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Encyclopédie Médico-Chirurgicale 17-018-C-10

17-018-C-10

Surdité de l’adulte
D Ayache
M Scart-Bercy
Résumé. – La surdité est un handicap sensoriel responsable d’un trouble de la communication dont les
P Elbaz
conséquences sont parfois très invalidantes dans notre société. La surdité est également un symptôme qui
impose une enquête diagnostique pour en établir la cause. Cet article aborde la stratégie diagnostique à
adopter face à une surdité de l’adulte et s’attache à traiter de façon synthétique et non exhaustive les
principales causes de troubles de l’audition de l’adulte.
© 2001 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : oreille, hypoacousie, surdité, surdité de transmission, surdité de perception.

Introduction profonde muqueuse. Les osselets sont logés dans la caisse du


tympan. Le marteau, dont le manche est enchâssé dans le tympan,
La surdité peut, et doit, être abordée sous plusieurs aspects. La est articulé avec l’enclume, elle-même articulée avec l’étrier. Le
surdité est un handicap sensoriel qui, lorsqu’il devient socialement système tympano-ossiculaire transmet les vibrations sonores à
gênant, impose la mise en œuvre d’une ou plusieurs méthodes de l’oreille interne par l’intermédiaire de la platine de l’étrier qui obture
réhabilitation auditive (traitement médical, traitement chirurgical, la fenêtre ovale. Le muscle stapédien s’attache à l’étrier et est innervé
appareillage auditif, implant d’oreille moyenne, implant cochléaire par le nerf facial. Ce muscle est responsable, aux fortes intensités,
ou du tronc cérébral, rééducation orthophonique). La surdité est un d’un réflexe de protection acoustique : le réflexe stapédien. Les
symptôme qui doit conduire le praticien à adopter une stratégie cellules mastoïdiennes sont de petites cavités qui prolongent la
diagnostique rigoureuse afin d’en déterminer l’étiologie. Cette caisse du tympan vers l’arrière, avec une cellule centrale plus
démarche diagnostique, avant tout basée sur l’examen clinique et le volumineuse appelée antre mastoïdien.
bilan audiométrique, découle directement de l’anatomie de l’oreille
L’oreille moyenne entretient des rapports plus ou moins étroits avec
et de la physiologie de l’audition.
le nerf facial, la cochlée et le vestibule, la méninge et le lobe temporal
(le toit de l’oreille moyenne, la séparant de la fosse temporale, est
Anatomie de l’oreille appelé tegmen), le sinus latéral (qui se jette dans le golfe de la
jugulaire).
L’oreille est formée de nombreuses cavités creusées dans le rocher,
qui fait lui-même partie de l’os temporal.
OREILLE INTERNE
L’oreille interne ou labyrinthe peut être divisée en deux entités
OREILLE EXTERNE anatomophysiologiques : la cochlée (labyrinthe antérieur) et le
Elle est constituée du pavillon et du conduit auditif externe (CAE). vestibule (labyrinthe postérieur).
Le pavillon a une structure cartilagineuse et joue le rôle de cornet L’oreille interne est constituée d’une série de cavités osseuses, le
acoustique, dirigeant les ondes vers le CAE. Le CAE est formé d’un
labyrinthe osseux, à l’intérieur desquelles est contenu le labyrinthe
segment externe cartilagineux, recouvert de peau, et d’un segment
membraneux, siège des récepteurs sensoriels. Le labyrinthe
interne osseux, recouvert d’une fine couche cutanée dépourvue de
membraneux est rempli d’endolymphe. Entre labyrinthes osseux et
formations annexes (follicules pileux, glandes cérumineuses). Le
membraneux s’interpose la périlymphe. Plusieurs voies de
fond du CAE est fermé par le tympan.
communication existent entre le secteur périlymphatique et les
espaces sous-arachnoïdiens, dont la principale est représentée par
OREILLE MOYENNE l’aqueduc de la cochlée.
C’est un ensemble de cavités (caisse du tympan et cellules La cochlée ou limaçon est le siège de l’organe acoustique récepteur
mastoïdiennes) aérées par la trompe d’Eustache (qui débouche dans appelé organe de Corti. Il contient deux types de cellules ciliées : les
le rhinopharynx). cellules ciliées externes (CCE) et les cellules ciliées internes (CCI).
Le tympan est une membrane formée de trois couches : couche Les CCI font synapse avec la plupart des fibres du nerf cochléaire et
superficielle épidermique, couche intermédiaire fibreuse, couche sont considérées comme les véritables cellules transductrices de la
cochlée. Les CCE sont dotées de propriétés contractiles et ont pour
rôle de moduler l’information mécanique arrivant aux CCI. Le
Denis Ayache : Oto-rhino-laryngologiste, chef de service-adjoint. labyrinthe membraneux donne naissance aux voies nerveuses
Martine Scart-Bercy : Oto-rhino-laryngologiste.
Pierre Elbaz : Professeur au Collège de médecine, oto-rhino-laryngologiste, chef de service.
acoustiques et vestibulaires qui vont se réunir pour former la VIIIe
Service oto-rhino-laryngologique, Fondation Adolphe de Rothschild, 25-29, rue Manin 75019 Paris, France. paire crânienne.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Ayache D, Scart-Bercy M et Elbaz P. Surdité de l’adulte. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Neurologie, 17-018-C-10,
2001, 11 p.
17-018-C-10 Surdité de l’adulte Neurologie

VOIES NERVEUSES ET CENTRES NERVEUX AUDITIFS reconnaître les caractères de fréquence et d’intensité du son,
Le nerf auditif chemine dans le conduit auditif interne (CAI) et transmission des informations aux structures centrales.
pénètre dans le tronc cérébral au niveau de la protubérance. Les mouvements des liquides labyrinthiques, induits par le
Différents relais vont s’effectuer au niveau du tronc cérébral (noyaux déplacement du système tympano-ossiculaire, entraînent une
cochléaires, complexe olivaire supérieur), du mésencéphale dépolarisation des CCI, conduisant à la genèse d’un potentiel
(colliculus inférieur), puis du thalamus (corps genouillés médians). d’action, responsable de l’innervation des fibres du nerf auditif. Le
Du thalamus, les projections se font vers le cortex auditif (situé dans message est ensuite véhiculé, après différents relais centraux, au
le lobe temporal). cortex auditif temporal.
Il existe pour la fréquence des sons une tonotopie cochléaire : chaque
CCI est sensible à une fréquence donnée. Cette tonotopie se retrouve
Physiologie de l’audition à tous les niveaux des voies auditives.

Les atteintes auditives sont classiquement divisées en surdités de


transmission et surdités de perception (ou neurosensorielles). La Conduite diagnostique
physiologie de l’audition peut être abordée en fonction de ces deux
entités [7, 11].
devant une surdité de l’adulte
Devant une surdité, le problème principal est d’en déterminer
APPAREIL DE TRANSMISSION l’étiologie afin de proposer un traitement adapté (médical,
Il est constitué par l’oreille externe et l’oreille moyenne. chirurgical, prothétique). L’examen clinique et les explorations
fonctionnelles auditives permettent, soit de poser le diagnostic, soit
d’orienter la demande d’investigations complémentaires [22].
¶ Oreille externe
On emploie les termes surdité ou hypoacousie pour désigner une
Elle joue un rôle modéré dans l’audition : localisation des sons et baisse d’audition sans préjuger de son importance. Une surdité peut
amplification (principe du cornet acoustique). être légère, moyenne, sévère ou profonde. Une cophose est une
surdité totale (uni- ou bilatérale).
¶ Oreille moyenne
Son rôle est essentiel dans l’audition : transmission des sons à INTERROGATOIRE
l’oreille interne, protection de l’oreille interne contre les agressions
sonores. ¶ Histoire de la surdité
Transmission des sons à l’oreille interne On tente de faire préciser un certain nombre d’éléments : date et
mode de survenue (brutal ou progressif), évolution (permanente,
Les vibrations sonores sont transmises à l’oreille interne grâce au fluctuante, transitoire), uni- ou bilatéralité des troubles,
système tympano-ossiculaire. L’onde sonore arrivant contre le retentissement socioprofessionnel…
tympan entraîne une vibration de cette structure, provoquant un
déplacement du marteau qui se transmet à l’enclume puis à l’étrier. ¶ Signes d’accompagnement
L’étrier, par l’intermédiaire de sa platine, va lui-même s’enfoncer
dans le labyrinthe et mettre en mouvement le liquide Ils peuvent être de plusieurs ordres, mais on s’attache plus
périlymphatique. Cette transmission peut se faire sans perte particulièrement à rechercher les symptômes suivants : otalgie,
d’énergie grâce à un phénomène d’amplification, dû au système de otorrhée, acouphènes, sensation de plénitude d’oreille, vertiges ou
levier constitué par les osselets et à la différence existant entre la troubles de l’équilibre, symptomatologie rhinologique (obstruction
surface du tympan et celle de la platine de l’étrier (20/1). nasale, rhinorrhée, épistaxis), céphalées, troubles visuels…

Protection cochléaire ¶ Antécédents


Lors d’une stimulation acoustique de forte intensité, le système Certains antécédents pathologiques peuvent se révéler
d’amplification de l’oreille moyenne va être partiellement neutralisé, particulièrement importants pour le diagnostic étiologique :
grâce à la mise en jeu du réflexe acoustique ou réflexe stapédien. antécédents otologiques (otite aiguë ou chronique, chirurgie
Le réflexe stapédien est dû à la contraction du muscle de l’étrier, qui otologique...), antécédents rhinologiques (rhinopathie, déviation
va rigidifier le système tympano-ossiculaire et protéger ainsi l’oreille septale, sinusite, chirurgie rhinosinusienne...), antécédents
interne contre le traumatisme sonore. Il s’agit d’un réflexe traumatiques (fracture du rocher, traumatisme crânien, blast
polysynaptique dont la voie afférente est le nerf auditif et la voie auriculaire, traumatisme sonore aigu ou chronique), traitements
efférente le nerf facial. Ce réflexe est bilatéral, c’est-à-dire que la ototoxiques (aminosides, certaines chimiothérapies anti-
stimulation d’une oreille déclenche le réflexe stapédien des deux cancéreuses...), antécédents généraux (hypertension artérielle,
côtés. Le réflexe stapédien survient à partir d’une intensité de troubles métaboliques, méningite, irradiation cervicofaciale...),
stimulation de 80 dB au-dessus du seuil auditif du patient. antécédents familiaux de surdité…
L’intensité la plus faible permettant de déclencher le réflexe
stapédien est appelée seuil du réflexe stapédien. La latence
d’apparition du réflexe stapédien (20 à 40 ms) explique qu’un son EXAMEN CLINIQUE
fort ayant une attaque rapide puisse entraîner un traumatisme
sonore. ¶ Otoscopie
Elle s’effectue à l’œil nu (spéculum d’oreille et bon éclairage grâce
APPAREIL DE PERCEPTION
au miroir de Clar) ou plus souvent à l’aide d’un otoscope à loupe
grossissante. Le spécialiste oto-rhino-laryngologique (ORL) effectue
Il est représenté par la cochlée, le nerf auditif (VIII) et les voies fréquemment l’examen otoscopique au microscope binoculaire (ou
auditives centrales. à l’aide d’optiques d’otoendoscopie). Une otoscopie rigoureuse et
L’appareil de perception joue plusieurs rôles : transformation de de qualité est un temps fondamental de l’examen d’un patient
l’énergie mécanique sonore en énergie électrique (phénomène de malentendant, puisqu’elle permet de noter l’état du CAE et du
transduction), codage des signaux électriques permettant de tympan.

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Neurologie Surdité de l’adulte 17-018-C-10

¶ Acoumétrie Le diagnostic de surdité de transmission repose sur :


Il s’agit de l’examen de l’audition à l’aide de diapasons (128, 256, – l’otoscopie qui peut montrer une atteinte du CAE ou du tympan ;
512 Hz…). L’acoumétrie est importante à connaître pour le médecin – l’acoumétrie au diapason avec un Weber latéralisé du côté sourd
non spécialiste, car elle permet, de façon simple, de déterminer le et un Rinne négatif (CO > CA) au niveau de l’oreille concernée ;
type de surdité (transmission ou perception). – l’audiométrie tonale qui retrouve une altération des seuils auditifs
L’épreuve de Weber consiste à placer le pied du diapason sur le en CA, alors que les seuils auditifs en CO (reflétant le niveau de
vertex. Chez le sujet normal, la vibration est perçue au milieu (ou l’oreille interne) sont conservés.
de façon identique dans les deux oreilles). En cas de surdité de
transmission, la vibration est perçue du côté sourd (ou du côté le ¶ Surdités de perception
plus sourd si l’atteinte est bilatérale). En cas de surdité de Elles résultent d’une atteinte de la cochlée, du nerf auditif ou des
perception, la vibration est perçue du côté sain (ou du meilleur côté voies auditives centrales.
si l’atteinte est bilatérale).
Le diagnostic de surdité de perception repose sur :
L’épreuve de Rinne compare l’audition en conduction aérienne (CA)
et en conduction osseuse (CO), oreille par oreille. On étudie la CA – l’otoscopie normale ;
en plaçant le diapason (en vibration) à 20 cm du méat auditif et la – l’acoumétrie au diapason montrant : Weber latéralisé du côté sain,
CO en plaçant le pied du diapason sur la mastoïde. Si l’oreille est Rinne positif (CA > CO) du côté de l’oreille concernée ;
normale ou en cas de surdité de perception, la CA est meilleure – l’audiométrie tonale : courbes en CA et en CO accolées et
(c’est-à-dire mieux perçue) que la CO : on dit que le Rinne est positif. abaissées.
Dans les surdités de transmission, la CO est meilleure que la CA :
on dit que le Rinne est négatif. ¶ Surdités mixtes
Elles associent une atteinte de l’appareil de transmission et une
¶ Examen complémentaire
atteinte neurosensorielle. Elles peuvent provenir de l’association des
On effectue un examen clinique complet qui est plus deux étiologies différentes (par exemple : otite barotraumatique et
particulièrement orienté sur l’examen des fosses nasales et du presbyacousie). Elles peuvent également être dues à une entité
cavum, sur l’examen neurologique avec examen des paires clinique et étiologique bien définie (par exemple : otospongiose
crâniennes (notamment V et VII) et examen vestibulaire (recherche évoluée, otite moyenne chronique labyrinthisée, fracture de
d’un nystagmus, d’une déviation posturale...). rocher...).

EXPLORATIONS FONCTIONNELLES AUDITIVES Surdités de transmission


Nous ne reviendrons pas sur les différents examens audiologiques La surdité de transmission (fig 1) est due à un défaut de transmission
qui peuvent être pratiqués, puisqu’ils sont déjà abordés dans un de l’onde sonore entre sa source et la cochlée. L’atteinte siège au
chapitre de l’Encyclopédie Médico-Chirurgicale (17-018-A-10). niveau de l’oreille moyenne et/ou de l’oreille externe.
Nous les citons pour mémoire :
– audiométrie tonale liminaire ; AFFECTIONS DE L’OREILLE EXTERNE
– audiométrie vocale ; Les bouchons de cérumen et les bouchons céruminoépidermiques
sont une cause extrêmement fréquente de surdité de transmission,
– impédancemétrie (tympanométrie et étude des seuils du réflexe mais doivent rester un diagnostic d’élimination (c’est-à-dire que
stapédien) ; l’hypoacousie doit immédiatement disparaître après ablation du
– potentiels évoqués auditifs ; bouchon).
– otoémissions acoustiques et produits de distorsion acoustique. L’ablation du bouchon peut se faire par lavage à la seringue ou à
l’énéma. En cas de suspicion de perforation, le lavage est contre-
indiqué et l’ablation se fait à l’aide de micropinces et de
AUTRES ÉLÉMENTS DU BILAN ÉTIOLOGIQUE microcrochets ou par aspiration.
Les autres examens utiles au bilan étiologique sont fonction du type Les ostéomes et exostoses du CAE se rencontrent classiquement chez
de la surdité (et donc de sa localisation) et de l’étiologie suspectée. les plongeurs et nageurs en eau froide. Lorsqu’ils deviennent
Ils sont détaillés lors de l’étude de chaque pathologie. Les examens obstructifs, ils peuvent être responsables d’otites externes à
le plus fréquemment pratiqués sont : répétition et/ou de surdité de transmission. Il est alors possible d’en
réaliser une cure chirurgicale (canaloplastie).
– l’exploration de la fonction vestibulaire : épreuve calorique
Les otites externes diffuses et les furoncles du CAE sont avant tout
vestibulaire calibrée et/ou épreuve rotatoire impulsionnelle, dont
responsables d’otalgies, et parfois de surdité de transmission par
l’enregistrement peut se faire par vidéonystagmographie ou par
sténose inflammatoire du CAE. De même, dans les otites externes
électronystagmographie ;
virales (myringites phlycténulaires), la surdité de transmission passe
– les explorations radiologiques : scanner des rochers, imagerie par au second plan derrière l’otalgie. Dans ces cas, la surdité est
résonance magnétique nucléaire des CAI et des angles transitoire et régresse rapidement sous traitement médical adapté.
pontocérébelleux. La pathologie tumorale du CAE est relativement rare mais peut être
responsable de surdité de transmission par obstruction du CAE. Il
ÉLÉMENTS D’ORIENTATION DU DIAGNOSTIC s’agit essentiellement de tumeurs malignes (épithélioma
ÉTIOLOGIQUE spinocellulaire ou basocellulaire).
La première étape de l’orientation étiologique repose sur la
classification du type de surdité (transmission, perception, mixte), AFFECTIONS DE L’OREILLE MOYENNE
qui peut habituellement se faire au terme de l’examen clinique et ¶ Pathologie otitique [18]
audiométrique.
Otite moyenne aiguë
¶ Surdités de transmission
Les otites moyennes aiguës sont beaucoup plus fréquentes chez
Elles sont dues à des lésions de l’oreille externe et/ou de l’oreille l’enfant que chez l’adulte. La surdité passe habituellement au second
moyenne. plan derrière la symptomatologie algique et infectieuse. Le

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17-018-C-10 Surdité de l’adulte Neurologie

1 Stratégie diagnostique en cas de surdité de transmis-


Surdité de transmission sion.
Otoscopie TDM : tomodensitométrie ; CAE : conduit auditif externe.
Audiométrie ± impédancemétrie
± TDM

Affections du CAE Affection de l'oreille moyenne

Tympan anormal Tympan normal

- bouchon de cérumen - otite moyenne aiguë - otospongiose


- ostéome du CAE - otite moyenne chronique - traumatisme
- otite externe - traumatisme de l'oreille moyenne - aplasie mineure d'oreille
- tumeur du CAE - tumeur de l'oreille moyenne
- aplasie majeure d'oreille

diagnostic est porté lors de l’examen otoscopique. Le traitement permet le plus souvent d’obtenir la guérison de l’OSM. En cas de
repose essentiellement sur l’antibiothérapie associée aux antalgiques persistance, malgré un traitement médical bien conduit, on est
et l’hypoacousie régresse avec la guérison de l’otite. amené à mettre en place un aérateur transtympanique sous
anesthésie locale ou courte anesthésie générale.
Catarrhe tubaire
Il est lié au dysfonctionnement transitoire de la trompe d’Eustache Otites moyennes chroniques non cholestéatomateuses
lors d’une rhinite aiguë, d’une rhinopharyngite ou d’une sinusite. On appelle otite moyenne chronique tous les processus
Le patient consulte pour une hypoacousie avec sensation d’oreille inflammatoires ou infectieux de l’oreille moyenne, évoluant depuis
bouchée (impression de coton ou de liquide dans l’oreille), en plusieurs semaines. On distingue plusieurs tableaux d’otite
contexte rhinopharyngé aigu. L’otoscopie montre un tympan moyenne chronique, qui peuvent réaliser des états séquellaires
discrètement inflammatoire ou rétracté mais parfois normal. (certaines perforations tympaniques, lyses ossiculaires…) ou des
L’examen clinique confirme la rhinite ou la rhinopharyngite. La otites évolutives (otite fibroadhésives, otite atélectasique avec poche
manœuvre de Valsalva permet habituellement, mais de façon de rétraction tympanique évolutive…). Les otites moyennes
transitoire, de rétablir la perméabilité tubaire et l’audition. La chroniques non cholestéatomateuses sont habituellement qualifiées
tympanométrie montre un pic décalé vers les pressions négatives, de non dangereuses, mais certaines formes réalisent de véritables
témoignant de la mauvaise aération de la caisse du tympan par la états précholestéatomateux et peuvent évoluer vers un
trompe d’Eustache. Le traitement du catarrhe tubaire se confond cholestéatome.
avec celui de la rhinite aiguë ou de la rhinopharyngite (désinfection La symptomatologie est dominée par la surdité et les épisodes
rhinopharyngée, gouttes nasales à base de vasoconstricteurs, d’otorrhée, témoignant d’une surinfection. Certaines otites
anti-inflammatoires). moyennes chroniques peuvent évoluer à bas bruit et être de
découverte fortuite à l’occasion d’un examen otoscopique
Otite séreuse ou séromuqueuse systématique. Le diagnostic positif repose sur l’examen otoscopique
L’otite séreuse ou séromuqueuse (OSM) se caractérise par la qui est, au mieux, réalisé par le spécialiste ORL sous microscope
présence d’un épanchement séreux ou séromuqueux dans les cavités binoculaire. L’audiométrie permet d’apprécier le type et
de l’oreille moyenne, derrière un tympan fermé. Il s’agit d’une l’importance de la surdité : il s’agit le plus souvent d’une surdité de
pathologie avant tout pédiatrique, mais qui peut également se voir transmission, mais certaines formes peuvent présenter un certain
chez l’adulte. Elle peut être secondaire à un dysfonctionnement degré de labyrinthisation, c’est-à-dire de dégradation
tubaire idiopathique, à une allergie, à un foyer infectieux neurosensorielle (ce qui réduit d’autant les possibilités de
nasosinusien, à une irradiation sur le cavum ou à une tumeur du réhabilitation chirurgicale).
cavum (cancer surtout). Il faut donc retenir que toute OSM La prise en charge thérapeutique repose tout d’abord sur le
survenant chez l’adulte doit faire examiner le cavum à la recherche traitement médical des poussées de surinfection (gouttes auriculaires
d’un cancer. et/ou antibiothérapie par voie générale). Lorsque l’oreille est
L’OSM se manifeste habituellement par une sensation de plénitude « sèche », il est possible d’envisager un traitement chirurgical
d’oreille ou d’oreille bouchée avec autophonie et hypoacousie. (tympanoplastie), dont le but est de mettre l’oreille à l’abri des
L’examen otoscopique montre un tympan épaissi, infiltré et dépoli. infections et d’améliorer l’audition. Certaines surdités postotitiques
On peut également voir un niveau liquide rétrotympanique ou un ne sont pas accessibles à la chirurgie et il peut être utile de proposer
épanchement rétrotympanique de couleur jaune chamois, ou des un appareillage auditif.
bulles aériques rétrotympaniques. La tympanométrie montre une
courbe plate, témoignant de la présence d’un épanchement Otite chronique cholestéatomateuse
rétrotympanique. L’audiogramme confirme l’existence d’une surdité Le cholestéatome est une otite chronique dangereuse par son
de transmission et permet d’en apprécier l’importance. potentiel d’érosion osseuse et d’infection, susceptible d’engendrer
La prescription d’un traitement médical, associant antibiotiques et de graves complications. Il se définit par la présence d’un épithélium
corticoïdes par voie générale et vasoconstricteurs par voie nasale, malpighien kératinisé dans les cavités de l’oreille moyenne. Le

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Neurologie Surdité de l’adulte 17-018-C-10

cholestéatome est le plus souvent secondaire et acquis postotitique, l’enclume et la fenêtre ovale, afin de restaurer la transmission des
mais peut également être d’origine post-traumatique ou iatrogène sons aux liquides de l’oreille interne. L’appareillage prothétique
(par exemple après une tympanoplastie) ou plus rarement représente une alternative intéressante à la chirurgie lorsque celle-ci
congénital. est contre-indiquée (atteinte importante de l’oreille interne, cophose
Les deux principaux symptômes pouvant révéler un cholestéatome controlatérale...) ou refusée par le patient.
sont une otorrhée purulente et fétide et une surdité d’importance De façon beaucoup plus rare, certaines affections peuvent être
variable. Plus rarement, le cholestéatome se révèle à l’occasion d’une responsables d’ankylose stapédovestibulaire et provoquer une
complication : paralysie faciale, vertige, labyrinthite, méningite... surdité de transmission à tympan normal : maladie de Lobstein,
L’examen otoscopique au microscope binoculaire permet dans la maladie de Paget, tympanosclérose.
majorité des cas d’affirmer, à lui seul, le diagnostic de cholestéatome
en visualisant les squames épidermiques au niveau des cavités de ¶ Traumatismes de l’oreille moyenne [16]

l’oreille moyenne. Plusieurs aspects otoscopiques peuvent être


observés : perforation tympanique marginale postérosupérieure Fractures du rocher
laissant voir les débris épidermiques blanc nacré dans la caisse, Elles sont fréquentes (20 à 40 % des fractures du crâne) et le plus
atticite cholestéatomateuse, poche de rétraction tympanique remplie souvent dues à un accident de la voie publique. Le traumatisme est
de débris épidermiques… typiquement temporopariétal.
Le bilan complémentaire comporte un examen audiométrique pour De nombreux signes peuvent révéler ou accompagner une fracture
apprécier l’importance et le type de la surdité, et un scanner des du rocher (otorragie, otoliquorrhée, surdité, acouphènes, vertiges,
rochers pour tenter de préciser l’extension du cholestéatome et paralysie faciale). L’otoscopie peut montrer un hémotympan, une
surtout rechercher des complications. perforation tympanique ou un tympan normal. L’examen clinique
Les complications du cholestéatome sont en rapport avec son recherche une paralysie faciale périphérique, un syndrome
potentiel d’érosion osseuse et d’infection : surdité d’importance vestibulaire, une otoliquorrhée et des signes d’atteinte neurologique.
variable (avec parfois labyrinthisation par atteinte de l’oreille L’atteinte de l’audition peut être une surdité de transmission
interne), paralysie faciale périphérique, fistule labyrinthique (perforation tympanique, hémotympan, fracture ou luxation
(siégeant le plus souvent au niveau du canal semi-circulaire externe), ossiculaire), une surdité de perception (fracture de l’oreille interne)
labyrinthite aiguë, complication neuroméningée (méningite, abcès ou une surdité mixte. Les autres complications des fractures du
cérébral ou cérébelleux, thrombophlébite du sinus latéral). rocher sont : les brèches ostéodurales (avec risque infectieux
Le traitement est chirurgical et comporte un double but : l’exérèse neuroméningé), les fistules périlymphatiques, les paralysies faciales
totale du cholestéatome et la réhabilitation de l’audition. Dans tous et les atteintes vestibulaires. Le bilan radiologique repose sur le
les cas, le premier objectif prime sur le second. Plusieurs techniques scanner des rochers, qui montre le trait de fracture et les éventuelles
chirurgicales peuvent être proposées (tympanoplastie en technique complications. La prise en charge thérapeutique est conditionnée par
fermée, tympanoplastie en technique ouverte, évidement les complications et conséquences liées à la fracture.
pétromastoïdien). Quelle que soit la technique chirurgicale On peut également signaler qu’une surdité (de transmission ou de
employée, une surveillance à long terme est indispensable, car le perception) peut également se voir après un traumatisme crânien
cholestéatome est une pathologie qui peut récidiver. sans fracture du rocher.

¶ Otospongiose [6] Autres lésions traumatiques de l’oreille moyenne


L’otospongiose est une ostéodystrophie de la capsule otique. Elle Les traumatismes par corps étranger pénétrant (Coton-Tiget...)
associe des phénomènes d’ostéolyse et de reconstruction osseuse peuvent être responsables d’une surdité de transmission, en rapport
responsables de la formation de foyers otospongieux qui peuvent avec une perforation tympanique et/ou une atteinte ossiculaire. Le
siéger à différents niveaux de l’oreille moyenne ou interne. La blast auriculaire est une lésion traumatique par effet de souffle (gifle,
localisation la plus fréquente est représentée par la platine de l’étrier, explosion...). Il entraîne une perforation tympanique avec surdité de
entraînant une ankylose stapédovestibulaire (c’est-à-dire une fixation transmission. Les perforations tympaniques traumatiques cicatrisent
de l’étrier). Elle détermine habituellement une surdité de habituellement spontanément et nécessitent rarement le recours à
transmission ou une surdité mixte (par atteinte cochléaire associée) une tympanoplastie. En cas d’atteinte ossiculaire, il faut réaliser une
et plus rarement une surdité de perception (otospongiose ossiculoplastie.
cochléaire). C’est une maladie génétique, dont la transmission se fait Le barotraumatisme auriculaire résulte d’un dysfonctionnement
sur un mode autosomique dominant à pénétrance variable. Des tubaire aigu avec hyperpression relative à la face externe du tympan.
antécédents familiaux sont retrouvés dans près de la moitié des cas. Deux types d’activité favorisent cet accident : l’aviation et la plongée
Il existe une nette prédominance féminine (2/1). La maladie débute sous-marine. L’accident est marqué par une otalgie aiguë
classiquement chez un adulte jeune (le plus souvent entre 15 et rapidement remplacée par une hypoacousie avec sensation de
35 ans). Les manifestations cliniques sont aggravées (ou déclenchées) plénitude d’oreille et acouphènes. L’otoscopie montre une
par les épisodes de la vie génitale de la femme, en particulier la infiltration ecchymotique du tympan, un hémotympan ou une
grossesse. perforation tympanique. L’audiométrie retrouve une surdité de
La symptomatologie est dominée par l’hypoacousie, uni- ou transmission habituellement modérée. Si le tympan n’est pas
bilatérale, dont l’aggravation est habituellement progressive. Elle perforé, la tympanométrie montre un pic décalé vers les pressions
s’accompagne fréquemment d’acouphènes. L’otoscopie montre un négatives ou un tympanogramme plat. Le traitement repose sur les
tympan normal. L’acoumétrie au diapason retrouve les signes d’une vasoconstricteurs nasaux (par voie locale et/ou générale) et sur les
surdité de transmission (Weber latéralisé du côté atteint, Rinne anti-inflammatoires (stéroïdiens).
négatif).
¶ Tumeurs de l’oreille moyenne
L’audiométrie tonale montre une surdité de transmission ou une
surdité mixte, avec tympanométrie normale et absence de réflexe Les tumeurs de l’oreille moyenne sont relativement peu fréquentes.
stapédien. Le scanner des rochers, demandé en cas de doute Les tumeurs bénignes sont essentiellement représentées par les
diagnostique, montre des images d’hypodensité focale tumeurs glomiques tympanojugulaires. Ce sont des chémodectomes,
caractéristiques de l’otospongiose. nés aux dépens du tissu paraganglionnaire non chromaffine,
Le traitement de l’otospongiose est essentiellement chirurgical. Son s’étalant de la base du crâne jusqu’à la crosse aortique. Ils peuvent
principe consiste à retirer l’étrier ankylosé (stapédectomie ou se développer au niveau du golfe de la jugulaire ou dans la caisse
stapédotomie) et à le remplacer par une prothèse, interposée entre du tympan et s’étendre vers la région cervicale et/ou la base du

5
17-018-C-10 Surdité de l’adulte Neurologie

crâne. Il s’agit de tumeurs très vascularisées responsables de (enchondrome, défaut de plicature...) et doivent être suspectées
complications graves par leur extension. Cliniquement, elles sont devant toute malformation du pavillon. Elles sont responsables de
responsables de surdité de transmission avec acouphènes pulsatiles. surdité de transmission à tympan normal. Elles peuvent être
L’otoscopie montre un bombement du tympan refoulé par une accessibles à un geste chirurgical d’ossiculoplastie, en l’absence de
masse rouge violacé rétrotympanique ou une masse bourgeonnante malformation associée de l’oreille interne, qui est dépistée par un
et hémorragique extériorisée dans le CAE. Elles peuvent être scanner des rochers.
responsables d’atteintes des paires crâniennes. Le bilan
otoneurologique permet d’en évaluer l’extension grâce au scanner Surdités de perception
et à l’angio-imagerie par résonance magnétique (angio-IRM). Le
traitement repose sur l’artériographie avec embolisation sélective Les surdités de perception (fig 2) sont la conséquence d’une atteinte
suivie d’exérèse chirurgicale. de l’oreille interne (cochlée ou labyrinthe antérieur), des voies
Le neurinome du nerf facial est très rare et se développe cochléaires (VIII) ou des centres auditifs. On distingue donc trois
habituellement dans l’oreille moyenne. Il est responsable d’une types de surdité de perception : les surdités de perception
surdité de transmission progressive à tympan normal associée à une endocochléaires, les surdités de perception rétrocochléaires (ou
paralysie faciale périphérique. Le traitement est chirurgical. radiculaires) et les surdités de perception centrales.
Les tumeurs malignes de l’oreille moyenne sont également Une fois le diagnostic de surdité de perception affirmé par l’examen
extrêmement rares. Il s’agit le plus souvent d’un carcinome clinique et le bilan audiométrique, on cherche à déterminer le siège
épidermoïde. Les signes d’appel sont une otorrhée chronique de l’atteinte lésionnelle (endocochléaire, rétrocochléaire, centrale).
sanguinolente avec surdité de transmission et volontiers compliquée Le diagnostic topographique d’une surdité de perception repose
de paralysie faciale. Le traitement repose sur la chirurgie et la sur :
radiothérapie. – l’examen clinique : syndrome vestibulaire, paralysie faciale, signes
de déficit neurologique... ;
¶ Malformations de l’oreille externe et de l’oreille
– la confrontation de l’audiométrie tonale et vocale : une
moyenne
discordance entre ces deux examens évoque une atteinte
Aplasies majeures rétrocochléaire ;
Elles sont caractérisées par une atrésie du pavillon (qui est souvent – l’étude du réflexe stapédien permet également d’orienter sur le
réduit à un simple bourrelet cartilagineux) et une imperforation du siège lésionnel : l’enregistrement du réflexe stapédien à des seuils
CAE. Des anomalies de l’oreille moyenne peuvent s’y associer. Les normaux, malgré la baisse d’audition, est appelé recrutement et est
aplasies majeures posent deux problèmes : esthétique et fonctionnel. en faveur d’une atteinte endocochléaire (alors que l’absence de
L’atteinte fonctionnelle est représentée par une surdité de réflexe stapédien évoque une atteinte rétrocochléaire) ;
transmission importante pouvant atteindre 60 dB. Celle-ci n’est prise – les explorations électrophysiologiques des voies auditives
en charge que si l’oreille controlatérale est pathologique. En (potentiels évoqués auditifs, électrocochléographie, otoémissions
revanche, dans les aplasies majeures unilatérales avec audition acoustiques) et les explorations fonctionnelles vestibulaires ;
controlatérale normale, on ne s’occupe que du problème esthétique – l’imagerie essentiellement représentée par l’IRM.
(chirurgie plastique ou épithèse de pavillon).
SURDITÉS DE PERCEPTION ENDOCOCHLÉAIRES
Aplasies mineures
Elles intéressent essentiellement l’oreille moyenne et en particulier ¶ Presbyacousie
les osselets (blocage, atrophie ou malformation ossiculaire). Elles La sénescence auditive ou presbyacousie [19] se définit comme une
peuvent être associées à une anomalie minime du pavillon altération lente de la fonction auditive liée au vieillissement. De

2 Stratégie diagnostique en cas de surdité de perception.


Surdité de perception (SP)
PEA : potentiels évoqués auditifs ; IRM : imagerie par réso-
Audiométrie nance magnétique ; APC : angle pontocérébelleux ; TC :
Impédancemétrie (réflexes stapédiens) tronc cérébral.
± PEA, ± otoémissions acoustiques
± imagerie (IRM)

SP endocochléaire SP rétrocochléaire SP centrale

{ évoquer
systématiquement { IRM IRM

- affection du TC
Bilatérale Unilatérale - neurinome VIII - surdité corticale
- autre tumeur APC - hyper- ou hypotension
intracrânienne

- presbyacousie - maladie de Ménière


- traumatisme sonore - traumatisme (sonore, crânien,
- ototoxicité chirurgical)
- surdité postméningitique - surdité brusque ou fluctuante - neuropathie auditive
- surdité auto-immune - labyrinthite
- maladie de Ménière

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Neurologie Surdité de l’adulte 17-018-C-10

façon plus générale, il faut englober sous ce terme les difficultés de par crises et dont le substratum histopathologique est un hydrops
communication et les problèmes sociopsychologiques qui en endolymphatique. L’hydrops endolymphatique est une distension
résultent. L’ensemble des structures composant l’appareil auditif est du labyrinthe membraneux, en rapport avec une hyperpression du
sensible aux effets du vieillissement, depuis l’oreille interne liquide endolymphatique relevant soit d’une hypersécrétion, soit
jusqu’aux centres nerveux. Il a d’ailleurs été montré que les cellules d’une insuffisance de résorption. Ces accès d’hyperpression
qui forment l’appareil auditif, depuis l’oreille interne jusqu’au endolymphatique sont responsables des crises puis des séquelles (en
cortex, sont incapables de se reproduire. La presbyacousie comporte particulier auditives) de la maladie de Ménière. Les mécanismes et
donc des atteintes multiétagées de l’appareil auditif, avec association l’origine de l’hydrops endolymphatique demeurent actuellement
d’altérations périphériques et centrales. Schématiquement, le inconnus. L’incidence de la maladie varie selon les séries de 0,1 à
vieillissement auditif se manifeste à la fois par : des lésions 1,5 ‰. Elle touche avec prédilection l’adulte d’âge moyen (45 ±
cochléaires périphériques, touchant les différentes structures de la 25 ans), sans prédominance de sexe. La maladie de Ménière s’inscrit
cochlée et de façon préférentielle les CCE, des désordres nerveux au très fréquemment dans un contexte psychologique et
niveau des fonctions synaptiques des cellules sensorielles, du nerf environnemental particulier (stress, anxiété, surmenage
auditif et des relais du tronc cérébral (faisant intervenir des lésions professionnel, soucis personnels ou professionnels, chocs
de dégénérescence et des troubles de la régulation des émotionnels...).
neuromédiateurs, comme par exemple la dopamine, dont le rôle Le diagnostic de la maladie de Ménière repose essentiellement sur
protecteur a récemment été montré au niveau du noyau l’anamnèse (à la recherche de crises itératives associant la triade
olivocochléaire latéral du tronc cérébral), et des altérations centrales symptomatique) et sur l’examen clinique et audiovestibulaire.
au niveau des connexions corticales et sous-corticales. Dans sa forme typique, la maladie de Ménière en crise associe :
Le tableau clinique s’installe de façon progressive et insidieuse chez
un sujet de plus de 50-60 ans. Chez le sujet plus jeune, on parle de – des vertiges rotatoires durant de plusieurs minutes à quelques
presbyacousie précoce ou accélérée, pour laquelle il est classique de heures (rarement plus de 24 heures) avec syndrome neurovégétatif
rechercher des facteurs favorisants ou aggravants : terrain familial, marqué et syndrome vestibulaire périphérique harmonieux ;
troubles du métabolisme glucidolipidique, exposition anormale au – une surdité unilatérale (ou l’aggravation d’une surdité
bruit, traitements ototoxiques. Les troubles débutent par une gêne préexistante), avec diplacousie, distorsion sonore et sensation
auditive dans le bruit, puis l’audition va s’altérer progressivement. d’oreille bouchée (ou de plénitude d’oreille) ;
Ce mode d’installation très progressif retarde la première
consultation, car le patient s’adapte naturellement à ce déficit. Le – des acouphènes ipsilatéraux, le plus souvent de tonalité grave
patient signale surtout des difficultés de compréhension, (mais pouvant être de tout type).
particulièrement en milieu bruyant (« j’entends, mais ne comprends L’audiométrie tonale montre, lorsqu’elle est réalisée à proximité
pas bien »), témoignant d’une atteinte de l’intégration centrale. Des d’une crise ou au stade des séquelles, une surdité neurosensorielle
acouphènes sont présents dans 10 à 40 % des cas (intermittents ou avec une courbe de type ascendant (prédominant sur les fréquences
permanents). graves) ou en « plateau », avec un recrutement témoignant de
L’audiométrie tonale montre typiquement une surdité de perception l’origine endocochléaire de l’affection, ce que viennent confirmer les
pure, bilatérale et symétrique, prédominant sur les fréquences potentiels évoqués auditifs. Le test osmotique au glycérol montre
aiguës. La perte auditive moyenne est représentée par la moyenne classiquement une amélioration des seuils auditifs. Cette surdité est
des seuils auditifs, sur les fréquences 500, 1 000, 2 000 et 3 000 Hz. habituellement fluctuante (en particulier au début de l’affection). Les
La tympanométrie est normale. Le seuil des réflexes stapédiens est explorations fonctionnelles vestibulaires (examen calorique ou
conservé, malgré l’élévation des seuils auditifs (recrutement). épreuve rotatoire avec vidéonystagmographie) peuvent montrer une
L’audiométrie vocale est un examen essentiel pour apprécier la hyper- ou une hyporéflectivité en période de crise, puis un aspect
valeur réelle de l’audition. Il est assez fréquent de retrouver en d’hyporéflectivité après un certain temps d’évolution de la maladie.
audiométrie vocale des altérations plus marquées que ne l’aurait L’imagerie (IRM) n’apporte pas d’argument en faveur de la maladie
laissé supposer l’audiométrie tonale. Cette discordance entre de Ménière, mais est souvent réalisée pour éliminer une autre
l’audiométrie tonale et vocale est le témoin de troubles de pathologie des voies audiovestibulaires (en particulier neurinome
l’intégration auditive, d’origine centrale. de l’acoustique, malformation de l’oreille interne...).
De nombreux traitements médicamenteux, proposés pour améliorer L’évolution classique est marquée par la survenue, à une fréquence
les « troubles du déficit intellectuel du sujet âgé », peuvent être variable (et imprévisible), de crises associant vertiges, hypoacousie
prescrits dans la presbyacousie. La place réelle de ces traitements et acouphènes. Au début, les crises régressent, spontanément ou
reste à définir et une étude prospective multicentrique est d’ailleurs sous traitement, en laissant peu ou pas de séquelles. Au fil du temps,
en cours en France. Il ne faut, bien sûr, pas en attendre d’effets la symptomatologie des crises se modifie avec des vertiges de moins
spectaculaires sur les seuils auditifs, mais certaines molécules en moins violents, mais avec une aggravation de la symptomatologie
permettent d’améliorer les phénomènes d’intégration centrale et de cochléaire (surdité en « plateau » se stabilisant aux environs de
compréhension de la parole. L’appareillage auditif est le seul moyen 50-70 dB, acouphènes). Néanmoins, l’évolution de la maladie de
d’éviter l’exclusion sociale du sujet presbyacousique. La prescription Ménière est extrêmement variable d’un patient à l’autre, totalement
doit classiquement être précoce et au mieux bilatérale (pour essayer imprévisible et capricieuse.
d’obtenir un effet de stéréophonie). Si l’indication d’appareillage Le traitement de la maladie de Ménière est difficile et décevant. Il
peut être orientée par des critères audiométriques (à partir d’une permet le plus souvent de contrôler les vertiges, mais est assez peu
perte auditive moyenne de 30 dB), la décision doit surtout tenir efficace sur l’évolution de la surdité (et des acouphènes). Le
compte de la gêne et de la demande du patient. Dans tous les cas, traitement de la crise repose essentiellement sur le repos avec
l’intérêt d’un appareillage, mais aussi ses limites, doivent être administration d’antivertigineux par voie orale (acétyl-d-leucine,
clairement expliqués au patient, pour éviter les déceptions d’une méclozine) ou parentérale (acétyl-d-leucine), d’antiémétiques et
attente excessive (« la prothèse est une aide auditive et pas une parfois de sédatifs. On y associe volontiers à la phase aiguë des
oreille neuve »). corticoïdes, des vasodilatateurs ou de la bétahistine, des diurétiques
ou des substances osmotiques (acétazolamide, mannitol, sulfate de
¶ Maladie de Ménière [22]
magnésium...). Une hospitalisation initiale est parfois nécessaire
La maladie de Ménière répond à une définition relativement précise, pour instaurer un traitement par voie parentérale, notamment
essentiellement clinique et évolutive. C’est une affection lorsque la symptomatologie vestibulaire est marquée.
idiopathique du labyrinthe membraneux, caractérisée par une triade Le traitement de fond vise à prévenir la récidive des crises et est
clinique associant des crises vertigineuses, une surdité souvent instauré au décours de celles-ci. Il n’y a pas de traitement
neurosensorielle fluctuante et des acouphènes ipsilatéraux, évoluant type, mais plutôt plusieurs choix thérapeutiques qui peuvent être

7
17-018-C-10 Surdité de l’adulte Neurologie

proposés seuls ou en association en fonction de la réponse et de la ¶ Surdités de perception d’origine infectieuse [18]

tolérance du patient et des habitudes du prescripteur.


Les labyrinthites séreuses sont secondaires à une inflammation du
Le traitement du terrain fait partie intégrante de la prise en charge :
labyrinthe en rapport avec une otite moyenne aiguë ou une poussée
bonne relation médecin-malade, soutien psychologique, règles
de réchauffement d’otite chronique. La labyrinthite serait due au
hygiénodiététiques, parfois traitement médicamenteux de l’anxiété.
passage de toxines bactériennes à travers les fenêtres ronde ou ovale.
Parmi les différentes thérapeutiques médicamenteuses de la maladie
La surdité de perception est souvent associée à des acouphènes et à
de Ménière, nous ne citons que celles qui sont le plus employées :
des vertiges. La régression est habituelle sous traitement antibiotique
bétahistine, diurétiques à faible dose, substances osmotiques (par
et anti-inflammatoire.
exemple glycérotone), flunarizine, vasodilatateurs et apparentés.
Une surdité séquellaire socialement gênante justifie le recours à un La labyrinthisation d’une otite chronique est une atteinte progressive
appareillage auditif (il n’existe pas de traitement chirurgical de l’oreille interne lors de l’évolution d’une otite chronique. À la
permettant d’améliorer l’audition dans la maladie de Ménière). Dans surdité de transmission initiale s’associe une atteinte
certaines formes, où les crises vertigineuses ne sont pas contrôlées neurosensorielle prédominant sur les fréquences aiguës, réalisant
par un traitement médical bien conduit pendant une période une surdité mixte. L’atteinte neurosensorielle est en général
suffisante, plusieurs solutions peuvent être proposées pour irréversible.
supprimer les vertiges : labyrinthectomie chimique par injection Les labyrinthites aiguës suppurées sont dues à un envahissement
transtympanique d’aminosides ototoxiques, labyrinthectomie bactérien brutal de l’oreille interne et sont responsables d’une
chirurgicale (systématiquement responsable d’une surdité totale), destruction cochléovestibulaire souvent totale. Elles surviennent lors
décompression chirurgicale du sac endolymphatique, neurotomie d’une otite moyenne aiguë ou surtout chronique (notamment otite
vestibulaire (section du nerf vestibulaire dans l’angle chronique cholestéatomateuse avec fistule labyrinthique). Elles se
pontocérébelleux par voie otoneurochirurgicale).
traduisent par un grand syndrome vertigineux et une surdité de
perception sévère (cophose fréquente). La surdité est en règle
¶ Surdité brusque idiopathique et surdité fluctuante générale irréversible.
La surdité brusque idiopathique représente une urgence médicale, Les surdités postméningitiques sont dues à un envahissement
caractérisée par l’apparition brutale ou rapidement progressive bactérien qui se fait, soit par l’aqueduc de la cochlée, soit par le
d’une surdité de perception unilatérale, sans cause évidente [13]. fond du CAI. La surdité est habituellement définitive, sévère,
L’hypoacousie s’accompagne habituellement d’acouphènes et parfois bilatérale et asymétrique. L’évolution peut être marquée par une
de vertiges. L’audiométrie tonale confirme la surdité de perception, ossification cochléaire qui complique la prise en charge
dont l’importance est variable. Le diagnostic de surdité brusque thérapeutique. La sévérité de la surdité peut conduire à proposer
impose un bilan étiologique et la mise en route d’un traitement en rapidement une implantation cochléaire. Il semble donc souhaitable
urgence. Plusieurs hypothèses ont été avancées pour expliquer ces de réaliser un bilan auditif au décours d’une méningite.
surdités brusques (virale, vasculaire, auto-immune, pressionnelle),
mais l’étiopathogénie reste actuellement floue. Bien que rare actuellement, la syphilis peut provoquer des atteintes
de l’oreille interne à type d’hydrops. La surdité de perception est
Le bilan étiologique comporte : des épreuves vestibulaires, des
habituellement bilatérale et fluctuante. Elle peut s’accompagner de
potentiels évoqués auditifs si le déficit auditif ne dépasse pas
vertiges et simuler une maladie de Ménière. Le signe de Hennebert
60-70 dB, un bilan d’imagerie centré sur le CAI et l’angle
est très évocateur de l’affection : la compression d’air dans le CAE
pontocérébelleux, un bilan biologique et sérologique.
provoque un nystagmus battant du côté opposé à l’oreille. Le
La notion de surdité brusque idiopathique impose d’éliminer les traitement associe pénicilline et corticoïdes. La maladie de Lyme
surdités d’installation brutale révélatrices d’autres pathologies : peut également être responsable d’une surdité de perception,
– tumorale : neurinome du VIII ; habituellement régressive sous antibiothérapie adaptée.
– infectieuse : labyrinthites, zona, syphilis ; Les labyrinthites virales peuvent compliquer certaines maladies
infectieuses : oreillons, rubéole, herpès, varicelle, zona,
– traumatique : fracture du rocher, blast auriculaire, mononucléose infectieuse, grippe... Le zona otitique se présente
barotraumatisme auriculaire, traumatisme sonore... ; comme une surdité de perception, d’installation souvent brutale,
– vasculaire : syndrome de Wallenberg ; associée à une éruption vésiculeuse caractéristique siégeant au
niveau de la conque et du CAE (zone de Ramsay-Hunt). Dans sa
– otologique : maladie de Ménière, fistule périlymphatique,
forme complète (syndrome de Sicard), il associe une surdité de
cholestéatome labyrinthisé ;
perception, des vertiges et une paralysie faciale. La surdité
– générale : maladie auto-immune, sclérose en plaques... zostérienne est classiquement reconnue comme étant de mauvais
Certaines surdités brusques idiopathiques régressent spontanément pronostic, en particulier chez le sujet âgé. Le traitement repose sur
mais, en l’absence de critères fiables de bon pronostic, il est classique l’association d’une chimiothérapie antivirale et d’une
d’instituer un traitement en urgence (et parfois en hospitalisation). corticothérapie.
Il n’existe pas de schéma thérapeutique validé et unanimement
admis. La plupart des protocoles associent diversement : corticoïdes, ¶ Surdités toxiques
vasodilatateurs, inhalations de carbogène, substances osmotiques,
hémodilution normovolémique, chimiothérapie antivirale… La surdité toxique ou ototoxicité est responsable d’une surdité de
L’évolution d’une surdité brusque est imprévisible, laissant parfois perception bilatérale et symétrique prédominant sur les fréquences
des séquelles auditives plus ou moins importantes. aiguës avec recrutement [ 1 6 ] . Les lésions cochléaires sont
Les surdités fluctuantes sont des surdités de perception d’installation habituellement associées à une atteinte vestibulaire peu
brutale ou rapidement progressive évoluant par poussées. Les symptomatique. Les épreuves vestibulaires montrent une
premiers épisodes régressent habituellement sans séquelles mais au hyporéflexie bilatérale et symétrique. La surdité peut survenir au
fur et à mesure, la fonction cochléaire s’altère, aboutissant à une cours ou au décours du traitement d’où l’intérêt d’une surveillance
hypoacousie sévère. Les surdités fluctuantes peuvent révéler régulière. Le type en est la surdité par les antibiotiques de la famille
plusieurs pathologies (maladie de Ménière, fistule périlymphatique, des aminosides utilisés par voie générale ou locale. L’insuffisance
neurinome du VIII), mais le plus souvent, le bilan étiologique est rénale favorise l’apparition de cette ototoxicité.
négatif. Chaque poussée est traitée comme une surdité brusque. En D’autres médicaments peuvent être responsables de surdités
cas de surdité séquellaire socialement gênante, un appareillage toxiques : salicylates à fortes doses, diurétiques de l’anse (acide
auditif peut être proposé. étacrynique, furosémide), quinine et ses dérivés, cisplatine…

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Neurologie Surdité de l’adulte 17-018-C-10

¶ Surdités de perception post-traumatiques interstitielle, syndrome cochléovestibulaire souvent bilatéral


évoquant une maladie de Ménière et parfois atteinte
Un traumatisme crânien, avec ou sans fracture du rocher, peut être polysystémique), syndrome de Vogt-Koyanagi-Harada (uvéite
responsable d’une surdité de perception. Plusieurs mécanismes granulomateuse, méningite monolymphocytaire, surdité
peuvent expliquer cette surdité : trait de fracture passant par le neurosensorielle bilatérale, vitiligo)... Le diagnostic de surdité auto-
labyrinthe (la surdité est alors irréversible), commotion immune isolée (hors d’un contexte d’atteinte systémique) est
labyrinthique, fistule périlymphatique. En cas de commotion beaucoup plus difficile à affirmer, puisqu’il n’existe pas d’anticorps
labyrinthique, un traitement de soutien cochléaire (associant spécifique, et repose sur un faisceau d’arguments cliniques (surdité
corticoïdes et vasodilatateurs) est instauré pour accélérer une de perception bilatérale, asymétrique et évolutive), biologiques
éventuelle récupération. En dehors de l’aspect diagnostique et (syndrome biologique inflammatoire, bilan immunitaire non
thérapeutique, il semble important de faire pratiquer rapidement un spécifique) et thérapeutiques (test thérapeutique aux corticoïdes). Le
bilan auditif chez un traumatisé crânien se plaignant d’une traitement de ces surdités neurosensorielles auto-immunes isolées
hypoacousie, afin de faciliter les démarches médicolégales repose essentiellement sur la corticothérapie ou plus rarement sur
ultérieures de réparation juridique du dommage corporel. les immunosuppresseurs ou la plasmaphérèse.
La fistule périlymphatique est une brèche microscopique siégeant Nous avons arbitrairement classé le syndrome de Susac [2] dans le
au niveau de la coque osseuse de l’oreille interne permettant chapitre consacré aux surdités auto-immunes, bien que son
l’écoulement de liquide labyrinthique dans les cavités de l’oreille étiopathogénie reste floue. Le diagnostic repose sur une triade
moyenne. Elle est responsable d’une surdité de perception fluctuante clinique associant des troubles neurologiques (encéphalopathie
avec symptomatologie vertigineuse positionnelle. Elle peut survenir aiguë avec syndrome confusionnel), des troubles cochléo-
après tout traumatisme crânien (même minime), après un blast vestibulaires (vertiges, acouphènes, surdité neurosensorielle uni- ou
auriculaire ou après un barotraumatisme. En l’absence de bilatérale) et des troubles ophtalmologiques (troubles de la vision
récupération spontanée, le traitement est chirurgical (et consiste à avec amputation du champ visuel). L’IRM met en évidence sur les
colmater la brèche). séquences pondérées en T2 de multiples zones d’hypersignal au
Toute chirurgie de l’oreille moyenne (et de la base du crâne niveau de la substance blanche et grise, qui prennent le gadolinium
postérolatérale) comporte un risque de souffrance de l’oreille interne sur les séquences pondérées en T1. L’audiogramme montre une
(ou du nerf auditif), se traduisant par une surdité de perception plus surdité de perception qui prédomine volontiers sur les fréquences
ou moins importante et généralement irréversible. Une information graves. L’angiographie rétinienne met en évidence des occlusions
claire, loyale et intelligible doit être systématiquement délivrée en des branches distales de l’artère centrale de la rétine. Le pronostic
préopératoire, avant de recueillir le consentement éclairé du patient. est variable et difficilement prévisible. Différents schémas
Le traumatisme sonore chronique est une surdité en rapport avec thérapeutiques ont été proposés (corticothérapie et/ou
une exposition prolongée au bruit. Il s’agit parfois de surdités immunosuppresseurs et/ou immunoglobulines).
professionnelles pouvant être reconnues comme maladie
professionnelle (cf tableau n° 42 de la Sécurité sociale). La surdité de Surdités congénitales
perception est d’aggravation progressive, irréversible, souvent Nous ne nous étendrons pas sur les nombreuses causes de surdités
bilatérale et symétrique, prédominant sur les fréquences aiguës et congénitales (surdités génétiques isolées ou syndromiques, surdités
maximale sur la fréquence 4 000 Hz. Le traitement est avant tout par embryofœtopathies, surdités d’origine malformative, surdités
préventif : surveillance régulière, casque antibruit, reclassement congénitales d’origine indéterminée), dont le diagnostic est le plus
professionnel... souvent fait durant l’enfance et dont la prise en charge relève
Le traumatisme sonore aigu est une surdité brutale survenue après habituellement de l’appareillage auditif.
exposition à un bruit intense (tir au fusil, explosion...). On retrouve
un tableau associant acouphènes et surdité de perception uni- ou SURDITÉS DE PERCEPTION RÉTROCOCHLÉAIRES
bilatérale maximale sur la fréquence 4 000 Hz. Un traitement (OU RADICULAIRES)
d’urgence s’impose (de type surdité brusque).
¶ Neurinome de l’acoustique
La surdité par déflagration ou blast auriculaire associe au
traumatisme sonore un effet de souffle qui peut être responsable de C’est la plus fréquente des tumeurs de la fosse postérieure [23]. Le
dégâts tympano-ossiculaires ou de fistule périlymphatique. neurinome du VIII est une tumeur bénigne (schwannome) qui naît
dans 90 % des cas dans le CAI, à partir du nerf vestibulaire, et dont
¶ Autres causes de surdités de perception le développement se fait vers l’angle pontocérébelleux. La croissance
endocochléaires du neurinome est classiquement lente, mais en fait variable selon
les cas (de 1 mm à 1 cm de diamètre par an). Certains neurinomes
Surdités de perception d’origine otospongieuse peuvent rester stables pendant plusieurs années et il a même été
décrit des involutions tumorales. Le neurinome de l’acoustique est
L’otospongiose labyrinthisée est une forme évolutive de la maladie habituellement unilatéral, solitaire et non héréditaire, sauf lorsqu’il
otspongieuse qui se manifeste par une atteinte de l’oreille interne s’intègre dans le cadre d’une maladie de Recklinghausen.
donnant une surdité mixte avec atteinte perceptionnelle
La surdité unilatérale est le signe d’appel le plus fréquent (90 %).
prédominant sur les fréquences aiguës. Il existe également des
Elle est habituellement progressive, mais peut se présenter comme
otospongioses cochléaires se manifestant par une surdité de
une surdité brusque (1 à 4 %) ou fluctuante. Toute surdité de
perception pure. Dans ce cas, la chirurgie n’a aucune indication et
perception unilatérale, ou bilatérale et asymétrique, doit faire
certains auteurs proposent un traitement par fluorure de sodium
pratiquer un bilan complémentaire à la recherche d’un neurinome
pour freiner l’évolution de la maladie. En cas de surdité socialement
du VIII. Des acouphènes peuvent accompagner la surdité ou être
gênante, on a recours à un appareillage auditif.
révélateurs. La symptomatologie vestibulaire est plus rare (en raison
de la lenteur de croissance), mais des troubles de l’équilibre souvent
Surdités neurosensorielles auto-immunes [4, 10]
discrets, voire des vertiges rotatoires, peuvent être observés. Du fait
Certaines atteintes de l’oreille interne peuvent avoir une origine de la proximité des nerfs crâniens dans le CAI, une paralysie faciale
auto-immune. Ces surdités auto-immunes peuvent s’intégrer dans peut également être un signe d’appel. Les symptômes
le cadre d’une maladie auto-immune systémique ou apparaître de extraotologiques sont rarement des circonstances de découverte, car
façon isolée. Le diagnostic est facile lorsqu’elles surviennent dans ils témoignent de l’importance du développement du neurinome
un contexte évident : périartérite noueuse, polychondrite atrophiante (névralgie du trijumeau ou anesthésie faciale, paralysie des nerfs
chronique, lupus érythémateux disséminé, maladie de Behçet, mixtes, céphalées, syndrome cérébelleux, hypertension
granulomatose de Wegener, thyroïdite, syndrome de Cogan (kératite intracrânienne).

9
17-018-C-10 Surdité de l’adulte Neurologie

L’audiométrie tonale montre une surdité de perception unilatérale conventionnel ou implantation cochléaire) est difficile, en raison des
ou bilatérale et asymétrique, avec des troubles de l’intelligibilité en troubles de l’intelligibilité qui accompagnent l’affection (comme en
audiométrie vocale (classique discordance tonale-vocale). Les témoignent les perturbations souvent importantes de l’audiométrie
réflexes stapédiens sont souvent abolis, ce qui doit orienter vers une vocale).
atteinte rétrocochléaire. Les potentiels évoqués auditifs permettent,
si la perte auditive n’est pas trop importante, de différencier l’origine
endo- ou rétrocochléaire de la surdité. L’atteinte rétrocochléaire est SURDITÉS CENTRALES
objectivée par l’allongement des latences des ondes III et V avec L’hypoacousie est liée à une atteinte des voies auditives situées en
allongement des intervalles I-III et I-V et aspect désorganisé des amont du nerf auditif : tronc cérébral, thalamus, cortex auditif
tracés. Néanmoins, des potentiels évoqués auditifs normaux temporal.
n’éliminent pas formellement la présence d’un neurinome. Les
Les surdités secondaires à une atteinte du tronc cérébral sont
explorations fonctionnelles vestibulaires sont souvent perturbées, et
rarement révélatrices et s’associent le plus souvent à d’autres
leur association aux potentiels évoqués auditifs en augmente la
manifestations neurologiques qui dominent le tableau clinique. La
sensibilité diagnostique.
surdité est de type rétrocochléaire avec absence de recrutement et
Le diagnostic de neurinome de l’acoustique est assuré par l’IRM désynchronisation des potentiels évoqués auditifs. Le diagnostic
avec injection de gadolinium, qui entraîne un rehaussement de la étiologique est habituellement apporté par l’IRM. Parmi les
tumeur, permettant de mettre en évidence de minuscules affections du tronc cérébral pouvant entraîner une surdité, on peut
neurinomes intracanalaires. L’IRM permet également de mesurer et citer : lésions tumorales (gliome du tronc cérébral), accidents
de classer le neurinome en fonction de sa taille. vasculaires (syndrome de Wallenberg), affection démyélinisante
La prise en charge des neurinomes de l’acoustique dépend de (sclérose en plaques), traumatisme crânien…
nombreux paramètres : âge et état général du patient, taille du Les atteintes auditives d’origine corticale sont rares, car les
neurinome et rapports avec le tronc cérébral, état de l’audition ipsi- informations sonores empruntent des voies bilatérales à partir de
et controlatérale… En fonction de ces différents paramètres, l’étage sous-cortical. La symptomatologie se manifeste plus par des
plusieurs attitudes peuvent être adoptées : abstention et surveillance troubles de l’intelligibilité ou des distorsions dans la perception des
régulière (clinique, audiométrique et radiologique), exérèse par voie sons (ce qui rend les explorations auditives difficiles à réaliser avec
oto-neuro-chirurgicale, radiochirurgie stéréotaxique (gamma knife). des réponses souvent incohérentes et discordantes) que par une
Beaucoup plus rarement, d’autres tumeurs de la base du crâne surdité à proprement parler. L’atteinte auditive se voit lors de lésions
peuvent être responsables d’une surdité de perception de type bitemporales, dont l’origine peut être un accident vasculaire, un
rétrocochléaire : méningiome, chémodectome, kyste arachnoïdien, traumatisme, une encéphalite…
cholestéatome primitif de l’angle pontocérébelleux, granulome à
Les atteintes de l’audition liées à des troubles de la pression du
cholestérine de l’apex pétreux…
liquide céphalorachidien (LCR) sont plus difficiles à classer, car elles
¶ Neuropathies auditives sont, en fait, dues à des variations pressionnelles des liquides
labyrinthiques, par le biais des voies de communication existant
Les progrès des méthodes d’exploration des voies auditives ont entre les espaces sous-arachnoïdiens et périlymphatiques. Ainsi, les
récemment permis d’isoler une nouvelle entité nosologique, la hypotensions intracrâniennes peuvent être responsables de
neuropathie auditive [21]. Il s’agit d’une atteinte non tumorale du nerf manifestations cochléovestibulaires (acouphènes, surdité de
auditif. La neuropathie auditive se présente comme une surdité de perception, vertiges) dont la principale caractéristique est de
perception de type rétrocochléaire avec abolition des réflexes prédominer en position debout et de s’amender plus ou moins
stapédiens, potentiels évoqués auditifs perturbés, otoémissions complètement en position allongée [3, 24]. Des surdités liées à une
acoustiques conservées (témoignant du bon fonctionnement des perte de LCR ont été rapportées après ponction lombaire, chirurgie
CCE de la cochlée) et audiométrie vocale beaucoup plus perturbée intracrânienne, rachianesthésie [8, 24]. En l’absence de récupération
que l’audiométrie tonale (expliquant les difficultés de l’adaptation spontanée, une surdité secondaire à une ponction lombaire ou à une
audioprothétique). L’IRM permet d’éliminer une atteinte tumorale. rachianesthésie peut utilement bénéficier d’un blood-patch [8]. De
Une fois le diagnostic de neuropathie auditive établi, on fait même, on peut observer des manifestations cochléovestibulaires
pratiquer un bilan neurologique complet afin d’en déterminer (acouphènes pulsatiles, syndrome méniériforme) secondaires à une
l’étiologie. Plusieurs publications ont déjà permis de rapporter hypertension intracrânienne [15, 20]. Ces relations entre les espaces
certains cas de neuropathies auditives à une affection neurologique périlymphatiques et sous-arachnoïdiens ont permis de développer
caractérisée : maladie de Charcot-Marie-Tooth [21], ataxie de un système d’exploration non invasive de la pression intracrânienne,
Friedreich [12] . D’autres neuropathies périphériques peuvent appelé tympanic membrane displacement analyser ou test de
s’accompagner d’une surdité qui correspond probablement à une Marchbanks [14]. Le principe consiste à enregistrer les mouvements
neuropathie auditive : syndrome de Guillain-Barré, neuropathie de la membrane tympanique par l’intermédiaire d’une simple sonde
diabétique, neuropathie toxique [21]. Plusieurs cas de neuropathies introduite dans le CAE. Les variations de mouvements de la
auditives isolées et d’étiologie indéterminée ont été publiés [21]. membrane tympanique dépendent de la pression périlymphatique
Certaines de ces neuropathies auditives peuvent être la première et/ou intracrânienne. Des résultats intéressants sur la surveillance
manifestation d’une neuropathie périphérique, ce qui impose, outre des valves de dérivation ventriculaire ou sur l’exploration de
une surveillance audiologique, un suivi neurologique régulier. La certaines pathologies cochléovestibulaires ont été publiés [5, 9, 17], mais
prise en charge audioprothétique (que ce soit par appareillage demandent à être confirmés et validés [1].

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Neurologie Surdité de l’adulte 17-018-C-10

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