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Différents savoirs issus de la pratique dans une

démarche de recherche collaborative


Patrizia Magnoler, Pier Giuseppe Rossi
Dans Carrefours de l'éducation 2015/1 (n° 39), pages 85 à 102

Article

QUELLE DIDACTIQUE POUR LA COMPÉTENCE ?

L a planification et la gestion d’une didactique [1] « pour développer la compétence


des élèves » dans l’école, imposées par le ministère de l’instruction publique,
constituent, depuis une dizaine d’années désormais en Italie, le point central de
1

la réflexion sur l’enseignement. Elles ont soulevé plusieurs questions.

La première question porte sur la définition de la notion de compétence. Beaucoup 2


d’items y sont associés : autonomie, responsabilité, transférabilité, problem solving et
problem posing, auto-évaluation, etc. C’est un univers de significations, souvent
différentes selon les communautés de pratique qui les utilisent pour décrire des
comportements, des actions.

La deuxième question concerne l’enseignement pour favoriser le développement de 3


la compétence des élèves. Les chercheurs, qui ont le plus étudié le problème, ont
présenté des perspectives et des indications de modes opératoires de diverses
natures. Pellerey (2005) reprend la pensée de Le Boterf pour définir la construction
même du concept et propose l’évaluation des compétences à travers des rubriques,
portfolio et autres techniques d’auto-évaluation et de co-évaluation. Maccario (2006)
présente, à partir des suggestions de Roegiers, Allal, Le Boterf, une série de modèles
didactiques ou de situations qui peuvent placer l’élève dans une démarche
d’apprentissage significative et de transfert des connaissances et des stratégies pour
lui donner la possibilité de devenir compétent. Castoldi (2011) propose - outre les
diverses stratégies didactiques - un mode opératoire pour la conception des
situations didactiques qui souligne la succession séquentielle des situations
d’apprentissage nécessaires pour soutenir une dévolution de la tâche aux élèves.
Mais, comme cela arrive souvent, les indications théoriques proposées par les
chercheurs en didactique ne trouvent pas leur traduction dans la pratique des
enseignants : l’incidence de l’habitus individuel et collectif détermine des processus
interprétatifs qui produisent des résultats différents. On relève par exemple la
démarche de ramener le nouveau au connu, donc une opération de redéfinition d’un
ceci en cela sans faire ressortir de différences substantielles. Comme l’a bien
démontré Leplat (1997), la « tâche » se transforme quand elle devient « activité », elle
est influencée par toutes les connaissances du sujet qui sont à l’interface d’une
situation et d’un but.

Troisième question : est-il suffisant de diffuser dans la communauté de l’école de 4


« bonnes pratiques » pour partager et construire une nouvelle didactique qui active la
dévolution des élèves (Brousseau, 1998) ?

D’une telle situation qui impose une mutation des pratiques didactiques naît, très 5
souvent, la demande de collaboration entre praticiens et chercheurs pour clarifier le
concept de compétence, déterminer si on peut parler d’une didactique pour le
développement des compétences des élèves à l’école et pour comprendre comment
construire un dialogue efficace entre la théorie et l’activité propre d’enseignement
des maîtres.

L’APPORT DE LA RECHERCHE COLLABORATIVE


Le Ministère de l’Instruction, a défini récemment des Indications Nationales 6
(2012) [2] pour clarifier les contenus disciplinaires, mais aussi pour proposer une
réflexion sur l’enseignement « agi » en classe. Pour accompagner les enseignants
dans la transformation de leurs pratiques, deux types de ressources leur sont
proposés : a. « ce qu’ils doivent faire » qui est défini par la recherche académique et
qui propose une liste de stratégies d’enseignement efficaces, comme évoqué
précédemment. Mais on a aussi des « évidences » [3] (Hattie, 2008) à partir desquelles
on peut planifier des dispositifs didactiques et les prescriptions en termes
opératoires données par le Ministère ; b. « ce qui est considéré efficace » à enseigner
et partagé par la communauté des enseignants.

La présence de trois différents mondes de signification (théorique, ministériel, 7


pratique) pour parler de compétence implique la nécessité de construire des
situations de confrontation entre plusieurs figures professionnelles représentatives
d’une « didactique de recherche » (le monde universitaire), d’une « didactique
praticienne » (le monde de l’école) (Bednarz, 2013) et du projet éducatif national.

Repenser l’approche par compétence relève d’une co-construction de « sens », il n’y a 8


pas de recettes ou de modèles efficaces de planification de l’activité reconnus par
tout le monde. On ne peut pas parler de transmission des compétences, c’est le sujet
« qui devient compétent », c’est pourquoi on doit repenser l’articulation entre
l’activité de l’enseignant et l’activité des élèves, toutes deux impliquées dans le
développement des activités scolaires. Il faut relire le contexte en termes de relation
entre le sujet enseignant, avec ses propres schèmes d’action et ses propres jugements
pragmatiques et ses valeurs (Vinatier, 2009 ; 2013 ; Pastré, 2011) qui lui donnent la
possibilité d’agir et les sujets élèves qui ont, eux-mêmes, un pouvoir d’agir.

Le modèle de recherche contextualisé (Altet, 2012), et en particulier de recherche 9


collaborative, nous offre la possibilité d’encadrer le rapport entre chercheurs et
praticiens, chacun d’eux en tant que porteur d’un savoir exclusif, indispensable pour
aller au fond du problème questionné. Il est nécessaire de confronter ce qui est
prescrit avec les interprétations de la recherche et de la pratique. Il faut favoriser
l’implication des acteurs et la création d’un climat de collaboration dans lequel
dominent des attitudes d’écoute, de non-jugement, de réflexion et d’interrogation
réciproque, visant un objectif commun. Selon Desgagné

« la recherche collaborative nous semble plus proche, à l’origine, d’un besoin de 10


rapprocher les chercheurs universitaires et les praticiens en vue d’une co-
construction de « sens », sans pour autant faire de ces praticiens des chercheurs, et
sans pour autant faire de cette identité de praticien-chercheur une condition de
leur émancipation » (Desgagné, 1997, p. 387-388).

L’approche collaborative favorise donc une prise de pouvoir partagée entre 11


chercheurs universitaires et praticiens et conduit à une démarche collective de
théorisation des pratiques (Desgagné, Larouche, 2010).

La recherche collaborative permet aussi de construire des situations dans lesquelles 12


la recherche constitue un contexte même de formation qui se réalise selon plusieurs
modalités. Il peut y avoir formation quand on introduit de nouvelles connaissances
pour expérimenter différentes situations en classe, comme, par exemple, proposer
aux enseignants, qui n’ont jamais travaillé sur l’auto-évaluation des élèves, de
construire des artefacts pour soutenir ce processus et l’expérimenter, ou bien,
comme le montre Bednarz (2013), le chercheur peut proposer des tâches particulières
à expérimenter avec les élèves et permettre aux enseignants de découvrir des
processus cognitifs qu’ils n’avaient pas suffisamment compris. Le chercheur peut
avoir un rôle de formateur, parfois il travaille pour favoriser des processus
d’explication de la pratique, d’autres fois il contribue ès qualités à la diffusion de la
littérature savante (connaissances, techniques, modèles…) pour aider l’enseignant à
construire de nouvelles pratiques.

Le parcours de recherche collaborative, selon Desgagné, se développe en trois 13


phases : la co-construction de l’objet de connaissance sur lequel investiguer et le
choix d’une méthodologie partagée ; la coopération, qui constitue, pour les
enseignants, une sorte de « formation continue » et permet aussi leur
développement professionnel. En particulier, les praticiens participent au processus
d’investigation en apportant leurs propres significations et interprétations « c’est
leur compréhension dans un contexte donné du phénomène exploré (et investigué)
qui est essentielle à la démarche. Là est la véritable contribution souhaitée des
praticiens dans le projet collaboratif » (Desgagné, 1997, p. 380) ; la coproduction de
savoirs qui peuvent être de deux types : des savoirs pragmatiques qui aident à
résoudre des problèmes de la pratique enseignante et des savoirs plus théoriques qui
contribuent à augmenter la connaissance des processus à l’œuvre dans l’éducation
scolaire.

ENTRE CONCEPTUALISATION ET SIMPLEXITÉ


La médiation didactique est un processus complexe qui se réalise selon de 14
nombreuses variantes, ainsi qu’il apparaît dans les recherches sur la « Pensée des
enseignants » (Tochon, 2000), sur la philosophie éducative (Seldin, 2004), sur
l’habitus (Bourdieu, 1980 ; Perrenoud, 2001). Le changement de perspective et de
schème d’action (Mezirow, 2003) requiert, avant tout, pour être soutenu, la mise en
place d’une série de situations et la conception de dispositifs aptes à les rendre
opérationnels. Le concept de schème constitue aussi un point nodal dans la
perspective de la Didactique Professionnelle et nous permet de penser la dialectique
entre permanence et transformation qui est à la base de l’apprentissage. Le schème,
selon Vergnaud, est structuré par des théorèmes en acte qui donnent fondement aux
règles d’action, aux processus d’inférence et de décision en vue d’atteindre un ou
plusieurs objectifs. Pastré (2011) préfère définir les théorèmes comme des jugements
pragmatiques pour souligner leur importance dans le guidage de l’action et la prise
d’information. En reprenant les termes de Vinatier (2007, p. 36), ce qui se partage
entre chercheurs et professionnels est de :

« comprendre les principes tenus pour vrais par les enseignants en situation, 15
articulés aux règles d’action, de prises d’information et de contrôle, aux inférences
en situation et aux buts, c’est-à-dire à l’ensemble des éléments constitutifs des
schèmes (Vergnaud, 1996), organisateurs de l’activité des enseignants leur
permettant de s’adapter aux besoins de chaque situation ».

Les organisateurs fonctionnent comme éléments simplexes (Berthoz, 2011), capables 16


de résumer en soi la vision du sujet en rapport avec la complexité des facteurs
présents dans le contexte et dans la situation. À ce propos, il est intéressant de
reprendre la position de Berthoz, selon laquelle l’organisme vivant trouve des
solutions simplexes pour préparer l’acte et en projeter les conséquences. Ces
solutions passent par le recours à des principes simplificateurs qui permettent de
traiter des informations ou des situations, en tenant compte de l’expérience passée
et en anticipant l’avenir.
L’enseignement, pour soutenir le développement de la compétence des élèves, doit 17
croiser différentes dimensions : celle de l’activité de l’enseignant, gouvernée en ses
ajustements par ses propres organisateurs, celle de la nature de la tâche, celle de
l’activité des élèves. La planification ne constitue pas à elle seule le centre du
questionnement, il y a aussi et surtout que « c’est la situation d’enseignement telle
qu’elle s’élabore et les raisons sous-jacentes de [son] processus de transformation qui
nous intéressent » (Bednarz, 2013, p. 185). Deux questions se posent : y a-t-il des
schèmes de l’activité enseignante favorables à l’engagement des élèves dans un
processus de développement de compétence ? Quelles sont les transformations
qu’induit dans la pratique enseignante la nécessité de construire des dispositifs
appelés à optimiser le développement de la compétence des élèves ?

LA MÉTHODOLOGIE
L’objet d’étude sélectionné conduit à privilégier le paradigme écologique (Mortari, 18
2007) caractérisé par une vision complexe et dynamique des processus de
connaissance qui sont mis en œuvre pour comprendre « le réel ». En suivant
l’organisation de la recherche pédagogique proposée par l’auteur, l’épistémologie
choisie – envisagée comme cadre général pour définir le processus d’enquête –
renvoie à la recherche qui « se fait dans un setting naturel et il dépend de la façon
dont le phénomène arrive ordinairement » (Mortari, 2007, p. 61). Le plan de
recherche, pas complètement défini au début, se développe au fur et à mesure des
informations recueillies et s’adapte progressivement au contexte et aux informations
recueillies.

Le chercheur a recours à diverses pratiques épistémiques : la présence dans le 19


contexte pendant une longue période afin d’appréhender les significations utilisées
par les acteurs impliqués dans la recherche elle-même, l’observation continue, la
triangulation dans le recueil des données à travers diverses techniques et diverses
sources, la confrontation avec d’autres chercheurs pour comparer les actions de
recherche personnelles, confronter les résultats des analyses avec les sujets
participants, c’est-à-dire les negotiated outcomes, (Guba, Lincoln, 1985). La position du
chercheur est caractérisée par une attitude d’observation et d’écoute pour tenter de
capter l’explicite (Davis, 2005) mais aussi l’implicite, par la capacité d’adapter des
instruments de récolte de données en fonction de l’évolution des situations, de
travailler « immédiatement les processus », c’est-à-dire d’élaborer les données
disponibles très rapidement pour formuler, selon une attitude interprétative, des
synthèses et des hypothèses à vérifier immédiatement avec les autres participants.
Ces rapports, qui reprennent la posture restitutive du chercheur théorisée par
Desgagné (1997), ont une importance fondamentale car ils permettent de maintenir
l’attention sur le problème de la recherche, sur les « données grises » en voie
d’élaboration, tant avec des formes descriptives que narratives (Couture, 2013).
La philosophie de recherche choisie se réfère au modèle participatif qui prévoit un 20
dialogue continu, pendant tout le parcours, entre tous ceux qui prennent part à
l’expérience épistémique. Le produit d’un tel processus est de toute façon une
« théorie contextualisée » générée par la connaissance pratique, souvent implicite
chez les praticiens, et par celle explicite, abstraite et structurée des chercheurs ou des
autres experts engagés dans la recherche. Le principe de base est une reconnaissance
mutuelle des diversités, des expertises qui sont valorisées dans la construction d’une
théorie « pour l’action » visant à améliorer la pratique d’enseignement et la
connaissance du problème selon un principe développé en didactique
professionnelle par Vinatier (2009).

Les données sur lesquelles nous nous appuyons sont issues de différentes situations. 21
Nous avons choisi de recueillir des données au travers de la transcription de
réunions entre chercheurs et enseignants pour revenir sur les thématiques abordées
et de sélectionner les interactions les plus intéressantes. Nous avons également
analysé les synthèses de groupe pour identifier les cibles produite les projets
didactiques pour mieux comprendre la nature de la planification pédagogique et
enfin les réflexions écrites produites par les enseignantes pendant et à la fin du
parcours. L’analyse de tous ces documents permettaient de repérer s’il y avait des
transformations significatives dans la pratique des enseignants.

Les premiers rencontres ont porté sur la planification d’un parcours n’ayant pas 22
encore été réalisé en classe. Chaque enseignant devait décrire son travail, tandis que
ses collègues et le chercheur contribuaient à mettre au jour les relations entre les
caractéristiques du travail proposé et les possibilités d’action de l’élève pour le
développement de sa propre compétence. À partir de la transcription de ces
discussions, le chercheur et les enseignants ont sélectionné une série de questions
majeures de leur point de vue. À titre d’exemple, au cours de la première année du
travail la question suivante a émergé : comment comprendre les connaissances
acquises des élèves ? De cette première question en ont découlé d’autres : « Comment
les mobiliser ? Comment aider l’élève à construire des ressources facilement
mobilisables ? ». Ces questions ont été abordées durant les rencontres suivantes. Les
réponses apportées aux problèmes posés, résultant de la confrontation entre des
connaissances théoriques et les pratiques effectives des enseignants, ont été
progressivement rassemblées et organisées afin que chacun des enseignants puisse
les utiliser comme support à son projet didactique.

D’autres rencontres ont porté sur l’expérience réalisée en classe. Comme support de 23
travail, les enseignants apportaient leurs observations écrites, les productions des
élèves et présentaient les aspects positifs et problématiques de cette expérience.
L’expérience était analysée en groupe afin de comprendre quels changements
didactiques avaient été réalisés par l’enseignant pour favoriser le développement des
compétences des élèves ; les choix effectués ont été explicités. La discussion a permis
de faire émerger la structure de la séquence d’enseignement réalisée. Ces deux
procédés d’enquête ont conduit à des résultats que nous décrirons par la suite (voir
paragraphe « Des résultats »).

Au terme du parcours de recherche collaborative, il a été demandé aux enseignants 24


de se remémorer et de décrire les moments particulièrement significatifs pour eux
ainsi que ceux qui ont engendré selon eux des changements dans leur pratique.
L’analyse de ces descriptions a comporté plusieurs phases : d’abord une lecture des
textes effectuée par le chercheur pour construire des catégories, après la sélection
des catégories pertinentes avec des dimensions du développement professionnel [4],
puis une identification des unités les plus significatives. Ces unités ont enfin été
soumises aux enseignants participant à la recherche durant les entretiens
individuels afin d’affiner les processus d’interprétation (comme le fait Vinatier
(2009) à travers des dispositifs de co-explicitation). Les évolutions constatées à cette
étape du travail portent sur la programmation des enseignements : les enseignants
s’interrogent dorénavant sur « l’espace d’action » que les tâches proposées procurent
aux élèves pour développer leurs compétences [5], sur les rapports entre sujet/ tâche/
temps [6], et sur l’alternance entre les types de dispositifs proposés [7]. Tout cela
renvoie à l’acquisition de compétences spécifiques à des pratiques de planification et
montre la volonté de s’engager dans une démarche de recherche sur ses propres
pratiques pour rompre les routines professionnelles et d’innover au plan didactique.

LES ÉTAPES DU PARCOURS DE RECHERCHE

Le parcours de recherche analysé ici a été réalisé de 2008 à 2011 dans un Istituto 25
Comprensivo [8] de la province de Pordenone (Nord-est de l’Italie), avec des
enseignants travaillant en école maternelle, primaire et collèges. Chaque année, dix
enseignants volontaires, issus pour chacun d’eux d’une discipline différente et en
service dans un niveau scolaire différent, composaient la Commission « Innovation »
à l’intérieur de l’établissement. Pour diverses raisons, seuls sept de ces dix membres
ont effectué le parcours de recherche collaborative dans son intégralité dont sont
tirées les données qui suivent.

Pendant la première année 2008-09, six rencontres ont eu lieu avec le chercheur, 26
en 2009-10, cinq rencontres et enfin trois rencontres en 2010-11. Une telle
diminution est due à deux facteurs : la sécurité grandissante des participants dans la
gestion d’un processus de conception et de son analyse, leur posture, aussi, de
« formateurs » des collègues lors des diverses réunions organisées de façon
opportune par le chef d’établissement ; la mise à disposition d’une plateforme en
ligne (à partir de l’année 2009) à laquelle tous les enseignants de l’école peuvent avoir
accès pour visualiser la documentation produite par la Commission « Innovation » et
pour interagir à distance avec le chercheur à propos de problèmes spécifiques.
Au début du parcours, certaines tâches communes ont été définies, donnant lieu à 27
un contrat partagé concernant le timing, les modalités de travail, la documentation à
produire et surtout l’attention portée au développement d’attitudes d’écoute,
d’observation, de participation active et de réflexion.

On peut distinguer trois phases dans le développement du parcours : 28

1. la négociation, qui synthétise les activités de la phase de co-situation. Les 29


enseignants ont manifesté des attentes : a) arriver à une définition du concept
de « compétence » à partir de diverses sources (les documents du ministère des
dix dernières années, les documents de l’établissement, les concepts
personnels et de la communauté, la documentation scientifique) ; b) définir un
contrat de travail qui permette de combiner les situations de recherche en petit
groupe et de formation avec tous les collègues ; c) aller « plus loin » dans la
compréhension du problème posé par la didactique « pour développer la
compétence de l’élève, et produire certaines lignes de conduite à suivre pour
soutenir l’élaboration de différents dispositifs favorisant une intention chez les
élèves ; d) partir de l’analyse des pratiques courantes.
2. l’expérimentation, qui donne visibilité au développement de la co-opération.
On a la co-définition des parcours didactiques entre chercheur et
enseignants [9] et l’analyse collective de la documentation recueillie (projets,
matériels des étudiants, entretiens, récits des enseignants). Pendant cette
phase, les enseignants ont développé une écoute particulière chez les élèves
quand ces derniers ont été impliqués dans la reconstruction des opérations
effectuées pendant les tâches proposées. L’observation des comportements et
l’écoute des verbalisations des élèves ont offert de nouvelles perspectives aux
enseignants pour repenser la planification des dispositifs. L’intérêt s’est
concentré surtout sur la modalité mobilisée par l’élève pour effectuer la tâche.
Cette dernière a été identifiée comme l’espace-temps où se rend visible ce qui
est requis par les enseignants et ce qui est réalisé en termes de mobilisation de
connaissances et d’habiletés chez les élèves ;
3. la co-production, qui est une activité partagée entre les différents acteurs
pendant les trois années. On dispose ainsi de deux types de production dont les
enseignants et le chercheur doivent pouvoir exploiter les résultats. Le premier
présente les nombreux matériaux (en cours de réalisation) utilisés lors des
parcours réalisés en classe : le projet initial avec ce que la discussion en groupe
a ensuite permis d’intégrer, la description du parcours effectué et les résultats
atteints par les élèves, les réflexions de l’enseignant sur le projet.

Le deuxième type de documentation présente des synthèses : les comptes rendus des 30
rencontres, les synthèses proprement dites que le groupe parvenait périodiquement
à élaborer, la production finale, c’est-à-dire la publication destinée à être mise à la
disposition de tous les enseignants.
À l’exception des réflexions personnelles des enseignants sur les projets réalisés 31
(utilisées uniquement pour la réflexion dans le groupe avec le chercheur), toutes les
productions ont été insérées dans la plate-forme en ligne mise à disposition de
l’Istituto Comprensivo.

DES RÉSULTATS
Les nombreuses expériences conduites en classe, dans la première année, et l’analyse 32
de l’activité ont permis de comprendre que le fait de changer la modalité de
planification et les phases de travail en classe peut aider l’exploration de sa propre
pratique et stimuler une attention particulière aux comportements et raisonnements
des élèves, mais elles ne suffisent pas quand il s’agit de changer la pratique de
l’enseignant.

Le cas de L. est intéressant, car il illustre assez bien cette situation : L. était une 33
enseignante très confirmée dans ses pratiques d’enseignement, fondées sur le
modèle transmissif de la connaissance. Les attentes en termes d’apprentissage
étaient définies a priori, d’une façon très stricte. L. avait alors exprimé son besoin de
formation de cette façon : « trouver comment rendre les enfants acteurs et pas seulement
destinataires de la transmission des informations par l’enseignante ». Puis elle a réalisé, avec
l’accompagnement du chercheur, la planification d’une activité inspirée de la
« didactique par projet » et de la collaboration entre pairs. Les traces vidéo et les
écritures réflexives de L. sur l’activité en classe ont montré des effets intéressants et
inédits : une participation et une responsabilité des élèves dans la construction de la
connaissance et des résultats d’apprentissage satisfaisants. Mais le problème était la
stabilisation du changement de pratique de L., problème qui s’est révélé au moment
où elle a dû planifier seule, en autonomie, d’autres activités. L’absence d’interaction
continue avec un chercheur qui pose des questions, qui apporte un point de vue
différent sur la situation, qui sécurise l’expérimentation de pratiques nouvelles, a
montré que le transfert ne s’était pas opéré. La transformation n’était que
superficielle : ni les habitus professionnels de L., ni ses schèmes d’action n’avaient
encore été profondément affectés.

L’année suivante, pour soutenir le processus réflexif des enseignants et la 34


transférabilité, le groupe de recherche a élaboré des lignes-guides et des artefacts
pour permettre à chacun de contrôler par soi-même la planification de son activité.
Les résultats des expérimentations ont confirmé la validité des matériaux produits
qui donnaient aux enseignants la possibilité de mieux maîtriser la cohérence du
parcours planifié. Après quoi, le parcours ayant été réalisé, ils pouvaient réfléchir sur
la connexion entre les résultats des apprenants et les objectifs fixés auparavant [10]. La
difficulté interne aux lignes-guides et, surtout, la nécessité d’engager une
confrontation quotidienne sur plusieurs parcours, a conduit à élargir les situations
de confrontation à la dyade enseignants/chercheur. Les enseignants ont parlé, au
terme de la deuxième année, d’un « changement des schèmes confirmés de travail ».
Chacun d’eux a perçu que la proposition d’une « activité ouverte » [11] pour les élèves
leur demandait d’avoir une attitude réflexive (Schön, 1993). B. a écrit : « au moment
où le parcours n’est pas étroitement déterminé, il demande une régulation fondée
sur les problématiques soulevées de l’écoute et de l’observation des enfants en
situation, et de leurs processus d’apprentissage ».

Le groupe de recherche-formation a observé d’autres changements dans les 35


pratiques : l’application des différents modèles pour planifier, l’utilisation d’artefacts
pour soutenir les élèves dans l’auto et la co-évaluation, l’attention à découvrir la
pensée des élèves face à une tâche particulière, l’habitude de réfléchir sur l’activité à
partir de la documentation. Mais, à ce moment-là, un problème a été soulevé : est-ce
qu’on ne développe la compétence que dans ces types d’activités ? Dans les situations
frontales ou d’exercice simple pour s’approprier des habiletés procédurales, il faut
quand même mettre en œuvre des stratégies favorables au « devenir compétente »
des élèves. Quels sont, alors, les éléments qui, toujours présents et pertinents dans le
processus d’enseignement-apprentissage, peuvent se présenter comme régularités
de la pratique enseignante et qui nourrissent un tel processus par les élèves ?

À partir de cette question on a observé, pendant la dernière année, la conduite de 36


différentes séances par les enseignants participants. On a alors vu qu’il existe des
régularités dans l’action du même enseignant. Un exemple. R., après avoir examiné
le projet, le parcours avec les étudiants et revu ses observations et réflexions, a
produit le schéma suivant pour représenter ce qui se présente souvent :

Fig. 1
Exemple d’un schéma personnel élaboré par une enseignante.

R. affirme à diverses reprises, pendant un entretien avec le chercheur, que 37


« l’apprentissage se réalise par des passages d’acquisition des connaissances et de révision ». Il
s’agit d’un « principe tenu pour vrai » [12] qui lui permet de réguler ses propres
modalités d’intervention dans la séance d’enseignement : tenir compte des
connaissances des élèves, découvrir là où il y a un espace de connaissance à
développer, choisir la tâche et la modalité de travail (individuelle ou bien collective),
contrôler les découvertes progressives des élèves, introduire de nouveaux éléments
pour alimenter l’engagement des étudiants dans l’activité. Elle nomme
« reconstruction » cette modalité de surveillance de son propre comportement, c’est-
à-dire le fait de s’en tenir à sa propre règle d’action pour être capable de contrôler
toutes les activités en classe. Mais elle va aussi formuler des hypothèses sur l’origine
de cette modalité : à son sens, c’est le résultat de sa formation historique personnelle
qui a influencé la façon dont elle conçoit l’approche de la connaissance.

D’autres enseignants indiquent des règles d’action de leur pratique. B., par exemple, 38
pense que la « relance » constitue le nœud central de sa propre modalité
d’enseignement. Elle la définit comme « ne pas se laisser vaincre par la tentation de
fournir des solutions ; au contraire, ajouter d’autres éléments pour aider les élèves à résoudre le
problème ». Elle dit que l’apprentissage est un processus de construction subjective et
collective et que la motivation pour apprendre ne peut pas être extrinsèque.
L’enseignant doit concevoir des tâches pour engager réellement les élèves dans une
démarche de construction personnelle, c’est la structure de la tâche qui permet à
l’élève d’agir, d’être l’acteur de son propre développement.

T. et L., après avoir fait le récit des situations vécues en classe, ont découvert 39
l’importance qu’il importe d’assigner à l’« écoute ». C’est une règle d’action qu’elles
utilisent à l’école maternelle, afin de

« laisser de l’espace à la pensée… faire une place à la réflexion dès le début… l’enfant 40
a besoin d’être écouté pour donner forme à sa pensée. Pour qu’ils deviennent
compétents, les enfants doivent nous parler d’un sujet précis, nous raconter… Ils
doivent pouvoir construire des concepts clairs ».

L’écoute doit être toujours présente dans la relation enseignante-enfants pour 41


permettre le développement de l’apprentissage. Si l’enfant se trouve en situation de
difficulté, il a toutefois la possibilité de trouver en soi ou dans l’environnement des
ressources pour résoudre le problème. L’« écoute » va de pair, pour l’enseignant, avec
la planification de tâches qui ne sacrifient ni au stéréotype ni à la simplicité. On peut
remarquer, même à travers les mots des enseignants, une conception particulière de
l’apprentissage et une modalité constante de comportement avec les enfants.

Le parcours de P. l’a conduite vers une définition personnelle de la compétence 42


qu’elle utilise comme une ligne conductrice dans sa réflexion tant au moment de la
conception de l’activité qu’à celui de l’action : « la compétence est un savoir personnalisé,
qui se manifeste dans un contexte et naît du croisement de processus tels que la connaissance,
l’expérience, la réflexion et l’action ». Pour elle, apprendre c’est articuler ces dimensions
et il existe un moment particulier pour rendre explicite cette articulation : celui où il
s’agit de « faire le point ». La documentation des activités en classe (description des
passages, photos, écriture réflexive, produits des élèves) montre la régularité avec
laquelle elle propose à la classe de faire le point sur les connaissances et l’avancement
du travail. On peut observer beaucoup d’artefacts fonctionnels destinés à cette fin :
panneaux d’affichage, cartes conceptuelles, résumés.

Ces exemples nous permettent de formuler l’hypothèse qu’il y a une présence 43


d’organisateurs, de conceptions de l’apprentissage tenues pour vraies, et des règles
d’action cohérentes avec les organisateurs qui peuvent être découvertes par une
collaboration entre enseignants et chercheur. On trouve, dans le verbatim des
enseignants, les linéaments d’une synthèse de la complexité de l’acte d’enseignement
qui doit pouvoir être pensée sous les concepts qui ont la fonction de diriger la
décision en situation. Ils sont toujours présents, ils donnent continuité et cohérence
à l’action, ils permettent de donner visibilité et concrétisation au « prescrit » affiché
dans la documentation ministérielle et dans la recherche théorique qui, dans le
champ de la didactique, se donne pour objet le problème des compétences (engager,
questionner, mobiliser, problématiser, modéliser, réfléchir sur le processus…).

Comme nous l’avons déjà dit, le parcours de recherche a représenté une occasion de 44
développement professionnel, ce qui semble vérifier qu’« être en recherche »
(Beillerot, 1991), c’est satisfaire à une condition de la formation. On a noté, dans les
écritures réflexives des enseignants, qu’il existe une relation entre « travailler pour la
compétence » des élèves et, côté enseignant, « devenir compétent ». La planification
d’une tâche qui comporte un problème à résoudre demande à l’enseignant d’avoir
une forte connaissance disciplinaire, d’anticiper les possibles comportements des
élèves, de gérer en même temps différentes trajectoires d’apprentissage et
d’évaluation de la situation. Roditi parle d’un possible « enrichissement qui ne
résulte pas seulement d’une théorisation d’un savoir d’expérience, il peut aussi
provenir du développement de nouvelles manières d’agir ou de penser, en lien avec
des savoirs extérieurs à la pratique, des savoirs disciplinaires ou didactiques par
exemple » (2013, p. 362). Cela est confirmé par les enseignants qui retiennent de cette
expérience d’avoir :

– augmenté leurs connaissances disciplinaires ; 45


– employé de nouveaux artefacts pour étayer les processus d’auto et co-
évaluation entre les élèves ;
– appris à gérer des situations collectives pour les réorganiser et éviter les
dysfonctionnements qui auparavant ont pu affecter la classe ;
– porté une plus grande attention à la planification : faire des expériences
d’écriture détaillée du parcours permet de réaliser des activités de révision et de
reconstruire les passages entre le proposé, l’agi, le modifié ;
– expérimenté « le courage de soutenir la dévolution de la tâche » (Brousseau,
1998). Il faut laisser du temps, « écouter le développement » et intervenir au
moment fondamental pour faire évoluer la connaissance, maintenir l’équilibre
entre la participation au processus et le surveiller, comme peut le faire
l’observateur extérieur.
Mais on trouve aussi que les enseignants montrent un changement professionnel 46
par :

– la posture de questionnement de leurs propres routines, des processus des 47


élèves, condition indispensable pour une refonte de leur pratique et
l’amélioration de leur approche des apprentissages scolaires. Il y a des
simulations pour préfigurer « le possible ». Cet agir virtuel s’accompagne pour les
enseignants d’un changement de paradigme : d’une représentation simple,
linéaire de la transmission, ils passent à une conscience de la complexité des
situations d’enseignement qui les conduit à en découvrir d’autres aspects. Il y a
donc une augmentation de la connaissance par rapport aux actions vécues et
simulées ;
– la posture réflexive. Quand ils « entrent au plus profond » des situations, ils
explorent les éléments et les relations qui les caractérisent et sélectionnent ce
qu’ils jugent le plus important de retenir pour le répéter dans d’autres occasions.

CONCLUSION

On peut affirmer qu’au terme du parcours triennal, les praticiens ont pu connaître et 48
expérimenter de nouvelles stratégies d’activité et apprendre comment assurer un
contrôle réfléchi de la planification et comment revenir après coup sur l’intervention
en classe [13] . Ils ont appris à reconstruire les histoires des pratiques vécues en classe
pour les remettre aux collègues, comme comptes rendus à méditer, sur lesquels
réfléchir sans retomber dans l’idée des « bonnes pratiques » à imiter et à transférer.

Le chercheur, en analysant le parcours effectué, a identifié certains concepts 49


organisateurs des pratiques des enseignants comme « reconstruction », « relance »,
« l’écoute », expression pragmatique des « principes tenus pour vrais », et il a mis en
évidence les conditions qui ont rendu la recherche collaborative efficace. En ce qui
concerne la co-situation, le dialogue et la confrontation entre praticiens et
chercheurs ont été favorisés, outre par le but commun, par une valorisation du savoir
existant chez tous les acteurs participants et par l’identification de questions
précises pendant le parcours et auxquelles il a été apporté des réponses co-
construites. Tout cela dans un climat d’estime réciproque, de curiosité et d’attention,
de disponibilité à jouer [14]. La coopération a été productive parce qu’on a bien défini
ce que le chercheur et les praticiennes devaient faire, mais dans une perspective de
circularité. Les praticiennes ont réalisé des expérimentations et recueilli les données
en situation, le chercheur a sélectionné et approfondi les recherches qui pouvaient
aider à construire des lectures des données ou des réponses aux questions
émergeantes. Très importante a été la création d’une documentation, laquelle a
permis de reconstruire les étapes du parcours et a offert aux enseignants la
possibilité de « réfléchir a posteriori » et de construire leur propre trajectoire de
recherche et de formation. La phase de co-production a vu la réalisation de divers
produits (les différents projets didactiques, l’environnement en ligne, la
documentation finale) destinés à être un bien intersubjectif à disposition de la
communauté. Les cas décrits ne sont pas seulement l’occasion de comprendre le
savoir d’expérience de l’autre, ils servent « à construire son propre savoir
d’expérience » (Desgagné, Larouche, 2010, p. 12). Le chercheur a établi aussi, avec les
enseignants, une relation systémique entre apprentissage/ compétence et
sujet/tâche/temps. L’émergence d’une attitude compétente, chez l’élève, est en
rapport direct avec l’attention et la motivation qui peuvent se développer quand il y a
une tâche qui en permet l’activation et constitue un défi à apprendre. Le
développement d’un processus de réflexion (favorisé par l’emploi de dispositifs
particuliers) et le temps qui lui est consacré, comme il doit l’être aussi à l’achèvement
de la tâche, sont considérés comme très importants.

Les résultats montrent un potentiel de réinvestissement dans les deux 50


communautés : d’un côté les enseignants ont accompli un travail d’élucidation du
concept de « compétence » dont on peut escompter des retombées sur la pratique
d’enseignement et sur leur propre professionnalisation. Si la compétence est la
manifestation d’une mobilisation efficace des ressources personnelles et du contexte
pour résoudre des problèmes toujours différents, l’enseignement porte sur le
développement d’une autorégulation pour gérer le rapport entre ressources
personnelles et du contexte, problème et stratégies. De l’autre côté le chercheur a eu
l’occasion de modéliser un parcours de formation-recherche mais a aussi trouvé de
nouvelles pistes pour comprendre plus profondément la pratique enseignante.

Notes

[1] En Italie le mot « didactique » se réfère à la science qui étude l’enseignement. En


particulier elle se focalise sur trois tensions en jeu qui se déroulent avant et
pendant l’action : la transposition didactique du savoir savant au savoir enseigné,
la planification des médiateurs didactiques (au sens de Bruner) et la gestion en
classe de la médiation, l’organisation des élèves engagés dans la tâche. La
didactique « pour la compétence » questionne le rapport entre « l’intention » (Rey,
1996), c’est-à-dire un processus pour s’approprier savoirs et problèmes, et « les
compétences disciplinaires » spécifiques nommées « objectifs pour les
compétences » dans les Indications Nationales. Dans cet article nous parlons de la
compétence comme intention.

[2] Indications Nationales http://www.indicazioninazionali.it/

[3] Cette notion d’« evidence » est née de l’analyse de 500.000 recherches réalisées par
Hattie, pour comprendre les comportements de l’enseignant (dans l’activité en
classe, mais aussi lors de la conception pédagogique), qui donnent lieu à un
meilleur effet sur l’apprentissage des élèves (effect size).

[4] Parmi les possibles transformations liées à ce développement professionnel, on va


trouver par exemple « l’acquisition de compétences spécifiques à des pratiques, des
engagements dans des innovations, des acceptations du risque de rompre avec les
routines professionnelles » (Durand, Horcik, 2012, 43).
[5] Quelles questions découvre l’élève dans le devoir ? Quelles sont les procédures
suggérées permettant d’obtenir les réponses ? Avec quel degré de suggestion ? Pour
quelle diversité de réponses possibles ?

[6] À quel type de devoir est imparti un temps long ou un temps court, et pourquoi ?
Quel type d’activité est prévu pour l’élève ? Comment construire une alternance des
dispositifs afin de favoriser l’acquisition et la mobilisation des savoirs ?

[7] Quelle relation émerge entre le temps imparti, l’activité et la durée de la motivation
de l’élève ?

[8] Istituto Comprensivo : c’est un Établissement scolaire polyvalent qui réunit, sous la
direction d’un même chef d’Établissement, des écoles maternelles, des écoles
primaires et des collèges. Toutes les écoles italiennes participent à la constitution
des Istituti Comprensivi. Il n’y a pas d’école qui fonctionne, en soi, de façon
autonome.

[9] Dans cette phase de co-élaboration le chercheur a proposé de nouvelles modalités


pour planifier, en donnant aux enseignants d’autres possibilités de recueil
d’informations intéressantes en relation avec le processus cognitif des étudiants.

[10] Les lignes-guides élaborées par le groupe enseignants-chercheur étaient les


suivantes : la tâche doit avoir plusieurs solutions ; il faut impliquer les élèves dans
le processus de réflexion sur la tâche et favoriser la confrontation entre les élèves
pour expliciter leurs stratégies de résolution du problème ; il faut planifier des
dispositifs qui permettent aux élèves de transférer connaissances, habiletés et
stratégies dans d’autres situations.

[11] Les enseignants qui ont participé à la recherche étaient titulaires des différentes
disciplines ; en raison de cette diversité on a choisi de parler de compétence et pas
des compétences.

[12] En référence à un des éléments constitutifs du schème de Vergnaud : son noyau


conceptuel.

[13] Par exemple, R. affirme: « Avant la réalisation en classe de ce qui a été conçu, j’ai analysé
plusieurs fois et à divers moments le produit-projet que j’avais élaboré afin d’en comprendre
la cohérence interne ». Pour ce faire, il s’était aidé surtout de l’écriture d’un scénario pour
contrôler la séquence logique des phases conçues. Pa. écrit : « Avant de proposer aux enfants
ce que j’avais préparé, j’ai bien décrit mes actions avant, pendant et après l’activité, pensant
aussi à ce que les élèves auraient dû faire pendant l’activité »

[14] Comme affirme B. : « Nous sommes conscients du fait que la profession d’enseignant se
base sur les choix, nous avons décidé de jouer ainsi, sachant que se tromper est humain mais
aussi que l’erreur est une ressource que le temps pour la recherche est un investissement ».

Résumé

Français
La complexité du système enseignement-apprentissage demande d’être interrogée
quand elle doit se confronter avec des prescriptions ministérielles et des suggestions
théoriques qui posent des perspectives différentes. La pratique d’enseignement
devient alors l’objet d’analyse parmi plusieurs figures professionnelles pour
construire une culture partagée à travers un dialogue entre savoirs pratiques et
savoirs théoriques. Culture qui trouve une assise aussi dans les savoirs « de la
pratique », savoir d’expérience organisé, avec du sens individuel mais aussi collectif.
L’article présente la démarche d’une recherche collaborative qui a permis de
découvrir des modalités avec lesquelles les enseignants a) parviennent à la
construction des notions utiles pour leur propre pratique, b) modifient leurs propres
routines et développent leur propre professionnalité, c) découvrent la présence des
organisateurs dans leurs propres pratiques et leur importance dans la gestion de
l’enseignement.

Mots-clés

enseignement primaire formation et enseignement professionnels compétence

EnglishDifferent Kinds of Knowledge Originating in the Practice of


Collaborative Research
The complexity of the teaching-learning system needs to be questioned when it is
confronted with institutional prescriptions and theoretical perspectives that posit
different perspectives. The practice of teaching then becomes an object of analysis on
the part of several professional figures to build a shared culture through a dialogue
between practical and theoretical knowledge. This culture also grounds itself in the
“know-hows” of practice, the organised knowledge of experience, with its individual
but also collective meanings. This article present a piece of collaborative research
that enabled the discovery of the ways in which teachers a) manage to elaborate the
concepts useful to their own practice b) modify their own routines and develop their
own professionalism c) discover the presence of organisers in their own practice and
their importance in the management of teaching.

Keywords

primary school teaching professional training and teaching competence

Plan
QUELLE DIDACTIQUE POUR LA COMPÉTENCE ?

L’APPORT DE LA RECHERCHE COLLABORATIVE


ENTRE CONCEPTUALISATION ET SIMPLEXITÉ
LA MÉTHODOLOGIE

LES ÉTAPES DU PARCOURS DE RECHERCHE


DES RÉSULTATS

CONCLUSION

Bibliographie

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Auteurs
Patrizia Magnoler

Centre de recherche en éducation inclusion technology (EDIT) Université de Macerata (Italie)


patrizia.magnoler@unimc.it

Pier Giuseppe Rossi

pg.rossi@unimc.it

Mis en ligne sur Cairn.info le 16/06/2015


https://doi.org/10.3917/cdle.039.0085

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