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Lefebvre René. Christopher Bobonich, Plato's Utopia recast. His later ethics and politics. In: Revue Philosophique de Louvain.
Quatrième série, tome 104, n°1, 2006. pp. 153-156;
https://www.persee.fr/doc/phlou_0035-3841_2006_num_104_1_7652_t1_0153_0000_2
Jean-Luc Périllié.
Philèbe, la connaissance du fait que ce qui est bon est bon (p. 149). Un
bien dépendant n'est pas un bien instrumental (p. 127-130). L'homme
ordinaire manque de ce qui rend bons les biens dépendants.
Dans la République déjà, toutefois, s'il conçoit toujours la cognition
chez le non-philosophe comme déficiente, Platon entend rendre la justice
bonne même pour l'homme ordinaire, et inventer une cité juste dont la
majorité des habitants ne seront pas des philosophes. Dans les Lois, il va
plus loin: Platon veut désormais permettre, par la législation, l'accès de
tous les citoyens à la vertu. Cela va se traduire surtout par l'abandon de
la tripartition de l'âme élaborée en Rép., IV, au bénéfice d'une
conception plus unitaire.
Cet abandon, comme effet ou condition de la sortie hors du
pessimisme, constitue l'objet vraiment central de l'ouvrage. Ainsi que
l'observe l'A., dans la République la division de l'âme en trois parties va de
pair avec la reconnaissance de la possibilité de l'acrasie, dont elle
fournit une explication. Platon fait de chacune des parties de l'âme un
véritable sujet doté de désirs et de plaisirs, et surtout de croyances propres:
les parties peuvent même se parler, voire se comprendre (p. 243). Le
logistikon émettant seul des jugements sur le bien du tout, ou sur
l'intérêt à long terme, cette diversité de sujets permet de comprendre
l'opposition entre désirs, ou entre jugements, en évitant de verser dans la
contradiction. Dans l'acrasie, un désir plus fort, originaire d'une partie inférieure
de l'âme, s'oppose à la croyance sur le bien développée par la partie
supérieure. La division de l'âme, cependant, a un coût: elle fait tout d'abord
courir un risque de régression et rend problématique l'unité de la
personne. En continuant d'admettre la possibilité de l'acrasie, les Lois
produisent une explication jugée meilleure.
Phèdre (248 a) et le Timée supposaient des parties inférieures sans
contact avec les Formes, ce qui contribuait à rendre difficilement
concevable qu'elles puissent développer une activité de pensée, alors que la
pensée ordinaire elle-même requiert un tel contact préalable et que la
réminiscence n'a rien d'exclusivement philosophique: sur ce désastre
cognitif, les parties inférieures étant à la fois pauvres, comme le veut
également le Théétète, et perturbatrices, cf. p. 296-331. Les parties inférieures
de l'âme, qui dans le Phèdre sont figurées par des chevaux, dont l'un au
moins ne répond qu'au fouet (254 a), vont être passées sous silence dans
le Philèbe, ou à propos de l'acrasie en Soph., 228 b. Certes, l'image des
marionnettes divines utilisée dans les Lois illustre encore l'existence d'une
guerre intérieure et sert à expliquer l'acrasie, mais il ne s'agit plus d'un
conflit entre des parties jugées agent-like : n'excluant pas une corruption
du jugement du philosophe même, et n'envisageant plus le thymos comme
un renfort de la raison, Platon évite désormais l'incohérence consistant à
poser des parties pensantes sans leur consentir le moyen de la pensée;
Philosophie de l'Antiquité 155