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Ecume

Comment appréhender l’œuvre Bardienne, dans son nouveau cycle ?


Iconoclaste, Anachronique et Onirique, jurant avec l’époque quelques fois ; ne se laisse pas
apprivoiser.
Tel un anachroniste de la seconde moitié du siècle dernier, ou l’« Hypemaniérisme »,
rappelant le Greco ; l’œuvre Bardienne est un tenant d’un art qualifié de « Pittura colta », ou
peinture cultivée par le critique Italo Tomassoni. Dans la même lignée que le peintre Gérard
Garoust, Bardi ; dont l’ensemble de la carrière d’Artiste peintre, à la production
ininterrompue, nous propose à la manière des maitres du passé : Renaissance, Maniérisme,
Baroque Italien, ou encore au traitement anatomique de l’art de la statuaire grecque dans sa
peinture. L’Artiste peintre nous propose une parodie de la condition humaine « matérielle et
spirituelle ». Tantôt par la disposition de ses personnages dans des environnements
surréalistes, ou inversement se sont les personnages qui se transforment en chimères pour
nous proposer le monde traduit par l’artiste. L’ensemble produit un anachronisme troublant de
pertinence.
L’artiste tourne en dérision ses personnages, par les environnements ou il les dispose. À la
manière de Giorgio De Chirico. Entre onirisme-ludique et parodie-dramatique. Il tend à
traduire son environnement, non seulement par des compositions picturales échappant à toute
forme de rationalisme. Mais aussi par l’exubérance chromatique identifiable à l’artiste. La
couleur sert l’équilibre de la composition, dans la peinture de Bardi elle est employée par le
créateur pour contredire l’état du sujet ainsi que des personnages.
Dès sa première année à l'école des beaux-arts, Bardi entamera un travail de déconstruction de
l'image. « J'ai commencé à faire la synthèse de l'histoire de l'image, en prenant le parti-pris
d'effacer tout indice chronologique, dans ma production artistique…» m’expliqua-t-
il. Depuis les premières gravures rupestres jusqu’à l’histoire de l’image telle que nous la
connaissons aujourd'hui, Bardi a fait le choix de supprimer l’indicateur temporel. N’ayant pas
la possibilité ou le désire, plus précisément de se pencher sur une seule époque, il décide de
les effacer, toutes. Néanmoins il attribue à la couleur le rôle de cette dernière, elle devient
une norme de la peinture, sa pratique, j'entends par là que comme pour le tableau de
« Mendeleïev » dit tableau des périodiques, la couleur remplace l’absence d’indicateur
temporel et devient une mesure de calcul, c’est là toute la spécificité de la démarche
Bardienne. Est-ce le désire de représenter le monde dans son ensemble sans indicateur
temporel et d’abolir, ainsi, toute l’histoire de l’art !?
En observant l’Œuvre picturale de Bardi, nous retrouvons une récurrente _LE DAMIER OU
L’ECHIQUIER_ Ce qui fait échos à l’œuvre en volume, et est certainement la force de ce
projet de sculpture (empilements) _sur lequel nous allons nous pencher tout au long du
cheminement de notre texte_. En effet, ce sont les figures (masques) représentés au sommet
de chaque module ou assemblage comme des « PIONS SUR UN ICHIQUIER ». L’extension
même de l’Œuvre peinte (l’échiquier comme récurrente de l’Œuvre Bardienne et les pions en
Sculpture). Dès lors ou toute l’œuvre, dans son intégralité, est face à nous ; nous nous
retrouvons dans une expérience quasi immersive.

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Il était donc nécessaire de faire une première lecture, de l’Œuvre peinte pour cheminer vers
ce qui suit. L’œuvre en tridimensionnelle.
Le cycle de celle-ci se poursuit et s’étend à un nouveau format, à un nouveau medium,
aujourd’hui, elle revêt un manteau, autre. En l’occurrence celui de l’interaction avec l’espace.
La pratique Bardienne s’ouvre sur une nouvelle expression. Elle redéfinit les codes du travail
de la création, par la collaboration avec différents corps de métiers. Cette ensemble de
sculptures en terre cuite emmaillées, a nécessité un travail avec des équipes composé de
céramiste, peintre et photographe.

1. L’Ecume. Le rituel de passage OU la métamorphose.


Bardi correspond à une histoire, et son œuvre est une archéologie de la mémoire. L’histoire
d’abord d’une vie mais aussi d’une sensibilité exacerbée, ainsi que d’une lucidité aguerris
face aux éléments qu’ils l’entourent. Dichotomie entre le peintre créateur de formes et le petit
garçon nait dans un antre de femmes ; Amazighes, Créatrices et Porteuses de voies. Elles sont
liées profondément à la terre. Dans ce village de la haute Kabylie ou le peintre a vu le jour ;
les individus sont lié de manière viscérale aux éléments de la nature (la terre, l’eau, l’air, le
feu). Sa naissance portera le signe ; de la continuité. Une sage du village lui prédira même,
une aura porteuse de beauté et de prospérité. Entre (1875-1878) Edward Burne-Jones,
interprète dans une série de quatre tableaux, la métamorphose de de la sculpture de
Pygmalion ou Pygmalion et L’image I, II, II, IV intitulées, Le cœur désir, La Main réfrène,
La Divinité embrase et l’Ame atteint (Des métamorphoses d’Ovide). Face à sa réalisation
parfaite, cette sculpture qui prenait vie se transformât grâce à l’intervention de la déesse
Athéna (Ovide). L’Œuvre Bardienne nous mène à travers son évolution à cette même
transformation que celle de Pygmalion face à sa création. La spécificité de l’œuvre en
volume, est qu’elle est une extension de l’œuvre picturale/peinte de l’artiste. Le volume prend
l’allure d’une métamorphose de l’œuvre et d’une mutation sans rompre avec l’objet
bidimensionnel, comme pour Pygmalion la peinture de Bardi prend ici vie et volume. Tout
comme Edward Burne ; Bardi refuse la laideur et impose une esthétique burlesque.
Cet ensemble nommé, Ecume, est né d’une nécessité peut-être inconsciente de la traversée du
monde de la création, désireux de créer autrement. Comme le moment du rituel de
« Passage ». Pour faire la jonction, entre, le passage du petit garçon Kabyle de l’antre de la
mère au monde du père. Ici la métaphore du passage est calquée, sur celle du changement de
medium. De la métamorphose ovidienne, à celle de l’écume dans la philosophie
nietzschéenne, l’artiste Peintre pur, avec ECUME, passe à l’artiste plasticien. Qui conçoit et
créer mais fait réaliser. Une démarche résolument contemporaine, qui nous renvoi à la
pratique Picassienne.
Pourquoi Picasso ? Ce dernier comme Bardi, participe de chaque étape de l’exécution. Pour
son œuvre, tissé, sculpté, ou en terre cuite ; Picasso a collaboré durant 20ans avec les ateliers
de tissage -Durrbach – et bien d’autres. Comme Bardi aujourd’hui et l’atelier Terre-terre
(Céramique).

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Encore une fois, pour quoi cette analogie avec la démarche Picassienne de collaboration pour
la réalisation d’une création ? C’est aussi pour affirmer le caractère non industriel de l’œuvre,
c’est-à-dire que les deux ne soumettent pas la conception à un réalisateur, ils ont contribué à
toutes les étapes de la naissance de l’œuvre. C’est une démarche fédératrice, éthique et intime
simultanément. En l’occurrence ce nouveau cycle du travail de l’artiste représente une
projection des environnements de ses peintures, du rapport à l’objet fonctionnel, et le désir de
faire immerger le voyeur dans l’œuvre, le faire participer, aussi.
2. L’arrivée de l’ère de la plasticité (multidisciplinarité) :
« L’écume est une surface fugace, un instant fugitif qui laisse passer, la crisalide a l’etat
papillon. » Friedrich Nietzsche
L’écume se moule sur la réalité de la société. Elle se méfie des épures abstraites et des
absolues. En art elle intronise une dynamique qui épouse, dans ses creux, et ses ressauts les
reliefs sociaux de l’environnement dans lequel elle est née
Appréhender l’art et l’acquisition d’art autrement aujourd’hui, dans la société Algérienne,
Est-ce un des objectifs, de cet assemblage d’objets qui se proposent à la décomposition.
L’artiste chercherait-il à proposer son œuvre comme une nouvelle façon d’appréhender la
sculpture ? En entament ce travail, je me suis aperçu que je n'avais pas un objet fétiche chez
moi (une tasse, un coussin….). Ecume se présente comme un ensemble de corps modulables.
A la base de chaque statue, un moulage d’une paire de pieds qui n’est d’autre que celle de
l’artiste lui-même, au centre elle est amphore, au sommet nous retrouvons des visages aux
allures de masques Africains.
Cet ensemble intitulé Ecume, forme une élucubration artistique par sa fragilité, son absurdité,
son sens vertical.
« Je me suis beaucoup penché sur le travail des designers depuis 2017, ainsi j'ai nourri mon
travail, et ma réflexion sur l’œuvre en volume, donc vers l'objet tridimensionnel. J'en ai fait
une obsession, tellement, que j'ai bifurqué vers la sculpture », me répond Bardi.
La métaphore des pieds moulés de l’artiste qui porte l’ensemble nous renvoie à :
-La responsabilité que porte l’artiste, par le message que véhicule son l’Œuvre.
-Le devoir de transmission et de la beauté que l’œuvre donne au monde.
-La pose de NOUVEAUX jalons de l’objet designer, qui fait office de sculpture démontable,
permettrait-il l’appréhension de la sculpture autrement dans l’intérieur de l’acquéreur !
- La Dualité : La dichotomie Bardienne réside dans un duel, que mène l’artiste entre
le devoir de transmission qu’il lui a été attribué à la naissance et le sentiment
d’impossibilité de cette dernière- (le poids esthétique de l’œuvre et la perfection
qu’elle atteint souvent me font détruire cette dernière avant qu’elle ne sorte de
l’atelier ; ce qui m’empêche de l’a montré au monde est une peur de bousculer ce
dernier, qu’il ne soit pas prêt à la recevoir).

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- La laideur humaine : elle resurgit et intervient dans un élément iconographique bien
particulier. A travers le traitement de la peau, elle exprime l’ (intérieure et
extérieure, le physique et l’âme), comme une seconde récurrente après le damier.
Dans l’Œuvre Bardienne nous nous heurtons souvent à la déformation des corps et
des objets, la chair prend des couleurs mortifères et nous fait penser aux univers de
Lucian Freud ou de Francis Bacon. Bardi joue avec ce double sens de l’intérieur qui
se reflète sur l’extérieur et inversement pour indiquer la laideur de l’âme qui se
réfléchit par le traitement de la couleur de la peau… Ou comment déployer le
potentiel de la chair comme spécificité de l’anesthétique ou de l’esthétique
Bardienne. Comment traduire les chemins empruntés par l’artiste pour recevoir
cette moralité ou qu’elle soit.
Cette nouvelle phase de l’Œuvre de Bardi, tend à rassembler (maitres d’œuvre, céramistes,
artisans d’arts, scénographes …) est-ce pour nous permettre une immersion complète dans
son monde intérieur ? Est-ce une façon subtile d’infuser le contrepouvoir du concept (que le
processus de l’artiste refuse), dans l’art de l’installation qui domine dans le paysage de l’art
contemporain?
Il est fort probable que c’est une manière de transcender le concept et poser de nouveaux
jalons. Néanmoins le mystère reste entier et la question ouverte.

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