Quels sont les facteurs de résilience individuelle et groupale ?
La psychologue Joanne Morris Smith illustre bien par la figure 16.1
la relation entre traumatisme simple, complexe, âge au moment du
traumatisme et durée du traitement (Morris-Smith & Silvestre, 2015).
Nous avons tous eu des situations cliniques « magiques » où en quelques
séances le souvenir de l’incident traumatique disparaît et avec lui la
souffrance ou les peurs. Mais lorsque le traumatisme est répétitif,
complexe avec des relations éléments familiales marquées par des
troubles de l’attachement, la durée d’intervention est plus importante.

Le protocole développemental

Nous retrouvons dans le protocole EMDR enfants les 8 phases de


traitement du protocole générique : l’histoire du patient, la préparation,
l’évaluation, la désensibilisation, l’installation, le scanner du corps, la
clôture et la réévaluation. Le protocole générique doit bien évidemment
être adapté à l’âge de l’enfant afin de respecter son niveau de
développement.

! La première phase, l’histoire du patient


Il est important d’être attentif à l’histoire du développement de l’enfant.
Qu’est-ce qui a caractérisé son développement ? Comment a-t-il géré

204
Aide-mémoire EMDR

Impersonnel Quelques
Trauma séances
simple

Vulnérabilité Trauma simple répétitif Moment du trauma


constitutionnelle

16. Pratique de la thérapie EMDR avec les enfants


Trauma multiple
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Trauma multiple et complexe
Notions d’attachement

Trauma complexe, multiple et chronique


troubles de l’attachement Plusieurs
Personnel années
Âge : 0

Figure 16.1. Durée du traitement EMDR


© J Morris-Smith, 2006

les différents apprentissages, la propreté, la marche, l’acquisition du


langage, les comportements de socialisation à l’école. L’histoire familiale
est un élément essentiel de cette anamnèse ; quels sont les événements
qui ont marqué la vie de la famille, éléments de cycle de vie ou
événements extra-familiaux traumatiques. Le concept de la ligne de
temps traumatique nous permet d’appréhender dans une dimension
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

dynamique la succession dans le temps des incidents traumatiques pour


chacun des membres de la famille et de repérer dans quel contexte
social, scolaire, professionnel ils se déroulaient.
Deux éléments sont particulièrement importants à évaluer lors de cette
première phase : la sécurité de l’enfant et le niveau de stabilisation
émotionnelle et de traumatisassions des parents. Les parents ont un
rôle essentiel comme lieu sûr avec les jeunes enfants. Le ou les parents
doivent être alors en mesure de contenir l’enfant sur le plan émotionnel.
La régulation des affects chez l’enfant en fonction de son âge passe en
partie par les liens d’attachement.
La sécurité de l’enfant est première. Une thérapie EMDR n’a de sens que
si l’enfant évolue dans un climat familial où il n’est pas régulièrement

205
Aide-mémoire EMDR

re-traumatisé. Ainsi dans les situations de violence conjugale et familiale,


la focale thérapeutique sur l’arrêt des comportements de violence passera
avant la mise en place d’une thérapie EMDR.

! La deuxième phase ou phase de préparation


Les ressources de l’enfant et de la famille sont à explorer. Qu’est-ce
16. Pratique de la thérapie EMDR avec les enfants

qu’ils ont pu mobiliser au travers de ces différents événements. Qui


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les aide, qu’est-ce qui a été le plus aidant, le moins aidant, de quoi
ont-ils besoin dans le futur ? Nous devons être attentifs aux éléments
de co-morbidité comme les états dépressifs, le niveau de TSPT ainsi que
le niveau de dissociation ou de déficit d’intégration qui sont souvent
sous-diagnostiqués chez l’enfant.
La création d’une alliance thérapeutique avec le ou les parents et l’enfant
prend tout son sens. Les parents ont besoin d’explications sur la thérapie
EMDR et ses effets sur l’enfant, les mouvements de stimulations oculaires
ou tactiles, la différence avec l’hypnose, le contrôle par le signal d’arrêt
« stop », le lieu sûr et leur participation aux séances de thérapie en
fonction de l’âge de l’enfant et de son niveau de développement. Il
peut être rassurant pour l’enfant de lui montrer ce qu’est l’EMDR par la
mise en place d’un lieu sûr avec le parent. Le lieu sûr est le souvenir de
quelque chose d’agréable, de dynamique comme jouer avec les copains
où d’un lieu apaisant par exemple pour les jeunes enfants « entre les
jambes de maman », quand cette relation est sécurisante. Le lieu sûr
est une ressource que l’enfant pourra utiliser quand les émotions lors
du processus thérapeutique deviennent trop gênantes, en fin de séance
et tout seul entre les séances si quelque chose le met à l’aise.

! La troisième phase dite d’évaluation


L’adaptation du protocole est l’idée centrale dans l’application de l’EMDR
chez les enfants. Le protocole générique sera modifié pour accommoder
les besoins en termes de développement de l’enfant selon un principe que
l’on pourrait qualifier de créativité minimum. Les souvenirs traumatiques
sont stockés chez l’enfant à l’âge et au stade de développement atteint
lors de l’incident traumatique. Différentes versions du protocole enfant
auront besoin d’être utilisées pour cibler des souvenirs d’âge différents

206
Aide-mémoire EMDR

et pour ainsi s’adapter aux différents stades de développement de cet


enfant.
Chez l’adulte il y a une évaluation détaillée de la cible mémoire par
une sélection d’image, une cognition négative, une cognition positive,
une VOC (Validity of Cognition Scale), une émotion, un niveau de SUD
(Subjective Unity Disturbance scale) et une sensation physique. Chez

16. Pratique de la thérapie EMDR avec les enfants


l’enfant tout ceci est influencé par les caractéristiques cognitive et
développementale. Les enfants, en fonction de leur âge, peuvent avoir
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des difficultés à donner une cognition négative et positive, ne pas
comprendre l’échelle de la VOC, la confondre avec celle du SUD. Pour la
description de la cible et du lieu sûr ils peuvent avoir recours au dessin,
moyen privilégié d’expression.

70

9/12 ans et plus


protocole complet, (CP), (VOC), dynamique familiale
6/8 ans
cible/dessin, CN (émotionnelle), (CP), (VOC), émotion,
SUD, sensation, MO, tapotements, parents +/– présents
4/5 ans
cible/dessin, CN émotionnelle , (CP), (VOC),émotion, SUD,
sensation, (MO), tapotements
En-dessous de 3 ans
cible/dessin/histoire narrative, personne sure,
(émotion) SUD, sensation, tapotements
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Réduction de la durée de la séance


en fonction du niveau de développement

Figure 16.2. Protocole développemental enfant

Enfants de 9 à 18 ans

Le protocole utilisé est similaire à celui employé avec les adultes. Pour
les adolescents nous porterons un intérêt particulier à la notion de cycle
de vie et à l’évaluation des patterns de fonctionnement familiaux où se
croisent parfois la souffrance de l’adolescent et des difficultés familiales
à laisser grandir ce jeune adulte. La participation ou non des parents

207
Aide-mémoire EMDR

aux séances de thérapie EMDR de l’adolescent est une décision clinique


qui appartient au thérapeute.

Enfants de 6 à 8 ans

À ce stade, les cognitions négatives, positives, et la VOC seront probables


et le niveau de SUD toujours possible. Les parents pourront être
16. Pratique de la thérapie EMDR avec les enfants

partiellement présents comme source d’information sur le passé, le


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présent et le fonctionnement familial. Le dessin, moyen d’expression
par excellence de l’enfant à cet âge permettra la représentation de la
cible et du lieu sûr.

Enfants de 4 à 5 ans

La mesure du SUD est possible, mais la cognition positive et la VOC


ne seront pas possibles. La cognition négative va être différente et
ne sera plus une cognition mais une émotion, on parlera de cognition
émotionnelle. L’enfant à ce stade de son développement n’est pas
capable de nous donner une cognition de type « je suis inapproprié »,
« je suis incompétent » ou « je suis en danger » mais plutôt une pensée
construite autour d’une émotion « j’ai peur », « j’ai faim ».
La présence des parents devient de plus en plus importante comme
source d’information, pour raconter l’histoire de ce qui s’est passé et
comme lieu sûr. Il est fréquent de constater que le lieu sûr à cet âge-là
est d’être sur les genoux de maman.

Enfants en-dessous de 4 ans

Les cibles seront définies par l’enfant et/ou par le(s) parent(s), le
niveau de SUD sera montré par des gestes (écartement des mains du
thérapeute, plus c’est écarté plus le SUD est grand). L’émotion sera
plus difficile à définir mais la localisation de la sensation physique sera
toujours possible. La présence des parents est ici indispensable comme
source d’information sur l’enfant et son développement, et comme aide
à l’observation et la compréhension de la dynamique familiale.
L’utilisation des stimulations bilatérales alternées doit suivre le niveau
de développement de l’enfant. Les mouvements oculaires sont difficiles
pour les enfants jusqu’à l’âge de 5 ans et peuvent être remplacés

208
Aide-mémoire EMDR

par des stimulations tactiles ou auditives : claquements des doigts,


marionnettes.

Conclusion

16. Pratique de la thérapie EMDR avec les enfants


La thérapie EMDR avec l’enfant s’appuie sur une alliance thérapeutique
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forte du thérapeute avec l’enfant et le(s) parent(s) en donnant une
place essentielle à la notion d’accordage dans un contexte de sécurité
pour l’enfant. La créativité du thérapeute, une bonne connaissance du
protocole EMDR développemental et sa capacité de pouvoir associer à
la thérapie EMDR d’autres modalités thérapeutiques comme le travail
familial, le dessin ou le jeu sont au centre de ce processus (Silvestre,
2010).

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Aide-mémoire EMDR

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COUPLE ET THÉRAPIE EMDR

17. Couple et thérapie EMDR


Michel Silvestre

L’articulation de la thérapie EMDR (traitement d’une blessure individuelle)


dans le cas d’une thérapie de couple (traitement d’une blessure rela-
tionnelle) ouvre des perspectives nouvelles et dynamiques permettant
d’enrichir les ressources de la relation, de renforcer l’attachement et de
favoriser la guérison commune.
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C’est permettre au thérapeute d’envisager une perspective intégrative


où sont tricotées ensemble les dimensions cliniques individuelle et
relationnelle dans une démarche de prévention de rupture du lien.

Dans quelles situations cliniques est-ce possible ?


• Lorsqu’un couple est blessé par un incident traumatique commun
comme le décès d’un enfant où un accident de la route, la clinique
nous apprend qu’un tel trauma se traduit par une blessure individuelle
et une blessure relationnelle. Delage et Cyrulnik (2008) nous ont
montré qu’après le décès d’un enfant, 70 % des parents se séparent
dans les 3 ans.

211
Aide-mémoire EMDR

• Lorsque le fonctionnement actuel d’un couple est perturbé par la


réactivation de blessures passées, inscrites dans le développement
d’un ou de chacun des membres ou que des cognitions négatives
installées dans le passé empêchent tout mouvement de changement
présent et futur.
• Lorsque le trauma touche un membre du couple, comme lors d’une
agression sexuelle. La clinique nous apprend que la majorité des
femmes victimes vont parler avec leur partenaire après le trauma.
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Cependant ce partenaire est souvent le moins soutenant pour la
victime car il doit faire face à un stress traumatique secondaire
caractérisé par une activation émotionnelle, une sortie de sa fenêtre de
tolérance et une possible réactivation de traumas du passé avec comme
conséquence une réduction de son empathie envers sa partenaire. Ainsi
17. Couple et thérapie EMDR

3 ans après un viol, une femme sur deux se sépare de son partenaire.

Comment organiser le travail thérapeutique


avec le couple ?

Plusieurs situations cliniques peuvent se présenter, dans le cadre de


cet article nous en choisirons deux. Celle d’un couple traumatisé ou
les deux membres partagent le même incident traumatique et celle
d’une consultation de couple où l’un des membres aborde une blessure
traumatique d’un passé plus ou moins récent. Le travail thérapeutique
est un travail d’intégration de la clinique individuelle dans la clinique
relationnelle avec les éléments suivants comme points de repère :
• La dimension contenante portée par la relation entre les deux
partenaires est un élément essentiel, car elle va influencer la
trajectoire de la thérapie individuelle en cas de trauma. La clinique
nous a montré combien un support relationnel fort protège des impacts
du trauma.
• La primauté du niveau relationnel sur le niveau individuel ; la hiérar-
chie des niveaux logiques nous aide à comprendre combien le niveau
relationnel est d’un niveau logique supérieur à l’individuel. Ainsi les
éléments de fonctionnement individuel perturbant la construction de
l’histoire narrative du couple seront donc traités dans un deuxième

212
Aide-mémoire EMDR

temps en thérapie EMDR au sein de la thérapie du couple qui reste


l’axe thérapeutique majeur.
• Un environnement de sécurité et de respect entre les partenaires
permettra au traitement EMDR individuel de s’appuyer sur les rési-
liences relationnelles. Le travail sur les blessures individuelles n’étant
possible que dans la sécurité du présent.

! Couple traumatisé qui partage le même incident


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traumatique

Après un trauma commun, nous pouvons observer une blessure voire une
rupture de la communication, un isolement et une chute de l’intimité
émotionnelle et sexuelle. La vulnérabilité de chacun est activée et

17. Couple et thérapie EMDR


les difficultés relationnelles se manifestent par des comportements
d’évitement où d’hyperactivité.
Face à un trauma les réactions du couple peuvent être asynchrones. Nous
pouvons les résumer ainsi, les réactions émotionnelles des femmes sont
plus intenses, durent plus longtemps et elles parlent beaucoup du trauma.
Les hommes quant à eux utilisent des comportements de distraction et
d’évitement et ils préfèrent se débrouiller seuls. Les conséquences de
telles différences sont cruciales pour le fonctionnement présent et futur
de la relation conjugale (Silvestre, 2010)
L’intégration de la thérapie EMDR dans la thérapie de couple prendra la
forme suivante où nous distinguerons deux phases.
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• Une phase de thérapie EMDR alternativement avec chaque membre


du couple, sur une cible en relation avec la situation traumatique,
pendant que l’autre est en position d’observateur.
• Une phase d’échange en couple sur les résonances individuelles et
relationnelles chez l’observateur du matériel traité dans la séance
EMDR. Cette phase d’échanges permet d’activer un processus de
mentalisation qui aide à la régulation émotionnelle.
• Lors de la séance suivante il y a un changement de place, celui qui
était observateur devient patient et le patient devient observateur
impliqué dans la discussion post-séance. Nous suggérons de faire des
séances de deux heures pour avoir le temps de mettre en place ces
deux phases.

213
Aide-mémoire EMDR

Pour garder l’observateur actif dans sa fenêtre de tolérance et stimuler


la résilience du lien, le thérapeute peut l’inviter à être co-facilitateur
dans l’activation du lieu sûr de son partenaire en fin de séance EMDR, en
lui proposant de faire des stimulations bilatérales lentes sur les épaules
de celui-ci pendant qu’il se connecte avec son lieu sur (Roques, 2017).
Ce processus thérapeutique favorise le traitement de la blessure
individuelle en s’appuyant sur la dimension sécurisante du lien comme
élément régulateur et permet à l’autre de développer un insight sur le
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comportement de son partenaire et sur les liens possibles avec sa propre
histoire, tout en observant ses réactions émotionnelles.

! Couple ou l’un des membres a vécu un traumatisme


individuel dans un passé plus ou moins récent1
17. Couple et thérapie EMDR

Dans ce cas-là, l’intégration de la thérapie EMDR dans la thérapie de


couple nous pose plusieurs questions.
• Est-ce que la relation est suffisamment sécurisante pour intégrer le
traitement individuel dans le relationnel ?
• Est-ce pertinent pour l’autre membre du couple de savoir et d’être
confronté au contenu de l’incident traumatique en participant
au traitement EMDR ? N’y a-t-il pas un risque de traumatisation
secondaire ?
• La thérapie de couple ne va-t-elle pas être polluée par le fait qu’un
des membres est désigné par le thérapeute comme étant plus malade
que l’autre, et qu’à ce titre il a besoin d’une thérapie spéciale. Le
travail interactionnel central à la thérapie de couple ne risque-t-il pas
d’être déstabilisé par l’attitude possible de connotation négative de
celui à qui le thérapeute n’a rien demandé de faire : « C’est toi le/la
malade, je comprends maintenant pourquoi nous avons des difficultés,
je n’y suis pour rien, c’est à cause de toi. »

Ces réserves étant faites, nous suggérons que le traitement individuel


EMDR puisse se faire en dehors et en parallèle de la thérapie de couple,
soit par le même thérapeute si la durée d’intervention est limitée dans
le temps (entre deux et trois séances) soit par un autre thérapeute

1. Traumatisme non vécu par l’autre partenaire et qui n’est pas la cause initiale de la
consultation de couple.
214
Aide-mémoire EMDR

si la prise en charge s’avère plus longue. Une telle limite de temps


nous semble une bonne précaution pour éviter que le thérapeute ne
devienne le thérapeute individuel de la personne suivie en EMDR et perde
alors sa liberté de manœuvre comme thérapeute de couple. C’est un
glissement que nous avons souvent observé en supervision et qui marque
un changement du cadre thérapeutique souvent de façon implicite.
Dans ce modèle d’organisation où la thérapie EMDR ponctuelle vient en
complément de la thérapie de couple, le thérapeute se doit de garder
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à l’esprit impact potentiel d’une telle stratégie sur le fonctionnement
du couple. Quelle influence l’asymétrie des propositions de traitement
a-t-elle sur la dynamique du couple ? Le thérapeute doit être attentif
au fait que son alliance avec la personne traumatisée dans le cadre
de la thérapie EMDR risque d’être perçue par l’autre membre du couple

17. Couple et thérapie EMDR


comme une coalition contre lui. Ce faisant il pourrait alors être pris
dans des jeux dysfonctionnels du couple qui s’expriment régulièrement
en thérapie de couple. Si tel est le cas il est préférable d’externaliser la
thérapie EMDR vers un autre praticien.

Pour conclure

Cette pratique intégrative nécessite un cadre thérapeutique sécure où


le thérapeute agit comme base temporaire de sécurité. Le tricotage
pendant la thérapie de couple de la clinique individuelle EMDR dans
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la clinique relationnelle permet au mieux l’expression des résiliences


individuelles et relationnelles.

Bibliographie

DELAGE M. (2008) La résilience familiale, Jacob, Paris.


Odile Jacob, Paris
SILVESTRE M. in Delage M. & Cyrulnik ROQUES J. (2017) Couples et EMDR une
B. (2010) Famille et Résilience, Odile thérapie intégrative, Desclée de Brouwer.

215
Aide-mémoire EMDR

18
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18. EMDR et thérapie des états du moi
EMDR ET THÉRAPIE DES ÉTATS DU MOI

Olivier Piedfort-Marin

Si l’efficacité de l’EMDR avec le Trouble de Stress Post-Traumatique (TSPT) et


d’autres séquelles non complexes de traumatismes ou d’événements invalidants
est clairement avérée, il n’en est pas de même pour les séquelles complexes
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de traumatismes, en particulier lorsque ceux-ci ont eu lieu dans l’enfance et


l’adolescence. Dans ces cas, l’EMDR peut montrer des limites dans son application
standard. Des modifications du protocole, des adjonctions d’autres techniques ou
méthodes, ou encore l’intégration de l’EMDR dans une psychothérapie intégrative
sont alors souvent nécessaires. La thérapie des états du moi (Watkins et Watkins,
1997) peut être une approche intéressante pour optimiser l’efficacité du traitement
EMDR dans les cas de traumatisations complexes. Différentes pistes sont proposées
ici pour optimiser le traitement EMDR en utilisant la théorie des états du moi et
certaines techniques thérapeutiques propres à cette approche.

217
Aide-mémoire EMDR

Concepts théoriques de la thérapie des états du moi

! La théorie des états du moi


La thérapie des états du moi (ego state therapy) est fortement
développée aux USA et en Allemagne, en particulier dans le champ
de la psychotraumatologie où elle est souvent proposée en combinaison
avec l’EMDR (Forgash et Copeley, 2008/2017). La communauté EMDR
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allemande est fortement influencée par le travail de Luise Reddemann
(2010, 2011 ; en français : 2013 ; Piedfort-Marin et Reddemann, 2016 ;
18. EMDR et thérapie des états du moi

Piedfort-Marin, 2017) qui propose un traitement intégratif des séquelles


complexes de traumatismes, basé sur la théorie des états du moi et des
exercices hypno-imaginatifs sans utiliser de transe profonde.
Le concept d’état du moi a été proposé par Federn (1952) puis
développé au niveau théorique et clinique par Watkins et Watkins
(1997) qui définissent un état du moi « comme un système organisé
de comportements et d’expériences dont les éléments sont reliés entre
eux par des principes communs, et qui est séparé des autres états par
une limite plus ou moins perméable. » Cette définition est un concept
tellement général qu’il peut porter à confusion mais qui a l’avantage
d’être souple.
Ce concept est souvent comparé à celui de partie dissociative au
sens de la théorie de la dissociation structurelle de la personnalité
(TSDP, Van der Hart, Nijenhuis & Steele, 2010), mais la comparaison
s’avère difficile. Si elles ont des origines théoriques différentes, ces
théories reposent néanmoins toutes les deux sur l’idée d’une sépara-
tion/division/dissociation entre plusieurs entités contenues au sein du
moi/de la personnalité – séparation qui a lieu dans les suites d’une
expérience traumatisante. Tout comme la TDSP, les Watkins (1997) se
basent sur le concept de dissociation de Janet pour expliquer les états
du moi les plus inadaptés, comme dans les cas du trouble dissociatif de
l’identité (Watkins, 2008/2017) (pour une étude plus approfondie du
concept des états du moi : Piedfort-Marin, 2017). Ainsi John Watkins
(2008/2017) précise :

« Le terme “états du moi” se réfère à des segments de la personnalité qui


fonctionnent avec plus ou moins d’autonomie les uns des autres. [...] Les

218
Aide-mémoire EMDR

états du moi semblent se situer sur un continuum et se manifestent à une


extrémité sous la forme d’états émotionnels et à l’autre extrémité comme
des “alters” isolés d’un trouble dissociatif de l’identité, d’authentiques
personnalités multiples. Entre ces deux extrêmes, nous préférons le terme
d’entités “différenciées” plutôt que celui d’ “états dissociés”. La dissociation
fait référence à une pathologie sévère dans laquelle les limites entre états
du moi sont rigides et inflexibles. »
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! Les différents types d’états du moi

À l’extrême positive de ce continuum on trouve des états du moi

18. EMDR et thérapie des états du moi


formant des facettes de notre personnalité relativement bien intégrées,
s’ajustant bien l’un à l’autre. Néanmoins, plus loin sur ce continuum,
on trouve des états du moi en lien avec des problèmes psychiques ou
psycho-somatiques. Nous allons nous intéresser à ceux utiles dans le
traitement des traumatisations complexes en EMDR. Les états du moi
tels qu’observés dans un trouble dissociatif de l’identité dépasse le cadre
de ce chapitre.
Les états du moi malveillants (ou introjects) sont issus de l’introjection
de messages négatifs ou malveillants – explicites ou implicites – de
personnes significatives ou d’agresseurs. Ils peuvent se présenter sous
la forme de pensées telles que « tu es nulle », « tu es fainéant », « tu ne
réussiras jamais », « tu es coupable », « tu es un objet », etc., associées
à des émotions, sensations, attitudes et comportements concordants. Ces
introjects peuvent se développer dans des situations de rejet, menace,
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négligence émotionnelle, violences sexuelles, physiques ou psychiques.


L’introjection a pour fonction de maintenir la relation avec la personne
de soin et d’attachement.
Dans ces expériences douloureuses peuvent se développer également
des états du moi jeunes blessés. (« enfant blessé »). Ces états du moi
contiennent des éléments des expériences traumatisantes mémorisées
selon le niveau de développement du sujet au moment de l’événement.
Les signes de la présence d’un état du moi jeune blessé sont des
symptômes de présentations très diverses. C’est le lien possible entre
un symptôme et un état du moi jeune blessé qui va être déterminant
pour la conceptualisation des symptômes et le traitement.

219
Aide-mémoire EMDR

Les états du moi imaginaires sont des ressources intéressantes : par


exemple, la personne âgée que l’on sera plus tard, la sagesse intérieure,
l’observateur intérieur ou l’observateur de l’observateur.
Avec le concept d’état du moi adulte on peut différencier le sujet
adulte (considéré comme compétent) de ses symptômes, compris comme
l’expression d’états du moi.
Les états du moi sont plus ou moins séparés les uns des autres. On
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peut utiliser la métaphore d’une membrane séparant les états du moi,
membrane qui peut être plus ou moins perméable. Selon l’étanchéité
18. EMDR et thérapie des états du moi

de la membrane, on aura plus ou moins facilement accès à la mémoire


traumatique, c’est-à-dire à l’état du moi contenant cette mémoire. Dans
les TSPT complexes cette membrane est plus étanche que dans les
troubles dissociatifs.

! De l’utilité de la psychothérapie des états du moi


dans la psychothérapie EMDR

La psychothérapie EMDR et la psychothérapie des états du moi ont des


points communs (Leutner, 2014) :
1. les origines des symptômes se situent dans des événements adverses
et traumatisants ;
2. il y a l’objectif similaire de créer de nouvelles associations entre des
réseaux de mémoire trop isolés les uns des autres, en particulier en
facilitant l’émergence de réseaux de mémoires adaptatifs (ou états
du moi porteurs de ressources).

La théorie des états du moi donne des bases pour une adaptation du
protocole standard EMDR en vue de faciliter le traitement dans les cas de
trauma complexe. Elle permet aussi de comprendre et de conceptualiser
certains processus que l’on observe pendant un retraitement EMDR (en
particulier dans la phase 4) et certains blocages dans la psychothérapie
en général ou dans le retraitement EMDR en tant que tel. À noter que
la thérapie des états du moi fut précurseur dans le traitement des
troubles d’origine traumatique. On lui doit la plupart des techniques
de stabilisation utilisées en EMDR ou dans le traitement des troubles
dissociatifs.

220
Aide-mémoire EMDR

Intégration de la thérapie des états du moi


et de l’EMDR

Nous allons maintenant passer en revue les possibilités qu’offre la


thérapie des états du moi (TEM) dans la psychothérapie EMDR en suivant
l’ordre chronologique des huit phases du protocole EMDR (Shapiro,
2006).
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! Théorie des états du moi pendant la phase 1 :
anamnèse et conceptualisation

18. EMDR et thérapie des états du moi


Dans la phase d’anamnèse le psychothérapeute devrait aussi axer sa
recherche d’informations sur la présence de ressources, non seulement
dans le présent mais aussi dans le passé, en particulier autour de la
période où ont eu lieu les événements douloureux. « Quelles ressources
aviez-vous quand vous étiez enfant ? Quelles personnes étaient un
soutien pour l’enfant que vous étiez ? En quoi cela était-il aidant pour
l’enfant que vous étiez ? » Par ces questions, on introduit déjà avec
subtilité le modèle des états du moi et la présence possible d’états du
moi ressources de l’enfance.
Un autre moyen d’introduire le modèle des états du moi est de faire
référence aux situations douloureuses du passé en parlant non pas
du patient dans son état adulte mais de l’enfant qu’il était. Par
exemple, plutôt que « vous avez eu des phases difficiles de solitude
à l’adolescence » on préférera « l’adolescent que vous étiez est donc
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passé par des phases difficiles de solitude. » En outre, cette manière de


faire permet une certaine distanciation et protège ainsi le patient de
s’immerger trop dans les émotions douloureuses liées aux événements
du passé.
Lors de la clarification des objectifs de changement, l’utilisation d’états
du moi imaginaires peut être aidante : « Si vous vous connectez à
l’homme un peu plus âgé que vous serez à la fin de la thérapie,
comment l’imaginez-vous et comment imaginez-vous sa vie ? » Si les
objectifs thérapeutiques du patient semblent inadaptés ou difficilement
réalisables, on peut poser la question suivante : « Si vous vous connectez
à la femme âgée que vous serez vers la fin de votre vie (ou si vous vous
connectez à votre sagesse intérieure), que vous dit-elle de vos attentes

221
Aide-mémoire EMDR

actuelles à l’égard de la psychothérapie ? » Là encore, on a introduit le


modèle des états du moi. Si par la suite on doit l’utiliser pour optimiser
l’EMDR, cela fera alors facilement du sens pour le patient.
Dans cette phase de conceptualisation le thérapeute doit être attentif
à correctement évaluer les capacités du patient à réguler ses émotions.
Deux risques majeurs peuvent se présenter avec des patients souffrant
de trauma complexe.
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1. Certains patients présentent une restriction notable des affects. Cela
arrive par exemple lorsqu’il y a eu des négligences émotionnelles
répétées dans l’enfance. Dans de tels cas le retraitement des situations
18. EMDR et thérapie des états du moi

traumatiques par l’EMDR pourrait avoir peu d’effets profonds, ou alors


le risque de débordements émotionnels soudains pourrait déstabiliser
le patient qui n’y est pas habitué et présente un évitement des affects
depuis des années, voir depuis sa prime enfance.
2. D’autres patients sont vite débordés par des émotions qu’ils n’arrivent
pas à contenir, par exemple lorsque le thérapeute dresse avec le
patient son histoire de vie. Dans de tels cas, un retraitement précoce
des mémoires traumatiques avec l’EMDR pourrait retraumatiser le
patient : la mémoire traumatique serait activée lors de la phase 3
mais sans que le patient ait les capacités suffisantes pour l’intégrer
pendant la phase 4. Dans ce cas de figure en particulier, diverses
adaptations du protocole EMDR ont été proposées (par exemple :
Hofmann, 2009 ; Dellucci, 2010). La thérapie des états du moi peut
aussi être utile et pertinente dans de tels cas.

Dans ces deux types de situation, pour la conceptualisation du cas,


on devrait prendre en considération les limites de la psychothérapie
EMDR et considérer l’adjonction d’autres techniques issues de la TEM,
ou décider d’une approche intégrative qui inclurait thérapie des états
du moi et EMDR, ou encore considérer la TEM comme méthode de choix
jusqu’à ce que le patient évolue suffisamment favorablement pour qu’on
puisse considérer l’adjonction de l’EMDR. Nous savons à quel point il peut
être difficile d’évaluer correctement si et quand il est adéquat d’utiliser
l’EMDR (pour le retraitement de traumatismes du passé) dans les cas de
trauma complexe. La psychothérapie des traumatisations complexes est
un défi, aussi pour les thérapeutes chevronnés.

222
Aide-mémoire EMDR

Certains patients viennent en thérapie avec une telle motivation de


retraiter les traumatismes par l’EMDR qu’ils peuvent avoir de la peine
à accepter la nécessité de faire un travail de stabilisation basé sur
les états du moi lorsque cela s’avère pertinent. En dehors des cas de
contre-indication lors desquels le thérapeute devrait pouvoir assumer de
ne pas momentanément satisfaire le patient, il peut être utile de suivre le
patient dans son souhait de « faire de l’EMDR » tout en gardant à l’esprit
qu’un état du moi émergera peut-être pendant le processus (phase 4)
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ou qu’un blocage pourrait se présenter qui nécessitera l’adjonction de
techniques issues de la TEM.

18. EMDR et thérapie des états du moi


! La thérapie des états du moi pendant la phase 2 :
préparation et stabilisation

Stabilisation par l’apaisement des états du moi jeunes blessés

Pour le travail de stabilisation de traumas complexes selon la théorie


des états du moi, le travail de Luise Reddemann est un atout indéniable.
La technique centrale est d’apaiser les états du moi jeunes blessés, issus
notamment de situations traumatisantes ou de rejet, selon le procédé
suivant :
1. mise en évidence d’un état du moi jeune blessé en lien avec des
symptômes ;
2. sécurisation de cet état du moi, le plus souvent en le sortant de la
situation traumatique pour le mettre dans un lieu sûr imaginaire ;
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3. reconnaissance de la souffrance de l’enfant et que les événements


n’auraient pas dû se passer ainsi, par exemple que les parents
n’auraient pas dû faire ce qu’ils ont fait ;
4. réconfort par des personnages bienveillants imaginaires et/ou par
l’état du moi adulte ;
5. l’enfant blessé reste dans son lieu sûr imaginaire alors que l’adulte
reprend sa vie d’adulte ;
6. l’adulte devra avoir des contacts réguliers entre les séances avec
« l’enfant blessé » afin de s’assurer qu’il va toujours bien et, si
besoin, lui donner plus de réconfort et sécuriser davantage le lieu
sûr imaginaire.

223
Aide-mémoire EMDR

Vignette clinique
Patiente : Je n’arrive pas à m’endormir ces derniers temps.
Thérapeute : Comment expliquez-vous cela ?
Patiente : Eh bien je ne me sens pas bien quand je m’allonge à coté de mon
compagnon le soir, je ressens un stress.
Thérapeute : Est-ce que vous observez d’autres choses qui viennent avec ce
stress ?
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Patiente : Oui. Des images des abus par mon frère. Des images qui sont
revenues récemment.
Thérapeute : Est-ce qu’on peut dire que les situations difficiles que la petite
18. EMDR et thérapie des états du moi

fille a vécues à l’époque remontent le soir parce qu’un homme est à côté de
vous ? Alors que l’adulte se sent en sécurité avec cet homme, la petite fille ne
l’est pas ?
Patiente : Oui. C’est ça.
Thérapeute : Que pensez-vous de l’idée de s’occuper de cette petite fille ?
Patiente : Très bonne idée, mais j’ai peur tout de même.
Thérapeute : Nous n’allons pas aborder ce qui s’est passé. Je vous invite juste à
retirer cette petite fille de cette scène et à la mettre en sécurité. Si cela convient,
bien sûr.
Patiente : Oui. Je la mets dans la chambre avec la vue sur la mer et il y a la
fée avec elle. C’est une pièce à côté de celles des autres petites filles.
(Le thérapeute laisse décrire le lieu et s’assure que « la petite fille » est en
sécurité).
Thérapeute : Je vous invite à lui dire que sa souffrance est normale car elle a
vécu quelque chose de terrible et qui n’aurait pas dû se passer. Il a fait quelque
chose qu’on n’a pas le droit de faire.
Patiente : Elle se calme davantage. La fée la prend dans les bras et la console.
(La patiente se prend dans les bras elle-même et semble s’apaiser aussi par
ce geste).
Thérapeute : Et si vous le souhaitez et le pouvez, vous pourriez peut-être vous
aussi la prendre dans vos bras pour la consoler.
Patiente : Oui, je peux. Ça fait du bien.

Il s’agit d’une présentation clinique raccourcie mais cela donne une


idée du procédé. Il convient de laisser suffisamment de temps à chaque
étape pour que le patient puisse correctement être en contact avec les
sensations adaptées qui émergent, y compris la tristesse qui est alors

224
Aide-mémoire EMDR

pour l’adulte un début de processus de deuil et un signe que l’intégration


est en cours. L’important est que l’adulte ne se laisse pas submerger
par les émotions, sensations et pensées propres à l’état du moi jeune
blessé. On remarquera que les éléments centraux de cette procédure
sont présents dans les techniques EMDR proposées par Knipe (2008)
également pour le trauma complexe.
Lorsqu’on apaise et sécurise progressivement les états du moi jeunes
blessés, le patient développe de meilleures capacités de régulation
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des affects, en particulier de meilleures capacités d’auto-apaisement et
d’auto-consolation. Il est important de mettre l’état du moi adulte au

18. EMDR et thérapie des états du moi


centre de ce processus thérapeutique, c’est-à-dire que le travail avec les
états du moi jeunes blessés devrait passer autant que possible par l’adulte
pour le renforcer. Une question se pose régulièrement : faut-il réaliser
des SBA (lents) pendant l’apaisement des états du moi jeunes blessés ?
S’il n’y a pas de contre-indication à cela, il n’est pas prouvé que cela
apporte un avantage au niveau clinique. Cela peut par contre satisfaire
un patient qui n’abandonne pas son souhait de « faire de l’EMDR. » Cela
peut aussi répondre à des besoins du thérapeute qui n’aurait pas clarifié
certains aspects contre-transférentiels (Piedfort-Marin, 2018).
On notera qu’il ne s’agit pas de changer le scénario traumatique ni de
faire comprendre à l’enfant blessée qu’elle a grandi. Pour Reddemann un
point central est qu’on ne peut pas changer le passé et que guérir un
traumatisme implique d’accepter ce qui s’est passé et de faire le deuil par
exemple d’une enfance heureuse. Cela rejoint le concept d’intégration
développé dans la TDSP (Van der Hart et al., 2010 ; Piedfort-Marin, 2019
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sous presse).

Stabilisation rapide des états du moi jeunes blessés


pour traiter un trauma récent
Une variante plus rapide de l’apaisement des états du moi jeunes blessés
peut être utile dans les cas d’un trauma récent sur des antécédents de
trauma complexe, lorsque la situation nécessite un traitement rapide du
traumatisme récent mais doit prendre en considération les réactivations
possibles de traumatismes anciens lors du retraitement. Par exemple
lorsqu’une personne avec un trauma complexe des suites de violences
sexuelles de l’enfance, a vécu récemment un accident de voiture. Être
bloquée dans une voiture par une ceinture de sécurité peut rappeler un

225
Aide-mémoire EMDR

sentiment similaire vécu lors d’une situation de violence sexuelle, par


exemple l’impuissance.
La technique hypno-imaginative suivante peut alors être aidante. Il s’agit
de demander à la patiente de s’imaginer le panorama de sa vie, puis
d’imaginer un personnage bienveillant qui sort des situations difficiles
toutes les petites filles ou les adolescentes ou les jeunes adultes qui en
ont besoin. Elles sont ensuite mises dans un lieu sûr imaginaire avec
des personnages bienveillants qui les consolent. Dans ce cas, il n’est ni
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nécessaire ni souhaitable de faire préciser les situations traumatiques en
question. On peut ainsi stabiliser suffisamment la patiente pour ensuite
18. EMDR et thérapie des états du moi

retraiter en EMDR la situation traumatique récente, sans (trop) réactiver


les traumatismes anciens. Cette technique peut être plus puissante
que la technique du contenant (ou coffre-fort) car elle implique une
sécurisation mais en plus un apaisement et une consolation internes,
ce que ne propose pas l’exercice du contenant.

! Thérapie des états du moi lors du retraitement EMDR


(phases 3 à 8)
On peut utiliser le protocole standard EMDR avec un état du moi jeune
blessé. Cela a été aussi proposé par d’autres (par exemple : Phillips,
2008). Nous proposons ici cette technique dans le cadre du traitement
de trauma complexe et non d’un trouble dissociatif, ce qui dépasserait
le cadre de cet article.
L’utilisation du protocole EMDR avec l’enfant intérieur peut se faire dans
les cas suivants :
1. Lorsque le patient dans son état du moi adulte rapporte peu de
perturbation dans la phase 3 du protocole standard, en particulier
lorsque l’échelle des unités subjectives de perturbation (SUD) est
basse alors que le patient et/ou le thérapeute s’attendai(en)t à un
SUD plus élevé, ou que l’échelle de validité de la cognition (VOC) et
l’échelle SUD sont basses, ce qui peut sembler a priori contradictoire.
Cela peut signifier que l’état du moi adulte n’est pas en contact avec
toute la perturbation qui est certainement contenue dans un état du
moi jeune blessé. La question est alors de savoir comment accéder à
la mémoire traumatique à laquelle l’adulte n’a pas assez accès pour
espérer un retraitement satisfaisant. Nous observons ces phénomènes

226
Aide-mémoire EMDR

chez des patients montrant une importante et constante restriction


des affects.
2. Dans d’autres cas la SUD peut avoir un niveau laissant penser que
la mémoire traumatique est correctement activée par le protocole
standard, mais après un certain nombre de séances les progrès ne
sont pas satisfaisants, ce qui peut laisser penser que le retraitement
n’atteint pas certains éléments centraux de la mémoire traumatique.
Cela peut arriver chez certains patients qui semblent bien réguler
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leurs affects mais qui n’ont pas encore pu accéder à certains éléments
du souvenir traumatique, comme la honte ou encore des sensations

18. EMDR et thérapie des états du moi


sensorimotrices spécifiques.
3. Dans certains cas d’un processus standard bloqué sans que les tissages
thérapeutiques usuels n’amènent de changements favorables, ni qu’on
ait d’autres explications à ce blocage.
4. Enfin dans certains cas, le clinicien peut estimer que la mémoire
traumatique doit être activée en prenant bien soin de prendre en
considération le niveau de développement du sujet au moment du
traumatisme.

Si on commence par le protocole standard (avec le moi adulte), et qu’on


est ensuite passé au protocole avec le moi jeune blessé, alors il est
important de reprendre le protocole avec le moi adulte par après. Si
on commence d’emblée par le protocole avec le moi jeune blessé, alors
nous conseillons de faire le protocole sur la même situation avec le moi
adulte par après, ou en tout cas de contrôler s’il y a encore du matériel
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à retraiter avec la perspective de l’adulte. Dans certains cas le protocole


avec l’enfant intérieur peut aussi être conçu comme une métaphore pour
accéder de manière plus complète aux réseaux mnésiques stockés de
manière dysfonctionnelle.
Dans le protocole de l’enfant intérieur, le thérapeute invite le patient
dans son état du moi adulte à poser les questions du protocole standard
à son enfant intérieur. Il peut arriver que le protocole doive être adapté
concernant la recherche des cognitions et on peut alors s’inspirer du
protocole pour enfants.

227
Aide-mémoire EMDR

Procédure
THÉRAPEUTE : Expliquez au petit (Pierre, par exemple) qu’on veut travailler
avec lui pour qu’il ne soit plus perturbé par cette situation. Est-ce qu’il est
d’accord ?
PATIENT : (parle intérieurement ou à voix basse à son état du moi jeune
blessé). Oui, c’est bon.
THÉRAPEUTE : Je vous invite à lui demander qu’elle est l’image qui correspond
au moment le plus perturbant de la situation.
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PATIENT : Il me dit que c’est (...).
THÉRAPEUTE : Demandez-lui maintenant : quand il est en contact avec cette
18. EMDR et thérapie des états du moi

image, quels sont les mots qui lui viennent à l’esprit qui disent quelque chose
de désagréable ou de négatif sur lui et qui résonnent encore comme vrai
maintenant.
PATIENT : Il me dit que c’est (...)
THÉRAPEUTE : Demandez-lui maintenant ce qu’il préférerait penser de lui
maintenant à la place de ... (répéter la cognition négative - CN).
PATIENT : Il me dit (...)
THÉRAPEUTE : Demandez-lui : quand il est en contact avec l’image, comment
résonnent les mots (répéter la cognition positive - CP) entre 1- complètement
faux et 7 - complètement vrai ?
PATIENT : Il me dit (...)
THÉRAPEUTE : Quand il est en contact avec l’image et avec les mots (répéter
CN), quelle est la perturbation émotionnelle qu’il ressent maintenant entre 0 -
pas de perturbation/neutre et 10 - perturbation maximum ? Que dit-il ?
PATIENT : Il me dit (...)
THÉRAPEUTE : Quand il est en contact avec l’image et les mots (répéter CN),
où cette perturbation émotionnelle résonne-t-elle dans son corps maintenant ?
Que dit-il ?
PATIENT : Il me dit (...)
THÉRAPEUTE : Maintenant je vous invite à rester en contact avec le petit Pierre
et il reste en contact avec l’image, les mots (répéter la CN) et la sensation
dans le corps. ... (Puis réaliser des SBA).

Il y a plusieurs manières de pratiquer les SBA. En voici quelques


propositions :
• les deux états du moi (adulte et enfant) suivent en même temps les
doigts du psychothérapeute ;

228
Aide-mémoire EMDR

• le moi adulte se fait des SBA par tapotements sur les genoux tout en
pensant qu’il les fait au moi enfant ;
• l’adulte fait des tapotements à une poupée ou une peluche qui
représente l’enfant intérieur ;
• l’adulte s’imagine qu’un personnage imaginaire fait des SBA au moi
enfant, par exemple une fée avec sa baguette magique.

Ce protocole ne sert pas uniquement à retraiter la mémoire traumatique,


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il aide au rapprochement entre l’adulte et son enfant intérieur. Cela rend
progressivement plus perméables les « membranes » entre les états du

18. EMDR et thérapie des états du moi


moi, facilite leur réconciliation mutuelle (un aspect important de la
TEM) et améliore ainsi la personnification, indispensable à l’intégration
de mémoires traumatiques à travers le TAI.

Émergence d’un état du moi jeune enfant


pendant le protocole standard

Il peut arriver qu’un enfant intérieur émerge pendant le processus de


retraitement EMDR. Entre les SBA le patient rapporte des éléments à
propos de l’enfant intérieur ou à propos des liens entre l’adulte et l’enfant
intérieur. Il arrive qu’une véritable rencontre – souvent émouvante –
ait lieu, l’adulte découvrant des éléments du traumatisme auxquels il
n’avait pas eu accès auparavant. Les membranes entre les deux états du
moi deviennent plus perméables. En voici une illustration clinique.

Vignette clinique
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Il s’agit d’une patiente souffrant de troubles alimentaires de type hyperphagique


et d’obésité pour lequel un travail EMDR a déjà été effectué sur un bon nombre
de situations du passé et de l’enfance précoce. En ciblant une situation actuelle
de besoin irrésistible de manger (ciblage des déclencheurs du présent), la
patiente rapporte des émotions de tristesse, de solitude et de colère contre sa
mère, puis voici le processus qui émerge spontanément :
PATIENTE : Une douleur dans le ventre. (SBA).
PATIENTE : Un vide dans l’estomac. (SBA).
PATIENTE : Une sensation dans l’estomac. (SBA).
PATIENTE : J’ai peur de laisser sortir ce qui monte. (SBA).
PATIENTE : Je suis en contact avec la petite fille. (SBA).

229
Aide-mémoire EMDR

PATIENTE : Mâchoires serrées, mal au dos. Je ne sais pas ce qu’on est en train
de revivre ! (SBA).
PATIENTE : Je ressens que la petite fille est déconnectée, je ne sais pas dans
quelle situation. (SBA).
(Je fais l’hypothèse – sans en parler à la patiente – que cela fait référence à une
situation très précoce où la mère n’était pas assez engagée émotionnellement
dans le contact avec la patiente alors jeune enfant).
PATIENTE : J’essaie de l’amener à me dire ce qui la fait – elle – se déconnecter ;
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le moment où elle a déconnecté. (SBA).
PATIENTE : Peur chez les deux. Ça a dû être terrible ce qu’elle a vécu pour
18. EMDR et thérapie des états du moi

qu’elle se déconnecte comme ça, donc on va lever les barrières gentiment.


(SBA).
PATIENTE : Je lui ai dit que je suis là pour elle.
THÉRAPEUTE : Je vous invite à lui dire de suivre aussi les mouvements de mes
doigts. (SBA).
PATIENTE : Douleur poitrine. Je lui dis en arrière fond « on arrête quand tu
veux ». (SBA).
PATIENTE : Rien ne se passe du côté droit du corps. (SBA).
PATIENTE : Un peu de sensation sur le côté droit du visage. (SBA).
PATIENTE : Elle n’arrive plus à suivre les mouvements des doigts, moi si. (SBA).
THÉRAPEUTE : Vous pouvez lui demander pourquoi elle n’arrive plus à les
suivre ?
PATIENTE : Elle dit que ça va trop vite. Chaque fois qu’on m’a dit qu’on m’aimait,
j’ai souffert par après. J’ai le sentiment qu’elle a peur que je la laisse tomber.
(SBA).
THÉRAPEUTE : C’est peut-être ça. Mais vous pourriez aussi lui demander
directement si c’est ça ?
PATIENTE : Je n’ai pas de réponse mais une douleur sous le pli du bras gauche.
(La séance arrivant à sa fin, le thérapeute propose la mise en lieu sûr et
l’apaisement de la petite fille avec des personnages bienveillants protecteurs
et réconfortants, sans SBA.)
PATIENTE : La douleur se diffuse dans tout le bras. Elle n’y croit pas à ces
personnages bienveillants.
THÉRAPEUTE : Bien sûr qu’elle n’y croit pas. À chaque fois qu’on lui a dit qu’on
l’aimait, elle a souffert après, comme vous l’avez dit avant. Mais maintenant
elle peut créer elle-même des personnages bienveillants, alors ils pourront être
comme elle le souhaite.

230
Aide-mémoire EMDR

Puis la patiente rapporte que l’enfant intérieur crée des personnages bien-
veillants qui sont un soleil comme dans une bande dessinée et Barbapapa, et
que cela l’apaise bien.

Ainsi, dans cet extrait de séance, on voit que l’adulte a pu commencer


à accéder à une situation perturbante encore pas clairement identifiée
mais significative. Après cette séance, la patiente exprima sa difficulté
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à entrer en contact avec cette enfant intérieure. L’invitation à ce qu’elle
fasse elle-même des SBA à l’enfant intérieure par des tapotements sur ses
genoux aida beaucoup à un rapprochement. Ce travail fut très fructueux

18. EMDR et thérapie des états du moi


pour établir des liens avec cet état du moi jeune blessé pris dans une
déconnexion émotionnelle importante, et avancer dans la thérapie.

Intrusion d’états du moi malveillants

Ce que l’on nomme en EMDR pensées bloquantes peut correspondre à des


introjects ou états du moi malveillants selon la TEM. Par exemple une
pensée bloquante du type « je suis incapable » peut émerger a priori
sans lien avec la problématique traitée. Cette cognition peut s’adresser
au processus EMDR lui-même ou se référer à la situation retraitée ou
aux deux. Elle peut se rapporter à des messages parentaux négatifs dans
l’enfance (introject malveillant).

Vignette clinique
Monsieur A., 45 ans, souhaite traiter en EMDR un TSPT des suites d’un accident
de voiture dont il a été victime sans avoir fait de faute de conduite. Avant
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cela il n’a jamais dû consulter. Sa vie est stable et heureuse. La Cognition


Négative de base est « je suis en danger » et la Cognition Positive « je suis en
sécurité maintenant. » Rapidement émerge pendant la phase 4 (retraitement) la
pensée bloquante « je suis incapable. » Cette cognition s’adresse au processus
lui-même : « je suis incapable donc l’EMDR ne va pas fonctionner avec moi. »
Des tissages cognitifs sont proposés sans succès. Dans ce cas, on conviendra
qu’une problématique annexe au TSPT bloque son traitement. Le modèle
TAI nous encouragerait dans ce cas à faire un plan de ciblage à partir de
la cognition « je suis incapable », de retraiter les situations ayant amené à
l’installation de cette problématique d’estime de soi, puis de retraiter l’accident
de voiture. Néanmoins cela pourrait dépasser la demande du patient qui vient
pour un traitement bref et ciblé du TSPT. L’émergence d’une problématique
habituellement pas particulièrement perturbante peut être expliquée par l’état

231
Aide-mémoire EMDR

de fragilité du patient suite à l’accident, à des séquelles médicales même sans


gravité qui s’en sont suivies, et au TSPT en tant que tel (la fatigue est une
composante fréquente du TSPT qui se rajoute à une baisse du niveau de
fonctionnement).

Un travail d’apaisement de l’introject basé sur la théorie des états


du moi et utilisant l’imaginaire (Reddemann, 2011 ; Piedfort-Marin
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et Reddemann, 2016) peut permettre de libérer rapidement l’espace
psychique nécessaire pour continuer le retraitement EMDR en ciblant
18. EMDR et thérapie des états du moi

seulement le traumatisme isolé. Cette solution peut être plus économique


que de faire un plan de ciblage sur la pensée bloquante pour ensuite
la retraiter en EMDR et accéder ensuite librement au retraitement de
l’événement traumatique isolé (l’accident de voiture).
Protocole simplifié du travail avec les introjects ou états du moi
malveillants :
1. Entrer en contact avec l’introject (par exemple en lui donnant une
forme symbolique) et l’accueillir avec bienveillance.
2. Rechercher avec le patient des explications sur l’origine et l’apparition
de cet introject. Souvent le patient peut rapidement dire que c’est sa
mère ou son père ou une autre personne significative qui lui disait
la phrase négative en question.
3. Reconnaître la valeur de cet introject en expliquant au patient qu’il
est apparu pour maintenir et protéger la relation avec la personne
significative.
4. Réorientation dans le présent. Les introjects ne savent pas que le
temps a continué sa progression et qu’il y a un moi adulte. Le patient
est donc invité à dire à l’introject son âge et par exemple qu’il est
marié, père, qu’il a le permis de conduire, quel est son travail, etc. À
ce stade l’introject tend à perdre de sa force.
5. L’adulte est invité à négocier avec l’introject pour que ce dernier
agisse différemment. L’idée est que l’introject a été utile, voire
nécessaire, au moment de son apparition, mais que maintenant
l’adulte peut faire les choses autrement et a des compétences qu’il
n’avait pas, enfant. Il s’ensuit alors une négociation pour aboutir

232
Aide-mémoire EMDR

à un changement en douceur, avec l’accord des deux états du moi,


l’adulte et l’introject.

Dans la plupart des cas, on obtient déjà un changement intéressant avec


une séance d’un tel protocole, ce qui permet de reprendre rapidement le
cours du traitement du problème circonscrit pour lequel le patient est
venu.
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Vignette clinique (suite)
THÉRAPEUTE : Cette idée que vous êtes incapable et que l’EMDR ne va pas

18. EMDR et thérapie des états du moi


fonctionner avec vous, savez-vous d’où elle vient ?
PATIENT : Non, je ne sais pas et cela m’énerve parce que j’ai lu que ça aidait
beaucoup de gens, donc je ne vois pas pourquoi cela ne m’aiderait pas.
THÉRAPEUTE : Si je comprends bien, vous-même vous vous considérez
capable, mais il y a comme une force en vous qui dit « tu es incapable »
et cela vous perturbe.
PATIENT : Oui, c’est ça.
THÉRAPEUTE : Pouvez-vous vous tourner vers votre monde intérieur et entrer
en contact avec cette force en vous et lui demander pourquoi elle vous dit ça ?
PATIENT (se concentre, puis) : C’est étrange mais il me vient l’idée que c’est
pour me protéger. J’ai l’image de moi lorsque j’étais jeune adolescent. J’étudiais
au conservatoire de musique et j’avais souvent cette idée que j’étais incapable
alors qu’on disait que j’étais doué.
THÉRAPEUTE : Pourriez-vous demander à cette force de quoi elle veut ou
voulait vous protéger ?
PATIENT : Elle veut me protéger de la déception que je pourrais avoir si quelque
chose ne fonctionnait pas. Si je pense que je ne suis pas capable alors je ne
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serai pas déçu si j’échoue. Il me vient que mon père était toujours déprimé si
quelque chose ne se passait pas bien. J’imagine que j’ai intégré cela de mon
père.
THÉRAPEUTE : Oui, les enfants n’ont souvent pas d’autres possibilités que
d’intégrer ce que pensent leurs parents. C’est pour maintenir ou renforcer le
lien avec eux. Pourriez-vous remercier cette force de vouloir vous aider, et voir
ce qui se passe alors ?
PATIENT : (se concentre, puis) Je sens que cela se calme à l’intérieur.
THÉRAPEUTE : Pouvez-vous lui demander quel âge vous avez ?
PATIENT : Elle dit 12 ans !
THÉRAPEUTE : Je vous invite à lui dire que vous avez 45 ans, que vous êtes
marié, père de deux enfants, homme d’affaire.

233
Aide-mémoire EMDR

PATIENT : Je sens que cette force est étonnée. Je la ressens moins forte.
THÉRAPEUTE : Maintenant je vous invite à négocier avec elle pour qu’elle vous
aide autrement que dans le passé. Vous m’avez dit que vous aviez fait face à
des déceptions au niveau professionnel et que vous aviez bien relevé les défis.
Peut-être pourriez-vous lui dire que maintenant vous êtes un homme capable
de faire face aux déceptions.
PATIENT : Oui c’est vrai. (Le patient se concentre). Elle me dit qu’elle va rester
proche mais qu’elle va me laisser prendre des risques.
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Ensuite il a été possible de reprendre le traitement EMDR en ciblant la
18. EMDR et thérapie des états du moi

situation de l’accident de voiture avec une bonne résolution du TSPT.

Utilisation des états du moi imaginaires


pendant le retraitement EMDR
L’utilisation de certains états du moi peut aider à libérer le retraitement
EMDR pendant la phase 4 en cas de blocage ou de looping. Lors d’un
blocage sur le thème de la responsabilité ou de la colère, on peut
faire appel à un état du moi pour faire un tissage cognitif adapté, en
particulier la sagesse intérieure ou la personne âgée et sage que l’on
sera à la fin de sa vie.

Exemple 1 : Blocage sur le thème de la responsabilité


Thérapeute : Si vous demandez à votre sagesse intérieure ce qu’elle
pense, que vous dit-elle ?
Patient : Elle me dit que j’ai le droit de me pardonner.
Thérapeute : continuez avec ça. (Puis SBA.)

Exemple 2 : Blocage sur le thème de la colère et de la vengeance


Thérapeute : Peut-être arrivez-vous à vous imaginer la personne âgée
que vous serez plus tard. Si vous lui demandez ce qu’elle pense de la
situation, de votre colère et de votre désir de vengeance, que dit-elle ?
Patient : Elle me dit que je devrais pardonner, car c’est comme ça que
je pourrai aller mieux. Je serai plus heureux dans ma vie si je n’ai pas
cette colère en moi.
Thérapeute : Continuez avec ça. (Puis SBA.)

234
Aide-mémoire EMDR

Nous avons vu différentes utilisations possibles de la thérapie des états du moi


en combinaison avec l’EMDR. Les deux théories sont proches et complémentaires.
La théorie des états du moi peut renforcer l’EMDR dans les cas où le traitement
adaptatif de l’information ne se fait pas de manière optimale. La théorie des états du
moi est intégrative donc ouverte à son adjonction ou sa combinaison à l’EMDR. Elle
a ceci de puissant qu’elle utilise la force de l’imagination comme source inépuisable
de ressource et de résilience. Comme le dit Watkins (2008), « les techniques basées
sur la théorie des états du moi peuvent permettre les conditions qui rendront de
nombreux patients plus accessibles et le traitement plus sûr pour les thérapeutes
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EMDR. » Il convient d’utiliser et de développer des pratiques cliniques intégratives
suffisamment structurées, reposant sur une compréhension claire et une pratique

18. EMDR et thérapie des états du moi


appropriée de la thérapie des états du moi associée au modèle TAI.

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236
Aide-mémoire EMDR

19. L’utilisation de l’EMDR avec les troubles dissociatifs


19
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L’UTILISATION DE L’EMDR
AVEC LES TROUBLES DISSOCIATIFS

Eva Zimmermann et Olivier Piedfort-Marin

Si l’efficacité de l’EMDR avec le Trouble de Stress Post-Traumatique (TSPT) et


d’autres séquelles traumatiques a fait ses preuves, il n’en est pas de même pour
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

les troubles dissociatifs qui présentent des présentations cliniques et des degrés
de sévérité très divers. Dans certains cas l’EMDR pourra être utile et bénéfique
alors que dans d’autres cas cela pourrait amener à une déstabilisation marquée du
patient. Enfin dans certains cas complexes l’EMDR pourra être utilisé de manière
occasionnelle avec intérêt. La théorie de la dissociation structurelle de la personnalité
est particulièrement utile pour conceptualiser les troubles dissociatifs de toutes sortes,
et aussi pour évaluer la sévérité des cas et donc la possibilité d’utiliser l’EMDR.
Appliquer la thérapie EMDR avec les personnes souffrant de troubles dissociatifs
nécessite une formation continue dans le domaine du diagnostic et du traitement
des troubles dissociatifs en dehors de la formation de base en thérapie EMDR.

237
Aide-mémoire EMDR

Les troubles dissociatifs

! La catégorisation diagnostique selon le DSM-V


et la CIM-10 et CIM-11
19. L’utilisation de l’EMDR avec les troubles dissociatifs

Les troubles dissociatifs forment un ensemble de troubles assez


hétérogène quant à leur sévérité et leurs présentations cliniques. Dans
le chapitre des troubles dissociatifs le DSM-V (APA, 2015) rassemble
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le trouble dissociatif de l’identité (TDI ; anciennement trouble de
personnalité multiple), l’amnésie dissociative avec ou sans fugue,
le trouble de dépersonnalisation/déréalisation et les autres troubles
dissociatifs spécifiés (ATDS). Dans le DSM-V (APA, 2015, p. 345) le TDI
est caractérisé par une « perturbation de l’identité caractérisée par deux
ou plusieurs identités ou états de personnalité distincts, ce qui peut être
décrit dans certaines cultures comme une expérience de possession. La
perturbation de l’identité implique une discontinuité marquée du sens de
soi, de l’agentivité, accompagnée d’altérations, en rapport avec celle-ci,
de l’affect, du comportement, de la conscience, de la mémoire, de la
perception, de la cognition et/ou du fonctionnement sensorimoteur ».
Par ailleurs le patient montre de fréquents trous de mémoires par rapport
à ses activités du quotidien ou des événements importants du passé.
L’ATDS de type 1 est sans doute un des plus fréquents et est décrit par ces
quelques lignes : « Syndromes chroniques et récurrents de symptômes
dissociatifs mixtes : Cette catégorie inclut des perturbations de l’identité
associées à des failles non graves dans le sens du soi et de l’agentivité,
ou à des altérations de l’identité ou à des épisodes de possession chez
une personne qui ne rapporte pas une amnésie dissociative » (APA,
2015). Les distinctions entre d’une part le TDI et les ATDS, et d’autre
part entre l’ATDS-1 et le Trouble de Stress Post-Traumatique complexe
(TSPT-C), sont sujettes à un besoin de recherche important afin de mieux
différencier ces troubles.
Dans le DSM-V le trouble de conversion avec ses diverses variantes
est décrit dans un chapitre différent de celui des troubles dissociatifs,
alors que la CIM-10 (OMS, 1994) les inclut dans une même entité
diagnostique. Nous verrons plus loin que les symptômes somatoformes
sont une composante indéniable des troubles dissociatifs au sens large.

238
Aide-mémoire EMDR

La CIM-11 dont l’entrée en vigueur est prévue le 1er janvier 2022


devrait permettre deux clarifications. Tout d’abord une distinction
plus nette entre troubles dissociatifs des sens et de la motricité
(trouble de conversion et autres troubles somatoformes) et troubles
dissociatifs émotionnels et cognitifs (trouble de dépersonnalisation et

19. L’utilisation de l’EMDR avec les troubles dissociatifs


de déréalisation, amnésie dissociative). Par ailleurs une distinction est
prévue entre trouble dissociatif de l’identité et trouble dissociatif de
l’identité partiel. Ces deux troubles se différencient par le fait que dans
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le TDI, deux ou plus parties dissociatives exécutent des actions de la vie
quotidienne alors que dans le TDI partiel une seule partie dissociative
réalise les actions de la vie quotidienne alors qu’une ou plusieurs autres
parties dissociatives exécutent des actions en lien avec un stress ou des
actions défensives. Cette distinction est issue des travaux de Van der
Hart, Nijenhuis et Steele (2010) et dans leur proposition de différencier
dissociation structurelle secondaire et tertiaire. Le DSM-V n’a pas intégré
cette distinction. Les alternances dans le rôle exécutif (switch) entre
différentes parties dissociatives ainsi que les amnésies forment les
symptômes centraux du TDI dans le DSM-V.

! Détection et diagnostic
Les troubles dissociatifs font encore trop peu l’objet de recherches, en
particulier pour l’aspect épidémiologique. Les études internationales
laissent penser que les troubles dissociatifs (TD) tous types confondus
sont relativement fréquents. Ainsi la prévalence médiane des TD dans les
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

populations de patients hospitaliers serait de 10,2 % et de 8,6 % pour les


populations de patients ambulatoires (Dell, 2009). Ils restent néanmoins
sous-diagnostiqués avec, comme conséquence, des diagnostics erronés
et des traitements inadéquats. À notre connaissance aucune étude
épidémiologique n’a été réalisée dans l’espace francophone.
Les troubles dissociatifs ont ceci de particulier que les patients en
parlent rarement d’eux-mêmes. Dans la phase d’anamnèse du traitement
EMDR, il convient donc d’être attentif à certains indices qui peuvent
signifier la présence d’un trouble dissociatif, en particulier :
– des expériences traumatiques dans l’enfance : abandon, négligence,
adoption (tardive), vie en foyer, hospitalisation, parents malades

239
Aide-mémoire EMDR

psychiques ou dépendants à des substances, violences physiques


et/ou sexuelles répétées, interventions médicales invasives ;
– trois ou plus diagnostics préalables, ainsi que des diagnostics
changeant le long du parcours médical ;
– traitements précédents ayant échoués ;
19. L’utilisation de l’EMDR avec les troubles dissociatifs

– présence à la fois de troubles psychiques et de troubles psycho-


somatiques ou somatiques ;
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– forte fluctuation de la symptomatologie et du niveau de fonctionne-
ment ;
– comportement auto-agressifs.

En présence d’un ou plusieurs de ces indices l’usage d’outils de détection


devraient être standard dans la phase d’anamnèse du traitement EMDR.
Les principaux outils de détection sont les suivants :
• L’échelle des expériences dissociatives (EED : Darves-Bornoz, Degio-
vani & Gaillard, 1999 ; version originale : Dissociative Experience Scale
– DES : Bernstein & Putnam, 1986). Cet outil est largement utilisé en
recherche mais ne convient plus à la définition stricte actuelle de la
dissociation.
• Le SDQ-20 (Nijenhuis et al., 1996) est un questionnaire court de 20
items qui étudie la dissociation somatoforme. Il a l’avantage de ne pas
investiguer directement les symptômes dissociatifs les plus pénibles
pour le patient et c’est donc protecteur. C’est un très bon outil de
détection des troubles dissociatifs.
• Le DIS-Q (Vanderlinden et al., 1993) est un questionnaire de 63 items
qui est aussi fort utile dans l’analyse clinique des problématiques
dissociatives.

À ce jour aucun outil diagnostic n’a été validé en français même s’il
existe des traductions d’outils validés de langue anglaise ou allemande.
Des outils diagnostics validés et reconnus au niveau interna-tional
faciliteront la reconnaissance de ces troubles trop souvent minimisés.
Des études sont en cours pour les outils diagnostics suivants en langue
française :

240
Aide-mémoire EMDR

• SCID-D : Structured Clinical Interview for DSM-IV Dissociative Disorders


Revised (Steinberg, 1994). La version française adaptée au DSM-V et
à la CIM-11 fait l’objet d’une étude de validité.
• Le TADS-I est un outil développé par Suzette Boon et fait également
l’objet d’une étude.

19. L’utilisation de l’EMDR avec les troubles dissociatifs


La théorie de la dissociation structurelle
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de la personnalité

! La dissociation comme structure


La théorie de la dissociation structurelle de la personnalité (TDSP ; Van
der Hart et al., 2010) a été développée sur la base des travaux de Janet.
Cette théorie propose qu’un traumatisme, en l’absence de capacités
intégratives suffisantes, amène à une séparation ou fragmentation
(dissociation) de la personnalité en plusieurs parties dissociatives.
Une ou plusieurs parties continuent de s’engager dans les fonctions
de la vie quotidienne (survie de l’espèce) alors que d’autres restent
fixées dans les souvenirs traumatiques et s’engagent alors dans des
actions ressemblant aux mécanismes de défense face à des dangers
réels ou perçus (survie de l’individu). Il est postulé que les différentes
parties dissociatives de la personnalité exercent des systèmes d’action
dérivés de l’évolution qui sont soit axés sur le fonctionnement au
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

quotidien comme l’attachement, l’exploration, le jeu, etc., soit axés


sur la défense comme la fuite, la lutte etc. Ces actions se manifestent
dans des actions mentales et comportementales correspondantes. Les
parties dissociatives engagées dans le quotidien (états « adultes ») ont
tendance à éviter les souvenirs traumatiques pour mieux fonctionner
au quotidien. Dans les cas de traumatismes répétés ou de négligences
dans l’enfance, ce phénomène d’évitement se met en place déjà dans
l’enfance. Les expériences traumatiques sont alors contenues par une ou
plusieurs parties dissociatives de la personnalité qui restent fixées sur
ces expériences et peuvent devenir de plus en plus autonomes. Parce
que leurs fonctions sont définies par des émotions de base en lien avec
l’expérience traumatique (peur, colère, impuissance, tristesse, pleurs
d’attachement), reprenant les définitions de Myers (1940), elles sont

241
Aide-mémoire EMDR

nommées par Van der Hart et al. (2010) « parties émotionnelles de la


personnalité » (PE). Parallèlement, la partie de la personnalité qui gère
le quotidien évite activement les souvenirs traumatiques et les PE. Elle
peut sembler relativement normale, raison pour laquelle les auteurs la
nomment « partie apparemment normale de la personnalité » (PAN).
19. L’utilisation de l’EMDR avec les troubles dissociatifs

Un thérapeute avisé pourra certes soupçonner un trouble dissociatif


lorsqu’un patient a un discours avec peu ou pas d’affect lorsque les
traumatismes sont évoqués.
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Van der Hart et al. (2010) proposent trois types de structure dissociative :
1. Dissociation structurelle primaire : une PAN et une PE. Cela
correspond à des diagnostics (DSM ou CIM) de TSPT, troubles
de conversion, et à d’autres troubles lorsqu’ils ont une origine
traumatique (par exemple trouble panique, trouble obsessionnel
compulsif, trouble alimentaire, etc.)
2. Dissociation structurelle secondaire : une PAN et plusieurs PE. Cela
correspond aux diagnostics de TDI et ATDS-1 selon le DSM-V, TSPT-C,
TDI partiel selon la CIM-11, et à d’autres troubles plus complexes
d’origine traumatique, y compris des troubles de conversion plus
complexes.
3. Dissociation structurelle tertiaire : plusieurs PAN et plusieurs PE.
Cela correspond au diagnostic de TDI selon le DSM-V et selon la
CIM-11. Cette structure est néanmoins rare.

La TDSP permet en outre de comprendre les symptômes dissociatifs selon


quatre catégories : les symptômes somatoformes versus psychoformes, et
négatifs versus positifs, présentés dans le tableau 2.1. Les symptômes
négatifs correspondent à l’absence anormale d’une fonction, alors que
les symptômes positifs correspondent à la présence de quelque chose
qui ne devrait pas être présent. Certains symptômes sont produits
par des PE et sont des intrusions chez la PAN de sensations et de
mouvements, d’images, de sons (des voix commentant) ou de pensées.
D’autres symptômes sont typiquement l’expression de la PAN qui cherche
à éviter les PE et leurs contenus traumatiques, en particulier les
symptômes d’évitement mental ou comportemental (abus de substances
par exemple).

242
Aide-mémoire EMDR

Dans le TDI (aussi TDI partiel) des PE se sont émancipées au point


où elles peuvent prendre le rôle exécutif (lors d’un switch) en prenant
contrôle sur le corps et la parole pendant un certain temps, parfois
quelques minutes, parfois plusieurs heures. De telles PE peuvent alors
parler au thérapeute ou à d’autres personnes et exécuter des tâches

19. L’utilisation de l’EMDR avec les troubles dissociatifs


parfois complexes. Dans les cas d’autres troubles dissociatifs, les PE
peuvent perturber par les intrusions. Cela peut, selon les cas, être de
durée variable ou continue.
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Tableau 19.1. Catégorisation des symptômes dissociatifs.

Symptômes Psychoformes Somatoformes


Négatifs Amnésie Symptômes de conversion :
Dépersonnalisation perte de l’ouïe, vison, parole,
odorat, goût, force dans les
Déréalisation
bras, jambes, paralysie.
Restriction des affects
Perte de sensation : la douleur,
« Perte » de talent ou capacités
la faim, la soif, la chaleur, etc.
Déconnexion avec le corps
Positifs Flash-backs Douleurs
Symptômes Schneidériens de premier rang : Tics
voix commentant, se disputant, pleurant Mouvements involontaires
(interne), donnant des ordres. (tremblements jusqu’à fugue)
Expériences d’influence de pensées, Crises pseudo-épileptiques
d’impulsions, d’actions, pensées volées ou
Perceptions sensorielles sans
insertion, hallucinations (liées aux traumas),
lien avec le ici et maintenant
délires (liés aux traumas), expériences
(hallucinations)
d’influence corporelle
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Intrusion de PE chez la PAN

! Le concept d’intégration des souvenirs d’événements


traumatisants

La TDSP permet de préciser un concept important en EMDR, celui de


l’intégration. Selon Van der Hart et al. (2010) l’intégration comprend
la synthèse et la réalisation (qui inclut la personnification et la
présentification). La synthèse est atteinte lorsque le sujet (en tant que
PAN) peut relier et différencier les différents éléments (connaissance,
images, pensées, affects, sensations corporelles) d’une expérience
donnée avec un sens du soi. La personnification est la capacité de

243
Aide-mémoire EMDR

ressentir que l’on est celui qui a vécu une expérience donnée, alors
que la présentification se réfère à la capacité d’un individu de ressentir
qu’une expérience (traumatisante) a eu lieu dans le passé, est terminée,
et qu’il peut vivre le présent pleinement tout en anticipant l’avenir de
manière adaptée (pour une présentation détaillée de l’intérêt du concept
19. L’utilisation de l’EMDR avec les troubles dissociatifs

d’intégration selon la TSDP en EMDR : Piedfort-Marin, 2019). Dans un


traitement optimal, synthèse et réalisation avec personnification et
présentification se font par le sujet en tant que PAN. Avec l’intégration
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des souvenirs des événements traumatisants (contenus par les PE) la
PAN et les PE fusionnent pour former un individu intégré. Dans les cas
de TD de degré élevé de sévérité, intégration et fusion se font souvent
de manière partielle ce qui peut néanmoins avoir un effet satisfaisant
sur la symptomatologie et l’amélioration de la qualité de vie.

Théorie de la dissociation structurelle


de la personnalité et EMDR

! Harmoniser la TDSP et l’EMDR


Comme la thérapie EMDR s’est montrée efficace avec les patients
souffrant de TSPT et d’autres pathologies, certains thérapeutes ont
montré un intérêt à utiliser l’EMDR avec les patients ayant un TD puisque
leurs troubles sont d’origine traumatique. Néanmoins les TD sont des
troubles bien différents que le TSPT de par la quantité et la gravité des
événements vécus par ces personnes ainsi que par leur fragilité qui en
résulte. La TDSP est reconnue pour être un atout conceptuel notable si
l’on veut utiliser l’EMDR avec les TD.
La thérapie EMDR, avec le modèle TAI, et la TDSP sont compatibles
et se complètent (Van der Hart, Nijenhuis & Solomon, 2010). Selon la
thérapie EMDR, le but final de la prise en charge est de promouvoir
les connexions entre les souvenirs stockés de manière dysfonctionnelle
et isolée, avec les réseaux mnésiques adaptatifs. Selon la TDSP le but
ultime du traitement des personnes traumatisées est l’intégration des
souvenirs dans un moi unifié et fusionné (à travers la synthèse et
la réalisation). Ce processus d’intégration des souvenirs d’événements
traumatisants peut se faire dans certains cas de TD par la thérapie EMDR.

244
Aide-mémoire EMDR

La thérapie EMDR se réfère aux 8 phases et aux trois temps (voir chapitres
6, 7 et 8), alors que la TDSP préconise le traitement des traumatismes
en trois phases selon Pierre Janet, qui sont :
1. La première phase cible la stabilisation, la réduction des symptômes
et l’activation des ressources, ce qui correspond assez bien aux phases

19. L’utilisation de l’EMDR avec les troubles dissociatifs


1 et 2 de la thérapie EMDR.
2. La deuxième phase cible le traitement des souvenirs traumatiques,
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but des phases 3 à 7 de la thérapie EMDR et premier temps du
traitement EMDR.
3. La troisième phase cible l’intégration du sujet dans une vie nouvelle,
ce qui correspond à la phase 8 de la thérapie EMDR, ainsi qu’aux
buts du traitement des déclencheurs et de l’application des scénarios
du futur (les deuxième et troisième des trois temps de la thérapie
EMDR).

Ces trois phases ne sont pas chronologiquement linéaires mais s’enche-


vêtrent dans des suites de va-et-vient. Ainsi une phase de stabilisation
est souvent nécessaire après une phase d’intégration d’un ou plusieurs
souvenirs traumatiques. Parfois des éléments propres à la phase 3,
comme des adaptations des schémas cognitifs et comportementaux, se
font en plein milieu de la phase 1.
La phase 1 de la thérapie EMDR cible l’anamnèse et le diagnostic
ainsi que la planification du traitement et l’élaboration d’un plan
de ciblage. Néanmoins pour les patientes avec un TD ces premières
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tâches thérapeutiques sont beaucoup plus complexes que pour un TSPT.


Il faut souvent du temps pour s’assurer du diagnostic correct. Une
anamnèse complète est souvent impossible à cause des amnésies, de la
déconnection émotionnelle ou des réactivations perturbantes lorsqu’on
interroge la patiente sur son passé. Quant à élaborer un plan de ciblage
et s’y tenir, c’est le plus souvent impossible de par un quotidien agité
et souvent chaotique. Le clinicien doit pouvoir répondre aux besoins
changeants de ces patients.
Les lignes directrices de l’ISSTD (International Society for the Study
of Trauma and Dissociation, 2011) rappellent qu’une thérapie avec des
personnes souffrant de TD sévère peut durer entre 5 et 15 ans, voire plus,
selon les cas et la sévérité de la structure dissociative, et que la phase

245
Aide-mémoire EMDR

1 de stabilisation peut être particulièrement longue. Cela peut donc


durer des années jusqu’à ce qu’un tel patient puisse être suffisamment
stabilisé et préparé pour que lui soient proposées des séances de
désensibilisation avec la thérapie EMDR (phases 3-7). Ceci étant dit, des
séances de désensibilisation isolées (par exemple des séances d’EMD :
19. L’utilisation de l’EMDR avec les troubles dissociatifs

Shapiro, 2019) peuvent s’avérer utiles durant la phase de stabilisation.


Ce peut être le cas par exemple si la cliente est fortement perturbée
par des intrusions traumatiques de PE, sous forme de cauchemars, de
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flashbacks, de souvenirs intrusifs, d’émotions intrusives ou d’autres
formes d’activation. On peut alors choisir non pas le retraitement
d’un traumatisme en tant que tel (protocole standard, phases 3-7)
mais la désensibilisation d’un symptôme pris isolément (phase 1 –
réduction des symptômes – selon la TDSP). Il serait dommage de faire
patienter une cliente durant des années alors que des séances d’EMD ou
d’EMDR pourraient apporter une aide considérable et la diminution d’une
perturbation déjà dans la phase de stabilisation. Mais il convient aussi
d’être prudent parce que certains patients pourraient ne pas supporter
l’EMDR à ce stade ou même plus tard.

! L’EMDR dans la thérapie des troubles dissociatifs :


quelques réflexions générales

La prise en charge de personnes souffrant de TD exige donc une formation


continue importante ciblée sur le diagnostic et le traitement de ces
troubles. Vouloir utiliser l’EMDR avec les TD, en particulier les TD sévères,
nécessite aussi une solide maitrise des différents protocoles de la
thérapie EMDR ainsi que des supervisions régulières pour les premiers
pas dans ce domaine. Ce chapitre ne permet pas d’élaborer l’entier
du travail thérapeutique concernant les personnes souffrant de TD,
mais il veut donner certaines pistes pour accompagner le clinicien
formé en thérapie EMDR et l’inciter à se former davantage dans ce
champ spécifique. Le déroulement d’une thérapie d’un TD est tellement
complexe et tortueux qu’il ne nous permet pas de définir une « séance
type » ou un « protocole type ». Le traitement par phases (selon Van
der Hart et al., 2010) et les directives de l’ISSTD (2011) doivent guider
le clinicien.

246
Aide-mémoire EMDR

En cas de dissociation structurelle primaire, la PAN évite la PE car la


PE porte tout le souvenir traumatique mais se manifeste plutôt par
des intrusions. Cela peut correspondre à un TSPT mais aussi à d’autres
troubles, comme un trouble de conversion ou un autre TD « simple ».
Dans ces cas, le protocole EMDR standard peut généralement être suivi

19. L’utilisation de l’EMDR avec les troubles dissociatifs


de manière classique avec un plan de ciblage « trauma récent » ou
« trauma simple ». C’est par contre beaucoup plus difficile avec les
personnes ayant une dissociation structurelle secondaire ou tertiaire.
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Dans ces cas, la phobie de la PAN envers les PE et de certains PE envers
d’autres PE peut être tellement sévère que les parties dissociatives ne
s’engagent que dans des relations minimales et le cas échéant agressives.
La conséquence en est un contact rudimentaire entre les parties, voire
aucun contact, comme dans le cas de l’amnésie dissociative. La PAN
peut s’opposer au contact avec une PE, ce qui rend impossible un
retraitement des souvenirs traumatiques. Si le patient dans sa PAN
reconnaît avoir des parties internes, il peut dire à sa thérapeute des
phrases du type : « Aidez-moi à me débarrasser de ces parties, je ne
les aime pas ! » ou encore : « Je ne les veux pas, elles ne sont pas
moi ! » Par ailleurs certains patients, apparemment suffisamment stables,
pourraient être très déstabilisés par l’utilisation trop précoce de l’EMDR.
André, un patient de 20 ans ayant un trouble obsessionnel compulsif, a
été traumatisé par la maladie psychique de sa mère déclarée alors qu’il
avait 12 ans. Après un an et demi de thérapie, son TOC avait bien reculé,
sa régulation émotionnelle était bien meilleure et la situation familiale
plus stable. Le thérapeute, habituellement prudent, proposa alors de
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travailler en EMDR en ciblant la maladie de la mère. Après la première


séance, ce jeune patient ne put aller à l’université pendant une semaine
tellement il était déstabilisé. Une PE inconnue avait émergé et il fallut
attendre six mois pour l’identifier à cause de l’évitement de la PAN à
son égard.
Une première phase importante dans la prise en charge thérapeutique
en parallèle de la stabilisation classique consiste à explorer le système
interne de la personne, à prendre contact avec les parties et à développer
empathie, communication et coopération mutuelle. Cela permet la
connaissance du système, et pour le thérapeute et pour le patient,
indispensable si l’on veut utiliser l’EMDR. Cette phase souvent longue
de la thérapie des TD dépasse le cadre de ce chapitre. Nous invitons le

247
Aide-mémoire EMDR

lecteur à la lecture d’ouvrages spécialisés (Boon et al., 2014 ; Nijenhuis,


2015, 2017 ; Steele et al., 2018 ; Van der Hart et al., 2010). Par contre,
travailler avec ces différentes parties avec la thérapie EMDR de manière
ponctuelle ou parfois plus étendue peut également contribuer à une
meilleure compréhension entre les parties, améliorant ainsi empathie,
19. L’utilisation de l’EMDR avec les troubles dissociatifs

communication et coopération entre elles, un facteur important de


succès thérapeutique à long terme. Lorsqu’une première acceptation des
parties entre elles commence à avoir lieu, des échanges ponctuels de
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souvenirs ou de bribes de souvenirs peuvent commencer à se faire. Cela
peut se faire en invitant les parties à échanger et partager dans un lieu
de rencontre (ou salle de réunion) imaginaire. Selon les cas et l’avancé
de la thérapie, ces échanges peuvent se faire également par des séances
de retraitement EMDR (phases 3-7/8) ou EMD.
Dans tout état de cause des questions préalables s’imposent : quelle
partie dissociative est à l’origine de quelle intrusion ? Quelle partie
nécessiterait un retraitement pour une intrusion donnée ? Quelle(s)
partie(s) seraient trop déstabilisée(s) ou s’opposeraient à l’EMDR ? Et
de ce fait, qu’est-ce qu’on fait avec cette partie (en attendant) ? Une
connaissance suffisante du système interne, c’est-à-dire de la PAN et
des PE, de leurs différentes fonctions, et de la dynamique interne est
indispensable.
La phase 2 (selon la TDSP) de retraitement des événements traumatisants
est une phase difficile. L’EMDR peut être une option dans certains cas
lorsque cette méthode peut faciliter la synthèse et la réalisation, de
manière relativement continue ou de manière ponctuelle. Une synthèse
guidée ou fragmentée peut se faire aussi accompagner de SBA. La
question est de savoir dans quelle partie de la personnalité cela
doit se faire, à quel moment, par quel biais et dans quel ordre ? Ces
questions sont complexes et nécessitent un plan de traitement adapté
et différencié, sous supervision pour les cas complexes. Dans les TD
sévères, le thérapeute devra faire preuve d’adaptabilité et supporter
l’inconnu et l’imprévisible.
La fusion de parties peut être un effet indirect de la thérapie EMDR.
Néanmoins, dans les cas de dissociations secondaire ou tertiaire, cela
nécessite des interventions qui vont bien au-delà de la désensibilisation
ou du retraitement.

248
Aide-mémoire EMDR

Lors de la phase 3 (selon la TDSP), on aide les patients à améliorer leur


adaptation à une vie nouvelle. Se débarrasser de schémas anciens qui se
sont développés depuis l’enfance dans un contexte extrême de violence
et de négligence peut s’avérer difficile. Dans cet objectif l’EMDR peut
être utile et indiqué, d’autant plus que les patients sont plus stables et

19. L’utilisation de l’EMDR avec les troubles dissociatifs


un certain nombre de traumatismes au moins partiellement résolus.
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Cas cliniques

Nous allons présenter trois cas issus de la pratique clinique et qui


représentent les dissociations structurelles primaire, secondaire et
tertiaire. Ces cas sont des exemples et ne représentent bien sûr pas
l’ensemble de ces pathologies aux présentations si diverses. Néanmoins
nous souhaitons ainsi illustrer les principales spécificités du travail
EMDR avec les TD. Les noms ainsi que des détails biographiques ont été
modifiés afin de garantir l’anonymat des patients.

! Un cas de dissociation structurelle primaire

Vignette 1 : Alain
M. Alain D. a perdu sa femme voici 30 ans après l’accouchement de leur fils. On
lui a annoncé le décès totalement inattendu de son épouse par téléphone, en
pleine nuit à 04:45, trois jours après la naissance de leur enfant. Depuis 30 ans
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Alain se réveille plusieurs fois chaque semaine à 04:45 en croyant entendre le


téléphone sonner. Ainsi, une PE submergée par les émotions s’est montrée
active principalement la nuit. Alain s’est par la suite remarié, a eu d’autres enfants
et a un emploi stable. Mais Alain dans sa PAN a également eu des problèmes
d’abus d’alcool, de dépression et de comportements autodestructeurs, dus à
des intrusions traumatiques de la PE également pendant la journée. Le pire
pour Alain était d’avoir ses réveils nocturnes si fréquents et épuisants, et il disait
se sentir vivre comme 30 ans auparavant, lors du décès de son épouse.

On comprendra qu’Alain présente un TSPT mais chronicisé durant 30 ans


avec une péjoration constante et importante de l’état psychologique
général et associé à différentes comorbidités. On observe le modèle
d’intrusions et d’évitements, ce qui est le schéma bi-phasique du TSPT

249
Aide-mémoire EMDR

et le fonctionnement d’une personne avec une dissociation structurelle


primaire de la personnalité. On voit donc que la PAN vit relativement
bien dans le quotidien malgré une dépression et a adopté des stratégies
d’évitement de la PE par des abus de substances. Une PE produit des
intrusions répétées, surtout la nuit. Une anamnèse élargie n’a pas mis
19. L’utilisation de l’EMDR avec les troubles dissociatifs

en évidence d’autres événements traumatisants. Une prise en charge


standard avec le protocole en 8 phases et les trois temps a été appliquée.
Avec 9 séances en tout, le patient a été « guéri » ! Une catamnèse après
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une année a montré que le problème avait été réglé de manière durable.
Alain ne s’est réveillé la nuit qu’une seule fois en une année, et ceci
quelques jours avant l’anniversaire du décès de sa première épouse.
Alain n’a cessé de dire « Mais c’est incroyable, c’est derrière... ! Ça ne
me touche plus vraiment. C’est du passé. Si seulement je vous avais
connu plus tôt ! » On voit ici qu’une dissociation structurelle primaire
peut amener à des cas complexes en termes de diagnostic. La thérapie
EMDR montre ici tout son potentiel !

! Un cas de dissociation structurelle secondaire

Vignette 2 : Sabine
Mme Sabine B. est une femme de 41 ans, ayant vécu dans l’enfance un
rejet psychologique constant de la part de sa mère. Elle était la deuxième
de trois filles. La première étant « la grande » et une fille intelligente et facile
à vivre, de deux ans son ainée. La plus jeune, de 5 ans sa cadette, était la
préférée de la mère. Sabine a été « l’enfant difficile », pleurant beaucoup après
le déménagement de la famille, ce qui présentait un grand stress pour la mère.
Au cours de la thérapie Sabine a retrouvé beaucoup de souvenirs de rejet,
dont des propos de la mère disant à la sœur cadette des phrases comme
« ne vas pas jouer avec Sabine, ce dragon, cette sorcière... ». Sabine a parfois
eu des comportements agressifs envers sa petite sœur, comme beaucoup
d’enfants négligés qui remarquent une préférence nette des parents pour une
autre sœur. Elle a ainsi développé une dissociation structurelle secondaire et
un style d’attachement désorganisé, compensé par une stratégie de contrôle
soignante envers sa mère. À l’adolescence elle s’est fait maltraiter et abuser par
son premier compagnon. Celui-ci lui faisait comprendre qu’elle ne valait rien et
qu’elle n’était « que bonne à coucher ». Dans son attachement désorganisé et
son immense besoin d’amour et d’attachement elle ne pouvait pas le quitter et
avait donc subi des viols conjugaux comme elle avait subi les maltraitances de
sa mère, alors que se mettait en place une PE autopunitive et destructrice. On

250
Aide-mémoire EMDR

décela également une autre PE extrêmement agressive bien contenue au fond


d’elle, mais facilement activée par son mari actuel, gentil et compréhensif. La
PE destructrice, autopunitive, cassait toutes sortes d’objets auquel Sabine tenait,
comme des dessins, des cadeaux qu’on lui avait fait, etc. Il y avait aussi dans
le système une PE petite fille fragile, profondément triste. La PAN continuait à
protéger la mère, à lui faire des cadeaux et à essayer encore et toujours de gérer

19. L’utilisation de l’EMDR avec les troubles dissociatifs


cet attachement désorganisé. Les réactions de la mère étaient imprévisibles
pour Sabine.
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La thérapie de Sabine a duré plus de 10 ans et sa planification a été
beaucoup plus complexe et difficile, et surtout nettement plus longue
que dans le cas d’Alain. Le diagnostic est un ATDS de type 1 et un
trouble de personnalité borderline. Sabine présente typiquement une
dissociation structurelle secondaire, avec une PAN et plusieurs PE. Des
années durant il fallu la stabiliser après chaque contact qu’elle avait
avec sa mère. Tantôt Sabine coupait tout contact avec sa mère pour se
préserver, tantôt elle ne pouvait supporter ne pas avoir de contact avec
elle et la rappelait et cherchait à la revoir. Les comportements borderline
se voyaient par les comportements de la patiente dans sa PAN et aussi
dans certaines PE médiées à la fois par le système d’action de défense
et par le système d’attachement. La mère a eu plus ou moins les mêmes
comportements de rapprochement et de rejet envers la patiente. Des
séances EMDR ponctuelles « urgentes » ont souvent été faites suite à un
appel téléphonique entre Sabine et sa mère ou suite à une rencontre avec
elle comme par exemple lors d’une fête de famille. Assez rapidement,
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des problèmes d’ordre sexuel ont été identifiés et ont donné lieu à
un premier plan de ciblage standard avec comme souvenir source les
violences sexuelles par son premier compagnon. Les cibles suivantes du
plan de ciblage ont été les humiliations et d’autres propos sexualisés
et humiliants de son ami de l’époque, puis d’autres compagnons par
la suite. Cette phase a dû être interrompue, car des problèmes avec
sa mère ne cessaient de la perturber en parallèle. Des rencontres avec
la mère et un plan de ciblage autour de la problématique de la mère
et des sœurs furent réalisés. Une rupture d’avec son ami du moment a
perturbé la poursuite du deuxième plan de ciblage et a donné lieu à
des séances d’EMDR « d’urgence » ciblant la rupture actuelle. Peu après,
un changement au niveau professionnel l’a fortement déstabilisé, et il
fallu encore une fois laisser de côté le travail sur son problème d’ordre

251
Aide-mémoire EMDR

sexuel pour travailler l’estime de soi dans le contexte professionnel.


Des séances d’EMDR ont été agendées pour travailler les humiliations
et autres événements qui lui faisaient croire qu’elle ne valait rien et
qu’elle était totalement incapable de faire quoi que ce soit (alors qu’elle
avait fait les meilleures notes de la région lors de son examen final
19. L’utilisation de l’EMDR avec les troubles dissociatifs

de secrétaire de direction). Un plan de ciblage sur sa faible estime


de soi a donc été suivi. Il comportait des situations avec sa mère,
mais aussi des situations scolaires, des situations interpersonnelles, des
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ruptures affectives et d’autres épisodes humiliants ou dégradants. La
rencontre avec son mari actuel a réactivé la problématique sexuelle et
le plan de ciblage des traumatismes sexuels a pu être repris. Au fur et à
mesure que la relation avec son mari s’est renforcée et qu’elle sentait
qu’il était gentil et patient avec elle par rapport à la sexualité, la PE
agressive s’est activée et la patiente – dans cette PE – a physiquement
agressé son mari. Nous avons alors fait un travail approfondi selon la
thérapie énactive (Nijenhuis, 2017). Il en est ressorti que cette PE, par
ses comportements agressifs, voulait pousser le mari à la quitter. Les
croyances sous-jacentes étaient que de toute façon elle allait être quitté,
que ce mari était trop gentil et qu’elle ne le méritait pas puisqu’elle était
« un dragon et une sorcière. » Le même schéma d’amour impossible –
comme avec sa mère – se répétait ainsi dans le comportement de cette
PE, et Sabine, dans sa PAN, se sentait démunie et totalement effondrée
à l’idée que son mari puisse la quitter. La différence entre sa mère et son
mari était que son mari ne la repoussait pas. Un travail avec cette PE
(petite fille fragile), qui avait subi toutes les violences psychologiques
de la mère, a abouti à une intégration de cette partie. Les séances
d’EMDR ont dû être réalisées, avec pour objectif d’intégrer cette PE,
puis les autres. L’arrivée de son premier enfant a encore été un moment
de grand défi qu’elle a su affronter. Elle attend d’ailleurs un deuxième
enfant. Bien que toutes les PE ne soient pas encore intégrées, elle gère
bien l’éducation de son enfant et sa nouvelle grossesse, et nous avons
pu interrompre la thérapie. Une évaluation finale se fera dans quelque
temps après son accouchement.
Ce cas illustre les situations complexes de dissociation structurelle
secondaire comme lors de TSPT-C ou d’autres troubles dissociatifs
spécifiés, souvent associés à des troubles de la personnalité. On voit
qu’une planification et un suivi comme préconisé idéalement par les

252
Aide-mémoire EMDR

différents protocoles de la thérapie EMDR n’est pas possible avec des


personnes ayant un trouble dissociatif sévère de type ATDS de type 1,
et donc avec une dissociation structurelle secondaire.

! Un cas de dissociation structurelle tertiaire

19. L’utilisation de l’EMDR avec les troubles dissociatifs


Vignette 3 : Roland
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M. Roland C. est un homme de 35 ans adopté en Afrique. Il a vécu de
la violence physique sévère par les deux parents. Des conflits et violences
conjugales furent un stress majeur pour la mère, ce qui a abouti à un divorce
lorsque le patient avait 13 ans. L’enfant, souvent placé chez des familles
amies, est devenu victime de violences sexuelles dans un groupe organisé de
personnes pédophiles pratiquant des rites « sataniques ». Roland a développé
dix parties dissociatives (deux PAN et huit PE). Les PE sont Lucien, 8 ans, Olivier,
12 ans, Jean, Michaël et Pascal (adolescent), Jason, 16 ans, Christian, 18 ans et
« l’ami de Roland » (sans âge). Les PAN sont Roland lui-même et Pierre. Lucien
porte toute la souffrance de l’enfant au sein de sa famille, alors que Olivier et
les autres se sont développés lors des violences sexuelles ritualisées. Roland
a présenté un lourd passé d’abus de substances et de vols pour se procurer
les drogues. Une hospitalisation en milieu psychiatrique et une incarcération
préventive ont eu lieu quand il a commencé la thérapie orientée traumatismes
et axée sur son TDI. Six mois avant la thérapie il s’est marié avec une femme
connue par le biais d’un site de rencontre lorsqu’il était en détention préventive.
Le déménagement dans une tout autre région lui a permis de quitter le monde
de la drogue et de la délinquance. Il s’est alors fait un nouveau cercle de
connaissances. Grâce à sa femme, il s’est suffisamment stabilisé pour pouvoir
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entamer une psychothérapie. Il ne peut travailler qu’à 50 % et bénéficie d’une


rente invalidité à 50 %.

Roland a été diagnostiqué avec TDI et présente une dissociation


structurelle tertiaire. Il a reconnu ses PAN et PE par lui-même avant
même d’être en thérapie. Il en a parlé tout naturellement lors des
premières séances et n’a pas douté que d’autres parties de sa personnalité
existent de façon indépendante de sa volonté. Roland a un long passé
de difficultés dans tous les domaines de la vie, mais il a trouvé une
certaine stabilité grâce à la bienveillance de sa femme dans le cadre
d’une relation conjugale sécure.

253
Aide-mémoire EMDR

Dans une première phase de la thérapie, la PE Olivier (12 ans) était


très présente. Pratiquement tous les soirs selon son épouse, notamment
lorsqu’ils se retrouvaient après le travail. Passant beaucoup de temps à
la maison il était victime d’intrusions traumatiques très déstabilisantes.
Il présentait de nombreux « switchs ». Olivier était fréquemment activé
19. L’utilisation de l’EMDR avec les troubles dissociatifs

durant la journée et s’est attaché à sa femme comme à une mère plutôt


que comme à une épouse. Régulièrement une PE (Paul) incitait Roland à
se procurer de la drogue et tout un dispositif fut mis en place pour l’en
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empêcher. Une procédure pénale pour un vol était toujours en attente
et Roland avait très peur de devoir retourner en prison où la drogue
y est omniprésente. Il voyait sa stabilité menacée par une éventuelle
incarcération. Par la suite le juge décida d’une peine pécuniaire ce qui
facilita la thérapie. Roland faisait des fugues dissociatives fréquentes
et présentait des amnésies importantes pour des périodes prolongées.
Faire des séances de retraitement avec la thérapie EMDR était, à ce
stade, impensable, étant donné son instabilité sévère.
Lors de la première phase de thérapie basée sur la TDSP et la thérapie
énactive (Nijenhuis, 2017), les parties ont appris à se connaître
davantage et surtout à se respecter et à coopérer. Cela a nécessité
de nombreuses séances et beaucoup de temps et de prudence, car il
fallait tenir compte de la menace de consommation de substances et
d’une dynamique interne violente entre les parties. Par exemple Jason,
une PE agressive, s’est montré d’une grande hostilité envers les autres
parties, en particulier envers Olivier. La PE Jason correspondait à une
situation lors de laquelle, jeune adolescent, il avait réussi à se révolter
et à mettre ainsi fin aux violences sexuelles horribles. Olivier est la PE
qui portait les expériences de violences sexuelles. Jason pouvait frapper
Olivier, ce qui se voyait depuis l’extérieur de la manière suivante : le
poing du patient, activé par Jason, frappait le ventre ce qui était
ressenti par Olivier. Jason ne ressentait pas du tout ce coup, mais Olivier
oui. Des interventions de type échange-exploration-partage entre les
différentes parties a permis de développer plus d’empathie entre les
parties dissociatives, en particulier de Jason envers Olivier. Ensuite, le
travail thérapeutique a été consacré aux sensations et au ressenti des
PE, et Jason a pu commencer à s’autoriser à ressentir des sensations
corporelles par un partage de sensations avec d’autres PE. Au final de
ce travail systémique interne, toutes les parties pouvaient s’apprécier

254
Aide-mémoire EMDR

et ont pu commencer à échanger des éléments de leur vécu (phase 2


d’intégration des souvenirs traumatiques). C’est à ce moment-là que des
séances d’EMD et d’EMDR ont pu être réalisées sur des images et des
sensations intrusives. Le patient put alors investir de nouvelles activités
ressources qui lui ont permis d’améliorer son estime de soi.

19. L’utilisation de l’EMDR avec les troubles dissociatifs


Dans le traitement de Roland, concernant la thérapie EMDR, trois périodes
ont un intérêt particulier et concernent le travail successif avec Olivier,
Jason et avec Lucien. Ces périodes se sont succédées, alors que dans
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d’autres cas le travail avec plusieurs PE devrait se faire simultanément.
La première période qui cibla la PE Olivier fut la plus longue. C’est lui qui
fut le plus fréquemment activé pendant les deux premières années de la
thérapie. Olivier était la PE qui portait les violences sexuelles ritualisées
et, en tant que PE il subissait l’intrusion d’images de violences sexuelles
exercées sur lui et sur d’autres enfants victimes de ce groupe criminel.
Des séances d’EMD ciblées sur ces images intrusives ont été bénéfiques
pour cette PE qui a pu les intégrer. Cela lui a permis de se stabiliser
davantage dans une phase précoce de la thérapie. Olivier a ainsi été
libéré de ce blocage à l’âge de 12 ans et a pu commencer à « grandir ».
C’est typiquement un moment de synthèse et de réalisation partielle
(avec personnification et présentification) durant la séance d’EMD qui
lui a permis de se débarrasser de cette souffrance.
C’est alors que la libido du patient s’est réveillée et il commença à
avoir des demandes sexuelles auprès de son épouse, ce qui perturba
le couple pendant un moment. En effet, les progrès de la thérapie
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amènent régulièrement à des déstabilisations de l’équilibre précaire de


ces personnes, ce qui pousse à des modifications du plan de traitement
pour s’ajuster aux demandes du patient et aux perturbations que ces
changements occasionnent.
Une deuxième période de la thérapie cibla la PE agressive Jason, qui
était également fixée sur des images de violences sexuelles ritualisées.
Ces scènes étaient encore différentes de celles rapportées par Olivier.
Le travail sur ces images par EMD et EMDR associé à un travail sur la
perspective à la première personne (Nijenhuis, 2015, 2017) ont permis
à Jason de ressentir le corps de la même manière que Roland (fusion
partielle).

255
Aide-mémoire EMDR

Le troisième moment – sans doute le plus central – fut le travail avec


la PE Lucien. Lucien étant la PE la plus jeune, fixée sur les violences
familiales et les expériences d’enfermement dans la cave par les parents
(selon Roland pendant des heures interminables, peut-être des jours
ou des nuits entiers). Il rongeait les ongles jusqu’au sang, ce qui était
19. L’utilisation de l’EMDR avec les troubles dissociatifs

un souci pour Roland mais diverses interventions comportementales


n’avaient rien apporté à ce niveau. Ronger les ongles avait permis de
neutraliser la faim et le froid lorsqu’il était enfermé dans la cave. Les
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autres PE ne voulaient pas partager les souvenirs de Lucien, disant
que c’était trop difficile. Il avait d’ailleurs été le dernier à « entrer »
dans la thérapie. La phobie des PAN et autres PE était donc importante.
En leur faisant remarquer qu’ils étaient tous plus âgés que Lucien et
donc sans doute plus capables de supporter ces contenus traumatiques,
cela a permis de leur faire prendre conscience qu’ils laissaient Lucien
tout seul, alors que ce dernier avait besoin de leur soutien. Une fois la
phobie envers Lucien quelque peu levée, il était possible que les autres
parties acceptent de partager très progressivement certains éléments des
expériences traumatiques de Lucien. L’expérience de la peur d’être dans
le noir dans la cave fut d’abord partagée avec toutes les PE et la PAN
Roland, avant de faire l’objet d’une séance d’EMDR pour Lucien, toujours
perturbé par cet élément. Pour ce retraitement, après avoir précisé
en phase 3 de la thérapie EMDR l’image correspondante, la Cognition
Négative « j’ai peur » fut définie selon le protocole pour enfant. La
Cognition Positive était « je suis en sécurité maintenant », la « peur »
était l’émotion, et les sensations corporelles étaient le froid et des maux
de ventre. Les autres parties avaient été placées en retrait dans un lieu
de rencontre défini bien avant dans la thérapie. Durant la phase 4, il fut
important de revenir fréquemment à la situation initiale afin éviter trop
d’associations vers d’autres souvenirs traumatiques et d’autres éléments
de la situation de la cave. Après cela toutes les parties se sont mises
en cercle et ont accueilli Lucien parmi eux et lui ont dit qu’ils étaient
désolés de ce qu’il ait vécu et qu’il faisait dorénavant partie du groupe.
La phobie des parties envers Lucien était ainsi maintenant bien levée.
Ni Lucien, ni les autres parties n’auraient supporté trop de matériel à la
fois. Un retraitement complet de la cible – certes limitée – fut possible
en une séance et permit au système de faire un énorme pas en avant et
d’avancer dans le travail d’intégration. Les ongles ne furent plus rongés,

256
Aide-mémoire EMDR

après 30 ans de ce comportement extrême, et ce résultat est encore


stable trois ans plus tard. Bien sûr, la thérapie continua encore par le
partage d’expériences traumatiques entre parties en vue d’intégration et
de fusion de parties, parfois par des séances d’EMDR et d’autres fois par
d’autres interventions. Des processus – certes partiels – d’intégration

19. L’utilisation de l’EMDR avec les troubles dissociatifs


et de fusion des parties dissociatives amenèrent à une disparition des
principaux symptômes dissociatifs et une amélioration drastique de la
qualité de vie du patient.
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L’efficacité de telles séances isolées d’EMDR est possible parce qu’un
travail préparatoire conséquent et minutieux a été fait en amont. Dans
ce cas complexe, nous avons pu utiliser l’EMD et l’EMDR de manière
particulièrement efficace à des moments clés de la thérapie. L’EMDR a
été utilisée pour rapprocher des PE entre elles et leur faire partager
de manière contrôlée des éléments circonscrits de certains événements
traumatisants.
L’EMDR est dans de tels cas une méthode d’appoint dans une thérapie
intégrative.

Les 8 phases de la thérapie EMDR dans le traitement


des troubles dissociatifs

Il est important de tenir compte de la réalité intérieure de chaque


personne souffrant de TD pour aborder une séance de retraitement
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avec l’EMDR. Lors d’une séance d’EMDR il faut savoir quelles sont les
parties dissociatives présentes et absentes, quelles parties devraient être
présentes car portant le souvenir, avec quelle partie il s’agit de partager
le souvenir (selon son implication dans la problématique). Il faut aussi
savoir si les parties présentes supportent ce qui va suivre (stabilité de
la partie) ou si elles ont besoin d’être assistées par une partie aidante
ou encore si elles doivent être mises à l’écart (temporairement par
exemple dans un lieu sûr imaginaire) pour être incluses dans la séance
ultérieurement. Elles pourraient être incluses dans le retraitement quand
elles seraient prêtes à partager tel ou tel élément du souvenir, selon
la stabilité de la patiente et l’avancement dans la thérapie. Il ne s’agit
pas de désensibiliser des souvenirs traumatiques dans les premières
phases de la thérapie, mais plutôt de traiter les intrusions traumatiques

257
Aide-mémoire EMDR

qui sont en tant que telles trop déstabilisantes pour une PAN ou une
PE. On traitera alors plutôt des éléments isolément comme des images,
des sensations, des cauchemars, des attaques de panique ou autres
symptômes (cf. stratégie « du bout du doigt » de Gonzalez & Mosquera,
2012 ; ou Van der Hart et al., 2015). Il est primordial de toujours tenir
19. L’utilisation de l’EMDR avec les troubles dissociatifs

compte du système entier et d’éviter de ne travailler qu’avec la PAN mais


de faire participer les PE dans le retraitement EMDR. Le protocole EMD
(Shapiro, 2019), très utile avec les TD, consiste à désensibiliser une
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partie seulement du souvenir au détriment d’autres associations, un peu
comme la stratégie « du bout des doigts ». Nous présentons maintenant
des réflexions à propos des différentes phases de la thérapie EMDR pour
les personnes présentant des troubles dissociatifs.

! Phase 1 : anamnèse, diagnostic et plan de ciblage


La phase 1 ne se distingue pas d’autres types de prises en charge,
car c’est lors de cette phase que l’on diagnostique un possible TD,
et ne se distingue donc pas pour les deux approches. Par contre, en
cas de diagnostic ou de suspicion d’un TD de degré élevé de sévérité
on veillera à ne pas investiguer en détail le passé traumatique. En
effet, procéder à une anamnèse peut fortement activer les souvenirs
traumatiques – et les PE – et déstabiliser la patiente (dans sa PAN).
Pour cette population spécifique, avant de penser à traiter selon le
protocole standard en thérapie EMDR (les 8 phases et les trois temps),
il est important d’évaluer la structure dissociative (l’ensemble des
PAN et PE), donc de se focaliser sur la dynamique de la structure et
d’en identifier l’étendue en allant à la découverte et à la rencontre
des parties dissociatives. La question principale sera : qui fait quoi,
pourquoi, comment et depuis quand ? Cela permet de développer une
vue d’ensemble et de définir les fonctions et buts de chaque partie
dissociative ainsi que leurs systèmes d’action. La phase 1 et la phase 2
du protocole doivent souvent s’imbriquer par exemple lorsque l’anamnèse
déstabilise la patiente. Dans de tels cas des séances d’EMD peuvent
s’avérer utiles – déjà dans cette phase 1 – si des parties (PAN ou PE)
subissent trop d’intrusions de symptômes traumatiques (par exemple
des cauchemars, des flashsback courts ou longs, ou d’autres symptômes
intrusifs). Dans cette phase nous recommandons de ne pas aborder
les contenus traumatiques, mais plutôt de désensibiliser le matériel

258
Aide-mémoire EMDR

perturbant qui surgit et qui représente probablement des messages de


PE. Une attitude de bienveillance et d’intérêt (« exploration » en termes
de système d’action) permet à la patiente (dans sa PAN et dans ses
PE) d’apprendre à faire progressivement confiance à la thérapeute. Il ne
s’agit pas non plus ici d’« enlever » toute représentation de matériel

19. L’utilisation de l’EMDR avec les troubles dissociatifs


traumatique, mais plutôt de s’y intéresser. L’utilisation du protocole EMD
peut ainsi avoir comme objectif de désensibiliser des symptômes de
type intrusion, sans pour autant chercher à intégrer le trauma.
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Élaborer un plan de ciblage comme on le fait habituellement en EMDR
pour les cas plus simples (comme dans le cas de dissociation primaire et
certains cas de dissociation secondaire) n’est pas possible dans les cas
de TD sévères (dissociation structurelle secondaire et tertiaire). Pour
ces patients, un plan de ciblage classique sera éventuellement possible
en deuxième partie de thérapie ou vers la fin.

! Phase 2 : stabilisation
La phase de stabilisation des personnes souffrant de TD est une étape
importante de la prise en charge. Nous nous référons à différentes
méthodes de stabilisation qui ont fait leurs preuves (par exemple
Boon et al., 2014 ; Dellucci, 2017 ; Forgash & Copeley, 2018/2017 ;
Piedfort-Marin & Reddemann, 2016 ; Steele et al., 2018 ; Van der Hart
et al., 2015 ; et les chapitres 18 et 21-24 dans cet ouvrage).
Dans le cas de TD, en particulier de TD sévère, nous concevons la
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stabilisation comme la stabilisation du système fait de la/les PAN et de


PE plutôt que la stabilisation de la seule PAN (Piedfort-Marin, 2016).
De nombreuses manifestations comme par exemple des attaques de
panique ou encore des émotions intenses, des colères ou des moments
où la personne suffoque ou se rigidifie (comme dans un trouble de
conversion) sont à concevoir comme des manifestations de PE qui
portent du matériel traumatique. Plutôt que de vouloir faire disparaître
de tels symptômes, nous proposons de s’intéresser à ces manifestations
comme un message transmis par la PE activée. Ce message est une clé
dans le traitement des TD et ne devrait pas être mis à l’écart puisqu’il
permet de comprendre le fonctionnement interne de la personne. Avec
une personne déstabilisée temporairement on peut l’inviter à attraper
une balle, respirer profondément, se lever et faire quelques pas, ou

259
Aide-mémoire EMDR

encore faire l’exercice du contenant. Mais on peut aussi observer et


explorer avec la patiente ce qui se passe en elle et décrire ce qui se
passe à l’instant pour comprendre l’information que la PE sous-jacente
veut nous transmettre. Il est alors utile de poser des questions comme
« Qu’est-ce qui se passe ? », « Qui est là ? », « Qu’est-ce que cette
19. L’utilisation de l’EMDR avec les troubles dissociatifs

partie veut nous faire comprendre ? ». Cette action thérapeutique vise


à explorer le système et à manifester de la bienveillance et de l’intérêt
à l’encontre du monde (du système) intérieur de la patiente plutôt
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que de la stabiliser rapidement dans sa PAN en évitant les PE et leurs
manifestations psychoformes ou somatoformes. Nous cherchons par ce
biais également à susciter de l’intérêt de la PAN envers ses PE pour
dépasser la phobie des parties entre elles (Van der Hart et al., 2010).
Le thérapeute joue alors le rôle de modèle.
Dans une approche plus axée sur l’EMDR, Arne Hofmann propose quatre
tests pour détecter la stabilité des patients avec un TSPT-C ou un TD.
Dans ce protocole, le premier test comporte le « test du quotidien »
que Hofmann décrit comme le test d’un fonctionnement plus ou moins
« garanti » dans le quotidien d’un(e) patient(e), dissocié(e). Selon
Hofmann, il faudrait « un brin d’ennui » dans le quotidien pour pouvoir
entamer la thérapie EMDR. Si le quotidien est totalement déstabilisé,
avant de continuer avec une quelconque intervention, on continuera
à stabiliser. Le deuxième test est le « test du lieu sûr » qui évalue
la capacité du patient à maintenir un état physiologique agréable.
Si le patient ne réussit pas ce test, on continuera à stabiliser et à
développer le lieu sûr et d’autres exercices. Par contre s’il le réussit,
on peut passer au troisième test, le « test des stimulations bilatérales
alternées (SBA) ». Celui-ci permet de tester si le patient supporte les
SBA de manière prolongée, ou s’il a une aversion ou une incompatibilité
à l’égard des SBA, ce qui peut être le cas dans le TSPT-C et certains
TD. Comme pour les deux tests précédents, on continuera à stabiliser
jusqu’à obtention d’un test « positif ». Ceci permettra d’avancer vers
le 4e test, le « test de l’anamnèse » : la capacité du client à pouvoir
raconter son histoire au moins partiellement. Si le SUD est alors élevé
(au-dessus de 8) on procédera en premier lieu au CIPOS (Knipe, 2016)
ou on continuera à stabiliser jusqu’à obtention d’un test de l’anamnèse
avec un SUD en dessous de 8 (cela concerne les personnes avec un
trauma complexe ou un TD uniquement).

260
Aide-mémoire EMDR

! Phase 3 : évaluation de la cible


La phase 3 peut se poursuivre de manière régulière et selon les normes
pour les parties présentes, que ce soit la PAN ou une ou plusieurs PE. Des
PE peuvent avoir un âge beaucoup plus jeune que la patiente et devraient
donc bénéficier d’une prise en charge adaptée à leur âge (mental) en se

19. L’utilisation de l’EMDR avec les troubles dissociatifs


basant sur le protocole EMDR pour enfants. La focalisation sur l’image
ainsi que la recherche d’une Cognition Négative peuvent être une étape
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difficile par l’activation de matériel extrêmement perturbant. Si cela
devait se produire, on peut exceptionnellement procéder directement à
la phase 4. La phase 3 servant à activer la cible, le but est atteint si
l’activation est intense même si l’on ne passe pas par tous les éléments
de cette phase (CN, CP, VOC, émotion, SUD, sensations corporelles). Mais
on cherchera à obtenir au moins un SUD pour pouvoir le comparer à la
fin de la phase 4. Sans Cognition Positive identifiée dans la phase 3, il
faudra veiller à en obtenir une en début de phase 5. Le protocole du
dialogue (Egli-Bernd, 2011) décrit une manière créative pour démarrer
le travail de retraitement lors de la phase 3 : la Cognition Négative sera
formulée par une PE, alors que la Cognition Positive sera formulée par
la PAN à la deuxième personne. Par exemple, la Cognition Négative de
la PE pourrait être : « Je ne suis pas aimable » et la Cognition Positive
de la PAN sera « Tu es une personne aimable ».

! Phase 4 : désensibilisation
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Lors de la phase 4 le problème principal en cas de TD est que le patient


peut avoir trop d’émotions ou pas assez. Une préparation incohérente
avec le système intérieur peut, le cas échéant, amener à trop d’intrusions
de PE non identifiées et, par ce fait, pas encore prêtes à une phase de
traitement de souvenirs traumatiques. Ou alors la barrière dissociative
est renforcée et plus rien ne se passe. Dans un tel cas la patiente dira
alors après une première série ou quelques séries de SBA que « c’est
tout bon, il n’y a plus rien ». Dans les deux cas de figure, on devra
revenir à une étape de stabilisation et d’exploration du système interne.
De manière générale lors de la phase 4, les séries de SBA devraient être
plus courtes pour éviter trop d’associations et l’émergence d’un surplus
de matériel, ce qui sera difficile à réguler pour la patiente. De plus,
il faudra plus fréquemment revenir à la situation initiale et éviter les

261
Aide-mémoire EMDR

associations en dehors de la cible choisie. On peut également installer


des filtres imaginaires entre la PE et la PAN pour éviter qu’il n’y ait trop
de matériel qui passe d’un coup la barrière dissociative, devenue plus
perméable. Le clinicien veillera également à couper des ponts d’affect et
des associations trop importantes vers d’autres cibles potentielles. Pour
19. L’utilisation de l’EMDR avec les troubles dissociatifs

les TD le retraitement se fera autant que possible sur une seule cible pour
éviter un « trop plein » de matériel et d’émotions. Lors des formations
EMDR de base, on apprend aussi les stratégies pour accélérer ou ralentir
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le retraitement (Shapiro & Laliotis, 2017/2018), comme par exemple
mettre l’image en noir et blanc. Des tissages cognitifs permettant aux
PAN et aux PE de personnifier et présentifier sont une intervention
aidante durant la phase 4 (Piedfort-Marin, 2019). Arriver à un SUD
de 0 s’avérera difficile, notamment pour les premières cibles traitées,
particulièrement s’il s’agit de traumatismes répétés (un critère important
pour les TSPT-C et les TD). Plutôt que de s’acharner et d’insister pour
amener le SUD à 0, on peut faire le choix clinique de s’arrêter lorsqu’il
semble ne plus y avoir de progression. On évite ainsi que la patiente
(dans la PAN ou une PE) ne soit activée dans une Cognition Négative
telle que « je suis nulle » ou encore « je suis incapable ». Pour les TD,
il faut s’attendre au retraitement d’une cible sur plusieurs séances donc
avec de nombreuses séances incomplètes. Il sera important de veiller à
arrêter le travail EMDR à un moment propice dans la séance pour assurer
la stabilité de la patiente. Il est également important de ne pas tarder
à reprendre la prochaine séance de désensibilisation pour épargner à la
patiente trop de perturbation émotionnelle entre les séances au cas où
trop de matériel traumatique ne remonte.
Décrire en détail les différentes procédures pour faciliter l’intégration des
souvenirs traumatiques par la synthèse et la réalisation (personnification
et présentification) dépasse l’objectif de ce chapitre. Néanmoins
les thérapeutes EMDR seront intéressés à l’idée de développer leur
pratique par diverses techniques – en particulier des tissages cognitifs –
adaptées à chaque cas clinique, comme des interventions favorisant des
scénarios imaginaires réparateurs ou des tissages cognitifs ciblant plus
spécifiquement une réalisation douloureuse (Piedfort-Marin, 2019), ou
encore des procédures axées sur les aspects sensorimoteurs.

262
Aide-mémoire EMDR

! Phase 5 : installation
La phase d’installation ne montre pas de complications particulières
dans les cas de TD si ce n’est la difficulté à trouver une Cognition
Positive et d’atteindre une VOC à 7. Dans certains cas c’est seulement
en phase 5 que l’on pourra définir la Cognition Positive. Il sera difficile

19. L’utilisation de l’EMDR avec les troubles dissociatifs


pour ces patientes d’atteindre une VOC à 7 avec des CP du type « je
suis une bonne personne » ou « je suis en sécurité ». On pourra alors
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rajouter un petit « bémol » pour que la CP devienne plus crédible et
donc faciliter une expérience positive aux patientes. Par rapport aux
CP ci-dessus on pourra alors suggérer la Cognition Positive « Je peux
apprendre à être une bonne personne » ou « je peux apprendre à me
protéger ». Pour les personnes ayant vécu des situations de violence
parfois des années durant, il est en effet très difficile d’atteindre une
VOC élevée avec une CP du type « je suis en sécurité », surtout en début
du retraitement de cibles.
On peut aussi accepter une VOC inférieure à 6 ou 7 si elle paraît
écologique, surtout en début de retraitement des cibles. Une personne
avec un TD ne pourra pas facilement changer une Cognition Négative en
Cognition Positive comme c’est le cas pour les TSPT « simples ». Le but
sera plutôt d’atteindre une VOC à 7 plus tard dans la thérapie. Par contre
on essayera toujours d’atteindre 7 et accepter une VOC plus basse sera
une option lorsqu’il n’est pas possible de monter davantage sur cette
échelle.
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! Phase 6 : scanner corporel


Arriver à ce stade avec les personnes ayant un TD, donc probablement
après de nombreuses séances de retraitement, représente un travail
laborieux pour la patiente. Il est possible d’accepter un scanner
corporel incomplet, c’est-à-dire où il n’y a pas que du positif. Après de
nombreuses années de souffrance et en tenant compte de la dissociation
somatoforme, il est difficile d’obtenir des scanners corporels positifs en
début de prise en charge. Comme pour les phases précédentes, on peut
accepter des valeurs « imparfaites » et tout de même clôturer la cible
en question et avancer dans le plan de ciblage (si bien sûr cela s’avère
possible et adéquat). On peut faire l’exercice du faisceau lumineux ou
d’autres techniques pour favoriser et développer le bien-être somatique.

263
Aide-mémoire EMDR

! Phase 7 : clôture
Pour les séances inachevées comme pour les séances achevées il est
conseillé de veiller à un temps de stabilisation suffisant en fin de
séance. Comme décrit par Shapiro (2018), le processus continue entre
les séances, ce qui demande une phase de stabilisation post-séance
19. L’utilisation de l’EMDR avec les troubles dissociatifs

importante ainsi que des exercices d’auto-apaisement et de stabilisation


entre les séances. Il est important de réaliser l’exercice du contenant ou
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d’autres stratégies (voir aussi chapitres 2, 3 et 22) en fin de séance avant
de laisser partir le patient. Pour les personnes avec une dissociation
structurelle secondaire ou tertiaire il est important qu’elles puissent
contacter le thérapeute en cas de besoin, spécifiquement si elles devaient
être surchargées par l’émergence de matériel traumatique hautement
perturbant entre les séances. La disposition du thérapeute entre les
séances doit être discutée préalablement (limite du nombre de prises de
contact, définition d’une urgence, mise en place de mesures autonomes
de régulation émotionnelle, mise en place d’un réseau de soin en cas
d’absence du thérapeute ou en cas d’urgence).

! Phase 8 : Réévaluation
Que la séance ait été achevée ou inachevée, chez les patients avec un
TD, il faut s’attendre à une activation importante entre les séances. On
procédera donc à une évaluation fine et différenciée lorsqu’on retrouve la
patiente la séance suivante, après une semaine ou moins. Pour un certain
nombre de patientes, il faudra davantage s’orienter vers la stabilisation
avant de reprendre un retraitement. Pour d’autres, beaucoup de matériel
nouveau, voire des levées d’amnésies se sont produites. Se pose alors la
question de continuer dans la foulée le travail EMDR sur la même cible
ou de le différer. Cela va dépendre de la stabilité de la patiente, de la
montée (potentiellement déstabilisante) d’un nouveau souvenir ou de
l’apparition d’une PE encore inconnue, ou encore de la demande de la
patiente en fonction d’événements de vie apparus les jours précédents.
On réalise donc qu’avancer chronologiquement dans le plan de ciblage
est une chose difficile, voire souvent impossible. Notre travail est comme
celui d’un joueur d’échecs jouant plusieurs parties en parallèle. Il ne
faudra jamais oublier la « constellation » sur un échiquier (un plan de
ciblage), par contre il faudra peut-être reprendre temporairement un

264
Aide-mémoire EMDR

plan de ciblage plus ancien, ou en créer un nouveau tout en gardant en


mémoire (en tout cas dans les notes) les autres plans de ciblage.

Les 3 temps de la thérapie EMDR dans le traitement

19. L’utilisation de l’EMDR avec les troubles dissociatifs


des troubles dissociatifs

La thérapie EMDR préconise un travail en trois temps, c’est-à-dire le


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travail « passé-présent-futur ». Normalement, l’élaboration du plan de
ciblage cherche à identifier le ou les problèmes actuels et hiérarchise ces
problèmes pour développer un plan de traitement avec éventuellement
différents plans de ciblage. Ces plans de ciblage sont alors abordés
dans la chronologie du temps, c’est-à-dire on démarre le travail avec
le souvenir source (le souvenir le plus ancien) et ensuite on remonte
la chronologie jusque dans le présent pour terminer avec les cibles des
scénarios du futur (cf. chapitres 5, 6, 7 et 9).
Pour les personnes souffrant de TD, les problèmes dans le présent sont
multiples avec des symptômes somatoformes et psychoformes et, comme
mentionné plus haut, des intrusions traumatiques dans le présent,
souvent de la part de PE qui transmettent un message à la PAN par
le biais d’un symptôme répétitif. Le passé se révèle très chargé de
situations lourdes et le futur paraît sombre ou avec peu d’espoir. Les
personnes avec un TD complexe présentent des idées suicidaires parfois
importantes. Pour les personnes avec des dissociations secondaires et
tertiaires, démarrer la thérapie en élaborant un plan de ciblage standard
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

partant du problème actuel est presque toujours impossible. D’une part


le présent est tellement chargé de perturbations nombreuses (comme
dans les cas de Sabine et Roland) que ce serait presque un manque
de respect d’ignorer le présent pour s’occuper prioritairement du passé.
D’autre part, activer le passé chargé et douloureux serait trop lourd pour
ces personnes déjà très instables. De plus, les personnes présentant
une dissociation secondaire ou tertiaire ont un monde intérieur qu’il
s’agit d’identifier et d’explorer avant de connaître toute l’étendue des
problèmes dans le présent et le passé.
Le consensus théorique entre les spécialistes (Boon et al., 2014 ;
Gonzalez & Mosquera, 2012 ; Shapiro, 2018 ; Van der Hart et al., 2015)
est de travailler tout d’abord sur le présent, ne serait-ce que par la

265
Aide-mémoire EMDR

stabilisation, mais aussi d’aborder des problématiques du présent avec


des séances de retraitement (sans forcément développer un plan de
ciblage), avec comme premier objectif d’alléger le présent. Hofmann
(2009) propose le protocole standard inversé (cf. chapitre 24) où il
s’agit de privilégier des cibles dans le futur proche, comme des actions
19. L’utilisation de l’EMDR avec les troubles dissociatifs

évitées alors qu’elles devraient être réalisées, ceci afin d’améliorer la


condition de vie de ces personnes. Par exemple : se séparer d’une relation
destructrice, déménager et quitter le foyer familial ou l’appartement
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trop chargé de souvenirs négatifs, oser aller se présenter au service
social ou au chômage pour les uns ou oser postuler un nouveau poste
si l’ancien ne correspond pas, etc. Hofmann propose dans un deuxième
temps le travail sur les déclencheurs et les situations déclenchantes du
présent, avant de s’attaquer aux cibles du passé récent, pour terminer
avec les cibles les plus douloureuses, celles du passé lointain donc de
la petite enfance. Souvent ces dernières cibles sont très douloureuses
et nécessitent donc une stabilité accrue. Selon la TDSP les souvenirs
du passé lointain sont en lien avec la petite enfance, donc avec des
PE enfant, souvent négligées et fragiles. Il vaut donc mieux travailler
tout d’abord avec les PE présentes, donc celles qui sont actives dans
le quotidien de la PAN, bien qu’elles « vivent » dans le passé (manque
de présentification). Si on a le choix, il est préférable d’attendre avant
de travailler avec les PE très jeune enfant, car ce sont elles qui ont
subi les violences et négligences à un âge si précoce que les capacités
d’intégration étaient les plus faibles. Il vaut donc mieux attendre que le
système soit plus stable et plus apte à aider les PE fragiles et négligées.
Ceci est en harmonie avec le protocole standard inversé (Hofmann,
2009).

La TDSP est aidante pour le traitement par EMDR des troubles dissociatifs et ces deux
approches peuvent se compléter. La thérapie énactive selon Nijenhuis (2017) est
aidante pour l’ensemble du traitement. L’EMDR peut être utilisée comme thérapie
principale dans certains cas, et comme méthode d’appoint dans d’autres cas plus
sévères de troubles dissociatifs. Le protocole standard de base en thérapie EMDR
(phases 1-8) et les traitements en trois temps (passé-présent-futur) peuvent être
intégrés dans le modèle de la TDSP. Pour pratiquer la thérapie EMDR avec ces
patients, il est essentiel de connaître leurs différentes parties dissociatives et la
dynamique entre elles. Il est en effet primordial de savoir avec quelle(s) partie(s) il
convient de faire un retraitement ou une désensibilisation. L’EMD ou l’EMDR bien ☞

266
Aide-mémoire EMDR

☞ circonscrit peuvent aussi permettre dans certains cas une réduction des symptômes
dissociatifs en phase de stabilisation. La connaissance de la TDSP et des concepts
de synthèse et réalisation (personnification et présentification) est indispensable
pour un traitement sécurisé des personnes présentant un trouble dissociatif, en
particulier complexe.

19. L’utilisation de l’EMDR avec les troubles dissociatifs


Bibliographie
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268
Aide-mémoire EMDR

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19. L’utilisation de l’EMDR avec les troubles dissociatifs


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Aide-mémoire EMDR

20
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20. Le protocole des empreintes précoces
LE PROTOCOLE DES EMPREINTES PRÉCOCES

Le retraitement EMDR des mémoires préverbales

Hélène Dellucci et Gabrielle Bouvier


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Les traumatismes n’attendent pas l’âge de raison pour survenir. Des ruptures
d’attachement précoces (Liotti, 1999), un environnement avec interactions teintées
d’hostilité et d’indifférence (Dutra, 2009) amènent le tout-petit à sortir de sa fenêtre
de tolérance, et c’est ainsi que des réseaux traumatiques implicites se forment,
provoquant des symptômes que l’on peut retrouver à l’âge adulte.
La thérapie EMDR permet, parmi d’autres, de s’adresser à ce type de traumatisation
particulière, même si ces souvenirs sont sous amnésie. Katie O’Shea a été la
première (2001) à proposer, puis conceptualiser un protocole EMDR permettant le
retraiter les empreintes traumatiques précoces (O’Shea, 2009a). En partant de ce
protocole, nous avons développé une démarche plus proche du protocole standard,
permettant ainsi de bénéficier de la rigueur de l’EMDR au service du retraitement
des traumatisations préverbales.

271
Aide-mémoire EMDR

Les empreintes précoces :


des souvenirs avant tout corporels

Lorsque le ciblage s’adresse aux périodes précoces de l’expérience,


nous assistons avant tout à l’émergence de sensations corporelles, (par
exemple une sensation d’oppression), des traces mnésiques, (par exemple
une impression d’immobilité, de froid), des mouvements spécifiques (par
exemple le corps qui penche), des impressions particulières (par exemple
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celle de ne pas devoir se manifester). Ce travail sur les mémoires
20. Le protocole des empreintes précoces

préverbales amène le patient à aborder principalement des thèmes


d’existence et d’attachement, tout comme les expériences négatives
auxquelles le tout petit et son entourage ont été confrontés.
Ces réseaux de mémoire contiennent avant tout des contenus implicites,
pour lesquels les patients n’ont pas de mots pour les décrire. Cependant,
nous constatons à travers ce retraitement que, non seulement le tout
petit et le nouveau-né, mais aussi le fœtus, peuvent ressentir et être
influencés par l’attitude de leur entourage, éprouver des sensations
corporelles, capter des ondes de choc d’événements qui ont touché leurs
proches.
Katie O’Shea (2001) a eu l’idée de cibler directement ces périodes
préverbales, à savoir la phase fœtale, la phase autour de la naissance
et celle allant de zéro à trois ans. En utilisant l’EMDR, l’auteur propose
de désensibiliser toute émergence en termes de traces mnésiques
corporelles ou de contenus mentaux, et d’accompagner le retraitement
de tissages permettant de corriger les déficits développementaux.
Dans notre travail autour des empreintes précoces, nous avons avant
tout constaté à quel point c’était le corps qui s’exprime. Ces émergences
archaïques, qui s’expriment de manière privilégiée par la dimension
sensori-motrice sont ainsi suivies et accompagnées par des stimulations
bilatérales à un rythme particulier, et ce jusqu’à ce que le corps soit
tout à fait apaisé.

272
Aide-mémoire EMDR

Indications pour le traitement


des empreintes précoces

Les mémoires préverbales n’apparaissent souvent pas telles quelles dans


la vie d’adulte. Les personnes venues consulter se présentent en thérapie
avec des plaintes décrivant un malaise vague, une sensation de mal-être,
des dépressions récurrentes, des addictions, des troubles dissociatifs,
des troubles de la personnalité avec des difficultés relationnelles, des
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fragilités d’attachement, des somatisations, des zones d’amnésie plus

20. Le protocole des empreintes précoces


ou moins étendues, des phobies multiples ou un syndrome anxieux
généralisé. Il n’est pas rare que ces patients décrivent des relations
familiales complexes, des échecs récurrents dans la relation amoureuse,
une difficulté à prendre leur place dans différents domaines de leur vie,
et ce malgré de nombreuses tentatives et une motivation certaine.
Katie O’Shea (2006, 2009a) propose des indications additionnelles :
l’adoption, des placements multiples, une grossesse et/ou un accouche-
ment traumatiques, la détresse physique ou/et émotionnelle de la mère
pendant la grossesse, l’accouchement ou après, des hospitalisations et
des chirurgies précoces, des maltraitances, des négligences, un syndrome
d’exposition à l’alcool du fœtus, des troubles du spectre autistique, des
troubles de déficit de l’attention et d’hyperactivité, des troubles du
sommeil, de l’alimentation ou de l’élimination chez le tout-petit, lorsque
le discours devient incohérent ou bien toute intuition que le malaise
puisse être en lien avec une période ressentie comme précoce.
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Les empreintes précoces dans le plan de traitement

Notre choix de proposer le travail sur les empreintes précoces s’adresse à


toute personne souffrant de traumas complexes, dans le but de restaurer
les fondements de l’attachement et de la construction du Moi. En termes
TAI, nous dirons que nous nous adressons aux mémoires source en deçà
des souvenirs source, et ce quelle que soit la problématique abordée.
Le plan de ciblage autour des mémoires préverbales contient déjà
trois cibles distinctes, à savoir la période fœtale, celle autour de la
naissance, et la période de 0 à 3 ans. À cela peuvent venir s’ajouter

273
Aide-mémoire EMDR

des événements précis connus, par exemple un décès ou un accident


d’une personne importante pendant cette période. Dans le cas de
traumatisations avec une dissociation marquée, s’ajoutent également
des blessures relationnelles avec les donneurs de soin, qui lorsque le
processus se bloque, peuvent faire l’objet d’un ciblage à part, pour ne
s’adresser qu’à cette dimension relationnelle. Lorsque le bébé a été
un déclencheur pour les propres empreintes précoces des parents, une
dimension transgénérationnelle s’ajoute à ce plan de ciblage. Il s’agit
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avant tout d’une liste de cibles du passé.
20. Le protocole des empreintes précoces

En termes de scénario du futur, restaurer la fonctionnalité de ce socle


d’expériences intra et intersubjectives amène les personnes à sécuriser
leurs attachements, à développer une meilleure acuité de leurs besoins
avec une capacité accrue de mettre des limites constructives et à
augmenter leur estime de soi.

Préparation avant les empreintes précoces

Avant de proposer le travail sur les empreintes précoces, il est nécessaire


que soit établie une bonne relation thérapeutique, car la qualité d’un
contact bienveillant et soutenant de la part du thérapeute, la confiance
et la motivation de s’engager dans ce travail de la part du patient, sont
nécessaires. Pour cela il faut que le patient soit suffisamment stabilisé,
c’est-à-dire qu’il soit capable de s’apaiser lui-même, qu’il ait une bonne
tolérance à l’affect, et qu’il vive dans un environnement pas trop hostile.
Katie O’Shea propose d’apprendre au patient de se sentir en sécurité
dans un endroit sécure, par exemple le cabinet du thérapeute. À ce titre,
effectuer des exercices d’ancrage corporels et des exercices d’orientation
avec l’aide du thérapeute peuvent être utiles, de façon à arriver à un
apaisement du corps dans l’ici et maintenant.
Ensuite, l’auteur propose la mise en place d’un contenant (Kluft, 1998),
permettant de mettre de côté tout trauma sur lequel ne porte pas
directement le travail. Fractionner ainsi l’exposition nous permet d’éviter
de toucher trop de réseaux traumatiques à la fois.

274
Aide-mémoire EMDR

Un autre exercice de stabilisation que propose Katie O’Shea (2009b) est la


« remise à zéro1 » des émotions, avec le but de restaurer la fonctionnalité
des ressources émotionnelles. Les émotions sont abordées l’une après
l’autre, avec un retraitement hors trauma. La tolérance à l’affect ainsi
restaurée permettra un travail sur les traumatismes de manière plus
sécurisée.
Ajoutons que pour une stabilisation soit réussie, il sera important
d’installer un lieu sûr, même si cette démarche peut se faire par étapes.
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Plus les patients souffrent de traumas complexes, plus un lieu sûr

20. Le protocole des empreintes précoces


imaginaire peut s’avérer utile, car ce dernier n’est pas en lien avec
l’expérience négative du patient. Il peut être nécessaire de combiner
l’installation du lieu sûr avec des exercices d’apaisement corporels ou
de pleine conscience.
Finalement, cette étape de préparation nécessite d’obtenir le consente-
ment éclairé du patient, de lui expliquer la démarche, de répondre à ses
questions et de désensibiliser au préalable toute crainte ou appréhension
que cela suscite (voir chapitres sur le Protocole Inversé et la Boîte de
Vitesses).
Lorsqu’il y a présence d’un attachement désorganisé, nous pouvons
partir du principe que, outre la traumatisation dont il a fait l’objet, le
tout-petit n’a pas encore reçu de réponse adéquate. Nous ajoutons alors
l’installation d’une ressource d’accordage fondamental, que ce soit par
l’EMDR (Dellucci, 2018) ou l’ICV2 (Smith, 2018), et qui consiste en une
installation de ressource, permettant à au patient adulte de prendre soin
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adéquatement de sa dimension bébé. Ce travail facilitera grandement le


retraitement des traumatismes préverbaux.
Veuillez poser un cadre prédictible : « Nous allons aborder trois périodes
distinctes : d’abord la période fœtale, avant votre naissance, puis le
moment autour de votre naissance, et ensuite la période de 0 à 3
ans. Il est normal que nous n’ayons aucun souvenir conscient de ces
périodes. L’auteur du protocole, Katie O’Shea dit que s’il y a des empreintes
traumatiques, notre corps et notre cerveau les trouvent immédiatement.

1. En anglais, l’auteur appelle cette pratique : resetting emotions.


2. L’Intégration du Cycle de la Vie, une approche thérapeutique mise au point par
Peggy Pace.

275
Aide-mémoire EMDR

Je vous demanderai de laisser venir simplement, en ne jugeant pas ce qui


émerge. Il n’y a pas de bonne ou mauvaise réponse. Ce qui vient peuvent
être des pensées, des images, des impressions, des sensations corporelles
ou des émotions. Celles-ci peuvent être impressionnantes, et tout ce que
vous aurez à faire est de regarder défiler les choses qui vous viendront
en tête, tout en faisant attention et en suivant ce qui se passe dans le
corps. De mon côté, s’il y a une émotion, j’aurai tendance à continuer
les stimulations jusqu’à ce qu’elle s’apaise, puis nous ferons une pause et
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après une respiration je vous demanderai ce qui vous vient.
20. Le protocole des empreintes précoces

Nous n’allons jamais rechercher de vérité, ni de souvenirs. Ce qui peut


émerger peuvent être des choses que vous pouvez avoir vécues, ou perçues,
voire captées, ou alors qui ont pu être transmises. Nous ne le savons pas.
Si quelque chose émerge, j’aurai tendance à juste vous accompagner, et
votre cerveau et votre corps le traiteront.
Vous pouvez dire STOP à tout moment si vous en avez besoin. Comment
allez-vous dire stop ? (Attendre le signal de la personne)
Les stimulations bilatérales se font par tapotements. Est-ce que vous
préférez les tapotements sur les genoux, ou bien préférez-vous les
mains ? » (Veuillez montrer les différents types de tapotements de
façon que le patient puisse choisir ceux qui lui conviennent)
Il sera important que le thérapeute prenne du temps pour ces
explications, et s’assure que la personne ait bien tout compris.

Le protocole des empreintes précoces :


comment concrètement ?

Nous proposons de cibler l’une après l’autre, les trois périodes-clé du


plan de ciblage. Katie O’Shea proposait à l’origine un protocole sans
cognitions. Tout en restant fidèles à l’auteur, en ne demandant pas de
cognitions en phase 3, nous avons cependant constaté que rapprocher
ce travail du protocole EMDR standard, en établissant un SUD en fin de
phase 4, et en ajoutant une phase d’installation et un scanner du corps
pouvait être bénéfique.

276
Aide-mémoire EMDR

! La phase fœtale
Phase 3 : évaluation
Après avoir posé un cadre prédictible, le ciblage de la phase fœtale se
fait comme suit :
« Lorsque vous pensez à vous,
– en tant que fœtus,
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– porté par votre maman,

20. Le protocole des empreintes précoces


– dans son ventre,
– pendant la grossesse,
– qu’est-ce qui vous vient ? »

Même si l’EMDR n’est pas assimilable à l’hypnose, il est utile de prononcer


cette phrase, comme s’il s’agissait d’une induction invitant à une
régression d’âge, avec une prosodie apportant une information après
l’autre.
Quelle que soit la réponse du patient (en termes d’images, de pensées),
nous invitons le thérapeute à explorer aussi les réactions corporelles :
« Et votre corps, comment réagit-il ? »

Phase 4 : désensibilisation
Les stimulations bilatérales (SBA) se font par tapotements. Pendant
cette phase, les SBA se font au rythme des battements cardiaques d’un
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adulte. O’Shea indique que c’est le son qu’entend le fœtus pendant cette
période de vie.
Le travail de désensibilisation continue jusqu’à ce qu’il y ait deux
éléments positifs ou neutres. Le retour à la cible se fait à travers la
phrase d’amorce décrite ci-avant. Les canaux successifs sont retraités,
jusqu’à ce que le retour à la cible ne donne plus que des contenus non
spécifiques sous forme d’une image indiquant un fœtus comme dans les
livres, qui vit sa vie tranquille de fœtus, avec un corps qui est apaisé.
Un fœtus en noir et blanc par exemple ne constitue pas une fin de
retraitement, un fœtus qui ne bouge pas non plus.
Le travail autour des empreintes précoces se fait par thèmes. Pendant la
phase fœtale, le thème central concerne l’existence même. Les personnes

277
Aide-mémoire EMDR

expriment des contenus comme : « ma mère était perdue, personne ne


se doute de moi », « ma mère se demande si elle va me garder », « mon
père n’est pas content », « une impression de n’être connecté à rien »
ou bien des sensations « il y a beaucoup de bruit », « ça secoue dans
tous les sens », « une sensation vague de ne pas être en sécurité »,
avec des réactions du corps qui peuvent être impressionnantes : « une
impression que je ne peux pas bouger », « le corps qui se vrille », « une
sensation de coton », « des nausées », puis les associations successives
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peuvent concerner d’autres moments de vie, comme la naissance, des
20. Le protocole des empreintes précoces

événements survenus plus tard, pouvant aller jusqu’à des associations


concernant la vie actuelle. Tous les contenus émergents ont comme
point commun cette thématique d’existence. Quels que soient ceux qui
émergent, le travail d’accompagnement se fait avec les SBA de la phase
fœtale, et le retour à la cible se fait aussi vers cette période-là.
Parfois des personnes indiquent une réponse du corps « figé », ou
« c’est silencieux » ou « rien ». Nous invitons le thérapeute à faire la
différence entre « rien », qui constitue un contenu, certes montrant
une sous-activation comme faisant partie d’un réseau neuronal en
retraitement, et un corps détenu, calme. Nous invitons ainsi le patient
à localiser ce « rien », et nous continuons le retraitement. Parfois des
contenus comme « c’est blanc », « je vois du noir », ou des images de
couleurs, voire une image montrant une photo de la mère enceinte, sont
évoqués. Quels qu’ils soient, tant que le processus n’est pas bloqué, le
travail de retraitement continue.
Lorsqu’au retour à la cible, le patient ne donne plus que des contenus
positifs, et évoque un fœtus qui va bien, avec un corps apaisé, nous
mesurons le SUD. Dès que le SUD = 0, nous passons à la phase
d’installation.

Phase 5 : installation

Comme il n’y a pas de cognition positive qui a été demandée pendant la


phase 3, nous posons la question maintenant : « Quand vous pensez au
fœtus, tel qu’il vous apparaît maintenant, quels sont les mots qui vous
viennent à l’esprit, et qui disent quelque chose de positif sur vous ? ».
Une fois la cognition positive formulée et la VoC mesurée, l’installation
se fait jusqu’à VoC = 7.

278
Aide-mémoire EMDR

Phase 6 : scanner du corps

Faire le scanner du corps comme d’habitude : « Je vous invite à fermer


les yeux, et à penser à vous en tant que fœtus, et à ces mots ... (répétez
la cognition positive), et à passer en revue votre corps en entier, de la
tête aux pieds, et me dire si vous remarquez quelque chose d’inhabituel. »
Veuillez retraiter toute sensation désagréable restante et refaire le
scanner corporel jusqu’à ce que celui-ci soit neutre.
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20. Le protocole des empreintes précoces
! La phase néonatale
Phase 3 : évaluation

La phase autour de la naissance se cible comme suit :


« Quand vous pensez à vous,
– en tant que nourrisson,
– à la naissance,
– qu’est-ce qui vous vient ? »

Phase 4 : désensibilisation

Ici aussi, la désensibilisation se fait par tapotements, mais cette fois


au rythme cardiaque d’un nouveau-né. K.O’Shea évoque que dans nos
contrées, c’est ce que le nouveau-né entend, l’ouïe étant le sens le
mieux développé avant la naissance.
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Les contenus sont souvent bien plus précis, et les réponses émotionnelles
plus fortes : « une impression de carrelage blanc », « des bruits forts »,
« du froid », « de l’agitation », « une difficulté à respirer », « un toucher
qui devient douloureux ». Ici aussi, le travail de désensibilisation se fait
tout au long du canal mnésique, jusqu’à évocation de deux éléments
positifs ou neutres. Ensuite, le retour à la cible se fait avec la phrase
décrite ci-avant.
Les thèmes travaillés pendant cette phase concernent avant tout
l’attachement. Il arrive que le patient évite cette dimension en
n’évoquant que des contenus concernant le nouveau-né. Les associations,
après l’apaisement du corps, amènent un nouveau-né dans une bulle,
tranquille et calme. Dans la mesure où l’attachement est primordial,

279
Aide-mémoire EMDR

nous invitons le patient à imaginer comment ce nouveau-né a été


accueilli dans la famille. La perturbation que cette question suscite,
pourra être désensibilisée, si nécessaire avec des tissages pour amener
à ce nourrisson une réponse adéquate.
Ici aussi, des contenus tout au long de la vie peuvent émerger et sont
retraités. Le retour à la cible se fait sur la dimension néonatale. Si le
retour à la cible ne produit plus que des images apaisées d’un nourrisson
en lien avec une figure d’attachement, un corps apaisé, nous mesurons
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le SUD. Dès
20. Le protocole des empreintes précoces

SUD = 0, nous passons à la phase d’installation

Phase 5 : installation
La cognition positive doit encore être trouvée : « Quand vous pensez au
nourrisson, tel qu’il vous apparaît maintenant, quels sont les mots qui
vous viennent à l’esprit, et qui disent quelque chose de positif sur vous ».
Une fois la cognition positive formulée et la VoC mesurée, l’installation
se fait jusqu’à VoC = 7.

Phase 6 : scanner du corps


Faire le scanner du corps comme d’habitude : « Je vous invite à fermer
les yeux, et à penser à vous en tant que nourrisson, et à ces mots ...
(répétez la cognition positive), et à passer en revue votre corps en
entier, de la tête aux pieds, et me dire si vous remarquez quelque chose
d’inhabituel. » Veuillez retraiter toute sensation désagréable restante
et refaire le scanner corporel jusqu’à ce que celui-ci soit neutre.

! La phase de zéro à trois ans


Le travail sur les deux périodes précédentes a permis de retraiter les
dimensions les plus fondamentales. La suite du travail de retraitement
se fait en général sans complications.

Phase 3 : évaluation
Le ciblage de cette période de zéro à trois ans se fait en incluant le
prénom d’usage donné au patient :
« Lorsque vous pensez à la petite/au petit [prénom],

280
Aide-mémoire EMDR

– de zéro à trois ans,


– qu’est-ce qui vous vient ? »

Il arrive que les personnes indiquent comme première association une


photo d’eux lorsqu’ils étaient petits, avant que d’autres contenus ou des
réponses plus intenses n’émergent.

Phase 4 : désensibilisation
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Les SBA se font ici à un rythme habituel en EMDR, soit par tapotements,

20. Le protocole des empreintes précoces


soit par mouvements oculaires. Les contenus abordés concernent surtout
les événements qui se sont déroulés dans cette période de vie, comme
des hospitalisations, des séparations, des événements survenus dans la
famille, comme des deuils, des accidents, etc.
La fin de la période de zéro à trois ans se montre avec un tout-petit
capable d’insouciance, avec un corps détendu et un Sud = 0.

Phase 5 : installation
La cognition positive est recherchée : « Quand vous pensez au petit/à la
petite (rappeler le prénom usuel de cette époque), quels sont les mots
qui vous viennent à l’esprit, et qui disent quelque chose de positif sur
vous ? ». Une fois la cognition positive formulée, et la VoC mesurée,
l’installation se fait jusqu’à VoC = 7.

Phase 6 : scanner du corps


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« Je vous invite à fermer les yeux, à penser à la petite/au petite (prénom


usuel) et à ces mots ... (répétez la cognition positive), et à passer
en revue votre corps en entier, de la tête aux pieds, et me dire si vous
remarquez quelque chose d’inhabituel. » Veuillez retraiter toute sensation
désagréable restante et refaire le scanner corporel jusqu’à ce que celui-ci
soit neutre.

! Tissages utiles
Au-delà du processus de désensibilisation, il peut être utile d’inviter
la part adulte du patient, à prendre soin du fœtus, du nouveau-né
ou du tout petit. Le thérapeute peut s’aider de tissages comme :

281
Aide-mémoire EMDR

« de quoi ce petit bout aurait-il besoin ? », ou bien « que pouvez-vous


faire pour ce fœtus/nourrisson/petit pour qu’il/elle puisse aller bien ? »,
amorçant un travail avec l’enfant intérieur, jusqu’à ce que les besoins
développementaux de celui-ci soient assouvis.
Dans ce travail sur les empreintes précoces, les ressentis et les
associations peuvent revêtir une apparence « bizarre » : des mouvements
involontaires, des impressions venues de nulle part, des ressentis
de sous-activation, des mots inhabituels pour décrire cet éprouvé,
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par exemple : « une gangue sur les avant-bras. » Quels qu’ils soient,
20. Le protocole des empreintes précoces

nous suggérons au clinicien d’inviter le patient à se « laisser ressentir


cela comme n’importe quelle autre émotion. » Cette démystification
des contenus émergeants permet de rester centré sur l’avancée du
retraitement.

Changements observés après le retraitement


des empreintes précoces

Tout contenu, fondamentalement, appartient au patient. Nous ne faisons


pas d’exception pour ceux concernant ce travail sur ces périodes
préverbales. C’est le patient qui mettra un sens, et ce quel que soit le
degré de véracité de l’éprouvé ressenti. Néanmoins, il n’est pas rare, lors
de la réévaluation, de voir des patients rapporter des confirmations de la
part de leurs parents, restés pantois devant les questions que leur pose
leur enfant sur des aspects dont ils se croyaient les seuls détenteurs.
À l’issue du travail sur les empreintes précoces, le retraitement des
autres souvenirs du passé se fait souplement.
C’est notre tâche de thérapeutes d’être attentifs aux changements que
les patients mettent en œuvre dans l’intervalle des séances. Ceux que
nous pouvons observer après le travail sur les empreintes précoces
peuvent se révéler à la fois discrets et fondamentaux. Fondamentaux,
car portant sur des modifications de comportements, de réactions, de
schémas tout entiers. Discrets, car les patients les mettent en œuvre
sans se rendre compte qu’il y a eu changement, comme si les symptômes
avant n’avaient jamais existé. L’aide du thérapeute consiste à les rendre

282
Aide-mémoire EMDR

conscients et explicites. Nous encourageons de ce fait une réévaluation


suffisamment fouillée à chaque reprise de séance.
Les changements observés chez les patients sont de plusieurs ordres : ils
semblent davantage en lien avec leurs besoins et arrivent à mettre des
limites permettant de respecter ces derniers. D’autres changements que
nous observons concernent une sécurisation des relations d’attachement,
et une meilleure estime des patients envers eux-mêmes. Certaines
personnes trouvent ou retrouvent des passions qui leur permettent de
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vivre une vie avec davantage de sens, d’autres font face aux défis de

20. Le protocole des empreintes précoces


leur quotidien avec plus de solidité.

Particularités à prendre en compte dans le travail


autour des empreintes précoces

Le retraitement des empreintes précoces dure en moyenne entre trois


et quinze heures. Nous ne pouvons pas prédire à l’avance combien
d’empreintes traumatiques seront trouvées et retraitées. En l’absence
de mémoires préverbales traumatiques, ce travail se résumera à une
installation de ressources.
Même si le retraitement des mémoires préverbales peut se montrer
puissant et efficace, les empreintes précoces ne se modifient pas entre
les séances. À la séance suivante, la personne retrouve exactement le
travail de retraitement à l’endroit où il a été suspendu auparavant, et
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ce quelle que soit la durée de l’intervalle entre ces deux séances. Nous
n’avons à ce jour pas d’explications pour ce phénomène, même si des
pistes épigénétiques commencent à se dessiner.
Le travail sur les mémoires préverbales peut se faire avec des adolescents,
pourvu qu’ils soient d’accord et motivés. Dans ce cas, nous proposons
un dispositif de thérapie individuelle.
Lorsque le travail sur les empreintes précoces se fait avec des enfants,
nous utilisons le support de l’histoire narrative. Ce travail implique les
parents, en amont pour la construction de l’histoire, et au moment où
elle sera lue et retraitée avec l’enfant et plus tard sa fratrie. Il sera
important que l’histoire, qui peut être métaphorique, soit construite
dans la perspective de l’enfant. Un travail préparatoire avec les parents

283
Aide-mémoire EMDR

permettra que ceux-ci puissent lire l’histoire en ayant un SUD inférieur


à 5.
Une dernière remarque concerne la question de savoir s’il s’agit de vrais
ou de faux souvenirs. En psychothérapie, nous ne recherchons pas de
vrais souvenirs. Nous travaillons sur le récit du patient, ses objectifs,
son désir de changement. Cela nous amène à dire que nous travaillons
sur des contenus mentaux que les personnes retraitent. Ensuite, nous
explorons les changements survenus entre les séances et l’adéquation
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de ceux-ci par rapport aux souhaits de la personne.
20. Le protocole des empreintes précoces

La possibilité d’étendre la thérapie EMDR au retraitement des empreintes précoces


constitue une démarche puissante, au service de changements fondamentaux chez
la personne.
Notre expérience avec ce travail sur les mémoires préverbales nous amène à pousser
tout psychotraumatologue à considérer et à aborder cette période cruciale du début
de la vie. Les patients qui s’engagent dans un tel travail, montrent des changements
fondamentaux de l’ordre d’une sécurisation de leurs attachements, une plus grande
prise en compte de leurs besoins, une meilleure capacité à négocier leurs limites et
une estime de Soi améliorée et ce de manière totalement intégrée entre la pensée,
le ressenti et l’action comportementale.
Classiquement en EMDR, il fallait connaître le souvenir, pour pouvoir le traiter.
Aujourd’hui, nous savons que ce n’est plus nécessaire. Le protocole des empreintes
précoces permet aux thérapeutes bien formés d’accéder aux blessures provenant
d’une période où il n’y avait pas de mots pour les nommer et d’aider les patients à
s’en affranchir.
Cependant, même si les observations cliniques sont encourageantes, la recherche
clinique paraît indispensable pour objectiver celles-ci.

284
Aide-mémoire EMDR

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285
Aide-mémoire EMDR

21
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LE PROTOCOLE DES LETTRES

21. Le protocole des lettres


Une méthode douce
permettant le retraitement
de traumatismes relationnels

Hélène Dellucci
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En psychotraumatologie des cas complexes et chroniques, nous savons que les


traumatismes relationnels sont particulièrement importants et envahissants. Les
patients se sont construits avec ces apprentissages qui continuent de teinter leurs
relations actuelles. Étant donné le nombre important d’occurrences traumatiques,
et leur caractère le plus souvent implicite, la question se pose de disposer d’une
méthodologie spécifique pour traiter ce type de traumatisation. Cette réflexion est
d’autant plus importante, lorsque le retraitement sur les situations traumatiques,
auxquelles ces blessures relationnelles s’invitent, bloque ou devient laborieux. Notre
proposition va dans le sens d’un fractionnement de la cible, pour nous adresser
d’abord et avant tout à la blessure relationnelle. À travers le protocole des lettres,
proposons un protocole spécifique, qui par sa douceur permet d’avancer de manière
intégrative.

287
Aide-mémoire EMDR

Les traumatismes du lien, une dimension spécifique

À moins de limiter le traitement psychotraumatologique aux seules


catastrophes naturelles et aux accidents sans implication humaine, la
majorité des traumatismes contiennent une dose certaine de blessures
relationnelles.
Si nous distinguons ces deux dimensions du traumatisme, à savoir la part
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de blessure individuelle (la surprise devant un événement inattendu,
la douleur subie, le débordement émotionnel...) et la part de blessure
d’ordre relationnel (le vécu de trahison, l’absence d’empathie, la perte
de confiance, le manque de soutien...), nous pouvons affirmer qu’aborder
un souvenir traumatique implique le travail sur ces deux dimensions
simultanément.
21. Le protocole des lettres

Le retraitement d’un souvenir traumatique ne portera donc pas uni-


quement sur l’événement choisi, mais impliquera une multitude de
ramifications relationnelles en lien avec celui-ci. S’il s’agit d’une
relation faite d’un attachement suffisamment bon, nous pouvons partir
du principe que la dose de traumatisation du lien accompagnant la
blessure individuelle n’est pas trop élevée, et le retraitement de ces
deux dimensions pourra se faire dans de bonnes conditions.
Si par contre un événement traumatique vient se greffer sur une relation
chargée d’une multitude d’événements négatifs, nous risquons d’activer
tous ces éléments associés lorsque nous ciblons ce trauma que nous
croyions si bien isolé. Ainsi, un événement apparemment simple peut
devenir le déclencheur d’un vaste ensemble de réseaux neuronaux
chargés en affect négatif non encore métabolisés. Plusieurs réseaux
traumatiques à forte charge émotionnelle qui s’activent en même temps
risquent de mener au mieux au blocage, au pire à une déstabilisation
majeure. Ces liens souffrants, au lieu de s’assainir, sont susceptibles
d’ouvrir la boîte de pandore précédemment évitée avec soin.
Outre la nécessité d’une stabilisation spécifiquement relationnelle
(Dellucci et Bertrand, 2012), notre premier objectif sera de cibler
les blessures relationnelles, avec l’espoir de voir s’assainir un certain
nombre de relations d’attachement, pour ensuite aborder les événements
traumatiques de manière plus sécurisée avec le protocole EMDR standard.

288
Aide-mémoire EMDR

Le protocole des lettres

À partir d’une stabilisation suffisamment établie, les blessures relation-


nelles peuvent être abordées spécifiquement à travers une lettre écrite
à un destinataire. Il est nécessaire que le patient puisse disposer d’un
contenant pour permettre le ciblage fractionné.

! L’écriture de la lettre
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C’est le patient qui écrit une lettre à la personne avec laquelle il y a un
lien à assainir. Le thérapeute invite le patient à écrire :
– comme si le destinataire (cible) pourrait tout comprendre, tout
entendre, même si dans la réalité cela n’est pas vrai ;

21. Le protocole des lettres


– sans se censurer : avec les mots qui viennent droit du cœur, jusqu’au
sentiment d’avoir écrit tout ce qu’il avait à dire.

L’écriture de la lettre peut se faire comme une tâche entre deux séances,
ou juste avant la séance, voire en séance pendant un temps restreint
(10 min). Cette lettre ne sera bien sûr pas envoyée, elle servira come
une base de travail pour le retraitement.
Certains patients, rien que l’idée d’écrire une lettre à une personne
importante, suscite une peur bloquante, même s’ils ne remettent pas
en question l’utilité de cette démarche. Cette peur pourra être abordée
avec un protocole EMDR standard, hors trauma, c’est à dire en confinant
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tous les événements traumatiques du passé dans le contenant. Cette


peur, même si elle a pu être intense, constitue une petite cible, qui
sera rapidement retraitée, ce qui ouvrira la voie au travail sur la cible
relationnelle.

! Le protocole des lettres en 8 étapes


1. Vérifiez le lieu sûr :
les images reviennent-elles facilement ?
est-ce que se projeter dans le lieu sûr apaise le corps ?
le lieu sûr reste-t-il sûr d’une séance à l’autre ?
Vérifier le signal Stop, la position des chaises, le choix des SBA, la
bonne distance, la motivation de travailler toujours sur cette relation.

289
Aide-mémoire EMDR

2. Rendez-vous prédictible en expliquant la procédure1 :


« Je vous demanderai de lire votre lettre à voix haute. Dès qu’il y
aura une émotion ou une sensation corporelle qui émergera, nous
arrêterons la lecture, et je vous propose de faire des stimulations
bilatérales, en suivant ce qui se passe dans le corps, jusqu’à ce que
tout soit à nouveau calme.
À ce moment, je vous demanderai de revenir à votre lettre, à la phrase
avant celle qui a déclenché l’émotion, et vous pourrez continuer à lire,
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jusqu’à la prochaine émotion, et alors nous referons des stimulations.
Nous allons parcourir ainsi la lettre jusqu’à la fin.
Il se peut que je vous interrompe pour vous demander ce que vous
ressentez. Je vous demanderai toujours de localiser ce que vous
ressentez dans le corps.
Quand toute la lettre sera lue, je vous proposerai de revenir au début
21. Le protocole des lettres

et de la relire d’un trait, comme un scanner du corps, c’est-à-dire en


faisant très attention à ce que vous ressentez dans votre corps, juste
pour voir si nous n’avons rien oublié. Est-ce que ça va ? » (S’assurer
de la compréhension et de l’accord du patient).
3. Explorez s’il y a déjà une émotion/sensation avant la lecture à voix
haute : « Avant de commencer à lire, ressentez-vous déjà quelque
chose ? »
Si oui : commencez les SBA, vous êtes déjà à l’étape 4 ;
Si non : demandez au patient de commencer la lecture.
4. Pendant que le patient lit son texte à voix haute, le thérapeute est
attentif à sa dimension non-verbale, pour identifier tout changement
indiquant qu’une émotion mériterait d’être retraitée. Cela peut
provenir d’indications visuelles, d’un changement de voix, ou bien
d’un contenu particulier.
Dès qu’une émotion ou une sensation corporelle se manifeste :
demandez au patient de localiser la perturbation dans son corps
et de centrer son attention sur cet endroit, et faites des SBA.
Suivez la chaîne associative et les changements dans le corps en
continuant des séries de SBA, jusqu’en fin de canal : deux éléments
neutres ou positifs et le corps du patient qui est calme.

1. Tout ce qui est noté en italique peut être lu tel quel par le praticien.

290
Aide-mémoire EMDR

5. Demandez au patient de revenir à la phrase avant celle qui a déclenché


l’émotion, et demandez-lui de continuer la lecture à voix haute.
Il est intéressant d’attirer l’attention du patient sur le changement
qui se produit à l’endroit où auparavant il y a eu une émergence
émotionnelle, en lui demandant : « et maintenant, qu’est-ce que vous
notez ? » Le patient a ainsi l’opportunité de constater que ce qui
était problématique avant ne l’est plus maintenant : cela l’aide à
construire une histoire à petits succès et à en prendre conscience.
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6. Répétez les étapes 3 à 5 jusqu’à ce que toute la lettre soit parcourue.
7. Scanner du corps : « Fermez les yeux. Concentrez-vous sur le desti-
nataire et votre lettre, et passez en revue mentalement votre corps
en entier, de la tête aux pieds. Si vous remarquez une sensation
inhabituelle, dites-le moi. »

21. Le protocole des lettres


Si une sensation est rapportée, faites une série de SBA. Si la sensation
est positive ou confortable, faites une série de SBA pour renforcer
la sensation positive. Si la sensation signalée est inconfortable,
retraitez jusqu’à ce que l’inconfort diminue.
Ensuite, demandez au patient de relire la lettre en restant en lien
avec son corps : « veuillez relire la lettre, en vérifiant avec votre corps
si tout est en ordre, que nous n’avons rien oublié. »
S’il n’y a pas d’autre matériel qui émerge, le travail sur cette cible
relationnelle est terminé.
8. Clôture : félicitez la personne, et clôturez la séance comme d’habitude
en EMDR.
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Clôture d’une séance où le travail de la lettre n’est pas terminé :


demandez au patient de marquer l’endroit de la lettre où la lecture
s’arrête, en lui assurant que vous allez continuer à la prochaine
séance.
Demandez au patient de « mettre dans le contenant tout ce qui n’est
pas fini d’être traité », puis demandez-lui « de faire un tour dans
son lieu sûr » jusqu’à ce que vous remarquiez que son corps est
complètement apaisé.
Finissez ensuite la clôture comme d’habitude, en demandant au
patient ce qu’il a appris ou gagné de ce travail. Cela invite à faire
une synthèse du travail accompli et permet au patient de se projeter
dans l’entre-deux séances, éventuellement avec un micro-objectif,

291
Aide-mémoire EMDR

qui soit suffisamment petit, pas trop coûteux, et qui va en direction


de ses souhaits.

! La réévaluation

À la séance suivante, faites une réévaluation comme d’habitude en EMDR.


Veuillez explorer :
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– comment le patient est rentré après la dernière séance ?
– s’il y a eu une déstabilisation ou bien le patient est-il resté stable ?
– en cas de déstabilisation, explorez comment le patient est arrivé à se
restabiliser ;
– évaluez si vous pouvez continuer avec le travail sur la lettre, ou s’il est
nécessaire de centrer le travail sur une peur émergeante, une émotion
21. Le protocole des lettres

prépondérante ou si du matériel dissociatif émerge qui mériterait


qu’on s’y arrête ;
– s’il y a eu des changements, et si oui : veuillez explorer en détail
comment le patient a réussi à les mettre en œuvre. Cela renforcera
son autonomie ;
– veuillez évaluer les changements dans la relation avec le destinataire
de la lettre ;
– notez d’autres éléments, prises de conscience, rêves, cauchemars...

! Reprise d’une séance incomplète


Veuillez retourner à l’endroit marqué dans la lettre, et reprenez au
paragraphe précédent.
Dans certains cas il peut s’avérer utile, de retourner au début de la
lettre. La personne en relisant cette section pourra se rendre compte du
changement par rapport à la séance précédente.
En général, dès que la personne aborde la section pas encore abordée,
des émotions réémergent et le travail de retraitement peut continuer.
Le travail sur une lettre peut prendre plusieurs séances, surtout s’il s’agit
de lettres fondamentales, c’est-à-dire des écrits envers les personnes
les plus importantes, comme les parents, les membres de la fratrie, un
conjoint de longue date.

292
Aide-mémoire EMDR

! Après le retraitement, que devient la lettre ?


Une fois le travail de retraitement terminé, c’est le patient qui choisit
de faire avec sa lettre ce qui a le plus de sens pour lui.
Certains patients déchirent la lettre et souhaitent la jeter, d’autres
la laissent dans leur dossier, ou la rangent dans un endroit précis
choisi avec soin. Il arrive que le patient décide d’envoyer sa lettre au
destinataire. Parfois des patients ont ajouté un rituel particulier à la
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fin de la lettre : la brûler, l’enterrer dans un coin du jardin, l’emmener
sur la tombe d’un être cher, en faire un masque en papier mâché. Dans
notre approche thérapeutique, nous n’intervenons ni dans le choix, ni
dans la mise en œuvre de ce qui est fait avec la lettre. Il s’agit d’une
démarche autonome du patient, qui constitue parfois la première action
d’une relation assainie.

21. Le protocole des lettres


! La lettre du futur (Yvonne Dolan)
La lettre du futur est un écrit particulier, mise au point par Yvonne Dolan
(1991/1996) dans lequel le patient est invité à se projeter dans un futur
souhaité, libre de la problématique pour laquelle il est venu consulter.
Fréquemment utilisé dans le champ des thérapies centrées solutions
(De Shazer, 1985 ; De Shazer et Dolan, 2007/2009), cette technique
thérapeutique s’apparente à la question miracle. Dans notre champ des
thérapies centrées compétences, proches du modèle de Bruges (Isabaert
et Cabié, 1997 ; Isebaert, Cabié et Dellucci, 2015) et particulièrement en
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psychotraumatologie (Dellucci, 2014), nous utilisons ce type de lettre


lorsqu’il y a des blocages, ou si le patient est spontanément plus orienté
vers un futur souhaité que de regarder dans le passé.
C’est Yvonne Dolan elle-même qui a suggéré l’utilisation de SBA pour
retraiter ce type de lettre. Concrètement, le thérapeute demande au
patient :
– de choisir une date précise dans le futur ;
– de choisir une personne concrète à qui écrire et qui se réjouira de
bonnes nouvelles du patient ;
– de se projeter à la date choisie ;
– et de décrire sa vie au moment où tous les problèmes pour lesquels il
a consulté auront disparu. Il sera important de décrire sa situation de

293
Aide-mémoire EMDR

manière détaillée et concrète, avec les circonstances environnantes,


les sentiments, les pensées, etc.

Le patient peut décrire son cheminement, mais ce n’est pas nécessaire.


Cela reste une possibilité intéressante, même si la plupart des patients
que nous rencontrons en psychotraumatologie n’ont pas d’idée du chemin
à parcourir.
La suite du protocole de la lettre du futur se fait selon les 8 étapes
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décrites plus haut.

Différents types de lettres


21. Le protocole des lettres

Le critère central pour ce travail relationnel est la motivation du patient


à réfléchir sur son lien à l’égard d’une personne. Peu importe la nature
du lien ou la disponibilité du destinataire. La consigne donnée est
conditionnelle : « comme si le destinataire pouvait tout entendre, tout
comprendre, même si dans la réalité, ce n’est pas vrai. » Cette injonction,
qui semble paradoxale reflète la nature de la dynamique relationnelle.
Ainsi, le patient peut écrire à une personne défunte, un membre de
la famille qu’il n’a jamais connu, mais dont il perçoit l’influence, (par
exemple un grand-père décédé avant la naissance du père et qui a
manqué à toute la famille).
Le patient peut écrire à un groupe de personnes, (par exemple une lettre
aux femmes de sa famille, ou bien à une institution). Ce qui compte
est de produire un écrit qui donnera accès à la dimension émotionnelle
implicite, avec le but d’assainir cette relation d’attachement.
Il est possible d’utiliser le protocole des lettres en supervision, où le
thérapeute est invité à écrire à son patient. Bien entendu, cette lettre
n’est pas destinée à être partagée avec le patient.
Dans le travail avec les personnes souffrant de trauma complexes, il
est possible d’écrire à une version de soi plus jeune, à un bébé avorté,
jusqu’à permettre à des réseaux dissociatifs bien différenciés, d’écrire
et de se faire entendre. Quelle que soit la forme du texte, nous avons
confiance dans le fait que le patient va choisir les mots justes, dans

294
Aide-mémoire EMDR

l’ordre juste, et la séquence des phrases qui correspondent à son niveau


d’intégration actuel.
Parfois des personnes ne peuvent pas écrire, et choisissent un texte qui
leur parle, ou bien les mots d’une chanson qui les touche. Ce matériel
peut tenir lieu de lettre.
Avec des personnes illettrées, Marie Pierre Combaz s’est prêtée à écrire
une lettre dictée par la personne, en grandes lettres, pour ensuite
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appliquer le protocole de la lettre avec succès. En travaillant en milieu
carcéral avec une population peu encline à l’écriture, Nathalie Gimenez
a eu la bonne idée de demander à ses patients de choisir un morceau de
musique qui correspond à la relation avec de destinataire. Ce morceau
de musique choisi est écouté et retraité en suivant la procédure du
protocole des lettres.

21. Le protocole des lettres


La personne peut écrire dans une langue que le thérapeute ne comprend
pas. Cela ne pose aucun frein au travail d’assainissement de cette
relation d’attachement.

Pourquoi soigner les blessures du lien


spécifiquement ?

Distinguer la blessure du lien et la blessure propre dans un trauma


est pertinent (Steele et Steele, 2003) et nous permet d’aborder
spécifiquement la dimension d’attachement. La relation ainsi visée
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n’est pas faite que de blessures, le lien avec les ressources peut dès lors
se faire au rythme du retraitement des émotions négatives. Le protocole
des lettres, en suivant une approche par petits pas, c’est-à-dire ligne
par ligne, constitue une méthode douce, qui contrairement au protocole
EMDR standard, n’active pas le réseau traumatique là où ça fait le plus
mal.
Une réflexion qui nous paraît intéressante est la distinction de deux types
de mémoire, proposée par Brewin dans sa théorie de la représentation
double (Brewin, Dalgleish et Joseph, 1996 ; Brewin, 2001). L’auteur
décrit une « mémoire accessible verbalement, » représentant l’accès
explicite et autobiographique, avec une possibilité de situer un
événement dans le temps et l’espace, et une « mémoire accessible

295
Aide-mémoire EMDR

de manière situationnelle », sous-corticale, contenant les fragments


perceptuels, les sensations corporelles, les émotions non accessibles
consciemment, sans lien avec la mémoire autobiographique et avec une
impossibilité de situer l’événement dans le temps et l’espace. Cette
distinction nous permet de postuler que le protocole des lettres pourrait
relier ces deux types de mémoire dans le travail de retraitement. Le
patient, en écrivant sa lettre, utilise sa mémoire accessible verbalement,
sémantique et autobiographique. Le travail avec les SBA sur ce texte
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permet d’accéder et retraiter les émotions, sensations, images et autres
fragments perceptuels « entre les lignes ». Ainsi nous pouvons affirmer
que le protocole des lettres, comme le protocole EMDR standard permet
de relier ces deux types de mémoires, avec la spécificité ici, de focaliser
le retraitement sur la dimension de l’attachement.
Nous avons observé que dans la plupart des cas ce travail de retraitement
21. Le protocole des lettres

avec le protocole des lettres s’est fait sans déstabilisation iatrogène.

Le protocole des lettres, en permettant d’aborder la dimension de l’attachement,


constitue une possibilité non négligeable pour retraiter les blessures relationnelles
si fréquentes. Sans se substituer au protocole EMDR standard, nécessaire pour
aborder les événements traumatiques, le protocole des lettres par sa méthodologie
progressive permet de cheminer avec les capacités intégratives du patient. Des
liens qui s’assainissent contribuent à la stabilisation du patient, qui peut alors plus
facilement aborder les situations traumatiques dans de bonnes conditions. Même
si des recherches sont nécessaires pour étayer ces propos, nous pouvons affirmer
que l’absence de déstabilisation observée cliniquement permet de considérer le
protocole des lettres comme une méthode douce, qui ne perd rien de son efficacité.

296
Aide-mémoire EMDR

Bibliographie

BREWIN CR. (2001). « A cognitive neu- DE SHAZER S. (1985). Keys to solution in


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Satas.
BREWIN CR., DALGLEISH, T., JOSEPH, S.
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DELLUCCI H. (2014). « Psychotraumato- ton. ,NY : The Haworth Press. Pour la
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21. Le protocole des lettres


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Collage de la Famille Symbolique et ISEBAERT, L., CABIÉ, M.C., (1997). Pour une
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pour constituer un lien d’attachement
et une identité en lien avec les valeurs ISEBAERT, L., CABIÉ, M.C., DELLUCCI H.,
existentielles », Thérapie Familiale, 33, 4, (2015). Alliance thérapeutique et thé-
337-355. rapies brèves. Editions Erès

DOLAN YM. (1991). Resolving Sexual STEELE H., STEELE M., (2003). « Clini-
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française (1996) Guérir de l’abus sexuel lytic process. London : Whurr (pp. 107
et revivre. Bruxelles : Satas. – 126).

297
Aide-mémoire EMDR

22
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LA BOÎTE DE VITESSES

22. La Boîte de Vitesses


Modèle Bi-Axial pour un traitement EMDR intégratif dans la
prise en charge de Traumatismes Complexes et Chroniques

Hélène Dellucci, Gabrielle Bouvier, Marie Jo Brennstuhl


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Les personnes souffrant de traumatismes complexes et chroniques nécessitent un


aménagement du traitement dans la thérapie EMDR. Les nombreuses amnésies,
une faible tolérance à l’affect, les difficultés à verbaliser, les ruptures dissociatives
mènent à des anamnèses incomplètes qui perturbent la création du plan de
traitement.
La stabilisation, déjà primordiale dans le cadre de TSPT simple, est ici incontournable
et nécessite une attention continue.
Pourtant, l’utilisation de la thérapie EMDR est d’une pertinence et qu’une qualité
remarquable dans ce type de problématique, dont il serait dommage de se priver.
Il s’agit alors de structurer le traitement EMDR en proposant une hiérarchie
d’intervention en fonction des phénomènes émergeants afin de s’adapter aux
besoins du patient, tout en continuant de travailler de manière rigoureuse, structurée
et sécurisée. En partant de la métaphore d’un voyage en pays inconnu, miné, ☞

299
Aide-mémoire EMDR

☞ incertain, dans lequel il s’agit d’avancer de manière sécurisée, cette structure de


traitement que nous avons appelé « Boîte de Vitesses » permet cette adaptation
constante du thérapeute et de la thérapie EMDR en fonction des conditions
climatiques et de la topographie rencontrée pendant la psychothérapie.

Stratégies de traitement en cas de traumatismes


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complexes et chroniques

! Spécificités du traumatisme complexe


Les personnes souffrant de traumatismes complexes et chroniques pré-
sentent des spécificités qui nécessitent un aménagement du traitement
en psychotraumatologie. En effet, l’approche en trois temps permettant
22. La Boîte de Vitesses

de cibler les souvenirs du passé en premier lieu, puis de neutraliser


les déclencheurs du présent, avant d’aborder les scénarios du futur est
certes une procédure efficace, mais grandement difficile à suivre chez
des patients donc les traumatismes ou même les problématiques ne
peuvent être clairement définis.
Dans le cadre de traumatisme complexe, il s’agit de prendre en
considération que l’inscription traumatique s’est souvent faite depuis le
plus jeune âge. Tout le mode de fonctionnement de l’individu est alors
organisé autour de ces expériences précoces, qui ont façonné sa manière
d’être au monde. Il n’est alors pas question de travailler sur des com-
portements dysfonctionnels, mais sur tout un mode de fonctionnement
dysfonctionnel devenu symptomatique et problématique.
Le tableau clinique s’additionne souvent de problématiques d’atta-
chement insécure, le plus souvent désorganisé (Liotti, 1999), de
blessures relationnelles, venant perturber l’alliance thérapeutique. La
dimension transgénérationnelle, les mémoires traumatiques préverbales,
les épisodes dissociatifs, les amnésies, sont autant d’éléments qui
viennent compliquer l’élaboration des plans de traitement et plans de
ciblage.

300
Aide-mémoire EMDR

Les ressources et les capacités d’adaptation des patients sont souvent


faibles et la souffrance ressentie peut rapidement amener à de l’évite-
ment, une baisse de la motivation, un arrêt prématuré du traitement ou
l’augmentation des pensées auto-agressives ou suicidaires.
Les précautions prises avant le début du traitement doivent être à la
mesure de la souffrance éprouvée par le patient. Réussir à installer une
relation thérapeutique de confiance, dans laquelle la personne se sent
en sécurité est déjà un défi et une victoire en soi, mais constitue pour
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autant une étape initiale incontournable.

! Techniques d’oscillation1
Les techniques d’oscillation (Levine, 1997 ; Twombly, 2000 ; Fine
& Berkowitz, 2001 ; Knipe, 2009) amènent une première stratégie
pertinente à la prise en charge des personnes souffrant de traumatisme

22. La Boîte de Vitesses


complexe. Elles permettent de construire une attention double, et
suffisamment d’accès aux ressources, essentiels au travail de retraitement
de l’information.
Il s’agit dans un premier temps d’installer une ressource et ensuite
de la maintenir active au cours du processus de désensibilisation et
de retraitement. Des allers-retours – une oscillation – successifs entre
l’activation d’un ou plusieurs ressources et l’activation contrôlée du
réseau dysfonctionnel permettent un retraitement progressif et sécurisé.
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! Protocole inversé2
L’utilisation du protocole inversé (Hofmann, 2009), en inversant l’ordre
de ciblage classique en EMDR, propose de remonter le fil du réseau
dysfonctionnel en débutant par la dimension du futur. Il s’agit alors de
conserver l’approche en trois temps, tout en n’abordant les souvenirs
du passé qu’en dernière intention, lorsque les appréhensions du futur et
les déclencheurs du présent ont déjà pu être suffisamment neutralisés
et la vie quotidienne et les symptômes stabilisés.

1. Pour plus d’informations, consultez le chapitre 26 « Techniques d’oscillation,


construire une attention double ».
2. Pour plus d’informations, consultez le chapitre 27 « Le protocole inversé ».

301
Aide-mémoire EMDR

Cette pratique permet de travailler en premier lieu les peurs et pensées


bloquantes, de faire une première immersion dans le protocole EMDR en
centrant le travail de confrontation sur des contenus non traumatiques
et d’installer ainsi de bonnes conditions à la poursuite du travail.

! Remise à zéro des émotions


Il peut parfois être compliqué pour les patients de passer du traitement
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des peurs et scénarios du futur, aux déclencheurs du présent, de par
leur lien plus direct avec les souvenirs du passé.
Certains patients, qui ont une faible tolérance à l’affect, ont développé
une difficulté d’accéder et de ressentir certaines émotions tout en restant
dans la fenêtre de tolérance, comme si les réseaux émotionnels innés,
qui étaient à l’origine des ressources selon Allan Schore (1994), se
22. La Boîte de Vitesses

retrouvaient pollués par des expériences de vie négatives, pas forcément


que traumatiques.
Pour les patients dont il faut reconstruire la tolérance à l’affect, Katie
O’Shea (2009a) a mis au point un ciblage directement sur l’émotion,
avec un travail de retraitement hors trauma. Ces derniers sont placés
dans un contenant, pour ainsi dépolluer les circuits émotionnels et
restaurer leur dimension ressource. Ce protocole, appelé « remise à
zéro des émotions » (O’Shea, 2009a), est une méthode de préparation
efficace au traitement de cibles spécifiques et traumatiques.

! Protocole des empreintes précoces1


L’histoire traumatique des personnes souffrant de traumatismes com-
plexes et chroniques prend son essor très tôt et remonte souvent à
la période préverbale. Ces empreintes précoces ne sont bien sûr pas
sans conséquence sur le vécu de l’individu et le retraitement de ces
mémoires préverbales amène des résultats surprenants : plus assertives,
les personnes sont davantage en lien avec leurs besoins, leur estime de
soi est améliorée et les attachements davantage sécurisés.

1. Pour plus d’informations, consultez le chapitre 20 « Le protocole des empreintes


précoces ».

302
Aide-mémoire EMDR

À l’aide d’une procédure EMDR simplifiée (sans cognition) (O’Shea,


2009b), ce travail est aussi simple que doux et efficace et favorise la
transition vers le travail des traumatismes du passé.

! Protocole des lettres1


– La majorité des traumatismes dont souffrent les patients traumatisés
complexes sont d’ordre relationnels. Cela a pour conséquence, que lors-
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qu’un souvenir traumatique ou un déclencheur sont ciblés, s’activent
dans la plupart des cas deux cibles : l’événement ou la situation avec le
déclencheur et au moins une, sinon plusieurs blessures relationnelles
(la surprise devant un comportement négatif inattendu, la trahison
ressentie, le défaut de réparation ou de protection, ...).
– Si les blessures relationnelles au sein d’un lien sont nombreuses, tout
ce matériel peut se réactiver, et avec lui l’impuissance et le désespoir

22. La Boîte de Vitesses


associés. Nous pouvons remédier à cela en ne ciblant que la dimension
relationnelle dans un premier temps, à travers un protocole doux, qui
respecte les capacités d’intégration : le protocole des lettres (Dellucci,
2009, 2017).
– Le patient est invité à écrire une lettre, et ce matériel sera retraité
avec les stimulations bilatérales. Le résultat de cette approche est
un assainissement de la relation, ce qui rend le travail sur les
situations traumatiques plus facile, étant donné qu’une partie du
réseau traumatique a déjà pu être retraitée.
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La Boîte de Vitesses : une structure de traitement


integrative

La Boîte de Vitesses est née d’un effort d’intégration de ces différentes


approches dans une structure de traitement progressive. Ce modèle de
traitement est constitué en deux axes, un axe émotionnel et un axe
du lien. L’axe émotionnel nécessite que le patient soit en mesure de
ressentir des émotions, pour que les différentes dimensions puissent

1. Pour plus d’informations, consultez le chapitre 21 « Le protocole des lettres ».

303
Aide-mémoire EMDR

être ciblées. Si tel n’est pas le cas, il est préconisé d’avancer sur l’axe
du lien.

Axe émotionnel Axe du lien

• Retracement dés appréhensions du


Vitesse 1 futur, peur émergeantes, scénarios • Environnement immédiat
catastrophes. Relations
• Famille d’origine
avec autrui • Traumatismes transgénérationnels
• Remise à zéro des émotions
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Vitesse 2 et des sensations désagréables.

• Le trabvail avec les États du Moi


• Retraitement des empreintes Relations et les Parties Dissociatives
Vitesse 3 précoces. • LeTravail avec les Figures
avec soi-même
Symboliques

• Retraitement des déclencheurs


Vitesse 4 du présent.

Relations • La lettre d’influence


• Retracement des événements • Supervision
thérapeutique
22. La Boîte de Vitesses

Vitesse 5 traumatiques du passé. • Intervision

Figure 22.1. La Boîte de Vitesses : Modèle bi-axial d’intervention

! Avant tout ciblage EMDR : la stabilisation


Au-delà de l’installation d’une relation thérapeutique soutenante et
sécurisante pour le patient, la stabilisation comprend plusieurs niveaux :
– Stabilisation neuro-végétative : il s’agit pour le patient de retrouver
un corps apaisé, au début le plus souvent avec l’aide du thérapeute,
avec un système physiologique équilibré. Des exercices d’ancrage
et d’orientation, des stratégies de respiration, parfois une aide
médicamenteuse seront nécessaires.
– Stabilisation psychologique consiste à pouvoir stopper les intrusions
en mettant de côté ce qui ne peut être abordé dans l’immédiat,
notamment avec l’exercice du contenant et à installer des ressources
comme le lieu sûr. C’est aussi ici que le patient apprendra des stratégies
pour s’apaiser lui-même efficacement. Ici l’exploration des ressources,
des bons souvenirs, des activités stabilisatrices a aussi toute sa place.
– La stabilisation relationnelle concerne avant tout l’entourage
du patient. Est-ce que celui-ci est suffisamment entouré de liens

304
Aide-mémoire EMDR

constructifs, est-il en mesure de demander de l’aide, d’en recevoir ?


Parfois la stabilisation relationnelle prend du temps à acquérir, surtout
avec des patients sous emprise, ou lorsqu’ils évoluent actuellement
au sein d’attachements nocifs. Pour des patients instables dans cette
dimension relationnelle, nous préconiserons d’avancer avant tout sur
l’axe du lien que nous décrirons plus loin.

Outre l’activation des ressources et la création d’un lien thérapeutique


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soutenant, la pierre angulaire d’une stabilisation réussie sera d’apaiser
le corps du patient, afin de rencontrer son besoin de sécurité dans l’ici
et maintenant. Ce sentiment de sécurité ressentie sera évalué à l’aide
de l’échelle suivante : « de 1, qui signifie que je ne me sens pas du tout
en sécurité ici dans ce lieu avec ce thérapeute, à 10, qui signifie je me
sens complètement en sécurité dans ce lieu avec ce thérapeute, à combien
estimez-vous votre sécurité maintenant ? »

22. La Boîte de Vitesses


Tant que le patient ne se sent pas suffisamment en sécurité, que la
valeur sur l’échelle de sécurité reste en dessous de 5, il est nécessaire
de continuer la stabilisation en centrant les efforts du thérapeute avant
tout sur le confort physiologique du patient.

! Boîte de Vitesses – axe émotionnel


Les différents niveaux de ciblage nécessitent que le patient puisse se
connecter et ressentir une activation, sans avoir besoin d’avoir recours
à des processus dissociatifs. Il s’agit alors de pouvoir adapter notre
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

vitesse de traitement face à ce qui émerge à chaque séance, voire au


sein d’une même séance : nous pouvons rétrograder si nécessaire, et
accélérer dès que ce sera possible !

Vitesse 1 : désensibiliser de peurs irrationnelles du futur,


du présent, de scénarios catastrophes

« Y a-t-il une peur qui pourrait nous empêcher de travailler sur ce que
nous avons choisi ? »
Évaluer et retraiter les peurs qui émergent et qui risquent de bloquer le
processus.
Permet de dépasser l’évitement et d’amoindrir le risque de blocages.

305
Aide-mémoire EMDR

Permet de rendre explicite et de normaliser ce qui aurait pu être tu par


le patient. Le patient se sent entendu et respecté

Vitesse 2 : remettre à zéro des émotions


et des sensations physiques

« Lorsque vous pensez à (par exemple) la colère, qu’est-ce qui vous


vient ? »
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« Lorsque vous ressentez (par exemple) ce sentiment de vide, qu’est-ce
qui vous vient ? »
Seule l’émotion ou la sensation corporelle problématique est ciblée.
Pour cette remise à zéro des émotions, si le praticien craint d’activer un
nombre trop important de réseaux dysfonctionnels, il est conseillé de
commencer le travail EMDR sans cognitions en phase 3. Cependant, il
22. La Boîte de Vitesses

est néanmoins souhaitable, lorsque l’émotion retraitée arrive à un SUD


= 0, de continuer par une phase 5 (installation de la cognition positive)
jusqu’à VOC = 7 : « Lorsque vous pensez à la colère, qu’aimeriez-vous dire
de vous-même maintenant ? », et de compléter par un scanner corporel
(phase 6).
Si du matériel traumatique émerge, celui-ci est à nouveau confiné dans
le contenant
Permet de restaurer une tolérance à l’affect.
L’émotion devient une ressource et non plus une entrave.

Vitesse 3 : retraiter les empreintes précoces

Cible les périodes préverbales : la vie fœtale, la période autour de la


naissance, la période 0-3 ans
Procédure EMDR sans cognitions en phase 3, avec définition d’une
cognition positive lors de la phase d’installation, suivie du scanner
corporel pour chaque phase ciblée.
Consolide le socle des expériences fondatrices de la personne.

Vitesse 4 : désensibiliser et retraiter des déclencheurs

Cible les déclencheurs du présent apparaissant dans la vie quotidienne.

306
Aide-mémoire EMDR

Vitesse 5 : désensibiliser et retraiter les souvenirs du passé


Cible les souvenirs du passé.
Choisir l’ordre de traitement (source ou plus récent) en fonction des
capacités intégratives du patient : il va être moins confrontant d’aborder
d’abord des souvenirs plus récents avant de retraiter des souvenirs de
l’enfance.
Chaque ciblage, en fonction du degré de fragilité du patient, pourra être
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effectué soit par un protocole EMDR standard, soit avec un protocole
standard sans cognitions en phase 3, ou encore si c’est nécessaire, par
une technique d’oscillation entre une ressource et le matériel ciblé.

! Application clinique de l’axe émotionnel


L’objectif dans cette structure de traitement n’est pas d’accélérer et de

22. La Boîte de Vitesses


passer progressivement de la vitesse 0 à 5, mais de rester au plus près
du matériel émergeant, et de l’aborder en toute sécurité, permettant
ainsi au patient de faire l’expérience de l’efficacité et de la rapidité de
l’approche EMDR.
L’EMDR est ainsi adapté aux exigences des patients complexes, qui
vivent avec une certaine dose d’imprévisibilité quant à ce qui peut
émerger et d’appréhender celle-ci sans déstabilisation, dans de bonnes
conditions. Si le matériel ciblé est trop confrontant, le praticien EMDR
peut rétrograder et réduire la cible, de façon à ce que le processus n’ait
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pas à subir de blocage. À l’inverse, si le patient est prêt et motivé à


aborder un souvenir plus confrontant, cela est possible également, au
vu de ce qui vient d’être décrit.
L’objectif justement est de pouvoir rétrograder et accélérer à mesure
que le patient progresse ou que le processus se bloque.
Il est donc possible et recommandé, dès qu’il est nécessaire dans le
processus de retraitement, de revenir à une vitesse inférieure afin
de stabiliser, augmenter les ressources, remettre à zéro une émotion,
travailler une pensée bloquante... ou d’accélérer vers une vitesse
supérieure, en fonction de l’évolution et des besoins du patient.
À la réévaluation de chaque séance, il est possible que du matériel
imprévu émerge. L’adaptation de la bonne vitesse se fait à travers le

307
Aide-mémoire EMDR

schéma décisionnel que nous avons appelé « feuille de route » (cf.


Figure 22.2). À travers cette navigation sur l’axe émotionnel se dessine
la hiérarchie des bifurcations possibles. Si rien ne bloque, alors patient
et thérapeute avancent selon la cible négociée ensemble.
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22. La Boîte de Vitesses

Figure 22.2. Feuille de route : Naviguer dans la Boîte de Vitesses

! Boîte de Vitesses – axe du lien


Nous le savons, la dimension de l’attachement est primordiale dans le
cadre des traumatismes complexes et chroniques. À travers le traitement
via la Boîte de Vitesses, il apparaît que le cadre sécure et sécurisant est
un véritable vecteur d’amélioration de la problématique de la personne.
C’est parmi les patients les plus blessés, qu’apparaissent les liens les plus
problématiques, qui sont autant de cibles qui s’ajoutent au quotidien.
Ces patients, instables sur le plan relationnel, peuvent retrouver une
stabilité relative, si ces liens sont abordés en dehors des événements

308
Aide-mémoire EMDR

du passé, ceci avec un protocole doux, sans risque de déstabilisation :


le protocole des lettres 1 (Dellucci, 2009 ; 2017).
La navigation selon l’axe du lien est aussi privilégiée auprès des
personnes qui ont peu ou pas d’accès à leurs émotions ou à leurs
souvenirs. Certains patients dissociatifs qui n’ont plus de lien avec
leur corps, leurs émotions, leurs sensations ou leurs souvenirs du passé
ont d’autant plus de difficultés à construire une relation thérapeutique
suffisamment soutenante, lorsque toute bienveillance est perçue comme
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un précurseur d’abus ou comme une insulte.
L’axe du lien comporte trois dimensions fondamentales :
– la relation à l’autre ;
– la relation à soi ;
– la relation thérapeutique.

22. La Boîte de Vitesses


La première dimension relationnelle à considérer alors celle de la relation
à l’autre (entourage immédiat, famille d’origine, etc.). Il s’agit dans un
premier temps d’assainir ces relations avec les personnes faisant partie
du quotidien, à l’aide du protocole des lettres.
Ce premier travail va permettre de faire émerger le ressenti émotionnel
et de désensibiliser l’affect émergeant progressivement.
Chez les patients dissociatifs, aborder la relation à l’autre peut faire
émerger des états dissociatifs internes. Dès que ces derniers apparaissent,
il est important de les prendre en compte et d’aider le patient à dépasser
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l’hostilité et la phobie envers ces parties de lui-même. Il s’agit alors


d’établir des liens constructifs internes, en s’appuyant au besoin sur
l’installation de figures symboliques imaginaires afin de potentialiser
les ressources d’attachement.
Avec les patients souffrant de troubles post-traumatiques complexes et
dissociatifs, il arrive régulièrement que le thérapeute se retrouve dans
une situation où il ressent de l’impuissance, l’impression d’être coincé,
avec un patient qui semble ne pas avancer...

1. Pour plus d’informations, consultez le chapitre 21 « Le protocole des lettres ».

309
Aide-mémoire EMDR

Le thérapeute, au-delà d’un risque de traumatisation vicariante1 , peut


ainsi rencontrer ses propres taches aveugles, qui risquent de mettre à
rude épreuve sa propre fenêtre de tolérance. Si tel est le cas, et que
la réflexion en supervision ne permet pas de trouver des pistes plus
confortables, nous invitons le thérapeute à un travail de retraitement
sur ce qui le met en difficulté dans le lien à son patient.
S’il s’agit d’un événement particulier qui a laissé des traces d’une
traumatisation vicariante, le thérapeute peut être soulagé au moyen
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d’un protocole standard EMDR, et retrouve ainsi sa fonction contenante
et soutenante envers le patient.
Si la souffrance est plus diffuse et plus floue, alors nous invitons le
thérapeute à avoir recours au protocole des lettres sur une lettre qu’il
écrira au patient. Cette lettre, bien sûr, ne servira qu’au travail de
retraitement chez le thérapeute, elle n’est jamais donnée au patient. Le
22. La Boîte de Vitesses

fait que le thérapeute puisse se mettre au travail aura un effet bénéfique


sur lui-même et amène toujours des changements importants chez le
patient, laissant à penser l’influence du thérapeute sur le patient avec
lequel il partage ce lien si particulier.
Lorsque les liens d’attachement sont suffisamment balisés et que l’axe
du lien se stabilise, il est alors possible d’entamer le travail sur l’axe
émotionnel dans de bonnes conditions.

Il est possible d’aider les patients souffrant de traumatismes complexes et


chroniques en amenant des adaptations de l’EMDR, pour que cette approche
psychotraumatologique puisse être efficace sans effets délétères.
Disposer d’une structure de traitement comme la Boîte de Vitesses permet de
hiérarchiser et d’adapter le ciblage en fonction du matériel émergeant et ainsi
de suivre le cheminement des patients, sans se perdre, avec la devise « aussi
rapidement que possible, aussi lentement que nécessaire ».
Le résultat est un processus dynamique qui ni ne dérape, ni ne stagne, sans
blocages, avec des ajustements dans lequel patient et thérapeute coopèrent pour
adapter le degré d’exposition à ce qui est possible. Cela produit de la motivation et ☞

1. Pour plus d’informations, consultez le chapitre 14 « EMDR et vicariance du


psychotraumatisme ».

310
Aide-mémoire EMDR

☞ une participation active chez le patient, une multitude de possibilités d’articuler le


Traitement Adaptatif de l’Information pour le thérapeute.

Bibliographie

DELLUCCI, H. (2009). EMDR Letters. Papier LEVINE, P. (1997). Waking the tiger. Hea-
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311
Aide-mémoire EMDR

23
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LES TECHNIQUES D’OSCILLATION

23. Les techniques d’oscillation


Construire une attention double

Hélène Dellucci et Marie Jo Brennstuhl


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Initialement, les techniques d’oscillation ont fait leur apparition dans le cadre de
la prise en charge EMDR avec des patients souffrant de traumatismes complexes.
Ce processus fractionné permet une approche graduelle du réseau traumatique
afin de construire l’attention double nécessaire au retraitement de l’information
suffisamment intégré.

Méthode de confrontation douce

Les techniques d’oscillation permettent une confrontation « douce »


aux événements traumatiques et perturbants. À l’inverse du protocole
standard en EMDR où la phase 3 consiste à activer tous les éléments du
réseau neuronal dysfonctionnel (image, cognition, sensation), il s’agit

313
Aide-mémoire EMDR

dans le cas des techniques d’oscillation de n’activer qu’une partie du


réseau neuronal, suffisante pour démarrer le retraitement sans susciter de
blocage. L’objectif étant de rester en lien avec les ressources du patient,
tout en activant progressivement le réseau neuronal dysfonctionnel, où
il s’agit alors d’opérer des
allers-retours entre ressources et matériel négatif. Le temps d’exposition
au matériel traumatique est donc réduit et limité, permettant ainsi
de maintenir le patient dans sa fenêtre de tolérance en lien avec ses
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capacités d’intégration.
Les techniques d’oscillation sont également utiles et pertinentes chez les
patients qui n’arrivent pas à maintenir une attention double, inhérente
à la désensibilisation et au retraitement en EMDR.
23. Les techniques d’oscillation

Par évitement, par dissociation, ou par absorption dans le souvenir


traumatique, le patient peut perdre le contact avec le souvenir ou l’ici et
maintenant, bloquant ainsi le traitement, voire prenant le risque d’une
re-traumatisation.

Attention double

L’attention double est la capacité à rester un pied dans le présent, un


pied dans le passé. Il s’agit de pouvoir connecter l’événement du passé,
ses émotions, ses sensations et les images et pensées en lien avec ce
souvenir, tout en restant connecté au présent, dans l’ici et maintenant
avec le thérapeute.
C’est cette attention double qui va permettre le travail de désensibilisa-
tion et de retraitement.
Cela permet effectivement au patient de créer de nouveaux réseaux
de mémoires fonctionnels, en mettant en lien le matériel traumatique
avec les ressources et des sensations d’apaisement qui se vivent dans
le présent, ainsi que de nouvelles prises de conscience, mise en sens,
compréhension et perspectives d’action émergeantes. En général, le
patient arrive spontanément, en fin de canal, à s’apaiser tout en
associant la cible abordée avec du matériel positif. Lorsque cette mise
en lien avec les ressources fait défaut, que le corps ne s’apaise pas,
les techniques d’oscillation vont amener artificiellement à des fins de

314
Aide-mémoire EMDR

canaux, le but étant de permettre au patient d’expérimenter un certain


contrôle par rapport à l’expérience initialement vécue comme hors
contrôle et menaçante.
Les techniques d’oscillation permettent alors, en construisant cette
attention double, à apprendre au système de l’individu qu’une confron-
tation brève et mesurée au matériel traumatique peut se passer dans de
bonnes conditions.
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Techniques d’oscillation

Différentes techniques d’oscillation existent et s’intègrent très aisément

23. Les techniques d’oscillation


à la thérapie EMDR.

! « Somatic Experiencing »
Par son approche du Somatic Experiencing, Peter Levine (1997/2008 ;
2010/2014) construit la stabilisation par l’exploration et la prise de
conscience de sensations corporelles, neutres ou positives, à travers des
exercices d’ancrage, invitant ainsi le patient, par sa proprioception, à
entrer en lien avec son corps stabilisé dans l’ici et maintenant.
La confrontation à un souvenir négatif se fera alors après avoir
suffisamment installé un contenu positif (image, expérience, sensation
physique, partie du corps ressentie comme positive...) pour se centrer
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ensuite sur le contenu négatif (image, expérience, sensation physique,


partie du corps...) du même ordre.
L’oscillation s’opère entre le matériel positif et le matériel négatif, tout
d’abord dans un parfait contraste, puis progressivement la mise en
lien permet une contamination des contenus négatifs par des contenus
positifs.

! L’oscillation au service de l’EMDR


L’utilisation des Stimulations Bilatérales Alternées (SBA) est également
une aide précieuse dans les techniques d’oscillation. Joanne Twombly
(2000) propose d’osciller entre la confrontation au traumatisme, et le
retour dans lieu thérapeutique sécurisé, tout en y ajoutant des SBA.

315
Aide-mémoire EMDR

En partant du lieu thérapeutique sécurisé, le patient est bien ancré dans


le présent avec des SBA, pour ensuite aborder le réseau traumatique
par petites touches, tout en utilisant les SBA également pour la
désensibilisation. Le patient sera ramené au lieu thérapeutique chaque
fois qu’il sera nécessaire, tout en continuant les SBA.

! « Wreathing Protocol »
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L’alliance de l’hypnose et l’EMDR a permis à Catherine Fine et Berkowitz
(2001) de proposer le Wreathing Protocol1 (Fine & Berkowitz, 2001).
Cette technique d’oscillation, en utilisant des SBA, consiste à aborder
des aspects fractionnés d’une situation au présent, et tout en l’apaisant,
d’aller activer des aspects analogues d’événements du passé.
23. Les techniques d’oscillation

Il est alors possible, en s’inspirant de cette technique, d’installer une


ressource spécifique, liée à l’expérience traumatique, afin de créer un
contraste important avec le thème du trauma. Dans le cadre d’un deuil
par exemple, la ressource pourrait être un bon moment passé avec la
personne disparue.
L’idée d’allier un événement positif qui propose un contraste avec la
cible nous paraît particulièrement intéressante pour aider le patient à
se décentrer de l’effet omniprésent de l’événement traumatique et lui
permettre l’accès à ses ressources.

! Protocole des 4 champs ou IGTP


Le Protocole des 4 champs ou IGTP2 compte aussi parmi les méthodes
de confrontation douce (Jarero et al., 2006 ; Artigas et al., 2009). Il
a été mis au point d’abord pour les enfants, mais avec le recul de la
pratique en psychotraumatologie, il s’avère particulièrement utile aussi
pour les adultes.
Le travail avec les 4 champs débute par un dessin apaisant, le lieu
sûr (1er champ), qui restera présent tout au long du processus de

1. « Wreathing Protocol » : Protocole « entrelacé / enchevêtré ».


2. Pour plus d’informations, consultez le chapitre 36 sur la technique des quatre
champs.

316
Aide-mémoire EMDR

confrontation, soit parce qu’il se trouve sur la même page, soit parce
qu’il pourra être posé à proximité pendant le travail sur le trauma (2e et
3e champs). Ainsi le recours régulier au lieu sûr permet implicitement
une oscillation entre une ressource et le matériel négatif. Le dessin de
résolution (4e champ) montre souvent des similitudes avec le dessin
apaisant.
Au-delà des possibilités d’oscillation que ce processus permet, l’utilisa-
tion du corps par le fait même de dessiner fonctionne comme un ancrage,
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favorisant ainsi un travail plus intégratif.

! Protocole des lettres

23. Les techniques d’oscillation


Le protocole des Lettres1 (Dellucci, 2009, 2017) est avant tout préconisé
pour retraiter des cibles d’ordre relationnelles. Il ne s’agit pas à
proprement parler d’une méthode d’oscillation, même s’il reste toujours
possible de stopper le processus de retraitement centré sur le matériel
perturbant et de revenir vers une ressource.
À partir d’un texte écrit par le patient, que celui-ci lit à voix haute,
toute émergence émotionnelle et/ou sensorielle est accompagnée par
des SBA jusqu’à ce que le corps soit tout à fait apaisé, ce qui en termes
de contenu correspond en général à des fins de canal. Le travail avec
les lettres amène dans la majorité des cas à des canaux courts.
Ne pas cibler le réseau traumatique au cœur de la douleur, mais suivre
le cheminement d’un écrit décidé par le patient en fait une méthode de
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confrontation douce. Cette logique de désensibilisation par petits bouts


est la même que celle que proposent les techniques d’oscillation.

! Technique de l’éponge
La technique de l’éponge2 (Hofmann, 2009 ; Kiessling, 2009) peut
également être considérée comme une aide à la construction de
l’attention double.

1. Pour plus d’informations, consultez le chapitre 21 « Le protocole des lettres ».


2. Pour plus d’informations, consultez le chapitre 3 « Lieu sûr/lieu calme et installation
de ressources ».

317
Aide-mémoire EMDR

L’oscillation entre du matériel positif et négatif est assurée, avec la


particularité que le processus démarre avec l’évaluation d’une situation
ou d’une cible stressante, pour ensuite consacrer la majorité du temps à
l’installation de trois ressources, un peu comme une réponse originale
au problème posé. À la fin de cette installation, la cible est à nouveau
évaluée pour constater généralement une diminution du SUD.
Même si à l’origine, la technique de l’éponge a surtout été développée
pour l’installation de ressources au préalable à la confrontation
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traumatique ou pour répondre à une situation stressante actuelle, il
est possible, à tout moment, de bifurquer au cours du retraitement
traumatique pour aller vers une installation de ressources, notamment si
le patient risque de sortir de la fenêtre de tolérance, ou si le retraitement
23. Les techniques d’oscillation

se bloque en raison d’un évitement.

Focus sur le CIPOS

Le CIPOS (Constant Installation of Present Orientation and Safety) a


été proposé par Jim Knipe (2009 ; 2014) et permet comme son nom
l’indique, l’installation constante de l’orientation et du sentiment de
sécurité dans le présent.
À l’instar de la proposition de Twombly (2000), il s’agit de ramener
régulièrement le patient dans le lieu de la thérapie, accompagné d’un
sentiment de sécurité qui sera installé à l’aide de SBA.
Le protocole CIPOS est agrémenté d’une échelle d’évaluation « du fond
du crâne » (la « back of the head scale »), qui est une échelle analogique
dont les pôles se situent entre « complètement dans ma tête / pas du
tout ici » et « tout à fait ici dans la pièce avec le thérapeute ».
Cette mesure originale permet de rester au plus près de l’expérience
du patient et implique ce dernier dans l’évaluation du processus
thérapeutique.
Lorsque le patient est suffisamment dans le présent (et non pas « au
fond du crâne » !), le réseau traumatique est prudemment abordé à
travers de courtes séquences de confrontation.

318
Aide-mémoire EMDR

Le temps de confrontation est toujours négocié par avance avec le


patient et scrupuleusement respecté par le thérapeute. Pour les premiers
essais d’oscillation, Knipe (2009, 2014) propose des temps entre 2 à 10
secondes. Si tout se passe bien, la période de confrontation est allongée
pour les essais suivants.
Le processus d’oscillation entre la présence dans le lieu de thérapie et
la confrontation au trauma est ainsi répété jusqu’à ce que le patient ait
acquis la capacité « d’émerger d’un état du Moi traumatique, pour revenir
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à une orientation dans un ici et maintenant sécurisé » (Knipe, 2014).
Lorsque le patient est en mesure de maintenir une attention double,
il est alors possible d’introduire des SBA lors de la confrontation au
matériel traumatique.

23. Les techniques d’oscillation


Le CIPOS en 10 étapes
1. Obtenez la pleine permission du patient pour travailler en toute sécurité sur un
contenu hautement perturbant.
2. Évaluez le degré de sécurité ressentie par le patient dans le bureau du thérapeute
3. Renforcez l’orientation dans le présent par des exercices d’ancrage et d’orientation
en utilisant des SBA
4. Évaluez l’orientation présente à travers la « back of the head scale » (échelle du
fond du crâne). Lorsque la personne est suffisamment présente, le travail sur le
traumatisme peut commencer
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5. 2 à 10 secondes de confrontation au trauma (pas de SBA à ce stade)


6. Répétez les étapes 3 à 5, quatre fois
7. 2 à 20 secondes de confrontation au trauma (pas de SBA à ce stade)
8. Répétez les étapes 3, 4 et 7 autant de fois que nécessaire
9. Lorsque l’attention double peut être complètement maintenue pendant plus de
20 secondes, la confrontation traumatique peut aussi être faite avec des SBA
10.Ensuite, il est possible de continuer la désensibilisation par le protocole EMDR
standard

319
Aide-mémoire EMDR

Que retenir ?

Quelle que soit la méthode d’oscillation choisie, nous aimerions centrer


notre propos sur la nécessité de construire, pour le patient, un processus
sur mesure, en fonction de ses ressources, de l’accès qu’il peut y avoir,
de ses capacités d’attention double, et de la charge traumatique du
réseau choisi.
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• Étape 1 : le thérapeute explique le processus d’oscillation au patient
et négocie avec lui un temps de confrontation. Il s’assure de sa
capacité à utiliser le signal STOP.
• Étape 2 : la ressource (lieu sûr, ancrage dans le corps, orientation
dans l’ici et maintenant sécurisé du lieu de thérapie, souvenir positif,
23. Les techniques d’oscillation

ressource préalablement installée, figure de soutien...) est rappelée et


renforcée avec des SBA, jusqu’à ce que le corps soit tout à fait apaisé.
• Étape 3 : la cible (traumatisme du passé, déclencheur, peur...) est
abordée de manière succincte. Ici, pas de questionnement en phase 3
car celle-ci est trop longue. Le patient est invité à penser au contenu
négatif pendant le temps négocié. Le thérapeute peut compter à
rebours. Il est primordial de respecter le temps défini. Des SBA
peuvent être ajoutées si le patient les supporte. Si le temps négocié
comporte plusieurs minutes, plusieurs sets peuvent être effectués.
La longueur de cette étape dépend de la cible abordée et de l’état
de fonctionnalité du patient. Plus ce dernier est fragile, plus cette
période de confrontation doit être courte dans un premier temps.
• Étape 4 : retour à la ressource jusqu’à ce que le corps soit à nouveau
complètement apaisé.
• Étape 5 : évaluation du processus des étapes 2, 3 et 4 par le patient
et le thérapeute. En fonction de celle-ci, un autre round est alors mis
en œuvre.
• Étape 6 : rounds successifs : Refaire les étapes 3 à 5.

Ce processus d’oscillation est mis en œuvre pendant le temps de


confrontation prévu au cours de la séance. À la fin de ce processus, il est
utile de prévoir le temps nécessaire à une clôture de séance incomplète.
La réévaluation (phase 8) aura lieu en début de séance suivante.

320
Aide-mémoire EMDR

L’attention double est un préalable incontournable au retraitement réussi de toute


cible, qu’il s’agisse d’un trauma du passé, d’un déclencheur, d’une crainte actuelle
ou dans le futur. C’est ainsi que le patient peut se maintenir dans sa fenêtre de
tolérance et avoir accès à ses ressources, lui permettant d’atteindre des « fin de
canal » et l’ouverture vers une résolution.
Lorsque l’attention double fait défaut, celle-ci peut être construite ou renforcée
grâce aux techniques d’oscillation. Les « fin de canal » ainsi provoqués de manière
artificielle permettent alors au patient et à son système neurovégétatif de faire de
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bonnes expériences, contrôlées et sécures.
Les techniques d’oscillation permettent un processus de retraitement fractionné
et un cheminement progressif vers la reconsolidation d’un réseau mnésique plus
fonctionnel. La douceur ainsi mise en œuvre ne ralentit en rien le processus
thérapeutique, bien au contraire. C’est en allant doucement que le tandem patient

23. Les techniques d’oscillation


thérapeute avance le plus vite.

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Aide-mémoire EMDR

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Pour la traduction française : (2008) treatment of clients with dissociative iden-
Réveiller le tigre. Guérir le traumatisme. tity disorder. Journal of Trauma and Disso-
Editions Socrate. ciation, 1, 61-81.
23. Les techniques d’oscillation

322
Aide-mémoire EMDR

24
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LE PROTOCOLE INVERSÉ

24. Le protocole inversé


Adapter l’EMDR aux personnes instables
et souffrant de TSPT complexe

Hélène Dellucci et Marie Jo Brennstuhl


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L’utilisation et l’intérêt de la thérapie EMDR dans le cadre du traitement du Trouble


de Stress Post-Traumatique sont bien établis. L’application du protocole standard
EMDR permet des résultats toujours plus étonnants.
Le caractère intégratif et procédural de ce protocole ne le rend pas pour autant
rigide. L’adaptation du protocole standard EMDR permet de répondre aux difficultés
cliniques que les thérapeutes peuvent rencontrer face à des personnes instables,
souffrant de TSPT complexe.
En complément d’une stabilisation et d’une alliance thérapeutique renforcée,
l’utilisation du protocole inversé est tout à fait adaptée afin de maintenir la rigueur
de l’utilisation d’un protocole en trois temps, tout en étant moins confrontant et en
prenant moins de risques de déstabilisation ou de sortie de la fenêtre de tolérance.

323
Aide-mémoire EMDR

Du Stress Aigu au Traumatisme Complexe

! La réaction de Stress Aigu

La réaction de Stress Aigu ou État de Stress Aigu (ESA) correspond


à la réaction immédiate déclenchée suite au vécu d’un événement
potentiellement traumatique. Les symptômes d’un TSPT sont vus comme
des réactions normales et adaptées face à une situation négative
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anormale. Ceux-ci s’estompent généralement dans les semaines qui
suivent un événement difficile. Ce n’est que lorsque les réactions de
l’ESA dépassent les capacités d’adaptation et d’intégration du sujet que
cela devient problématique. Cette chronicisation au-delà de trois mois
peut amener à l’installation d’un Trouble de Stress Post-Traumatique
(TSPT) et c’est alors que nous parlerons de traumatisme.
24. Le protocole inversé

! Le Trouble de Stress Post-Traumatique (TSPT)


Le Trouble de Stress Post-Traumatique (TSPT) ou traumatisme « simple »
peut être diagnostiqué dès lors que les réactions et symptômes
réactionnels à un événement persistent au-delà de trois mois. Ce type
de trouble et réaction à un événement traumatique intervient suite à
un événement unique qui fait irruption dans la vie de l’individu, sans
séquelles post-traumatiques au préalable.
Ce type d’événement répond très bien et très rapidement au protocole
standard EMDR, ou aux protocoles d’événements récents si cela est mis
en place dans le timing imparti.

! Les traumatismes multiples


Bien évidemment, il peut subvenir plusieurs événements traumatiques
dans l’histoire de vie de l’individu. Si ces expériences n’ont pas de lien
entre elles et ne provoquent pas de troubles de l’attachement, nous
pouvons les qualifier de traumatismes multiples. Plusieurs TSPT peuvent
donc être retrouvés dans l’anamnèse sans pour autant que nous puissions
évoquer un traumatisme complexe.

324
Aide-mémoire EMDR

Généralement ces types de traumatismes répondent très bien au


protocole standard EMDR et donnent lieu à différents plans de ciblage
(par exemple accident de voiture, licenciement, maladie grave...).

! Les Traumatismes Complexes


Le diagnostic de traumatisme complexe intervient lorsque les événements
traumatiques ont été répétés, souvent de même nature et sont
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venus structurer des blessures du lien et des blessures traumatiques
profondes. Il s’agit souvent de traumatismes intervenus dès l’enfance
ou l’adolescence, mais les traumatismes répétés à l’âge adulte entrent
également dans cette catégorie (par exemple violences conjugales...).
Le tableau clinique est souvent moins visible que pour le TSPT,
car les symptômes post-traumatiques sont noyés dans des troubles
comorbides mis en place pour essayer de faire face (troubles du

24. Le protocole inversé


comportement alimentaire, addictions, troubles anxieux ou compulsifs,
automutilations...).

! Les Troubles Dissociatifs


Dans les cas où les événements traumatiques ont débuté dès le plus
jeune âge et ont particulièrement touché les figures d’attachement, des
symptômes de dissociation viennent complexifier un tableau déjà bien
complexe. Des phénomènes de déréalisation, de dépersonnalisation,
d’amnésie et de mauvaise tolérance à l’affect, perturbent fortement
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la prise en charge psychothérapeutique et l’application d’un protocole


EMDR standard classique en trois temps, où sont retraités d’abord le
souvenir source, les souvenirs du passé, puis les déclencheurs et ensuite
les scénarios du futur.

Protocole EMDR standard « inversé »

Arne Hofmann (2005) a eu l’excellente idée d’inverser les trois temps


du protocole EMDR classique, pour permettre aux patients souffrant de
traumatisations complexes et chroniques, de bénéficier de l’efficacité
du protocole EMDR, sans risque de blocages ou de déstabilisation. Le

325
Aide-mémoire EMDR

but de sa démarche est de permettre d’améliorer la vie quotidienne des


patients, pour ensuite aller aborder progressivement les événements du
passé, du plus récent au plus précoce.

! EMDR Phase 1 : spécificités des traumatismes complexes


Le temps d’anamnèse inhérent à tout début de psychothérapie s’avère
éminemment bouleversé face à des patients souffrant de traumatismes
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complexes. Le recueil de l’histoire est souvent lacunaire en raison des
zones d’amnésie, d’une honte à révéler ou de mécanismes d’habituation
qui ne permettent plus de voir comme problématique des habitudes
prises (par exemple l’auto-mutilation, l’hyperphagie, des comportements
addictifs...). Il est alors difficile d’identifier des problématiques précises
et d’établir un plan de ciblage complet.
24. Le protocole inversé

L’évitement fait que certains souvenirs, parfois innommables, sont trop


difficiles d’accès et génèrent des peurs dès lors qu’il devient nécessaire
de les cibler, et ce malgré la volonté des patients, désireux d’avancer. Les
mécanismes de défense dissociatifs ou phobiques viennent également
complexifier la prise en charge des troubles et amener un sentiment
d’impuissance et d’échec, qui risquent de provoquer un abandon de la
thérapie.
L’anamnèse comportera ainsi une exploration minutieuse des ressources,
en termes de bons souvenirs, de personnes constructives dans l’entou-
rage, d’activités stabilisatrices, de capacités à se protéger, du patient.
Ainsi, pourra-t-il petit à petit se définir comme un survivant, au-delà
des multiples dysfonctionnements desquels il souhaite s’affranchir ?

! EMDR Phase 2 : stabilisation et préparation au processus


de retraitement

Durant la phase de préparation, un temps important et spécifique sera


utilisé afin de s’assurer une stabilisation et une sécurité du patient,
avant même de pouvoir aborder une sélection des cibles à traiter.
La stabilisation des patients complexes nécessite de prendre le temps
d’installer une relation thérapeutique, au sein de laquelle le patient
se sent reconnu et soutenu par un thérapeute qu’il perçoit solide et

326
Aide-mémoire EMDR

bienveillant. Au fur et à mesure du recueil de l’histoire peuvent émerger


des peurs des défis dans la vie quotidienne, qui méritent d’être entendus
et traités sans attendre.
Le but de la stabilisation, au-delà de la relation thérapeutique, est de
permettre au patient de s’apaiser efficacement lui-même, de mettre de
côté les intrusions et d’augmenter la tolérance à l’affect.
L’utilisation du protocole Inversé prend ici tout son sens car l’inversion
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de l’ordre des cibles permet d’aborder les soucis de la vie quotidienne,
sans toucher au trauma dans un premier temps :
– commencer par aborder les peurs et anticipations du futur et du
présent ;
– traiter les déclencheurs de la vie quotidienne ;
– aborder le passé en commençant par les événements récents ;

24. Le protocole inversé


– finalement traiter les événements du passé lointain.

Cette stratégie de traitement inversé permet une réduction des symp-


tômes immédiats et une amélioration de la vie quotidienne. C’est une
aide précieuse à la stabilisation des affects du présent qui vont permettre
également une première initiation à l’utilisation de l’EMDR, mais aussi et
surtout d’augmenter la confiance et le lien thérapeutique, de redonner
un sentiment de contrôle et d’efficacité au patient et d’améliorer son
estime de lui-même.
Il s’agit de respecter au mieux la fenêtre de tolérance du patient et
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

d’éviter une exposition traumatique trop rapidement ou trop brutale-


ment.
Ces éléments seront nécessaires à la poursuite du travail vers des cibles
plus confrontantes.

! EMDR Phases 3 à 8 : protocole standard


en ordre de ciblage inversé

Situations futures et peurs bloquantes


Dans le protocole inversé, il est possible d’aborder des peurs bloquantes
et des situations futures anxiogènes de plusieurs façons. Avec des
patients bien fonctionnels, il est possible de mener un protocole EMDR

327
Aide-mémoire EMDR

standard de la phase 3 à la phase 8, en veillant à travailler « hors


trauma » (Dellucci, 2016, 2017), c’est-à-dire en mettant de côté les
traumas et n’aborder que cette peur émergeante et les associations qui
y sont liées. Tout matériel traumatique venant s’inviter est replacé dans
le contenant.
Une autre façon de diminuer les peurs bloquantes et les scénarios
catastrophes faisant obstacle à la poursuite du travail, serait de procéder
par une installation de ressources, à l’aide des techniques d’absorption
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ou « technique de l’éponge »1 (Hoffmann, 2009 ; Kiessling, 2009).
Il s’agit ici de venir diminuer les peurs émergeantes dans la vie
quotidienne, tout en donnant confiance au patient en la thérapie et
envers le thérapeute.
Il est donc primordial ici de mêler stabilisation et augmentation
des ressources avec le travail sur du matériel perturbant mais non
24. Le protocole inversé

traumatique.

Déclencheurs de la vie quotidienne

Les déclencheurs de la vie quotidienne ne peuvent être désensibilisés


de la même manière que lors du protocole EMDR standard classique. Les
événements du passé n’ont pas encore été travaillés, le réseau neuronal
dysfonctionnel impliqué est donc toujours actif.
Il s’agira alors d’utiliser des méthodes d’oscillation et de stabilisation
afin de diminuer l’impact de ces déclencheurs sur la vie quotidienne.
La technique du CIPOS2 (Knipe, 2009, 2014) est ici privilégiée. Il s’agit
de mettre en place un processus qui permette au patient de gagner
en contrôle, sans évitement, tout en lui permettant d’apprendre ou de
maintenir son attention double, nécessaire pour le travail sur les cibles
ultérieures.
Les déclencheurs de la vie quotidienne permettent une diminution des
symptômes et une stabilisation des affects. Cette amélioration permet

1. Pour plus d’informations, consultez le chapitre 3 « Lieu sûr/lieu calme et installation


de ressources ».
2. Pour plus d’informations, consultez le chapitre 23 « Les techniques d’oscillation ».

328
Aide-mémoire EMDR

de diminuer l’envahissement des symptômes dans le quotidien, même si


le problème de fond n’est pas réglé.
Les ressources et capacités d’auto-régulation sont améliorées et vont
permettre d’aborder les événements du passé, tout en se maintenant
dans la fenêtre de tolérance.

Évaluation de la stabilité
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Avant de passer à la désensibilisation et au retraitement des événements
du passé, il est important de passer par une phase d’évaluation.

Évaluation de la stabilité (Hoffmann, 2009, 2014)


TEST DE LA VIE DE TOUS LES JOURS :
« Est-ce que la personne est capable d’assumer les tâches de la vie quotidienne ? »

24. Le protocole inversé


TEST DU LIEU SÛR :
« Est-ce que le lieu sûr peut être installé facilement et la personne peut-elle s’apaiser
efficacement entre les séances ? »

TEST DES SBA :


« Est-ce que la personne supporte les SBA ? »

TEST DE L’ANAMNESE :
« Est-ce que la personne est en mesure de parler de son histoire sans basculer
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

malgré elle dans le trauma ? »

Si les 4 conditions de stabilité sont réunies, la personne peut être


suffisamment stable et en sécurité pour aborder les événements du
passé.

Événements du passé
Les événements du passé seront retraités également dans l’ordre inverse :
du plus récent au plus ancien. Il est également possible et privilégié
de commencer par les traumatismes secondaires, les événements moins
confrontants et les moins perturbants et d’avancer au fur et à mesure
vers les événements du passé plus lointains et plus difficiles.

329
Aide-mémoire EMDR

Le retraitement des événements du passé se fera conformément aux


phases 3 à 8 du protocole EMDR standard, ou bien, en fonction de l’état
du patient, par l’utilisation d’une technique d’oscillation1 .
Il n’est pas rare que cette étape fasse émerger des peurs, ou des
déclencheurs, qui pourront être retraités comme décrit ci-avant, ou
nécessitent une installation de ressources2 . Le plus important sera que
le patient puisse avancer dans son cheminement thérapeutique tout
en restant dans sa fenêtre de tolérance, c’est-à-dire sans dépasser ses
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capacités d’intégration.

! Usages et limites du protocole inversé


Le processus du protocole EMDR standard Inversé n’est pas linéaire. Il
s’adapte à l’évolution et aux capacités du patient. Si cela va trop vite,
24. Le protocole inversé

il est nécessaire de revenir à des exercices de stabilisation et de venir


diminuer la charge émotionnelle émergeante ou les peurs et pensées
bloquantes.
Il est néanmoins important de comprendre qu’ici nous remontons le
courant à l’envers ! Il n’est donc pas possible d’être totalement affranchi
des déclencheurs actuels, tant que les événements du passé ne sont pas
travaillés. Ce qui est visé ici, est un apaisement suffisant des symptômes
de la vie quotidienne. Cela aura pour effet de faciliter le Traitement
Adaptatif de l’Information sur les réseaux mnésiques dysfonctionnels.
Dans ce type de prise en charge, l’accent est mis sur la sécurisation du
patient ainsi que l’activation ou la réactivation de ses ressources, de son
sentiment de contrôle, de son estime de soi. Ce cheminement permettra
de gagner en confiance envers le processus EMDR et le thérapeute, une
condition nécessaire au retraitement des cibles traumatiques.
Le protocole inversé fait aussi partie d’un modèle plus large de traitement
EMDR pour les patients souffrant de trauma complexes et de troubles
dissociatifs : le modèle bi-axial de traitement EMDR appelé « Boîte de
Vitesses3 » (Dellucci, 2017).

1. Voir le chapitre 23 « Les techniques d’oscillation ».


2. Voir le chapitre 3 « Lieu sûr/Lieu calme et installation de ressources ».
3. Pour plus d’informations, consultez le chapitre 22 « La Boîte de Vitesses ».

330
Aide-mémoire EMDR

L’inversion de l’approche EMDR standard en trois temps passé présent futur en une
approche futur présent passé, tout en conservant la rigueur de la pensée TAI s’avère
être une stratégie de traitement précieuse pour prendre en charge les traumatismes
complexes en EMDR.
Ce ciblage s’avère protecteur et soutenant, tout autant qu’efficace.
L’utilisation du Protocole Inversé nécessite l’utilisation et l’intégration de techniques
d’absorption, de stabilisation, d’oscillation dans le protocole standard EMDR pour
favoriser un retraitement efficace qui rime avec sécurité.
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Il s’agit d’un protocole très complet, structuré mais souple dans son utilisation, qui
permet de prendre en compte les peurs émergeantes, la diminution des symptômes
à travers les déclencheurs de la vie quotidienne, et l’abord en douceur et en sécurité
des cibles traumatiques du passé.

Bibliographie

24. Le protocole inversé


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331
Aide-mémoire EMDR

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24. Le protocole inversé

332
Aide-mémoire EMDR

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25. EMDR et trouble de la personnalité
EMDR ET TROUBLE DE LA PERSONNALITÉ

Un défi en psychothérapie

Emmanuel Augeraud

L’accompagnement des sujets présentant des troubles de la personnalité (TP) est


un défi pour le psychothérapeute. En effet, celui-ci est considéré comme difficile,
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long et complexe. Pourtant la psychothérapie en est le traitement central.


Dans la littérature médico-psychologique c’est surtout le trouble de la personnalité
borderline ou état limite qui fait l’objet de plus d’études avec des thérapies validées
cognitivo-comportementales et psychodynamiques (Cristea et al., 2017) comme :
• la thérapie comportementale dialectique de Linehan
• la thérapie cognitive de Beck
• la thérapie des schémas de Young
• la psychothérapie centrée sur le transfert de Kenberg
• la thérapie basée sur la mentalisation de Fonagy

À notre connaissance, en dehors de la thérapie des schémas et de la thérapie


cognitive il n’y a pas de recherche validée pour les autres TP. ☞

333
Aide-mémoire EMDR

☞ Quant à la thérapie EMDR, elle est indiquée pour les TP mais n’a pas fait l’objet
d’étude contrôlée.
Après un bref rappel sur ce que sont les TP en psychiatrie et leurs origines, ce chapitre
abordera comment l’EMDR peut contribuer à traiter ces troubles en s’appuyant
sur le modèle de Traitement Adaptatif de l’Information (TAI) ainsi que sur d’autres
modèles. Nous y adjoindrons des vignettes cliniques pour illustrer notre propos.
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les troubles de la personnalité
25. EMDR et trouble de la personnalité

L’observation attentive et prolongée d’une personne permet d’observer,


dans ses conduites, certaines tendances relativement systématiques à
penser, à ressentir et à agir, qui la caractérisent et en font une personne
unique, une personnalité, stable dans le temps, spécifique d’un individu
et structurée à l’âge adulte. Pour faire simple la personnalité normale d’un
sujet est l’association de son caractère (acquis par l’environnement et
l’expérience) et son tempérament (inné, biologique, génétique). Voyons
maintenant la définition des TP, leurs origines et une clarification
fonctionnelle utile pour la pratique psychothérapeutique EMDR.

! Définition
Le DSM-V (APA, 2013) définit les TP comme des modèles envahissants
(rigides et mal adaptés) d’instabilité des relations interpersonnelles, de
l’image de soi, des affects. Ces modèles commencent au début de l’âge
adulte et sont présents dans une variété de contextes (professionnel,
amical, familial, scolaire...). Ils sont stables dans le temps.
Il est important pour la suite de notre propos, de prendre en compte le
fait que cette définition sous-entend :
– une construction des troubles dans l’enfance ;
– un retentissement relationnel ;
– une souffrance psychique personnelle ;
– des traits égosyntoniques.

La prévalence élevée de ces troubles (9,1 % selon le DSM-V), leur


comorbidité très élevée, ainsi que leurs impacts très lourds sur

334
Aide-mémoire EMDR

l’adaptation et le fonctionnement psychosocial en font une priorité


de santé publique. Pourtant, ces troubles sont souvent exclus des études
car complexes et difficiles à traiter.

! Origine
Les facteurs génétiques sous-jacent à ces troubles n’ont pas encore été
identifiés par la recherche.
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Il n’en reste pas moins que ce sont les premières relations du nouveau-né
avec ses parents, sa mère le plus souvent, qui vont poser les bases

25. EMDR et trouble de la personnalité


de sa personnalité modifiée au cours de son développement par son
environnement relationnel (Sutter-Dallay, 2009). Bien entendu, toutes
perturbations d’attachement dans le développement de cet enfant en
devenir le rendront vulnérable à des troubles de la personnalité et autres
psychopathologies (Schore, 1994).
Il n’y a pas que les troubles de l’attachement qui peuvent modifier la
personnalité d’un individu. Il y a aussi les traumatismes, les négligences,
les carences et autres abus dans l’enfance (Felitti, 1994) ainsi que les
dysfonctions familiales dans son développement (Cohen, 2001).
Ainsi, il semble actuellement que l’origine « traumatique », entre autres,
des troubles de la personnalité fasse consensus. La psychothérapie EMDR
a donc sa place dans l’accompagnement des TP.
Certains auteurs EMDR (Mosquera et al., 2011) représentent l’origine
des troubles de la personnalité selon un graphique à trois cercles
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(cf. figure 25.1). Chaque cercle correspond à l’importance des facteurs


étiologiques du sujet atteint d’une personnalité pathologique. Il nous
semble important de reproduire ce type graphique car, issu de l’histoire
singulière de chaque patient, il peut servir de base psychoéducative et
il guide le psychothérapeute dans son programme de soin.

! Clarifications pour la pratique psychothérapeutique


Lorsqu’on parle de troubles de la personnalité avec le DSM, on n’a
qu’une description des caractéristiques comportementales manifestes
mais pas des caractéristiques plus subtiles, « dissimulées », comme leur
vulnérabilité. On peut ainsi représenter les TP selon la figure 25.2 avec
l’exemple de la personnalité narcissique.

335
Aide-mémoire EMDR

Traumatique
(maltraitance, sévices
et autres négligences précoces)

Biologique
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25. EMDR et trouble de la personnalité

Environnemental
(perturbations de l’attachement,
apprentissages dysfonctionnels)

Figure 25.1. Origines des troubles de la personnalité selon Mosquera et al., (2011)

Couches de défenses = symptômes DSM


• Objectifs
• Comportements « ouverts »
– « Grandiosité »
– Arrogance
– Rage
– Problèmes interpersonnels
Personnalité – ...
pathologique
Ex. personnalité
narcissique
Vulnérabilité
• Dissimulée
• Comportements « couverts »
– Sensibilité à la honte
– Introversion
– Inhibition et sujet à l’anxiété
– ...

Figure 25.2. Exemple de la personnalité narcissique au-delà du DSM-V

336
Aide-mémoire EMDR

Ainsi, si l’on ne se réfère qu’aux critères diagnostiques, il est compliqué


de « faire de l’EMDR » De plus, les symptômes DSM (cf. couches de
défenses de la figure 25.2) dissuadent souvent les psychothérapeutes
de les accompagner. Comment faire alors ? Une des réponses est une
conceptualisation psychopathologique de leurs symptômes manifestes
et subtiles en intégrant divers modèles et théories faisant consensus et
permettant le travail psychothérapeutique.
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Conceptualisation des troubles de la personnalité

25. EMDR et trouble de la personnalité


L’origine ainsi définie et l’analyse fonctionnelle des troubles de la
personnalité correspondent à l’arrière-plan théorique du modèle TAI
(Shapiro, 2001) et intègre aussi pour la conceptualisation :
– la théorie de l’attachement (Bowlby, 1982 ; Main, 1990) ;
– la théorie de la dissociation structurelle de la personnalité (Van der
Hart et al., 2006) ;
– le modèle des modes de schémas (Young, 2003).

À l’instar de Gonzalez & Mosquera (2012) nous pensons que ces théories
augmentent les potentialités du model TAI pour la conceptualisation, la
psychoéducation, l’utilisation des stratégies ainsi que leurs impacts pour
la thérapie EMDR. Nous allons expliquer pourquoi dans les paragraphes
suivants.
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Nous ne développerons néanmoins pas les deux théories puisqu’elles


intègrent les deux autres modèles pour la thérapie des TP.

! Le modèle TAI de Shapiro


En tant qu’approche psychothérapeutique, l’EMDR est basé sur le modèle
TAI (Shapiro, 2001). La compréhension de ce modèle permet :
– d’expliquer les phénomènes psychopathologiques des patients ;
– de guider la conceptualisation du cas et des procédures à mettre en
place ;
– de prédire les résultats du traitement ;

337
Aide-mémoire EMDR

Les présupposés à ce modèle inné et intrinsèque sont :


– que nos souvenirs sont stockés dans nos réseaux de neurones
cérébraux ;
– que ces souvenirs sont « traités » de manière fonctionnelle et
adaptative (par exemple un souvenir traumatique est traité pour
le rendre plus supportable) ;
– que les symptômes psychopathologiques sont quant à eux la consé-
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quence d’un traitement dysfonctionnel par nos réseaux de mémoire,
c’est-à-dire incapables de se connecter à des expériences positives et
25. EMDR et trouble de la personnalité

de donner au Soi (personnalité) une perspective déictique.

En effet, les traits de personnalité « normaux » caractéristiques et


habituels résultent d’expériences stockées de manière adaptée dans
nos réseaux neuronaux. Pour les personnalités pathologiques les
événements psychologiques (affects, pensées, images mentales...) et
réponses comportementales (défenses) caractéristiques sont rigidifiés.
Chacun d’eux provient d’expériences passées stockées de manière
dysfonctionnelle en réseau de mémoire. Dans le traitement EMDR chacune
de ces réponses est identifiée, ciblée à travers un souvenir et retraitée.
Gonzalez & Mosquera (2012) étendent le modèle de Shapiro en parlant
d’une part d’informations plutôt que de mémoires dysfonctionnelle-
ment stockées et d’autre part distinguent l’information extéroceptive
(traumatique) c’est-à-dire résultant de l’environnement de l’information
intéroceptive (défenses, phobies dissociatives et autres expériences dys-
fonctionnelles intrapsychiques) c’est-à-dire résultant de nos processus
mentaux.
Voyons comment le modèle des modes de schéma de Young peut s’y
intégrer et se confond avec le modèle TAI.

! Les modes de schémas de Young


La thérapie des schémas (Young, 2003) est centrée sur les notions de
schémas précoces inadaptés et de stratégies précoces qui sont à la
base de la construction de la personnalité et donc des troubles de la
personnalité.

338
Aide-mémoire EMDR

À partir de l’interaction entre tempérament, besoins affectifs fondamen-


taux relationnels (excès ou déficits), dont le besoin d’attachement, et
des expériences de vie précoces (traumatisations, victimisations et intro-
jections de personnes significatives (parentales ou non) s’engramment
des représentations mentales appelées schémas précoces concernant
soi-même et le monde.
Young a fait évoluer la thérapie des schémas pour traiter notamment
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les troubles de la personnalité vers la notion de modes de schémas ou
modes. Ceux-ci sont des états du moi ou facettes de la personnalité
séparées par une dissociation au sens de Janet et repris par Van der

25. EMDR et trouble de la personnalité


Hart dans la dissociation structurelle de la personnalité (Van der Hart
et al., 2006).
Young définit le mode comme un ensemble de schémas (vulnérabilité) et
ou de stratégies d’adaptation (défenses) à un moment donné, c’est-à-dire
un état émotionnel associé à un comportement et une pensée (cognition
négative en EMDR) latent, inconscient et déclenché par un événement
de la vie quotidienne du sujet ressemblant à un événement du passé.
On peut donc dire en terme TAI que le mode est un souvenir, ou
mieux une information, intéro- et extéroceptive (fait d’émotion, de
sensation, de cognition négative et de perception sensorielle (image)
dysfonctionnellement stockée dans un réseau neurobiologique.
Young distingue plusieurs modes :
– infantile caractérisé par une émotion (honte, colère, tristesse ou peur),
expression des systèmes émotionnels innés de Panksepp (1998). Ces
modes enfants correspondent à la vulnérabilité de la personnalité ;
– stratégique de défense ou d’adaptation (actions) que sont la fuite,
la sidération ou l’attaque (Porges, 2011) respectivement stratégies
précoces d’évitement, de soumission ou de compensation ;
– malveillant correspondant à des introjects de figures significatives
(parents le plus souvent). En raison des mécanismes de l’attachement
(Bowlby, 1969/1982), l’enfant « copie » le fonctionnement du donneur
de soins pour l’intégrer dans sa personnalité ;
– sain qui est le sujet normal dans son fonctionnement au travail, dans
ses relations interpersonnelles etc. C’est ce mode que le thérapeute
cherche à développer chez son patient.
– Modèle TAI et modes de schéma se superposent.
339
Aide-mémoire EMDR

EMDR des troubles de la personnalité

Le consensus actuel de l’accompagnement psychothérapeutique des cas


complexes souvent dissociés (dissociation structurelle secondaire ou
mode selon respectivement Van der Hart et al., 2006 et Young et al.,
2003) comme les patients présentant des troubles de la personnalité
est un traitement par étapes (Brown et al., 2008 ; Herman, 1992 ;
International Society for the Study of Trauma and Dissociation [ISSTD],
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2011).
Ces trois étapes seront en toile de fond du protocole EMDR que nous
25. EMDR et trouble de la personnalité

décrirons en y intégrant les adaptations nécessaires pour l’accompagne-


ment des troubles de la personnalité et l’illustrerons de cas cliniques.
Notons d’ores et déjà que :
– la thérapie des troubles de la personnalité débute toujours une
fois réalisée une conceptualisation individualisée des problèmes et
ressources du patient. Une bonne conceptualisation rendra l’EMDR
sûre et efficace. Nous utilisons pour cela le modèle des schémas
précoces et modes de Young tout en gardant comme fil conducteur le
modèle TAI de Shapiro. Dans ce chapitre nous ne développerons pas
la conceptualisation et le plan de traitement (phase 1 de la thérapie
EMDR) bien qu’indispensable, car sortant du cadre de ce chapitre. Ils
seront néanmoins décrits brièvement dans les vignettes cliniques
– les différentes interventions EMDR seront guidées en veillant à ce que
le patient puisse rester dans sa fenêtre de tolérance (Siegel, 1999)
pour éviter toute re-traumatisation ;
– les étapes 1 et 2 s’alternent ;
– l’étape 3 est incorporée tout au long de la thérapie ;
– la psychoéducation sous forme de questions de curiosité, sera
nécessaire tout au long du processus.

! Étape 1 : stabilisation
Cette étape correspond à la phase 2 du protocole EMDR.
Les objectifs de cette étape sont d’améliorer la fonctionnalité du patient
dans sa vie quotidienne et d’assurer sa sécurité notamment dans ses
relations interpersonnelles, et que le patient revienne en thérapie. Le

340
Aide-mémoire EMDR

travail quant à lui va consister à réduire ses symptômes, l’aider à réguler


ses émotions, d’élargir ses compétences surtout relationnelles. Il s’agit
donc de développer chez le patient des ressources réalistes et non
défensives.
Le thérapeute doit réaliser que le patient rejoue des modèles d’atta-
chements traumatiques et que ceux-ci seront activés lors des séances.
Quelle que soit son orientation, la relation thérapeutique visera un
attachement sécure.
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Nous utilisons entre autres la technique du « reparentage » (Young et

25. EMDR et trouble de la personnalité


al., 2003) pour activer à la fois les ressources du patient et rétablir
ces attachements sécures. Nous explorons les souvenirs positifs qui
apparaîtront dans le retraitement comme des ressources. Pour l’aider à
tolérer et réguler ses affects nous employons aussi des méthodes de
psychoéducation, de construction de compétence, de pleine conscience,
de travail sensori-moteur (Ogden et al., 2006), de protocoles EMDR
spécifiques comme le travail sur les phobies des parties dissociatives
(Gonzalez & Mosquera, 2012). La vignette clinique suivante décrit la
méthode.

Lisa
Lisa (L) présente un trouble de la personnalité état limite.
Nous avons établi la conceptualisation suivante :
• Un enfant vulnérable avec émotions : tristesse, peur et honte et schémas
d’imperfection, de carences affectives et de méfiance et abus acquis dans
un environnement familial dysfonctionnel
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• Un protecteur détaché avec des stratégies d’évitement comme abus de


substance, trouble du comportement alimentaire etc...

Après quelques mois de travail avec son adulte sain qui s’avère peu développé
et une hospitalisation pour sevrage de son trouble de l’usage de Tramadol°,
Lisa s’engage dans des études de psychologie. Après six mois sans nouvelles
du fait de ses études elle reprend contact et consulte dans un état d’angoisse
palpable.
... « Je suis paniquée, comme une sensation de perdre le contrôle »
Le thérapeute (T) cible cette sensation.
T : Vous ressentez ça où dans votre corps ?
L : J’ai peur partout.

341
Aide-mémoire EMDR

T observe un non verbal (NV) de frayeur, Lisa est figée. Après une technique
sensorimotrice, Lisa se sent plus apaisée, plus présente et dit : « J’ai un truc
qui me tourne dans la tête, je me laisse pas aller »
T : Restez en contact avec ce truc et SBA.
L : Il y a un autre truc dans mon corps.
T : Notez ça – SBA.
T observe L se plier en deux et L de dire : « j’ai mal au ventre » en posant sa
main sur son bas-ventre. T suppose une partie émotionnelle (Van der Hart et
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al., 2006) ou l’expression d’un mode enfant vulnérable (Young, 2003).
T aide L à retourner dans sa fenêtre de tolérance puis SBA. Tout à coup L lâche
25. EMDR et trouble de la personnalité

les poires de l’appareil de SBA et dit « ok, il y a un événement déclencheur :


j’ai frappé un mec de 120 kg qui voulait violer ma copine ».
L et T débriefent ce qui vient de se produire. T demande : « et votre douleur ?
».
L : Elle est là (NV congruent) .
SBA
L : La douleur persiste.
SBA
L : C’est dans le bas-ventre, c’est pas pour rien qu’elle est là.
SBA
L : J’ai peur de me retrouver enceinte.
SBA
L : C’est à la fois une peur et une envie. Dans son NV, L réfléchit et rajoute :
« Quand je couche avec un homme je le fais à la roulette Russe » (pas de
protection).
SBA, sa douleur augmente.
T : Qu’est-ce que veut dire cette douleur ? (Tissage)
SBA
L : C’est une protection, mon corps essaie de me protéger... toujours NV de
réflexion
...
Le reste de l’entretien consiste en un travail psychoéducatif sur ce qui s’est
passé en séance.

En résumé, cette étape doit permettre au thérapeute de voir au-delà


des symptômes DSM. Il doit aussi garder à l’esprit que les défenses
des patients seront très présentes, surtout au début. De plus, le

342
Aide-mémoire EMDR

modèle TAI guide ses interventions. Soit le patient a l’information


adaptative et le thérapeute peut alors faire de l’EMDR. Soit il n’a pas
cette information. Dans ce cas elle lui est apporté par d’autres outils
que l’EMDR comme la normalisation et la psychoéducation qui tisseront
le travail psychothérapeutique.

! Étape 2 : traitement du souvenir traumatique


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Même si le travail psychothérapeutique avec les troubles de la person-
nalité est un travail par étapes, celle-ci s’alterne avec la précédente.

25. EMDR et trouble de la personnalité


Cette étape correspond aux phases 3 à 8 du protocole EMDR. Elle ne
pourra être réalisée que si
– la relation thérapeutique est établie ;
– les principales défenses sont tombées ;
– le patient a acquis un certain sentiment de maîtrise, de contrôle et
de soin de soi.

Au cours de cette étape le protocole EMDR doit être adapté. Nous


résumons ces adaptations dans le tableau 25.1 et nous donnerons un
exemple clinique pour illustrer une stratégie, « la stratégie du bout du
doigt » (Gonzalez & Mosquera, 2012).
Tableau 25.1. Adaptations du protocole EMDR
dans le traitement des troubles de la personnalité
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Phases du
Adaptations
protocole EMDR
Le problème est celui des cognitions On peut faire sans cognition
négative (CN) et positive (CP) ou en tout cas ne pas insister.
Une cognition positive peut être découverte lors de la phase 4 et
proposée en phase 5.
Phase 3
Attention, la Cognition Positive ne doit pas être défensive (exemple
chez une personnalité dyssociale : je suis fort ; préférer : je peux me
protéger).

343
Aide-mémoire EMDR

Tableau 25.1. (suite)

Faire confiance au processus


Le thérapeute a une posture active
Les tissages (cognitifs, psycho-éducatifs, intégratifs, relationnels...)
sont utilisés autant que le patient en a besoin.
Phase 4 à 7
Utilisation fréquente de la stratégie du bout du doigt (Gonzalez &
Mosquera, 2012)
Éviter les associations trop importantes et diffuses en revenant
souvent à la cible (travail dit « EMDr »)
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Phase cruciale car permet de savoir si le retraitement a été efficace.
S’il n’y a pas de résultats positifs, garder espoir car les patients ont
Phase 8 besoin de plusieurs séances pour confirmer que le changement est
25. EMDR et trouble de la personnalité

réel avant de le reconnaître.

Concernant le choix des cibles, nous conseillons de cibler :


– celles qui sont en lien avec les symptômes actuels et l’aggravation
des symptômes ;
– celles en lien avec des croyances (schéma précoces) ou modes
survenant en séance ;
– celles en lien avec la létalité (conduites à risque auto et hétéro
agressives).

Lisa
Après plusieurs semaines par rapport à la précédente séance (cf. plus haut), Lisa
revient et annoncera (phase 8 du protocole EMDR) ne plus avoir consommé
de cannabis, retrouver l’appétit et être plus sereine par rapport au fait d’avoir
compris « l’épisode déclencheur qui a fait ressurgir des problèmes que je
pensais réglés ! »
Un des problèmes est un souvenir d’un viol subi à 13 ans par un frère de sa
mère que nous avons retraité en 2 séances.
Image : moment où sa mère dit : « ça se voit que vous n’avez pas fait que du
tricot »
Cognition Négative : je suis en danger
Cognition Positive : je suis en sécurité
VoC : 2 – séance 1 ! 6 – séance 2 ! 7
Émotions : peur et colère
SUD : 7 – séance 2 ! 1,5 – séance 2 ! 0

344
Aide-mémoire EMDR

Sensation corporelle : ventre


Au cours de la première séance nous avons utilisé la stratégie du bout du doigt,
partie retranscrite ci-après :
...
T : (observant Lisa bloquée par une forte émotion de colère, considérée
comme une conséquence périphérique de la mémoire traumatique) Vous
observez cette facette de vous qui contient cette colère ?
L : Oui, c’est plus que de la colère...
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T : Où dans votre corps ressentez cette rage ?
L : Dans mes mains (poings fermés)

25. EMDR et trouble de la personnalité


T : Notez ça. BLS
L : C’est relié à ma mère (insight ; parent punitif)
T : Et comment est la tension ? Pas le temps de terminer la phrase que Lisa
répond étonnée « ça a disparu »
Le travail sur la cible a pu se poursuivre normalement.

! Étape 3 : réintégration/réhabilitation
Nous avons tous des modes et nous les contrôlons à travers le mode
adulte sain. À l’étape 1 l’adulte sain apprend à s’autoréguler par
« modeling » notamment du thérapeute. À l’étape 2 il objective des
« actes de triomphe » (expression de Janet) et à l’étape 3 nous l’aidons
à travailler l’intégration des différents modes et la réhabilitation.
C’est-à-dire vivre une nouvelle vie. Une vie sans défense rigide (ce
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qui était utile dans le passé ne l’est plus), une vie pleine de sens
orientée vers ce qui est important, ses propres valeurs et aspirations.
Le thérapeute doit bien comprendre que cette étape ne vise plus une
rémission symptomatique mais bien une rémission fonctionnelle dans
les domaines relationnels interpersonnels, familiaux et de l’intimité.
Ceci est possible parce qu’il existe un continuum entre dissociation et
intégration et entre attachement désorganisé et attachement sécure.
La vignette clinique suivante décrit brièvement cette phase de réhabili-
tation psycho sociale.

345
Aide-mémoire EMDR

Christophe
Christophe âgé de 26 ans présente un trouble schizotypique de la personnalité,
associé à un trouble obsessionnel compulsif (TOC) invalidant comorbide
d’addiction à l’alcool, aux benzodiazépines et de dépendance au tabac. Violenté
et séquestré par son père qu’il appelle son géniteur il vit actuellement dans la
région paloise avec sa mère et sa petite sœur de 15 ans sa cadette (ont fui la
région de Nice).
Après un long travail d’un an et demi de « modeling » de son adulte sain
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(étape 1) émaillé d’hospitalisation de sevrage de son trouble de l’usage à
l’égard de l’alcool et de benzodiazépines (protecteur détaché selon la théorie
25. EMDR et trouble de la personnalité

de Young), de travail EMDR (étape 2) avec son mode enfant vulnérable,


Christophe obtient une vie qui lui convient. En effet, il ne consomme plus
aucune substance psycho active, il est sevré de benzodiazépine et ne prend
plus d’antipsychotique. Aussi, grâce au travail de l’étape 3, il a une relation (sa
première) stable avec une compagne, il travaille comme manutentionnaire
dans une jardinerie et suis une formation par correspondance dans le domaine
de la sociologie, il s’occupe de sa sœur comme un grand frère (il n’agit plus
comme le protecteur contre « le géniteur »)... Il garde néanmoins quelques
symptômes de trouble obsessionnel compulsif devenu egodystonique avec
obsession de malheur et compulsions de vérification qui ne lui prennent
seulement que quelques minutes par jour et ne le handicape plus...

Nous avons essayé de montrer qu’avec l’EMDR et son modèle (TAI) associé à
d’autres théories et modèles, il était possible de traiter les troubles de la personnalité.
L’accompagnement psychothérapeutique des troubles de la personnalité n’obéit
donc pas à un protocole. Il laisse au thérapeute EMDR beaucoup de créativité en
respectant certaines règles issues de l’expérience clinique et exposées dans ce
chapitre.
Enfin, notre pratique psychothérapeutique et nos lectures nous amènent à penser
que grâce à l’EMDR il serait possible de prévenir les troubles de la personnalité.
Comment ? En intervenant tôt, dès l’enfance, pour réduire les conséquences
traumatiques ou vécues comme telles par l’enfant et en aidant les donneurs
de soins, notamment les parents.

346
Aide-mémoire EMDR

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348
Aide-mémoire EMDR

26. La prise en charge du trauma dans la psychose


26
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LA PRISE EN CHARGE DU TRAUMA
DANS LA PSYCHOSE

Psychose, dissociation et psychotraumatisme

Jenny Ann Rydberg et Andrew Moskowitz


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La psychose était encore considérée comme une contre-indication à la psychothéra-


pie EMDR il y a une dizaine d’années. Sont apparues ensuite les premières études
indiquant que les patients atteints de troubles psychotiques peuvent être pris en
charge en EMDR sans nécessiter d’adaptation aux procédures standard. Aujour-
d’hui, plusieurs conceptions du traitement EMDR des troubles psychotiques sont
préconisées, certaines favorisant une approche standard doublée d’une expérience
auprès de cette population, d’autres s’appuyant davantage sur la compréhension
des relations entre la psychose, la dissociation et le psychotraumatisme.

349
Aide-mémoire EMDR

Psychose et dissociation

Les termes « psychose » et « dissociation » ont eu des significations


différentes selon les époques et, encore de nos jours, renvoient à des
notions très variables selon le clinicien ou l’auteur qui les emploie.
26. La prise en charge du trauma dans la psychose

! Dissociation
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C’est au XIXe siècle qu’un sens psychologique a d’abord été attribué
au terme dissociation, notamment par Janet (qui employait également
désagrégation), afin de désigner une division de la personnalité. Pour
Janet, cet état de désagrégation se produit lorsque :

« [...] la puissance de synthèse psychique est affaiblie et laisse échapper, en


dehors de la perception personnelle, un nombre plus ou moins considérable
de phénomènes psychologiques » (Janet, 1889).

Cette notion de division de la personnalité est également présente dans


la théorie de la dissociation structurelle de la personnalité (Van der
Hart, Nijenhuis et Steele, 2006). Cependant, le terme dissociation est
également utilisé dans un sens beaucoup plus large, incluant certaines
altérations de la conscience (comme le phénomène d’absorption). Les
définitions « officielles » décrites dans la CIM-10 (Organisation mondiale
de la santé [OMS], 2006) et le DSM-IV et -V (American Psychiatric
Association [APA], 1994, 2013) sont vastes et vagues, évoquant des
perturbations ou des « discontinuités » dans l’intégration de toute une
palette de fonctions mentales et physiques, dont la conscience, la
mémoire, la perception et le contrôle moteur.

! Psychose
Le concept de psychose est également utilisé dans des acceptions
divergentes et recouvre un ensemble de troubles psychopathologiques.
Dans les manuels officiels de diagnostic, est atteint d’un trouble
psychotique un individu présentant des symptômes ou des épisodes
psychotiques caractérisés par une altération du « sens de la réalité »,
tels que des délires, des hallucinations, des troubles de la pensée et

350
Aide-mémoire EMDR

du comportement, des croyances étranges ou fausses, sentiment d’être


contrôlé par une force extérieure.
En France, des nosographies alternatives sont également employées,
considérant la psychose comme un ensemble de maladies comprenant
notamment la schizophrénie, le trouble bipolaire (anciennement psy-
chose maniaco-dépressive) et les délires chroniques paranoïaques, ou

26. La prise en charge du trauma dans la psychose


encore se référant à la notion psychanalytique de structures psychotiques
opposées aux structures névrotiques.
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! Symptômes psychotiques et dissociation
La conception originale de la schizophrénie, proposée par Bleuler (1911),
comporte des similitudes marquées avec le concept de la dissociation,
bien que celles-ci aient été peu reconnues (Moskowitz, 2008 ; Moskowitz
et Heim, 2011).

« J’appelle la démence précoce schizophrénie parce que, comme j’espère


le démontrer, la scission (Spaltung) des diverses fonctions psychiques est
un de ses caractères les plus importants. Pour des raisons de commodité,
j’emploie le mot au singulier bien que le groupe contienne vraisemblablement
plusieurs maladies » (Bleuler, 1911 [traduction d’Alain Viallard, 2012]).

Toutefois, le diagnostic actuel de la schizophrénie, tel que proposé par


la CIM-10 (OMS, 2006) et le DSM-IV et -V (APA, 1994, 2013) insiste
davantage sur les symptômes psychotiques. De plus, certains symptômes
psychotiques tendent à considérer comme plus importants que d’autres,
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à savoir les symptômes de premier rang décrits par Schneider (1959)


(par exemple, entendre des voix, insertion ou retrait de pensées, délires
de contrôle). Or, ces mêmes symptômes se retrouvent habituellement
dans le trouble dissociatif de l’identité (TDI), certaines études indiquant
même qu’ils sont plus fréquents dans le TDI que dans la schizophrénie
(Dorahy et al., 2009), ce qui indique qu’un nombre de patients recevant
un diagnostic de schizophrénie ou de psychose pourraient être mieux
compris et pris en charge en tant que personnes souffrant de symptômes
dissociatifs (Gonzalez, Mosquera et Leeds, sous presse).
De plus, de nombreuses études ont montré que les hallucinations verbales
auditives (le fait d’entendre des « voix ») possèdent une relation très
puissante avec la dissociation, ce qui amène certains à arguer que ce

351
Aide-mémoire EMDR

symptôme serait mieux conçu comme caractérisant la dissociation, plutôt


que la psychose (Moskowitz & Corstens, 2007 ; Longden, Moskowitz,
Dorahy, Perona-Garcelán, sous presse).

Psychose et trauma
26. La prise en charge du trauma dans la psychose
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! Le trauma de la psychose
L’expérience de la psychose est elle-même traumatisante. En premier
lieu, la thérapie EMDR présente l’intérêt de permettre de traiter les
effets liés à l’expérience traumatisante d’être psychotique. En effet, les
symptômes psychotiques, la prise en charge (pouvant comprendre des
hospitalisations sous contrainte, des mesures de contention, l’isolement
et des effets secondaires considérables liés aux neuroleptiques) et les
conséquences d’une telle maladie chronique et invalidante peuvent
avoir un effet accablant sur l’individu (Gonzalez, Mosquera & Leeds,
sous presse).

! Les expériences de vie défavorables


Les expériences de vie défavorables ou indésirables (dites adverse
life events en anglais), antérieures ou récentes, peuvent déclencher
des épisodes psychotiques. Ces expériences peuvent alors se refléter
dans le contenu des hallucinations et des délires. Par ailleurs, la
symptomatologie psychotique peut conduire l’individu à vivre d’autres
expériences traumatiques (par exemple, agressions, rejet et isolement
social). Enfin, le tableau psychotique peut amplifier l’impact d’un
événement traumatisant non associé à la psychose (accident de voiture).
Bien que ces interactions soient significatives sur le plan clinique, elles
sont rarement prises en compte dans les soins habituels proposés (Van
der Vleugel, Van Den Berg et Staring, 2012).

! Symptômes psychotiques et post-traumatiques


Plusieurs symptômes psychotiques pourraient également se comprendre
comme relevant d’un état de stress post-traumatique simple ou complexe,

352
Aide-mémoire EMDR

certaines hallucinations pouvant correspondre à des flash-backs ou à des


reviviscences d’expériences traumatisantes antérieures. Cette hypothèse
peut se tester en ciblant en EMDR les expériences traumatiques de
l’individu.

26. La prise en charge du trauma dans la psychose


L’EMDR dans la psychose
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! La recherche
La plupart des études publiées portent sur l’utilisation des procédures
EMDR standard dans la prise en charge d’individus atteints de troubles
psychotiques. Ainsi, en 2012, Van den Berg et Van der Gaag (2012)
ont montré que l’état de stress post-traumatique pouvait être traité en
EMDR chez des patients psychotiques sans apporter de modification aux
procédures standard. Cette prise en charge a produit des effets positifs
sur les hallucinations auditives verbales (voix), les idées délirantes, les
symptômes anxieux et dépressifs, et l’estime de soi.
L’année suivante, un essai de faisabilité a évalué l’efficacité et l’innocuité
de deux formes de prise en charge psychothérapeutiques centrées
sur le trauma, l’exposition prolongée et l’EMDR, chez des patients
atteints d’un ESPT et d’un trouble psychotique comorbide. Les résultats
ont montré l’efficacité dans les deux types de prise en charge, avec
une diminution importante des symptômes de stress post-traumatique,
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sans aucune aggravation des hallucinations, des idées délirantes, de la


psychopathologie générale ou du fonctionnement social (De Bont, Van
Minnen et De Jongh, 2013). L’absence d’exacerbation des symptômes et
d’événements indésirables a été confirmée dans une autre étude par Van
den Berg et al. (2015).
Croes et Staring (2014) ont plutôt ciblé l’imagerie psychotique qui est
devenue moins vive et moins chargée émotionnellement. De plus, ces
patients pris en charge par l’EMDR ont rapporté une diminution de leurs
symptômes anxieux, dépressifs et psychotiques, une réduction de leurs
comportements d’évitement, ainsi qu’une plus grande clarté cognitive.
Dans leur étude de cas portant sur quatre patients psychotiques,
Laugharne, Marshall, Laugharne et Hassard (2014) ont décrit un maintien

353
Aide-mémoire EMDR

de l’amélioration des symptômes d’ESPT lors du suivi après trois et six


ans.
Van Minnen et ses collègues (2016) ont confirmé que les patients
psychotiques présentant un ESPT peuvent tirer bénéfice d’une prise en
charge standard en EMDR de leurs expériences traumatiques. De plus,
ils ont observé que les effets étaient particulièrement marqués chez
26. La prise en charge du trauma dans la psychose

les individus correspondant à la sous-catégorie dissociative de l’ESPT


(introduite dans le DSM-V).
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Une méta-analyse récente (Sin et Spain, 2017), portant sur cinq essais
randomisés contrôlés, a conclu que les prises en charge psychothérapeu-
tiques centrées sur le trauma, y compris la thérapie EMDR, sont efficaces
dans la réduction des pensées et images intrusives, des croyances
négatives associées aux souvenirs traumatiques, de l’hypervigilance et
de l’évitement.

! Les approches cliniques


Au niveau des descriptions d’approches cliniques et des préconisations
pour les prises en charge de patients psychotiques, quelques auteurs
déclarent que la prise en charge standard EMDR s’applique et limitent
leurs conseils au choix des cibles. La population concernée semble
comporter plusieurs comorbidités « simples », par exemple schizophrénie
et ESPT simple. De nombreux autres cliniciens, au contraire, évoquent
particulièrement les tableaux cliniques complexes, comprenant souvent
des symptômes multiples pouvant être compris comme relevant de plu-
sieurs diagnostics tels que le trauma complexe, les troubles dissociatifs,
les troubles de la personnalité et les troubles psychotiques.
Van den Berg et ses collègues (2013) préconisent une approche
EMDR standard pour les patients psychotiques mais soulignent qu’il
est essentiel de posséder déjà une expérience de la prise en charge
de ces personnes et du travail en équipe pluridisciplinaire, et de
connaître la complexité des troubles psychotiques, la présence de
troubles comorbides. Ils préconisent ensuite d’utiliser l’approche des
deux méthodes (De Jongh, Ten Broeke, & Meijer, 2010) pour constituer
les plans de ciblage.

354
Aide-mémoire EMDR

Van der Hart, Groenendijk, Gonzalez, Mosquera et Solomon (2013, 2014)


ont développé une intégration des apports de la prise en charge orientée
par phases et de la théorie de la dissociation structurelle dans la thérapie
EMDR pour les patients présentant des troubles traumatiques complexes.
Le modèle de Miller (2015), nommé ICoNN (Identifying Cognitions
of Negative Networks ou cognitions révélatrices de réseaux négatifs)

26. La prise en charge du trauma dans la psychose


se combine avec celui du traitement adaptatif de l’information afin
d’identifier les réseaux mnésiques dysfonctionnellement engrammés à
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cibler. L’auteur attire l’attention sur les convergences entre psychose,
dissociation et trauma, considérant que les phénomènes psychotiques
sont de nature dissociative. On peut regretter ce raccourci qui n’admet
plus la possibilité que certains troubles psychotiques soient de nature
non dissociative ni qu’ils puissent posséder une spécificité. Par ailleurs,
la majorité des cas présentés par Miller ne semblent pas relever de
la psychose mais présentent plutôt d’autres formes de symptômes
psychiatriques.

Tant la recherche que les témoignages cliniques montrent que la psychothérapie


EMDR est tout à fait possible et même indiquée dans la prise en charge des troubles
psychotiques, dont la schizophrénie. Sur le plan scientifique, les liens entre psychose,
trauma et dissociation doivent encore être clarifiés, notamment en ce qui concerne
l’existence d’une sous-catégorie dissociative de la schizophrénie. Pour le clinicien
expérimenté dans la prise en charge des troubles psychotiques, il est à retenir que
l’EMDR ne présente pas plus de risque dans cette population que dans les autres.
Seule la spécificité de chaque tableau clinique individuel et des antécédents associés
pourra guider le thérapeute dans la formulation de son plan de prise en charge et
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du choix des adaptations qu’il appliquera ou non aux procédures standards.

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357
Aide-mémoire EMDR

27
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DÉPRESSION ET EMDR

27. Dépression et EMDR


De l’intérêt de travailler en EMDR
avec les patients souffrant de dépression

Nathalie Malardier
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La dépression, ou État Dépressif Majeur, est une maladie qui peut impacter tous les
âges, toutes les catégories socio-professionnelles, toutes les personnes à travers le
monde.
D’intensité légère, modérée à grave, elle peut se présenter seule, mais s’accompagne
souvent d’autres pathologies, et peut intervenir de manière récurrente et chronique.
Les symptômes dépressifs chez nos patients sont courants et nécessitent une prise
en charge particulière qui prend en compte les spécificités de ces troubles, les
traitements médicamenteux et des risques suicidaires qui peuvent être associés.
La thérapie EMDR, par ses exercices de stabilisation et de restructuration cognitive,
apparaît comme une forme de prise en charge tout à fait adaptée à cette pathologie
complexe.

359
Aide-mémoire EMDR

La dépression

! Qu’est-ce que la dépression ?


La dépression n’est pas un « mal-être » passager, ni un « coup de
blues » : c’est une maladie qui touche environ 300 millions de personnes
à travers le monde (Who, 2017). En France, l’enquête baromètre santé
de l’Inpes (2005-2010) révèle que 7,8 % de la population est touchée,
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ce qui représente plus de 3 millions de Français ayant présenté un
épisode dépressif majeur ou caractérisé dans les 12 derniers mois. Cette
enquête montre aussi que 19 % des Français de 15 à 75 ans (soit près
de 9 millions de personnes) ont vécu ou vivront un épisode dépressif
au cours de leur vie.
Pour pouvoir parler de dépression, et donc de maladie, il faut présenter
27. Dépression et EMDR

au moins cinq symptômes ou perturbations de l’humeur (caractérisés


dans le DSM-V) qui durent depuis au moins deux semaines.
Ces perturbations doivent entraîner une gêne importante au niveau
affectif, social, professionnel ou dans d’autres domaines importants de
la vie quotidienne via un « ralentissement » dans différents registres :
vie affective, fonctionnement intellectuel, forme physique, mécanismes
vitaux et corporels.
La dépression peut se décliner en différents types. Elle se manifeste le
plus souvent sous forme d’épisodes dépressifs majeurs ou caractérisés.
Quand la dépression s’installe dans le temps, on parle de dépression
chronique ou dysthymie. Les troubles bipolaires constituent quant à eux
un trouble spécifique qui alterne phases de dépression et phases de
surexcitation.
La dépression résulte d’un ensemble de mécanismes de diverses natures,
encore imparfaitement connus. On distingue habituellement les facteurs
biologiques, psychologiques et environnementaux (environnement social
et/ou familial). Certains de ces facteurs interviennent très en amont
de la dépression, ils « préparent le terrain », on parle alors de facteurs
de risque ou de vulnérabilité. En effet, la recherche montre qu’un lien
peut exister entre des événements traumatiques – comme le vécu d’abus
dans l’enfance, (Teicher et al., 2009), la maltraitance / l’humiliation
(Nanni et al., 2012), les pertes, le danger, (Kendler et al., 2003) – et

360
Aide-mémoire EMDR

le développement d’un trouble dépressif plus tard. D’autres facteurs


interviennent juste avant la dépression, ils la « déclenchent » : on parle
alors de facteurs précipitants.

! L’EMDR, une prise en charge efficace ?


La dépression nécessite une prise en charge, à la fois médicale avec
des traitements (médicaments antidépresseurs) et psychothérapeutique,
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qui sera adaptée à chaque personne et à l’intensité de ses troubles.
Cependant, cette maladie est relativement mal soignée même si plusieurs
interventions psychothérapeutiques et pharmacologiques peuvent être
considérées comme efficaces. En effet, le taux de rechute reste très
élevé (environ 50 % après deux ans) ; les améliorations insuffisantes et
les risques suicidaires figurent parmi les problèmes les plus importants.
Il s’avère donc primordial d’ouvrir la prise en charge à de nouvelles

27. Dépression et EMDR


méthodes, comme l’EMDR. En effet, de nombreuses études scientifiques
ont démontré que l’EMDR est l’un des outils les plus efficaces pour traiter
le trouble de stress post-traumatiques (TSPT). Un certain nombre d’études
montre également que l’EMDR est une méthode psychothérapeutique
efficace pour d’autres troubles, comme la dépression, qui sont basés
en partie sur des souvenirs stressants. Une des explications est que les
souvenirs non réglés des événements de vie négatifs ou traumatiques
ou stressants précédant l’apparition de la dépression contribuent eux
aussi à la maintenir.
En utilisant l’EMDR lors de la prise en charge, les auteurs obtiennent
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des résultats très encourageants : de la réduction des symptômes à la


rémission complète à la fin du traitement, moins de rechutes à un an
et augmentation de leur qualité de vie (Bae et al., 2008 ; Hofmann et
al., 2013 ; Wood et Ricketts, 2014 ; Hase et al., 2015 ; Ostacoli et al.,
2018).

L’EMDR comme traitement de la depression :


approche et protocole

Du fait de la particularité des patients dépressifs qui peuvent être


difficiles à mobiliser et afin de prévenir les idées suicidaires, l’ensemble

361
Aide-mémoire EMDR

des auteurs, en particulier Shapiro, Hofmann et Grey, 2013, nous invitent


à porter une attention toute particulière sur les phases 1 et 2 de la prise
en charge en EMDR. Le docteur Hofmann nous enseigne qu’il faut prendre
soin de vérifier si le patient est suicidaire, s’il y a eu des tentatives
de suicide, s’il est assez stable pour faire une psychothérapie, s’il peut
se concentrer sur la crise actuelle, si les épisodes sont répétitifs ou
uniques. Aussi, le thérapeute dans une bonne alliance thérapeutique
avec son patient, doit jongler entre anamnèse et stabilisation.
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! Anamnèse rigoureuse
Pour prendre en charge efficacement un patient dépressif, il faut élaborer
l’étiologie du trouble de façon rigoureuse et complète (Shapiro, Hofmann
et Grey, 2013). Il est nécessaire pour cela lors de l’anamnèse de :
– construire le génogramme du patient ;
27. Dépression et EMDR

– prendre en compte les facteurs génétiques impliquant une prédispo-


sition à la dépression en posant la question « qui dans votre famille
souffre ou à déjà souffert de dépression ? » (En effet, de nombreuses
études ont confirmé le caractère héréditaire de la dépression et Hyde
et al. en 2016 ont mis en évidence certains gènes impliqués. Toutefois,
il semblerait que l’expression de ces gènes, et donc l’apparition d’un
trouble dépressif, dépende des facteurs environnementaux comme
décès, perte d’emploi, divorce, etc.) ;
– se poser la question des perturbations précoces de l’attachement ou
des troubles de l’attachement ;
– investiguer le passé traumatique complet (traumas de l’enfance et
de l’âge adulte), les deuils importants et non résolus, les pertes, les
rejets, les humiliations, les tentatives de suicide, les périodes de stress
chronique, les expériences faites personnellement par le patient avec
son trouble de l’humeur (liste des épisodes anciens avec l’année et
leur durée) ;
– prendre en considération toutes les autres problématiques médicales
(tumeurs, maladies inflammatoires, etc.) ;
– se poser la question des facteurs somatiques contributifs (médica-
ments : bêta bloquants, benzodiazépines etc. ; substances : alcool,
cocaïne, ecstasy, amphétamines etc. ; problèmes thyroïdiens, en
particulier l’hypothyroïdie, etc.) ;

362
Aide-mémoire EMDR

– repérer les systèmes de croyances dysfonctionnelles ou croyances


destructrices
– vérifier que le présent ne soit ni trop stressant ni trop négatif.

! L’essentielle question de la stabilisation du patient


Souvent, il n’est pas possible d’élaborer, en première intention, l’ana-
mnèse d’un patient dépressif. Ces patients nécessitent d’être d’abord
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stabilisés.
Pour une bonne stabilisation il faut :
– vérifier ses biorythmes (sommeil, alimentation, rythme de vie) ;
– faire de la création de ressources : protocole DIR (Korn et Leeds,
2002), Construction d’un soi sécurisé (« Imaginez-vous adulte portant
dans vos bras ce bébé que vous étiez », Steele, 2007 ; « Posez votre

27. Dépression et EMDR


regard d’adulte aimant sur le bébé que vous étiez », Knipe, 2009) ;
– permettre au patient d’acquérir des stratégies de coping face aux
facteurs de stress quotidien : établir un contenant et un lieu sûr,
apprendre des exercices d’ancrage du corps dans l’ici et maintenant,
des exercices d’apaisement comme la respiration, la relaxation, la
cohérence cardiaque, la pleine conscience (ou mindfulness)...

! Prise en charge en EMDR


Protocole standard
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Tout ceci posé, il est alors possible de passer au retraitement avec le


protocole standard EMDR en partant du plus ancien jusqu’au présent ;
puis, d’utiliser le scénario du futur pour programmer de nouvelles
réponses aux facteurs de stress.
Dans le cadre de co-morbidités l’EMDR a pour fonction d’atténuer la
détresse résultant du fait d’être malade (ce qui devient la cible d’un
protocole standard), de soutenir et d’améliorer l’humeur.

Protocole inversé
Toutefois, si le présent est trop stressant ou que le patient n’est pas
assez stable, alors l’utilisation du protocole inversé (Hofmann, 2009) est

363
Aide-mémoire EMDR

recommandée. Il s’agira activer en premier lieu des réseaux de ressources


(sentiment positif que le patient peut ressentir dans son corps) puis
se centrer sur les problèmes potentiels des jours à venir (futur) et le
présent, avant de travailler sur le passé récent puis lointain.

Modèle développemental stratégique

Quand des traumas de l’attachement sont identifiés, il est possible


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de commencer en utilisant le Modèle développemental stratégique de
Kitchur (2005) : « Imaginez-vous que vous êtes un bébé dans les bras
de votre mère. Vous levez les yeux vers son visage. Quelle émotion cela
vous procure-t-il ? Quelle sensation ? » Il s’agira ensuite d’utiliser le
protocole standard EMDR sur tout ce qui fait surface durant cet exercice.

Plan de ciblage restaurateur du cours de la vie


27. Dépression et EMDR

Lors de l’absence de souvenir de traumatisme majeur, avec omniprésence


de traumas « t » et potentiellement une influence génétique, alors il
peut être recommandé de faire un plan de ciblage « restaurateur du
cours de la vie » ou « développemental » (Grey et Morrow, 2011).
L’objectif est alors de renforcer chez le patient un attachement adapté,
plein de sens, au soi interne et de développer un lieu de contrôle intérieur
(versus un soi interne inadapté avec un lieu de contrôle externe extrême,
se traduisant par une dépression et des croyances négatives destructrices
sur soi-même).

Exemple de cibles d’événements développementaux :


– premier regard mère-enfant à la naissance ;
– apprendre à se tenir debout tout seul ;
– apprendre à marcher ;
– apprendre à parler ;
– activités ludiques réussies ;
– événements de vie identifiés comme déterminants par le patient.

Les cibles doivent être négociées entre le thérapeute et le patient puis


traitées avec le protocole EMDR standard. Si des cognitions négatives

364
Aide-mémoire EMDR

ou des perturbations persistent alors il faut faire du tissage cognitif. Ce


tissage doit permettre de développer une interaction imaginaire entre le
soi enfant et le soi adulte du patient (pour aider le patient à reconnaitre
qu’il n’est plus un enfant fragile et vulnérable mais un adulte et restaurer
la relation entre ses 2 perspectives de soi).

Protocole DeprEnd
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Arne Hofmann enseigne, fait de la recherche et publie dans le domaine
du trauma psychique. Il coordonne, notamment, un projet de recherche
sur l’EMDR dans le traitement de la dépression, en collaboration avec les
centres de 4 pays européens. Dès 2007, avec d’autres chercheurs, il a
mené, avec des résultats très encourageants, sa première étude pilote sur
l’usage de l’EMDR comme thérapie d’appoint de la dépression. À partir
de 2010 Hofmann et ses collaborateurs ont développé un protocole

27. Dépression et EMDR


spécifique de traitement la dépression : le Protocole DeprEnd et l’ont
validé avec succès dans une étude multicentres (EDEN) sur un grand
nombre de patients (Ostacoli et al., 2018).
Hofmann et al. en 2016 préconisent dans le Protocole DeprEnd de :
• repérer les ressources existantes et développer les ressources néces-
saires face aux facteurs de stress quotidiens ;
• établir la « carte des traumas » retraçant l’histoire du patient (pertes,
séparations, rejets, humiliations, traumas, les épisodes dépressifs, etc.
avec SUD élevé) ;
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• cibler en priorité les événements survenus environ 1 mois avant


les rechutes ou les épisodes dépressifs, les souvenirs intrusifs, les
souvenirs avec le SUD le plus élevé ;
• cibler le système de croyance en tant qu’intrusions cognitives de
souvenirs traumatiques. Pour cela il faut :
– rechercher les souvenirs-preuves (De Jongh, 2010). Par exemple,
« quels sont les événements qui prouvent que « je suis un raté »
est vrai ? ». Retenir les réponses qui ont un SUD élevé et plutôt
les souvenirs survenus avant 10 ans ;
– à partir d’un déclencheur du présent de « je suis un raté » rechercher
un moment où le patient a déjà ressenti ça dans son corps et faire
un pont d’affect ;

365
Aide-mémoire EMDR

– seulement ensuite retraiter les souvenirs avec en premier le souvenir


source, puis retraiter les déclencheurs et les déclencheurs du futur
de cette croyance. Par exemple, « de quoi auriez-vous besoin pour
penser autrement à propos de vous ? » ;
• cibler les idées suicidaires ou les vécus persistants (seulement si le
patient est capable d’entrer en contact avec). Tout cela en restant
très vigilant et en prenant beaucoup de précautions ;
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• cibler les facteurs de stress de la vie quotidienne comme les facteurs
de stress prévisibles (famille d’origine, conjoint, enfants, chef) ;
• faire des scénarios du futur sur les facteurs de stress possibles à
l’avenir (« qu’est-ce qui vous ferait rechuter ? » ou « que faudrait-il
qu’il se passe ? »).

Différentes façons de prendre en charge la dépression à l’aide de l’EMDR


27. Dépression et EMDR

ont été présentées. Chaque façon de faire à sa pertinence. Il s’agira donc


pour le thérapeute de rester au plus près des particularités et des besoins
de son patient en naviguant au travers ces différentes propositions pour
l’aider au mieux.

La dépression est un trouble mental fréquent qui affecte une grande partie de la
population mondiale. Aussi il est important d’ouvrir sur de nouvelles prises en charge
comme l’EMDR. En effet, la recherche tend à montrer que l’EMDR est un outil
additionnel efficace à la prise en charge classique de la dépression. Le traitement
d’événements déclencheurs de la dépression comme des pertes, des rejets, des
humiliations semble améliorer le taux de rémission complète et réduire le taux de
rechute.
En fonction du degré de stabilité du patient et de son histoire de vie, l’EMDR peut
être mis en œuvre via le protocole standard, le protocole inversé ou le protocole
DeprEnd.

366
Aide-mémoire EMDR

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368
Aide-mémoire EMDR

28
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EMDR ET PSYCHOLOGIE POSITIVE

28. EMDR et psychologie positive


Martine Regourd-Laizeau et Joanic Masson

Depuis sa création en 1987, l’EMDR bénéficie de nombreux développements, et


s’est enrichie d’autres pratiques qui permettent d’envisager le traitement d’autres
problématiques ou pathologies avec succès (Regourd-Laizeau, 2013). Parmi celles-ci,
le courant de la psychologie positive englobe les théories et les recherches sur ce
qui rend la vie plus digne d’être vécue (Seligman & Csikszentmihalyi, 2000) et
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constitue une perspective d’enrichissement de la thérapie EMDR.

La psychologie positive

La psychologie positive considère « l’étude des conditions et processus


qui contribuent à l’épanouissement ou au fonctionnement optimal des
individus, des groupes et des institutions » (Gable & Haidt, 2005 p.103).
Certains praticiens EMDR se sont saisis de cette perspective et l’ont
intégrée à leur pratique.
De nombreux praticiens font jouer leur créativité et allient différentes
pratiques l’EMDR, c’est également le cas pour la psychologie positive.

369
Aide-mémoire EMDR

L’objectif est de renforcer le potentiel des personnes avant, pendant


et après le traitement. D’autre part, la psychologie positive fournit de
nombreuses pistes de travail (Bernard, Zimmerman & Favez, 2009) qui
renforcent l’effet de l’EMDR notamment les travaux sur la croissance
post-traumatique de Tedeschi et Calhoun (2004), sur le sens de la vie
(modéle PERMA de Seligman, 2011), les forces de caractères (Peterson
et Seligman, 2006) parmi lesquelles la gratitude (Emmons & Crumpler,
2000) ou l’optimisme. Les protocoles qui vont suivre sont inspirés de la
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psychologie positive.

Une intégration réussie


28. EMDR et psychologie positive

Les travaux de Korn & Leeds (2002), Popky (2005), McKelvey, (2009),
Regourd-Laizeau, Martin-Krumm & Tarquinio (2012) présentés ci-dessous
représentent les premières contributions publiées. Certains autres
protocoles de ce courant figurent dans le chapitre 29 « EMDR et
coaching ». Une perspective intéressante d’intégration de l’EMDR à
la psychothérapie positive sera abordée en dernier lieu avec le protocole
EMDR du Tournesol.

! Protocole de développement et d’installation de


ressources de Korn et Leeds (2002)

L’objectif de ce protocole est de faciliter le développement des ressources


internes et de renforcer le Soi. Les ressources internes sont nécessaires
car elles vont servir d’appui pour faciliter le traitement. Il s’applique aux
personnes présentant un TSPT simple ou complexe, sujets généralement
en manque de ressources ou souhaitant améliorer leur performance. Il
est souhaitable de vérifier une éventuelle dissociation avant d’utiliser
ce protocole et de prendre des précautions envers les patients qui ont
subi des négligences précoces ou qui présentent un style d’attachement
insécure (Main, 1996), notamment en adaptant la durée des séances et
les ressources travaillées.
Ce protocole est extrêmement utile dans la pratique du praticien EMDR
car il permet de créer une relation thérapeutique forte, génère des

370
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Tableau 28.1. Situation cible

« Pensez à une situation récente qui a été difficile (1) où vous auriez aimé avoir pensé, senti ou vous être comporté différemment que ce que vous avez
fait (ou 2) où une situation où vous avez vécu des pensées intrusives, des sentiments désagréables ou des souvenirs pénibles. »
Situation cible :
« Quand vous pensez à ................ (situation cible), quelle est la partie la plus difficile maintenant ? »
Partie la plus difficile : Évaluation du SUDinitial :
Pour identifier une ressource, sélectionner 2A, 2B et 2C, ou 2D.
Identification d’une ressource Identification d’une ressource
concrète abstraite

2A) « Que voudriez-vous être 2B) « Que voulez-vous croire au 2C) « Qu’aimeriez-vous ressentir dans 2D) « Quand vous pensez à cette
capable de faire dans cette situation, quelles sont les qualités, ou

371
sujet de vous-même dans cette cette situation ? »
situation ? » situation ? » forces dont vous avez besoin ? »
Qualités recherchées ou points forts :

Émotion souhaitée :
Comportement souhaité : Croyance désirée :
Sélectionner une ressource à la fois à partir de 3A, B, C ou D. Puis retournez à l’étape 3 pour une autre ressource :
Aide-mémoire EMDR

28. EMDR et psychologie positive

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28. EMDR et psychologie positive

Tableau 28.1. (suite)

Expériences Ressources relationnelles Modèles Ressources relationnelles Métaphores et ressources


Figures de soutien symboliques
Aide-mémoire EMDR

3B) « Pensez à des personnes qui


3A) « Pensez à un moment où vous possèdent ou incarnent cette qualité. 3C) « Réfléchissez à qui vous 3D) « Fermez les yeux si vous le
étiez en mesure de _____. » Pensez à des personnes dans le voudriez avoir de votre côté, vous souhaitez (ou les laisser ouverts si
monde, qui pourraient vous servir de aidant à faire ce qui est le mieux pour vous préférez) et laisser l’image (ou
(comportement souhaité).
modèle ; Pensez à des personnes vous, et qui vous aiderait à vous sentir le symbole) venir à vous pour vous
« Pensez à un moment où vous étiez
qui ont changé quelque chose dans ___. » (émotion souhaitée). aider à être _______ (comportement
en mesure de croire ________. »
votre vie en vous montrant d’autres ou qualité souhaité) ou vous aider à
« Pensez à des amis, des parents, des
(croyance souhaitée) croire ________ (croyance souhaitée)
possibilités. » enseignants, ou des proches, qui vous
« Pensez à un moment où vous avez ou vous aider à ressentir ________

372
ont encouragé ou soutenu ? Pensez à
ressenti ____________. »(émotion (émotion désirée). »
un guide spirituel, quelqu’un qui vous
souhaitée)
donne de l’espoir ou de la force. »

Explorer les souvenirs, les expériences et les images de ressources (expériences de maîtrise)
Développement des ressources -Travail avec une ressource ou une image à la fois
4) « Quand vous vous concentrez sur ________ (l’expérience, personne, symbole, etc.), que voyez-vous ? Qu’entendez-vous ? Que sentez-vous ? Quelles
sensations ressentez-vous dans votre corps ?
Quelles émotions ressentez-vous lorsque vous vous concentrez sur cette image ou cette ressource ?
Où ressentez-vous ces émotions dans votre corps ? » (Notez les mots du patient)
Vérification de l’écologie et de la validité de la ressource
5A) « Lorsque vous vous concentrez sur _________ (reprendre les mots ressource et image) et notez les mots, les sons, les odeurs, les sentiments,
comment vous sentez-vous maintenant ? »
Évaluer la validité de la ressource de 1 à 7

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Tableau 28.1. (suite)

Refléter la ressource
6A) « Fermez les yeux si vous le souhaitez (ou laissez-les ouverts si vous préférez) et soyez attentifs à _________ (répéter les mots de la ressource) et
notez _________ (description des sentiments, des sensations, des ressources, odeurs, et sons). «
(Répéter et changer l’ordre des mots du client pour l’image, les sons, les émotions et sensations.)
Vérification des associations ou affects positifs de la ressource
6B) « Que remarquez-vous ou que ressentez-vous maintenant ? »
Si le patient signale des associations ou affects négatifs, changez de ressource, sinon passez à l’étape 7.
Installation de Ressources
7A) « Maintenant, pendant que vous continuez à mettre l’accent sur _________ (mots du client pour l’image des ressources, émotions et de sensations),
suivez mes doigts (stimulations bilatérales alternées) ». « Que ressentez-vous ou remarquez-vous maintenant ? »

373
Arrêtez la stimulation bilatérale si le client rapporte des associations ou affects négatifs. Neutraliser et mettez-les de côté et recommencer avec une
ressource alternative pour que les réponses positives se poursuivent.
Continuer les SBA.
Lien avec les indices verbaux ou sensoriels
Sélectionnez une ou plusieurs phrases de 8 A, B, C ou D, puis faire deux autres sets de stimulation
(Pour les expériences de maîtrise) (Pour les modèles) (Pour les figures de soutien) (Pour les métaphores ou symboles)
8A) « Pendant que vous vous 8B) « Imaginez-vous en train de voir 8C) « Imaginez ________ (figure de 8D) « Imaginez ________ (symbole).
concentrez sur cette expérience, et d’entendre ________ (nom de la soutien) debout près de vous et il Imaginez maintenant ________
pensez aux mots les plus positifs personne modèle) agissant comme vous offre ce dont vous avez besoin. (symbole) entre vos mains. Imaginez
que vous pouvez vous dire vous auriez envie d’être. Si vous Imaginez qu’elle sait exactement quoi être entouré par ________ (image ou
maintenant. » souhaitez, imaginez-vous à l’intérieur vous dire, exactement ce que vous sentiment). Inspirer________
de ________ (nom de la personne avez besoin d’entendre. Imaginez un (sentiment). Repérez ou vous
modèle), de sorte que vous pouvez contact rassurant juste la façon dont ressentez des sentiments positifs
voir à travers ses yeux et sentir vous avez besoin. » dans votre corps. »
Aide-mémoire EMDR

comme elle agit, comment elle se


sent et comment elle pense. »
28. EMDR et psychologie positive

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28. EMDR et psychologie positive

Tableau 28.1. (suite)

9) « Imaginez-vous capable d’agir, de penser ou de ressentir les ressources de maîtrise face à une future situation (situation cible) »
Alterner les SBA et : « Que ressentez-vous ou remarquez-vous maintenant ? »
(modèle avenir)
Aide-mémoire EMDR

Sélectionnez une ou plusieurs phrases de 9 A, B, C ou D, puis ajouter deux autres séries de stimulation.

(Pour les expériences de maîtrise) (Pour les modèles) (Pour les figures de soutien) (Pour les ressources symboliques)
9A) « Imaginez être capable d’agir 9B) « Imaginez voir et entendre votre 9C) « Imaginez être en connexion 9D) « Voyez et sentez votre symbole
avec ________ (action de maîtrise) modèle étant comme vous aimeriez avec _________ (figure de soutien) de la façon dont vous en avez besoin.
que vous avez été capable de faire être. Ou, si vous le souhaitez, lorsque vous faites face à cette Soyez conscient de ce symbole juste
quand (souvenir du client). imaginez dans le corps de votre situation. Notez comment ça serait pour expérimenter cela. »
Imaginez-vous penser ________. modèle, de sorte que vous pouvez pour vous. Écoutez ________

374
(croyance de maîtrise). Ressentez voir à travers ses yeux et ressentir (personne de soutien) dire
_________ (émotion de maîtrise du comment c’est d’être capable d’agir, exactement ce que vous avez besoin
client). de sentir et penser comme ça. » d’entendre. »

Alterner les SBA et : « Que ressentez-vous ou remarquez-vous maintenant ? »


10) Vérification de la validité de la ressource
Répétez l’opération pour chaque qualité ou ressource
11) Répétez ce processus jusqu’à ce que le score de ressources s’élève à 6 et que le SUD sur la situation-cible descende à cinq ou moins.
Réévaluer la situation cible
12) « Et maintenant quand vous pensez à ________ (ressources installées) et quand vous vous imaginez étant dans la situation cible dans le futur, à
combien évaluez-vous la perturbation que vous ressentez de zéro à dix, zéro indiquant aucune perturbation et dix représentant le plus perturbant que
vous pouvez imaginer. »

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Aide-mémoire EMDR

affects positifs chez le patient, renforce la conscience de soi et permet


d’aborder ensuite le protocole standard avec plus de ressources.

! Protocole DeTur (Popky 2005)


(traduction F. Mousnier Lompre)

Le DeTUR vise une désensibilisation des déclencheurs de comportements


dysfonctionnels tels que des comportements addictifs par exemple. Il
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s’agit de travailler sur des objectifs intermédiaires (objectifs positifs)
pouvant conduire à la réussite de l’objectif final qui serait l’arrêt de
l’addiction.

28. EMDR et psychologie positive


1) État-ressource intérieur
« Rappelez-vous un moment où vous vous sentiez plein de ressources, fort, maître
de vous-même et centrez-vous sur ces expériences et ces émotions. »
Renvoyez au client ce qu’il dit : ce qu’il voit, ce qu’il entend, les odeurs, les goûts
éventuels, tout en faisant des stimulations bilatérales pour le maintenir dans ces
sentiments positifs

2) Objectif positif du traitement (OP)1


Aidez-le à en construire l’image.
« Imaginez une photo de vous, où vous avez atteint votre objectif. Pensez à
ce que serait votre vie sans... » (exprimez ici l’addiction ou les comportements
dysfonctionnels dont le client veut se débarrasser). « Que ferez-vous à la place ?
Que voulez-vous ? », « Qu’est-ce que cela vous apportera ? Que verriez-vous sur la
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photo ? »
Quand le client a construit son image, vérifiez que c’est bien ce qu’il veut : « Vous
en avez vraiment envie ? C’est vraiment agréable pour vous ? » « Est-ce mieux si
vous agrandissez l’image, si vous la rendez plus claire, plus brillante, plus proche
de vous, ou si vous lui ajoutez des sons ? » ☞

1. L’Objectif Positif (OP) ne signifie pas nécessairement l’abstinence pour un


toxicomane ou un alcoolique. Il a pour objectif d’aider le client à se créer une
image claire de lui-même quand il aura réussi, s’il fonctionne à plein, ayant atteint
son but. On exprime l’OP en termes positifs, en le liant à des éléments de temps (dans
un avenir assez proche), comme un objectif raisonnable, réalisable, et qui décrit dans
les mots du client son succès et son fonctionnement complet. On l’exprimera de façon
à le rendre attrayant, attirant, irrésistible.

375
Aide-mémoire EMDR

☞ Aidez-le à faire les ajustements qui vont rendre l’image plus attirante.
Puis faites les stimulations bilatérales alternées.

3) État positif et ancrage


Associez complètement un état positif à l’OP par le biais d’ancrages et de
renforcements. « Vous pouvez construire votre objectif positif. Imaginez clairement
cet objectif. Quelles sont les choses que vous allez être capable de faire une fois
que vous l’aurez atteint ? »
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« Entrez dans l’image de votre objectif, dans cette posture du corps que vous y
avez. Notez vos émotions positives, expérimentez-les, respirez à l’intérieur de ces
émotions, circulez dedans, vivez ce que cela vous fait de réussir. Notez ce que
vous voyez, ce que vous entendez, les odeurs, les sons, les goûts. Notez comment
28. EMDR et psychologie positive

c’est de fonctionner pleinement. Tout en notant et en vivant ces émotions positives,


touchez l’articulation de votre doigt jusqu’à ce que votre désir pour cet état positif
soit le plus fort possible. Accentuez légèrement la pression sur ce point où vos
émotions positives sont le plus intenses, pour renforcer le lien corps-esprit. »
Pendant que le client appuie sur l’articulation de son doigt devenu « lieu d’ancrage »,
faites des stimulations bilatérales.
Répétez le même processus en utilisant des sons :
« Écoutez les sons, les mots positifs que vous vous dites à vous-même, les mots
positifs que les autres pourraient vous dire, et ajustez les composantes auditives :
le volume, la tonalité, le tempo, la balance, etc. Quand c’est positif, touchez votre
ancrage. »
Utilisez l’ancrage et les stimulations bilatérales simultanées pour intégrer encore
davantage dans la physiologie du client les sentiments de réussite. Testez l’état
positif du client lorsqu’il touche l’ancre et noter le résultat produit. Il doit rapporter
un vécu positif. « Touchez votre articulation. Que ressentez-vous ? »

4) Identifier les déclencheurs


« Comment savez-vous quand vous devez ______ ? » (prendre le produit, faire
l’activité à laquelle il est « accro ») « Qu’est-ce qui vous empêche d’être dans votre
état positif ? Ces déclencheurs peuvent être un endroit, une personne, un moment
particulier, une émotion, une odeur, un goût, un événement, une action, un objet. »
Faites la liste de tous les déclencheurs d’usage du comportement addictif, en
indiquant le degré d’impulsion sur l’échelle de 0 à 10, où 10 est le plus intense.
Rangez-les ensuite dans le tableau ci-dessous en fonction de leur intensité croissante.
« Évoquez maintenant l’image, avec les mots, les goûts, les odeurs qui vont avec. »
« Quel est le degré d’envie, en ce moment même, de 0 à 10, où 10 est le plus
élevé ? » ☞

376
Aide-mémoire EMDR

☞ Évaluation Au début À la fin


Déclencheur 1
Déclencheur 2

Ce protocole permet de travailler sur la progression thérapeutique en


projetant le patient dans une perspective de réussite.
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! Protocole EMDR d’optimisme
(Regourd-Laizeau, Tarquinio, & Martin-Krumm, 2012)

Ce protocole EMDR d’optimisme a été élaboré en tenant compte des

28. EMDR et psychologie positive


travaux sur le style explicatif puisqu’un style explicatif pessimiste
constitue un facteur de risque de développer une dépression. Inspiré du
protocole standard EMDR (Shapiro, 1995), du protocole « Développement
et Installation des Ressources » (DIR) de Korn et Leeds (2002), du « Peak
Performance Protocol » (Lendl & Foster, 1997), il intègre naturellement
certaines composantes des trois protocoles. Placée dans une perspective
non pathologisante, il ne s’agit pas de désensibiliser une quelconque
situation traumatique mais d’intégrer les composantes du DIR de Korn et
Leeds (2002) et de souligner ce qui est positif dans le répertoire existant
du client, dans le cadre théorique des styles explicatifs de Seligman
(1994). En effet, l’idée est de modifier éventuellement la perception
des causes des événements auxquels il est confronté afin qu’il passe
d’une vision pessimiste (causes internes, stables et globales en situation
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d’échec et externes, instables et spécifiques en situation de réussite) à


une vision plus optimiste (schéma attributionnel inverse). C’est la
raison pour laquelle les stimulations bilatérales alternées utilisées
sont lentes, afin de stimuler un système d’ancrage. Il s’agit dans
ce protocole, d’acquérir de nouvelles « ressources attributionnelles »
(Regourd-Laizeau, 2013) (cf. tableau 28.2).

! « Le duo dynamique » d’Ann Marie McKelvey (2009)


McKelvey (2009) utilise quotidiennement des applications de psychologie
positive dans les séances EMDR. Elle fait des « anamnèses positives »
en recherchant systématiquement les forces et les éléments positifs de
la vie du client afin d’orienter la thérapie sur une approche positive.

377
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28. EMDR et psychologie positive

Tableau 28.2. Protocole EMDR d’optimisme

Eléments d’évaluation : Questions de base permettant d’installer un rapport positif entre le client et le praticien EMDR. Identification d’un style explicatif
pessimiste éventuel.
1. Recherche de la situation cible et évaluation
Aide-mémoire EMDR

Situation d’échec :
« Vous est-il déjà arrivé de vivre des situations difficiles dans un domaine qui vous tient à cœur ? Pourriez-vous me parler de la dernière situation difficile, ou la
situation la plus difficile que vous ayez vécu dans ce cadre ? »
« Maintenant quand vous y repensez, quelle est la partie la plus difficile ? Et quelle émotion ressentez-vous ? »
Évaluation du SUD ;
Il s’agit de rechercher les causes correspondant à un style explicatif optimiste dans l’échec :
externe/ spécifique/instable

378
2. Évaluation de la causalité : interne/externe – le praticien va stimuler l’occurrence correspondant à un style optimiste c’est-à-dire externe :
« Pourriez-vous me dire comment c’est arrivé ? Est-ce de votre responsabilité ? »
si non : ok (passer à la phase 3)
Si oui : (interne)
« Qu’est-ce qui vous fait dire cela ? Qu’auriez-vous pu faire pour empêcher ça ? » orientation vers une explication externe. SBA lentes pour ancrer l’explication
externe.
3. Évaluation de la dimension globale/spécifique : le praticien va stimuler l’occurrence correspondant à un style optimiste c’est-à-dire spécifique
« Est-ce que ça vous arrive seulement dans cette situation-là ? »
(oui : c’est spécifique : cela arrive uniquement dans cette situation, donc c’est inhabituel de rater, d’échouer, passer à 4).
Si non : – Recherche d’exception à la règle de la spécificité de la situation pour trouver la dimension globale.
« Est-ce que ça vous est arrivé au moins une fois de réussir dans cette situation ? Comment avez-vous fait pour réussir si bien ? » SBA lentes pour ancrer la
spécificité

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Tableau 28.2. (suite)

4. Évaluation de la dimension stable/ instable :


« Est-ce que c’est quelque chose d’occasionnel ? »
(si oui : ok passer à 5 : Instable : « ça m’arrive rarement, généralement j’y arrive bien, c’est occasionnel »)
Si non signifie que cela arrive tout le temps, donc recherche d’exception à la règle de la stabilité dans le temps SBA lentes pour ancrer seulement l’instabilité
Situation de succès :
Il s’agit de rechercher les causes correspondant à un style explicatif optimiste dans la réussite à savoir : interne/ global/stable relié a des ressources
positives.
Stimulation des ressources positives : « De quoi auriez-vous eu besoin (qualité, force ou ressource) pour réussir ? Parmi les personnes que vous connaissez,
qui a cette qualité-là ? Comment le voit-on ? Comment cette personne fait-elle ? Quand elle réussit, comment se sent-elle d’après vous ? » SBA lentes pour ancrer
les comportements, les émotions, les sensations positives internes.
Stimulation de la dimension interne « Est-ce que vous pouvez vous souvenir d’une situation où vous avez réussi ? Qu’est-ce que vous avez fait vous pour

379
réussir si bien ? »
– ressource 1 (stimulation)
– ressource 2 (stimulation)
– ressource 3 (stimulation)
Stimulation de la dimension de la dimension globale
« Dans quels autres domaines, réussissez-vous bien ? » Faire développer les idées de domaines de réussite. Accompagner les paroles par les SBA lentes.
Stimulation de la dimension de la dimension stable : « Est-ce que ça vous arrive de réussir en général ? »
OUI : on laisse parler avec SBA lentes.
NON : ressource relationnelle : « Qui possède ou représente cette qualité ? » faire parler sur cette personne avec SBA lentes.
Clôture : « Comment vous sentez vous ? Qu’avez-vous appris de cette séance ? »
Inviter la personne à noter ce qui se passe de positif dans les prochaines semaines.
Aide-mémoire EMDR

28. EMDR et psychologie positive

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Aide-mémoire EMDR

Quatre applications sur les forces de caractères et quatre sur la gratitude


sont proposées.

Les forces de caractères

Le DSM-IV ou le CIM 10 utilisés dans la psychologie traditionnelle


établissent une classification permettent aux professionnels d’utiliser
un langage commun sur les symptômes et diagnostics, etc. Peterson et
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Seligman (2004) ont créé une contrepartie inspirée de la psychologie
positive s’intéressant aux forces pour arriver à une classification nommée
« Values in action-Inventory strenghts » (l’Inventaire des valeurs en
action). McKelvey (2009) demande au patient, préalablement, de
28. EMDR et psychologie positive

compléter le « Values In Action-Inventory of Strenghts » (VIA-IS) afin


d’obtenir une liste de 5 à 6 forces, qui servira de fil rouge pour la suite
de la thérapie.
1. Dépoussiérage des forces : Il s’agit de repérer le besoin du client
(défi, challenge, etc.) puis d’orienter le focus sur les forces : « De
quelle force auriez-vous besoin pour répondre à ce défi ? Quelle force
possédez-vous qui pourrait vous aider dans cette situation ? ». Le
thérapeute recherche avec le client des exemples d’utilisation de
cette force, en explore avec lui toutes les dimensions, ainsi que les
sensations corporelles associées, tout en procédant à des stimulations
bilatérales alternées lentes. On procède de la même manière avec les
autres forces en fonction des besoins du client.
2. Changer une habitude : Le patient repère une habitude dont il veut se
débarrasser. Il s’agit de se servir des forces identifiées préalablement
comme levier en intégrant les stimulations bilatérales alternées.
« On a vu que vous possédiez comme force la persévérance, comment
pourrait-elle vous aider à arrêter de fumer ? » Il est demandé au client
de citer plusieurs possibilités, et on développe chaque possibilité.
3. Forces et cognitions positives : Le praticien intègre les forces de
caractères afin de potentialiser les cognitions positives du protocole
standard. Dans la phase trois de l’évaluation du protocole standard,
une cognition négative et une cognition positive sont établies par le
thérapeute et le client. On va pouvoir la renforcer par une question du
style : « Quelle force de caractère pourrait améliorer cette cognition
positive, et comment pourrait-elle le faire ? »

380
Aide-mémoire EMDR

4. Trouver son équilibre (Quand les piliers rencontrent la technique du


papillon1 ) : Il s’agit d’établir une représentation graphique de ce qui
se passe dans la vie du client. Sur une feuille de papier 12 lignes
verticales sont tracées. Chaque ligne représente un domaine (carrière,
finances, santé, spiritualité, satisfaction de vie, etc.). Chaque pilier
est ensuite évalué par le client sur une échelle de satisfaction allant
de 0 à 7 (trop ancrée, la cognition négative peut empêcher un niveau
de satisfaction élevé). Puis il lui est demandé de dire à combien
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il voudrait être au niveau de la satisfaction. Cette information
permet d’élaborer une cognition positive satisfaisante. La même
procédure est appliquée pour chaque pilier. Enfin, le client désigne
le pilier représentant le niveau de satisfaction le plus bas puis le

28. EMDR et psychologie positive


plus haut. Il colorie ensuite l’espace qui sépare les différents niveaux
de satisfaction de manière à obtenir une représentation visuelle
du chemin qui lui reste à parcourir. Le point crucial consiste ici à
identifier, à partir de ce schéma, la cognition négative responsable de
la baisse du niveau de satisfaction pour la désensibiliser en utilisant
le protocole standard. Le client est invité à nommer les forces qui
l’aideront à aller vers la cognition positive tout en effectuant la
« technique du papillon ».

La gratitude

S’appuyant sur les dernières études des psychologues et sur des


recherches exhaustives en philosophie, théologie ou en anthropologie,
Emmons (2010) montre que la pratique de la reconnaissance est une
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composante essentielle du bonheur et propose une série d’outils, des


plus simples aux plus insolites, comme tenir un « journal de gratitude »,
initier un cycle « donner et recevoir », et même associer rythme
cardiaque et « rythme de la gratitude » pour tester ses manifestations
bénéfiques dans notre corps. Wood, Maltby, Gillett, Linley & Joseph
(2007) montrent d’ailleurs que la gratitude diminue le stress et la

1. La technique du papillon issue de l’EMDR est une stimulation bilatérale alternée


que le patient peut effectuer seul. Il suffit de croiser les bras sur la poitrine, de sorte
qu’avec les doigts de chaque main, il soit possible de toucher la zone qui se trouve
entre la clavicule et l’épaule opposées et d’effectuer des tapotements de façon lente
et régulière.

381
Aide-mémoire EMDR

dépression et augmente le bien-être. Alexandre Jollien qui préface


l’ouvrage d’Emmons 2010 précise que « le bonheur est un état d’esprit
et la gratitude est l’un de ses joyeux exercices. » Parmi ces joyeux
exercices, McKelvey (2009) en décrit quatre qui seront intégrés à l’EMDR
ou non.
• La liste de gratitude : Le client doit consacrer 3 à 5 mn de son temps,
au minimum 4 fois par semaine, pour inscrire sur une feuille de papier
10 aspects de sa vie pour lesquelles il éprouve de la gratitude. La
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liste rédigée, il est invité à effectuer sur lui-même pendant 4 à 5 mn
la stimulation bilatérale alternée dite « technique du papillon » en
savourant chaque élément de la liste.
• La lettre de gratitude : Le client est chargé de rédiger une lettre de
28. EMDR et psychologie positive

gratitude envers une personne, pour une action qu’elle a eue au cours
de sa vie, même lointaine. On installe avec les stimulations bilatérales
alternées lentes la gratitude qui émerge de cette lettre.
• Les trois bénédictions nocturnes : Chaque soir au coucher, le client est
invité à repenser aux événements de la journée puis à répondre par
écrit à la question : « Qu’est ce qui est arrivé de bien aujourd’hui ? ».
Il lui est demandé de relire régulièrement ce qu’il a écrit pour prendre
conscience des événements positifs de sa vie.
• La pratique de la reconnaissance : L’alliance de la gratitude et des
stimulations bilatérales alternées favorisent une conscience plus
intense de l’environnement naturel et humain du client. Cette
conscience se traduit chez ce dernier par une appréciation positive
exprimée en termes de reconnaissance ancrée par le thérapeute au
moyen des stimulations bilatérales alternées.

! Psychothérapie positive
La psychologie positive a permis le développement de la psychothérapie
positive dont l’un des leaders est Tayyab Rashid, (e.g., Rashid & Anjum,
2007 ; Seligman, Rashid, & Parks, 2006 ; Rashid, à paraître). Telle
qu’elle se présente actuellement, la psychothérapie positive se compose
de quatorze séances (e.g., Seligman, 2013, p. 65-67). L’objectif à
court terme est de permettre au client, ou au patient, d’identifier les
ressources dont il dispose afin de faire face aux situations auxquelles il
est confronté. Pendant les quatorze séances, les différents domaines de

382
Aide-mémoire EMDR

la psychologie positive sont balayés pour arriver à une augmentation


du bien-être. Seligman, Rashid, & Parks (2006) montrent que dans
la psychothérapie positive « le taux de soulagement des symptômes
dépressifs était supérieur à celui du traitement habituel et à celui des
médicaments. 55 % de patients en psychothérapie positive, 20 % de
patients suivant le traitement habituel, et seulement 8 % de patients
suivant le traitement habituel assorti d’antidépresseurs obtinrent une
rémission » (Seligman, 2013, p. 68). Les résultats encourageants (Csillik,
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Aguerre, & Bay, 2012) nous ont conduit à intégrer l’EMDR chaque fois
que cela était possible en postulant sur une intégration plus rapide et
plus approfondie.

28. EMDR et psychologie positive


Thérapie EMDR du Tournesol, Regourd-Laizeau (2015)

Ce protocole de psychothérapie positive EMDR est inspiré de la


psychothérapie positive de Rashid (2005, 2007 ; Rashid & Anjum, 2007 ;
Seligman, Rashid, & Parks, 2006). Orientée vers les ressources, les côtés
positifs et lumineux du patient, ce protocole permet de stimuler les
ressources latentes et favorise la croissance des réseaux de ressources
accroissant les possibilités d’intégration de l’information adaptative
afin de surmonter les difficultés, voire de développer une vie plus
épanouie en intégrant les travaux des plus grands scientifiques de
la psychologie positive. Les stimulations bilatérales alternées lentes
renforcent l’ancrage afin de faciliter l’intégration et le tissage cognitif.
D’après nous, Regourd-Laizeau (2013, p. 123), il semble que les réseaux
de ressources ne sont efficaces qu’à partir d’un seuil de développement
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critique. Le praticien EMDR identifie le réseau de ressources, puis le


développe au moyen de suggestions accompagnées de stimulations
bilatérales et lui permet ainsi de grandir et d’être opérationnel. Il peut
s’agir d’en développer la taille et la force en donnant au patient des
éléments concrets, cognitifs, émotionnels qui lui permettent d’élaborer
une intégration (cf. tableau 28.3)

383
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28. EMDR et psychologie positive

Tableau 28.3. Protocole de la thérapie EMDR du Tournesol

SÉANCE ÉTAPE CONTENU


Confidentialité. Les règles de fonctionnement et l’importance du travail intersession. Les
1 problèmes sont considérés comme un manque relatif de ressources positives comme les
Aide-mémoire EMDR

émotions positives, l’engagement, les relations positives, le sens et accomplissement que


Cadre
le patient va acquérir dans la thérapie.
Travail intersession Le patient doit rédiger un texte de 300 mots décrivant une situation réelle qu’il a vécue de
lui à son meilleur niveau.
Pendant la séance, le texte est relu et on extrait les forces de caractères apparaissant. Le
2 Forces de caractères client peut compléter le questionnaire VIAME.ORG pour les repérer ou choisir parmi les 24
cartes du jeu des forces de caractères© celles qui lui ont permis de réussir aussi bien dans
cette situation réelle. Le praticien reprendra ensuite l’histoire rédigée en insistant sur les

384
forces identifiées, les émotions positives, le sens, etc. et il ancre avec des séquences
courtes de SBA lentes.
Journal de gratitude ou variante proposée par Isebaert (2005) : le patient doit répondre le
soir au coucher pendant 21 jours aux questions suivantes :
« Qu’est ce qui m’a donné du plaisir ou de la satisfaction aujourd’hui ? »
Travail intersession « Qu’est-ce que quelqu’un a fait pour moi qui m’a donné du plaisir ou de la satisfaction ?
Que pourrais-je faire pour que cela se reproduise ? »
« Quelles sont les choses de ma vie qui me donnent de la satisfaction ou me font plaisir ? »
Retour sur les éléments de satisfaction et plaisir rapportés par le client accompagné de
Forces de caractères séquences courtes de SBA lentes.
3 Identification précise des situations qui vont lui permettre d’utiliser ses forces pour
augmenter son bien-être, son engagement, et le sens qu’il attribue à sa vie. Détermination
d’objectifs (SMART) dans sa vie.
Travail intersession Le patient élabore un plan d’action concret intégrant les objectifs et les forces.

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Tableau 28.3. (suite)

Souvenirs perturbants Retour rapide sur les éléments de la séance précédente.


4 et négatifs Discussion entre le thérapeute et le client sur le rôle des mauvais souvenirs et des
émotions négatives qui pourraient entretenir des sentiments d’amertume ou générer de la
dépression. Identification des pensées négatives, colère, rancune, etc.
Choix de cibles éventuelles à traiter en EMDR. Dérouler le protocole standard.
Travail intersession Le patient retrouve des souvenirs négatifs et note les émotions de colère d’amertume et
leur impact et comment cela perpétue la détresse émotionnelle.
Retour rapide sur les éléments de la séance précédente.
Le pardon est exploré comme une option pour transformer les sentiments de colère,
5 Pardon d’amertume, de rancœur, associée à une transgression mineure dans une neutralité voire,
si possible, en émotions positives.

385
Travail intersession Le patient décrit une situation et les émotions reliées à celui qui l’a offensé et s’engage à
lui pardonner. Il n’envoie pas forcément la lettre.
6 Gratitude Retour rapide sur les éléments de la séance précédente.
Présentation de la gratitude et de la reconnaissance.

Exercice ou variante avec la visite de gratitude. Le patient écrit la lettre de gratitude et va la


Travail intersession lire au destinataire de ladite lettre. Ces éléments seront repris en séance avec les SBA.

7 Bilan intermédiaire Évaluation des différents éléments vus auparavant : le plan d’action avec les forces de
caractère, le pardon, les éléments sur la gratitude. Bilan des progrès thérapeutiques et des
axes d’amélioration éventuels.
8 Entretien sur les notions de « bien », « mieux », et « parfait » : le perfectionnisme et ses
Satisfaction effets nocifs. De quoi le client est-il déjà satisfait ? Ancrage avec les SBA sur les faits
concrets, les émotions, les sentiments, le sens etc.
Aide-mémoire EMDR

28. EMDR et psychologie positive

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28. EMDR et psychologie positive

Tableau 28.3. (suite)

Le patient identifie par écrit des domaines de sa vie qui le satisfont, puis reconsidère ceux
Travail intersession qui ne le satisfont pas en travaillant sur les aspects dont il pourrait se satisfaire.

9 Retour rapide sur les éléments de la séance précédente. Ancrage avec SBA lentes sur
Aide-mémoire EMDR

Espoir, optimisme, matériel positif.


et croissance post-traumatique L’espoir et l’optimisme sont présentés et discutés. On aide le patient à se rappeler des
situations de pertes importantes ou des opportunités sont apparues. Le potentiel de
croissance post-traumatique est également exploré.
Travail intersession Le patient doit repérer 3 portes qui se sont fermées puis répondre à la question : « Quelles
portes se sont ouvertes ? »
10 Communication pour des relations Retour rapide sur les éléments de la séance précédente.
positives Entretien sur le mode de discussion face à l’annonce d’un événement positif : actif ou

386
passif, constructif ou destructeur sélection du mode actif constructif favorisant plus les
relations positives. Puis rappel de souvenirs ou le patient a été accueilli sur le mode « actif/
constructif » et ancrage des sentiments positifs, du sens, des émotions positives avec les
séquences courtes de SBA lentes.
Travail intersession Le patient détecte des opportunités d’attitude active/ constructive.
11 Retour rapide sur les éléments de la séance précédente.
Forces de caractères des proches On choisit des personnes de l’entourage. On dispose les cartes des forces de caractères©
et on lui demande d’identifier les forces pour la première personne, en étayant avec des
exemples concrets. Puis on continue l’exercice sur une autre personne.
Le patient emporte chez lui le jeu des forces de caractères© et est invité à faire l’exercice
avec les personnes vues dans la session 11. Il peut aussi leur demander de passer le
questionnaire Viame.org et discuter à partir des résultats. Il doit ensuite dessiner un arbre
Travail intersession
des forces de sa famille. Il peut organiser une soirée où l’on parle des forces de caractère
de ces personnes.

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Tableau 28.3. (suite)

12 Retour rapide sur les éléments de la séance précédente.


Savourer La notion de savourer est discutée. On évoque aussi des techniques et des stratégies pour
se protéger de l’adaptation. On choisit un événement positif simple (un bon plat, une visite
au musée, etc.) et l’on ancre au moyen de séquences courtes de SBA lentes, les émotions
sensorielles ressenties.
Travail intersession Le patient prévoit et fait une activité permettant de savourer (pleine conscience,
méditation, dégustation, etc.)
13 Retour rapide sur les éléments de la séance précédente.

387
Les effets thérapeutiques positifs de l’altruisme sont présentés ; Puis rappel de souvenirs
Altruisme ou le patient a aidé quelqu’un : ancrage des sentiments positifs, du sens, des émotions
positives avec les séquences courtes de SBA lentes.
Travail intersession Le patient s’engage dans un acte d’altruisme en utilisant ses forces personnelles et ses
ressources.
14 Retour rapide sur les éléments de la séance précédente.
Une bonne vie PERMA Les éléments d’une vie épanouissante sont évoqués (sens, relations, émotions positives,
engagement, accomplissement) ; des pistes pour la maintenir sont envisagées.
Bilan de la thérapie et du protocole Tournesol EMDR. Clôture.
Aide-mémoire EMDR

28. EMDR et psychologie positive

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Aide-mémoire EMDR

Conclusion

Les travaux proposés apportent une grande richesse d’action pour


les praticiens EMDR. D’autres travaux viendront encore élargir la
potentialisation que produit l’EMDR dans son aspect « reprocessing »,
même si le processus d’action ne semble pas le même que celui de la
désensibilisation. Nul doute que ces deux aspects soient nécessaires
sur le continuum du bien-être de la psychologie intégrant à la fois
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la psychologie telle qu’on la connaît et la psychologie positive. La
croissance post-traumatique pourrait être un angle d’étude particulière-
ment précieux pour le praticien EMDR dynamisant la désensibilisation
et optimisant le « reprocessing ».
28. EMDR et psychologie positive

388
Aide-mémoire EMDR

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389
Aide-mémoire EMDR

29
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EMDR ET COACHING

Martine Regourd-Laizeau, Joanic Masson et Ingrid Petitjean

29. EMDR et coaching


La première publication sur le coaching date de 1937, et depuis, les publications
augmentent de façon exponentielle (Grant, 2011). Afin d’être précis, il convient
de définir l’articulation entre psychologie et coaching. Le praticien EMDR pourrait
utiliser de nombreux outils et protocoles EMDR présentés ci-après afin de renforcer
sa pratique en coaching et/ou en psychologie. Les différents protocoles EMDR
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pourront s’intégrer et s’articuler dans une démarche de coaching tout en tenant


compte des précautions nécessaires au niveau de la posture et de l’éthique.

Définition

Bien que les définitions de coaching varient, la plupart suppose une


relation de collaboration entre le coach et le coaché dans le but
d’atteindre les résultats de développement professionnel ou personnel
qui sont évalués par le coaché (Spence et Grant, 2007). En règle générale,
les objectifs de coaching sont fixés afin de développer les capacités
d’un individu ou sa performance actuelle. En substance, le processus de
coaching facilite l’atteinte des objectifs en aidant les individus à :

391
Aide-mémoire EMDR

1. identifier les résultats souhaités ;


2. établir des objectifs spécifiques ;
3. renforcer la motivation en identifiant les forces et le renforcement
d’auto-efficacité ;
4. identifier les ressources et à formuler des plans d’action spécifiques ;
5. surveiller et évaluer les progrès vers les objectifs ;
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6. et modifier les plans d’action en fonction des feedback (Grant,
Passmore, Cavananagh et Parker, 2010). En comparaison avec la
psychothérapie, on note plusieurs différences importantes que nous
allons évoquer partiellement.
Le lien entre le thérapeute et le patient est une relation asymétrique.
En effet, le plus souvent, le thérapeute est censé avoir les réponses
alors que dans le coaching, le coach aide le client à découvrir ses
29. EMDR et coaching

propres réponses dans une relation d’égalité et un partenariat créatif.


Le thérapeute s’intéresse généralement au passé qui a conduit à la
situation dysfonctionnelle alors que le coach s’intéresse au présent
et cherche comment aller vers un futur plus agréable. D’autre part,
en coaching, la croissance et les progrès sont rapides et la démarche
généralement agréable alors qu’en thérapie les progrès sont lents et la
démarche délicate. Ces différences peuvent conduire l’individu à choisir
un coaching ou une thérapie en fonction de ses attentes et craintes. Le
schéma ci-dessous reprend les différences entre consulting, coaching et
thérapie (Kauffman & Coutu, 2009). On observe un chevauchement sur
certaines compétences communes au coaching et à la thérapie.

Le protocole EMDR et les outils du coaching

La formation EMDR s’adresse aux personnels de santé mentale habilités


à pratiquer la psychothérapie en France : psychiatres, psychologues,
médecins généralistes, psychothérapeutes, psychothérapeutes reconnus
par les Agences Régionales de Santé (ou niveau équivalent après
acceptation de dossier par l’Association EMDR-France).
Le praticien EMDR peut investir le coaching en combinant à la fois
le protocole EMDR standard ainsi que d’autres protocoles avec les

392
Aide-mémoire EMDR

Consulting Thérapie

Payé pour trouver Conseille Orienté Payé pour poser Orienté


des solutions les dirigeants vers le futur les bonnes vers le passé
sur les problèmes questions
d’affaires
Centré Implique Favorise Aborde Diagnostique
sur la performance les managers la performance des questions et traite les
organisationnelle dans la fixation individuelle difficiles au travail dysfonctionnements
des objectifs dans le contexte et à la maison
professionnel
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S’efforce Basé sur l’éthique Aide les cadres Centré Basé
à l’objectivité organisationnelle à découvrir sur le changement sur une étude
leurs propres individuel médicale
chemins
Fournit Payé Explore Confidentialité
une analyse par l’organisation l’expérience garantie
quantitative subjective par la loi
des problèmes
Coaching

29. EMDR et coaching


Figure 29.1. Domaines du consulting, du coaching et de la thérapie
© Kauffman & Coutu, 2009

outils du coaching afin de permettre à une personne (ou un groupe de


personnes) d’atteindre un objectif précis et défini. Il peut s’agir d’une
épreuve de vie telle qu’un divorce, un changement de travail, mais aussi
la préparation à une performance artistique, sportive ou académique,
etc. Le protocole standard montre combien les cognitions négatives
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

contribuent au traitement dysfonctionnel de l’information. Traiter ces


croyances négatives facilite le traitement adaptatif de l’information et
contribue à une évolution positive du sujet. L’EMDR, dans son utilisation
traditionnelle, peut être utilisée sur des événements traumatisants (petit
traumatisme ou grand traumatisme), sur l’anxiété de performance, les
troubles anxieux que peuvent ressentir les coachés. Par exemple, Jamie
Cudmore, membre de l’équipe canadienne junior de descente en ski alpin
est devenu rugbyman professionnel après une chute accidentelle en ski.
Il n’a jamais pu se libérer du souvenir de cette chute et a réorienté sa
carrière vers un autre sport (rugby) avec le succès que l’on connaît. Mais
combien de sportifs abandonnent leur carrière alors qu’un travail en
thérapie pourrait les relancer ? Pourtant, l’EMDR a été testée avec succès

393
Aide-mémoire EMDR

sur les gymnastes (Arnold, 1994) avec une augmentation de la confiance


en soi et une diminution de l’anxiété. Les cavaliers de dressage (Crabbe,
1996) ont augmenté leur performance ainsi que les rugbymen qui ont
vu augmenter leur estime de soi et leur optimisme (Regourd-Laizeau,
Martin-Krumm & Tarquinio, 2011). Pour la natation, Graham & Robinson
(2007) ont montré les bénéfices du protocole standard.
Dans le monde de la performance, une contre-performance relative peut
être intégrée de façon dysfonctionnelle comme une humiliation altérant
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longtemps l’estime de soi, mais aussi la performance de l’athlète. Les
blessures altèrent les défenses psychologiques de l’athlète et engendrent
des symptômes tels que ceux observés dans l’ESPT (Peck, Robertson,
& Zeffert, 1996 ; Shuer & Dietrich, 1997 ; Grand, 2013). Andersen et
Williams (1999) montrent que le souvenir de la blessure peut engendrer
des affects négatifs anxiogènes au moment du retour à la pratique
sportive, notamment la peur de se blesser à nouveau. Or, selon Eysenck
29. EMDR et coaching

et Calvo (1992), l’anxiété éprouvée par un expert en situation de


performance consomme beaucoup de ressources attentionnelles (plus
que les ressources disponibles), altérant la performance. Nous voyons
avec cet exemple l’utilité de l’EMDR dans la pratique du coaching. Tout
comme le coach, le praticien prendra garde à gérer avec encore plus de
précaution la déstabilisation provoquée par le protocole standard en
intensité et en temps.
Les écoles de coaching proposent des méthodes centrées sur les grands
principes de l’écoute, de la reformulation, de l’art du questionnement.
Nous avons choisi d’expliciter la méthode Target®(2012), bien que moins
connue, mais qui propose une modélisation empirique et pragmatique de
la performance mentale en entreprise, dans le monde sportif et utilisable
aussi en coaching de vie. Après 30 ans de travail avec des athlètes,
Christian Target a conceptualisé un modèle de performance mentale®
comprenant 7 éléments de potentiel (cf. encadré), et une boîte à outils
intégrant entre autres le profil d’aptitude au défi® s’inspirant d’un
schéma de Csikszentmihalyi (1990), la boussole des émotions, etc.

Le triangle d’appui

Le triangle d’appui est composé de la gestion des Émotions qui concerne la capacité
de l’individu à se mettre dans la bonne émotion et à gérer l’anxiété ou le stress, ☞

394
Aide-mémoire EMDR

☞ l’Énergie qui concerne la capacité à gérer le relâchement, et développer cette


aptitude pour mieux récupérer et l’Estime de soi qui permet de développer une
vision positive de soi. Les 2e et 3e niveaux s’intéressent à la motivation et la
confiance. La concentration représente l’étage de l’action performante, avec ses
trois temps : explorer le passé, réussir l’action au présent, et programmer le futur.
Vient ensuite la communication qui dépend de la performance mentale individuelle.
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29. EMDR et coaching
CON CENTRA TION
sur le sur le sur le
Passé Présent Futur
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Motivation

Estime
de soi
Émotions Énergie

Figure 29.2. Le modèle de performance mentale


© Target, 2012

395
Aide-mémoire EMDR

Les principes de coaching s’appliquent à la fois à l’individu et aussi


à l’équipe, mais d’autres points comme la cohésion d’équipe, la
synchronisation, les attentes mutuelles® ajoutent des bases de travail
importantes. La performance mentale collective découle de l’aptitude
du collectif à mobiliser positivement tous les éléments de potentiel.
Theebom, Beersma, & VanVianen (2014) ont montré l’efficacité des
pratiques de coaching dans les organisations sur la performance, le
coping, les attitudes au travail et la régulation des objectifs. Le
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praticien EMDR pourra évaluer les 7 éléments de potentiel comme
base de travail puis réparer, dynamiser, optimiser au moyen de différents
protocoles EMDR. En s’inspirant du travail de Jarero & Artigas (2000),
des retraitements collectifs EMDR pourraient être tentés sur des équipes
de travail ou des équipes de sportifs.

! Protocole « Partir du bon pied » (Kinowski, 2003)


29. EMDR et coaching

L’objectif du protocole « Partir du bon pied » est d’augmenter les


ressources en permettant à des personnes ayant des difficultés à
verbaliser ou débordées par les émotions, à utiliser la mémoire de
leur corps comme médium. Ainsi, cela permet également de traiter
des personnes fonctionnant majoritairement sur un mode kinesthésique.
Cette démarche s’applique au préalable, créant des ressources internes
suffisantes afin d’appliquer ensuite le protocole EMDR standard.

1re étape : évaluation


Questions de base permettant l’identification de la problématique générale. Le
praticien repère les comportements, les cognitions, les styles qui accompagnent le
problème. Puis il est demandé au client de repérer les manifestations physiques de
son corps lorsque le problème se manifeste (tension, respiration accélérée, nausées,
poussées d’adrénaline etc.) et aussi comment il préférerait fonctionner.
Évaluation à l’aide de deux des trois indices suivants :
Chiffre de SUD (du protocole EMDR standard),
Unités subjectives de sécurité du corps (SUBS), une échelle de 1 à 5 sur la gravité
de l’inconfort physique du corps,
Évaluation de la confiance (RoC, rating of confidence) – « Sur une échelle de 1 à 7,
à combien estimez-vous votre confiance de fonctionner de façon optimale ? »
2e étape : position du corps ☞

396
Aide-mémoire EMDR

☞ « Expérimentez la position et la posture que vous adopteriez si la solution désirée


était là. »
Le thérapeute encourage et aide à trouver la position adéquate. De façon
remarquable, le patient est capable d’utiliser ses sensations physiques et changer sa
position pour « être » la solution, même s’il a du mal à conceptualiser une solution.
3e étape : scanner du corps
Par des séquences courtes de SBA lentes, le praticien EMDR installe chez le client la
sensation telle qu’elle est ressentie dans ses muscles, ses articulations etc., jusqu’à
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une respiration profonde et calme, puis demander : « Que remarquez-vous ? » « Et
maintenant, centrez-vous sur l’endroit de votre corps où vous vous sentez relaxé et
dites-moi à quoi ça ressemble physiquement. »
4e étape : les trois images
Pendant cette position physique orientée vers la solution et avec le contexte de
soutien thérapeutique, le client est invité à associer librement une image à n’importe
quel élément de la posture, et ceci à trois reprises. Les trois images obtenues sont
installées avec un processus en trois étapes : Mettre l’accent en demandant de

29. EMDR et coaching


zoomer sur l’image et de dire ce que cela lui fait. La deuxième étape est d’apprendre
au patient à repérer les sensations physiques liées à l’image. La troisième phase est
de transformer l’image en un point de référence somato-sensoriel en le stockant,
de façon imaginaire, quelque part dans le corps.
5e étape : voyage dans l’espace intérieur
Cette phase consolide les résultats à partir d’une cognition positive ajoutée comme
dans le protocole standard. Les cognitions issues de ce travail commencent par « Je
peux... », « Je suis... ». Le moteur du changement est la réponse du corps.
6e étape : exposition
Les trois images et la cognition forment un recueil de ressources sur lequel on peut
s’appuyer pour retraiter la difficulté récurrente. Pendant que le praticien effectue
des stimulations bilatérales alternées, le client centre son attention sur l’image et
la cognition positive et fait revenir brièvement un des aspects du problème puis
retourne vers les images et les sensations corporelles positives.
7e étape : Projection dans le futur
Cette étape est similaire au protocole standard. Le thérapeute propose : « Imaginez
que cette situation se produise, le ... ... (jour). Mettez-vous dans la position qui
représente le futur, pensez à vos images, et aux sensations qui y sont liées et
puis imaginez comment vous pourriez agir » tout en effectuant des stimulations
bilatérales alternées lentes.
8e étape : Évaluation finale
Les évaluations finales mesurent l’évolution pendant la séance avec les indices de
mesure utilisés en début du travail.

397
Aide-mémoire EMDR

! Protocole de performance optimale


(Foster & Lendl, 1997)

L’objectif du protocole de performance optimale est de faciliter le


développement de ressources internes sur des répertoires comportemen-
taux actuels afin d’affronter des situations de défi ou de déployer une
ressource existante inhibée par l’anxiété de performance ou par un autre
type de blocage. Il s’agit de passer de « bon » à « excellent » (Foster and
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Lendl, 1995, 1996 ; Lendl and Foster, 2009). Ce travail intègre les outils
habituels de fixation d’objectifs, d’entretien d’explicatifs, etc. Un travail
intersession peut s’avérer nécessaire pour ancrer le travail de ressources.
Ce protocole s’utilise en outre pour préparer une performance physique,
mentale, cognitive, artistique etc. Par conséquent, il est préférable de
l’utiliser après le protocole EMDR standard. Précisons qu’il convient de
prévoir un espace-temps suffisant entre la séance et la performance
attendue (15 jours semblent être un espace correct).
29. EMDR et coaching

Histoire du client
Image de l’autorité ? Contrôle perçu au travail ou dans le couple. Fonctionnement
scolaire par rapport aux parents, aux professeurs. Personne qui réussissait dans la
famille ? Expérience de l’échec
Sélection de la cible de travail
Le problème présenté peut être un sujet courant, une situation professionnelle ou
une situation dans la recherche de performance du client :
« Qu’est-ce qui vous préoccupe maintenant dans votre travail/dans votre
musique/art/sport ? »
« Quelle image représente le défi que vous avez actuellement au travail (ou la
perspective du début) pour fonctionner mieux ? »
« Quels mots vont le mieux avec cette image et expriment la croyance négative que
vous avez maintenant ? »
« Quand vous amenez cette image (liée au travail, l’art, le spectacle ou le sport),
que voudriez-vous penser de vous maintenant ?
Élaboration d’un lieu sûr
« Imaginez un endroit réel ou virtuel, dans lequel vous vous sentez protégé, tranquille
et paisible. Notez l’émotion et les sensations physiques quand vous vous imaginez
dans ce lieu. Pensez maintenant à comment vous pourriez prendre une ou deux
minutes d’un jour de travail intense pour recréer ce lieu sûr et ressentir ce sentiment ☞

398
Aide-mémoire EMDR

☞ de bien-être. Imaginez-vous pensant à ce lieu sûr alors que vous êtes sur votre lieu
de travail. »
Création du coach Intérieur
« Imaginez une personne réelle ou virtuelle qui peut être une ressource intérieure
pour vous, comme un coach intérieur. Il peut être une partie de vous, comme
votre Soi ou votre sagesse intérieure. Imaginez la voix de cette personne réelle ou
virtuelle, vous calmant quand vous vous sentez mal ou frustré, qui vous rappelle
vos forces, talents et vos qualités positives. »
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Création d’une équipe Intérieure de support
« Imaginez ce coach intérieur et d’autres personnes qui vous soutiennent et vous
encouragent, comme une équipe intérieure, comme une partie de vous qui vous
acclame. Entendez et voyez-les maintenant comme s’ils étaient réellement autour
de vous, avec des encouragements, vous souriant et vous donnant des conseils
quand vous en avez besoin. »
Liste des succès

29. EMDR et coaching


« Pensez à un moment dans le passé où vous vous êtes senti plus puissant, ou vous
aviez plus de contrôle. Ou bien, lorsque vous avez été heureux des résultats que vous
avez obtenus. Notez les émotions et les sensations physiques qui viennent quand
vous pensez à ces expériences réussies. Imaginez que vous apportez délibérément
ces expériences réussies dans votre esprit quand vous vous sentez découragé, de
façon à changer votre état d’esprit pour qu’il soit encore plus puissant et positif. »
Lieu mental
« Dans votre esprit, imaginez un espace interne comme une pièce confortable ou un
bel espace en plein air, dans lequel vous pouvez être assis sur votre chaise préférée
ou sur l’herbe sous les arbres. Imaginez un grand écran de projection devant vous
sur lesquels vous pouvez vous voir réussissant à faire les choses aussi bien que
vous voulez les faire dans l’avenir. »
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Désensibilisation
Désensibilisez le malaise actuel jusqu’à ce que le SUD soit égal à 0.
Le but de cette phase est d’avoir accès au lien entre les performances actuelles
et le passé ou les déceptions. Ces connexions apparaissent spontanément, et les
mémoires des événements passés deviennent des cibles ultérieures.
Installation
« Imaginez maintenant la position, la qualité de voix, des gestes et le sentiment
positif dans votre corps comme lorsque vous pensez à la situation cible souhaitée. »
Quand le client arrive à imaginer la situation clairement, le praticien l’installe avec les
jeux courts de SBA. Pour un effet maximal, le praticien peut demander au client de
se lever et de s’imaginer faisant face à la situation avec les ressources nécessaires. ☞

399
Aide-mémoire EMDR

☞ Le praticien peut alors installer l’expérience réussie imaginée tandis que le praticien
et le client sont debout.
Scanner du corps
(idem protocole standard)
Clôture
(idem protocole standard)
Évaluation de la force des associations positives
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! Protocole de développement et d’installation
de ressources modifié, Fischer (2001)

L’objectif du protocole de Fischer (2001) est de faciliter le développement


des ressources internes et d’élargir la fenêtre de tolérance chez les clients
ayant des symptomatologies sévères et /ou un déficit d’expériences
29. EMDR et coaching

positives. Il vient en appui pour permettre ensuite un protocole EMDR


standard.

1. Définir la ressource nécessaire pour atteindre l’objectif : identifier avec le


client un problème douloureux, un sentiment ou un défi dans sa vie actuelle ou
ce qui est le plus pénible actuellement.
« Quel est le problème qui est le plus pénible dans votre vie au quotidien ?
Quelle partie de ce problème est le plus difficile pour vous ? À quel moment
vous sentez-vous découragé par ce problème ? »
2. Rechercher une ressource potentiellement aidante : demander au client
d’imaginer le type de ressources dont il aurait besoin, comment il aimerait se
sentir ? : « Quelle force intérieure, ressource ou aptitude pourrait vous aider à ne
pas vous sentir si mal ? démoralisé ? impuissant ? »
Si c’est trop abstrait, demander : « De quel sentiment ou conviction auriez-vous
besoin pour être en mesure de (objectif de la ressource) ?
3. Développer la ressource : demander au client d’imaginer comment il se sentirait
ou à quoi cela ressemblerait d’avoir cette ressource à l’intérieur du corps et de
l’esprit ?
Utiliser des images et des phrases pour stimuler la créativité et l’imagination du
client : « Si vous vous réveillez chaque matin avec cette ressource, qu’est ce
qui serait différent ? Comment commenceriez-vous la journée ? » Ou « Si vous
aviez cette ressource dans chaque cellule de votre corps, comment ça serait ? » ☞

400
Aide-mémoire EMDR

☞ 4. Élaboration de la ressource : travailler ensemble les images proposées par le


client : « si vous vous sentez plus (ressources)qu’est-ce qui se passerait ? Quelle
serait la prochaine étape ? »
Lier les images avec les sensations physiques, les cognitions, et les sentiments :
« quand vous vous imaginez capable de ressentir cela et de faire (image), qu’est
ce qui se passe dans votre corps ? Comment le ressentez-vous ? Remarquez
comme vos pensées évoluent lorsque vous avez cette ressource disponible en
vous ? »
Créer des mini-objectifs : « Imaginez-vous aller au travail avec cette ressource
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disponible en vous. Imaginez comme vous affrontez (la situation de défi) avec
cette ressource intégrée dans chacune de vos cellules. » Lorsque le client a
élaboré la ressource et a des sensations positives et des émotions connectées,
la ressource peut être installée.

5. Installation de la ressource : revenir sur les images significatives et les phrases


associées, les évoquer en y associant la ressource. « Encore une fois, imaginez
que vous possédez vraiment cette ressource, autorisez-vous à sentir encore
plus de (ressource). Notez les sensations dans votre corps qui vont avec cette

29. EMDR et coaching


ressource. »
Relier l’image du motet les sensations corporelles. Séquences courtes de SBA.
Relier le mot et les images : « avec la ressource à l’intérieur, vous vous sentez
de plus en plus calme, et tranquille, continuez avec ça. » SBA
Continuer le processus d’installation jusqu’à ce qu’un état positif soit atteint de
façon consistante.
Quand l’état positif est installé, il peut être testé en utilisant des situations de
défi d’un niveau moyen.

6. Gérer les intrusions négatives : lorsque le client rapporte des manifestations


négatives ou intrusives (sentiments, pensées, sensations), ces dernières peuvent
être réinterprétées comme un défi et pourront permettre de tester le lien avec
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la ressource.
Cibler les pensées intrusives en utilisant les mots du client et en lui demandant
de les localiser dans son corps.
Si après plusieurs essais, les pensées intrusives se maintiennent, arrêter les
stimulations bilatérales alternées et utiliser des ressources de psychoéducation :
besoin de prendre du temps, difficulté à faire confiance à des sentiments positifs,
besoin de plusieurs ressources pour gérer la situation de défi ou le matériel
post-traumatique. Lors de séances ultérieures, faire des séances plus courtes
sinon les manifestations négatives peuvent s’aggraver.

7. Résumé et renforcement : revenir sur l’expérience émotionnelle et somatique


quand on imagine avoir la ressource.
Demander au client d’imaginer un symbole, une image, un mot, ou un mantra ☞

401
Aide-mémoire EMDR

☞ qui pourrait l’aider à contacter la ressource chaque fois qu’il en a besoin au cours
de la journée.
Relier les images de la ressource avec le symbole ou le mantra et installer à
l’aide de courtes séries de stimulations bilatérales.
Encourager le client à penser à l’image ou au mantra fréquemment et à utiliser
des indices de rappel visuels ou écrits dans son environnement pour lui rappeler
de le faire.
8. Renforcement de la ressource dans le temps : lors des sessions ultérieures :
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« Comment ça se passe lorsque vous utilisez l’image [ou le mantra] pour vous
connecter à la ressource ? » ; « Lors de situations délicates, avez-vous essayé
d’accéder à vos ressources pour vous sentir moins dépassé ? »
Rappel : si le client possède peu de ressources ou a des affects négatifs, lui
demander de pratiquer régulièrement l’utilisation des ressources. Si le client
présente des difficultés, diminuer la quantité de défi ou augmenter la ressource :
ajouter des ressources supplémentaires nouvelles ou déjà installées à la situation
future. Évaluer régulièrement la part des ressources intégrées à chaque séance
de thérapie : les imaginer comme des « alliées » thérapeutiques pour le client et
29. EMDR et coaching

le thérapeute.
9. Aider le client à généraliser l’utilisation des ressources : pour les clients
qui ont eu peu d’expériences de maîtrise ou de sécurité ou un sentiment de
ressources, apprendre à généraliser les ressources nouvellement développées
est une partie essentielle du traitement.
Utiliser la psychoéducation pour apprendre au client comment, quand utiliser les
ressources dans la vie quotidienne : pour anticiper les événements stressants et
les défis quotidiens, lorsqu’il est stimulé par un déclencheur, lorsqu’il est anxieux
ou dépassé, etc.
Les pensées intrusives doivent être anticipées et gérées (section 6).
Pour les patients très instables, l’utilisation de la stimulation bilatérale continue
est utile afin d’augmenter leur fenêtre de tolérance. La stimulation continue
fournit un moyen d’installer la parole, la résolution de problèmes, et les éléments
de psychoéducation utiles pour la thérapie.

Conclusion

Comme nous l’avons vu, les principes de coaching peuvent être intégrés
à la pratique du psychologue qui pourra utiliser l’EMDR pour traiter
les « blocages » liés à des traumatismes psychiques non assimilés, et
renforcer les ressources, développer des potentiels afin de permettre

402
Aide-mémoire EMDR

au client d’aller vers l’univers des possibles. Il reste à définir si le


coach non-psychologue pourrait avoir accès aux formations EMDR et
sous quelles conditions afin d’offrir des garanties au coaché. Ce chapitre
risque de susciter des vocations de coaches chez les psychologues et
cela implique la prise de posture différente du coach mais aussi de
susciter des envies de devenir praticiens EMDR chez les coaches qui vont
avoir à remplir les critères nécessaires.
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404
Aide-mémoire EMDR

30
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EMDR ET CULTURE

30. EMDR et culture


Pascale Amara

La thérapie EMDR représente une avancée majeure dans la prise en charge du


trouble psychotraumatique. Il fut important pour Francine Shapiro, portée par un
humanisme unanimement reconnu, de diffuser cette thérapie par-delà les frontières
occidentales, afin qu’elle puisse être accessible au plus grand nombre, et notamment
auprès de populations vulnérables exposées à des vécus catastrophiques. Ce fut un
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défi que l’EMDR a relevé avec succès. Des cliniciens EMDR sont présents sur tous
les continents, en tant qu’humanitaires ou en tant que cliniciens locaux. Dans les
pays occidentaux, la psychothérapie transculturelle a connu ces dernières années
un bouleversement du fait de l’afflux de réfugiés, notamment mineurs, porteurs de
faits traumatiques d’une extrême gravité. C’est un défi important pour les cliniciens
EMDR intervenant en structures médico-sociales.
Les cliniciens, chercheurs, et décideurs trouveront dans ce chapitre des clefs pour
mieux comprendre et appréhender les différents enjeux posés par l’utilisation de
l’EMDR dans des contextes cliniques interculturels. Après avoir exposé la philosophie
d’intervention des programmes d’assistance humanitaires EMDR, ainsi que les
points forts de la thérapie EMDR qui la rendent adaptables à différents contextes
culturels, nous poserons les jalons des fondamentaux à respecter dans la rencontre
interculturelle en santé mentale et spécifiquement dans la prise en charge du ☞

405
Aide-mémoire EMDR

☞ psychotrauma. Enfin nous passerons en revue les spécificités de la thérapie EMDR


en contexte interculturel qui seront développées à travers les 8 phases du protocole.

Les programmes EMDR d’assistance humanitaire

Les actions Trauma-Aid, auparavant dénommées EMDR-Humanitarian


Assistance Program (EMDR-HAP), ont débuté aux USA en 1995, en
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réponse à l’attentat d’Oklahoma City. Des praticiens EMDR prirent en
charge bénévolement victimes et intervenants de première ligne en
post-immédiat et des formations gratuites à l’EMDR furent dispensées aux
cliniciens locaux pour assurer le relais des prises en charge. Les résultats
très positifs déclenchèrent la constitution d’une organisation américaine
EMDR-HAP dédiée à des programmes locaux puis internationaux qui se
déployèrent dans plus de 30 pays (Shapiro, 2012), et continuent leur
déploiement à ce jour.
30. EMDR et culture

Ces programmes s’adressent aux pays exposés à des catastrophes de tous


ordres (désastres, conflits armés, misère sociale). Il est à noter qu’en
ce début de 21e siècle les instances internationales de protection des
populations vulnérables, comme l’UNITAR, prennent enfin la mesure de
l’ampleur de ce que l’on peut appeler l’épidémie du psychotrauma, tant
les causes du psychotrauma identifiables à travers les quatre violences –
directes, naturelles, structurelles, et culturelles – prennent actuellement
des proportions dévastatrices (Carrière, 2014).
L’objectif global des programmes humanitaires EMDR est d’agir au niveau
de la souffrance post-immédiate afin d’empêcher la transmission de la
douleur psychique et de la violence qui sont le double héritage du
psychotrauma. Ils sont structurés autour de trois objectifs : information
du grand public sur les symptômes post-traumatiques ; soutien des
professionnels locaux au contact des victimes par des formations au
psychotrauma et à l’EMDR ; prise en charge des victimes en EMDR. En
2012 l’organisation américaine a pris un tournant afin de donner plus
de pouvoir aux communautés locales (empowerment) en les rendant
moins dépendantes des interventions humanitaires. Des volontaires
sont toujours disponibles en cas d’urgences, mais une part beaucoup
plus importante est laissée aux professionnels locaux : les formations
concernent non seulement les cliniciens des organismes locaux, mais

406
Aide-mémoire EMDR

aussi des intervenants locaux non cliniciens, identifiés comme auxiliaires


de santé sélectionnés à partir de leur métier d’origine (enseignants,
infirmiers, religieux...).
Ce modèle prône la structuration d’un pool de professionnels apte à
intervenir en cas de désastre et optimise l’impact des prises en charge
par le fait que les intervenants locaux – qui sont leurs interlocuteurs
habituels – ont un lien instantané et fiable avec les victimes (Shapiro,
2012). Les interventions sont prévues à 2 niveaux : des prises en
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charge en post-immédiat effectuées par les auxiliaires de santé non
cliniciens sous forme de stabilisation émotionnelle auprès du plus grand
nombre de victimes impactées, et des prises en charge en EMDR auprès
des victimes identifiées comme étant les plus choquées, menées par
les cliniciens (Carrière, 2014). Former les professionnels locaux à la
prise en charge d’un grand nombre de personnes en cas de désastres
collectifs permet de contourner les problèmes causés par le différé
des interventions internationales, et construit des ressources durables

30. EMDR et culture


dans des communautés exposées plus que d’autres à des catastrophes
naturelles et/ou à des conflits violents (Shapiro, 2012).
Les associations Trauma Aid ont essaimé dans la communauté EMDR
européenne qui a déployé des programmes humanitaires vers les pays
émergents partenaires (par la langue, par l’histoire en tant qu’anciennes
colonies) pour transmettre l’EMDR aux professionnels locaux de pays
demandeurs, ou intervenir en direct dans des zones impactées (Shapiro,
2014).
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À ce jour, l’EMDR est présent sur tous les continents. Suffisamment


développé en Amérique du Nord, Amérique Latine, Europe, et Asie,
pour que les pays partenaires se structurent en associations, et en
voie de développement en Afrique et Océanie. Ainsi, l’EMDR a été
implémenté avec succès dans des cultures aussi différentes que les
cultures anglo-saxonne, latino-américaine, asiatique, arabo-musulmane,
africaine, océanienne.
On peut citer à titre d’exemple contemporain les actions remarquables
menées par le britannique Derek FARRELL, formateur EMDR senior, qui
est intervenu, entre autres, dans le cadre de Trauma-Aid Europe, à la
fois dans des situations humanitaires d’urgence comme en Irak en 2015
auprès de la communauté Yezidi victime d’une répression extrêmement

407
Aide-mémoire EMDR

violente de la part de Daech (viols de masse), en partenariat avec la


Jiyan Foundation for Human Rights, et la Free Yezidi Foundation, (Alfred,
2015), et dans des programmes à plus long terme comme au Pakistan
(Farrell, 2014).

Adaptabilité de l’EMDR
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La thérapie EMDR a été reconnue par un grand nombre d’états en tant
qu’approche recommandée pour les troubles psychotraumatiques, ainsi
que par l’OMS (WHO, 2013). Elle est identifiée comme une thérapie
particulièrement adaptée à la mise en œuvre de programmes de prise en
charge du psychotrauma à grande échelle en zones d’intervention post-
catastrophe car elle présente deux caractéristiques très intéressantes
dans ces contextes sensibles (Shapiro, 2012) :
– la rapidité de ses résultats et la facilité de sa mise en œuvre ; la
30. EMDR et culture

thérapie EMDR ne comporte pas d’exercices à faire à la maison, ce qui


rend le traitement possible sur plusieurs jours consécutifs;
– son caractère non intrusif : l’efficience du traitement ne dépend pas
de la verbalisation ou de la description détaillée des vécus difficiles,
le patient choisit et contrôle ce qu’il exprime ou pas; de plus, il peut
s’arrêter à tout moment et être stabilisé si nécessaire.

Cette dernière caractéristique rend l’EMDR particulièrement solide en


contexte transculturel où la barrière de la langue est un obstacle
dans le cadre d’approches thérapeutiques basées uniquement sur la
parole (Zaghrout-Hodali, 2014). Cette caractéristique facilite aussi la
réussite du traitement dans toute situation où le patient est réticent
à la révélation de faits personnels et semble diminuer le traumatisme
vicariant auprès des intervenants, qui ne recueillent pas de ce fait les
détails potentiellement traumatiques du vécu des patients (Shapiro,
2012).
En situation de guerres ou de conflits en cours, ainsi qu’auprès de
rescapés de parcours migratoires insoutenables, la thérapie EMDR répond
de plus à un critère indispensable auprès de victimes (ou témoins) ayant
vécu répression, incarcération, tortures, viols, meurtres : la capacité à
aider les survivants à se reconstruire à travers une vision résiliente et

408
Aide-mémoire EMDR

porteuse d’espoir. Des thérapeutes palestiniens intervenant en zones


de conflits témoignent que l’EMDR apporte une augmentation de la
confiance qu’ils ont dans leur propre travail thérapeutique, ainsi qu’une
meilleure réponse et plus de motivation chez les patients suivis. Dans la
même étude, ces thérapeutes notent que la structure du protocole, – qui
peut paraître complexe à première vue -, anticipée comme une difficulté,
a au contraire donné une vision très claire de la psychothérapie avec
des repères conducteurs faciles à suivre (Zaghrout-Hodali, 2014).
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Par ailleurs, la possibilité d’aborder le vécu traumatique très tôt après
les faits, éventuellement dans le cadre de protocoles simplifiés qui
pourraient être appliqués par des auxiliaires locaux de santé supervisés,
ainsi que celle de mettre en œuvre une forme collective du protocole
(Jarero et Artigas, 2012), sont d’autres caractéristiques qui rendent
également l’EMDR particulièrement adapté pour la mise en place de
programmes en post-immédiat dans les zones de conflit ou de désastres
naturels (Carrière, 2014). Les protocoles EMDR de groupe permettent

30. EMDR et culture


aussi de répondre de façon optimale aux besoins de stabilisation de
réfugiés traumatisés, dont le nombre déborde les capacités de prise
en charge individuelle du psychotrauma. Pour plus de détails sur ces
aspects, se reporter à Amara (2017).
Ainsi, la thérapie EMDR montre suffisamment de souplesse pour s’adapter
aux cultures différentes. Mais qu’en est-il de la « sensibilité » à la culture
au sens psychométrique du terme, de la thérapie EMDR ? Ce protocole
de culture occidentale peut-il absorber les écarts culturels en restant
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fidèle à ce sur quoi il agit, à ce qu’il évalue, et traite, ou est-il trop


occidentalo-centré ? C’est la question de l’universalité du protocole
EMDR qui est posée, derrière laquelle se profile celle de l’universalité
du processus de traitement adaptatif de l’information (TAI), substrat
théorique sur lequel s’appuie la thérapie EMDR.
Marck Nickerson (2017) liste les propriétés fondamentales qui permettent
à cette thérapie de maintenir son efficacité à travers une grande diversité
de culture : être centrée sur le patient ; être peu exigente quant à la
verbalisation; rester efficace avec des interprètes ; pouvoir utiliser
des médiateurs non-verbaux (dessins) ; pouvoir être utilisée dans le
cadre de prises en charge groupales ; permettre aux patients de ne
pas révéler leurs souvenirs ; accéder à différents éléments mnésiques

409
Aide-mémoire EMDR

(cognitions, émotions, ressentis physiques) ; intégrer des outils simples


d’auto-évaluation (VOC, SUds) ; ne pas nécessiter d’exercices à faire
à la maison ; intégrer la biologie universelle du cerveau humain au
modèle TAI ; respecter les processus spontanés de guérison ; adapter
les modalités de stimulation bilatérale ; s’appuyer sur les ressources
culturelles existantes ; intégrer des compétences de pleine conscience
valorisées dans de nombreuses cultures ; encourager l’ajustement du
thérapeute au patient et le respect de son intégrité ; permettre
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d’identifier la problématique selon la terminologie du patient ; être
efficace dans une large gamme de vécus difficiles.
Avant de détailler plus avant les adaptations culturelles des différentes
phases du protocole, il est crucial de rappeler les fondamentaux qui
président à la rencontre interculturelle.
30. EMDR et culture

Santé mentale, psychotrauma, et culture

Le contexte transculturel engage sur la scène thérapeutique un profes-


sionnel et un patient de culture différente. Quel va être le statut de la
culture du patient dans cette rencontre ? Et quelles articulations entre
les deux cultures en jeu ?
Entre l’impératif du tout biologique incitant à s’affranchir de la
culture – puisque le symptôme et sa guérison seraient universellement
partageables –, et celui du modèle psycho-social prônant la réadaptation
à tout crin, l’attitude la plus acceptable sur les plans humain et éthique
consiste à situer la dimension culturelle au cœur de la dynamique de
prise en charge (Baubet et Moro, 2003). Il s’agit de co-construire des
façons de faire adaptées au patient de culture différente en prenant
le temps de se familiariser avec les mots, les représentations, et la
sensibilité spécifique à la souffrance et au trauma, en lien avec les
proches et les familles.
Plus précisément, il convient de privilégier une approche adaptative
articulée aux représentations culturellement spécifiques qu’a le sujet
migrant de la psychologie, de sa maladie, et des rituels soignants
(Baubet et Moro, 2003). En effet, le sujet se représente sa maladie à
travers un modèle subjectif complexe, et sa recherche de soins est reliée

410
Aide-mémoire EMDR

de façon congruente à ce modèle. Les capacités d’affiliation du sujet à


l’espace thérapeutique proposé vont grandement dépendre du fait qu’il
peut projeter cette recherche de soins subjectivement et culturellement
prédéterminée dans les modalités thérapeutiques proposées : le patient
va-t-il se reconnaître dans les mots, significations, symboles, mais
aussi comportements et attitudes portés par le thérapeute ? Pourra-
t-il psychiquement adresser sa demande dans le cadre de cette offre
thérapeutique ?
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Il est nécessaire pour cela que le soignant identifie les éléments
psychiques du patient hétérogènes à sa propre culture pour adapter le
processus de soins. Il peut s’appuyer sur une analyse à trois niveaux :
le niveau ontologique (l’histoire singulière), le niveau étiologique (la
recherche du sens de la maladie), et le niveau thérapeutique (quel
« faire » ?) (Baubet et Moro, 2003).
Une attention particulière est à porter à la procédure diagnostique en

30. EMDR et culture


situation transculturelle. Différents facteurs doivent être connus dans
la mesure où ils sont susceptibles de causer des biais culturels dans
l’évaluation, et fausser le diagnostic (Baubet et al., 2005). La prise
en compte indispensable de ces facteurs culturels est facilitée par le
livret « Formulation culturelle du diagnostic », inclus dans le DSM, qui
permet de recueillir des indications anthropologiques à intégrer au
diagnostic et au traitement (de Vries et al., 2007). Ces indications
constituent une analyse culturelle de la situation personnelle du patient
et de sa proximité avec ses propres références sociales et culturelles (cf.
encadré).
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Livret DSM « Formulation culturelle du diagnostic »


Il est basé sur cinq dimensions (Baubet et al., 2005) :
– identité culturelle du patient : positionnement et ressentis par rapport à sa culture,
sa religion, son pays d’origine, ses compatriotes, sa famille, ainsi qu’avec la culture
du pays d’accueil ;
– modèle étiologique des troubles en référence à la culture d’origine et à la culture
du pays d’accueil : explications, dénomination, manifestations, sens, et itinéraires
thérapeutiques ; sens de la demande actuelle ;
– facteurs culturels de stress et de ressources liés à l’environnement psychosocial
(y compris l’histoire de la migration) et au niveau de fonctionnement ; ☞

411
Aide-mémoire EMDR

☞ – éléments culturels de la relation entre le sujet et le clinicien : culture du clinicien,


lien avec la culture du patient, histoire des relations entre les groupes culturels
du patient et du clinicien ;
– intégration des éléments recueillis au sein d’une analyse ayant pour but d’affiner
le diagnostic et les soins.

Du point de vue du patient, la culture est une médaille à deux faces.


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Elle peut agir comme un protecteur intériorisé qui aide le migrant à
construire de nouvelles stratégies d’adaptation. Mais elle peut être
tellement enracinée que sa perte est vécue comme traumatisante, ou
qu’elle peut devenir un tyran intérieur qui empêche de faire les bons
choix pour sa survie dans le pays d’accueil (de Vries et al., 2007).
Dans cette dynamique d’ajustement à la complexité transculturelle,
« l’itinéraire thérapeutique » peut se construire à travers diverses
logiques complémentaires, rituelles et modernes, et vise tout autant la
30. EMDR et culture

guérison qu’une attribution satisfaisante de sens, pour le malade, au


trouble mental (Baubet et Moro, 2003).
Ainsi, la dimension transculturelle affecte la prise en charge médico-
psychologique dans toutes ses dimensions, de l’établissement du
diagnostic aux possibilités d’alliance thérapeutique, de l’évaluation des
facteurs de stress et des ressources, à la stratégie thérapeutique (Baubet
et al., 2005). La prise en compte de cette dimension nécessite de la
part des soignants « curiosité et souplesse, capacité de pouvoir mettre
en place des dispositifs originaux et métissés, adaptés au contexte et la
capacité à penser à la fois l’universalité du psychisme et la spécificité
culturelle. Un apprentissage de la rencontre. » (Baubet et Moro, 2003).
Joany Spierings, superviseur EMDR néerlandaise, développe le concept
de « Compétence interculturelle » (Spierings, 1999) : « Une manière
structurée de construire une relation thérapeutique avec des patients de
culture différente, d’installer la confiance et de compenser les différences
dans la façon de gérer l’information et d’exprimer ses émotions. »
Mark Nickerson (2017) propose le modèle ASK pour structurer l’effort des
cliniciens EMDR à développer des compétences de base dans l’intercultu-
rel : A pour attitude (positionnement), S pour skills (compétences) et K
pour knowledge (connaissance), et il note également que cet acronyme

412
Aide-mémoire EMDR

simple à retenir – qui signifie « demander, solliciter » –, invite à la


curiosité et l’humilité qui sont les piliers de l’efficience interculturelle.
Ainsi, la compétence interculturelle s’appuie avant tout sur des qualités
humaines manifestées explicitement : ouverture d’esprit et réel intérêt
pour la culture de l’autre, considération et respect pour les différences
culturelles.
Dans la clinique spécifique du psychotrauma, le sujet se représente les
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expériences traumatiques en fonction de sa culture et ces représentations
influencent en retour la perception qu’il a du traitement proposé (de
Vries et al., 2007).
En particulier la question du sens du symptôme, étroitement reliée à
la question du sens du trauma, taraude toute victime : « Pourquoi cela
m’arrive ? » Cette question trouve une déclinaison spécifique selon la
culture et la religion de chacun (Spierings, 1999 ; de Vries, 2007), qui va
orienter le vécu de la souffrance psychique ainsi que le positionnement

30. EMDR et culture


face aux soins.
Pour l’homme occidental athée, l’individu est responsable de son destin,
piégé dans l’illusion qu’il contrôle sa vie. L’événement traumatique vient
briser cette illusion, et la souffrance post-traumatique est une source de
dévalorisation intense. Poussé par cette excessive culpabilité, le patient,
de ce fait, s’engage activement dans son traitement.
Le patient de religion monothéiste s’en remet aux puissances divines :
Dieu ou Allah est responsable de son destin, le fait traumatique est
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inévitable puisqu’il était écrit. Par-delà l’atténuation de la culpabilité,


la souffrance qui en découle peut même porter un sens libérateur – je
gagne mon paradis à travers cette souffrance – et susciter soutien et
sympathie de la part de la communauté. Toutefois, la victime résignée
endosse une forme de vulnérabilité face au malheur, et mobilise moins
d’énergie pour se battre.
Pour les patients de cultures plus traditionnelles, le destin est influencé
voire déterminé par les forces de la nature, les ancêtres, d’autres
influences (mauvais œil, sorcellerie, envoûtement...), qui cherchent
à nuire ou se venger des transgressions en provoquant l’événement
traumatique. Le patient trouve ainsi un sens à la souffrance, et recherche

413
Aide-mémoire EMDR

des rituels de guérison. Toutefois, il a tendance à vivre dans la crainte


continuelle de ces forces toutes puissantes.
Il apparait donc fondamental que le clinicien se penche, par-delà la
culture, sur le système religieux du patient traumatisé, afin de mieux
comprendre ses limitations, et appréhender et mobiliser ses capacités
de résilience.
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Cas cliniques – Psychotrauma et croyances religieuses
Par exemple le « Mektoub » des cultures orientales, qui signifie « C’est
écrit », représente la fatalité divine qui amène à supporter stoïquement et
solidairement les conséquences psychologiques d’événements traumatiques
naturels, comme les tremblements de terre. A contrario, dans les cultures
musulmanes, l’agression sexuelle est une offense indélébile interprétée comme
une faute de la victime voire de la famille toute entière « Allah nous punit
pour des fautes à expier »; les conséquences narcissiques délétères – une
honte massive – rejaillissent sur tous les membres de la famille, aggravant
30. EMDR et culture

la culpabilité post-traumatique de la victime. Cet aspect est indispensable à


prendre en compte par le clinicien qui devra penser un dispositif systémique
dans l’accompagnement du sujet agressé.
Autre exemple de culture plus traditionnelle : Marthe, une jeune gabonaise de
31 ans, pensera que le décès de ses tantes à quelques semaines d’intervalle,
lorsqu’elle avait 15 ans, provient d’un sort jeté par des personnes malfaisantes
de la famille que leurs belles qualités dérangeaient. Envisager de traiter les
séquelles traumatiques de ces décès l’amènera à confronter ses représentations
du pouvoir actuel de ces personnes « malfaisantes »; elle peut craindre de
contrecarrer ces pouvoirs occultes, comme elle peut au contraire souhaiter les
braver pour s’en affranchir. Le clinicien devra comprendre le positionnement
intime de la patiente pour mieux accompagner le processus de soin.

Pour un développement plus complet des enjeux présents entre le sujet


et sa communauté, la culture d’accueil, voire l’environnement au sens
large où il est amené à évoluer, institutions incluses, se reporter à
(Amara, 2017), qui décrit également un dispositif innovant de prise
en charge groupale intégrant l’EMDR et visant à régénérer la société
colombienne brisée par la violence et la drogue.

414
Aide-mémoire EMDR

Développer la relation thérapeutique

Comme pour toute thérapie EMDR, mais là plus encore eu égard à


la fragilité du public concerné, il est essentiel avant de démarrer la
thérapie EMDR qu’il y ait un bon niveau de confiance, de compréhension
et d’adaptation réciproques (Spierings, 1999).
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! Co-construire un cadre thérapeutique
Il est courant que le modèle de la consultation psychologique ou
psychothérapeutique n’existe pas dans le pays d’origine. Cela peut
générer une mauvaise compliance au suivi (Zimmermann, 2014) après la
première rencontre qui, de par sa charge émotionnelle et subjective de
se confier parfois pour la première fois à un spécialiste, peut être perçue
comme un acte de soin expiatoire unique et définitif. Il convient donc,
en s’appuyant sur les dénominateurs communs universels que sont la

30. EMDR et culture


souffrance et le bien-être, de co-construire un cadre structurant a minima
l’asymétrie requise, dans le respect de la déontologie professionnelle.
Un obstacle à l’engagement dans l’entretien peut être un sentiment de
honte face à son propre mal-être ou vis-à-vis des faits subis, quand la
souffrance psychique est vécue comme une fatalité dont il est honteux
de parler (Zimmermann, 2014). Il convient dans ce cas de s’appuyer sur
ce qui fait lien et déculpabilise dans la culture du patient. Dans certain
cas il peut s’avérer nécessaire de rassurer le patient craignant pour sa
réputation en explicitant le secret professionnel.
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! Alliance thérapeutique
La communication verbale et non verbale étant au cœur de la
rencontre intersubjective, il est nécessaire pour faire alliance avec le
patient : d’identifier ses spécificités linguistiques, comportementales et
psychologiques et s’y adapter (cf. encadré) – il est par exemple courant
au Maghreb que le patient et sa famille maintiennent en parallèle de
la thérapie proposée le recours aux pratiques maraboutiques et/ou
religieuses (Rokia) (Dendane, 2013) ; de limiter la barrière de la langue
en portant attention à la clarté de votre communication : réduire son
vocabulaire, utiliser des mots simples, contrôler le flux d’informations

415
Aide-mémoire EMDR

émises, privilégier le non verbal, l’expressif, l’analogique, les métaphores


reliées à la culture du patient (Spierings, 1999).

Exemples de questions culturellement orientées (phase 1)


Exemples de questions basiques permettant à la fois de construire la relation
thérapeutique, d’obtenir les repères culturels du patient, et de relever des éléments
cliniques pertinents pour vos hypothèses cliniques (Spierings, 1999) :
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– Comment explique-t-on votre maladie dans votre pays ?
– Comment serait soignée votre maladie dans votre pays ?
– S’il y avait un(e) sage de votre famille avec nous, que dirait-il/elle sur votre
maladie et sa guérison ?
– Comment les hommes/femmes de votre culture expriment-ils/elles : la colère,
la honte, la culpabilité, la tristesse, la peur, le dégoût, la joie ?
– Comment pourrais-je reconnaître ces affects dans votre expression ?
30. EMDR et culture

! Préparation du patient
Pour renforcer les ressources du patient tout en le mobilisant sur la
thérapie, il convient de : s’intéresser à ses symptômes somatiques et le
mobiliser sur le prendre-soin de son corps en général ; lui apprendre des
techniques de stabilisation émotionnelle et de contrôle des reviviscences
intrusives ; s’intéresser à sa famille, sa lignée ; se mobiliser sur les
difficultés actuelles de sa vie, et lui apporter de l’aide (réseau social,
conseils, jeux de rôle) pour faire face au nouveau contexte. Enfin lui
donner des explications sur les symptômes post-traumatiques et les
hypothèses qui fondent la thérapie EMDR – le modèle TAI –, grâce à des
métaphores (cf. encadré) articulées si nécessaire à ses modèles culturels
et religieux (Spierings, 1999).

Métaphore du tiroir de la mémoire


Cette métaphore peut être utilisée dès la phase 1 pour expliquer le modèle TAI de
la thérapie EMDR, mais également en cours de traitement pour aider le patient à
se repérer dans l’avancée de la thérapie.
Voici un exemple d’énonciation de cette métaphore, que l’on accompagne de gestes
évocateurs (l’indication des phases correspondantes du protocole en 8 phases de la ☞

416
Aide-mémoire EMDR

☞ thérapie EMDR est uniquement pour la compréhension du lecteur clinicien) : « Les


souvenirs traumatiques ne sont pas rangés comme les autres souvenirs, chacun
dans un tiroir de la mémoire ; ces souvenirs-là sont partout à l’intérieur de vous
et vous y repensez tout le temps. La thérapie EMDR ne vous fera pas oublier les
souvenirs – cela n’existe pas -, mais ils pourront être rangés comme les autres dans
les tiroirs de la mémoire et on n’y pense jamais, sauf quand quelque chose nous le
rappelle. Voici comment on va faire avec l’EMDR : on ouvre d’abord un grand tiroir
de la mémoire (Phase 2), puis on attrape le souvenir (Phase 3). Ensuite bouger les
yeux ou les tapotements permet de réduire ce souvenir pour le faire rentrer dans le
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tiroir de la mémoire, et on ferme le tiroir (Phase 4) ; cette étape est au cœur de la
thérapie et peut prendre plus d’1 séance. Ensuite on prépare une belle étiquette où
on inscrit quelque chose de positif sur vous, une pensée choisie par vous qui vous
libère de ce mauvais souvenir, et on colle bien fermement cette étiquette sur le
tiroir (Phase 5). Et enfin on vérifie qu’il n’y a plus rien qui dépasse du tiroir (Phase
6). Ce qui fait que quand quelque chose vous fera penser à ce souvenir, et que
vous irez vers ce tiroir, la première chose que vous verrez, c’est la pensée positive
sur vous. »

30. EMDR et culture


Voyons maintenant les points sensibles à cette adaptation culturelle des
8 phases du protocole.

Adaptation des 8 phases du protocole

! Phase 1 : histoire du patient


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Critères de sélection de patients pour l’EMDR


Cet aspect de la phase 1 concerne la nécessité d’écarter momentanément
de la thérapie des patients qui ne seraient pas en mesure de supporter
la confrontation au souvenir traumatique. Le clinicien doit être à même
d’effectuer une évaluation des troubles dissociatifs présents (prostration,
hébétude, agitation, addictions...) et proposer au patient un soutien
contenant par une parole de réassurance, un début d’élaboration
narrative, et des techniques psycho-corporelles de reprise de contact
avec son corps, comme la technique du Lieu sûr. L’analyse culturelle
est particulièrement pertinente à cette étape tant les vécus d’effroi et
de frayeur peuvent prendre des formes culturellement marquées qu’il
est crucial d’identifier sous peine d’erreurs diagnostiques qui peuvent

417
Aide-mémoire EMDR

donner lieu à des internements abusifs, en cas de diagnostic erroné de


psychoses, par exemple (Baubet et al., 2005).
De façon générale, obtenir un consentement éclairé du patient est un
point particulièrement sensible dans un contexte où la communication
n’est pas fluide ; il est crucial que le patient comprenne et accepte que
l’EMDR va le confronter à ses vécus traumatiques (Spierings, 1999).
Les ressources psychologiques, familiales, sociales peuvent être rares,
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si la personne vit un contexte cataclysmique où elle a tout perdu. À
cet égard, la situation du réfugié isolé est toujours plus fragile que
celle du patient rencontré dans son pays d’origine, car ce dernier peut
partager son malheur avec des pairs et s’appuyer sur ses repères culturels
et familiaux, les plus à même de permettre à l’individu au psychisme
effracté de se reconstruire (Baubet et Moro, 2003).

Histoire du patient
30. EMDR et culture

Pour faciliter le recueil de l’histoire du patient, il convient d’être


attentif à la qualité de la relation intersubjective. L’écoute attentive
du discours du patient, notamment ses plaintes somatiques, suivie
d’une reformulation en termes de stratégie de survie (Spierings, 1999),
est vécue par le patient comme une interprétation libératrice voire
déculpabilisante. Il est important de porter attention à la formulation
des questions pour éviter tout malentendu. Privilégiez les « comment
cela a été/est pour vous ? », « Qu’est-ce que cela vous (a) fait ? »,
« Qu’est-ce qui n’allait/ne va pas ? », « Que faudrait-il changer ? » ;
évitez les « Pourquoi ? » qui peuvent être vécus comme accusateurs.
Contournez la difficile confrontation aux vécus ressentis comme honteux
en évitant un questionnement trop direct ; par exemple faites état de
façon détournée, générale, de la situation traumatique de la personne,
puis demandez-lui si elle en a entendu parler ou si elle se sent concernée
par ces problèmes (Spierings, 1999).
Sur le plan du déroulé de l’anamnèse, intéressez-vous autant aux causes
des symptômes qu’à leurs conséquences dans la vie du sujet et de sa
famille. Soyez attentif au déchirement de l’exil ainsi qu’aux conflits de
loyauté. Envisagez avec délicatesse les questions liées à la sexualité,
et notamment à la perte de virginité. Si la famille est présente et a
accompagné le patient, il est essentiel d’accorder toute son importance à

418
Aide-mémoire EMDR

cet investissement en l’accueillant et l’écoutant ; recueillez les fonctions


et les liens intra-familiaux, et privilégiez le chef de famille (Spierings,
1999).

Plan de ciblage
Les réfugiés sont porteurs de traumas multiples, liés à la situation
sociale, politique, ou sécuritaire dans leur pays, où ils ont vécu dans
l’insécurité et la violence parfois depuis des décennies, et également
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liés au parcours migratoire jusqu’au pays d’accueil où ils ont été exposés
bien souvent à de graves traumatismes tels que des meurtres, viols,
disparitions en mer, menaces constantes de mourir. Ils portent en eux
la détresse d’avoir laissé leur pays, des proches, des personnes décédées
ou disparues du fait des violences qui les ont fait fuir. L’arrivée et
l’installation dans le pays d’accueil peuvent être aussi décevantes voire
traumatisantes, du fait des conditions d’accueil, des manifestations de
rejet et de discrimination.

30. EMDR et culture


Le plan de ciblage doit se focaliser sur les symptômes les plus invalidants
sur le plan social et les plus douloureux sur le plan psychique (Spierings,
1999).
Construire avec le thérapeute un plan de ciblage dans l’intelligence des
liens entre les souvenirs sources et les symptômes actuels amènent une
intelligence partagée entre le thérapeute et le patient qui devient véri-
tablement co-acteur de sa thérapie, en situation d’auto-apprentissage
(Zaghrout-Hodali, 2014), ce qui augmente l’affiliation à la thérapie et
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la mobilisation sur ses ressources propres.

! Phase 2 : préparation
Sécurité
Le sentiment de sécurité est essentiel pour la réussite du traitement, tant
dans la vie actuelle du patient, que dans la relation thérapeutique; à cet
égard, une relation thérapeutique de qualité, respectueuse et sensible
aux spécificités culturelles, telle que nous l’avons évoqué plus haut, où
le patient se sent accueilli au plus profond de ce qui fonde son humanité,
dans un partage quasi-égalitaire avec le thérapeute de la souffrance
humaine dont il est le dépositaire, représente un contenant sécure

419
Aide-mémoire EMDR

extrêmement puissant, et insuffisamment valorisé, dans ces contextes


cliniques extrêmes. Pour qu’un transfert positif puisse s’établir, il doit y
avoir en amont un potentiel contre-transférentiel qui s’origine dans la
motivation du clinicien à tendre la main à son alter ego.

Ressourcement

Le lieu sûr peut être choisi en fonction des ressources culturelles les plus
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solides : famille, religion, ancêtre ; cela peut être un sage de la famille,
réel ou imaginaire. Ne pas hésiter à accepter la présence d’un proche,
à s’appuyer sur des rituels religieux (prière, objet sacré), comme par
exemple une prière avant chaque séance « pour que Dieu bénisse notre
travail » (Spierings, 1999) ; même logique pour les appuis mnésiques
dans le protocole de renforcement de ressources (Korn et Leeds, 2002).

Cas clinique – Installation du lieu sûr


30. EMDR et culture

Par exemple il est proposé à Marthe, une jeune gabonaise de religion


chrétienne rescapée de traite humaine, d’installer un Lieu sûr. Marthe pense
immédiatement à ses prières à Dieu, « mes louanges ». La thérapeute la fait se
concentrer dessus et pratique des tapotements lents sur les genoux (taping).
Alors que Marthe semble profiter calmement, yeux fermés, des sensations
pendant le taping, la thérapeute observe soudain qu’elle dodeline de la tête,
comme si elle perdait conscience ; alertée par cette manifestation d’allure
dissociative, la thérapeute lui fait ouvrir les yeux et la questionne sur son
vécu. Marthe répond qu’elle n’a rien remarqué et que les sensations sont
toujours agréables. La première partie de la réponse confortant l’hypothèse de
dissociation, la thérapeute vigilante prend le parti de poursuivre l’exercice en
mouvements oculaires (MO), afin d’augmenter la capacité de double attention
par le maintien des yeux ouverts. De même, après quelques MO, la tête de
Marthe part en avant puis en arrière, yeux fermés, semblant profondément
ailleurs ; elle répond cette fois à la thérapeute qui la questionne qu’elle a eu
conscience du mouvement de la tête mais qu’elle n’est pas perturbée par
ailleurs ; les sensations sont toujours agréables.
Ce retour clinique non congruent avec son expérience habituelle – où l’absence
de conscience amène en général l’absence de sensations agréables – intrigue
la clinicienne, ce qui crée une ouverture vers une autre dimension possible,
culturellement marquée, étrangère à son monde, qu’elle a la présence d’esprit
de questionner : « qu’est-ce que ce mouvement représente pour vous ?». La
patiente répond laconiquement le mot « Initiation » ; il s’agit du rituel d’initiation
des adolescentes passant à l’âge adulte, encadrées par des aînées en tenues

420
Aide-mémoire EMDR

rituelles qui accompagnent ce passage par des chants et des danses, les jeunes
ayant alors ces mouvements de tête. Elle ajoute que du fait de sa situation
familiale chaotique, elle n’a pu bénéficier de ce rituel en son temps.
La thérapeute soulagée et la patiente peuvent alors rire ensemble de ce début
de thérapie EMDR qui commence bien, avec cette symbolique rituelle de
l’entrée dans la vie adulte. Dans la suite de la thérapie, Marthe manifestera
toujours avec ces mouvements de tête les moments de relâchement agréables.
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Contrôle
Mettre en place tout ce qui va permettre au patient de garder le contrôle
ou le retrouver, en cas d’abréactions voire de dissociation : signal d’arrêt,
un code non verbal « oui/non » s’il ne peut plus parler, des techniques
de réorientation dans le présent.

Tolérance aux affects

30. EMDR et culture


Renforcer la tolérance aux affects en soutenant les capacités du
psychisme à supporter des émotions perturbantes, – par des explications
et métaphores sur les vécus gelés, non intégrés, auxquels on doit accéder
pour qu’ils se libèrent -, en manifestant une contenance solide, verbale
et non verbale.

Stimulations bilatérales alternées


Les mouvements oculaires peuvent être écartés au profit des autres
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modalités sensorielles (auditives, tactiles) lorsqu’ils sont perçus par le


patient comme des tentatives d’ensorcellement, ou des choses interdites
par la religion (Zimmerman, 2014). On peut tenter d’expliquer l’aspect
biologique universel du processus stimulé par les stimulations bilatérales
alternées en faisant des liens avec des éléments similaires de la culture
du sujet – comme par exemple les danses rituelles ou chamaniques
contenant une rythmique bi-alternée à potentiel de guérison.

! Phase 3 : évaluation
La phase 3 est complexe dans sa formulation et nécessite des capacités
d’abstraction qui peuvent être empêchées par la barrière de la langue,
ou les habitudes culturelles de tradition orale. Dans cette situation

421
Aide-mémoire EMDR

d’interculturalité, il est nécessaire d’adapter les phrases du protocole


en des formulations simples, ce qui implique pour le clinicien de savoir
très précisément les informations recherchées.
La recherche des cognitions négatives peut être mal comprise voire
culpabilisante ou humiliante si on ne fait pas la différence entre une
croyance irrationnelle et une pensée ; dans ce cas, il est crucial de
lever le malentendu en expliquant et donnant des exemples (Spierings,
1999) : « Nous savons vous et moi que dans cette situation vous étiez
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parfaitement innocent/à la hauteur, mais parfois on peut se faire des
reproches voire se sentir coupable/nul car quelqu’un a été gravement
blessé ou est mort, même si on n’y est pour rien. »
Identifier des cognitions positives centrées sur soi peut être vécu comme
insécurisant lorsque votre sécurité passe par l’agrégation à vos pairs, et
que votre bien-être est subordonné à celui de votre communauté. Ne pas
hésiter dans ce cas à inclure les proches ou d’autres repères culturels
30. EMDR et culture

et religieux dans les cognitions : « Ma famille peut compter sur moi »,


« Je suis béni de Dieu », « Allah me pardonne », « Allah me protège »
(Spierings, 1999).
L’évaluation du VOC peut se faire en montrant une échelle dessinée et
en simplifiant la phrase : « À combien le sentez-vous vrai ? » (Spierings,
1999).

! Phase 4 : désensibilisation
On sait combien il est difficile sur un plan psychique et émotionnel
pour les patients ayant vécu de terribles souvenirs de les raconter. De
plus cela peut être une difficulté voire un interdit dans la religion ou
la culture du patient. Le fait de pouvoir s’affranchir de cette étape
dans la thérapie EMDR facilite grandement le travail thérapeutique
(Carriere, 2014). Le patient revoit en lui-même le souvenir en détails
jusqu’à ce que les parties les plus cruciales émergent et soient drainées,
amenant soulagement et apaisement, le thérapeute ayant pour fonction
de soutenir le patient lors de la traversée de ce moment difficile de
remémoration (Zaghrout-Hodali, 2014)
Face à des abréactions et signes de détresse importants : normaliser les
expériences et émotions du patient en l’incluant dans la communauté

422
Aide-mémoire EMDR

des humains « nous, les êtres humains » ou « nous, les femmes »,


ou en mentionnant que d’autres patients ont ressenti les mêmes
choses (Spierings, 1999) ; rester très présent psychiquement, avec des
réassurances verbales et non-verbales (ne pas hésiter à tenir la main
du patient tout en poursuivant les SBA de l’autre main). Si l’abréaction
crée trop d’anxiété, fragmenter le travail (une pause toutes les 15 mn
par exemple) ou discuter avec le patient stabilisé de la possibilité qu’il
contrôle l’exposition en fixant lui-même la durée de la phase 4.
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En cas de blocage du retraitement, le clinicien EMDR peut faire du
tissage cognitif en puisant dans des métaphores empruntées à la culture
du patient pour matérialiser le conflit intérieur bloquant, s’appuyer
sur le rapport au corps et à la sensorialité, sur les ressources ayant
émergé dans les canaux associatifs ainsi que des ressources spirituelles
et religieuses. Par exemple « qu’en penserait votre protecteur/Dieu, que
vous dirait-il dans cette situation ? », « si vous aviez la force divine/de
votre protecteur avec vous, que feriez-vous dans cette situation ? ».

30. EMDR et culture


Il peut également utiliser si nécessaire son autorité et son expertise
pour normaliser les vécus ressentis comme anormaux en donnant des
explications psychologiques généralisables (Spierings, 1999).

! Phase 5 : installation
Cette phase ne pose pas de problèmes particuliers, tant cette proposition
d’installer une pensée positive nous concernant à propos d’un événement
jusque-là porté très douloureusement paraît un invariant thérapeutique
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universel. De plus, en situation humanitaire où les patients sont confron-


tés à des situations sociales particulièrement délétères (catastrophe,
guerre, chaos social, ...) cette phase de la thérapie EMDR rend possible
la construction psychique d’une résilience et d’un espoir alors même
que le conflit est toujours présent (Zaghrout-Hodali, 2014).

! Phase 6 : scanner
Phase sensible qui risque de faire sortir du nouveau matériel quand le
corps a été durement touché. Dans les cultures où les émotions sont peu
nommées et élaborées, au profit de sensations physiques très présentes,
cette phase est très investie par le processus de soin (Dendane et al.,

423
Aide-mémoire EMDR

2013). N’hésitez pas à la reporter à la séance suivante si vous manquez


de temps.

! Phase 7 : clôture
Porter une grande attention à stabiliser le patient lors de fins de séances
incomplètes. Vous pouvez par exemple utiliser la question sur le positif
vécu dans la séance pour installer encore plus de positif : « Quelle est
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la chose la plus importante que vous ayez vécu aujourd’hui ? », puis
« Qu’est-ce que ça dit de positif sur vous ? », en faisant des SBA lents
après chaque réponse du patient.

! Phase 8 : réévaluation
Par-delà les aspects techniques de réévaluation des cibles complétées
précédemment, cette phase engage le travail thérapeutique dans la
30. EMDR et culture

durée, et en cela met à l’épreuve la compréhension du patient ainsi


que son affiliation à l’espace thérapeutique proposé. Le clinicien doit
exploiter le temps d’échanges structuré par les questions en début
de phase 8 pour étayer et consolider la compréhension transculturelle
co-construite et partagée par les 2 protagonistes.
À la tendance que peuvent avoir des patients inquiets du vécu émotionnel
parfois inattendu provoqué par la thérapie, à considérer que ce que l’on
a fait lors de la première séance suffit bien, le clinicien doit opposer un
positionnement psychopédagogique patient, adapté, métaphorique, qui
vise à mobiliser l’intérêt subjectif du patient vers un projet thérapeutique
libérateur qu’il s’approprie.
Il sera essentiel dans la poursuite du processus de savoir doser
l’alternance entre des temps de consolidation psychique à travers des
techniques de renforcement de ressources, et des temps de retraitement
actif. En effet, le vécu intensément positif de ces temps de ressourcement
sont des points d’ancrage narcissique qui permettent au patient d’investir
l’espace thérapeutique en sécurité et en contrôle, ce qui compense les
temps de déstabilisation et est gage d’un investissement durable.

424
Aide-mémoire EMDR

Points d’évolution

En situation humanitaire, les praticiens locaux ont subi les mêmes


environnements traumatiques que leurs patients (Zimmerman, 2014).
Même s’ils se présentent comme stables, ils peuvent être déclenchés
par les traitements qu’ils mettent en œuvre. Il convient de ce fait que
le mode d’intervention tienne compte de roulements permettant aux
praticiens locaux de se faire traiter et stabiliser, avant de repartir auprès
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des victimes (Carrière, 2014).
L’enseignement de l’EMDR dans les cultures traditionnelles pose un
certain nombre de problèmes : la notion de cognition est difficile à
comprendre, les personnes ne nomment pas les émotions, la numération
n’est parfois pas connue, ce qui rend difficile les évaluations de la phase
3. Certains ajustements du protocole méritent d’être plus étudiés pour
ces populations. De plus, dans ces sociétés meurtries par la guerre, la
famine, ou la violence politique depuis des décennies, il est impossible

30. EMDR et culture


de trouver des cas simples pour le Niveau 1 de la formation ; la logique
pédagogique issue de nos cursus doit être modifiée pour tenir compte
de ces facteurs (Zimmerman, 2014).

La thérapie EMDR représente une opportunité historique pour endiguer l’épidémie


du psychotraumatisme qui accompagne la confrontation des humains aux « 4
violences » (Carriere, 2014). Sur 20 ans de recul en contexte transculturel, à
l’intérieur ou l’extérieur de nos frontières, la thérapie EMDR a montré sa capacité à
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

maintenir l’efficacité de son processus universel de soin, par le traitement adaptatif


de l’information traumatique, tout en s’ajustant aux spécificités culturelles des
populations impactées.
Pour consolider cette avancée, il conviendra de valider par la recherche des
adaptations empiriques du protocole, et de construire des cursus de formation
à l’EMDR plus adaptés aux spécificités locales.

425
Aide-mémoire EMDR

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Aide-mémoire EMDR

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30. EMDR et culture

427
Aide-mémoire EMDR

31
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INTERVENTION EMDR IMMÉDIATE

31. Intervention EMDR immédiate


Protocoles EMDR d’urgence

Jenny Ann Rydberg

Les protocoles d’intervention rapide basés sur l’EMDR (EMDR-EI : EMDR Early
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Intervention) comprennent des procédures qui permettent d’offrir, dans les 72


heures suivant un incident critique, une aide psychologique à un grand nombre de
personnes. Ces protocoles d’urgence destinés à une intervention EMDR immédiate
ont pour but la stabilisation des individus et la prévention de troubles psychologiques
ultérieurs.

L’intervention EMDR immédiate

! Intervention de crise
Les protocoles EMDR d’urgence correspondent à ce que Everly et
Mitchell (2008) nomment « intervention de crise » pour décrire les

429
Aide-mémoire EMDR

soins psychologiques visant d’abord à stabiliser, puis à réduire les


symptômes de détresse ou de fonctionnement perturbé.
Les objectifs d’une telle intervention consistent à :
– stabiliser psychologiquement la personne en veillant à la satisfaction
des besoins fondamentaux, d’abord physiques, puis psychologiques ;
– apaiser la détresse ;
– favoriser la reprise d’un fonctionnement psychologique adaptatif dans
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l’immédiat ;
– faciliter, le cas échéant, l’accès à des soins supplémentaires.
31. Intervention EMDR immédiate

! Offrir une période de sécurité post-trauma


La consolidation en mémoire d’un incident critique nécessite, selon
Jarero et Uribe (2011, 2012), une période de sécurité post-trauma. Sinon,
la séquence continue d’événements stressants comportant des éléments
similaires (perceptions sensorielles, émotions, sensations) maintient le
réseau mnésique dans un état d’excitation permanente. Par conséquent,
la consolidation est empêchée et un phénomène de sensibilisation à
ces mêmes composants se développe et amplifie le réseau mnésique. Le
risque de voir apparaître un état de stress post-traumatique (ESPT) ou
d’autres troubles associés croît à chaque exposition.
Dans cette optique, les protocoles EMDR d’urgence viseraient à permettre
à des personnes qui viennent d’être exposées à un événement potentiel-
lement traumatisant, de connaître une période de sécurité post-trauma,
favorisant ainsi la consolidation des souvenirs et diminuant le risque de
développer des symptômes post-traumatiques.

Protocoles d’urgence

Dans le domaine de l’intervention psychologique rapide, on peut


distinguer les protocoles d’urgence (employés dans les 72 heures
suivant l’incident critique) des protocoles d’événements récents (utilisés
jusqu’à plusieurs mois après le traumatisme). Seront développés ici les
protocoles d’urgence.

430
Aide-mémoire EMDR

! Procédure EMD
La procédure EMD est le précurseur de la thérapie EMDR telle que nous la
connaissons, développée par Francine Shapiro en 1989 (Shapiro, 1989a,
1989b). De nos jours, elle est employée dans des situations précises dans
le but de réduire l’activation du patient ou de renforcer sa stabilisation.
L’EMD peut se montrer utile dans des situations d’urgence mais aussi
pour cibler, de manière plus contenue qu’avec les procédures standard
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et en début de thérapie, des souvenirs traumatiques ou leurs aspects
intrusifs afin de contribuer à une meilleure régulation émotionnelle et
d’offrir une expérience de succès.
Tandis que l’EMDR suscite un processus associatif, la procédure EMDR

31. Intervention EMDR immédiate


réduit les associations avec d’autres souvenirs en faisant revenir à la
cible après chaque série (tableau 31.1). C’est ce qui lui permet son effet
de réduction des symptômes chez des patients qui seraient submergés
et dysrégulés par un retraitement standard (Shapiro, 2018).

! Procédure de réponse aux urgences (ERP)


La procédure de réponse aux urgences (ERP : Emergency Response
Procedure), également appelée procédure de stabilisation immédiate,
de Quinn (2009) permet d’intervenir auprès de victimes d’événements
potentiellement traumatiques sur les lieux même de l’incident, dans les
véhicules de secours ou aux urgences hospitalières. Son but est de calmer
et d’instaurer une orientation dans l’ici-et-maintenant. Les stimulations
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bilatérales d’attention double (ou stimulations bilatérales alternées)


sont utilisées pour leur effet d’apaisement psychophysiologique. Concrè-
tement, l’ERP consiste pour le praticien à répéter des phrases rassurantes
(cognitions positives) telles que « c’est [cet événement-là est] fini »,
« vous êtes en sécurité maintenant [par rapport à cet événement-là] »
tout en administrant des tapotements bilatéraux au patient, jusqu’à
ce que les réactions de stress aigu diminuent et que la personne soit
capable de communiquer et de s’orienter dans le présent.

! Protocole EMDR des urgences (EMDR-ER)


Dans le protocole EMDR des urgences (EMDR-ER : EMDR Emergency Room
and Ward Protocol) développé par Guedalia et Yoeli (2009), le praticien

431
Aide-mémoire EMDR

Tableau 31.1. Procédure EMD

Phases
EMDR Spécificités de la procédure EMD
standard
Phases 1 Selon le contexte et le discernement du praticien.
et 2
Recueil de
l’histoire et
préparation
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Phase 3 La cible est le souvenir ou un aspect du souvenir.
Évaluation Pas d’autre modification.
Phase 4 Pour commencer, le praticien invite le patient à prêter attention à un ou
Désensi- plusieurs parmi les éléments suivants : une image de l’événement, une
31. Intervention EMDR immédiate

bilisation expérience sensorielle isolée comme une odeur ou un bruit, l’énoncé négatif
sur soi ou sur cet événement, ou des sensations physiques associées. Le plus
souvent il s’agit de l’image et la cognition négative.
Les séries de stimulations bilatérales sont généralement courtes (12 à 20
allers-retours) mais peuvent être allongées au besoin.
À la fin de chaque série, le praticien dit au patient : « Faites le vide » (par
rapport à l’image) ou « laissez cela partir et prenez une respiration profonde ».
Pour « faire le vide », on peut proposer de tirer un rideau sur le matériel.
Le praticien demande ensuite ce que le patient remarque ou ce qui lui vient.
Si la réponse correspond à des pensées ou émotions positives, elles peuvent
être renforcées par des séries de mouvements oculaires. Sinon, le praticien fait
revenir aux aspects ciblés du souvenir après chaque série et demande le SUD.
Si des associations avec d’autres souvenirs émergent, le praticien fait revenir à
la cible et emploie des séries plus courtes. Si le retour à la cible suscite une
détresse accrue, réduire le nombre d’aspects auxquels le patient prête
attention.
Ces étapes sont répétées jusqu’à ce que le SUD atteigne 0 (ou est
écologiquement adapté).
Si le SUD ne baisse plus, les stratégies suivantes s’appliquent : a) le praticien
vérifie si l’image ou l’émotion ont changé. Si la cognition négative ne leur
correspond plus, elle est mise de côté et le patient se centre seulement sur
l’image et l’émotion ; b) le patient parcourt le souvenir à la recherche d’une
autre source de perturbation (image, bruit, odeur, sensation) ; c) si un autre
souvenir ou une autre croyance semble être à l’origine du blocage, le praticien
indique au patient de se centrer sur ce nouveau matériel uniquement, sans
permettre d’autre association, jusqu’à sa désensibilisation, en revenant à ce
nouveau matériel après chaque série. Ensuite le patient revient à la cible
initiale et le traitement se poursuit ; d) le praticien invite le patient à se centrer
seulement sur ses sensations corporelles pendant plusieurs séries.
Phase 5 à 8 Pas de modification.

432
Aide-mémoire EMDR

rencontre les patients hospitalisés à intervalles réguliers au cours de


la journée, en faisant raconter l’histoire de l’événement traumatisant
après une évaluation (phase 3) adaptée (image, cognition positive, VOC,
cognition négative, émotion, SUD) et une observation du corps. À chaque
retour au chevet du patient, le praticien lui fait raconter à nouveau le
récit traumatique, en administrant des stimulations d’attention double
et en ajoutant dès que possible les mots d’une croyance positive.
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! Protocole EMDR modifié abrégé
Ce protocole de Kutz, Resnik et Dekel (2008) est administré en une

31. Intervention EMDR immédiate


séance unique de 30 à 60 minutes ou plus à des patients présentant un
état de stress aigu, dès les premières heures mais aussi jusqu’à quelques
mois après l’événement traumatique (tableau 31.2).
Tableau 31.2. Protocole EMDR modifié abrégé

Phases
EMDR Spécificités du protocole EMDR modifié abrégé
standard
Phase 1 Évaluation clinique brève et recueil d’éléments de l’histoire contrés sur les
Recueil de expériences traumatiques antérieures et sur d’autres facteurs de risque.
l’histoire Le praticien évalue le système de soutien du patient ainsi que la nature et
l’intensité de la réponse péritraumatique.
Phase 2 Le praticien décrit brièvement l’intervention proposée et avertit le patient que
Préparation « l’intervention pourrait avoir un effet bénéfique sur la détresse mais n’en aura
pas nécessairement ».
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Phase 3 Le praticien invite le patient à se centrer sur l’expérience sensorielle (image,


Évaluation son, odeur) ou corporelle (pression, étouffement, anxiété) ou sur la
préoccupation cognitive la plus perturbante en lien avec l’événement
traumatique. Les patients en phase aiguë y parviennent sans difficulté car ce
qui les caractérise avant tout est leur incapacité à se défaire de telles
intrusions pénibles.
Le niveau de perturbation est évalué par l’échelle SUD (unités de perturbation
subjective).

433
Aide-mémoire EMDR

Tableau 31.2. (suite)

Phase 4 Le praticien administre la première série de stimulations bilatérales tandis que


Désensi- le patient se concentre sur l’intrusion. Ensuite, le patient est invité à décrire ses
bilisation émotions, sensations, idées et associations.
La détresse mentale causée par l’intrusion initiale est réévaluée au moyen du
SUD. Si cette détresse n’a pas changé, si elle a augmenté ou si elle n’a
diminué que légèrement, une autre série est administrée. Si la détresse
disparaît totalement et que le patient ne parvient plus à détecter le moindre
signe de détresse, une série supplémentaire permet de s’assurer que
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l’atténuation persiste.
Si le patient décrit un nouvel aspect ou une nouvelle image mentale de
l’événement traumatique, il est invité à se concentrer sur cette expérience
nouvelle et une nouvelle série de stimulations est réalisée.
Si le souvenir d’un événement traumatique ancien émerge, le patient est
31. Intervention EMDR immédiate

invité à continuer à se centrer sur le souvenir perturbant actuel et à essayer


d’ignorer l’association plus ancienne.
Les séries (dont chacune dure entre 45 et 75 secondes) se poursuivent
jusqu’à obtenir une amélioration marquée et stable.
Phases 5 Omises.
à8

! Protocole URG-EMDR
Le protocole d’URGence de prise en charge EMDR (URG-EMDR), développé
par Tarquinio et ses collègues (2012), reprend de nombreux éléments
des protocoles EMDR d’événements récents, tout en se destinant à une
prise en charge équivalente à l’objet du défusing ou du débriefing (24 à
72 heures après l’incident critique). Plus précisément, ce protocole
relève d’une approche intégrative qui combine les points clés du
protocole standard de F. Shapiro (1995, 2001, 2018), du protocole
des événements traumatiques récents (REP : recent traumatic events
protocol) de F. Shapiro (1995, 2001, 2018), du protocole R-TEP de E.
Shapiro et Laub (2008), du protocole EMDR abrégé modifié de Kutz et al.
(2008) et de la procédure de réponse d’urgence de Quinn (2009), ainsi
que certains principes liés au débriefing psychologique. En effet, il ne
vise pas seulement à atténuer les effets du traumatisme, à permettre
une ventilation des émotions ou à offrir une démarche préventive pour
éviter l’installation d’un état de stress post-traumatique ; la finalité
est plus ambitieuse, car il s’agit aussi de contribuer directement au

434
Aide-mémoire EMDR

processus de guérison pour faire retrouver un état de santé psychique


presque comparable à l’état antérieur du patient. Cependant, les
auteurs reconnaissent que leur protocole ne pourrait permettre de faire
l’économie d’une prise en charge EMDR complète, mais qu’il s’inscrit en
amont d’une telle démarche (tableau 31.3).
Puisqu’il est mis en œuvre dans les 24 à 72 heures après l’incident critique
et qu’il consiste en une séance unique, nous considérons qu’il appartient
aux procédures d’urgence. S’il propose un traitement plus complet que
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les deux précédents (procédure de réponse aux urgences et protocole
EMDR des urgences), il ne permet pas nécessairement un retraitement
aussi complet que les protocoles des événements récents dont il reprend

31. Intervention EMDR immédiate


des éléments mais en se limitant à une séance unique. En ce sens, il
permet de traiter, dans l’immédiat, l’impact de l’incident critique en
lui-même, mais lorsque cet événement traumatique s’accompagne d’une
série d’effets en cascade (impacts sur l’image de soi, l’intégrité corporelle,
l’identité et les relations affectives, sociales et professionnelles, entre
autres), un traitement en plusieurs séances pourrait s’avérer nécessaire.
Tableau 31.3. Protocole URG-EMDR

Phases Spécificités du protocole URG-EMDR


EMDR
standard
Phase 1 L’anamnèse réalisée est plus sommaire que dans une prise en charge
Recueil de classique, centrée sur l’incident critique et sur tout antécédent traumatique
l’histoire ainsi que sur les ressources du patient. De plus, comme dans le protocole
REP (Shapiro, 2001), le patient est invité, en faisant le récit de l’incident
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critique, à identifier les « moments sensibles ou perturbants » [hot spots] ou


fragments-cibles qui constitueront les cibles à traiter.
Phase 2 Comme dans toute prise en charge EMDR, des éléments de psychoéducation
Préparation pertinents sont apportés au patient.

435
Aide-mémoire EMDR

Tableau 31.3. (suite)

Phase 3 De manière proche du protocole REP, iI est demandé à la victime d’imaginer


Évaluation (métaphoriquement) que l’événement traumatique a été enregistré dans sa
mémoire de façon comparable à ce qui se passe avec un caméscope. Il lui est
alors demandé de rembobiner la cassette jusqu’au début, voire même
jusqu’au moment juste avant que cela ne débute (nuance tirée du R-TEP de
Shapiro et Laub, 2008). Il est alors demandé à la victime de visionner cette
vidéo et de s’arrêter avec sa télécommande virtuelle dès qu’elle sera
confrontée à un aspect de l’événement qui génère chez elle des émotions. Il
est ainsi possible de disposer, pour un même événement traumatique, de
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plusieurs fragments-cibles qui chacun peut avoir une pondération plus ou
moins importante.
Comme dans le protocole EMDR modifié abrégé (Kutz, 2008), aucune
cognition n’est demandée.
31. Intervention EMDR immédiate

Vérification du SUD global primaire de l’événement traumatique dans son


ensemble : « À l’instant, vous venez de repasser l’ensemble de ce qui s’est
passé devant vos yeux. Sur une échelle de 0 à 10, où 0 correspond à pas de
perturbation du tout et 10 à la pire des perturbations que vous puissiez
imaginer, à combien l’estimez-vous maintenant ? »
Ensuite, pour chacune des cibles-fragments, le praticien invite à évaluer :
L’émotion : Quand vous revenez sur ce point critique [dire lequel], quelles
sont les émotions que vous ressentez ?
Le SUD : « Lorsque vous pensez à ce point critique [dire lequel], sur une
échelle de 0 à 10, où 0 correspond à pas de perturbation du tout et 10 à la
pire des perturbations que vous puissiez imaginer, à combien vous l’estimez
maintenant ? »
Rien n’est évidemment demandé en ce qui concerne le siège corporel de la
perturbation, comme dans tous les protocoles d’urgence ou d’événements
récents. Tant que toutes les cibles-fragments n’ont pas été retraitées, on ne
peut pas s’attendre à ce que le corps soit « calme » ou apaisé.
Phase 4 Désensibilisation d’un fragment-cible après l’autre. Si les réponses apportées
Désensi- par le patient sont en lien avec le fragment-cible, on poursuit la
bilisation désensibilisation. En revanche, si les réponses ne sont pas en lien avec le
fragment-cible, on demande au patient de revenir sur le fragment-cible et de
vérifier « ce qui vient, ce qui est là maintenant ». Lors de chaque retour au
fragment-cible, le praticien demande au patient d’évaluer le niveau de
perturbation (SUD) associé. Lorsque le SUD associé à un fragment-cible est
égal ou inférieur à 3, le patient est de nouveau invité à parcourir mentalement
l’événement traumatique jusqu’à identifier un autre fragment-cible. Une
évaluation (phase 3) est réalisée pour ce nouveau fragment-cible avant de
procéder à sa désensibilisation (phase 4).
Lorsque tous les fragments-cibles ont été désensibilisés, le praticien invite le
patient à évaluer le niveau de perturbation (SUD) associé à l’événement
traumatique dans son ensemble (SUD global final). L’espoir n’est pas d’avoir
un SUD qui soit forcément égal à zéro, mais il est impératif d’obtenir un SUD
global final au moins trois fois plus bas que le SUD global primaire.

436
Aide-mémoire EMDR

Tableau 31.3. (suite)

Phase 5 Omise
Installation
Phase 6 Pas de question sur les sensations corporelles en raison des souffrances
Scanner physiques réelles du patient.
corporel
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Phase 7 Clôture adaptée à une fin de prise en charge.
Clôture
Phase 8 Réévaluation de certaines mesures par la suite pour les fins de la recherche.
Réévaluation

31. Intervention EMDR immédiate


Les procédures et protocoles d’urgence offrent une continuité de solutions pour
l’intervention EMDR immédiate, depuis la réorientation vers la réalité de la sécurité
dans le présent proposée par la procédure de réponse aux urgences et du protocole
EMDR des urgences, jusqu’à l’intervention de prévention plus conséquente de
l’URG-EMDR.

Bibliographie

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437
Aide-mémoire EMDR

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traduction française : Manuel d’EMDR.
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438
Aide-mémoire EMDR

32
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INTERVENTION EMDR RAPIDE

32. Intervention EMDR rapide


Protocoles EMDR d’événements traumatiques récents

Jenny Ann Rydberg


© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Les protocoles d’intervention rapide basés sur l’EMDR (EMDR-EI : EMDR-based Early
Intervention) permettent de prendre en charge psychologiquement des personnes
venant de vivre des événements tels que des attentats, des violences, la guerre, des
catastrophes naturelles, des épidémies, des accidents. Ils sont utilisés tant par des
psychothérapeutes dans le cadre de leur pratique clinique habituelle que par les
équipes de santé mentale de projets humanitaires.

Francine Shapiro conçoit l’événement traumatique récent comme une


expérience fragmentée, non encore consolidée, nécessitant le traitement
de plusieurs cibles qui correspondent à des aspects ou des parties
de l’événement afin de permettre l’intégration et la consolidation
adaptatives de la mémoire (Shapiro, 1995, 2001, 2018). C’est ainsi
qu’elle a développé le protocole des événements traumatiques récents

439
Aide-mémoire EMDR

(Recent Traumatic Events Protocol) qui constitue une adaptation du


protocole EMDR standard. Plus tard, dans le manuel de réponses auprès
de l’armée et dans les situations post-catastrophe (Shapiro, 2004), elle
a réintroduit son protocole initial EMD (Eye Movement Desensitization)
qui limite les associations et se centre sur l’aspect désensibilisation, en
recommandant son emploi dans des situations d’urgence telles que les
conflits armés.
Par la suite, plusieurs auteurs ont développé d’autres protocoles
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d’événements récents individuels et de groupe. Les premiers essais
randomisés contrôlés ont été publiés récemment (Jarero, Uribe, Artigas
et Givaudan, 2015 ; E. Shapiro et Laub, 2015).
32. Intervention EMDR rapide

Protocoles d’événements récents originels

! Protocole des événements traumatiques récents


Le protocole des événements traumatiques récents (Shapiro, 1995)
s’applique à un trauma individuel isolé qui s’est produit au cours des
deux ou trois derniers mois, comme un accident, une agression sexuelle
ou l’exposition à un environnement post-catastrophe dans un pays
développé, suivi d’une période de sécurité et de calme relatifs (Shapiro,
2018).
Les modifications de ce protocole par rapport aux phases EMDR standard
sont décrites dans le tableau 32.1.
Seront ensuite traités les déclencheurs présents et les cauchemars.
Chaque déclencheur résolu donne lieu à un scénario futur positif.
Si ce protocole semble long, trois séances suffisent généralement à sa
réalisation car chaque aspect est retraité rapidement.

! Protocole R-TEP
Ce protocole de E. Shapiro & Laub (2008, 2009, 2014, 2015) intègre
des éléments du protocole des événements traumatiques récents et
de l’EMD tout en introduisant des concepts originaux. Il s’administre
généralement en deux à quatre séances.

440
Aide-mémoire EMDR

Tableau 32.1. Protocole des événements traumatiques récents

Phases EMDR
Modifications du protocole des événements traumatiques récents
standard
Phase 1 Le patient raconte d’abord le récit de l’événement. Le praticien note les moments
Évaluation les plus perturbants qui seront les cibles (plan de ciblage). Ces cibles seront
ensuite traitées au moyen des procédures EMDR standard, en commençant par
l’aspect le plus perturbant du souvenir, puis en traitant les autres moments par
ordre chronologique.
Phase 2 Pas de modification.
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Préparation
Phase 3 Pas de modification.
Évaluation
Phase 4 Pas de modification.
Désensi-
bilisation

32. Intervention EMDR rapide


Phase 5 Pas de modification.
Installation
Étapes supplémentaires pour identifier d’éventuelles autres cibles, non repérées
au départ :
Lorsque toutes les cibles identifiées lors du récit ont été retraitées jusqu’à ce que
la valeur du SUD soit 0 ou écologiquement appropriée, le patient visualise tout le
déroulement de l’événement, les yeux fermés, et est invité à s’arrêter dès qu’il
remarque une perturbation. Cette perturbation est considérée comme une
nouvelle cible qui sera traitée suivant les procédures standard. Cette visualisation
est répétée jusqu’à ce que le patient ne rapporte plus de détresse.
Le patient visualise encore le déroulement de l’événement, mais cette fois les yeux
ouverts, et garde à l’esprit la cognition positive que le praticien installe au moyen
d’une série longue (24 allers-retours ou plus). Si nécessaire, le patient peut fermer
les yeux ; le praticien utilise alors des stimulations tactiles. Cette visualisation est
répétée pour vérifier que la valeur du VOC (validité de la cognition) est 7 (ou
écologiquement adaptée) pour chaque instant ou scène de l’événement. Si ce
n’est pas le cas, l’instant pour lequel le VOC est inférieur à 7 devient une cible qui
est retraitée. La procédure d’installation est ensuite reprise.
Phase 6 S’applique à l’événement entier seulement lorsque toutes les cibles ont été
Scanner retraitées jusqu’à l’installation de la cognition positive.
corporel
Phase 7 Pas de modification
et 8
Clôture et
réévaluation

441
Aide-mémoire EMDR

Cette approche se fonde sur plusieurs concepts originaux :


• Épisode traumatique : l’ensemble des événements depuis l’incident
critique (ou même un peu avant) jusqu’à aujourd’hui. La notion de
l’épisode traumatique inclut les déclencheurs présents et les peurs
concernant l’avenir ;
• Récit de l’épisode avec des stimulations bilatérales d’attention double
(SBAD) continues : le thérapeute apporte des SBAD de manière
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continue pendant que le patient raconte le déroulement de l’épisode
traumatique ;
• Recherche Google ou scanner : le patient parcourt mentalement
l’épisode traumatique de manière non séquentielle pour identifier
les « points de perturbation » (PoD : point of disturbance) (fragments-
32. Intervention EMDR rapide

cibles) ;
• Traitement focalisé (auparavant appelé traitement télescopique) : deux
stratégies sont employées pour contrôler et restreindre le processus
associatif, la stratégie EMD (limitant les associations au point de
perturbation ou fragment-cible) et la stratégie EMDr (terme de Roy
Kiessling), limitant les associations à l’épisode traumatique. Les
associations libres caractérisant l’approche EMDR standard ne sont
poursuivies qu’en cas de blocage du traitement et avec l’accord du
patient.

Ces différents points sont davantage développés dans le chapitre dédié


aux protocoles R-TEP et G-TEP.

! Protocole EMDR-PRECI
Ce protocole individuel de Jarero et de ses collègues se destine au
traitement en une séance unique d’incidents critiques récents dans un
contexte de continuums de soins en santé mentale (EMDR-PRECI : EMDR
Protocol for Recent Critical Incidents), jusqu’à six mois après l’événement
traumatique (Jarero, Artigas et Luber, 2011 ; Jarero, Uribe, Artigas et
Givaudan, 2015).
Il s’agit d’une version modifiée du protocole des événements trau-
matiques récents de Shapiro (2001). L’EMDR-PRECI s’en distingue de
plusieurs façons importantes afin de tenir compte de la période étendue

442
Aide-mémoire EMDR

comprenant un continuum d’événements stressants découlant de l’inci-


dent critique initial. L’EMDR-PRECI comporte également des similitudes
et des dissemblances avec le protocole de l’épisode traumatique récent
de Shapiro et Laub (2008, 2009, 2014, 2015).
En comparaison des autres protocoles d’événements récents, les spécifi-
cités de l’EMDR-PRECI sont :
• utilisation du « papillon » (pouces croisés et mains posées sous les
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clavicules, tapotements bilatéraux alternés) comme forme privilé-
giée de stimulations bilatérales pour l’auto-apaisement et pour le
retraitement ;
• pour les fragments-cibles, aucune cognition positive n’est demandée
(donc pas de VOC à la phase 3 [évaluation] ni de phase 5 [installa-

32. Intervention EMDR rapide


tion]) ;
• le « pire » fragment-cible ou moment du continuum est identifié
en premier ; quand il a été désensibilisé, le patient visualise le
déroulement des événements stressants comme s’il regardait un film
défiler et s’arrête au point perturbant ou fragment-cible suivant qui
sera désensibilisé ; ce processus est réitéré jusqu’à ce que le patient
n’identifie plus de moment source de perturbation ;
• la phase 5 (installation) est ensuite effectuée pour l’événement
entier ; le VOC n’est pas régulièrement vérifié car le thérapeute laisse
les associations se faire comme lors d’une désensibilisation ;
• les phases 6 (scanner corporel), 7 (clôture) et 8 (réévaluation)
concernent l’événement entier et suivent les procédures standard ;
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• les déclencheurs sont ensuite traités et un scénario futur installé.

! Protocole EMDR-PROPARA
L’EMDR-PROPARA est un protocole EMDR individuel destiné à être mis
en œuvre par des paraprofessionnels (travailleurs sociaux, conseillers,
assistants de psychologie ou de psychiatrie, aides-soignants, etc.) dans
des situations de trauma aigu (Jarero, Rake & Givaudan, 2017).
Il relève d’un projet initié par Francine Shapiro (Jarero, Amaya,
Givaudan & Miranda, 2013) à partir du constat que les pays en voie
de développement manquent souvent de ressources professionnelles
adéquates pour répondre aux besoins de la population après des

443
Aide-mémoire EMDR

événements traumatiques d’envergure, et disposent souvent de peu


de soins psychologiques professionnels en psychotraumatologie. Les
paraprofessionnels y sont souvent plus nombreux et se retrouvent
chargés d’apporter les interventions de prise en charge.
C’est ainsi qu’un programme de formation particulier en EMDR a
vu le jour pour enseigner à des paraprofessionnels préalablement
sélectionnés, formés et supervisés, comment administrer des protocoles
EMDR individuels et de groupe dans des situations de trauma aigu. Ces
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paraprofessionnels ont été conviés par Francine Shapiro à privilégier la
sécurité des patients et à veiller attentivement à la fidélité des prises
en charge afin que des données de recherche puissent être recueillies et
évaluées systématiquement et ainsi pouvoir produire des informations
significatives.
32. Intervention EMDR rapide

Si l’EMDR-IGTP (Jarero, Artigas et Hartung, 2006 ; Jarero, Artigas et


Montero y Lopez, 2008) a été retenu dans ce cadre comme protocole
de groupe, Jarero a développé un nouveau protocole individuel, l’EMDR-
PROPARA, pour ce contexte spécifique (Jarero et al., 2013).
Les phases de l’EMDR-PROPARA sont :
• préparation du lieu de travail ;
• recueil d’éléments de l’histoire : données démographiques, informa-
tions sur l’incident critique, évaluation des symptômes physiques,
cognitifs, émotionnels et comportementaux, et administration de
questionnaires d’évaluation ;
• préparation du participant : techniques d’auto-apaisement ;
• traitement de souvenirs traumatiques : évaluation, désensibilisation,
installation/renforcement d’une croyance positive sur soi et scanner
corporel ;
• clôture de la séance ;
• apport d’informations sur la gestion du stress ;
• réévaluation : évaluation de la séance précédente et préparation d’une
nouvelle séance ;
• réévaluation avant la fin de la prise en charge : stimuli présents,
scénario futur, résolution des symptômes, croissance post-traumatique
et administration de questionnaires d’évaluation.

444
Aide-mémoire EMDR

À la différence des autres protocoles individuels, la technique du papillon


est la seule forme de stimulation bilatérale d’attention double utilisée
ici, afin d’apporter un sentiment de contrôle au patient.

Protocoles d’événements récents de groupe

Les protocoles d’événements récents de groupe permettent d’intervenir


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dans des situations où le nombre de personnes victimes d’un incident
critique est très important et dans des contextes où les professionnels
de la santé mentale sont peu nombreux. C’est pourquoi ils sont très
souvent employés lors des projets humanitaires EMDR HAP (Humanitarian
Assistance Programs).

32. Intervention EMDR rapide


! EMDR-IGTP
Ce protocole EMDR de traitement de groupe intégratif (EMDR-IGTP :
EMDR Integrative Group Treatment Protocol) est utilisé depuis 1998 dans
différentes parties du monde pour intervenir auprès de populations
après des catastrophes naturelles ou d’origine humaine (Jarero et al.,
2006, 2008). Initialement conçu pour intervenir auprès d’enfants, il a
également été utilisé auprès d’adultes.
L’EMDR-IGTP est administré par un thérapeute qui dirige une équipe de
cliniciens ou d’auxiliaires en santé mentale formés à l’EMDR-IGTP, appelée
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« équipe de protection émotionnelle ». Un ratio de 8 à 10 enfants


par professionnel en santé mentale est recommandé. L’application du
protocole dure une heure environ. Les différences d’avec les phases
EMDR standard sont décrites dans le Tableau 2.

! Protocole G-TEP
Le protocole G-TEP (Lehnung, Shapiro, Schreiber et Hofmann, 2017 ;
E. Shapiro, 2014 ; Yurtsever, Konuk, Akyuz et Tukel, 2014) est une
adaptation du R-TEP au contexte de l’intervention EMDR rapide de
groupe. Son élaboration est issue d’une volonté de créer un protocole de
groupe qui ressemble au plus près possible aux protocoles à application
individuelle, avec la même profondeur et la même puissance. Le G-TEP

445
Aide-mémoire EMDR

Tableau 32.2. EMDR-IGTP

Phases
EMDR Modifications de l’EMDR-IGTP
standard
Phase 1 Les enseignants et proches des enfants victimes d’une catastrophe sont
Recueil de informés sur les symptômes de stress post-traumatique et invités à identifier
l’histoire les enfants ayant besoin d’aide.

Phase 2 Les professionnels apportent une psychoéducation sur les émotions à l’aide
Préparation de peluches en plus de l’exercice du lieu sûr.
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Phase 3 Les enfants sont invités à identifier l’aspect de l’incident qui les rend les plus
Évaluation tristes, leur fait peur ou les met en colère, et à le dessiner (dessin A) ; ils
évaluent le niveau de perturbation subjective (SUD) à l’aide d’une échelle
montrant des visages avec différentes expressions illustrant les niveaux entre
0 et 10.
Phase 4 Les enfants regardent le dessin A et s’auto-administrent les stimulations
32. Intervention EMDR rapide

Désensi- bilatérales sous la forme du « papillon ».


bilisation
Les phases 3 et 4 sont répétées trois fois : l’enfant dessine « ce qui lui
vient » par rapport à l’incident et évalue le SUD (dessins B, C et D) puis fait
le « papillon » ;
Fin de la phase 4 : l’enfant est invité à identifier le dessin le plus perturbant
et à évaluer le SUD correspondant.
Phase 5 Cette phase est modifiée puisque tous les enfants n’auront pas atteint un
Installation SUD écologique à la fin de la phase 4 (en raison de croyances bloquantes,
de traumas antérieurs ou d’un besoin d’un temps de retraitement plus
long) ; l’EMDR-IGTP fait donc appel à la vision de l’avenir pour identifier des
cognitions adaptatives ou non adaptatives qui aident à évaluer l’enfant à la
fin du protocole ; l’enfant dessine la manière dont il s’imagine à l’avenir, y
ajoute quelques mots descriptifs et s’applique le « papillon ».
Phase 6 L’enfant ferme les yeux, « scanne » son corps et fait le « papillon ».
Scanner
corporel
Phase 7 L’enfant pense à son lieu sûr et fait le « papillon ».
Clôture
Phase 8 Cette phase a lieu dès la fin de l’intervention de groupe : le thérapeute et
Réévaluation l’équipe échangent leurs observations pour identifier les enfants qui auront
besoin d’une aide supplémentaire en petits groupes ou de manière
individuelle.

446
Aide-mémoire EMDR

est contenant et apporte de la sécurité notamment par la préparation et


le dépistage initiaux et par la stratégie EMD qui limite les associations.
La conceptualisation de l’épisode traumatique tient compte de la
nature fragmentée multi-cibles des souvenirs traumatiques récents non
consolidés.
Ce protocole est décrit plus en détail dans le chapitre dédié aux
protocoles R-TEP et G-TEP.
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Il est intéressant de noter que les deux modèles les plus répandus pour l’intervention
EMDR rapide ont connu des évolutions opposées : Jarero et ses collègues ont
commencé par un protocole EMDR de groupe pour les événements récents,
l’EMDR-IGTP, qui inspire la plupart des projets humanitaires EMDR intervenant

32. Intervention EMDR rapide


auprès de groupes, pour ensuite développer leur EMDR-PRECI, à mi-chemin entre
le REP et le R-TEP, puis l’EMDR-PROPARA, tandis que E. Shapiro a commencé par
créer le R-TEP avec sa collègue Laub, et devant le constat de sa popularité auprès
des intervenants HAP post-catastrophe, il l’a ensuite adapté sous format simplifié à
l’intervention de groupe. Une certaine concurrence entre ces auteurs ne peut être
que saine et les études du terrain ainsi que les premiers essais randomisés contrôlés
sont favorables à ces protocoles. Il appartiendra aux chercheurs de déterminer les
avantages de certaines de ces adaptations par rapport à d’autres.

447
Aide-mémoire EMDR

Bibliographie

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32. Intervention EMDR rapide

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32. Intervention EMDR rapide


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449
Aide-mémoire EMDR

33
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33. Les protocoles EMDR R-TEP et G-TEP
LES PROTOCOLES EMDR R-TEP ET G-TEP

Les protocoles EMDR de l’épisode traumatique récent

Jenny Ann Rydberg

Le protocole EMDR R-TEP permet la prise en charge rapide et complète des


© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

individus ayant récemment vécu un événement traumatisant. Le protocole EMDR


G-TEP retient les éléments essentiels du R-TEP et les transpose dans un format
adapté aux groupes.

Elan Shapiro et Brurit Laub ont présenté leur protocole EMDR individuel
pour les épisodes traumatiques récents pour la première fois au congrès
EMDR Europe à Londres, en juin 2008 (2008a), lors du séminaire dédié
aux superviseurs. Le protocole est alors annoncé avec le titre U-TEP
pour Unfinished-Traumatic Episode Protocol ou protocole de l’épisode
traumatique inachevé. Le même mois paraît leur premier article qui
évoque le R-TEP, Recent-Traumatic Episode Protocol (2008b). C’est cette
appellation de l’épisode traumatique récent qui sera retenu par la suite

451
Aide-mémoire EMDR

pour correspondre au concept de l’intervention EMDR rapide, même si la


notion de l’inachevé demeure intéressante.
La version adaptée aux groupes, l’EMDR G-TEP, fait l’objet d’une première
communication au congrès EMDR Europe à Edinbourg en 2014 (Yurtsever,
Konuk, Akyuz & Tekel, 2014).
Plusieurs auteurs ont décrit des résultats positifs après avoir utilisé
l’EMDR R-TEP sur le terrain (Alter-Reid, 2014 ; Fernandez, Callerame,
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Maslovaric Wheeler, 2014 ; Kaya, 2010 ; Rochietta Tofani & Wheeler,
2011). Récemment, E. Shapiro et Laub ont publié un essai randomisé
33. Les protocoles EMDR R-TEP et G-TEP

contrôlé sur la prise en charge avec l’EMDR R-TEP de dix-sept rescapés


d’un attentat (Shapiro & Laub, 2015) et Lehnung et ses collègues ont
décrit le traitement de 18 réfugiés au moyen de l’EMDR G-TEP (Lehnung,
Shapiro, Schreiber & Hofmann, 2017).

Concepts clés

! Épisode traumatique
L’incident traumatique initial, avec ses prémices et l’ensemble de ses
séquelles, est considéré comme un continuum traumatique qui se
poursuit tant que ces expériences n’ont pas encore été retraitées de
manière adaptative. L’épisode traumatique s’étend depuis l’incident
initial jusqu’au présent et comprend plusieurs cibles qui sont sources de
perturbation, dites points de perturbation (PoD : Point of Disturbance).

! Récit de l’épisode avec stimulations bilatérales continues


Le récit de l’épisode est réalisé seulement dans le travail individuel de
l’EMDR R-TEP ; dans le format de groupe, le risque de retraumatisation ou
d’activation trop importante en entendant les récits d’autres participants
justifie l’omission de cette étape. D’ailleurs, même dans l’EMDR R-TEP,
lors des phases 1 (recueil de l’histoire) et 2 (préparation) qui précèdent
le récit de l’épisode, le praticien empêche le patient d’évoquer les détails
du trauma afin d’éviter une activation prématurée
Lors du récit de l’épisode, le patient raconte à voix haute le déroulement
de l’épisode traumatique pendant que le praticien administre des

452
Aide-mémoire EMDR

stimulations bilatérales continues qui aident à ancrer le patient et


à contenir ses affects. Une métaphore de distanciation (par exemple,
un écran de téléviseur) peut être employée au besoin pour renforcer la
contenance de la procédure. Ce retraitement initial commence à combler
les brèches de l’histoire traumatique fragmentée.

! Recherche Google ou scanner


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La recherche Google est un mécanisme permettant d’identifier les divers
points de perturbation (PoDs) par le biais d’un balayage non séquentiel

33. Les protocoles EMDR R-TEP et G-TEP


de l’épisode traumatique, en silence, accompagné de stimulations
bilatérales.

! Traitement focalisé
Les premières publications évoquaient un traitement « télescopique »
passant d’un point focal étroit, la stratégie EMD, à un point focal
intermédiaire, la stratégie EMDr, jusqu’au point focal le plus large, la
stratégie EMDR. Le terme « EMDr » est attribué à Roy Kiessling ; le
« petit r » renvoie à un retraitement limité en comparaison de l’EMDR
permettant des associations illimitées.
Actuellement, les auteurs préfèrent employer le terme de traitement
« focalisé », alternant entre la stratégie EMD qui maintient un traitement
« serré » en limitant les associations du traitement adaptatif de
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

l’information au PoD, particulièrement efficace pour traiter les fragments


sensoriels intrusifs, et la stratégie EMDr, la plus fréquente, limitant les
associations à l’épisode traumatique seulement.

EMDR R-TEP

L’EMDR R-TEP reprend les huit phases standard de la thérapie EMDR en y


apportant quelques modifications et ajoute une étape supplémentaire
entre les phases 2 et 3. Les conditions particulières de l’intervention
rapide demandent au praticien de faire preuve de sensibilité et de
flexibilité.

453
Aide-mémoire EMDR

! Exercices de stabilisation et d’autorégulation


de l’EMDR R-TEP

Quatre éléments

Les instructions de l’exercice des quatre éléments (Lobenstine & Shapiro,


2007) induisent un apaisement psychophysiologique :
1. La terre (pour l’ancrage et la sécurité dans la réalité présente) :
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« Prenez quelques instants pour “arriver ici”... placez vos deux pieds
par terre, sentez le soutien de votre fauteuil... Regardez autour
33. Les protocoles EMDR R-TEP et G-TEP

de vous et remarquez trois nouvelles choses... Que voyez-vous ?


Qu’entendez-vous ?
[L’attention est dirigée extérieurement vers la réalité de la sécurité
dans le présent.]
2. L’air (respirer pour se centrer) : utiliser un exercice de respiration,
par exemple : « En continuant à sentir la sécurité de vos pieds
sur le sol, sentez comme vous devenez centré quand vous inspirez
par le nez (pour une respiration abdominale) en comptant jusqu’à
quatre, retenez votre respiration en comptant jusqu’à deux, expirez
en comptant jusqu’à quatre. Prenez encore une dizaine de respirations
lentes comme cela. »
[L’attention est dirigée intérieurement.]
3. L’eau (calme et contrôle, réponse de détente) : « Avez-vous de la
salive ? Fabriquez-en encore... Quand vous êtes anxieux ou stressé,
vous avez souvent la bouche sèche parce que la réponse de stress
(système nerveux sympathique) arrête le système digestif. Alors
quand vous fabriquez de la salive, vous rallumez le système digestif
(système nerveux parasympathique) et la réponse de détente... et
donc vous reprenez le contrôle. Alors en continuant à sentir la sécurité
de vos pieds sur le sol, et en respirant pour vous sentir centré(e),
ressentez le calme et le contrôle qui viennent en fabriquant de la
salive. »
[L’attention est dirigée vers la production de salive et le fait de
devenir plus calme et plus en contrôle.]
4. Le feu (allumez le feu de votre imagination) : « Quand vous sentez
la sécurité de vos pieds sur le sol et la sensation d’être centré(e) en
respirant et le calme et le contrôle en fabriquant de la salive... Faites

454
Aide-mémoire EMDR

venir une image de votre lieu sûr (ou d’une autre ressource comme
le souvenir d’un moment où vous étiez bien dans votre peau). Que
ressentez-vous dans votre corps et à quel endroit ? » Installer avec
des stimulations bilatérales courtes et lentes ou avec le « papillon ».
[L’attention est dirigée vers des sensations de sécurité/calme/etc.
dans le corps.]

Le patient évalue son SUD avant et après l’exercice. Le but est de


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diminuer le SUD d’un ou deux points. Il est invité à porter un bracelet
en silicone ou à mettre une gommette sur son téléphone portable ;

33. Les protocoles EMDR R-TEP et G-TEP


chaque fois qu’il apercevra le bracelet ou la gommette, il devra vérifier
son SUD, faire l’exercice des quatre éléments et réévaluer son SUD.

Enveloppe de connexion aux ressources

Dans ce protocole de Laub (2006, 2009), le praticien utilise la connexion


à une ressource passée dans la phase de préparation (phase 2) : « Avant
de démarrer, j’aimerais que vous vous rappeliez un moment où vous
étiez bien dans votre peau... un moment ou une situation où vous
vous sentiez bien et entier... il peut s’agir d’un souvenir ancien ou plus
récent... le souvenir de quelques instants ou d’une période de bien-être
prolongé... Quelle est la première chose qui vous vient à l’esprit ? »
Le praticien procède au « traitement compact » (intégrant les aspects
sensoriels, cognitifs, émotionnels et somatiques) de la connexion à une
ressource passée. Le patient est invité à fermer les yeux, à se connecter
à sa ressource en remarquant ce qu’il entend, sent comme odeurs, voit...
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

en laissant venir ses émotions, sensations... en faisant le « papillon ».


Si des associations négatives apparaissent, le praticien propose de se
concentrer sur les aspects positifs. Si le patient n’y parvient pas, il est
invité à trouver un autre souvenir positif.
Lors de la phase de clôture (phase 7), le praticien énumère les ressources
qui ont émergé pendant le traitement. Le patient en choisit une ou opte
pour la ressource passée ; parfois une phrase positive forte apparaît
spontanément. Le praticien procède au traitement compact de cette
connexion à une ressource de clôture.
Une connexion à une ressource future (la manière dont le patient aimerait
s’imaginer à l’avenir) peut éventuellement être ajoutée.

455
Aide-mémoire EMDR

! Comparaison des protocoles EMDR standard et R-TEP


Le protocole EMDR R-TEP (Shapiro & Laub, 2008b, 2014) comprend
toutes les phases EMDR standard, avec quelques modifications, ainsi
qu’une étape supplémentaire.

EMDR G-TEP
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33. Les protocoles EMDR R-TEP et G-TEP

L’administration de l’EMDR G-TEP repose sur une feuille de travail unique


qui guide les participants pas à pas. Visuellement, cette feuille de travail
est conçue de sorte à refléter le fait que l’événement se situe dans le
passé, que le participant est en sécurité dans le présent et qu’il existe
de l’espoir pour l’avenir. Elle est divisée en cinq grandes cases qui
correspondent aux six étapes du protocole.
En comparaison de l’EMDR R-TEP, l’étape du récit de l’épisode traumatique
est omise. Seuls trois points de perturbation sont identifiés. L’évaluation
(phase 3) est simplifiée et comprend le niveau de perturbation
subjective (SUD), une attention portée aux modalités sensorimotrices,
émotionnelles et cognitives, avec une sélection de cognitions positives
proposées. Le traitement focalisé comporte six séries de stimulations
d’attention doubles pour chaque point de perturbation. Les stimulations
bilatérales consistent en des tapotements effectués d’une main sur la
feuille de travail, les yeux suivant leurs mouvements.

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Tableau 33.1. Comparaison des phases dans le protocole EMDR standard et le protocole EMDR R-TEP

Phases EMDR standard Protocole EMDR R-TEP


Phase 1 Recueil de l’histoire complète du patient. Recueil d’éléments restreints principalement destinés à évaluer la sévérité des symptômes,
Recueil de Plan de prise en charge en trois volets la motivation à bénéficier d’une intervention, les forces et ressources.
l’histoire (passé, présent, avenir). La thérapie est centrée sur le trauma.
Les cibles à traiter sont identifiées dans le(s) Le plan de traitement repose sur le concept de l’épisode traumatique.
plan(s) de ciblage. Peu d’informations sont demandées sur le trauma à cette phase.
Phase 2 Lieu sûr (ou autre technique Plusieurs exercices de stabilisation et d’autorégulation : par exemple, quatre éléments
Préparation d’autorégulation) et psychoéducation. (comprenant le lieu sûr) et enveloppe de connexion aux ressources.
Exercices de stabilisation supplémentaires au
besoin.

457
Étape supplémentaire :
Récit de l’épisode traumatique avec stimulations bilatérales continues.
Aide-mémoire EMDR

33. Les protocoles EMDR R-TEP et G-TEP

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33. Les protocoles EMDR R-TEP et G-TEP

Tableau 33.1. (suite)

Phase 3 S’effectue en lien avec la cible qui sera Recherche Google ou scanner avec stimulations bilatérales pour identifier un fragment-cible
Évaluation traitée le jour même, préalablement ou PoD,
identifiée dans le plan de ciblage (phase 1). Les composants suivants associés au PoD sont évalués : image, CN, CP, VOC, émotion,
Aide-mémoire EMDR

Les composants suivants sont identifiés par SUD, siège de la sensation corporelle. Quand le niveau d’activation est élevé ou que PoD
le patient : image, cognition négative (CN), est une intrusion, certains composants peuvent être omis suivant le discernement clinique
cognition positive (CP), VOC, émotion, SUD, du praticien.
siège de la sensation corporelle. Suggestions possibles pour la CN : je ne peux pas croire que c’est arrivé, je ne suis pas en
sécurité, je suis désemparé/désarmé, j’aurais dû faire plus...
Suggestions possibles pour la CP : c’est arrivé et c’est fini, j’ai survécu, je suis en sécurité par
rapport à cet événement-là...
Ainsi, les cognitions acceptées dans le R-TEP ne sont pas nécessairement aussi

458
généralisables ou autoréférencées que dans l’évaluation standard.
Quand la recherche Google ne permet plus d’identifier de PoD, une dernière évaluation du
SUD est réalisée au niveau de l’épisode.
Phase 4 Traitement de la cible avec stimulations Traitement focalisé du PoD à l’aide de 2 stratégies :
Désensibilisation bilatérales. Les associations ne sont pas EMD : focalisation sur les fragments intrusifs,
limitées et se poursuivent tant qu’il y a du
EMDr : focalisation sur l’épisode traumatique.
changement. Le retour à la cible a lieu en fin
En cas de blocage dans une stratégie, on passe à l’autre.
de canal ou éventuellement en cas de
blocage. Le retour à la cible a lieu lorsque les associations s’éloignent du PoD (stratégie EMD) ou de
l’épisode traumatique (stratégie EMDr) ou éventuellement en cas de blocage.
La phase 4 se termine lorsque SUD = 0 (ou
1 si écologique). La désensibilisation d’un PoD se termine lorsque SUD = écologique (aussi bas qu’il peut
descendre tant que l’ensemble de l’épisode traumatique n’a pas été retraité).
La désensibilisation de l’épisode traumatique se termine lorsque SUD de l’épisode =
écologique (réaliste).
Phase 5 Installation de la Cognition Positive. Installation de la CP du PoD.
Installation Quand il n’y a plus de PoD, installation de la CP de l’épisode traumatique.

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Tableau 33.1. (suite)

Phase 6 Scanner corporel avec l’image + Cognition Pas de scanner corporel pour les PoD.
Scanner corporel Positive. Scanner corporel pour l’épisode traumatique avec l’épisode traumatique + CP de l’épisode
traumatique.

459
Phase 7 Clôture : psychoéducation et lieu sûr (ou Clôture : psychoéducation et quatre éléments ou enveloppe de connexion aux ressources.
Clôture autre technique d’autorégulation).

Phase 8 En début de chaque séance, réévaluation de En début de chaque séance, recherche Google pour identifier les PoD restants.
Réévaluation la dernière cible traitée. Mise à jour du plan Réévaluation de l’épisode traumatique en fin de suivi.
de ciblage au besoin.
Aide-mémoire EMDR

33. Les protocoles EMDR R-TEP et G-TEP

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Aide-mémoire EMDR

Tableau 33.2. Étapes du protocole EMDR G-TEP

Étape 1 Chaque participant note la date du jour, évalue et note son


Sécurité PRÉSENTE SUD en lien avec son état dans l’instant présent, dessine ou
note quelques mots pour désigner un lieu sûr, lui attribue un
titre, et s’administre le « papillon » (tapotements sous les
clavicules, les mains croisées), puis réévalue et note son SUD
à cet instant-là.
Les participants apprennent également l’exercice des quatre
éléments.
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Étape 2 Chaque participant note la date à laquelle s’est produit
Événement initial PASSÉ l’événement traumatique, le représente par un dessin ou
33. Les protocoles EMDR R-TEP et G-TEP

quelques mots, lui attribue un titre et note le SUD


correspondant à cet événement.
Étape 3 Chaque participant désigne une ressource passée par un
Ressource passée dessin ou quelques mots et lui attribue un titre, puis fait le
« papillon ».
Étape 4 Chaque participant choisit dans la liste proposée une cognition
Avenir souhaité positive future souhaitée ; il dessine ou note quelques mots
pour décrire cet avenir souhaité.
Étape 5 Pour la recherche Google, chaque participant tapote en
Traitement alternance la case « PASSÉ » et la case « PRÉSENT » d’une
au niveau main, en suivant le mouvement des yeux.
des PoD Il dessine ou note quelques mots désignant ce PoD, évalue le
SUD, puis tapote en alternance la case « PASSÉ » et le mot
« POD 1 » ; il effectue ainsi neuf séries, en se recentrant sur le
PoD après la 3e , 6e et 9e série pour évaluer et noter le SUD.
Une nouvelle recherche Google est ensuite réalisée et la
même procédure appliquée pour le PoD 2. Au total, trois PoD
sont traités.
Étape 6 Chaque participant évalue le SUD en lien avec l’épisode entier,
Traitement puis sélectionne la Cognition Positive qui s’applique alors le
au niveau mieux ou en écrit une nouvelle, et fait le « papillon ».
de l’épisode

Les protocoles EMDR R-TEP et G-TEP sont les plus complets parmi tous les protocoles
EMDR proposant une prise en charge immédiate ou rapide des traumas récents.
Dès que les conditions le permettent (temps, moyens), ils devraient constituer
le premier choix des intervenants. Par ailleurs, ils comportent plusieurs éléments
originaux dont le praticien pourra nourrir sa réflexion et sa pratique.

460
Aide-mémoire EMDR

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461
Aide-mémoire EMDR

34. Traiter les peurs et les phobies spécifiques avec l’EMDR


34
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TRAITER LES PEURS
ET LES PHOBIES SPÉCIFIQUES
AVEC L’EMDR

Monika Miravet et Marie-Jo Brennstuhl

Les phobies dites spécifiques sont très fréquentes dans la population générale, de
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40 % à 82 % en fonction de la littérature, et touchent aussi bien les enfants et les


adultes que les personnes âgées (André, 2004 ; Mirabel-Sarron & Vera, 2012).
Des protocoles EMDR spécifiques existent dans le traitement des phobies spéci-
fiques. Des aménagements du protocole standard EMDR devront être effectués en
complétant les cibles du passé, en incluant les réactions physiologiques dans les
déclencheurs actuels, et les scénarios du futur seront conceptualisés de manière à
soutenir les mises en actions.

Peurs et phobies spécifiques : définitions

La phobie est caractérisée par une peur intense, irrationnelle et


incontrôlable d’un objet ou d’une situation spécifique, conduisant à

463
Aide-mémoire EMDR

des mécanismes d’évitement et altérant significativement le bien-être


d’un individu. La peur se déclenche en présence de l’objet ou de la
situation et parfois par anticipation et provoque une réaction anxieuse
qui peut aller jusqu’à l’attaque de panique. Christophe André parle de
34. Traiter les peurs et les phobies spécifiques avec l’EMDR

« peurs excessives » ou même de « peurs allergiques » (André, 2004).


Les phobies débutent dans des périodes d’anxiété générale élevée,
engendrée principalement par :
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– des stresseurs de la vie quotidienne, qui peuvent être ou devenir
chroniques ;
– des épisodes traumatiques d’intensité variable ;
– des événements traumatiques familiaux ;
– des traumatisations transmises ou vicariantes ;
– des facteurs épigénétiques.

Le lien manifeste entre ces éléments et l’anxiété qui s’accumule n’est


parfois pas évident, d’autant que les phobies apparaissent de façon
plus ou moins brutale. Lorsque des crises paroxystiques telles que les
attaques de panique accompagnent le vécu phobique, la peur de revivre
cet épisode s’installe. C’est la peur d’avoir peur, essentielle à prendre en
compte dans la prise en charge.
La phobie se maintient à partir de mécanismes de défense : l’évitement
ou la fuite (cf. figure 34.1). Ces mécanismes, utiles à court terme, se
révèlent aggravants à moyen et à long terme.

Travailler en connaissance des défenses phobiques

La phobie spécifique est un trouble anxieux. Il apparaît essentiel de


prendre cet aspect en considération, notamment lors de la phase de pré-
paration. La psychoéducation sur le trouble phobique se fera rapidement,
ainsi que l’apprentissage d’exercices de gestion du stress/contrôle de la
peur visant à faire diminuer l’anxiété générale, redonner le contrôle au
patient, mobiliser ses ressources et débuter d’ores et déjà le travail de
préparation à la mise en action. Le patient devra de façon progressive
se confronter à ses peurs, apprendre à y faire face et à les maîtriser
avant de les voir disparaître.

464
Aide-mémoire EMDR

Une situation / Un objet


se présente

34. Traiter les peurs et les phobies spécifiques avec l’EMDR


Je suis anxieux face
Mon anxiété augmente
à cette situation ou à cet objet
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La situation se présente J'évite ou je fuis la situation
à nouveau ou l'objet

Mes compétences
(Savoir-faire et gestion émotionnelle)
à affronter la situation ou l’objet se dégradent

Figure 34.1. Schéma du cercle vicieux de l’anxiété


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L’intérêt d’expliquer la symptomatologie et de préparer le patient à la


mise en action progressive est de diminuer l’hyperactivation associée
à la phobie, ainsi que l’anxiété liée aux séances et par conséquent les
évitements, voire l’arrêt de la thérapie (cf. encadré).

Exemple de psychoéducation à la phobie


« Vous souffrez certainement d’une phobie spécifique. La phobie est une forme
d’anxiété. Il s’agit d’une dérégulation de la peur face à un objet ou à une situation.
La peur se déclenche alors qu’elle n’a pas lieu de se déclencher, ou bien elle se ☞

465
Aide-mémoire EMDR

☞ déclenche trop fort, et ce, même simplement en pensant à l’objet ou à la situation :


il s’agit d’une anxiété dite anticipatoire. Cette peur est irrationnelle et incontrôlable.
Vous allez alors faire ce qu’il est normal de faire lorsque l’on ressent de la peur : fuir
ou éviter la situation. Mais ces mécanismes de défense psychique vont se révéler
34. Traiter les peurs et les phobies spécifiques avec l’EMDR

inefficaces à moyen et à long terme, augmenter la peur, et affaiblir vos capacités à


faire face à la situation.
Notre travail va consister à retraiter ce qui a pu engendrer cette phobie et ce qui la
maintient.
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Aussi, petit à petit, et à votre rythme, nous allons désensibiliser les souvenirs liés à
cette peur et programmer des mises en action préparées grâce à la thérapie EMDR
et aux techniques de contrôle de l’anxiété.
Il est important d’y aller pas à pas et de travailler avec la conscience de ces
mécanismes d’évitement et de fuite, de les utiliser comme une aide pour la
thérapie.
Les mises en situations seront nécessaires, lorsque vous serez prêt, et la peur
diminuera au fur et à mesure. »

Définir et hiérarchiser les problématiques

Les patients phobiques souffrent d’une pathologie de l’anxiété. Celle-


ci peut se manifester à travers une ou plusieurs phobie(s) plus ou
moins invalidantes, mais également à travers d’autres troubles anxieux.
La phobie peut également survenir dans un tableau plus large et
plus complexe : dépression, addictions, troubles de la personnalité
ou troubles dissociatifs. Les comorbidités sont fréquentes.
Il est alors nécessaire de bien définir la problématique anxieuse et
d’évaluer les autres problématiques, ainsi que leur lien direct ou indirect
avec la phobie et le cas échéant, de hiérarchiser la prise en charge.
L’ordre d’apparition des troubles ne justifiera pas l’ordre de travail sur
les problématiques. La hiérarchisation devra se faire en tenant compte
des ressources du patient, mais aussi de sa demande, ainsi que des
bénéfices secondaires au maintien de la phobie et des peurs spécifiques
sous-jacentes.
Cette mise en perspective peut prendre du temps.
Si le traitement est entrepris trop rapidement, sans avoir suffisamment
considéré les implications du changement, d’autres peurs massives

466
Aide-mémoire EMDR

peuvent émerger, risquant de bloquer le travail thérapeutique ou de


mener à l’arrêt de la thérapie.
Il est essentiel d’expliquer au patient la notion de bénéfice secondaire
et de l’impliquer dans une démarche de réflexion active à ce propos.

34. Traiter les peurs et les phobies spécifiques avec l’EMDR


Ce questionnement devra être fait de façon à ne pas culpabiliser le
patient, en mettant en avant le bon fonctionnement de ses défenses
psychologiques.
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Le travail thérapeutique doit être posé comme une collaboration, invitant
le patient à une responsabilité partagée avec le thérapeute.
Shapiro (2007) suggère de rassurer le patient quant au fait qu’il ne
sera nullement forcé de se confronter à des situations ou des activités
particulières, à la différence des TCC. Ce sera à lui de choisir jusqu’où il
veut aller.

Techniques d’auto-apaisement

L’intensité des réactions liées à la peur est souvent incomprise et


jugée honteuse par le patient qui se sent coupable et voit son estime
rabaissée. Il tente de contrôler sa peur mais rien n’y fait. Il a conscience
de l’irrationnalité de celle-ci.
Il est important de préparer le patient à se confronter à l’angoisse qu’il
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redoute et évite, notamment en vue des mises en situations qui seront


nécessaires à la guérison.
Il faudra sans doute proposer un certain nombre de techniques d’auto-
apaisement avant de trouver celle qui correspond au patient, qu’il y
adhère, et que sa pratique devienne régulière.
Toute forme de technique de relaxation peut être enseignée, en fonction
des pratiques des thérapeutes. Les applications, enregistrements audio,
sites internet sont nombreux et peuvent soutenir la pratique : relaxation
progressive de Jacobson ou autogène de Schultz, cohérence cardiaque,
technique du faisceau lumineux, de la spirale...

467
Aide-mémoire EMDR

Le DIR (Développement et Installation de Ressources – Korn & Leeds,


2002) ainsi que le protocole de l’éponge (Hofmann, 2009 ; Kiessling,
2009) peuvent compléter ce travail de renforcement1 .
La préparation doit inclure le contenant, le lieu sûr, le signal d’arrêt et
34. Traiter les peurs et les phobies spécifiques avec l’EMDR

les métaphores.

Définition du Plan de Ciblage – PDC


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Une fois les problématiques hiérarchisées et le travail de préparation et
de stabilisation achevé, il est nécessaire de définir un plan de ciblage
(PDC) spécifique aux phobies.

! Passé
La définition des cibles du passé est assez directive, il s’agira de lister :
– tous les événements anciens et auxiliaires qui contribuent à la phobie ;
– la première fois que la peur a été ressentie ;
– les expériences les plus perturbantes ;
– la dernière fois que la peur a été ressentie.

Il est intéressant à ce stade de proposer un floatback ou un pont


d’affect afin de questionner spécifiquement autour des événements ou
du contexte de l’année précédant l’apparition du trouble.

! Présent
– tous les déclencheurs actuels ou stimuli pouvant provoquer la peur ;
– les sensations physiques ou les autres manifestations de la peur.

Il est nécessaire de lister ici tous les déclencheurs, y compris les


déclencheurs subtils et les déclencheurs physiologiques. Cette étape
nécessite parfois la mise en place d’un journal quotidien, afin de relever
précisément l’ensemble de ces déclencheurs.

1. Pour plus d’informations, consultez le chapitre 3 « Lieu sûr/lieu calme et installation


de ressources ».

468
Aide-mémoire EMDR

Ces derniers se révéleront également au cours de la thérapie, le PDC sera


assez évolutif.

! Futur

34. Traiter les peurs et les phobies spécifiques avec l’EMDR


La définition des scénarios du futur est assez spécifique dans le
cadre du traitement des phobies, de par la définition même des peurs
anticipatoires.
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Chaque déclencheur actuel identifié dans le présent permettra d’établir
un à un les scénarios du futur. Pour chaque déclencheur il y aura
donc un scénario du futur associé. Ce travail permettra d’identifier les
éventuels bénéfices secondaires, mais également les scénarios irréalistes.
Il permettra également de compléter les compétences spécifiques à
enseigner au patient, en dehors du retraitement.

Retraitement des cibles

! Protocole de Francine Shapiro


Francine Shapiro (2007) suggère de débuter le retraitement des cibles
dans l’ordre suivant : en premier lieu le premier souvenir, puis le ou
les pire(s) souvenirs, et enfin le plus récent. Les déclencheurs actuels
seront ensuite travaillés un après l’autre et les scénarios du futur ne
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seront abordés qu’une fois tous les déclencheurs actuels retraités.

! Protocole d’événement unique


Lorsqu’un événement unique est directement à l’origine de la phobie, il
peut être abordé et traité en premier lieu. Il s’agit de la configuration
la plus simple, qui, lorsque la phobie n’est pas installée depuis trop
longtemps, permet souvent une résolution rapide, parfois même sans
avoir à traiter les déclencheurs et le futur, le patient se remettant
spontanément en situation.
Il est bénéfique dans ce cas d’utiliser les expériences de mises en
situations positives pour les renforcer à l’aide d’un un DIR. Si la mise en

469
Aide-mémoire EMDR

situation a généré du stress, même mineur elle peut être désensibilisée.


Un protocole du futur pourra ensuite être utilisé.

! Les angoisses d’anticipation


34. Traiter les peurs et les phobies spécifiques avec l’EMDR

Dans le cadre des angoisses d’anticipation, tous les déclencheurs seront


également traités un à un, avant de passer aux scénarios du futur.
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Un focus spécifique sera nécessaire afin de cibler la peur d’avoir peur.

! La désensibilisation
Lorsque le retraitement a débuté, il ne faut pas hésiter à soutenir le
patient et à continuer les SBA (Stimulations Bilatérales Alternées) s’il
ressent de la peur pendant la séance. Il peut parfois être nécessaire
d’effectuer des séries de SBA successives, de les adapter et les
raccourcissant ou en les allongeant par rapport aux séries habituelles,
et de passer « à travers » une attaque de panique, tout en rappelant au
patient qu’il dispose de son signal d’arrêt en cas de besoin.
Il est important de rappeler que toute montée de panique a un début
et une fin, et qu’il est possible de la traverser, tout en restant dans sa
fenêtre de tolérance, c’est-à-dire sans hyper ou hypoactivation notable,
ce passage devant être tolérable pour le patient. Il doit sans cesse avoir
conscience qu’il a un pied dans le présent et ressentir malgré toute la
sécurité du moment.
Le soutien du patient est primordial à ce stade, notamment pour lui
rappeler les techniques apprises et pratiquées pour le rassurer, effectuer
des tissages cognitifs sur la peur et ses manifestations.
Enfin, il sera sans doute utile de faire appliquer des techniques de
respiration ou de gestion de la peur pendant le retraitement afin d’aider
le patient à continuer le long de ce canal mnésique et passer le plus
fort de l’abréaction sans sortir de la fenêtre de tolérance (cf. encadré).

Aide au retraitement
Les tissages cognitifs ramènent le patient à la situation actuelle et l’aident à revenir
dans le présent. ☞

470
Aide-mémoire EMDR

☞ Lors du retraitement des cibles, il ne faut pas hésiter à utiliser la mise en action
imaginaire.
Si le traitement est bloqué, il peut être interrompu afin d’installer une ressource à
l’aide du DIR.

34. Traiter les peurs et les phobies spécifiques avec l’EMDR


Ne jamais oublier de prendre du temps en fin de séance pour la stabilisation.
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Incorporation des mises en action

! Mise en Action subie


Le patient peut être confronté à l’objet de la peur ou à la situation
au cours de la thérapie. Il semble intéressant d’assouplir l’ordre de
traitement des cibles proposées par Francine Shapiro (2007).
Ordre de traitement des cibles :
Tout en continuant à suivre le protocole standard sur les cibles du passé
– le traitement de fond – un traitement plus contextuel peut être proposé
afin de soulager le patient dans sa vie quotidienne et l’encourager à
poursuivre le travail engagé. Le traitement des cibles peut alors se faire
dans un ordre incluant les mises en action subies dans un passé proche,
ou les craintes pour le futur proche.
• Passé proche :
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– retraitement de la mise en action si cette dernière a entrainé de


l’anxiété (phases 3 à 7) ;
– renforcement des ressources si la mise en action s’est bien déroulée
(protocole DIR) ;
• Futur proche :
– protocole de l’éponge et/ou
– retraitement de l’anxiété anticipatoire grâce au protocole du futur
(phases 3 à 7).

Le retraitement de ces cibles peut se faire dans une même séance (par
exemple : retraitement ou éponge sur une mise en action à venir non
évitable, puis traitement d’une cible du passé).

471
Aide-mémoire EMDR

! Mise en action contrôlée


Lorsque la décision est prise de passer à la mise en action, il est
important de débuter par des étapes n’entraînant pas une perturbation
34. Traiter les peurs et les phobies spécifiques avec l’EMDR

trop élevée. Il ne faut pas hésiter à freiner les patients qui souhaitent
débuter par des actions trop anxiogènes et à définir des actions
intermédiaires. L’utilisation de co-thérapeutes, amis, famille pouvant
accompagner le patient dans ses démarches, est également possible.
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L’utilisation du protocole de l’éponge et du protocole du futur doit être
réalisée avant la mise en action contrôlée et définie précisément.
Lorsque la mise en action a été réalisée, il est essentiel d’analyser
précisément comment celle-ci s’est déroulée. Si l’expérience s’est avérée
positive, ne pas hésiter à renforcer à l’aide du DIR afin d’aider à la
généralisation des effets positifs. Si la mise en action a provoqué des
perturbations, celles-ci seront désensibilisées et retraitées phases 3 à
7, si la perturbation est mineure à l’aide de simples SBA centrés sur les
reliquats.

Focus sur le futur

Le travail sur les scénarios du futur est une étape fondamentale de


la thérapie EMDR, particulièrement dans le cadre des peurs et phobies
spécifiques où l’anticipation est au cœur de la problématique.

! Plusieurs étapes
Francine Shapiro (2007) propose les étapes suivantes :
– incorporer un modèle positif pour une action future libérée de la
peur : il s’agit d’imaginer être en présence de l’objet phobique tout en
restant calme et détendu. Cette projection devra être retraitée jusqu’à
une VOC à 7 ou 6 (car parfois le patient sera désireux de garder un 6
écologique avant de se confronter l’objet / à la situation) ;
– établir un contrat pour agir : lorsque le traitement est achevé (toutes
les cibles du passé, déclencheurs actuels et scénarios du futur ont
été retraités un à un, dont la peur de la peur et les déclencheurs
physiologiques), il faudra établir un contrat avec le patient afin de

472
Aide-mémoire EMDR

passer à l’action. Ce contrat devra être progressif et réaliste et porter


sur un délai relativement court (1 mois) ;
– faire dérouler mentalement le film de la séquence complète et
retraiter la perturbation : lorsque la mise en action est programmée,

34. Traiter les peurs et les phobies spécifiques avec l’EMDR


Shapiro propose de faire visualiser le film allant de la séance à après
l’exposition. Chaque point perturbant de cette visualisation sera traité
comme une cible séparée ;
– compléter le retraitement des cibles révélées entre les séances : le
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patient sera averti des peurs qui peuvent survenir entre les séances,
durant cette phase de préparation à la mise en action. Le prévenir
sera rassurant. Ce processus est normal, la peur ne va pas disparaître
d’un coup. Tous les stimulus et les peurs émergentes devront être
retraités ;
Concernant ce dernier point, A. de Jongh (2012) précise qu’il
est réellement primordial d’expliquer l’importance de l’exposition
graduée, pas à pas, et de prévoir un contact avec le patient par
rapport à l’exercice, voire de l’accompagner.
Il est également intéressant d’accompagner la visualisation du
patient par rapport à la mise en action jusqu’à obtenir une Cognition
Positive « Je peux faire face » qui soit bien installée.

! Le « flashfoward »
Afin d’aller plus loin encore sur les scénarios du futur et la confrontation
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à l’objet phobique, Logie et Ad de Jongh (2014) ont développé une


entité spécifique : le flashfoward ou « projection future ».
Lorsque le travail sur le passé et sur les déclencheurs du présent est
terminé, il s’agit dans la définition des scénarios du futur d’aller chercher
la pire image en développant un scénario catastrophe : « Quelle est la
pire chose qui pourrait vous arriver si... ? » Ce scénario catastrophe, très
irrationnel est différent d’un patient à l’autre à propos d’un même objet
ou d’une même situation. Il va au-delà des scénarios du futur habituels
liés aux déclencheurs du présent.
Les phases 3 à 7 du protocole standard seront utilisées afin de retraiter
ce scénario avec une Cognition Négative et Cognition Positive imposées
au patient :

473
Aide-mémoire EMDR

CN : « Je suis impuissant(e) »
CP : « Je peux faire face »
Le flashforward sera complet lorsqu’aucune perturbation ne subsiste
34. Traiter les peurs et les phobies spécifiques avec l’EMDR

(Sud à 0) et que la CP « Je peux faire face » est totalement installée


(VOC à 7).
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La thérapie EMDR s’applique parfaitement bien au traitement des peurs et phobies
spécifiques, fréquemment liées à du matériel traumatique.
Le recueil de l’histoire phobique ainsi qu’un temps de psychoéducation et de
stabilisation seront nécessaires.
Ici, un focus particulier sera mis sur l’anticipation en insistant sur les scénarios
du futur et la mise en action. L’utilisation du flashfoward est recommandée afin
d’amener le patient au bout de sa peur.

474
Aide-mémoire EMDR

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475
Aide-mémoire EMDR

35
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EMDR ET ANXIÉTÉ

Marie-Jo Brennstuhl

35. EMDR et anxiété


Les troubles anxieux font partie des troubles mentaux les plus courants, avec une
prévalence au cours de la vie qui peut osciller de 16 à 29 % en fonction de la
littérature.
Souvent associés à une comorbidité élevée, ils viennent fortement perturber la vie
quotidienne et peuvent s’avérer extrêmement invalidants.
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Parmi les troubles anxieux, les peurs et phobies spécifiques sont les plus courantes
et font l’objet d’un chapitre particulier dans cet ouvrage.
Il s’agira ici de s’intéresser à la symptomatologie anxieuse et plus spécifiquement
au trouble d’anxiété généralisé (TAG) et de définir ainsi des pistes de traitement à
l’aide de la thérapie EMDR.

Les troubles anxieux

! Définitions
Les troubles anxieux se définissent principalement par une peur
excessive, de l’anxiété et de l’évitement, et diffèrent notamment de

477
Aide-mémoire EMDR

la peur et de l’anxiété normales en termes de durée, car ils persistent


généralement plus de six mois.

! Critères du DSM-V
Des changements importants ont été apportés dans la catégorie des
troubles anxieux dans la dernière version du DSM.
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Le trouble de stress post-traumatique (TSPT) et le trouble obsessionnel-
compulsif (TOC) ont été répartis dans des chapitres séparés afin de
pouvoir y associer stress aigu et trouble d’ajustement pour l’un, et
l’accumulation compulsive pour l’autre.
Parmi les troubles anxieux, le trouble panique et l’agoraphobie ont été
dissociés et un spécificateur de l’attaque de panique a été ajouté.
Le critère de l’âge minimum n’est plus exigé pour le trouble d’anxiété
35. EMDR et anxiété

sociale, l’agoraphobie ou la peur spécifique, qui reconnaissent désormais


une anxiété excessive et déraisonnable même avant 18 ans.
Inversement, le trouble d’anxiété de séparation n’est plus réservé à
l’enfance ou l’adolescence, mais fait désormais partie intégrante des
troubles anxieux.
En termes de comorbidité, un spécificateur de « détresse anxieuse » a
été ajouté aux catégories des troubles dépressifs et troubles bipolaires
connexes, permettant de mettre en avant au moins deux symptômes
anxieux sans établir pour autant un diagnostic de trouble anxieux séparé.

! Trouble d’anxiété généralisée (TAG)


Le trouble d’anxiété généralisée (TAG) n’a pas subi de modifications
dans le DSM-V.
Le TAG se définit principalement par des inquiétudes répétées à propos
d’événements passés ou des appréhensions d’événements à venir. Le
cours des pensées anxieuses est impossible à stopper, ce qui vient
renforcer les sentiments d’appréhension et provoquer une agitation et
une incapacité à se détendre, ajouté à des difficultés d’endormissement
ou à maintenir le sommeil.

478
Aide-mémoire EMDR

On constate également des difficultés de concentration avec une forme


de procrastination, mais aussi des réactions de sursauts exagérés et de
l’irritabilité.
Physiquement, les manifestations sont diverses et concernent principa-
lement des tensions musculaires, tremblements et douleurs, grincement
de dents, transpiration, bouffées de chaleur, étourdissements, maux de
tête, douleurs thoraciques, bouche sèche, manque d’énergie...
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La souffrance ressentie face à ces inquiétudes constantes et excessives
vient fortement altérer le fonctionnement social et professionnel du
sujet.
L’intensité et la fréquence de l’anxiété est hors de proportion et interfère
avec la réalisation d’autres tâches ou activités en cours et empêche la
résolution de problèmes.
Les symptômes doivent être présents depuis au moins six mois.

35. EMDR et anxiété


Un protocole aménagé

Les spécificités des troubles anxieux – une peur excessive et de


l’évitement – nécessitent des aménagements particuliers du protocole
standard en EMDR afin de prévenir un arrêt prématuré de la thérapie.
En effet, travailler sur les troubles anxieux nécessite une préparation par-
ticulière afin de se prémunir de l’évitement et de la peur caractéristiques
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de l’anxiété.
Un temps de stabilisation, de développement des ressources et d’amé-
lioration des stratégies de coping s’avère fondamentalement nécessaire.
Les patients répondent pourtant très bien au travail des troubles anxieux,
pour peu que ces précautions aient été prises.
Pourtant, les troubles anxieux se présentent généralement dans le
cadre d’un tableau clinique plus complexe, où les comorbidités sont
nombreuses : trouble de l’humeur, trouble de la personnalité, affects
dépressifs, consommation de substances pour pallier l’anxiété, auto-
médication...
L’identification de plusieurs plans de ciblage peut alors être nécessaire.

479
Aide-mémoire EMDR

L’utilisation de la thérapie EMDR prend tout son sens dans le traitement


du TAG et des symptômes anxieux de manière générale car ils sont prin-
cipalement causés par des idées réitératives et de fausses croyances qui
nécessitent une restructuration cognitive ainsi qu’une désensibilisation
du système de peur. Dans la perspective du modèle TAI, l’utilisation de
l’EMDR est donc tout à fait adaptée.
Par ailleurs il apparaît que plusieurs variables interviennent dans le
développement et le maintien du TAG : la présence d’événements
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stressants ou traumatiques, ainsi que la croyance de l’individu qu’il
ne possède pas les capacités et ressources nécessaires pour faire face.
L’utilisation de technique de stabilisation et de développement et
d’installation de ressources (DIR) est donc primordiale.
Quatre variables sont également identifiées dans la littérature comme
facteurs contributifs au maintien de l’inquiétude excessive du TAG :
– une intolérance à l’incertitude ;
35. EMDR et anxiété

– une orientation défaillante vers la résolution de problèmes ;


– des croyances dysfonctionnelles sur l’utilité des inquiétudes ;
– l’évitement cognitif.

! Préparation au traitement
Le temps de préparation au traitement est particulièrement important
dans la prise en charge du TAG. En effet, nous l’avons vu, il est important
de limiter au maximum le risque d’abandon de la thérapie.
La première étape va donc consister, comme cela est établi dans le
protocole standard, d’installer un lieu sûr/calme, de mettre en place un
contenant, d’utiliser les métaphores.
Un temps spécifique sera également dédié à la psychoéducation afin de
bien expliciter les caractéristiques des troubles anxieux et de prendre en
compte que, durant les phases de retraitement et de désensibilisation,
il est probable que les sensations anxieuses augmentent, mais que
le thérapeute, le signal stop, le lieu sûr/calme, le contenant et des
exercices de respiration permettront toujours de passer « à travers »
l’augmentation des sensations de peur.

480
Aide-mémoire EMDR

Le sentiment d’inefficacité à faire face étant caractéristique des problé-


matiques anxieuses, un temps spécifique sera dédié au développement
et à l’augmentation des ressources à l’aide du protocole DIR (Korn et
Leeds, 2002) ou de la technique de l’éponge (Hofmann, 2009).
Des exercices de relaxation, de méditation de pleine conscience, de
respiration, ou tout autre outil dont dispose le thérapeute seront les
bienvenus afin de s’adapter au mieux aux besoins du patient.
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! Définition du plan de ciblage
Une fois la psychoéducation effectuée avec le patient afin qu’il
comprenne son trouble, et après un temps de stabilisation et de
développement des ressources, il s’agit d’aller rechercher les cibles ayant
contribué au développement du trouble et des inquiétudes excessives.
Les cibles identifiées comme les plus perturbantes sont retenues dans

35. EMDR et anxiété


le plan de ciblage, avant d’être retraitées à l’aide du protocole standard
EMDR, par ordre chronologique.
L’utilisation de la thérapie EMDR permet de travailler à la fois des
événements passés supposés avoir contribué au développement des
troubles anxieux, mais également les situations redoutées actuelles et
potentielles.
L’objectif principal est de pouvoir intégrer émotionnellement les
inquiétudes excessives et l’anxiété associée afin de les éliminer. Un
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travail de restructuration cognitive est également permis grâce au


changement des Cognition Négative en Cognition Positive.
Le sentiment de capacité à faire face aux événements stressants est
augmenté, mettant en avant de nouvelles capacités de coping et un
sentiment de compétence.

! Retraitement
Le retraitement des cibles se réalisera alors conformément au protocole
standard EMDR, en trois temps, passé, présent, futur, et suivant
l’ordre chronologique des cibles du passé ainsi qu’en identifiant
systématiquement un scénario du futur pour chaque déclencheur actuel.

481
Aide-mémoire EMDR

Les déclencheurs actuels prendront en compte les composantes phy-


siques et corporelles inhérentes aux troubles anxieux.
Les scénarios du futur s’attacheront à développer des projections du futur
du type flashfoward1 (Logie & De Jongh, 2014), afin d’aller confronter
au plus près la restructuration cognitive des pensées dysfonctionnelles.
Le tissage cognitif sera particulièrement aidant dans le traitement des
troubles anxieux, notamment sous forme de questionnement socratique,
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permettant ainsi de mettre en avant le caractère excessif ou irréaliste
des fausses croyances.

! Compléter avec des techniques cognitives


Les thérapies cognitivo-comportementales sont reconnues comme
efficaces dans le traitement des troubles anxieux.
La thérapie EMDR permet de confronter le patient à ses peurs et à ses
35. EMDR et anxiété

fausses croyances et vient potentialiser les techniques d’exposition en


imagination, en permettant de désensibiliser plus rapidement l’anxiété
associée.
De même, la thérapie EMDR, grâce aux changements opérés entre
les cognitions négatives et les cognitions positives, permet une
restructuration cognitive des croyances erronées, et vient requestionner
les croyances irréalistes.
Des techniques de résolution de problèmes peuvent alors se mettre en
place en parallèle ou en complément du traitement EMDR.
Il s’agira alors de répondre à 7 étapes principales :
– définir le problème ;
– générer des solutions ;
– évaluer les avantages et désavantages de chacune des solutions ;
– choisir la solution (ou la combinaison de solutions) qui sera
appliquée ;
– essayer la (les) solutions ;

1. Pour plus d’informations, consultez le chapitre 34 sur les peurs et phobies


spécifiques.

482
Aide-mémoire EMDR

– évaluer les résultats ;


– modifier la solution ou en appliquer une autre au besoin.

Afin de potentialiser la restructuration cognitive, il ne sera pas bénéfique


de tenter de démontrer le caractère excessif ou irréaliste des pensées ;
il s’agira plutôt d’amener le patient à se remettre lui-même en question.
Orienter la réflexion vers la résolution de problème lui permettra ainsi
de prendre de la distance par rapport aux croyances bloquantes et
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restructurer les pensées obstacles.

L’utilisation de la thérapie EMDR dans le traitement des troubles anxieux correspond


aux recommandations des thérapies cognitivo-comportementales à travers la
désensibilisation de la peur et le retraitement des fausses croyances et idées
réitératives.
Il est néanmoins important de compléter l’utilisation du protocole standard par un
temps spécifique de psychoéducation aux spécificités des troubles anxieux, ainsi

35. EMDR et anxiété


que de ne pas lésiner sur tous les outils de stabilisation et de développement
des ressources afin d’augmenter les capacités de coping du patient ainsi que son
sentiment d’efficacité personnelle.

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484
Aide-mémoire EMDR

36. Le protocole de groupe EMDR-IGTP ou technique des quatre champs


36
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LE PROTOCOLE DE GROUPE EMDR-IGTP
OU TECHNIQUE DES QUATRE CHAMPS

Michel Silvestre

Définition

Le Protocole EMDR de traitement intégratif de groupe (IGTP : Integrative


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Group Treatment Protocol) a été développé par Jarero, Artigas, Hartung


en réponse au passage d’un ouragan sur la côte ouest du Mexique en
1997. Il a été présenté pour la première fois sous forme de poster
en 1999 lors de la rencontre annuelle de l’International Society for
Traumatic Stress Studies à Miami, USA (Jarero et al., 2013).
Ce protocole de groupe aussi connu comme la « technique des quatre
champs » ou « le protocole du papillon » a été utilisé avec ou sans
adaptations dans de nombreuses situations de guerres, de violences ou
de catastrophes naturelles (Jarero et al.,2013). De nombreuses études
ont montré son efficacité auprès d’enfants et même d’adultes (Jarero,
Artigas & Hartung, 2006 ; Zaghrout-Hodali, Alissa & Dodgson, 2008 ;
Jarero & Artigas, 2009 ; Hurn & Barron, 2018).

485
Aide-mémoire EMDR
36. Le protocole de groupe EMDR-IGTP ou technique des quatre champs

Dans le cadre de cet article nous développerons uniquement l’utilisation


de ce protocole avec les enfants tout en sachant que le travail clinique
a montré qu’il pouvait aussi être utilisé avec des adultes (policiers,
militaires, personnes incarcérées). C’est un protocole d’intervention en
situation de trauma en phase aiguë et post 3 mois. Ce protocole rustique
est simple à faire passer et demande un minimum de matériel : une
salle de travail, des feuilles de papier blanc et trois/quatre crayons de
couleur par enfant.
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Mise en application de ce protocole de groupe

Les groupes doivent être composés autant que possible d’enfants du


même âge, d’une même classe scolaire ou d’une fratrie ayant vécu le
même trauma. Il faut être attentif à ne pas mélanger dans le même
groupe agresseur et victime et suivant la taille du groupe, un deuxième
intervenant sera nécessaire. L’un des intervenants anime le groupe et
l’autre peut intervenir au cas où un des enfants aurait besoin d’une
aide particulière. En effet, il peut arriver qu’un enfant soit trop activé
émotionnellement pendant ce travail, n’arrive pas à se réguler et ait
besoin d’un soutien individuel. Ce deuxième intervenant peut être un
thérapeute ou dans des certaines situations une personne qui connaît
les enfants comme par exemple l’infirmière scolaire.
Quelques caractéristiques essentielles de ce travail de groupe. Il
permet aux enfants l’expression de leurs résiliences individuelles dans
un climat groupal de contenance émotionnelle, il n’y a pas ou très
rarement d’abréactions émotionnelles pendant le travail thérapeutique.
Les enfants n’ont pas besoin de raconter ce qu’ils ont vécu, ils vont le
dessiner à leur rythme. Ils pratiquent eux-mêmes les auto-stimulations
bilatérales alternées et ainsi restent plus dans leurs fenêtres de tolérance.

Comment ce travail de groupe se déroule-t-il ?

Dans la forme initiale de ce protocole de groupe, on va utiliser une


feuille de papier par enfant, divisée en quatre quarts qu’ils peuvent soit

486
Aide-mémoire EMDR

36. Le protocole de groupe EMDR-IGTP ou technique des quatre champs


garder ouverte devant eux soit plier en quatre de façon à ne voir qu’un
quart à la fois (Morris-Smith & Silvestre, 2015).
1. La première étape de ce protocole consiste à demander aux enfants
de dessiner sur un des quarts de la feuille de papier leur lieu sûr,
d’identifier et de localiser si possible une bonne sensation corporelle.
Ensuite le thérapeute va les guider en montrant comment faire
les Stimulations Bilatérales Alternées (SBA) en auto stimulation
avec des mouvements appelés les ailes du papillon (bras croisés et
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stimulations alternées sur les épaules) tout en regardant leur dessin
du lieu sûr. Le thérapeute les accompagne en faisant le mouvement
du papillon lentement pendant cette phase d’installation du lieu
sûr. Après quelques secondes de stimulation, il leur fait prendre une
grande respiration et leur demande une deuxième fois de faire des
SBA en regardant leur lieu sûr.
2. Pour la deuxième étape, le thérapeute leur demander de penser à la
situation difficile traumatique qui les préoccupe et de dessiner sur le
deuxième quart de la feuille de papier la pire image qui s’impose à
eux quand ils pensent à cette situation. On peut aussi leur demander
s’ils ont des mauvaises pensées ou des mauvais mots associés avec
cette image et de les noter sur la feuille de papier (c’est une forme de
cognition négative et le thérapeute se garde d’intervenir et de faire
des commentaires). Puis on leur demande de mesurer sur l’échelle du
SUD (de 0 à 10) le niveau de perturbation qu’ils ressentent face à
cette image et d’identifier si possible, en fonction de leurs niveaux
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de développement, une sensation corporelle qu’ils pourraient avoir


en pensant à cette pire image ; ensuite ils font les mouvements de
SBA du « papillon » à la vitesse que chacun choisit (lente ou rapide)
tout en regardant leur dessin jusqu’à ce que dans leurs têtes vienne
une autre image. À la différence du protocole standard EMDR ou il
est préconisé que le thérapeute fasse des SBA rapides pendant cette
phase de désensibilisation, nous devons prendre en compte que nous
sommes dans un contexte différent, l’enfant s’auto stimule et son
libre choix de la vitesse des SBA est une indication de sa capacité
à s’auto réguler. Dans ce protocole de groupe le but n’étant pas de
travailler sur de nombreux réseaux traumatiques mais de réduire la
charge émotionnelle associée à une cible bien précise.

487
Aide-mémoire EMDR
36. Le protocole de groupe EMDR-IGTP ou technique des quatre champs

3. Ils dessinent alors cette nouvelle image sur le troisième quart de


la feuille puis tout en la regardant font de nouveau des SBA du
« papillon » jusqu’à ce qu’une nouvelle image leur vienne en tête et
la dessinent.
4. Ils font leur dessin sur le quatrième quart et ce dessin peut-être ou
pas le dernier, d’où le nom protocole des quatre champs. Le nombre de
dessins va dépendre de l’âge des enfants et de la durée de la séance
de travail. Certains auront le temps d’en faire plus et le minimum à
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obtenir est de quatre.
Si le quatrième dessin est le dernier, le thérapeute leur demande
d’évaluer le niveau de perturbation ressenti (SUD) de ce dessin et
non pas comme dans le protocole EMDR standard de revenir à celui
de l’image cible du premier dessin car nous ne sommes pas dans un
protocole de désensibilisation de tous les réseaux traumatiques. C’est
là un point essentiel qui caractérise cette approche, il s’agit de vérifier
que le processus de SBA du papillon et de dessins successifs a permis
la réduction de la charge émotionnelle ressentie. Le thérapeute veut
s’assurer que ce mouvement de réduction s’est bien enclenché (baisse
du niveau de SUD) et donc que le processus de résilience de l’enfant
a repris. La clinique nous apprend qu’une baisse du niveau de SUD
est observée dans 80 % des cas et que pour les 20 % restants où
il n’y a pas de baisse du SUD, il faut envisager une approche EMDR
basée sur le protocole standard.

Ce protocole de travail de groupe permet aux intervenants, non


seulement d’apporter une aide à chaque enfant, mais aussi d’exercer une
fonction de triage dans le cas de traumatismes majeurs ou de nombreux
enfants sont impliqués et où un manque de thérapeutes ne permet pas
d’assurer des prises en charges individuelles.
Pour clôturer la séance, on demande aux enfants de revenir sur leur
dessin du lieu sûr et de faire des SBA tout en le regardant. Lorsqu’ils ont
fini on leur propose de se lever et de bouger en mimant les mouvements
du chien qui s’ébroue en sortant de l’eau.
Nous pouvons suggérer quelques évolutions inspirées par la pratique
clinique. Dans un souci de stabilisation en activant les réseaux positifs
on peut demander aux enfants de dessiner leur lieu sûr une feuille de
papier à part. Ils pourront ainsi le garder devant eux pendant le temps

488
Aide-mémoire EMDR

36. Le protocole de groupe EMDR-IGTP ou technique des quatre champs


du travail comme une ressource. Le pliage de la feuille en quatre champs
sera réservé pour les dessins du processus associatif. Ainsi la taille de
la feuille de papier ressource sera plus grande que celle réservée aux
dessins difficiles. Ce dessin du lieu sûr à part donne la possibilité aux
enfants de l’emporter avec eux s’ils le souhaitent.
S’il est possible de prévoir une deuxième séance, le thérapeute
demandera aux enfants de repenser à la situation difficile, de dessiner
l’image qui vient et d’évaluer le niveau de perturbation avec l’échelle
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du SUD. Si le SUD est élevé on refera une série de dessins et de SBA.
Si le niveau de SUD est écologique (proche de zéro) on peut prendre
une autre cible. Une deuxième séance n’est pas forcément pertinente
dans le cas d’une fratrie si le protocole de travail de groupe est suivi de
rencontres familiale et/ou individuelle où seront discutés et réévalués
certains des éléments de la situation traumatique.
Une troisième séance peut être prévue, elle portera sur l’activation des
réseaux positifs et la capacité de mentalisation des enfants par le biais
de la création groupale d’une histoire ou de dessins collectifs (modèle
de cognition positive) aidant les enfants à solidifier leur processus de
changement.

Conclusion

Ce protocole de groupe, simple d’utilisation est particulièrement utile


et robuste pour les groupes d’enfants. Il permet une intervention
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thérapeutique sans risque de créer une sur-traumatisation des enfants


du fait que chaque enfant retranscrive pour lui-même et qu’il n’y a pas
de partage des dessins donc du contenu traumatique. Le groupe est ainsi
utilisé dans sa dimension contenante en remobilisant l’appartenance
à la fratrie, au groupe scolaire effractée par le trauma et non dans sa
dimension d’échange. Il favorise la chute de la charge émotionnelle
associée à une expérience traumatique et il devrait faire partie de la
trousse à outils de tout thérapeute.

489
Aide-mémoire EMDR
36. Le protocole de groupe EMDR-IGTP ou technique des quatre champs

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490
Aide-mémoire EMDR

37

37. La prise en charge du deuil et deuil bloqué


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LA PRISE EN CHARGE DU DEUIL ET DEUIL BLOQUÉ

Thérapie EMDR et deuil

Martine Iracane
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Considérée comme une thérapie adaptée dans le cadre de la rencontre avec des
patients endeuillés, la thérapie EMDR peut libérer le processus naturel du travail
de deuil, en ciblant les éléments à l’origine de blocages, en activant le traitement
adaptatif de l’information sur les éléments passés, les déclencheurs de la douleur
du présent et en orientant le patient vers une meilleure adaptation future.

Du deuil sain au deuil pathologique

Le deuil normal ou sain peut être appréhendé à travers trois moments


essentiels qui marquent le travail de deuil (Freud, 1915) : l’état de choc
suivant l’annonce de la perte (surtout si elle n’était pas prévisible) qui
entraîne un état d’hébétude et de sidération marqué par un abattement

491
Aide-mémoire EMDR

physique et psychologique important, l’état dépressif – l’essence même


du travail de deuil – qui prend la mesure de la réalité de l’absence, et la
période de rétablissement.
Ces étapes permettent à la personne endeuillée d’effectuer un parcours
d’intégration progressive de la perte, orienté vers l’acceptation. Cette
dernière étape est souvent concomitante de la remise en route d’autres
formes d’investissements.
37. La prise en charge du deuil et deuil bloqué
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Un des indicateurs les plus fréquents des écueils du processus de travail
du deuil normal réside dans la durée excessive de ses étapes : le maintien
des symptômes au-delà de 6 mois (Jacobs et Prigerson, 2001) voire de
14 mois après la perte (Horowitz et al., 1997), signe l’installation d’un
deuil compliqué.
Dans le DSM-V (APA, 2013) la proposition d’une nouvelle entité
nosographique spécifique au deuil compliqué et démarquée de l’Etat
Dépressif Majeur (EDM) a été soumise : le Persistent Complex Bereavement
Disorder 1 (PCBD). Le tableau clinique du PCBD est corrélé à un critère
de durée (symptômes persistants au-delà d’un an pour les adultes
et de 6 mois pour les enfants). S’il est cité dans le DSM-V, en lien
avec « l’Adjustement Disorder 2 », le PCBD n’y est pas intégré comme
entité nosographique reconnue, mais détaillé avec un encouragement à
approfondir son étude.
Mais une autre forme de deuil compliqué s’avère souvent corrélée au
traumatisme psychique qui peut lui être associé : le tableau clinique
alors constitué répond à l’entité clinique du deuil traumatique, « liée
à la non-résolution des symptômes de deuil et à leur association avec
une altération du fonctionnement quotidien » (Bourgeois, 2002).
Dans le DSM-V, le critère A3 permet de faire le lien entre TSPT (Trouble
de Stress Post-Traumatique) et le deuil, laissant supposer que le sujet
confronté à la mort d’un proche dans des circonstances violentes et
accidentelles peut développer un deuil traumatique.

1. Trouble du deuil complexe et persistant.


2. Trouble de l’adaptation.

492
Aide-mémoire EMDR

A – Exposition à la mort effective ou à une menace de mort, à une blessure grave


ou à des violences sexuelles d’une (ou de plusieurs) des façons suivantes :
A3 – En apprenant qu’un ou plusieurs événements traumatiques sont arrivés à un
membre de la famille proche ou à un ami proche. Dans les cas de mort effective ou
de menace de mort d’un membre de la famille ou d’un ami, le ou les événements
doivent avoir été violents ou accidentels.

En effet, certains facteurs circonstanciels entourant le décès prédis-

37. La prise en charge du deuil et deuil bloqué


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posent au deuil traumatique (Zisook, 1991 cité par Montel et Tarquinio,
2014). L’annonce d’une mort violente, un décès par suicide (qui génère
beaucoup de culpabilité), des circonstances de la mort comportant une
dimension brutale, horrifiante ou déshumanisante, peuvent générer un
deuil traumatique.
Le deuil post-traumatique apporte quant à lui, une nuance au tableau
précédent ; il fait converger la perte et l’effraction psychique consécutive
à la confrontation à l’événement et entraîne chez le patient endeuillé
une « double peine ».
Dans ces types de deuil, le fait de différer le soin dans l’espoir d’une
résolution spontanée peut être illusoire, les incidences traumatiques
venant bloquer tout processus de métabolisation de l’expérience de la
perte (Tarquinio et Montel, 2014). Or la persistance des symptômes peut
entraîner des conséquences psychopathologiques plus sévères, affecter
la santé.
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Conceptualisation de cas

Francine Shapiro considère l’EMDR comme une indication thérapeu-


tique adaptée pour soulager les souffrances invalidantes des patients
endeuillés (Shapiro, 2007) même au décours d’un deuil normal.

! Cadre du travail thérapeutique et plan de traitement


Le plan de traitement élaboré et éclairé par la conceptualisation de la
présentation clinique singulière du patient endeuillé, offre un cadre de
travail thérapeutique contenant. Il permet de repérer les principales

493
Aide-mémoire EMDR

difficultés alléguées par le patient dans le présent et de dégager les


différents axes facilitateurs d’un cheminement progressif vers la sédation
des symptômes, l’apaisement, et la mentalisation de la perte (Bacqué,
2006).
Le style d’attachement
Parmi les critères pertinents à prendre en compte, nous insistons sur
l’exploration des liens entretenus avec la personne défunte qui révèle le
37. La prise en charge du deuil et deuil bloqué
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style d’attachement de la personne, déterminant souvent la qualité du
travail de séparation. Ce paramètre affecte la durée, et la manière de
conduire l’accompagnement du sujet endeuillé.
L’anamnèse
Elle permet de déceler les éventuelles autres pertes antérieures, et de
s’assurer de la stabilité du moi. Des deuils non élaborés, affectent et
entravent le travail de deuil plus récent.
De même, le repérage des difficultés relationnelles avec le défunt
apportera les informations nécessaires à la clarification des pistes
de travail en EMDR : quelles éventuelles situations difficiles, ressentis
négatifs, conflits, ont émaillé le parcours de vie partagée avec la
personne défunte ? L’ambivalence, les sentiments de culpabilité, les
regrets, les remords viennent souvent générer des blocages émotionnels,
des pensées dysfonctionnelles et parasiter le travail de deuil. Dans
ces situations, la thérapie EMDR « semble accélérer le traitement de
l’information dysfonctionnelle et permettre que des prises de conscience
et des émotions appropriées et saines émergent » (Shapiro, 2007).
Le repérage des résistances au traitement EMDR
Il arrive que les patients endeuillés, manifestent une certaine ambi-
valence à l’égard de l’utilisation de la thérapie EMDR présentée au
patient comme une approche efficace pour digérer des expériences
de vie difficiles. La proposition de cette pratique entraîne des peurs
anticipatoires, des croyances inhibitrices et par voie de conséquence,
des résistantes au traitement. En effet, la crainte d’oublier le défunt
et les vécus partagés dans les liens d’attachements, risquent, dans
les représentations de l’endeuillé, de déclencher une seconde perte ou
d’activer un conflit de loyauté.

494
Aide-mémoire EMDR

« On est persuadé que la fin du deuil porte la menace de perdre à tout jamais
celui qui pourtant est déjà parti » (Fauré, 2004).

Loin de causer l’oubli tant redouté par l’endeuillé, la thérapie EMDR


mobilise au contraire des réminiscences et associations positives comme
la remémoration de moments apaisés, partagés avec le défunt. Elle
accélère le travail de deuil, favorise un accès plus rapide à la phase
résolutive d’intégration de la perte et à celle du réinvestissement de la

37. La prise en charge du deuil et deuil bloqué


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pulsion de vie.

La co-construction d’un cadre de travail

Prenant en compte ces éléments et les caractéristiques de la rencontre


clinique, il convient lors de cette phase de co-construire un cadre de
travail.
Une simple question peut être posée au patient :

« En lien avec ce qu’il s’est passé, qu’avez besoin de garder et que vous
souhaitez vous laisser partir ? » (Lazrove et al., 1998)1 .

Cette proposition interroge les différentes facettes de la perte, conduit à


les hiérarchiser et à en retenir certains aspects jugés essentiels ; autour
de ce mouvement introspectif, c’est un début de travail qui s’opère et
qui participe à relancer le processus de deuil.
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Synthèse

Ainsi, pour résumer et en s’inspirant de la proposition d’axes de travail


de Fauré (2004), le plan de traitement peut intégrer plusieurs aspects
en lien avec :
• la relation entretenue avec la personne défunte et les difficultés et
conflits traversés dans ce lien ;
• les circonstances de la disparition du défunt et leur vécu ;
• l’état actuel du patient endeuillé et les difficultés rencontrées.

1. Traduction de l’auteur.

495
Aide-mémoire EMDR

Nous rajoutons :
• les ressources internes et externes du patient déterminant les besoins
de stabilisation supplémentaire ;
• les changements désirés en termes d’objectifs réalistes et acceptables
par le sujet endeuillé.

La stabilisation de l’état clinique et la psychoéducation nous semblent


mériter un développement spécifique.
37. La prise en charge du deuil et deuil bloqué
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! La psychoéducation et la stabilisation
La psychoéducation revêt une place centrale avec les sujets endeuillés.
Elle va contribuer, d’une part à une meilleure gestion et stabilisation
d’un quotidien où les repères ont été pulvérisés, et d’autre part, à
l’accessibilité des informations adaptatives nécessaires à l’activation
du traitement adaptatif de l’information lors du traitement des cibles
ultérieures.
Différentes stratégies de stabilisation psychologique spécifiques, acti-
vant des réseaux de mémoire adaptatifs positifs, participent à renforcer
les ressources du patient endeuillé. Elles peuvent être proposées en
amont du traitement des cibles névralgiques ou en complément de
celles-ci, lors des phases 3 à 8 du protocole standard. Nous en donnons
ici quelques exemples.
La dimension spirituelle
Partie intégrante du cadre général du travail thérapeutique avec
l’endeuillé, la prise en compte de la dimension spirituelle occupe une
place centrale. Comprendre le vécu de l’endeuillé adossé à ses référentiels,
son système de valeurs, à ses croyances, et parfois aux rituels religieux et
culturels qui s’y réfèrent, permet de renforcer l’affiliation thérapeutique
et la reconnaissance du thérapeute. L’intégration de ces éléments tout
au long de l’accompagnement thérapeutique soutient l’accession à une
symbolisation de l’expérience de la perte grâce à la mobilisation des
ressources internes du patient (Spierings, 1999).
C’est autour de ces lieux et objets chargés de la trace symbolique du
collectif d’appartenance que l’affliction et la désolation générées par la
perte se trouvent reconnues et soutenues.

496
Aide-mémoire EMDR

Pour ancrer le contre-poids positif à la détresse émotionnelle, le


thérapeute peut proposer la visualisation et l’installation d’un espace
imaginaire ou symbolique de sécurité et de calme du « lieu sûr » (Shapiro,
1997, inspiré de Daniels) et la consolidation d’une ressource selon le
protocole DIR – Développement et Installation des Ressources (Korn,
Leeds, 2002).
Quelques SBA (stimulations bilatérales alternées), très lentes viendront

37. La prise en charge du deuil et deuil bloqué


ancrer dans le corps, dans l’ici et maintenant, un peu d’apaisement des
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tensions psychocorporelles.

La validation des réactions appropriées du présent


Normaliser et légitimer les affects appropriés, les cognitions et les
symptômes, autour de ce bouleversement profond, en procurant de
l’information sur le processus de deuil à l’endeuillé, conforte son travail
de deuil et l’aide à élaborer.
Les déclencheurs de la recrudescence de la souffrance aux périodes
anniversaires ou face à des lieux, objets, activités, investis au préalable
en commun, ou autres moments critiques tels que la survenue d’expé-
riences prenant un caractère un peu surnaturel, la prise de conscience de
ressentis parfois contradictoires et ambivalents, réclament clarification
et normalisation.

Les ressources et les médiations thérapeutiques


L’enseignement de différentes stratégies d’auto-apaisement génératrices
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d’un sentiment de contrôle, de reconnexion à l’espoir, l’encouragement


à la poursuite d’activités quotidiennes, peuvent favoriser a minima, le
maintien de l’élan vital nécessaire, tandis que l’état de psychasthénie
est validé.
La palette complexe des ressentis de l’endeuillé trouve souvent un
support à son expression dans des espaces de médiation qui peuvent
également aider le sujet endeuillé à filtrer des vécus sidérants et
inhibiteurs du travail de transformation psychique. Ainsi, la tenue d’un
journal, de récits de souvenirs, la participation à un groupe de parole de
sujets endeuillés facilitent et contribuent à un début de distanciation
puis à une réappropriation subjective de la perte, favorables au travail
de deuil (Spierings, 1999).

497
Aide-mémoire EMDR

Tous les changements positifs discrets obtenus, peuvent être renforcés


sur la base classique pratiquée en thérapie EMDR, de l’ancrage et de
la mobilisation de ressources psychologiques avec la technique des
stimulations bilatérales alternées soit en articulant avec le protocole
des ressources DIR, soit en utilisant le protocole de l’absorption issu de
la technique The wedging technique (Kiessling, 2009).
37. La prise en charge du deuil et deuil bloqué
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Vers l’élaboration d’un plan de ciblage
et les retraitements des cibles

Partant du postulat que « L’EMDR n’élimine pas, et même ne dilue pas


les émotions saines et appropriées, y compris le chagrin » (Shapiro,
2007), différents axes de travail peuvent soutenir l’évolution du TAI et
la sédation de la symptomatologie envahissante des deuils traumatiques,
post-traumatiques et compliqués concernés par l’échec des processus
adaptatifs spontanés.

! Le deuil traumatique et post-traumatique


Le cas d’événements récents
Une annonce de mort violente et brutale, la disparition du corps
du défunt, un suicide, une effraction traumatique générée par la
confrontation au risque de sa propre mort ou celle dont le sujet a
été témoin, des scènes de confrontation à la douleur d’un proche, à
la transformation de son corps, à l’atteinte à son intégrité et à sa
dignité déclenchent souvent des symptômes cliniques tels que des
intrusions, des évitements, une activation neurovégétative en réaction
à des déclencheurs (État de Stress Aigu) qui risquent de fixer le processus
de deuil au premier stade de son évolution et complexifier globalement
le déroulement du travail de deuil.
L’approche EMDR peut être pratiquée précocement dans les jours ou
semaines suivant la confrontation à la perte.
L’objectif essentiel est alors de traiter les éléments traumatiques pour
l’amorce d’un apaisement relatif et une remise en route du processus
normal d’intégration de la perte.

498
Aide-mémoire EMDR

Cependant :
• les thérapeutes devront s’attendre à des niveaux élevés de détresse
émotionnelle dus au caractère récent de l’événement ; la sortie de la
fenêtre de tolérance des affects est fréquente et devra rapidement
être accompagnée par les techniques de gestion des abréactions, de
distanciation, de contenance, sous peine de renforcer les états de
dissociation péri-traumatique qui ont marqué la première phase de

37. La prise en charge du deuil et deuil bloqué


choc. Le protocole CIPOS de Jim Knipe (2008) peut aider le patient à
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s’exposer au matériel traumatique en reprenant un peu de contrôle et
en restant dans l’ici et maintenant du lien thérapeutique ;
• il vaut mieux éviter l’utilisation de l’EMDR dans une phase de déni
pour respecter les défenses psychologiques mobilisées par l’endeuillé
face à une réalité irreprésentable (Louboff, 2013).

En ce sens et grâce à leur effet contenant et leur approche progressive,


les protocoles « Événements récents » de F. Shapiro (2001) ou le
protocole R-TEP1 d’E. Shapiro (2008) peuvent décontaminer les différents
moments infiltrés d’éléments pollués par les informations brutes
dysfonctionnelles où la sensorialité obnubile la pensée. Procédant par
paliers successifs et graduels, intégrant de proche en proche les différents
moments de l’événement traumatique, ce type d’approche fait évoluer
le matériel perturbant vers une transformation des images horrifiantes
qui vont évoluer vers des images saines, acceptables, assimilables
psychiquement. Des sentiments positifs liés au défunt qui ne trouvaient
pas leur place, se manifestent alors.
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Le TAI aura ainsi été réactivé précocement pour prévenir les blocages
du travail de deuil et la rumination mentale douloureuse dans laquelle
l’endeuillé peut s’enfermer.
Associés à des risques de morbidités mentales et physiques importants,
les deuils traumatiques méritent donc un repérage diagnostic et une
identification précoce pour éviter qu’ils ne se compliquent davantage et
engendrent des pathologies chroniques et sévères (Tarquinio et Montel,
2014).

1. Protocole pour les événements traumatiques récents.

499
Aide-mémoire EMDR

Le cas d’événements plus anciens

Le protocole standard est en général bien adapté pour ces situations de


deuils plus anciens.
Ainsi, face à ces problématiques, le plan de ciblage recueillera en
première intention les cibles liées à la perte et aux circonstances ayant
conduit à l’éclosion d’un trouble de stress post-traumatique (TSPT), sans
négliger le traitement des effets de traumatisation et pertes secondaires
37. La prise en charge du deuil et deuil bloqué
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telles que la séparation d’un lieu de vie, les périodes anniversaires, avant
d’aborder le traitement des cibles du présent et du futur.
Certains aspects psychologiques et ressentis génèrent des blocages en
dehors de toute effraction traumatique. C’est le cas de certains remords,
regrets, culpabilités, de sentiment d’indignité ou d’incurabilité suite au
décès, angoisse d’abandon et de nouvelles pertes, de peurs irrationnelles,
de croyances, qui peuvent favoriser l’éclosion de deuils compliqués et
empêcher l’accès aux informations adaptatives tournées vers la phase
d’intégration et d’acceptation de la perte.
Il convient, lors de la construction du plan de ciblage standard qui
demeure très adapté, de les repérer, et les traiter (phase 3 à 8) au
rythme des possibilités d’exposition et d’investissement du patient.
La dépotentialisation des situations du passé et des déclencheurs du
présent particulièrement génératrices de douleur morale permettent
d’acheminer le travail thérapeutique vers la direction future espérée,
« écologique », adaptée aux systèmes de valeurs et au contexte actuel
psychosocial du patient.
Par ailleurs, au cours du retraitement, la nécessité de garder quelque
chose du lien à l’objet perdu, va se manifester par le maintien d’un
niveau de perturbation « écologique » : l’atteinte d’un SUD à 0, irréaliste,
permet la traduction et le repérage d’une partie du vécu subjectif du
patient.

Synthèse : les cibles du plan de ciblage


Ci-dessous figure une série de situations pertinentes inscrites dans le plan de ciblage.
Ces cibles peuvent participer au ralentissement – voire au blocage – du travail de
deuil. ☞

500
Aide-mémoire EMDR

☞ Passé
• annonce d’un décès ou de la maladie ;
• les scènes des obsèques : moment hautement symbolique de la séparation
définitive ;
• le moment de la prise de conscience des conséquences de l’absence ;
• les éventuelles pertes antérieures ;
• les pertes secondaires au deuil ou deuils secondaires :

37. La prise en charge du deuil et deuil bloqué


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« Devoir vendre notre maison, lieu de tous nos souvenirs heureux... C’est
comme si je perdais mon mari une deuxième fois », nous confie Christine.

Présent
• les cauchemars et les images intrusives ;
• les déclencheurs du présent :

« Le vendredi soir, c’était un rituel, on avait l’habitude de tous se retrouver


pour décider du programme du week-end... les enfants les petits enfants... je
ne supporte plus le vendredi soir... je fuis la maison. »
• les ressentis et problèmes de culpabilité, de contrôle ;
• les colères excessives, empêchant le fonctionnement et l’adaptation au quotidien ;
• les sentiments d’autodépréciation ;
• la croyance fondamentale dans l’impossibilité de survivre à la perte :

« Je suis dévastée de l’intérieur... J’ai compris... On ne s’en remet jamais »,


nous dit Olga qui a perdu son mari 3 mois auparavant.
• les regrets de ne pas avoir dit ou fait quelque chose :

« Nous n’avons jamais parlé de sa mort imminente... je lui ai menti ... nous
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aurions dû nous dire adieu », regrette Olga.


• les remords pour avoir exprimé des sentiments hostiles, des attitudes agressives
et de rejet, générant de la culpabilité :
« La veille de sa mort, on s’était disputé... c’est comme si je l’avais tué... »,
nous dit Ludovic, évoquant son père.
• l’absence de soutien social (Solomon et Rando, 2007).

Futur
Recherche de cibles illustrant :
• l’acceptation ;
• la capacité à s’adapter ; ☞

501
Aide-mémoire EMDR

☞ • la capacité à donner du sens à d’autres projets, et à d’autres manières de vivre


ou d’investir la vie en restant relié à la perte avec tristesse et nostalgie adaptées.

! La survenue de blocages durant le traitement


des deuils compliqués et la gestion des abréactions
37. La prise en charge du deuil et deuil bloqué
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Les éléments cibles, cités ci-dessus, peuvent émerger spontanément au
décours de la phase de désensibilisation d’une situation, sous forme de
blocages de l’information : le TAI n’avance plus.
Le dialogue avec le défunt, les techniques de tissage cognitif, l’écriture
de lettres adressées au défunt (Dellucci, 2011) permettent alors le
dépassement du point de blocage en remettant en route naturellement
le matériel associatif, jusqu’à contacter des informations positives.
Voici ci-dessous un exemple de tissage cognitif portant sur des regrets
exprimés par une patiente engagée dans un deuil compliqué : Fatima
se reproche inlassablement de ne pas avoir pu communiquer une
dernière fois avec sa mère. Cette information négative tourne en boucle
dans sa vie et la mine au quotidien ; le blocage apparaît au cours
de la désensibilisation. Le thérapeute va encourager la verbalisation,
ici et maintenant, des mots non-dits à l’époque. Outre l’atténuation
des tensions, un réel recadrage cognitivo-émotionnel s’opère et sera
accompagné de changements patents dans la réalité.
Parfois, en dehors même du retraitement d’une cible, la technique du
dialogue avec le défunt permet de gérer un état émotionnel extrêmement
aigu et douloureux, pour tenter de stabiliser le patient dans un moment
où la douleur est trop importante.

Le modèle spécifique du deuil compliqué


selon Rando et Solomon

Le modèle des 6 « R » (Solomon et Rando, 2007) propose un plan de


traitement à travers une série de phases psychologiques du travail de
deuil définissant chacune ses objectifs.

502
Aide-mémoire EMDR

Reconnaître – Réagir – Se remémorer et réintégrer – Renoncer –


Réadapter – Réinvestir, ces phases étant alignées sur un fil temporel.
Plusieurs cibles reliées à chacune des phases vont être traitées, relevant
d’un aspect du travail psychique particulier, participant à une intégration
exhaustive des éléments étiologiques du deuil compliqué et une remise
en route du deuil normal.

Tableau 37.1. Le modèle des 6 R

37. La prise en charge du deuil et deuil bloqué


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Phases Cibles prioritaires
Reconnaître Aspects traumatiques
Réagir Moments particulièrement douloureux dans
le présent ou pertes secondaires
Se remémorer et réintégrer Souvenirs douloureux, souvenirs liés à une
impossible résolution, moments où les
sensations de manque sont très élevées
Renoncer Moments dans lesquels la difficulté à laisser
partir le défunt est accrue, situations futures
Réadapter Renforcement des ressources
Réinvestir Obstacles notamment en lien avec
l’attachement (peur de s’engager, etc.)

Inspiré de Solomon et Rando, 2007

Le croisement entre le protocole standard et ce modèle des 6 « R »


vient alors révéler la complexité du processus de deuil et la nécessaire
adaptabilité du thérapeute au vécu subjectif du patient. Le travail thé-
rapeutique EMDR accompagne l’apprentissage d’un « nouveau monde »
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qui se constitue peu à peu pour l’individu endeuillé (Rando, 1993).

Lorsque le travail de deuil subit des aléas et ne peut panser et penser la blessure de
la perte, il peut être redynamisé par la thérapie EMDR : agissant sur les composants
dysfonctionnels et traumatiques de l’expérience pour en permettre la métabolisation,
la thérapie EMDR adaptée à la singularité du tableau clinique à travers la mise en
œuvre d’un plan de traitement spécifique, remet en route les étapes naturelles
du processus de deuil sans dispenser du chagrin normal, de l’incontournable
mouvement introspectif et sans « devancer la croissance personnelle de l’endeuillé »
(Shapiro, 2007).

503
Aide-mémoire EMDR

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37. La prise en charge du deuil et deuil bloqué


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505
Aide-mémoire EMDR

38. Le potentiel de la thérapie EMDR en gynécologie


38
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LE POTENTIEL DE LA THÉRAPIE EMDR
EN GYNÉCOLOGIE

Eva Zimmermann

Toute femme aura besoin de consulter des services de gynécologie durant


pratiquement toute sa vie. Que ce soit pour la prescription de la contraception,
pour des problèmes de type médical pur (dépistage du cancer, écoulement vaginal,
aménorrhée, règles abondantes, syndrome prémenstruel, règles douloureuses,
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cystites, endométriose, stérilité ou encore demande d’avortement, etc.) ou pour


des problèmes au niveau psychosomatique (douleurs au bas-ventre, vaginisme,
dyspareunie, manque d’appétit sexuel, infertilité, etc.), les gynécologues voient
une large palette de symptomatologies dans leurs services. Un problème fréquent
est la symptomatologie traumatique masquée par des problèmes somatoformes.
Différentes recherches confirment un taux d’abus sexuels pour les femmes autour
des 20 % (Salmona, 2013), allant d’un « simple » dépassement de limites sans
pénétration, mais bien traumatogène déjà, aux violences sexuelles les plus infâmes.
Toutes ces femmes victimes doivent consulter les services gynécologiques tôt ou
tard dans leur vie, à moins qu’elles les évitent. Bien que toutes sortes de problèmes
somatiques, médicaux et physiologiques subsistent, un grand nombre de problèmes
somatoformes font partie des séquelles post-traumatiques. Toutefois, la motivation
de la consultation est rarement l’événement sous-jacent en tant que tel (viol, abus, ☞

507
Aide-mémoire EMDR

☞ violence, négligence, etc.), mais bien les symptômes primaires et secondaires,


parfois apparus après de nombreuses années seulement.
Une prise en charge médicale devrait toujours aussi aborder les aspects psycholo-
giques pour détecter les traumas à l’origine des symptômes psychosomatiques. En
outre, les consultations en gynécologie peuvent d’emblée être sources de stress
ou constituer un événement potentiellement traumatique. Les raisons de consulter
38. Le potentiel de la thérapie EMDR en gynécologie

en gynécologie peuvent également provenir de situations difficiles, comme un viol


ou d’autres situations chargées affectivement. La thérapie EMDR offre une prise en
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charge parfaite pour les femmes qui rencontrent des difficultés dans la consultation
gynécologique, victimes ou non de nombreux événements laissant des blessures
somatoformes et psychoformes.

Le drame des femmes

Les raisons de consulter en gynécologie révèlent des problématiques


variées et multiples autour de la féminité, de la sexualité, de la maladie
et des douleurs. À partir de l’adolescence, le vaccin contre le HPV
(papillomavirus humain), très recommandé de nos jours, ou le besoin
d’une contraception amène déjà les jeunes filles à consulter. C’est souvent
dans ce but qu’elles font leurs premières expériences gynécologiques.
Que ce soit pour des mesures préventives ou pour des problèmes
déjà manifestes, les femmes adultes doivent consulter les cabinets
gynécologiques. Jusqu’à un âge avancé, le contrôle gynécologique reste
une indication préventive pour toute femme, et bien souvent, avec l’âge,
la santé gynécologique (entre autres) se dégrade. Selon l’OMS, chez la
femme, le cancer du sein reste le cancer le plus meurtrier (voir à ce
propos le chapitre 46).
Il existe toute une symptomatologie psychotraumatique, souvent
masquée, qui fait souffrir les filles et les femmes. Pensons aux douleurs
chroniques du bas-ventre, à d’autres formes de douleur chroniques (la
dyspareunie, des douleurs durant l’acte sexuel, ou encore le vaginisme,
une incapacité à être pénétrée) et à d’autres problèmes autour de la
sexualité, tous fréquents après des violences sexuelles subies. Une étude
récente en Suisse (Étude Optimus, 2012) a détecté que 3 % des filles en
dernière classe de la scolarité obligatoire (cela correspond à l’âge de 15
ans environ en Suisse) ont déjà été victimes de violences sexuelles avec
pénétration et 5 % ont été victimes de telles tentatives. 30 % des filles

508
Aide-mémoire EMDR

de la même tranche d’âge ont subi des agressions sexuelles sans contact
physique. D’une part, nous retrouvons donc des filles et des femmes
traumatisées en consultation pour leur symptomatologie traumatique ou
pour d’autres raisons, d’autre part, les femmes peuvent se retrouver dans
des situations difficiles dans le présent quand elles consultent dans des
cabinets gynécologiques. Bien souvent elles sont aussi déclenchées et

38. Le potentiel de la thérapie EMDR en gynécologie


parfois re-traumatisées pour des raisons de consultation (par exemple se
déshabiller devant un inconnu, détection de maladie grave, de grossesse
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non désirée) ou encore elles peuvent se trouver en difficulté lorsqu’elles
doivent aborder leur corps, leur intimité ou un autre problème sensible
lié à la féminité et à l’intimité. N’oublions pas non plus le nombre
de femmes migrantes, issues de contextes de précarité, de guerre,
de déplacements, accompagnés souvent de violences sexuelles. Une
problématique culturelle se rajoute dans les contrôles gynécologiques
pour ces personnes-là.
Le cabinet gynécologique est également déclencheur de toutes sortes
d’autres difficultés, y compris des peurs de l’examen gynécologique en
tant que tel, comme mentionné plus haut, ou encore la peur de se
déshabiller, de se laisser toucher les parties intimes, d’avoir mal, d’avoir
une maladie grave, de devoir parler de la sexualité ou de contraception.
Un accompagnement, voire la préparation, d’une jeune fille ou d’une
femme victime (pensons à toutes les femmes traumatisées sexuellement)
peuvent avoir un effet positif sur la patiente.
Une collaboration étroite entre psychologues cliniciens et gynécologues
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peut remédier à un nombre important de situations difficiles. Au mieux,


la psychologue clinicienne travaille dans le service de gynécologie,
notamment dans un hôpital, comme c’était le cas de l’auteur de
cet article. Ou alors, une collaboration étroite de délégation entre
gynécologue et psychologue clinicienne peut se développer. Ceci permet
aux femmes concernées par des situations difficiles ou ayant subi des
traumatismes d’être identifiées par leur gynécologue et de recevoir des
soins psychothérapeutiques appropriés et rapides.
Grâce à un service psychologique rattaché à une clinique gynécologique,
les médecins sont plus sensibilisés aux difficultés psychosomatiques et
somato-psychiques et aux problématiques liées au stress et aux violences
subies par les femmes venant consulter. La présence de psychologues, et

509
Aide-mémoire EMDR

parfois les apports théoriques et de cas cliniques discutés en colloque


ou encore lors de formations internes délivrées par les psychologues du
service, permettent d’apporter un enseignement psychotraumatologique
auprès du corps médical. Néanmoins, un grand nombre de femmes
consultent chez des gynécologues en libéral. Ceux-ci ont une compré-
hension parfois rudimentaire de l’aspect psychologique des agissements
38. Le potentiel de la thérapie EMDR en gynécologie

de leurs patientes. Alors que les contrôles et interventions touchent le


domaine le plus intime qui soit, les organes génitaux, les seins et la
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sexualité, les difficultés rencontrées durant la consultation médicale sont
souvent attribuées par les médecins à des troubles de la personnalité
de la patiente plutôt qu’à un vécu traumatique qui, en occurrence, ne
permet pas à ces femmes de se comporter « normalement » durant les
consultations. En cas de problématiques rencontrées, la femme doit
souvent faire elle-même la démarche et identifier l’origine traumatique
de ses réactions et symptômes, et donc faire elle-même la démarche de
consulter une psychologue clinicienne. Bien souvent, aussi, les femmes
consultent des psychologues cliniciens pour une autre problématique
(par exemple une dépression, un burnout, ou encore des angoisses
généralisées, des attaques de panique intenses ou des états d’angoisse).
Ce n’est que lors d’une anamnèse approfondie que le clinicien peut
découvrir les traumatismes originaux et les troubles rencontrés lors
de consultations gynécologiques, qu’ils constituent des symptômes
primaires ou secondaires. On ne peut qu’encourager les médecins,
gynécologues et obstétriciens, à se former davantage ou au moins à se
sensibiliser à la question psychotraumatologique pour mieux prendre en
charge en première ligne ces patientes, et, le cas échéant, les orienter
rapidement vers des spécialistes en psychotraumatologie.

La thérapie EMDR avec la population spécifique


des patientes gynécologiques

Le protocole EMDR standard, c’est-à-dire les huit phases et les trois


temps (passé-présent-avenir) sont aisément applicables dans le suivi
thérapeutique avec les femmes qui consultent les services de gynécologie.
Le point clé consiste à faire le lien entre symptômes psychosomatiques
et vécu traumatique ; il s’agit également de détecter les possibilités

510
Aide-mémoire EMDR

d’accompagnement et de soutien psychologique pour ces femmes qui


consultent ces services pour des problèmes de nature somatique, comme
la préparation à une intervention chirurgicale ou encore l’accompagne-
ment dans une maladie (voir chapitre 46 pour l’accompagnement de
femmes avec un cancer du sein). En outre, de nombreuses maladies ou
autres complications gynécologiques peuvent comporter une angoisse et

38. Le potentiel de la thérapie EMDR en gynécologie


un stress important, même pour une femme jusque-là non traumatisée.
Un défi particulier pour le traitement de cette population est par
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conséquent de bien identifier la problématique fondamentale pour établir
un ou plusieurs plans de ciblage correspondants adéquats.
Comme mentionné ci-dessus, les symptômes observés relèvent fréquem-
ment d’une cause traumatique, mais parfois aussi non traumatique et
néanmoins perturbante (Zillhardt, 2017), et cette cause peut être plus
ou moins identifiée selon les cas. Ces observations sont en concordance
avec le modèle de traitement adaptatif de l’information, le modèle
TAI de Shapiro (voir chapitre 1, et Shapiro, 2001, 2018) qui stipule
que les problèmes actuels occasionnant des problèmes aux personnes
sont à considérer comme des symptômes qui trouvent leur source dans
le stockage dysfonctionnel dans le cerveau d’événements du passé
agissant en conséquence comme déclencheurs de réactions inadaptées
dans le présent. En plus de la perturbation dans le présent, causée par
les souvenirs stockés de manière dysfonctionnelle, bien souvent ces
souvenirs agissent aussi sur la personne par rapport à un avenir anticipé :
les personnes évitent des situations futures en raison de leur anxiété
anticipatoire, c’est-à-dire elles évitent des actions, comme consulter un
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médecin en ayant une suspicion d’un problème somatique, par exemple


un nodule au sein, un écoulement vaginal, une grossesse (déni de
grossesse !) etc. Certains de ces évitements peuvent avoir des effets
fatals. En tant que psychologue clinicien, il est donc primordial de bien
identifier les liens entre agissements dans le présent, comportements
d’évitement vis-à-vis d’actions futures et la base de la pathologie. Ceci
permettra d’élaborer un plan de ciblage adapté selon le modèle TAI.
Selon le symptôme apparent en consultation gynécologique, il est
conseillé de développer un plan de ciblage autour de la problématique
fondamentale. Différentes pistes sont généralement à investiguer et à
évaluer pour en trouver les causes possibles dans des situations non
intégrées dans les réseaux mnésiques adaptatifs. Ceci permettra à la

511
Aide-mémoire EMDR

patiente de traiter les causes et de se débarrasser des symptômes. Le


cadre de ce chapitre ne permet pas de développer tous les aspects de
manière plus complète ou d’aborder les plans de ciblage en détail, mais
toutes ces propositions sont à considérer comme des pistes de réflexion
et d’investigation, et laissent aux cliniciens la créativité et flexibilité
pour les développer davantage.
38. Le potentiel de la thérapie EMDR en gynécologie

Le tableau 38.1 regroupe des symptômes apparents en gynécologie en


général, avec la cause sous-jacente éventuelle, les points à développer
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et à investiguer, et les plans de ciblage utiles1 .
Un nombre important de problématiques des femmes qui consultent sont
liées directement à la sexualité et à l’intimité. L’OMS (2002) dans une
recherche mondiale évoque un pourcentage élevé de femmes victimes de
violences et de violences sexuelles par leurs partenaires intimes actuels.
Pour la Suisse, par exemple, 6 % des 1500 femmes interrogées ont
indiqué avoir été victimes de violences par leur partenaire intime dans
les douze derniers mois. Le/la gynécologue est la personne en première
ligne et souvent considérée comme étant la plus appropriée pour parler
de ces difficultés. Les femmes ont de grands besoins de parler, de poser
de questions, de recevoir des réponses, et un besoin d’aide, que ce soit
autour des questions de conception, de contraception, de sexualité et
des problèmes liés à la sexualité comme le vaginisme, la dyspareunie,
un manque d’appétit sexuel, mais aussi les troubles relationnels, les
violences subies, etc. Bien souvent, un contrôle gynécologique ne prend
pas plus de dix minutes, et la femme se retrouve hors du cabinet avant
même d’avoir pu poser ses questions. Tout bon gynécologue devrait
être attentif aux questions, parfois timides, des femmes durant leur
consultation.

1. Il serait trop laborieux de décrire tous les plans de ciblage mentionnés dans ce
tableau, ce qui dépasserait le cadre de ce chapitre. La plupart de ces protocoles et
plans de ciblage sont développés dans la formation de base en thérapie EMDR, niveau
1 et niveau 2, et parfois dans les séminaires spécialisés.

512
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Tableau 38.1. Problématiques gynécologiques

Prise en charge / plan de ciblage ou


Symptôme Causes possibles À investiguer / évaluer
protocole
Douleurs chroniques du bas-ventre Symptôme somatique ou douleur due Historique de violence (sexuelle) Protocole standard
au stress ou douleur fantôme à la suite Troubles dissociatifs Protocole des douleurs (De Roos &
d’abus sexuels Veenstra, 2009), (Brennstuhl, 2013)
Symptôme somatoforme de personne Protocole des douleurs fantômes
avec trouble dissociatif (Tinker & Wilson, 2005)
Protocole inversé en cas de troubles
dissociatifs (Hofmann 2010)
Maladies gynécologiques (par exemple Problème somatique Peurs Protocole des douleurs
endométriose, kystes ovariens, Image corporelle et histoire de la Plan de ciblage standard
condylomes, etc..) relation au corps Faisceau lumineux

513
Grossesse involontaire et demande Multiples Relation de couple, soutien familial LOUA / LOPA (Knipe 2014)
d’interruption (IVG) Accompagnement dans la prise de
décision, souvent ambivalente
Trauma récent
Infertilité ou stérilité Multiples Traumas Plan de ciblage standard
Histoire d’IVG / ITG Trauma récent
Relations de couple Relations Trauma unique
parentales
Motivation profonde
Aide-mémoire EMDR

38. Le potentiel de la thérapie EMDR en gynécologie

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38. Le potentiel de la thérapie EMDR en gynécologie

Tableau 38.1. (suite)

Suspicion de cancer avec interventions Multiples Peurs des interventions, peur de Accompagnement dans les
de dépistage ou cancer gynécologique mourir démarches
(ovaires, col de l’utérus, sein) avec Angoisses Protocole trauma récent (annonce)
Aide-mémoire EMDR

interventions lourdes Gestion des émotions Travail important sur les déclencheurs
Soutien social du présent, parfois comme premier
choix
Plan de ciblage standard
Protocole scénarios futurs, et
scénarios futurs A-B-C (voir chapitre 9
et chapitre 46)
Opérations nécessaires ou désirées : Somatiques Peurs intenses, paniques, peurs de Absorption
réduction mammaire, hystérectomie, Psychologiques l’anesthésie Plan de ciblage standard

514
stérilisation Image corporelle / Dysmorphophobie Protocole scénarios futurs

Phobies (des seringues, voire du sang, Expériences négatives ou traumatiques, Histoire traumatique Plan de ciblage standard
des opérations, des anesthésies, etc.) avec ou sans amnésie Protocole des phobies
Consultation à la suite d’un viol Hasard ou victimisation Histoire des expériences sexuelles Hasard : trauma récent ou plan de
Histoire de violences et négligences ciblage standard
Histoire de l’attachement Victimisation : protocole inversé
Troubles dissociatifs (Hofmann 2010)
Problèmes urologiques Somatique Causes médicales Plan de ciblage standard
Abus sexuels Histoire sexuelle
Honte
Problèmes liés au genre Histoire de l’attachement Histoire de l’attachement Plan de ciblage standard
Préférences de l’enfant du sexe opposé Histoire de violences émotionnelles et
Négligence précoce autres

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Aide-mémoire EMDR

Le tableau 38.2 dresse une liste de problématiques sexuelles abordées


régulièrement en contrôle gynécologique, rapporté par les femmes
elles-mêmes ou par les médecins gynécologues.

Tableau 38.2. Difficultés sexuelles rapportées par les patientes

38. Le potentiel de la thérapie EMDR en gynécologie


Prise ne charge /
À investiguer /
Symptôme Causes possibles plan de ciblage
évaluer
ou protocole
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Dyspareunie Premières Histoire sexuelle Plan de ciblage
expériences Histoire de standard
sexuelles difficiles l’attachement
non-traumatiques ou
traumatiques
Vaginisme Trauma Histoire traumatique Plan de ciblage
standard
Manque d’appétit Relations affectives Relation de couple Interventions
sexuel Troubles de sexologiques
l’attachement Plan de ciblage
standard
Anorgasmie Trauma Relation de couple Plan de ciblage
Difficultés Histoire sexuelle standard
relationnelles et de Histoire traumatique Accent important
l’attachement sur les scénarios
du futur
Intrusions Traumas (multiples) Histoire traumatique Travail avec les
traumatiques durant Troubles dissociatifs parties dissociées
l’acte sexuel après formation
Dissociation durant Traumas multiples Histoire traumatique Travail avec les
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l’acte sexuel d’abus et de parties dissociées


violence après formation
Troubles sexuels Éventuellement
EMD avec
certaines parties
Problèmes Traumas Traumas Plan de ciblage
relationnels Troubles de Troubles de standard
l’attachement l’attachement et du
Violences conjugale lien
Relation conjugale /
intime

Le contrôle médical représente en soi une difficulté pour bien des


jeunes filles et des femmes. La préparation de ces patientes en cas

515
Aide-mémoire EMDR

de problèmes majeurs est une tâche psychologique importante. Le


contrôle gynécologique n’est pas uniquement un contrôle de maladies
gynécologiques, mais devrait être également un lieu de discussion et
d’échange autour des problèmes les plus intimes, sexuels ou autres.
C’est une des raisons pour lesquelles l’examen gynécologique et le
contrôle annuel sont chargés affectivement. En plus des problèmes
38. Le potentiel de la thérapie EMDR en gynécologie

énumérés plus haut, des problématiques autour de l’image corporelle


et les troubles du comportement alimentaire se font remarquer en
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consultation gynécologique et ont comme effet un évitement ou encore
représentent un blocage pour la femme en question.
Le tableau 38.3 décrit les difficultés liées à un contrôle médical
gynécologique.
Tableau 38.3. Difficultés liées au contrôle médical gynécologique

Prise en charge /
À investiguer /
Symptôme Causes possibles plan de ciblage
évaluer
ou protocole
Refus ou difficulté à Conditions culturelles Us et coutumes Accompagnement
se déshabiller Peurs Histoire sexuelle, et soutien
Dysmorphophobie histoire d’abus Plan de ciblage
Relation au corps, standard
Problème de relation
entre patiente et image corporelle
médecin
Troubles du
comportement
alimentaire
Refus ou difficulté à Trauma Histoire Accompagnement
effectuer un contrôle traumatique et soutien
gynécologique Plan de ciblage
standard
Douleur lors de Relation médecin – Histoire Protocole des
l’examen patiente traumatique douleurs
gynécologique Hypersensibilité Histoire Faisceau lumineux
relationnelle

516
Aide-mémoire EMDR

Tableau 38.3. (suite)

Manque de Histoire relationnelle Histoire Plan de ciblage


confiance en soi ou Trauma relationnelle standard
relation difficile entre
Médecin non
médecin et patiente
empathique, pressé,
(manque de respect
actes médicaux
de la part du
douloureux sans

38. Le potentiel de la thérapie EMDR en gynécologie


médecin)
préparation, sans
commentaire etc.
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Confusion et peurs Traumas multiples Histoire des Plan de ciblage
durant le rendez-vous Estime personnelle réussites et échecs, standard
par manque de basse scolarité
connaissances du Histoire
Peurs dues à un
langage médical, des traumatique
manque du sentiment
interventions
de sécurité
proposées, de la
décision à prendre

Conclusions

Le passé de violences avec des séquelles traumatologiques de nombreuses


femmes rend souvent un « simple » contrôle médical/gynécologique
extrêmement difficile.
Le praticien EMDR expérimenté fera une investigation et une évaluation
approfondie des problématiques rencontrées par les femmes et les
traitera en élaborant des plans de ciblage appropriés. Le plan de ciblage
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standard restera le premier choix pour les prises en charge. On utilisera


dans certains cas des protocoles spécifiques comme le protocole de
la douleur ou de la douleur du membre fantôme, de la maladie et des
troubles somatiques ou encore le LOUA ou LOPA (Knipe 2014).

L’examen gynécologique représente en soi un événement difficile pour la plupart


des femmes. Il est bien plus difficile encore pour les femmes victimes de violences
toutes sortes, mais particulièrement de violences sexuelles. Toute femme dans un
examen gynécologique peut être activée par rapport à son passé, ses déclencheurs
présents ou encore par rapport à des situations futures qu’elle peut avoir tendance
à éviter. Les conséquences psychotraumatiques des événements se manifestent ☞

517
Aide-mémoire EMDR

☞ de manière importante dans le corps et dans des troubles psychosomatiques. Des


psychologues cliniciens travaillant directement en milieu hospitalier ou en lien avec
des cabinets gynécologiques peuvent bien aider ces femmes grâce à la thérapie
EMDR et à ses procédures et protocoles.
38. Le potentiel de la thérapie EMDR en gynécologie

Bibliographie
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518
Aide-mémoire EMDR

39. Le potentiel de la thérapie EMDR en obstétrique


39
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LE POTENTIEL DE LA THÉRAPIE EMDR
EN OBSTÉTRIQUE

Eva Zimmermann

Une femme consulte en général son médecin gynécologue jusqu’au jour où elle est
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enceinte. À partir de là, ce dernier deviendra son obstétricien et elle passera dans
les services obstétricaux, sauf si elle désire une interruption volontaire de grossesse
(IVG). L’obstétrique est considérée comme la division « la plus heureuse » d’un
hôpital, car les « heureux événements » y sont à l’ordre du jour. On a cependant
tendance à oublier toutes les femmes qui ne se retrouvent pas avec un bébé en
bonne santé dans les bras après neuf mois (ou moins) de grossesse. Cet article
cherche à démontrer le potentiel de la thérapie EMDR pour la prise en charge avant,
pendant et après la grossesse et l’accouchement, et la prise en charge de couples
qui perdent un embryon ou un fœtus par fausse couche, interruption thérapeutique
de grossesse (ITG), voire, des couples qui perdent un enfant lors de la naissance
ou peu après, ou encore des couples dont le fœtus ou le nourrisson rencontre des
problèmes de santé.

519
Aide-mémoire EMDR

Quand bébé vient... ou s’en va

L’obstétrique est le domaine médical le plus gratifiant et le plus positif, si


tout se passe comme prévu. Pour bon nombre de femmes ou de couples,
leur désir d’enfant se réalise dans un laps de temps adapté et au
mieux, c’est-à-dire sans difficultés majeures ou problèmes. Selon l’OMS,
39. Le potentiel de la thérapie EMDR en obstétrique

le délai nécessaire pour concevoir (DNC ou TTP – Time To Pregnancy)


est de douze mois de relations non protégées pour un couple dont la
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femme n’a pas atteint 35 ans. Au-delà, des problèmes de stérilité ou
d’infertilité se manifestent. Grâce à la contraception moderne, grand
nombre de couples arrivent à concevoir le nombre d’enfants désiré.
Mais depuis la nuit des temps, l’obstétrique représente également un
domaine de dangers, de déceptions, de peurs, de chocs, de deuils,
de dépressions et de moments d’attente et de surprise : grossesse
non désirée avec interruption volontaire de grossesse (IVG), ou alors
grossesse souhaitée mais problèmes d’infertilité, d’hypofécondité ou
de stérilité, grossesse avec détresse fœtale ou malformation fœtale
nécessitant une interruption thérapeutique de grossesse (ITG), mort
in utero, grossesse avec problèmes de violence conjugale ou autres
complications, menace de fausse couche ou fausse couche précoce ou
tardive, grossesse à risque avec alitement, grossesse gémellaire ou
grossesse multiple (toujours un risque accru), accouchement normal
ou traumatique avec césarienne d’urgence ou d’autres interventions
d’urgence (forceps, ventouse, épisiotomie, etc.), complications du post-
partum pour la mère (hémorragies internes par exemple) ou pour l’enfant,
ou dépression du post-partum (voir aussi Davies, 2009). En voici un
catalogue de problèmes à gérer pour les femmes et leurs partenaires,
eux souvent traumatisés en plus des traumas de la femme.
Nombreuses sont donc les situations qui ont tout à gagner d’une prise en
charge avec la thérapie EMDR. Une description détaillée des procédures
et ciblages dépasserait le cadre de ce chapitre. L’idée de base est de
servir d’aide-mémoire pour les situations potentiellement difficiles à
gérer.

520
Aide-mémoire EMDR

Mort in utero et accouchement traumatique :


deux exemples de cas spécifiques

Deux situations malheureusement fréquentes dans les services obsté-


triques sont abordées plus en détail.

39. Le potentiel de la thérapie EMDR en obstétrique


! La situation de mort in utero ou mort périnatale
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En 2010 par exemple, l’OMS a recensé 10,1 mort-nés pour 1000 nais-
sances en France. L’Allemagne présente un taux de mortalité périnatale de
3,6/1000 et les Pays-Bas 3,5/1000. D’autres pays européens présentent
un taux de mortalité périnatale encore différent, mais les chiffres sont
difficilement comparables ou interprétables, car les pays ont différentes
normes quant au recensement des bébés mort-nés. En France, ils sont
recensés à partir de 22 semaines de grossesse ou d’un poids à la naissance
d’au moins 500 grammes si la durée de la grossesse a été inférieure. Ceci
représente les normes de l’OMS que tous les pays ne respectent pas de la
même manière. D’autres pays ont d’autres normes, par exemple, certains
pays reconnaissent un fœtus avec un poids à la naissance de 1 kg
seulement, ou encore seulement à partir de la 28e semaine de grossesse,
ou seulement s’il est inscrit dans le livret de famille. Les critères de
mort-né ou né vivant à la naissance sont traités différemment d’un pays à
l’autre, selon leur législature, et n’apparaissent donc pas forcément dans
les mêmes statistiques. Toutes ces différences rendent des comparaisons
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difficiles. Indépendamment des critères et des statistiques, la mort d’un


enfant, in utero ou en périnatalité, reste toujours un drame pour les
parents et dans une certaine mesure aussi pour le corps médical. L’enfant
planifié et désiré, parfois non planifié mais quand même désiré, est un
petit être en devenir et les mamans (et papas) se sont attachés dès
les premiers jours ou semaines de son existence. Ils rêvent leur enfant,
calculent la date de sa naissance, souvent commencent à préparer la
chambre ou la place dans la chambre si d’autres enfants sont déjà là
... Une mort in utero est souvent une surprise totale lors d’un contrôle
mensuel de routine, surtout en début de grossesse. Pour les morts in
utero tardives, les femmes commencent souvent à la pressentir : elles
ne ressentent plus de mouvements, l’enfant ne bouge donc plus, ou
d’autres symptômes se manifestent comme des saignements, la perte

521
Aide-mémoire EMDR

du liquide amniotique, etc. Dans ces cas-là, elles vont consulter leur
obstétricien pour être rassurées. Et bien souvent, malheureusement,
elles sortent de cet examen totalement effondrées. La femme devra
rentrer à la maison, annoncer la mauvaise nouvelle à son entourage, elle
devra voir la chambre, parfois prête déjà pour l’enfant qui ne viendra
jamais. Un drame supplémentaire provient du fait qu’elles sont obligées
39. Le potentiel de la thérapie EMDR en obstétrique

d’accoucher de ce bébé si la grossesse avait dépassé les douze semaines


gestationnelles. Alors la situation est tout particulièrement chargée
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affectivement et ressentie comme une folie totale : la femme doit
« donner la vie à un enfant mort » ! Cette expérience, pour beaucoup,
est elle-même traumatique.
Une prise en charge rapide de ces femmes et un traitement par la thérapie
EMDR est très indiquée. Pour la plupart de ces femmes, l’utilisation du
protocole des traumas récents (Shapiro 2018) ou encore le R-TEP (Recent
Traumatic Episode Protocol, Shapiro & Laub, 2008, 2015) est indiquée, du
fait que plusieurs « hotspots » ou moments très difficiles font partie de
leur vécu. Pour simplifier (et pour les personnes non formées en R-TEP),
le protocole des traumas récents de Shapiro (Shapiro 2018) peut être
utilisé sans souci. Dans les protocoles des traumas récents, la différence
essentielle avec le protocole standard est de décomposer l’événement en
plusieurs « vues » ou plusieurs cibles dans un même événement, chacun
traité de manière isolée, à commencer par le plus difficile, et ensuite
par la chronologie des événements. On choisira donc avec la femme les
cibles susceptibles de déclencher des réactions émotionnelles fortes et
on en fera des vues, des mini-situations isolées. Pour les femmes avec
un diagnostic de mort in utero, généralement il y a en tout cas deux
vues différentes à traiter : le moment de l’annonce (ou la réalisation du
décès du fœtus) et le moment de l’accouchement du bébé mort. Pour
la plupart des femmes, l’image du pire moment en phase trois pour
la première est le moment où l’obstétricien ou l’échographiste ne dit
plus rien et regarde l’écran silencieusement. Le pire moment est donc
le moment où elles réalisent que quelque chose de terrible est en train
de s’annoncer. Une croyance négative (Cognition Négative) fréquente
est « je ne peux pas le supporter ! » qui reste irrationnelle, les CN
concernant l’impuissance comme « je ne peux rien faire. » ou encore
« je suis impuissante » ne sont pas valables, étant bel et bien une réalité.
La première peut aussi nous amener à une croyance positive (Cognition

522
Aide-mémoire EMDR

Positive) du type : « je peux vivre avec » ou encore « je peux accepter


mon sort ». Pour la deuxième vue de l’exemple, le pire est souvent la
sensation du passage vaginal de l’enfant mort. On focalisera plus sur les
sensations comme pire moment, on aura donc une « image sensorielle ».
Encore une fois, la Cognition Négative « je ne peux pas le supporter » est
utile et réellement de l’ordre de l’irrationnel, car la femme est contrainte

39. Le potentiel de la thérapie EMDR en obstétrique


de le supporter. Et la Cognition Positive pourra à nouveau être « je
peux vivre avec ». Il est utile de procéder à une prise en charge rapide.
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Les phases 1 et 2 peuvent être réalisées rapidement, peut-être même
dans la première séance (si on s’est assuré qu’il n’y ait pas de graves
traumatismes antérieurs), ce qui permettra d’administrer le R-TEP ou
le protocole des traumas récents dans la première ou deuxième séance
déjà. Le retraitement de ces moments difficiles ne marquera pas encore
la fin de la prise en charge. Par la suite, la femme verra de toute façon
d’autres femmes enceintes et des bébés. Elle saura quand elle aurait eu
le terme de la naissance. Voir des mamans avec des nourrissons, des
poussettes et recevoir des faire-parts de naissance de la part de copines,
sera douloureux pour ces femmes, car ce sont des déclencheurs pour ces
mamans en deuil. Il est bien évident que les déclencheurs nécessiteront
un retraitement supplémentaire dans la logique du traitement en trois
temps ou trois volets (passé-présent-avenir). Tout déclencheur aura son
scénario futur. Par exemple, voir encore des femmes enceintes dans
les rues, recevoir un faire-part de naissance de la belle-sœur ou de la
copine, aller rendre visite à l’hôpital à la copine qui accouchera bientôt,
etc.
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Le deuil de l’enfant est une deuxième chose à retraiter et fera l’objet


d’un deuxième plan de ciblage. On suivra le protocole de deuil (Solomon,
2015 ; Solomon & Rando, 2007 ; Iracane, 2017) pour permettre une
diminution des mesures du deuil traumatique qui correspond à la perte
brutale d’un être proche. Tarquinio et al. (2009) ont recensé les critères
d’un deuil traumatique qui sont : pensées intrusives, des difficultés
d’ajustement face à la perte (sentiment de vide, difficultés à reconnaître
le décès, etc.), anxiété, dépression et détresse psychologique (Tarquinio
et al., 2009) (voir aussi le chapitre 40). Le protocole des scénarios
futurs représente un défi important. Est-ce qu’on ciblera une nouvelle
perte ? Bien souvent, les femmes cherchent à concevoir rapidement un
prochain enfant alors même qu’elles devraient bien attendre plusieurs

523
Aide-mémoire EMDR

mois pour donner du temps à l’utérus de se renforcer. Elles auront une


peur intense d’une répétition de leur drame. Si une femme présente
un risque augmenté de fausse couche, les scénarios futurs A-B-C (voir
chapitre 9) peuvent être utiles. Toutefois, pour une femme sans risque
particulier, il n’est pas indiqué de travailler une future perte de grossesse.
On essayera de la rassurer et de développer des ressources comme la
39. Le potentiel de la thérapie EMDR en obstétrique

force, l’espoir, avec la technique de l’éponge (Shapiro, 2018) ou encore


le scénario A (voir chapitre 9).
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Un problème particulier pour ces femmes ou couples est le fait que
bon nombre de personnes ne considèrent pas l’enfant décédé comme un
être humain disparu, mais plutôt comme une « chose » remplaçable. Si
la fausse couche a été précoce, l’entourage n’a encore rien vu, parfois
ne savait même pas qu’une grossesse existait. Un fœtus perdu pour
beaucoup de personnes (pas les parents en général) n’est pas vraiment
pris en compte. L’inscription dans le livret de famille se fait, en Suisse,
seulement après la naissance (vivante ou mort-né) après le sixième mois
de grossesse. Le faire avant est possible, mais la demande doit être
faite par les parents, et beaucoup de couples ne le savent pas. L’enfant
« n’existe » donc nulle part s’il n’est pas inscrit quelque part. C’est une
douleur supplémentaire pour ces couples et un effort important est
parfois développé par la femme ou le couple pour lui témoigner amour
et souvenirs. Les parents ainsi en deuil entendent souvent la phrase qui
tue : « Mais vous êtes jeunes, vous pouvez recommencer ! » En thérapie,
il est tout particulièrement important de donner une existence à cet
être qui n’aura jamais eu la chance de partager sa vie avec ses parents,
et des parents qui n’auront jamais la chance de connaître ce petit être,
leur enfant. Même si de nombreux couples sont pressés de concevoir
à nouveau, il est important de travailler ce moment traumatique de la
perte et le deuil, sans quoi souvent plus tard, le deuil revient, un deuil
non terminé et donc plus difficile.

! La situation d’un accouchement traumatique


De nombreuses femmes s’attendent à un accouchement romantique, en
silence et au calme, comme souvent prôné par les livres et les sages-
femmes. Bien sûr, l’accouchement en douceur existe, heureusement,
pour beaucoup de femmes et de couples. Et les bébés peuvent naître

524
Aide-mémoire EMDR

dans le silence et le calme, ce qui est une très bonne chose pour tout
le monde. Cependant, bon nombre de couples ne sont pas préparés
aux complications péri- et post-natales possibles. Généralement, un
accouchement est monitoré par les sages-femmes et les médecins, et le
contrôle du bébé est assuré. Il y a toutefois des situations où tout se
dégrade et se précipite rapidement vers une catastrophe : la fréquence

39. Le potentiel de la thérapie EMDR en obstétrique


cardiaque du bébé baisse dramatiquement (différentes raisons possibles).
Un accouchement par forceps ou ventouse doit se faire, ou au pire, une
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césarienne d’urgence en suit, parfois sous anesthésie totale. Si le couple
s’attend à un accouchement en douceur, ces situations sont choquantes
et difficiles à accepter. La femme anesthésiée ne verra pas toute de
suite son bébé. Si le bébé a des problèmes, notamment respiratoires, il
passera directement en néonatologie alors que la femme est toujours
sous anesthésie. Lors de son réveil, il n’y a parfois pas de bébé présent.
Ceci est ressenti comme un énorme choc et des femmes peuvent en
rester traumatisées (tout comme leur mari et leur bébé ?).
Un deuxième cas de figure assez fréquent lors d’accouchements est
le déroulement d’un accouchement qui se passe bien, l’enfant est né,
il se trouve dans les bras de maman ou de papa, et la femme a le
sentiment soudain de mourir. C’est le cas lorsqu’une hémorragie interne
non détectée se produit. Dans ces cas-là, la femme ressent la folie
opposée : je viens de donner la vie et je meurs et je laisse mon enfant
(et mon mari et les autres enfants, s’il y en a). La mortalité maternelle
de nos jours est heureusement quasi nulle chez nous en Europe : selon
l’OMS, 830 femmes meurent en moyenne chaque jour (!) en couches,
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dont 99 % dans les pays en voie de développement. Il n’empêche que


la sensation de mourir chez ces mamans avec hémorragie est bien
réelle. Parfois, une dissociation péri-traumatique s’installe et la femme
ressort de son expérience d’accouchement fragmentée et cassée. Il est
recommandé de traiter tous les aspects d’un accouchement traumatique
et toutes les situations difficiles avec la thérapie EMDR, surtout avant
une grossesse future.
Malheureusement, de nombreuses femmes commencent à chercher
de l’aide psychothérapeutique après un accouchement traumatique
seulement lorsqu’elles sont enceintes du prochain enfant. En formation
de base en thérapie EMDR, la grossesse est considérée comme une
contre-indication pour le retraitement avec les phases 3 à 8. Néanmoins,

525
Aide-mémoire EMDR

ne pas traiter ces femmes qui vivent un degré d’anxiété élevé serait
terrible également, car le stress ressenti aura un effet négatif à la
fois sur la maman et sur l’enfant (taux d’adrénaline et de cortisol trop
élevés). Il convient donc de retraiter un accouchement traumatique
même lorsque la femme est enceinte. Les trois points suivants sont à
respecter, le cas échéant :
39. Le potentiel de la thérapie EMDR en obstétrique

1. La femme enceinte devrait avoir des capacités d’autorégulation


importantes comme l’auto-administration du lieu sûr (les points
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1 à 10), le faisceau lumineux, la spirale, la cohérence cardiaque,
etc., (Manuel EMDR Niveau 1 et 2) ou toute autre technique de
stabilisation.
2. Le moment de choix sera important : on évitera les trois premiers
mois. Dans ce premier trimestre, des fausses couches spontanées
sont fréquentes (selon les gynécologues-obstétriciens jusqu’à 25 %).
On évitera donc un retraitement dans cette période, car une femme
faisant une fausse couche cherchera toujours une raison ou un/une
coupable pour cette fausse couche. Si elle a eu une séance EMDR
avec les phases 3 à 7 et des réactions émotionnelles fortes quelques
jours auparavant, elle aura tendance à considérer l’EMDR, ou pire,
la thérapeute comme responsable de sa perte. On choisira donc au
mieux le deuxième trimestre (les mois de grossesse 4, 5 et 6) car
durant cette période le risque de fausses couches spontanées est le
plus bas. Le troisième trimestre (les mois 7, 8 et 9) est à éviter si
possible (risque d’accouchement prématuré), néanmoins il convient
de retraiter l’accouchement traumatique antérieur si l’anxiété est trop
élevée. Une mère tendue, stressée et anxieuse risque d’accoucher
prématurément aussi.
3. Pour tout retraitement avec la thérapie EMDR chez des femmes
enceintes, on veillera également à protéger le fœtus en l’entourant
d’une bulle de lumière ou de cristal imaginaire. L’instruction pourrait
être la suivante : « Je vous invite à penser à votre bébé, à le visualiser
et à le protéger de tout ce que nous allons faire. Que rien de ce que l’on
dira n’atteigne votre bébé. Vous pouvez peut-être l’envelopper d’une
bulle de lumière ou d’une boule de cristal, ce que vous préférez (laisser
choisir et dire ce qu’est la préférence. En cas de choix de lumière,
demander la couleur de la lumière). Cette boule de lumière (rajouter
le nom de la couleur) (ou de cristal) enveloppe votre bébé avec toute

526
Aide-mémoire EMDR

sa douceur et sa capacité de protection. Visualisez votre bébé, voyez-le


enveloppé de lumière douce et (nommez la couleur) (ou de cristal)
et sentez que rien ni personne ne peut l’atteindre ou le déranger.
Ressentez-vous votre bébé en sécurité ? » Si la réponse est oui, on
peut l’installer avec quelques mouvements de stimulations bilatérales
alternées lentes et ensuite passer à la phase 3. Si la réponse est non,

39. Le potentiel de la thérapie EMDR en obstétrique


chercher à renforcer la protection. Un « non » récurrent et définitif
représente une contre-indication à la procédure EMDR (phases 3 à
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7/8). D’autres mesures et exercices comme l’éponge peuvent alors
être utilisés.

Les maris/partenaires

Quand on parle d’obstétrique, c’est vrai que l’on pense d’abord à maman
et bébé. Les pères sont souvent présents, mais parfois absents aussi.
Accompagner sa femme à l’accouchement de son enfant est aujourd’hui
plutôt d’usage. Bon nombre de maris tentent aussi d’enregistrer par vidéo
le moment de l’accouchement. Ça restera toujours un choix personnel,
mais il est plutôt déconseillé par les équipes médicales de laisser les
maris trop près de l’événement, avec un grand « scoop » entre les jambes
de sa partenaire donnant naissance. Bien sûr ils peuvent et même doivent
être aux côtés de leur femme, mais souvent ils sont fortement perturbés
par ce qu’ils voient, et ceci même pour un accouchement dit normal. De
voir sa partenaire souffrir n’est pas chose facile pour bien des hommes.
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Le fait d’être simplement présent sans ne rien pouvoir faire d’autre


déclenche souvent des sentiments d’impuissance chez ces maris. Des
accouchements peuvent également entraîner une grande perte de sang
et des visions difficiles. De voir la femme écartée, avec un périnée
tout tendu, ensanglanté, parfois avec des excréments, des déchirures
et de forts saignements peut avoir un potentiel traumatique important
et entraîner par la suite des problèmes tels que des intrusions, des
cauchemars ou des difficultés d’ordre sexuel. Il n’est pas conseillé aux
hommes d’avoir une vision trop intrusive du processus de l’accouchement.
Un autre problème est le moment où l’accouchement commence à tourner
mal. Quand il y a urgence médicale, tous les acteurs commencent à
s’activer, à courir, à préparer une péridurale ou une anesthésie générale

527
Aide-mémoire EMDR

et la césarienne, les néonatologues sont appelés, etc. Plus personne n’a


le temps de s’occuper du mari qui reste là comme un figurant qui voit
sa femme « enlevée » et qui ne sait pas ce qui les attend, ni elle, ni le
bébé, ni lui. Bon nombre de maris ont peur que leur femme ou leur bébé
décèdent. Ils sont laissés sans informations, parfois durant des heures.
Ces hommes nécessitent également une prise en charge et la thérapie
39. Le potentiel de la thérapie EMDR en obstétrique

EMDR est parfaitement indiquée pour eux aussi.


Les deux exemples de cas présentés plus haut sont représentatifs de
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situations fréquentes difficiles, voire traumatiques pour les femmes
et/ou les couples. Néanmoins, une multitude de situations présentent
une indication pour la thérapie EMDR, comme le décrit le prochain
chapitre.

Situations obstétricales pouvant tirer profit


d’une prise en charge par la thérapie EMDR

Le tableau suivant regroupe des situations en obstétrique qui repré-


sentent des moments difficiles pour les femmes ou les couples. Bien
qu’une raison médicale soit fréquemment présente, le volet psycholo-
gique n’est pas à négliger et peut être inclus dans l’accompagnement ou
le traitement psychothérapeutique de la femme. La deuxième colonne
« à investiguer / évaluer » donne des pistes quant à l’évaluation de la
problématique ou les liens qui sont faits par beaucoup de femmes ou
de couples. La thérapie EMDR avec ses différents plans de ciblage et
protocoles est indiquée pour les situations suivantes (tableau 39.1).

528
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Tableau 39.1. Situations obstétricales

Situation À investiguer / évaluer Prise en charge / plan de ciblage ou protocole


Grossesse à risque (grossesse gémellaire, femmes Histoire médicale Éponge (Shapiro, 2018)
avec conditions médicales difficiles, diabète Traumatismes liés à des conditions médicales, santé Accompagnement psychologique
gestationnel, placenta prévia, etc.)
L’image de soi et la CN Plan de ciblage standard
Exercices de visualisation positive
Scénarios futurs
Hyperemesis Histoire relationnelle Traumas récents (vomissements)
Motivations profondes pour devenir parent Plan de ciblage standard
Refus de l’enfant (inconscient) ?
Fausse-couche Questions de culpabilité / attribution de la cause Trauma récent

529
Évitement d’une future grossesse ? R-TEP
Malformation fœtale, trisomies Culpabilité ? Trauma récent
Enfant désiré / programmé ou non ?
Interruptions thérapeutiques de grossesse (ITG) Culpabilité / coupable Trauma récent
Rôle du père R-TEP
EMD
Plan de ciblage standard
Prise de décision pour IVG ou non Influences de tiers LOUA (Knipe, 2014)
Position du père de l’enfant
Aide-mémoire EMDR

39. Le potentiel de la thérapie EMDR en obstétrique

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39. Le potentiel de la thérapie EMDR en obstétrique

Tableau 39.1. (suite)

Interruptions volontaires de grossesse (IVG) Culpabilité Éponge


Enfant désiré ou non ? Trauma récent
Risque suicidaire
Aide-mémoire EMDR

Relation de couple
Présence, soutien du père de l’enfant
Risque d’accouchement prématuré Culpabilité Éponge
Stress et peurs Exercices de visualisation positive
Scénarios futurs A-B
Fausse-couches répétitives Culpabilité Traumas récents
Traumas liés aux fausses couches antérieures Plan de ciblage standard

530
Scénarios futurs A-B-C

Peur de l’accouchement (personnalité anxieuse ou Angoisses Éponge


après accouchement traumatique précédent) TAG Plan de ciblage standard
Histoires médicale, interventions médicales Trauma unique
Trauma récent
R-TEP
Indication de césarienne, césarienne d’urgence Stabilité de la patiente Éponge
Peurs Trauma récent
Histoire d’interventions médicales/chirurgicales Scénarios futurs
Accouchement traumatique avec l’impression de Culpabilité Trauma récent
mourir Attributions interne / externe ? Trauma unique
Choc traumatique

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Tableau 39.1. (suite)

Lésions corporelles à la suite de la grossesse et de Image du corps Dysmorphophobie


l’accouchement (Épisiotomie, prise de poids, peau Éponge
dilatée, vergetures, ventre)
Trauma récent
Curetage post-accouchement et autres Expérience de mort proche ? Trauma récent
interventions médicales d’urgence (hystérectomie Dissociation péritraumatique Deuil
etc.)
Travailler les manifestations de dissociation
(formation appropriée requise)
Mort in utero Culpabilité Trauma récent
Attributions internes / externes ? Deuil (Solomon 2015)

531
Mort du bébé à la naissance Culpabilité Deuil (Solomon 2015)
Attributions internes / externes ? Trauma récent
Scénarios futurs
Séparation avec le bébé à la naissance (à cause Culpabilité Éponge
de conditions médicales de la mère ou du bébé) Attachement Trauma récent
Dépression post-partum Désir de l’enfant Protocole des dépressions (Hofmann 2010)
Relation de couple Absorption
Refus (inconscient) du bébé Scénarios futurs
Expériences de grossesse et d’accouchement
Aide-mémoire EMDR

39. Le potentiel de la thérapie EMDR en obstétrique

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Aide-mémoire EMDR

L’explication de toutes ces techniques dépasserait largement l’objectif


de ce chapitre. L’auteure propose aux cliniciens intéressés de se former
davantage dans ces approches spécifiques.

Cet article donne une vue d’ensemble non exhaustive des problématiques
39. Le potentiel de la thérapie EMDR en obstétrique

rencontrées par les femmes et couples qui deviennent parents. La grossesse, bien
que généralement considéré comme un « événement heureux », est pour beaucoup
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de ces couples une déception, voire un choc, entremêlés parfois de moments très
difficiles. La thérapie EMDR est indiquée pour la préparation, l’accompagnement
et le retraitement post-accouchement de situations difficiles qui sont, pour la
plupart, des situations de type traumatogène. Les situations compliquées non
traumatogènes peuvent également être accompagnées ou retraitées par la thérapie
EMDR. Étant donné que la grossesse et l’accouchement sont des situations à risque
par nature, une bonne préparation à la naissance est importante non seulement sur
le volet physiologique, sur lequel les cours de préparation à la naissance mettent
généralement l’accent, mais aussi au niveau psychologique. Une préparation avec
les scénarios A et B (voir chapitre 9) ou aussi avec la technique de l’éponge est
fortement recommandée.

532
Aide-mémoire EMDR

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533
Aide-mémoire EMDR

40
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EMDR ET ADDICTION

40. EMDR et addiction


Marie-Jo Brennstuhl, Cyril Tarquinio et Fanny Bassan

Les champs des addictions et de la dépendance sont des domaines en pleine


mutation. Longtemps limité aux cures de sevrage dans le domaine hospitalier, le
traitement des troubles de la dépendance et des conduites addictives se développe
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de plus en plus en dehors du système purement médical. Les psychothérapeutes


sont à cet égard de plus en plus sollicités pour prendre en charge des patients
dépendants. Ces prises en charge sont souvent d’une grande complexité et les
échecs thérapeutiques restent malheureusement fréquents. De toute évidence la
thérapie EMDR peut apporter sa contribution à la prise en charge de ces patients.
Bien qu’elle ne règle pas tous les problèmes en la matière, cette approche s’inscrit
dans le cadre d’une réflexion globale autour du modèle TAI et du lien qui existe
entre addiction et TSPT.
La thérapie EMDR permet de travailler à deux niveaux, en interrogeant d’une part
les causes d’apparition de la pathologie, et d’autre part, en aidant au retraitement
du symptôme addictif en travaillant la mémoire de dépendance.

535
Aide-mémoire EMDR

La conduite addictive

! Définitions
La dépendance aux substances est définie par un besoin, une envie
compulsive et irrépressible de consommer un produit ou une sub-
stance, et qui met le sujet dans l’incapacité à assurer ses tâches
quotidiennes. Les comportements addictifs peuvent concerner l’abus et
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la consommation de substances diverses comme l’alcool, les drogues, le
tabac, les médicaments, les psychotropes, ainsi que d’autres stimulants
etc. Les comportements addictifs peuvent également concerner des
comportements compulsifs et irrépressibles amenant à une dépendance
à la nourriture, aux jeux (jeux vidéo, internet...), aux paris et jeux
d’argent, au travail, à la sexualité, à la relation à l’autre, au sport, aux
achats compulsifs...
40. EMDR et addiction

Même si toutes ces problématiques ne sont pas reconnues comme des


conduites additives, elles doivent néanmoins attirer notre attention, car
elles génèrent chez les patients une souffrance significative et impactent
leur vie quotidienne.

! Critères du DSM-V
Les diagnostics d’abus et de dépendance ont été repensés dans la
dernière version du DSM-V sous la forme du « Trouble de l’usage de
substance X », permettant ainsi de palier aux problèmes légaux que
posait la notion d’abus, et d’ajouter la notion de craving.
Au moins deux des onze critères suivants doivent être présents au cours
des douze derniers mois :
1. besoin impérieux et irrépressible de consommer la substance ou de
jouer (craving) ;
2. perte de contrôle sur la quantité et le temps dédié à la prise de
substance ou au jeu ;
3. beaucoup de temps consacré à la recherche de substances ou au jeu ;
4. augmentation de la tolérance au produit addictif ;

536
Aide-mémoire EMDR

5. présence d’un symptôme de sevrage, c’est-à-dire de l’ensemble des


symptômes provoqués par l’arrêt brutal de la consommation ou du
jeu ;
6. incapacité à remplir des obligations importantes ;
7. usage même lorsqu’il y a un risque physique ;
8. problèmes personnels ou sociaux ;
9. désir ou efforts persistants pour diminuer les doses ou l’activité ;
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10.activités réduites au profit de la consommation ou du jeu ;
11.poursuite de la consommation malgré les dégâts physiques ou
psychologiques.

L’addiction est considérée comme faible lorsque 2 à 3 critères sont


présents, modérée pour 4 à 5 critères, et sévères au-delà des 6 critères.

40. EMDR et addiction


Le trouble de l’usage de substance s’accompagne généralement d’une
perte de contrôle de soi, où la consommation vient interférer avec les
activités scolaires ou professionnelles, et se poursuit malgré la prise de
conscience des troubles qu’elle engendre.

! Addiction et TSPT
Le Trouble de Stress Post-Traumatique apparaît rarement de façon isolée.
Les données révèlent que 80 % des patients souffrant de TSPT souffrent
également d’un trouble mental concomitant. Les plus fréquents sont
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le trouble dépressif majeur, les troubles anxieux et l’abus ainsi que


la dépendance à l’alcool (Kessler, Sonnega, Bromet, Hughes et Nelson,
1995). Jacobsen, Southwick et Kosten (2001) rapportent dans leur revue
de la littérature un taux de comorbidité du TSPT et du trouble addictif
variant de 20 % à 75 % selon les populations étudiées. McGovern,
Lambert-Harris, Acquilano, Xie, Alterman et Weiss (2009) font état de
35 % à 50 % de patients soignés pour troubles addictifs qui auraient
également développé un ESPT au cours de leur vie, ce chiffre variant de
25 % à 42 % pour les patients présentant un ESPT au moment de l’étude,
soit quatre fois la fréquence de ce trouble dans la population générale.
Dans la population générale, les hommes souffrant d’un TSPT ont deux
fois plus de risque d’avoir aussi un diagnostic d’abus ou de dépendance à

537
Aide-mémoire EMDR

l’alcool et trois fois plus de risques d’abus ou de dépendance aux drogues


que les hommes qui n’ont pas ce trouble (Kessler et al., 1995). Quant
aux femmes, le TSPT multiplie par 2,5 la probabilité d’un diagnostic
concomitant d’abus ou de dépendance à l’alcool et par 4,5 le risque
d’abus ou de dépendance aux drogues (Kessler et al., 1995). Il a été
par ailleurs souligné que, dans la majorité des cas, l’ESPT s’installe
avant l’addiction (Back, Jackson, Sonne et Brady, 2005 ; Jacobsen et
al., 2001).
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Selon Volpicelli, Balaraman, Hahn, Heather Wallace et Bux (1999),
l’activité du système endorphine augmente face à un stress incontrô-
lable. Cette activité diminue de façon substantielle après l’expérience
traumatique. Le fait de consommer de l’alcool vient compenser l’absence
d’activité du système endorphine. Ce phénomène a été dénommé
hypothèse de compensation endorphine (Volpicelli, 1987).
Ainsi, des individus qui ont eu à affronter un traumatisme vont
40. EMDR et addiction

s’alcooliser afin de reproduire l’effet « anesthésiant » expérimenté avec


l’augmentation du niveau d’endorphines. La répétition chronique des
symptômes de TSPT va occasionner une augmentation de l’activité
endorphine qui sera suivie par un phénomène de manque. C’est ce que
l’on appelle l’effet rebond, lequel va augmenter le craving pour l’alcool.
Dans un échantillon de soldats de retour d’Irak depuis 3 à 4 mois, 27 %
présentaient des problèmes d’alcool. Ceux qui avaient le plus été exposés
au combat avaient presque deux fois plus de risques de présenter des
problèmes d’alcool (Santiago et al., 2010). Mais d’autres substances
comme l’alcool, la marijuana ou l’héroïne, font également partie des
substances consommées par les anciens combattants pour soulager les
symptômes de TSPT (Bremner, Southwick, Darnell et Charney, 1996). En
revanche, la cocaïne pourrait au contraire aggraver certains symptômes
du TSPT (Bremner et al., 1996).
Eu égard à ce que nous venons de souligner, il est aisé de comprendre
que le problème de la dépendance ainsi que celui du traumatisme doivent
être considérés de façon conjointe. Pour y parvenir, il est nécessaire de
procéder à une évaluation holistique intégrant les aspects synchroniques
et diachroniques du comportement qui pose problème.

538
Aide-mémoire EMDR

Plusieurs protocoles de traitement

Les premières approches psychothérapeutiques dans le domaine des


addictions se sont surtout intéressées au traitement du TSPT co-morbide.
Plusieurs auteurs ont depuis longtemps d’ailleurs suggéré d’envisager
en premier lieu une prise en charge du souvenir traumatique (Zweben &
Yeary, 2006).
Les choses ont depuis évolué et la prise en charge porte aussi sur la
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mémoire de la dépendance comme cela peut être le cas chez les alcoolo-
dépendants. C’est le cas de Hase, Schallmayer & Sack (2008) qui avec la
thérapie EMDR a obtenu des résultats conduisant à une diminution des
comportements de craving. Il semble aujourd’hui raisonnable de parler
d’un réseau de mémoire de l’addiction. Les souvenirs de récidive, de
manque, des aspects apparemment positifs de la dépendance constituent
les nœuds dans les réseaux et sont autant de cibles à traiter avec la

40. EMDR et addiction


thérapie EMDR. Dans la mesure du possible, il faut se centrer sur les
souvenirs les plus négatifs dans ce domaine. Dans la pratique, il est
souvent utile de commencer par une situation présente. Les souvenirs les
plus anciens sont ensuite plus facilement accessibles. La planification
du traitement s’appuie sur le protocole standard. Sont alors traités :
– les souvenirs de récidives ou des situations de forte envie/manque
sont retraités dans le secteur « passé » du protocole standard ;
– les déclencheurs actuels et les problèmes de comportement associés
dans le secteur « présent » ;
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– dans la partie « futur » où les peurs d’une rechute peuvent être


retravaillées en utilisant la fiche de travail sur la Projection vers le
futur et le scénario du futur.

Un autre aspect important qu’il conviendra de prendre en compte durant


le processus thérapeutique est l’ambivalence vis-à-vis de l’abstinence,
qui est souvent le fait d’une inscription en des termes positifs de la
consommation de drogue dans le réseau de mémoire. Il ne faut pas
oublier en effet que les addictions sont aussi le fait de renforcements
positifs, conduisant à des états de bien-être ou des moments agréables.
On peut à cet égard mettre à jour ces nœuds au travers d’un
questionnement qui pourra porter sur les aspects « positifs » de la
dépendance, pour in fine les intégrer dans le processus de traitement.

539
Aide-mémoire EMDR

Différents protocoles existent dans l’utilisation de l’EMDR dans le


traitement des addictions. Le protocole standard sera classiquement
utilisé afin de retraiter les causes en lien avec l’apparition et le maintien
du trouble.
Le protocole DeTUR ciblera davantage les déclencheurs actuels de la
consommation et permettra de renforcer les ressources et les capacités
de coping afin de prévenir la rechute.
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Le protocole FSAP permettra une désensibilisation des émotions et
ressentis positifs et un retraitement des représentations de soi liées à
la consommation.
Le CravEX permettra d’une part une désensibilisation et un retraitement
des épisodes traumatiques liés à l’addiction, ainsi qu’un retraitement de
la mémoire de la dépendance.
40. EMDR et addiction

! Protocole standard
L’utilisation du protocole standard dans le domaine des addictions est
plutôt fréquente dans la littérature. L’utilisation de l’EMDR permettrait
également d’avoir un effet de désensibilisation « pur » sur le craving
(besoin irrépressible de consommer).
L’étape de stabilisation, nécessaire avant tout travail sur les événements
de vie traumatiques et les souvenirs du passé, pourra également
s’effectuer grâce à la désensibilisation des phénomènes de craving,
évitant ainsi la gestion des émotions post-séance à l’aide de la
consommation de substance.
Dans le cadre des addictions et en l’absence d’événements de vie
traumatiques en lien avec la consommation de substances, l’utilisation
du protocole standard peut être remplacée ou complétée par l’utilisation
de protocoles EMDR spécifiques, ayant chacun une visée particulière.

! DeTUR
Le protocole DeTUR – Desensitization of Triggers and Urge Reprocessing
(Popky, 2010) réalise un focus particulier sur les situations présentes,
événements et stimulus amenant à des émotions inconfortables déclen-
chant le phénomène de consommation.

540
Aide-mémoire EMDR

Il s’agit alors de renforcer les stratégies de coping positives.


D’une part il s’agira de mettre en avant et de lister les supports et
ressources externes (groupe de soutien, famille, amis, activités...), mais
également les ressources internes du sujet et notamment celles qui
seront utiles lors du travail.
Un but positif au traitement sera également envisagé avec une projection
positive dans le futur. Cette projection sera renforcée par le ressenti
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positif qui pourrait être apporté, et sera renforcée par des SBA. Un point
d’ancrage sera alors installé (se toucher le poignet, porter un bracelet...)
à l’aide des SBA afin de bien focaliser et enregistrer l’objectif, et en
même temps de l’ajouter comme une ressource complémentaire.
D’autre part, il s’agira de retraiter les cibles et déclencheurs actuels qui
amènent à la consommation. Les personnes, situations, lieux, émotions,
odeurs, goûts, actions, objets et autres seront classifiés en fonction

40. EMDR et addiction


non pas du SUD, mais du LOU : Level Of Urge, le niveau d’envie de
consommer.
Chaque cible ainsi classifiée sera retraitée avec une phase 3 simplifiée.
Seuls l’image et le ressenti corporel seront demandés, et la phase de
désensibilisation prend fin lorsque le LOU est à 0.
Ce niveau 0 sera ensuite associé avec l’état positif installé et ancré
auparavant.
Le futur sera envisagé à partir de cette cible, si le LOU n’est pas à 0,
la désensibilisation reprendra jusqu’à la disparition complète de l’envie,
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jusqu’à un LOU à 0, l’ancrage et le LOU=0 seront ainsi installés ensemble.


En cas d’envie de consommer entre deux sessions, il est conseillé au
patient d’utiliser son ancrage ainsi que sa projection positive future.

! FSAP
Le protocole FSAP – Feeling State Addiction Protocol (Miller, 2012)
permet d’identifier le sentiment associé au comportement ainsi que la
représentation de soi associée au comportement addictif, le feeling-state
(FS).
Dans ce protocole, c’est bien le ressenti derrière le comportement qui
sera désensibilisé et retraité à l’aide de la thérapie EMDR.

541
Aide-mémoire EMDR

Il s’agira donc de recueillir dans un premier temps l’histoire, la fréquence


et le contexte du comportement addictif, ainsi que d’évaluer les
ressources et les forces du sujet avant de commencer le retraitement.
Une phase de stabilisation, puis de traitement des difficultés sources
ou comorbides au comportement addictif peut être nécessaire en amont
du travail sur le comportement en lui-même.
Il s’agira ensuite d’identifier le feeling-state (FS) : l’aspect spécifique du
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comportement addictif qui lui est le plus associé : sensation d’euphorie,
de soulagement, de calme...
Cette première sensation doit être la plus intense. Elle permettra de
définir ensuite les sensations, émotions et cognitions associées au
comportement addictif.
Sur une échelle de 0 à 10 sera alors mesuré le PFS : l’intensité du
lien entre le ressenti et le comportement (ex : « Quand vous vous
40. EMDR et addiction

imaginez consommer avec vos amis, à quel point vous sentez-vous proches
d’eux ? »).
Cette sensation sera alors identifiée et localisée dans le corps.
Il sera alors demandé au sujet de visualiser le ressenti associé au
comportement addictif, ainsi que le ressenti positif et les sensations
corporelles ressenties, puis les SBA seront effectuées jusqu’à obtenir un
PFS=0.
Un scanner corporel sera ensuite réalisé et des SBA permettront si besoin
de diminuer toute sensation résiduelle.
Il sera ensuite demandé au sujet d’identifier la cognition négative qui
sous-tend le comportement. Un floatback sera ainsi effectué à partir de
cette Cognition Négative et tous les événements négatifs listés seront
retraités à l’aide du protocole standard.
Le feeling-state (FS) sera ensuite réévalué afin de vérifier que la mesure
du PFS est toujours à 0.
Il s’agira ensuite d’identifier les cognitions négatives produites par le
comportement addictif, de les retraiter à l’aide du protocole standard,
et d’installer des cognitions positives.

542
Aide-mémoire EMDR

Afin de prévenir la rechute, les pensées ou images négatives en lien avec


la peur de la rechute seront identifiées et retraités à l’aide du protocole
standard.

! CravEx
Le protocole CravEx (Hase, 2009) s’intéresse plus particulièrement à
la mémoire de la dépendance. Les cibles sont alors identifiées sur le
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passé, présent, futur, comme lors du protocole standard, mais autour de
l’histoire du comportement addictif.
Dans ce protocole, l’accent est mis sur la notion de mémoire de la
dépendance, comme élément clé du phénomène de craving et de la perte
de contrôle sur le comportement. Il faut alors distinguer la mémoire de
l’effet de la substance, la mémoire de son usage, et la mémoire de la
dépendance dans un sens plus large.

40. EMDR et addiction


La mémoire de l’effet de la substance associe le souvenir de la prise de
produit (y compris contextuel), ainsi que l’effet du produit.
La mémoire de l’usage de la substance est associée avec le souhait de
modifier un état interne. La dose et le timing optimal peuvent donc
faire partie de cette mémoire.
La mémoire de la dépendance correspond plus largement au libre choix de
la prise et de la consommation, incluant le souvenir de l’effet spécifique
de la substance, ainsi que le souvenir non spécifique de la perte de
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contrôle. Celle-ci serait activée, malgré la motivation pour l’abstinence,


dès que l’individu ressent un sentiment de manque, ou s’il consomme à
nouveau.
C’est cette mémoire mal adaptée et implicite qui sera retraitée à l’aide
de la thérapie EMDR, suivant la perspective du modèle TAI.
Retraiter ce réseau de mémoire de l’addiction permettrait de modifier
les stratégies de coping de l’individu, diminuer la sensation de manque
et agir sur les effets du craving.
Les souvenirs d’un fort sentiment de manque, d’une rechute, sont des
nœuds pertinents à travailler pour contrôle le réseau de la mémoire
addictive, en tant que souvenirs du « passé ». Les aspects positifs de

543
Aide-mémoire EMDR

la consommation doivent également s’intégrer dans le processus de


retraitement.
Les déclencheurs actuels et les problèmes de comportements associés
seront considérés comme faisant partie du « présent ».
Enfin, les peurs anticipatoires du futur et la peur de la rechute peuvent
être travaillées en tant que « futur », permettant ainsi un travail de
prévention de la rechute.
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Le processus des phases 3 à 7 correspond au déroulement du protocole
standard, exception faite du SUD qui – comme dans le DeTUR – sera
remplacé par le LOU – niveau d’envie.
Lors des phases de manque aiguës, il est possible d’évaluer l’effet qu’au-
rait la consommation de substance (apaisement, euphorie, diminution
de l’angoisse...) et de rechercher si cet effet a déjà pu être obtenu
d’une autre manière. Si c’est le cas, les souvenirs qui représentent ces
40. EMDR et addiction

expériences seront activés et installés à l’aide des SBA.

L’utilisation de la thérapie EMDR dans le cadre des addictions est en plein essor et
permet de s’adapter à la pluralité des profils addictifs.
L’utilisation du protocole standard est privilégiée lorsque les causes du comportement
addictif sont connues et que le patient est suffisamment stabilisé pour qu’elles
soient traitées.
L’utilisation de protocoles spécifiques permet de s’adapter et de cibler les différentes
composantes des troubles de l’usage de substance, en ciblant la mémoire de
la dépendance, les comportements de craving, l’envie de consommer, que les
ressentis positifs en lien avec la consommation.
La prévention de la rechute est également une étape fondamentale prise en charge
par les protocoles spécifiques en EMDR.

544
Aide-mémoire EMDR

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Aide-mémoire EMDR

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EMDR ET DOULEUR CHRONIQUE

41. EMDR et douleur chronique


Marie-Jo Brennstuhl

La douleur chronique représente un problème de santé majeur et touche des


milliers de personnes tous les ans, suite à un accident, une maladie, une intervention
chirurgicale, ou parfois sans cause clairement établie.
Les professionnels de santé se trouvent néanmoins bien démunis dans sa prise en
charge, malgré les nombreux plans gouvernementaux mis en place depuis 1998.
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Si l’allopathie montre des effets modérés, les prises en charges psychothérapeutiques


obtiennent des résultats plus que satisfaisants et tendent à ouvrir la voie à de
nouveaux modes de compréhension de la douleur chronique.
Bien que novatrice, la thérapie EMDR a désormais fait sa place dans le traitement
de la douleur chronique et propose différentes méthodes d’intervention.

La douleur chronique

! Définitions
La douleur chronique est une affection particulière qui englobe quatre
composantes fondamentales : sensitive, cognitive, comportementale et

549
Aide-mémoire EMDR

émotionnelle. En cela, elle intéresse autant le corps médical que le


domaine psychologique.
L’International Association for the Study of Pain (IASP) définit la douleur
chronique comme suit :

« La douleur est une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable, en


rapport avec une lésion tissulaire existante ou potentielle, ou décrite en
termes d’une telle lésion » (Merskey & Bogduk, 1994).
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En 1999, l’ANAES (Agence Nationale d’Accréditation et d’Évaluation de
la Santé) complète cette définition dans une approche plus exhaustive
et qui pointe déjà l’idée fondamentale d’un concept bio-psycho-social
41. EMDR et douleur chronique

de la douleur :

« La douleur chronique est une expérience sensorielle et émotionnelle


désagréable, liée à une lésion tissulaire existante ou potentielle, ou décrite
en termes d’une telle lésion, évoluant depuis plus de trois à six mois et/ou
susceptible d’affecter de façon péjorative le comportement ou le bien-être
du patient, attribuable à toute cause non maligne. »

! Composantes de la douleur chronique


Par la même occasion, l’ANAES élabore le modèle bio-psycho-social de la
douleur comme un phénomène faisant intervenir les quatre composantes
fondamentales de celle-ci :
– sensori-discriminative ;
– affective et émotionnelle ;
– cognitive ;
– comportementale ;

La composante sensori-discriminative correspond à la description de


la douleur en termes de localisation, nature et durée de la douleur.
La composante affective et émotionnelle englobe l’humeur, les affects
dépressifs, anxieux, les idées suicidaires, l’affectation de l’image de soi,
l’intolérance à la frustration, etc. La composante cognitive relève de
l’historique douloureux avec les expériences douloureuses antérieures,
la question du sens, la relation avec le corps médical, etc. Enfin,

550
Aide-mémoire EMDR

la composante comportementale investit tout l’aspect moteur de la


douleur, de la position antalgique aux mouvements provoquant ou
aggravant le ressenti douloureux, jusqu’aux phénomènes d’évitement,
de troubles du sommeil, de répercussions sur l’autonomie, le travail, etc.
(Bruchon-Schweitzer, 2005).
Il existe par ailleurs plusieurs types de douleur chronique (Haute Autorité
de Santé, 2008) :
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– la douleur par excès de nociception, ou douleur inflammatoire,
produite par une stimulation somatique mécanique (musculaire,
osseuse, cutanée...) ou d’origine infectieuse, dégénérative, viscérale,
etc. ;
– la douleur neuropathique avec une lésion au niveau du système

41. EMDR et douleur chronique


nerveux périphérique, dérégulant la connexion habituelle du nerf avec
le cerveau et provoquant l’information douloureuse inadaptée ;
– la douleur idiopathique ou psychogène, non corrélée avec une cause
organique établie.

! Critères du DSM-V
L’ensemble des troubles somatoformes a été repensé dans la dernière
version du DSM-V (2013) sous la forme du « trouble à symptomatologie
somatique ».
Le critère A définit que le patient doit souffrir d’un ou de plusieurs symp-
tômes somatiques, causes de détresse ou perturbant significativement
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la vie quotidienne de l’individu.


Le critère B concerne les pensées, sentiments ou comportements
excessifs liés aux symptômes somatiques ou aux préoccupations sur
la santé suscitées par ces symptômes et devant s’exprimer sous au moins
une des quatre formes suivantes : pensées persistantes et excessives
concernant la gravité de ses symptômes ; persistance d’un niveau élevé
d’anxiété concernant la santé ou les symptômes, temps et énergie
excessifs dévolus à ces symptômes et aux préoccupations concernant la
santé.
Enfin, le critère C inclut la notion de chronicité et pose la limite de 6
mois après lesquels ces symptômes seront considérés comme un trouble
à symptomatologie somatique.

551
Aide-mémoire EMDR

Nous constatons alors que le DSM-V inclut la possibilité de souffrir de


plusieurs plaintes somatiques, et d’avoir un haut niveau d’anxiété et de
préoccupations liées à la santé (ce qui auparavant était classifié en tant
qu’hypocondrie).
Cette nouvelle définition met également en avant les cognitions et
pensées négatives liées à la douleur et son exacerbation, ainsi que le
haut niveau d’anxiété et de préoccupations associés, renvoyant même
en diagnostic différentiel aux troubles anxieux et dépressifs permettant
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de rapprocher officiellement le trouble douloureux des troubles anxieux.
N’étant plus uniquement caractérisée par les symptômes pouvant per-
turber le patient, mais également par toutes les réponses réactionnelles
ou symptomatiques disproportionnées ou inadaptées, la souffrance du
41. EMDR et douleur chronique

patient qui expérimente des symptômes médicalement inexpliqués est


alors entièrement prise en compte.

! Approche cognitivo-comportementale et émotionnelle


La nouvelle définition du DSM-V dans une perspective plus bio-psycho-
sociale de la douleur, permet de mettre en avant les distorsions
cognitives et comportementales classiquement observées par le patient
douloureux chronique, faussant ainsi l’interprétation de la douleur :
– le catastrophisme est un ensemble de croyances négatives sur
l’évolution de la maladie ;
– la surgénéralisation est une attribution d’une valeur générale à un
événement ponctuel ;
– la pensée dichotomique est une pensée en tout ou rien ;
– l’inférence arbitraire est une conclusion définitive en l’absence de
preuves suffisantes ou probantes ;
– la pensée négative correspond à l’ensemble des éléments positifs
d’une situation qui sont interprétés comme peu importantes.

L’approche émotionnelle englobe les modèles de peur de la douleur et


de répression émotionnelle, participant à l’installation et au maintien
de la douleur chronique.
– la répression émotionnelle est définie comme une lutte consciente
contre l’activité cognitive et comportementale produite par l’émotion ;

552
Aide-mémoire EMDR

– l’alexithymie est définie par une absence de mots pour décrire les
émotions, mais aussi des difficultés pour les identifier, et distinguer
les états émotionnels internes ;
– l’évitement émotionnel peut se manifester à travers l’alexithymie ou
la répression émotionnelle, en tant que stratégie de coping évitant.

Réussir à modifier les schémas de pensées dysfonctionnels et permettre


une meilleure compréhension et acception des émotions permettrait
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pourtant de développer des stratégies de coping plus efficaces et ainsi
minimiser les affects négatifs et l’intensité de la douleur.

! Troubles comorbides et Trouble de Stress

41. EMDR et douleur chronique


Post-Traumatique (TSPT)

Plurimodale, la douleur chronique se définit à travers diverses compo-


santes et altérations cognitives, comportementales et émotionnelles.
Le lien avec les troubles dépressifs et/ou anxieux est bi-directionnel.
Leurs apparitions peuvent être soit facteur de risque à l’apparition et au
maintien de la douleur chronique, soit concomitante ou réactionnelle à
l’apparition de la douleur et devenir alors un facteur aggravant.
De 31 à 100 % des patients douloureux chroniques seraient impactés
par un syndrome dépressif (O’Reilly, 2011).
Les troubles anxieux jouent un rôle plus prépondérant dans l’intensité
et l’incapacité liée à la douleur (Schwartz, Stein, Wald, Sha & Sonty,
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2011), augmentant ainsi la sensibilité douloureuse, les mécanismes


d’évitement et les cognitions dysfonctionnelles.
Parmi les troubles anxieux, le trouble de stress post-traumatique occupe
une place particulière. De 20 % à 80 % de patients souffrant de TSPT
présentent également une douleur chronique, et 10 à 50 % des patients
douloureux chronique présentent également un TSPT (Sharp & Harvey,
2001).
Une série de 7 processus semblent expliquer le maintien mutuel du TSPT
et de la douleur chronique :
– les biais attentionnels où les sensations douloureuses rappellent le
trauma de manière récursive ;

553
Aide-mémoire EMDR

– la sensibilité anxieuse est vue comme pouvant maintenir la comor-


bidité entre TSPT et douleur chronique à travers l’interprétation des
sensations ; l’anxiété liée au TSPT contribue à maintenir les croyances
de l’individu sur la douleur comme quelque chose de nuisible et donc
l’inquiète davantage ;
– les reviviscences du trauma : la douleur chronique est ici envisagée
comme une reviviscence traumatique (comme le serait un flashback)
qui maintient le lien entre la sensation physique et le trauma ;
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– le coping évitant concerne d’une part l’incapacité du douloureux
chronique pour certaines activités physiques qui le déconditionnent,
et d’autre part l’évitement caractéristique du TSPT ;
– la dépression et réduction des activités est le cinquième facteur
41. EMDR et douleur chronique

de maintenance mutuelle en entretenant l’incapacité du côté de la


douleur chronique et l’évitement du trauma du côté du TSPT ;
– la perception douloureuse, intensifiée par l’anxiété, augmente le
niveau de douleur perçue, la détresse émotionnelle et l’incapacité de
ces patients ;
– les ressources cognitives étant utilisées pour gérer la douleur
chronique et le TSPT, il reste peu de ressources cognitives disponibles
pour développer des stratégies plus adaptatives.
– La sensibilité anxieuse semble néanmoins se dégager comme le facteur
de maintien le plus prépondérant (Asmundson, Coons, Taylor & Klatz,
2002).
– Face à l’imbrication complexe de ces troubles, la douleur chronique
semble alors être envisagée comme une réponse réactionnelle de
même nature que le TSPT, mais sur un mode de réponse différent,
sous forme de dissociation somatoforme. C’est à partir de l’événement
potentiellement traumatique que l’individu va développer différentes
formes de réponses cognitives, émotionnelles, somatiques pouvant
s’apparenter au TSPT, ou alors sous forme de douleur chronique. La
part traumatique de l’événement ne pouvant se manifester qu’à travers
une réponse corporelle (Beck & Clapp, 2011 ; Brennstuhl, Tarquinio &
Montel, 2014).

554
Aide-mémoire EMDR

L’efficacité de la thérapie EMDR

La définition de la douleur chronique, ses composantes, ses cognitions


dysfonctionnelles, ses blocages émotionnels et son imbrication avec le
TSPT justifient en soi l’utilisation et l’efficacité de la thérapie EMDR
dans le cadre de cette pathologie.
Depuis de nombreuses années, les recherches en la matière se multiplient
et montrent des résultats satisfaisants dans la diminution du ressenti
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douloureux et une amélioration de la qualité de vie des patients (Hekmat,
Groth & Rogers, 1994 ; Freidberg, 2004 ; Royle, 2008 ; Mazzola, Calcagno,
Goicochea, Pueyrredon, Leston & Salvat, 2009 ; Kavaci, Kaptanoglu,
Kugu & Dogan, 2010 ; Brennstuhl, 2013 ; Brennstuhl, Tarquinio, Bassan,

41. EMDR et douleur chronique


2016 ; Brennstuhl, Bassan, Tarquinio, 2017 ; Brennstuhl, Bassan,
Tarquinio, 2018)

! Phase 1 : histoire du sujet


Dans un premier temps d’anamnèse, il s’agira de pouvoir recueillir
l’histoire de vie du sujet ainsi que l’histoire douloureuse.
L’histoire douloureuse va s’intéresser à tout ce qui est en lien avec
l’installation, le maintien et les conséquences de la douleur dans la
vie du sujet : comment cela a commencé ; quels sont les déclencheurs
actuels des épisodes douloureux ; comment cela impacte aujourd’hui
au niveau social, professionnel, intime ; à quoi s’apparente le ressenti ;
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quelles sont les pensées de l’individu face à cette douleur ; à quel


moment ou par quels moyens la douleur peut-elle être moins intense ;
des aides sont-elles mises en place ou des demandes sont-elles en
cours...
Il s’agira également d’identifier les éventuels bénéfices secondaires au
maintien de la douleur.
L’histoire de vie du sujet nous permettra d’identifier les facteurs de risque
et facteurs de maintien concomitants à la douleur, mais également les
facteurs déclenchants tels que des événements de vie potentiellement
traumatiques.
Il s’agira également d’identifier les ressources de l’individu ainsi que ses
stratégies de coping et ses forces.

555
Aide-mémoire EMDR

Dans l’idée que la douleur chronique pourrait être une forme de


dissociation somatoforme en lien avec des problématiques antérieures,
il est commun que les patients définissent deux histoires de vie, l’avant
et l’après douleur chronique. L’utilisation de la thérapie EMDR et la
prise en compte durant cette première phase de ces deux histoires
du sujet, permettent une première mise en lien et articulation de la
problématique.
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! Phase 2 : préparation et identification des cibles
Durant la phase de préparation il s’agira d’identifier si le patient utilise
déjà des outils afin de gérer et diminuer la douleur. Si ce n’est pas le
41. EMDR et douleur chronique

cas ou que les stratégies sont inefficaces, il s’agira d’aider le patient à


les développer : relaxation, méditation de pleine conscience, cohérence
cardiaque, « gant magique » en hypnose, installation du lieu sûr...
La stabilisation et la gestion du ressenti douloureux et une étape
préalable fondamentale avant de débuter la désensibilisation et le
retraitement de la problématique douloureuse.
La création du plan de ciblage est une étape clé et indispensable du
travail en EMDR. Dans le cadre de la douleur chronique, différents types
de cibles sont à distinguer (De Roos et Veenstra, 2010) :
– souvenir traumatique : trauma classique ou souvenir traumatique,
comme un accident, une amputation ou une opération ;
– souvenir douloureux : souvenir émotionnel dysfonctionnel, relatif
à l’expérience traumatique de la douleur ou aux conséquences
traumatiques de la douleur, comme une attaque de panique, être
abandonné par la famille ou les amis, perdre son emploi...
– douleur aiguë : la cible n’implique pas un souvenir mais la douleur
est éprouvée dans le présent.

Différents protocoles existent permettant de travailler la douleur


chronique en EMDR : la prise en charge de la douleur aiguë (De Roos &
Veenstra, 2010), la prise en charge de la douleur chronique (Grant &
Threlfo, 2002), ainsi que des protocoles spécifiques pour la douleur du
membre fantôme, la fibromyalgie, la migraine, etc.

556
Aide-mémoire EMDR

Il apparait néanmoins dans des études récentes que l’utilisation du


protocole standard montre une plus grande efficacité que l’utilisation de
protocoles douleurs spécifiques (Brennstuhl, 2013 ; Brennstuhl, Tarqui-
nio, Bassan, 2016 ; Brennstuhl, Bassan, Tarquinio, 2017 ; Brennstuhl,
Bassan, Tarquinio, 2018).
Il n’est cependant pas toujours possible chez ces patients évitants de
conscientiser le lien entre événements de vie et apparition et maintien
de la douleur. Les protocoles EMDR spécifiques permettent alors de
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réaliser un pont intéressant en partant de la douleur en tant que
manifestation prépondérante du problème et ainsi de pouvoir remonter
le canal mnésique : une sorte de « protocole inversé », permettant au
patient de réaliser un « pont somatique » vers l’étiologie douloureuse.

41. EMDR et douleur chronique


Dans cette phase de préparation il s’agira alors d’identifier le chemin à
suivre afin de répondre au mieux à la plainte douloureuse du patient,
tout en permettant de ne pas être uniquement dans la suppression
et la diminution du symptôme douloureux, mais de permettre une
compréhension et un retraitement approfondi de l’origine du problème
ayant entraîné l’apparition de la manifestation somatique (cf. figure 41.
1).

! Phase 3 à 8 : retraitement
Une fois les cibles identifiées, à l’image du protocole standard classique,
il s’agira de réaliser la désensibilisation et le retraitement de toutes les
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informations dysfonctionnelles listées.


Les cibles pourront être de l’ordre du souvenir d’un événement spécifique,
mais également de l’ordre du ressenti douloureux passé ou présent, et
de toute manifestation en lien avec l’histoire douloureuse.
La bonne compréhension des particularités de la douleur chronique, de
ses composantes et des dysfonctions cognitives, comportementales et
émotionnelles sera une aide précieuse pour la définition des cognitions
négatives (CN) et cognitions positives (CP).
L’utilisation du SUD pourra être remplacée par l’utilisation du SUP –
Subjective Units of Pain – afin de mesurer le niveau de douleur ressenti
dans le retraitement de certaines cibles.

557
Aide-mémoire EMDR

Événements de vie Evènements de vie non identifiés


identifiés (ou non mis en relation par le patient
avec la douleur)

Protocole EMDR Protocole EMDR


STANDARD DOULEUR
Avec évaluation du SUP Avec évaluation du SUP
(Subjective Unit of Pain) 0 à 10 (Subjective Unit of Pain) 0 à 10
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Suivre le protocole Associations
jusqu'à SUD = O vers des événements/pensées/émotions
autres que la douleur
41. EMDR et douleur chronique

SUP = 0 SUP > 0 Identifier une Continuer


ou
cible spécifique les associations

Suivre le protocole
jusqu' à SUP = O

Installation VoC
et/ou « image antidote »

Réévaluation
à la prochaine séance

Figure 41.1. Protocole approfondi de prise en charge de la douleur chronique

Lors du retraitement, il n’est pas étonnant de constater que les fragments


dysfonctionnels du canal mnésique s’axent davantage autour de ressentis
corporels. En cela, une attention particulière sera portée lors de la
vérification du scanner corporel.
L’idée fondamentale est de proposer une démarche de prise en charge
globale des différentes composantes de la douleur chronique, mais éga-
lement de prendre en compte la douleur comme un trouble réactionnel.

558
Aide-mémoire EMDR

Comme le montre la figure 41.1, il s’agit alors de procéder par deux biais
différents. Soit les événements de vie marquants ont été identifiés et
mis en lien par le patient comme pouvant provoquer ou, tout du moins,
avoir un impact sur la douleur. Soit cela n’est pas le cas.
Si les événements de vie sont identifiés et mis en lien, il convient alors
d’appliquer le protocole EMDR standard afin de désensibiliser et retraiter
les souvenirs dysfonctionnels en lien avec ces événements. En partant
de l’hypothèse que la douleur peut être considérée comme un trouble
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réactionnel au même titre que le TSPT, l’application de ce protocole aura
déjà un impact sur la sensation douloureuse.
Néanmoins, la douleur est également considérée en tant que telle comme
une mémoire corporelle dysfonctionnelle. Il paraît donc primordial, une

41. EMDR et douleur chronique


fois l’application du protocole standard sur les différents événements de
vie effectuée, de désensibiliser et retraiter la douleur elle-même, dans
l’objectif d’une action globale.
De cette manière nous aurons eu une action sur toutes les com-
posantes de la douleur chronique mais également sur son étiologie
psychique potentielle.
Si par contre, les événements de vie ne sont pas identifiés, ou en tous
cas pas mis en lien par le patient comme pouvant avoir quelconque
impact sur sa douleur actuelle, il s’agit alors d’utiliser le protocole EMDR
spécifique à la douleur comme porte d’entrée.
En se concentrant sur la sensation douloureuse dans le protocole douleur,
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tout comme nous le ferions sur un événement de vie dans le cadre du


protocole standard, et grâce aux stimulations bilatérales alternées, nous
allons mettre en route le processus associatif et permettre des insights.
Différentes manières de poursuivre le traitement sont alors envisageables.
Soit, le thérapeute fait le choix de continuer avec ces associations, sans
revenir sur la sensation douloureuse, jusqu’à ce que le canal associatif
soit vide, soit il décide d’extraire ces insights et événements de vie qui
émergent et d’en faire un ciblage à part, à retraiter avec le protocole
EMDR standard.
Cette deuxième procédure semble adéquate face à des événements de
vie traumatiques, en accord bien évidemment avec le patient.

559
Aide-mémoire EMDR

Ici encore, en procédant de cette manière, nous aurons une action sur
toutes les composantes de la douleur chronique et sur son étiologie
potentielle. Mais surtout nous aurons respecté les croyances préalables
du patient ainsi que son rythme d’intégration des informations.
En effet, la particularité de nombreux patients douloureux chronique
réside dans la difficulté à exprimer leurs émotions et conscientiser les
cognitions et émotions négatives, qui s’exprimeront alors sous forme de
plainte physique. Leur donner une porte d’entrée à travers la sensation
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corporelle (et le protocole EMDR douleur) permet donc de contourner les
barrières défensives et d’avoir accès au contenu émotionnel, jusqu’ici
difficilement accessible. Tout cela bien sûr en maintenant les capacités
de contrôle de l’individu puisqu’il fera les liens et libérera les émotions, de
41. EMDR et douleur chronique

manière naturelle, de lui-même, au cours des stimulations et associations


permises par l’EMDR.
S’il apparaît également que la douleur peut être considérée comme
« l’arbre qui cache la forêt », l’intérêt de l’utilisation conjointe du
protocole EMDR standard et du protocole EMDR douleur est alors inhérent.
Diminuer la sensation douloureuse par divers moyens (médicaments,
hypnose, désensibilisation par le protocole EMDR douleur...) va enlever
la béquille du patient qui lui servait jusqu’alors à faire face aux émotions.
Ne pas traiter ni prendre en charge ce qui se trouve derrière la douleur
reviendrait à ne traiter que le symptôme douloureux et pourrait être
insatisfaisant pour le patient.
Que l’on accède à l’étiologie de la douleur par le biais direct des
événements et du protocole standard EMDR ou à travers un pont d’affect
à l’aide du protocole EMDR douleur, il parait fondamental de retraiter
les souvenirs en lien avec l’apparition et le maintien de la douleur. Il
apparaît également nécessaire de désensibiliser et retraiter le ressenti
douloureux ainsi que la mémoire corporelle dysfonctionnelle. Enfin, il
s’agit de toujours finaliser le traitement par un travail du futur.
Il est également important de noter la possibilité qu’aucun événement
ne survienne ou ne soit identifié dans le cas de l’utilisation du protocole
EMDR douleur. Il est alors possible de l’utiliser seulement dans son
objectif initial : pour diminuer uniquement la sensation douloureuse.
Le travail avec la thérapie EMDR n’est cependant pas suffisant. Un travail
psycho-éducatif à visée d’expression des émotions sera nécessaire. En

560
Aide-mémoire EMDR

effet, pour que le processus de somatisation ou de trouble réactionnel à


travers le corps ne se reproduise pas, il est fondamental que le patient
puisse apprendre à connaître, repérer et exprimer de manière efficiente
– et verbale – ses émotions.

L’adaptation du protocole EMDR standard à diverses pathologies dans le champ de


la santé et de la maladie est en plein essor. Les résultats obtenus sont également
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prometteurs.
Dans le cadre de la douleur chronique, il apparaît qu’une réflexion plus globale sur
l’étiologie de la douleur et les facteurs de maintien et d’installation de la pathologie
nous amène à utiliser la thérapie EMDR de manière différente.
En effet, il s’agit de juguler l’utilisation d’un protocole EMDR spécifique douleur,

41. EMDR et douleur chronique


agissant sur les composantes sensitives et comportementales de la douleur, au
protocole EMDR standard agissant sur les composantes cognitives, et émotionnelles,
tout en retraitant ce qui semble se positionner dans la littérature comme un facteur
explicatif du symptôme douloureux : les événements de vie traumatiques.

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Aide-mémoire EMDR

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562
Aide-mémoire EMDR

42
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EMDR ET FIBROMYALGIE

42. EMDR et fibromyalgie


Marie-Jo Brennstuhl et Pascale Tarquinio

La fibromyalgie est une affection particulière faisant partie de la douleur chronique.


Elle présente néanmoins des spécificités de compréhension et de traitement qui
nécessitent de lui accorder une attention spécifique.
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La fibromyalgie

! Définitions
La fibromyalgie est une pathologie myofasciale chronique diffuse,
somatoforme, invalidante et persistante ayant un impact majeur sur la
qualité de vie des personnes atteintes.
Longtemps défini comme « la nouvelle hystérie », le concept de
fibromyalgie est un concept controversé, mais qui dans les faits,
confronte le corps médical à des difficultés nouvelles, avec des patients
dont ils ne savent que faire et qui échappent aux catégories habituelles.

563
Aide-mémoire EMDR

C’est pourtant dès les années 1980 qu’apparaît le terme de fibromyalgie,


dont l’existence sera reconnue en 1992 dans la déclaration de Copen-
hague, et la terminologie de « maladie » sera adoptée à partir de 2009.
Deux éléments clés fondent alors les prémisses de cette pathologie : la
présence de points douloureux à la pression, associée à des troubles du
sommeil et une fatigue chronique.
L’HAS (2010), caractérise la fibromyalgie par des douleurs étendues et
diffuses pouvant débuter au niveau du cou et des épaules, jusqu’à se
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généraliser à tout le corps. L’intensité peut être variable et aggravée
par les conditions météorologiques, le manque de sommeil, les états
anxieux et dépressifs ou un effort physique important.
La douleur musculaire et / ou articulaire ressentie est difficile à diffé-
rencier et donne l’impression d’un gonflement des zones douloureuses
et de paresthésies des extrémités, en l’absence de tout signe objectif
42. EMDR et fibromyalgie

d’atteinte articulaire ou neurologique, qui engendre une détérioration


significative et progressive des capacités fonctionnelles et relationnelles
du patient fibromyalgique dans ses activités quotidiennes (HAS, 2010).

Critères de classification pour la fibromyalgie


• Douleurs bilatérales et étendues : du côté gauche et du côté droit du corps,
au-dessus et au-dessous de la taille, associées à des douleurs du squelette
axial (colonne cervicale, dorsale, lombaire et douleurs de la paroi thoracique
antérieure).
• Douleurs à la palpation digitale de 11 des 18 points de yunus sensibles suivants
(en exerçant une pression voisine de 4 kilos/cm2 )
– occiput : bilatérales, à l’insertion des muscles sous-occipitaux ;
– rachis cervical inférieur : bilatérales, sur les versants antérieurs des espaces
intertransversaires C5-C7 ;
– trapèze : bilatérales, au milieu du bord supérieur ;
– sus-épineux : bilatérales, à l’origine de l’épine de l’omoplate, près de son bord
interne ;
– deuxième côté : bilatérales, à la deuxième articulation costochondrale, à côté de
la face supérieure de l’articulation ;
– épicondyle : bilatérales, à 2 cm au-dessous de l’épicondyle ;
– fessières : bilatérales, dans le cadran supéro-externe de la fesse ;
– grand trochanter : bilatérales, au bord postérieur du grand trochanter ; ☞

564
Aide-mémoire EMDR

☞ – genou : bilatérales, près de l’interligne interne.

Le critère de fibromyalgie est retenu si les critères 1 et 2 sont présents et si les


douleurs durent depuis au moins trois mois.

Cervicales Occiput
C5, C7
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Trapèze
2e côte Sus-épineux

Épicondyle
latéral Fessier

42. EMDR et fibromyalgie


Grand
Genou trochanter
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Figure 42.1. Localisation des points de yunus


selon Wolfe, Smythe, Yunus et al., 1990

La fibromyalgie est actuellement classifiée dans le DSM 5 dans le


« Trouble à symptomatologie somatique », dans la catégorie des douleurs
chroniques et touche plus généralement les femmes.

! Comorbidités
L’impact de la fibromyalgie sur la vie des patients n’est pas négligeable
et peut se traduire par l’apparition de symptômes associés tels que la
fatigue et la fatiguabilité à l’effort (90 % des cas) (Friedberg, 2004 ;

565
Aide-mémoire EMDR

Laroche & Guérin, 2015), des troubles du sommeil (80 % des cas)
(Sanchez, Martinez, Miro & Medina, 2011 ; Belgrand & So, 2011) ou
encore des manifestations dépressives de 2 à 5 fois plus présents que
dans la population générale (Goldenberg, 1994 ; Allaz, 2006).
Il est également fréquent de retrouver des troubles de l’attention et
de la concentration (Miro et al., 2011 ; Vlaeyen et al., 2009), ainsi
qu’une humeur négative et un sentiment d’inefficacité dans les tâches
quotidiennes venant altérer l’estime de soi des patients.
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Il s’avère néanmoins qu’une piste intéressante se dégage dans la
compréhension de l’étiologie de la fibromyalgie, à travers son lien
avec le Trouble de Stress Post Traumatique.
En effet, il apparaît que près de 45 à 57 % des patients fibromyalgiques
manifestent des symptômes de TSPT (évitement, reviviscence, anxiété)
42. EMDR et fibromyalgie

(Fontaine, Maindet-Dominici, Guinot & Serra, 2018). Des études pros-


pectives tendent à démontrer que le risque de développer un TSPT suite
à un événement de vie potentiellement traumatique est trois fois plus
élevé chez les patients fibromyalgiques (Raphael, Jana & Nayak, 2004),
mettant ainsi en avant des facteurs de risques communs.
D’autres auteurs envisagent cependant que le développement de douleur
chronique et particulièrement de fibromyalgie serait en soi une forme
somatisée du TSPT, qui surviendrait alors sous une forme différente à
la symptomatologie habituelle (Tarquinio & Montel, 2014 ; Brennstuhl,
Tarquinio & Montel, 2014).

L’utilisation de la thérapie EMDR

Les recherches mettant en exergue l’efficacité de la thérapie EMDR dans


le traitement spécifique de la fibromyalgie sont encore peu nombreuses,
mais convergent toutes vers une amélioration probante de la situation
clinique des patients (Friedberg, 2004 ; Kavakci et al., 2010 ; 2012).
Tout comme lors du traitement de la douleur chronique, il s’agira de
retraiter l’histoire douloureuse du patient à travers les événements du
passé (souvenirs sources en lien avec les événements de vie antérieurs
et/ou l’histoire douloureuse), les déclencheurs actuels (souvent la

566
Aide-mémoire EMDR

sensation douloureuse ou les événements exacerbant la douleur),


ainsi que l’anticipation du futur (anticipation du ressenti douloureux)
(Tarquinio & Tarquinio, 2015).
La pathologie fibromyalgique étant complexe et son étiologie peu claire,
l’utilisation de la thérapie EMDR doit s’adapter aux spécificités de ce
trouble.
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! Phase 1 : histoire du sujet
L’histoire du sujet s’attachera à retravailler et conceptualiser l’histoire
douloureuse dans la perspective de l’histoire de vie du patient. Il s’agira
alors d’identifier le point de début des douleurs et de faire le lien avec
le vécu antérieur de l’individu, tout en prenant en compte le nomadisme
médical et les conséquences sur la vie quotidienne (douleurs, incapacités,

42. EMDR et fibromyalgie


invalidité, impact sur l’humeur, les relations sociales, professionnelles,
familiales...).

! Phase 2 : préparation
Une phase de psychopédagogie sur les spécificités de la fibromyalgie
semble également primordiale afin d’expliciter les caractéristiques
spécifiques de cette forme de douleur chronique.
Il s’agira également de mettre en place des techniques de stabilisation
et de relaxation afin de permettre au patient de gérer et minimiser
le ressenti douloureux pendant et entre les séances : taping papillon,
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respiration, cohérence cardiaque, relaxation progressive ou autogène,


méditation pleine conscience...

Exercice de respiration et de stabilisation


(Tarquinio & Tarquinio, 2015)
« Le patient est invité à s’allonger (mais l’exercice peut être aussi très efficace s’il
est réalisé en position assise), confortablement. Il s’agira de l’inviter à focaliser son
attention séquentiellement sur différentes parties de son corps en commençant
généralement par une extrémité du corps (pieds, mains) et en scannant (perception
vigilante et orientée) au fur et à mesure chacune des parties du corps. Le patient
est invité à noter les sensations douloureuses présentes avec ouverture et curiosité
ou tout simplement noter l’absence de sensations douloureuses. Ce n’est pas un ☞

567
Aide-mémoire EMDR

☞ exercice de relaxation, même si des effets relaxants peuvent se manifester dans


la mesure où on ne demande pas au patient de se relaxer. Si certaines parties
du corps sont tendues ou sous l’emprise des douleurs, dans un premier temps le
patient ne doit pas chercher à supprimer cette tension, mais simplement en prendre
conscience sans émettre de jugement et sans entrer dans un mode de pensée
par l’élaboration ou association sur l’origine de ce stimulus. Par la suite, il sera
demandé au patient de respirer à l’intérieur de la zone douloureuse préalablement
circonscrite. Il s’agit explicitement d’une consigne de cohérence cardiaque, sauf
qu’ici la respiration ne se fait pas dans ou à travers le coeur, mais séquentiellement
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dans et à travers chacune des zones douloureuses. C’est une respiration imaginaire
au sein même de la zone douloureuse à laquelle il s’agira d’inviter le patient. »

L’installation du lieu sûr trouve également ici toute sa légitimité.


La technique de floatback sera particulièrement aidante dans l’établisse-
42. EMDR et fibromyalgie

ment du plan de ciblage afin de remonter le canal associatif débouchant


sur la plainte douloureuse fibromyalgique.

Technique du floatback adaptée à la douleur


(Tarquinio & Tarquinio, 2012)
« Il convient de comprendre ce qui vous a conduit à cette situation. Vous n’êtes
pas née avec ce problème de douleur. Nous allons tenter, par le biais de plusieurs
méthodes, de neutraliser les souvenirs qui sont des explications de cette situation.
Ce sont ces événements ou expériences négatives que nous allons maintenant
chercher ensemble dans votre mémoire, afin de les neutraliser et qu’ils ne vous
perturbent plus. »

! Phase 3 à 8 : retraitement
Les cibles du passé seront retraitées à l’aide du protocole standard.
Les déclencheurs actuels seront retraités soit à l’aide du protocole
standard également, soit il sera nécessaire d’appliquer un protocole
douleur adapté (cf. encadré).
Les zones douloureuses (point de yunus) pourront être identifiées en
phase d’évaluation en demandant au patient de passer mentalement en
revue tout son corps et d’identifier et colorier sur un schéma corporel
les zones concernées (cf. figure 42.2). Ce même exercice pourra être

568
Aide-mémoire EMDR

réalisé à différentes étapes du retraitement afin d’évaluer l’avancée du


travail thérapeutique.
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42. EMDR et fibromyalgie
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Figure 42.2. Représentation corporelle schématique

Chacun de ces points pourra ensuite faire l’objet d’un retraitement


particulier à l’aide d’un protocole douleur adapté (cf. encadré).

EMDR – Protocole de la douleur (De Roos & Veenstra, 2010)

1. Introduction
a. Mise en place des chaises et construire la relation thérapeutique
b. Explication de l’EMDR et de la douleur
c. Évaluer la distance et la vitesse des mouvements oculaires avec le patient ☞

569
Aide-mémoire EMDR

☞ d. Choix de la stimulation bilatérale (visuelle, auditive ou tactile)


e. Signal STOP

2. Cible : douleur actuelle


a. « Décrivez comment vous sentez la douleur maintenant »
b. « Construisez une image/une photo représentant la manière dont vous sentez
la douleur maintenant »
c. « Décrivez cette image/cette photo. Faites un dessin représentant la manière
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dont vous sentez la douleur maintenant »

Questions qui peuvent vous aider :

– « Si la douleur avait une couleur, de quelle couleur serait-elle ? »


– « Si la douleur avait une forme/taille, quelle forme/taille aurait-elle ? »
– « Si la douleur avait une température, quelle température (froid/chaud) aurait-
elle ? »
42. EMDR et fibromyalgie

3. Cognition négative (CN)


« Si vous pensez à la douleur ou si vous vous concentrez sur la douleur, quels sont
les mots qui vous viennent à l’esprit qui disent quelque chose de négatif sur vous
ou sur la douleur maintenant ? »
Questions qui peuvent vous aider :
– « Qu’est-ce que cette douleur dit de vous en tant que personne ? »
– « Que diriez-vous d’une telle personne ? Comment appelleriez-vous une telle
personne ? »
– « Qu’est-ce que les gens disent souvent d’une telle personne ? Comment appelle-
t-on en général ce type de personne ? »

4. Cognition positive (CP)


a. « Plutôt que (CN), si vous pensez à la douleur ou si vous vous concentrez sur
la douleur, que préfériez-vous penser/croire de vous-même ? »
b. Validité de la Cognition positive (VoC)
« Si vous pensez à la douleur ou si vous vous concentrez sur la douleur, sur une
échelle de 1 (complètement faux) à 7 (complètement vrai), dites-moi à quel
point vous ressentez ces mots (CP) comme vrais maintenant ? »

5. Émotions
a. « Si vous pensez à la douleur ou si vous vous concentrez sur la douleur et en
même temps sur ces mots (répétez la CN) quelle(s) émotion(s) éprouvez-vous
maintenant ? » ☞

570
Aide-mémoire EMDR

☞ b. SUP (Subjectif Units of Pain)


« Si vous pensez à la douleur ou si vous vous concentrez sur la douleur et en
même temps sur ces mots (CN), quelle est la force de la douleur sur une
échelle de 0 à 10, où 0 signifierait pas de douleur du tout, et 10 la pire douleur
que vous puissiez avoir, à combien évaluez-vous la douleur que vous ressentez
maintenant ? »
c. Sensation corporelle de la douleur
« Où ressentez-vous le plus cette douleur dans votre corps ? »
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6. a. Désensibilisation (stimulations bilatérales)
1. « Regardez mes doigts »
2. « Concentrez-vous sur la douleur et dites-vous à vous-même (CN) »
3. « Sentir la douleur dans (endroit du corps mentionné) »
4. Laisser le patient se concentrer et demandez : « Ok. Sentez-vous la
douleur ? »
5. « Suivez mes doigts avec vos yeux »

42. EMDR et fibromyalgie


6. Série de mouvements oculaires
7. « Que remarquez-vous maintenant ? »
8. « Restez avec ça » ou « Concentrez-vous là-dessus »
9. Série de mouvements oculaires

Continuez jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de changement (chaîne d’associations).


b. SUP > 0 : retournez à la cible, à la douleur actuelle
1. « Si vous pensez à la douleur ou si vous vous concentrez sur la douleur,
quelle force a-t-elle (note 0 à 10) ? Qu’est ce qui maintient cette douleur à
ce chiffre ? Quel aspect de la douleur maintient ce chiffre ? »
2. « Restez avec ça » ou « Concentrez-vous là-dessus »
3. Série de mouvements oculaires
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4. Répétez cette procédure jusqu’à ce que le SUP = 0


c. SUP = 0

Continuez avec la phase 7


Attention : si SUP > 0 à la fin de la séance : continuez à la phase 8

7. Installation de la CP (si SUP = 0)


a. Testez le VoC
« Si vous vous concentrez sur cette douleur et les mots (CP), sur une échelle de
1 (complètement faux) à 7 (complètement vrai), dites-moi à quel point vous
ressentez ces mots comme vrais maintenant ? »
b. Nouvelle série de mouvements oculaires
« Concentrez-vous sur la douleur en vous disant à vous-même (CP) » ☞

571
Aide-mémoire EMDR

☞ Série de mouvements oculaires


Testez le VoC
Contrôlez le VoC après la série de mouvements oculaires et continuez jusqu’à ce
que le VoC = 7
Attention : si le vous < 6/7 à la fin de la séance : continuez à la phase 10.

8. Installation de « l’image-antidote »
a. Si votre patient dit qu’il / elle sent une différence dans la force de la douleur,
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posez-lui des questions qui peuvent créer une ressource :
« Qu’y a-t-il à la place de la douleur ? »
« Qu’est-ce qu’il y a maintenant, là où était la douleur avant ? »
Si la douleur ne change pas, vous pouvez demander :
« Qu’est ce qui peut enlever la douleur ou en tout cas diminuer la douleur ? »
b. « Faites une image / une photo de ça »
Installez cette image. Éventuellement quand cela change : « C’est quoi exacte-
ment » ou « À quoi cela vous fait penser ? »
42. EMDR et fibromyalgie

Continuez avec la stimulation bilatérale jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de changement.
c. Associer un mot métaphorique et l’installer, par exemple :
« Mentionnez un mot qui convient à votre sentiment quand vous vous concentrez
sur cette image »
Continuer la stimulation bilatérale jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de changement.

9. Scanner du corps (après installation de la CP, si le SUP = 0)


« Concentrez-vous sur la douleur tout en vous disant (CP), passez en revue
mentalement votre corps en entier et notez si vous sentez encore une tension »
S’il y a une tension : série de mouvements oculaires et demandez : « Qu’est ce qui
vient / Que notez-vous maintenant ? ». Continuez les mouvements oculaires jusqu’à
ce que la tension disparaisse et / ou qu’il n’y ait plus d’associations nouvelles.

10. Clôture positive (à la fin de chaque séance)


a. « Qu’avez-vous appris de positif sur vous-même dans cette séance au sujet de
votre douleur ? »
Si nécessaire : « Qu’est-ce que ça dit de vous-même ? »
b. Installez avec des mouvements oculaires jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de
changement
c. Explication de ce qui peut se passer dans les prochains jours : l’intensité de
la douleur pourrait augmenter temporairement. C’est parfois le cas, mais pas
toujours.

572
Aide-mémoire EMDR

La technique du flashforward pourra également s’avérer efficace et utile


dans le traitement de certaines cibles douloureuses et notamment dans
l’anticipation et les défis des scénarios du futur.

La thérapie EMDR démontre toute sa pertinence dans la prise en charge de la


fibromyalgie. Il convient bien sûr d’adapter le traitement et l’utilisation des différents
protocoles à cette symptomatologie particulière, en associant un travail sur les
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événements de vie négatifs à un retraitement des zones douloureuses.

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42. EMDR et fibromyalgie


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42. EMDR et fibromyalgie

574
Aide-mémoire EMDR

43
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43. EMDR et syndrome du membre fantôme
EMDR ET SYNDROME DU MEMBRE FANTÔME

Cyril Tarquinio, Pascale Tarquinio,


Marie-Jo Brennstuhl et Fanny Bassan

Il est fréquent, suite à des amputations d’un membre ou à une mastectomie que les
patients ressentent la présence du membre à travers des douleurs ou des sensations.
Une telle situation est plus que déconcertante pour les patients qui se retrouvent
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en souffrance d’une partie de leur corps censée ne plus exister. La recherche dans
le domaine explique précisément le phénomène et la psychothérapie dont l’EMDR
peut être d’une grande utilité dans la prise en charge de ces douleurs.

Problématique générale de la douleur fantôme

La douleur du membre fantôme correspond à toute sensation douloureuse


qui se rapporte au membre absent ou amputé (Woodhouse, 2005). Ces
sensations douloureuses sont souvent perçues par les patients comme
du courant électrique fort, des piqûres, des brûlures, des crampes, des
écrasements, des pressions, des coups de couteau. La douleur est souvent

575
Aide-mémoire EMDR

une exacerbation des sensations1 (les sensations le plus souvent décrites


sont les picotements, les piqûres d’aiguille, les décharges électriques,
les contractions, les pressions, les démangeaisons, la chaleur, la flexion
des orteils ou des doigts, le membre engourdi...) ressenties au niveau
du membre fantôme. Il semble exister un lien étroit entre sensation de
membre fantôme et douleur du membre fantôme, la dernière relevant
d’une intensité plus importante. La douleur du membre fantôme est
décrite comme lancinante, ennuyeuse, pressante et brûlante. Elle est
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habituellement intermittente, seuls quelques patients semblent, en effet
43. EMDR et syndrome du membre fantôme

souffrir de douleurs continues. Plusieurs crises peuvent survenir au cours


de la journée, de durée variable (quelques secondes à plusieurs heures),
alors que pour d’autres patients ces crises peuvent être hebdomadaires,
voire mensuelles.
De nombreux mécanismes semblent, au regard de la littérature, impliqués
dans la genèse des douleurs fantômes (Roulet et al., 2009). Le
processus semble en effet inclure des éléments du système nerveux
périphérique, de la moelle épinière et du cerveau. Il est probable que
les premiers événements surviennent à la périphérie, puis génèrent une
cascade d’événements plus centraux, notamment au niveau de certaines
structures du cortex cérébral. L’implication du cortex pourrait expliquer
les sensations vives et complexes qui caractérisent la douleur de membre
fantôme (Nikolajsen et Jensen, 2001). Les douleurs mémorisées avant et
pendant l’amputation peuvent être de puissants déclencheurs de douleur
de membre fantôme. Des stimulations douloureuses prolongées peuvent
entraîner des changements à long terme qui se manifestent comme une
mémoire corticale de la douleur (Dostrovsky, 1999). La douleur va donc
modifier la force des connexions entre neurones dans certaines régions du
système nerveux central, en particulier au niveau de la corne dorsale de
la moelle épinière, là où arrivent les fibres nerveuses périphériques. Une
« mémoire » de la douleur s’inscrit dans ces neurones via un mécanisme
de plasticité neuronale nommé potentialisation à long terme. Cette
mémoire douloureuse constituera pour le psychothérapeute EMDR la
première cible à traiter, parce qu’en soit, elle contribue non seulement

1. La sensation de membre fantôme est décrite par quasiment tous les amputés.
Immédiatement après l’amputation, le membre fantôme est ressenti comme identique
au membre amputé en termes de forme, longueur et volume.

576
Aide-mémoire EMDR

à alimenter l’état émotionnel du patient, mais aussi sa perception


douloureuse.
Deux processus distincts peuvent être identifiés :
1. Tout se passe comme si la stimulation douloureuse du membre
touché avant amputation contribuait à la construction d’une mémoire
douloureuse. Qu’il s’agisse d’un événement brutal (exemple : accident
du travail ou de la route qui abîme gravement un membre) ou
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d’un processus sur le long terme (exemple : dégénérescence d’un

43. EMDR et syndrome du membre fantôme


membre pour cause de maladie ou d’infection sévère), la plupart des
amputations sont précédées d’une sensation de douleur parfois très
intense. Ce vécu douloureux (plus ou moins long) est en tout point
comparable à un vécu traumatique.
2. L’amputation une fois réalisée, un processus de réorganisation
cérébrale est alors activé. En effet, chez les personnes amputées,
on constate une réduction de la zone corticale normalement dédiée
à la partie du corps dont le cerveau ne reçoit plus d’informations.
Ces modifications corticales expliquent la présence de sensations
fantômes chez les amputés. La zone corticale reliée au membre
amputé est comme envahie par les zones voisines. Il y a comme une
sorte de télescopage ou de confusion cérébrale.
Ce télescopage apparaît donc comme la finalité de toute prise en
charge car cela signifie en substance la fin de la douleur pour le
patient. C’est donc un processus adaptatif naturellement présent qu’il
convient de stimuler et d’accompagner tout au long du processus
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psychothérapeutique.

Contribution à la prise en charge de la douleur


du membre fantôme avec la psychothérapie EMDR

La tâche du psychothérapeute sera le plus souvent de traiter les


événements passés, notamment ceux en lien avec l’histoire du membre
amputé. À cet égard, si le psychothérapeute se doit d’investiguer toute
l’histoire traumatique du patient dès lors qu’elle apparaît (comme c’est
toujours le cas dans les procédures plus classiques), il conviendra de
porter une attention plus particulière à l’histoire que ce dernier entretient

577
Aide-mémoire EMDR

avec la douleur qu’il s’agisse de la sienne ou celles d’autres personnes


de son entourage (famille, amis, collègues...). On note souvent deux
problématiques, celle qui relève de l’impact de la douleur et celle qui
questionne la remobilisation de l’image de soi et son impact sur l’estime
de soi. Pour la première, les déclencheurs plus actuels, il s’agira le plus
souvent du traitement de la sensation douloureuse proprement dite, ce
qui nécessitera comme nous allons le voir, de faire appel à un protocole
spécifique ou adapté. Pour la seconde, ils se regrouperont autour de
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situations de confrontations aux regards de l’autre et des difficultés
43. EMDR et syndrome du membre fantôme

rencontrées dans le quotidien. Enfin, en ce qui concerne les défis du


futur, il s’agira dans le premier ciblage le plus souvent de pouvoir gérer
les angoisses et l’anticipation du ressenti douloureux, de donner au
patient la possibilité de se sentir en capacité de gérer et pour le second
de pouvoir se projeter dans leur vie avec ce handicap.
Pour ce faire, nous proposons six étapes dans la prise en charge de la
douleur du membre fantôme :
1. démarche psychopédagogique sur les caractéristiques de la douleur
du membre fantôme à partir du schéma de Flor (2002) ;
2. applications de techniques de régulation des émotions ;
3. élaboration de plans de ciblage pour l’identification des souvenirs
sources ;
4. traitement des cibles relatives à la mémoire traumatique et à la
mémoire douloureuse avec le protocole standard ;
5. application d’un protocole douleur pour le traitement des déclen-
cheurs ;
6. scénarios du futur ;
7. traitements des cibles passées, des déclencheurs et scénarii du futur
en lien à l’estime de soi.

! Étape 1 : démarche psychopédagogique


Il s’agit ici d’expliquer et de faire comprendre ce qu’est la problématique
de la douleur du membre fantôme. Pour ce faire, le psychothérapeute
pourra avantageusement s’inspirer des éléments présentés plus haut afin
d’expliquer une réalité clinique on ne peut plus rationnelle.

578
Aide-mémoire EMDR

! Étape 2 : applications de techniques de régulation


des émotions.

Le psychothérapeute pourra proposer au patient la (ou les) technique(s)


qu’il jugera les plus en adéquation avec la situation clinique qu’il doit
traiter.

! Étape 3 : élaboration de plans de ciblage


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43. EMDR et syndrome du membre fantôme
pour l’identification des souvenirs sources

Dans la prise en charge de la douleur du membre fantôme, nous


préconisons la méthode des Symptômes Aux Cibles (SAC) pour la
recherche des cibles à traiter. Cette méthode a été proposée par de
Jong et al. (2010) et constitue un Plan de Ciblage qui se focalise sur les
symptômes. Nous proposons ici un aménagement de cette méthode du
SAC au cas spécifique de la douleur. Le thérapeute commence par lister
l’ensemble des symptômes douloureux et des plaintes du patient et fait
le choix avec le patient du symptôme (ou du groupe de symptômes)
à traiter. Puis il identifie le ou les événement(s) source, du ou des
événement(s) associés aggravant, qu’il place sur une ligne du temps.
Il construit un graphique représentant l’évolution de l’intensité de
la douleur au fil du temps en évaluant les SUP (et non les SUD) de
chaque cible. Il vérifie alors l’existence d’autres souvenirs d’événements
potentiellement pertinents.
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Ces premières étapes empruntées au SAC nous paraissent intéressante


car sous la forme de ce graphique permet une visualisation concrète de
l’évolution de la douleur à la fois pour le thérapeute mais également
pour le patient et permet ainsi de déterminer plus précisément la cible
qui va inaugurer le traitement.

! Étape 4 : traitement des cibles relatives à la mémoire


traumatique et à la mémoire douloureuse avec le protocole
standard

Toutes les cibles sont traitées à partir de l’application du protocole


standard.

579
Aide-mémoire EMDR

! Étape 5 : traitement de la douleur actuelle du membre


fantôme avec un protocole douleur inspiré des travaux
de Grant (Grant et Threflo, 2002 ; Grant, 2009)

Nous allons détailler les phases de ce protocole spécialisé qui présente


quelques innovations particulièrement intéressantes et efficientes pour
la prise en charge des symptômes douloureux. Adaptable, il sera utile
au clinicien dans de nombreuses autres configurations psychothérapeu-
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43. EMDR et syndrome du membre fantôme

tiques.

Protocole douleur membre fantôme


Première phase : histoire du patient
Deuxième phase : préparation
Recueillir le consentement éclairé du patient, tant sur les points à traiter, que les
conséquences potentielles de la psychothérapie. Identifier, avec lui la typologie
des SBA, ainsi que le signal STOP. Mise en place du « Lieu sûr » et d’un contenant
permettant notamment de ranger les souvenirs en lien avec la douleur.

Troisième phase : évaluation


Identification de l’image mentale du membre fantôme
« Décrivez comment vous percevez (identifier la partie du corps concernée, main,
jambe, bras, sein...). Vous allez tenter de vous construire une image mentale
(préciser la partie du corps) en fermant les yeux et en tentant toujours mentalement,
c’est-à-dire par la pensée, d’en préciser les contours, la taille, la forme, etc. Comme
si vous aviez une caméra intérieure qui pouvait en saisir tous les détails et vous
permettre une représentation aussi précise que possible. Suffisamment en tout cas,
pour pouvoir dessiner sur une feuille de papier, l’image que vous vous en faites.
Bien... fermez les yeux et concentrez-vous sur (préciser la partie du corps)... Tentez
de vous construire une image mentale de (préciser la partie du corps) comme je
vous le proposais à l’instant... Dites-moi quand cela sera fait et quand vous serez en
mesure de la dessiner cela sur la feuille de papier que je vous propose ici.

Identification de la sensation douloureuse


Le patient peut à ce stade dessiner non seulement la représentation qu’il a de la
partie de son corps à traiter, mais également la ou les zones douloureuses, telle(s)
qu’il se les représente mentalement. Un tel support graphique permet également
de positionner graphiquement la zone de la douleur et/ou de la sensation, de
lui donner une forme et un contour. Le coloriage de la zone en question permet ☞

580
Aide-mémoire EMDR

☞ d’exprimer l’intensité de la perception. « Sur ce même dessin, j’aimerais que vous


représentiez la ou les zone(s) douloureuse(s), comme si vous pouviez ici encore en
faire la cartographie. Est-ce que la zone est plutôt bien limitée ou au contraire plutôt
diffuse ? De quelle couleur cette (ou ces) zone(s) douloureuse(s) serai(en) Quelle
(s) est la couleur de cette zone ? – le rouge ou le noir sont souvent associés à des
intensités de douleur ou de sensations assez fortes, alors que le jaune ou le blanc
sont associés à des intensités plus faibles ou nulles de douleur ou de sensation.
Quelle forme ou taille aurait-elle ? Quelle forme ou quelle taille a-t-elle ? De quelle
matière (bois, acier...) pourrait être faite cette zone de douleur ou de sensation ? »
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43. EMDR et syndrome du membre fantôme
1. Cognition négative :
Le psychothérapeute : « Si vous pensez à la douleur (préciser la partie du corps),
quels sont les mots qui vous viennent à l’esprit et qui disent quelque chose de
négatif sur vous ou sur la douleur, là maintenant ? Vous pouvez également et je
vous y invite, regarder le dessin que vous venez de faire sur cette feuille. »
2. Cognition positive
Psychothérapeute : « Plutôt que « rappeler la CN identifiée », quand vous pensez
à (préciser la partie du corps) tout en regardant votre dessin et que vous
pensez à cette sensation douloureuse, qu’est-ce que vous préféreriez penser de
vous-même maintenant ? »
3. Validité ou crédibilité de la cognition positive (VOC) sur une échelle de 1 à 7.
Psychothérapeute : « Quand vous pensez à (préciser la partie du corps) tout en
regardant votre dessin et que vous pensez à cette douleur, dans quelle mesure
ressentez-vous comme vrais ces mots (CP). Sur une échelle de 1 à 7, avec 1
étant le niveau le plus bas (tout à fait faux) et 7 le niveau le plus haut (tout à
fait vrai), quelle valeur lui donneriez-vous ? »
4. Détermination de l’émotion (ou des émotions) associée(s) :
Psychothérapeute : « Quand vous pensez à (préciser la partie du corps) tout en
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regardant votre dessin et à ces mots (CN) quelle(s) émotion(s) éprouvez-vous


maintenant ? »
5. Mesure d’un équivalent du SUD, la Subjective Units of Pain ou SUP1 . ☞

1. Le SUP n’est en rien une invention des praticiens EMDR, car cela correspond en fait
à la mesure de L’EVA ou Echelle Visuelle Analogique, qui est utilisée depuis 1995, pour
l’évaluation de la douleur chez le patient adulte atteint d’un cancer, depuis 1999, pour
l’évaluation de la douleur chronique des adultes en médecine ambulatoire et depuis
2000, pour l’évaluation de la douleur des enfants. Initialement proposée par Scott et
Huskisson (1976) pour évaluer l’intensité de la douleur chronique, l’EVA correspond
à une réglette graduée d’une longueur de 100 mm dont les extrémités figurent pour
l’une, l’absence de douleur, pour l’autre, la douleur maximale imaginable.

581
Aide-mémoire EMDR

☞ Psychothérapeute : « Pensez à (préciser la partie du corps) tout en regardant


votre dessin et à la douleur que vous percevez. Pensez également à ces mots
(CN), sur une échelle notée de 0 (« pas de douleur du tout ») à 10 (« la pire des
douleurs que vous puissiez ressentir ») dites à combien, vous évaluez le niveau
de douleur que vous ressentez maintenant ? »
6. Localisation corporelle :
Psychothérapeute : « Où en plus de la douleur à (préciser la partie du corps)
ressentez-vous cette tension dans votre corps ? »
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43. EMDR et syndrome du membre fantôme

Quatrième phase : désensibilisation de la cible


Le psychothérapeute demande au patient de maintenir à l’esprit l’image et/ou le
dessin et les aspects liés, tout en se focalisant simultanément sur la stimulation
bilatérale aussi rapidement que possible. Poursuivre comme dans le protocole
standard jusqu’à ce que le SUP soit égal à 0.
Ainsi, le travail de désensibilisation doit se poursuivre même si le SUP est égal à 0,
mais aussi tant que la représentation graphique du membre amputé n’a pas changé
pour peu à peu arriver à ce qu’elle doit être, à savoir un moignon de l’avant-bras sans
la main. Plusieurs dessins peuvent ainsi être réalisés au cours de la psychothérapie
notamment à la fin de chaque canal associatif.

Cinquième phase : installation de la cognition positive


Le psychothérapeute apprend au patient à penser à la situation initialement traitée
(on ne reprend plus le premier dessin, mais le dernier réalisé en lien avec le SUP
égal à zéro et à répéter la cognition positive, après avoir vérifié si elle s’est modifiée,
tout en le soumettant à une stimulation bilatérale jusqu’à ce que son niveau de
vérité et de croyance soit ressenti comme optimal). « Quand vous pensez à (préciser
la partie du corps) et à cette douleur dans votre main gauche dans quelle mesure
ressentez-vous comme vrais ces mots « préciser la Cognition Positive » Sur une
échelle de 1 à 7, avec 1 étant le niveau le plus bas (tout à fait faux) et 7 le niveau
le plus haut (tout à fait vrai), quelle valeur lui donneriez-vous ? »

Sixième phase : balayage corporel


Il s’agit de vérifier s’il existe à ce stade des signes de tension physique ou d’inconfort
résiduel. Si n’importe lequel de ces signes est rapporté, le thérapeute apprend au
patient à se focaliser sur ses sensations physiques tout en le soumettant à une
stimulation bilatérale jusqu’à ce que la tension ait diminué ou disparu.

Septième phase : clôture de la séance


Préparer le patient à quitter la séance en lui rappelant les différents exercices de
gestion que le thérapeute peut lui avoir appris. ☞

582
Aide-mémoire EMDR

☞ Huitième phase : réévaluation


Le patient peut à ce stade émettre des commentaires sur les cibles traitées
antérieurement. On pourra notamment porter une attention particulière sur
comment le patient a ressenti et géré la douleur entre les séances. Le traitement de
la cible en cours est repris ou s’il était achevé une nouvelle cible est sélectionnée.
Ce travail est poursuivi jusqu’au traitement de toutes les cibles du passé et des
déclencheurs
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43. EMDR et syndrome du membre fantôme
! Étape 6 : scénario du futur en lien avec le plan de ciblage
sur la douleur

À ce stade, le psychothérapeute pourra envisager avec le patient


l’installation de scénarii du futur. Il s’agira de lui proposer d’envisager
de se projeter dans l’avenir afin de savoir quelle réaction il pourrait avoir
dans des situations qui étaient jusque-là anxiogènes ou problématiques
(identification des situations futures, visualisation des situations futures
comme un film... Si les situations sont positives, les renforcer autant
que possible avec des séries de SBA, si les situations sont négatives, il
s’agira de les retraiter).

! Étape 7 : traitement des cibles passées et déclencheurs


en lien avec le plan de ciblage sur estime de soi

Le plan de ciblage, le traitement des cibles passées, des déclencheurs


© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

et les scénarios du futur sont appliqués selon les procédures classiques.

Conclusion

La prise en charge avec la thérapie EMDR du membre fantôme avec


l’aménagement du protocole standard spécifique pour la douleur est d’un
intérêt certain. Elle permet d’apporter une prise en charge complémen-
taire à la seule prise en considération des circonstances traumatiques de
l’événement ayant conduit à l’amputation (TSPT suite aux circonstances
de l’accident lui-même par exemple). Elle donne aux thérapeutes une
stratégie d’intervention post-chirurgicale qui, de façon concomitante

583
Aide-mémoire EMDR

aux soins médicaux, semble activer le processus de plasticité neuronal.


Enfin, de par son application possible post-accident, post-opération et
dans le processus de réinsertion sociale et professionnelle et propose
une prise en charge holistique du patient.

Bibliographie
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587
Aide-mémoire EMDR

44. Prise en charge des troubles de la sexualité avec la psychothérapie EMDR


44
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PRISE EN CHARGE
DES TROUBLES DE LA SEXUALITÉ
AVEC LA PSYCHOTHÉRAPIE EMDR

Cyril Tarquinio, Pascale Tarquinio et Laura Vismara

Depuis les années 1970, notamment avec la publication de Human Sexual


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Inadequacy par Masters et Johnson, les psychologues et les médecins accordent


une attention de plus en plus grande aux problèmes sexuels et aux demandes
formulées dans ce domaine.
Selon Langis et Germain (2009), la difficulté sexuelle peut se définir comme « une
situation qui empêche le bon déroulement de la relation sexuelle. ». L’EMDR peut
dans ce domaine apporter des éléments de réponse complémentaire qui peuvent
à la fois aider le thérapeute et surtout les patients.

Difficultés sexuelles et EMDR

La prise en charge des problématiques sexuelles suppose de comprendre


si la difficulté sexuelle peut s’expliquer par des facteurs psychologiques

589
Aide-mémoire EMDR
44. Prise en charge des troubles de la sexualité avec la psychothérapie EMDR

ou principalement par des facteurs biologiques. Un trouble de l’érection


peut par exemple être le fait d’une peur a priori de ne pas satisfaire
l’autre, d’une affection médicale, d’une prise de drogue, d’alcool ou d’un
médicament, voire d’une combinaison de plusieurs facteurs. Il est évident
qu’une réponse sexuelle adaptée nécessite un corps en parfait état de
marche. Ce qui implique que les organes sexuels, les systèmes nerveux
endocriniens et vasculaires ne doivent donc pas poser de problèmes
et être fonctionnels. Le diabète, les maladies cardiovasculaires, ou les
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maladies portant atteinte au centre de la moelle épinière par exemple,
qui interviennent dans la réponse sexuelle, sont susceptibles d’influer
la sexualité, notamment en l’altérant. Les déséquilibres hormonaux1,
qui à cet égard peuvent concerner tant les hommes que les femmes,
peuvent aussi avoir cet effet délétère. Il est également essentiel que le
clinicien s’assure que le patient ne souffre pas d’atteinte des tissus des
organes génitaux qui, bien entendu, vont affecter la réponse sexuelle
(hymen trop fibreux, inflammation de l’endomètre atteinte des muscles
de la région pelvienne, pour les femmes ; phimosis2 , déchirure du
frein pour les hommes). Il enquêtera également sur les consommations
éventuelles du patient. On connaît les effets de l’alcool (troubles
érectiles, troubles du désir retard de l’orgasme...), du tabac (risque de
problèmes érectiles...), des amphétamines (à faible dose augmentation
du désir, retard de l’orgasme, lors d’une utilisation régulière perte
de l’éjaculation ou fortement retardée, trouble de l’érection...), de la
marijuana (diminution du désir...), de la cocaïne (troubles de l’érection,
trouble de l’éjaculation...) ou des ecstasy connues sous le nom de MDMA
(trouble de l’érection, inhibition de l’éjaculation, retard de l’orgasme,
baisse du désir...) sur les difficultés sexuelles.

1. Chez l’homme, un déséquilibre hormonal peut être la cause d’une dysfonction


érectile. La testostérone, la prolactine ou les hormones thyroïdiennes influent sur
sa libido, l’érection et parfois même l’éjaculation. Chez la femme, l’œstrogène et
la progestérone sont les hormones les plus fondamentales. Les œstrogènes, en
particulier, ont un rôle fondamental sur la libido. Après un accouchement notamment,
l’imprégnation hormonale se modifie et entraîne souvent une baisse de la libido,
passagère la plupart du temps.
2. Le phimosis est une affection du pénis ou du clitoris. Lors de l’érection, le prépuce
du pénis ou le capuchon du clitoris ne peut se rétracter derrière le gland du pénis ou
du clitoris (le gland ne peut pas être décalotté).

590
Aide-mémoire EMDR

44. Prise en charge des troubles de la sexualité avec la psychothérapie EMDR


Des émotions négatives comme le stress, l’anxiété ou la dépression sont
également des facteurs majeurs à prendre en compte et à traiter dans
ce type de problématique. Il est également important de prendre en
considération la question du psychotraumatisme qui peut accompagner
l’expérience sexuelle des patients durant l’enfance, l’adolescence (abus
sexuels, viols...) ou la vie adulte (viols, agressions à caractère sexuel...).
Mais, il est également nécessaire de lutter contre les tabous d’une
éducation et d’une morale trop rigide qui sont autant d’obstructions
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à une sexualité épanouie. Enfin, il n’est pas possible d’occulter le fait
que les facteurs relationnels propres au couple peuvent intervenir. La
panne érectile peut être par exemple l’indicateur de la difficulté de
fonctionnement du couple (Colson, 2001). La monotonie qui s’installe
conduit les activités sexuelles vers une routine qui les rend prévisibles,
ce qui peut déterminer une baisse du désir. Nous pouvons souligner
également le manque de communication intime qui, dans les couples,
reste parmi les problèmes les plus répandus dans l’émergence des
difficultés sexuelles (Greef et Malherbe, 2001).

Le trouble de l’érection

! Éléments généraux
Le trouble de l’érection est défini par le DSM 5 par « au moins un des
trois symptômes suivants doit être éprouvés dans presque toutes, ou
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toutes les occasions (approximativement 75-100 %) d’activitéśexuelle


avec un partenaire :
1. difficulté marquée à parvenir à une érection au cours de l’activité
sexuelle ;
2. difficulté marquée à parvenir à maintenir l’érection jusqu’à l’achève-
ment de l’acte sexuel ;
3. diminution marquée de la rigiditéé́rectile. »
En d’autres termes, il s’agit de l’impossibilité d’obtenir une érection
suffisante pour permettre un rapport sexuel. La dysfonction érectile
peut être « primaire » lorsque l’homme n’a jamais eu d’érection de
qualité suffisante pour pouvoir réaliser une pénétration. Cela concerne

591
Aide-mémoire EMDR
44. Prise en charge des troubles de la sexualité avec la psychothérapie EMDR

un très faible pourcentage d’hommes souffrant de dysérection. Le plus


souvent, la dysfonction est « secondaire », c’est-à-dire que l’homme
avait auparavant une sexualité qui le satisfaisait. Suite à des problèmes
physiologiques ou psychologiques, il peut ne plus être en mesure
d’obtenir une érection suffisante pour pouvoir avoir des rapports sexuels.
Le trouble de l’érection peut aussi être partiel ou total. Ainsi, certains
hommes parviennent à avoir une érection, mais elle est soit insuffisante,
soit pas assez solide.
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Les difficultés érectiles se manifestent de différentes manières selon
qu’elles sont d’origine organique ou psychogène. Quand la physiologie
de l’érection est affectée par une pathologie, un traumatisme, la prise
d’une substance ou une intervention chirurgicale, le potentiel érectile
se trouve en général réduit en intensité et en durée, peu importe les
circonstances (érections nocturnes et matinales, masturbation, relations
sexuelles). Lorsque la cause est psychogène, la capacité à atteindre
l’érection est très dépendante de l’état d’esprit dans lequel se trouve
l’homme. S’il est déprimé, il peut ne pas avoir d’érection en toutes
circonstances. S’il a peur de l’échec, son érection apparaît lorsqu’il ne
s’en soucie pas et disparaît dès l’instant où l’idée d’échec apparait, que
cela soit durant les préliminaires ou lors de l’intromission du pénis dans
le vagin ou en cours de pénétration.
Le trouble de l’érection est un symptôme très fréquent avec une
prévalence variable selon les populations étudiées et les critères de
diagnostic. Il existe, dans toutes les études, une augmentation de la
prévalence de cette difficulté avec l’âge (Giuliano et Droupy, 2013).
• pour les hommes de moins de 40 ans, la prévalence est comprise entre
1 et 9 % ;
• entre 40 et 49 ans, la prévalence demeure généralement inférieure à
10 % s’élevant dans certaines études à 15 % ;
• entre 50 et 60 ans, la prévalence varie beaucoup d’une étude à l’autre ;
• entre 60 et 70 ans la prévalence est comprise entre 20 et 40 % ;
• au-delà de 70 ou de 80 ans, la prévalence est très élevée entre 50 et
100 %.

Devant une dysfonction sexuelle, il convient d’explorer trois axes


complémentaires et indissociables, les axes organiques, psychiques

592
Aide-mémoire EMDR

44. Prise en charge des troubles de la sexualité avec la psychothérapie EMDR


et relationnels. Cette approche multidirectionnelle s’avère essentielle
lorsque le motif de consultation est une dysfonction érectile (Corona et
al., 2006).
Parmi les objectifs associés à la prise en charge de la dysfonction érectile,
il convient de penser systématiquement aux complications somatiques.
Ainsi, le psychothérapeute découvrant cette difficulté sexuelle devra,
outre le traitement psychologique de celle-ci, rechercher des facteurs
de risques organiques, en particulier urologiques, cardio-vasculaires,
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métaboliques et hormonaux. La consommation de produits psychoactifs,
en particulier l’alcool, le tabac, et certaines drogues illicites telles que
la cocaïne, peuvent être des paramètres à prendre en compte.
De nombreuses études indiquent que des facteurs psychiques, tels
que les troubles de l’humeur, ou le stress sont impliqués dans la
survenue de dysfonctions sexuelles et de la dysfonction érectile. Selon
une étude récente (Nobre, 2010), des facteurs psychiques comme
les schémas cognitifs négatifs interviendraient dans la survenue et
le maintien de la moitié des dysfonctions érectiles. Les liens entre
dysfonction érectile et anxiété sont largement étudiés (Corona et al.,
2006). Pour chaque homme, la dysfonction érectile peut induire une
anxiété, même en l’absence de pathologie anxieuse. Et le retentissement
psychique sera bien entendu variable d’un patient ou d’un couple à
l’autre. Quelques auteurs ont évalué le retentissement d’événements de
vie potentiellement stressants sur la sexualité (chômage, contraintes
de vie, travail...). Tous ces événements pourvoyeur de stress et
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d’autodépréciation fragilisent inexorablement la sexualité et sont à


rechercher par le clinicien et à traiter.
Les problèmes relationnels, les tensions quotidiennes liées au couple
(conflits conjugaux, inquiétudes pour la partenaire), peuvent également
être à l’origine des dysfonctions sexuelles ou en être la conséquence et
les entretenir. Hedon (2003) évoque le cercle vicieux des difficultés, de la
distance au sein du couple, voire la survenue de conflits consécutifs à la
survenue d’une dysfonction sexuelle. Ainsi, la guérison de la dysfonction
érectile surviendra plutôt au sein de couples non conflictuels, ou alors
après une approche conjointe de la problématique conjugale.

593
Aide-mémoire EMDR
44. Prise en charge des troubles de la sexualité avec la psychothérapie EMDR

! Étiologie générale du trouble érectile


Comme c’est le cas de toutes les difficultés sexuelles, on ne saurait insis-
ter sur la nécessité de se rapprocher d’un(e) sexologue expérimenté(e)
afin de situer la problématique érectile du patient qui consulte. S’il
y a une quarantaine d’années, Masters et Johnson (1970) affirmaient
que 90 % des dysfonctions érectiles étaient causées par des facteurs
psychologiques, de nos jours, on penche davantage vers une étiologie
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mixte. La mise en lumière des processus neurologiques, physiologiques
et musculaires impliqués dans l’obtention de l’érection a permis de
découvrir un ensemble de pathologies organiques à l’origine du trouble
érectile. À leur tour, les effets de ces pathologies sur l’érection sont
souvent décuplés par des facteurs psychologiques et relationnels.
Les causes psychologiques du trouble de l’érection peuvent être le fait :
• d’un discours familial négatif, des préceptes religieux restrictifs ;
• d’un manque d’éducation sexuelle ;
• des normes sociales axées sur la performance ;
• de la peur de l’échec ;
• de la fragilité émotionnelle qui prédispose à réagir plus souvent et
plus intensément que les autres aux situations sexuelles ;
• des expériences sexuelles passées vécues difficilement voire sur un
mode traumatique ;
• des enfants surpris en train de se masturber et réprimandés, adoles-
cents réprimandés en raison de leurs émissions nocturnes ;
• d’une agression ou des implications dans des actes incestueux lors de
l’enfance ou de l’adolescence ;
• d’une attitude plutôt fermée vis-à-vis de la sexualité ;
• de la présence d’un autre comme facteur affectif déclenchant (manque
de confiance au partenaire, conjointe hostile, pas de stimulations,
conflits, manque d’attirance) ;
• de troubles de l’identité sexuelle (asexualité, homosexualité, ou
troubles identitaires) ;
• du stress professionnel, dépression ;
• des craintes de transmission de maladies.

594
Aide-mémoire EMDR

44. Prise en charge des troubles de la sexualité avec la psychothérapie EMDR


! Contribution de la thérapie EMDR au traitement
des hommes souffrant d’un trouble érectile

C’est souvent dans le passé des patients que l’on trouvera les origines
psychologiques du trouble. Une fois ces souvenirs sources traités, il
s’agira de projeter le patient dans une sexualité à venir pour ensuite
le confronter à des situations réelles dans l’ici et maintenant. Il s’agit
donc de passer d’une démarche de traitement in vitro (passé et futur) à
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un traitement en situation (in vivo) ce qui en matière de prise en charge
EMDR est en fait nouveau (Tarquinio & Tarquinio, 2015).
Nous proposons une procédure en 6 étapes :
1. démarche psychopédagogique ;
2. apprentissage de techniques de stabilisation et de relaxation ;
3. utilisation de plan de ciblage pour l’identification des souvenirs
sources ;
4. traitement des cibles du passé avec le protocole standard ;
5. application de la technique du flashforward de Logie et De Jongh
(2014) et scénario du futur ;
6. application du Sensate Focus1 de Masters et Johnson (1970).

Étape 1 : Démarche psychopédagogique

La première étape d’une prise en charge psychologique du trouble de


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l’érection, comme c’est le cas pour toutes difficultés sexuelles, est d’ap-
porter aux patients les informations nécessaires sur le fonctionnement
sexuel humain. Cette information doit porter sur l’anatomie des organes
génitaux, la psycho-physiologie de la réponse sexuelle (ici de l’homme),
les causes du trouble érectile, le contexte dans lequel se déroule la
rencontre amoureuse et sexuelle, les besoins affectifs, sentimentaux
et sexuels de la femme et de l’homme, les types de stimulation, les
scénarios sexuels, et l’utilité des fantasmes sexuels.

1. Le Sensate focus est une technique de sexothérapie introduite par l’équipe


Masters and Johnson. Cela fonctionne en recentrant les participants sur leurs propres
perceptions sensorielles et leur sensualité, au lieu de comportements axés sur des
objectifs et centrés sur les organes génitaux et le sexe avec pénétration.

595
Aide-mémoire EMDR
44. Prise en charge des troubles de la sexualité avec la psychothérapie EMDR

Étape 2 : Apprentissage de techniques de stabilisation


et de relaxation
Nous proposons à ce stade l’installation d’un « lieu sûr » qui reste
un élément incontournable du protocole standard EMDR. Du fait
des implications sur le corps, l’exercice du « Body Scan » inspiré
du mindfulness avec désensibilisation à partir de SBA, a montré sa
pertinence dans ce domaine d’autant qu’un tel protocole s’appliquera
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aisément (Tarquinio & Tarquinio, 2015). L’usage des techniques de
relaxation classique ou de la cohérence cardiaque peuvent ici encore
être indiquées.
Étape 3 : Utilisation de plan de ciblage
pour l’identification des souvenirs sources
Bien entendu, toutes les techniques de plan de ciblage sont utiles.
Cependant, quel que soit le choix du clinicien, il est impératif d’utiliser
la méthode des Symptômes Aux Cibles (SAC) et la méthode des Croyances
Fondamentales aux Cibles (CFC) De Jongh et al. (2010), en raison de la
spécificité et de la pertinence clinique du symptôme érectile.

! Illustration clinique

Quentin a 53 ans. Il est marié depuis plus de 20 ans et père de trois enfants.
Il éprouve de grandes difficultés à maintenir une érection avec sa femme qui
se fait très pressante sexuellement. Ces pannes sont des motifs majeurs de
conflits et sont vécues par l’épouse de Quentin sur un mode dramatique. Ainsi,
l’idée du rapport sexuel qui pourrait se dérouler le soir est une préoccupation
obsessionnelle pour Quentin. Cela occupe ses pensées du matin au soir. Un
travail est engagé avec un médecin sexologue avec Quentin et le couple
qui se concrétise par un certain nombre de mesures très précises (...) dont
l’engagement du patient dans une prise en charge psychothérapeutique, qui
convoqua notamment l’approche EMDR.

Plan de ciblage organisé sur la combinaison de deux méthodes de Jongh,


Ten Broeke et Meijer (2010) :
• la méthode des Symptômes Aux Cibles (SAC) va permettre d’explorer
l’évolution de ce symptôme érectile dans l’histoire de la sexualité du
patient ;

596
Aide-mémoire EMDR

44. Prise en charge des troubles de la sexualité avec la psychothérapie EMDR


• la méthode des Croyances Fondamentales aux Cibles (CFC) permet
de rechercher les croyances négatives du patient, en l’occurrence
ici Quentin, se décrit comme un « sous-homme. ». Il dit de lui qu’il
n’est « pas à la hauteur » et qu’il n’est pas « un vrai homme et qu’il
ne l’a jamais vraiment été. » Il s’agit de manière de penser stériles
et stéréotypées, qui s’appliquent de manière quasi automatique et
le conduisent à avoir une vision négative du monde. Ces croyances
négatives dysfonctionnelles rigides indiquent généralement qu’il existe
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plusieurs expériences ou événements pertinents à rechercher dans le
passé du sujet qui se cristallisent comme autant de preuves pour le
patient.

Résultats du SAC et CFC


Résultat du SAC :
Deux souvenirs antérieurs ont ainsi été identifiés :
Premier souvenir perturbant : expérience de panne sexuelle en couple durant
laquelle l’épouse s’est montrée particulièrement agressive et moqueuse.
Second souvenir perturbant : à 17 ans, surpris en train de se masturber par sa
plus jeune sœur. Celle-ci crie dans toute la maison ce qu’elle venait de voir. Ce qui
a impliqué des moqueries et des jugements moralisateurs de la part de tous les
membres de la famille.
Nous avons dans un second temps demandé à Quentin de reporter sur la ligne du
temps ses différents souvenirs et d’indiquer un niveau d’anxiété à chacun d’eux.
On retrouve sur le graphique ci-dessus les deux cibles à traiter avec le protocole
standard.
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Résultat du CFC (Cf. Tarquinio & Tarquinio (2015) pour un détail de la


procédure)
Croyances dysfonctionnelles de départ : je suis un sous-homme, je ne suis pas à la
hauteur
Identification des preuves que nous avons demandées à Quentin de classer dans
un second temps par ordre décroissant selon leur niveau de perturbation :
Classement 1 : « La fois où je me suis fait surprendre par ma sœur dans ma
chambre et qu’elle s’est mise à crier dans toute la maison que j’étais en train de
me toucher le sexe et que c’était dégoûtant. »
Classement 2 : « Vers 8 ans, c’était un truc de jeune, on devait avec des petites
copines se montrer notre sexe respectif. En fait il n’y a que moi qui ai sorti mon ☞

597
Aide-mémoire EMDR
44. Prise en charge des troubles de la sexualité avec la psychothérapie EMDR

☞ Sévérité
de la manifestation
anxieuse
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Naissance Masturbation Panne
sexuelle
avec son épouse

Figure 44.1. Représentation graphique de sévérité de la manifestation


anxieuse de Quentin en fonction du temps.

sexe et toutes les filles se sont moquées de moi et là aussi elles l’ont chanté dans
toute la rue. Ça a duré des années ce truc-là. »
Classement 3 : « Avant ma femme j’ai eu une autre amie, très jolie. Je me suis
toujours demandé comment j’avais fait pour sortir avec elle. J’étais impressionné.
Et disons que là encore je n’y arrivais pas. J’évitais les situations à risques. Elle m’a
quitté, parce qu’elle me disait que je n’étais pas un homme comme les autres et
qu’elle regrettait de ne pas procurer de désir chez moi. »
Classement 4 : « Ma femme qui me dit que je ne suis pas un homme lorsque
je n’arrive pas à bander et qu’elle attend que je lui donne du plaisir. Je pense
notamment à la fois dont je vous ai parlé qui reste vraiment la pire dans ma tête. »

Étape 4 : Traitement des cibles du passé


avec le protocole standard

Toutes les cibles issues des deux procédures de plan de ciblage ont été
traitées à partir de l’application du protocole standard.

598
Aide-mémoire EMDR

44. Prise en charge des troubles de la sexualité avec la psychothérapie EMDR


Étape 5 : Application de la technique du flashforward
de Logie et De Jongh (2014) et scénario du futur

Application de la procédure du flashforward au cas Quentin

Le thérapeute : « Quelle pourrait être la pire catastrophe, la pire des choses qui
pourrait selon vous arriver quand vous imaginez avoir un problème d’érection avec
votre femme ?
Quentin : « Eh bien... c’est sa colère, qu’elle m’insulte. »
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Le psychothérapeute : « Y a-t-il d’autres craintes de ce qui pourrait arriver de pire, si
vous envisagez un problème d’érection avec votre femme ? »
Quentin : « Et bien... c’est sa colère, qu’elle m’insulte parce que je n’arrive pas à
bander. »
Le psychothérapeute : « Très bien..., dites ce qui est le pire dans cette situation...
qu’est-ce qui pourrait vous arriver de pire alors ? »
Quentin : « Qu’elle me quitte parce que je ne suis pas un homme. »
Le psychothérapeute : « Quand vous pensez à cela, quelle est l’image qui vous
vient ? »
Juliette : « Elle s’habille et quitte la chambre, la maison. »
Le psychothérapeute : « Regardez cette image de la pire des choses qui pourrait
arriver. Sur une échelle de 0 à 10 quel est le niveau de perturbation ? »
Quentin : « 9. »
Puis application des phases 4 à 7 (SUD=0, VOC = 7, bon scanner corporel)
Mise en place de scénario du futur où Quentin se projette dans des relations
sexuelles où tout se passe bien. Nous évitons d’introduire des défis à ce stade car il
nous paraît intéressant d’appliquer d’abord le Sensate Focus de Masters et Johnson
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(1970). À l’issue de cette étape 6, nous proposons la mise en place d’un scénario
du futur avec défis.

Étape 6 : Application du Sensate Focus


de Masters et Johnson

À ce stade, le Sensate Focus est une bonne manière de se familiariser


à nouveau avec le corps et les sensations. L’homme et la femme seront
acteurs dans cet exercice, qui sera l’occasion de réapprendre une certaine
sexualité, sans doute moins anxiogène et plus apaisée.

599
Aide-mémoire EMDR
44. Prise en charge des troubles de la sexualité avec la psychothérapie EMDR

Comme nous avons pu le constater, la psychothérapie EMDR, peut-être d’une


grande aide dans la problématique spécifique des difficultés sexuelles. A priori, cette
approche est peu positionnée dans la littérature sexologique. C’est selon nous un
recours de choix dans la prise en charge de difficultés sexuelles, notamment lorsque
la problématique est de nature psycho émotionnelle. Les références à l’EMDR dans
ce domaine sont de plus en plus nombreuses (Mignot et al., 2018), même si la
pratique des cliniciens sensibilisés conjointement à l’EMDR et à la sexologie doit
encore s’étoffer. Pour ce faire, il conviendrait que les psychothérapeutes qui, la
plupart du temps, ne connaissent que peu de choses à la sexologie fassent l’effort de
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s’y intéresser, ce qui malheureusement n’est pas assez le cas. Des recherches sont
à mener dans ce domaine et des formations à construire notamment à l’adresse
des praticiens EMDR.

600
Aide-mémoire EMDR

44. Prise en charge des troubles de la sexualité avec la psychothérapie EMDR


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601
Aide-mémoire EMDR

45
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45. Maladies cardiovasculaires et EMDR
MALADIES CARDIOVASCULAIRES ET EMDR

Cyril Tarquinio, Pascale Tarquinio et Laura Vismara

La perspective sera d’envisager les MCV à travers les conséquences psychologiques


qu’elles imposent aux malades. Aussi, après avoir posé la problématique des MCV
dans leur ensemble nous focaliserons plus spécifiquement notre attention sur la
prise en charge des conséquences psychologiques de l’infarctus du myocarde, puis,
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nous présenterons une proposition de prise en charge intégrative, où l’EMDR trouve


une place pertinente.

Psychopathologie des maladies cardiovasculaires

Le champ de la santé représente un contexte spécifique de prise en


charge psychopathologique (Tarquinio & Tarquinio, 2015). La maladie
confronte le patient à des bouleversements de l’état de santé tels
qu’ils peuvent donner lieu à des changements profonds des valeurs sur
lesquelles reposait sa vie jusque-là et le conduisent à mobiliser des
ressources psychiques nouvelles (Fischer & Tarquinio, 2014). Ainsi, les

603
Aide-mémoire EMDR

patients qui éprouvent le besoin d’un suivi psychothérapeutique le font


en raison de l’apparition de la maladie et de ses conséquences.
Les maladies cardiovasculaires (ou MCV) représentent également une
expérience traumatique importante et spécifique. C’est à la fois un
traumatisme inaugural massif et aigu, délimité dans le temps qui
confronte le patient à une expérience de douleur physique aussi
intense qu’inattendue, à la peur et à l’impuissance face à la possibilité
d’une mort imminente, mais une fois l’état physique stabilisé ce sont
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également des microtraumatismes qui se succèdent et s’accumulent avec
la répétition toujours possible d’autres accidents cardiaques, voire de
45. Maladies cardiovasculaires et EMDR

nouveaux traumatismes avec d’autres épisodes cardiaques massifs. Les


traumatismes sont aussi le fait de l’évolution de l’état du patient et des
conséquences physiques. Le patient prend conscience lors de la survenue
de l’accident cardiaque des séquelles physiques et de leurs conséquences
sur sa vie au quotidien, des risques encourus. Il est également informé
des étapes de son parcours de soin, avec d’éventuelles interventions
chirurgicales, des séjours de réadaptation cardiaque, des modifications
de ses habitudes de vie qui ne sont pas sans conséquences sur l’ensemble
de la vie du patient à savoir sa famille et son travail. Entre 10 % et 15 %
de TSPT complets ou partiels en post-infarctus du myocarde (Spindler et
Petersen, 2005) ont été observés même si Tedstone et Tarrier (2003) ont
relevé selon les études une prévalence plus hétérogène, pouvant osciller
entre 0 % et 16 %. C’est également le cas en post-chirurgie cardiaque où
la prévalence du TSPT peut varier entre 11 % et 18 % (Wiedemar et al.,
2007). Il est intéressant de constater qu’il n’existe pas, contrairement à
ce que l’on pourrait penser, de lien entre les caractéristiques médicales
des MCV et la présence d’un TSPT. Ainsi, la perte de conscience et la
réanimation cardio-respiratoire au moment d’un infarctus du myocarde
par exemple, la sévérité objective de l’accident cardiaque ou la durée de
l’hospitalisation, ne semblent en rien prédire le développement du TSPT,
ceci quelle que soit la nature des MCV. Les déterminants d’une réaction
psychotraumatique consécutive à une MCV tiennent à vrai dire au vécu
du patient pendant la phase aiguë de l’accident cardiaque (Wiedemar
et al., 2007). En effet, les affects psychotraumatiques dans le cas des
MCV sont très souvent associés à la peur de mourir (notamment pendant
l’accident cardiaque), aux douleurs physiques toujours importantes et
impressionnantes, ainsi qu’au sentiment d’impuissance et à l’impression

604
Aide-mémoire EMDR

de ne pouvoir faire appel à aucun secours, ni aucune aide. De façon


assez classique sur le plan clinique, il existe un lien entre la présence
d’un état de stress aigu (ESA) juste après la survenue d’une MCV et
le développement d’un ESPT (Ginzburg et al., 2003). Ainsi, dans de
tels contextes, les personnes qui présentent un ESA ont trois fois
plus de chances de développer un TSPT sept mois plus tard (Ginzburg
et al., 2003). Il semble également que les symptômes d’évitement,
de reviviscence, d’hyperactivation neurovégétative et de dissociation
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présents dans la première semaine après une MCV soient prédictifs de
l’apparition et de la sévérité du TSPT.

45. Maladies cardiovasculaires et EMDR


Mais les réponses des patients confrontés à la survenue et à l’installation
des MCV peuvent prendre des formes moins spécifiques comme le montre
la revue de la littérature de Goodwin et al. (2009). Ces auteurs ont mis
en évidence un lien direct et constant entre certains troubles anxieux,
comme les attaques de panique, les troubles d’anxiété généralisée ou
les phobies simples et les MCV.
Bien que la prise en charge en EMDR puisse être utile pour les
patients concernés par toutes les MCV1 , nous avons fait le choix

1. Au regard de la littérature, la mise en place d’une prise en charge psychothéra-


peutique se justifie dès le début de la survenue des MCV. Comme c’est le cas pour
les victimes « classiques », il convient d’envisager l’intervention au plus tôt et au
plus près de l’accident cardiaque afin de réduire voire d’éviter l’installation d’une
réponse psychotraumatique réactionnelle trop massive. Rappelons, qu’une fois la crise
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ou l’incident inaugural passé, il ne faut pas que les patients et leur entourage se
satisfassent de l’évident soulagement d’être encore en vie. Il faut être conscient
que l’accident cardiaque reste fondamentalement le signe d’une vulnérabilité d’abord
physique et par effet induit, psychologique. Il est évident que l’usage de l’EMDR, du
fait de sa pertinence dans la prise en charge des troubles réactionnels se justifie dans
bon nombre de situations cardiovasculaires. À cet égard, cet ouvrage propose une
vaste palette d’outils et de concepts qui pourront aider le praticien dans ce contexte
si particulier des MCV. Si comme nous l’avons évoqué, la prise en charge des malades
cardiaques doit toujours s’envisager au plus près des événements, il n’est pas en
revanche forcément nécessaire de s’atteler prioritairement à un travail sur le passé des
malades, sauf si celui-ci s’impose (chaque psychothérapeute en fonction du cas qu’il a
à traiter et de son expérience sera à même de juger). Aussi, il s’agira le plus souvent
d’un travail sur la confrontation inaugurale à la maladie, qui devrait être suivi d’une
projection dans le futur, qui souvent raisonne comme une nouvelle vie pour le malade
obligé de trouver les ajustements nécessaires, y compris identitaires, pour poursuivre

605
Aide-mémoire EMDR

d’illustrer dans ce chapitre une application possible de l’EMDR dans


la prise en charge d’infarctus du myocarde. Le patient après un
infarctus peut venir consulter car souffrant de troubles anxieux ou
dépressifs, pour autant il n’est pas forcément prioritaire de s’atteler
au travail sur le passé du patient, et de commencer par la prise
en charge dans le plan de ciblage du souvenir source qui pourrait
remonter à l’enfance, mais de traiter le souvenir proche de l’incident
lui–même. Dans ce cas particulier c’est la problématique de santé qui
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conduit le patient à consulter. Et dans ce cas spécifique des MCV, la
diminution des symptômes, dont nous avons évoqué les conséquences
45. Maladies cardiovasculaires et EMDR

délétères sur la récupération et la potentialisation de l’état de santé


du patient devient prioritaire. Autrement dit le thérapeute est amené
à revoir la temporalité des plans de traitement des problématiques
en mettant l’accent sur la prise en charge de l’événement récent et
des problématiques futures qui apparaissent dans le parcours de suivi
médical et d’adaptation du patient ; le malade étant dans l’obligation de
trouver les ajustements nécessaires, dont identitaires pour avancer. Le
travail psychothérapeutique passe par l’intégration pour le patient d’une
nouvelle identité, celle de malade. Non pas malade occasionnel, mais
chronique ou en sursis, ce qui le contraint à faire un véritable deuil,
celui de l’être qu’il ne sera plus. Ces renoncements, ces adaptations et

son chemin. Le travail psychothérapeutique revêt ici une dimension particulière, qui
passe par l’intégration d’une nouvelle identité, celle de malade, qui souvent raisonne
comme un deuil. Le deuil de celui qu’il ne sera plus et qu’il ne pourra plus être du
fait de la maladie. Certes, selon les situations, ces renoncements peuvent être plus ou
moins conséquents. Pour autant, ils sont nécessaires, pour que le malade accepte sans
restriction l’entrée dans ce nouveau rôle, dans cette nouvelle identité, qui peut par
exemple l’obliger à suivre un traitement, de respecter une meilleure hygiène de vie,
voire de ne plus pouvoir avoir les activités professionnelles et personnelles qui étaient
les siennes jusqu’alors. Sans doute que la spécificité des MCV comme de nombreuses
autres maladies chroniques se situe sur cette capacité à rebondir. Il ne s’agit pas
seulement, comme on l’entend souvent dans le champ de la victimologie, de réduire
les symptômes du TSPT et dépasser l’événement traumatique qui objectivement est
derrière soi. Dans le cas des MCV, la pathologie est comme une épée de Damoclès avec
laquelle il va falloir apprendre à vivre. Difficile alors de se projeter dans la vie lorsque
à chaque instant tout peut s’arrêter, sans prévenir et que l’on peut mourir. Certes,
c’est là une situation qui nous concerne tous, mais la différence avec les patients
concernés par les MCV, c’est qu’ils en ont en fait l’expérience et qu’ils ont vu la mort
de près.

606
Aide-mémoire EMDR

intégrations nouvelles même minimes ont une importance considérable


dans la potentialisation du suivi de son traitement, son observance au
long cours.

Proposition dans le cas d’une prise en charge précoce


d’un infarctus du myocarde
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! Problématiques et plan de ciblage

45. Maladies cardiovasculaires et EMDR


L’EMDR repose sur le modèle TAI et sur un ensemble de protocoles
structurés de prise en charge. L’idée fondatrice est d’aller rechercher au
plus loin dans l’histoire du patient l’événement traumatique source de sa
problématique actuelle. Or la spécificité de la maladie est ici essentielle
à considérer.
Le patient après un infarctus peut venir consulter car souffrant de
troubles anxieux ou dépressifs pour autant il n’est pas forcément
prioritaire de s’atteler au travail sur le passé du patient, et de commencer
par la prise en charge dans le plan de ciblage du souvenir source qui
pourrait remonter à l’enfance, mais de traiter le souvenir proche de
l’incident lui –même. Dans ce cas spécifique des MCV la diminution des
symptômes dont nous avons évoqué les conséquences délétères sur la
récupération et la potentialisation de l’état de santé du patient devient
prioritaire. Autrement dit le thérapeute est amené à revoir la temporalité
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des plans de traitement des problématiques en mettant l’accent sur la


prise en charge de l’événement récent et des problématiques futures qui
apparaissent dans le parcours de suivi médical et d’adaptation du patient,
le malade étant dans l’obligation de trouver les ajustements nécessaires,
dont identitaires pour avancer. Le travail psychothérapeutique passe par
l’intégration pour le patient d’une nouvelle identité, celle de malade.
Non pas malade occasionnel, mais chronique ou en sursis, ce qui le
contraint à faire un véritable deuil, celui de l’être qu’il ne sera plus. Ces
renoncements, ces adaptations et intégrations nouvelles même minimes
ont une importance considérable dans la potentialisation du suivi de
son traitement, son observance au long cours (déjà dit plus haut dans
le texte).

607
Aide-mémoire EMDR

Notons que la plupart du temps, surtout en France, les malades


cardiaques sont engagés dans des protocoles d’éducation thérapeutique à
l’intérieur desquels il conviendra de situer et de positionner l’intervention
du psychothérapeute. Pour ce faire, il n’est pas inutile avec l’accord
du malade de prendre contact avec les services médicaux en charge de
cette procédure éducative.

Vignette clinique
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Monsieur A. a 48 ans et c’est à une période plutôt calme de sa vie que ce
dernier a fait son infarctus. En 2013, à 1 heure du matin il a ressenti une
45. Maladies cardiovasculaires et EMDR

douleur fulgurante dans la poitrine. Sa fille de 18 ans lui a sauvé la vie en


lui donnant de l’aspirine, alors que sa femme appelait le SAMU qui est arrivé
dans la foulée. Il a été transporté dans le service des urgences de l’hôpital
le plus proche de son domicile. Il a été hospitalisé 3 jours et on lui a posé
deux stents. Il consulte au cabinet un mois après l’épisode sur les conseils
de son médecin généraliste et sur l’insistance de son épouse. Il se plaint de
troubles du sommeil, d’agressivité, d’angoisse, d’attaques de panique. Il se sent
dépressif avec des souvenirs intrusifs de l’infarctus. Il a le sentiment d’avoir
frôlé la mort et cette idée le remplit d’effroi. Son père a lui aussi été victime de
plusieurs infarctus, dont le dernier qui fut fatal.

Le travail d’anamnèse du patient nous a permis de dégager plusieurs


problématiques :
1. TSPT lié à l’événement inaugural ;
2. Problématiques spécifiques liées aux MCV : angoisses de récidives,
changement de la perspective existentielle (estime de soi, confiance
en soi) ;
3. Problématique plus familiale :
• culpabilité du patient vis-à-vis de son épouse et de sa fille ;
• impact traumatique de l’événement sur l’épouse et la fille dont les
symptômes sont des déclencheurs pour le patient.

Nous avons élaboré un plan de traitement de ces problématiques en


tenant compte à la fois de la spécificité des conséquences sur le
plan physiques et psychiques des MCV, de l’intégration nécessaire
de l’intervention psychothérapeutique dans le parcours médical, de
l’étiologie des troubles (ce patient n’ayant pas présenté d’autres

608
Aide-mémoire EMDR

incidents cardiaques) enfin également de la demande pressante du


patient de voir s’atténuer ses symptômes anxieux.
La prise en charge pourrait ainsi s’envisager sur la base de 6 étapes :
1. application de techniques de régulation des émotions (équilibration
du système nerveux sympathique) ;
2. traitement de la problématique du TSPT avec un protocole événement
récent1 ;
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3. application de la technique du flashforward de Logie et De Jongh
(2014) et scénario du futur ;

45. Maladies cardiovasculaires et EMDR


4. traitement des cibles du passé ;
5. auto-application.
6. parallèlement prise en charge du trauma sur son aspect familial avec
traitement des TSPT chez mère et fille et intégration de l’événement
dans la dynamique familiale.

! Étape 1 : applications de techniques de régulation des


émotions (équilibration du système nerveux sympathique)

Il s’agira de faire un choix parmi les techniques de régulation des


émotions que le psychothérapeute connait et maitrise le mieux. De ce
point de vue chacun sera libre. Cependant, pour leur spécificité il nous
semble que les techniques de cohérence cardiaque sont particulièrement
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indiquées car c’est justement le cœur et le rapport à cet organe qui a


fait défaut qui est central dans ces approches et qui en outre ont montré
toute leur pertinence. C’est donc l’occasion de proposer au malade de
reprendre contact avec son cœur avec lequel il a perdu le « contrôle » et
de ne pas rester dans une posture phobique, mais au contraire d’entrevoir
avec lui une sorte de réconciliation. C’est là une étape essentielle, où
il peut à nouveau prendre conscience que quelque chose de positif

1. Les protocoles d’urgence concernent les événements arrivés dans les dernières
heures, alors que les protocoles dits d’événements récents concernent des événements
ayant eu lieu depuis deux jours jusqu’à trois mois. Dans le second cas, les événements
traités ont fait l’objet d’une consolidation et d’une intégration en mémoire qui est
partielle.

609
Aide-mémoire EMDR

se passe dans sa poitrine. Bien que cela ne soit pas l’objectif de ces
techniques, elles s’avèrent ici éminemment thérapeutiques.

! Étape 2 : traitement des cibles du présent


avec un protocole d’événement récent

Le traitement des cibles du présent dans le cas d’un infarctus du


myocarde relève en fait d’événements potentiellement traumatiques
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auxquels a été confronté le malade dans une période inférieure ou égale
à trois mois. Au-delà de trois mois, nous préconisons de faire appel
45. Maladies cardiovasculaires et EMDR

au protocole standard comme cela est enseigné dans les formations


de niveau 1 & 2. Aussi, nous avons fait le choix du protocole pour
événement récent (REP) de Francine Shapiro (1995, 2001) qui est une
adaptation du protocole standard.
Le tableau ci-dessous reprend des exemples de cibles traitées dans un
cas présenté par Tarquinio & Tarquinio (2015) avec l’application du
protocole des événements récents.

Toutes les cibles ont été traitées en respectant la méthodologie du protocole


REP. Nous avons résumé dans le tableau 45.1, l’ensemble des éléments significatifs
du traitement, notamment les cibles, les images, les cognitions, les VOC, les SUD et
les émotions relatives à la prise en charge, en débutant par l’aspect le plus important,
pour ensuite traiter quatre cibles de manière chronologique.

610
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Tableau 45.1. Exemple de cibles pouvant être traitées avec le protocole REP de Shapiro (1995, 2001)

3. Aspect le plus 4. Traitement 4. Traitement 4. Traitement 5.Visualisation de tout 6. Visualisation de 7. Scanner corporel
perturbant chronologique chronologique chronologique : Cible le déroulement les tout le déroulement
Cible 1, dans les bras Cible 2, la douleur Cible 3, l’arrivée du 4, l’annonce du yeux fermés. les yeux ouverts.
de sa fille, ou j’ai cru dans la poitrine SAMU médecin à l’hôpital
mourir
Image : moi couché Image : Mes jambes Image : Le visage très Image : Quand le CN : Impuissance CP : Je reprends ma Lieu de la sensation :
par terre avec la tête qui s’effondrent et la inquiet du médecin médecin de l’hôpital CP : Je reprends le vie en main ∅
sur les genoux de ma douleur dans la du SAMU me dit que j’ai failli y

611
contrôle
fille poitrine CN : Je suis en rester
VOC : 6
CN : Je suis en CN : Je suis en danger CN : Je suis en
Émotion : Peur
danger danger CP : Je suis en danger
SUD : 1
CP : Je suis en CP : Je suis en sécurité CP : Je suis en
sécurité sécurité VOC : 1 sécurité
VOC : 1 VOC : 1 Émotion : Peur VOC : 1
Émotion : Peur Émotion : Peur SUD : 10 Émotion : Peur
SUD : 10 SUD : 10 SUD : 10
Aide-mémoire EMDR

45. Maladies cardiovasculaires et EMDR

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Aide-mémoire EMDR

Quatre cibles spécifiques ont ainsi été traitées avec le protocole REP.
Installation de la Cognition Positive pour l’événement entier : je peux
gérer ma nouvelle vie
Voc 7
Bon scanner corporel
Trois séances d’une heure ont été nécessaires pour finaliser l’ensemble
du traitement.
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! Étape 3 : application de la technique du flashforward
45. Maladies cardiovasculaires et EMDR

de Logie et De Jongh (2014) et scénario du futur

Flashforward
Lorsque toutes les cibles du passé ont été traitées avec le protocole
standard il peut rester des peurs irrationnelles chez le patient, il est alors
intéressant d’appliquer la procédure du flashforward (Logie et de Jongh,
2014). On peut définir le flashforward comme une sorte de représentation
mentale d’un événement négatif futur redouté et improbable. Précisons
que la procédure du flashforward n’est pas réductible à un scénario du
futur, en ceci qu’elle est plus centrée sur le niveau de perturbation que
provoque chez le patient un scénario catastrophe, alors que le scénario
du futur a pour finalité d’installer dans le futur un comportement ou
une cognition adaptée à un futur envisagé en des termes positifs. En
outre, le scénario du futur se met en œuvre une fois toutes les cibles
traitées. L’état anxieux du patient ayant totalement disparu, on peut
avec lui envisager un futur serein et positif.
La procédure du flashforward peut donc être utilisée lorsque les peurs et
les angoisses anticipatrices sont encore présentes, que toutes les cibles
du passé ont été traitées, qu’il n’est plus possible pour le clinicien d’en
identifier d’autres et qu’on observe la mise en échec du scénario du
futur qui peut devenir caduc et peu consistant une fois installé. Ainsi,
si la perspective d’un futur sécure et serein dans la problématique du
sujet s’étiole, le praticien pourra avantageusement utiliser la procédure
du flashforward, puis dans un second temps ré-installer à nouveau un
scénario du futur.

612
Aide-mémoire EMDR

La procédure du flashforward appliquée au cas de monsieur A.


Le psychothérapeute : « Quand vous pensez à ce qui est arrivé, quelle serait la pire
des choses qui pourrait selon vous arriver, le pire des cas possibles maintenant pour
vous ? Essayez de l’imaginer dans votre tête et d’observer ce qui se passe alors en
vous ? »
Le patient : « Que cela m’arrive encore... que je refasse un infarctus... que mon cœur
me lâche, encore une fois et que j’agonise seul, des heures durant, sans personne
pour m’aider. »
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Le psychothérapeute : « Qu’est-ce qui est le pire dans cette situation.... qu’est-ce
qui pourrait vous arriver de pire alors ? »

45. Maladies cardiovasculaires et EMDR


Le patient : « De mourir »
Le psychothérapeute : « Quand vous pensez à cela quelle est l’image qui vous
vient ? »
Le patient : « Je m’effondre, je suis foudroyé»
Le psychothérapeute : « Regardez cette image de vous foudroyé, immobile et
pensez... je suis impuissant1 , ....Sur une échelle de 0 à 10 quel est le niveau de
perturbation ? »
Le patient : « 10 »
Poursuivre en appliquant les phases 4 à 7 (SUD=0, VOC = 7, bon scanner corporel)
Le psychothérapeute : « Y a-t-il autre chose qui vous hante. Autre chose qui pourrait,
qui selon vous pourrait être la pire des choses qui pourrait selon vous arriver, le pire
des cas possibles maintenant pour vous ? Essayez de l’imaginer dans votre tête et
d’observer ce qui se passe alors en vous ? »
Le patient : « Faire l’amour avec ma femme et que ça déclenche quelque chose au
niveau cardiaque. »
Le psychothérapeute : « Dites ce qui est le pire dans cette situation... qu’est-ce qui
pourrait vous arriver de pire alors ? »
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Le patient : « D’avoir mal et de mourir en elle... »


Le psychothérapeute : « Quand vous pensez à cela quelle est l’image qui vous
vient ? »
Le patient : « Son regard pendant que je meurs. » ☞

1. A. de Jongh (in Logie & De Jongh, 2014) préconise dans tous les cas le choix
de la cognition négative « je suis impuissant » (et donc « j’ai le contrôle » en
cognition positive) dans toute procédure de flashforward. Selon nous, un tel choix
est judicieux dans le cas des traitements des phobies qui est, rappelons-le à l’origine
du flashforward. Nous ne sommes pas convaincus de son adéquation à toutes les
situations. Il reviendra au praticien de choisir ce qui lui semble le plus adapté !

613
Aide-mémoire EMDR

☞ Le psychothérapeute : « Regardez cette image, du regard de votre femme. Sur une


échelle de 0 à 10 quel est le niveau de perturbation ? »
Le patient : « 10 »
Poursuivre en appliquant les phases 4 à 7 (SUD=0, VOC = 7, bon scanner corporel)

Scénario du futur

Après le traitement de toutes les cibles, nous avons procédé à la mise


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en place de scénarii du futur à partir de l’ensemble des déclencheurs
identifiés. Nous avons pu avec le patient stabiliser sa projection dans
45. Maladies cardiovasculaires et EMDR

le futur du suivi de son traitement, de sa reprise du travail, de sa vie


sexuelle.

! Étape 4 : traitement des cibles du passé


Comme nous l’avons évoqué, Monsieur A. a par le passé déjà été confronté
à la problématique de l’infarctus, non pas personnellement, mais via son
père qui d’ailleurs en est mort. C’est là un point assez important qu’il
convient de ne pas négliger car les malades sont très souvent inscrits
dans une histoire sociale ou familiale de la maladie. Il est parfois
suffisant de procéder par questionnement direct, même si les méthodes
classiques de l’EMDR restent, en fonction de la situation clinique des
patients, mobilisables.

! Étape 5 : auto-application
Afin de mettre à disposition des malades un certain nombre d’outils
supplémentaires susceptibles de les accompagner en cas d’alerte
anxieuse, nous proposons deux approches : l’étreinte du papillon de
Lucina Artigas (2000) et le protocole auto-booster ses performances
(Tarquinio & Tarquinio, 2015).

! Étape 6 : prise en charge familiale


Le traitement des symptômes TSPT présents chez l’épouse et la fille
de Monsieur A. avec le protocole des événements récents a permis la
reprise d’un fonctionnement familial bloqué depuis l’accident cardiaque.

614
Aide-mémoire EMDR

Ceci a permis de travailler sur la culpabilité ressentie par l’épouse et


la fille. Pour la mère cela concernait le fait de ne pas être sur place au
moment des faits et pour la fille de n’avoir rien fait. Cette problématique
a permis de déboucher sur des actions à mener dans le présent en
étant plus actives et engagées et plus responsable en ce qui concerne
l’accompagnement et la présence après de Monsieur A.
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Les patients touchés par les MCV se retrouvent souvent démunis face à ce
que leur impose la maladie sur le plan psychique et psychologique. Bien que

45. Maladies cardiovasculaires et EMDR


nous ayons fait le choix de l’infarctus du myocarde dans ce chapitre, les apports
proposés pourront sans aucune difficulté s’ajuster à toutes les problématiques
cardio-vasculaires (hypertension artérielle, angor, insuffisance cardiaque...).
Ce chapitre nous permet d’illustrer l’intérêt de l’EMDR dans la prise en charge des
MCV grâce à la fois à sa souplesse d’utilisation, puisqu’il est possible de prendre
en charge à la fois l’urgence spécifique de l’incident cardiaque, ainsi que le patient
dans toutes les phases de sa maladie et de son parcours médical.
Quoi qu’il en soit, ici encore la psychothérapie EMDR trouvera toute sa pertinence
dès lors qu’elle saura s’adapter au contexte et à la spécificité de la maladie, ainsi
qu’à la réalité du malade. C’est au fond cette souplesse qu’imposent à chaque
psychothérapeute les maladies chroniques de manière générale et les MCV de
façon plus spécifique.

Bibliographie
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

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Aide-mémoire EMDR

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616
Aide-mémoire EMDR

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46. Cancer et thérapie EMDR : contribution !
CANCER ET THÉRAPIE EMDR :
CONTRIBUTION !

Cyril Tarquinio, Pascale Tarquinio,


Eva Zimmerman, Laura Vismara

Introduction
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Le cancer est une maladie imprévisible et de laquelle il est difficile de


vraiment se protéger. Selon l’OMS, un décès sur 6 à l’échelle mondiale
lui est imputé soit 8,8 millions de personnes en 2015. Selon l’Institut
de Veille Sanitaire, le cancer est en France la première cause de décès.
En 2015, les cancers repérés comme les plus meurtriers pour les hommes
étaient selon l’ordre de fréquence, les cancers du poumon, du foie,
de l’estomac, colorectal et de la prostate. Pour les femmes il s’agit
des cancers du sein, du poumon, colorectal, du col de l’utérus et de
l’estomac. Si de nombreuses recherches tentent d’éclairer sur les causes,
d’autres œuvrent pour tenter de trouver des solutions préventives ou
curatives ou palliatives. Différents Plans Cancer ont été lancés depuis
2003 en France en vue de personnaliser la prise en charge des patients

617
Aide-mémoire EMDR

et d’améliorer leur qualité de vie. La psychothérapie a un rôle majeur à


jouer dans ce domaine, dans ce que l’on a coutume d’appeler les soins
de support. C’est dans ce contexte qu’il est intéressant d’interroger les
possibilités que peut offrir la prise en charge en EMDR.

Dimensions psychopathologiques du cancer


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46. Cancer et thérapie EMDR : contribution !

Nous avons fait le choix de ne traiter que les aspects les plus
importants de cette détresse psychique, consécutive à la survenue de la
pathologie cancéreuse. Pour ce faire, nous envisagerons la question de
la dépression et des troubles anxieux. Nous n’avons pas souhaité traiter
la question du trouble de stress posttraumatique qui ne nous semble
pas suffisamment heuristique dans le champ de la psychopathologie du
cancer1 . En revanche, il conviendra pour nous de proposer une lecture
psychopathologique des conséquences du cancer, susceptibles de prendre
en compte la spécificité de cette maladie dans la confrontation brutale
à la question du mourir qu’elle impose aux malades, ainsi qu’à leurs
proches.

! Dépression, symptômes dépressifs et cancer


Dans une vaste méta-analyse parut dans The Lancet Oncology, Mitchell et
al. (2011) ont montré que les troubles dépressifs étaient particulièrement
importants chez les malades du cancer. Même si les chiffres avancés
restent hétérogènes allant de 9 % à 14 % d’épisodes dépressifs majeurs
en phase curative (Mitchell et al., 2011), voire jusqu’à 38 % dans
certaines études (Roy-Byrne et al., 2008). On estime que la prévalence
du trouble (Valente et Saunders, 1997) se situe dans une fourchette
comprise entre 20 % et 25 %, ce qui reste somme toute, très important
surtout lorsque l’on sait que pour la population générale cette prévalence
varie entre 5 % et 15 %.

1. Bien entendu si l’on propose à des malades de remplir des échelles de mesure
du Trouble de Stress Posttraumatique il sera possible de trouver des résultats. Mais
ces résultats rendent-ils compte ou permettent-ils de vraiment rendre compte de la
complexité du processus psychotraumatique mobilisé ? Nous ne le pensons pas et nous
considérons que la problématique du TSPT est même inopérante dans ce domaine.

618
Aide-mémoire EMDR

! Troubles anxieux et cancer


Au regard de l’hétérogénéité des prévalences, il s’avère que comme
pour la dépression, l’évaluation des troubles anxieux semble, dans le
domaine du cancer particulièrement délicate. Les troubles anxieux non
spécifiés1 (au sens du DSMV) présentent des prévalences qui varient
entre 20 % et 25 % (Roy-Byrne, 2008). Il s’agit des troubles anxieux, les
plus présents chez les malades du cancer. Quant aux phobies spécifiques,
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elles concernent entre 12 % et 14 % de la population, contre 9 % pour

46. Cancer et thérapie EMDR : contribution !


le trouble panique et 2 % pour la phobie sociale. Le trouble d’anxiété
généralisée (TAG) plus difficile à circonscrire, semble quant à lui varier
selon les études entre 1 % et 13 %.
L’anxiété n’est pas la peur ! Celle-ci se définit plutôt par une sensation
de tension interne avec appréhension d’un danger mal défini. Certains
malades vont douter par exemple, de l’efficacité d’un traitement et entrer
dans un questionnement permanent auprès des soignants. Le rapport aux
traitements et à la maladie en général s’en trouve alors altéré. Sentiment
de perte de contrôle, de perception de la maladie comme grave et
sans issue (alors que les données médicales sont encourageantes),
doutes permanents, ruminations, sont autant d’éléments susceptibles
de concerner les malades. L’une des répercussions majeures de ces
manifestations anxieuses reste à cet égard, les troubles du sommeil
(perturbation de l’endormissement et des réveils au cours de la nuit,
souvent ponctués de nombreux cauchemars), car l’anxiété est le plus
souvent manifeste le soir et/ou tôt le matin.
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Schématiquement, c’est l’angoisse de mort qui domine en cancérolo-


gie. Dans le suivi des patients métastasés par exemple, les angoisses de
mort se différencient de la peur de mourir par le fait que les angoisses
sont inconscientes et associées à une anxiété, alors que la peur de
mourir est une réaction face à une menace de mort imminente2 .

1. Le diagnostic trouble anxieux non spécifié est utilisé pour des troubles avec anxiété
ou évitement phobique prononcés qui ne remplissent les critères d’aucun des troubles
anxieux spécifiques (ou pour lesquels l’information est insuffisante pour poser un
diagnostic plus précis)
2. La douleur physique et l’isolement sont des facteurs de renforcement de l’angoisse
de mort.

619
Aide-mémoire EMDR

! Spécificité psychopathologique dans le domaine du cancer


Fischer (2014), propose à cet égard d’élargir le spectre des conséquences
des événements traumatiques qui, dans une maladie comme le cancer,
prennent une texture très différente. L’auteur préfère parler de situations
extrêmes (plutôt que d’événement potentiellement traumatisant), afin
de mieux rendre compte de la complexité des phénomènes en jeu,
qui ne limitent pas leurs conséquences au seul TSPT. Ces situations
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extrêmes désignent selon lui, un ensemble d’événements qui plongent
46. Cancer et thérapie EMDR : contribution !

des personnes ordinaires dans des conditions radicalement différentes de


celles de leur vie habituelle. Dans tous les cas, ce sont des événements
qui bouleversent la vie et menacent directement leur existence. C’est
dans ce sens que Bettelheim a utilisé le terme de situation extrême pour
désigner l’expérience des prisonniers dans les camps nazis.

« Nous nous trouvons dans une situation extrême quand nous sommes
soudain catapultés dans un ensemble de conditions de vie où nos valeurs et
nos mécanismes d’adaptation anciens ne fonctionnent plus et que certains
d’entre eux mettent en danger la vie qu’ils étaient censés protéger. Nous
sommes alors pour ainsi dire dépouillés de tout notre système défensif et
nous touchons le fond ; nous devons nous forger un ensemble d’attitudes,
de valeurs et de façons de vivre selon ce qu’exige la nouvelle situation »
(Bettelheim, 1979).

Plusieurs aspects caractérisent ces situations. Tout d’abord, il s’agit la


plupart du temps d’événements qui surviennent de manière brutale et
soudaine, marquant ainsi une rupture radicale avec toute forme de vie
antérieure. Ces situations, comme c’est le cas avec le cancer, imposent
des changements tels que les individus ne disposent plus des ressources
habituelles (matérielles, psychologiques, sociales, symboliques). Autre-
ment dit, ils ne sont pas préparés à affronter de tels bouleversements. En
effet, les apprentissages antérieurs, les acquis de l’expérience sont pour
la plupart défaillants, car la vie ordinaire nous apprend seulement à
faire face à ce qui est routinier et prévisible. Elle ne nous prépare
pas à l’imprévisible. Concernant la nature des bouleversements en jeu,
ce ne sont pas seulement les conditions matérielles habituelles qui
posent problème, c’est aussi notre manière de percevoir les événements
et notre propre vie qui s’effondrent. Dans la perspective adoptée
ici, ces différentes formes de bouleversements se cristallisent autour

620
Aide-mémoire EMDR

d’un élément central et invariant, à savoir qu’il met directement la


vie en danger. Nous sommes face à l’extrême lorsqu’un événement
comporte, d’une manière ou d’une autre, un risque réel de mort et
pas seulement une situation vécue comme menaçante pour la vie. Ainsi
qu’il s’agisse de maladie, de catastrophe, de guerre, d’agression, toutes
ces situations sont considérées comme extrêmes à partir du moment où
elles comportent un tel risque vital.
Dans le contexte de l’extrême, les mécanismes de déstructuration de
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46. Cancer et thérapie EMDR : contribution !
l’identité représentent en fait le révélateur d’un enjeu plus fondamental :
celui de la mise en morceaux des valeurs qui fondent la vie de
chacun. L’extrême constitue donc une expérience très singulière où
l’éclatement du système des valeurs représente en même temps un
enjeu de survie. En effet, l’expérience de l’extrême est une expérience
de survie qui pose la question de l’adaptation en des termes inédits : le
fait de vivre se définit ici comme une lutte contre la mort, c’est-à-dire
fondamentalement une épreuve de résistance à des forces de destruction ;
or dans un tel contexte, les moyens habituels à la disposition de l’individu
sont défaillants ; donc pour s’en sortir il doit mobiliser des ressources
nouvelles ! En réalité, l’extrême se trouve être un creuset de l’expérience
humaine où se forge une faculté inédite de l’adaptation. De fait, c’est
précisément là que l’être humain découvre en lui des ressources dont
personne ne peut soupçonner ni la puissance, ni même l’existence.
Le fait de lutter pour survivre est à un titre ou à un autre relié à
une raison de vivre. Mais il n’existe pas de raison de vivre toute faite
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

venant de l’extérieur. Les raisons de vivre viennent d’un travail psychique


par lequel les individus sont arrivés à identifier ce qui est vital pour
eux. La situation extrême amène le sujet à discerner ce qui peut être
vital dans cette situation et qui peut valoir le coup de se battre. Et le
fait de répondre à cela va faire que les ressources nécessaires seront
mobilisées pour résister. L’énergie nécessaire pour défendre ce qui est
vital sera développée. L’adaptation prend ici un relief crucial et doit être
envisagée comme un mécanisme de survie et non plus comme un simple
ajustement. Cet enjeu souvent vital confère à l’adaptation un contenu
spécifique : la mobilisation de ressources psychiques qui n’ont aucune
commune mesure avec les formes de l’adaptation dans la vie ordinaire et
qui se révèlent comme l’expression d’un « ressort invisible ». Cela désigne
à la fois les aspects multiformes de la plasticité humaine et ces ressources

621
Aide-mémoire EMDR

insoupçonnées qui se révèlent dans ces situations où la vie est ou a été


menacée, comme une capacité humaine à transcender les contingences et
les déterminismes. Il faut donc saisir leur dynamique comme directement
liée à la nature des processus de survie qui comporte un double enjeu :
d’une part, une expression de ressources insoupçonnées en tant que
capacité humaine à résister à l’œuvre de destruction qu’impose la
situation extrême et, de l’autre, cette mobilisation même des ressources
correspond à un profond réaménagement psychique qui se traduit,
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comme on va le voir, par une transformation de soi et une autre manière
46. Cancer et thérapie EMDR : contribution !

de vivre.

Contribution de la psychothérapie EMDR


à la prise en charge des malades atteints par le cancer

La détresse des malades du cancer est associée à un certain nombre


de conséquences négatives, assez bien identifiées par les chercheurs
et les cliniciens. Il peut s’agir d’une moins bonne qualité de vie, d’une
plus grande sensibilité à la douleur et aux symptômes physiques, d’une
augmentation du risque de trouble anxieux et dépressif, du risque
suicidaire, d’une insatisfaction à l’égard des soins reçus et de la
relation patient-médecin. Il ne s’agit pas ici, comme dans les maladies
cardiovasculaires (ou MCV), d’envisager forcément l’intervention au
plus tôt et au plus près de la survenue de la maladie. D’ailleurs, bon
nombre de patients ne consultent que bien après les soins et les
interventions. Considérés en rémission par le corps médical, ces derniers
prennent alors toute la mesure de l’épreuve qu’ils ont affrontée. Si la
préoccupation était de faire face à la maladie, aux traitements et à leurs
conséquences, ils réalisent alors, qu’ils ont lutté pour survivre et que
cette épreuve les a changés. Parfois en bien parce qu’ils se sentent plus
forts, parfois en mal, parce qu’ils sentent qu’au fond d’eux quelque chose
s’est brisé et qu’ils sont particulièrement vulnérables. Avec le cancer,
une fois le choc de l’annonce passé, il faut sans plus attendre s’engager
dans pléthore d’examens, de traitements et autres interventions parfois
très intrusives. Certes, on ne risque pas sa peau à chaque instant comme
dans le cas des MCV, mais les atteintes corporelles et psychiques sont

622
Aide-mémoire EMDR

majeures, avec une pathologie qui raisonne souvent pour le malade et


ses proches comme une véritable sentence de mort.
L’EMDR peut dans un tel contexte trouver une place de choix, en œuvrant
non seulement dans la réduction des troubles réactionnels classiques
(troubles anxieux, dépression, TSPT...), mais également en contribuant
à une stabilisation des malades tout au long de leurs parcours de
soins. C’est un travail sur le présent et plus particulièrement encore
sur le quotidien du malade qu’il convient alors de mettre en place. Ce
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46. Cancer et thérapie EMDR : contribution !
qui caractérise la pathologie cancéreuse, c’est qu’elle impose chaque
jour au malade son lot de moments difficiles, de doutes et de craintes,
de microtraumatismes et de choix majeurs. L’annonce, les interventions
chirurgicales parfois invalidantes et destructrices, les chimiothérapies
et leurs cortèges d’effets secondaires (perte des cheveux, port d’une
perruque...) la solitude, les rechutes ou les récidives, les plus ou moins
bonnes nouvelles des médecins, la perte de son intégrité corporelle
(avec un corps présentant des cicatrices, une ablation d’un sein par
exemple, symbole de la féminité par excellence), la peur de mourir, les
inquiétudes qui pèsent sur ceux qui nous survivront (parents et enfants),
les soins palliatifs et la perspective d’une mort réelle à laquelle il
faut bien se résoudre, toutes ces épreuves pourront faire l’objet d’un
accompagnement, voire d’un retraitement de situations (à considérer
comme cibles) avec la psychothérapie EMDR.
Nous avons fait le choix de porter notre réflexion sur deux phases bien
connues dans une maladie comme le cancer que sont l’annonce et la
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rémission.

! Le choc de l’annonce
Pour un patient, l’annonce du cancer est un traumatisme majeur, une
rupture biographique à partir de laquelle ce dernier se trouve confronté à
la question de son avenir et de sa propre mort. L’incertitude diagnostique
fait alors place à une incertitude existentielle (Lehto et al., 2012). La
perte de sens de la vie, la peur, l’anxiété, la panique, le désespoir, la
solitude et l’impuissance sont autant de paramètres qui peuvent venir
bouleverser la situation psychologique de ces nouveaux malades déclarés
(Yang et al., 2010). Le traumatisme psychologique comprend, selon les
individus, des blessures narcissiques, des pertes et des deuils (de sa santé

623
Aide-mémoire EMDR

physique, de sa vie relationnelle, de sa carrière professionnelle, plus


globalement de son projet de vie) (Dolbeault et al., 2007). Dans le cadre
d’une prise en charge thérapeutique EMDR, l’annonce du diagnostic
peut représenter la première cible à retraiter selon le protocole des
traumas récents (Shapiro, 2018), surtout si l’on peut voir la personne
rapidement après l’annonce de la maladie. Il est donc important de
l’aider à atteindre un niveau de perturbation le plus bas possible en
traitant en premier lieu cette cible. Même lors de la phase de rémission,
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un plan de ciblage partant du début (non seulement l’annonce, mais
46. Cancer et thérapie EMDR : contribution !

également l’ensemble des éléments (perception dans le corps, grosseur,


sensation...) qui ont conduit le malade à consulter un médecin) de la
maladie peut être envisagé.
La plupart du temps, la perspective temporelle dans la prise en charge
de malades du cancer tout de suite après l’annonce consistera souvent
à se focaliser sur le présent. À vrai dire, c’est tout le suivi du malade
qui imposera le plus souvent au psychothérapeute de se centrer sur un
présent récurent, qui se renouvelle à chaque étape de la maladie et de
sa prise en charge. Le futur en tant que projet incertain, dans un tel
contexte, s’envisage en jours, au mieux en semaines. C’est la raison pour
laquelle l’idée de traitement du futur peut être délicate ou inadaptée à
un stade précoce de la maladie. Cependant, la question de la survie et du
« futur » peut être source de ruminations incessantes chez le malade.
L’annonce du cancer est en soi une épreuve et un choc qui mérite d’être
prise en charge pour ce qu’elle est. Aussi, il conviendra de ne pas perdre
de temps et d’envisager avec les patients un travail qui pourra d’une part
les stabiliser, pour ensuite retraiter l’annonce et ses conséquences sur le
plan psychique. Souvent le travail du psychologue dans un tel contexte
est de retraiter les événements au fur et à mesure qu’ils surviennent. Le
choc de l’annonce à peine digéré, il faut le plus souvent se préparer aux
examens parfois intrusifs, à l’intervention et à l’atteinte du corps, ainsi
qu’aux douleurs probables. Puis viendra le temps de la chimiothérapie
et/ou de la radiothérapie et de leurs cortèges de symptômes. Entre ces
épisodes aigus qui ponctuent alors la vie des malades, il faudra affronter
ce qu’impose la maladie en termes de bouleversements identitaires, de
changements de rôle, d’angoisses de perte et de mort. Le psychologue
devra le plus souvent, dans un tel contexte faire le deuil de toute
planification psychothérapeutique, c’est-à-dire, un plan de traitement

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Aide-mémoire EMDR

et un plan de ciblage selon le modèle TAI est difficile à planifier et


à maintenir. Il faudra identifier les cibles et les retraiter en fonction
de ce que la vie impose aux patients au fur et à mesure de l’évolution
de la maladie et de leur prise en charge médicale. De multiples cibles
EMDR potentielles se présentent au clinicien. C’est en cela que le
traitement est d’abord et avant tout un traitement orienté vers le
présent. C’est souvent dans un second temps, qu’il sera possible d’aller
plus loin pour se projeter dans la vie et le futur. Il sera alors possible
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d’aborder le passé et les problèmes non-résolus qui lui sont contingents.

46. Cancer et thérapie EMDR : contribution !


Selon Servan-Schreiber (2007) il est pertinent de retraiter comme des
cibles toutes les situations non-résolues du passé et permettre ainsi
aux malades retrouver (ou trouver) une certaine paix intérieure. Il est
difficile d’être dans la préconisation systématique, le mieux étant de
s’adapter le plus possible aux préoccupations du malade, ainsi qu’à son
état clinique. Ce sera au malade et au psychothérapeute d’identifier
ensemble, ce qui est prioritaire.
Donc lors de la phase d’annonce, il sera possible d’envisager de travailler
avec le patient sur l’installation de différents scénarii du futur. Bien
qu’il soit difficile de disposer de règles générales en la matière, il semble
que la perspective d’un scénario du futur au tout début de la maladie
ne soit pas toujours la priorité. Cependant, la capacité à se projeter
dans le temps « en vie » reste néanmoins une condition essentielle pour
trouver du sens dans le combat que les patients doivent livrer contre la
maladie. Donc le futur est une ressource de choix qu’il conviendra de
potentialiser au mieux en fonction de l’évolution du traitement. C’est là
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un point important dont il conviendra de tenir compte dans la prise en


charge de ce type de malade1 .

1. La question du futur et de son approche dans la pratique de l’EMDR avec des


malades du cancer reste essentielle. Il reviendra au thérapeute en accord avec le
patient et ses propres besoins de l’envisager plus ou moins tôt dans la prise en
charge. Des questions telles que « Vais-je survivre ou non ? Ma lutte servira-t-elle à
quelque chose ? » sont des interrogations majeures susceptibles de mobiliser ou non
les ressources adaptatives des malades selon les réponses qui seront apportées. Ainsi,
il est dans les faits difficiles de découper artificiellement les choses et il reviendra au
thérapeute d’envisager de la manière la plus adéquate et la plus efficience ce qui est
le mieux (cf. chapitre 9 sur les scénarios du futur).

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Aide-mémoire EMDR

! De la rémission à la peur de la récidive et EMDR :


éléments problématiques

Une des rares définitions de la peur de la récidive du cancer a été


proposée par Vickberg (2003) qui la définit comme « la peur ou
l’inquiétude que le cancer reviendra ou progressera dans le même
organe ou dans une autre partie du corps. » Tous les psychothérapeutes
connaissent parfaitement cette plainte récurrente chez les malades du
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cancer qui se voient à la fin de leur parcours de soin être considérés par
46. Cancer et thérapie EMDR : contribution !

la médecine en situation de rémission. Certes, la rémission signe la fin


des traitements et l’absence de traces de la maladie. Et si elle conduit
souvent chacun à prendre la mesure de l’épreuve qu’il vient de traverser,
cette phase rend paradoxalement l’avenir plus incertain. La peur de la
récidive semble toucher entre 49 % et 74 % des malades atteints par le
cancer (Baker et al., 2005). Cinq ans après la fin des traitements, 70 %
des survivants d’un cancer du sein manifestent encore des angoisses et
des peurs en lien avec l’idée d’une éventuelle récidive (Mast, 1998).
Les réactions des patients face au cancer varient en fonction des
représentations personnelles qu’ont les malades du cancer. Ainsi, en
accord avec Leventhal (Leventhal et al., 1992), la peur de la récidive
serait fonction de la représentation de la maladie. Tous les indices
externes (visites médicales de contrôle environnement, exposition aux
campagnes de presse et d’information sur la maladie...) et somatiques
pourraient être interprétés en conséquence et seraient autant d’indices
de rappel de la maladie, capables à eux seuls non seulement de faire
émerger l’idée du retour de la maladie, mais aussi d’augmenter l’anxiété
et les inquiétudes d’une éventuelle récidive (Northouse, 1981). Il est
important de noter que les patients deviennent, durant cette période,
particulièrement sensibles à la question des conséquences de la maladie
et de leur mort sur leur entourage (exemple : que deviendront mon
mari et mes enfants si je venais à disparaître ?). Toutes les pensées

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