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UNIVERSITE DE LUBUMBASHI
FACULTES DES LETTRES ET SCIENCES HUMAINES
Département de Philosophie
B.P. 1825
LUBUMBASHI
COURS D’HISTOIRE
DE LA PHILOSOPHIE AFRICAINE
Par Professeur Ordinaire Abbé Louis MPALA Mbabula
INTRODUCTION
1
J’ai beaucoup publié dans le domaine de la Philosophie africaine….
2
Mon livre, Philosophie pour tous. Introduction thématique à la occidentale et à la
philosophie africaine, Paris, Edilivre, 2016, me sert d’Introduction de la / à la Philosophie.
3
Tout est fait en vue d’aider les apprenants à se construire une personne,
autrement dit, à « se découvrir soi-même : savoir qui on est et surtout quelles
3
MINISTERE DE LA COMMUNAUTE FRANCAISE (ENSEIGNEMENT DE LA
COMMUNAUTE FRANCAISE :Administration Générale de l' Enseignement et de la
Recherche Scientifique), « PROGRAMME D'ETUDES DU COURS DE
MORALE181/2002/240 » [en ligne]: http://www.restode.cfwb.be (page consultée le
24/03/2021).
5
- de l'identité
- du lien social
être réceptif aux autres et au monde
être à l'écoute de soi et des autres
s'estimer et avoir confiance en soi
être capable d'empathie et de compréhension d'autrui
reconnaître en chacun la personne humaine
4
Ibidem
5
Ibidem
6
Communiquer sa pensée
Pratiquer l'échange dialogique et argumenter ses jugements
Apprendre à discuter dans le respect du pluralisme
3. AGIR
Compétences décisionnelles visant au développement de l'engagement dans
l'action individuelle, sociale, citoyenne et collective.
O.5.Méthodologie de l’enseignement
O.7. Evaluation
6
Cf. A.LALANDE, Vocabulaire technique et critique de la philosophie, Paris, PUF, 1960, p.
413.
7
7. R. ARON, Dimensions de la conscience historique, Paris, Plon, 1961, p. 12-13. Nous
savons qu’il existe plusieurs définitions de l’histoire. Yogolelo Tambwe qualifierait cette
définition de R. Aron de passéiste, car pour lui, l’histoire est « l’étude du devenir humain »
( YOGOLELO Tambwe ya Kasimba, De la critique historique, Lubumbashi, PUL, 2010,
p.33. Souligné par l’auteur). Cette définition qu’il qualifie d’actuelle ne nous semble pas
précise, car elle a le défaut de se confondre à la futurologie. Elle serait , peut-être, plus
heureuse si elle faisait de l’histoire, tout au plus, une étude du vécu humain.
8
Ibidem, p. 13.
10
qui a été oral comme pensée philosophique a été mise par écrit. Retenons que
l’Histoire est faite de l’écrit et de l’oral.
qu’elle se pose au sein d’une problématique donnée qui lui donne son sens et sa
portée. Et je fais déjà remarquer que cette question a des réponses différentes
autant qu’il y a des philosophes. Pourquoi cette diversité des réponses ? Que
personne ne s’étonne, car cela est propre à la philosophie. Oui, faire de la
philosophie, c’est savoir « se questionner12 »- ainsi on n’aura pas une réponse
simple, c’est savoir « justifier ses affirmations, expliquer les raisons qui
permettent de défendre son point de vue, envisager les critiques possibles et
chercher à répondre à ces objections.[Alors ] il faut argumenter13 »-car il y a
plusieurs points de vue qui s’affrontent : faire de la philosophie, c’est aussi
« chercher à comprendre la signification des notions fondamentales de nos vies
et de nos croyances. Il s’agit de clarifier le sens des idées que l’on utilise, de les
définir précisément. [Comme on peut le deviner] il faut faire de l’analyse
conceptuelle14 »-car pour éviter les équivoques, on doit s’entendre sur le
sens des notions qu’on utilise.
12
C. EYSSETTE, Introduction à la philosophie, 2010-2011 [en ligne] http://eyssette.net/
(page consultée le 28/10/2013).
13
Ibidem
14
Ibidem
12
Il semble que Thalès fut le premier à refuser d’être appelé sage par « ses
compatriotes éblouis par son enseignement »18 à son retour de l’Égypte et il
préféra d’être appelé philosophe; cependant une autre tradition, provenant
semble-t-il de Cicéron, attribua à Pythagore la paternité de ce mot. Refusant
d'être appelé sage, Pythagore se considérait comme philosophe, c'est-à-dire
amoureux de la sagesse19. Ainsi sachant que Dieu seul est sage (car il connaît
tout et ne se trompe jamais), il donnait la parabole dite de "la panégyrie" : « La
vie humaine [est] semblable à cette assemblée où étaient organisés les jeux que
15
PLATON, Phèdre, 278d
16
J. VIALATOUX, L'intention philosophique, Paris, PUF, 1952, p.
17
Cfr Voici le titre de ma Postface au livre de Paul MESSI( L’ascension de la philosophie
africaine chez Louis Mpala Mbabula, Lubumbashi, Ed. Mpala, 2021) Le philosophe vieillit
en apprenant et en apprenant, il rajeunit.
18
SOMET Yoporeka , L’Afrique dans la philosophie. Introduction à la philosophie africaine
pharaonique, Paris, Gif-sur-Yvette, 2005, p.38.
19
Cfr G. MORRA, Filosofia per tutti, Brescia, La Scuola, 1974, p.17.
13
fréquentait la Grèce entière ; là, les uns ayant exercé leur corps venaient
chercher la gloire et l’illustration d’une couronne ; d’autres, venus pour acheter
ou pour vendre, y étaient conduits par l’appât du gain ; mais il y avait une sorte
de visiteurs ( et même particulièrement distingués) qui ne cherchaient ni les
applaudissements ni le gain, mais qui venaient pour voir et examinaient avec
grand soin ce qui avait lieu et comment les choses se passaient. De même que
tous ceux-là sont partis de leur ville pour la célébration des jeux, de même les
hommes venus à cette vie humaine en quittant une autre vie [croyance en la
réincarnation] et une autre nature, sont les uns esclaves de la gloire, les autres,
de l’argent ; mais il en est de bien rares qui, comptant pour rien tout le reste,
observent avec soin la nature, ce sont eux qu’on appelle amis de la sagesse,
c’est-à-dire philosophes ; et de même que, à l’assemblée des jeux, l’attitude la
plus digne d’un homme libre est de regarder, sans rien gagner, de même dans la
vie, la contemplation et la connaissance des choses l’emportent de beaucoup sur
tous les autres travaux »20.
Toutefois Jean Kinyongo Jeki rattache plus le mot philosophie non pas
à Thalès et Pythagore, mais à Homère, Hésiode et Hérodote. Il écrit: "Il ne
semble pas, dis-je, que l'on trouve chez lui [Pythagore], à ce niveau, une
appréhension de la philosophie au sens strict. C'est plutôt et en réalité avec
l'avènement de Platon et d'Aristote préparé par le phénomène de la
"Sophistique" que le terme vint à désigner une activité théorique
systématique..."21. Y a-t-il une philosophie au sens strict comme le prétend
20
CICERON, Tusculanes V 3, 8-9 , cité dans Introduction à l’étude de la philosophie [en
ligne] http://www.dogmatique.net/Poly%20%Introduction%20E0%20la
%20Philosophie.pdf(page consultée le 28/10/2013) et cf. L. COULOUBARITSIS, Aux
origines de la philosophie européenne : de la pensée archaïque au néoplatonisme, Bruxelles,
De Boeck, 1994. Cicéron faisait déjà remarquer que bien que le mot ou nom philosophie soit
relativement récent, la chose ou l’activité désignée par ce nom est fort ancienne (cfr Ibidem)
21
J. KINYONGO, Epiphanies de la philosophie africaine et afroaméricaine. Esquisse
historique du débat sur leur existence et leur essence, Munich Kinshasa-Lubumbashi,
Publications Universitaires africaines, 1989, p.19 et 23.
14
22
Cf. J. MABIKA, La mystification fondamentale. 1. Merut Ne Maât. Aux sources négrides
de la philosophie, Lubumbashi, PUL, 2000.
23
BILOLO Mubabinge, cité par SOMET Yoporeka , o.c., p.48.
15
24
BILOLO Mubabinge, Les cosmo-théologies philosophiques d’Héliopolis et d’Hermopolis.
Essai de thématisation et de systématisation, Préface de G. Thausing, Kinshasa-Libreville-
Munich, Publications Universitaires Africaines, 1986, p.98.
16
27
M. HEIDEGGER, Questions II, cité par B. STEVENS, Cours d'initiation à la philosophie,
Louvain-La -Neuve, 1986, p. 9.
28
Cf. STEVENS, Une introduction historique à la philosophie. Tome 1 Des origines à Hegel,
Louvain-la-Neuve, CIACO, 1990.
29
En 2010, dans sa préface du livre de OKOLO OKONDA, Hegel et l’Afrique. Thèses,
critiques et dépassements, Argenteuil, Le Cercle herméneutique Éditeur, 2010, Bernard
Stevens, égal à lui-même, affirme que c’est grâce au contact avec les européens que la
philosophie est née en Afrique. Nous lui avons répondu par un écrit, Pour la philosophie
africaine, Lubumbashi, Ed. Mpala, 2013, livre publié aussi à Paris aux éditions Edilivre en
2015.
30
F. CHATELET, Une histoire de la raison . Entretiens avec Émile, cité dans la note de bas
de page 20 de SOMET Yoporeka , o.c., p.27.
31
Ibidem, p.28.
32
E. HUSSERL, La crise de l’humanité européenne et la philosophie, cité par SOMET
Yoporeka , o.c., p.29.
33
Cf. L. MPALA Mbabula, Hegel et Marx face à l’histoire. Regard critique sur la
philosophie de l’histoire, Lubumbashi, Ed. Mpala, 2011.
18
connaissance »34. Est-ce lui qui s’exprima ainsi en 1996 ? N’a-t-il pas rebroussé
chemin en suivant le conseil de Kant ? Qu’il me réponde et je le laisserais
tranquille.
Tous ces philosophes et tant d'autres qui parlent pour l'origine grecque de
la philosophie sont des défenseurs de ce qu'on appelle le MIRACLE GREC, si
miracle il y a. L’expression « miracle grec » vient d’Ernest Renan qui,
émerveillé par la beauté de l’Acropole d’Athènes, s’exclama : « Depuis
longtemps, je ne croyais plus au miracle, dans le sens propre du mot ;
cependant, la destinée unique du peuple juif, aboutissant à Jésus et au
christianisme, m’apparaissait comme quelque chose de tout à fait à part. or
voici qu’à côté du miracle juif venait se placer pour moi le miracle grec, une
chose qui n’a jamais existé qu’une fois, qui ne s’était jamais vue, qui ne se
reverra plus mais dont l’effet durera éternellement, je veux dire un type de
beauté éternelle, sans une tâche locale ou nationale. Je savais bien, avant
mon voyage, que la Grèce avait créé la science, l’art, la philosophie, la
civilisation ; mais l’échelle me manquait »35.
Les défenseurs du Miracle grec ne veulent pas accepter le fait qu'en allant
en Egypte, les Thalès de Milet (premier philosophe occidental d'après Aristote et
Théophraste), les Pythagore, les Solon, les Platon, les Zénon le Stoïcien, les
Démocrite...,sont allés non seulement apprendre la géométrie, les
mathématiques, les mystères, mais aussi la philosophie. Charles WERNER,
même s'il ne veut pas que la philosophie grecque soit fille de l'Egypte, ne se
prononce pas sur "la toux" de son maître John BURNET pour qui "ce ne peut
pas être par un simple accident que la philosophie prit naissance en lonie juste
au moment où les relations avec ces deux pays (Egypte et Babylone) étaient les
34
E. NJOH-MOUELLE, La philosophie est-elle inutile ? Conférence donnée le 9 mai 1996 à
l’Institut Catholique de Yaoundé. Les philosophes africains, défenseurs du miracle grec sont
nombreux.
35
E. RENAN, Prière sur l’Acropole, cité par SOMET Yoporeka , o.c., p.35. Je souligne.
19
plus faciles, et il est significatif que l'homme (Thalès de Milet) même qui, à ce
que l'on dit, introduisit d'Egypte la géométrie, est aussi regardé comme le
premier des philosophes"36. En lisant entre les lignes, il y a de quoi supposer
que Burnet écrit une chose et dans son cœur se trouve une autre chose, à savoir
l'origine égyptienne de la philosophie grecque. Léon ROBIN, loué par Paul-
Bernard GRENET, tout en reconnaissant ce que les savants grecs doivent à
l'Orient, l'Egypte comprise, semble réserver l'explication rationnelle aux grecs,
et ce jugement provient, en dernière instance, de PLATON qui laisse entendre
que les égyptiens étaient un peuple pratique, avide de gain plutôt que
philosophe. Cette caractéristique est propre à l'esprit grec, avide de savoir37. Si
réellement il en est ainsi, qu’est-ce que Platon a suivi en Egypte ?
que « dans les éditions actuelles du livre de Bréhier, on peut constater que le
« Fascicule » de Masson-Oursel a purement et simplement disparu »40. Quelle
malhonnêteté intellectuelle !
40
SOMET Yoporeka , o.c., p.35.
41
Cf. DIOP Cheikh Anta, Civilisation ou barbarie. Anthropologie sans complaisance, Paris,
Présence africaine, 1981.
21
42
T. OBENGA, cité par H. MONO Ndjana, Histoire de la philosophie africaine, Paris,
L’Harmattan, 2009, p.222. Je saute d’autres acquis.
43
Cf. T. OBENGA, La philosophie africaine de la période pharaonique, 2780-330 avant
notre ère, préface de Tshamalenga Ntumba, Paris, L’Harmattan, 1990.
44
H. MONO Ndjana, o.c., p.224.
45
Ibidem, p.229.
46
Ibidem, p.231.
47
Ibidem, p.233.
48
Cf. SOMET Yoporeka , o.c., p.38.
49
Cf. Ibidem, p.42.
22
50
I Ibidem, p.44.
51
Ibidem, p.44.
52
Ibidem, p.45.
53
Ibidem, p.45.
54
Ibidem, p.45.
55
Ibidem, p.46.
23
56
Cf. C. RAMNOUX, Les Présocratiques, dans PARRAIN, B.(dir),Encyclopédie de la
Pléiade. Histoire de la philosophie. I. Orient –Antiquité –Moyen âge. Paris, Gallimard, 1969,
pp. 405-448
57
SOMET Yoporeka , o.c , p.40-41.
24
« qu’aucun d’entre nous ne soit le meilleur ; s’il y en a un, qu’il aille vivre
ailleurs et avec d’autres » »58.
(a meno che non sia patologicamente idiota)=on ne peut pas penser qu’aucun
homme ne soit philosophe, qui ne pense, surtout parce que le fait de penser est
propre à l’homme comme tel ( à moins qu’il ne soit pathologiquement idiot) .»61
André Comte-Sponville est, à ce propos, plus explicite : « Que la philosophie
soit exclusivement occidentale, comme le prétendent certains, c’est bien sûr une
sottise. La raison, l’expérience et la liberté de l’esprit ne sont le bien exclusif
d’aucun peuple, pas plus que le goût de la vérité ou du bonheur. Pourquoi la
philosophie le serait-elle ? »62
trompe pas quand il affirme que ce petit livre est « le référent absolu »64 dans
l’histoire de la recherche de la philosophie africaine. Le philosophe Kaumba
Lufunda fait remarquer que le R.P. Placide Tempels a fait « éclater les
prétentions universalistes de la version occidentale de la philosophie. Il affirmait
sans ambages l’existence d’une philosophie bantu. Ce faisant, l’universalité du
concept de philosophie et sa réalisation plurielle à travers les mille et unes (sic)
cultures, les mille et une histoires des mille et une civilisations »65
même de l'homme, c'est une propriété innée de sa raison que de s'interroger sur
le pourquoi des choses, même si les réponses données peu à peu s'inscrivent
dans une perspective qui met en évidence la complémentarité des différentes
cultures dans lesquelles vit l'homme" 67. Mikel DUFRENNE ne dit pas le
contraire quand il affirme que "la philosophie commence lorsqu'on s'interroge
sur le sens du monde ou de l'histoire"68. De ce fait, aucun peuple ne peut se dire
qu'il est unique à pouvoir se poser clairement la question du pourquoi des
choses, du sens du monde et de l'histoire et à pouvoir y répondre clairement et
distinctement. Chaque peuple a son génie, ses approches, et sa sensibilité. C'est
son histoire; tout ceci joue sur la façon de poser la question du pourquoi des
choses et celle concernant la quête de sens, et il a sa façon d'y répondre. Quand
on sait que la totalité du réel dont s'occupe la philosophie est comme une boule à
mille et une faces, personne, grec soit-il, ne peut se dire d'avoir tout vu et de
l'avoir mieux exprimé que les autres. Chacun en voit quelques faces, quitte à se
mettre ensemble pour en voir encore plus. Voilà pourquoi la philosophie se veut
une quête de la sagesse et non sa possession. Ainsi nous sommes d'accord avec
Karel KOSIK quand il écrit: "La philosophie est avant tout et essentiellement
une recherche"69. Et puisqu'il en est ainsi, "le philosophe doit vieillir en
apprenant tous les jours", au dire de Platon70.
Je rebondis en affirmant que tout homme est sensé se poser des questions
sur le sens de son existence et de tout ce qui l'entoure. A dire vrai, un jour,
l'homme raisonnable71 devait trouver comme nouveau tout ce qui était devant et
autour de lui. C'est cela, je le crois, que l'on appelle l'étonnement.
67
Ibidem, p. 5.
68
M. DUFRENNE, Pour l'homme. Essai, Paris, Seuil, 1968, p.120.
69
K. KOSIK, La dialectique du concret, Paris, François Maspero, 1970, p. 147.
70
PLATON, Cité par E. BAUDIN, Introduction générale à la philosophie 1. Qu'est-ce que la
philosophie? Paris, J. De Gigord, 1927, p. 250.
71
Mais si certains occidentaux se réserveraient le monopole de la raison, l’on sera surtout
surpris de priver à tout homme l’étonnement. Au nom de quoi le fait-on ? Au nom d’une
certaine théorie raciste qui croit qu’une certaine race est supérieure aux autres. Cette critique
s’adresse aussi aux afrocentristes.
28
Platon écrit dans son Théétète: "Il est tout à fait d'un philosophe, ce
sentiment: s'étonner. La philosophie n'a pas d'autre origine" 72. Aristote ne dit
pas le contraire: "A l'origine73 comme aujourd'hui, c'est l'étonnement et
l'admiration qui conduisirent les hommes à la philosophie. Entre le phénomène
qu'ils ne pouvaient comprendre, leur attention, frappée de surprise, s'arrêta
d'abord à ceux qui étaient le plus à leur portée, et, en s'avançant pas à pas dans
cette voie, ils dirigèrent leurs doutes et leur examen sur des phénomènes de plus
en plus considérables (...). Mais se poser à soi-même des questions et s'étonner
des phénomènes, c'est déjà savoir qu'on les ignore; et voilà comment c'est être
encore ami de la sagesse, c'est être philosophe que d'aimer les fables, qui
cherchent à expliquer les choses, puisque (la fable, ou) le mythe, ne se compose
que d'éléments merveilleux et surprenants. Si donc c'est pour dissiper leur
ignorance que les hommes ont cherché à <philosopher>, il est évident qu'ils ne
cultivent cette science si ardemment que pour savoir les choses, et non pour en
tirer le moindre profit matériel"74.
PLATON , Oeuvres complètes. Tome VIII- 2è parties: Théétète, 155d. Texte traduit par
72
Auguste Diès, Paris, Société d'édition " Les belles lettres", 1963.
.
73
De quelle origine s’agit-il ? De celle des occidentaux ou de l’humanité ? De celle des
Egyptiens ?
74
ARISTOTE, La métaphysique, A. 11, 982b. Traduction de Jules Barthélemy-Saint Hilaire,
revue et annotée par Paul Mathias. Introduction et dossier de Jean-Louis Poirier. ('Agora-Les
classiques). s.l., Presses Pocket, 1991. L’affirmation de Aristote selon laquelle « si donc c'est
pour dissiper leur ignorance que les hommes ont cherché à <philosopher>, il est évident qu'ils
ne cultivent cette science si ardemment que pour savoir les choses, et non pour en tirer le
moindre profit matériel » est discutable. Il n’y a pas de savoir ne débouchant pas sur une
certaine attitude d’être incluant un certain avoir. Nous savons que sur ce point Aristote est
resté fidèle à son maître Platon.
75
De quel homme s’agit-il et de quelle race ?
76
Ibpdem, A, I, 980 a.
29
devant l'imprévu et en face de ce qui ne cadre pas avec ses conceptions" 77. C'est
en cela que l'homme est différent de l'animal. Le premier, se trouvant jeté dans
le monde, est capable de se mettre à distance du monde où il est. Le dernier ne
peut le faire. Ainsi l'homme peut faire du monde un objet de réflexion. Le
rapport homme-monde est celui de distance et d'étonnement. Ce dernier est la
source de la fameuse question fondamentale de Martin Heidegger: "Pourquoi
donc l'étant et non pas plutôt rien?" 78. Il y reviendra dans Qu'est-ce que la
philosophie? Il écrira: "L'étonnement est archè – il régit d'un bout à l'autre
chaque pas de la philosophie. L'étonnement est pathos (cf. note 2: nul
pathétique, dans l'étonnement, mais une émotion, au sens propre: ce qui meut de
soi) (...). C’est seulement si nous comprenons le pathos comme disposition que
nous pouvons aussi caractériser d'une manière plus précise, le thaumazein
(thauma = la "merveille"), l'étonnement. Dans l'étonnement nous sommes en
arrêt79. C'est comme si nous faisons recul devant l'étant (ce qui est, l'être) devant
le fait qu'il est, et qu'il est ainsi, et qu'il n'est pas autrement. Mais l'étonnement
ne s'épuise pas devant l'être de l'étant. L'étonnement est, en tant qu'un tel retrait
et qu'un tel arrêt, en même temps arraché vers et pour ainsi dire enchaîné par ce
devant quoi il fait retraite. Ainsi l'étonnement est cette position dans laquelle et
pour laquelle s'ouvre l'être de l'étant"80. Max Scheler en dit autant: "La source,
qui alimente toute recherche métaphysique, est l'étonnement que quelque chose
en général soit plutôt que rien"81. C'est cela le mystère philosophique de l'être.
Je rappelle qu'avant Martin Heidegger et Max Scheler, Leibniz avait formulé la
77
L.DE RAEYMAEKER, o.c., p.11
78
M. HEIDEGGER, Introduction à la Métaphysique, Traduit de l'Allemand et présenté par
Gilbert Karn, Paris, Gallimard, 1967, p.13.
79
Le « nous sommes en arrêt » est-il propre à une catégorie des gens d’une race donnée ou il
est pour tout être humain ? Seuls les philosophes sortis des universités occidentales sont-ils
aptes à l’étonnement ?
80
ID., Qu'est-ce que la Philosophie? cité dans ID., Qu'est-ce que la Métaphysique?
Traduction: Henry Corbin, présentation et commentaires: Marie Froment Maurice(Les
intégrales de philo/Nathan) Paris, Nathan, 1985, p.101.
81
M. SCHELER, L'eterno nell uomo, cité par G. MORRA, o.c., p.26.
30
même question même s'il avait une autre préoccupation: "Pourquoi il y a plutôt
quelque chose que rien? Car le rien est plus simple et plus facile que quelque
chose. De plus, supposé que deux choses doivent exister, il faut qu'on puisse se
rendre raison pourquoi elles doivent exister ainsi, et non autrement. (...) (Cela ne
peut s'expliquer que par la raison suffisante). Et cette dernière raison des choses
est appelée Dieu".82
86
A. MENDIRI, Cours de philosophie .Pour toutes les sections de l’enseignement secondaire
[en ligne] http://ediscripta.voila.net/cours dephilosophie.pdf (page consultée le 15/11/2013).
87
Cf. J. MARITAIN, cité par G. MORRA, o.c., p. 32.
88
J. FREUND, dans sa philosophie philosophique, est du même avis. Pour lui aussi, la
philosophie est née là où se trouvent des hommes.
89
PLATON, cité par M. MIZRACHI, L'homme et le monde, dans CNTE, Philosophie.
Fascicule3. Programme générale. Tome I, Grenoble, s.d., p.1.
32
91
J. PLOURDE, « Histoire de la philosophie, historiographie et philosophie. Réflexions
critiques au sujet de la portée de la thèse de la pertinence philosophique de l’histoire
de la philosophie », dans Philosophiques Vol. 46 N° 2, 2019, p.381-393[en ligne]
https://www.erudit.org/fr/revues/philoso/2019-v46-n2-philoso05083/1066777ar/
( page consultée le 18/8/2021).
92
Ibidem
93
Ibidem
94
Ibidem
95
Ibidem
34
auteur, par un système philosophique »96. Cependant, il sied de souligner que les
philosophes sont FILS de leur temps et donc ils sont par essence historiquement
conditionnés, mais ils sont aussi PERES de leur temps, et de ce fait, ils sont par
essence historiquement conditionnant, tant soit peu, leur milieu.
96
E. ANHEIM, LILTI A. et S. Van DAMME, « Quelle histoire de la philosophie ? », dans
Annales. Histoire, Sciences Sociales,2009/1 ( 64e année), p. 5-11 [en ligne]
Https://www.caim.info/revue-annales-2009-1-pages.htm ( page consultée le 16/8/2021).
97
H. G. GADAMER, Vérité et méthode. Les grandes lignes d’une herméneutique
philosophique, Paris, Seuil, 1976, p. 216.
35
qui elle est posée, commencions nous-mêmes à questionner »98. Ainsi il y aura
un jeu de questions et de réponses entre le texte et son interprète. Mais, nous
avertit Gadamer, « ce qui caractérise tout simplement l’œuvre d’art, c’est plutôt
qu’on ne la comprend jamais totalement. Ce qui veut dire que quand on l’aborde
en l’interrogeant, on n’en reçoit jamais une réponse qui serait définitive au sens
où l’on pourrait penser que désormais l’on « sait » (…). On ne peut pas pousser
la récolte des informations contenues dans une œuvre d’art au point qu’il n’y ait
en elle plus rien à accueillir (…) »99. Il n’y a pas de compréhension complète.
98
Ibidem, p. 221.
99
IDEM, L’art de comprendre. Écrits II. Herméneutique et et champ de l’expérience humaine,
Paris, Aubier, 1991, p. 16.
100
J. PLOURDE, a.c.
101
Ibidem
36
102
A. REVEL, « Comment naquit l’histoire de la philosophie. A propos de : Catherine König-
Pralong, La colonie philosophique . Ecrire l’histoire de la philosophie aux XVIIIe et XIXe
siècles, EHESS » [en ligne] https://laviedesidees.fr/Konig-Pralong-colonie-philosophique-
histoire-philosophie-XVIIIe-XIXe.html ( page consultée le 17/8/2021).
103
Cf. H.MONO Ndjana, La philosophie négro-africaine. Essai de présentation générale,
Paris, L’harmattan, 2016.
104
Ibidem, p.97.
105
Ibidem, p.97.
37
1.3.1.1. Aristote
1.3.1.2. Hegel
110
Ibidem, p.106.
111
Ibidem, p.108.
112
Ibidem, p.108.
39
africaine. Cette dernière est dans les textes et non dans les contes, les mythes,
etc.
D’accord avec lui, les vrais philosophes sont ceux qui se servent de la
tradition africaine, et qui, de façon raisonnée, en font la critique et des analyses
théoriques approfondies.
117
Ibidem, p.114.
118
Cf. MPALA Mbabula, L., Philosophie pour tous. Introduction thématique à la occidentale
et à la philosophie africaine, Paris, Edilivre, 2016.
41
119
Cf. HEGEL, Préface au principe de la philosophie du droit, Paris, Flammarion, 1999.
120
Ibidem, p.75.
Cf. L. MPALA Mbabula, préface à KALOLA Bupe , La valeur du mythe ;, Paris, Edilivre,
121
2017.
42
Ceci dit, la notion de texte mérite une mise au point. Hubert nous prie,
pour l’histoire de la philosophie africaine, de ne nous tenir qu’aux « textes »
sous peine de manquer sa cible. Elle n’a pas à viser, comme origine, la tradition
orale « puisqu’elle est simplement orale, c’est-à-dire concrètement
inassignable »124. Pour lui, l’écriture est une condition indispensable de la
philosophie. Si Socrate est connu grâce à Platon, qu’Hubert invite nos
philosophes à recréer le lien ombilical entre nos prédécesseurs « illettrés » en
mettant par écrit leur savoir à l’exemple de Marcel Griaule et Ogotemmeli ou de
Mufuta et Katulushi. Eclatons la notion de texte. Ce dernier est « tout
enchaînement verbal et tout ce qui se donne à lire, c’est-à-dire toute la
tradition »125. Qu’est-ce à dire ? La tradition renferme les monuments, les écrits
et les paroles126. Un jour viendra où le texte sera l’ADN enregistrant toutes nos
connaissances.
Sachant que Socrate n’a pas fait descendre la philosophie du ciel, les
ante-socratiques127, et non les présocratiques, ont philosophé avant Socrate et
non « bégayé ».
122
Cf. MPALA Mbabula, L., Pour une nouvelle narration du monde. Essai d’une philosophie
de l’histoire, Paris, Edilivre ; 2016.
123
Cf. PASCAL, B. , Les pensées I. préface et introduction de Léon Brunchvic, Paris, s.e.,
1972.
124
H. MONO Ndjana, Op.cit., p.108.
125
B. OKOLO Okonda W’oleko, Pour une philosophie de la culture et du développement,
Kinshasa, Presses Universitaire du Zaïre, 1986, p.43.
126
Cf. Ibidem
127
G. LEGRAND, La pensée des présocratiques, Paris, Bordas, 1970.
43
En effet, nous savons que la périodisation que nous utilisons est une invention
européenne. Et IHEDIWA Nkemjika Chimee a raison de dire que « pour
l’historiographie africaine, il reste encore un obstacle à franchir, c’est celui de la
périodisation »131. Et il noud livre une réflexion remarquable en ces termes :
« Définir des périodes ou des phases en histoire n’est pas une erreur mais
contient un certain nombre de défis quand la périodisation n’est pas autochtone
et ne tient pas compte du contexte général des évènements d’Afrique, en tant
que continent. Il ne devrait pas y avoir de règle absolue sur la périodisation.
128
SHAW, cité par IHEDIWA Nkemjika Chimee, « l’historiographie africaine et les defis de
la periodisation europeenne : un commentaire historique », traduit de l’anglais par Celia
Burgdorff [en ligne] https://ihacrepos.hypotheses.org/3906 ( page consultée le 15/8/2021).
129
STEARNS, cité par IHEDIWA Nkemjika Chimee, a.c.
130
BLOCH, cité par IHEDIWA Nkemjika Chimee, a.c.
131
IHEDIWA Nkemjika Chimee, a.c.
44
132
Ibidem
133
Ibidem
134
G. BIYOGO, cité par DIA MBWANGI Diafwila, « L’approche déconstructiviste en
histoire de la philosohie
(sic) africaine méthode et taxinomie de Grégoire Biyogo », dans Nokoko N°6, 2017 , p. 245
( 208-250)
135
DIA MBWANGI Diafwila, a.c., p.245.
45
of North African Christian Philosophy, from the second to the sev-enth centuries
AD; the later period covers Arabo-Islamic activities from the 10th to the 15th.
136
Ibidem, p.245.
137
Cf. H. MONO Ndjana, Histoire de la philosophie africaine, Paris, L’Harmattan, 2009.
138
DIA MBWANGI Diafwila, a.c., p.247-248.
46
De ce qui précède, l’on comprend que les violons ne s’accordent pas sur
la périodisation de l’Histoire de la philosophie africaine. Quant à nous, nous
suivrons celle d’Hubert Mono Ndjana.
pas prêter sa philosophie aux auteurs qu’il expose ; d’où il est invité à envoyer
ses étudiants à lire les écrits des auteurs philosophes et leurs commentateurs
pour être à même de discuter entre eux et entre eux et les philosophes. Ainsi, on
répondra au vœu de Kant pour qui on n’apprend pas la philosophie, mais on
apprend à philosopher.
Comme les philosophes ont des prises de position raisonnées sur celles
des autres – s’ils se sont lus ou écoutés et il arrive qu’il ait des positions
différentes sans se connaître-, le professeur d’histoire de la philosophe, en tant
qu’interprète, doit faire de son mieux pour faire ressortir la VALEUR de chaque
doctrine philosophique compte tenu de son contexte politique, social,
économique, scientifique, religieux, etc., car chaque position a son sens d’être et
l’anachronisme est à éviter.
2.1.1.1. La création
Selon ces systèmes, l’univers n’a pas été créé ex nihilo.
A l’origine sans origine, il y eut une matière incréée, sans limite et
sans déterminations ; donc sans commencement et ni fin. C’est le NOUN « ou
140
C. A. DIOP, Civilisation ou barbarie, Paris, Présence Africaine, 1981, p. 388.
50
141
Ibidem , p. 427.
142
T. OBENGA, La philosophie pharaonique, dans Présence Africaine 137/138 (1986), p. 6
et cf. ID., La philosophie africaine de la période pharaonique 2780-330 avant notre ère,
Préface de Tshiamalenga Ntumba. Paris, l’HARMATTAN, 1990, p. 29.
143
C. A. DIOP, o.c., p. 389.
144
Ibidem, p. 390.
51
145
Cf. Ibidem, p. 390.
146
Ibidem, p. 392.
52
d’où RÂ (le Soleil divinisé) émerge pour agir, faire être toutes les formes de
l’existence »147
De tout ce qui précède, nous pouvons dire que chez les anciens négro
-égyptiens la matière a préexisté à l’esprit et que ce dernier vient de la matière.
Chez eux, il n’y a pas de création ex nihilo. Il n’y a pas d’opposition entre la
matière et l’esprit148 . Qu’en est – il de l’homme ?
Cheik Anta Diop, quant à lui, parle de Zed ou Ket qui est le corps et qui
« se décompose après la mort, [du] BA qui est l’âme corporelle (la « double » du
corps dans le reste de l’Afrique noire) [de] l’ombre du corps, [du] KA [qui est]
le principe immortel qui rejoint la divinité du ciel après la mort ».152
147
T. OBENGA, La Philosophie africaine de la période pharaonique 2780-330 avant notre
ère, p.60. cf. Le Livre des morts des anciens égyptiens, introduction, traduction, commentaire,
de Paul BARGUET, Paris, Cerf, 1967, Chapitre 17.
148
Cf. ID., La philosophie pharaonique, dans Présence Africaine 137/138(1986)
149
Mabika Nkata J., La dimension métaphysique de la philosophie africaine, dans Philosophie
africaine : Rationalité et rationalités. Actes de la XIX semaine philosophique de Kinshasa,
1996, p. 392.
150
Ibidem., p.533.
151
Ibidem., p.533.
152
C. Anta DIOP, Civilisation ou barbarie, Paris, Présence Africaine, 1981, p. 392.
53
153
Mubabinge Bilolo, Les Cosmo –théologies philosophiques d’Héliopolis et d’Hermopolis.
Essai de thématisation et de systématisation, Kinshasa – Libreville – Munich, publication
universitaires africaines, 1986, p.111
154
I Ibidem., p.113.
155
DERCHAIN, cité par Ibidem, p.114.
156
MUBABINGE Bilolo, o.c., p.114.
157
Ibidem, p.114
54
158
Ibidem, p.115
159
Ibidem, p.177
160
Ibidem, p.177
161
J.PIRENNE citée par Ibidem, p.118.
55
162
Ibidem, p.127.
163
MUBABINGE Bilolo, o.c. , p.135.
164
Ibidem, p.136.
165
Ibidem, p.139.
166
Ibidem, p. 140.
56
son intelligence et en pleine autonomie morale ».171 Ceci nous conduit à parler
de la morale ou de l’ETHIQUE qui fera que l’homme mérite l’Au-delà.
171
MUTOMBO NKULU-N’SENGA, Antériorité de la philosophie négro – africaine, T.F.C.
Lubumbashi Grand Séminaire Interdiocésain Saint Paul, 1981, p. 126. inédit Cf. Le livre des
morts des anciens égyptiens, chapitre 125.
172
P. TEMPELS, o.c., p.35.
173
J. MABIKA Nkata, Whitehead et la cosmologie africaine. 7th Withehead conference-
Bangalore-India, Lubumbashi, Presses Universitaires de Lubumbashi, 2009, p.66.
58
Les Bashila enseignent que le Muntu, l’être humain, est une unité
constitué de Umubili, le corps visible, corps matériel, tangible et qui donne la
forme extérieure pour que chaque Mushila soit différent, du point de vue forme,
de l’apparence des autres Bashila.
Quand les Bashila parlent de Umweo, souffle de vie ou cœur, ils renvoient
à une caractéristique du Muntu qui, à la mort, sera dit aputula umweo, « il
coupe le souffle », il ne respire plus ; l’on dit souvent aussi aliba no mweo
usuma nangu umweo ubi, il a un bon cœur ou un « mauvais coeur », i.e. il est
méchant. Ainsi, le Umutima et le Umweo signifient la même chose.
177
Ibidem, p.72.
60
178
J. YOYOTTE, Égypte, dans PARAIN (dir), Encyclopédie de la pléiade. Histoire de la
philosophie. I., Paris, 1909, p. 41.
179
Ibidem, p. 12. Nous soulignons. Cf. Le livre des morts des anciens égyptiens, chapitre 125,
introduction, traduction, commentaire de P. Barguet, Paris, Cerf, 1967..
180
T. OBENGA, a.c., p. 22.
61
commet une faute contre son créateur et le respect de la maât procure la juste
garantie de la réussite.
Les instructions éducatives ou « sagesses » consistaient en séries de
« maximes »= « sagesse », « instruction », « préceptes », « enseignements »
versifiés... flanqués d’un épilogue (Ancien Empire) ou d’un prologue (Nouvel
Empire) définissant le but du livre : apprendre aux gens à être heureux ».181
Chaque maxime procède par association d’idées, recourt à l’image tout en
s’appuyant sur un proverbe. Il débute par une recommandation pratique et se
termine par des considérations pratiques. Le pragmatisme l’emporte. Tout
tourne autour de l’utilité, de la réussite, car on cherche à être heureux.
Le vizir Ptahhotep esquissa l’image de tout bon égyptien : « Parler
peu, mais parler bien ; être modeste mais sûr de soi ; se garder de l’avidité, de la
gloutonnerie et de l’avarice, mais gérer ses affaires avec bienveillance,
prévoyance, ne pas mépriser la joie de vivre et savoir être avantageusement
généreux ; profiter de sa situation mais ne pas en abuser ; assumer les
responsabilités de sa tâche, mais à aucun prix, ne se faire mal voir de ses
chefs ». Plus dogmatique, un autre vizir, le père de Kagemni, révèle que le
secret de la réussite est le « silence » : Effacement de soi, modération nécessaire,
prudence ».182 Retenue, bienséance, modération, convenance, sobriété, la
prudence, etc. sont les termes clés du Père de Kagemni.
De tout ce qui précède, on comprendra que le bonheur s’acquiert ici –
bas. A la mort, l’on doit rendre compte au Dieu Osiris et on déclare son
innocence en ces termes : « Je n’ai pas fait le mal (...), je n’ai pas blasphémé
Dieu (...), je n’ai pas tué, je n’ai fait de peine à personne, je n’ai pas volé les
galettes des bienheureux, ,je n’ai pas été pédéraste (...), je n’ai pas triché sur les
terrains, je n’ai pas ajouté du poids de la balance », etc.183 Cette citation fait voir
181
Ibidem, p. 15. Nous soulignons.
182
Ibidem, p. 16. Cf. T. OBENGA, La philosophie africaine de la période pharaonique...p.
153-168.
183
Le livre des morts des anciens égyptiens, chapitre 125, p.158-159.
62
que l’homme est un être – avec – autrui ou un être social. Voilà pourquoi il doit
veiller à être en bons termes avec soi – même et avec les autres. Et l’on sera jugé
à partir du vivre – avec.
Nous pouvons nous résumer ainsi : l’Éthique pharaonique sous forme
de « maximes », « d’enseignement » ou « d’instruction » conduit à une culture
générale comme une exigence à une vie heureuse. Cette culture se fonde sur
l’acquisition et la pratique de la Maât, c’est – à – dire la vérité et la justice. 184
De cette philosophie antique négro – égyptienne, nous pouvons retenir
deux concepts clefs, à savoir MAÂT et NOUN. Ainsi nous nous résumons avec
Obenga : « La Maât (sic) est l’ordre du « comme il faut », tandis que le Noun
de l’ordre de « ce à partir de quoi » est advenu le monde tel qu’il est (...). Telle
est la couche originelle de la philosophie pharaonique (-) où le Noun traduit la
notion de matière opérante et où la Maât représente, en hiéroglyphe parfait, la
notion élevée de perfection morale. Matière dynamique et vivante, le Noun est
essence de toute chose, et crée de lui – même le passage du non – être à être, le
passage aéré de « l’avant » à « l’après, c’est – à – dire le passage de la
somnolence de la conscience à l’éveil de la raison qui, par le verbe, nomme,
désigne, classifie, ordonne, commande, bref fait être. Sorte d’harmonie
préétablie au plan cosmique, la Maât , qui est Ordre, Vérité – Justice, Félicité
suprême, invite l’homme en société à faire et à dire, à penser et à agir, à vivre et
à mourir, selon le vrai, le normal, le juste milieu, bref selon la vertu avec tout ce
que ce mot implique, dans la mentalité négro – égyptienne, d’hiératique, de
traditionnel et de transcendant, d’impératif, d’absolu ».185
Faisons connaissance de certains philosophes de l’Égypte antique.
184
Cf. NGOMA-BINDA, La philosophie africaine contemporaine, Kinshasa, F.C.K., 1994, p.
128.
185
T. OBENGA Cité par Ibidem, p. 129 – 130.
63
186
MUTOMBO NKULU – N’SENGA, Mémoire cité, p. 120.
187
T. OBENGA, L’Afrique dans l’Antiquité, cité par Ibidem, p. 120.
188
cf. J. YOYOTTE, La pensée préphilosophique en Egypte, dans PARAIN, B. (dir),
Encyclopédie de la Pléiade. Histoire de la philosophie. I. Orient –Antiquité –Moyen Age, p.
14-19.
189
cf. C. A. DIOP, o.c., p. 436.
190
Cf. P. SAÏDA RADJA, Kemet, Berceau des civilisations modernes. Introduction à l’afro-
centrisme scientifique, Lubumbashi, Presses Universitaires de Lubumbashi, 2000, p. 47.
64
194
L. ROBIN, La pensée grecque, Paris, Albin Michel, 1963/1973, p. 52.
195
cf. PLATON, République, 435è et Lois747b, L
196
cf. C. WERNER, o.c., p. 13.
197
P. MASSON-OURSEL, o.c., p.28.
198
T. OBENGA, La Philosophie africaine de la période pharaonique..., p. 61.
66
2.2. AVANT-HIER
Nous ne pouvons pas parler de tous les philosophes africains de cette
période. Nous sommes contraint d’en choisir quelques-uns que les étudiants
trouveront dans d’autres cours de philosophie et dans lesquels ces philosophes
sont classés parmi les philosophes européens ou gréco-latins.
Est-ce parce que les Plotin, Tertullien, Origène et Augustin sont nés en
Afrique qu’ils sont Africains ? La question reste posée. Il reste à savoir si telles
questions se posaient ainsi en ce temps-là. Que dire de Scipion l’Africain, ce
Général et homme d’Etat romain, bien connu pour ses campagnes miltaires et
victorieuses contre les Carthaginois (les Africains) en Hispanie et connu aussi
68
pour avoir conquis le Nord de l’Afrique ? Nous pensons que les Africains,
malgré leur culture gréco-latine, étaient toujours reconnus ainsi et cela
permettait aux autres, nous le pensons, de bien les distinguait d’eux.
199
C WERNER, o. c., p. 199.
200
M. De GANDILLAC, Plotin, dans Dictionnaire des Philosophes, Préface de A. Comte-
Sponville, Introduction de J. Greisch,Paris, Encyclopaedia Universalis/Albin Michel, 1998,
p.1241 ( p.1239-1247)
201
Cf. L. COULOUBARITSIS, Aux origines de la philosophie européenne : de la pensée
archaïque au néoplatonisme, Bruxelles, De Boeck, 1994, p. 597.
69
Au –delà de l’intelligence, l’UN n’a besoin de rien d’autre que lui–même 202.
Aristote, selon lui, a eu tort de dire que le premier principe se pensait lui–même.
Plotin dira : « Il faut remonter jusqu’à l’UN, à L’UN véritable. Il n’est pas
comme les autres uns qui, étant multiples, ne sont qu’en participant à l’UN. il
faut saisir l’UN qui n’est pas tel par participation, et qui n’est pas cet UN qui
n’est pas plus un que multiple. Le monde intelligible et l’intelligence sont
certainement des êtres plus « un » que tous les autres, pourtant ils ne sont pas l’
UN dans toute sa pureté. Qu’est-ce que l’UN pur, véritable, qui ne se dit pas
d’autres choses ? C’est ce que nous désirons voir, si c’est possible. Il faut bondir
jusqu’à l’UN et ne plus rien lui ajouter, mais s’arrêter là par crainte de s’écarter
de lui et se garder de procéder jusqu’à deux. Sinon vous avez deux, non pas un
deux où l’UN rentrerait comme unité, mais le couple qui est postérieur à l’UN,
car l’Un se refuse à faire nombre ».203
1246. ??????????
71
L’intelligence est éternité même et le temps est son image. Elle est, et ne
connaît ni le futur, ni le passé. Sa vie est un maintenant éternel et bienheureux 206.
Elle est le monde de la pure beauté. Ainsi les formes éternelles contenues en elle
sont parfaitement belles. D’où la vraie forme et la vraie beauté existent dans le
monde intelligible.
D’origine divine, l’âme est éloignée de DIEU comme l’enfant est séparé de
sa famille dès sa naissance. L’âme n’a plus la connaissance de DIEU.
205
C. WERNER, o. c., p. 201.
206
Cf. Ibidem, p. 202.
207
Cf. Ibidem, p. 203.
208
Cf. Ibidem, p. 203.
72
L’âme donne au corps sa vie et sa beauté. Elle est principe de vie. Réalité
substantielle, incréée et indestructible (# corps), elle est immortelle.
L’âme est une partie de l’Âme universelle qui « a tiré toutes choses des
ténèbres de la matière et leur a donné la forme, le mouvement et la vie » Cette
âme universelle fait du monde constamment une œuvre d’art ; présente à la fois
dans toutes choses, elle anime toutes choses à la fois. Toujours entière et
indivisible, elle soutient tous les êtres au-dessus du néant. Cette Âme universelle
tire son image d’un principe supérieur l’INTELLIGENCE. D’où l’âme est
l’image de l’intelligence dont elle est un verbe de même que « le verbe
extérieur, la parole, est l’image du verbe intérieur de l’âme. »210
Comment s’explique alors le mal dans le monde sensible ? Ce dernier n’a pas
la perfection du monde intelligible. Il est un MELANGE d’intelligence et de
209
Cf. Ibidem, p. 200.
210
Ibidem, p. 200.
211
Cf. Ibidem, p. 201.
73
matière. D’où il renferme le mal qui a son principe dans la matière en tant qu’est
privation de la forme.
2.2.1.1.6. L’homme
L’homme est composé d’une âme et d’un corps. L’âme n’est enfermée dans
un corps, car elle n’est pas corporelle. Elle contient le corps et non le contraire.
L’âme est mauvaise en tant qu’elle est mêlée au corps. Elle a des ailles, une fois
séparée du corps. Le détachement de l’âme à l’égard du corps doit être un
détachement intérieur, une PURIFICATION sans violence et consistant dans LA
MORALE. Par la purification l’âme parvient à la VIE CONTEMPLATIVE qui
est sa véritable FIN. C’est dans la vie contemplative que consiste le BONHEUR
(plénitude de vie)
2.2.1.1.7. Appréciation
2.2.2. Tertullien
Toutefois tous les Pères de l’Eglise n’auront pas une même attitude
devant la philosophie antique. Chacun d’eux aura sa façon de voir le
rapport entre la philosophie et le christianisme.
Chrétiens, les Pères de l’Eglise feront des efforts pour édifier leur doctrine
chrétienne, et pour ce faire, ils feront appel à la philosophie païenne. Ainsi ils se
protégeront et contre le paganisme et contre la gnose.
212
E. GILSON, La philosophie au Moyen Age. Des origines patristiques à la fin du XIVè
siècle, Paris, Payot, 1952, p. 13. Je souligne.
75
Ne portant pas les philosophes grecs dans son cœur, Tertullien les fait
passer pour les patriarches des hérétiques. A ce propos, il argumente : « Valentin
s’est inspiré des platoniciens, Marcion des stoïciens, et les philosophes,
poursuit-il, ont emprunté des idées à l’Ancien Testament, les ont dénaturées et
se les sont attribuées. »214.
213
TERTULLIEN, Apol., 46. Cité par F. COPLESTON, Histoire de la philosophie. La
philosophie médiévale, Paris, Casterman, 1964, p. 31.
214
Ibidem, p. 31.
215
E. D’ASTER, Histoire de la philosophie, Paris, Payot, 1952, p. 121. Nous soulignons.
76
216
F. VAN STEENBERGHEN, Histoire de la philosophie. Période chrétienne, deuxième
édition mise à jour, Louvain/Paris, Publications Universitaires/Béatrice-Nauwelaerts, 1973, p.
27.
217
E. D’ASTER, o.c., p. 121.
218
F. VAN STEENBERGHEN, o.c., p. 27.
219
E. GILSON, o.c., p. 99.
77
Tertullien déclare, par ailleurs, que l’existence de Dieu peut être connue
avec certitude par ses œuvres et qu’on peut démontrer sa perfection par le fait
qu’il n’est pas créé.
220
Ibidem, p. 98.
221
Ibidem, p. 98.
222
Cf. F. VAN STEENBERGHEN, o.c., p. 17.
223
TERTULLIEN, Adv. Prax., 12. Cité par F. COPLESTON, o.c., p. 33.
78
2.2.3. ORIGENE
Origène s’est auto-mutilé. Voilà qui poussa plus d’un évêque à remettre
en question son sacerdoce.
forger des doctrines hérétiques et d’autres pour renforcer la foi avec des
raisonnements conséquents.
Dieu »228. Qu’est-ce à dire ? Origène postule la délivrance. Selon lui, « toutes les
âmes, même les démons et les esprits mauvais, parviennent finalement, à travers
des souffrances purifications, à l’union avec Dieu. C’est la doctrine de
restauration de toutes choses, d’après laquelle les choses reviendront à leur
principe ultime et Dieu sera tout en tous. Cela implique naturellement le rejet de
la doctrine orthodoxe de l’enfer »229.
De tout ce qui précède, l’on peut déjà deviner que pour Origène Dieu
n’est pas la cause du Mal. Celui-ci est le produit du libre arbitre.
228
P. KUNZMANN et alii, Atlas de la philosophie, (Encyclopédies d’aujourd’hui), Paris,
Librairie Générale Française, 1993, p. 67.
229
F.COPLESTON, o.c., p. 36. Nous soulignons.
81
230
F. COPLESTON, o.c., p. 52.
82
La raison rend des services à la foi, car elle fournit « des concepts qui sont
à la base de ce qu’il faut croire, elle établit l’existence et l’infaillibilité de la
révélation »234. La raison prépare la foi et « c’est en effet par la raison que
j’analyse le rôle de la foi. De plus, la foi commençante s’accommode bien d’un
concours rationnel, ne serait-ce que pour assurer qu’elle n’est pas absurde »235.
231
CF. Ibidem, p. 54.
232
F. VAN STEENBERGHEN, o.c., p. 32.
233
E. JEANNEAU, La philosophie médiévale, Paris, P.U.F., 1963, p. 11.
234
M. DE WULF, Histoire de la philosophie médiévale. Tome premier. Des origines jusqu’à
la fin du 12è siècle, 4ème édition, Louvain/Paris, Librairie. J. Vrin, 1921, p. 94.
235
J. PEPIN, Saint Augustin et la patristique occidentale, dans C. CHATELLET (dir), La
philosophie médiévale (du 1er au XV siècle), Paris, s ;e., 1972, p. 86.
83
La foi rend aussi des services à la raison, car il est des vérités que la
raison laissée à elle-même ne soupçonnerait, si Dieu ne les proposait à notre foi,
explicite M. De Wulf. La foi prédispose la raison à mieux comprendre et nous
prédispose à mieux nous servir de la raison.
De tout ce qui précède, Jean Pépin n’a pas tort d’affirmer qu’Augustin a
discerné « mieux que personne l’interaction de la raison et de la foi, par quoi
s’exercent essentiellement la philosophie et la religion »237. Voilà qui provoque
une inquiétude pour celui qui s’intéresse à Augustin : doit-on couper chez lui la
construction philosophique de l’explication théologique ? Chez lui la
philosophie est l’amour de la sagesse, c’est-à-dire l’amour de Dieu et il
argumentera : « Si sapientia Deus est… verus philosophus est amator Dei »238.
236
J. MANTOY, Précis d’histoire de la philosophie, 9è édition mise à jour par F. Foulquié et
J. Mantoy, Paris, Editions de l’Ecole, 1951, p. 37.
237
J. PEPIN, Saint Augustin et la patristique occidentale, dans CHATELET, C. (dir.), La
philosophie médiévale (du Iè au XVè siècle), Paris, Hachette, 1972, p. 86(81-105).
238
AUGUSTIN, De civilitate Dei, VIII, 1. Cité par M. De Wulf, o.c., 4ème édition, p. 93.
84
Par ailleurs, Augustin ruinera les arguments sur lesquels se basent les
sceptiques. Si les sceptiques veulent justifier leur position en recourant à
l’argument de la discorde entre les philosophes sur l’explication de la réalité, au
moins une chose est vraie, à savoir l’existence de la réalité. S’ils font appel à
l’argument des sens qui nous tromperaient, ils doivent savoir que « ce ne sont
pas les sens qui nous trompent parce que quand nous sommes sains ils ne nous
trompent pas et quand nous ne sommes pas, la faute de l’égarement n’est pas
tant dans les sens que dans l’esprit du malade, du dormeur… »240. Le scepticisme
est faux, dit-il, parce que ses conséquences sont désastreuses dans le cadre
moral. S’il faut suivre le probable, argumente Augustin, « l’adultère ne serait
pas pour les uns, appauvrissement et il le serait pour un autre… Ainsi, l’adultère,
239
M. De WULF, o.c., 4ème édition, p. 97.
240
B. MONDIN, o.c.¸p. 104.
85
La connaissance des vérités éternelles est sagesse et elle est atteinte grâce
à l’illumination divine et non à la réminiscence. Les vérités éternelles, pense
Augustin à la suite de Platon, ne peuvent pas venir de l’expérience, « soit à
AUGUSTIN, Contra Academicos III, 1b, cite par Ib., p. 104.
241
Cf. B MONDIN, Storia della filosofia medievale, seconda edizione riveduta, correta,
242
245
B. MONDIN, o.c., p. 105.
246
Cf. AUGUSTIN, Confessions VIII, 10, cité par Ib., p. 106.
247
J. MANTOY, o.c., p. 37.
87
silencieusement qu’ils ne peuvent avoir été créés que par Dieu, l’ineffable et
invisible Grandeur, l’ineffable et invisible Beauté »248.
Dieu a des attributs. Il est immense, mais son immensité n’est pas
l’espace. Dieu est éternel, mais son éternité n’est pas le temps.
En dernière analyse, « Dieu est tout ce qu’il a »250. Dieu est créateur. Sa
conception de Dieu déterminera sa conception du monde.
Augustin opte pour une création ex nihilo et c’est par un acte libre que
Dieu a créé le monde. « Les créatures, dit-il, tiennent leur être de Dieu nous, en
elles, l’être est lié au changement »251. Toutefois Augustin s’écarte de Platon, car
Dieu demeure « élevé au-dessus de tous les êtres »252. Ainsi il est au-dessus de
leur ordre. Augustin rejette l’immanence et plaide pour la transcendance.
Le temps et l’espace ont commencé avec la création. Donc ils ont été
créés par Dieu.
248
AUGUSTIN, De civilitate Dei, 11, 4, 2, cité par F. COPLESTON, o.c., p. 77-78.
249
ID., De doctrina christiana 1, 7, 7, cité par F. COPLESTON, o.c., p. 78.
250
E. DURAND, Histoire de la philosophie, Paris, Ancienne Librairie Poussielgue, 1910, p.
89.
251
F. COPLESTON, o.c., p. 84. Cf. AUGUSTIN, De libero arbitro 3, 15, 42.
252
AUGUSTIN, Confessions II, 6, 13, 2, cité par J. PEPIN, o.c., p. 88.
88
253
M. DE WULF, o.c., 4ème édition, p. 96.
254
Ibidem, p. 95.
89
L’âme est spirituelle. Voilà qui explique son immortalité. Elle se sert du
corps et le régit. Elle n’est pas agie par le corps. Supérieure au corps, elle n’a
pas préexisté pour autant. Créée par Dieu, elle n’a pas été mise dans le corps en
châtiment pour une existence pré-terrestre. Sur ce point, il se démarque aussi
d’Origène.
255
Cf. Ibidem, p. 96.
256
Ibidem, p. 96.
90
2.2.4.2.2.5. Ethique
En outre, son éthique est celle de l’amour, « car si Dieu est le bien
suprême de l’homme… et si chercher le bien suprême c’est vivre vertueusement,
il s’en suit donc que vivre vertueusement n’est rien d’autre que d’aimer Dieu de
tout son cœur, de toute son âme, de tout son esprit »257. Réaliste, Augustin sait
que, laissé à lui-même, l’homme ne parviendrait pas à la béatitude. Voilà
pourquoi il affirme que c’est avec l’aide de la grâce que l’homme peut
participer au Bien immuable. La grâce est un don gratuit venant d’un Dieu
miséricordieux. Cependant, reconnaît-il, les lois morales éternelles sont
imprimées dans le cœur de l’homme « comme l’anneau s’imprime dans la cire
sans y rester »258.
Le problème du mal n’a pas été laissé de côté. Pour le philosophe africain,
le mal n’a pas été créé par Dieu et n’est pas une chose. Elle provient de la
volonté humaine se détournant du Bien immuable et infini. Le mal est une
privation du bien, il est « ce qui déchoit de l’essence et tend au non-être… Il
tend à faire cesser d’être ce qui est »259. Par ailleurs, Augustin argumente : « Si
la perfection morale consiste à aimer Dieu, à diriger la volonté vers Dieu et à
mettre toutes les autres facultés, par exemple le sens, en accord avec cette
orientation, le mal consiste à détourner la volonté de Dieu »260. Il s’agit du mal
257
AUGUSTIN, De moribus eccl., 1, 25, 46, cité par F. COPLESTON, o.c., p. 91.
258
F. COPLESTON, o.c., p. 92.
259
AUGUSTIN, De moribus eccl., 2, 2, 2, cité par Ib., p. 94.
260
F. COPLESTON, o.c., p. 93. Nous soulignons.
91
moral qui est « ainsi absence de rectitude de la volonté créée »261. Il se trouve
dans le consentement.
C’est dans l’histoire que se fait jour, dit-il, la lutte de deux royaumes ou
cités, à savoir la cité terrestre ordonnée à l’amour de Dieu et la cité céleste. La
cité terrestre est symbolisée par l’Etat païen, en l’occurrence Babylone et la cité
céleste l’Eglise, incarnation de Jérusalem.
Les deux cités se compénètrent de telle sorte qu’il faut être attentif pour
ne pas faire dire à Augustin ce qu’il n’a pas dit. Voilà pourquoi il faut faire
parler Augustin lui-même : « Nous voyons maintenant un citoyen de Jérusalem,
un citoyen du royaume du ciel qui remplit une fonction sur terre ; il porte la
pourpre, il est magistrat, édile, proconsul, empereur, il dirige l’état terrestre mais
son cœur est plus haut s’il est chrétien, s’il fait partie des croyants… Ne
désespérons donc pas des citoyens du royaume céleste quand nous les voyons
Ibidem, p. 94.
261
engagés dans les affaires de Babylone, accomplissant des actes terrestres dans
un état terrestre ; ne félicitons pas non plus sur-le-champ tous les hommes qui
sont occupés aux affaires célestes car même les fils de la pestilence s’assoient
parfois dans le siège de Moïse… Mais viendra le temps du vannage où ils seront
séparés avec le plus grand soin »263.
Nous avons été longs avec lui, car il est la grande figure, selon nous, de la
Patristique
263
AUGUSTIN, De Civilitate Dei, 1924, cité par F. COPLESTON, o.c., p. 97.
264
F. COPLESTON, o.c., p. 98.
265
AUGUSTIN, Cité de Dieu, VIII, V, cité par B. RUSSELL, o.c., p. 373.
266
E. DURAND, o.c., , p. 89.
93
2.3. HIER267
Qui est-il ?
Né le 27 mai 1332 à Tunis et mort le 17 mars 1406 au Caire, Ibn Khaldoun
est reconnu comme un historien, un économiste, un géographe et un
démographe.
Ses idées portent sur la « théorie cyclique des empires, Asabiyya, [sur la]
Théorie de la croissance économique, [sur la] Théorie de l'offre et de la demande
[et sur la] Philosophie de l'histoire"271.
267
Cette section s’inspire uniquement, en attendant nos recherches ultérieures, des documents
tirés de l’Internet.
268
http://www.universiteahmedbaba.com/web/a-propos-de-ahmed-baba/
269
https://www.herodote.net/Bio/Ibn_Khaldoun-biographie-SWJuIEtoYWxkb3Vu.php
270
Ibidem
271
https://fr.wikipedia.org/wiki/Ibn_Khaldoun
94
Son contexte historique est celui d’une « époque fort troublée, marquée
par divers bouleversements socio-politiques, par l'apparition de la peste noire et
par d'incessantes luttes dynastiques au Maghreb » 272.
Théories
Pour lui L'histoire est une science car elle produit le savoir.
Il perça « les causes profondes de l'instabilité chronique qui touche les États du
Maghreb129 et cherche à comprendre la raison de la répétition continuelle des
intrigues et des assassinats129. C'est en dominant l'incohérence de cette histoire
événementielle et en généralisant ces faits qu'il peut selon lui y voir clair 129.
Mais plus que cette simple étude, il souhaite proposer « une conception globale
de l'histoire, une analyse des structures sociales et politiques, un examen de leur
évolution »274129.
272
273
274
https://fr.wikipedia.org/wiki/Ibn_Khaldoun#Cite_note-lacoste83-134
275
https://fr.wikipedia.org/wiki/Ibn_Khaldoun#Cite_note-goumeziane40-138
276
Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Ibn_Khaldoun#Cite_note- goumeziane32-123
95
Postérité et influence
Ibn Khaldoun est présenté « comme l'un des pères fondateurs de l'histoire
en tant que science »280 et il est conssidéré pour certains comme un des
précurseeurs des travaux de de Nicolas Machiavel, Montesquieu, Auguste
Comte, Karl Marx ou Max Weber281
Critiques
Influences
277
https://fr.wikipedia.org/wiki/Ibn_Khaldoun#Cite_note- goumeziane41-140
278
https://fr.wikipedia.org/wiki/Ibn_Khaldoun#Cite_note- goumeziane32-123
279
https://fr.wikipedia.org/wiki/Ibn_Khaldoun#Cite_note153.
280
https://fr.wikipedia.org/wiki/Ibn_Khaldoun#Cite_note-lacoste8-159
281
https://fr.wikipedia.org/wiki/Ibn_Khaldoun#Cite_note-carrépersée 170
282
https://fr.wikipedia.org/wiki/Ibn_Khaldoun#Cite_note-ADAOU-33
283
Ibidem
284
https://fr.wikipedia.org/wiki/Ibn_Khaldoun#Cite_note-187
96
Présence contemporaine
288
Ibidem
289
Ibidem
290
Ibidem
291
Ibidem
292
Ibidem
293
Ibidem
98
http://www.universiteahmedbaba.com/web/a-propos-de-ahmed-baba/
Plus de cinq mille adages ou maximes lui furent attribués. Ayant appris le
massacre des habitants de Ndate, à sa rencontredes gens « portant en terre le
294
Ibidem
295
Ibidem
296
Ibidem
297
https://fr.wikipedia.org/wiki/kocc_barma_fall#cite_note-2
99
299
300
301
302
303
100
Kocc Barma, contrairement à ses frères qui rasaient complète »ment leur
tête, avait réservé sur sa tête quatre touffes de cheveux. « Chacune de ces
touffes », disait-il, « représente une vérité morale connue de moi et de ma
femme ». Sa femme avait de son côté un fils de premier lit (dans un premier
mariage).
Le Damel, piqué de curiosité, chercha longtemps et en vain à découvrir le secret.
Il eut enfin recours à la ruse. Il fit venir la femme du philosophe qu'il gagna à
force de cadeaux. Elle dit alors la vérité morale des quatre touffes qui sont :
puisque ma femme, que je n'avais rendue dépositaire de mon secret que pour
éprouver sa fidélité, l'a trahi pour de vils présents ? »
« N'est-il pas vrai qu'un enfant de premier lit n'est pas un fils mais une guerre
intestine, puisqu'au moment où il aurait dû pleurer son père, condamné à mort, il
ne pensait, au contraire, qu'à lui réclamer des habits dont il craignait la perte ? »
« N'est-il pas vrai qu'un vieillard est nécessaire dans un pays, puisque sans un
vieillard sage et prudent dont la gravité a su dominer votre passion, je ne vivrais
plus dans ce moment, mais je serais mort, victime de votre injuste colère ? »
Postérité
Pensée
Bibliographie
https://fr.wikipedia.org/wiki/Zera_Yacob
Biographie
305
https://fr.wikipedia.org/wiki/zera_yacob#Cite_note-:0-2
306
Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Anton_Wilhelm_Amo
307
Ibidem
103
Licencié en droit en 1729, « après un mémoire sur les droits des Noirs en
Europe, intitulé De Jure Maurorum in Europa (Du droit des Maures en Europe),
le 2 septembre 1730, il rejoint l’Université de Wittemberg, où il poursuit ses
études en médecine. Le 17 avril 1734, il soutient sa thèse intitulée De Humanae
mentis apatheia (De l’Apathie de l’âme humaine). Il devient alors le premier
africain noir à être docteur en lettres et philosophie dans une université
européenne »309.
la morale religieuse (que représente Joachim Lange par exemple), Amo se situe
du côté des Lumières. L’université de Halle a, à cette époque, la réputation
d’être un centre des Lumières, notamment grâce à Christian Wolff.
Dans un contexte politique raciste, Amo a défendu « les droits des Noirs
dans sa première dissertation inaugurale De Jure Maurorum in Europa (Du droit
des Maures en Europe) de 1729, où il discute la question de l’esclavage et des
libertés des Noirs vivant en Europe »312.
312
https://fr.wikipedia.org/wiki/Anton_Wilhelm_Amo
313
Ibidem
314
Ibidem
315
https://fr.wikipedia.org/wiki/Anton_Wilhelm_Amo#cite_note-7
105
Si la figure d’Amo a été largement utilisée pour défendre les droits des
Noirs ou revendiquer leur égalité intellectuelle, son œuvre a rarement été prise
en compte comme pilier des « Aufklärung » (les Lumières). Anton Amo est ainsi
largement emblématique, mais sa philosophie est peu connue et peu discutée.
C’est dans une perspective symbolique que, depuis 1994, l’université Martin-
Luther de Halle-Wittemberg remet un prix « Anton Wilhelm Amo » destiné aux
étudiants étrangers.A noter que depuis 2021, un certain nombre d'écrits se sont
attachés à étudier le contenu de son ouvrage, à commencer par l'ouvrage de
Daniel Dauvois mais également de Driss Gharmoul [archive], lequel cherche à
faire converser la pensée amiste à celle d'Edouard Glissant de manière à
favoriser la construction d'un dialogue dépassionné entre l'Europe et l'Afrique,
notamment à l'égard de l'héritage des Lumières.
Écrits
Doué pour les études, c’est à « 20 ans, en 1737, [qu’] il entra à l’université
de Leyde pour y faire des études de théologie, ayant le projet de devenir pasteur
en Afrique »317.
316
http://une-autre-histoire.org/jacobus-capitein-biographie/
317
Ibidem
318
Ibidem
319
https://fr.wikipedia.org/wiki/Jacobus_Capitein
320
Ibidem
107
Mission
2.3.7. OGOTEMMELI
Bibliographie
Scranton, Laird, (suite John Anthony West ), Sacred Symbols of the Dogon:
The Key to Advanced Science in the Ancient Egyptian Hieroglyphs, Simon and
Schuster (2007), pp. 151–2, ISBN 9781594777530 (récupéré le 3 mars 2020) [8]
321
Ibidem
322
https://fr.isecosmetic.com/wiki/Ogotemmeli
323
Ibidem
108
Conseil indien pour l'Afrique, Centre indien pour l'Afrique; Africa Quarterly,
Volumes 45-46, Centre indien pour l'Afrique (2006), p. 51
324
Je mets noir et blanc entre guillemets pour la simple raison, à mon avis, il n’y a qu’une
seule race, la race humaine et que la « coloration » relève de l’idéologie.
325
H. MONO Ndjana, La philosophie négro-africaine. Essai de présentation générale, Paris,
L’Harmattan, 2016, p.225.
326
Cf. Ibidem, p.226.
327
Ibidem, p.226.
110
pas opposé à la liberté chrétienne et que ses frères de « race noire » peuvent
devenir chrétiens328.
328
Cf. ID., Histoire de la philosophie africaine, p.46.
329
Cf. J.-G. BIDIMA, La philosophie africaine, Paris, PUF, 1995, p.12.
330
Cf. BILOLO Mubabinge, Contribution à l’histoire de la reconnaissance de la philosophie
en Afrique Noire traditionnelle 1900-1945. Présentation des textes et effort de
compréhension, Mémoire de Licence, Kinshasa, FTC, 1978.
111
A.J. Smet nous apprend que le titre est Philosophie bantu et non La philosophie bantu. Lire
331
3.1.2.2.1.1.1. Pensée
le substantif du pensée vient du verbe penser, et ce dernier dérive du verbe
latin « pensare ». Celui-ci signifie réfléchir. Mais que signifie pensée ? Celle-ci
est « tout ce dont nous avons conscience (c’est moi qui souligne). [Et] la pensée
désigne plus particulièrement l’acte de réfléchir (« penser, c’est juger », dit
Kant) ou le produit de la réflexion (les pensées de Pascal)…On distingue, en
toute rigueur la notion de « pensée », qui est réflexive, et celle de
« connaissance », qui porte immédiatement sur l’objet réel ( le monde, les
hommes, etc.) »337. De cette définition, la pensée est en l’homme et celui-ci en
est conscient. Ainsi, là il y a une réflexion, il y a « un retour sur soi, une
évaluation de son être, un éveil de la conscience ».338 Désignant, en outre, l’acte
de réfléchir, la pensée se manifeste comme présence à la conscience. En d’autres
termes, « dans la pensée, la présence est d’abord présence de la conscience à
elle-même »339.
Par ailleurs, la pensée peut se définir comme « un corps de jugements et
d’opinions accumulés par un individu au cours de son expérience existentielle,
ou par un groupe d’individus. C’est pour cette dernière considération que l’on
parle, alors, de pensée d’un peuple ou, mieux encore, de sa culture, de son
esprit »340, ce dont on est toujours conscient.
En outre, la pensée peut prendre plusieurs formes. Ainsi on parlera de la
pensée économique, pensée politique, pensée religieuse, pensée philosophique,
etc.341
3.1.2.2.1.1.2. Pensée africaine ou Philosophie africaine
De ce qui précède, je dirais, à la suite d’Hubert Mono Ndjana, le Gardien
du Temple de la Philosophie africaine, que « l’expression ‘pensée africaine’
devrait désignait toutes les productions mentales d’Africains, dont il est difficile,
même en anthropologie,, de faire un inventaire exhaustif »342. Ce sens paraissant
générique, Hubert Mono Ndjana reconnait que la philosophie ne s’occupe pas de
faire l’inventaire des productions mentales, mais elle s’occupe de produire.
D’où il préfère ne pas parler de « pensée africaine », mais de « pensée
philosophique » : « C’est bien cette acception qu’il faut avoir en vue quand on
entendra désormais l’expression ‘pensée africaine’. Le tout est de mesurer
337
D. JULIA, Dictionnaire de la philosophie, Paris, 1972, p.225.
338
P. KAUMBA LUFUNDA, « De la conscience réfléchissante à la réciprocité des
consciences », dans Langage et philosophie, Kinshasa, 1981, p.310.
339
Ibidem ; p.310.
340
H. MONO Ndjana, La philosophie négro-africaine. Essai de présentation générale, Paris,
L’Harmattan, 2016, p.62.
341
Cf. Ibidem, p.62.
342
Ibidem, p.63.
114
343
Ibidem, p.63. Je souligne.
344
Ibidem, p.63-65. Je souligne.
345
NIAMKEY Koffi, Controverse sur la philosophie africaine, Paris, L’Harmattan, 2018, p.
145.
346
Ibidem, p. 147.
347
Ibidem, p. 157.
115
comme évidentes et aller de soi des propositions qui n’auraient aucun sens si
nous essayions de les traduire ou de les reformuler dans nos langues »348. Et
Kwasi Wiredu lançait sous forme de slogan : « Philosophes africains, apprenons
à philosopher dans nos langues »349.
Bref, Ngoma-Binda résume ce débat portant sur la langue de la production
philosophique. Ainsi il parle de la « ligne radicaliste…naguère tracée par
Cheikh Anta Diop, qui plaide pour l’usage immédiat, aujourd’hui et en Afrique,
des langues africaines »350. Dans cette classe il aligne aussi Nzege, Hountondji et
Kwasi Wiredi. Il existe aussi la ligne modérée défendue par Eboussi Boulaga
pour qui « il faut aborder le problème linguistique d’une manière
‘pragmatique ‘. Il entend par là qu’il faut utiliser les langues africaines là où cela
est possible ; mais aussi et surtout, il faut laisser aux Africains la liberté
d’utiliser les langues étrangères qu’ils maîtrisent pourvu qu’ils ne prennent pas
ces langues comme trait distinctif d’une culture supérieure »351. Les raisons
évoquées en faveur des langues africaines sont principalement quatre : la
démocratisation du savoir( la diffusion du savoir se réalisera mieux et
efficacement en utilisant la langue parlée par « la communauté tendue vers son
auto-transformation qualitative »),l’ économie intellectuelle et financière
( « l’utilisation des langues africaines constituerait [pour nos étudiants], à coup
sûr, une sérieuse économie intellectuelle, et financière puisqu’ils passeraient un
peu plus facilement de classe ») ;l’argument de la relativité linguistique (toute
langue véhicule une vision et une conception du monde ; d’où « on traduirait
mieux la richesse de la pensée africaine en ses multiples nuances
expressionnelles » )et l’homme vit aussi de fierté (argument de nature
psychologique)352. Mon point de vue est déjà donné quant à ce.
3.1.2.2.1.3. Qui sont les philosophes africains ?
Qui sont les philosophes africains ? fut une question lancée comme
objection contre l’Ethnophilosophie. A ce propos, Hountondji donne sa célèbre
réponse : « J’appelle philosophie africaine un ensemble de textes : l’ensemble
précisément des textes écrit par les Africains et qualifiés par leurs auteurs eux-
mêmes de « philosophiques » »353. Est philosophe africain, selon cette citation,
l’Africain qui se dit philosophe pour avoir produit un texte qu’il qualifie de
348
P. HOUNTONDJI, Seize questions sur la philosophie africaine. Entretien de Valérie
Marin la Meslée avec Paulin Hountondji , questions posées par courriel du 19 décembre 2008,
publié en version abrégée par Le Point N°22 avril-mai 2009, pp.82-83 et publié le 23 août
2010 sans Africultures.
349
WIREDU Kwasi, cité par Ibidem.
350
P. NGOMA-BINDA , La philosophie africaine contemporaine : analyse historico-critique,
Kinshasa, Facultés Catholiques de Kinshasa, 1994, p.199.
351
Ibidem, p.201.
352
Cf. Ibidem, p. 202-204.
353
P. HOUNTONDJI, cité par NIAMKEY Koffi, Op. cit., p. 180.
116
philosophique. Niamkey s’est interrogé en ces termes : « Qui nomme qui ? Qui
dit ceci est cela ? Que ceci est philosophique ou non ? Et c’est dans l’entreprise
taxinomique que se manifeste le mépris de l’autre. Mépris qui consiste à
nommer l’autre d’un terme péjoratif renvoie à une différence culturelle qu’on
convertit en différence hiérarchique, c’est-à-dire en inégalité »354. Ainsi,
Niamkey nous invite pour répondre à la question « Qui sont les philosophe
africains ? » à « nous décoloniser intellectuellement et [à] décoloniser la
terminologie, le regard et la langue [dont] nous nous servons pour
exprimer et expliquer nos sociétés et les faits de culture de nos sociétés »355.
Hubert Mono Ndjana a ses critères : aire géographique, toute philosophie
proposée un jour par quelque natif ou originaire de la terre africaine, l’Afrique
comme cadre de référence global
Pour répondre à cette question je me réfère à mon livre Philosophie pour
tous. Introduction thématique à la philosophie occidentale et à la philosophie
africaine356
Sur quoi doit-on se baser pour qualifier un écrit de philosophie
africaine ? S’agira-t-il :
Du genre des problèmes étudiés ?
De l’appartenance géographique ?
De la langue de production ?
De parler Sur, De et À partir de l’Afrique ?
Je pense que
Par-delà le genre des problèmes étudiés, l’appartenance géographique, la langue
de production et l’Afrique, il y a l’Identité357.
354
NIAMKEY Koffi, Op. cit., p. 181.
355
Ibidem, p. 181. Je souligne.
356
L. MPALA Mbabula, Philosophie pour tous. Introduction thématique à la philosophie
occidentale et à la philosophie africaine, Paris, Edilivre, 2016, p.141-142.
357
Sur ce point j’ai eu à discuter avec Jean Éric BITANG de l’Université de Douala. Il
préfère le concept nationalité à celui d’identité. Pour lui, le premier concept est plus
opérationnel et à ce propos, il écrit : « L’identité est plus propice, mais il faudrait qu’on lui
substitue le concept plus opérationnel et plus concret de nationalité (…). Est philosophie
africaine toute production philosophique dont l’auteur a la nationalité de l’un des 53 pays qui
composent le continent Africain. L’africanité ne devient ici que la caractéristique de la
nationalité des sujets qui philosophant et produisant de la philosophie, communiquent cette
nationalité à leurs œuvres » ( Jean Éric BITANG, contre Monsieur Folscheid et pour la
philosophie africaine [en ligne] https://jeanericbitang.wordpress.com/2011/09/28/contre-
monsieur-folscheid-et-pour-la-philosophie-africaine/(page consultée le 12 avril 2016). Prière
117
361
R.E. MUTUZA Kabe, De la philosophie occidentale à la philosophie négro-africaine.
Apport des philosophes zaïro-congolais, Kinshasa, Editions Universitaires Africaines et
L’arc-en-ciel, 2008.
362
Ibidem, p. 68.
363
Ibidem, p. 68.
364
F. CRAHAY, cité par Ibidem, p. 69.
365
R.E. MUTUZA Kabe, Op. cit., p. 69.
366
Ibidem, p. 69.
367
Ibidem, p. 69-70.
119
368
Ibidem, p. 70.
369
F. CRAHAY, cité par A.J. SMET, Op. cit., p. 26.
370
Ibidem, p. 27.
371
A. J. SMET, dans M. BUASSA Mbandu, Op.cit., p.30. Je souligne.
372
Ibidem, p. 29.
373
C’est comme si c’est à présent que l’Africain apprenait à philosopher.
374
A. J. SMET, dans M. BUASSA Mbandu, Op.cit., p.30.p. 30.
120
375
Ibidem, p. 30.
376
D’autres écrivent Ethno-philosophie en deux mots.
377
- DOSSOU Y. Davy, Philosophie africaine : principaux courants et perspectives, Paris,
Edilivre, 2015. Il ignore l’existence de Paulin Hountondji II.
- NIAMKEY Koffi, Controverse sur la philosophie africaine, Paris, L’Harmattan, 2018. Ce
philosophe ignore que Paulin Hountondji des années 70 n’est plus. Ignorance entretenue( ?).
378
Cf. H. MONO Ndjana, La philosophie négro-africaine. Essai de présentation générale,
Paris, L’Harmattan, 2016, note 292. Je souligne. Il signale qu’en 1983, au cours du Colloque
de philosophie organisée à l’Ecole Normale Supérieure de Yaounde, Paulin Hountondji s’est
expliqué que le mot ethnophilosophie ne vient ni de lui, ni de Towa, mais de Nkrumah.
379
P. NGOMA-BINDA, La philosophie africaine contemporaine. Analyse historico-critique,
Kinshasa, FCK, 1994, p. 46.
380
P. HOUNTONDJI, cité par R.E. MUTUZA Kabe, Op.cit., p.71.
121
391
Ibidem, p. 27.
392
Ibidem, p. 23.
393
Ibidem, p. 28.
394
Ibidem, p. 28.
395
Ibidem, p. 25.
396
Ibidem, p. 25-26. Je souligne.
124
397
Ibidem, p. 26.
398
Ibidem, p. 26. Je souligne.
399
Ibidem, p. 26.
400
Ibidem, p. 27. Cf. Antonio Gramsci.
401
Ibidem, p. 28.
402
Ibidem, p. 29. A. Gramsci parle en Niamkey.
403
Ibidem, p. 30.
404
Ibidem, p. 28.
125
416
P. HOUNTONDJI, cité par Ibidem, p. 47-48.
417
NIAMKEY Koffi, Op. cit., p. 48.
418
NIAMKEY Koffi, Op. cit., p. 49. Je souligne.
419
Ibidem, p. 51.
420
Ibidem, p. 59. Je souligne.
421
Ibidem, p. 62. Je souligne.
128
inscription : « défense de… sous peine de… ». C’est dire qu’ils n’ont
d’efficacité qu’en tant qu’instruments de signification, leurs constituants
fonctionnant comme signes »428. De ce fait, ces objets sont analysables, selon
Niamkey, comme « écriture » « dans la mesure où ils représentent une forme
« cristallisée » d’un discours. En tant que « textes », ce sont des moyens de
communication, porteurs d’une « charge » informationnelle, d’un « message »
codé »429. En effet, ces objets fonctionnent comme « adresse » et comme « signe
attitudinal »430. Selon Houis, nous informe Niamkey, « une « adresse » est un
signe qui nous commande de prendre telle ou telle attitude, tels par exemple les
feux de signalisation tricolores… un signe attitudinal est un signe qui nous
renseigne sur les sentiments de son instigateur »431. L’ « adresse » et le
« signe attitudinal » relèvent d’une technique de communication opérant une
fixation du discours. « Et, à strictement parler, précise Niamkey, l’écriture, dans
son essence, n’est rien d’autre. Elle consiste dans l’exploitation des possibilités
de la perception et se constitue comme langage durable, transportable et
conservable »432. Comme on le voit, « à côté de la littérature orale, il y a les
textes « crypto-grammatique » que l’on a appelés sous l’effet d’une certaine
conception du livre : fétiches, statuettes funéraires, objets et gestes liturgiques
(rites, sanctuaires), etc., systèmes symboliques où se trouve cristallisée
généralement l’idéologie dominante qui considère comme philosophie implicite,
collective, inconsciente alors qu’il ne s’agit que d’une philosophie devenue
pratique »433.
De ce qui précède, l’on retiendra que le palladium a des éléments
constitutifs qui sont à « considérer comme éléments d’une pictographie ou d’un
pictogramme dans la mesure où le palladium qui est le « fétiche » est une
véritable « pancarte » »434. Voilà une argumentation digne de faire apparaitre les
voies nouvelles, juge Niamkey, « d’une recherche des philosophes produite dans
nos diverses sociétés africaines précoloniales sans laisser régner l’arbitraire
d’une lecture ou d’une interprétation sans mémoire ni retour »435.
Le débat sur l’écriture a conduit Niamkey à nous inviter « à sortir de la
philosophie les textes écrits. Car l’écriture n’est pas le moteur de l’histoire de la
philosophie, contraire à ces pensées, Hountondji [pour qui la philosophie ne peut
s’accomplir pleinement que dans une civilisation d’écriture] »436. Le moteur de
l’histoire de la philosophie, indique Niamkey en bon ( ?) marxiste est dans « les
428
Ibidem, p. 103.
429
Ibidem, p. 103.
430
M. HOUIS, cité par Ibidem, p. 103.
431
NIAMKEY Koffi, Op. cit., p. 103. Note 99. Je souligne.
432
Ibidem, p. 103. Il résume Maurice Houis.
433
Ibidem, p. 117.
434
Ibidem, p. 104.
435
Ibidem, p. 104.
436
Ibidem, p. 189.
130
était de bonne foi et n’avait pas conscience de ces graves implications de son
discours [surtout que la mauvaise traduction parle de « notre mission
civilisatrice » en lieu et place de « La philosophie bantoue et nous, les
civilisateurs]. Du reste, ici encore, les travaux du Père Smet obligent à corriger
l’image de l’homme qui pouvait se dégager de cette lecture »459. Bref, s’explique
Hountondji, cette restitution du contexte politique dans lequel Tempels a écrit,
oblige « à une lecture indulgente de La philosophie bantoue »460. Cette honnêteté
scientifique fera dire à Hountondji que « ce qui est sûr, en tout cas, c’est que La
philosophie bantoue, replacée dans le contexte de la longue carrière de l’auteur,
apparait rétrospectivement comme un accident de parcours »461. La
philosophie bantoue est-elle un accident de parcours comme le prétend
Hountondji ? L’entretien de Smet à laquelle je me réfère est de 1997. J’espère
qu’Hountondji l’a lue. Au cas contraire, ce passage de Smet pourrait l’aider à
retirer son expression « un accident de parcours » : « Mes [Smet] rencontres
avec Tempels vivant m’ont fait connaitre davantage l’homme et son œuvre, et
l’importance de ses conceptions sur la catéchèse qui sont à l’origine de son
entreprise d’écrire une philosophie bantu. Cette philosophie bantu n’était pour
Tempels qu’une étape »462. Etape et non « un accident de parcours ».
Hountondji termine son article par une prise de position qui semble
déroutante : « Sur un point essentiel, cependant, je n’ai pas changé d’avis (…).
La tâche du philosophe ne saurait se limiter, logiquement ou, pour reprendre les
termes de Niamkey, « l’articulation logique de la pensée » de sa société
(…) »463. Alors sur quel point a-t-il changé d’avis ?
Son Maître Louis Althusser a dit : « Un philosophe ne se trompe
jamais ! »464. Et pourtant, pendant l’hiver 1983-1984, il accorda des entretiens à
Fernanda Navarro dans lesquels il reconnait avoir « fabriqué une philosophie
« imaginaire pour Marx, une philosophie qui n’existe pas dans son œuvre- si
l’on s’en tient strictement à la lettre de nos textes »465. Il reconnait cette erreur et
« ce qui a été déterminant, je l’ai déjà dit, ce furent les recherches de Bidet, qui
apportent un éclairage nouveau sur l’œuvre de Marx »466. Alors, le philosophe,
comme tout homme, se trompe. Que dire de Paulin Hountondji ? Comme
philosophe, Hountondji avance masqué comme le lui recommande R.
Descartes. Que retenir alors ? Ce qui suit : « Une meilleure connaissance de nos
459
Ibidem, p. 349. Je souligne. Père Smet peut se calmer car Paulin Hountondji vient de
« rendre » sa dette de reconnaissance. C’est important, car il est bon d’être « loué » pour ses
travaux pendant que l’on est vivant.
460
Ibidem, p. 349.
461
Ibidem, p. 350. Je souligne.
462
A.J. SMET, dans M. BUASSA Mbandu, Op. cit., p. 44. Je souligne.
463
P. HOUNTONDJI, Art. cit., p. 359. Je souligne.
464
L. ALTHUSSER, Op. cit., p. 18.
465
IDEM, Sur la philosophie, Paris, Gallimard, 1994, p. 37.
466
Ibidem, p. 37.
136
467
Ibidem, p. 18.
468
P. HOUNTONDJI, Art. cit., p. 344.
469
Ibidem, p. 344-346.
470
Ibidem, p. 352.
137
allait plus loin dans sa critique par rapport à Towa, car il mettait en cause et la
méthode et l’objet. La philosophie bantoue de Placide Tempels avait une
méthode hybride et était une étude sans objet, car la « philosophie africaine »
entendue comme système de pensée collectif, était à « ses yeux » un mythe, une
invention du « savant exégète » qui entreprenait de la reconstituer. Tempels
présentait « sa propre philosophie à lui » et non celle des Bantu.
Ayant compris qu’avec ses critiques, il était peut-être « allé trop loin »478,
Hountondji comprend « parfaitement que Towa ait cru devoir se démarquer
d’une position aussi extrême en publiant, peu après son célèbre Essai, une sorte
de rectificatif ou de mise au point sous le titre : L’idée d’une philosophie négro-
africaine (Towa, 1979). L’esprit critique n’est le monopole d’aucune culture. Il
est à l’œuvre aussi bien dans les littératures orales d’Afrique noire que dans les
plus hautes spéculations de l’Occident. En ce sens oui, la philosophie n’existe
pas dans l’Afrique précoloniale. C’est ce que notre collègue a cru devoir
rappeler avec insistance, de manière à prévenir tout malentendu sur le sens et la
portée de sa critique de l’ethnophilosophie »479. Voilà Marcien Towa II. A
retenir. Hountondji continue à présenter Marcien Towa II : « En somme, après
s’être employé à délégitimer la revendication post-coloniale d’une philosophie
africaine déjà-là, il découvre à son tour, dans la littérature orale africaine, à
défaut d’une philosophie constituée et d’une doctrine particulière qu’il faudrait à
tout prix défendre et promouvoir, ce qui lui parait la condition première de toute
philosophie en générale : l’esprit philosophique, entendu comme aptitude à se
distancer de l’esprit et à le relativiser »480. Towa a rebroussé chemin après avoir
entendu d’autres sons de cloches dont ceux de Niamkey Koffi et de
Tshamalenga Ntumba sans oublier, sans doute, ceux de ses collègues
professeurs camerounais.
3.4.2.3. Paulin Hountondji le « sophiste » ou le « paralogiste »
Après avoir présenté Towa II, Hountondji déclare : « Ma démarche était
passablement différente. A mes yeux [aveugles ?], il ne suffisait pas de montrer
l’universalité de l’esprit critique, et grâce à elle, la possibilité d’une philosophie
africaine »481. Il a constaté l’existence réelle d’un corpus philosophique avec
« ses mérites et ses insuffisances, sa grandeur et sa misère »482. De quel corpus
toujours en même temps le danger de « projeter » sa propre philosophie derrière celle qu’il
interprète, c’est ce qui n’échappe à personne. L’on peut même reconnaitre que ce danger est
insurmontable (…). Par ailleurs, une pensée ne cesse pas d’être une pensée du seul fait qu’elle
n’est pas écrite, encore moins signée » (p. 45).
Ibidem, p. 2.
478
Ibidem, p. 2.
479
Ibidem, p. 2. Je souligne.
480
Ibidem, p. 2. Je souligne.
481
Ibidem, p.3.
482
Ibidem, p. 3.
139
491
Ibidem, p. 3.
492
Ibidem, p. 4.
142
pris F. Crahay comme « maitre à penser » à Hountondji et dit qu’ « ils [F.
Crahay, P. J. Hountondji, M. Towa, etc.] parlent tous d’une définition
absolutiste, dogmatiste, idéalisante et donc utopiste de « la » philosophie…
Qu’y a-t-il d’autocritique chez Hegel, chez Schopenhauer… ? Quant à Kant, ce
maitre de la critique, est-il radicalement critique et autocritique ? A-t-il jamais
critiqué son « sujet transcendantal » ? (…). Ainsi pour avoir négligé de
« décoller » à partir des philosophies historiquement attestées, Crahay et ses
disciples sont en l’air : leur « concept » de philosophie est et ne sera sans doute
jamais qu’une mythologie : « la » [souligné par l’auteur] philosophie n’existe et
n’existera jamais que dans leur esprit, à moins qu’ils ne consentent, un jour, à
réfléchir sur le fait que non seulement toute philosophie est historique mais que,
en outre, l’histoire ne nous offre jamais que des philosophies de niveaux
divers »496.
Revenons à Hountondji qui définit, à présent, l’ethnophilosophie comme
« l’étude des représentations collectives dans une société donnée, ou plus
exactement, en suivant une suggestion de Marc Augé, l’étude de la logique des
représentations collectives, l’étude de « l’idéo-logique » d’une société donnée.
Une telle étude est décisive lorsqu’on a affaire à des sociétés dites sans écriture,
ou plus exactement, comme l’écrit Maurice Houis, à des « civilisations de
l’oralité » »497. De cette définition, Hountondji conclut : « Voilà pourquoi,
justement, on est tenté de prendre l’ethnophilosophie pour la philosophie des
sociétés orales. L’ethnophilosophie devient ainsi la philosophie du pauvre. Plus
exactement, étant l’étude des « idéo-logiques », on est tenté d’y voir l’étude de
ce qui, dans les civilisations de l’oralité, peut être considéré comme l’équivalent
exact de ce qu’on appelle en Occident, la philosophie. Mais, il faut convenir
qu’en fait, l’idéo-logique n’est pas le monopole des sociétés orales, et qu’il y a
lieu d’étudier aussi les représentations collectives des sociétés de l’écrit.
L’Ethnophilosophie apparait alors comme l’étude des systèmes de pensée
collectifs en générale et pas seulement ni forcément dans les sociétés orales »498.
Hountondji écrit : « On est tenté ». Qui est tenté ? On sans doute. Qui est
On ? Est-ce Hountondji lui-même, Niamkey Koffi ou Marc Augé ? En lisant
toute la citation, je me rends compte que le On n’est rien d’autre que Paulin
Hountondji. Il ferait mieux de dire : « Je suis tenté de … ». Pourquoi se
masquer ? Il me répond : « Puisqu’il est possible d’étudier aussi les
représentations collectives dans des sociétés disposant par ailleurs d’une
tradition philosophique écrite, la tentation signalée plus haut s’évanouit d’elle-
même, et l’ethnophilosophie est remise à sa juste place »499. Ouf !
L’ethnophilosophie retrouve ses lettres de noblesse jadis confisquées. Je
496
TSHIAMALENGA Ntumba, Art. cit., p. 44.
497
P. HOUNTONDJI, « « Ethnophilosophie » : le mot et la chose », p. 6-7.
498
Ibidem, p. 7. Je souligne.
499
Ibidem, p. 7. Je souligne.
144
500
Ibidem, p. 7.
501
Ibidem, p. 7.
145
502
Le livre de DOSSOU Y Davy, philosophie africaine : principaux courants et perspectives,
Paris, Edilivre, 2015 est aussi à consulter. Il insiste sur un fait : les philosophes africains
anglophones n’ont pas attendu que les occidentaux leur disent qu’ils sont philosophes pour se
prendre au sérieux. J.-M. Van Parys l’a souligné avant Dossou.
503
Cf. A. MPOYI Mukala, Op.cit., p. 181.
504
Cf. Ibidem, p. 181.
505
NKOMBE Oleko, « État actuel de la philosophie en Afrique », dans Science et Sagesse.
Documents du XXe anniversaire de la Faculté de Théologie Catholique de Kinshasa (25
avril 1977), Kinshasa, FTC, 1977, p.78-93.
146
509
Cf. DIMANDJA Eluy’ a Kondo, “Les philosophies africaines contemporaines et la
problématique du développement”, dans Les Nouvelles Rationalités Africaines, Vol 1, N°1,
octobre 1985, p. 8-15.
510
Cf. J.-M. Van PARYS, op.cit., p. 114.
511
Cf. E. NGOMA – BINDA Phambu, op.cit., p. 5-7.
512
Cf. R. MUTUZA Kabe, op.cit., p. 287-288.
148
173-243.
149
- Mabika Nkata
3.5.1.12.7. Et autres : à ce niveau, nous tiendrons compte du critère branches de
la philosophie. Ainsi on aura, p.e., l’Association des Épistémologues de…, etc.
Je sais que l’Association nous rapproche du courant.
N.B. : - Loin de moi de prétendre que ma classification aura l’assentiment de
tout le monde. Elle a un mérite, celui de partir de certains critères,
discutables sans doute.
L’histoire humaine et philosophique n’étant pas encore close, les Grands
courants naîtront toujours. A d’autres chercheurs de poursuivre le travail en
ayant à l’esprit que A.J. Smet est notre pionnier.
Un même philosophe africain peut appartenir à plusieurs courants à
la fois. Voilà qui embarrasse tout chercheur qui voudrait classer les philosophes
selon les courants.
Comme l’on peut apprendre par pratique ou exercisation, par résolution
des problèmes, par exploration, par création et par débat ; j’invite le lecteur
ou la lectrice à poursuivre le travail ayant trait à la philosophie africaine.
151
152
Gallimard, 1995.
HEIDEGGER, M., -Introduction à la Métaphysique,
Paris, Gallimard, 1967.
-Qu'est-ce que la Métaphysique ? Paris, Nathan, 1985.
HOUNTONDJI, P.J., -« L’Histoire d’un mythe »,
dans Présence africaine 91, 1974, p.3-13.
-« L’Effet Tempels », dans Encyclopédie philosophique universelle,
I : L’univers philosophique, deuxième édition, Paris, P.U.F., 1991,
p.1472-1480.
-« Remarques sur la philosophie africaine contemporaine », dans
Diogène n°71 (1970), p. 120-140.
-Histoire du mythe, Paris, Présence Africaine, 1974.
-« Une pensée pré-personnelle : Note sur « Ethnophilosophie et
idéo-logique » de Max Augé », dans L’homme, n° 185-186, 2008.
Spécial sur L’anthropologue et le contemporain : autour de Max
Augé, p. 343-364.
-« Ethnophilosophie » : le mot et la chose [en ligne]
https://pdfslide.net (page consultée le 15 mars 2018).
« Introduction à l’étude de la philosophie » [en ligne]
http://www.dogmatique.net/Poly%20%Introduction%20E0%20la
%20Philosophie.pdf (page consultée le 28/10/2013)
IRUNG Tshitambal’a Mulang, « Essai sur l’histoire
et la problématique de l’ethnophilosophie en philosophie
africaine », dans Archives de Philosophie Africaine (APHA) n° 1,
1978-1979, p. 17-41.
ISIAKA LALEYE, P., « La philosophie, pourquoi
en Afrique? », dans C.P.A. 3-4 (1973), p. 90-92.
JEAN-PAUL II, Fides et Ratio, Kinshasa, Editions
Saint Paul, 1998.
JOLIVET, R., Traité de philosophie. I. Introduction
générale, logique, cosmologie, Paris/Lyon, Emmanuel VITTE,
1945.
KAUMBA Lufunda, Existe-t-il une philosophie
africaine ? Communication au colloque international de Barcelone
organisé sur le thème « Religion, philosophie et tradition de
l’Afrique : entre Dieu, le concept et l’être humain » par le Centre
d’Estudis Africans (CEA) avec le support de la Universitat Pompeu
Fabra et le financement de la generalitat de Catalunya, Barcelone,
29-31 octobre 2003.
KINYONGO,J., Épiphanies de la philosophie africaine et
afro-américaine ; esquisse historique du débat sur leur existence et
leur essence, Munich-Kinshasa-Lubumbashi, 1989.
155
Prosper ISIAKA LALEYE, africain soit-il, est de cet avis quand il affirme que
"l'application de l'épithète philosophie à toutes autres formes de pensée en
pratique chez tout peuple autre que le peuple grec, reste une application
analogique", et pour lui les Grecs ont inventé la chose qu'on nomme philosophie
(La philosophie, pourquoi en Afrique? Dans C.P.A. 3-4 (1973), p. 90-92).
159
.
ARISTOTE, La métaphysique, A. 11, 982b. Traduction de Jules Barthélemy-
Saint Hilaire, revue et annotée par Paul Mathias. Introduction et dossier de
Jean-Louis Poirier. ('Agora-Les classiques). s.l., Presses Pocket, 1991.
Ibidem, p. 31.
E. D’ASTER, Histoire de la philosophie, Paris, Payot, 1952, p. 121. Nous
soulignons.
F. VAN STEENBERGHEN, Histoire de la philosophie. Période chrétienne,
deuxième édition mise à jour, Louvain/Paris, Publications
Universitaires/Béatrice-Nauwelaerts, 1973, p. 27.
IBLIOGRAPHIE
Edilivre, 2017.
MPALA Mbabula, L., Pour une nouvelle narration du monde. Essai d’une