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SIGNES EN TOUS SENS

Partir et revenir c’est une manière d’être toujours là. La transhumance c’est la
métaphore culturelle d’un aller-retour à dates fixes.
Barbara Prézeau revient en 1996 avec un nouveau message de son Haïti natale où
les signes qui le nourrissent artistiquement se rencontrent partout. Elle désire
boucler chaque année comme un cycle de vie par une exposition individuelle.
Quelques jours après l’événement l’artiste sera mère une deuxième fois, et sa
première exposition conçue et réalisée en Haïti aura le caractère d’une double
naissance.
Entre temps, Prézeau réfléchit aux connections profondes entre son oeuvre et son
environnement hybride haïtien, afin que cette exposition soit empreinte de toute la
dimension conceptuelle d’une rencontre.
Deux éléments me semblent essentiels dans son propos: le choix des moyens et la
notion d’espace. Ces deux composantes de sa poétique la distancent définitivement
des systèmes conventionnels de représentation et la rapprochent de la trans-
avantgarde, par ses emprunts à l’arte povera et à l’art conceptuel. Les moyens
préférés de cette plasticienne fonctionnent à partir de l’idée de récupération
environnementale. Ainsi, le site de la galerie devient l’expression d’un fragment de
temporalité prémoderne dans la modernité, pré-industrielle à l’époque de l’industrie.
Le motif se convertit en symbole, la réalité en synthése et à travers l'acte individuel
se sacralise la mémoire collective.
Par l’utilisation d’éléments qui s’auto-supportent, le paravent s’intégre avec
cohérence comme une nécessité dans le montage de l’exposition: “les cimaises de
la galerie ne suffisaient pas”, m’a-t-elle confié. Alors le paravent est devenu
limitefrontière, créateur d’un ici et d’un ailleurs, cloison trompeuse, séparant tout en
liant, conservant le sens déambulatoire d’un itinéraire fixe.
Les paravents enduits de plâtre, comme autant de surface sensible afin de marquer,
graver, tracer et écorcher. Les paravents sont des rappels aux murs divisant
l’espace urbain ségrégateur réceptacle de toutes sortes de graffiti et de
pictogramme. Prézeau utilise d’autres supports visuels, comme les pavés et le
papier d’emballage. Aucun matériau toxique: cire d’abeille, argile, fusain, moyens
nobles sur lesquels s’installent les signes multiples tirés de l’imaginaire populaire.
Peu de couleur, retour à la figure humaine: deux tangentes de son travail actuel. La
première, résulte sensiblement de son regard sur le milieu ambiant. La seconde,
refuge de ses utopies propres, espérance de continuité, peut-être la référence la
plus directe à la nouvelle vie qui grandit en elle. L'artiste elle-même transformée en
atelier de création.

Dr. Yolanda WOOD


Professeur d'Histoire de l’ Art de la Caraïbe
à l’Université de la Havane, Faculté des Arts et Lettres Octobre 1996

La galerie Bourbon-Lally vous invite au vernissage de l’exposition


TRANSHUMANCE de Barbara Prézeau Stephenson
le vendredi 5 décembre 1996 à partir de 16 h.

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