Baudelaire et les Pink Floyd

Pour introduire Baudelaire et, en général, la poésie du XIXème siècle,

j’ai choisi un thème apparemment très loin, mais en réalité, vraiment
très proche.
Depuis que j’ai 9 ans, grâce à ma mère, je suis très passionnée par un
groupe des années soixante-dix: les Pink Floyd.

La poésie de Baudelaire, en effet, est le manifeste de la culture

psychédélique des années soixante et soixante-dix.
L’expérience poétique de Baudelaire est un voyage vertical au delà de la
matérialité du monde: ce sont les correspondances avec la perception
des senses, en contact et en harmonie avec la nature, c’est un voyage
vers un endroit exotique, qui se trouve à l'intérieur de l’homme, c’est la
fuit imaginaire vers l'infini. 
Et ce sont tous des éléments qu’on retrouve dans les chansons des Pink
Floyd, l’incarnation de ces expériences psychédéliques que Baudelaire
exprimait avec les mots, sont maintenant imprimées dans la musique.
De la musique avant toute chose, disait Verlaine.
Du point de vue musicale, les premières chansons des Pink Floyd se
caractérisent par une sorte d'incohérence: souvent, il s'agit de pièces de
musique composées de parties très différentes entre eux, pouvant durer
aussi jusqu'à 30 minutes, avec des refrains et des couplets qui changent
soudainement de direction. La sensation qu'on ressente est précisément
celle d'un voyage tumultueux dont la destination indéfinie change
continuellement pour ne se retrouver, à la fin, qu'au point de départ.
Les sons ne sont pas donnés uniquement par des instruments, mais,
parfois, ce ne sont que des bruits, qui cherche à imiter des sensations
précises: les sensations atteintes par la drogue, en fait.
La musique des Pink Floyd, donc, ainsi que les poèmes de Baudelaire,
se présente comme un art de synesthésie et de sensorialité, un voyage
qui ramène à soi, un moyen de transport vertical qui va au-delà de la
pure matérialité.
Mais si déjà les sensations évoquées par les deux suffiraient pour rendre
claire la comparaison, je trouve qu’il faudrait aussi analyser les textes de
ces deux artistes pour mieux comprendre les proximités.
 
La chanson Échos, par exemple a beaucoup d’éléments en commun
avec plusieurs poèmes de Baudelaire:
Tout d'abord, au début de la chanson, un albatros est mentionné,
immobile dans le ciel. L'albatros est l'une des figures principales de
Baudelaire, l'incarnation du poète se moquant des marranes qui ne
comprennent pas son importance et tendent, par conséquent, à l'isoler de
la société.

Les vers suivants d’Échos

récitent:
L'écho d'un temps lointain
Parvient s’insinuant à travers le sable
Et tout est vert et sous-marin
(The echo of a distant time come
willowing across the sand
and everything is green and submarine)
Dans les Correspondances,
Baudelaire dit:
Comme de longs échos qui de loin se
confondent
Dans une ténébreuse et profonde unité,
Vaste comme la nuit et comme la clarté,
Les parfums, les couleurs et les sons se
répondent

La comparaison est claire: l’utilisation de la synesthésie, la métaphore

des échos lointains et la présence de la nature rendent ces vers très
proches entre eux.
De plus, on a vu que la poésie Correspondances à été inspirée par “les
portes de la perception”, expression créée par le poète anglais “Blake”.
Le titre du premier album de Pink Floyd, nous donne une image aussi
“métaphysique”: le joueur de cornemuse aux portes de l’aube” (Piper at
the Gates of Dawn).
La chanson continue comme ceci:
Des inconnues qui passent dans la rue
Par hasard, deux regards séparés se rencontrent
Et je suis toi et ce que je vois c'est moi

(Strangers passing in the street

By chance, two separate glances meet
And I am you and what I see is me)

Cette idée des inconnues se rencontrant seulement par le regard est

encore une fois bien exprimée dans la poésie “à Une Passante”, on lit:
Une femme passa, d’une main fastueuse
Soulevant, balançant le feston et l’ourlet;
(…)
Moi, je buvais, crispé comme un extravagant,
Dans son œil, ciel livide où germe l’ouragan…

Dans cette poésie Baudelaire réfléchit sur la possibilité des rencontres

qui pourrait changer notre vie et donc la condition humaine au gré des
événements.
Voilà comme les textes de Baudelaire se connectent facilement à
certains concepts exprimés plus de 100 ans après la publication des
Fleurs du Mal.
Il ne faut cependant pas en chercher la raison dans la connaissance
réelle des composants des pink floyd de la littérature française, mais il
est plutôt utile de réfléchir à combien ce courant artistique commencée
avec Baudelaire et les Poètes Maudits s'est imprimé comme une
empreinte au fer rouge dans l'âme des hommes au cours du XXème
siècle: le début de l'individualisme, l'intérêt pour l'aspect intérieur de
l'homme, ses monstres et son humanité effective et sa faiblesse, sa
douleur qui devient la douleur universelle partagée par toute l'humanité. 
Après deux guerres mondiales et l'avènement de la psychanalyse, cette
douleur et ce pessimisme sont encore amplifiés. Si d'abord la poésie
était le moyen universel d'atteindre l'infini et de se détacher du monde
horizontal, avec l'avènement des drogues synthétiques, l'expérience à
travers la musique en sera la nouvelle catharsis universelle.
 Même l'intérêt pour le mal exprimé par Baudelaire augmentera
progressivement tout au long du siècle: la folie, la colère, les sentiments
négatifs et surtout le rejet de la rationalité finiront par attirer l'intérêt des
artistes, musiciens, écrivains et metteurs en scène.
En 1973 les Pink Floyd publieront l’album the Dark Side of the Moon.
À l'intérieur de cet album, la chanson Brain Damage/ Eclipse parlera du
mal, de la schizophrénie, du lunatisme, de la douleur, culminant dans
le vers principal:
"Tout sous le soleil est en harmonie, mais le soleil est obscurci par la lune."
(Everything under the sun is in tune, but the sun is eclipsed by the moon)

Tant que tout est contrôlé par la lumière de la raison, tout est en
harmonie; quand la lumière est obscurcie et les ténèbres de la raison
prévaut, le mal est généré.
Parce que, que sont Les Fleurs du Mal sinon le Côté Obscur de la Lune?

Estratto del video musicale “Empty Spaces”

The Wall
Pink Floyd
1979