Vous êtes sur la page 1sur 660

Écrire pour les Nuls

« Pour les Nuls » est une marque déposée de Wiley Publishing, Inc.
« For Dummies » est une marque déposée de Wiley Publishing, Inc.

© Éditions First-Gründ, 2012. Publié en accord avec Wiley Publishing, Inc.

Cette œuvre est protégée par le droit d’auteur et strictement réservée à


l’usage privé du client. Toute reproduction ou diffusion au profit de tiers, à
titre gratuit ou onéreux, de tout ou partie de cette œuvre, est strictement
interdite et constitue une contrefaçon prévue par les articles L 335-2 et
suivants du Code de la Propriété Intellectuelle. L’éditeur se réserve le droit
de poursuivre toute atteinte à ses droits de propriété intellectuelle devant les
juridictions civiles ou pénales. Cette œuvre est protégée par le droit
d’auteur et strictement réservée à l’usage privé du client. Toute
reproduction ou diffusion au profit de tiers, à titre gratuit ou onéreux, de
tout ou partie de cette œuvre, est strictement interdite et constitue une
contrefaçon prévue par les articles L 335-2 et suivants du Code de la
Propriété Intellectuelle. L’éditeur se réserve le droit de poursuivre toute
atteinte à ses droits de propriété intellectuelle devant les juridictions civiles
ou pénales.

ISBN numérique : 9782754037013


Dépôt légal : janvier 2012

Directrice éditoriale : Marie-Anne Jost-Kotik


Éditrice junior : Charlène Guinoiseau
Correctrice : Anne-Lise Martin
Mise en page et couverture : Stéphane Angot
Dessins humoristiques : Marc Chalvin
Production : Emmanuelle Clément

Éditions First-Gründ
60, rue Mazarine
75006 Paris – France
Tél. : 01 45 49 60 00
Fax : 01 45 49 60 01
E-mail : firstinfo@efirst.com
Internet : www.pourlesnuls.fr
À propos de l’auteur
Gilles Guilleron est professeur agrégé de lettres modernes et
enseigne à l’université de Lorient. Chez First, il est également
l’auteur de Comment les haïkus naissent dans les choux, du
croustillant Petit livre des gros mots et de À la queue leu leu.
Dédicace
À Marie, mon épouse, qui partage ma vie, parfois mon humeur
chagrine devant un chapitre qui n’avance pas comme je le
souhaiterais, et qui, avec sa patience parfois mise à rude
épreuve, m’a supporté (mais aussi au sens de « supportrice » !)
et a accompagné mes immersions prolongées dans ce travail
passionnant.

À mes petites-filles, Lucie, Clara et Lise, pour leur irruption


curieuse et joyeuse dans mon bureau pendant l’été 2010,
(« Grand-père, tu viens jouer avec nous ? ») : elles m’offraient
ainsi de salutaires pauses en venant me sortir de mon antre.
Remerciements
À Marie-Anne Jost-Kotik pour la confiance qu’elle m’accorde
depuis plusieurs années et qui m’a apporté un jour l’idée de cet
ouvrage et m’a aidé à en construire l’architecture.

À Charlène Guinoiseau pour la pertinence de ses remarques


avisées, ses encouragements réguliers et son immense travail
de lecture – et aussi pour m’avoir révélé l’existence du
raccourci CTRL + F !

« Les mots sont des mystères, ceux qui les écrivent et les
comprennent aussi. »
Ecrire Pour les Nuls

Sommaire
Page de titre
Page de Copyright
À propos de l’auteur
Dédicace
Remerciements
Introduction
À propos de ce livre
Comment utiliser ce livre
Comment ce livre est organisé
Première partie : Les mots pour écrire
Deuxième partie : Faire le point (à la ligne)
Troisième partie : « Mon ami le Nul, prête-moi ta plume ou ton
clavier… »
Quatrième partie : Les ateliers d’écriture
Cinquième partie : La galerie des grands modèles
Sixième partie : La partie des Dix
Septième partie : Annexes
Les icônes utilisées dans ce livre

Première partie - L’écriture : les mots pour le dire, les mots


pour l’écrire

Chapitre 1 - Brève histoire de l’écriture


Des sons aux sens ou l’histoire d’un mystère…
La question sur les mots pour attraper des maux de tête !
Hypothèses, hypothèses, vous avez dit hypothèses…
Hypothèse « contemporaine » !
Bilan hypothétique
La caravane du temps passe et l’écrit s’installe
L’écriture, un langage tout neuf… de six mille ans !
Et les six mille langues…
Le pouvoir des mots ou pourquoi le mot « chien » ne mord pas
Une jolie fleur n’est pas une peau de vache
Toute ressemblance serait purement fortuite …
… Et pourtant, tous d’accord !
Sports d’hiver et sports divers !
Les mots, une machine à explorer le temps
Les mots, une fabrique à émotions
De l’argile au numérique
L’évolution des supports
Qui écrit ?
Autrefois
Aujourd’hui
L’écrit aujourd’hui
Vision pessimiste ?
Point de vue optimiste
Chapitre 2 - Le B.A.-BA de la langue française
Une histoire sur le bout de la langue…
Où sont nos racines ?
Le français, une histoire de famille
Quelques siècles plus tard, le français de François
La défense de Joachim !
Demandez le programme !
Un autre François, à la langue gargantuesque et
pantagruélique !
Un peu d’ordre !
Le français, la langue de la République
Le français, une langue vivante
Le français, la francophonie, les Jeux et la politique !
L’écriture du XXIe siècle
L’évolution du français écrit en 10 extraits, en 10 siècles
XIIe siècle : Ce n’est pas un coup d’épée dans l’eau !
XIIIe siècle : Dites-le avec des roses !
XIVe siècle : Cette dame a du « chien » !
XVe siècle : Vous pouvez lire ce rondeau sans traduction !
XVIe siècle : Les voyages forment la jeunesse et font de
beaux textes !
XVIIe siècle : Une histoire délicate !
XVIIIe siècle : La leçon de Jean-Jacques !
XIXe siècle : Le grand Victor Hugo
XXe siècle : Un prix Nobel 1957
XXIe siècle : Début de siècle, début de millénaire…
Chapitre 3 - Les textes, une grande famille
Comment ça marche ?
Le chat chasse les souris
Parler, écrire, c’est donc en permanence choisir et
combiner !
« Cette manie de faire des phrases » !
La phrase sans verbe
La phrase simple
La phrase complexe
La période
Méfiez-vous des phrases à enchâssements
Écrire c’est aussi mettre du rythme dans la phrase
Le rythme binaire
Le rythme ternaire
L’accumulation
La dentelle proustienne
Les paragraphes
Les textes, les textes, vous ne pensez donc qu’aux textes !
Cartes d’identité des principaux textes
Chapitre 4 - Pourquoi écrit-on ?
Pourquoi voulez-vous écrire ?
Écrire ?
Écrire, un besoin social
Écrire, une expression de soi
Écrire, un acte créateur
Idée reçue !
L’écriture est un moyen de transmission
Où êtes-vous ?
L’écriture au quotidien
L’écriture pour établir un contact
Ses fonctions utilitaires
L’écriture et ses fonctions esthétiques et intellectuelles
L’écriture, marqueur social
Le niveau, le fameux « niveau » !
Conseil aux parents d’élèves
Un monde sans écriture…
… et sans liberté
L’écriture pour les écrivains
Moi, moi, moi !
Pourquoi écrivez-vous ? Quelle drôle de question !
En guise de conclusion pour cette première partie et
d’introduction pour les suivantes…

Deuxième partie - Faire le point (à la ligne)

Chapitre 5 - Vos attentes, vos besoins


Être à la (bonne) page
Qui êtes-vous ?
Les chapitres qui vous intéressent
Vous êtes lycéen
Vous êtes étudiant
Vous êtes en situation professionnelle
Vous êtes responsable d’une équipe, d’un service
Vous recherchez un emploi
Vous écrivez ou vous souhaitez écrire des textes de fiction, de
la poésie, du théâtre
Vous devez écrire occasionnellement
Chapitre 6 - Écrire sans peur et sans reproche
Écrire, c’est difficile !
Écrire, un cauchemar ?
L’écriture me joue des tours !
L’écriture anémiée
Les sources extérieures de blocage
Qui a eu cette idée folle un jour d’inventer l’école ?
Famille, je vous hais !
Je bloque, je bloque, je bloque !
Écrire, ça réveille de mauvais souvenirs… scolaires
Où sont les mots ?
Mon écrit, une vraie ménagerie !
Bon à l’oral, mauvais à l’écrit
À quoi bon, l’écrit ce n’est pas ma tasse de thé !
Je ne vais pas y passer la journée !
Les mots, mes amis
Pour le plaisir d’écrire
Le sens dans tous ses sens !
Vive la mine !
Vive les ratures !
L’effet Roland Garros
L’atelier d’écriture
Chapitre 7 - S’évaluer
La maîtrise lexicale
L’orthographe lexicale
Les accents
Les majuscules, les minuscules
Les abréviations
Un conseil pour finir…
Première évaluation
La maîtrise grammaticale
Le genre
Le nombre
La conjugaison
Deuxième évaluation
La maîtrise d’expression
Les écarts
Troisième évaluation
La maîtrise de la syntaxe
La ponctuation
La construction de l’expression
Quatrième évaluation

Troisième partie - Prête-moi ta plume…

Chapitre 8 - Les dictionnaires


Le dictionnaire
D’abord une définition !
Brève histoire du dictionnaire
Les dictionnaires « papier »
Le dictionnaire à l’heure du numérique
Les usages du dictionnaire
Un outil utile
D’un dictionnaire à l’autre
Le dictionnaire étymologique
Le dictionnaire analogique
Le dictionnaire des synonymes
Le dictionnaire des citations
Le dictionnaire des expressions et locutions
Le dictionnaire de rhétorique
Chapitre 9 - Mon grand-père et ma grammaire
La grammaire à quoi ça sert ?
Nature et fonction
Les classes sur vos dix doigts !
Les fonctions
Ce besoin de faire des phrases…
La phrase simple
La phrase complexe
La ponctuation
Le point.
Le point d’interrogation ?
Le point d’exclamation !
Les points de suspension…
Le point-virgule ;
Les deux points :
La virgule,
Les guillemets « »
Les parenthèses ( )
Les tirets –
Règles… ou pas règles ?
Dire et ne pas dire
Chapitre 10 - Lire pour mieux écrire
Lire, c’est écrire
Lire pour aller mieux !
Lire est un acte singulier
Les trois lectures
Les bonnes et les mauvaises lectures !
Lire, c’est réécrire
Pourquoi ? Qui ? Quoi ? Quand ? Où ? Comment ?
Pourquoi ?
Quoi ?
Qui ?
Quand ?
Où ?
Comment ?
Quel lecteur ?
Lecteur ou pas lecteur ?
Lire ou regarder la télévision ?
Quelles lectures ?
Les lectures du kiosque
Les bibliothèques
Chapitre 11 - Le traitement de texte, un clavier qui vous veut du
bien
Petit retour en arrière
L’outil dans la main
De la machine à écrire…
… au traitement de texte
Écriture et traitement de texte
Écrire, puis traiter
Les usages du traitement de texte
La mise en forme
Les avantages du traitement de texte
Modifier
Le WYWYSIG
Le copier-coller
Le correcteur d’orthographe
Le correcteur de grammaire
Une certaine vitesse… dont il faut se méfier !
L’impression
Il faut tout de même y penser !
Enregistrez ! Enregistrez !
Faites une copie
L’art du raccourci
Quelques règles typographiques
Pour finir, à fond la forme !
Chapitre 12 - Se lancer !
Les conditions pour bien écrire
Un état d’esprit
Vitesse d’écriture
Le matériel
Conditions physiques
La tenue pour écrire
Les lieux
Le temps
Les écritures pour le travail
Écrit scolaire, écrit universitaire
Écrit professionnel
Les écritures libres
Du côté des méthodes
Jouer avec les mots
Écrire et réécrire
Les déclencheurs
L’avis des autres
Montrer…
… ou ne pas montrer

Quatrième partie - Les ateliers d’écriture

Chapitre 13 - Objectif « Diplôme »


Range ta chambre et passe ton bac d’abord !
Copie, ma belle copie
Quelques paragraphes sur le… paragraphe
Le bac de français
Du bon usage des copies de l’année
Les attentes des correcteurs
Le temps des concours
Le résumé
La discussion
La note de synthèse
Prendre des notes
Une prise de notes d’une intervention orale
Une prise de notes d’une lecture
La vie des notes
Les bons plans pour ne pas être « Rantanplan »
La double cohérence du plan
Les écrits au long cours
Rapport de stage et mémoire
La thèse
Composition d’un rapport ou d’un mémoire
Conseils généraux et normes rédactionnelles
Chapitre 14 - L’atelier professionnel
Sur les pages de l’emploi
Un curriculum vitae, à quoi ça sert ?
Avant la rédaction du CV
Organisation du CV
La rédaction du CV
La lettre de motivation
Les écrits professionnels
La lettre professionnelle
L’e-mail
Note d’information et note de service
Exemple de structure
Le compte rendu
Le procès-verbal
Le rapport professionnel
Un point sur les pouvoirs de Power Point
D’abord à quoi sert Power Point ?
Que mettre sur la diapositive (se dit « slide » de l’autre côté
de la Manche) ?
Chapitre 15 - L’atelier expression de soi
Le journal intime
Le projet de Michel
Le projet de Jean-Jacques
Le projet de Victor
C’est à vous !
Écrire la biographie d’un proche
Écrire son autobiographie
Chapitre 16 - L’atelier créatif
La fabrique romanesque
L’intrigue
Les personnages
L’espace romanesque
Le temps romanesque
Les différentes sortes de romans
Petit kit narratif
Plan ou pas plan, à vous de choisir
Proposition de calendrier pour une année d’écriture
Publier, se faire éditer
Pour la poésie
Le cadavre exquis des surréalistes
Écrire pour la scène
Conseils de rédaction
Écrire pour l’écran
Quelle histoire ?
Le synopsis
Le traitement
Les dialogues
Le séquencier

Cinquième partie - La galerie des grands modèles

Chapitre 17 - La galerie des modèles


Modèle de prise de notes et de plan
Une prise de note hugolienne
Les bons plans d’Émile
Modèles de récits courts
À la Maupassant
Modèle de portraits sociaux
Commentaire
Modèle pour convaincre
Commentaire
Un discours, un discours !
Commentaire
Commentaire
Des modèles pour la scène
Le théâtre d’hier
Le théâtre d’aujourd’hui
Modèles de vers
Commentaire
Commentaire
Chapitre 18 - Témoignages de pratiques d’écriture
Ce besoin de faire des phrases ?
Un écrivain comment ça travaille ?
Les laborieux
Les intuitifs
Les méthodiques
Petits secrets de fabrication
Un écrivain à quoi ça sert ?
Divertir, informer, s’engager
Petit bric-à-brac de confidences d’écrivains

Sixième partie - La partie des Dix

Chapitre 19 - Dix conseils pour mieux écrire


Conseil n° 1
Conseil n° 2
Conseil n° 3
Conseil n° 4
Conseil n° 5
Conseil n° 6
Conseil n° 7
Conseil n° 8
Conseil n° 9
Conseil n° 10
Chapitre 20 - Dix micro-fictions
Micro-fiction n° 1
Nano-fiction n° 2
Micro-fiction n° 3, dite « à la Raymond »
Notations
C’est à vous !
Micro-fiction n° 4
Micro-fiction n° 5
Micro-fiction n° 6
Micro-fiction n° 7
Micro-fiction n° 8
Micro-fiction n° 9
Micro-fiction n° 10
Chapitre 21 - Dix (res)sources d’inspiration
La grande source thématique
Les ressources des autres sources thématiques
Auteurs cherchent lecteurs
Dix événements de l’humanité
Dix personnages de fiction comme modèles
« Je pense, donc je suis »
J’ai de bonnes raisons pour…
Comme disait…
Dix mots étranges
Dix titres en quête d’auteur

Septième partie - Annexes

Annexe A - Repères grammaticaux


Où sont mes racines ?
Un petit tour chez les Grecs
Un petit tour chez les Latins
Halte à la confusion !
Soyez d’accord avec ces accords
De toutes les couleurs
Le pluriel des mots composés
Les adverbes
Dire, ne pas dire, là est la question !
Annexe B - Ô temps, ne suspendez pas vos conjugaisons !
Drôles de conjugaisons !
Savoir utiliser les modes de chez nous
Quels temps !
Annexe C - Solutions des tests et évaluations du chapitre 7
1er test
La une du journal
Petites annonces
Bulletin météo
2e test
Les accents
Les abréviations
Un conseil à ne pas toujours prendre au pied de la lettre…
Évaluation finale 1
Le genre
Le nombre
La conjugaison
Deuxième évaluation
Les écarts
Les impropriétés !
Troisième évaluation
La ponctuation
La construction de l’expression
Quatrième évaluation
Annexe D - Ressources diverses pour écrire
Quelques abréviations
Prendre des notes
Quels registres ?
Le registre soutenu
Le registre courant
Le registre familier
D’un registre à l’autre
Ces drôles de figures
Adjonction
Allégorie
Anaphore
Antiphrase
Antithèse
Comparaison
Ellipse
Euphémisme
Gradation
Hyperbole
Litote
Métaphore
Métonymie
Oxymore
Formules de politesse
Bibliographie
Index
Introduction

Verba volant, scripta manent (« Les paroles s’envolent, les


écrits restent »)… Facile à dire, mais pas toujours facile à
écrire !

Vous rappelez-vous le jour où pour la première fois vous avez


écrit en toute conscience un mot ? Était-ce « maman »,
« papa » ou votre prénom ? Il est probable que le souvenir de
cet acte fondateur s’est évanoui, et pourtant c’est là que tout a
commencé.

Vous rappelez-vous la magie d’assembler des lettres, de


fabriquer des syllabes, puis des mots, de les combiner entre
eux ; la magie d’en faire un prolongement de vous-même, de
votre pensée, de vos émotions ; la magie de voir leur effet sur
votre entourage ; la magie des premiers mots d’amour écrits, de
leurs effets… la magie jaillissant de votre crayon, de votre
stylo, puis plus tard du clavier d’une machine à écrire et
aujourd’hui du clavier d’un ordinateur, devenant votre baguette
de magicien ? Sans doute que non, tant l’acte d’écrire a fait ou
fait partie intégrante de votre quotidien.

Et puis, patatras ! Vous rappelez-vous cet autre moment où la


magie a cessé d’opérer ? Comme un tour qui rate, et le public
qui n’est pas content : les enseignants, l’encre rouge qui blesse
encore longtemps après ; les parents lisant les remarques
négatives sur les cahiers, les copies avec les remarques
assassines (« mal dit », « charabia », « que voulez-vous dire »,
« de quelle planète venez-vous », « vous y’en avoir écrire, mais
moi pas y’en avoir comprendre » !) ; les bulletins scolaires
avec les sentences définitives (« l’expression écrite, souvent
fautive, nuit à la clarté de la formulation ») ; les allusions de
collègues sur votre compte rendu de réunion truffé de fautes et
de maladresses ; votre note de service sur laquelle un feutre
rouge anonyme a souligné la faute d’accord et/ou la mauvaise
orthographe d’un mot ; votre projet de nouvelle, de roman, de
récit de souvenirs, qui est resté en plan, car devant la page ou
l’écran, vous vous êtes retrouvé bloqué, ne sachant par quel
bout commencer. Et peu à peu, l’idée insidieuse que l’écriture
ce n’est décidément pas fait pour vous, et finalement un
renoncement qui vous laisse un goût amer, le sentiment d’être
passé à côté de quelque chose d’important, de magique…

Eh bien, non et non, cela n’est pas une fatalité ! Écrire, bien
écrire, n’est pas réservé à quelques élus touchés par la grâce…
Chacun peut avec un peu de méthode et des points de repère
simples, trouver ou retrouver le goût d’écrire, et de bien écrire.
C’est l’ambition de ce livre.

À propos de ce livre
Vous aimez écrire, vous devez écrire, mais les mots, la syntaxe
vous semblent des obstacles, voire pire, des ennemis…

En effet, quoi de plus rageant que d’avoir une belle idée à


exprimer et de la voir peu à peu se dégrader sous vos yeux au
fur et à mesure que vous l’écrivez : ce n’est pas exactement le
mot que vous vouliez employer, mais vous n’en avez pas
trouvé de meilleur ; la phrase est un peu bancale ; la
ponctuation, les articulations ne reflètent pas votre pensée.
Vous avez l’impression que les mots vous jouent des tours et
vous dépossèdent. Vous ne leur faites plus confiance. Et
pourtant, ils peuvent être vos plus fidèles alliés et vous
permettre d’obtenir de belles victoires !
Que l’écriture soit une nécessité (pour vous, lycéens, étudiants,
professionnels, ou pour vous qui cherchez un emploi ou
souhaitez vous reconvertir) ou une perspective de plaisir (tenir
un journal, écrire un texte de fiction), quel que soit votre niveau
(ah, ce fameux niveau !), ce livre vous permettra de lever les
difficultés, les blocages.

Écrire pour les Nuls vous donnera des clés pour écrire en toute
tranquillité, en toute liberté ; vous aurez alors la satisfaction de
mettre « noir sur blanc », sans hésitation et sans crainte d’être
lu, ce que vous avez à dire, ce que vous pensez, ce que vous
voulez transmettre. Il vous aidera à :

faire le point ;
vous montrer que vous vous faites peut-être une
montagne d’une petite colline et faire disparaître ce
sentiment de fatalité sur votre niveau (« de toutes
façons, je n’ai jamais été bon à l’écrit ! ») ;
trouver la méthode qui convient ;
vous entraîner ;
vous perfectionner ;
devenir efficace, professionnel dans votre travail ;
faire que votre écrit soit un atout, et non pas un
boulet.

Ce livre s’adresse donc à tous ! Tout le monde est capable et a


besoin d’écrire. Écrire n’est pas l’affaire des seuls écrivains !
Non ! Car « parler » serait alors l’affaire de qui ? Des hommes
politiques, des avocats, des comédiens, des professeurs ? Et le
reste de la population devrait rester silencieux, muet ? En
suivant nos conseils, nos exercices, nos petits « trucs », vous
redonnerez à votre écriture toute sa place dans votre
expression.

« Le style, c’est l’homme », disait Buffon. Avec ce livre vous


trouverez l’écriture qui (vous) convient pour le dire !
Comment utiliser ce livre
Rappelez-vous l’histoire d’Ali Baba et les quarante voleurs,
tirée du conte des Mille et Une Nuits : un brave bûcheron
surprend le secret de bandits qui cachent des richesses
extraordinaires dans une caverne dont l’ouverture se fait grâce
à la formule magique « Sésame ouvre-toi ». Eh bien, ce livre
peut vous aider à construire votre sésame vers vos propres
richesses qui sont restées jusqu’à maintenant inaccessibles.

Ce livre n’est pas un énième donneur de leçons, du genre « tout


ce que vous avez toujours voulu savoir sur les techniques
d’écriture sans jamais oser le demander » ! Il s’agit plutôt de
« tout ce que vous allez pouvoir réaliser grâce à des techniques
simples et éprouvées ». L’écriture est à la fois un outil de
communication, un moyen d’expression et une ouverture sur
votre imaginaire ; dès lors, pourquoi voulez-vous écrire et pour
qui ? C’est selon les réponses à ces deux questions que
naturellement vous organiserez votre lecture de cet ouvrage.
Un simple coup d’œil sur le sommaire ou sur ce qui suit vous
indiquera l’endroit qui vous intéresse.

Comment ce livre est organisé


Selon que votre pratique de l’écriture est liée à un
apprentissage (élève, étudiant, stagiaire en formation), à une
situation professionnelle ou à une aspiration à écrire pour votre
plaisir, nous vous proposerons des parcours fléchés pour
progresser à votre rythme. Ainsi, vous découvrirez la
satisfaction de ne plus être pénalisé par votre expression écrite,
de montrer votre valeur professionnelle, notamment par votre
qualité rédactionnelle ; de transmettre un témoignage, d’offrir à
votre imaginaire la possibilité de s’exprimer par les mots.
Première partie : Les mots pour écrire
Commençons par le commencement… Nous les utilisons
chaque jour mais leur origine est le plus souvent mal connue.
D’où viennent-t-ils et comment ont-ils pris cette importance ?
Je vous propose donc de jeter d’abord un coup d’œil en arrière,
puis autour de vous pour constater à quel point l’écrit est
omniprésent : livres, journaux, papiers personnels, documents
professionnels, formulaires administratifs, copies, devoirs
scolaires, panneaux publicitaires, emballages de produits. Ce
petit tour d’horizon vous montrera à quel point l’écriture est un
phénomène vivant qui accompagne l’histoire de la langue
française depuis les parchemins en peau de bête jusqu’aux
écrans tactiles d’aujourd’hui. Ensuite, découvrez, sans vous
prendre la tête dans les mains (sinon avec quoi écrirez-vous !),
comment fonctionne cette petite fabrique dont vous êtes
l’artisan et qui prend les mots, les assemble, produit du sens,
des paragraphes, des textes de différentes natures. Pour finir ce
commencement, reste la question fondamentale : pourquoi
écrivons-nous ? Par nécessité, par envie, par pulsion créatrice,
toute une série de bonnes raisons où vous retrouverez la vôtre.

Deuxième partie : Faire le point (à la ligne)


Votre écriture vous ressemble ; elle est une sorte de miroir où
votre portrait apparaît en mots : selon que vous êtes lycéen,
étudiant, en activité dans l’agriculture, dans l’industrie, dans le
tertiaire (services administratifs), retraité… vos besoins en
écriture ont des points communs et des caractéristiques propres.
Dans cette partie nous vous proposons d’établir une sorte de
diagnostic de votre rapport à l’écriture, de vos attentes, de vos
besoins, de vos envies, mais aussi de vos blocages et de leur
origine (mauvais souvenirs d’école, remarque d’un enseignant,
manque de vocabulaire, mauvaise maîtrise de la syntaxe, etc.).
Votre bilan établi, vous connaîtrez vos points forts et les points
à améliorer, et nous vous guiderons dans le choix des moyens à
mettre en œuvre pour vous permettre enfin d’écrire sans peur et
sans reproche et faire de l’écriture un outil de communication
maîtrisé et un atout dans votre vie.

Troisième partie : « Mon ami le Nul, prête-moi ta


plume ou ton clavier… »
D’abord si besoin est, débarrassez-vous de cette idée reçue
selon laquelle lorsqu’on écrit, on est tout seul. Non et non !
Vous êtes bien entouré par des amis qui vous veulent du bien et
qu’il ne faut pas hésiter à solliciter. Dans cette partie, vous
ferez ou referez leur connaissance : d’abord toute la bande
amicale des dictionnaires, toujours prêts à rendre service, à
rappeler l’orthographe, le genre, l’étymologie, l’histoire, le
sens d’un mot et de ses différents emplois. N’oubliez pas non
plus la mal-aimée, la grammaire, cette mamie à qui on a si
souvent donné le mauvais rôle à l’école, mais qui ne demande
pas mieux que de vous guider et de vous expliquer que la
langue est une petite mécanique avec des règles de
fonctionnement pas si compliquées que cela. Aujourd’hui, il y
a le petit nouveau, plein de santé, toujours prêt à rendre service,
le traitement de texte avec tous ses outils d’aide et son fameux
correcteur d’orthographe qui veille comme une sentinelle,
attendant d’être sollicité avec pertinence. Puis nous vous
proposerons une invitation à la lecture pour vous montrer à
quel point « écrire c’est lire aussi », et qu’il y en a pour tous les
goûts ! Assuré de ne plus être seul, lorsque le moment sera
venu de vous lancer sans appréhension dans votre activité
d’écriture, vous aurez à votre disposition une panoplie de petits
« trucs » pour vous aider dans cette grande aventure de
l’écriture.

Quatrième partie : Les ateliers d’écriture


L’écriture, moyen de communication par excellence, permet à
chaque étape de la vie d’instaurer la communication, l’échange
avec les autres ; elle apparaît à l’école dans son contexte
d’apprentissage et sert à montrer sa maîtrise des différentes
compétences et savoirs appris. On sait que, dans ce cadre-là, il
faut montrer toute sa maîtrise par une écriture impeccable. Que
vous soyez lycéen(ne) ou étudiant(e), nous vous proposons
toute une série de moyens, d’exercices, de boîtes à outils pour
que votre écriture ne soit pas un boulet pour vous, mais plutôt
une belle vitrine où vous exposerez ce que vous savez faire,
notamment lors de ces moments redoutés que sont les examens
et les concours.

Vous allez entrer dans le monde actif (autrement dit celui du


travail !) : ce livre vous aidera par des conseils simples et
précis à préparer puis à construire votre CV et votre lettre de
motivation ; vous êtes en activité et dans le cadre de votre
travail vous devez réaliser des comptes rendus de réunion, des
rapports, des notes de service, alors vous avez trouvé le bon
endroit dans ce livre.

L’écriture peut être aussi pour vous un des meilleurs moyens


pour exprimer votre expérience, votre histoire, la transmettre à
votre famille : ici, nous vous proposerons une méthodologie,
des exercices d’entraînement, les impasses à éviter, les bons
plans pour rédiger…

L’écriture, c’est votre passion : vous aspirez à écrire des


nouvelles, des poèmes, un roman, une pièce de théâtre, un
scénario de film. L’atelier créatif vous donnera les mille et une
manières de guider les chevaux de votre imagination (quelle
métaphore !). Vous avez une voire plusieurs ébauches ou
manuscrits qui sommeillent dans un tiroir ou quelque part dans
un dossier de votre ordinateur ; vous hésitez entre plusieurs
formes, plusieurs styles, vous cherchez le vôtre : eh bien, bonne
nouvelle, vous êtes encore au bon endroit ! Étape par étape,
vous allez apprendre à manier les outils, à façonner à votre
manière. Bien sûr, rien ne vous interdit, bien au contraire, de
passer d’un atelier à l’autre : les portes sont grandes ouvertes.

Cinquième partie : La galerie des grands modèles


Écrire, c’est d’abord lire ; si vous avez besoin et/ou envie
d’écrire, rien ne vaut la lecture pour s’imprégner de mots, de
tournures de phrase, de constructions, de styles. Mais vous
n’avez pas le temps de vous lancer dans la lecture de Guerre et
Paix (gardez cet admirable roman pour plus tard) ; privilégiez
les journaux, les revues, vous y apprendrez l’art de la
concision. Le roman vous attire ; n’est pas Voltaire, Hugo ou
Marguerite Yourcenar qui veut : si vous voulez comme Victor
Hugo « être Chateaubriand ou rien », noble ambition, alors la
lecture des Mémoires d’outre-tombe vous sera d’un précieux
secours, mais en attendant, nous vous donnerons plus
simplement quelques clés pour saisir l’art de mettre en place
une histoire, un personnage, une description, une idée, un
thème. Vous voulez comprendre comment les grands écrivains
ont produit leurs œuvres ? Alors venez avec nous faire un tour
du côté de leurs brouillons ; vous y verrez leurs essais, leurs
doutes, leurs ratages, leur sueur, bref leur travail avant
d’aboutir aux ouvrages parfaits que vous connaissez. Vous
voulez écrire sur « l’écran noir de vos nuits blanches » comme
chantait Claude Nougaro : eh bien, action ! Regardons
ensemble la construction du scénario et le passage magique de
l’écriture de mots à l’écriture d’images. Enfin, rien de tel que
de rencontrer ceux qui vous ont précédé dans cette découverte
de l’écriture de fiction ; lisez leurs témoignages, vous y
retrouverez les questions que vous vous posez mais aussi et
surtout les réponses que vous attendez.

Sixième partie : La partie des Dix


L’écriture est source de plaisir, mais elle demande un peu
d’organisation, c’est pourquoi nous vous proposons une sorte
de discours de la méthode en dix points pour vous entraîner et
apprivoiser cet instrument qui vous paraît aujourd’hui si
difficile à maîtriser. Maintenant que vous êtes fin prêt et que
vous savez à quel point le style est fondamental, vous pouvez,
avec votre plume, pointe ou clavier d’expert, vous lancer dans
l’écriture des dix micro-fictions qui vous sont proposées.

Septième partie : Annexes


Elles sont pratiques, toujours sous la main, disponibles : une
hésitation sur une conjugaison, une concordance des temps, la
valeur d’un temps, un accord, une construction ? Sous forme de
tableaux, de pense-bêtes, de petites astuces, toute une série de
kits indispensables vous aideront en toutes circonstances.
L’index vous permettra également de vous déplacer dans
l’ouvrage et de rejoindre l’endroit précis qui vous intéresse.

Les icônes utilisées dans ce livre

Icône « Scripta manent » : cette formule latine signifie « les


écrits restent » ; une manière de signaler la permanence de
l’écriture et sa transmission à travers les temps, malgré l’oubli,
les catastrophes naturelles, les guerres, la bêtise… arrêtons là
cette énumération de fléaux. Ils l’ont dit avant nous et bien dit ;
on y avait pensé mais on ne trouvait pas les mots pour le dire…
Cette icône vous donnera l’occasion de faire connaissance avec
des auteurs, des citations, des pensées ; autant d’échos et de
points de départ pour votre propre écriture.

Icône « À retenir » : conseil de méthode, petite piqûre de rappel


à propos d’une règle, d’une orthographe, d’une formulation ;
une petite pause à cette icône peut ne pas être inutile avant de
repartir dans votre lecture ou votre écriture.

Icône « Curiosité » : invitation à la découverte, à l’imaginaire,


à une écriture inattendue… N’hésitez pas à lire le texte lié à
cette icône : vous y trouverez toujours des exemples sur le
formidable pouvoir des mots.

Cette icône vous invite à rester vigilant et vous signale des


situations où il ne faut pas baisser la garde !
Première partie

L’écriture : les mots pour le dire,


les mots pour l’écrire

Dans cette partie…

L’écriture, c’est comme le nez au milieu de la figure ! Dès le début, il est


tellement là comme une évidence que nous avons tendance à l’oublier ;
parfois, c’est vrai, nous lui accordons un peu d’attention devant un miroir (à
la suite d’une remarque assassine sur sa taille ou sa forme), et nous le
trouvons trop ceci ou trop cela et nous passons à autre chose (« Ah ! c’est
un peu court, jeune homme ! » se serait exclamé Cyrano de Bergerac). Mais
laissons là le nez et revenons à l’écriture. Dès notre arrivée au monde, le
langage verbal, sous la forme sonore de mots, de phrases, est omniprésent ;
il nous accueille dans la société humaine et nous apprenons à le reconnaître,
à l’apprivoiser, à l’utiliser, tout en découvrant peu à peu qu’il a une forme
physique visible, l’écriture. Nos premières années sont alors l’apprentissage
de ces signes écrits d’abord mystérieux, presque magiques, qui vont devenir
si familiers par la suite. Et pourtant…

Pourtant, il n’est peut-être pas inutile de découvrir à quel point l’écrit est un
phénomène récent, encore aujourd’hui énigmatique, qui a accompagné la
naissance et le développement de la langue française ; c’est ce que nous
vous proposons dans cette première partie, avec aussi une petite visite dans
les rouages et le fonctionnement de cette écriture, véritable « mécanique »
que chacun d’entre nous utilise chaque jour sans nécessairement en
percevoir tous les rouages. Finalement une bonne occasion de faire un
premier point sur la place que l’écriture occupe dans notre vie.
Chapitre 1

Brève histoire de l’écriture

Dans ce chapitre :
Faites un petit tour du côté du mystère… de l’écriture
Découvrez à quel point l’écriture est un phénomène
récent aux pouvoirs multiples
Observez comment l’écriture est résolument un outil
de transmission vivant
Constatez aussi que l’écrit ne vaut que s’il est partagé
par tous

Chaque langue possède ses signes et son système d’écriture qui


sont transmis de génération en génération. Mais comment tout
cela a-t-il commencé ? Les réponses à cette question se
bousculent, soulevant à leur tour d’autres questions, laissant
toujours une part de mystère qui rend encore plus fascinantes
les propriétés des mots et de l’écrit. Ce qui est sûr, c’est
qu’autrefois réservée à une élite, l’écriture est aujourd’hui un
moyen de communication largement répandu et maîtrisé,
s’adaptant en permanence à la technicité de son époque.
Regardons de plus près cet étrange phénomène !

Des sons aux sens ou l’histoire d’un mystère…


Parmi les traits qui caractérisent le plus l’humanité, il y a sans
doute cette aptitude inouïe à inventer des langages pour
communiquer avec le corps, avec les mains, par gestes, en
peignant sur les parois des falaises, des grottes, en taillant,
sculptant, modelant des formes dans toutes sortes de matières,
en produisant des sons avec des objets, en inventant un langage
musical et des instruments de musique de plus en plus élaborés,
et surtout en transformant des sons produits par les cordes
vocales en sens particuliers faisant sortir les sensations, les
émotions, les idées de leur lieu mystérieux de création : le
cerveau. Puis les hommes ont la volonté impérieuse d’avoir ces
sons sous les yeux ! Et d’inventer des signes, d’abord simples
lignes, puis imitation de formes, et enfin pures abstractions que
l’on se transmet de génération en génération comme un trésor
précieux et que l’on nomme l’écriture.

La question sur les mots pour attraper des maux de


tête !
Si l’on vous interroge sur l’origine des mots, vous trouverez
d’abord dans votre for intérieur que la question est saugrenue
(« Quelle question, d’où viennent les mots ! »), et puis pour ne
pas froisser votre interlocuteur, vous répondrez : « Je ne sais
pas moi, du latin, du grec ! » En faisant cela, vous aurez
déplacé la question de quelques milliers d’années dans le
temps, sans apporter de réponse. En effet, si l’on essaye de
répondre vraiment à cette interrogation, on se heurte à un
véritable mystère, autour duquel on ne peut bâtir qu’un mur
d’hypothèses, dont voici les principales et sans doute les plus
convaincantes.

Hypothèses, hypothèses, vous avez dit hypothèses…


On se rappellera la fameuse formule de Jean Cocteau qui
préconisait que lorsqu’un mystère nous échappe, il fallait
feindre d’en être l’organisateur. Soit ! Ainsi, dans l’Antiquité
grecque, le débat faisait déjà rage pour savoir d’où venaient les
mots : dans son ouvrage le Cratyle, le philosophe Platon
imaginait un dialogue entre Socrate, Cratyle et Hermogène sur
cette interrogation : la langue est-elle un système de signes
arbitraires ou naturels ? Hermogène affirmait que les noms sont
nés d’une convention entre les hommes pour représenter
justement le monde, tandis que Cratyle soutenait que les noms
ont été donnés à l’humanité par une puissance divine et sont
donc justes par nature. Ainsi, il apparaissait évident pour
Hermogène que c’est l’homme qui donne un sens à toute
chose ; à l’inverse, Cratyle, en affirmant la justesse naturelle
des noms, supposait que les choses ont par nature un sens dont
les noms sont l’expression, mais qui échappe aux hommes.
Quel débat !

Quant à Socrate, il renvoyait dos à dos les adversaires en


mettant en évidence que les mots sont d’abord des instruments
pour nommer les réalités, mais aussi des images qui renvoient à
ces réalités même si elles possèdent un aspect arbitraire qui
n’établit pas de ressemblance avec ce qui est nommé. Soit !
Nous voilà bien avancés…

Par la suite, ce débat lancé par Platon devint un véritable os à


ronger pour les philosophes, les philologues, les grammairiens
et les linguistes des siècles suivants. Comme vous vous en
doutez, la question n’est toujours pas tranchée, mais pas
d’inquiétude, nous allons laisser cette angoissante interrogation
aux spécialistes et retenir cette certitude : le langage verbal et
sa forme écrite nous permettent de nommer le monde et d’en
parler avec autrui !
Un débat mené de main de
maître
Voici quelques extraits de ce débat, où Socrate montre
à Hermogène et Cratyle que leurs positions
respectives ne sont ni vraies ni fausses, mais doivent
être dépassées !

HERMOGÈNE.

Cratyle que voici prétend, mon cher Socrate, qu’il y a


pour chaque chose un nom qui lui est propre et qui lui
appartient par nature ; selon lui, ce n’est pas un nom
que la désignation d’un objet par tel ou tel son
d’après une convention arbitraire ; il veut qu’il y ait
dans les noms une certaine propriété naturelle qui se
retrouve la même et chez les Grecs et chez les
Barbares.

Pour moi, Socrate, après en avoir souvent raisonné


avec Cratyle et avec beaucoup d’autres, je ne saurais
me persuader que la propriété du nom réside ailleurs
que dans la convention et le consentement des
hommes. Je pense que le vrai nom d’un objet est celui
qu’on lui impose ; que si à ce nom on en substitue un
autre, ce dernier n’est pas moins propre que n’était le
précédent : de même que si nous venons à changer les
noms de nos esclaves, les nouveaux qu’il nous plaît de
leur donner ne valent pas moins que les anciens. Je
pense qu’il n’y a pas de nom qui soit naturellement
propre à une chose plutôt qu’à une autre, et que c’est
la loi et l’usage qui les ont tous établis et consacrés.
[…]
SOCRATE.

Quoi, s’il me plaît de nommer un objet quelconque,


par exemple, d’appeler cheval ce que d’ordinaire
nous appelons homme, et réciproquement, il
s’ensuivra que le nom du même objet sera homme
pour tout le monde et pour moi cheval, ou bien cheval
pour tout le monde et homme pour moi : n’est-ce pas
ce que tu dis ?

HERMOGÈNE.

C’est bien cela.

SOCRATE.

Eh bien, réponds : admets-tu qu’on puisse dire vrai, et


qu’on puisse dire faux ? […]

SOCRATE.

Il s’ensuit donc, si nous voulons être d’accord avec


nous-mêmes, qu’il faut nommer, non pas selon notre
caprice, mais comme la nature des choses veut qu’on
nomme et qu’on soit nommé, et avec ce qui convient à
cet usage ; qu’ainsi seulement nous ferons quelque
chose de sérieux et nommerons effectivement ;
qu’autrement il n’y aura rien de fait.

Platon, Cratyle, IVe siècle avant J.-C.

Hypothèse « contemporaine » !
Plus près de nous, Claude Lévi-Strauss (1908-2009),
anthropologue, ethnologue (mais aussi philosophe !), suggère
que la prohibition de l’inceste a joué un rôle majeur dans
l’éclosion du langage verbal. En effet, après avoir vécu
plusieurs années au contact de tribus amazoniennes dans les
années 1930, en étudiant les « structures élémentaires de la
parenté » (titre de sa thèse de doctorat soutenue en 1949), il a
émis l’hypothèse que cet interdit obligeait les hommes à sortir
de leur noyau familial initial et à chercher des femmes hors de
leur communauté. Lévi-Strauss considère que cette loi dite de
l’exogamie (c’est-à-dire qui favorise les mariages entre
membres de clans différents) était un puissant incitateur et
vecteur de communication. Dès lors, il y avait nécessité pour
les hommes et les femmes de trouver un terrain d’entente… En
suivant cette perspective, si l’on osait, et nous allons oser, on
peut dire que les mots et l’écriture sont les fruits de l’amour !

Bilan hypothétique
Voilà, nous avons fait un bref tour des principales hypothèses
pour expliquer ce mystère qui fait que vous comprenez les
mots que vous êtes en train de lire ! Votre moue dubitative (si,
avouez-le, votre moue est dubitative !) révèle bien que pour
vous le mystère n’est toujours pas élucidé ; et nous partageons
votre point de vue. Mais nous vous avions prévenu, ce mystère-
là résiste avec la même intensité que celui de la présence
humaine sur Terre ; c’est pourquoi la pirouette du poète citée
au début de ce chapitre (« Quand un mystère vous
échappe… ») semble être la bonne réponse, à défaut d’être la
solution ! Mais ne perdons pas de vue que notre objectif
principal n’est pas tant de résoudre des mystères que de vous
aider à manier ces mots dans vos différents projets d’écriture.
Cependant avant d’entrer le vif du sujet, si cela vous intéresse,
nous vous proposons un bref voyage dans le temps pour voir
comment nos ancêtres se sont débrouillés avec ce mystère
finalement bien commode.
Pour les anciens Égyptiens, c’est le dieu Thot qui aurait créé
l’écriture et en aurait fait don aux hommes : c’est pourquoi le
caractère désignant l’écriture, le hiéroglyphe, signifie « écriture
des dieux », de hieros « sacré », et glaphein « graver ».

Flash d’écriture
Rédigez un texte de 3 lignes en utilisant au moins 10 mots
d’origine grecque ; bien sûr, le texte doit avoir du sens et
être génial. Dans l’annexe A, vous trouverez de l’aide avec
une liste des principales racines grecques et latines.

Comme vous êtes vraiment très fort, essayez maintenant


d’écrire un texte de 3 lignes, toujours aussi brillant, où tous
les mots seront d’origine latine.

La caravane du temps passe et l’écrit s’installe

L’écriture, un langage tout neuf… de six mille ans !


D’abord, dites-vous que l’histoire de l’écriture est mo-nu-men-
tale ! Pour être le plus complet possible, il faudrait des dizaines
de volumes comme celui-ci (voire des centaines !). Je vous vois
froncer les sourcils ! Rassurez-vous, nous ferons dans la
brièveté ! Juste quelques points de repère pour saisir à quel
point l’écriture est un phénomène tout à la fois récent,
mystérieux et incontournable !
Le paléontologue Michel Brunet a découvert le 19 juillet 2001,
au nord du Tchad, lors d’une campagne de fouilles, le fossile
d’un crâne, baptisé « Toumaï », qui serait l’humain le plus
vieux du monde. Son âge ? Il est estimé à 7 millions d’années !

Ainsi, si l’humanité débute il y a environ 7 millions d’années,


les hommes n’écrivent que depuis six mille ans ! Autant dire un
phénomène tout à fait récent !

Et les six mille langues…


Mais en six mille ans nos ancêtres n’ont pas chômé, jugez
plutôt. En effet, même si l’inventaire du nombre de langues en
usage dans l’humanité demeure un exercice compliqué et
incertain, le résultat a de quoi impressionner : en 1929,
l’Académie française avait avancé le chiffre de 2 796 langues
dans le monde ; aujourd’hui, selon les méthodes, ce chiffre
oscille entre 4 994 (chiffre donné en 2000 par l’Observatoire
d’Hebron, au pays de Galles) et 6 784 (chiffre avancé par le
Summer Institute of Linguistic à Dallas). Ces écarts reposent
pour la plupart sur la définition d’une langue : certains
considérant le dialecte comme une langue à part entière et
d’autres comme la variante d’une langue parlée par la
population d’une région. Quoi qu’il en soit, c’est beaucoup !
Ainsi dans l’Union européenne, on recense 23 langues
officielles (allemand, anglais, bulgare, danois, espagnol,
estonien, finnois, grec, néerlandais, hongrois, irlandais, italien,
letton, lituanien, maltais, polonais, portugais, roumain,
slovaque, suédois, tchèque) et un peu plus de 60 langues
régionales ou minoritaires !

Imaginez… Nous sommes en 4000 avant J.-C. à Uruk, en


Mésopotamie ; de nouveau vous êtes tenté de froncer les
sourcils, car la Mésopotamie, cela vous renvoie à d’anciens
souvenirs scolaires dont la précision s’est quelque peu
estompée… Soit ! Uruk se situe au sud-est de l’actuel Irak.
Vous êtes berger (enfin, essayez d’imaginer !) et vous venez de
vendre plusieurs brebis à un commerçant. Pour sceller l’affaire,
vous avez confectionné une petite figurine grossière en terre
représentant vos brebis, puis vous l’avez placée dans une boule
d’argile fraîche avec des formes (des cônes, des sphères, des
cylindres appelés des calculi) indiquant le nombre d’animaux ;
la boule refermée, vous avez apposé votre sceau ; à la réception
du bétail, s’il y a un litige, il suffira alors de briser la boule
devenue sèche et de vérifier. Ainsi, vous savez exactement ce
que vous avez livré à ce commerçant. Vos affaires se
développant, vous vous retrouvez en possession d’un grand
nombre de ces boules de glaise, véritables contrats ; comme
vous êtes une personne organisée et que vous voulez vous
souvenir du contenu de chacune de ces boules, vous avez l’idée
de dessiner à l’aide d’un roseau taillé en biseau (un « calame »)
sur la glaise encore fraîche des signes indiquant ce que contient
la boule ; et comme vous êtes une personne pratique, vous
comprenez que les informations en signes sont suffisantes,
vous abandonnez les figurines et les formes ; comme vous êtes
décidément très perspicace, vous constatez aussi que c’est plus
facile d’écrire sur une plaque que sur une boule, d’autant
qu’avec une plaque on peut utiliser les deux faces. Vous pouvez
vous reposer, car vous venez simplement d’inventer l’écriture
cunéiforme (le roseau taillé en biseau permet de graver des
« coins », du latin cuneus) – pas si mal pour un berger : vous
pouvez être fier de vous !

Des langues inventées sans


pays aux langues imaginaires
En 1879, un prêtre allemand, Johan Martin Schleyer,
inventa une langue, le volapük ; quelques années plus
tard, c’est un docteur polonais, Ludwik Lejzer
Zamenhof, qui mit au point l’espéranto. Ces deux
langues construites de toutes pièces, s’inspirant
largement des langues indo-européennes, sont
toujours restées des phénomènes extrêmement
marginaux.

Il existe aussi des langues imaginaires qui


apparaissent dans des fictions ; ainsi les systèmes
d’écriture mis au point par J. R. R. Tolkien dans Le
Seigneur des anneaux :
la langue de Númenor, adûnaic
la langue des Nains, khuzdûl
la langue des Orques, noir parler
la langue des Hauts Elfes, quenya
la langue des Hommes, westron
la langue des Valar, valarin
la langue des Elfes des Terres du Milieu, sindarin
Un exemple de chant en sindarin
(La Communauté de l’Anneau, II, 1) :
A Elbereth Gilthoniel, silivren penna míriel o menel
aglar elenath ! Na-chaered palan-díriel o
galadhremmin ennorath, Fanuilos, le linnathon Nef
aear, sí nef aearon !

Ce qui signifie à peu près :


Ô Elbereth, enflammeuse d’étoiles, scintillante de
blanc tombe, brillante comme les joyaux, des cieux la
gloire de l’arroi des étoiles ! Moi qui ai contemplé
depuis le lointain, depuis les Terres du Milieu
couvertes d’arbres, Fanuilos, pour toi je chanterai de
ce côté de l’Océan, ici de ce côté du Grand Océan !

Mais vous aviez compris !


Revenons à la réalité ! Ce processus que vous venez de lire
s’est évidemment installé progressivement. D’autres moyens de
saisir la réalité par des signes se sont également développés ;
par exemple à l’époque aurignacienne et magdalénienne (oui, il
y a très longtemps, c’est le début de la préhistoire entre 38000
et 10000 avant aujourd’hui !), il est probable que nos ancêtres
ont peint sur les parois de falaises, de grottes, des scènes de
leur vie quotidienne. D’abord les images sont des sortes de
rébus ; puis, progressivement, des pictogrammes représentent
aussi bien des objets, des réalités que des idées ; ou encore, des
pictogrammes de plusieurs réalités se sont associés pour
désigner par un rébus phonétique une autre réalité. Par
exemple, un premier pictogramme représentant un « chat » est
associé à un second pictogramme représentant un « pot » :
l’ensemble désigne donc un « chapeau » !

La tour de Babel
La Bible, dans sa première partie, la Genèse, explique
que la tour de Babel (à Babylone) fut érigée par les
descendants de Noé pour tenter d’atteindre le ciel ;
uniques représentants de l’humanité, ils parlaient tous
une même langue. Jugeant leur projet orgueilleux,
Dieu créa de multiples langues au sein de ce groupe
originel, si bien qu’ils ne se comprirent plus et durent
arrêter la construction de la tour avant de se disperser
partout sur la terre.

1. Tout le monde parlait alors la même langue et se


servait des mêmes mots. 2. Partis de l’est, les hommes
trouvèrent une large vallée en Basse-Mésopotamie et
s’y installèrent. 3. Ils se dirent les uns aux autres :
« Allons ! Au travail pour mouler des briques et les
cuire au four ! » Ils utilisèrent les briques comme
pierres de construction et l’asphalte comme mortier.
4. Puis ils se dirent : « Allons ! Au travail pour bâtir
une ville, avec une tour dont le sommet touche au
ciel ! Ainsi nous deviendrons célèbres, et nous
éviterons d’être dispersés sur toute la surface de la
terre. » 5. Le Seigneur descendit du ciel pour voir la
ville et la tour que les hommes bâtissaient. 6. Après
quoi il se dit : « Eh bien, les voilà tous qui forment un
peuple unique et parlent la même langue ! S’ils
commencent ainsi, rien désormais ne les empêchera
de réaliser tout ce qu’ils projettent. 7. Allons !
Descendons mettre le désordre dans leur langage, et
empêchons-les de se comprendre les uns les autres. »
8. Le Seigneur les dispersa de là sur l’ensemble de la
terre, et ils durent abandonner la construction de la
ville. 9. Voilà pourquoi celle-ci porte le nom de Babel.
C’est là, en effet, que le Seigneur a mis le désordre
dans le langage des hommes, et c’est à partir de là
qu’il a dispersé les humains sur la terre entière.

Genèse, chapitre 11, versets 1 à 9.

Ce mythe d’une langue unique à jamais perdue a


suscité de nombreuses tentatives linguistiques, comme
l’espéranto et le volapük au XIXe siècle.

* Babel : nom hébreu de Babylone ; le texte hébreu


rattache ce nom au verbe de consonance voisine
traduit ici par « mettre le désordre » (v. 7 et 9).
Le pouvoir des mots ou pourquoi le mot « chien »
ne mord pas
Si le mystère sur l’origine des mots reste presque entier, en
revanche leur pouvoir est indéniable et se vérifie en
permanence : ils permettent de nommer aussi bien le concret
(une personne, table, un livre, un fruit, un événement), une
sensation, un état (la joie, la peur, le bonheur), que l’abstrait
(une idée, un raisonnement, un concept). Observons de plus
près ce pouvoir et ses différentes propriétés.

Une jolie fleur n’est pas une peau de vache


Un moyen de prendre prise sur le réel, de s’approprier le
monde consiste à le nommer. Vous avez déjà fait cette
expérience en vous promenant de rencontrer une jolie fleur, un
arbre, un animal, sans connaître son nom ou vous en souvenir ;
rappelez-vous alors le sentiment de frustration que vous avez
éprouvé : la réalité est là devant vous, vous la voyez, vous
pouvez même peut-être la toucher (enfin si c’est une vache,
soyez prudent !), et en même temps, le fait de ne pas pouvoir la
nommer vous donne la désagréable sensation qu’elle vous
échappe. En effet, une fois nommée, la réalité se met
réellement à exister !

Flash d’écriture
Rédigez un texte de 5 lignes ; puis imaginez pour chacun
des mots employés un équivalent dans une langue
imaginaire dont vous serez l’auteur. Puis reprenez les mots
de la langue inventée et essayez de produire une phrase.
Par exemple :

La chatte mange une souris.


Vi fel becque zo clac.
Juste avant, elle grignotait une graine.
Tac bim, fe flictot zo bli.

La souris mange une graine


È Vi clac becque zo bli.

Toute ressemblance serait purement fortuite …


Nous avons tous déjà constaté qu’il n’y a aucune ressemblance
entre un mot et ce qu’il désigne, et pourtant il ne viendrait pas à
l’esprit (enfin, c’est préférable pour éviter la camisole !) de
contester que dans son sens premier le mot canard désigne un
palmipède à plumage étanche qui fait « coin-coin ». Et pourtant
quel rapport entre cette association de lettres C.A.N.A.R.D. et
ce bel eider dont les plumes étaient utilisées autrefois pour les
édredons ? AUCUN !

Et pas plus, si vous prenez par exemple la première page du


dictionnaire et ses premiers mots :

A : à, abaca, abacule, abaissant, abaisse, abaisse-langue,


abaissement, abaisser, abaisseur, abajoue, abalone, abandon…

Ou d’autres mots, vraiment au hasard : pingouin, arbre, vélo,


maison, choucroute, lunette, café, éternité, jalousie, liberté…
Faites l’essai avec des mots que vous choisirez… Mais soyez
tranquille, nous n’allons pas faire tout le dictionnaire, car vous
admettez sans peine en regardant ces mots que pas un n’évoque
par sa forme (de près ou de loin) la réalité concrète ou abstraite
qu’il désigne.

… Et pourtant, tous d’accord !


Certes, aucun rapport d’analogie, aucune ressemblance, mais
toute la communauté linguistique à laquelle vous appartenez
est d’accord avec vous pour accepter cet arbitraire. Si vous
vous avisiez de dire en regardant un canard barboter sur un
étang : « Oh, regardez les plumes de ce bel éléphant », vous
créeriez à coup sûr la surprise, passeriez même pour un original
ou peut-être pour un fou, car vous auriez rompu le consensus et
l’arbitraire liés aux mots.

L’écriture repose donc sur une langue dont chacun accepte,


après l’avoir acquise, son arbitraire, son consensus et ses
règles. Mais (vous avez remarqué, il y a souvent un « mais »)
pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Ainsi,
malgré cette belle unanimité qui peut tourner à la tautologie,
« un chat, c’est un chat, et un chien, c’est un chien », les mots,
les expressions développent des réseaux de significations plus
ou moins maîtrisées qui peuvent se révéler parfois
problématiques dans la vie courante… Vous brûlez
d’impatience (belle et chaude métaphore), alors lisez la suite
rafraîchissante…

Les alphabets
L’invention de l’écriture est liée à celle des alphabets
(de alpha et bêta, les deux premières lettres de
l’alphabet grec), systèmes de symboles graphiques
pour représenter les sons et les lettres des mots. On
compte une bonne quarantaine d’alphabets ; parmi les
plus connus : arabe, araméen, cyrillique, grec, hébreu,
japonais, latin. Certains sont moins connus : le carien,
langue indo-européenne d’Asie mineure, parlée au 1er
millénaire avant J.-C ; le glagolitique, le plus ancien
alphabet slave qui se développe à partir du IXe siècle.
D’autres sont particuliers, tel le morse, inventé pour la
télégraphie en 1835 par Samuel Morse et fondé sur la
combinaison d’impulsions longues et brèves. Le
braille inventé en 1829 par Louis Braille est un
système tactile à points saillants pour les aveugles et
les malvoyants.

Sports d’hiver et sports divers !


Démonstration en trois stations :

Station n° 1
Chaque mot possède un sens « objectif », le sens que vous
pouvez lire dans le dictionnaire, sur lequel tout le monde
s’accorde (les linguistes l’appellent la dénotation) ; seulement
voilà, votre histoire, votre éducation, vos expériences vont
peut-être donner à ce mot une signification qui s’éloignera
singulièrement du sens habituel. Prenons un exemple, en
l’occurrence deux personnes qui ne sont jamais allées aux
sports d’hiver. Si vous leur demandez la signification de cette
expression « sports d’hiver », elles vous répondront
sensiblement la même chose en s’appuyant sur leurs
connaissances générales du vocabulaire : « les sports d’hiver »
regroupent toutes sortes d’activités physiques qui se
pratiquement généralement… l’hiver sur des reliefs
montagneux enneigés ; parmi les principales, le ski de descente
ou nordique, la randonnée à skis ou en raquettes, etc.
Station n° 2
Soit ! Envoyons ces deux personnes aux sports d’hiver : la
première personne A, dans une station de moyenne montagne
(pour ne fâcher personne, nous ne donnerons aucune indication
géographique), vers la fin du mois d’avril. Malheureusement,
ce n’est pas une année à neige dans la région et le beau soleil
des quinze derniers jours a sérieusement fait fondre le manteau
neigeux. Et aujourd’hui, pour la première descente de monsieur
A, pas de chance, le temps est couvert, il bruine par
intermittence, on ne voit pas grand-chose ; il fait une mauvaise
chute, boum, boum, badaboum, heurte plusieurs cailloux
apparents et se brise une jambe. Secours, évacuation en
hélicoptère, deux jours d’hôpital, rapatriement en ambulance à
la maison, deux mois de plâtre, un mois de rééducation
pénible…

Monsieur B, quant à lui, part dans une station de haute


montagne (là encore, restons discret sur la destination) au mois
de février : la semaine précédant son arrivée, il a neigé
abondamment, une magnifique poudreuse couvre tout le
domaine ; un soleil resplendissant, un ciel bleu, une première
descente de rêve au milieu d’une belle forêt de sapins. Le
séjour de monsieur B est un véritable enchantement. Il rentre
chez lui au bout d’une semaine, ravi, bronzé, en pleine forme,
prêt à recommencer l’année suivante…

Station n° 3
Maintenant, imaginez une soirée où monsieur A et monsieur B
se rencontrent ; au cours de la conversation, ils en viennent aux
sports d’hiver ; cette évocation va immédiatement déclencher
des associations d’idées, des souvenirs diamétralement
opposés : chez monsieur A, ces mots vont résonner
douloureusement, alors que chez monsieur B, l’expression sera
associée à un moment privilégié !
Voilà toute la difficulté des mots et du langage verbal ! Ils
veulent dire la même chose pour tout le monde et, en même
temps, ils ont un sens sensiblement différent pour chacun
d’entre nous, lié à notre histoire personnelle. Un peu comme si
nous étions bilingues dans notre propre langue !

Les mots, une machine à explorer le temps


Les mots ont la capacité de nous faire voyager dans le temps :
ils permettent d’évoquer ce qui n’est plus, un passé plus ou
moins lointain, une époque que vous n’avez pas connue (les
souvenirs, l’histoire) ; ils sont surtout très utiles pour
communiquer dans notre présent, ici, mais aussi ailleurs
(échanger, créer des liens) ; enfin, ils permettent d’échafauder
le futur, de l’imaginer, de le prévoir (les projets, les romans
d’anticipation, la science-fiction, etc.).

Les mots, une fabrique à émotions


Les mots permettent aussi d’exprimer ses sentiments, de les
partager, de rêver, de s’évader. Un courrier de votre amoureux
(-euse) qui vous écrit : « Je t’aime » ne fait pas le même effet
qu’une lettre anonyme où des caractères découpés dans le
journal vous traitent d’« espèce d’ordure » ! « C’est bien » écrit
sur une copie ne fait pas le même effet que « cela ne vaut rien,
c’est n’importe quoi » ! On sait bien que le mot chien ne mord
pas ! Mais pourtant on sait bien qu’avec les mots on peut
blesser quelqu’un, mais on peut aussi le réconforter ; c’est là
leur force et leur mystère… (Décidément !)

Flash d’écriture
À partir du mot de votre choix, trouvez tous ses
anagrammes et essayez de faire une phrase ; par exemple
avec écran → carne, crâne, rance, nacre : « Sur l’écran de
nacre, on voit le crâne d’une carne rance ! »

De l’argile au numérique
Quoi qu’il en soit, la langue reste ce merveilleux outil avec
lequel nous communiquons et donc avec lequel nous écrivons
depuis des siècles. Naturellement, en même temps que la
langue évoluait, les supports matériels de l’écriture
changeaient.

L’évolution des supports


Pour écrire, les hommes ont eu recours à des supports variés ;
on peut imaginer aisément que les parois de grottes, des
falaises (ce sont nos lointains ancêtres qui ont inventé les
tags !), mais aussi la peau avec les tatouages, ont été des
supports très vite utilisés pour inscrire des signes. Ensuite sont
venues les tablettes d’argile fraîche ; puis on a gravé dans
toutes sortes de matières : la pierre, le marbre ; des tablettes
enduites de cire. Dans l’Antiquité égyptienne, c’est un tissage
de papyrus qui est utilisé pour inscrire les hiéroglyphes à l’aide
de deux couleurs d’encre : la noire et la rouge, cette dernière
étant utilisée uniquement pour écrire le nom des dieux.

Quant aux Chinois, ils gravent leurs caractères dans le bronze,


et même sur l’écaille de tortue avant d’inventer le papier à
partir de chiffons ; les textes les plus anciens sur ce support
sont des textes bouddhiques du IIe siècle.
À l’époque de Mahomet, les Arabes écrivent sur des os de
chameaux, tandis qu’en Inde la feuille de palmier est un
support très employé.

Au Moyen Âge, les textes importants (religieux et officiels


notamment) sont écrits sur des parchemins, peaux d’animal
grattées, le vélin étant le plus délicat (peau de jeune veau) ;
selon la légende, le parchemin, pergamemum en latin, aurait été
utilisé pour la première fois par les habitants de Pergame (en
Asie Mineure). Quand le parchemin se fait rare, on gratte la
peau pour enlever l’encre et on réécrit dessus (les
palimpsestes). À cette époque, les papiers sont essentiellement
fabriqués à base de chiffons, de chanvre et de lin ; on connaît
deux types de supports : le volumen (rouleau) pour les textes
courts ; le codex (assemblage de feuilles par cahiers) pour les
textes longs.

À partir du milieu du XVe siècle jusqu’à nos jours, les


perfectionnements et le développement de l’imprimerie vont
accentuer la présence de l’écriture dans la société. Ainsi, en
2010, la Bibliothèque nationale de France a enregistré très
précisément 67 270 titres nouveaux.

Les tablettes numériques (on les appelle les « liseuses ») qui


permettent la lecture de e-books se développent de plus en
plus : un grand distributeur de livres, dont le nom évoque un
grand fleuve d’Amérique du Sud commençant par la lettre
A…, annonce qu’aujourd’hui, pour 100 livres papiers vendus,
il vend 105 livres électroniques.

Les bibliothèques
Très vite s’est posé le problème de la conservation des
écrits et de leur consultation : ainsi, dès le IIIe siècle
avant J.-C à Alexandrie en Égypte, sous l’impulsion
de Ptolémée 1er, se constitue la première grande
bibliothèque (plus de 500 000 volumes). Aujourd’hui,
la plus grande bibliothèque du monde se trouve à
Washington ; il s’agit de la bibliothèque du Congrès
qui compte plus de 30 millions de volumes.

Dans un recueil de nouvelles, Fictions (Gallimard,


1951), Jorge Luis Borges imagine « la bibliothèque de
Babel » où, à partir d’un alphabet de vingt-cinq
caractères et des livres de 410 pages, toutes les
combinaisons possibles sont envisagées, couvrant
ainsi tous les livres déjà écrits et tous les livres à
venir ! Vertige assuré !

… il déduisit que la Bibliothèque est totale, et que ses


étagères consignent toutes les combinaisons possibles
des vingt et quelques symboles orthographiques
(nombre, quoique très vaste, non infini), c’est-à-dire
tout ce qu’il est possible d’exprimer dans toutes les
langues. Tout : l’histoire minutieuse de l’avenir, les
autobiographies des archanges, le catalogue fidèle de
la Bibliothèque, des milliers et des milliers de
catalogues mensongers, la démonstration de la
fausseté de ces catalogues, la démonstration de la
fausseté du catalogue véritable, l’évangile gnostique
de Basilide, le commentaire du commentaire de cet
évangile, le récit véridique de ta mort, la traduction
de chaque livre en toutes les langues, les
interpolations de chaque livre dans tous les livres.
Le plus vieux…
Le plus vieux manuscrit européen sur papier date du
XIe siècle : c’est un ouvrage religieux, « le missel de
Silos », près de Burgos en Espagne.

Le plus ancien livre imprimé serait Le Sutra du


diamant, dialogue entre Bouddha et son disciple
Subhuti ; datant de 864, il a été découvert sur un site
religieux à Dunhuang dans la province de Gansu en
Chine, au début du XXe siècle par une équipe
d’archéologues britanniques. Il se trouve aujourd’hui
à Londres, au British Museum.

Qui écrit ?
La question peut paraître saugrenue ! On serait tenté de dire,
tout le monde écrit ! Et pourtant ! Longtemps réservée à une
élite, l’écriture s’est lentement démocratisée en même temps
que ses supports évoluaient.

Autrefois
Dans l’Antiquité égyptienne, la maîtrise et l’usage de l’écriture
sont réservés à une caste héréditaire, celle des scribes qui
administrent le royaume du pharaon. Au Moyen Âge, en
France, l’écrit est l’apanage des moines qui copient
manuellement les ouvrages (l’imprimerie n’existe pas encore)
et la majorité de la population est analphabète. Le
développement du livre imprimé, de la presse, la
démocratisation de l’école (à partir de la fin du XIXe siècle)
vont progressivement faire reculer l’analphabétisme et
permettre l’accès à l’écriture et à la lecture.

Aujourd’hui
Dans notre société contemporaine, l’écrit et l’acte d’écriture
sont omniprésents. Du cours préparatoire à l’âge adulte,
l’écriture est au centre de tous les apprentissages et d’un grand
nombre d’activités. Notre environnement, notre quotidien sont
traversés par l’écriture : cours à école, courrier, contrats,
publicités, documents administratifs, livres, journaux, modes
d’emploi, programmes politiques, l’écriture est partout !

Ce n’est plus une activité réservée à une élite ; en revanche, sa


maîtrise (ou son absence !) continue d’avoir une place
importante dans la vie de chacun. Ne pas savoir écrire, écrire
avec difficulté, ne plus savoir écrire, peut être un handicap
important dans notre société contemporaine.

Ainsi l’Unesco, qui considère qu’« une personne est


analphabète si elle ne peut à la fois lire et écrire un énoncé
simple et bref se rapportant à la vie quotidienne », a estimé à
774 millions le nombre d’analphabètes pour la période 2000-
2006 ! En France, si a priori l’analphabétisme n’existe plus, on
constate que le taux d’illettrisme est alarmant : selon une étude
de 2005 de l’Institut national de la statistique et des études
économiques (INSEE), 9 % des Français âgés entre 18 et 65
ans, soit 3 100 000 personnes, seraient concernées par
l’illettrisme, c’est-à-dire, malgré un apprentissage, auraient
perdu ou mal acquis la maîtrise de la lecture et de l’écriture
(mais aussi du calcul).

L’écrit aujourd’hui
L’omniprésence de l’image et des techniques virtuelles
numériques pourrait faire penser que nous vivons la fin du
temps de l’écriture et que voici venu le temps « d’après
l’écriture » ; d’autant que dans des périodes relativement
récentes, on a vu le livre et l’écriture, moyens d’expression,
être mis en péril par des régimes autoritaires.

Vision pessimiste ?
Dans un ouvrage intitulé Auto-bio-graphie (Odile Jacob, 1991),
Georges Gusdorf, annonce la fin de l’écrit : « La civilisation de
l’imprimé est entrée en décadence au milieu du XXe siècle. Au
règne de la graphie succède, depuis quelques dizaines
d’années, le règne de la phonie et de la scopie. […] À la limite,
l’homme le plus civilisé d’aujourd’hui pourrait être un
illettré. » Ce texte fait écho à un texte plus ancien publié en
1962 par Marshall MacLuhan, La Galaxie Gutenberg¸ dans
lequel l’auteur annonçait la fin de la « galaxie Gutenberg »,
autrement dit de l’écriture, et les débuts de l’ère « électrique »
(qu’il appelait la « galaxie Marconi ») caractérisée par le
recours au visuel, au virtuel, à la simultanéité de l’image, du
son et du mouvement, la vitesse (le tout accompagné par le
« fameux haut débit »). Même si cette perspective s’est révélée
juste, l’écrit demeure encore un moyen majeur de transmission
et de communication.

Preuve a contrario de cette importance : l’entrave à l’écriture


et à la lecture est un des indices majeurs d’une atteinte à la
liberté d’expression. Ainsi, dans les régimes totalitaires, l’écrit
est étroitement contrôlé, les livres peuvent être interdits,
détruits, les sites et les moteurs Internet contrôlés, censurés, et
les écrivains, les journalistes arrêtés, torturés, exécutés.
Fiction et réalité
Dans le roman de Ray Bradbury, Fahrenheit 451
(Denoël, 1955), les livres sont interdits et brûlés par
des pompiers pyromanes et les détenteurs de livres
encourent la peine de mort !

Son casque symbolique numéroté 451 sur sa tête


massive, une flamme orange dans les yeux à la pensée
de ce qui allait se produire, il actionna l’igniteur
d’une chiquenaude et la maison décolla dans un feu
vorace qui embrasa le ciel du soir de rouge, de jaune
et de noir.

Comme à la parade, il avança dans une nuée de


lucioles. Il aurait surtout voulu, conformément à la
vieille plaisanterie, plonger dans le brasier une boule
de guimauve piquée au bout d’un bâton, tandis que
les livres, comme autant de pigeons battant des ailes,
mouraient sur le seuil et la pelouse de la maison.

Tandis que les livres s’envolaient en tourbillons


d’étincelles avant d’être emportés par un vent noir de
suie.

Montag arbora le sourire féroce de tous les hommes


roussis et repoussés par les flammes.

Ray Bradbury, Fahrenheit 451, Denoël, 1955.

Point de vue optimiste


S’il est indéniable que les nouvelles technologies de
transmission et d’information ont connu un développement
exponentiel ces dernières années, pour autant l’écrit est
toujours là, sous des formes nouvelles certes, mais toujours là !

En effet, l’écriture demeure un puissant moyen d’information,


de formation et d’émancipation : elle permet aux idées de
voyager, de se propager, à travers le temps et l’espace, de
dialoguer avec des esprits qui ne sont plus là… Le fameux
« don des morts » dont parle l’écrivaine Danielle Sallenave
(c’est le titre de son ouvrage sur l’importance de la lecture)…

Par ailleurs, la révolution Internet, loin de reléguer la pratique


de l’écriture aux oubliettes de l’Histoire, lui a redonné une
vigueur nouvelle ; la Toile est un espace où l’écrit se déploie
sous toutes sortes de formes : courriels, blogs, forums,
« chats », « réseaux sociaux ». Par ailleurs, le développement
de la téléphonie mobile ouvre encore de nouveaux espaces
d’écriture, largement occupés, il est vrai, par les jeunes
générations.
Chapitre 2

Le B.A.-BA de la langue française

Dans ce chapitre :
Naissance et livret de famille de la langue française
De l’enfance à l’âge adulte ; regards sur l’évolution
d’une langue vivante
Le français à travers 10 extraits

Évidemment l’histoire de la langue française est ancienne, des


siècles et des siècles ! Il n’est donc pas question ici d’étudier
son évolution en quelques pages. Pour cela, il existe des
quantités d’ouvrages spécialisés ; vous en retrouverez
quelques-uns à la fin de ce livre. Par ailleurs Écrire pour les
Nuls poursuit un objectif précis et unique : vous permettre de
trouver les bons appuis, les bonnes stratégies pour faire de
l’écrit un atout toujours prêt à être utilisé, selon les
circonstances. Mais il nous a semblé intéressant de jeter un
coup d’œil en arrière et d’observer brièvement les grandes
étapes de cette langue, émergeant dans une géographie et une
histoire mouvantes et devenant progressivement un lien
puissant entre des êtres, des générations, vivant dans ce fameux
Hexagone (figure imposée par les esprits géométriques pour
représenter la France, et à laquelle d’autres esprits, moins
géométriques, assignent quatre coins !) mais aussi, au-delà des
mers et des océans, sous d’autres latitudes…
Une histoire sur le bout de la langue…

Où sont nos racines ?


Les mots sont de grands voyageurs : le français d’aujourd’hui
trouve ses racines lointaines, il y a 7000 ans, chez des
populations semi-nomades vivant dans la steppe russe et la
plaine danubienne. Par vagues successives et souvent de
manière pacifique ces populations ont essaimé dans plusieurs
directions : vers l’est, les Perses et les Mèdes (l’Iran) ; les
Achéens vers le sud de l’Europe, le Péloponnèse (la Grèce) ;
les Italiotes vers la péninsule italique (l’Italie) ; les Slaves vers
l’Europe centrale et les Celtes vers l’Occident.
Ces derniers apparaissent sur le territoire de la France actuelle
vers le VIIIe siècle avant J.-C., et c’est leur langue que les
Romains rencontrent quand ils envahissent la partie nord de la
Gaule, comme en témoigne le redoutable Jules César :

L’ensemble de la Gaule se divise en trois parties. Les


Belges habitent la première. Les Aquitains la
deuxième. La troisième est habitée par des peuples qui
se nomment Celtes dans leur propre langue et qu’on
appelle Gaulois dans la nôtre.

Jules César, La Guerre des Gaules (De bello


Gallico).

D’abord le gaulois demeure la langue parlée à la maison tandis


que le latin devient la langue des affaires et de la promotion
sociale ; la diffusion du christianisme participe aussi à cette
hégémonie du latin, la langue de l’Église.
L’occupation romaine dure plus de cinq siècles et impose peu à
peu le bas latin au détriment du gaulois (d’autant que les
druides ne transmettaient leur savoir que par oral : c’est sans
doute pour cela que la recette de la potion magique s’est
perdue !) ; mais d’une certaine manière, ce sont les
retrouvailles des membres d’une grande famille disloquée après
trois millénaires de séparation !

Les mots voyageurs


Si le gaulois nous a légué quelques mots comme on
l’a vu plus haut, 80 % du vocabulaire français est
d’origine latine ; pour le reste, on trouve
principalement des mots d’origine grecque
(notamment dans le vocabulaire des sciences et des
techniques), et dans des faibles proportions :
des mots d’origine anglaise : amender, barman,
budget, comité, corner, dock, hold-up, kidnapping,
look, match, paquebot, parking, punch, record,
sandwich, zoom ; cette série anglaise augmente
aujourd’hui très régulièrement !
des mots d’origine allemande : arquebuse,
bivouac, blockhaus, choucroute, esthétique,
guerre, halte, jardin, nickel, statistique, trinquer,
valse.
des mots d’origine arabe : alambic, alcool,
ambre, amiral, chiffre, élixir, gazelle, goudron,
matelas, nouba, orange, safran, sirop, sucre, tarif,
zéro, zénith, zouave.
des mots d’origine espagnole : brasero,
camarade, casque, cédille, cigare, conquistador,
guérilla, guitare, romance, sieste.
des mots d’origine italienne : alarme, balcon,
banque, bouffon, carnaval, concerto, cortège,
dilettante, espion, faillite, fiasco, fresque, graffiti,
guirlande, incognito, mosaïque, scénario,
spaghetti, vedette.
des mots d’origine russe : cosaque, mammouth,
moujik, steppe, ukase.

Les Gau-Gau, les Gau-Gau, les Gaulois ! Les mots-mots


Aujourd’hui, le français a conservé peu de traces de cette
langue gauloise ; environ une centaine de mots dont la plupart
sont associés à la vie de la campagne : alouette, arpent, balai,
bec, bouleau, bruyère, cervoise, charrue, chemin, combe, dune,
galet, glaise, glaner, lieue, raie, sillon, soc, tonneau.

Le français, une histoire de famille

Si l’Empire romain s’effondre au Ve siècle sous les coups de


boutoir des invasions barbares (Alamans, Francs, Huns,
Vandales, Burgondes, Wisigoths qui pillent Rome en 408), le
latin/roman conserve non seulement une place importante à
côté des autres langues, mais réussit progressivement à
s’imposer à travers trois formes : la langue d’oïl au nord, la
langue d’oc au sud et le franco-provençal à l’est.

Clovis, le roi des Francs, ne passe pas son temps à punir le


coupable qui a « cassé le vase de Soissons » : il fonde aussi une
famille en se mariant avec la reine Clotilde, se convertit à la
religion catholique et prend Paris comme lieu de résidence. Il
impose aussi peu à peu le parler d’Île-de-France, où se mêlent
langue d’oïl et éléments germaniques. Il ne chôme pas, Clovis !
Un peu plus tard, à défaut d’avoir inventé l’école, comme le
chantait France Gall, Charlemagne, en redonnant un souffle
aux études latines, permet aux clercs de transcrire et de fixer le
parler roman balbutiant, ancêtre du français. Parallèlement, des
évêques réunis en concile à Tours en 816 conseillent aux
membres du clergé de s’exprimer en langue romane pendant
leurs prêches, car les fidèles ne comprennent plus le latin.

Au IXe siècle, une querelle de famille éclate entre les petits-fils


de Charlemagne : l’enjeu est de taille, ils se disputent l’empire
du grand-père ! Louis le Germanique et Charles le Chauve
scellent un accord entre eux pour lutter contre leur frère
Lothaire. Le texte rédigé en 842, sous le nom de Serments de
Strasbourg, est écrit en deux langues : celle de Louis le
Germanique est en tudesque (ancien allemand) et celle de
Charles le Chauve, en roman, ancêtre du français. En voici un
extrait :

Pro deo amur et pro christian poblo et nostro commun


salvament, d’ist di in avant, in quant deus savir et
podir me dunat, si salvarai eo cist meon fradre Karlo
et in aiudha et in cadhuna cosa, si cum om per dreit
son fradra salvar dist, in o quid il mi altresi fazet, et
ab Ludher nul plaid nunquam prindrai, qui meon vol
cist meon fradre Karle in damno sit.

Bravo, vous venez de lire les premières lignes de l’acte de


naissance du français ! Du français, du français, certes, mais
très ancien pensez-vous… Si les deux frères se sont compris et
entendus à l’époque, vous avez raison d’être dubitatif, car ce
texte demeure énigmatique même si on repère (ou croit
repérer !) certains mots ; cela mérite bien une traduction en
français contemporain pour être compréhensible : « Pour
l’amour de Dieu et pour le peuple chrétien et notre salut
commun, à partir d’aujourd’hui, autant que Dieu me donnera
savoir et pouvoir, je secourrai mon frère Charles par mon aide
et en toute chose, comme on doit secourir un frère, selon
l’équité, à condition qu’il fasse de même pour moi, et je ne
tiendrai jamais avec Lothaire aucun engagement qui, de ma
volonté, puisse être dommageable à mon frère Charles. »

Ah, c’est déjà plus abordable et l’on mesure la grande prudence


des frérots ! C’est que Lothaire n’était pas un garçon
commode ! Ainsi, peu à peu, malgré la très forte présence du
latin dans la construction grammaticale et l’orthographe, la
rustica Romana lingua se développe et s’épanouit dans les
siècles suivants.

Quelques siècles plus tard, le français de François


Quand on évoque la Renaissance, un certain nombre d’images
s’animent, souvent associées à nos souvenirs scolaires :
François 1er ; Bayard « le chevalier sans peur ni reproche » ;
1515, la victoire de Marignan (qui permet d’éviter de se
rappeler 1525, la défaite de Pavie, à deux pas de Marignan !) ;
les châteaux de la Loire et Léonard de Vinci ; Bernard de
Palissy brûlant ses meubles pour faire cuire ses céramiques ;
les poètes de la Pléiade… Arrêtons cette énumération ou plutôt
complétons-la par une date capitale pour la langue française :
l’ordonnance royale de Villers-Cotterêts édictée sur l’ordre de
François 1er entre le 10 et le 15 août 1539. De quoi s’agit-il ?
De 192 articles portant sur les prérogatives et les limites de la
juridiction ecclésiastique, et plus généralement sur
l’organisation de la justice. Non, non, ne partez pas, nous
n’allons pas vous faire l’énumération de ces 192 articles
juridiques ! Allons directement à l’article 111, car c’est lui qui,
en quelques mots, officialise et impose l’usage de la langue
française ; en effet, celle-ci commençait à se répandre un peu
partout mais subissait la rude concurrence d’autres langues
(comme l’italien et le latin) et d’autres dialectes.
On peut considérer cet article 111 comme l’acte de naissance
officiel du français comme langue nationale, celle-là même
avec laquelle vous souhaitez construire une relation
privilégiée… Voici ce fameux bulletin de naissance :

Art. 111. – Et pour ce que telles choses sont souvent


advenues sur l’intelligence des mots latins contenus
esdits arrests, nous voulons d’oresnavant que tous
arrests, ensemble toutes autres procédures, soient de
nos cours souveraines et autres subalternes et
inférieures, soient de registres, enquestes, contrats,
commissions, sentences, testaments, et autres
quelconques, actes et exploicts de justice, ou qui en
dépendent, soient prononcés, enregistrés et délivrés
aux parties en langage maternel françois et non
autrement.

Lire, puis écrire et enfin compter !

Comme dans l’Antiquité romaine, l’apprentissage scolaire se


scindait en trois étapes distinctes ; ainsi, jusqu’au XVIIIe
siècle, il fallait d’abord savoir lire avant d’avoir le « droit »
d’apprendre à écrire (10 ans donc !) et savoir écrire (12 ans !)
avant de pouvoir apprendre à compter !

La défense de Joachim !
Mais une loi n’est pas suffisante ; pour vivre, une langue a
besoin d’être pratiquée, enrichie, transformée. C’est ce que va
entreprendre un jeune groupe de poètes fréquentant une école
parisienne, le collège de Coqueret. Érudits et passionnés par la
poésie grecque et latine, mais aussi par l’italien, ils se nomment
Ronsard, Du Bellay et Baïf, Pontus de Tyard, Peletier, Belleau,
Jodelle et forment le groupe de la Pléiade, en référence à une
constellation et à sept poètes de l’Antiquité (on n’est pas
modeste à l’époque !). Joachim Du Bellay est chargé de rédiger
un manifeste, Défense et illustration de la langue française
(1549), pour soutenir et défendre la langue française contre ses
détracteurs qui considèrent que c’est une langue trop pauvre,
notamment dans son expression littéraire. Voici un extrait
véhément de son argumentaire :

Et si notre langue n’est ni copieuse et riche que la


grecque et la latine, cela ne doit être imputé au défaut
d’icelle, comme si d’elle-même elle ne pouvait jamais
être sinon pauvre et stérile : mais bien on le doit
attribuer à l’ignorance de nos majeurs qui ayant
(comme dit quelqu’un, parlant des anciens Romains)
en plus grande recommandation le bien faire que le
bien dire, et mieux aimant laisser à leur prospérité les
exemples de vertu que les préceptes, se sont privés de
la gloire de leurs bienfaits, et nous du fruit de
l’imitation d’iceux, et par même moyen nous ont laissé
notre langue si pauvre et nue, qu’elle a besoin des
ornements et (s’il faut ainsi parler) des plumes
d’autrui.

Du Bellay, Défense et illustration de la langue


française, I, 3, 1549.

Il ne fallait pas le chercher Joachim ! Ainsi, on l’a bien


compris, il s’agit d’illustrer la langue par des productions
littéraires de qualité, par imitation des Anciens, de retrouver
des vieux mots dont l’usage s’est perdu, de ne pas hésiter à
emprunter aux dialectes provinciaux (comme le picard, le
gascon, le poitevin, le normand), de prendre des mots du
vocabulaire des métiers, de fabriquer de nouveaux mots en
utilisant de vieilles racines et des mots dérivés du latin et du
grec ou des infinitifs pour en faire des noms. Comme vous le
constatez, tout un programme !

Demandez le programme !
La simple lecture des titres des 24 chapitres de la Défense et
illustration et de la langue française révèle bien l’ambition des
poètes de la Pléiade : faire prendre conscience aux Français
qu’ils possèdent une langue et que celle-ci doit s’imposer et
vivre par l’action de chacun.

Livre premier
Chapitre premier. De l’origine des langues

Chapitre II. Que la langue française ne doit être nommée


barbare

Chapitre III. Pourquoi la langue française n’est si riche que la


grecque et latine

Chapitre IV. Que la langue française n’est si pauvre que


beaucoup l’estiment

Chapitre V. Que les traductions ne sont suffisantes pour donner


perfection à la langue française

Chapitre VI. Des mauvais traducteurs, et de ne traduire les


poètes

Chapitre VII. Comment les Romains ont enrichi leur langue

Chapitre VIII. D’amplifier la langue française par l’imitation


des anciens auteurs grecs et romains

Chapitre IX. Réponses à quelques objections


Chapitre X. Que la langue française n’est incapable de la
philosophie, et pourquoi les anciens étaient plus savants que les
hommes de notre âge

Chapitre XI. Qu’il est impossible d’égaler les anciens en leurs


langues

Chapitre XII. Défense de l’auteur

Livre deuxième
Chapitre Premier. De l’intention de l’auteur

Chapitre II. Des poètes français

Chapitre III. Que le naturel n’est suffisant à celui qui en poésie


veut faire œuvre digne de l’immortalité

Chapitre IV. Quels genres de poèmes doit élire le poète français

Chapitre V. Du long poème français

Chapitre VI. D’inventer des mots, et de quelques autres choses


que doit observer le poète français

Chapitre VII. De la rime et des vers sans rime

Chapitre VIII. De ce mot rime, de l’invention des vers rimés, et


de quelques autres antiquités utilisées en notre langue

Chapitre IX. Observation de quelques manières de parler


françaises

Chapitre X. De bien prononcer les vers


Chapitre XI. De quelques observations outre l’artifice, avec
une invective contre les mauvais poètes français

Chapitre XII. Exhortation aux Français d’écrire en leur langue,


avec les louanges de la France

Un autre François, à la langue gargantuesque et


pantagruélique !
Parmi les serviteurs zélés de cette langue française, François
Rabelais (1494-1553) joue un rôle de premier plan : auteur de
Gargantua 1534 et Pantagruel 1532, écrivain prolifique et
amoureux des mots, il enrichit la langue française par de
multiples emprunts à toutes sortes de langages techniques, aux
langues mortes, aux langues étrangères, aux dialectes ; son
style, friand d’énumérations et d’accumulations, devient un
extraordinaire vivier de vocabulaire comme en témoigne cet
extrait qui décrit une querelle entre des marchands de fouaces
(des galettes) qui refusent de vendre leurs gâteaux à des
bergers :

Les dits bergers les requirent courtoisement leur en


bailler pour leur argent, au prix du marché. Car notez
que c’est viande céleste manger à déjeuner raisins
avec fouace fraîche, mêmement des pineaux, des fiers,
des muscadeaux, de la bicane1.

À leur requête ne furent aucunement inclinés les


fouaciers, mais, qui pis est, les outragèrent
grandement, les appelant trop d’iteux2, brèche-dents,
plaisants rousseaux3, galliers4, averlans5, limes
sourdes, fainéants, friandeaux6, bustarins7,
talvassiers8, rien-ne-vaut, rustres, chalands9, happe-
lopins10, traîne-gaines11, gentils floquets12,
copieux13, landores14, malotrus, dendins15,
baugears16, tézés17, gaubregeux18, goguelus19,
claquedents20 et autres épithètes diffamatoires,
ajoutant que point à eux n’appartenait manger de ces
belles fouaces, mais qu’ils se devaient contenter de
gros pain ballé21 et de tourte22.

Ces notes ne seront sans doute pas inutiles pour comprendre le


français de François : 1 Variétés de raisins. – 2 Gens dont il y a
trop. – 3 Rouquins. – 4 Galeux. – 5 Lourdauds. – 6
Gourmands. – 7 Ivrognes. – 8 Fanfarons. – 9 Mauvais clients.
– 10 Pique-assiette. – 11 Matamores. – 12 Freluquets. – 13
Singes. – 14 Endormis. – 15 Niais. – 16 Marauds. – 17 Sots. –
18 Flâneurs. – 19 Plaisantins. – 20 Peureux. – 21 Pain dont la
farine est de mauvaise qualité. – 22 Pain de seigle.

Un peu d’ordre !
Ouf, quel déluge verbal ! Voilà, vous étiez prévenu, le François
n’était pas du genre à faire dans la demi-mesure ! Autant le
XVIe siècle est marqué par une prolixité et une invention
langagière, autant le siècle suivant sera celui d’une stabilisation
du français avec l’élaboration de règles sous l’impulsion de
plusieurs grammairiens et auteurs (dites merci à MM.
Chapelain et Malherbe) et la création de l’Académie française
en 1635 sur ordre du cardinal de Richelieu. Celle-ci devient
rapidement l’institution de référence et de contrôle « sur la
façon de parler ». Ainsi, un de ses membres, Vaugelas, est
chargé dès 1639 de la rédaction du premier dictionnaire de
l’Académie ; il publie ses Remarques sur la langue française
(1647) qui fixe durablement ce qui sera considéré comme la
meilleure façon de s’exprimer en français (même si ce n’était
pas l’intention première du grammairien !). En 1674, Nicolas
Boileau, poursuivant un travail de réflexion sur la langue et son
style, publie son Art poétique où le rapport à l’écriture est
précisé :

Il est de certains esprits dont les sombres pensées


Sont d’un nuage épais toujours embarrassées ;
Le jour de la raison ne le saurait percer.
Avant donc que d’écrire, apprenez à penser.
Selon que notre idée est plus ou moins obscure,
L’expression la suit, ou moins nette ou plus pure.
Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement,
Et les mots pour le dire arrivent aisément.

L’Art poétique, Chant I, 1674.

Quant au dictionnaire, auquel participent des académiciens


célèbres comme Corneille, Racine, La Fontaine, Boileau, il faut
attendre 1694 pour sa première édition définitive : il comporte
près de 18 000 mots et propose une orthographe qui prend en
compte l’étymologie mais aussi la prononciation. Entre-temps,
Pierre Richelet, un ancien avocat passionné par les origines de
la langue française, publie à Genève en 1680 le premier
dictionnaire du français sous le titre très précis (mais un peu
long !) de Dictionnaire français, contenant les mots et les
choses, plusieurs nouvelles remarques sur la langue française,
ses expressions propres, figurées et burlesques, la
prononciation des mots les plus difficiles, le genre des noms, le
régime des verbes, avec les termes les plus communs des arts et
des sciences : le tout tiré de l’usage et des bons auteurs de la
langue française. De son côté, Antoine de Furetière, un
académicien lassé de la lenteur académicienne, s’attelle à son
propre dictionnaire qui paraît de manière posthume en 1690.
Ses collègues, vexés, l’excluent de leur compagnie en 1684 ! Il
y eut sans doute entre eux des « mots » qui ne figuraient pas
dans ces premiers dictionnaires !

L’Académie aujourd’hui
Le rôle de l’Académie tel que le définissent les
académiciens eux-mêmes sur le site Internet de
l’Académie française est le suivant :

Depuis la première édition du Dictionnaire de


l’Académie, qui représentait déjà un effort normatif
sans précédent, l’orthographe s’est considérablement
transformée, tant du fait d’une évolution naturelle que
par l’intervention raisonnée de l’Académie, des
lexicographes et des grammairiens. La réflexion sur
l’orthographe doit tenir compte de données multiples
et souvent contradictoires, comme le poids de l’usage
établi, les contraintes de l’étymologie et celles de la
prononciation, les pratiques de l’institution scolaire,
celles du monde des éditeurs et des imprimeurs, etc.

L’Académie s’est employée, tout au long de son


histoire, à maintenir un équilibre entre ces différentes
exigences, l’expérience prouvant que les projets
abstraits des réformateurs ne sauraient à eux seuls
faire plier l’usage. Ainsi adopta-t-elle en 1835, dans
la sixième édition de son Dictionnaire, l’orthographe
-ais pour les mots terminés jusqu’alors en -ois mais
prononcés depuis longtemps è (le françois, j’étois,
etc.), réforme réclamée au siècle précédent par
Voltaire.
On le constate ici, les « Immortels » ne s’érigent pas
en censeurs intransigeants de la langue française, mais
en « médiateurs » soucieux de créer un équilibre entre
l’usage et ses innovations, et l’ancrage dans la
transmission d’un patrimoine linguistique.

Le français, des mots qui bougent !

La langue classique du XVIIe siècle cherchait à rester proche


de l’étymologie ; par la suite, l’usage s’éloigne parfois des
origines comme vous pouvez le constater en observant
l’évolution du sens des termes suivants :

appareil → préparatif, apprêt, charme → action magique, cœur


→ courage, énerver → affaiblir, ennui → désespoir, étonner →
frapper comme le tonnerre, fier → cruel, formidable →
redoutable, terrifiant, gêne → torture, hasard → danger, injure
→ injustice, médiocre → moyen, modéré, monstre → prodige,
superbe → orgueilleux, travaux → exploits

Le français, la langue de la République


Le français devenant à la Révolution la langue de la
République, son apprentissage est alors un instrument à la fois
d’unification et d’éducation dans un pays où l’immense
majorité de la population ne sait ni lire ni écrire. Il l’est parfois
de manière radicale, comme en témoigne ce rapport de l’abbé
Grégoire en 1794 :

RAPPORT SUR LA NÉCESSITÉ ET LES


MOYENS D’ANÉANTIR LES PATOIS ET
D’UNIVERSALISER L’USAGE DE LA LANGUE
FRANÇAISE
16 prairial an II

Il n’y a qu’environ quinze départements de l’intérieur


où la langue française soit exclusivement parlée ;
encore y éprouve-t-elle des altérations sensibles, soit
dans la prononciation, soit par l’emploi des termes
impropres et surannés, surtout vers Sancerre, où l’on
retrouve une partie des expressions de Rabelais,
Amyot et Montaigne.

Nous n’avons plus de provinces, et nous avons encore


environ trente patois qui en rappellent les noms.

Peut-être n’est-il pas inutile d’en faire l’énumération :


le bas-breton, le normand, le picard, le rouchi ou
wallon, le flamand, le champenois, le messin, le
lorrain, le franc-comtois, le bourguignon, le bressan,
le lyonnais, le dauphinois, l’auvergnat, le poitevin, le
limousin, le picard, le provençal, le languedocien, le
velayen, le catalan, le béarnais, le basque, le rouergat
et le gascon ; ce dernier seul est parlé sur une surface
de 60 lieues en tout sens.

Au nombre des patois, on doit placer encore l’italien


de la Corse, des Alpes-Maritimes, et l’allemand des
Haut et Bas-Rhin, parce que ces deux idiomes y sont
très-dégénérés. […]

On peut assurer sans exagération qu’au moins six


millions de Français, surtout dans les campagnes,
ignorent la langue nationale ; qu’un nombre égal est à
peu près incapable de soutenir une conversation
suivie ; qu’en dernier résultat, le nombre de ceux qui
la parlent n’excède pas trois millions, et probablement
le nombre de ceux qui l’écrivent correctement encore
moindre.
Ainsi, avec trente patois différents, nous sommes
encore, pour le langage, à la tour de Babel, tandis
que, pour la liberté, nous formons l’avant-garde des
nations. […]

Cette disparité de dialectes a souvent contrarié les


opérations de vos commissaires dans les
départements. Ceux qui se trouvaient aux Pyrénées-
Orientales en octobre 1792 vous écrivirent que, chez
les Basques, peuple doux et brave, un grand nombre
était accessible au fanatisme, parce que l’idiome est
un obstacle à la propagation des lumières. La même
chose est arrivée dans d’autres départements, où des
scélérats fondaient sur l’ignorance de notre langue le
succès de leurs machinations contre-révolutionnaires.
[…]

Tout ce qu’on vient de dire appelle la conclusion, que


pour extirper tous les préjugés, développer toutes les
vérités, tous les talents, toutes les vertus, fondre tous
les citoyens dans la masse nationale, simplifier le
mécanisme et faciliter le jeu de la machine politique, il
faut identité de langage.

Au siècle suivant, les lois sur l’éducation (les lois


Jules Ferry, ministre de l’Instruction publique, de 1881
et 1882 rendent l’enseignement primaire public
gratuit, laïque et obligatoire), et au XXe siècle, le
développement de la presse et la diffusion des livres
contribuent à fixer durablement la forme et les codes
du français.
La loi de Jules !
La loi du 28 mars 1882, sur l’enseignement primaire
obligatoire, confirme un mouvement de scolarisation
et d’alphabétisation déjà commencé depuis plusieurs
décennies, elle donne aussi une forte impulsion à
l’apprentissage de la lecture et à la maîtrise de
l’écriture, notamment pour les filles.

Art. 4. – L’instruction primaire est obligatoire pour


les enfants des deux sexes âgés de six ans révolus à
treize ans révolus ; elle peut être donnée soit dans les
établissements d’instruction primaire ou secondaire,
soit dans les écoles publiques ou libres, soit dans les
familles par le père de famille lui-même ou par toute
personne qu’il aura choisie. Un règlement
déterminera les moyens d’assurer l’instruction
primaire aux enfants sourds-muets et aux aveugles.

Dans la Constitution de 1958, l’article 2 stipule : « La langue


de la République est le français » ; la loi du 4 août relative à
l’emploi de la langue française rappelle dans son article
premier :

Langue de la République en vertu de la Constitution,


la langue française est un élément fondamental de la
personnalité et du patrimoine de la France. Elle est la
langue de l’enseignement, du travail, des échanges et
des services publics. Elle est le lien privilégié des
États constituant la communauté de la francophonie.
Le français, une langue vivante
Le Journal officiel du 6 décembre 1990 publie un rapport du
Conseil supérieur de la langue française et indique ceci dans
son introduction :

Autant que les nouveaux besoins de notre époque, le


respect et l’amour de la langue exigent que sa
créativité, c’est-à-dire son aptitude à la néologie, soit
entretenue et facilitée : il faut pour cela que la graphie
des mots soit orientée vers plus de cohérence par des
règles simples.

Ensuite sont proposées plusieurs modifications, rectifications


(simplifications ?). Voici, par exemple, une liste de termes pour
lesquels une nouvelle graphie est proposée ; nous avons placé
entre parenthèses la graphie traditionnelle ; comment les
auriez-vous écrits ?

absout, absoute (participe, au lieu de absous,


absoute).
appâts (au lieu de appas).
assoir, rassoir, sursoir (au lieu de asseoir, etc.).
bonhommie (au lieu de bonhomie).
boursoufflement (au lieu de boursouflement).
charriot (au lieu de chariot).
chaussetrappe (au lieu de chausse-trape).
combattivité (au lieu de combativité).
cuisseau (au lieu de cuissot).
déciller (au lieu de dessiller).
dissout, dissoute (au lieu de dissous, dissoute).
douçâtre (au lieu de douceâtre) (d).
embattre (au lieu de embatre).
exéma (au lieu de eczéma) et ses dérivés.
guilde (au lieu de ghilde, graphie d’origine
étrangère).
imbécilité (au lieu de imbécillité).
innommé (au lieu de innomé).
levreau (au lieu de levraut).
nénufar (au lieu de nénuphar).
ognon (au lieu de oignon).
pagaille (au lieu de pagaïe, pagaye).
persifflage (au lieu de persiflage).
ponch (boisson, au lieu de punch).
prudhommal (avec soudure) (au lieu de prud’homal).
relai (au lieu de relais).
saccarine (au lieu de saccharine) et ses nombreux
dérivés.
sconse (au lieu de skunks).
sorgo (au lieu de sorgho, graphie d’origine étrangère).
sottie (au lieu de sotie).
tocade (au lieu de toquade).

L’Académie française, qui a approuvé cette initiative, signale


dès le mois suivant (séance du 17 janvier 1991) que celle-ci
« ne contient aucune disposition de caractère obligatoire » et
que « selon une procédure qu’elle a souvent mise en œuvre, elle
souhaite que ces simplifications et unifications soient soumises
à l’épreuve du temps, et elle se propose de juger, après une
période d’observation, des graphies et emplois que l’usage
aura retenus. Elle se réserve de confirmer ou d’infirmer alors
les recommandations proposées. »

Aujourd’hui, on se rend bien compte que l’usage prévaut et que


les amateurs de tartes à « l’oignon » (il y en a !) n’ont pas
adopté la graphie « ognon », et que les admirateurs des
superbes Nymphéas de Monet (il y en a aussi beaucoup !) sont
toujours émerveillés devant les couleurs des nénuphars et non
des « nénufars » !
Le français, la francophonie, les Jeux et la politique !
Actuellement le français représente une communauté d’environ
250 millions de locuteurs : pour certains, c’est une langue
maternelle (la France, le Québec, la région wallonne, la Suisse
romande, Monaco), pour d’autres il s’agit d’une langue
administrative ou d’une seconde langue (dans des pays qui sont
d’anciennes colonies comme l’Algérie, le Maroc, la Tunisie), et
pour d’autres enfin d’une langue à vocation culturelle
(Roumanie, Liban, Pologne). Même si l’influence du français
est moins forte que par le passé, sa présence est encore
indéniable : ainsi depuis la création des Jeux olympiques
modernes par Pierre de Coubertin en 1896, le français est avec
l’anglais la langue officielle du Comité international
olympique. On se rappellera aussi que lors du « printemps
arabe » de 2011 le slogan des manifestants qui réclamaient la
démocratie dans leur pays était : « Dégage », injonction
adressée aux dirigeants en place !

L’écriture du XXIe siècle


Aujourd’hui, la langue française, qui peut paraître bousculée à
l’oral, demeure relativement stable à l’écrit, malgré les
tentatives de réforme (qui, nous l’avons dit plus haut, restent
vaines) et l’influence de l’anglais dans certains domaines (les
médias, Internet, le sport, la publicité, le commerce, la
finance) ; sa maîtrise reste une condition sine qua non pour
réussir dans un grand nombre de situations.

L’évolution du français écrit en 10 extraits, en 10


siècles
Vous l’avez constaté, le français, comme toutes les langues
vivantes, évolue dans le temps. Pour l’illustrer, voici un bref
voyage dans le temps à travers 10 extraits de 10 siècles : si
pour les trois premiers textes nous avons joint une
« traduction », vous conviendrez que, dès le texte du XIIIe
siècle, les principaux éléments de la langue que nous
pratiquons tous les jours apparaissent. On constate la stabilité
du vocabulaire, de sa graphie et des constructions : ainsi, notre
langue est une sorte d’organisme à la fois vivant et ancien, dont
les constantes régénérations ne modifient jamais les structures
profondes ; en d’autres termes, si nous devenions des
« visiteurs du temps » et que nous nous retrouvions au XVIIe
ou au XIXe siècle, nos écrits seraient parfaitement compris
pour l’essentiel, à l’exception évidemment de quelques
anachronismes…

XIIe siècle : Ce n’est pas un coup d’épée dans l’eau !


Roland, impétueux (et improbable) neveu de Charlemagne (le
Charles à barbe blanche), ne va pas fort ; mortellement blessé
par les « méchants Maures », il cherche à se débarrasser de son
épée Durendal en la brisant sur un rocher ; mais l’acier est
solide !

Cet extrait d’une des plus anciennes chansons de geste a


traversé les siècles et fait partie de ces longs poèmes épiques,
souvent anonymes comme celui-ci, qui content les exploits de
héros légendaires.

Ço sent Rolant la veüe ad perdue,


Met sei sur piez, quanqu’il poet s’esvertuet ;
En sun visage sa culur ad perdue.
Dedevant lui ad une perre byse.
.X. colps i fiert par doel e par rancune.
Cruist li acers, ne freint ne ne s’esgruignet.
« E ! dist li quens, seinte Marie, aiüe !
E ! Durendal, bone, si mare fustes !
Quant jo mei perd, de vos nen ai mais cure.
Tantes batailles en camp en ai vencues
E tantes teres larges escumbatues,
Que Carles tient, ki la barbe ad canue !
Ne vos ait hume ki pur altre fuiet !
Mult bon vassal vos ad lung tens tenue.
Ja mais n’ert en France l’asolue.

« Roland sent que sa vue se brouille.


Il se met sur pieds, tant qu’il peut s’évertue ;
Son visage a perdu sa couleur.
Devant lui se trouve une pierre brune.
Il y frappe dix coups, plein de deuil et de rancœur.
L’acier crisse, il ne se brise ni ne s’ébrèche.
“Ah !” dit le comte, sainte Marie, à mon aide !
Ah ! Durendal, bonne Durendal, c’est pitié de vous !
Puisque je meurs, je n’ai plus besoin de vous.
Par vous j’ai gagné tant de batailles en campagne
Et j’ai gagné tant de larges terres,
Que Charles, à la barbe blanche, possède !
Ne venez jamais aux mains d’un homme qui puisse
fuir devant un autre !
Un bon vassal vous a longtemps tenue.
Il n’y aura jamais votre pareille en France la sainte. »

La Chanson de Roland, vers 1100.

XIIIe siècle : Dites-le avec des roses !


La rose, emblème de la féminité, fait très tôt son apparition
dans les textes écrits en français. Le Roman de la Rose, éloge
de l’amour courtois, fut à son époque un vrai best-seller ; à tel
point qu’à la fin du XIIIe siècle, un autre poète, Jean de Meun,
donna une suite à l’œuvre.
Certes ce court extrait est très « sage », mais si la curiosité vous
pousse, n’hésitez pas à faire un tour plus complet du côté du
roman de Guillaume de Lorris (1200-1238) ; vous ne serez pas
déçu, et il pourra vous inspirer pour écrire un mot doux à votre
amoureux(-se).

Des roses y ot grant monciaus,


Aussi beles n’avoit sous ciaus ;
Boutons y ot petis et clos,
Et tex qui sont un poi plus gros ;
Si en y ot d’autre moison,
En tex leus y ot grant foison
Qui s’aprestoient d’espanir.
Et cil ne font pas a haïr :
Les roses ouvertes et lees
Sont en un jor toutes alees,
Et li bouton durent tuit frois
A tout le mains deux jors ou trois.
Et cil bouton mout m’abelurent,
Onc en nul leu si biau ne furent.
Qui em porroit un accrochier,
Il le devroit avoit mout chier ;
Se chapel en peüsse avoir,
Je n’amasse tant nul avoir.

« Il y avait une grande quantité de roses,


Si belles qu’il n’y avait pas de pareilles sous le ciel ;
Il y avait des boutons petits et fermés,
Et d’autres un peu plus gros ;
Il y en avait aussi d’une autre taille,
Dans certains endroits il y en avait à foison
Qui allaient bientôt s’épanouir.
Et ceux-là ne doivent pas être méprisés :
Les roses largement ouvertes
Se fanent en un seul jour,
Et les boutons tout frais durent
Au moins deux jours ou trois.
Et ces boutons me plurent beaucoup,
Jamais nulle part il n’y en avait eu de si beaux.
Qui pourrait en obtenir un,
Devrait le tenir en grande affection ;
Si j’avais pu en avoir une couronne,
Je ne lui aurais rien préféré. »

Guillaume de Lorris, Le Roman de la Rose, vers


1230-1235.

XIVe siècle : Cette dame a du « chien » !


Sans doute une féministe avant la lettre, Christine de Pisan
(1364-1430) s’impose comme la première grande figure
féminine de la littérature française.

La dame
Qui son chien veult tuer lui met la rage
Assus, dist on, ainsi me veulz tu faire
Faulx desloyal, qui dis que mon corage
Se veult de toy, pour autre amer, retraire.
Mais tu scez bien, certes, tout le contraire
Et qu’en mon cuer n’a grain de tricherie.
Mais cë es tu mauvais, tu t’as biau taire,
Qui deceveur es plain de menterie.

« Celui qui veut tuer son chien lui donne la rage


Dit-on, et c’est ce que tu veux me faire
Traître, qui prétend que mon amour
Pour toi se détourne au profit d’un autre.
Mais tu sais parfaitement que c’est faux
Et qu’en mon cœur il n’y a pas de tromperie.
Mais je sais que toi tu es mauvais, tu as beau te taire
Tu es un trompeur plein de mensonge. »

Christine de Pisan, Cent Ballades d’amant et de


dame,
Ballade XCIV, vers 1394-1410.

XVe siècle : Vous pouvez lire ce rondeau sans


traduction !
Ce poème vous rappelle peut-être des souvenirs d’école
primaire et en particulier une récitation que vous avez apprise.
Souvenir, souvenir… Il est l’œuvre d’un prisonnier, Charles
d’Orléans (1394-1465) : celui-ci, après la bataille d’Azincourt
(pendant la fameuse guerre de Cent Ans !), passa vingt-cinq
ans en captivité en Angleterre.

Le temps a laissié son manteau


De vent, de froidure et de pluye,
Et s’est vestu de broderye,
De soleil luyant, cler et beau.
Il n’y a beste, ne oyseau,
Qu’en son jargon ne chante ou crie :
Le temps a laissié son manteau.
Rivière, fontaine et ruisseau
Portent, en livree jolie,
Gouttes d’argent d’orfavrerie,
Chascun s’abille de nouveau :
Le temps a laissié son manteau.

Charles d’Orléans, Ballades, vers 1450-1460.


XVIe siècle : Les voyages forment la jeunesse et font de
beaux textes !
Ce sonnet est probablement un des plus célèbres de la poésie
française ; son auteur, Joachim du Bellay (1522-1560), fut un
ardent défenseur de la langue française. À l’époque de sa
rédaction, Du Bellay se trouve à Rome où il travaille comme
secrétaire de son oncle le cardinal Du Bellay.

En 2008, le chanteur Ridan a repris dans une chanson ce poème


de Du Bellay ; à votre tour, prenez un air d’une chanson que
vous aimez bien et écrivez un texte où le souvenir d’un voyage
sera le thème central. Et puis faites-en un tube !

Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage,


Ou comme cestuy là qui conquit la Toison,
Et puis est retourné, plein d’usage et raison,
Vivre entre ses parents le reste de son aage !

Quand revoiray-je, hélas, de mon petit village


Fumer la cheminée, et en quelle saison,
Revoiray-je le clos de ma pauvre maison,
Qui m’est une province, et beaucoup d’avantage ?

Plus me plaist le séjour qu’ont basty mes ayeux,


Que des palais Romains le front audacieux,
Plus que le marbre dur me plaist l’ardoise fine,
Plus mon Loyre Gaulois, que le Tybre Latin,
Plus mon petit Lyré, que le mont Palatin,
Et plus que l’air marin la doulceur Angevine.

Joachim du Bellay, Les Regrets, sonnet XXXI,


1558.
XVIIe siècle : Une histoire délicate !
Avec ce passage, Pierre Corneille (1606-1684) vient d’inventer
le fameux dilemme cornélien ! Moment terrible que celui où le
jeune Rodrigue doit venger l’honneur de son père en
provoquant en duel le père de Chimène, son amoureuse.

RODRIGUE

Percé jusques au fond du cœur


D’une atteinte impréveuë aussi bien que mortelle,
Misérable vangeur d’une juste querelle,
Et mal-heureux objet d’une injuste rigueur,
Je demeure immobile, et mon ame abbatue
Cède au coup qui me tuë.
Si prés de voir mon feu récompensé,
O Dieu, l’estrange peine !
En cet affront mon père est l’offensé,
Et l’offenseur le père de Chimène !

Pierre Corneille, Le Cid, acte I, scène 6, 1637,


édition de 1639.

XVIIIe siècle : La leçon de Jean-Jacques !


Pour l’écriture, vous pouvez aussi appliquer ce conseil de
Rousseau ; si vous avez le désir d’écrire, vous possédez
l’essentiel !

On se fait une grande affaire de chercher les


meilleures méthodes d’apprendre à lire ; on invente
des bureaux, des cartes ; on fait de la chambre d’un
enfant un atelier d’imprimerie. Locke veut qu’il
apprenne à lire avec des dés. Ne voilà-t-il pas une
invention bien trouvée ? Quelle pitié ! Un moyen plus
sûr que tout cela ; et celui qu’on oublie toujours, est le
désir d’apprendre. Donnez à un enfant ce désir, puis
laissez-là vos bureaux et vos dés, toute méthode lui
sera bonne.

Jean-Jacques Rousseau, Émile ou de l’éducation,


1762.

XIXe siècle : Le grand Victor Hugo


Les Misérables, monument de la littérature française (le roman
bien sûr, même si cela vaut aussi pour l’auteur !), Victor Hugo
en explique brillamment la nécessité dans sa préface (il n’y a
rien à ajouter !) :

Tant qu’il existera, par le fait des lois et des mœurs,


une damnation sociale créant artificiellement, en
pleine civilisation, des enfers, et compliquant d’une
fatalité humaine la destinée qui est divine ; tant que
les trois problèmes du siècle, la dégradation de
l’homme par le prolétariat, la déchéance de la femme
par la faim, l’atrophie de l’enfant par la nuit, ne
seront pas résolus ; tant que, dans de certaines
régions, l’asphyxie sociale sera possible ; en d’autres
termes, et à un point de vue plus étendu encore, tant
qu’il y aura sur la terre ignorance et misère, des livres
de la nature de celui-ci pourront ne pas être inutiles.

Hauteville-House, 1862.
Victor Hugo, Les Misérables, Préface.
Le spectacle était épouvantable et charmant.
Gavroche, fusillé, taquinait la fusillade. Il avait l’air
de s’amuser beaucoup. C’était le moineau becquetant
les chasseurs. Il répondait à chaque décharge par un
couplet. On le visait sans cesse, on le manquait
toujours. Les gardes nationaux et les soldats riaient en
l’ajustant. Il se couchait, puis se redressait, s’effaçait
dans un coin de porte, puis bondissait, disparaissait,
reparaissait, se sauvait, revenait, ripostait à la
mitraille par des pieds de nez, et cependant pillait les
cartouches, vidait les gibernes et remplissait son
panier. Les insurgés, haletants d’anxiété, le suivaient
des yeux. La barricade tremblait ; lui, il chantait. Ce
n’était pas un enfant, ce n’était pas un homme ; c’était
un étrange gamin fée. On eût dit le nain invulnérable
de la mêlée. Les balles couraient après lui, il était plus
leste qu’elles. Il jouait on ne sait quel effrayant jeu de
cache-cache avec la mort ; chaque fois que la face
camarde du spectre s’approchait, le gamin lui donnait
une pichenette.

Une balle pourtant, mieux ajustée ou plus traître que


les autres, finit par atteindre l’enfant feu follet. On vit
Gavroche chanceler, puis il s’affaissa. Toute la
barricade poussa un cri ; mais il y avait de l’Antée
dans ce pygmée ; pour le gamin toucher le pavé, c’est
comme pour le géant toucher la terre ; Gavroche
n’était tombé que pour se redresser ; il resta assis sur
son séant, un long filet de sang rayait son visage, il
éleva ses deux bras en l’air, regarda du côté d’où était
venu le coup, et se mit à chanter.

Je suis tombé par terre,


C’est la faute à Voltaire,
Le nez dans le ruisseau,
C’est la faute à…
Il n’acheva point. Une seconde balle du même tireur
l’arrêta court. Cette fois il s’abattit la face contre le
pavé, et ne remua plus. Cette petite grande âme venait
de s’envoler.

Victor Hugo, Les Misérables, tome V, livre I,


chapitre XV, 1862.

XXe siècle : Un prix Nobel 1957


Sans doute, un des incipit les plus connus de la littérature
française. Dans le roman L’Étranger, Albert Camus, prix
Nobel de littérature en 1957, met en œuvre une écriture
dépouillée au service d’une histoire marquée par le destin. Vous
avez remarqué comme les phrases courtes prolongent celles du
télégramme et illustrent la vitesse des pensées qui traversent
l’esprit du personnage (il s’appelle Meursault) ?

Aujourd’hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne


sais pas. J’ai reçu un télégramme de l’asile : « Mère
décédée. Enterrement demain. Sentiments distingués. »
Cela ne veut rien dire. C’était peut-être hier.
(…) J’ai demandé deux jours de congé à mon patron
et il ne pouvait pas me les refuser avec une excuse
pareille. Mais il n’avait pas l’air content. Je lui ai
même dit : « Ce n’est pas de ma faute. » Il n’a pas
répondu. J’ai pensé alors que je n’aurais pas dû lui
dire cela. En somme, je n’avais pas à m’excuser.
C’était plutôt à lui de me présenter ses condoléances.
Mais il le fera sans doute après-demain, quand il me
verra en deuil. Pour le moment, c’est un peu comme si
maman n’était pas morte. Après l’enterrement, au
contraire, ce sera une affaire classée et tout aura
revêtu une allure plus officielle.
Albert Camus, L’Étranger (1942), Gallimard.

XXIe siècle : Début de siècle, début de millénaire…


Comment choisir dans cette première décennie de ce nouveau
siècle, de ce nouveau millénaire, un auteur, un texte,
emblématique ? Vous avez sans doute votre petite idée…

Nous avons pensé à la conclusion d’un bref texte d’un jeune


homme de 93 ans qui écrit pour dire à quel point il croit en la
vie et au pouvoir des mots pour rendre le monde meilleur :

Comment conclure cet appel à s’indigner ? En


rappelant encore que, (…), nous disons le 8 mars 2004
(…) que certes « le nazisme est vaincu, grâce au
sacrifice de nos frères et sœurs de la Résistance et des
Nations unies contre la barbarie fasciste. Mais cette
menace n’a pas totalement disparu et notre colère
contre l’injustice est toujours intacte ». (…)

À ceux et à celles qui feront le XXIe siècle, nous disons


avec notre affection « CRÉER, C’EST RÉSISTER.
RÉSISTER C’EST CRÉER. »

Stéphane Hessel, Indignez-vous, Indigène, coll.


« Ceux qui marchent contre le vent », 2010.
Chapitre 3

Les textes, une grande famille

Dans ce chapitre :
Vous aimez les surprises ? Oui. Alors, faites une
petite visite avec nous dans la fabrique de l’écriture
La phrase c’est simple, la phrase c’est complexe
Les types de textes

La maîtrise du crayon qui forme le dessin magique des lettres


qui pourront se regarder, être lues, être comprises… Sans
doute, à la maternelle, un petit mot pour la fête des mères ou
des pères ; la joie, l’émerveillement de vos parents, à la fois
touchés par votre compliment mais aussi par votre entrée dans
le monde de l’écriture, dans le monde des grands en quelque
sorte ! Soit ! Mais passé ce moment d’émotion, ce qui vous
intéresse précisément aujourd’hui, c’est de pouvoir utiliser ce
pouvoir de l’écriture ! Ainsi, avec seulement 26 lettres (a, b, c,
d, e, f, g, h, i, j, k, l, m, n, o, p, q, r, s, t, u, v, w, y, x, z), nous
pouvons penser, communiquer, transmettre, inventer, émouvoir,
et ouvrir tous les jours de nouveaux horizons d’espoir !

Ce chapitre vous décrit comment fonctionne cette production


d’écriture et comment, par choix et combinaisons de mots, de
phrases, se construisent progressivement des textes aux
finalités très différentes.
Rappelez-vous… le premier mot écrit, le premier mot lu, cela
paraît si lointain, et peut-être aujourd’hui si anodin, et
pourtant…

Les Romains pensaient que l’homme et son esprit sont animés


par deux génies, un bon et un mauvais, et que, selon leurs
forces respectives, ceux-ci façonnaient un être généreux,
agréable, soucieux de son prochain, ou au contraire une sombre
brute, avide, écrasant tout sur son passage. Fort heureusement,
ces deux génies pouvaient aussi cohabiter (la cohabitation n’est
donc pas une invention politique récente !) et donner des
individus complexes, ni tout à fait bons ni tout à fait méchants,
des êtres humains comme vous et moi en quelque sorte ! Et
force est de constater que cette humanité (capable donc du pire
mais aussi du meilleur, et dans laquelle nous pouvons nous
reconnaître) possède de nombreuses qualités.

Vous voulez des preuves ?

Prenons deux exemples. D’abord celui de la musique. Avec


seulement sept notes (do, ré mi, fa, sol, la, si) elle a créé de
purs chefs-d’œuvre de beauté et d’émotion… Mais c’est le
second exemple, celui de l’écriture, qui nous intéresse plus
particulièrement ici, puisque c’est grâce à lui que vous êtes en
train de lire tout ceci.

Comment ça marche ?
Nous possédons tous une sorte de petite fabrique d’écriture
plus ou moins développée et qui sert plus ou moins selon les
goûts et les nécessités de chacun.

Et l’on peut dire que nous possédons tous une merveilleuse


machine à fabriquer du sens par le biais des mots et des
phrases ; elle est unique, cependant son principe de
fonctionnement est le même pour tous. Rassurez-vous, nous
n’allons pas déployer devant vous cet arsenal technique qui
vous a fait fuir (« ennuyé, rasé, pénalisé », au choix !) pendant
votre scolarité ; ici nous éviterons une terminologie trop
technique (déictiques spatiaux, syntagmes, axe paradigmatique,
élément cataphorique, synérèse, catachrèse !) certes utile pour
les spécialistes, mais qui pour nous, humbles mortels, fait
ressembler les notions simples aux pentes escarpées d’un
Olympe inatteignable !

Le chat chasse les souris


Observons la fabrique à l’œuvre ; prenons une phrase toute
simple : Le chat chasse les souris.

Cela n’a l’air de rien, mais pour fabriquer cette phrase dont la
qualité littéraire et la portée philosophique ne vous aura pas
échappé, il a fallu mettre en œuvre des phénomènes d’une
extraordinaire complexité qui dépasse de très loin les capacités
des plus puissants des ordinateurs en service à l’heure actuelle.
Vous en doutez ? Eh bien, observons ce qui s’est passé.

Le chat chasse les souris.

Vous conviendrez qu’à la place du premier mot le, l’article


défini, vous aviez d’autres possibilités : tous les autres articles,
tous les adjectifs numéraux cardinaux (un, deux, trois, quatre,
cent, etc.), tous les adjectifs démonstratifs, des adverbes, des
conjonctions, des pronoms, etc. Enfin, beaucoup de choix et
vous avez pourtant choisi le, écartant d’un coup toutes les
autres solutions. En d’autres termes, à la vitesse de l’éclair
vous avez sélectionné, parmi des centaines de possibilités, un
mot et pas un autre, vous avez prélevé le terme qui vous
intéressait et dans le même temps écarté tous les autres ! À ce
stade vous auriez pu vous reposer, mais vous avez continué !
Ce le a déterminé une deuxième opération : le deuxième choix
devait nécessairement être un mot masculin et singulier ;
autrement dit des milliers et des milliers de possibilités ! Des
noms d’objets, de végétaux, d’animaux, des mots concrets,
abstraits… arrêtons là l’énumération ! Parmi tous ces choix,
vous avez choisi chat, écartant une nouvelle fois tous les
autres ! Mais ce travail de titan ne s’est pas arrêté ! Toujours à
cette même vitesse de l’éclair, vous avez puisé dans l’immense
réserve de verbes (plus de 12 000 !) un verbe, et un seul,
laissant tous les autres de côté ! Et de nouveau, même
opération avec les, puis avec souris. Et votre phrase a jailli ! Le
chat était ravi, les souris moins !

Mais il ne vous aura pas échappé que la phrase produite est


« Le chat chasse les souris », et non pas, par exemple les
phrases erronées suivantes : chat le les chasse souris* – chasse
les chat le souris* – souris les chasse chat le*

Non seulement vous avez sélectionné des mots mais dans le


même temps vous les avez combinés dans un certain ordre pour
produire un sens précis ; par ailleurs cette combinaison a tenu
compte de règles d’orthographe et de grammaire, car vous
n’avez pas écrit ces horreurs : le chats mangent les souris * – le
chas manges laid sourit !*

Évidemment, lorsque nous parlons, lorsque nous écrivons,


toutes ces opérations de choix, de combinaisons, de respect de
codes se font presque spontanément. Votre cerveau fonctionne
à une vitesse qui dépasse de loin le plus puissant des
ordinateurs. L’idée a jailli et dans le même temps la recherche
des mots nécessaires pour l’exprimer est lancée (et les souris
sont aux abris !). Cependant, parfois, il y a de petites
défaillances : un mot qui manque, il est sur le bout de la langue,
ou une faute d’orthographe ou de syntaxe (vous deviez être
absent ce jour-là à l’école lorsque le professeur a étudié ce
point de langue…).
Ainsi faire des phrases, écrire, mobilise à la fois le choix de
mots et leur combinaison. Il faut trouver les bons mots et les
combiner entre eux dans un certain ordre pour produire un sens
compréhensible par tous, sinon « moi, y en a vouloir écrire
mais vous pas pouvoir comprendre » ! Donc, plus vous aurez
de mots à votre disposition et plus vous pourrez choisir ceux
qui conviennent à la situation, et plus vous maîtriserez les
codes de combinaison (la grammaire pour faire simple !), et
plus vous serez convaincant et compris.

Parler, écrire, c’est donc en permanence choisir et


combiner !
Si vous aimez les comparaisons, nous vous proposons trois
images pour illustrer cet acte d’écriture.

Image n° 1 : écrire, c’est comme une recette de cuisine !

Aux fourneaux ! C’est vous le chef ! Pour écrire, nous avons


donc besoin de solliciter nos réserves de mots et des
mécanismes de sélection et de combinaison. Imaginez que vous
êtes un grand chef de cuisinier (nous avons bien dit,
imaginons !) : pour réaliser un plat, il vous faudra suivre un
certain nombre d’étapes. Eh bien pour écrire, c’est pareil !
Mettez votre toque, et commençons ! Voilà, maintenant que
vous êtes « toqué », vous allez d’abord faire votre marché,
choisir avec soin vos ingrédients (les mots), puis passer à la
confection de la recette (fabrication du texte) et servir le plat à
déguster (transmettre votre écrit). Naturellement, le grand chef,
aussi doué fût-il, est passé par des phases d’apprentissage, de
difficultés, de ratages (ça sent le brûlé, c’est trop salé, trop
sucré, pas assez, mal cuit !), il a progressivement trouvé les
bons équilibres, ses préférences, son style ! Eh bien, pour
l’écriture, c’est pareil !
Image n° 2 : écrire, c’est comme réaliser un puzzle !

Vous avez sur le dessus de la boîte l’image à réaliser, et à


l’intérieur des centaines (parfois des milliers !) de pièces en
vrac. La plupart du temps, vous commencez par faire des tris,
des tas, en regroupant les pièces par couleurs, en repérant celles
qui correspondent aux angles, aux côtés ; ensuite, c’est la
recherche, le tâtonnement, le petit plaisir quand la pièce
s’emboîte parfaitement, quand des morceaux de l’image
commencent à se dessiner, et puis le grand plaisir quand sur la
table reste une pièce, « la pièce », et que l’image est
reconstituée. Pour l’écriture, c’est pareil ! Un texte à écrire, des
idées qui viennent pêle-mêle de tous côtés (références
personnelles, notes, consultation de documents, discussion,
éclairs de génie…), puis des ensembles qui se constituent, un
plan qui s’esquisse, une logique qui se met en place, des
arguments qui arrivent, des paragraphes qui se construisent, des
tentatives, des brouillons, des réécritures, et enfin la version
finale, lisible, dont vous êtes l’auteur et qui est devenue un
prolongement de vous-même, la représentation de votre travail,
d’une conviction, d’une idée, d’un sentiment, d’une rêverie,
d’un projet…

Image n° 3 : écrire, ce n’est pas un plan de cinéma !

Écrire est un moyen d’expression qui canalise la pensée dans


un acte linéaire et chronologique. Par exemple, si vous êtes un
scénariste de cinéma et que vous deviez décrire une scène où le
héros arrive à vive allure en voiture dans une rue où il y a
beaucoup de circulation, vous écrivez : « Il se faufile tant bien
que mal, slalome entre les voitures, se fait klaxonner, insulter,
et finalement se gare devant un immeuble. Il descend
précipitamment et retrouve sur le trottoir une belle jeune
femme inquiète qui semblait l’attendre… » Arrêtons là notre
scénario. Maintenant cette séquence devient une scène de
cinéma : dans le même plan, vous pourrez voir déboucher la
voiture au bout de la rue, sa progression difficile dans la
circulation, son arrivée devant l’hôtel et le début de la
rencontre de l’homme avec la belle jeune femme inquiète.
Toutes ces informations seront données dans un même plan, car
l’image est synchrone, dans l’immédiateté ; en revanche,
l’écriture construit peu à peu un espace, un univers, des
personnages, des relations.

La prose de Monsieur
Jourdain
MONSIEUR JOURDAIN

Par ma foi ! il y a plus de quarante ans que je dis de


la prose sans que j’en susse rien, et je vous suis le
plus obligé du monde de m’avoir appris cela. Je
voudrais donc lui mettre dans un billet : « Belle
marquise, vous beaux yeux me font mourir
d’amour » ; mais je voudrais que cela fût mis d’une
manière galante, que cela fût tourné gentiment. […]

MAÎTRE DE PHILOSOPHIE

Il faut bien étendre un peu la chose.

MONSIEUR JOURDAIN

Non, vous dis-je, je ne veux que ces seules paroles-là


dans le billet ; mais tournées à la mode, bien
arrangées comme il faut. Je vous prie de me dire un
peu, pour voir, les diverses manières dont on peut les
mettre.
MAÎTRE DE PHILOSOPHIE

On les peut mettre premièrement comme vous avez


dit : « Belle marquise, vos beaux yeux me font mourir
d’amour. » Ou bien : « D’amour mourir me font, belle
Marquise, vos beaux yeux. » Ou bien : « Vos beaux
yeux d’amour me font, belle Marquise, mourir. » Ou
bien : « Mourir vos beaux yeux, belle Marquise,
d’amour me font. » Ou bien : « Me font vos yeux
beaux mourir, belle Marquise, d’amour. »

Molière, Le Bourgeois gentilhomme, acte II, scène


V, 1670.

Flash d’écriture
Avec des si… Si vous veniez de gagner le gros lot au Loto,
rédigez vos 10 priorités.

« Cette manie de faire des phrases » !


Prose ou pas prose, l’écriture demande toujours une
organisation, faute de quoi, le risque est de ne pas être
compris ! « Si lui vouloir parler à moi, moi pas Jane et lui pas
Tarzan ! Sinon, moi y en avoir pas comprendre. » Autrement
dit, il faut résolument lâcher la liane, retourner à la ligne en
descendant de son arbre et faire le saut de page nécessaire, bref,
parler des phrases sans emphase, observer leur construction et
les utiliser. Alors .allons-y !

La phrase sans verbe


Non, la phrase sans verbe (autrement dit une phrase nominale)
n’est pas comme un vélo sans roue, on peut en faire !

Dans notre monde contemporain placé sous le signe de la


vitesse, la phrase nominale connaît une belle vitalité ; il s’agit
tout simplement d’une phrase sans verbe : on la trouve en
abondance dans les titres de journaux, de films, de livres, les
SMS, les réseaux sociaux (Twitter, Facebook), la messagerie
électronique. De fait, tous les outils modernes de
communication poussent à écrire de manière succincte.
Pourquoi pas, si ce n’est pas la pensée qui en pâtit, en devenant
à son tour anémique ! Voici quelques exemples de phrases
nominales :

Extraordinaire, ce film !
Premier baiser, première émotion.
L’Or, titre d’un roman de Blaise Cendrars
Rendez-vous à 5 heures devant le Panthéon.
Quel chameau !
Sous les pavés la plage (slogan de mai 1968)

La phrase simple
Voici trois exemples de phrases simples qui ne bouleverseront
pas l’histoire de la littérature française :

Je mange une pomme.


Julien a mangé deux pommes.
Les enfants avaient mangé des pommes rouges.

Mais ces phrases ne sont pas simplettes ; chacune comprend


trois éléments : un groupe sujet (Je, Julien, Les enfants), un
groupe verbal (mange, a mangé, avaient mangé) et un groupe
complément (une pomme, deux pommes, des pommes rouges).
Ces trois éléments sont nécessaires à la construction d’une
phrase simple.

La phrase complexe
La phrase complexe n’est pas compliquée ; elle comporte une
proposition principale et des propositions qui en dépendent, les
subordonnées. Reprenons nos pommes :

Je mange cette pomme (proposition principale) qui est mûre


(proposition subordonnée).

Julien a mangé les deux pommes (proposition principale)


qu’il avait cueillies sur l’arbre et qui n’étaient pas encore
mûres (propositions subordonnées).

La période
La période est une longue phrase dont on voit malgré tout le
bout ; elle est composée de plusieurs propositions :

Les enfants resteront en bonne santé et grandiront sans carence


alimentaire en profitant d’une nutrition équilibrée, tant qu’ils
mangeront des pommes, tant qu’ils consommeront des légumes
verts, tant qu’ils ne se gaveront pas de sucreries et de sodas,
mais dès l’instant où ils ne respecteront plus ces principes de
base, alors ils s’exposeront à toutes sortes d’inconvénients.
Voilà ! C’est tout. Nous avons fait le tour des types de phrases.
Comme vous le constatez, cela n’est pas la mer à boire (drôle
d’image, non ?).

Méfiez-vous des phrases à enchâssements


N’égarez pas vos possibles lecteurs en ayant recours à ces
labyrinthes que sont parfois les phrases à enchâssements.
Lorsque vous écrivez, rappelez-vous toujours que la
signification progresse avec la lecture de chaque mot ; lorsque
vous avez commencé à produire une signification, allez le plus
rapidement possible au bout de votre idée, sinon vous risquez
de perdre votre lecteur. Par exemple, vous écrivez :

Paul m’a invité à venir passer quelques jours dans sa maison


de l’île de Groix.

D’abord dites-vous que vous avez de la chance, car c’est une


île magnifique située au large de Lorient, dans le Morbihan.
Maintenant vous souhaitez introduire une seconde information
tout en conservant la première :

Paul, qui est un écrivain connu, m’a invité à venir passer


quelques jours dans sa maison de l’île de Groix.

C’est vrai, il est connu et cela vous flatte de le faire savoir,


bien. Vous constatez que la première information n’arrive pas
tout de suite, elle est en quelque sorte suspendue par la
présence de la seconde information qui crée une espèce de
retard. Mais l’ensemble est encore lisible. Continuons en
ajoutant une troisième information :

Paul, qui est un écrivain connu et qui est un ami de longue


date, m’a invité à venir passer quelques jours dans sa maison
de l’île de Groix.
Là, admettez que vous tirez la couverture à vous et que
l’information initiale tarde à venir… Continuons encore, en
ajoutant une quatrième information ;

Paul, qui est un écrivain connu, ami de longue date que j’ai
rencontré sur les bancs de la communale, m’a invité à venir
passer quelques jours dans sa maison de l’île de Groix.

Reconnaissez que c’est lourd et que le sens principal se fait de


plus en plus attendre. Allez, une information supplémentaire
pour finir !

Paul, qui est un écrivain connu, ami de longue date que j’ai
rencontré sur les bancs de la communale où nous avons fait les
quatre cents coups, m’a invité à venir passer quelques jours
dans sa maison de l’île de Groix.

Ouf ! C’est fini ! Vous admettez que toutes ces informations


intercalées comprises entre Paul et m’a invité ont rendu
secondaire la signification première ; un comble ! Vous l’avez
compris, méfiez-vous de ces enchâssements ! Alors, le mieux
est de faire une première phrase pour dire que Paul vous a
invité à Groix ; puis une deuxième pour signaler sa notoriété
d’écrivain ; et enfin une dernière phrase pour évoquer vos
souvenirs d’enfance. Et de vérifier l’état de la mer avant de
prendre le ferry de Groix !

Écrire c’est aussi mettre du rythme dans la phrase


Avec le rythme, on entre dans le domaine du style, et chacun
possède le sien. À vous de choisir !

Le rythme binaire
Là c’est facile, il suffit de savoir compter jusqu’à 2 ! La phrase
comporte deux parties d’égale longueur et souvent de même
construction ; ce rythme permet une symétrie pour exprimer
soit un parallélisme, soit une opposition. Un exemple ? Soit,
sollicitons Alcofribas Nasier :

Les uns mouraient sans parler, les autres parlaient


sans mourir.

Vous avez reconnu la prose de Gargantua et cette phrase


extraite de la fameuse bataille où un moine, Jean des
Entommeures (ce qui veut dire frère Jean du Hachis !), met en
déroute une armée entière à lui tout seul ; vous vous rappelez
aussi maintenant que François Rabelais s’était amusé à prendre
l’anagramme de son identité pour faire Alcofribas Nasier !

Le rythme ternaire
Comme pour le rythme binaire, la phrase du rythme ternaire
comporte des parties d’égale longueur et de construction
proche, sauf qu’au lieu d’être composée de deux parties, il y en
a trois. Voici un bel exemple de la sobriété romaine ; comment
résister à cette phrase de Jules César ?

Je suis venu, j’ai vu, j’ai vaincu !

L’accumulation
Sollicitons un amoureux du verbe ! Dans cet extrait, tiré de
Quatrevingt-treize (1874) (orthographe hugolienne !), roman
historique sur la Révolution française, Victor Hugo décrit les
dégâts provoqués par un gros canon de marine qui vient de
rompre brutalement son amarre sur un bateau pris dans une
tempête (avec Hugo, pas de demi-mesure !) :

Cette masse court sur ses roues, a des mouvements de


bille de billard, penche avec le roulis, plonge avec le
tangage, va, vient, s’arrête, paraît méditer, reprend sa
course, traverse comme une flèche le navire d’un bout
à l’autre, pirouette, se dérobe, s’évade, se cabre,
heurte, ébrèche, tue, extermine.

La dentelle proustienne
Le rythme peut devenir un phénomène complexe. Voici un
exemple qui peut (nous vous l’accordons) donner le vertige :
propositions courtes, longues, enchâssements, du grand art ! Le
héros-narrateur, un certain Marcel (double de Proust), est
fasciné par la duchesse de Guermantes qui, au cours d’une
soirée à l’Opéra, lui a adressé « l’averse étincelante et céleste
de son sourire ». Il cherche à la revoir. Nous vous laissons
apprécier ce guet amoureux qui tient en quatre phrases :

Maintenant tous les matins, bien avant l’heure où elle


sortait, j’allais par un long détour me poster à l’angle
de la rue qu’elle descendait d’habitude, et, quand le
moment de son passage me semblait proche, je
remontais d’un air distrait, regardant dans une
direction opposée et levant les yeux vers elle dès que
j’arrivais à sa hauteur, mais comme si je ne m’étais
nullement attendu à la voir. Même les premiers jours,
pour être plus sûr de ne pas la manquer, j’attendais
devant la maison. Et chaque fois que la porte cochère
s’ouvrait (laissant passer successivement tant de
personnes qui n’étaient pas celle que j’attendais), son
ébranlement se prolongeait ensuite dans mon cœur en
oscillations qui mettaient longtemps à se calmer. Car
jamais fanatique d’une grande comédienne qu’il ne
connaît pas, allant faire « le pied de grue » devant la
sortie des artistes, jamais foule exaspérée ou idolâtre
réunie pour insulter ou porter en triomphe le
condamné ou le grand homme qu’on croit être sur le
point de passer chaque fois qu’on entend du bruit venu
de l’intérieur de la prison ou du palais ne furent aussi
émus que je l’étais, attendant le départ de cette grande
dame qui, dans sa toilette simple, savait, par la grâce
de sa marche (toute différente de l’allure qu’elle avait
quand elle entrait dans un salon ou dans une loge),
faire de sa promenade matinale – il n’y avait pour moi
qu’elle au monde qui se promenât – tout un poème
d’élégance et la plus fine parure, la plus curieuse fleur
du beau temps.

Marcel Proust, Le Côté de Guermantes, 1920.

Les paragraphes
Petite séance de « portes ouvertes » ! Nous savons que les mots
font des phrases, que les phrases font des paragraphes, et que
ces derniers font des textes. Les paragraphes sont au texte ce
que les wagons sont à un train : ils constituent des éléments à la
fois autonomes mais aussi reliés les uns aux autres pour former
un ensemble qui se tient et permet ainsi de « voyager »…

Pour quitter la métaphore ferroviaire tout en restant sur de bons


rails (oui, cette métaphore filée est facile, mais c’était pour
sortir du train-train quotidien !), retenez que le paragraphe est
l’unité de base d’un texte. Vous devez signaler sa présence dans
la typographie par un retrait d’alinéa (le premier mot est décalé
par rapport à la marge de gauche) et un retour à la ligne. Voilà
pour la règle absolue, certains textes édités omettant le retrait
d’alinéa. C’est vous qui décidez ! Mais, pour que votre lecteur
comprenne votre système, soyez constant : si vous avez opté
pour le retrait d’alinéa, conservez-le jusqu’au bout ; si vous
mettez ce retrait d’alinéa aux oubliettes, que cela soit définitif !

Dans tous les cas, le paragraphe est une unité de sens qui peut
développer plusieurs combinaisons. Voici les principales pour
un texte argumentatif :

le paragraphe classique : idée principale →


arguments→ exemples ;
le paragraphe inductif, où l’on ne part pas de l’idée,
mais on y arrive : exemples → arguments → idée ;
le paragraphe « idée » : l’idée est développée, mais
rien que l’idée ;
le paragraphe « arguments » : les arguments et rien
que les arguments ;
le paragraphe « exemples » : les exemples et rien que
les exemples.

Dans un texte romanesque, l’affaire est plus complexe, car le


paragraphe peut être aussi employé de différentes manières
pour :

faire un portrait physique et/ou moral et/ou social


d’un personnage, d’un groupe ;
faire une description d’un lieu, d’un espace ;
mettre en place les éléments d’un dialogue.

La longueur d’un paragraphe est variable. Quelques mots


parfois suffisent ; dans le roman de Blaise Cendrars L’Or
(1925) on peut lire ce paragraphe minimaliste : « L’or. » C’est
tout, c’est fini ! La plupart du temps les paragraphes
comportent plusieurs phrases, ou des dizaines de lignes, voire
plusieurs pages. Tout est possible, mais l’intérêt d’utiliser le
paragraphe, c’est de créer visuellement un repère, un espace et
un temps de lecture, qui correspondent à une signification, à
une intention. Enfin, n’oublions pas que le rythme est un
phénomène qui vaut autant pour le mot, la phrase que pour son
unité supérieure, c’est-à-dire le paragraphe.

Flash d’écriture
Vous êtes confortablement installé(e) à la terrasse d’un
café ; vous décrivez le lieu en 5 lignes, sans utiliser une
seule fois le verbe être.

Les textes, les textes, vous ne pensez donc qu’aux


textes !
L’écrit est partout ! Notre vie quotidienne est remplie de toutes
sortes d’écrits :

Des écrits utilitaires, officiels : acte de naissance,


acte de mariage, acte de décès, bulletin scolaire,
diplôme, acte notarié, bail, travaux scolaires,
universitaires, composition d’un produit, mode
d’emploi, mode de montage, recette de cuisine,
courrier administratif, petite annonce, lettre de
réclamation, texte publicitaire, etc.
Des écrits personnels : lettre de motivation,
curriculum vitae, diagnostic médical, billet doux, lettre
d’amour…
Des écrits professionnels : note de service, fiche de
poste, texte de procédure, de procédures de fabrication,
consignes à respecter, compte rendu, rapport, etc.
Des écrits d’information et de culture : journaux
écrits, revues, livres, informations Internet, blogs et
sites divers…

Chacun de ces écrits possède ses règles de forme ; et si vous


êtes le plus souvent en position de lecteur, lorsque vous
écrivez, vous êtes dans l’un de ces deux cas :

une situation liée à une activité professionnelle : la


recherche d’un emploi qui nécessite la rédaction d’une
lettre de motivation et d’un curriculum vitae ; la
rédaction d’un document de travail (note de service,
compte rendu de réunion, rapport ; voir chapitre 14) ;
une situation liée à une activité d’apprentissage ou
une activité de création (voir chapitres 13, 15 et 16).

Bref, d’une manière ou d’une autre, c’est-à-dire comme lecteur


ou scripteur (manière raffinée de dire « personne qui écrit » !),
l’écrit est omniprésent dans votre environnement.

Cartes d’identité des principaux textes


Cette omniprésence se traduit par une grande variété de textes
aux caractéristiques multiples : petits, longs, sérieux, drôles,
incompréhensibles, convaincants, agressifs, amoureux,
menaçants, chaleureux, poétiques, esthétiques, engagés,
exaltés, enjoués, dépressifs… Nous vous laissons poursuivre
l’énumération ! Il est certain que, grâce à l’écriture, vous
pouvez produire toutes sortes de textes qui correspondront à
une intention, à un objectif, à un état, à une aspiration.
Mais quel que soit le mobile, votre texte pourra se reconnaître
dans un type particulier ; voici à présent les principaux types de
texte que vous pouvez réaliser, accompagnés par des exemples
de maîtres dans le domaine.

Le texte narratif
Pour raconter des événements concrets qui se sont produits
dans un temps (réel ou imaginaire). Il sert à relater des
événements, établir une chronologie, donner des informations
documentaires. Ce texte se caractérise par la fréquence des
groupes verbaux et l’emploi de certains temps (présent,
imparfait, passé simple), par l’emploi de points de vue narratifs
(l’adoption du point de vue de celui qui parle, qui raconte).

Voici un modèle de ce type de texte : le début du roman réaliste


Bel-Ami (1883) de Guy de Maupassant.

Quand la caissière lui eut rendu la monnaie de sa


pièce de cent sous, Georges Duroy sortit du
restaurant.

Comme il portait beau, par nature et par pose


d’ancien sous-officier, il cambra sa taille, frisa sa
moustache d’un geste militaire et familier, et jeta sur
les dîneurs attardés un regard rapide et circulaire, un
de ces regards de joli garçon, qui s’étendent comme
des coups d’épervier.
Les femmes avaient levé la tête vers lui, trois petites
ouvrières, une maîtresse de musique entre deux âges,
mal peignée, négligée, coiffée d’un chapeau toujours
poussiéreux et vêtue toujours d’une robe de travers, et
deux bourgeoises avec leurs maris, habituées de cette
gargote à prix fixe.
Lorsqu’il fut sur le trottoir, il demeura un instant
immobile, se demandant ce qu’il allait faire. On était
au 28 juin, et il lui restait juste en poche trois francs
quarante pour finir le mois. Cela représentait deux
dîners sans déjeuners, ou deux déjeuners sans dîners,
au choix. Il réfléchit que les repas du matin étant de
vingt-deux sous, au lieu de trente que coûtaient ceux
du soir, il lui resterait, en se contentant des déjeuners,
un franc vingt centimes de boni, ce qui représentait
encore deux collations au pain et au saucisson, plus
deux bocks sur le boulevard. C’était là sa grande
dépense et son grand plaisir des nuits ; et il se mit à
descendre la rue Notre-Dame-de-Lorette.

Il marchait ainsi qu’au temps où il portait l’uniforme


des hussards, la poitrine bombée, les jambes un peu
entr’ouvertes comme s’il venait de descendre de
cheval ; et il avançait brutalement dans la rue pleine
de monde, heurtant les épaules, poussant les gens
pour ne point se déranger de sa route. Il inclinait
légèrement sur l’oreille son chapeau à haute forme
assez défraîchi, et battait le pavé de son talon. Il avait
l’air de toujours défier quelqu’un, les passants, les
maisons, la ville entière, par chic de beau soldat
tombé dans le civil.

Le texte descriptif
Pour décrire un lieu, une situation, une personne (un portrait
donc !). Il permet de donner des repères spatiaux, temporels, de
créer une ambiance, une psychologie, un physique. L’imparfait
est le temps le plus employé.

Avec l’exemple suivant vous avez un modèle du genre, l’art du


deux en un, ou comment la description d’un lieu vaut pour
celle d’un être et vice-versa ! L’extrait pourra dans un premier
temps vous paraître un peu long (dans l’œuvre il se déploie sur
plusieurs pages !), mais prenez le temps de lire, vous ne le
regretterez pas.

Naturellement destiné à l’exploitation de la pension


bourgeoise, le rez-de-chaussée se compose d’une
première pièce éclairée par les deux croisées de la
rue, et où l’on entre par une porte-fenêtre. Ce salon
communique à une salle à manger qui est séparée de
la cuisine par la cage d’un escalier dont les marches
sont en bois et en carreaux mis en couleur et frottés.
Rien n’est plus triste à voir que ce salon meublé de
fauteuils et de chaises en étoffe de crin à raies
alternativement mates et luisantes. Au milieu se trouve
une table ronde à dessus de marbre Sainte-Anne,
décorée de ce cabaret en porcelaine blanche ornée de
filets d’or effacés à demi, que l’on rencontre partout
aujourd’hui. Cette pièce, assez mal planchéiée, est
lambrissée à hauteur d’appui. Le surplus des parois
est tendu d’un papier verni représentant les
principales scènes de Télémaque, et dont les
classiques personnages sont coloriés. Le panneau
d’entre les croisées grillagées offre aux pensionnaires
le tableau du festin donné au fils d’Ulysse par
Calypso. Depuis quarante ans cette peinture excite les
plaisanteries des jeunes pensionnaires, qui se croient
supérieurs à leur position en se moquant du dîner
auquel la misère les condamne. La cheminée en pierre,
dont le foyer toujours propre atteste qu’il ne s’y fait de
feu que dans les grandes occasions, est ornée de deux
vases pleins de fleurs artificielles, vieillies et
encagées, qui accompagnent une pendule en marbre
bleuâtre du plus mauvais goût. Cette première pièce
exhale une odeur sans nom dans la langue, et qu’il
faudrait appeler l’odeur de pension. Elle sent le
renfermé, le moisi, le rance ; elle donne froid, elle est
humide au nez, elle pénètre les vêtements ; elle a le
goût d’une salle où l’on a dîné ; elle pue le service,
l’office, l’hospice. Peut-être pourrait-elle se décrire si
l’on inventait un procédé pour évaluer les quantités
élémentaires et nauséabondes qu’y jettent les
atmosphères catarrhales et sui generis de chaque
pensionnaire, jeune ou vieux. Eh ! bien, malgré ces
plates horreurs, si vous le compariez à la salle à
manger, qui lui est contiguë, vous trouveriez ce salon
élégant et parfumé comme doit l’être un boudoir. Cette
salle entièrement boisée, fut jadis peinte en une
couleur indistincte aujourd’hui, qui forme un fond sur
lequel la crasse a imprimé ses couches de manière à y
dessiner des figures bizarres. Elle est plaquée de
buffets gluants sur lesquels sont des carafes
échancrées, ternies, des ronds de moiré métallique,
des piles d’assiettes en porcelaine épaisse, à bords
bleus, fabriquées à Tournai. Dans un angle est placée
une boîte à cases numérotées qui sert à garder les
serviettes, ou tachées ou vineuses, de chaque
pensionnaire. Il s’y rencontre de ces meubles
indestructibles, proscrits partout, mais placés là
comme le sont les débris de la civilisation aux
Incurables. Vous y verriez un baromètre à capucin qui
sort quand il pleut, des gravures exécrables qui ôtent
l’appétit, toutes encadrées en bois noir verni à filets
dorés ; un cartel en écaille incrustée de cuivre ; un
poêle vert, des quinquets d’Argand où la poussière se
combine avec l’huile, une longue table couverte en
toile cirée assez grasse pour qu’un facétieux externe y
écrive son nom en se servant de son doigt comme de
style, des chaises estropiées, de petits paillassons
piteux en sparterie qui se déroule toujours sans se
perdre jamais, puis des chaufferettes misérables à
trous cassés, à charnières défaites, dont le bois se
carbonise. Pour expliquer combien ce mobilier est
vieux, crevassé, pourri, tremblant, rongé, manchot,
borgne, invalide, expirant, il faudrait en faire une
description qui retarderait trop l’intérêt de cette
histoire, et que les gens pressés ne pardonneraient
pas.

Honoré de Balzac, Le Père Goriot, 1835.

Le texte argumentatif
Pour transmettre vos idées, défendre vos convictions, présenter
vos objectifs. Il possède deux fonctions essentielles : persuader
le lecteur que votre point de vue est le meilleur, unique,
incontournable ; montrer votre désaccord avec une position, un
jugement, en démontrant (voire en démontant !) que l’autre
(l’adversaire, le méchant !) a tort et que vous avez raison ! En
règle générale, le présent fait l’affaire !

Pour cet exemple, nous avons choisi du « lourd », comme l’on


dit familièrement : une préface d’une pièce de théâtre du XVIIe
siècle ! Tous les grands dramaturges de l’époque (Corneille,
Molière, Racine) réglaient souvent leurs comptes avec la
critique dans des préfaces véhémentes ; c’est qu’ils n’avaient
alors pas la possibilité de s’exprimer au journal de 20 heures, ni
au Grand Journal de Canal+, ni sur un blog ou sur Facebook !
Voici le début de celle de Britannicus où Jean Racine justifie
ses choix de personnages :

De tous les ouvrages que j’ai donnés au public, il n’y


en a point qui m’ait attiré plus d’applaudissements ni
plus de censeurs que celui-ci. Quelque soin que j’aie
pris pour travailler cette tragédie, il semble qu’autant
que je me suis efforcé de la rendre bonne, autant de
certaines gens se sont efforcés de la décrier. Il n’y a
point de cabale qu’ils n’aient faite, point de critique
dont ils ne se soient avisés. Il y en a qui ont pris même
le parti de Néron contre moi. Ils ont dit que je le
faisais trop cruel. Pour moi, je croyais que le nom seul
de Néron faisait entendre quelque chose de plus que
cruel. Mais peut-être qu’ils raffinent sur son histoire et
veulent dire qu’il était honnête homme dans ses
premières années. Il ne faut qu’avoir lu Tacite pour
savoir que, s’il a été quelque temps un bon empereur,
il a toujours été un très méchant homme. Il ne s’agit
pas dans ma tragédie des affaires du dehors. Néron est
ici dans son particulier et dans sa famille. Et ils me
dispenseront de leur rapporter tous les passages qui
pourraient bien aisément leur prouver que je n’ai
point de réparation à lui faire.

D’autres ont dit, au contraire, que je l’avais fait trop


bon. J’avoue que je ne m’étais pas formé l’idée d’un
bon homme en la personne de Néron. Je l’ai toujours
regardé comme un monstre. Mais c’est ici un monstre
naissant. Il n’a pas encore mis le feu à Rome. Il n’a
pas tué sa mère, sa femme, ses gouverneurs. À cela
près, il me semble qu’il lui échappe assez de cruautés
pour empêcher que personne ne le méconnaisse.

Quelques-uns ont pris l’intérêt de Narcisse, et se sont


plaints que j’en eusse fait un très méchant homme et le
confident de Néron. Il suffit d’un passage pour leur
répondre. « Néron, dit Tacite, porta impatiemment la
mort de Narcisse, parce que cet affranchi avait une
conformité merveilleuse avec les vices du prince
encore cachés : cujus abditis adhuc vitiis mire
congruebat. »

Les autres se sont scandalisés que j’eusse choisi un


homme aussi jeune que Britannicus pour le héros
d’une tragédie. Je leur ai déclaré, dans la préface
d’Andromaque, le sentiment d’Aristote sur le héros de
la tragédie, et que, bien loin d’être parfait, il faut
toujours qu’il ait quelque imperfection. Mais je leur
dirai encore ici qu’un jeune prince de dix-sept ans, qui
a beaucoup de cœur, beaucoup d’amour, beaucoup de
franchise et beaucoup de crédulité, qualités ordinaires
d’un jeune homme, m’a semblé très capable d’exciter
la compassion. Je n’en veux pas davantage.

Racine, Première Préface, Britannicus, 1670.

Le texte explicatif
Pour fournir des informations, des connaissances. Là, c’est
votre côté pédagogue qui intervient pour éclairer le destinataire
de votre écrit, lui expliquer ce qu’il doit savoir ou ne comprend
pas. Le présent est souvent de rigueur.

Comment ça marche ? On se pose parfois la question, on attend


la réponse qui ne vient pas et on passe à autre chose. Mais dans
Écrire pour les Nuls, nous avons choisi d’apporter une réponse
à chaque question ; ainsi, si nous nous demandons le matin, au
saut du lit : « Mais comment produit-on l’électricité qui permet
d’éclairer cette pièce, de faire fonctionner tous ces appareils
électroménagers ? » (« si, si, admettez que c’est le genre de
question existentielle que nous nous posons parfois au sortir de
la nuit ! »), eh bien nous allons vous fournir la réponse.

Pour éclairer notre lanterne, voici expliqué brièvement le


fonctionnement des centrales thermiques qui produisent de
l’électricité pour nous « éclairer ». Fiat lux ! (rien à voir avec
un modèle automobile transalpin, c’est une formule latine qui
peut faire chic et signifie « que la lumière soit ! ») :

Les centrales thermiques, productrices d’électricité,


fonctionnent toutes sur le même principe. Il s’agit de
produire une chaleur suffisante pour obtenir de la
vapeur d’eau. Celle-ci est envoyée sous pression sur
les pales d’une turbine pour la faire tourner à grande
vitesse ; elle est couplée à un alternateur qui crée
l’électricité. Ce principe de fonctionnement est
identique dans toutes les centrales thermiques,
charbon, fuel, gaz et nucléaire. Dans ce dernier cas,
c’est l’énergie fournie par la fission de l’atome qui
donne la source de chaleur. On notera que dans les
centrales hydrauliques, c’est une chute d’eau qui
entraîne les pales de la turbine.

Nous voilà donc éclairés et au courant !

Le texte injonctif
Pour initier une action, donner des ordres à suivre. Bon, fini de
plaisanter ! Passons aux choses sérieuses ! Il s’agit de
conseiller, de dicter un mode ou une marche à suivre, un
comportement à adopter. Impératif, conditionnel (pour faire
passer l’ordre dans la nuance !) et indicatif présent sont les
modes les plus employés.

Maximes, sentences et proverbes constituent un véritable vivier


de textes injonctifs. Faites votre choix :

Il ne faut jamais dire : fontaine, je ne boirai pas de ton


eau.
Des goûts et des couleurs on ne discute pas.
Souviens-toi de te méfier.
Le devoir, c’est d’aimer ce que l’on se commande à
soi-même.
Croyez tout le monde honnête, et vivez avec tous
comme avec des fripons.
Bien mal acquis ne profite jamais.
Il faut manger pour vivre, et non vivre pour manger.
Ne remets pas à demain ce que tu peux faire
aujourd’hui.
Ne réveillez pas le chat qui dort.

Pour les amateurs !


La rhétorique (attention à la place du h dans
rhétorique) est l’ensemble des techniques, des règles,
des procédés qui constituent l’art de bien parler,
autrement dit l’art de l’éloquence. À l’origine, la
rhétorique était réservée exclusivement à la
communication orale, notamment dans les domaines
de la politique, de la justice et des arts ; elle
comportait cinq parties :
l’inventio (invention) détaillait la manière de
trouver des arguments ;
la dispositio (disposition) indiquait comment
organiser ses arguments ;
l’elocutio (élocution) permettait de trouver les
mots justes et la manière de les placer ;
l’actio (action) donnait des indications sur la
diction et la gestuelle ;
la memoria (mémoire) fournissait des moyens
mnémotechniques pour mémoriser son texte.
Mais au fil du temps, cet art de la parole devint
principalement un art de l’écriture, avec des formes
codées s’appuyant essentiellement sur l’inventio, la
dispositio et l’elocutio.
L’inventio insiste donc sur la place du « je », celui qui
écrit et qui doit chercher à convaincre en proposant un
raisonnement où la pertinence des idées et des
exemples mobilise l’intelligence du lecteur.

La dispositio, c’est trouver le bon plan ! Nous verrons


plus loin, qu’il ne s’agit pas de dire 1, 2, 3 pour que
l’on vous réponde « soleil ». À l’origine et à l’oral
donc, le plan s’organisait en cinq parties : l’exorde
destiné à capter l’attention de l’auditoire (une sorte
d’introduction) ; la narration présentant les faits ; la
confirmation exposant une série d’arguments en
faveur de la thèse soutenue ; la réfutation où l’on
critique des arguments contraires ; et enfin, la
péroraison, conclusion où l’on insiste sur la validité
de la thèse présentée. Ce modèle a fonctionné
jusqu’au XIXe siècle dans la littérature d’idées ; rien
n’interdit son usage aujourd’hui, mais il est un peu
lourd et la narration et la confirmation peuvent
s’avérer redondantes !

L’elocutio met en œuvre tous les procédés d’écriture


(les figures de style particulièrement) qui vont
produire des effets destinés à rendre le plus
convaincant possible votre texte auprès de ses
lecteurs.
Chapitre 4

Pourquoi écrit-on ?

Dans ce chapitre :
Mille et une raisons pour écrire
L’écrit, un outil de communication et de transmission
L’écrit, un plaisir…

Si vous avez ce livre entre les mains, c’est que vous voulez
écrire. Pour une raison ou une autre, comme l’on dit. Ou pour
plusieurs raisons ! Quoi qu’il en soit, vous voulez apprivoiser
cet outil d’expression pour une finalité qui vous appartient.
Dans ce chapitre, nous vous proposons d’explorer ce qui peut
inciter (par besoin, par envie, par curiosité), à un moment
donné, à écrire.

Pourquoi voulez-vous écrire ?


Admettons-le, la question peut paraître brutale. De quoi je me
mêle ? Les raisons, les motivations pour lesquelles vous
écrivez ne regardent que vous ! C’est un fait !

Elles sont évidentes, affichées, ou cachées, mystérieuses. Si


vous lisez ces lignes, vous avez de bonnes raisons, et ce sont
les vôtres !
Mais loin de nous l’idée de procéder à un interrogatoire
inquisitorial pour déterminer votre profil psychologique ou pire
vous ranger dans une catégorie prédéfinie avec des critères
tranchés et artificiels. À chacun son jardin secret ! Si nous nous
permettons de vous poser la question, c’est que vous êtes en
train de lire ce livre, dont l’objectif principal est de vous aider,
et qu’a priori l’écriture vous intéresse et que vous cherchez à
améliorer votre maîtrise de sa pratique. Dès lors, selon que
cette recherche est liée à un besoin ou une envie (ou les
deux !), à une perspective d’apprentissage, professionnelle ou
personnelle, les aides que nous vous proposerons seront
sensiblement différentes. C’est pourquoi dans la première étape
de ce parcours que nous allons faire ensemble, vous
identifierez avec soin votre rapport à l’écriture. Voilà le sens de
notre question initiale.

Écrire ?
Écrire sur l’écriture. On sent bien la gageure se profiler, mais
rassurez-vous, notre objectif n’est pas de construire une énième
thèse de troisième cycle sur cette problématique (évidemment
les thèses de troisième cycles sont respectables !) ; on a déjà
beaucoup écrit là-dessus ! Pourquoi avons-nous besoin, envie,
d’écrire ? Notre réponse pourrait donc être lapidaire. Parce
que… Certes, certes, mais, vous l’avez compris, nous vous
proposons de compléter l’implicite suggéré par ces trois points
de suspension !

Écrire, un besoin social


L’homme est un être social. Il a un besoin fondamental de
communiquer. Parmi tous les moyens dont il dispose pour le
faire, l’écriture est devenu un moyen privilégié et particulier.
Privilégié, car il appartient à toute une communauté et celle-ci
par le biais de ses institutions (par exemple, la famille, l’école)
se charge de le faire acquérir à chacun. Particulier, car en
matérialisant une pensée, l’écriture crée une distance et un
temps. Une distance, car la chose pensée existe par elle-même
sur le papier, sur l’écran, et acquiert une matérialité, moins
évidente avec l’oral (même si on peut enregistrer la voix bien
sûr) : l’écrit laisse sa trace et peut être transmis de génération
en génération, de siècle en siècle (cela fait six mille ans que
cela dure !). Et un temps, car l’écrit peut être lu dans un autre
moment que celui de sa production et aussi ailleurs. Ainsi
l’acte d’écrire conjugue un acte physique (tenir un crayon,
activer les touches d’un clavier) et un processus intellectuel
dont l’extrême complexité (voir chapitre 2) est masquée par la
familiarité que nous entretenons avec la communication
verbale accompagnant en permanence notre vie quotidienne.

Écrire, une expression de soi


Mais écrire a aussi des implications plus personnelles, plus
intimes : c’est un moyen puissant d’introspection pour se
connaître, en confiant aux mots la mission de nous fournir des
indications, des pistes, sur notre psychologie, nos motivations,
nos relations aux autres. Dès lors, l’acte d’écrire se présente
avec sa dualité profonde : un acte solitaire qui peut être destiné,
parfois, à de possibles lecteurs.

Écrire, un acte créateur


Enfin, l’écriture, acte créateur, est aussi l’expression d’une
esthétique, d’un art et de la recherche d’un plaisir à offrir. Avec
les mots, vous pouvez construire à votre guise des univers, des
êtres, des histoires ; vous donnez à vos besoins, à vos envies, à
votre imaginaire la possibilité de jouer avec un instrument qui
appartient à tout le monde mais qui en même temps, lorsque
vous l’utilisez, est unique.
C’est une alchimie qui saisit une pensée, une idée, une
impression qui, sans le passage à l’acte (d’écrire), serait peut-
être restée « lettre morte »… ou plutôt lettres pas nées. Écrire
est un acte créateur : la page est blanche (ou l’écran) et l’instant
d’après les lettres se mêlent, forment des mots qui se
combinent et reçoivent le renfort de petits signes (la
ponctuation), font des phrases, des paragraphes, des pages, des
chapitres, des livres et des… lecteurs.

L’écriture permet la réflexion, de revenir sur sa pensée, de


préciser, de développer, d’améliorer, de chercher à être le plus
près possible de ce que l’on pense.

Flash d’écriture
À votre tour ! Trouvez 20 mots qui pourraient vous servir
pour dire les raisons qui vous poussent à écrire. Mais
attention chaque mot doit commencer par une lettre
différente de l’alphabet. Dans notre grande mansuétude,
nous vous dispensons des lettres W, X, Y, Z. Vous pouvez
nous remercier !

Idée reçue !
Un vieux sage chinois (« le vieux sage chinois » est toujours
très commode quand on ne se rappelle plus le nom de
l’auteur !) a dit : « Méfions-nous des évidences, ce sont des
obstacles à la connaissance ! » ; en effet, puisque c’est évident,
on ne prend pas la peine de s’interroger, de creuser, de vérifier,
d’approfondir, tout est congédié d’un geste de la main : « C’est
évident ! ». Pour les idées reçues, le processus est identique ;
on ne se donne pas la peine de vérifier leur validité, elles
semblent là, triomphantes, ostensibles, sûres d’elles, et
pourtant ! La plupart du temps, ce sont des concentrés de
préjugés (donc de jugement sans fondement !), de stéréotypes
qui se sont imposés au fil du temps. Vous vous demandez où
nous voulons en venir ? À l’écriture bien sûr, et à ce cliché
selon lequel l’écriture, l’aisance à écrire, serait un don ! Dès
lors à quoi bon espérer progresser, puisque c’est un don : on l’a
ou on ne l’a pas ! Certes, on ne peut pas nier que certains
d’entre nous ont des facilités, des dispositions, une attirance
pour l’écriture, mais quand on y regarde de plus près, dans une
majorité des cas, ces personnes écrivent régulièrement depuis
longtemps, sont des passionnés de lecture, exercent des métiers
où l’écrit tient une grande place. Dès lors, c’est plutôt du côté
d’une pratique régulière de l’écriture qu’il faut rechercher les
raisons de cette aisance.

L’écriture est un moyen de transmission


D’abord, il faut rappeler que l’écriture est une transmission.
Dans notre société, cette opération magique débute au cours
préparatoire. En quelques mois, l’enfant accède à un univers
qu’il voyait, qu’il pressentait, mais qui en même temps lui
échappait ; avec l’écriture, il entre dans un monde social.

« Quand on sait écrire, on est un grand. » Rappelez-vous le


plaisir que vous avez eu à mettre sur du papier ce qui
jusqu’alors n’était que dans votre bouche ou dans vos oreilles !

Au fond, en écrivant, on part toujours de soi (plus ou moins) et


on arrive à l’autre (plus ou moins aussi…).

Où êtes-vous ?
Voici une liste, non exhaustive de raisons qui poussent à écrire :

pour soi : un moyen d’expression né du besoin, de


l’envie de formuler des sensations, des pensées, de
formaliser des constructions mentales, de se rappeler
ses rêves (ou ses cauchemars !)
pour se connaître.
pour apprendre.
pour établir un contact.
pour s’évader.
pour transmettre.
pour exister.
pour se défendre.
pour défendre.
pour créer un univers.
pour explorer l’inconnu.
pour s’amuser.

L’écriture au quotidien

L’écriture pour établir un contact


Si vous voulez faire savant, vous pourrez écrire que…
l’écriture possède une fonction phatique (admettez que cela fait
savant !), en d’autres termes, qu’elle permet d’établir un
contact entre celui qui écrit et celui qui lit. Cette fonction est à
l’œuvre chaque fois que vous écrivez et envoyez à une
personne un courrier, un message électronique (un e-mail !), un
mot doux, une lettre furieuse (cela arrive !), une demande
d’information quelconque.

Ses fonctions utilitaires


Pendant la scolarité, la maîtrise de l’écriture, outil de base,
conditionne souvent le reste. Un élève qui n’arrive pas à relire
ses notes, qui ne comprend pas un mot, une expression, une
phrase, qui peine à restituer des connaissances, à les mettre en
situation lors d’une évaluation, est pénalisé.

C’est pourquoi, si vous êtes parent, soyez attentif à la manière


dont votre enfant aborde l’écriture ; la formation des lettres, la
construction des phrases, la présentation, la maîtrise du sens
des mots, tout cela est déterminant pour sa réussite. Soyez
vigilant.

C’est pourquoi, si vous êtes lycéen, dites-vous que, le jour de


l’examen, vous serez représenté par la copie anonyme que vous
remettrez : votre présentation, votre graphie, votre style auront
une influence sur la perception du fond de votre travail
(n’oubliez jamais la formule « la forme nous informe » !).
Avoir des idées, a priori, tout le monde peut en avoir ; en
revanche, savoir les exprimer de manière efficace, là, c’est une
toute autre affaire !

C’est pourquoi, si vous adressez un courrier administratif, une


demande à un organisme, il faut vous rappeler qu’il y a des
standards de formulation, qu’il faut faire apparaître clairement
l’objet de votre sollicitation, pour avoir une chance que votre
requête soit comprise et obtienne une réponse.

C’est pourquoi, si vous rédigez un texte professionnel, pensez


que celui-ci vous représente et que sa qualité, sa précision sont
vos ambassadeurs, et qu’évidemment ses défauts ne sont pas
vos alliés !

C’est pourquoi, si l’écriture est un moyen d’expression


artistique, esthétique, il faut faire des « gammes », comme un
musicien avec son instrument, comme un peintre avec ses
crayons et ses pinceaux ; et bien sûr cultiver la modestie tout en
se rappelant cette formule de Paul Valéry sur la pratique de la
poésie mais qui vaut pour tout acte d’écriture :

Les dieux, gracieusement nous donnent pour rien le


premier vers, mais c’est à nous de façonner le second.

Variété I et II (Gallimard, 1924 -1930)

Manière élégante de souligner que l’on peut compter sur


l’inspiration, l’imagination, éventuellement un souffle divin,
mais qu’ensuite il faut retrousser ses manches !

L’écriture et ses fonctions esthétiques et intellectuelles


Imaginez une sorte de bibliothèque universelle où seraient
rassemblées toutes les productions esthétiques et intellectuelles
écrites depuis les débuts de l’écriture : roman, poésie, théâtre,
essais, discours, pamphlets. Cela donne le vertige !

L’écriture, marqueur social


De multiples enquêtes ont mis en évidence que, dès leur plus
jeune âge, les enfants savent faire la différence entre des
images et de l’écrit ; de la même manière, ils perçoivent que
c’est avec les crayons mis à leur disposition pour dessiner
qu’ils pourront un jour écrire ; ils savent très bien qu’on ne
peut pas écrire avec une gomme ! Cependant, selon les milieux
sociaux, les enfants font dès la classe préparatoire une
distinction dans l’usage de l’écrit : pour les enfants issus de
milieux favorisés, l’écriture sert autant à satisfaire des attentes
scolaires (savoir écrire pour prendre des cours, faire une dictée,
avoir le niveau requis pour passer dans la classe supérieure)
qu’à aborder d’autres domaines (lecture, lettres), alors que pour
les enfants de milieux défavorisés, l’écriture, c’est pour l’école
et rien d’autre !

Le niveau, le fameux « niveau » !


Nous avons tous entendu un jour (en fait, « jour » est une
vision optimiste, nous devrions dire « nous entendons trop
souvent » !) ces sombres pronostics sur l’avenir de la lecture et
de l’écriture (et plus précisément de sa maîtrise) avec les
sempiternelles remarques : « Ah, le niveau baisse », « De mon
temps on savait mieux écrire » et « Les enfants ne lisent
plus » ! En ce qui concerne le niveau, il existe des documents
du Ve siècle avant J.-C. qui s’alarment déjà sur le fait que le
niveau baisse ! Autant dire que nous avons sans doute
aujourd’hui « touché le fond » et que probablement nous
continuons à creuser !

Plus sérieusement, il est inexact de dire que le niveau baisse, au


contraire ! Au début du XIXe siècle, plus de 80 % de la
population était analphabète, et les copies de dictée des années
1930 contenaient autant de fautes (souvent les mêmes !) que
celles des enfants d’aujourd’hui. En 2012, un étudiant qui
cherche un travail saisonnier doit savoir rédiger une lettre de
motivation, un curriculum vitae ; autrefois, la demande de
travail et l’accord conclu étaient le plus souvent verbaux, on
topait dans la main, et l’affaire était faite.

On ne lit plus ! On n’a jamais autant lu : l’écriture est partout,


dans la rue, sur les écrans de télévision, d’ordinateurs (y
compris dans le ciel, l’été, lorsque des avions passent avec en
remorque des slogans publicitaires le long des plages !). On lit
différemment, c’est vrai, mais on lit.

Ainsi au collège et au lycée, l’écriture n’est pas seulement liée


aux travaux scolaires ; les collégiens font par exemple des
listes (de livres, de copains, d’adresses), copient des chansons,
des poèmes, des blagues, s’envoient des SMS jusqu’à
épuisement (il n’y a que les forfaits téléphoniques qui
s’épuisent et les parents qui râlent !), vont sur des forums de
discussions, passent du temps à correspondre par le biais des
réseaux sociaux…

L’écriture est trop souvent conçue comme une simple technique


de transcription et de codage d’une pensée élaborée en dehors
d’elle. Cette représentation est extrêmement répandue, chez les
enfants comme chez les adultes, et, parmi ces derniers, chez les
spécialistes que sont les enseignants comme chez les non-
spécialistes. Une autre représentation très répandue chez tous
les acteurs consiste à voir l’écriture comme un don, ne relevant
pas de l’apprentissage ou du travail. Ces représentations sont
dites du « sens commun », car elles sont généralement
formulées comme des évidences. Elles ont également comme
points communs, sinon de trouver leur origine, du moins d’être
fortement encouragées par la tradition scolaire, et de constituer
des obstacles à l’apprentissage.

Conseil aux parents d’élèves


En primaire, première phase d’acquisition de la maîtrise de
l’écriture, il est important d’accompagner votre enfant. Lui
montrer que l’écriture est un moyen extraordinaire pour
s’exprimer : lui montrer que c’est une mécanique que chacun
peut employer selon ses goûts. Cela lui sert dans toutes les
matières : en français bien sûr, mais aussi en histoire-
géographie, en mathématiques, en sciences naturelles, en
musique, etc.

Au collège, l’approfondissement ; la connaissance des règles


de grammaire se poursuit, les exigences se font plus grandes.
L’écriture est sollicitée pour restituer, exprimer des expériences
(la fameuse rédaction sur les dernières vacances), rédiger des
petits textes argumentatifs. On commence à explorer la
fabrication de textes littéraires, à voir comment cela
fonctionne. On mesure que l’écriture, à travers la littérature,
peut être source de sentiments, d’émotions, d’esthétique.

Un monde sans écriture…


À l’échelle de l’humanité, l’écriture est un phénomène récent ;
longtemps, la société humaine a communiqué par un langage
oral et la transmission des savoirs se faisait uniquement par le
voir et le faire. Aujourd’hui, il reste peu de groupes humains
qui communiquent seulement par l’oral. Imaginez un instant
notre monde sans écrit : plus de bibliothèques, plus de livres,
plus de journaux, plus de panneaux routiers, plus de modes
d’emploi, plus de contrats, plus de lettres, plus d’Internet, plus
de publicités ; vous avez bien lu « imaginez un instant », car
toute notre organisation est fondée sur l’échange.

… et sans liberté
Il y a fort à parier qu’aujourd’hui un monde sans écriture
équivaudrait à un monde sans liberté. Lorsque dans un pays, la
liberté d’écrire est menacée, contrôlée, censurée, lorsque les
écrivains et les journalistes sont mis en prison pour qu’ils
n’écrivent plus, alors c’est la liberté des individus qui est
bâillonnée et menacée.

Flash d’écriture
Quel est le mot de la langue française que vous aimez le
plus ? Dites pourquoi.
Quel est le mot de la langue française que vous trouvez
vraiment bizarre ? Dites aussi pourquoi.

L’écriture pour les écrivains


Comme vous le constatez, les raisons qui poussent à écrire sont
nombreuses et peuvent, pour une même personne, évoluer dans
le temps. Il était tentant de recueillir les motivations profondes
des écrivains. Voici un florilège de raisons où vous retrouverez
peut-être les vôtres !

Moi, moi, moi !

J’écris pour me débarrasser de moi. J’écris pour


mieux me connaître. (Alain Bosquet, La Fable et le
fouet, Gallimard, 1995)
Ne serait-ce qu’une ridicule illusion, on est persuadé
d’écrire parce qu’on a à dire ce que personne n’a dit.
(Milan Kundera, L’Art du roman, Gallimard, 1986)

J’écris parce que j’ai dès mon enfance éprouvé le


besoin de m’exprimer et que je ressens un malaise
quand je ne le fais pas. (Georges Simenon, Article de
Libération, Pourquoi écrivez-vous ? mars 1985)

Pourquoi écrivez-vous ? Quelle drôle de question !


Si je savais pourquoi j’écris, j’arrêterais
probablement d’écrire. (Kazimierz Brandys, Article de
Libération, Pourquoi écrivez-vous ? mars 1985)

On écrit pour changer son existence. Et on ne peut


changer son existence qu’en essayant de changer celle
des autres. Reste à savoir si le roman est un bon
instrument pour y parvenir. (Michel Butor, in
Madeleine Chapsal, Les Écrivains en personne,
Julliard, 1968)

J’écris pour pouvoir lire ce que je ne savais pas que


j’allais écrire. (Claude Roy, Temps variable avec
éclaircies, Gallimard, 1984)

J’écris pour me parcourir. (Henri Michaux, Passages,


Gallimard, 1950) J’écris pour la même raison que je
respire, parce que si je ne le faisais pas, je mourrais.
(Isaac Asimov, Article de Libération, Pourquoi
écrivez-vous ? mars 1985)

Pour raconter des histoires ! Pour moi, la fonction


d’un écrivain est double. Il doit d’abord écrire des
histoires pour les lecteurs ; mais il doit mettre dans
ces histoires les tensions et les inquiétudes de la vie
moderne. Je n’écris pas pour raconter la vie. Il y a
vingt ans, quand je commençais à écrire, j’ai essayé
quelques romans autobiographiques. C’était nul. J’ai
découvert que si on veut recréer sa vie comme
romancier, on écrit des romans ratés. (Douglas
Kennedy, Article de Lire, mai 2007)

Mon métier, mon arme, mon rôle, c’est écrire. Pas


plus pas moins. Je cherche à inventer de nouvelles
formes, à écrire de nouvelles phrases, parce que c’est
le seul moyen de rendre compte du monde moderne,
dont le mouvement sinon nous dépasse sans cesse,
demeurant illisible, incompréhensible. En ce sens
toute écriture exploratrice, novatrice, est politique :
même apparemment éloignée du « réel », des
« événements », elle fournit le langage moderne, elle
bâtit les outils verbaux et mentaux qui permettent de
penser le monde. Elle fait rendre gorge au prêt-à-
penser, au déjà dit. (Marie Darrieusecq, Article de
Livres Hebdo, juin 2007)

Parce que j’aime raconter des histoires. Je ne me


considère pas d’abord comme un romancier mais
comme un « raconteur d’histoires ». Mais, bien sûr, un
raconteur d’histoires est quelqu’un qui utilise la
fiction, les mots, et devient, par là même, ce qu’on
appelle un romancier. Mais je cherche à raconter la
meilleure histoire possible, pas à faire passer telle ou
telle idée. Bien sûr, une histoire est plus agréable si
elle est accompagnée de métaphores, si elle plonge
aux racines de ce qui fait l’être humain. Mais
l’histoire prime tout. Sinon, on ne fait plus de roman,
mais de l’essai. (Paul Auster, Article de Lire, février
2007)

J’écris parce que j’en ai envie. J’écris parce que je ne


peux pas faire comme les autres un travail normal.
J’écris parce que je suis très fâché contre vous tous,
contre tout le monde. J’écris parce qu’il me plaît de
rester enfermé dans une chambre. J’écris parce que je
ne peux supporter la réalité qu’en la modifiant. J’écris
parce que j’aime l’odeur du papier. J’écris parce que
je me plais à la célébrité. J’écris parce que la vie, le
monde, tout est incroyablement beau et étonnant.
J’écris parce que je n’arrive pas à être heureux, quoi
que je fasse. J’écris pour être heureux. (Orhan Pamuk,
site du Prix Nobel, extrait du discours prononcé lors
de la remise du prix Nobel, le 7 décembre 2006)
J’écris pour moi, pour mes amis et pour adoucir le
temps. (Jorge Luis Borges, Le Livre des sables,
Gallimard, 1978)

… j’écris pour connaître ce que je ne connais pas,


pour devenir celui que je ne suis pas… (Romain Gary,
La Nuit sera calme, Gallimard, 1974)

Le pari de Stendhal
Si Stendhal, de son vrai nom Henry Beyle, fit une
carrière diplomatique en demi-teinte, en revanche son
œuvre d’écrivain lui valut notoriété et reconnaissance
de son vivant, mais seulement auprès d’un public
restreint d’artistes et de petits cercles lettrés. Entourée
par des géants de la littérature comme Chateaubriand,
Victor Hugo et Honoré de Balzac, son œuvre demeura
peu connue de son vivant. Ainsi, dans un récit
autobiographique, La Vie d’Henry Brulard,
commencé en 1835 et publié de manière posthume en
1890, Stendhal donnait sa motivation d’écrire :
« J’écris pour des amis, une poignées d’élus qui me
ressemblent : les happy few. » Plein d’humour, il
ajoutait sous forme d’un pari sur l’avenir : « Je mets
un billet à la loterie, dont le gros lot se réduit à ceci :
être lu en 1935. » Pari gagné !
En guise de conclusion pour cette première partie et
d’introduction pour les suivantes…
D’abord pas de complexe. Ne surévaluez pas les difficultés.
Ah ! Évidemment, si vous placez d’emblée la barre trop haut,
vous risquez rapidement le découragement : vous voulez être
Flaubert, Yourcenar, Gracq, tout de suite ! Holà, on se calme,
mais pourquoi pas ! Mais, à moins d’être tombé dans la cuve
magique qui fait les Rimbaud, les Radiguet, les Aragon, les
Koltès (auquel cas, vous pouvez arrêter cette lecture !), donc à
moins d’être tombé dans cette fameuse cuve magique, il vous
faudra faire preuve d’un peu de patience et d’un peu (voire
beaucoup !) de travail. Mais, en retour, vous aurez la
satisfaction de maîtriser une écriture qui vous sert, vous
prolonge et vous valorise.

Et ne perdez jamais de vue qu’écrire, et qu’a fortiori bien


écrire, n’est pas réservé à une élite aisée ayant fréquenté les
meilleurs établissements scolaires et universitaires. Dans les
parties suivantes, Écrire pour les Nuls vous propose les outils
et les clés pour maîtriser cet outil de communication et
d’expression.

Page d’écriture
Quel est le mot que vous aimez le plus ?
Pourriez-vous dire pourquoi en quelques lignes ?
Quel est le mot que vous détestez le plus ?
Pourriez-vous dire pourquoi en quelques lignes ?
Faites un texte de 10 lignes qui commencera au
choix par :
« Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau
voyage ».
« Le désir d’apprendre. »

« Le spectacle était épouvantable. »

« L’alchimiste prit en main un livre ».

« Je crois que je me suis trompé d’histoire. »

« La pluie sur les pavés fait des claquettes ».

« Au moment même où il le sut, il cessa de le


savoir. »

« Ce matin je me suis levé du pied gauche, le


pied droit n’avait pas envie. »

« Et pourquoi moi ? »

Imaginez une ville sans portes. Décrivez en une


dizaine de lignes cette étrangeté.
Imaginez une ville où les rues ont des noms
fantaisistes ou bizarres (par exemple, rue des cinq
bicyclettes, rue de la Crise, rue du Camembert
mou, rue des Orteils). Vous êtes le guide et vous
nous faites la visite avec des explications sur ces
noms.
Racontez un souvenir d’enfance : le texte
commencera par « Je me souviens » et se
terminera « C’est si loin tout ça ».
Deuxième partie

Faire le point (à la ligne)

Dans cette partie

Notre manière d’écrire nous ressemble… Selon notre âge, notre histoire,
notre situation, l’écriture occupe une place particulière dans notre
existence : boulet pour les uns, atout pour les autres, ce qui est sûr, c’est que
nous avons tous besoin d’écrire et si possible bien… Ici, vous allez pouvoir
sereinement identifier vos besoins, blocages et faire le point avant de vous
orienter avec précision dans Écrire pour les Nuls.
Chapitre 5

Vos attentes, vos besoins

Dans ce chapitre :
Choisissez le profil qui correspond à vos attentes du
moment
Les différentes maîtrises de l’écrit dont vous avez
besoin
Les chapitres à consulter

Vous voilà arrivé à un chapitre crucial ! Le chapitre des


chapitres ! L’usage d’Écrire pour les Nuls est évidemment lié à
la place que l’écriture occupe (occupera ou devrait occuper !)
dans votre quotidien et dans vos projets. C’est donc cette place
qui vous orientera vers la partie qui vous intéresse
directement ; naturellement comme vous êtes un esprit curieux,
rien ne vous interdit d’aller voir à côté ce qui est proposé pour
d’autres profils que le vôtre ; n’hésitez pas à vous inviter dans
les chapitres qui ne semblent pas vous concerner a priori
(méfions-nous des a priori, et notez que cette expression latine
est invariable et s’écrit en italique lorsqu’on emploie le
traitement de texte !). Et puis, celui que vous serez demain ne
ressemble pas nécessairement à celui que vous êtes
aujourd’hui. Mais trêve de billevesées comme aurait dit
Rabelais, allons au fait !
Être à la (bonne) page
Dans quel contexte avez-vous besoin, envie d’écrire ? Ce
chapitre vous permet de vous orienter dans Écrire pour les Nuls
en fonction de vos besoins, de vos envies et de votre situation
actuelle. Il s’agit donc d’une première approche pour lister les
techniques d’écriture nécessaires et d’aller ensuite directement
vers les chapitres indiqués.

Qui êtes-vous ?
Vous parlez tous les jours ! Mais écrivez-vous tous les jours ?
Cela dépend…

Si vous êtes lycéen ou étudiant, la réponse est oui, et


plutôt deux fois qu’une ! C’est même probablement
une de vos activités principales dans la journée, car
vous êtes impliqué dans le fameux triangle didactique
(rien à voir avec le triangle des Bermudes, encore
que…) : à l’une des pointes il y a l’enseignant, à la
deuxième pointe il y a le savoir qu’il vous transmet, et
à la troisième pointe il y a vous. Vous qui cherchez à ne
pas perdre une miette (enfin, une connaissance) de
cette transmission ; et pour cela, vous mobilisez votre
intelligence, votre mémoire, et l’écriture pour fixer
(non pas dans le marbre, car cela prendrait trop de
temps et serait extrêmement fatigant, bruyant,
coûteux !) les informations qui vous semblent utiles et
importantes.
Vous êtes à la recherche d’un emploi (le premier ou
une évolution de carrière) et vous allez devoir vous
faire connaître et donc rédiger un ou des curriculum
vitae, une ou des lettres de motivation.
Vous êtes amené à rédiger dans le cadre de votre
travail, de vos missions, toute une série de documents
écrits, et vous ne voulez pas ou vous ne voulez plus
que l’écriture soit une espèce de boulet qui ralentit et
dévalorise vos efforts et vos actions.
Vous avez l’ambition de devenir journaliste, écrivain,
scénariste, et l’écriture est évidemment le moyen
d’expression privilégié et vous devez donc disposer
rapidement des bonnes méthodes pour vous améliorer.
Et d’une manière plus générale, vous avez envie,
besoin, d’écrire pour exprimer vos sensations, vos
sentiments, une partie de votre vie.

Collégiens, collégiennes, restez


avec nous, vous êtes
concernés !
Pour les élèves, nous avons choisi comme point de
départ le lycée. Naturellement, si vous êtes au collège,
ne fuyez pas à la lecture de ces lignes ou ne vous dites
pas : « Ce n’est pas pour moi », ou encore : « Ils
m’ont oublié ! » Non, vous pouvez conserver ce livre
entre vos mains : un grand nombre de chapitres vous
intéresse, y compris celui qui suit et s’adresse aux
lycéens. Ces conseils généraux vous seront très utiles
et ceux qui concernent les épreuves du baccalauréat
vous permettront de vous faire une première idée du
travail qui vous attend ! Alors restez avec nous, et
bonne lecture !
Les chapitres qui vous intéressent
Évidemment, nous n’avons pas épuisé la typologie des profils,
mais vous trouverez ci-dessous la majorité des situations
d’écriture auxquelles vous pourrez être confronté ; dès lors, il
vous suffira de consulter en priorité les chapitres indiqués pour
réaliser votre projet d’écriture dans de bonnes conditions.

Vous êtes lycéen


Le fait est avéré, votre tranche d’âge lit beaucoup moins
qu’auparavant ; sans doute que les multiples sollicitations par
l’image, par la télé, par Internet constituent une (parmi tant
d’autres) des explications de ce phénomène. On peut le
constater, le déplorer, le stigmatiser, vouloir lutter contre,
l’ignorer, bref adopter l’attitude que l’on veut, le fait est là,
têtu. Quelle que soit votre position, retenez que la lecture est un
excellent moyen pour développer les qualités de son écriture
personnelle. En lisant, vous enregistrez (même à « l’insu de
votre plein gré ») des tournures de phrase, des éléments de
raisonnement, des mots nouveaux ou des mots que vous
connaissez mais que vous n’employez que très rarement.
Écartez l’idée trop souvent répandue qu’il y a de bonnes
lectures et de mauvaises lectures ! Si vous aimez lire des
mangas ou les aventures d’Harry Potter, c’est votre affaire !

Lire, c’est suspendre le temps quotidien, et entrer dans un


univers particulier que vous seul allez rendre vivant ! Un livre
fermé n’existe pas ; un livre ouvert et lu est vivant, c’est une
rencontre. Et surtout, rappelez-vous que chaque lecture est
bénéfique pour votre écriture ! Lire, c’est déjà écrire !

Mais revenons à nos moutons ! Vous serez d’accord avec le fait


que vous écrivez tous les jours, sauf peut-être pendant les
grandes vacances – d’ailleurs, rappelez-vous ce moment
particulier du début de l’année scolaire où l’on reprend son
stylo : pendant quelques minutes, l’objet a du mal à trouver sa
place entre les doigts, il est comme un intrus, et puis tout
revient par magie, avec l’emplacement du petit cal sur un des
doigts.

Ainsi au lycée, à part les cours de gymnastique où le stylo reste


au vestiaire et les séances de laboratoire de langue où vous
travaillez surtout l’oral et ce fameux accent, l’écriture vous
accompagne dans tous les cours. Voici une liste non exhaustive
de son emploi :

Pour capter et conserver des apprentissages, des


notions, des connaissances, c’est-à-dire les cours
dispensés par les enseignants et les lectures
obligatoires dans toutes les matières. En mathématique,
chimie et physique, sciences et vie de la terre, ce sont
des textes de démonstration ou descriptifs ; en histoire
et en géographie, textes narratifs et textes explicatifs
alternent ; en français, en philosophie, vous avez
affaire à des textes narratifs, poétiques, dramatiques,
argumentatifs. Pour en conserver une trace, vous
devrez prendre des notes qui seront alors vos supports
de révision sous forme de plans détaillés, de fiches de
synthèse.
Pour réaliser des exercices, des devoirs dans
différentes matières ; pour votre entraînement à
l’examen du bac de français. Pendant l’année de
première, quelle que soit la série de votre baccalauréat,
vous allez préparer une épreuve écrite de français avec
trois possibilités : une dissertation, un commentaire
littéraire, une écriture d’invention.
Pour garder une trace exploitable des recherches
documentaires faites dans des livres, des revues, des
articles papier ou trouvées sur Internet (notamment
pour enrichir votre réflexion et vos devoirs).
Pour préparer des exposés, une animation
PowerPoint.
N’oubliez pas que pour toutes ces activités d’écriture vous
devez utiliser un registre courant de français. À l’écrit (comme
à l’oral) il existe trois principaux registres de langue qui
s’emploient et peuvent se mêler selon la situation de
communication : le registre soutenu, le registre courant, le
registre familier (voir annexe C).

Vos rendez-vous prioritaires dans Écrire pour les Nuls :

Pour maîtriser le lexique et choisir le dictionnaire qui


vous convient → chapitre 8 et annexe C.
Pour régler les problèmes d’accords et de
construction de phrases → chapitre 9 et annexes A et
B.
Pour vous entraîner aux écrits que vous aurez à
réaliser → chapitre 12.

Vous êtes étudiant


Comme au lycée, vous devez mobiliser l’écriture pour capter et
conserver des apprentissages, des notions, des connaissances ;
ce qui changera, au fur et à mesure de vos années d’études,
c’est l’ampleur des exercices écrits que vous réalisez.

De la dissertation de 4 pages à la thèse de troisième cycle de


500 pages (plus les annexes et la bibliographie !), en passant
par toutes sortes de rapports, de mémoires (qui pourront
osciller entre une dizaine et une cinquantaine de pages !),
l’écriture vous accompagnera continuellement ! Vous entrez
dans l’univers de l’écriture au long cours. Mais ne fuyez pas,
tout cela est affaire d’organisation et d’habitude.

Flash d’écriture
Avez-vous vu ce film de Steven Spielberg, Arrête-moi si tu
peux, avec Tom Hanks et Leonardo DiCaprio ? Ce dernier
joue le personnage d’un jeune homme, joyeux mythomane,
puis faussaire, qui commence sa carrière en se faisant
passer lors d’un quiproquo pour le professeur remplaçant
d’espagnol alors qu’il est élève et ne parle pas un traître
mot de la langue de Cervantès ! Imaginez qu’à votre tour
vous débarquez dans une classe où l’on vous prend pour le
professeur de mathématiques. Racontez comment vous
vous y prendriez.

Vos rendez-vous prioritaires dans Écrire pour les Nuls

Pour maîtriser le lexique et choisir le dictionnaire qui


vous convient → chapitre 8 et annexe C.
Pour régler les problèmes d’accords et de
construction de phrases → chapitre 9 et annexes A et
B.
Pour un bon usage du traitement de texte dans la
réalisation de vos mémoires → chapitre 11.
Pour vous entraîner aux écrits que vous aurez à
réaliser → chapitre 13.

Vous êtes en situation professionnelle


Que vous soyez dans une entreprise privée ou publique, un
service institutionnel, une collectivité territoriale, vous avez
besoin de maîtriser les techniques d’écriture pour :

rédiger des courriers, des mails, à destination


d’usagers, de clients.
élaborer des comptes rendus de réunion, à destination
de la hiérarchie, de participants, de services.
fournir des synthèses, réaliser des parties ou la totalité
de dossiers, dans le cadre de projets.

Aujourd’hui, vous êtes amené à utiliser massivement l’outil


informatique, et le traitement de texte est devenu un outil de
rédaction et un aide précieux, notamment en proposant des
modèles tout prêts, et un correcteur d’orthographe et de
grammaire. Mais attention, il ne résout pas tout !

Vos rendez-vous prioritaires dans Écrire pour les Nuls

Pour maîtriser le lexique et choisir le dictionnaire qui


vous convient → chapitre 8 et annexe C.
Pour régler les problèmes d’accords et de
construction de phrases → chapitre 9 et annexes A et B
Pour une bonne utilisation du traitement de texte →
chapitre 11.
Pour vous entraîner aux écrits que vous aurez à
réaliser → chapitre 14.

Vous êtes responsable d’une équipe, d’un service


Cela signifie que vous allez communiquer par des courriers
électroniques, par des courriers papier ; votre position
hiérarchique vous conduit à donner des ordres, à mettre en
place des procédures, à animer des groupes. Vous aurez donc :
à rédiger des comptes rendus, des notes de service,
des rapports pour des projets, des bilans.
à préparer et à animer des réunions de travail avec des
supports écrits et des animations Powerpoint.

Dès lors votre expression écrite doit être irréprochable ;


n’oubliez pas que les maladresses de formulation, les fautes
sont des obstacles à la bonne transmission des informations
écrites.

Ainsi, une note de service qui comporterait des fautes, affichée


dans un bureau, sur le panneau d’informations, risque de perdre
de son efficacité et de sa pertinence. Et dès lors, attention au
terrible cercle rouge ! De quoi parlons-nous ? Eh bien du
« petit malin anonyme » qui aura cerclé au feutre rouge la (ou
pire, les !) faute(s), parfois assortie(s) d’un commentaire
« assassin ». Tout le monde trouvera cela très drôle, mais sur le
fond le message aura été perturbé et peut-être même occulté
par les fautes et les commentaires. Votre crédibilité risque
d’être affectée, voire contestée ! Dites-vous que la nature
humaine est ainsi faite que l’on voit toujours très vite et très
facilement les fautes dans l’écrit du voisin ! Alors vigilance !

Vos rendez-vous prioritaires dans Écrire pour les Nuls

Pour maîtriser le lexique et choisir le dictionnaire qui


vous convient → chapitre 8 et annexe C.
Pour régler les problèmes d’accords et de
construction de phrases → chapitre 9 et annexes A et
B.
Pour une bonne utilisation du traitement de texte et de
l’outil Power point → chapitre 11.
Pour vous entraîner aux écrits que vous aurez à
réaliser → chapitre 14.
Vous recherchez un emploi
Dans une stratégie de recherche d’emploi, la lecture des petites
annonces et la rédaction de CV (abréviation de curriculum
vitae, le « cours de la vie ») et de lettres de motivation
occupent une place importante. Mais quelle que soit la stratégie
que vous adopterez, une chose est sûre : ces deux documents
écrits doivent être irréprochables quant à l’expression. Dites-
vous que le CV et la lettre de motivation sont vos représentants
auprès d’une personne qui ne vous connaît pas, et qui devra, à
la seule vue du CV et de la lettre, décider de vous rencontrer et
de vous accorder un entretien. La qualité de votre expression,
celle de votre présentation sont les deux premiers atouts que
vous allez mettre en avant dans cette recherche d’emploi. Ne
perdez jamais de vue que des fautes dans un CV ou une lettre
de motivation sont (presque) éliminatoires ! Cela peut paraître
injuste, car sur le plan technique, professionnel, vous pouvez
être la personne qu’il faut, mais encore une fois, on ne vous
connaît pas ! Votre écrit vous représente, il doit donc être
impeccable !

Vos rendez-vous prioritaires dans Écrire pour les Nuls

Pour maîtriser le lexique et choisir le dictionnaire qui


vous convient → chapitre 8 et annexe C.
Pour régler les problèmes d’accords et de
construction de phrases → chapitre 9 et annexes A et
B.
Pour une bonne utilisation du traitement de texte →
chapitre 11.
Si vous passez un concours de la fonction publique, il
y a de fortes probabilités (ou chances si vous vous êtes
bien préparé avec Écrire pour les Nuls !) pour que vous
ayez une épreuve de note de synthèse → chapitre 13.
Pour vous entraîner sur les écrits que vous aurez à
réaliser → chapitre 14.
Flash d’écriture
Vous faites partie des candidats astronautes pour aller sur
la Lune, votre rêve d’enfant… Dites pourquoi on devrait
vous choisir.

Vous écrivez ou vous souhaitez écrire des textes de


fiction, de la poésie, du théâtre
Vous l’avez constaté, c’est d’ailleurs pour cela que vous êtes en
train de lire ces lignes, il y a souvent un écart, parfois un
abîme, entre l’idée (géniale !) que vous avez eue et son
expression à travers votre écriture. Première remarque, ne vous
découragez surtout pas. D’abord parce que si vous êtes capable
d’être critique sur votre propre production, c’est plutôt
rassurant, et cela indique que vous êtes au pire lucide, et au
moins, très exigeant. Dans les deux cas, vous avez une attitude
qui vous permettra de progresser.

Imaginez quelqu’un qui, dès le premier jet, sans le moindre


effort, se trouve génial et définitif ! C’est parfait, tout est dit,
chapeau bas ! Que ne l’a-t-il pas écrit plus tôt, la face du
monde en eût été changée ! Certes, certes ! Mais sauf à
s’appeler Victor Hugo (et encore !), écrire va demander
quelques gouttes de sueur !

C’est Paul Valéry qui disait que le premier vers était donné par
les dieux et que la difficulté, justement, c’était de mettre le
deuxième vers à la hauteur du premier, il n’avait pas tort !

Selon le genre que vous affectionnez, vous trouverez des


conseils de méthode et des exercices pour faire de votre écrit
un moyen d’expression esthétique.

En France, même si les ateliers d’écriture connaissent un


certain succès, les techniques d’écriture font surtout l’objet
d’études. Les œuvres de nos plus grands poètes, romanciers,
dramaturges, essayistes ont été « littéralement » disséquées ; on
crée même des outils informatiques pour comptabiliser
l’occurrence d’un mot, d’un temps, d’une tournure, dans une
œuvre. En revanche, une grande discrétion, voire frilosité, sur
la manière de s’approprier à son tour ces techniques !

Vos rendez-vous prioritaires dans Écrire pour les Nuls

Pour maîtriser le lexique et choisir le dictionnaire qui


vous convient → chapitre 8 et annexe C.
Pour régler les problèmes d’accords et de
construction de phrases → chapitre 9 et annexes A et
B.
Pour une bonne utilisation du traitement de texte →
chapitre 11.
Pour vous mettre dans de bonnes conditions →
chapitre 12.
Pour trouver la méthode qui convient à votre projet
d’écriture → chapitres 15 et 16.
Pour observer des exemples → les chapitres de la
partie V.

Vous devez écrire occasionnellement


Vous n’écrivez pas beaucoup, mais là vous n’avez pas le
choix ; vous devez faire une réclamation, vous adresser à une
administration, écrire un discours pour le départ en retraite
d’un collègue ou une promotion, vous lancer dans l’écriture
d’un blog ou communiquer par le biais d’un réseau social. Vous
trouverez sur Internet des quantités de modèles tout prêts mais
qui, évidemment, sont des standards qui ne correspondent pas
exactement à votre cas précis. Alors, vous irez peut-être aussi
vite et aussi efficacement en suivant nos conseils, et surtout ce
sera peut-être l’occasion de renouer avec une pratique que vous
avez abandonnée et d’en redécouvrir toutes les possibilités et
les plaisirs… Laissez-vous tenter…

Vos rendez-vous prioritaires dans Écrire pour les Nuls :

Pour maîtriser le lexique et choisir le dictionnaire qui


vous convient → chapitre 8 et annexe C
Pour régler les problèmes d’accords et de
construction de phrases → chapitre 9 et annexes A et B
Pour une bonne utilisation du traitement de texte →
chapitre 11
Pour un courrier administratif → chapitre 14
Pour communiquer sur un blog ou un réseau social →
chapitre 15
Chapitre 6

Écrire sans peur et sans reproche

Dans ce chapitre :
L’écriture, un pensum !
Regardons ensemble les raisons des blocages
L’écriture, un plaisir !

Écrire, c’est difficile !


Vous n’aimez pas écrire, vous n’écrivez plus depuis de longues
années ; vous préférez vous abstenir plutôt que de vous mettre
en difficulté ? Faisons tranquillement le point pour lister ces
différents blocages ; vous verrez, mettre des mots sur les maux
soulage et permet d’entrevoir des solutions. Il n’y a aucune
fatalité. Vous ne lisez pas, vous ne lisez plus (que lisiez-
vous ?). Pourquoi ne lisez-vous plus ? Pas le temps, trop cher ;
mais les bibliothèques et médiathèques sont très abordables,
souvent même gratuites ; on peut fréquenter les bibliothèques
universitaires sans être étudiant et y emprunter des livres ; le
saviez-vous ?

Écrire, un cauchemar ?
À propos de votre rapport à l’écriture, nous n’allons pas jouer
au docteur Knock, personnage éponyme de la pièce de Jules
Romains, qui demande à son patient : « Est-ce que ça vous
gratouille ou est-ce que ça vous chatouille ? » En revanche, il
serait utile que vous vous intéressiez à ce qui se passe lorsque
vous êtes confronté à un travail d’écriture. Vous vous dites :
« Oh, chouette, écrire ! Tout ce que j’aime ! » ; dans ce cas-là
Écrire pour les Nuls sera pour vous comme une sorte de
gourmandise dont vous consulterez certains chapitres avec
délectation, mais dès à présent vous pouvez faire l’économie de
la lecture de ce qui suit, vous n’êtes plus concerné. Mais si à
l’idée d’écrire, vous sentez une espèce de poussée d’urticaire,
une démangeaison, une envie d’aller voir ailleurs si vous y
êtes ; bref, si pour vous l’écriture est synonyme de charge, de
devoir, de labeur, de servitude, de corvée, de pensum, alors
vous pouvez poursuivre la lecture, vous êtes à la bonne page !
En effet, si pour vous écrire c’est cela, alors Écrire pour les
Nuls doit devenir votre livre de chevet ! Il vous permettra de
calmer rapidement votre angoisse et votre envie de fuir.

Flash d’écriture
En 5 lignes, racontez votre pire cauchemar… dans un
cauchemar !

Bon, ne « plombons » pas l’atmosphère ! Même opération,


mais cette fois-ci avec un de vos plus beaux rêves, dans
vos rêves !
L’écriture me joue des tours !
Mon écrit n’est pas fidèle ! Écrire est le résultat d’un
cheminement entre ce que vous pensez, ce que vous voulez dire
et ce que vous écrivez finalement : parfois l’écart est grand,
vous ne reconnaissez pas ce que vous lisez, ce n’est pas du tout
ce que vous vouliez dire, ou pas tout à fait. Une personne qui lit
votre texte ne comprend pas ce que vous voulez dire ou
comprend autre chose ! Bref, vous avez l’impression d’avoir
été trahi. Pourquoi ? Si vous dressez, sur une feuille de papier,
la liste des principales causes, vous retrouverez probablement
celles-ci :

Les mots ne sont pas assez précis, ne correspondent


pas exactement à ce que je voulais dire : c’est donc un
problème de vocabulaire ;
C’était clair dans ma tête, mais en me relisant, je ne
comprends pas grand-chose, parfois c’est même du
charabia : ici, la construction de la phrase est
probablement à remettre en cause ;
Je n’ai pas été compris par autrui : le choix du
vocabulaire ou la construction des phrases sont peut-
être à revoir.

N’oubliez pas que les fautes de lexique ou de syntaxe sont


comme des obstacles, des bruits, des parasites à la
communication.

En règle générale, ce ne sont pas les idées qui manquent, mais


les mots, les constructions pour les dire. Que faire maintenant
de cette liste ? Oh, c’est simple ! C’est l’été, vous pouvez vous
en servir pour allumer le barbecue ; c’est l’automne : vous êtes
sensible à la préservation de l’environnement, déposez la
feuille dans la poubelle jaune réservée au papier ; c’est l’hiver :
si vous avez une cheminée, ce sera la feuille qui lancera une
bonne flambée ; c’est le printemps : faites une jolie cocotte en
papier ou, si vous êtes un as de l’origami, un bel oiseau !
Vous l’avez compris, il faut faire disparaître ces « blocages »,
et vous le pouvez, car vous avez ce livre entre les mains pour
faire « vivre » vos mots !

L’écriture anémiée
La lecture de certains écrits fait penser qu’une maladie
mystérieuse a détruit des légions de mots : par exemple, les
verbes sont représentés par quelques rescapés (être, avoir, faire,
dire, penser, croire), les adjectifs sont réduits à une peau de
chagrin, les temps sont réduits au présent, à l’imparfait et au
passé composé, les autres ont disparu par une trappe
mystérieuse. Cette écriture « recroquevillée, racornie,
anémiée » correspond à différentes causes : elle traduit le plus
souvent une absence de pratique, mais elle peut aussi être le
signe d’un manque de confiance en soi (puisque je ne suis pas
sûr de moi, j’assure le programme minimum !), enfin elle peut
caractériser une habitude contemporaine d’aller au plus vite en
considérant qu’écrire ralentit l’action ! Mais dans tous les cas,
le résultat est une expression appauvrie qui s’avère réductrice
de l’intention que l’on voulait exprimer.

Les sources extérieures de blocage


La rencontre avec l’écriture se fait à l’école, avec un maître ou
une maîtresse (professeur(e) des écoles aujourd’hui.) ; c’est le
plus souvent dans ce lieu et à ce moment que se noue le rapport
que nous allons entretenir avec l’écrit. Un manque de
pédagogie, d’empathie ; un rythme que l’on n’arrive pas à
suivre ; des résultats décevants ; une pression familiale ou un
désintérêt pour la scolarité… autant d’amorces de blocage qui
éloignent progressivement d’un rapport tranquille à l’écriture.
Qui a eu cette idée folle un jour d’inventer l’école ?
Contrairement à ce que disait une chanson à la mode de France
Gall du milieu des années 1960, ce n’est pas Charlemagne qui
a inventé l’école. Cela est plus ancien, mais un fait est certain,
notre rapport à l’écriture s’établit pour une bonne part à
l’école : elle est d’abord un lieu d’apprentissage de l’outil qui,
une fois acquis ou censé l’être, sert d’instrument de
communication pour tous les autres apprentissages et permet
les foisonnantes évaluations. L’écriture devient alors la
compagne des bons et des mauvais jours, une sorte de Janus –
ce dieu romain à double visage : une face aimable, souriante,
une face grimaçante, méchante. Tantôt alliée fidèle, elle permet
d’exprimer sa pensée, ses connaissances, tantôt ennemie, elle
rend compte de vos hésitations, de vos pataquès, de vos
lacunes !

« Ce n’est pas pour moi, je suis mauvais, pas assez cela, pas
assez ceci, je n’y arriverai pas, je n’ai jamais été bon à
l’écrit » : vous avez sans doute comme Daniel Pennac des
« chagrins d’école »… L’écriture, c’est un peu comme le
dessin. À la maternelle, les petits enfants n’ont aucun a priori
et font en peinture des choses magnifiques ; et puis survient le
moment fatidique où le vilain formatage tue la belle créativité.
On leur demande de ne pas déborder, de savoir reproduire tel
objet, telle forme, d’aller vers l’imitation, car « ça » doit
ressembler à quelque chose, à la réalité ; la fleur du jardin doit
se retrouver sur la feuille, le vase avec son bouquet éternel, sur
le guéridon. À partir de là, pour une grande majorité d’enfants,
c’est le sempiternel rejet qui s’installe avec le « de toutes
façons, je ne sais pas dessiner » !

Avec l’écrit, d’une certaine façon, c’est encore pire, car la


phase d’apprentissage est obligatoire, incontournable ; et le
langage verbal, l’écrit sont perçus comme des carcans auxquels
on ne peut échapper, alors que l’écrit, comme un instrument de
musique, peut, une fois la technique maîtrisée, devenir un
extraordinaire moyen d’expression ! Quel gâchis !

Le rôle de l’école et des enseignants


L’école initie et développe le rapport à l’écriture : non
seulement, elle permet d’écrire pour communiquer, pour
enregistrer des savoirs, des connaissances, mais donne les
moyens de produire des points de vue sur ces différentes
acquisitions ; dès lors, l’écriture devient à la fois un outil de
sociabilité, d’apprentissage et de production. Une écriture
maîtrisée est donc autant une saisie du monde qu’un regard sur
celui-ci.

Si (trop) souvent les enseignants constatent un désintérêt


massif pour l’écriture (et la lecture) doublé d’un certain degré
d’incompétence, ils seraient étonnés de s’apercevoir que leurs
élèves investissent l’écriture plus souvent qu’ils ne le pensent,
dans des écritures extrascolaires liées à leur génération (SMS,
blog, réseaux sociaux). Contrairement à des clichés tenaces
selon lesquels les jeunes générations sont uniquement tournés
du côté de l’image, les collégiens, les lycéens, les étudiants
aiment les mots, jouent avec, produisent du sens, dès lors que
les formes employées rencontrent un écho en eux. Loin de nous
l’idée de stigmatiser le travail des enseignants : comme eux,
nous pensons que des connaissances de base syntaxiques,
lexicales et textuelles sont indispensables. Mais celles-ci
doivent être un point de départ et surtout pas une finalité !
C’est à partir d’un tel point de vue que l’on évitera des
blocages irrémédiables et que l’on favorisera une pratique
décomplexée et utile de l’écriture.

Dictées, je vous hais !


« Je suis nul en orthographe, je suis nul en français, j’ai
toujours eu zéro en dictée ! » Si ce lamento provoque un écho
douloureux en vous, et peut expliquer, en partie, votre rapport
difficile à l’écriture, sachez d’abord qu’aujourd’hui de plus en
plus d’enseignants (professeurs des écoles et de collège)
utilisent la dictée comme outil de perfectionnement et de
compréhension de la langue sans en faire l’instrument de
torture qu’il était par le passé. Vous penserez, « la belle
consolation » ! Certes, vous aurez raison, car longtemps (trop
longtemps) la dictée a été un exercice redoutable (et redouté
par certains !) qui consistait à dicter un texte inconnu aux
élèves ; que se passait-il alors ? Les élèves qui maîtrisaient
l’orthographe avaient de bonnes notes, car ils ne faisaient pas
(ou presque pas) de fautes, tandis que ceux qui étaient en
difficulté refaisaient fatalement des fautes et encore des fautes.
Bel exercice donc, qui consistait à vérifier inlassablement que
les bons (en dictée !) étaient bons et que les mauvais (en
dictée !) étaient mauvais. Mais depuis ces temps honnis, la
pédagogie a sensiblement évolué et la dictée est devenue un
exercice préparé où toutes les difficultés d’un texte
(orthographe des mots, accords, conjugaisons, constructions)
sont d’abord observées et analysées, avant la dictée proprement
dite pour vérifier si la mémorisation et l’acquisition sont
présentes. C’est pourquoi vous devez remiser aux « vestiaires
des mauvais souvenirs » ce constat sur votre niveau
d’orthographe : vous aviez affaire à un exercice qui ne vous
permettait pas de faire le moindre progrès ; pis, qui vous
installait dans une espèce de fatalité qui finissait par vous
convaincre que décidément l’orthographe, l’écriture, ce n’était
pas votre monde ! Et du coup, vous avez cessé d’accorder la
moindre attention à votre manière d’écrire, puisque de toutes
façons, on vous avait convaincu, vous vous étiez persuadé, que
vous étiez nul en orthographe !

Sans jouer au guérisseur miraculeux, détenteur d’une


improbable panacée, Écrire pour les Nuls vous propose de
remettre sur de bonnes bases votre rapport à l’écriture. En
suivant progressivement nos conseils, vous ferez de l’écriture
un moyen d’expression à votre service et non pas ce boulet
permanent. Dites-vous que, quel que soit le cas de figure, la
maîtrise de l’orthographe n’est pas un sommet de l’Himalaya à
atteindre ; après le rappel de quelques principes, de quelques
règles, et surtout leur mise en œuvre, vous constaterez que vous
n’êtes pas frappé par un quelconque mauvais sort comme ces
héros des tragédies grecques !

Témoignage d’une enseignante


Le rapport à l’écriture est étroitement lié au rapport à
la lecture. Si dès l’école, la lecture est vécue comme
un pensum, il y aura des répercussions négatives sur
l’usage de l’écriture.

Ainsi, lors d’une table ronde sur l’avenir de l’école


donnée à l’Unesco en 2007, Sophie Pailloux,
enseignante de lycée, a évoqué la difficulté du rapport
des élèves aux textes littéraires :

L’indifférence polie avec laquelle les élèves


accueillent ces textes que j’aime, que j’admire, qui
m’ont nourrie, et qui continuent de le faire, me laisse
parfois désarmée. Le désarroi du professeur de lettres
naît, je crois, quel que soit le type de lycée où il
enseigne, de cette indifférence polie. Je ne parle pas
de ces réactions impulsives et bruyantes de rejet –
elles ne sont pas si fréquentes – ou de cette peur face
à ce texte que l’on ne comprend pas dans
l’immédiateté d’une première lecture […], mais bien
de cette indifférence polie où l’on sent que finalement
le fait même d’avoir lu ces œuvres n’a guère de sens
pour eux.

Flash d’écriture
Vous êtes chargé(e) de rédiger le texte de la plaque qui sera
déposée sur la planète Mars, pour d’éventuels habitants ou
visiteurs. Allez-y, la navette est prête à décoller !

Famille, je vous hais !


On connaît cette célèbre apostrophe d’André Gide par laquelle
il dénonçait le poids de la structure familiale sur l’éducation et
les mentalités ! On comprend aisément que cette influence
(positive ou négative, libre à vous de choisir ou de ne pas
choisir !) concourt également à la relation à l’écriture. Un
milieu où l’on communique beaucoup, où la présence des
livres, des journaux, des revues est importante, où les parents
accordent de l’importance à l’expression (orale et écrite), tout
cela constitue évidemment un terreau favorable à l’écriture ;
mais la personnalité de l’individu compte aussi ! Et l’exigence
portée à un certain degré peut produire un rejet massif vis-à-vis
de l’écriture. À l’inverse, l’absence de l’écrit, son manque de
considération, de maîtrise ne joueront pas en sa faveur. Mais de
la même manière, avoir été élevé dans un contexte défavorable
à l’écriture n’est pas rédhibitoire !

Je bloque, je bloque, je bloque !


Les causes d’un mauvais rapport à l’écriture sont multiples ;
nous avons vu qu’elles peuvent être initiées par le système
scolaire, par un entourage familial qui met une pression trop
forte ou qui, par manque d’intérêt ou pour des raisons sociales,
ne favorise pas cet apprentissage, par un environnement de
travail où l’écriture est maltraitée, et enfin par une société
privilégiant la vitesse, l’éphémère, l’allusif. À cela s’ajoutent
des causes liées à la personne elle-même, et qui ont perturbé
l’apprentissage de l’écriture. Elles requièrent alors des réponses
particulières.

La dysorthographie
On a tendance à confondre la dysorthographie, qui concerne
des difficultés à orthographier correctement, avec la dyslexie
qui relève d’un trouble lié à l’acquisition de la lecture. Les
deux sont bien sûr étroitement liées et rendent la maîtrise de
l’écrit délicate ; dès lors, à l’école, ce trouble devient un
handicap, contre lequel il convient de se mobiliser par le
recours à des méthodes de rééducation à mettre en œuvre le
plus tôt possible si l’on est parent d’un enfant atteint de ce
problème. Aujourd’hui, il n’existe pas de solution miracle,
mais toute une série d’accompagnements (comme
l’orthophonie) qui aide à réduire ce handicap.

Écrire, ça réveille de mauvais souvenirs… scolaires


Un peu plus haut, nous évoquions la phase d’apprentissage de
l’écriture à l’école. C’est là que tout commence. Il n’est alors
pas inutile de vous demander si votre rapport à l’écriture et vos
éventuels blocages ou difficultés n’ont pas pris naissance à ce
moment-là. Les enseignants sont des êtres humains avec leurs
moments de faiblesse ; un jour de fatigue, d’énervement (les
classes surchargées ne sont pas un mythe !), une parole
définitive, une remarque maladroite, un commentaire un peu
« raide » sur une copie peuvent avoir des conséquences
désastreuses sur un élève, être en devenir, qui, même s’il s’en
défend devant ses petits camarades ou ses proches, accorde une
valeur importante à la parole de l’adulte.
Les pauvres remarques
solitaires… sur les copies !
Si vous êtes concernés, si vous êtes parents : soyez
attentifs aux remarques qui accompagnent les devoirs,
les copies de vos enfants. Partez du principe que bien
souvent les élèves ne regardent pas ces remarques : ils
sont obnubilés par la note (la note et rien que la note ;
il faut dire que nous autres adultes, le système
éducatif, la société, sommes en grande partie
responsables de cette fixation sur la note !). Quoi qu’il
en soit, ces remarques peuvent être des pistes pour
aider vos enfants à cerner la difficulté, à trouver des
solutions et à progresser.

Par ailleurs, les enfants fonctionnent énormément à


l’affectif : une remarque maladroite d’un enseignant,
le courant qui ne passe pas, et d’un coup d’un seul,
c’est le blocage et la matière devient une corvée à
subir, et dès lors, tous les stratagèmes, les prétextes
seront bons pour éviter de travailler. Le dialogue avec
l’enfant et l’enseignant est essentiel. Sinon, c’est
l’engrenage du désintérêt, le début de lacunes qui vont
s’accumuler et renforcer l’idée que, non, vraiment
non, on n’est pas fait pour le français, l’écriture ! Il
faut donc relativiser les remarques, en tenir compte,
les prendre pour des pistes d’amélioration et non
comme des sentences, des condamnations. Surtout ne
pas en faire une affaire affective !

Où sont les mots ?


Nous avons déjà évoqué cette frustration qui s’empare de nous
lorsque, face à une réalité ou une idée à préciser, le mot, qui
convient et qui existe, décide de s’esquiver, de refuser sa
présence. Mais c’est un moment tout aussi désagréable lorsque
l’on cherche à exprimer un ressenti, une nuance, un sentiment,
et que l’on sent que son vocabulaire ne le traduit pas et a même
tendance à appauvrir ce que l’on veut dire : on a alors
l’impression que les mots employés ne sont pas les bons, qu’ils
usurpent notre pensée, voire nous trahissent !

Vous pensez manquer de vocabulaire et trouvez que votre écrit


le révèle de façon criante, voire gênante ; alors, vous avez
choisi de vous faire discret et de considérer comme un fait
acquis que l’écrit n’est pas pour vous. D’abord, dites-vous que
si vous manquez de vocabulaire, le vocabulaire, lui, ne manque
pas et qu’il est à votre disposition : ensuite, dites-vous aussi
que ce constat est un signe positif, car vous avez identifié une
lacune, mais il reste à ne pas se cacher derrière, ni à baisser les
bras. Enfin, vous avez un premier moyen, tout simple, pour
enrichir votre vocabulaire : lire ! Et surtout, pas d’a priori,
toutes les lectures sont bonnes à prendre ; c’est votre goût et
votre appétit, qui seront vos guides ; il n’y a pas d’un côté des
lectures « nobles », et de l’autre, des lectures « méprisables ».
Si certains l’affirment, dites-vous que vous avez affaire à des
prétentieux (Molière aurait parlé de « petits marquis, de
fats » !) qui n’ont pas compris que la lecture est
fondamentalement une ouverture aux autres, au monde et à soi,
mais sûrement pas un repliement sur ses vanités ! Par ailleurs,
comme dans toute rencontre, il y a des lectures qui marquent,
enrichissent, laissent des souvenirs, et d’autres lectures que
l’on oublie, mais qui dans l’instant procurent un réel plaisir. Il
ne faut donc rien bouder ! Enfin, Écrire pour les Nuls vous
propose des chemins d’accès que nous vous invitons
évidemment à emprunter.
À vos livres !
Le fait est qu’écrire sans lire serait comme voyager
dans un cercueil : sans grand avenir. Aussi faut-il lire,
avant tout, travailler les textes fondateurs, lire et
relire les chefs-d’œuvre, les grands singuliers, les
poètes. Je ne connais guère d’écrivain de quelque
stature qui n’ait pas d’abord dédié son temps libre au
merveilleux silence du livre.

Hubert Haddad, Le Nouveau Magasin d’écriture,


Zulma, 2006.

Mon écrit, une vraie ménagerie !


Quand vous écrivez puis que vous vous relisez, vous avez
l’impression que cela part dans tous les sens : les idées, les
mots, les phrases, l’ensemble, tout vous paraît chaotique et
vous en arrivez à considérer cela comme une sorte de
ménagerie, une sorte d’Arche, où chacun fait à sa guise. N’ayez
pas peur d’entrer dans la cage, c’est vous le dompteur !
D’abord vous apprivoisez les bêtes, puis progressivement vous
allez mettre au point des numéros, et ensuite vous allez
présenter le spectacle ! L’écrit doit être à votre service, vous
permettre de dire et de montrer ce que vous savez faire.

Votre écrit
Attention : ne confondez pas « j’écris » et « je
copie » ! C’est vrai, vous pourrez trouver des
quantités d’ouvrages qui vous proposeront des
modèles tout prêts de lettre de motivation, de CV, de
lettres types pour tel ou tel courrier, tel ou tel service
(assurances, banque, services publics, administration,
etc.) ; certes, dans l’urgence cela peut toujours
dépanner, mais vous risquez de reproduire un modèle
standard où la spécificité de votre profil, de votre
requête, de votre intention ne sera pas évidente.
Apprendre à rédiger, donc à rechercher, à organiser et
à formuler votre pensée, vous donnera à la fois
l’autonomie, l’originalité et l’assurance d’être maître
d’œuvre de votre écrit.

Bon à l’oral, mauvais à l’écrit


Quand le beau cygne se transforme en vilain canard ! Chez
certains, il n’y a pas coïncidence entre l’aisance à l’oral et la
maîtrise de l’écrit : ainsi tel étudiant, plutôt brillant dans la
prise de parole, sachant capter l’attention de l’auditoire,
organiser son exposé, convaincre par des formules, se retrouve
absolument piteux dans ses productions écrites, truffées de
fautes d’orthographe, avec des phrases sans queue ni tête, bref
un vrai cauchemar pour ses lecteurs (en l’occurrence, ses
professeurs !). De la même manière, le collègue de travail, dont
tout le monde a apprécié l’intervention lors de la réunion,
transmet un compte rendu, un dossier, désastreux, rempli
d’approximations, mal structuré et écrit dans une langue
familière ! Que s’est-il passé ? Avons-nous affaire à un Docteur
Jekyll à l’oral et découvrons-nous un Mister Hyde à l’écrit ?

À quoi bon, l’écrit ce n’est pas ma tasse de thé !


« J’ai déjà essayé mais pfuitt, une vraie catastrophe, j’ai laissé
tomber ! » Demandez-vous pourquoi vous avez abandonné.
Quel temps avez-vous consacré à cette tentative ? Dans quelles
circonstances ? Vous vouliez des résultats immédiats ? Était-ce
une velléité, une urgence à traiter, une envie en passant ? Nous
pourrions allonger la liste des raisons, mais faisons bref :
quelles que soient vos réponses, une chose est sûre, si vous
lisez ces lignes, c’est que vous souhaitez faire de l’écriture un
outil efficace, un atout, un plaisir… Et dites-vous qu’il n’y a
pas de fatalité : il vous suffira de suivre une de nos méthodes,
de vous « échauffer » avec les petits exercices proposés, et
progressivement l’écriture cessera d’être un boulet, pour se
transformer en montgolfière, à bord de laquelle vous prendrez
place (vous appréciez la métaphore !).

Je ne vais pas y passer la journée !


Il ne faut pas se leurrer. Améliorer son écrit, en faire un moyen
d’expression maîtrisé, requiert de l’entraînement et du temps.
Avant que votre stylo ne devienne une baguette magique, ou
que votre clavier d’ordinateur ne compose une prose
époustouflante sur l’écran, de l’encre aura coulé et les
caractères auront chargé vos fichiers ! Mais partez du principe
qu’il ne faut pas vous arrêter au premier jet ; parfois, c’est bon
du premier coup, mais c’est rare, très rare ! C’est normal et tout
à fait banal de tâtonner, de faire des essais, de chercher à
améliorer. Flaubert pouvait passer la journée sur une phrase !
Oui, certes, direz-vous, mais c’était Flaubert ! Vous avez
raison, « lui, c’est lui, et vous c’est vous ». Et puis L’Éducation
sentimentale a été écrit, et vous avez d’autres projets !
Le travail et les doutes de
Gustave
Voici ce qu’écrivait Gustave Flaubert à son ami et
mentor Louis Bouilhet :

Je vais bien lentement. Il m’arrive de supprimer, au


bout de cinq six pages, des phrases qui m’ont
demandé des journées entières. Il m’est impossible de
voir l’effet d’aucune avant qu’elle soit finie,
parachevée, limée. C’est une manière de travailler
inepte, mais comment faire ? J’ai la conviction que
les meilleures choses en soi sont celles que je biffe.

Gustave Flaubert, Correspondance, Gallimard,


« Bibliothèque de la Pléiade », 2007.

Les mots, mes amis


Faire aussi confiance aux mots ; parfois ce sont eux (c’est un
phénomène étrange) qui vous donneront la piste, la solution.
Les mots peuvent être comme des clés : ils ouvrent parfois des
serrures, donc des portes, dont on ne soupçonnait même pas
l’existence ! Vous rencontrez un mot que vous ne connaissez
pas ? Ne passez pas votre chemin en feignant de l’ignorer ; un
petit tour par le dictionnaire de votre choix (voir chapitre 8)
pour élucider son sens, et d’un seul coup c’est tout un espace
de possibles qui s’ouvre à vous !
L’illettrisme ou le handicap au
quotidien
Il ne s’agit pas d’alimenter une quelconque peur, de
désigner des responsables à la vindicte populaire, de
tomber dans le trop facile « ya qu’à », « faut-qu’on »,
mais les faits sont là : l’écriture est loin d’être
maîtrisée par tous les Français. Aujourd’hui, à l’heure
du numérique, du haut débit, de la communication
tous azimuts, 3 100 000 personnes sont en situation
d’illettrisme, soit 9 % de la population ! Plus de la
moitié ont plus de 45 ans. Par ailleurs, 57 % des
personnes illettrées ont un emploi et 8 % des
personnes ayant un emploi sont illettrées. On imagine
aisément ce que doit être le quotidien de ces
personnes et le handicap que cela représente dans le
travail, sans compter l’impact psychologique…

Pour le plaisir d’écrire


Ouf ! Voilà, nous avons passé en revue les principaux blocages
qui peuvent perturber l’acte d’écrire (malheureusement, cette
énumération n’est pas exhaustive !). Mais cela ne doit pas vous
effrayer : la plupart de ces blocages ont leurs solutions. Voici
une première série de pistes pour aborder l’acte d’écriture sans
appréhension (en tous les cas, le moins possible !). Dans le
chapitre 12, vous trouverez une véritable panoplie de conseils,
de méthodes et d’exercices pour une pratique détendue de
l’écriture ; mais dès à présent, voici quelques principes à mettre
en œuvre pour le plaisir d’écrire.
Le sens dans tous ses sens !
Évitez de vous censurer vous-même par une formule assassine
comme « ça n’a aucun sens » !

Combien de fois, un écrivain est surpris par le sens que ses


lecteurs donnent à tel ou tel personnage, à tel ou tel élément de
l’histoire : « Ah non, vraiment, je n’avais pas du tout pensé à
cela, mais maintenant que vous le dites ! »

Dans une discussion à propos d’un film, d’un livre, d’un


morceau de musique, vous avez déjà sans doute été surpris par
les différences d’appréciations, à tel point que vous vous êtes
peut-être demandé si vous avez vu, lu, entendu la même
œuvre ! La réponse est oui et non : oui, il s’agissait bien de la
même œuvre, mais non, sa perception était unique,
individuelle, liée à chaque personne, à sa sensibilité, à ses
goûts, son éducation, ses centres d’intérêt. À partir de là, vous
admettrez que le sens est un phénomène multiple et subjectif.
Dès lors, en écrivant, ne cherchez pas à « coller » à une sorte
de modèle, d’archétype ; écrivez, et pour le sens, s’il y en a un
(ou plusieurs), n’ayez aucune inquiétude, il se manifestera
d’une manière ou d’une autre. Mais surtout, n’en faites pas un
préalable pour écrire ! Pensez à l’enfant de maternelle qui joue
avec les couleurs, les formes sans chercher à savoir si cela a du
sens !

Acceptez, surtout si vous écrivez une fiction ou une poésie,


qu’une part vous échappe ; en revanche, s’il s’agit d’un écrit
d’évaluation (copie d’examen ou de concours, mémoire,
rapport, thèse) ou d’un document de travail (note de service,
rapport, compte rendu de réunion, dossier), votre texte doit être
un fidèle allié qui retranscrit exactement votre pensée, de la
manière la plus claire possible, sans aucune ambiguïté.
Les sens, le carburant de
l’imagination !
Jouez avec les lettres, jouez avec les mots, observez
autour de vous et laissez votre imagination faire le
reste. Par exemple en écrivant des textes courts qui
seront comme des instantanés d’une idée, d’une
vision, d’un moment.

La mort qui perd son r


N’est plus
Qu’un mot quelconque

Dans le soleil d’été


La feuille de marronnier
Sait ses jours comptés

Chez les escargots


Le coupable
Laisse toujours une trace

Gilles Guilleron, Comment les haïkus naissent


dans les choux (Ed. First, 2008)

Vive la mine !
Une fois débarrassé de ce joug : « Mais qu’est-ce que ça veut
dire ? », dites-vous que vous êtes l’heureux propriétaire d’une
mine d’or (si, si !) et qu’il ne tient qu’à vous de découvrir et
ensuite d’exploiter les bons filons, même s’ils ne sont pas
forcément accessibles au premier coup de pioche (enfin de
crayon ou de frappe sur le clavier !). Il faut creuser ! Et encore
creuser !

Trop souvent l’acte d’écrire est aussi bloqué par un « je n’ai


rien à dire » qui masque en réalité un « je ne sais pas par où
commencer ». Dans ce cas, il faut accepter la découverte,
l’inattendu. Laissez faire votre imaginaire ! Il sera toujours
temps par la suite d’organiser ce qui vous apparaît comme un
grand désordre et de trouver alors des pépites !

Flash d’écriture
Imaginez une courte scène où le personnage principal a un
sérieux problème : tout ce qu’il pense dans sa tête, et donc
devrait rester parfaitement inaudible et inaccessible, est
entendu par son entourage. Parfois, cela peut être gênant.

Vive les ratures !


D’abord, ne vous laissez pas emprisonner par une rhétorique du
savoir, ou de grands modèles que vous chercheriez à imiter,
égaler, voire surpasser ! Chaque chose en son temps !

Acceptez le risque. Votre écrit ne sera peut-être pas directement


nobélisable ! La belle affaire ! Faites-vous confiance, écrivez
sans bride, ni une quelconque épée de Damoclès suspendue au-
dessus de votre page ! Laissez aller. Ne recherchez pas la
phrase parfaite Vous ferez le tri après. Vive le tâtonnement et la
rature ! Pas d’a priori !

L’effet Roland Garros


La croyance selon laquelle il suffit d’écrire pour être d’emblée
un écrivain est à écarter. Avez-vous déjà remarqué avec quelle
aisance les champions de tennis se renvoient inlassablement la
balle sur le court central de Roland Garros (qui était un
aviateur !) ? On se dit que cela a l’air vraiment simple, et puis
le match terminé, on appelle un ami, un parent, et l’on part sur
le terrain de tennis d’à côté pour montrer de quelle raquette on
est fait. Et là, retour à la réalité : la balle refuse de rester dans le
rectangle d’en face, celui de votre adversaire ; le filet fait une
obstruction systématique au passage de votre service, le terrain
vous semble grand comme une piste d’atterrissage (effet
Roland Garros !) ; la balle fuit votre raquette pourtant dernier
modèle et donc dernier cri (en dehors de celui que vous
poussez de dépit !) ; bref, vous vous rendez compte très vite
que ce sport requiert technique et entraînement. Posez là votre
raquette (pour reprendre vos esprits et votre souffle !) et
considérez que pour l’écriture le phénomène est identique :
écrire avec aisance suppose de l’entraînement, de
l’entraînement et surtout de l’entraînement. C’est à cette seule
condition que cette fameuse aisance daignera faire son
apparition au bout de votre stylo ou des touches de votre
clavier !

Adoptez cette conduite d’écriture que Zola avait fait sienne et


même peindre sur une poutre du plafond de son bureau : Nulla
dia sine linea, « Pas un jour sans une ligne » !

L’atelier d’écriture
En France, c’est indéniable, nous avons une certaine difficulté
à admettre qu’il existe des techniques pour apprendre à écrire.
Ainsi, aux États-Unis, toutes les universités ont leur cours
d’écriture, leurs ateliers de création, alors qu’en France cela
passe encore pour une idée incongrue. C’est que perdure l’idée
que la grâce de l’écriture touche certains et que l’on peut
étudier, critiquer leurs textes, mais surtout ne pas s’aviser (en
tout cas publiquement) d’avoir la prétention de les imiter, de les
suivre dans leur démarche. Ainsi, l’enseignement de l’écriture
littéraire n’existe pas ; les auteurs et leurs écrits font l’objet
d’une véritable sacralisation.

Cependant, en marge du système scolaire et universitaire,


l’éclosion des ateliers d’écriture, les facilités nouvelles
d’édition liées à l’impression numérique encouragent de plus
en plus de personnes à sauter le pas, et à oser l’impensable :
écrire et essayer d’être lu ! Mais il ne faut pas s’y tromper :
l’atelier d’écriture permet de lever des blocages, d’écrire avec
ses moyens en dépassant ses inhibitions, mais il n’est pas le
sésame absolu pour devenir un écrivain, et qui plus est, un
grand écrivain !

Les animateurs sérieux d’atelier d’écriture sont unanimes sur


ce point : on ne devient pas écrivain par la simple maîtrise de
techniques d’écriture ; on apprend à écrire. Des recettes
peuvent être proposées, mais c’est comme ces grands cuisiniers
qui font des ouvrages culinaires où ils « donnent » les secrets
de leurs recettes. Vous vous mettez devant vos fourneaux, vous
reproduisez scrupuleusement les différentes étapes : vous avez
acheté les meilleurs produits, les plats qui conviennent, vous
avez mesuré les quantités au « nanogramme », vous avez passé
une demi-journée et… le résultat est somme toute moyen, ce
qui est évidemment une déception. Que s’est-il passé ?
Pourtant vous avez respecté à la lettre la recette, vous n’avez
rien oublié ! Eh bien si, vous avez forcément oublié quelque
chose, et sans doute le plus important, ce qui explique la
différence entre votre plat et celui du chef. Le chef, lui, a ajouté
un ingrédient magique, unique, qui lui appartient et qu’aucune
recette ne pourra donner : son savoir-faire ! Autrement dit des
années et des années de pratique, d’ajustements, de dosage, de
tour de main, de sensibilité, d’opiniâtreté, bref d’expériences
qui se sont conjuguées et qui appartiennent au chef et à
personne d’autre ! Pour l’écriture, le principe est identique. La
maîtrise des techniques d’écriture est une chose et l’écriture de
chacun en est une autre. Vous avez identifié vos blocages, vos
difficultés ! Maintenant nous vous proposons d’évaluer votre
niveau à partir d’exercices simples.

Les conseils de Nicolas


En pleine période classique, c’est-à-dire au XVIIe
siècle, essentiellement sous le règne de Louis XIII
puis de Louis XIV, l’art d’écrire en français moderne
trouve ses théoriciens qui fixent les règles du français
moderne ; mais certains ne se contentent pas de fixer
des règles, ainsi Nicolas Boileau, auteur d’un fameux
Art Poétique (1674) suggère conseils et méthode à
ceux qui choisissent l’écriture pour s’exprimer :

Il est certains esprits dont les sombres pensées


Sont d’un nuage épais toujours embarrassées ;
Le jour de la raison ne le saurait percer.
Avant donc que d’écrire, apprenez à penser.
Selon que notre idée est plus ou moins obscure,
L’expression la suit, ou moins nette ou plus pure.
Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement,
Et les mots pour le dire arrivent aisément.
Chapitre 7

S’évaluer

Dans ce chapitre :
Des séries de petits tests pour exercer vos différentes
maîtrises
Plusieurs évaluations pour faire un point
Dans quelles directions travailler

Être le Socrate du XXIe siècle, être le Shakespeare ou le


Molière d’aujourd’hui, être le nouveau Chateaubriand (comme
Victor Hugo !), être le Eugène Sue ou la Patricia Cornwell du
policier contemporain, être la J. K. Rowling de la fantasy et
reléguer Harry Potter au fond des librairies, être le Musso ou le
Lévy de demain, devenir le scénariste d’une série télévisée à
succès, écrire pour Steven Spielberg ou Jacques Audiard, avoir
sa chronique dans Le Monde, Le Figaro, Libération, Le Point,
le Nouvel Observateur, sinon rien ! Sinon rien ? Ah, vous
plaisantiez ! Un peu, beaucoup, passionnément, à la folie ?
Difficile de le savoir. Ou peut-être, simplement, être vous-
même, noble ambition, non ? Bien, mais quelle que soit la
hauteur de vos ambitions, nous vous proposons de quitter
quelques instants ces perspectives pour faire un bilan de votre
aisance avec l’écrit.

En effet, vous voici arrivé à un chapitre important pour vous


orienter dans Écrire pour Les Nuls, celui où vous allez faire le
point sur votre maîtrise de l’écrit. D’abord, mais vous l’avez
sans doute compris en choisissant de faire l’acquisition de cet
ouvrage, il ne s’agit pas d’établir une énième et inutile
hiérarchie dans laquelle vous allez vous situer : les très bons,
les bons, moyennement bons, les « bof », les « bof-bof » !
D’ailleurs, vous savez globalement quels sont vos points forts
et vos points faibles. Non, ce que nous vous proposons, c’est de
vérifier vos différents savoir-faire de manière plus précise en
suivant deux étapes : tout d’abord, une étape ludique pour vous
échauffer comme un sportif ; puis une étape d’évaluation pour
confirmer vos acquis et les points que vous devrez améliorer
(vous trouverez les solutions dans l’annexe C). Ainsi, à partir
de votre projet d’écriture, vous pourrez choisir les chapitres qui
vous intéressent en priorité, et reprendre avec réalisme le cours
de vos projets.

La maîtrise lexicale
Un dictionnaire de langue courant comporte environ 60 000
mots qui sont à votre disposition pour vous exprimer au
quotidien ; évidemment, certains vous sont très familiers et
d’autres un peu moins, voire parfaitement inconnus. C’est
pourquoi, chaque fois que vous avez le moindre doute sur une
orthographe ou sur une signification, vous devez prendre
l’habitude de consulter votre dictionnaire (voir chapitre 8).
Chez vous, cet outil indispensable doit toujours être visible, à
portée de main ! À l’extérieur, il existe aujourd’hui plusieurs
moyens de procéder à une vérification : par exemple, vous
pouvez utiliser le correcteur d’orthographe de votre traitement
de texte ou, si vous avez une connexion Internet, consulter un
dictionnaire en ligne.

Le dictionnaire est un outil de vérification et


d’approfondissement ; pour l’acquisition de nouveaux mots
rien ne vaut la lecture et l’échange avec ses proches et son
entourage (parents, amis, copains, copines, ami(e)s,
enseignants), les voyages, les rencontres, la curiosité.

L’orthographe lexicale
Avec les 26 lettres de l’alphabet, le monde des mots s’offre à
nous ; encore faut-il savoir choisir les bonnes lettres et les
placer dans le bon ordre. Maîtriser l’orthographe lexicale, c’est
donc composer les mots tels qu’on les trouve écrits dans le
dictionnaire.

1er test : Le journal fautif


Ce journal aux nouvelles curieuses affiche une « Une »
comportant un certain nombre de fautes d’orthographe
grammaticale. Saurez-vous les retrouver, ainsi que les fautes
lexicales dans les différentes rubriques (solutions en Annexe
C) ?

Voici la une du journal :

La rencontre au sommet entre les dirigeants du G8


s’est achevé dans une atmosphère glacial. On prévoit
donc un net refroidissement sur le plan mondial qui
pourait ralentir le réchauffement climatique.

Face à l’indifférence générale, les journées impairs du


mois de janvier seront probablement supprimés ; c’est
en tout cas, semble-t-il, la mesure envisagée par le
gouvernement pour lutter contre la fuite du temps vers
des paradis intemporelles.

Petites annonces
Je vends un char d’assaud ayant peu servi ; prévoir
changement des chenilles à l’éclosion des papillons.

Occassion à saisir. Lot de parasols bretons neufs


pouvant servir sous d’autres lattitudes.

Le chas retrouvé dans la gorge de Monsieur C. attend


ses propriétaires au refuge de la SPA.

Échangerait embruns de 2005 contre ècume récente.

Bâteau à voile cherche vent de force 4 pour la saison


avenir.

Bulletin météo

En raison de fortes pluies de ces dernières vingt-


quatre heures, les réglements des factures en cours se
feront exceptionnellement par cartes bancaires ; le
liquide n’est plus accepté.

Une manifestation anticiclonyque a brutalement


dégénéré hier soir au large des Açores à la suite de
discussions orageuses.

Le congrès de psichanalyse a réaffirmé dans sa


motion finale que les thérapies actuelles ne peuvent
pas grand-chose pour soigner les grandes dépressions
de nord-ouest.

2e test
Quand les adjectifs se transforment en adverbes de manière, on
ajoute le suffixe -ment « simplement » ; enfin, pas toujours si
« simple »… Vérifiez votre manière de les écrire ; évidemment,
vous devez répondre par oui ou par non !

vous écrivez couramment A : oui B : non

vous écrivez élégamment A : oui B : non

vous écrivez épatamment A : oui B : non

vous écrivez fréquemment A : oui B : non

vous écrivez incidamment A : oui B : non

vous écrivez gentillement A : oui B : non

vous écrivez précipitament A : oui B : non

vous écrivez récemment A : oui B : non

vous écrivez savamment A : oui B : non

vous écrivez vigilamment A : oui B : non

Les accents
Avec ou sans chapeau ?
Ils veulent tous porter l’accent circonflexe ! Vous savez, celui
que vous appeliez « le chapeau de gendarme » ou « le chapeau
chinois » lorsque vous étiez enfant. Retrouvez ceux qui doivent
ôter leur « chapeau » :
âcre – aîne – arôme – bâteau – boîteux – brêche – châpitre –
cîme – cône – côtre – crêpu – dégaîner – drôlatique – emblême
– fantôme – fût – fûtaie – goître – icône – infâme – jeûner –
monôme – pître – râcler – râtisser – râtelier – symptôme –
tâter – trône

Coup de vent sur les accents !


On peut être de la même famille et avoir un accent différent
selon sa nature. Ici, certains accents ne sont plus à leur place, à
vous de remettre bon ordre !

allégre / allègrement

ascète / ascètique

bête / bétail

câble / encâblure

diplôme / diplômatique

fièvre / fièvreux

grâce / grâcieux

hygiène / hygiénique

obèse / obèsité

pôle / polaire

règle / règlage

synthèse / synthétique

tempête / tempêtueux
Tréma
Les deux fameux petits points : à vous de dire s’il en faut ou
pas, et s’ils sont placés au bon endroit !

ambiguë – baionnette – cigüe – Noël – naïf – stoique – laicité –


faience – inouï – paien

Les majuscules, les minuscules


Majuscule ou minuscule ?
a. Vous écrivez les noms des jours avec une minuscule :
A : oui B : non
b. Vous écrivez les noms des mois avec une majuscule :
A : oui B : non
c. Vous écrivez les noms de fête avec une majuscule :
A : oui B : non
d. Vous écrivez les points cardinaux avec une minuscule :
A : oui B : non
e. Vous écrivez le premier mot d’une phrase avec une majuscule :
A : oui B : non
f. Vous écrivez les noms de pays avec une majuscule :
A : oui B : non
g. Vous écrivez la première lettre d’une œuvre avec une majuscule :
A : oui B : non
h. Vous écrivez les noms propres avec une minuscule :
A : oui B : non

Les abréviations
Pouvez-vous abréger en toute connaissance de cause ?

a) l’abréviation etc., et cetera, signifie « et le A: B:


reste » : oui non

b) l’abréviation cf., confer, signifie « se A: B:


reporter » : oui non

c) l’abréviation P.-S., post-scriptum, signifie A: B:


« écrit après » : oui non

d) l’abréviation N.B., nota bene, signifie A: B:


« note bonne » : oui non

e) l’abréviation CQFD, signifie « ce qu’il A: B:


fallait dénoncer » : oui non

f) l’abréviation Mr signifie « monsieur » : A: B:


oui non

g) l’abréviation Me signifie « madame » : A: B:


oui non

Un conseil pour finir…


En décembre 1990, le Conseil supérieur de la langue française
a publié un ensemble de recommandations visant notamment à
autoriser la modification de certaines orthographes. Sauriez-
vous les distinguer dans cette liste ?

avatard, bonhommie, boutentrain, évènement, diésel, entonoir,


éthymologie, gageüre, harakiri, hallogène, imbécilité,
interpeler, irréspect, millepatte, nénufar, ognon, piquenique,
quator, relai, règlementaire, réthorique, révolver, rhythme,
tintamare, tohubohu, vanupied, vadémécum
Un peu d’histoire
Le 6 décembre 1990, le Journal officiel a publié le
rapport du Conseil supérieur de la langue française
proposant un certain nombre de rectifications et de
modifications de graphies concernant le trait d’union,
le pluriel des noms composés, l’accent circonflexe, le
participe passé des verbes pronominaux et diverses
anomalies : ainsi porte-feuille est devenu porte-
feuille ; un pèse-lettres au pluriel a suivi la règle des
mots simples ; l’accent circonflexe a perdu son
caractère obligatoire sur les voyelles i et u, sauf dans
les terminaisons verbales ; le participe passé de laisser
est devenu invariable lorsqu’il est suivi d’un infinitif
(exemple : elle s’est laissé surprendre) ; les mots
empruntés à d’autres langues se plient à la règle du
français pour le pluriel (exemple : un scénario, des
scénarios).

Première évaluation
Dans cet extrait, le lexique a été malmené ! Votre mission (si
vous l’acceptez, bien entendu !), c’est de retrouver les dix
fautes que nous avons commises à votre intention.

Une vie qui commence bien…

Une vie charmante et libre commença pour jeanne.


Elle lisait, rêvait et vagabondait, toute seule, aux
environs. Elle errait à pas lents le long des routes,
l’esprit parti dans les rêves ; ou bien, elle descendait,
en gambadant, les petites vallées tortueuses, dont les
deux croupes portaient, comme une châpe d’or, une
toison de fleurs d’ajons. Leur odeur forte et douce,
exaspérée par la chaleur, la grisait à la façon d’un vin
parfumé ; et, au bruit lointain des vagues roulant sur
une plage, une houle berçait son esprit. Une mollesse,
parfois, la faisait s’étendre sur l’herbe drue d’une
pente ; et parfois, lorsqu’elle apercevait tout à coup,
au détour du val, dans un entonnoir de gazon, un
triangle de mer bleue étincelante au soleil, avec une
voîle à l’horizon, il lui venait des joies désordonnées,
comme à l’approche mystérieuse de bonheurs planant
sur elle.

Un amour de la solitude l’envahissait dans la douceur


de ce frais pays et dans le calme des horizons
arrondis, et elle restait si longtemps assise sur le
sommet des colines que des petits lapins sauvages
passaient en bondissant à ses pieds.

Elle se mettait souvent à courir sur la falaise, fouettée


par l’air léger des cotes, toute vibrante d’une
jouissance exquise à se mouvoir sans fatigue, comme
les poissons dans l’eau ou les hirondelles dans l’air.
Elle semait partout des souvenirs comme on jete des
graines en terre, de ces souvenirs dont les racines
tiennent jusqu’à la mort. Il lui semblait qu’elle jetait
un peu de son cœur à tous les plis de ces valons.

Elle se mit à prendre des bains avec passion. Elle


nageait à perte de vu, étant forte et hardie, et sans
conciensce du danger. Elle se sentait bien dans cette
eau froide, limpide et bleue, qui la portait en la
balançant. Lorsqu’elle était loin du rivage, elle se
mettait sur le dos, les bras croisés sur sa poitrine, les
yeux perdus dans l’azur profond du ciel que traversait
vite un vol d’hirondelle, ou la silhouette blanche d’un
oiseau de mer. On n’entendait plus aucun bruit que le
murmure éloigné du flot contre le galet et une vague
rumeur de la terre glissant encore sur les ondulations
des vagues, mais confuse, presque insaisissable. Et
puis, Jeanne se redressait et, dans un affollement de
joie, poussait des cris aigus en battant l’eau de ses
deux mains.

Guy de Maupassant, Une vie, 1883.

La maîtrise grammaticale
Savoir écrire correctement les mots est une compétence
importante ; maintenant, il s’agit de mettre en œuvre leur
combinaison pour produire des idées, en d’autres termes, de
construire des phrases en respectant les différentes règles de
grammaire concernant le pluriel et le genre des noms, l’accord
des adjectifs, des participes passés, la conjugaison des verbes
en fonction des temps, et de la personne, etc. La maîtrise
grammaticale repose essentiellement sur deux capacités : celle
qui est liée à votre mémoire et qui vous permet d’activer en
situation les différentes règles que vous avez apprises au cours
de votre scolarité ; évidemment vous pouvez avoir oublié ou
mal compris, et dans ce cas, il sera utile de consulter l’annexe
A (grammaticale) où sont répertoriées les principales règles. La
seconde capacité concerne votre logique d’analyse ; vous
pouvez connaître une règle d’accord, mais ne pas savoir
identifier les différentes fonctions des mots dans une phrase :
sujet, complément d’objet, complément circonstanciel,
épithète, attribut, etc. Là aussi, un passage par l’annexe A vous
permettra de retrouver la bonne démarche.

Le genre
De la même manière que vous ne pouvez pas confondre une
vache dans un pré avec un renard dans un poulailler, il convient
de savoir identifier le genre des mots pour ne pas faire de faute
d’accord !

Établissez deux colonnes : l’une avec les mots masculins,


l’autre avec les mots féminins. Si vous rencontrez des mots
inconnus, c’est une bonne occasion d’ouvrir votre compagnon,
le dictionnaire, après avoir établi votre classement !

abaque, abside, acabit, acné, acoustique, acrostiche, adage,


agrumes, alcôve, algèbre, alluvion, alvéole, amiante, amibe,
ancre, anicroche, antidote, antipode, antre, apogée, argile,
aromate, arrhes, astérisque, avant-scène, caducée, camée,
coriandre, ébène, ecchymose, échappatoire, écrevisse,
écritoire, effluve, égide, éloge, encaustique, en-tête, entracte,
enzyme, épiderme, épithète, équinoxe, équivoque, esclandre,
exergue, exode, extrême, câpre, clepsydre, colchique, dartre,
décombres, éphéméride, épithète, exorde, gemme, gynécée,
immondice, ivoire, météorite, nymphée, obélisque, octave,
opprobre, opuscule, orbite, patère, pénates, silicone, termite

Voici une série d’adjectifs masculins ; notez leur féminin et


vérifiez vos propositions dans l’annexe C : absous, bénin, bleu,
caduc, cher, cruel, doux, fou, grec, inquiet, mou, neuf, nul,
pâlot, public, sot

Le genre des lettres de l’alphabet a fluctué au cours des siècles,


notamment celui des consonnes f, h, m, n, r, s (on pouvait
évoquer une h aspirée ou une f dans le Littré ou le Larousse du
XXe siècle). Cette fluctuation n’a plus cours, aujourd’hui
toutes les lettres sont du genre masculin.

Le nombre
Accord ou pas d’accord ?
Source d’innombrables fautes, erreurs, oublis, les accords en
nombre concernent les noms, et ceux en genre et en nombre,
les adjectifs et les participes passés.

Voici une série de noms, notez leur pluriel et vérifiez vos


accords en annexe C : aller-retour, arc-en-ciel, aval, bal, bail,
bijou, pou, cheval, cadeau, canal, cérémonial, chou-fleur, ciel,
émail, emmenthal, euro, festival, gaz, laissez-passer, landau,
littoral, nez, œil, ouvre-bouteille, Picasso, pneu, porte-fenêtre,
portemanteau, porte-plume, récital, requiem, sandwich,
soupirail, timbre-poste, vendredi, vœu

Voici une série d’adjectifs au singulier ; notez leur pluriel et


vérifiez vos accords : banal, beau, cerise, chic, écarlate, fatal,
glacial, indigo, marron, naval, orange, rose, sépia

On ne pouvait pas terminer une aussi belle série sans évoquer


l’accord du participe passé ! Ah, que de dictées ratées à cause
de cet accord trop souvent oublié, que de textes raturés de
rouge et de remarques assassines pour des accords ignorés ! Ne
boudez pas votre plaisir ! Voici une série de participes passés
qu’il faut accorder ; à vous de jouer !

J’ai mang… plusieurs caramels mous.


La sole meunière que j’ai dégust… était délicieuse.
Sa voiture a été vend… à un aveugle.
Ces deux conditions étant réun…, il peut partir
tranquille.
Les pièces d’or qu’il a découvert… proviennent d’un
trésor de pirate.
Il n’a pas obtenu tous les résultats qu’il avait
escompt…
La poule que le renard a mang…
Les voitures que j’ai vu… passer dans la rue sont
bruyantes.
Les orateurs se sont succéd… à la tribune.
Ils ne s’étaient pas vu… depuis longtemps, ils se sont
embrass… longuement.
Les électeurs se sont massivement absten… lors de
cette consultation.
Elles se sont ennuy… pendant ce spectacle.

N’oubliez pas de rester sur


votre « fin » !
C’est un constat établi, c’est souvent à la fin des mots
que se font les fautes : en effet, c’est là que se fait
l’accord en genre et en nombre. Ainsi soyez
particulièrement vigilants avec les noms pour vérifier
si vous avez bien mis le s ou le x du pluriel (sinon vos
« genoux » vont s’entrechoquer comme des
« bijoux »), avec les adjectifs pour vérifier si le
féminin et le pluriel sont bien marqués, avec les
participes passés selon qu’ils sont conjugués avec les
auxiliaires être et avoir. C’est aussi la fin des verbes
qui indique le temps et la personne. Donc vigilance
sur la « fin » !

La conjugaison
« Ô temps suspends ton vol ! » Soit, mais pas la conjugaison
des verbes !
Voici trois séries de tests pour faire un rapide point sur votre
rapport aux temps…

1er test
Ces verbes sont correctement conjugués au présent de
l’indicatif ; confirmez ou infirmez cette affirmation :

il assied (vrai / faux) – vous assoyez (vrai / faux) – il arguë


(vrai / faux) – je couds (vrai / faux) – ils courrent (vrai / faux) –
nous haïssons (vrai / faux) – il paye (vrai / faux) – je bouds
(vrai / faux) – il sursoit (vrai / faux) – je joins (vrai / faux) – je
vêt (vrai / faux) – il acquiert (vrai / faux) – il trait (vrai / faux)
– vous jettez (vrai / faux) – vous absolvez (vrai / faux) – il croît
(vrai / faux) – vous faites (vrai / faux) – je voie (vrai / faux) – il
vainc (vrai / faux) – il absout (vrai / faux)

2e test
Dites si pour vous le temps et le verbe proposés sont justes :

Je faux est le présent du verbe faillir : vrai / faux

Il faut est le présent des verbes falloir et faillir : vrai / faux

Oyant est le participe présent du verbe ouïr : vrai / faux

Que nous pourvussions est l’imparfait du subjonctif du verbe


pourvoir : vrai / faux

Que je musse est l’imparfait du subjonctif du verbe mouvoir :


vrai / faux

Ils seyaient est l’imparfait de l’indicatif du verbe seoir : vrai /


faux

Sursoyant est le participe présent du verbe surseoir : vrai / faux


Vaincs est la 1re personne de l’impératif présent du verbe
vaincre : vrai / faux

Pais est la 1re personne de l’impératif présent de payer : vrai /


faux

Il closit est le passé simple du verbe clore : vrai / faux

Qu’il moulût est l’imparfait du subjonctif du verbe mouler :


vrai / faux

Tu vis est le présent du verbe voir : vrai / faux

3e test
Les modes et les temps des verbes ont des valeurs et des sens
particuliers ; reliez chaque élément de la première colonne avec
l’élément de la seconde colonne qui lui correspond :

L’indicatif • • exprime une éventualité, un souhait,


un doute.

Le • • exprime une hypothèse, une


conditionnel supposition.

L’impératif • • exprime la certitude, le jugement, la


déclaration.

Le • • exprime un ordre, une interdiction.


subjonctif

L’imparfait • • marque une action en cours dans le


passé.
Le passé • • indique un fait passé précédant
simple immédiatement un autre action
passée.

Le futur • • indique la fin d’une action quand une


simple autre commencera.

Le futur • • indique une action dans un avenir.


antérieur

Le plus- • • marque une action passée à un


que-parfait moment donné.

Deuxième évaluation
Dans cet extrait où il est question de musique, nous avons
glissé 6 « fausses notes » ; avez-vous « l’œil » d’un
mélomane ?

Le pianiste

Les Verdurins n’invitaient pas à dîner : on avait chez


eux « son couvert mis ». Pour la soirée, il n’y avait
pas de programme. Le jeune pianiste jouait, mais
seulement si « ça lui chantait », car on ne forçait
personne et comme disait M. Verdurin : « Tout pour
les amis, vive les camarades ! » Si le pianiste voulait
joué la chevauché de la Walkyrie ou le prélude de
Tristan, Mme Verdurin protestait, non que cette
musique lui déplut, mais au contraire parce qu’elle lui
causait trop d’impression. « Alors vous tenez à ce que
j’ai ma migraine ? Vous savez bien que c’est la même
chose chaque fois qu’il joue ça. Je sais ce qui
m’attend ! Demain quand je voudrais me lever,
bonsoir, plus personne ! »

Marcel Proust, Un amour de Swann, 1913.

La maîtrise d’expression
Les mots nous permettent de nous approprier le monde en le
nommant. Mais convenez-en c’est un vaste programme.

Les écarts
Nous avons l’esprit créateur. C’est bien, mais avec la langue,
les mots, il faut demeurer prudent et veiller à être compris par
tous ! Ainsi, si nous créons de toutes pièces un mot par
approximation avec un autre qui existe, nous devenons l’auteur
d’un barbarisme et la communication avec nous risque de
devenir compliquée (exemple : rénumération n’existe pas ; en
revanche rémunération existe !). Par ailleurs, si dans la
précipitation nous employons un mot pour un autre par
confusion (percepteur pour précepteur), nous produisons une
impropriété qui peut faire sourire (à nos dépens !).

Les barbarismes !
Saurez-vous repérer les barbarismes dans ces couples ?

Astérique / astérisque
Obnubiler / omnubiler
Pécuniaire / pécunier
Aréopage / aéropage
Dilemme / dilemne
Fruste / frustre
Pérégrination / périgrination
Rouvrir / réouvrir

Les impropriétés !
Voici des couples de mots pris souvent l’un pour l’autre ;
pouvez-vous brièvement indiquer leur sens respectif ?

Agonir / agoniser
Décade / décennie
Avatar / avarie
Démystifier / démythifier
À l’intention / à l’attention
Recouvrer / recouvrir
Illettré / analphabète
Jadis / naguère

Troisième évaluation
Devinez qui je suis avant d’arriver à la fin du récit et surtout
repérez les 10 fautes qui conduisent jusqu’à mon identité ! Un
indice : je suis tellement énorme que certains disent « C’est
assez ! »

Là, je suis mal en poing, je crois que c’est la fin. Et


l’autre qui regarde mon œil !

— Tu veux ma photo ?

— Oui je veux bien.

Aussitôt dit, aussitôt fait. Je suis dans la boite. Sans


faire de jeu de mots, je peux dire que ça tombe bien,
puisque je vais mourir. Bon, d’accord, c’est pas très
joyeux tout ça, mais ne vous en faites pas, j’ai pris du
bon temps et je me fais vieille. C’est pour ça que je
suis là. Ma tête ne va plus très bien : je me suis
complètement égaré ! Si on m’avait dit que je finirai
ici !

Ça fait plusieurs années que cette photo a été prise :


exactement, le 18 janvier 1998. Ah, je me rappelle
bien : il y avait tellement de monde pour venir me voir
qu’une voiture est tombée de la jetée. Vous pouvez
vérifier en me regardant, c’est écrit dessus. Ah ça, j’en
ai vu passé du monde. Tous les clients qui viennent
chercher leur dose de niccotine au tabac ; les habitués
accoudés à la demie-coque du comptoir et la salle de
restaurant, toujours pleine l’été avec son drole de
tableau des commandes où s’alignent les pinces à
linge pour accrocher les notes.

Aujourd’hui, c’est l’hiver mais il y a du monde pour


un repas d’après enterrement. Il faut les entendre les
mamies : écoutez celle-là qui parle à sa voisine : « On
essaye ne pas louper les enterements » ; celle-là vient
voir comment ce sera pour son jour à elle.

C’est quand même dommage que je sois si près de


l’entrée : du coup, je n’ai jamais pu voir en entier la
grande fresque peinte qui se trouve derrière le bar ;
mais j’ai l’impression que personne ne la voit plus ;
j’aime bien son bleu et son vert, ça me rappele
l’ancien temps.

Ah, juste avant de vous laisser ; ce qui est drôle, c’est


que des savants venus de Brest ont décidé de me
mesurer et peser. Ç’a pas été facile, vous pouvez me
croire. Ils ont mis le résultat sur ma photo ; ils
auraient pu s’en dispenser, c’était personnel. Enfin,
sachez-le puisque ici tout le monde le sait : je mesure
quatorze mètres de long et je pèse quatorze tonnes, et
avant d’être sur la photo, j’étais une baleine.

La maîtrise de la syntaxe
Savoir écrire correctement les mots, connaître les règles
d’accord et être le roi ou la reine de la conjugaison, c’est bien,
même très bien. Reste à mettre tous ces savoirs en pratique,
c’est-à-dire à produire des phrases qui transmettront vos idées
en respectant des règles de construction logique.

La ponctuation
Élément indispensable pour organiser, rythmer vos phrases, la
ponctuation marque des étapes logiques dans votre écrit. Un
texte mal ponctué peut rendre confus, voire incompréhensible,
un argument, un exemple. Dites si ces affirmations sont vraies
ou fausses.
1. Le mot virgule vient du latin virgula, « petit virage ». V/F
2. La virgule ne permet pas d’insérer des éléments explicatifs entre le
sujet et le verbe. V/F
3. La virgule permet d’évoquer une succession chronologique. V/F
4. Le point-virgule sépare deux propositions. V/F
5. Les deux points ne permettent pas de citer les paroles de quelqu’un.
V/F
6. Les deux points peuvent introduire une explication. V/F
7. Le point indique la fin d’une phrase. V/F
8. On n’utilise le point d’interrogation qu’avec une interrogation directe.
V/F
9. À la fin d’une phrase le point d’exclamation exprime un sentiment ou
une intention. V/F
10. On peut mettre trois, quatre ou cinq points de suspension à la fin d’une
phrase. V/F
11. Les guillemets permettent de citer les paroles ou les écrits de
quelqu’un. V/F
12. On peut écrire « entre parenthèse ». V/F
13. Le tiret sert à indiquer le changement d’interlocuteur dans un dialogue.
VF

Guillaume Apollinaire rassemble en 1912 des poèmes, qu’il a


écrits depuis 1898 ; il songe d’abord à appeler son recueil Eau-
de-vie mais se décide finalement pour Alcools en octobre 1912.
À la fin de cette année, lorsqu’il reçoit les premières épreuves
d’imprimerie, il prend une décision majeure : il supprime toute
la ponctuation ! C’est ainsi que paraît en avril 1913 le premier
recueil poétique majeur de la langue française sans
ponctuation !

La construction de l’expression
Il y a plusieurs manières d’écrire : la bonne et l’approximative,
voire la mauvaise. Ce qui est sûr, c’est qu’une expression
respectant les règles de construction est plus efficace ; saurez-
vous retrouvez dans cette suite d’expressions, celles qui sont
correctes et celles qui sont fautives ?

Se donner une entorse – il s’en est accaparé – de


manière que – je m’en suis allé – il est furieux après
vous – cette nouvelle s’est avérée fausse – une affaire
conséquente – une occasion à saisir – faire des coupes
sombres – d’ici à demain – aller à vélo – il est fâché
avec elle – être extrêmement habile – ce n’est pas de
sa faute – un espèce de fou – 100 kilomètres-heure – je
m’en rappelle – vous n’êtes pas sans ignorer – pallier
à un inconvénient – pardonner quelqu’un – j’ai rêvé à
ma grand-mère – regarder fixement quelqu’un – une
inclination de tête – un vêtement infecté de puces –
jouir d’une mauvaise santé – les risques sont réduits
au minimum – vers une heure et demie – le milieu
ambiant – il lui fit observer que – prendre quelqu’un à
partie – une rue passagère – je vous promets qu’il est
là – ce magasin a rouvert – j’arrive de suite – je l’ai
acheté tel quel – vitupérer quelqu’un

« Dans le cadre de la quinzaine du beau langage, ne disez pas


disez mais disez dites », plaisante le chanteur Julos Beaucarne ;
encore que… La forme verbale disez a bel et bien existé
comme la forme faisez pour le verbe faire ; mais
progressivement les impératifs dites et faites très utilisés dans
la langue orale se sont imposés à la 2e personne du pluriel au
présent de l’indicatif. D’ailleurs, vous n’oublierez pas de noter
que les verbes contredire, dédire, interdire, médire et prédire
ont au présent de l’indicatif les formes : vous contredisez, vous
dédisez, vous interdisez, vous médisez, vous prédisez.

Quatrième évaluation
Un peu de détente pour finir !

La fameuse dictée de Prosper Mérimée ! Nous avons fait les


fautes à votre place ; vous n’avez plus qu’à corriger. « Prosper,
yop la boum ! »

Pour parler sans ambiguité, ce dîner à Sainte-Adresse, près du


Havre, malgré les effluves embaumées de la mer, malgré les
vins de très bons crus, les cuissots de veau et les cuisseaux de
chevreuil prodigués par l’amphitryon, fut un véritable guêpier.

Quelles que soient et quelque exiguës qu’aient pu paraitre, à


côté de la somme due, les arrhes qu’étaient censées avoir
donné la douairière et le marguillier, il était infâme d’en
vouloir pour cela à ces fusiliers jumeaux et malbatis et de leur
infliger une raclée alors qu’ils ne songeaient qu’à prendre des
rafraîchissements avec leurs coreligionnaires.

Quoiqu’il en soit, c’est bien à tort que la douairière, par un


contresens exorbitant, s’est laissée entraîner à prendre un
râteau et qu’elle s’est crue obligée de frapper l’exigeant
marguillier sur son omoplate vieillie. Deux alvéoles furent
brisées, une dysenterie se déclara, suivie d’une pthisie, et
l’imbécilité du malheureux s’accrut.

« Par Saint Martin, quelle hémorragie, s’écria ce bélître ! » À


cet événement, saisissant son goupillon, ridicule excédent de
bagage, il la poursuivit dans l’église tout entière.

C’est vrai, elle est difficile ; c’est pourquoi vous n’y trouverez
que 13 fautes ! Nombre porte-bonheur !

Vous avez trouvé :

moins de 5 fautes : vous avez le profil d’un


empereur !
entre 6 et 8 fautes : vous avez le profil d’une
impératrice !
entre 9 et 12 fautes : vous nous avez gâté, monsieur
l’ambassadeur !
13 fautes : peut-on encore vous adresser la parole ?

La dictée de Prosper
Mérimée !
Attribuée à Mérimée, cette dictée fut réalisée lors
d’une soirée par l’empereur Napoléon III (c’était un
de ses passe-temps favoris), l’impératrice et leurs
invités.

L’empereur garda son rang d’empereur en faisant


beaucoup plus de fautes que les autres : 75 fautes !
L’impératrice Eugénie n’était pas très loin non plus
avec 63 fautes réalisées. Alexandre Dumas fils totalisa
24 fautes ; le prince de Metternich, ambassadeur
d’Autriche, quant à lui, montra à quel point il aimait
la France et le français avec seulement 3 fautes !

Page d’écriture
Voici une liste de proverbes. À partir de l’un
d’eux imaginez un récit dont il serait le point de
départ ou la chute. Naturellement, si l’exercice
vous plaît, vous pouvez construire d’autres récits.

Aux grands maux les grands remèdes.

Tel est pris qui croyait prendre.

Qui s’y frotte s’y pique.

Qui se ressemble s’assemble.

Qui sème le vent récolte la tempête.

L’appétit vient en mangeant.

Toute vérité n’est pas bonne à dire.


Chose promise, chose due.

L’occasion fait le larron.

Méfiance est mère de sûreté.

À cœur vaillant rien d’impossible.

Toute peine mérite salaire.

À quelque chose malheur est bon.


Si vous étiez un animal, lequel choisiriez-vous ?
Dites pourquoi.
Si vous étiez un végétal, lequel choisiriez-vous ?
Dites pourquoi.
Si vous étiez un élément naturel, lequel
choisiriez-vous ? Dites pourquoi.
Si vous étiez un objet, lequel choisiriez-vous ?
Dites pourquoi.
Si vous étiez un personnage historique, lequel
choisiriez-vous ? Dites pourquoi.
Si vous étiez un événement, lequel choisiriez-
vous ? Dites pourquoi.
Si vous aviez un pouvoir surnaturel, lequel
choisiriez-vous ? Dites pourquoi.
Si vous pouviez changer quelque chose dans le
monde, que feriez-vous ? Dites pourquoi.
Troisième partie

Prête-moi ta plume…

Dans cette partie

Lire d’accord, mais écrire, ce n’est pas pour moi ! J’ai toujours été nul en
rédaction, en orthographe, en dissertation, et puis ce n’est pas maintenant
que cela risque de changer, c’est trop tard… Vous avez peut-être déjà
entendu, voire prononcé, ces litanies de lassitude et de renoncement face à
l’écriture. Mais comme vous lisez ces lignes, cela signifie que vous avez
décidé de tordre le cou à cette apparente fatalité et vous avez entièrement
raison. Sans prétendre faire de vous le Chateaubriand du XXIe siècle (mais
sait-on jamais !), nous vous proposons de vous guider vers une meilleure
maîtrise de l’écrit grâce à des outils, trop souvent oubliés ou décriés, car
mal connus ou mal sollicités : dictionnaires, fondamentaux de grammaire et
traitement de texte (le petit dernier !) peuvent devenir de précieux alliés et
vous redonner aussi la goût de la lecture, source inépuisable de
connaissances, de plaisirs et d’évasion. Alors, faites-nous confiance et
lancez-vous sans appréhension dans l’aventure de l’écriture.
Chapitre 8

Les dictionnaires

Dans ce chapitre :
Un dictionnaire ?
Les dictionnaires, à quoi ça sert ?
La grande famille des dictionnaires

Une petite devinette pour commencer : On trouve une partie de


mon tout dans chaque partie. On y trouve une partie de mon
tout qui définit mon tout. Qui suis-je ?

Évidemment la question est un peu facile, compte tenu de


l’endroit où vous vous trouvez ! Vous avez bien sûr deviné
qu’il s’agit du dictionnaire où effectivement chaque mot fait
l’objet d’une définition réalisée à partir d’autres mots du même
dictionnaire qui, eux-mêmes, font l’objet d’une définition que
l’on trouve dans le même dictionnaire !

Ainsi, le mot dictionnaire est lui-même défini par d’autres


mots. Ce curieux objet est en fait assez récent et occupe
aujourd’hui une place importante dans la transmission de la
langue et de ses évolutions ; tantôt témoins, tantôt normatifs,
les dictionnaires sont en effet des compagnons que nous
découvrons dès la classe primaire ; certains les oublient en
cours de chemin et d’autres ne s’en séparent plus. Quelle que
soit votre relation au dictionnaire, dites-vous que c’est un
ouvrage qui peut à la fois être un outil d’apprentissage, de
contrôle ou d’évasion et de divertissement.

Le dictionnaire
Le dictionnaire n’est pas un livre comme les autres ; qu’il soit
dans une bibliothèque, sur un bureau, dans un cartable, en un
volume, en plusieurs volumes ou encore sur Internet, il ne
propose rien de semblable aux autres livres : ni histoire
romanesque, ni pièce de théâtre, ni poésie, ni discours, ni essai,
mais simplement, de manière organisée, tous les mots à partir
desquels toutes ces œuvres seront construites. Il n’est pas non
plus comme les autres livres, car chaque personne l’emploie
avec des objectifs différents. Et à chaque utilisation, il s’ouvre
à un endroit différent, mais certaines de ses pages ne seront
peut-être jamais ouvertes, certains de ses mots ne seront peut-
être jamais consultés et resteront de parfaits inconnus.

Curieux livre que le dictionnaire, car il est aussi une sorte de


mémoire et de témoin de la langue telle qu’on l’a pratiquée,
telle qu’on la pratique : ainsi, il réunit le passé et le présent.

D’abord une définition !


Prenons l’exemple d’un mot et commençons par sa recherche
« dictionnairique », en d’autres termes consultons ce que nous
disent les dictionnaires à propos du mot… dictionnaire !

Voici le début de la définition du Robert :

Dictionnaire [diksjɔnε :R] : n. m. – v. 1501


« dictionnaire bilingue » ; latin médiéval dictionarium,
de dictio « action de dire ».
1. Recueil d’unités signifiantes de la langue (mots,
termes, éléments,…) rangées dans un ordre convenu,
qui donne des définitions, des informations sur les
signes.

Nous observons que l’entrée « Dictionnaire » permet d’abord


de vérifier (le cas échéant) son orthographe, puis sa
prononciation à l’aide d’une transcription phonétique (un
alphabet phonétique est placé en début de dictionnaire),
l’identification de sa classe grammaticale (c’est un nom) et
ensuite son genre : dictionnaire est un mot masculin (les deux
abréviations n. m. sont développées dans un tableau également
situé en début d’ouvrage). Tout cela semble évident pour le mot
dictionnaire, mais ce n’est pas toujours le cas, autant pour
l’orthographe que pour la prononciation : ainsi on apprend par
la consultation du dictionnaire que gaieté peut aussi s’écrire
gaîté et que gageure peut se prononcer [gazyR] ou [gazoeR].
Mais revenons à notre article « Dictionnaire ». La suite nous
fournit des indications sur l’apparition de la forme actuelle du
terme et son origine étymologique ; puis la signification
principale du terme (1) est proposée avec un développement
important (à consulter dans le Robert !) sur les différents
emplois, les analogies et des exemples. Enfin, deux autres
subdivisions introduisent des sens figurés du mot :

2. Le dictionnaire d’une époque, d’une personne, la


somme des mots qu’elle emploie. => Vocabulaire. 3.
Fig. (d’une personne qui sait tout). C’est un vrai
dictionnaire, un dictionnaire vivant ! =>
Bibliothèque, encyclopédie.

À présent, consultons sur Internet la définition du mot


dictionnaire à l’aide du TLFI (Trésor de la langue française
informatisé) :

DICTIONNAIRE, subst. masc.


I. —Recueil des mots d’une langue ou d’un domaine de
l’activité humaine, réunis selon une nomenclature
d’importance variable et présentés généralement par ordre
alphabétique, fournissant sur chaque mot un certain nombre
d’informations relatives à son sens et à son emploi et destiné à
un public défini.

Le mot-entrée « dictionnaire » (c’est le terme employé par les


lexicographes, les rédacteurs de dictionnaire) est suivi de deux
abréviations : subst. mis pour substantif, terme employé par les
grammairiens pour désigner un nom ; et masc. mis pour
masculin. Ici aussi c’est la classe grammaticale et le genre qui
sont fournis. Puis vient la définition du terme où l’on retrouve
(heureusement !) les mêmes informations sur la signification.

Suit un développement qui permet de comprendre les différents


emplois et significations, selon les époques et les contextes,
avec une série d’exemples composés par les auteurs du
dictionnaire ou faits de citations littéraires (nous vous invitons
à découvrir l’intégralité de l’article sur le site Le Trésor de la
langue française informatisée). À la différence du Robert, la
datation et l’étymologie interviennent à la fin de l’article, de
manière plus détaillée et plus savante, jugez plutôt :

Prononc. et Orth. : [diksjɔnε :R]. Ds Ac. dep. 1694. FÉR.


Crit. t. 1 1787 écrit dictionnaire. Étymol. et Hist. I. Ca 1501
(A. VÉRARD, Le Jardin de Plaisance, f° [a V V°] ds QUEM.
Fichier) ; II. 1885 dico (arg. des lycéens, Brest ds ESN.). I
empr. au lat. médiév. dictionarium (ca 1220 Dictionarius de J.
de Garlande) dér. du rad. de dictio, onis « action de dire,
propos, mode d’expression » ; suff. -arium. II dér. de I, par
réduction à la 1re syllabe avec suff. arg. -o*. Fréq. abs. littér. :
685. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 727, b) 1 309 ; XXe s. : a) 1
130, b) 910. Bbg. RÉTIF (A.). Baudelaire et le dictionnaire.
Vie Lang. 1971, pp. 122-131. — REY (A.). À propos des
dictionnaires fr. Fr. Monde, 1968, no 58, pp. 13-16.

Ainsi, selon vos besoins et vos centres d’intérêt, vous pouvez


choisir un dictionnaire de langue qui vous proposera une
définition plus ou moins approfondie du mot retenu. Mais quel
que soit le dictionnaire, votre consultation vous apportera :
1. des informations sur la classe grammaticale du mot, sa prononciation,
son genre et son origine étymologique qui permet de mesurer d’emblée
l’évolution du sens ;
2. une définition plus ou moins développée ;
3. des exemples de ses différentes significations et son emploi ou non
dans l’usage contemporain ;
4. et par analogie la présentation d’autres mots.

Un dictionnaire qui a fait un


« tabac » !
EN 1560, Jean Nicot a introduit le tabac à la cour de
Catherine de Médicis afin de soigner les migraines de
son fils François II ; l’herbe à Nicot a donné le mot
nicotine. Mais son œuvre majeure, qui fit un « tabac »
excellent pour la santé intellectuelle, fut la rédaction
du premier dictionnaire de la langue française
moderne, Thresor de la langue françoyse tant
ancienne que moderne, publié en 1606.
Brève histoire du dictionnaire
Tour à tour recueil de définitions, mémoire d’une langue et
témoin de son évolution, instrument normatif mais aussi outil
d’apprentissage, le dictionnaire a considérablement évolué en
cinq cents ans.

Les dictionnaires « papier »


Le monde antique et le Moyen Âge ignorent les dictionnaires
dans la mesure où la majorité de la population illettrée ignore
l’écrit ; il existe seulement des lexiques regroupant des mots
rares ou techniques. L’apparition des premiers dictionnaires se
produit à la fin de la Renaissance ; en 1539, Robert Estienne
réalise un dictionnaire français-latin à une époque où le
français peine à s’imposer. En 1606, Jean Nicot publie le
premier dictionnaire alphabétique de la langue française,
Thrésor de la langue françoyse tant ancienne que moderne (à
Paris, chez l’imprimeur Douceur – cela ne s’invente pas !) avec
la définition des mots, des explications sur le sens des mots, de
l’orthographe.

À la fin du XVIIe siècle, trois dictionnaires vont sortir : tout


d’abord, en 1680, le dictionnaire de Richelet où les définitions
sont accompagnées d’exemples et intègrent le vocabulaire
populaire ; puis, en 1690, le dictionnaire de Furetière, ouvrage
posthume d’un académicien qui brûle de manière posthume la
politesse à l’ouvrage collectif de ses collègues de l’Académie
française qui paraît en 1694 (commencé en 1638 !) ; ce dernier
est important pour l’évolution du français, car il introduit
l’usage normatif de la langue. Au XVIIIe siècle, on retiendra le
dictionnaire de Trévoux, œuvre de synthèse d’un collectif de
jésuites (il comportera six éditions de 1704 à 1771), et une
nouvelle édition du dictionnaire de l’Académie française en
1762 (l’Encyclopédie, dirigée par Diderot et publiée de 1751 à
1772, n’est pas un dictionnaire de langue).

Au XIXe siècle deux œuvres monumentales enrichissent


l’histoire lexicographique : le dictionnaire d’Émile Littré qui
s’intéresse au vocabulaire contemporain et les dictionnaires de
Pierre Larousse, notamment le Grand Dictionnaire universel
du xixe siècle (17 volumes) à vocation pédagogique et sa
version abrégée le Nouveau dictionnaire de la langue française
(1856), réédité en 1878 avec des illustrations.

Au XXe siècle, l’alphabétisation massive, l’école obligatoire


développent considérablement l’offre en matière de
dictionnaires, en privilégiant les formats réduits en un seul
volume. On retiendra deux ouvrages majeurs : tout d’abord Le
Petit Larousse composé de deux parties : l’une lexicographique
et l’autre encyclopédique ; ce dictionnaire d’usage (les
exemples sont tirés de l’usage habituel et non de citations
littéraires) propose des définitions souvent brèves qui donnent
d’abord le sens le plus utilisé ; ensuite Le Petit Robert,
déclinaison abrégée du Grand Robert de la langue française
(en six volumes), qui présente toutes sortes d’informations
(étymologiques, orthographiques, phonétiques), s’intéresse à
l’emploi des mots et fournit des synonymes, des antonymes et
de nombreuses citations.

Le Dictionnaire de l’Académie
française aujourd’hui
Courage, courage, on arrive à la lettre Q !
C’est bien connu, qui veut aller loin ménage sa
monture… Ainsi depuis la première édition de son
Dictionnaire en 1694, l’Académie française a publié
huit éditions : 1718, 1740, 1762, 1798, 1835, 1878,
1932-1935, 1992. Les quarante académiciens (il y a
en fait cinq femmes, Assia Djebar, Florence Delay,
Hélène Carrère d’Encausse, Danielle Sallenave et
Simone Veil) ont entamé en 1986 la rédaction de la
neuvième édition du Dictionnaire de l’Académie ;
deux premiers volumes ont été publiés : en 1992 le
premier tome (A à Enzyme) et en 2000 le second tome
(Éocène à Mappemonde).

Aujourd’hui, avec l’impression intermédiaire de


fascicules au Journal officiel, les parutions faites à ce
jour atteignent la lettre Q : le fascicule n° 36 (publié le
25 mai 2011) traite les mots de prométhéen à
quadrivium.

Le dictionnaire à l’heure du numérique


Aujourd’hui, les rayons des librairies et des bibliothèques
proposent toutes sortes de dictionnaires répondant à des
besoins et à des lecteurs très différents ; mais depuis quelques
années, à côté de cette offre « papier », sont apparues de
nombreuses versions numériques. Parmi celles-ci on retrouve
les dictionnaires « traditionnels » cités plus haut et une version
informatisée du Trésor de la langue française, dictionnaire en
16 volumes, formidable réalisation du laboratoire de recherche
ATILF (Analyse et traitement informatique de la langue
française), unité mixte réunissant l’Institut national de la langue
française (CNRS) et des équipes de linguistes de l’université de
Nancy 2. Riche de 100 000 mots avec leur histoire, de 270 000
définitions accompagnées d’environ 430 000 exemples
(souvent littéraires), cette version est sans conteste une
référence de qualité que l’on peut consulter (gratuitement) avec
la certitude d’explications fiables et passionnantes.

Les usages du dictionnaire


En osant une métaphore pratique, nous pourrions dire
(d’ailleurs nous le disons, ce qui est une prétérition, et aussi
une bonne occasion d’aller vérifier ou découvrir
éventuellement le sens du mot prétérition !), nous pourrions
donc dire que le dictionnaire est à chacun de nous ce que le
couteau suisse est au randonneur dans la nature, c’est-à-dire un
outil de bonne compagnie, indispensable. Donc, ne partez pas
sans lui, n’écrivez pas sans lui !

Un outil utile
Le lexicographe réputé Alain Rey définit ainsi l’objectif des
dictionnaires dont il dirige la rédaction : faire « la description
d’un français général, d’un français commun à l’ensemble de la
francophonie, coloré par des usages particuliers, et seulement
lorsque ces usages présentent un intérêt pour tout le monde ».
Autrement dit à un moment donné, présenter un état de la
langue dans toute sa modernité ancrée dans une histoire, sans
évidemment prétendre à une complétude, par ailleurs
impossible, tant la langue est un phénomène vivant dans lequel
des mots disparaissent, d’autres apparaissent ou se
transforment dans leur morphologie ou leur signification.

Dès lors, quel que soit votre âge, le dictionnaire est un outil
indispensable autant pour vérifier votre expression que pour
l’améliorer ou voyager dans l’univers des mots.
C’est un dictionnaire « extraordinaire » ! Nous l’avons dit, le
dictionnaire est bien sûr un outil de savoir et de recherche mais
c’est aussi une réserve pour l’imaginaire : ainsi cette série de
mots pris au hasard, mais par ordre alphabétique, dans le
Dictionnaire des mots rares et précieux, collection 10/18, n°
2782.

Aventurine, n.f. Pierre précieuse. C’est une variété de quartz


coloré le plus souvent en jaune ou rouge.

Batterand, n.m. Gros marteau de carrier.

Colichemarde, n.f. Sorte de rapière dont la large lame s’effile


brusquement en pointe.

Dosse, n.f. Première et dernière planche qu’on enlève sur une


bille, lors du sciage, et qui conserve son écorce sur un des
côtés.

Échauboulure, n.f. Petite cloque rouge qui vient sur la peau


pendant les chaleurs de l’été.

Faissier, n.m. Vannier qui fait des ouvrages à claire-voie.

Grissolement, n.m. Le chant de l’alouette.

Hélix, n.m. Anatomie. Repli qui entoure le pavillon de l’oreille,


chez l’homme.

Inlet, n.m. Entrée d’un bras de mer dans les terres.

Jusée, n.f. Liqueur acide obtenue par macération de l’écorce


de chêne et employée en tannerie.

Kennédye, n.f. Botanique. Sorte de glycine australienne


cultivée en France comme plante ornementale.
Lait-de-lune, n.m. Géologie. Terre calcaire en suspension dans
certaines sources de montagne.

Maufait, n.m. Nom donné au diable pendant le Moyen Âge.

Nolonté, n.f. Didactique. Volonté contraire.

Palafitte, n.f. Habitation lacustre élevée sur pilotis.

Quiosse, n.f. Sorte de pierre avec laquelle le mégissier frotte le


cuir.

Robeuse, n.f. Ouvrière qui entoure les cigares de leurs robes.

Synoque, adj. Médecine. Se dit d’une fièvre continue mais de


courte durée.

Taisson, n.m. Autre nom du blaireau.

Uncinule, n.f. Petit crochet.

Vésanie, n.f. Nom générique des maladies mentales.

Wacapou, n.m. Bois de la Guyane française utilisé en


ébénisterie.

Xanthopsie, n.f. Pathologie. Trouble de la vue dans lequel les


objets apparaissent jaunes.

Yolier, n.m. Canotier qui pilote une yole.

Zinzinuler, verbe intransitif. Chanter, en parlant de la mésange


et de la fauvette.
D’un dictionnaire à l’autre
Nous avons cité plus haut deux dictionnaires de langue : Le
Petit Robert pour la version papier et le TLFI (Trésor de la
langue française informatisé) pour la version numérique ; avec
ces deux-là, vous êtes paré pour aborder vos travaux d’écriture
(mais aussi vos séances de lecture !). Il existe bien sûr d’autres
dictionnaires de langue fort utiles mais l’objectif (a priori)
n’est pas de garnir des rayonnages de bibliothèque. Voici
quelques dictionnaires spécialisés qui ont leur utilité et que
vous pouvez consulter, mais ce sont d’abord vos besoins et vos
centres d’intérêt qui doivent prévaloir.

Le dictionnaire étymologique
Ce dictionnaire est une véritable machine à explorer le temps :
il donne l’origine, la filiation d’un mot et à partir du sens initial
reconstitue son histoire, son évolution de sens et ses différents
usages au fil du temps. Il vous permet de gagner en précision et
aussi en nuance. Enfin, il donne, ou redonne, aux mots du
quotidien leur force initiale ; par exemple, le mot succès
emprunté au latin successus, « action d’avancer, succession »,
avait au XVIe siècle le sens de « suite, succession de temps ou
d’actes, et de ce qui arrive de bon de mauvais » : c’est
seulement au milieu du siècle suivant que le sens moderne de
« réussite » est apparu. Autre exemple, fortune du latin fortuna,
« sort », prend le sens de richesse au XVe siècle mais signifie
aussi « sort » et dans le cas d’une « fortune de mer » un
mauvais sort, car cela indique le naufrage d’un navire ! Dernier
exemple : au siècle de Racine (le XVIIe siècle !) fier avait la
signification usuelle de son origine latine ferus, « sauvage,
farouche, cruel », alors qu’aujourd’hui il suggère surtout une
attitude morale d’arrogance ou de dignité.
Un mot sans h !
Contrairement à une orthographe fautive assez
communément répandue, étymologie ne prend pas de
h après le t puisque son radical est etymos, « vrai » ;
sans doute l’influence de mots comme éthique (du
grec ethos, « mœurs ») et ethnie (du grec ethnos,
« peuple, nation »).

Étymologie du mot étymologie :

ÉTYMOLOGIE, vers 1160 (en parlant de l’œuvre


intitulée Étymologies d’Isidore de Séville) ; le sens
actuel est attesté depuis 1550 environ ; étymologique,
1551. Empr. du lat. etymologia, étymologicus (mots
d’origine grecque ; le premier terme du comp.
etymologia est l’adj. etymos « vrai », propr. « science
qui fait connaître le vrai sens des mots »).

Dictionnaire étymologique de la langue française, par


Oscar Bloch et Walther von Wartburg, Presses
universitaires de France, 7e éd. 1988.

Le dictionnaire analogique
Si vous cherchez à enrichir votre vocabulaire, à rendre plus
précise votre pensée, ou tout simplement à éviter une
répétition, le dictionnaire analogique est utile, car il groupe les
mots selon leurs ressemblances de sens et vous offre ainsi toute
une série de mots appartenant à un même champ sémantique.
C’est le grammairien et philosophe Jean-Baptiste Prudence
Boissière qui publie, en 1862, le Dictionnaire analogique de la
langue française. Répertoire complet des mots par les idées et
des idées par les mots, premier dictionnaire français
analogique, classant les mots à partir d’un ordre thématique et
alphabétique.

Le dictionnaire des synonymes


Si chaque mot a un sens, il peut y avoir un mot différent dont le
sens est approchant, voire très ressemblant, comme une sorte
de jumeau, mais ce n’est pas le même mot, c’est un synonyme.
Comme le dictionnaire analogique, le dictionnaire des
synonymes est un bon moyen pour enrichir son lexique
(lexique a pour synonymes vocabulaire, mots, langue,
expression, terminologie). Il a essentiellement trois utilités,
auxquelles vous pouvez recourir séparément ou en les
associant :

Éviter les répétitions.


Introduire une notion d’intensité : par exemple
vous pouvez, après une dure journée de labeur, être
abattu, brisé, éprouvé, épuisé, éreinté, fatigué, lassé.
Cela vous laisse du choix et la possibilité de préciser
votre état aussi bien physique que moral !
Donner une notion de registre de langue, de niveau
social ou de niveau stylistique : las, fourbu, recru,
mort, claqué, cuit, flagada, pompé, crevé, lessivé,
naze… Vous mesurez bien, dans cette énumération,
l’écart entre las et naze !

Vous noterez que des mots peuvent être synonymes de manière


partielle : ainsi, le mot journal est synonyme de revue
uniquement lorsque revue désigne « un périodique, un bulletin,
une gazette, un hebdomadaire, un magazine » ; mais revue
cesse d’être un synonyme lorsqu’il prend le sens de « revue de
comédie, d’inspection, de défilé ou de procession ». Il ne faut
pas l’oublier sous peine d’« être de la revue » !

Le dictionnaire des citations


C’est étonnant tout ce que l’on peut dire avec des mots :
aphorismes, formules, maximes, pensées fulgurantes,
comportent sur l’humanité et son histoire d’innombrables
considérations. Rassemblées dans un dictionnaire de citations,
elles permettent un bref contact avec un esprit (écrivain,
philosophe, artiste, journaliste, homme politique) et sont
parfois le point de départ d’une idée, d’une envie
d’approfondir. Alors n’hésitez pas à vous plonger de temps en
temps dans cette concentration de formules où l’on constate
souvent la permanence des constats et des interrogations sur la
nature humaine. Pour ne pas être en reste, nous vous laissons
apprécier ces trois citations où il est évidemment question de
dictionnaire :

DICTIONNAIRE. En dire : N’est fait que pour les ignorants.


(Gustave Flaubert, Dictionnaire des idées reçues, écrit entre
1850 et 1880, publication posthume en 1913)

Un bon dictionnaire est une affaire de raison et de discussion


et non d’enthousiasme. (Stendhal, Racine et Shakespeare,
1823)

Rien n’importe au progrès de l’esprit humain autant qu’un bon


dictionnaire qui explique tout. (Anatole France, Le Génie latin,
1913)

Le dictionnaire des expressions et locutions


Pour les passionnés de l’histoire de la langue française, le
dictionnaire des expressions et locutions est un véritable Éden :
il offre une découverte de ces formules (souvent imagées)
forgées tout au long des siècles par des pratiques populaires,
des trouvailles d’écrivains, et qui agrémentent notre discours
sans que nous sachions toujours quelle est leur origine
première. Voici trois exemples pour vous donner l’envie
d’ouvrir les pages d’un tel dictionnaire :

Une vie de patachon : grâce aux progrès


technologiques, la profession difficile de patachon a
disparu. Jugez plutôt : le patachon était au XIXe siècle
un conducteur de patache (de l’espagnol batas), sorte
de diligence sans confort utilisée par les pauvres pour
voyager. Le patachon avait donc une vie rythmée par
des voyages fatigants et incessants ; toujours sur les
chemins, il oubliait dans les tavernes et leur réconfort
(notamment « alcoolique ») la dureté de son existence.
Avoir « une vie de patachon », c’est donc vivre d’une
manière dissipée, en ayant les excès comme règle de
conduite…
À la queue leu leu : leu est un terme de l’ancien
français issu du latin lupus, « loup » ; le leu est donc un
loup et l’expression traduite mot à mot devient « à la
queue loup loup ». Pourquoi cette répétition ? En, fait,
ce n’est pas une répétition et, comme un train peut en
cacher un autre, un loup peut en précéder un autre. En
ancien français, les articles et les prépositions n’étaient
pas systématiques pour construire des propositions
(traces du latin). Ainsi, cette expression était « à la
queue (du) leu (le) leu », ou « à la queue du loup le
loup », allusion au comportement des loups en bande
qui peuvent se suivre les uns derrière les autres.
Ours mal léché. L’ours – du latin ursus – est un
animal qui attire toute une série de connotations
souvent contradictoires : petit, il doit à son aspect
attendrissant de boule de poils d’avoir été transformé
en « nounours » pour les enfants ; grand, ce
mammifère carnivore rappelle qu’il est un fauve à
éviter. Son comportement faussement pataud et sa vie
en solitaire ont servi aussi par analogie à désigner une
personne aux mœurs rustres et peu sociables : « Quel
ours ! » dira-t-on. Quant à sa variante, l’expression
« ours mal léché », qui apporte l’idée supplémentaire
de grossièreté, de manque d’éducation, elle s’établit au
XVIIIe siècle et s’appuie sur une croyance ancienne,
selon laquelle l’ourson, à sa naissance, n’était pas
formé : c’était sa mère, en le léchant, qui lui donnait sa
forme définitive. Dans Pantagruel (1532), Rabelais
rapporte cette croyance : « Comme un ours naissant n’a
pieds ni mains, peau, poils ni tête : ce n’est qu’une
pièce de chair, rude et conforme. L’ourse, à force de le
lécher, la met en perfection des membres. »

Le dictionnaire de rhétorique
Nous l’avons déjà dit, avoir des idées, beaucoup d’idées,
géniales, absolument géniales, c’est bien, c’est possible… Mais
les transmettre, les écrire, voilà une autre affaire ! Cela
nécessite le choix des mots, des expressions, une organisation,
un ton, bref un style avec toutes sortes de procédés destinés à
rendre lumineux aux autres ce qui l’est pour vous ! Bien,
soyons peut-être plus modeste pour commencer ! Vous devez
être convaincu que la manière, la forme que vous adopterez
pour écrire, auront une incidence directe sur la réception et
l’intérêt porté à votre écrit. Bref, que votre style devra être un
atout ; ce sera l’association réussie du fond et de la forme
(n’oubliez jamais cette formule, « la forme nous informe » !).

Pour cela, vous allez employer des procédés d’écriture appelés


figures de style. Dumarsais, un grammairien du XVIIIe siècle,
les appelait des « tropes », en ce sens que ces figures proposent
des mots avec un sens figuré, « tourné » (trope vient du grec
tropos, « tour ») ; mais quel que soit le nom qu’on leur attribue,
il s’agit de ces tournures de phrase qui donneront un style
particulier à votre écrit, « votre style » !

Quelques conseils de Georges !


Voici quelques extraits du discours sur le style,
discours prononcé à l’Académie française par
Georges Buffon le jour de sa réception le 25 août
1753. Rien n’interdit de s’en inspirer !

Le style n’est que l’ordre et le mouvement qu’on met


dans ses pensées. Si on les enchaîne étroitement, si on
les serre, le style devient ferme, nerveux et concis ; si
on les laisse se succéder lentement et ne se joindre
qu’à la faveur des mots, quelque élégants qu’ils
soient, le style sera diffus, lâche et traînant. […]

Pour bien écrire, il faut donc posséder pleinement son


sujet, il faut y réfléchir assez pour voir clairement
l’ordre de ses pensées, et en former une suite, une
chaîne continue, dont chaque point représente une
idée ; et, lorsqu’on aura pris la plume, il faudra la
conduire successivement sur ce premier trait, sans lui
permettre de s’en écarter, sans l’appuyer trop
inégalement, sans lui donner d’autre mouvement que
celui qui sera déterminé par l’espace qu’elle doit
parcourir. C’est en cela que consiste la sévérité du
style ; c’est aussi ce qui en fera l’unité et ce qui en
réglera la rapidité, et cela seul aussi suffira pour le
rendre précis et simple, égal et clair, vif et suivi. À
cette première règle, dictée par le génie, si l’on joint
de la délicatesse et du goût, du scrupule sur le choix
des expressions, de l’attention à ne nommer les choses
que par les termes les plus généraux, le style aura de
la noblesse. Si l’on y joint encore de la défiance pour
son premier mouvement, du mépris pour tout ce qui
n’est que brillant et une répugnance constante pour
l’équivoque et la plaisanterie, le style aura de la
gravité, il aura même de la majesté. Enfin, si l’on
écrit comme l’on pense, si l’on est convaincu de ce
que l’on veut persuader, cette bonne foi avec soi-
même, qui fait la bienséance pour les autres et la
vérité du style, lui fera produire tout son effet, pourvu
que cette persuasion intérieure ne se marque pas par
un enthousiasme trop fort, et qu’il ait partout plus de
candeur que de confiance, plus de raison que de
chaleur. […]

Les ouvrages bien écrits seront les seuls qui passeront


à la postérité : la quantité des connaissances, la
singularité des faits, la nouveauté même des
découvertes, ne sont pas de sûrs garants de
l’immortalité : si les ouvrages qui les contiennent ne
roulent que sur de petits objets, s’ils sont écrits sans
goût, sans noblesse et sans génie, ils périront, parce
que les connaissances, les faits et les découvertes
s’enlèvent aisément, se transportent et gagnent même
à être mises en œuvre par des mains plus habiles. Ces
choses sont hors de l’homme, le style est l’homme
même. Le style ne peut donc ni s’enlever, ni se
transporter, ni s’altérer : s’il est élevé, noble, sublime,
l’auteur sera également admiré dans tous les temps ;
car il n’y a que la vérité qui soit durable, et même
éternelle. Or un beau style n’est tel en effet que par le
nombre infini des vérités qu’il présente. Toutes les
beautés intellectuelles qui s’y trouvent, tous les
rapports dont il est composé, sont autant de vérités
aussi utiles, et peut-être plus précieuses pour l’esprit
humain que ceux qui peuvent faire le fond du sujet. »

Rappelez-vous ce souvenir de collège lorsque vous avez


découvert cette scène du Cid de Corneille : Chimène rencontre
son amoureux, Rodrigue, qui vient de tuer en duel Don Gomès,
le père de Chimène ! L’honneur exige qu’elle se venge de
l’assassin de son père ; mais elle sait aussi que c’est l’honneur
qui a contraint Rodrigue à venger son père Don Diègue (qui
avait été bafoué par Don Gomès). Quel dilemme ! Que faire,
que dire ? Chimène pleure un père mais aime toujours
Rodrigue. Alors elle trouve (enfin c’est Corneille qui trouve !)
cette fameuse réplique (vers 963 de l’acte III, scène 4) par le
recours à une figure de style appelée « litote », lui permettant
d’exprimer son sentiment amoureux sans faillir à son honneur
et à son devoir :Va, je ne te hais point.

Rodrigue pour poursuivre l’alexandrin ajoute avec panache :


« Tu le dois » et Chimène pour conclure l’alexandrin à la même
hauteur lui répond : « Je ne puis. » C’est beau, non ?

Après avoir essuyé vos yeux embués d’émotion, sachez que


vous avez à votre disposition des dizaines de figures de style :
« adjonction, allégorie, anacoluthe, anaphore, antiphrase,
asyndète, chiasme, comparaison, euphémisme, hyperbole,
litote, métaphore, métonymie, oxymore, paronomase,
synecdoque, zeugma », et bien d’autres encore, pour faire
briller votre style. Vous retrouverez la définition de toutes ces
figures dans l’annexe C.
Chapitre 9

Mon grand-père et ma grammaire

Dans ce chapitre :
Appeler un chat « un chat » et donc… savoir
reconnaître les différentes classes de mots
À chacun son rôle ou savoir identifier les fonctions
des mots
Faire des phrases, comme les marins…
Pour être au point avec la ponctuation

Non, non, ne partez pas, restez ! Vous avez compris qu’il


s’agissait d’un chapitre consacré à la grammaire, même si nous
avons détourné dans son titre le calembour du personnage de
Martine dans Les Femmes savantes de Molière (II, 6, vers 489
à 492) : « Veux-tu toute ta vie offenser la grammaire ? — Qui
parle d’offenser grand-père et grand-mère ? » (Encore
aujourd’hui dans le Midi, la nasalisation de la syllabe initiale
peut parfois faire comprendre « grand-mère » alors qu’il s’agit
de « grammaire » !) Pas de quiproquo entre nous, car vous
faites peut-être partie de ces personnes qui ont souffert le
martyre pendant ces heures terribles de cours de grammaire qui
paraissaient interminables : ce chapitre ne va pas vous plonger
à nouveau dans ces mauvais souvenirs. Nous voulons juste
vous présenter de manière synthétique les grands principes de
fonctionnement de la langue française indispensables pour
maîtriser l’écrit. Pour le reste, si vous avez des interrogations
particulières ou (pourquoi pas ?) un intérêt pour telle règle ou
telle structure de langue, vous trouverez des éléments de
réponse dans l’annexe A. Mais comme l’indique le titre de
notre ouvrage, Écrire pour les Nuls, notre objectif, ici, est de
vous donner les outils pour écrire et avoir envie de le faire, et
seulement cela !

D’ailleurs, comme le reste du livre, ce chapitre n’est pas fait


pour être appris, mais pour être consulté en cas de besoin ! Il ne
s’agit pas non plus de faire de vous d’éminents linguistes
capables de disserter avec brio, se demandant, selon qu’ils
appartiennent à l’école structuraliste ou énonciativiste,
« comment les formes grammaticales sont connectées selon un
découpage en phonèmes, lexèmes, morphèmes, syntagmes » ou
bien « comment les formes linguistiques se mettent en situation
et sont prises en charge par des énonciateurs ».

Certes, la question de savoir quelle est la bonne approche


mérite d’être posée, mais pour l’heure, nous vous proposons
une brève observation de la langue et de ses mécanismes. Si le
sujet vous passionne, libre à vous d’approfondir et de devenir
le Saussure, le Benveniste ou le Chomsky (célèbres linguistes,
bien connu des… linguistes !) du XXIe siècle.

La grammaire à quoi ça sert ?


Vous vous rappelez ? Si vous avez lu le chapitre 1 (ce n’était
pas une obligation !), nous évoquions le fait que pour pouvoir
communiquer, les hommes et les femmes ont mis au point ce
phénomène que l’on appelle le langage verbal, et que pour le
rendre efficace et utilisable, ils (c’est-à-dire « les hommes et les
femmes », donc « ils et elles », donc « ils » !) ont convenu que
les mots seraient organisés selon des règles afin que tout le
monde puisse comprendre ; bref que chacun possède le même
mode d’emploi que son voisin ou sa voisine. La grammaire,
c’est cela et rien d’autre ! Un ensemble de mécanismes, de
règles, de structures, sur lequel nous sommes tous d’accord et
qui nous permet d’être ensemble et d’échanger.

Bien sûr, nous avons tendance à trouver que la notice d’emploi


est un peu fastidieuse, parfois pas très compréhensible ou
apparemment pas forcément logique, en d’autres termes que
tout cela est pesant et pourtant… Pourtant, c’est grâce à elle, à
sa présence, à son emploi, que nos pensées se concrétisent, se
développent, se transmettent.

Vous avez sans doute déjà entendu (ou peut-être vous-même


produit !) ces remarques pessimistes et souvent chargées de
mauvais souvenirs comme : « La grammaire, ça ne sert à
rien ! », « De toutes façons, j’ai toujours été nul en français »,
« C’est pour les littéraires, pas pour les matheux », « Moi, du
moment que je me comprends et que l’on me comprend »,
« C’est pour les spécialistes », « C’est du temps perdu », « Je
ne veux pas devenir écrivain ! » Arrêtons là ce lamento ! Bien
souvent, trop souvent, la grammaire est associée à une corvée à
laquelle on ne peut échapper, qui a « plombé » des heures et
des heures de votre scolarité, qui a rendu d’un coup rébarbatif
un poème, un extrait de roman que vous aimiez, car
l’enseignant a eu la mauvaise idée d’y voir des syntagmes
nominaux, des déictiques, des compléments d’objet seconds,
des propositions subordonnées circonstancielles, et… à ce
moment le texte est devenu un objet d’ennui et de questions
désagréables auxquelles vous n’aviez pas nécessairement de
réponse.

Si vous acceptez de continuer avec nous, remisez ces souvenirs


et dites-vous que la grammaire n’est pas une fin, surtout pas
une fin, mais un moyen ! Un moyen pour comprendre ces
mécanismes, ces règles, ces structures, et s’en servir pour
produire des textes. C’est tout. C’est tout ? Oui, c’est tout.

« Mais c’est compliqué », pensez-vous en votre for intérieur


(les mauvais souvenirs sont encore là…) ! Non et non, la
grammaire n’est pas compliquée, elle repose sur quelques bases
simples qu’il suffit de connaître et de maîtriser, sans jamais
perdre de vue qu’elle est là seulement pour nous permettre
d’écrire sans difficulté tout en étant compris par nos
semblables. Donc pas de crainte à avoir, nous n’allons pas vous
proposer ces redoutables séances d’analyse logique sur
lesquelles vous avez tant transpiré.

Dans ce chapitre nous irons à l’essentiel et vous aurez ainsi à


votre disposition les fondamentaux pour comprendre le
fonctionnement de la langue et surtout le mettre en œuvre dans
vos écrits !

Nature et fonction
Nature et fonction, voilà deux termes importants qui sont
parfois l’objet de confusion : pourtant, impossible de se
tromper. Prenons un exemple : regardez cet objet avec un
dossier, quatre pieds et un plan horizontal, sur lequel vous avez
coutume de vous asseoir lorsque vous êtes à table ou à votre
bureau, c’est une chaise ! C’est la nature de cet objet que vous
ne confondrez jamais avec cet autre objet constitué d’un cadre
métallique (ou en carbone !), de deux roues, d’un pédalier, de
freins, et que vous appelez, que nous appelons, un vélo ! La
chaise a une fonction première et évidente, elle permet de
d’asseoir ; le vélo a une fonction également première et
évidente, c’est un moyen de transport qui permet de se déplacer
plus rapidement qu’à pied… Eh bien, les mots, c’est pareil !
Chaque mot a une nature et appartient à une des dix classes
grammaticales que nous venons juste de voir (finalement peu,
puisqu’il y en a dix !). Chaque mot a également une utilité,
autrement dit une fonction ; nous les présenterons un peu plus
loin : et là, aussi, les principales fonctions sont peu
nombreuses, donc pas de quoi s’affoler !
Les classes sur vos dix doigts !
Sauf à venir d’une autre planète, vous avez dix doigts et vous le
savez puisque vous vous en servez tous les jours ! Eh bien,
pour la grammaire c’est aussi simple : retenez qu’il y a dix
classes grammaticales de mots à partir desquelles se fabrique la
langue que vous employez tous les jours. Cette classification
vous donne la nature de chaque mot et vous permet de savoir à
quoi il sert, autrement dit sa fonction. Encore une fois, il ne
s’agit pas de connaître toutes les subtilités et exceptions
attachées à ces dix classes, simplement d’être capable
d’identifier ces dix classes et leur utilité dans la construction de
vos phrases.

Voici ces dix classes de mots : le nom, les déterminants du


nom, l’adjectif, les pronoms, le verbe, l’adverbe, les
conjonctions, les prépositions, les interjections et les
onomatopées.

Le nom
C’est un mot ou un groupe de mots qui désigne une réalité
concrète ou abstraite : des êtres (mon frère), des objets (un
ordinateur), des notions

(la liberté), des actions (une course). Voici les principales


caractéristiques à retenir.

Quand vous écrivez un nom, vous devez être prêt et à vos


marques, enfin aux trois marques distinctives du nom :

il est propre ou commun ;


il a un genre (féminin ou masculin) ;
il a un nombre (singulier ou pluriel).

Commun / propre ?
Le nom est commun quand sa signification vaut pour toute une
série d’éléments : le nom commun kangourou s’applique à tous
les « kangourous ». Il commence par une minuscule sauf en
début de phrase.

Le nom est propre quand il désigne un référent unique : Zola,


Zidane, Marseille. Il commence toujours par une majuscule.

Quel genre ?

En matière d’exclusivité, retenez votre souffle, voici une


information ! Le nom est un mot variable en genre, il peut être
masculin ou féminin ; maintenant que vous êtes remis de votre
émotion, retenez ces quatre cas possibles :

le féminin se marque par l’ajout d’un -e au masculin ;


un couple de suffixes masculin / féminin marque le
genre (un danseur / une danseuse) ;
plus simple, les deux noms sont différents (un homme
/ une femme ; un canard / une cane) ;
encore plus simple, les deux noms sont identiques (un
élève / une élève ; un artiste / une artiste).

Les mots épicènes, épi… quoi ?


Nous vivons dans une société où il faut avoir un
genre, sinon cela fait mauvais genre… malgré cela,
certains mots de la langue ne choisissent pas et sont
comme des hermaphrodites, masculins et féminins :
on les appelle des mots épicènes (du grec epikoinos,
« commun »). En voici quelques-uns : agresseur,
apôtre, assassin, bandit, bête, brigand, brute,
canaille, charlatan, défenseur, diplomate, dupe,
fripouille, imprimeur, juré, maçon, médecin,
menuisier, otage, pilote, plombier, prédécesseur,
sentinelle, témoin, vainqueur, vedette, victime.

Le nombre

Attention, voici une deuxième exclusivité : le nom est singulier


ou pluriel. La marque du pluriel se place à la fin du mot et il
existe principalement trois possibilités :

dans la plupart des cas, c’est un -s ou un -x ;


les noms se terminent en -s, -x et -z : c’est facile ! ils
sont invariables ;
les noms se terminent en -al et -ail : leur pluriel est en
-aux.

Bande à part

Pluriel en -als : avals, bals, cals, carnavals, chacals,


chorals, festivals, narvals, navals, récitals, régals
Aïeul > aïeuls (les grands-parents), aïeux (les
ancêtres)
Ciel > cieux
Œil > yeux

Les déterminants du nom


Ces mots actualisent le nom, le mettent en situation ; ils
déterminent ses valeurs et ses relations avec son ou ses
référents. Retenez deux familles ; celle des articles et celle des
adjectifs (non qualificatifs).
1 re famille

Les articles indéfinis (un, une, des) ; les articles définis (le, l’,
la, les, au, aux, du, des), les articles partitifs (du, de la).

2e famille

Famille nombreuse, jugez plutôt :

les adjectifs possessifs : mon, ton, son, notre, votre,


leur, ma, ta, sa, mes, tes, ses, nos, vos, leurs
les adjectifs indéfinis (ils sont très nombreux !) :
aucun, nul, pas un, quelque, certain, plusieurs,
beaucoup de, assez, de, pas mal de…
les adjectifs numéraux cardinaux : un, deux, trois,
quatre, dix, vingt, cent, mille…
les adjectifs numéraux ordinaux : premier,
deuxième, troisième, trente et unième…
les adjectifs interrogatifs et exclamatifs : quel,
quelle, quels, quelles

L’adjectif qualificatif
L’adjectif qualificatif indique une caractéristique, une qualité
de l’être, de la chose ou de l’idée auquel il se rapporte. On peut
parfaitement écrire une phrase sans employer les adjectifs
qualificatifs et conserver le sens principal, mais on perd en
évocation et précision. Ils sont très nombreux et c’est à grâce à
eux que vous allez donner de la consistance à vos pensées, à
votre argumentation, à vos descriptions. Vous avez compris que
s’en passer serait dommage. Mais attention, la maîtrise de leur
emploi est cruciale, jugez plutôt : une femme peut être belle,
adorable, splendide, séduisante, jeune, fine, intelligente, douée,
subtile (que de qualités !) mais aussi redoutable, méchante,
inquiétante, vulgaire, laide, menteuse (que de défauts !) ; et de
la même manière un homme peut être beau, adorable,
splendide, etc. (là encore, que de qualités !) mais aussi
redoutable, méchant, inquiétant, etc. (et là aussi, que de
défauts !).

Prenez un texte littéraire de votre choix et faites l’essai : lisez


ce texte sans ses adjectifs, bizarre, non ?

Le genre

C’est simple, retenez que la plupart des adjectifs qualificatifs


sont variables en genre et s’accordent avec les noms auxquels
ils se rapportent. Donc soyez vigilant : identifiez le nom qui est
caractérisé et appliquez son genre à l’adjectif qualificatif.

Naturellement quelques-uns font « bande à part » et restent


invariables : les adjectifs terminés par un -e au masculin
(aimable, pâle, utile, rouge…) ; et les adjectifs qui ne
s’emploient qu’avec un seul genre (aquilin, dispos, fat…). Et
grand qui reste invariable lorsqu’il est employé pour évoquer la
fameuse « grand-mère » qui se promène « à grand-peine » dans
la « grand-rue » après la « grand-messe » ! Ces curiosités sont
une trace de l’ancien français où cet adjectif ne marquait pas le
genre.

Les marques du genre sont nombreuses, voici quelques


exemples pour former le féminin :

on ajoute un -e à la forme du masculin : joli / jolie ;


petit / petite ; supérieur / supérieure ;
le genre est formé avec un suffixe différent : menteur
/ menteuse ; provocateur / provocatrice ;
quelques adjectifs ont deux formes au masculin et
l’une d’elles sert à former le féminin : beau - bel /
belle ; fou - fol / folle ; nouveau - nouvel / nouvelle ;
mou - mol / molle ; vieux - vieil / vieille ;
on ajoute un -e qui transforme l’écriture de la syllabe
finale : gros / grosse ; blanc / blanche ; faux / fausse ;
malin / maligne ; neuf / neuve ; favori / favorite.

Le nombre

Là aussi, pas de maux de tête en perspective, retenez que les


adjectifs sont variables en nombre. Le nom caractérisé est
singulier, l’adjectif est singulier ; le nom est pluriel, l’adjectif
est pluriel. La marque du pluriel est le plus souvent un -s ; pour
les adjectifs terminés par -eau, le pluriel est marqué par un -x
(beau / beaux) ; pour les adjectifs en -al, le pluriel est en -aux
(normal / normaux). Pour les quelques exceptions, voir
l’annexe A.

Je me mets où ?
Si l’adjectif épithète vous posait cette angoissante
question, vous pourriez lui répondre que dans la
plupart des cas il serait très bien après le nom qu’il
caractérise. Mais (en grammaire, il y toujours des
« mais » !) il existe quelques cas où sa place sera
avant. Cette position peut avoir une influence sur le
sens ; ainsi vous faites la différence entre :
un curieux homme et un homme curieux
un brave homme et un homme brave
un grand homme et un homme grand
Les pronoms
Les pronoms sont comme les remplaçants dans une équipe de
football. Ils entrent dans la phrase comme le joueur remplaçant
sur le terrain à la place d’un autre joueur. Ainsi le pronom peut
se substituer à un nom (pro nomen en latin veut dire « pour le
nom ») qui a été déjà évoqué ou à quelque chose
d’indéterminé. Autant dire que c’est une famille nombreuse !

Vous trouverez des tableaux de famille complets en annexe A.

Voici une brève présentation :

les pronoms personnels font référence à des


personnes ou… à des choses… : je, tu, il, elle, nous, le,
lui, les, en, y, etc. ;
les pronoms démonstratifs montrent, désignent les
êtres, les choses ou les idées que l’on vient d’évoquer :
celui, celle, ce, cela, ceux, etc. ;
les pronoms possessifs indiquent le(s) possesseur(s)
et l’(es) objet(s) possédé(s) : moi, toi, nous, le mien, le
tien, le vôtre, les siennes, etc. ;
les pronoms interrogatifs « interrogent » sur un
référent non identifié : qui, que, lequel, qui est-ce qui, à
quoi, etc. ;
les pronoms indéfinis renvoient à un référent non
identifié : personne, nul, rien, quelqu’un, plusieurs,
etc. ;
les pronoms relatifs introduisent une proposition
subordonnée et remplacent un mot utilisé auparavant et
que l’on appelle un antécédent : qui, que, quoi, dont,
où, lequel, laquelle, etc. ;
les pronoms numéraux ordinaux et cardinaux nous
rappellent que l’on peut classer et compter des
éléments déjà exprimés : le premier, le deuxième, le
troisième… (ordinaux) ; un, deux, trois… (cardinaux).
« On » nous dit…

Dans les mots croisés, on est souvent défini par des formules
comme « c’est la rumeur », « c’est un inconnu à qui l’on prête
des propos », « colporteur de ragots », etc. Autant dire qu’il n’a
pas bonne réputation. En fait, il s’agit d’un pronom indéfini
dont l’origine latine homo signifie « un homme » ; il est
toujours sujet et indique un référent humain ; la plupart du
temps c’est un pronom de la 3e personne du singulier, mais il
peut très bien prendre la valeur de toutes les autres personnes,
même si c’est plus rare dans un langage soigné. Dans ce cas,
soyez vigilant avec les accords ; par exemple, si une femme
parle et dit : « Sylvie et moi, on est allées se promener », vous
observez que le participe passé prend la marque du féminin et
celle du pluriel. « On » vous aura prévenu…

Le verbe
D’abord des chiffres :

Il existe trois groupes de verbes : les verbes du 1er


groupe se terminent en -er (parler) ; ceux du 2e groupe
se terminent en -ir et ont un participe présent en -issant
(finir, finissant) ; le 3e groupe comprend tous les
autres, les verbes en -ir avec un participe présent en -
ant, les verbes en -oir, en -re (courir, devoir,
comprendre), et le verbe irrégulier aller. Au final, la
langue française compte plus de 12 000 verbes !
Impressionnant non ?
Six modes sont à votre disposition. Trois modes
personnels : l’indicatif pour exprimer le réel (avec les
temps du conditionnel, pour l’éventuel) et le subjonctif
pour exprimer l’incertitude, l’hypothèse, qui
permettent d’utiliser les six personnes de la
conjugaison ; l’impératif pour l’ordre (trois personnes).
Trois modes non personnels : l’infinitif, le participe, le
gérondif, qui ne distinguent pas entre les différentes
personnes.
Retenez qu’il existe vingt et un temps pour évoquer
le passé, le présent et le futur (pas de temps pour une
faille spatio-temporelle comme au cinéma !) : onze
temps pour l’indicatif, quatre pour le subjonctif, deux
pour l’impératif, deux pour l’infinitif et deux pour le
participe (voir annexe A).
Trois voix sont possibles : la voix active pour dire
sans détour qui fait quoi ; la voix passive qui souligne
celui qui subit l’action ; la voix pronominale, marquée
par la présence d’un pronom personnel complément
(me, te, se, nous, vous), qui indique que le sujet fait
porter l’action sur lui-même.

Puis une définition : le verbe, cœur de la phrase, traduit des


actions (écrire), des états (être), des transformations (grandir).

Ensuite un rappel : le verbe se conjugue ; il varie donc en


fonction de la personne (j’écris, nous écrivons), du temps (tu
étais, nous serons), du mode (il grandit, qu’il grandît) et de la
voix (il a vendu, il s’est vendu, il a été vendu).

Enfin une règle d’or : le verbe s’accorde avec son sujet en


personne et en nombre :

J’adore Écrire pour les Nuls. Nous adorons Écrire pour les
Nuls. Ils adoreront Écrire pour les Nuls.

Voilà l’essentiel pour le verbe : pour le reste, vous trouverez


dans l’Annexe A des informations et des exemples sur l’emploi
et la valeur des modes, temps et voix.

L’adverbe
Voilà un mot avec lequel vous n’aurez jamais d’angoisse à
propos de son accord, car il est invariable ! Vous pouvez
l’employer pour modifier le sens d’un verbe mais aussi d’un
adjectif, d’un autre adverbe, d’une phrase. L’adverbe est très
utile pour nuancer sa pensée, ses propos.

« J’écris → Depuis que j’ai lu Écrire pour les Nuls, j’écris bien
→ Depuis que j’ai lu Écrire pour les Nuls, j’écris très bien →
Depuis que j’ai lu Écrire pour les Nuls, j’écris vraiment très
bien ! » Arrêtons là les compliments, merci, merci, mais vous
voyez l’effet produit par l’ajout de ces adverbes. Pour
mémoire, retenez qu’il existe sept grandes catégories
d’adverbes : de manière, de quantité, de temps, de lieu,
d’affirmation, de négation, de doute (pour avoir un aperçu,
votre curiosité vous poussera sûrement jusqu’à l’annexe A).

Les conjonctions
Leur rôle est de mettre en relation un nouvel élément avec un
élément déjà présent ; il existe deux catégories de
conjonctions : les conjonctions de coordination et les
conjonctions de subordination. Pas de problème d’accord avec
les conjonctions, elles sont invariables.

Les conjonctions de coordination

Vous vous rappelez sans doute ce moyen mnémotechnique


reposant sur cette angoissante question restant sans réponse :
« Mais où est donc Ornicar ? » qui vous permettait de retenir
mais, ou, et, donc, or, ni, car ! Reconnaissez que c’était
commode à condition d’ôter l’accent sur le ou et de remplacer
est par et ! Par ailleurs « Ornicar » restait toujours introuvable !

Ces sept conjonctions relient deux mots, deux groupes de mots,


deux phrases de même nature et de même fonction.
Les conjonctions de subordination

Elles établissent une relation de dépendance, de hiérarchie (de


subordination) entre des mots, des groupes de mots, des
phrases. On retiendra des formes simples (comme, lorsque,
puisque, quand, que, quoique, si…) et des formes composées
(avant que, après que, bien que, pour que…).

Les prépositions
Elles se présentent sous deux formes : des mots courts et des
groupes de mots invariables ; elles relient des mots dans la
phrase et sont porteuses d’une signification qui marque la
fonction des mots. Elles peuvent exprimer la cause (à cause de,
en raison de, étant donné…), le temps (avant, après, dès,
depuis, jusqu’à), la conséquence (de façon, à, de manière à…),
la condition (à condition de, à moins de…), le lieu (dans, à
l’intérieur de, sur, entre…)…

Attention : une même proposition peut avoir des sens très


variés selon le contexte : Vous écrivez pour vous / Vous écrivez
pour réussir / Vous ne voudriez pas passer pour un prétentieux
/ Vous partirez pour l’Espagne demain.

Les interjections
Mots ou groupes de mots suivis d’un point d’exclamation ou
d’interrogation, ils sont invariables. Ils traduisent de manière
expressive une sensation, un sentiment, une attitude, une
réaction. Petit florilège en vrac : Aïe ! ouille ! ah ! ouf ! hein,
pouah, zut, ciel, morbleu, au secours, heu, ohé, diable, hep,
bien, dommage, nom d’un chien, doux Jésus, bof !

Les onomatopées
L’étymologie nous apprend que l’onomatopée, du grec
onomatopoeia, signifie « création de mots par imitation de
sons », waouh ! On peut imaginer qu’à l’état primitif de toutes
les langues il y avait des cris plus ou moins articulés ;
l’onomatopée serait donc l’ancêtre de notre langage verbal. On
notera que la manière de traduire les sons change d’un pays à
l’autre ; ainsi, si le coq gaulois fait cocorico, le coq italien fait
chichirichi, tandis que le coq grec fait kikiriku. Vous aurez
compris que le coq fait ce qu’il veut mais qu’il réveille tout le
monde avec son chant matinal et qu’il arrive parfois qu’un
voisin excédé lui torde le cou, et que cela fasse couic ! Par
ailleurs, les amateurs de bandes dessinées et de mangas
japonais connaissent bien ces transcriptions des bruits, qui
prennent souvent plus de place que le récit et les dialogues.

Serge Gainsbourg a joué de la musicalité et de l’expressivité


des onomatopées dans sa chanson Comic Strip dont voici une
partie du refrain.

« Des CLIP ! CRAP ! des BANG ! des VLOP ! et des ZIP ! /


SHEBAM ! POW ! BLOP ! WIZZ ! »

Les fonctions
Non, non, ne fuyez pas, vous pouvez rester ! Nous vous l’avons
promis au début du chapitre, nous n’allons pas vous replonger
dans les affres de l’analyse logique ! L’essentiel est de
comprendre les relations qui s’établissent entre les mots pour
que chacun d’entre eux soit bien à sa place lorsque vous
rédigez et corresponde ainsi à votre intention de départ. Nous
vous proposons l’essentiel de ce qu’il faut savoir, l’objectif n°
1 restant toujours le même : mettre l’écriture et ses rouages à
votre service.

Alors imaginez que vous êtes en quelque sorte le metteur en


scène des mots, des phrases. Continuez à imaginer que chaque
phrase est la scène d’une pièce de théâtre, « Drôles
d’animaux », où chaque mot est un personnage avec un rôle à
jouer ; nous allons maintenant vous présenter brièvement
chacun des personnages que vous allez diriger. Attention, le
rideau se lève…

Le sujet
Il peut faire l’intéressant parce que dans une phrase c’est de lui
qu’on parle, c’est lui qui fait l’action, c’est encore lui qui
impose l’accord au verbe, et au participe passé (avec être). Il
répond à la question : « Qui est-ce qui (fait cette action ou la
subit) ? »

Qui peut être sujet ?

Un nom : La cigale adore l’été.


Un pronom : Nous picorerons avec appétit nos
graines.
Un infinitif : Rugir rend heureux.
Une proposition : Qu’il puisse exister un monde sans
coccinelle semble impossible.

Ce sont naturellement des exemples tout « bêtes » !

Où est-il dans la phrase ?

Le plus souvent avant le verbe, mais il peut être inversé ou


éloigné du verbe :

Sous le pont Mirabeau passent les poissons.


Irons-nous au zoo ?
Le loup, si rare dans la région, reviendra avec le
Chaperon rouge.

Le complément d’objet
Ils sont trois à s’avancer sur la scène : le complément d’objet
direct, le complément d’objet indirect, et le complément
d’objet second.

Le complément d’objet direct

Il représente ce sur quoi (être ou chose) porte l’action exprimée


par le verbe ; il répond à la question qui ? ou quoi ? posée au
verbe : Le crocodile mange un caramel.

Qu’est-ce qui peut être complément d’objet direct ?

Un nom ou un groupe de mots : Le crocodile mange


plusieurs caramels mous.
Un pronom personnel : Le crocodile les mange.
Un infinitif : Le crocodile aime manger.
Un pronom démonstratif (ceux-ci …), un pronom
possessif (le sien…), un pronom indéfini (rien, tout…) :
Le crocodile préfère celui-ci.
Le pronom relatif que : Les caramels que le crocodile
a mangés étaient mous. Vous avez noté que le participe
passé mangés s’accorde avec les caramels puisque ce
complément d’objet direct est placé avant l’auxiliaire
avoir.
Une proposition subordonnée conjonctive : Les
crocodiles intelligents attendent que les caramels
deviennent mous.

Le complément d’objet indirect

Comme le complément d’objet direct, le complément d’objet


indirect représente ce sur quoi (être ou chose) porte l’action
exprimée par le verbe, mais il est relié de manière indirecte au
verbe par une préposition (à, de, en sur…). Il répond à la
question à qui ? à quoi ? de qui ? de quoi ? sur quoi ? sur
qui ?… posée au verbe.

Qu’est-ce qui peut être complément d’objet indirect ?

Un nom ou un groupe de mots : Le crocodile pense à


ses caramels mous.
Un pronom : Le crocodile pense à eux.
Un infinitif : Le crocodile pense à manger.
Un pronom démonstratif (ceux-ci …), un pronom
possessif (le sien…), un pronom indéfini (rien, tout…) :
Le crocodile ne pense à rien.

Le complément d’objet second

Lorsqu’un verbe est accompagné d’un complément d’objet


direct et d’un complément d’objet indirect, on appelle ce
dernier complément d’objet second. En général, il désigne celui
à qui l’on donne ou celui de qui l’on reçoit. On le trouve
souvent après des verbes dont le sens est proche de dire,
donner, prendre. Il répond aux mêmes questions que le
complément d’objet indirect.

Qu’est-ce qui peut être complément d’objet second ?

Un groupe de mots introduit par une préposition : Il donne des


caramels mous à son crocodile préféré.

Un pronom personnel : Il lui donne des caramels mous.

Attention à l’ordre quand le complément d’objet direct et le


complément d’objet second sont des pronoms personnels : Il
les lui donne.

Le complément circonstanciel
Le complément circonstanciel est un complément du verbe qui
apporte des informations sur les circonstances de l’action.

Qu’est-ce qui peut être complément circonstanciel ?

Un nom : Le matin, le zèbre compte ses rayures


blanches.
Un groupe de mots : Tous les soirs, le zèbre compte
ses rayures noires.
Un infinitif : La nature a doté le zèbre de rayures
pour le distraire.
Un pronom personnel : On a vu une femelle zèbre
avec lui.
Un adverbe : Les zèbres courent vite.
Une proposition subordonnée : Le zèbre montre ses
rayures à qui il veut.

Les circonstances de la vie sont nombreuses et donc les


compléments circonstanciels aussi. Voici les six principaux
circonstanciels avec entre parenthèses la question à laquelle ils
répondent :

le complément circonstanciel de temps : Le zèbre se


lève à six heures. (Quand ?)
le complément circonstanciel de lieu : Le zèbre dort
dans la savane. (Où ?)
le complément circonstanciel de manière : Le zèbre
trotte avec élégance. (Comment ?)
le complément circonstanciel de moyen : Le zèbre
ne mange pas avec ses sabots. (Avec quoi ?)
le complément circonstanciel de cause : Le zèbre
mange de l’herbe faute de caviar. (Pourquoi ?)
le complément circonstanciel de but : Le zèbre
court pour garder sa ligne. (Dans quel but ?)
Laissons le zèbre avec ses problèmes « circonstanciels », mais
retenez que vous pouvez déplacer le complément circonstanciel
dans une phrase, notamment en le plaçant en tête de phrase si
vous voulez attirer l’attention du lecteur.

Le complément du nom
Pas de révélation ! Le complément de nom complète… le nom
(ou un groupe de mots autour du nom). Il répond à la question
à qui ? de qui ? à quoi ? de quoi ?

Qu’est-ce qui peut être complément du nom ?

Un nom : La casquette du zébu est perdue.


Un groupe de mots introduit par une préposition : Le
gardien a retrouvé la casquette du zébu du parc.

Si l’affaire se termine bien pour le zébu, retenez qu’une


tendance du français contemporain revient à ne pas utiliser les
prépositions : un impôt sécheresse → un impôt pour la
sécheresse ; une assurance tous risques → une assurance pour
tous les risques ; le problème salaire → le problème du salaire.

Le complément d’agent
Il est l’agent de l’action exprimée par le verbe et le sujet de la
phrase subit cette action. On le trouve dans les phrases à la voix
passive qui se construit avec l’auxiliaire être. Le complément
d’agent est pratiquement toujours introduit par la préposition
par et parfois par la préposition de.

Qu’est-ce qui peut être complément d’agent ?

Un nom : La souris est mangée par le chat.


Un pronom : La souris est mangée par lui.
Un groupe de mots : La souris est mangée par le chat
de la mère Michelle.

Non content de vous infliger le récit de ce drame animalier, un


esprit pervers pourrait vous demander si les deux phrases
suivantes sont au même temps :

La souris est mangée et Le chat est venu.

Vous répondriez alors sans hésiter, non ! La souris est mangée


est un présent passif (nous savons qu’elle a été mangée par le
chat !). Le chat est venu est un passé composé (nous ne
pouvons pas dire qu’il a été venu !).

L’épithète
D’abord levons une ambiguïté : on dit une épithète, et non
comme on l’entend trop souvent « un épithète ». Ensuite,
retenons que c’est l’adjectif qualificatif qui peut avoir cette
fonction d’épithète, c’est-à-dire apporter, en étant lié
directement au nom qu’il qualifie, une caractéristique
particulière (qualité, défaut…).

L’accord de l’adjectif épithète, il faut bien en parler : la règle


est simple, il s’accorde en genre et en nombre avec le nom
auquel il se rapporte : un singe savant ; une guenon
intelligente ; des primates doués. Mais (oui, il y a un « mais »)
lorsque l’adjectif qualifie un nom masculin et un nom féminin,
il s’accorde au… masculin : une guenon et un singe
intelligents !

L’attribut
Il correspond à une caractéristique attribuée au sujet par le biais
d’un verbe d’état (être, paraître, sembler, devenir, demeurer,
rester, avoir l’air, être considéré comme…) ou au complément
d’objet après des verbes de jugement, d’appréciation, de
transformation (estimer, juger, croire, penser, dire, traiter,
rendre, élire, prendre pour, considérer).

Qu’est-ce qui peut être attribut du sujet ?

Un adjectif : Cette girafe est folle.


Un nom : Cet animal est une girafe.
Un groupe de mots : Cet animal est un goéland à bec
cerclé.

Qu’est-ce qui peut être attribut du complément d’objet ?

Un adjectif : Le gnou trouve la girafe grande.


Un nom : Le lion considère la girafe comme une
proie.
Un groupe de mots : Le lion l’a traitée de grande
muette.

Voilà, le spectacle s’achève, le rideau se baisse sur ces


fonctions et toute cette ménagerie…

Retenez d’abord et surtout ce qu’apportent ces différentes


fonctions à l’expression ; pour le reste, vous trouverez en
annexe A des informations sur certaines règles, certaines
positions, et sur les accords.

Ce besoin de faire des phrases…


« C’est curieux chez les marins ce besoin de faire des
phrases » : on se rappelle cette célèbre réplique tirée des
Tontons flingueurs (Georges Lautner, 1963), prononcée par
maître Folace (Francis Blanche) après que M. Fernand (Lino
Ventura) a envoyé à l’eau d’un coup de poing un truand qui
l’empêchait de passer. Soyez tranquille, ici vous ne risquez
rien ! Bien au contraire. Nous allons brièvement vous présenter
les différentes formes de phrases qui sont à votre disposition.
Tout d’abord la phrase simple, puis les différentes phrases dites
« complexes » (vous avez bien lu « complexes » pas
« compliquées » !). Juste un petit « Tour » !

La phrase simple
La phrase simple, c’est simple, elle est simple ! C’est une suite
de mots qui signifie quelque chose, dont les limites sont
marquées par la majuscule du début et le point de la fin.

Une phrase simple peut être formée d’un seul mot :


Victoire !
Une phrase simple peut ne comporter aucun verbe :
Victoire française dans une étape du Tour de France.
La plupart du temps, la phrase simple comporte un
sujet, un verbe et un ou plusieurs compléments
(d’objet, circonstanciels) : Hier, dans les Alpes, le
coureur français a remporté l’étape du Tour de France.

Voilà, c’est l’essentiel à retenir pour la phrase simple. Pour


votre information, le coureur français s’appelle Pierre Rolland,
il a gagné l’étape de l’Alpe-d’Huez, le 22 juillet 2011.

La phrase complexe
Nous le répétons, complexe ne veut pas dire compliqué ; la
preuve ? Si vous consultez l’étymologie des deux mots, vous
constaterez que complexe vient du latin complexus qui signifie
« fait d’éléments différents », tandis que compliqué est le
participe passé du verbe latin complicare, « plier en roulant »,
qui a développé la notion d’embarras, d’entrave.
Vous voilà rassuré ! Une phrase complexe est donc tout
« simplement » une phrase qui comporte plusieurs propositions
unies par un rapport d’égalité ou par un rapport de dépendance.

Le rapport d’égalité peut correspondre à une juxtaposition ou à


une coordination :

juxtaposition : Le coureur a accéléré au bas du col,


il a décroché un à un ses adversaires, il était
irrésistible !
coordination : Les coureurs étaient groupés au bas
du col, mais ils n’ont pas pu résister à l’accélération
du vainqueur.

Le rapport de dépendance crée une relation hiérarchique entre


une proposition principale et une proposition subordonnée
(donc qui dépend, qui est d’un rang inférieur). Pour faire
simple, retenez qu’il existe quatre types de propositions
subordonnées :

La proposition subordonnée conjonctive (ou


complétive) introduite par la conjonction que (ou les
locutions conjonctives à ce que, de ce que) :

Ce coureur sait qu’il peut gagner aujourd’hui.

Les équipiers veillent à ce que leur leader soit bien


protégé du vent.

Le vainqueur de l’étape est heureux de ce qu’il a


réussi.

La proposition subordonnée interrogative


indirecte introduite par un verbe impliquant une
interrogation (demander, interroger, s’informer, dire,
indiquer, deviner…) et une conjonction (si) ou un
pronom, adjectif, adverbe interrogatif (qui, quel,
quand, pourquoi, ce que) :

Le coureur se demande s’il tiendra jusqu’à l’arrivée.

Le coureur se demande qui est en train de le


rattraper.

Le coureur se demande ce qu’il fait dans cette galère.

Le coureur ne sait pas quand il sera rattrapé.

La proposition subordonnée relative introduite par


un pronom relatif (qui, que, quoi, dont, où ; lequel,
laquelle, lesquels, lesquelles, duquel, de laquelle,
desquels, desquelles, auquel, à laquelle, auxquels,
auxquelles ; qui que, quoi que, qui que ce soit qui, quoi
que ce soit qui, quiconque) :

Le coureur qui arrive premier au sommet du col


gagnera l’étape.

Ce coureur que vous voyez est le futur vainqueur.

Le coureur dont vous parlez a l’air fatigué.

Le col où le Tour passe se trouve dans les Alpes.

Le vélo duquel se sert le coureur est en fibres de


carbone.

La proposition subordonnée circonstancielle


introduite par une conjonction de subordination ou une
locution conjonctive (que, quand, pendant que, parce
que, comme, si bien que, pour que, pourvu que…). Elle
traduit donc une… circonstance. Et comme vous le
savez, la vie n’étant pas un long fleuve tranquille, il
existe toutes sortes de circonstances. Retenons les
principales pour notre coureur déjà bien fatigué !
• La proposition circonstancielle de temps :
Quand il fait beau, notre coureur est content.
• La proposition circonstancielle de cause : Du
moment qu’il roule, notre coureur est content.
• La proposition circonstancielle de conséquence :
Le coureur a eu tellement peur en ratant son
virage qu’il a cru sa dernière heure arrivée.
• La proposition circonstancielle de but : Notre
coureur accélère pour lâcher ses concurrents
directs.
• La proposition circonstancielle d’hypothèse et
de condition : Si notre coureur maintient son
effort, il gagnera l’étape.
• La proposition circonstancielle de concession et
d’opposition : Bien qu’il soit fatigué, notre
coureur poursuit son effort.
• La proposition circonstancielle de comparaison :
Notre coureur est encore plus fort que nous le
pensions.

Ouf ! C’est terminé ! Bravo à notre coureur, et bravo à vous !


Vous avez fini votre tour des… phrases. Encore une fois, le
plus important n’est pas de savoir observer les phrases avec
l’œil du grammairien, mais de « faire des phrases » en sachant
quelle relation et quelle signification s’établissent en fonction
de la construction choisie.

Au Moyen Âge, sept arts libéraux étaient enseignés dans les


facultés : la grammaire, la rhétorique, la dialectique,
l’arithmétique, la géométrie, l’astronomie et la musique. Les
trois premiers arts libéraux formaient le trivium, les quatre
derniers, le quadrivium. Quadrivium, c’est précisément le
dernier mot défini par l’Académie Française le 25 mai 2011
dans la construction de son dictionnaire (9e édition depuis
1694), étonnant non ?

La ponctuation
La ponctuation, à quoi ça sert ? Bonne question ! Une autre
question : l’oxygène à quoi ça sert ? À respirer évidemment !
Évidemment. Eh bien, la ponctuation dans une phrase, c’est
pareil, elle permet à la phrase de respirer ; la preuve par
l’exemple : imaginons le célèbre texte de Victor Hugo
reproduit ci-dessous sans ponctuation !

Nous sommes au début des Misérables (1862), c’est la


présentation du héros Jean Valjean.

Dans les premiers jours du mois d’octobre 1815 une


heure environ avant le coucher du soleil un homme qui
voyageait à pied entrait dans la petite ville de Digne
les rares habitants qui se trouvaient en ce moment à
leurs fenêtres ou sur le seuil de leurs maisons
regardaient ce voyageur avec une sorte d’inquiétude il
était difficile de rencontrer un passant d’un aspect
plus misérable c’était un homme de moyenne taille
trapu et robuste dans la force de l’âge il pouvait avoir
quarante-six ou quarante-huit ans une casquette à
visière de cuir rabattue cachait en partie son visage
brûlé par le soleil et le hâle et ruisselant de sueur sa
chemise de grosse toile jaune rattachée au col par une
petite ancre d’argent laissait voir sa poitrine velue il
avait une cravate tordue en corde un pantalon de
coutil bleu usé et râpé blanc à un genou troué à
l’autre une vieille blouse grise en haillons rapiécée à
l’un des coudes d’un morceau de drap vert cousu avec
de la ficelle sur le dos un sac de soldat fort plein bien
bouclé et tout neuf, à la main un énorme bâton noueux
les pieds sans bas dans des souliers ferrés la tête
tondue et la barbe longue.

Vous êtes d’accord, ce texte est étrange… Nous discernons bien


des phrases, des significations, mais il manque quelque chose,
les mots ont l’air de s’empiler les uns sur les autres, comme
dans une sorte de carambolage, bref l’ensemble produit une
certaine confusion. Rétablissons, avant que Victor Hugo ne se
retourne dans sa tombe, la ponctuation originelle :

Dans les premiers jours du mois d’octobre 1815, une


heure environ avant le coucher du soleil, un homme
qui voyageait à pied entrait dans la petite ville de
Digne. Les rares habitants qui se trouvaient en ce
moment à leurs fenêtres ou sur le seuil de leurs
maisons regardaient ce voyageur avec une sorte
d’inquiétude. Il était difficile de rencontrer un passant
d’un aspect plus misérable. C’était un homme de
moyenne taille, trapu et robuste, dans la force de
l’âge. Il pouvait avoir quarante-six ou quarante-huit
ans. Une casquette à visière de cuir rabattue cachait
en partie son visage brûlé par le soleil et le hâle et
ruisselant de sueur. Sa chemise de grosse toile jaune,
rattachée au col par une petite ancre d’argent, laissait
voir sa poitrine velue ; il avait une cravate tordue en
corde, un pantalon de coutil bleu usé et râpé, blanc à
un genou, troué à l’autre, une vieille blouse grise en
haillons, rapiécée à l’un des coudes d’un morceau de
drap vert cousu avec de la ficelle, sur le dos un sac de
soldat fort plein, bien bouclé et tout neuf, à la main un
énorme bâton noueux, les pieds sans bas dans des
souliers ferrés, la tête tondue et la barbe longue.
La magie a opéré ; la présence de la ponctuation a donné au
texte de Victor Hugo sa respiration, son rythme. C’est cela la
ponctuation, un ensemble de signes qui met en évidence les
différents sens de la phrase, du texte. Comme vous semblez
convaincu, voici une brève présentation des différents signes de
ponctuation. Pour nous faire pardonner par les admirateurs de
Victor Hugo, tous les exemples suivants seront puisés dans un
de ses romans historiques, Quatrevingt-treize (1874)

Le point.
Le point marque la fin d’une phrase et il est suivi d’une
majuscule. Les phrases affirmatives (déclaratives) se terminent
par un point.

Un canon qui casse son amarre devient brusquement on ne sait


quelle bête surnaturelle. C’est une machine qui se transforme
en monstre.

Le point d’interrogation ?
Il termine une phrase interrogative et il est suivi par une
majuscule, sauf si la phrase n’est pas finie.

Quelle tumeur à couper n’entraîne une perte de sang ? Quel


incendie à éteindre n’exige la part du feu ?

Attention, on ne l’utilise pas dans une interrogation indirecte.

Et qu’on se demande si cet aveugle pouvait accepter cette


clarté.

Le point d’exclamation !
Placé à la fin d’une phrase, il exprime la surprise, l’ordre, un
sentiment de colère, d’admiration. Généralement, il est suivi
d’une majuscule, sauf si la phrase n’est pas terminée.

Prouver ces choses magnifiques, et les prouver par le don de sa


tête !

Les points de suspension…


Ils sont trois (pas plus !) et permettent d’abréger une
énumération, de marquer une interruption dans un discours,
une action, et de traduire un sous-entendu. Ils correspondent à
quelque chose d’absent, de non formulé. Vous ne mettrez pas
de points de suspension après etc. qui suggère déjà une suite
(abréviation de l’expression latine et caetera, « et le reste »).

Au moment où Marat entrait, Chabot venait de s’approcher de


Montaut.

— Ci-devant… dit-il.

Montaut leva les yeux.

— Pourquoi m’appelles-tu ci-devant ?

— Parce que tu l’es.

Le point-virgule ;
Placé à l’intérieur d’une phrase, il relie souvent deux
propositions. Il peut aussi relier dans une seule phrase les
étapes d’une même idée ou d’une description.

En présence de certains paysages féroces, on est tenté


d’exonérer l’homme et d’incriminer la création ; on sent une
sourde provocation de la nature ; le désert est parfois malsain
à la conscience, surtout à la conscience peu éclairée ; la
conscience peut être géante, cela fait Socrate et Jésus ; elle
peut être naine, cela fait Atrée et Judas.

Les deux points :


Ces deux-là indiquent une suite et peuvent annoncer une
énumération, une citation ou une explication. Dans une phrase,
nous vous conseillons de ne les utiliser qu’une seule fois, sinon
vous risquez de rendre difficile la compréhension.

Si l’on veut comprendre la Vendée, qu’on se figure cet


antagonisme : d’un côté la révolution française, de l’autre le
paysan breton.

La virgule,
Placée à l’intérieur de phrase, légère comme une plume, elle
peut remplir plusieurs rôles :

relier des éléments de même fonction, indiquer une


succession chronologique, une énumération ;
isoler un commentaire, une proposition.

N’oubliez pas que la virgule se place avant les conjonctions


car, donc, mais.

À de certaines heures, la société humaine a ses énigmes,


énigmes qui pour les sages se résolvent en lumière et pour les
ignorants en obscurité, en violence et en barbarie.

Les guillemets « »
Ils servent pour signaler un emprunt, pour citer les paroles, les
écrits d’une personne.

On regardait défiler les élèves de l’École militaire, qualifiés


par les décrets de la Convention « aspirants à l’école de
Mars », et par le peuple « pages de Robespierre ».

Les parenthèses ( )
Elles permettent de présenter en l’isolant dans la phrase une
information, un commentaire, sur ce que vous écrivez.

Ce décret n’était qu’un premier pas ; la Convention devait


aller plus loin encore. Quelques mois après, le 11 brumaire an
II (novembre 1793), à propos de Laval qui avait ouvert ses
portes aux Vendéens fugitifs, elle décréta que toute ville qui
donnerait asile aux rebelles serait démolie et détruite.

Si vous ouvrez des parenthèses, n’oubliez pas de les fermer !

Les tirets –
Aujourd’hui, ils sont souvent utilisés avec un rôle identique
aux parenthèses. Dans un dialogue, ils indiquent le changement
d’interlocuteur :
— Tu te perds dans le nuage.
— Et vous dans le calcul.
— Il y a du rêve dans l’harmonie.
— Il y en a aussi dans l’algèbre.
— Je voudrais l’homme fait par Euclide.
— Et moi, dit Gauvain, je l’aimerais mieux fait par Homère.
Attention, si l’élément mis entre les tirets finit la phrase, vous
ne mettez que le tiret initial, et c’est le point qui clôt la phrase.
Règles… ou pas règles ?

Dans les textes où vous êtes censé montrer votre maîtrise de la


langue française (écrits scolaires, travaux universitaires) et
dans les productions non littéraires, notamment
professionnelles (note de service, note de synthèse, compte
rendu, mémoire, rapport), il y a quelques règles à suivre
impérativement :

mettre un point à la fin de chaque phrase ;


ne pas placer de virgule entre le sujet et le verbe, le
verbe et l’attribut, le verbe et le complément d’objet ;
dans une énumération ouverte par deux points et où
chaque élément est introduit par un tiret (comme ici),
mettre un point à la fin de l’énumération, et non après
chaque élément.

Pour les autres textes, c’est vous qui décidez jusqu’à quel point
vous pouvez jouer avec le système de ponctuation, voire le
faire disparaître complètement comme Guillaume Apollinaire
qui supprima au dernier moment toute la ponctuation de son
recueil Alcools en 1913 (voir le poème « Le Pont Mirabeau au
chapitre 17), en donnant cette explication :

Pour ce qui concerne la ponctuation je ne l’ai supprimée que


parce qu’elle m’a paru inutile et elle l’est en effet, le rythme
même et la coupe des vers voilà la véritable ponctuation et il
n’en est point besoin d’une autre (Guillaume Apollinaire,
Œuvres poétiques complètes, Coll. La Pléiade, Gallimard,
1956).

Dire et ne pas dire


Vous trouverez dans l’annexe A une rubrique « Dire et ne pas
dire » qui recense les principales erreurs de formulation et de
construction à éviter. À consulter lorsque vous avez un doute…

Donnons ici un seul exemple. « Cette voiture qui est rouge


appartient à Paul » : qui est rouge est une proposition
subordonnée relative, expansion et épithète du nom voiture.
Soit, mais l’important est de savoir que « c’est la voiture rouge
à Paul » ! Enfin, non pas exactement ! C’est « la voiture rouge
de Paul » ! C’est la préposition de qui indique le rapport
d’appartenance et non la préposition à.
Chapitre 10

Lire pour mieux écrire

Dans ce chapitre :
La lecture, une source de rencontres et de
questionnements
Les réponses de la lecture
Quels lecteurs ? Quelles lectures ?

Nous n’avons pas connu l’usage d’une époque lointaine où


l’apprentissage de la lecture et de l’écriture était complètement
dissocié : on apprenait d’abord à lire, puis commençait la
pratique de l’écriture. Aussi loin que nous remontions dans nos
souvenirs scolaires, lecture et écriture forment un couple
inséparable. Le « divorce » se produit plus tard, souvent à l’âge
adulte : l’écriture et la lecture deviennent des outils de
communication (souvent dans un cadre professionnel), mais ne
se nourrissent plus l’une de l’autre. Ce chapitre a pour ambition
de vous convaincre (si besoin est !) que la lecture, outre son
intérêt propre, demeure un moyen unique pour développer ses
capacités à écrire.

Lire, c’est écrire


Ce n’est jamais inutile d’aller faire un tour du côté de
l’étymologie (encore une fois, vous avez remarqué que le terme
étymologie ne prend pas de h !) pour découvrir que lire est issu
du latin legere qui signifie « ramasser, recueillir »… Lire c’est
donc récolter… Vous avez aussi remarqué que lire est
l’anagramme de lier : ainsi voilà un mot, une activité qui
suggère acquisition, relation, échange.

Dès lors, quoi de mieux pour développer vos capacités à écrire,


votre aisance, que de vous plonger dans les écrits des autres par
le biais de la lecture ? En lisant, vous captez des idées, des
tournures, des formules, des mots, qui s’impriment dans votre
mémoire et qui, le moment venu, seront pour vous des points
de repère à reproduire, à imiter, à dépasser…

Lire pour aller mieux !

Connaissez-vous la « bibliothérapie » ? La School of life à


Londres, fondée par le philosophe Alain de Botton, propose
d’aider les gens à parler de leurs problèmes, de leurs soucis
petits et gros, en prescrivant la lecture de romans… À partir
d’un questionnaire qui permet d’explorer les états d’âme du
patient et ses goûts littéraires, le « bibliothérapeute » propose
huit romans à lire. À quand Victor Hugo, Stendhal, Michel
Tournier, Le Clézio, Amélie Nothomb, Jorge Luis Borges, Paul
Auster, Jorn Riel, Tony Hillerman, Arto Passalina, John Irving,
Michael Cootzee, Fred Vargas, Katherine Pancol, Patricia
Cornwell, prescrits par ordonnance et remboursés par la
Sécurité sociale ?

Lire est un acte singulier


Vous prenez un texte qui a été écrit par quelqu’un d’autre, il y a
peu, il y a longtemps. Le texte ne commence à exister qu’au
moment où vous le lisez ; auparavant, c’est un objet (papier,
journal, livre, site) strictement potentiel ; c’est vous qui lui
donnez vie. Lire, c’est visualiser des structures, pénétrer dans
des raisonnements, découvrir des mots, des concepts, des vies,
des temps, des lieux. Lire, c’est une sorte de voyage immobile.

Un texte, des lectures. Chacun sa version ! Le roman que vous


lisez, vous êtes le seul à le lire comme cela. Chaque lecture
recrée le texte initial. Un lecteur du XIXe siècle ne lisait pas
Voltaire comme un lecteur du XXe, ou comme un lecteur du
XXIe !

Les trois lectures


La lecture est d’abord une activité qui permet l’apprentissage
de la langue, de l’outil de communication par lequel se fera
l’accès aux différents savoirs ; c’est une clé qui ouvre des
portes durant toute la vie. Sa maîtrise est associée à celle de
l’écriture, car dès le cours préparatoire, l’enfant apprend en
même temps à déchiffrer les signes de la langue et à les
reproduire. Ainsi, la lecture enrichit continûment l’aisance à
écrire.

Ensuite la lecture devient un outil de transmission et de


culture : grâce à elle les connaissances de tous les domaines
deviennent accessibles ; le patrimoine de l’humanité, son
histoire, ses évolutions, ses progrès peuvent être appréhendés
par le biais de la lecture. Ainsi, la lecture, en donnant accès aux
champs des idées, de la réflexion, de l’argumentation, offre à
l’écriture de chacun des modèles d’expression, des démarches à
imiter, à dépasser ou à contester.

Enfin la lecture est une activité de plaisir, de divertissement,


d’évasion, qui permet de laisser libre cours à l’imagination et à
l’imaginaire. Ainsi, la lecture se révèle comme un instrument à
émotions, à sensations, à réflexion, dont chacun peut apprendre
à jouer à son tour.
Les bonnes et les mauvaises lectures !
Lire, et lire encore, en partant du principe qu’il n’y a pas de
mauvaise lecture. Toute lecture est une occasion de rencontrer
une manière de penser, de dire, de transmettre, d’imaginer, de
faire rêver… Toute lecture est une invitation à observer des
manières d’écrire dans lesquelles on peut trouver de
l’inspiration, des modèles, des exemples, pour sa propre
écriture.

Vous aimez les polars ! Vous aimez Harry Potter ; vous aimez
Claude Simon ; vous aimez les histoires sentimentales, les
bluettes (Zola disait les histoires « Jeanjean » !), vous aimez
lire L’Équipe, la rubrique internationale du Monde, les pages
« maison » de votre revue préférée, les mangas de Naruto.
Bref, vous aimez lire, et cela est excellent pour votre maîtrise
de l’écriture. Vous trouverez toujours des esprits chagrins (pour
être plus direct, des « pisse-froid » !) pour constater avec une
moue dédaigneuse : « Ah, vous lisez ce genre de… » ; surtout
ne cherchez pas à vous justifier ou à les convaincre ! Vous
savez ce que vous gagnez, ils ne savent pas ce qu’ils perdent !

Lire, c’est réécrire


L’important, c’est d’aimer ; donc d’éprouver du plaisir à cette
activité ! Et quand vous lisez, vous écrivez, c’est donc tout
bénéfice ! Vous en doutez ? Faites le test suivant ; un même
livre lu par trois personnes : vous avez trois lectures
différentes, trois points de vue différents, pour un tel c’est ce
personnage qui est important, pour celui-ci c’est l’intrigue,
pour cet autre c’est la chute de l’histoire, le réalisme du récit,
ou au contraire son délire, le thème principal, qui n’est pas le
même pour les trois ! Vous l’avez compris, ces trois lectures
sont en fait trois réécritures d’un même texte !
Nous savons que la personnalité se construit au contact des
autres. Pour l’écriture, c’est la même chose : l’environnement
familial, la place accordée à l’éducation, à l’école ; la réussite,
les échecs, pendant les études ; la place faite aux livres au
quotidien, dans sa vie professionnelle, tout cela et bien d’autres
choses encore forgent le rapport à l’écriture. Mais ce qui est
sûr, c’est que la place accordée à la lecture, c’est-à-dire aux
autres, influence la manière d’écrire.

La source des Essais


« Je suis moi-même la matière de mon livre »,
prévient Montaigne (1533-1592) dans son adresse au
lecteur qui ouvre ses Essais (1580-1592). Si
effectivement les expériences et la vie de Montaigne
sont au cœur de son projet, il faut noter que son
écriture s’appuie sur des réflexions déclenchées et
nourries par ses lectures des auteurs anciens
(particulièrement latins) ; puis, progressivement, sa
pensée personnelle se développe, s’enrichit, et il laisse
la trace, sous forme de citations, et à titre d’exemples,
des opinions des Anciens.

Mes ouvrages, il s’en faut tant qu’ils me rient,


qu’autant de fois je les retâte, autant de fois je m’en
dépite :

Cum relego, scripsisse pudet, quia plurima cerno,

Me quoque qui feci judice, digna ligni1.


J’ai toujours une idée en l’âme et certaine image
trouble, qui me présente comme en songe une
meilleure forme que celle que j’ai mise en besogne,
mais je ne la puis saisir et exploiter. Et cette idée
même n’est que du moyen étage. Ce que j’argumente
par là, que les productions de ces riches et grandes
âmes du temps passé sont bien loin au-delà de
l’extrême étendue de mon imagination et souhait.
Leurs écrits ne me satisfont pas seulement et me
remplissent ; mais ils m’étonnent et transissent
d’admiration. Je juge leur beauté ; je la vois, sinon
jusques au bout, au moins si avant qu’il m’est
impossible d’y aspirer. Quoi que j’entreprenne, je dois
un sacrifice aux Grâces, comme dit Plutarque de
quelqu’un, pour pratiquer leur faveur,

si quid enim placet,

si quid dulce hominum sensibus influit,

Debentur lepidis omni Gratiis2.

Essais, II, XVII, « De la présomption ».

Pourquoi ? Qui ? Quoi ? Quand ? Où ? Comment ?


Il peut sembler logique de s’interroger sur le bien-fondé de la
lecture dans une société où la technologie, la vitesse, le virtuel,
l’éphémère dominent et dictent de plus en plus les
comportements.
Les Français et la lecture
Un sondage réalisé avant l’ouverture du Salon du livre
de Paris en mars 2011 donne toute une série
d’informations contradictoires sur le rapport des
Français au livre et à la lecture :
on enregistre une augmentation du nombre de
livres publiés (66 595 titres en 2009 et 67 278
titres en 2010) ;
69 % des Français déclarent avoir lu au moins un
livre dans l’année (à titre de comparaison ce
nombre était de 72 % en 1995), mais le nombre de
livres lus baisse en raison de la diminution du
nombre de grands lecteurs (20 livres ou plus dans
l’année), qui n’est plus maintenant que de 9 % des
personnes interrogées, contre 14 % en 1981 ;
le nombre de petits lecteurs (1 à 5 livres par an)
est passé de 24 % à 35 % de 1991 à 2008, tandis
que le nombre de lecteurs moyens (6 à 20 livres
par an) recule de 28 % à 25 %, pendant la même
période ;
le rapport à la lecture dépend étroitement de la
catégorie socioprofessionnelle et du niveau de
diplôme d’études : 17 % des cadres interrogés
déclarent plus de 20 livres lus dans l’année, de
même que 17 % des diplômés de l’enseignement
supérieur, ou encore 20 % des catégories
socioprofessionnelles aisées ; à l’inverse, 54 %
des non-diplômés, ou encore 48 % des ouvriers, se
disent non-lecteurs ;
l’institut de sondage remarque aussi que l’âge et
le temps disponible ne sont pas des facteurs
discriminants : ainsi les personnes à la retraite ne
lisent pas plus que la moyenne des Français ;
les femmes lisent plus que les hommes : 38 %
des hommes interrogés sont non-lecteurs, contre
25 % des femmes ;
enfin, contrairement à une idée reçue, les
internautes ne lisent pas moins puisqu’ils sont plus
lecteurs que la moyenne (13 % d’entre eux lisent
plus de 20 livres par an).

Pourquoi ?
Demandez à un alpiniste pourquoi il s’échine à gravir des
montagnes. Au mieux, vous récolterez un haussement
d’épaules, car quand vous pourriez attendre une réponse
circonstanciée avec de belles phrases, bien balancées (« Voyez-
vous, la montagne représente une sorte de défi et permet à
l’homme de s’éprouver, de mesurer, dans l’effort, sa propre
finitude, sa petitesse, et son agrandissement dans le
surpassement de soi, bla-bla, bla-bla… »), l’alpiniste est
renvoyé par le biais de votre question à des sensations, des
états, où le moindre mot serait un affadissement majeur et fatal
de ce qu’il ressent. Alors, il hausse les épaules…

Donc ici, la pirouette consisterait à répondre « parce que »,


mais nous voyons déjà votre sourcil froncer, car cette fois-ci, il
s’agit d’une activité où la place des mots est centrale ; alors,
nous nous abstiendrons. Et pourtant, cette réponse serait
tentante, tant les raisons, les motivations pour lire sont
nombreuses. Ainsi, Charles Dantzig, auteur d’un Dictionnaire
égoïste de la littérature française (2005), répond à cette
question en mettant de côté les ouvrages destinés à
l’acquisition d’un savoir : « Lire ne sert à rien. C’est bien pour
cela que c’est une grande chose. Nous lisons parce que ça ne
sert à rien. »
Derrière le caractère provocateur de cette réponse, on peut voir
en filigrane l’idée que lire est un acte personnel, délibéré,
volontaire, et que ce n’est pas en termes d’utilité, de rentabilité
qu’il se manifeste et s’évalue.

Lorsque l’on contemple un paysage, des nuages, la texture


d’une feuille, des ombres sur un mur, cela ne sert à rien (en
apparence), mais en même temps cela nous nourrit, nous
construit, d’une manière imperceptible mais profonde et
durable. Lire, c’est sans doute cela (soyons prudent et
modeste !), un enrichissement intime et personnel qui échappe
à tout système de rentabilité, et d’une certaine façon à tout
« pourquoi ».

Cependant, nous retiendrons deux réponses qui montrent que la


lecture est une activité qui tisse des liens, entre des époques,
des individus, des idées, et ouvre l’esprit sur des zones
inconnues. Tout d’abord celle de Danielle Sallenave
(académicienne depuis peu !) qui montre dans son livre Le Don
des morts (Gallimard, 1991) à quel point, dès lors qu’une chose
est racontée, elle est sauvée : « Lire un livre, c’est achever de
l’écrire, non en lui apportant un complément de sens, ni une
interprétation personnelle, mais en lui fournissant le secours de
notre monde propre pour qu’il s’incarne » ; puis, celle de
Marcel Proust : « Tant que la lecture est pour nous l’initiatrice
dont les clefs magiques nous ouvrent au fond de nous-mêmes
la porte des demeures où nous n’aurions pas su pénétrer, son
rôle dans notre vie est salutaire. »

La querelle des Anciens et des


Modernes
Chaque époque se nourrit des périodes qui l’ont
précédée ; cependant parfois émergent des refus
violents, des volontés de rupture avec les pratiques du
passé. Ainsi, lorsque l’on lit les Essais de Montaigne,
on s’aperçoit que ceux-ci sont parcourus par des
références continues et d’abondantes citations des
auteurs de l’Antiquité grecque et latine. Au siècle
suivant, une violente querelle éclate même entre les
tenants d’emprunts et d’imitations de la culture gréco-
latine considérée comme le sommet en matière de
perfection esthétique (on les surnomme « les
Anciens ») et les partisans de l’innovation esthétique
(ce sont « les Modernes »), résolument tournés vers
l’avenir, qui cherchent à se dégager des modèles
traditionnels. Parmi les Anciens, on trouve, Boileau,
Bossuet, La Fontaine, La Bruyère, Racine ; chez les
Modernes, Corneille, Fontenelle, Perrault. Finalement
Boileau et Perrault qui s’étaient violemment affrontés
sur la question se réconcilièrent publiquement à
l’Académie française.

Quoi ?
Une information extraite du journal Le Monde (dimanche 24
juillet 2011) nous apprend qu’un livre nouveau est publié
toutes les trente secondes et qu’il faudrait 163 vies pour venir à
bout de tous les titres proposés par le site amazon. fr. Ah, tout
de même ! Dès lors, vous comprenez que devant une telle
production le vertige peut parfois être présent. Mais, en même
temps, partez du principe (vraiment vérifié !) que, toutes les
trente secondes, ce n’est pas un chef-d’œuvre, ni un livre
incontournable qui voit le jour. Ouf, cela rassure… Oui, mais
en même temps, si nous considérons seulement les livres
publiés dans les siècles passés, le vertige peut nous reprendre.
De toutes façons, l’affaire est réglée, à moins de croire à la
métempsychose, vous n’aurez pas les 163 vies nécessaires dont
il est question plus haut. Il faut en prendre son parti ! Cela dit,
que de belles perspectives selon le genre de lecture que vous
appréciez…

Des lectures, il y en a donc pour tous les goûts et il n’y a donc


pas de mauvaise lecture… Les censeurs, qui attribuent les bons
et les mauvais points, déclarent que tel livre ou tel livre ne vaut
rien, sont à éviter. Chacun fait son miel à sa manière ! En
matière de lecture, pas de préjugés ! Vos lectures ne sont pas
nécessairement celles du voisin ! Si vous aimez les romans
réalistes ou la littérature fantasy, c’est votre affaire ; si vous
aimez les romans que certains nomment avec mépris « la
littérature de gare », qu’importe ! Vous lisez, vous voyagez
dans le temps et l’espace par la seule magie de votre volonté et
celle des mots, c’est vous le magicien, pas celui qui fait une
moue écœurée devant vos choix. Lire est un acte et un moment
de liberté, il vous appartient.

On lit pour rester connecté au monde et pour tenter de le


comprendre : journaux, revues, essais ; on lit aussi pour faire
des rencontres, aller vers des fictions qui nourrissent
l’imaginaire et notre réflexion sur nous-mêmes : roman, poésie,
théâtre.

Qui ?
Là encore, ce sont vos choix guidés par vos goûts et le hasard
des rencontres. Quoi de mieux que de rentrer dans une librairie
ou dans une bibliothèque et de se laisser guider par votre
subjectivité : vous aimez bien la couleur de cette première de
couverture ; le titre vous accroche ; la lecture de la quatrième
de couverture (le dos du livre) vous paraît alléchante. Voilà
autant de bonnes raisons de vous décider, au lieu de prendre
comme critères de sélection un article que vous avez lu sur le
livre, sur l’auteur, ou les commentaires d’un ami qui vous en a
parlé, etc. A contrario, les mêmes critères peuvent vous
éloigner d’un livre. Ce qui compte au final, c’est la découverte
qui vous amène vers la lecture et le moment à chaque fois
nouveau où celle-ci commence.

Quand ?
Quand lire ? Quand vous le décidez ! Cela peut faire partie de
votre organisation quotidienne si vous faites un trajet régulier
pour vous rendre par exemple à votre travail.

Le matin en empruntant les transports en commun (oui, comme


ils sont « en commun », vous devez les rendre après les avoir
empruntés !), pendant la pause déjeuner, le soir, bien calé dans
votre fauteuil préféré ; le week-end, pendant les vacances. Pour
ne jamais être pris au dépourvu, ayez toujours avec vous une
lecture possible (journal, revue, livre).

Où ?
Il existe mille et un lieux (sans doute beaucoup plus) pour
entamer une lecture… Car l’avantage de la lecture, c’est qu’on
peut la pratiquer quasiment partout et que le livre (le journal, la
revue, etc.) est un objet absolument autonome qui n’a besoin
d’aucune énergie particulière ; pas de recherche d’un réseau
capricieux, pas de chargeur oublié qui le rendrait inopérant, pas
de clé ou de code secret pour l’ouvrir, juste votre volonté et vos
yeux…

Voici une brève géographie de ces lieux, en allant des plus


courants aux plus improbables (évidemment la liste n’est pas
exhaustive, vous pouvez la compléter !) :
lire chez soi, assis à son bureau, dans son salon, dans
un fauteuil, allongé dans son lit, devant sa cheminée,
avec un bon feu et sa boisson préférée, ou accompagné
d’une musique appréciée ;
lire dans les transports en commun, l’idéal étant de
disposer d’un certain confort et d’une certaine durée :
les voyages de plusieurs heures, en train, en avion sont
parfaits pour cela (en voiture, c’est moins évident,
certaines personnes ont le mal des transports en
lisant !). Avec certains romans (policiers notamment),
dont la durée de lecture n’excède pas celle du trajet,
vous avez deux voyages en un : celui qui vous mène de
A à B, et celui de l’intrigue romanesque qui vous
« transporte » ailleurs, dans une autre époque, d’autres
lieux, et vous fait rencontrer des personnages inconnus
jusqu’alors. La lecture dans le métro ou le bus (si vous
avez quatre ou cinq stations à parcourir par exemple)
s’accommode mieux de textes courts, un quotidien fera
l’affaire ; on trouve aujourd’hui des « gratuits », certes
édulcorés quant au traitement de l’information, mais
cela reste de la lecture !
sur un bateau lors d’une croisière (en mer, ou sur une
rivière ou un canal) ;
sur la plage, des grains de sable comme marque-page,
sur un rocher face à la mer (attitude très hugolienne,
mais attention à la marée montante !) ou dans un pré au
milieu des herbes folles (mais attention au taureau qui
a aperçu la couleur rouge de votre livre !) ;
en vacances, dans ce gîte rustique qui possède cet
endroit que Francis Cabrel place « au fond du jardin »,
la fameuse « cabane » ; chez vous, c’est ce lieu dont
Victor Hugo disait avec beaucoup d’éloquence que,
même là, les héros font des efforts ! Vous voyez bien
sûr de quel endroit nous voulons parler ? Là où
personne ne peut aller à votre place… Vous pouvez y
laisser des revues, des journaux, y installer une petite
étagère sur laquelle vous poserez des ouvrages à textes
courts (nouvelles, poèmes) ;
dans une salle ou une file d’attente ;
et… dans une bibliothèque…

Le Procope, un café littéraire


Les cafés littéraires où l’on échange sur un thème, sur un livre,
sur un auteur connaissent aujourd’hui une certaine vogue ;
n’hésitez pas à faire l’expérience ! Nul besoin d’être un
spécialiste, chacun peut exprimer son point de vue. Si vous êtes
de passage à Paris, nous vous conseillons d’aller prendre un
café dans un des tout premiers cafés de ce genre, le Procope,
vous y côtoierez les ombres de Diderot, de Voltaire, de
Verlaine, de Rousseau, de Danton, de Marat, et vous pourrez
même y voir un bicorne de Napoléon 1er !

Situé 13, rue de l’Ancienne-Comédie dans le 6e arrondissement


de Paris, et accessible également par le passage de la cour du
Commerce-Saint-André, le café du Procope a été ouvert en
1686 par un garçon de café sicilien, Francesco Procopio Dei
Coltelli, dont le nom francisé Procope devint aussi celui de son
établissement. Très rapidement (en même temps que son
concurrent de la place du Palais-Royal, le futur café de la
Régence) le Procope devient un lieu de rencontres littéraires
fréquenté par de nombreux écrivains. Montesquieu y fait même
une allusion ironique dans les Lettres persanes (1721) :

Usbek à Rhédi, à Venise.

Le café est très en usage à Paris : il y a un grand


nombre de maisons publiques où on le distribue. Dans
quelques-unes de ces maisons, on dit des nouvelles ;
dans d’autres, on joue aux échecs. Il y en a une où
l’on apprête le café de telle manière qu’il donne de
l’esprit à ceux qui en prennent : au moins, de tous
ceux qui en sortent, il n’y a personne qui ne croie qu’il
en a quatre fois plus que lorsqu’il y est entré. (Lettre
36)

Comment ?
Pas de règles ! Certains auront tendance à littéralement
« dévorer » les pages de leur roman ; d’autres prendront le
temps et savoureront lentement chaque page, en essayant de
retarder le moment redouté où la dernière page arrive ;
d’autres, encore, iront de page en page, s’arrêteront là, puis
repartiront de l’avant, reviendront en arrière… Tout dépend
aussi de la nature de la lecture. Un roman, un essai, de la
poésie, un journal, un article ne mobilisent pas de la même
manière. Certains lecteurs aiment bien se munir d’un crayon et
souligner les mots, les passages qui les ont particulièrement
intéressés, pourquoi pas ? D’autres considèrent le livre comme
un objet sacré sur lequel il ne faut laisser aucune trace, surtout
ne pas corner les pages, pourquoi pas ? D’autres encore
commencent plusieurs livres en même temps ou mettent
plusieurs mois à aller au bout du livre commencé, pourquoi
pas ?

Fini les complexes ! Vous pouvez être complètement absorbé


par un livre ; mais vous pouvez aussi ne pas le finir et ne pas
vous culpabiliser en vous disant : « C’est ma faute, je n’arrive
pas à aller jusqu’au bout, car je ne suis pas dans de bonnes
dispositions. » Non, vous pouvez aussi décider que le livre est
mauvais (mauvais pour vous, s’entend), et hop, le refermer.
Rangez-le, et qui sait un jour vous le reprendrez, vous ne
pourrez plus le lâcher, vous irez au bout, le trouverez
« géniaaal » ! Et même, vous le conseillerez à des amis. Ce
n’est pas le livre qui aura changé, mais vous ! Un livre c’est 50
% celui qui l’écrit et 50 % celui qui le lit ! Ce qui compte
finalement, c’est que la lecture apporte un moment privilégié
de rencontre. Le reste est billevesées !

Quel lecteur ?

Lecteur ou pas lecteur ?


Occasionnel, régulier ? Lecteur par obligation, lecteur par
plaisir ?

Vous avez été un grand lecteur, mais voilà, vous n’avez plus le
temps ! Enfin, vous ne prenez plus le temps (ou la concurrence
d’autres vecteurs d’informations et de lectures, télé, Internet,
est trop forte) !

Changez vos habitudes ou plutôt déshabituez-vous de vos


habitudes ; saisissez les occasions.

Vous ne lisez jamais ! Êtes-vous sûr de cela ? Jamais de


documents de travail (notes de synthèse, compte rendu de
réunion, courriels) ?

Si, finalement.

Lire ou regarder la télévision ?


Par exemple, qui parmi nous ne s’est pas retrouvé un jour
(souvent un soir !) devant une émission de télévision
particulièrement affligeante (oui, cela existe !) et se disant
« mais ce que je regarde est sans intérêt ! » tout en restant
hypnotisé devant l’image et en ne se résolvant pas à éteindre ;
d’autant qu’aujourd’hui la télécommande permet de « zapper »
et de partir dans une longue errance, de désintérêt en désintérêt,
avec au bout l’impression frustrante d’avoir gâché son temps
devant des programmes rivalisant d’ineptie. Et nous nous
promettons alors qu’on ne nous y reprendra plus et, dès le
lendemain, nous nous laissons « piéger à nouveau » ! Pouvoir
de l’image !

Cependant loin de nous l’idée d’opposer la lecture et la


télévision (on se rappelle qu’en son temps la télévision a assuré
une vraie promotion pour la lecture avec les émissions
littéraires de Bernard Pivot, « Apostrophes », « Bouillon de
culture »), mais peut-être de trouver une sorte d’équilibre où le
temps télévisuel, envahissant et chronophage, laisse un peu de
place au temps de la lecture. D’autant plus que le temps
télévisuel fonctionne dans l’émotionnel, l’instantané,
l’éphémère, et finalement est « un temps amnésique ». Pour
vous en convaincre, faites le test suivant : regardez une
émission d’information ou le journal télévisé de 20 heures, soit
une trentaine de minutes ; à un autre moment lisez des articles
de journal ou un texte de votre choix qui vous mobilise le
même temps ; le lendemain notez précisément sur une feuille
les éléments que vous avez retenus pour l’émission et pour les
textes lus. Vous serez peut-être surpris de la perte
d’informations concernant l’émission et de la précision des
éléments textuels restitués.

Quelles lectures ?
L’offre en matière de lecture est impressionnante : qu’elle soit
sous sa forme papier ou numérique, vous n’avez que
l’embarras du choix. Lectures d’apprentissage, d’information,
de loisirs, les temps consacrés à cette activité sont une
excellente base pour vos pratiques d’écriture à venir.

Les lectures du kiosque


Depuis La Gazette, premier journal en France, créé par
Théophraste Renaudot en 1631, la presse écrite a connu un
essor constant ; ainsi au XIXe siècle on a compté plus de 1 300
titres, malgré des périodes d’entrave et de censure.
Aujourd’hui, la presse « papier » connaît une crise certaine liée
notamment à l’apparition de nouveaux médias d’information
(télévision, Internet) et à la course effrénée à l’information « en
temps réel », au « scoop » et à la dernière nouveauté, « le
buzz »… Toutefois, cette érosion est en partie compensée par
les éditions numériques de la plupart des quotidiens qui sont
consultables sur Internet à partir de son ordinateur ou de son…
téléphone !

Lire un quotidien (national, régional, version papier ou


numérique) est un bon moyen de connaître la situation du
monde, de son pays, de sa région, de son département, de sa
ville, mais c’est aussi un excellent outil pour appréhender
l’écriture sous toutes ses formes. À travers des brèves
(informations courtes de quelques lignes), des récits de faits
divers, des articles de présentation d’événements, des articles
de fond, d’analyse sur des sujets politiques, économiques,
culturels, sportifs, vous visualiserez de multiples formes
d’écrits dont vous pourrez par la suite vous inspirer. Il est
toujours intéressant, quand on le peut, de comparer le
traitement d’une même information par deux sources
différentes et de relever les différences autant sur le fond que
sur la forme.

Les quotidiens nationaux


Certes la radio, la télévision, Internet offrent chaque jour et en
permanence des informations, mais celles-ci sont le plus
souvent prises dans une course en avant où il s’agit d’aller plus
vite que le concurrent, « être le premier » à donner le fameux
« scoop » ou à lancer le plus récent « buzz » ; tandis qu’avec un
quotidien, même si cette course n’est pas absente, il y a le
temps de l’écriture et de la réflexion (enfin, en principe !) qui
permettent une certaine distance par rapport aux faits. Ainsi,
selon vos goûts et votre sensibilité politique, la presse nationale
vous propose un large éventail de journaux :

La Croix, journal généraliste de sensibilité


catholique ;
Les Échos où l’information économique et financière
tient une large place ;
L’Équipe, journal spécialisé dans le sport ;
France-Soir, journal d’informations générales ;
Le Figaro, le plus ancien quotidien français, qui a en
exergue la fameuse réplique de Figaro, personnage du
théâtre de Beaumarchais : « Sans la liberté de blâmer, il
n’est point d’éloge flatteur », et qui, politiquement, se
situe à droite ;
L’Humanité, fondé en 1904 par Jean Jaurès, le
journal du parti communiste français, ce qui oriente
son analyse de la société ;
Libération, né en 1973 à l’initiative de Jean-Paul
Sartre, un journal généraliste qui se situe à gauche et
porte parfois un regard décalé sur les thèmes de
société ;
Le Monde, le quotidien français de référence qui
propose des articles de fond, se situant à gauche ;
Le Parisien, Aujourd’hui en France, qui privilégie
les informations sur le quotidien et les faits divers ;
La Tribune, journal spécialisé dans les informations
économiques et financières, avec des pages sur les
cotations boursières.

Les quotidiens régionaux


Quoi de mieux lorsque vous arrivez dans une région que la
lecture du quotidien régional : outre l’actualité internationale et
nationale, il vous tient au courant des différents événements,
manifestations et fêtes qui animent les villages, les villes, le
département, la région. Vous y découvrirez la vie et le visage
d’une population au « quotidien ». Voici les principaux :

Ouest-France, comme son titre l’indique, couvre


l’Ouest de la France ;
Paris-Normandie paraît en Normandie et dans une
partie de l’Île-de-France ;
La Voix du Nord paraît dans la région Nord ;
Les Dernières Nouvelles d’Alsace paraît dans la
région Alsace ;
L’Est républicain paraît dans les régions Lorraine et
Franche-Comté ;
Le Progrès paraît à Lyon et dans la région Rhône-
Alpes ;
Le Dauphiné libéré paraît dans les départements de
l’Isère, de la Savoie, de la Haute-Savoie, de la Drôme,
de l’Ardèche, des Hautes-Alpes, de l’Ain ;
La Provence paraît dans les départements des
Bouches-du-Rhône et du Vaucluse ;
Nice-Matin paraît dans le département des Alpes-
Maritimes ;
Le Midi-Libre paraît dans la région Languedoc-
Roussillon et le département de l’Aveyron ;
La Dépêche du Midi paraît dans la région Midi-
Pyrénées ;
Sud-Ouest paraît dans les départements du Sud-
Ouest.

Les revues
Hebdomadaires, mensuelles, bimensuelles, trimestrielles,
annuelles, spécialisées, généralistes, les revues sont
innombrables. Elles présentent l’intérêt majeur de vous fixer
une sorte de rendez-vous régulier dans le temps et surtout elles
vous proposent des enquêtes, des dossiers qui vous permettent
d’approfondir vos connaissances et d’étayer vos positions.
Elles offrent donc d’excellents exemples de constructions de
textes argumentatifs, d’autant qu’elles accueillent souvent dans
leurs colonnes des journalistes et des écrivains de premier plan.
Pour mémoire voici quelques titres généralistes : Le Courrier
international, Elle, L’Express, Marianne, Le Nouvel
Observateur, Le Monde diplomatique, Le Point, Télérama…

Lire sur Internet


Aujourd’hui, la lecture se déplace de plus en plus du
support papier vers le support numérique. Internet par
le biais de multiples outils (e-book, iPhone, iPad,
ordinateur portable) devient un lieu majeur de
lecture : forums, blogs, messages sur les réseaux
sociaux, journaux numériques, portails d’actualités,
sites d’informations, autant de supports de lecture.
D’ailleurs, 92 % des Français se connectent tous les
jours sur Internet (source TNS Sofres) et une étude de
l’institut GfK précise que les Français consacrent en
moyenne 2 heures 17 chaque jour à surfer sur la Toile
pour leurs loisirs, soit 50 minutes de moins que le
temps passé à regarder la télévision.

Les bibliothèques
L’univers de la lecture est un monde sans fin ; on n’ose
imaginer la bibliothèque qui contiendrait tous les livres de
toutes les bibliothèques. Seul Jorge Luis Borges l’a fait dans
une nouvelle, La Bibliothèque de Babel, de son recueil
Fictions : cette bibliothèque contient tous les livres de 410
pages possibles ; chaque livre comporte le même nombre de
signes écrits au hasard à partir d’un alphabet de vingt-cinq
caractères (l’espace, le point, la virgule et vingt-deux lettres de
l’alphabet). La bibliothèque renferme donc tous les livres qui
ont été écrits et qui le seront puisqu’elle épuise toutes les
combinaisons possibles à partir des lettres de l’alphabet.
Vertigineux !

Imaginez que nous avons déambulé au hasard des rayonnages


de cette bibliothèque ; nous en avons extrait cent romans,
d’hier et d’aujourd’hui, d’ici et d’ailleurs… Vous en connaissez
certains, d’autres sont peut-être de parfaits inconnus ; bonne
occasion pour faire une découverte ou une « redécouverte » !
Cent livres dans « la bibliothèque de Babel », autant dire une
« minuscule goutte d’eau dans cet océan de mots »… Bonne
lecture !

Les Âmes grises, Philippe Claudel – L’Amant, Marguerite


Duras – L’Archipel du goulag, Alexandre Soljenitsyne –
L’Arrache-cœur, Boris Vian – L’Assommoir, Émile Zola –
Aurélien, Louis Aragon – Bel-Ami, Guy de Maupassant – Le
Blé en herbe, Colette – Bonjour Tristesse, Françoise Sagan –
Le Boulevard périphérique, Henri Bauchau – Le Bruit et la
Fureur, William Faulkner – Le Bûcher des vanités, Tom Wolf
– Candide, Voltaire – Cent ans de solitude, Gabriel Garcia
Marquez – Les Champs d’honneur, Jean Rouaud – Les
Chevaux fantômes, Karen Blixen – Le Choix de Sophie,
William Styron – Le Christ s’est arrêté à Eboli, Carlo Levi –
La Condition humaine, André Malraux – La Consolante,
Anna Gavalda – La Dame de pique, Nicolas Gogol – Le
Désert des Tartares, Dino Buzatti – Des souris et des hommes,
John Steinbeck – Le Diable au corps, Raymond Radiguet – Le
Dieu manchot, José Saramango – Docteur Jekyll et Mister
Hyde, Robert Louis Stevenson – Le Docteur Jivago, Boris
Pasternak – Don Quichotte, Miguel de Cervantès – Du côté de
chez Swann, Marcel Proust – L’Emploi du temps, Michel
Butor – L’Enfant, Jules Vallès – L’Étranger, Albert Camus –
Fils unique, Stéphane Audeguy – Frankenstein, Mary Shelley
– Gatsby le Magnifique, Francis Scott Key Fitzgerald – La
Gloire de mon père, Marcel Pagnol – Les Grandes espérances,
Charles Dickens – La Guerre des boutons, Louis Pergaud –
Guerre et Paix, Léon Tolstoï – Les Hauts de Hurlevent, Emily
Brontë – L’Homme sans qualités, Robert Musil – L’Idiot,
Fiodor Dostoïevski – L’Île d’Arturo, Elsa Morante –
L’Invention de Morel, Adolfo Bioy Casares – Ivanhoé, Walter
Scott – La Jalousie, Alain Robbe-Grillet – Le Joueur
d’échecs, Stéphan Sweig – Léviathan, Paul Auster – Les
Liaisons dangereuses, Choderlos de Laclos – Lolita, Vladimir
Nabokov – Ma Mère, Albert Cohen – Madame Bovary,
Gustave Flaubert – Manhattan Transfert, John Dos Passos –
Martin Eden, Jack London – Mémoires d’Hadrien, Marguerite
Yourcenar – Michael K., sa vie, son temps, John Maxwell
Coetzee – Les Misérables, Victor Hugo – Le Monde selon
Garp, John Irving – La Mort à Venise, Thomas Mann – Les
Mots, Jean-Paul Sartre – Mrs Dalloway, Virginia Woolf – Les
Mystères de Paris, Eugène Sue – Nocturne indien, Antonio
Tabucchi – Le Nom de la rose, Umberto Eco – La Nuit sacrée,
Tahar Ben Jelloun – L’Ombre du vent, Carlos Ruiz Zàfon –
L’Or, Blaise Cendrars – Orgueil et Préjugés, Jane Austen – Le
Parfum, Patrick Süskind – Pastorale américaine, Philip Roth
– Pays de neige, Yasunari Kawabata – La Promesse de l’aube,
Romain Gary – La Princesse de Clèves, Mme de La Fayette –
La Peau de chagrin, Honoré de Balzac – Pêcheur d’Islande,
Pierre Loti – La Petite Fadette, George Sand – Petits suicides
entre amis, Arto Paasilinna – Le Portrait de Dorian Gray,
Oscar Wilde – Le Procès, Franz Kafka – Le Procès – verbal,
J.-M. G. Le Clezio – Ravage, René Barjavel – Regain, Jean
Giono – Le Rivage des Syrtes, Julien Gracq – Le Roi des
aulnes, Michel Tournier – Le Roman de la momie, Théophile
Gautier – La Ronde de nuit, Patrick Modiano – Le Rouge et le
Noir, Stendhal – Sous le volcan, Malcom Lowry – Sur la
route, Jack Kerouac – Le Tambour, Günter Grass – Thérèse
Desqueyroux, François Mauriac – Testament à l’anglaise,
Jonathan Coe – Tout ce que j’aimais, Siri Hustvedt – Typhon,
Joseph Conrad – Ulysse, James Joyce – Une saison blanche et
sèche, André Brink – La Vénus d’Ille, Prosper Mérimée – La
Vierge froide et autres racontars, Jorn Riel – Vipère au poing,
Hervé Bazin – Zazie dans le métro, Raymond Queneau.

Rappelez-vous qu’il y a des bibliothèques et des médiathèques


partout ; dans les villes universitaires, les bibliothèques sont
accessibles à tous, y compris aux personnes qui ne sont pas
étudiantes !

Les bibliothèques sont organisées selon un classement qui


permet de trouver facilement le livre que l’on cherche : soit la
classification décimale de Dewey (CDD) mise au point par le
bibliothécaire américain Melvin Deley (1951-1931), soit sa
version européenne, la classification décimale universelle
(CDU).

Le classement a retenu dix classes correspondant aux dix


disciplines principales du savoir : Généralités, Philosophie,
Religion, Sciences sociales, Langage, Sciences pures,
Techniques, Arts, Littérature, Histoire-Géographie. Ces classes
sont numérotées de 000 à 900. Chaque classe comporte dix
divisions ; chaque division comporte dix subdivisions. Si tout
cela vous paraît un peu compliqué, n’hésitez pas à demander de
l’aide à un bibliothécaire ; mais une promenade sans but précis
dans les rayonnages, comme si vous étiez en pleine nature,
vous fera découvrir des lectures auxquelles vous n’auriez
jamais songé. Osez et devenez l’« Indiana Jones » des
bibliothèques !

Ainsi, tous les livres se rapportant à une même discipline ont la


même cote, un indice décimal suivi des première lettres du nom
de l’auteur. Voici la classification générale CDD ; elle suggère
l’étendue des lectures que vous pouvez faire…

000 Généralités 100 Philosophie


010 Bibliographies 110 Métaphysique

020 Sciences de 120 Épistémologie


l’information

030 Dictionnaires, 130 Phénomènes


encyclopédies paranormaux

040 [inutilisé] 140 Systèmes


philosophiques

050 Publications en séries 150 Psychologie

060 Muséologie 160 Logique

070 Journalisme 170 Éthique

080 Recueil généraux 180 Philosophie antique,


médiévale, orientale

090 Manuscrits et livres 190 Philosophie occidentale


rares moderne

200 Religion 300 Sciences sociales

210 Religion naturelle 310 Statistiques

220 Bible 320 Sciences politiques

230 Théologie chrétienne 330 Économie

240 Théologie morale 340 Droit

250 Ordre religieux 350 Administration publique

260 Théologie et société 360 Problèmes et services


sociaux

270 Histoire et géographie 370 Éducation


de l’Église

280 Confessions et sectes 380 Commerce,


chrétiennes communication et transports

290 Religion comparée et 390 Coutumes, savoir-vivre,


autres religions folklore

400 Langues 500 Sciences pures

410 Linguistique 510 Mathématique

420 Langue anglaise 520 Astronomie

430 Langues germaniques 530 Physique

440 Langues romanes 540 Chimie

450 Italien, roumain 550 Sciences de la terre et


des autres mondes

460 Langues espagnoles et 560 Paléontologie


portugaises

470 Langues italiques. 570 Sciences de la vie


Latin

480 Langues helléniques. 580 Botanique


Grec

490 Autres langues 590 Zoologie

600 Sciences appliquées, 700 Les arts


techniques

610 Science médicale 710 Urbanisme. Art du


paysage

620 Art de l’ingénieur 720 Architecture


630 Agriculture 730 Arts plastiques.
Sculpture

640 Économie domestique 740 Dessin, arts décoratifs et


mineurs

650 Gestion 750 Peinture

660 Techniques chimiques 760 Arts graphiques.


Gravures

670 Fabrication industrielle 770 Photographie

680 Fabrication pour 780 Musique


utilisations spécifiques

690 Bâtiment 790 Loisirs et arts du


spectacle

800 Littérature 900 Géographie et histoire

810 Littérature américaine 910 Géographie générale.


en anglais Voyages

820 Littérature anglaise 920 Biographies

830 Littérature allemande 930 Histoire du monde


ancien

840 Littérature française 940 Histoire de l’Europe

850 Littérature italienne 950 Histoire de l’Asie

860 Littérature espagnole et 960 Histoire de l’Afrique


portugaise

870 Littérature latine 970 Histoire de l’Amérique


du Nord
880 Littérature grecque 980 Histoire de l’Amérique
du Sud

890 Littérature des autres 990 Histoire des autres pays


langues

Le livre à prix unique


La loi Lang du 10 août 1981 instaure un prix unique
du livre en France ; elle a été initiée par Jack Lang, le
ministre de la Culture du gouvernement Mauroy, lors
du premier septennat de François Mitterrand (1981-
1988). Cette loi limite la concurrence sur le prix de
vente au public du livre afin de protéger la filière et de
développer la lecture. Ainsi, un livre neuf vendu en
France doit avoir un prix unique fixé par l’éditeur, et
imprimé sur la couverture du livre.
Chapitre 11

Le traitement de texte, un clavier


qui vous veut du bien

Dans ce chapitre :
Du calame au clavier
Écrire puis traiter le texte
Quelques avantages du traitement de texte

À la fin du siècle dernier est apparu un outil révolutionnaire


pour écrire, le traitement de texte. Après des millénaires de
manuscrits et quelques siècles d’imprimerie, le traitement de
texte offrait la possibilité à chaque particulier de mettre en
forme son texte et de l’imprimer avec des outils jusqu’alors
réservés aux typographes. Dans ce chapitre nous vous
présenterons quelques outils indispensables pour donner à votre
écriture sûreté et aisance ; évidemment pour en savoir plus sur
les mille et un intérêts du traitement de texte, il existe
d’excellents ouvrages que nous vous invitons à consulter, entre
autres, le Word 2007 pour les Nuls de Dan Gookin et sa version
Essentiel pour Word 2010.

Petit retour en arrière


Aujourd’hui, l’usage du traitement de texte semble tellement
évident que l’on oublie qu’il est très récent dans l’histoire des
outils pour écrire. Faisons un rapide voyage dans le temps.

L’outil dans la main


Il est loin le temps du calame, ce roseau taillé d’abord avec une
forme cunéiforme pour marquer l’argile fraîche, puis taillé en
biseau par les Égyptiens pour écrire sur les papyrus. Il est tout
aussi lointain le temps du stylet en bronze qui permettait aux
Romains de marquer l’argile ou la cire, et le temps des plumes
(d’oie, de cygne, de dinde, de canard, de corbeau) avec
lesquelles les moines copistes du Moyen Âge écrivaient sur
leur parchemin mais aussi les écrivains jusqu’au début du XIXe
siècle. Puis vint le temps de la plume métallique et notamment
de la fameuse plume « Sergent Major » qui accompagna des
générations d’écoliers jusqu’au milieu des années 1960 (avec
son porte-plume en bois ou en plastique, l’encrier de porcelaine
blanche et l’encre violette) ; au début du XXe siècle sont
inventés les stylos plumes à recharge (dont le célèbre
Montblanc). Un tournant est pris en 1953 avec l’invention du
stylo à bille par le baron Bich ; viendra ensuite toute une série
d’innovations notamment avec les stylos-feutres (à pointe
acrylique, à pointe bille, à pointe céramique, enfin avec toutes
sortes de pointes !). Dans cette longue histoire des outils à main
pour écrire, n’oublions pas pour finir le crayon à papier (appelé
aussi crayon de bois, crayon gris, crayon mine, crayon noir,
crayon de plomb), utilisé aussi bien pour les « brouillons » que
pour le dessin. Son usage pour écrire reste habituellement dans
le domaine privé et celui de l’essai ; ainsi, on ne l’utilise pas
pour la correspondance, pour les devoirs scolaires, pour les
contrats professionnels (on n’imagine pas un acte notarié écrit
au crayon à papier), car le graphite du crayon est « effaçable »
d’un simple coup de gomme !
De la machine à écrire…
Les premières machines à écrire vraiment opérationnelles
apparaissent à la fin du XIXe siècle ; entièrement mécaniques,
elles se composent d’une série de tiges rigides, aux extrémités
desquelles se trouve le caractère à imprimer. Sous la pression
d’un doigt, la tige se soulève et le caractère vient heurter un
ruban encreur qui marque la feuille. Devenue électrique,
portable, la machine à écrire devient durant tout le XIXe siècle
l’outil incontournable des secrétaires, des journalistes et des
écrivains, avant d’être supplantée définitivement au milieu des
années 1990 par le traitement de texte.

… au traitement de texte
C’est la société américaine IBM (International Business
Machines) spécialisée dans le domaine informatique qui crée
au début des années 1960, pour son propre usage, le concept de
traitement de texte, autrement dit l’édition de textes à l’aide
d’outils de rédaction. Dans la décennie suivante, l’innovation
se développe et quitte le secteur strictement informatique pour
proposer des logiciels permettant la création de documents
écrits aussi bien professionnels que privés. Rapidement le
traitement de texte s’impose partout : dans les secrétariats
d’entreprises, dans les administrations, chez les particuliers. Si
le milieu des années 1990 a sonné le glas de la machine à écrire
et… de la dactylo, il a consacré l’ère du clavier et de l’écran !

Écriture et traitement de texte


Attention à une idée reçue : ce n’est pas parce que l’on possède
un traitement de texte que l’écriture va devenir comme par
enchantement une formalité : le traitement de texte, comme son
nom l’indique, « traite du texte », c’est-à-dire s’occupe
uniquement de la mise en forme, mais il n’écrit pas ! C’est
vous qui écrivez en exprimant par des mots, des phrases, votre
pensée, vos idées, votre argumentation, votre imagination.

Lorsque vous traitez le texte, cela signifie que vous employez


un certain nombre d’outils pour donner une forme à votre
travail, à votre document en vue de son impression. Ainsi, un
texte imprimé est fait, a priori, pour être lu, ce qui n’est pas le
cas d’un texte manuscrit, qui peut être un travail d’ébauche ou
un écrit intime destiné à le rester !

Par ailleurs, il faut se garder de l’illusion que peut procurer une


belle mise en forme réalisée grâce au traitement de texte, car
c’est toujours le fond qui compte… A contrario, il faut veiller à
ne pas dévaloriser un vrai travail de fond par une mise en
forme incohérente.

Écrire, puis traiter


L’écriture : la phase de création commence toujours par une
inscription, sur la feuille avec un stylo ou une machine à écrire,
sur l’écran d’ordinateur avec un logiciel de traitement de texte.
La grande différence est que, sur le papier, il y a une sorte de
matérialité directe de l’idée, alors que, sur l’écran d’ordinateur,
tant que vous n’avez pas décidé d’imprimer, tout reste encore
virtuel. Cette première phase relève donc plus d’un travail
d’écriture que d’un travail de traitement de texte même si
parfois, en même temps que l’on écrit, l’on traite !

Les quadragénaires (et plus !) qui ont connu la machine à écrire


savent que le traitement de texte est beaucoup plus que cela ;
contrairement à l’Olivetti, à la Remington, à l’IBM électrique à
boule (ces belles machines du XXe siècle…), dont le clavier ne
servait qu’à écrire un texte, celui d’aujourd’hui leur permet
aussi de « traiter » le texte produit.
Parole d’ordinateur !
Le témoignage d’Umberto Eco à propos de son roman
Le Pendule de Foucault, dans lequel un ordinateur
écrit de façon aléatoire des poésies :

Quelqu’un a dit : « On sent que le roman a été écrit


directement à l’ordinateur ; sauf la scène du
cimetière : celle-là, oui, il y a du ressenti, elle a dû
être réécrite plusieurs fois, et au stylo. » J’ai honte de
le dire, mais de ce roman qui a subi tant de phases de
rédaction, où sont intervenus le Bic, le stylo, le feutre,
et d’infinies révisions, l’unique chapitre écrit
directement à l’ordinateur, et d’un trait, sans trop de
corrections, a été justement celui de la trompette. La
raison en est très simple : cette histoire, je l’avais
tellement portée en moi, je me l’étais racontée tant de
fois, que c’était comme si elle avait été déjà écrite.
(…) En fait, ce qui est bien avec l’ordinateur, c’est
qu’il encourage la spontanéité : vous écrivez d’un
seul jet, en hâte, ce qui vous vient à l’esprit. Après,
vous savez que vous pouvez corriger et varier.

Umberto Eco, De la littérature, Grasset, 2003.

Les usages du traitement de texte


Tout dépend de la finalité du document que vous réalisez avec
le traitement de texte. Si c’est un manuscrit que vous destinez à
un éditeur en vue d’une éventuelle publication, partez du
principe que c’est la maison d’édition qui s’occupera de la
maquette et de sa mise en page. L’essentiel pour vous est
d’adresser un document bien organisé (avec un sommaire, une
pagination, des paragraphes, des pages lisibles, aérées, une
syntaxe et une orthographe irréprochables).

Écrire, puis traiter ! Pendant la phase de création, nous vous


conseillons de suivre d’abord votre inspiration ; écrivez, faites
chanter le clavier, ne vous préoccupez pas des petites vagues
« rouges » ou « vertes » qui vous signalent un problème,
écrivez. C’est plus tard, au moment de la première lecture que
vous vous occuperez de ces « alertes rouges et vertes ». Dans
un premier temps écrivez votre texte, vous le « traiterez »
après !

Si c’est un courrier administratif ou professionnel, il y a des


usages et des modèles qu’il vaut mieux suivre (voir chapitre
15).

La mise en forme
Votre présentation doit refléter la structure de votre document
(une page, un chapitre, un livre, etc.). Cela vous conduit à faire
un certain nombre de choix dont voici les principaux :

La police de caractère : vous avez des dizaines de


polices à votre disposition, c’est à vous de choisir celle
qui vous inspire le plus !
La taille de la police : là aussi, c’est votre choix, la
taille standard est 12 pour le texte ; pour les titres et
sous-titres, les tailles sont évidemment supérieures,
entre 14 et 24, et vous pouvez les mettre en gras, en
italiques, voire les souligner (mais cela alourdit
visuellement la page !).
L’interligne : 1 est serré, 1,5 est l’interligne standard,
2 est aéré, au-delà tout dépend de ce que vous écrivez,
mais attention aux courants d’air !
Chaque paragraphe peut commencer par un
retrait d’alinéa de la première phrase (ce n’est pas
obligatoire, c’est à vous de décider !) et un retour à la
ligne pour le début du suivant (cela en revanche est
nécessaire pour visualiser le paragraphe !). Vous
décidez de l’importance des marges à gauche et à
droite, vous alignez votre texte à gauche ou vous le
« justifiez » (il est alors aligné à gauche et à droite) ;
les choix opérés doivent être conservés tout au long du
document pour préserver l’homogénéité de la
présentation.
La numérotation des pages : en haut, en bas,
intérieur, extérieur, centré.

Évidemment pour votre confort d’écriture, faites les choix qui


vous conviennent même s’ils sont « hors normes », quitte à
remettre dans une forme plus conventionnelle votre document
au moment de son impression ou de sa transmission, si votre
intention est d’être lu et apprécié !

Les avantages du traitement de texte


Certes il existe encore des irréductibles du stylo bille ou du
stylo plume, mais aujourd’hui, un grand nombre de personnes
écrivent directement au traitement de texte ou ont recours à une
pratique mixte qui consiste en un savant aller-retour entre des
phases d’écriture manuscrite et des séances de traitement de
texte. Car il est difficile de nier à celui-ci des avantages qui
rendent l’acte d’écrire à la fois plus accessible et plus attractif.
En voici quelques exemples.
Modifier
On peut toujours modifier ; rien n’est définitif. Vous vous
souvenez sans doute de cette rage impuissante qui vous a saisi
le jour où après avoir soigneusement rédigé à la main un
courrier important, un devoir urgent, vous avez à la dernière
ligne, peut-être même sur le dernier mot, fait un petit dérapage,
un léger pâté, en voulant modifier la forme d’une lettre qui
vous semblait peu lisible et que vous avez encore rendue moins
lisible par votre intervention ; ou encore de ce mot dont les
dernières lettres sont venues littéralement s’empiler en bout de
ligne, collées sur le rebord de la feuille parce que vous aviez
mal évalué l’espace qui vous restait (ah, vous voyez,
maintenant cela vous revient !). Ce moment terrible où l’on se
rend compte que le travail d’un bon quart d’heure est anéanti,
là, juste à la fin, et ce moment encore plus effroyable où dans
un geste rageur et frénétique vous mettez en boule la feuille !
Arrêtons là le cauchemar ! Avec le traitement de texte, c’est
fini !

Le WYWYSIG
« What you see is what you get », « ce que vous voyez est ce
que vous obtenez ».

Le document représenté sur l’écran est identique à celui de son


aspect final imprimé ; vous avez d’ailleurs un outil « Aperçu
avant impression » qui vous permet une vérification avant de
lancer l’impression et ainsi d’effectuer d’éventuelles
modifications ou corrections. Plus de corvée où il faut jouer de
la gomme sur le papier, blanchir la page avec du « blanco »,
brandir la paire de ciseaux et le pot de colle pour composer une
mosaïque avec des ajouts.

Le traitement de texte permet les corrections faciles. Si vous


avez connu la machine à écrire, rappelez-vous : il faut rayer la
phrase, mettre du blanc sur le mot fautif, attendre que cela
sèche, éventuellement sortir la feuille, perdre un temps fou à la
recentrer exactement, etc.

Sauf si vous avez une vue d’aigle et encore, n’hésitez pas


utiliser une taille de caractère suffisamment importante :
considérez la taille 12 comme un minimum avec une page 100
% ; c’est d’ailleurs la taille standard pour l’impression. Mieux,
utilisez un écran à 120, 150 %, qui vous assurera un confort de
lecture et rendra les fautes et les énormités plus grosses et donc
plus facilement repérables !

Le copier-coller
Le « copier-coller » ou le « couper-coller », voilà un outil qui
rend la vie plus facile ! En vous relisant, vous voulez déplacer
une phrase, un paragraphe, une page, rien de plus facile : vous
sélectionnez la partie qui vous intéresse, vous utilisez l’outil
« Copier » et vous allez à l’endroit où vous voulez le placer et
vous utilisez alors l’outil « Coller », et le texte apparaît !

Vous trouvez une information, une citation intéressante dans


une page sur Internet, dans un fichier que l’on vous a envoyé,
même opération, et l’information est dans votre document.
Fini, les laborieuses séances de recopiage !

Dans un travail de création, le copier-coller est un outil qui


permet de travailler son style, l’organisation de ses phrases, de
ses paragraphes. Vous n’êtes pas satisfait ? L’outil « Annuler la
frappe » autorise tous les repentirs et la recherche d’une
meilleure solution.

Le correcteur d’orthographe
Voici un outil intéressant qui peut aider à la correction (dans les
deux sens : corriger des fautes et respecter la graphie
lexicale !), mais attention il possède des limites. Ainsi, si vous
écrivez « toujour » sans s, vous êtes averti par la vaguelette
rouge qui souligne la graphie fautive du mot ; mais le
correcteur d’orthographe devient inefficace si la faute est
grammaticale :

J’aiment flâné sur les grand boulevards → J’aime flâner sur


les grands boulevards.

Ici le traitement reste inefficace, car aiment existe à la 3e


personne du pluriel au présent de l’indicatif, mais le logiciel
n’est pas capable de faire la relation (et donc l’accord) avec le
sujet proposé j’. Pour flâné, ce participe passé existe, donc le
logiciel ne bronche pas (c’est une image !), car il ne sait pas
que ce verbe devrait être à l’infinitif. Pour grand, c’est plus
énigmatique… tantôt le traitement de texte signale par une
timide vaguelette verte qu’il y a peut-être un problème (et ici il
y en a un !) et tantôt il regarde ailleurs ! Bref, vigilance !

La vaguelette rouge. Lorsqu’un mot est souligné par une petite


vaguelette rouge, trois hypothèses sont possibles :

le mot est mal orthographié, sans doute une


distraction de votre part… une fois la bonne
orthographe retrouvée, la vaguelette rouge disparaîtra ;
cela signifie peut-être qu’il est répété : si c’est
volontaire, il faudra vous habituer à la présence de la
vaguelette rouge ; s’il s’agit d’une occurrence
involontaire, sa suppression fera disparaître la
vaguelette ;
votre dictionnaire du traitement de texte ne
connaît pas ce mot ; dans ce cas vous pouvez ajouter
ce mot au dictionnaire, et à son prochain emploi, vous
n’aurez plus de vaguelette rouge !
Vous l’avez compris, cet outil permet d’éviter certaines fautes
ou maladresses courantes, mais ne vous dispense pas d’une
lecture attentive de votre texte.

Honoré de Balzac ou le
cauchemar des imprimeurs
Habituellement la première version imprimée d’un
livre, les épreuves, sert à corriger les erreurs de
l’impression et à procéder à quelques corrections ou
modifications de détail. Balzac procédait d’une toute
autre manière : il utilisait ces épreuves comme une
sorte de brouillon mis au net, auquel il apportait
d’innombrables corrections, ajouts, au point de rendre
les épreuves quasiment illisibles. Les ouvriers de
l’imprimerie vivaient un véritable parcours du
combattant en essayant de déchiffrer l’écriture
balzacienne. Voici comment Édouard Ourliac,
journaliste, raconte avec beaucoup d’humour « les
épreuves » du roman César Birotteau (1837) qui parut
pour la première fois en feuilleton dans son journal Le
Figaro :

M. de Balzac envoie aussitôt deux cents feuillets


crayonnés en deux nuits de fièvre. On connaît sa
manière. C’était une ébauche, un chaos, une
apocalypse, un poème hindou.

L’imprimerie pâlit. Le délai est bref, l’écriture inouïe.


On transforme le monstre, on le traduit à peu près en
signes connus. Les plus habiles n’y comprennent rien
de plus. On le porte à l’auteur.

L’auteur renvoie les deux premières épreuves collées


sur d’énormes feuilles, des affiches, des paravents.
C’est ici qu’il faut frémir et avoir pitié. L’apparence
de ces feuilles est monstrueuse. De chaque signe, de
chaque mot imprimé part un trait de plume qui
rayonne et serpente comme une fusée à Congrève, et
s’épanouit à l’extrémité en pluie lumineuse de
phrases, d’épithètes et de substantifs soulignés,
croisés, mêlés, raturés, superposés ; c’est d’un aspect
éblouissant. […]

À cette vue, l’imprimerie se réjouit peu. Les


compositeurs se frappent la poitrine, les presses
gémissent, les protes s’arrachent les cheveux, les
apprentis perdent la tête. Les plus intelligents
abordent les épreuves et reconnaissent du persan,
d’autres l’écriture madécasse, quelques-uns les
caractères symboliques de Wishnou. On travaille à
tout hasard et à la grâce de Dieu. […]

Le lendemain, M. de Balzac renvoie deux feuilles de


pur chinois. Le délai n’est plus que de quinze jours.
Un prote généreux offre de se brûler la cervelle.

Deux nouvelles feuilles arrivent très lisiblement


écrites en siamois. Deux ouvriers y perdent la vue et
le peu de langue qu’ils savaient.

Les épreuves sont ainsi renvoyées sept fois de suite.


On commence à reconnaître quelques symptômes
d’excellent français ; on signale même quelques
liaisons dans les phrases.
L’œuvre finie, les ouvriers ont pleuré de joie, les
compositeurs se sont jetés dans les bras les uns des
autres, et les pressiers se sont empressés eux-mêmes
dans les leurs. […]

C’est tout simplement à cette heure un ouvrage en


deux volumes, un tableau immense, un poëme entier
composé, écrit et corrigé à quinze reprises par M. de
Balzac en vingt jours, et déchiffré, débrouillé et
réimprimé quinze fois dans le même délai. Composé
en vingt jours par M. de Balzac, malgré
l’imprimerie ; composé en vingt jours par
l’imprimerie, malgré M. de Balzac.

Le correcteur de grammaire
Lorsqu’une construction lui paraît douteuse, le correcteur de
grammaire crée une vaguelette verte . Par exemple, ici c’est
l’espace supplémentaire entre verte et le point qu’il faut
supprimer : « vaguelette verte. » Mais son efficacité est
vraiment aléatoire et nous vous conseillons de l’oublier ; ce
correcteur reste à inventer même si les logiciels de traitement
de texte l’affichent dans leurs outils. La syntaxe n’est vraiment
pas son point fort ! La preuve ?

Voici deux phrases qui ne font absolument pas broncher le


correcteur de grammaire :

Mange une je de pain tranche.

Mens je hune jeu deux pins tranches.

Le correcteur de grammaire ne s’est pas manifesté pour vous


proposer la version correcte : « Je mange une tranche de pain »,
car tous les mots écrits en désordre dans la première phrase et
les homophones de la seconde phrase existent, donc le
correcteur ne réagit pas. Essayons encore :

Moi avoir mangé tranche de pain.

Toujours pas de réaction !

Pain, pain, en tranche j’ai mangé.

Rien, toujours rien ! Dans ces conditions, seule une relecture


attentive, voire une lecture à voix haute, vous permettra de
repérer d’éventuelles omissions ou erreurs de construction.

Pour les documents longs, plus de 100 pages, vérifiez que la


fonction de vérification automatique de l’orthographe et de la
grammaire est toujours active, parfois ce n’est plus le cas, alors
vigilance !

Une certaine vitesse… dont il faut se méfier !


On n’apprend pas à écrire sur le clavier d’un ordinateur (enfin,
pas encore !) ; traditionnellement, l’écriture d’un texte
commence souvent par un premier jet manuscrit, « un
brouillon », et la réécriture au traitement de texte correspond
alors à une sorte de mise au net accompagnée d’éventuelles
corrections et modifications. Cependant, la pratique aidant,
certains parmi vous écrivent peut-être directement sur le
clavier ; de là peut naître l’impression de vitesse, celle d’avoir
supprimé une étape, car l’homogénéité de la police de
caractère, l’alignement parfait des lignes, l’interligne régulier
(autant d’éléments qui relèvent déjà du traitement de texte mais
pas de ce que vous écrivez) donnent déjà l’aspect du texte
achevé à ce qui n’est peut-être qu’un « borborygme » ! Nous
exagérons, mais à dessein, car le traitement de texte développe
facilement cette illusion.
Ainsi quelle que soit votre pratique (premier jet manuscrit ou
écriture directe au traitement de texte), le texte qui apparaît sur
votre écran d’ordinateur ne doit pas être considéré comme
définitif ; il appelle une ou plusieurs relectures, des ajouts, des
suppressions, des corrections, bref un vrai travail d’écriture.
Dès lors, vous voyez s’éloigner l’idée de vitesse… mais vous
pouvez voir apparaître celle de confort… Car le traitement de
texte disqualifie complètement les séances fastidieuses de
ratures, de collages de bout de papier sur le texte initial (voir
les fameuses paperolles de Marcel Proust : l’écrivain écrivait
sur de grands carnets et il collait sur les pages des bouts de
papier avec ses modifications), de recopiage de pages entières,
d’activité de « peinture » avec son fameux « blanco » (un
liquide blanc !) pour effacer un mot, une phrase ; ou encore de
mains noircies par le ruban encreur de la machine à écrire qui
s’était coincé ou par les carbones intercalés entre les feuilles
pour les « trois exemplaires » du même texte ! Tout cela est
fini !

L’impression
L’impression donne vie à votre écrit : en fichier sur votre
ordinateur, c’est un document virtuel ; s’il est imprimé, sa
matérialité le fait entrer dans le monde réel. Cela vous permet
de le regarder différemment, de le montrer (on peut aussi
envoyer un fichier par courrier électronique).

Si le document fait une page, vous avez une bonne idée sur
l’écran de ce que donnera la version imprimée ; n’hésitez pas à
utiliser l’« Aperçu avant impression ». En revanche, si votre
travail comporte plusieurs pages, voire des dizaines, une
version imprimée intermédiaire ne sera pas forcément inutile
pour avoir une vision d’ensemble, car l’écran ne vous permet
de voir les pages qu’une par une, lorsque la taille de votre
police est 12 avec un zoom 100 %.
Vous pouvez toujours faire apparaître le document plus petit
avec un zoom 75 % pour voir les pages deux par deux, 50 %
pour les voir 3 par 3, mais il faut avoir une vue d’aigle pour
faire la moindre correction. Avec le zoom à 25 % le texte
devient illisible, on ne voit plus que les blocs de texte !
Évidemment écrire ne dispense pas d’être soucieux de sa
consommation de papier, et la décision d’imprimer un
document pour des étapes de correction doit vraiment
correspondre à une nécessité.

Pour les « pro » : le


publipostage
Cet outil du traitement de texte est d’un usage
essentiellement professionnel puisqu’il permet
d’adresser un même document personnalisé à un
grand nombre de personnes. Le publipostage croise un
document de base que vous aurez réalisé et qui
contient des espaces réservés, « des champs », avec
une base de données qui fournira des informations
pour remplir ces champs… Chaque « champ » est
donc un espace dédié à une information précise, par
exemple un nom, un prénom, une adresse, une date,
une formule de politesse, etc. Si vous êtes secrétaire
d’une association qui compte quelques dizaines de
membres, vous apprécierez cet outil qui vous permet
de réaliser aussi les enveloppes et les étiquettes
d’adresses !

Il faut tout de même y penser !


Vous l’avez compris le traitement de texte facilite grandement
le travail d’écriture, encore faut-il respecter quelques principes
que nous rappelons ici.

Enregistrez ! Enregistrez !
Voilà, vous avez travaillé plusieurs heures sur un texte, vous
avez eu des idées vraiment lumineuses, les phrases, les mots
pour les exprimer sont venues avec aisance, cela fait bien
longtemps que vous n’aviez travaillé avec un tel plaisir, une
telle efficacité, comme en état de grâce, vraiment une bonne
journée… Et puis ! Patatras ! La catastrophe, le cauchemar, un
cataclysme !

Une soudaine panne d’électricité, le chat qui se prend les pattes


dans la multiprise qui alimente votre ordinateur, la batterie qui
lâche sans prévenir, une fausse manipulation, enfin, bref,
l’ERREUR, et tout votre travail A-N-É-AN-T-I ! Et vous ? A-
N-É-A-N-T-I également ! Vous n’aviez pas sauvegardé votre
travail en cours en l’enregistrant de manière régulière ! C’est la
désolation ! Vous ruminez une action « ordinaticide », mot que
nous inventons en associant le radical du mot ordinateur et le
suffixe -cide qui signifie « tuer » ; d’ailleurs le correcteur
d’orthographe s’empresse déjà de le souligner d’une vaguelette
rouge…

Pour vous éviter de vivre un pareil moment (vous pouvez nous


croire, c’est du vécu !), enregistrez régulièrement votre travail ;
il existe une fonction enregistrement automatique que vous
pouvez programmer ; faites-le !

Faites une copie


Sur un disque dur externe, sur une clé USB, sur un CD Rom,
une version papier, quel que soit le mode choisi, pensez à faire
au moins une copie, on n’est jamais trop prudent ! L’ordinateur
est une machine extraordinaire qui, comme toutes les
machines, un jour, peut tomber en panne, « bugger », et se
révéler aussi inaccessible qu’un tombeau égyptien ! Avec tous
vos écrits devenus des « momies » !

L’art du raccourci
Vous avez accès à la barre des différents outils en glissant à
l’aide de la souris le point d’insertion à l’endroit voulu, puis en
faisant le fameux « clic » droit. Mais il existe aussi sur votre
clavier toute une série de raccourcis pour laisser la souris au
repos. En voici quelques-uns :

Ctrl + C pour copier


Ctrl + V pour coller
Ctrl + S pour enregistrer
Ctrl + P pour imprimer
Ctrl + E pour centrer un paragraphe (pointeur dans le
texte)
Ctrl + Maj + G pour l’aligner sur la gauche (pointeur
dans le texte)
Ctrl + Maj + J pour le justifier (pointeur dans le
texte)
Ctrl + G pour obtenir des caractères gras
Ctrl + I pour obtenir des caractères italiques
CTRL + F pour rechercher un mot, un groupe de
mots dans votre texte

Quelques règles typographiques


Avec le traitement de texte, vous quittez le monde du manuscrit
traditionnel et vous entrez d’une certaine manière dans celui de
l’imprimerie et de l’édition. Voici quelques règles
typographiques qui donneront à votre travail (votre
document !) un aspect « professionnel ». Si le sujet vous
passionne, nous vous invitons à vous procurer l’ouvrage de
référence des imprimeurs et des éditeurs, Le Lexique des règles
typographiques en usage à l’Imprimerie nationale.

En typographie traditionnelle le mot « espace » était du genre


féminin et désignait la petite lame de métal employée pour
séparer les mots et créer ainsi un blanc ; c’est donc « une
espace » que l’on devrait mettre entre chaque mot, mais l’usage
courant aujourd’hui a retenu « un espace » (en fait, en ancien
français, espace était indifféremment masculin ou féminin !).
Ce qui est sûr, c’est que vous devez mettre un espace entre
chaque motsinonlaphrasepeut devenirdifficilementlisible !
Voici comment procéder :

Pas d’espace avant et un espace après : le point, la


virgule, les points de suspension, la fermeture d’une
parenthèse, d’un crochet, de guillemets.
Un espace avant, pas d’espace après : l’ouverture
d’une parenthèse, d’un crochet, de guillemets.
Un espace avant, un espace après : deux points, un
point-virgule, un point d’interrogation, un point
d’exclamation, un tiret, un pourcentage.
Il ne faut pas mettre de point entre les lettres d’un
sigle (SNCF, EDF).
La majuscule s’impose à la première lettre de
chaque phrase, à la première lettre des noms propres,
des sigles, des titres et des chapitres de documents. Par
ailleurs, n’oubliez pas que les majuscules doivent être
accentuées, sauf pour les sigles (L’École nationale
d’administration → ENA).
Les expressions latines sont souvent en italiques (a
fortiori, a priori, ex nihilo) ; les citations peuvent être
mises en italiques ou entre guillemets, mais une fois
votre choix fait, conservez-le dans tout le document.
Pour finir, à fond la forme !
Lorsque vous avez fini d’écrire votre texte, sans vous soucier
de la mise en forme, vient le moment où vous allez devoir faire
des choix avant l’impression. Voici quelques exemples qui
peuvent illustrer quelques apparences d’un même texte ;

Version 1 : le texte est en police Times New Roman, taille 12,


caractères romains, marge à gauche, interligne 1,5.

Devant le bar, à quelques mètres, il y a l’été avec les enfants


qui font des pâtés, qui courent au bord de l’eau, les Apollons
qui croient que les dieux jouaient au volley-ball pour séduire
les nymphes, les mamies qui trempent leurs cors dans les
flaques, les papys qui reluquent la jeunesse et le club Mickey
qui fait du trampoline.

Version 2 : le texte est en police Times New Roman, taille 14,


caractères italiques, justifié, interligne 1.

Devant le bar, à quelques mètres, il y a l’été avec les enfants


qui font des pâtés, qui courent au bord de l ’eau, les Apollons
qui croient que les dieux jouaient au volley-ball pour séduire
les nymphes, les mamies qui trempent leurs cors dans les
flaques, les papys qui reluquent la jeunesse et le club Mickey
qui fait du trampoline.

Version 3 : le texte est en police Lucida Console, taille 11,


caractères romains, marge à gauche, interligne 2.

Devant, à quelques mètres, il y a l’été avec les enfants qui font


des pâtés, qui courent au bord de l’eau, les Apollons qui croient
que les dieux jouaient au volley-ball pour séduire les nymphes,
les mamies qui trempent leurs cors dans les flaques, les papys
qui reluquent la jeunesse et le club Mickey qui fait du
trampoline.
Version 4 : le texte est en police Brush Script, taille 14,
caractères romains gras, marge à gauche, interligne 1,5.

Devant, à quelques mètres, il y a l’été avec les enfants qui font


des pâtés, qui courent au bord de l’eau, les Apollons qui
croient que les dieux jouaient au volley-ball pour séduire les
nymphes, les mamies qui trempent leurs cors dans les flaques,
les papys qui reluquent la jeunesse et le club Mickey qui fait du
trampoline.

Version 5 : le texte est en police arial, taille 14, caractères


romains, petites majuscules, marge à gauche, interligne 1,5.

DEVANT, À QUELQUES MÈTRES, IL Y A L’ÉTÉ AVEC


LES ENFANTS QUI FONT DES PÂTÉS, QUI COURENT
AU BORD DE L’EAU, LES APOLLONS QUI CROIENT
QUE LES DIEUX JOUAIENT AU VOLLEY-BALL POUR
SÉDUIRE LES NYMPHES, LES MAMIES QUI TREMPENT
LEURS CORS DANS LES FLAQUES, LES PAPYS QUI
RELUQUENT LA JEUNESSE ET LE CLUB MICKEY QUI
FAIT DU TRAMPOLINE.

Version 6 : le texte est en police Comic Sans MS, taille 12,


caractères italiques gras, justifié, interligne 1,5.

Devant, à quelques mètres, il y a l’été avec les enfants qui


font des pâtés, qui courent au bord de l‛eau, les Apollons qui
croient que les dieux jouaient au volley-ball pour séduire les
nymphes, les mamies qui trempent leurs cors dans les flaques,
les papys qui reluquent la jeunesse et le club Mickey qui fait
du trampoline.

Version 7 : le texte est en police Garamond, taille 12,


caractères italiques gras, justifié, sur deux colonnes, interligne
1,5.
Devant, à quelques mètres, il y a l’été avec les enfants qui
font des pâtés, qui courent au bord de l’eau, les Apollons qui
croient que les dieux jouaient au volley-ball pour séduire les
nymphes, les mamies qui trempent leurs cors dans les flaques,
les papys qui reluquent la jeunesse et le club Mickey qui fait
du trampoline.

Arrêtons-là les exemples, mais partez du principe que la


sobriété et l’homogénéité sont toujours préférables ; c’est sur le
fond que votre texte doit intéresser et la mise en forme doit
favoriser cette lecture, rien d’autre !
Chapitre 12

Se lancer !

Dans ce chapitre :
Comment écrire dans de bonnes conditions
Vous adopterez les bonnes méthodes pour vos écrits
scolaires et professionnels
Avec les déclencheurs d’écriture, lancez-vous !

Voilà, vous y êtes ! D’une certaine façon, les chapitres


précédents étaient une sorte de mise en train ; maintenant, il est
temps de vous lancer !

D’abord, nous regarderons ensemble l’aspect psychologique et


matériel de l’acte d’écrire : en effet, écrire suppose un état
d’esprit, un lieu, un temps, un moment, et des supports. Ensuite
nous explorerons les manières de ne pas se faire un Himalaya
d’un travail d’écriture à des fins scolaires et professionnelles.
Enfin, nous avons gardé le meilleur pour la fin (la faim d’écrire
aussi !), comment oser, franchir le pas et avancer dans
l’écriture de création ? Celle que personne ne vous a demandée
mais dont vous ressentez le besoin impérieux. La page blanche,
l’écran qui scintille et semble vous narguer peuvent effrayer,
mais cette situation n’est pas nouvelle et de grands écrivains
l’ont connue et ont mis en place des parades, des méthodes,
dont vous pourrez vous inspirer.
Les conditions pour bien écrire
Écrire, quelle que soit la raison, suppose plusieurs conditions
pour être une activité efficace et plaisante. En suivant les
conditions et conseils présentés ici, vous aborderez avec
sérénité la page blanche (ou l’écran plus ou moins grand) qui
n’attend plus que vous.

Un état d’esprit
Même si les années ont banalisé l’acte d’écriture, celui-ci reste
un phénomène magique où la pensée se matérialise, s’inscrit, se
transmet, et devient en quelque sorte un prolongement de soi,
une sorte d’ambassadeur, de « porte-parole ». Dès lors, rien
d’étonnant à manifester certaines réserves à l’idée d’écrire,
surtout si vos expériences scolaire et professionnelle ne se sont
pas avérées probantes.

Voici quelques principes à ne pas perdre de vue, donc à suivre à


la lettre :

D’abord et surtout dédramatiser, désacraliser


l’acte d’écriture. Nous ne sommes plus au temps des
Pharaons où seule l’élite des scribes écrivait, ni au
Moyen Âge où les moines copistes s’échinaient de
longues heures par jour à réaliser de magnifiques
enluminures sur des parchemins. Dans notre société,
depuis plus d’un siècle, l’écriture est non seulement un
moyen de communication et d’acquisition de
connaissances accessible à tous, mais aussi un
formidable outil de culture et de divertissement. Bien
sûr sa maîtrise, son utilisation diffèrent selon les
personnes, mais chacun doit admettre qu’il peut
toujours, quelle que soit sa situation, améliorer sa
manière d’écrire. Alors, mettez au panier ou dans la
corbeille de votre ordinateur toutes vos réticences, vos
hésitations, vos tabous, concernant l’écriture.
Ne vous dites jamais en lisant le texte que vous
venez d’écrire « ça ne veut rien dire », surtout s’il
s’agit d’un écrit de création. N’établissez pas de
censure par rapport à ce que vous écrivez. Laissez
reposer, comme pour faire une bonne pâte à crêpes,
puis relisez : c’est alors que vous déciderez si cela
mérite d’être conservé ou pas. Dites-vous que c’est
vous le maître à bord du vaisseau « écriture ». S’il
s’agit d’un écrit dont la finalité est scolaire ou
professionnelle, adoptez la même attitude et interrogez-
vous sur votre « ça ne veut rien dire » : est-ce l’idée qui
est bancale ou n’apparaît pas suffisamment ? Est-ce la
construction des phrases qui rend incompréhensible
l’ensemble ? Sont-ce des éléments de vocabulaire ?
Dites-vous que les pépites sont parfois entourées d’une
gangue qu’il faut briser et qu’à jeter d’emblée le
caillou on perdrait le joyau ! Malgré tout, si après cette
« pause » le « ça ne veut rien dire » persiste, alors
effectivement, il faut envisager le passage à la
« trappe »…
N’ayez pas peur d’écrire et n’ayez pas peur de
l’écrire. Partez du principe (encore un !) que vous ne
risquez rien ! Que ce soit sur une feuille de papier ou
sur un ordinateur, vous avez toujours la possibilité de
rectifier, d’améliorer ou de supprimer (ah, la fameuse
touche « Suppr » !) ce que vous venez d’écrire. Il y a
ce que vous écrivez et ce que vous montrerez. Là est la
différence. Au sujet de ce que vous écrivez, ne laissez
de place pour aucun frein ou contrainte ; en revanche,
ce que vous montrerez à d’autres personnes passera par
une série de « tamis » que vous connaissez : respect
des normes syntaxiques et lexicales, organisation et
présentation de la pensée si… vous voulez être compris
dès la première lecture.
Faites un grand ménage dans les souvenirs
négatifs, souvent scolaires hélas, et envoyez-les à la
déchetterie des inutiles et des encombrants : ce sont
des machines à renoncement dont il faut se séparer.
Nous avons tous des points forts et des points faibles,
nous sommes tous perfectibles, et nous savons tous
(enfin nous devrions tous le savoir) que la perfection
est un horizon… Alors faites des confettis avec les
remarques et formules du genre « je n’ai jamais été
bon, j’étais un cancre, nul en français, expression
catastrophique, charabia, quelle langue parlez-vous ?
etc. », qui vous suivent comme la mouche du coche,
comme une cohorte de parasites. Oui, certes, peut-
être… Enfin, c’est ce que l’on vous a dit (les
enseignants, parfois auteurs de ces remarques
assassines, n’ont pas toujours conscience des ravages
qu’elles peuvent causer), c’est ce que vous avez retenu
ou voulu retenir à un moment donné (peut-être même
que cela vous arrangeait !). Soit ! Soit ! Mais c’était
dans un autre temps, vous avez évolué depuis, vos
motivations, vos centres d’intérêt ne sont plus les
mêmes, bref, ce qui était peut-être vrai il y a quelques
années ne correspond plus à la réalité d’aujourd’hui. Et
la différence majeure, fondamentale, c’est
qu’aujourd’hui, vous avez « décidé » d’écrire pour
vous exprimer en ayant présent à l’esprit que vos écrits
seront à votre service, seront vos représentants, vos
créations. Alors, confettis, et que la fête commence !

Vitesse d’écriture
Écrire vite, lentement, par à-coups, régulièrement : chacun
possède son rythme. Voici l’exemple de trois champions très
rapides :

Victor Hugo a écrit Le Dernier Jour d’un condamné


en vingt jours.
Stendhal a écrit La Chartreuse de Parme en deux
mois.
Boris Vian a écrit L’Automne à Pékin en trois mois.

Le matériel
Vous connaissez l’adage « C’est à ses outils que l’on reconnaît
le bon ouvrier » ; pour l’écriture, les bons outils sont ceux…
qui vous conviennent ! Papier recyclé, blanc, de couleur,
feuilles à petits ou grands carreaux, cahier à spirale, bloc-notes,
carnet, ordinateur, Smartphone, crayon à papier, stylo bille,
stylo-feutre, stylo plume, etc. Arrêtons là l’énumération, c’est à
vous de choisir le matériel qui vous convient le mieux, avec
lequel l’écriture se fait sans forcer, aussi bien sur le plan
physique que sur le plan intellectuel.

Chacun a ses prédilections et vous observerez que tel support


ou tel outil pour écrire vous est plus agréable que tel autre.
C’est un point important à ne pas négliger, c’est pourquoi
prenez votre temps, faites des essais pour trouver celui qui vous
convient le mieux, avec lequel la transcription de la pensée
paraît la plus simple, la plus évidente. Par exemple, si vous
appréciez le stylo plume, vous privilégierez un support papier
de bonne qualité plus performant pour « la glisse » de la
plume ; en revanche, le stylo bille et encore plus le stylo-feutre
sont vraiment des « tout-papier » et s’adaptent aisément à
toutes les surfaces. De la même manière, la taille du clavier et
de l’écran d’ordinateur doit être choisie avec soin ; le
traitement de texte propose des dizaines de possibilités pour
l’affichage, la police de caractère, sa taille. Là encore, faites
des essais et privilégiez votre confort.
L’inspiration à la « carte
Rousseau »
Jean-Jacques Rousseau, écrivain, herboriste et grand
marcheur, aimait se promener dans la nature, propice
à déclencher sa créativité ; ainsi à sa mort, on a
retrouvé 27 cartes à jouer au dos desquelles il avait
noté pendant ses promenades des réflexions, des
ébauches qui lui ont servi à rédiger sa dernière œuvre,
Rêveries d’un promeneur solitaire (1778). Si vous
passez par Neuchâtel en Suisse (Rousseau vécut trois
ans à Môtiers, commune du canton de Neuchâtel),
vous pourrez voir à la bibliothèque publique et
universitaire, dans la salle dédiée à Rousseau, 8
cartes, dont le valet de cœur Lahire (un compagnon
d’armes de Jeanne d’Arc) avec ses notes écrites au
dos :

Qu’on est puissant, qu’on est fort quand on n’espère


plus rien des hommes. Je ris de la folle ineptie des
méchans, quand je songe que trente ans de soins de
travaux de soucis de peines ne leur ont servi qu’à me
mettre pleinement au dessus d’eux.

Parfois l’inspiration, l’idée géniale survient alors qu’on est loin


de ses bases, c’est pourquoi il faut toujours avoir sur soi de
quoi noter : un petit carnet ou cahier, au moins deux crayons ou
stylos doivent toujours vous accompagner. Maintenant, l’envie,
le besoin d’écrire peut survenir alors que vous êtes loin de vos
bases et que vous avez oublié votre matériel favori : qu’à cela
ne tienne ! Improvisez, prenez un bout de papier quelconque,
une facturette de carte bancaire, un titre de transport, un bout
de nappe en papier (si vous êtes dans un café ou au restaurant),
une carte de visite, un prospectus, et si vous ne trouvez rien, la
paume de votre main ! Aujourd’hui, les téléphones permettent
aussi de prendre en notes des informations.

Un livre brocante
Certains tapent sur des bambous pour faire de la
musique, d’autres pour écrire utilisent des supports
inhabituels (comme en témoigne la mode des livres-
objets), invitation à quitter le papier traditionnel pour
offrir des productions vraiment insolites. Le champion
dans le domaine est sans doute Jean Cocteau qui
publia, en 1932, un ouvrage intitulé Essai de critique
indirecte où l’auteur livre ses réflexions sur l’art sous
forme d’aphorismes et de notes sur l’art, la littérature,
la poésie et la peinture ; jusque-là rien
d’extraordinaire puisque Cocteau est justement un
artiste génial, tantôt peintre, tantôt écrivain. Non, ce
qui est étonnant, c’est la genèse du manuscrit dont il
raconte lui-même l’histoire : Le manuscrit, il a fallu le
taper d’abord et ensuite en faire cadeau à une amie
qui le désirait. Et ce n’était pas très commode parce
que j’avais écrit, rue Vignon, dans un appartement
très clos, sur des boîtes à cigarettes, sur de vieux
souliers de tennis, sur des dos d’enveloppes, sur des
nappes. Ce qui fait que le manuscrit était un sac
rempli d’objets. La dame à qui j’en ai fait cadeau l’a
emporté sur ses épaules, comme un charbonnier.
Conditions physiques

Pensez à vos yeux, votre dos, vos articulations. Cela n’est pas
anodin ! Écrire, c’est souvent passer du temps à son bureau ou
devant son écran d’ordinateur. Si vous ne voulez pas être
perclus de rhumatismes et souhaitez garder une bonne vue, il
est important de prendre quelques précautions. Voici celles qui
sont préconisées par l’INRS (Institut national de recherche et
de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des
maladies professionnelles) :

Si vous travaillez sur ordinateur, il faut placer


l’écran perpendiculairement à la fenêtre et éviter
d’avoir le soleil dans les yeux ou sur l’écran en
équipant la fenêtre de stores à lamelles horizontales qui
permettent de renvoyer plus ou moins de lumière vers
le plafond. Si vous consultez des documents papier à
côté de votre ordinateur, pensez à une lampe d’appoint
lorsque l’éclairement des documents est inférieur à 200
lux.
Le choix et le réglage de votre mobilier doivent
être faits en fonction de vos caractéristiques
physiques : les pieds reposent à plat sur le sol ou sur
un repose-pieds ; l’angle du coude est droit ou
légèrement obtus (c’est bien le seul élément de votre
personne qui doit être obtus !) ; les avant-bras sont
proches du corps ; la main est dans le prolongement de
l’avant-bras ; le dos est droit ou légèrement en arrière,
et soutenu par le dossier.
Votre fauteuil doit avoir un dossier et des
accoudoirs réglables et posséder un rembourrage
ferme pour l’appui.
Il faut limiter l’extension des poignets, c’est
pourquoi le clavier doit présenter une inclinaison
minimum et se trouver face à l’opérateur mais pas au
bord du plan de travail. Il est recommandé de saisir un
texte avec les poignets le plus souvent « flottants ».
Quant à la souris, elle doit se situer dans le
prolongement de l’épaule, avant-bras appuyé sur le
plan de travail.

La tenue pour écrire


Si l’habit ne fait pas le moine, il ne fait pas non plus l’écrivain,
ni plus modestement une condition pour écrire. C’est vous qui
vous habillez. Le bon sens recommande de choisir une tenue où
vous vous sentez à l’aise : vieux jogging et chandail hors d’âge,
robe de chambre, tee-shirt et jean, pieds nus, en chaussettes,
chaussé, costume trois pièces, robe de soirée, smoking… mais
parfois la nécessité d’écrire n’attend pas, alors… Théophile
Gautier décrit ainsi Balzac au travail : Il portait en guise de
robe de chambre ce froc de cachemire ou de flanelle blanche
retenu à la ceinture par une cordelière. Quelle fantaisie l’avait
poussé à choisir, de préférence à un autre, ce costume qu’il ne
quitta jamais, nous l’ignorons ; peut-être symbolisait-il à ses
yeux la vie claustrale à laquelle le condamnaient ses labeurs,
et, bénédictin du roman, en avait-il pris la robe ? (Portraits
contemporains, 1874.)

Les lieux
Là aussi, ce qui prime, c’est votre confort. Si comme Proust ou
Nathalie Sarraute, Marie Cardinale, vous aimez écrire dans
votre lit, si vous préférez votre bureau et la proximité de vos
livres, si vous appréciez l’ambiance feutrée d’une bibliothèque,
si selon l’exemple de Sartre ou Beauvoir, le vacarme d’un café
parisien est un havre de paix pour vous, si le coin d’une table
dans la cuisine ou dans le salon vous convient, si le temps de
trajet quotidien dans un transport en commun est propice pour
votre inspiration, si le banc du jardin public vous semble
accueillant, alors ne changez rien. En effet, il est important de
trouver « le lieu » où votre écriture pourra se développer. Vous
l’avez compris, dans ce domaine, il n’y a pas d’autre règle que
celle de votre convenance.

Écrire au lit !
Travailler au lit ! De grands écrivains ont adopté ce
lieu pour écrire : parmi eux, Marcel Proust. Voici ce
qu’en disait Céleste Albaret, sa gouvernante :

Je ne l’ai jamais vu prendre même la plus petite note


debout. Chaque fois que je l’ai trouvé en train de
travailler, il était dans la même position ; il restait
plus qu’à demi couché ; il ne se redressait même pas
sur l’oreiller ; au plus il avait un soutien de ses tricots
accumulés sur les épaules, qui lui faisaient une sorte
de siège dans le dos. En guise de pupitre, il n’avait
que ses genoux. (Céleste Albaret, Monsieur Proust
(Robert Laffont, 1973)).

Dans un premier temps, ce n’est pas toujours évident de trouver


l’endroit tant recherché, il vous faudra peut-être tâtonner, faire
des essais, avant de trouver votre locus amœnus, votre « Éden »
d’écriture. Il est aussi possible que vous ayez l’âme voyageuse,
que vous aimiez le changement, la surprise des ambiances
nouvelles.

Ainsi, certains aiment l’agitation de la ville, d’autres préfèrent


le calme et les senteurs de la campagne ; ce qui est sûr, c’est
que vous saurez très vite si votre écriture est « de ville » ou
« des champs ».
Les lieux publics (la rue, un banc dans un jardin botanique, la
terrasse d’un café, la plage, la piscine, une salle d’attente, un
hall de gare) sont des observatoires privilégiés pour saisir des
scènes, des silhouettes, des attitudes, et déclencher l’envie
d’écrire. Voici deux exemples construits à partir d’un lieu
public bien connu, le café.

1er exemple : nous sommes assis dans un café et un homme


vient s’asseoir à une table, il commande deux cafés, il attend
visiblement quelqu’un :

Il est arrivé le premier vers 8 heures. Il a commandé


deux cafés noirs et est allé s’asseoir près de la fenêtre
qui donne sur la rue ; de temps en temps, il jette un
coup d’œil sur l’extérieur en poussant le rideau de
dentelle. Les deux cafés sont sur la table. Il attend.

Elle est arrivée vers 8h 10, a regardé directement vers


la fenêtre et l’a vu. Son visage s’est illuminé. Ils sont
assis face à face ; au milieu, sur la table, les deux
tasses serrées font une petite île ; elle a posé ses deux
mains sur la table et lui, doucement, les a enveloppées
avec les siennes. Ils se regardent en silence. Ils
s’aiment. Ces deux-là n’ont pas dormi dans le même
lit cette nuit, leurs yeux sont pleins d’un désir
formidable.

Tout en rinçant des verres, le patron les observe


discrètement : il est content, il y a du bonheur dans
son bar. La journée sera belle.

À votre tour !
2e exemple : en entrant dans le café nous remarquons deux
photographies qui se font face : la première est celle d’un
pêcheur du début du XXe siècle, il porte un chapeau à bord
large, un filet sur l’épaule, et tient un panier en osier dans une
main ; la seconde est celle de trois jeunes femmes (leur tenue
suggère aussi le début du XXe siècle) sur une jetée en train de
transporter des poissons.

Cela ne s’invente pas, il est pêcheur et son prénom est


Marin. Cela ne s’invente pas, elle travaille à la
conserverie de thon et son prénom est Marine.

Lui : la première fois que je l’ai vue, elle était avec ses
trois copines : elles remontaient le long de la cale avec
deux thons dans chaque main ; c’était marée basse,
les deux thoniers étaient à sec.

C’était la plus belle.

Elle : la première fois que je l’ai vu, il m’observait du


haut de la cale avec un filet jeté sur l’épaule ; nous
débarquions le thon.

Je l’ai tout de suite trouvé beau.

Lui : la dernière fois que je l’ai vue, les années avaient


passé ; elle me regardait tendrement et me tenait
doucement la main ; ses yeux étaient rouges ; elle
savait que j’allais mourir ; c’était mon heure, 83 ans.
J’ai vu défiler notre vie : notre coup de foudre sur la
cale, nos amours, nos enfants, nos coups durs, notre
fidélité, notre vieillesse et maintenant mon départ, le
grand saut. C’est elle qui m’a fermé les yeux.
Elle : maintenant c’est mon tour, Marin est parti
depuis plusieurs années déjà, mais je le serre toujours
dans mon cœur. J’entends chuchoter autour de mon
lit : la fille, les garçons. Il y a du chagrin dans la
pièce, mais au fond je suis contente de la grande
fatigue qui arrive ; je sais que Marin m’attend debout
avec son filet sur l’épaule.

Maintenant je le vois. Il m’a vue.

Cela ne s’invente pas. Il vous suffit d’entrer et de vous


avancer jusqu’au comptoir. Regardez sur votre
gauche. Lui est là sur une immense photographie. Son
regard traverse toute la salle du café et regarde le mur
opposé. Suivez son regard. Elle est là sur une autre
immense photographie avec ses trois copines. Suivez
son regard ; elle le regarde. Buvons à leurs amours.

À votre tour !

Éloge de la cabane au fond…


des bois
L’écrivain Sylvain Tesson, auteur notamment de Petit
traité sur l’immensité du monde, Équateurs (2005) et
D’une vie à coucher dehors (Gallimard, 2009), a
passé volontairement six mois solitaires au fond de la
Sibérie dans une cabane pour écrire un livre, Dans les
forêts de Sibérie (Gallimard, 2011). Pendant cette
retraite, consacrée à la lecture de Michel Tournier,
Bachelard, Jankélévitch, Romain Gary, et de
Chateaubriand (auteur notamment de La Vie de
Rancé, 1844, une biographie du créateur de la Trappe,
un ordre religieux qui vit dans le silence), à l’écriture
et à des activités pour vivre et découvrir l’endroit
(pêche, coupe du bois, promenades sur le lac gelé et
dans la forêt), Sylvain Tesson a poursuivi un objet
précis : vérifier s’il avait une vie intérieure…

Assez tôt, j’ai compris que je n’allais pas pouvoir


faire grand-chose pour changer le monde. Je me suis
alors promis de m’installer quelque temps, seul, dans
une cabane. Dans les forêts de Sibérie.

J’ai acquis une isba de bois, loin de tout, sur les bords
du lac Baïkal.

Là, pendant six mois, à cinq jours de marche du


premier village, perdu dans une nature démesurée,
j’ai tâché d’être heureux.

Je crois y être parvenu.

Deux chiens, un poêle à bois, une fenêtre ouverte sur


un lac suffisent à la vie.

Et si la liberté consistait à posséder le temps ?

Sylvain Tesson, Dans les forêts de Sibérie,


Gallimard, 2011.

Le temps
Combien ?
Écrire demande du temps et il semble qu’aujourd’hui celui-ci
devienne une denrée rare et donc précieuse. Écrire, c’est donc à
un moment donné, arrêter toutes ses activités urgentes,
indispensables, vitales, et s’installer dans un autre rythme, celui
de votre inspiration, de votre vitesse d’écriture, de votre
maestria avec les touches du clavier. Chacun son rythme :
certains ont besoin de s’installer dans des p(l)ages d’écriture au
long cours ; ils sont capables de travailler plusieurs heures par
jour, et tous les jours de la semaine (on pense à Balzac et à
Flaubert), d’autres par petites séquences (Paul Valéry
constatait : « Écrire longtemps m’est odieux »).

Quand ?
Envisageons les deux cas les plus fréquents :

Vous avez une activité professionnelle, et c’est donc


en dehors de celle-ci, pendant vos loisirs notamment
que vous allez écrire. Là, les choses se compliquent si
vous avez un environnement familial qui vous sollicite
et qui, par définition, est « chronophage ». Plusieurs
solutions s’offrent à vous : vous êtes un lève-tôt, alors
mettez le réveil à sonner, et pendant que la maisonnée
dort encore, adonnez-vous à votre plaisir d’écrire
(naturellement, il faut une solide constitution
physique !) ; vous avez un temps de transport en
commun suffisamment long, transformez alors cet
inconvénient en moment d’écriture (un casque avec la
musique de votre choix peut faciliter votre
tranquillité) ; vous êtes un couche-tard, alors profitez
du calme de la nuit pour noircir le papier ou l’écran (là
aussi, pensez à votre condition physique !).

Et puis il y a le temps des vacances, où vous décidez


de votre emploi du temps ; ce peut être un temps
privilégié : avec un carnet, allongé dans l’herbe au
fond d’un verger, d’une clairière, sur un rocher face à
la mer (très hugolien), le soir à la fraîche en écoutant
le froufroutement du vent dans les arbres…
Vous n’avez pas ou plus d’activité professionnelle
(ou celle-ci vous laisse beaucoup de temps libre) : vous
êtes un privilégié (si, si !), car c’est vous qui décidez !
Vous avez le luxe suprême de choisir vos moments
d’écriture ; la plupart du temps, vous trouverez un
moment qui vous convient mieux que les autres et vous
le « ritualiserez », ce qui aura l’immense avantage de
vous laisser mener une vie sociale, familiale, et
sacrifier des instants à ceux que Montherlant appelait
les « biophages », mais qui sauront qu’à tel moment
dans la journée vous n’y êtes pour personne !

Les écritures pour le travail


La plupart du temps les écritures pour le travail sont planifiées
et récurrentes ; elles correspondent à un écrit à remettre (fait en
temps limité lors d’un contrôle ou réalisé à la maison) ou à une
note de service, un élément dans un dossier, un rapport pour
une réunion. Voici comment « lancer » ces différents écrits sans
vous mettre dans une situation de blocage ou d’urgence.

Écrit scolaire, écrit universitaire


La partie méthodologique est traitée dans le chapitre suivant.
Ici, il s’agit de vous présenter les bons « trucs » pour être prêt à
écrire le jour J à l’heure H. Nous envisagerons les deux cas
principaux : l’écrit qui correspond à un contrôle des
connaissances, donc à une évaluation, et l’écrit programmé
dans le temps, du simple travail de documentation à l’exposé,
la dissertation, le commentaire, l’écrit d’invention, le mémoire,
le rapport, la thèse.
Premier cas : sauf si vous êtes un maître yogi ou un « Jedi »,
être évalué en temps limité est toujours un moment plus ou
moins stressant, quoi qu’on dise. Dès lors pour l’écrit, voici
quelques conseils pour vous lancer :

Utilisez un matériel d’écriture que vous connaissez


bien, avec lequel vous êtes à l’aise ; ce n’est pas le jour
pour changer de stylo, de changer de couleur (pour les
examens la couleur noire est de rigueur !) ; habituez-
vous à écrire sur des feuilles sans lignes, car les copies
d’examen n’en comportent pas.
Le temps est compté, mais ne vous précipitez pas !
Si vous avez un sujet à lire, une problématique à
définir à partir d’un texte, prenez votre temps pour la
lecture, ne vous lancez pas dans une première prise de
notes avant même d’avoir tout lu, et d’être sûr d’avoir
bien compris les enjeux.
Formulez en phrases courtes ce que vous avez
compris. Ensuite, sur une première feuille que vous
aurez numérotée 1. Le style peut être télégraphique,
l’important est que cela reste toujours lisible pour vous.
En cas de panne, toujours possible : reprenez le
libellé du sujet et réécrivez-le en utilisant vos
propres termes, cela suffit généralement pour
« amorcer » le processus d’écriture. Ou encore utilisez
le schéma heuristique (voir ci-dessous).

Second cas : là, c’est plus tranquille, vous avez tout votre
temps, une semaine, quinze jours, un mois, un trimestre, une ou
plusieurs années. C’est bien, vous avez raison d’être tranquille,
mais attention au piège « temporel » : « Horreur, malheur,
enfer, damnation ! Je n’ai pas vu le temps passer, c’est demain
que je dois rendre mon devoir ! C’est la semaine prochaine que
je dois remettre mon rapport ! C’est à la fin du mois que je
présente mon mémoire ! C’est dans un trimestre que je remets
ma thèse de troisième cycle, et… je suis en retard ! » C’est la
panique ! Voilà, vous venez de prendre conscience que le temps
a filé, filé (c’est vraiment sa caractéristique, le temps est une
vraie Pénélope, il file, il file !) et vous n’êtes pas en avance
puisque vous êtes en retard. Alors un conseil, un seul : pas de
procrastination ! Vous froncez les sourcils ? Ah, oui, le terme
procrastination !

Mais vous avez le réflexe « dictionnaire » et vous découvrez


qu’il s’agit de l’attitude qui consiste à remettre au lendemain ce
que l’on peut faire le jour même. Quel que soit le temps dont
vous disposez, faites un plan de travail, prévoyez des moments
pour écrire et surtout respectez-les ! Plus la date de remise vous
paraît lointaine, plus vous devez être vigilant et vous en tenir à
la progression que vous avez prévue, sinon gare à la
déconvenue, à la panique de dernière heure ! Pensez à la fable
de La Fontaine Le Lièvre et la Tortue (« Rien ne sert de courir,
il faut partir à point ») : en matière d’écriture liée à un travail
scolaire ou universitaire à remettre, soyez résolument tortue !

Pour ceux qui se méfient d’eux-mêmes, il existe un logiciel


(Gantt) grâce auquel ils pourront visualiser une planification,
par jour, semaine, mois, avec l’avancement des différentes
tâches à accomplir.

Écrit professionnel
Vous devez écrire une note de service, rédiger un compte rendu
de réunion, un rapport, ajouter des informations à un dossier, et
écrire ce n’est vraiment pas votre « tasse de thé », soit ! Pour
éviter de « boire le bouillon », voici quelques « petits trucs » :

D’abord, partez du constat que le monde existait


avant vous et que les écrits que vous devez produire ne
sont pas nécessairement des nouveautés au moins dans
leur forme ; en d’autres termes, consultez les dossiers,
les archives, vous trouverez forcément des écrits de
même type que ceux qui vous sont demandés, ils vous
serviront de modèles.
Ensuite, munissez-vous d’un dictionnaire (ou
ouvrez un dictionnaire en ligne sur Internet) et, chaque
fois que vous avez un doute sur l’orthographe d’un
mot, n’ayez aucune hésitation, consultez le
dictionnaire.
Si vous rédigez votre document avec un traitement
de texte, activez le correcteur d’orthographe et de
grammaire, mais restez vigilant, car il ne repère pas
toutes les erreurs.
Évitez les phrases trop longues. Si vous n’êtes pas
trop à l’aise avec la concordance des temps, utilisez le
présent, le passé composé et l’imparfait en priorité.
Méfiez-vous des adverbes et des adjectifs qui
introduisent des possibilités d’interprétation auxquelles
vous n’aviez pas pensé ! Par exemple, si vous êtes
responsable de la sécurité dans l’entreprise et que dans
une note de service vous demandiez aux caristes de
« circuler à une vitesse raisonnable dans les halles de
manutention », vous introduisez avec l’adjectif
raisonnable une variable qui peut s’avérer dangereuse :
en effet, où placer le curseur de la vitesse avec
raisonnable ? Vous comprenez que si un de vos caristes
a l’habitude de rouler à 160 km/h sur une voie de
circulation limitée à 90 km/h pour se rendre à son
travail, sa notion du « raisonnable » n’est pas
exactement la même que la vôtre !
Prenez le temps de relire votre écrit avant de le
diffuser et faites une règle d’or de ne jamais rédiger
dans la précipitation.
Une information sous le fil du
rasoir…
Le roi Nabuchodonosor II, roi de Babylone, au VIe
siècle avant J.-C., avait trouvé un moyen original de
transmettre ses messages secrets aux généraux de son
armée : il faisait écrire le texte sur le crâne rasé de ses
esclaves messagers, qui, une fois leurs cheveux
repoussés, partaient porter le message en toute
discrétion. Pour la lecture, il suffisait de raser à
nouveau le crâne !

Les écritures libres


Vous voici dans l’espace et le temps où vous êtes le seul
maître : vous écrivez parce que cela vous fait plaisir, vous
permet de fixer des émotions, des idées, d’inventer à votre
guise, de vous distraire, de vous amuser, de réfléchir, bref, de
vous exprimer sans contrainte par le biais des mots. Seulement
voilà, parfois il y a un « hic » : les mots font défaut, ils
semblent s’être évanouis, la page refuse de recevoir quoi que ce
soit, comme si elle était en « dérangement », inutilisable, la
touche « Suppr » de votre clavier est presque incandescente
tant vous l’avez employée ! Bref, ça ne vient pas, la page
blanche reste désespérément blanche ou est tellement noircie
de ratures qu’elle est devenue illisible (vous noterez cette
approximation homophonique facile entre « littérature » et « lis
tes ratures » !), Cela ne va pas fort ! Respirez un grand coup, et
lisez ce qui suit, vous y trouverez des méthodes, des solutions
pour « lancer » votre écriture.
Du côté des méthodes
Souvent la difficulté à écrire, voire la peur d’écrire, est liée à
des blocages psychologiques qui se traduisent par une sorte de
censure ou d’exigence qui paralyse et empêche toute
production. Dans ces conditions le recours à une méthode joue
un effet désinhibant et permet de lancer l’écriture. Voici
quelques méthodes, faites votre choix.

L’écriture automatique ou la méthode de Dédé


Pendant la Première Guerre mondiale, affecté dans un hôpital
militaire, André Breton soigne des soldats traumatisés et
s’aperçoit que ceux-ci éveillés ou dans un demi-sommeil
produisent des phrases involontaires, dont le caractère illogique
et parfois absurde lui apparaisse comme des éléments
poétiques. Passionnés par les phénomènes de l’inconscient,
André Breton et ses amis surréalistes voient là un champ
d’exploration littéraire de premier ordre.

Ainsi, dans le Premier manifeste du surréalisme (1924) il


énonce le principe de l’écriture automatique :

Composition surréaliste écrite, ou premier et dernier


jet

Faites-vous apporter de quoi écrire, après vous être


établi en un lieu aussi favorable que possible à la
concentration de votre esprit sur lui-même.
Placez-vous dans l’état le plus passif, ou réceptif, que
vous pourrez. Faites abstraction de votre génie, de vos
talents et de ceux de tous les autres.
Dites-vous bien que la littérature est un des plus
tristes chemins qui mènent à tout. Écrivez vite sans
sujet préconçu, assez vite pour ne pas retenir et ne pas
être tenté de vous relire. La première phrase viendra
toute seule, tant il est vrai qu’à chaque seconde il est
une phrase, étrangère à notre pensée consciente, qui
ne demande qu’à s’extérioriser.

Évidemment, cette « écriture automatique » produira des


phrases, des idées, dont vous ne saurez que faire, mais elle
pourra aussi servir de révélateur et vous lancer sur des pistes
fécondes, auxquelles vous n’auriez pas spontanément pensé.
Essayez donc la méthode de Dédé !

La méthode de Raymond
Raymond ? Il s’agit de l’écrivain Raymond Roussel (1877-
1933) que les surréalistes considéraient comme l’un des leurs,
mais qui vécut et écrivit toujours en marge de tous les courants
et mouvements. Personnage original aujourd’hui relativement
oublié, il écrivit plusieurs romans et pièces de théâtre dont
l’originalité surprit. Dans un ouvrage posthume, Comment j’ai
écrit certains de mes livres (1935), il livre la manière dont il a
écrit plusieurs de ses livres (Impressions d’Afrique, Locus
Solus, L’Étoile au Front et la Poussière de Soleils) :

Très jeune j’écrivais déjà des contes de quelques


pages en employant ce procédé.

Je choisissais deux mots presque semblables (faisant


penser aux métagrammes). Par exemple billard et
pillard. Puis j’y ajoutais des mots pareils mais pris
dans deux sens différents, et j’obtenais ainsi deux
phrases presque identiques.

En ce qui concerne billard et pillard les deux phrases


que j’obtins furent celles-ci :

1° Les lettres du blanc sur les bandes du vieux


billard…
2° Les lettres du blanc sur les bandes du vieux pillard.

Dans la première, « lettres » était pris dans le sens de


« signes typographiques », « blanc » dans le sens de
« cube de craie » et « bandes » dans le sens de
« bordures ».

Dans la seconde, « lettres » était pris dans le sens de


« missives », « blanc » dans le sens « d’homme
blanc » et « bandes » dans le sens de « hordes
guerrières ».

Les deux phrases trouvées, il s’agissait d’écrire un


conte pouvant commencer par la première et finir par
la seconde.

Voilà un procédé qui permet de lancer l’écriture de façon


ludique ; Raymond Roussel use à loisir (peut-être abuse !) des
combinaisons phoniques, de la polysémie, des approximations,
des jeux de mots, des calembours, pour initier l’acte d’écrire.
N’hésitez pas à utiliser ces jeux pour vous échauffer, comme un
sportif fait des gestes d’étirement avant de s’élancer.

La pratique spirite ?
Dans la préface de son ouvrage De l’intelligence
(1878), l’historien Hippolyte Taine rapporte une
pratique spirite qui annonce l’écriture automatique des
surréalistes : Il y a une personne qui, en causant, en
chantant, écrit sans regarder son papier des phrases
suivies et même des pages entières, sans avoir
conscience de ce qu’elle écrit. À mes yeux, sa
sincérité est parfaite ; or, elle déclare qu’au bout de
sa page, elle n’a aucune idée de ce qu’elle a tracé sur
le papier. Quand elle le lit, elle en est étonnée, parfois
alarmée… Certainement on constate ici un
dédoublement du moi, la présence simultanée de deux
séries d’idées parallèles et indépendantes, de deux
centres d’actions, ou, si l’on veut, de deux personnes
morales juxtaposées dans le même cerveau ; chacune
a une œuvre, et une œuvre différente, l’une sur la
scène et l’autre dans la coulisse.

L’atelier d’écriture ?
Pour se lancer, si la solitude de la page blanche ou de
l’écran, qui s’est mis en veille parce que vos doigts
n’ont pas touché le clavier depuis longtemps, vous
effraie, vous pouvez participer à un atelier d’écriture ;
des situations, des thèmes, des exercices vous y seront
proposés, et vous échangerez, confronterez,
comparerez. C’est un excellent moyen de franchir le
pas, nous devrions dire le « saut de ligne », et
d’amorcer votre écriture. Mais vous ne devez pas
attendre de cet atelier qu’il fasse de vous un écrivain ;
d’ailleurs les animateurs sérieux d’ateliers d’écriture
préviennent les participants : l’atelier propose des clés
pour se lancer, donne des méthodes, règle des points
techniques, mais pour le reste, c’est vous. Le style par
exemple, ne s’apprend pas, il vous appartient ou… il
vous échappe. Aux États-Unis, où la pratique de
l’atelier d’écriture est banalisée, des écrivains de
renom comme William Styron et John Irving
admettent bien volontiers que l’atelier d’écriture leur
a permis d’acquérir des techniques mais en aucun cas
le style. Le style, c’est vous, vous seulement.

La méthode S + 7 de Raymond, le père de Zazie !


Raymond Queneau (1903-1973) est l’auteur bien connu du
roman Zazie dans le métro (1959) et des Exercices de style
(1947) qui propose 99 manières de raconter la même histoire ;
il est l’initiateur d’un groupe de personnalités scientifiques et
littéraires, l’OULIPO (pour Ouvroir de littérature potentielle)
qui se constitua pour faire des « recherches de littérature
expérimentale […] dans lesquelles le poète ira choisir à partir
du moment où il aura envie de sortir de ce qu’on appelle
inspiration » (Oulipo, La Littérature potentielle Gallimard,
1973). Ainsi, les « oulipiens » proposent (dans un premier
temps) de recourir à des contraintes formelles de production,
phonétiques et lexicales, pour déclencher l’acte d’écrire. Voici
quelques exemples :

Le lipogramme consiste à écrire un texte sans une ou


plusieurs lettres ; Georges Perec a écrit un roman
policier qui s’intitule La Disparition (1969) et ne
contient aucun e, la lettre la plus employée de la langue
française ! Essayez d’écrire trois lignes sans e, vous
apprécierez la performance.
Le palindrome, texte à lecture réversible, peut donc
se lire de gauche à droite et de droite à gauche : Ésope
reste ici et se repose.
Le monovocalisme oblige à utiliser la même voyelle
dans un texte : Passant par là, pas par hasard,
marchand à grand pas, bras ballants, Armand
d’Artagnan, crack pas bancal, as à la San A, l’agrafa.
(Georges Perec, extrait de What a man ! 1996.)

Mais la contrainte la plus célèbre est sans conteste celle des


Variations S + N inventée par Raymond Queneau : il s’agit de
remplacer chaque substantif (S) d’un texte connu par le énième
(N) qui suit dans un dictionnaire donné. Raymond Queneau
revisite ainsi la fable de La Fontaine La Cigale et la Fourmi en
substituant les noms, adjectifs et verbes avec sa méthode + 7 ;
celle-ci devient La Cimaise et la Fraction ; cela change tout,
jugez plutôt aux premiers vers revisités !

La cimaise ayant chaponné


Tout l’éternueur
Se tuba fort dépurative
Quand la bixacée fut verdie.

Oulipo, La Littérature potentielle (Gallimard,


1973)

Flash d’écriture
À votre tour prenez un texte, par exemple La Colombe et
la Fourmi de La Fontaine, une chanson d’Alain Souchon,
de Camille, de Jaz, de Jacques Brel, d’Alain Bashung,
Maurane, Serge Gainsbourg, Claude Nougaro, Grégoire,
Yannick Noah, bref d’un artiste que vous appréciez et
appliquez lui la méthode S + 1, 2, 3, 4… Vous serez
surpris ! Et cela est un excellent moyen de s’ébrouer
l’esprit !
Si cette manière de se lancer vous stimule, nous vous
donnons rendez-vous dans le chapitre 20 où vous trouverez
d’autres exemples.

Jouer avec les mots


Vous l’avez constaté, toutes ces méthodes sont fondées sur un
rapport ludique aux mots. C’est un excellent moyen de
« lancer » son écriture, de s’amuser, de découvrir, de faire du
langage verbal à la fois un outil d’expression mais aussi une
activité de plaisir et de création. Alors ne vous privez pas.
Écrivez en laissant de côté les codes habituels : abandonnez un
temps le sens pragmatique, reflet, imitation du réel ; ne vous
donnez aucune obligation de produire un sens convenu, admis,
identifiable ; prenez tous les droits, osez toutes les jongleries
verbales, toutes les approximations ; sortez d’une écriture de
sens, économique ; dégagez-vous d’une rhétorique du savoir.
L’intérêt est double : vous faire plaisir et pratiquer une sorte
d’échauffement verbal et mental.

Par exemple, amusez-vous à traduire différemment des mots ou


des expressions, et faites-en le point de départ d’une phrase,
d’un court récit de quelques lignes :

Le monument aux morts → Le mot nu ment aux morts

Littérature → Lis tes ratures

L’amusement → La muse ment

Mon amiral → Mon ami râle

L’émotion → Les mots scions

Chapelet → Chat pelé


Des boîtes de lait condensé → Des boîtes de laids
qu’ont dansé

Ne partez pas sans elle → Ne partez pas sans ailes

Un petit tour du côté de la


cyberlangue
Aujourd’hui 96 % de la population française possède
un téléphone portable et 93 % des jeunes de 13-17
ans. Ces derniers ont mis au point un langage
particulier pour communiquer par SMS afin de ne pas
faire « exploser » leur forfait. Évidemment, ce
langage, ce « sociolecte », a recours à toutes sortes
d’astuces (abréviations, anglicismes, diminutifs,
écriture télégraphique phonétique, symboles) pour
faire… court.

G1id Gnial. Je C Koman 2venir 1 EkriV1. Le moy1 C


Ekrir PR lé O ! (J’ai une idée géniale. Je sais
comment devenir un écrivain. Le moyen, c’est Écrire
pour les Nuls !)

Faites des mots-valises et imaginez leur définition à la manière


d’Alain Finkielkraut dans son ouvrage Ralentir : mots-valises !
(Le Seuil, 1979) :
Cafardeux : couple qui s’ennuie.
Constipassion : amour parcimonieux.
Hebdrôlemadaire : chameau facétieux qui rit tous les
lundis.
Mélancolis : paquet en souffrance.

Allez faire un tour aussi du côté des textes de Raymond Devos,


celui-là même qui affirmait qu’il se méfiait toujours d’un
jardinier en train de tondre une pelouse, car c’est un « assassin
en herbe » ! et aussi des chansons de Bobby Lapointe, roi du
calembour, et grand amateur de « jeux des mollets » !

Écrire et réécrire
Nous n’inventons rien. Écrire, c’est d’une certaine façon se
placer sur un immense et invisible palimpseste. La Cigale et la
Fourmi que nous venons d’évoquer est une réécriture d’une
fable d’Ésope, fabuliste du VIIe siècle avant J.-C., La Fourmi
et l’Escarbot (escarbot est le nom donné à différents
coléoptères dont le hanneton !) ; Michel Tournier reprend Les
Aventures de Robinson Crusoé (1719) de Daniel Defoe et
réécrit même deux fois l’histoire : une version pour les adultes
Vendredi ou les limbes du Pacifique et une version pour les
enfants Vendredi ou la vie sauvage.

Pas de méprise, pour vous lancer dans l’écriture, nous ne vous


incitons pas à réécrire Les Misérables ou Guerre et Paix (enfin,
pas tout de suite, ce n’est pas urgent !), mais à vous sentir libre
par rapport à des histoires et à des thèmes. Ce qui importe, ce
n’est pas tant le sujet retenu que ce que vous en ferez.

Les déclencheurs
Ils sont nombreux ! En voici quelques-uns. Soyez prêt à les
recevoir ou à les solliciter en ayant toujours de quoi écrire à
portée de main.

La lecture d’un livre


Source inépuisable de découvertes, de connaissance,
d’émotions, la lecture est souvent le point de départ d’une
écriture ou un excellent moyen de « lancer » une inspiration qui
tarde. Ainsi, quand il « bloquait », André Gide avait une recette
infaillible que vous pouvez essayer les jours de panne (oui, cela
arrive, même aux meilleurs !) :

Quand « ça ne vient pas », je marche de long en large


dans la chambre, puis, par impatience un peu, je saisis
presque au hasard un livre de ma bibliothèque et je
l’ouvre vraiment au hasard. Je tombe à pic, presque à
coup sûr, sur la page, sur la phrase, ou les mots, dont
j’ai précisément besoin pour rebondir.

André Gide, Journal, Coll. La Pléiade, Gallimard,


1996

La lecture des journaux


C’est une véritable « mine » à idées. Prenez n’importe quel
journal, revue, magazine, et prenez une page, une seule, au
hasard : vous avez au moins dix sujets à votre disposition !

Les faits divers


La vie réelle propose des situations, des événements, des
personnages, qui dépassent de très loin les imaginations les
plus délirantes ; alors, si vous voulez écrire un récit, une
nouvelle, un roman, et qu’aucun sujet ne s’impose vraiment à
vous, n’hésitez pas ; faites un tour du côté des faits divers. Il y
en a pour tous les goûts : inimaginables, invraisemblables,
effroyables, tragiques, comiques, édifiants. Ainsi, des romans
comme Le Rouge et le Noir, de Stendhal, L’Appât (1990), de
Morgan Sportès ou L’Adversaire (2000) d’Emmanuel Carrière,
trouvent leur point de départ dans un fait divers.

La musique
D’un côté sept notes de musique et des combinaisons à
l’infini ; de l’autre, les vingt-six lettres de l’alphabet et des
combinaisons à l’infini. Associez-les, elles peuvent faire bon
ménage à l’infini. Quels que soient vos goûts en matière
musicale, c’est un bon moyen pour créer une ambiance
d’écriture, ouvrir la « boîte à souvenirs, émotions, sensations ».
Le silence est « d’or » mais la musique peut aussi être une
alliée précieuse et le choix vous appartient… C’est vous qui
écoutez, c’est vous qui écrivez…

Une image
Peinture, photographie, carte postale, l’image est un concentré
d’informations figées que vous pouvez regarder à loisir, sur
laquelle il est possible de rêver, d’imaginer ; c’est une porte
ouverte pour l’écriture.

Le schéma heuristique
Nous savons que notre cerveau n’apprend pas de manière
linéaire mais combine et associe en permanence. Ainsi, vous
avez un thème, un concept, sur lequel vous voulez écrire : vous
l’inscrivez au milieu d’une page ; puis, vous notez autour les
idées fortes qu’il vous inspire ; ensuite, en essayant de n’établir
aucune censure, par associations libres, vous notez pour
chacune d’elles, les mots, les idées qui vous viennent à l’esprit.
Chaque terme est disposé sur une ligne reliée aux autres. Vous
serez étonné par la richesse de production de cette technique
qui mobilisera instantanément votre esprit et vous permettra
d’éviter par exemple la peur de la page blanche ou du « je n’ai
rien à dire là-dessus » le jour d’une épreuve écrite.

Voici un exemple réalisé à partir du mot écriture :


L’inspiration
Elle est passée par ici, elle repassera par là : il y a des jours
avec et des jours sans ! L’inspiration, imprévisible, est souvent
déclenchée par une pensée, un mot, une lecture, une remarque
entendue, une association d’idées, une image, une scène de la
vie quotidienne. Quand elle se présente, soyez prêt ! Mais vous
n’êtes pas obligé d’attendre… Baudelaire pensait que
l’inspiration se travaillait par un exercice quotidien !

Les jours où vous voudriez écrire, où vous avez du temps


devant vous, sans aucune contrainte particulière, aucun souci,
bref où le moment vous semble opportun, si rien ne vient, car
vous avez l’impression que votre esprit est aussi désert que la
mer de la Tranquillité sur la Lune, donc si ça bloque, soyez
philosophe, abandonnez l’idée d’écrire puisque c’est la seule
idée qui vous vient et que vous êtes en panne sèche ! Prenez
une douche, allez faire un tour, faites du ménage, buvez un
verre d’eau, un thé, un café, faites du sport, prenez un livre,
faites des mots croisés, changez l’ampoule du couloir, nettoyez
votre VTT plein de la boue de votre dernière sortie, allez chez
le coiffeur, cultivez votre jardin, ou… mangez des madeleines !

Un peu de thé et une madeleine


Parmi les déclencheurs d’écriture, la mémoire, les souvenirs
sont des viviers à solliciter. Parfois on cherche et rien ne vient,
parfois alors que l’on ne cherche rien, un événement ancien
surgit de manière imprévisible ; c’est alors qu’il faut être prêt à
le saisir. Voici ce fameux extrait de la littérature française où
Marcel Proust par la magie d’une saveur et d’une odeur
retrouve un pan entier de son enfance.

Il y avait bien des années que, de Combray, tout ce qui


n’était pas le théâtre et le drame de mon coucher,
n’existait plus pour moi, quand un jour d’hiver,
comme je rentrais à la maison, ma mère, voyant que
j’avais froid, me proposa de me faire prendre, contre
mon habitude, un peu de thé. Je refusai d’abord et, je
ne sais pourquoi, me ravisai. Elle envoya chercher un
de ces gâteaux courts et dodus appelés Petites
Madeleines qui semblent avoir été moulés dans la
valve rainurée d’une coquille de Saint-Jacques. Et
bientôt, machinalement, accablé par la morne journée
et la perspective d’un triste lendemain, je portai à mes
lèvres une cuillerée du thé où j’avais laissé s’amollir
un morceau de madeleine. Mais à l’instant même où la
gorgée mêlée des miettes du gâteau toucha mon
palais, je tressaillis, attentif à ce qui se passait
d’extraordinaire en moi. Un plaisir délicieux m’avait
envahi, isolé, sans la notion de sa cause. Il m’avait
aussitôt rendu les vicissitudes de la vie indifférentes,
ses désastres inoffensifs, sa brièveté illusoire, de la
même façon qu’opère l’amour, en me remplissant
d’une essence précieuse : ou plutôt cette essence
n’était pas en moi, elle était moi. J’avais cessé de me
sentir médiocre, contingent, mortel. D’où avait pu me
venir cette puissante joie ? Je sentais qu’elle était liée
au goût du thé et du gâteau, mais qu’elle le dépassait
infiniment, ne devait pas être de même nature. D’où
venait-elle ? Que signifiait-elle ? Où l’appréhender ?
Je bois une seconde gorgée où je ne trouve rien de
plus que dans la première, une troisième qui
m’apporte un peu moins que la seconde. Il est temps
que je m’arrête, la vertu du breuvage semble diminuer.
Il est clair que la vérité que je cherche n’est pas en lui,
mais en moi. Il l’y a éveillée, mais ne la connaît pas, et
ne peut que répéter indéfiniment, avec de moins en
moins de force, ce même témoignage que je ne sais
pas interpréter et que je veux au moins pouvoir lui
redemander et retrouver intact, à ma disposition, tout
à l’heure, pour un éclaircissement décisif. Je pose la
tasse et me tourne vers mon esprit. C’est à lui de
trouver la vérité. Mais comment ? Grave incertitude,
toutes les fois que l’esprit se sent dépassé par lui-
même ; quand lui, le chercheur, est tout ensemble le
pays obscur où il doit chercher et où tout son bagage
ne lui sera de rien. Chercher ? pas seulement : créer.
Il est en face de quelque chose qui n’est pas encore et
que seul il peut réaliser, puis faire entrer dans sa
lumière.

Et je recommence à me demander quel pouvait être cet


état inconnu, qui n’apportait aucune preuve logique,
mais l’évidence, de sa félicité, de sa réalité devant
laquelle les autres s’évanouissaient. Je veux essayer
de le faire réapparaître. Je rétrograde par la pensée
au moment où je pris la première cuillerée de thé. Je
retrouve le même état, sans une clarté nouvelle. Je
demande à mon esprit un effort de plus, de ramener
encore une fois la sensation qui s’enfuit. Et pour que
rien ne brise l’élan dont il va tâcher de la ressaisir,
j’écarte tout obstacle, toute idée étrangère, j’abrite
mes oreilles et mon attention contre les bruits de la
chambre voisine. Mais sentant mon esprit qui se
fatigue sans réussir, je le force au contraire à prendre
cette distraction que je lui refusais, à penser à autre
chose, à se refaire, avant une tentative suprême. Puis
une deuxième fois, je fais le vide devant lui, je remets
en face de lui la saveur encore récente de cette
première gorgée et je sens tressaillir en moi quelque
chose qui se déplace, voudrait s’élever, quelque chose
qu’on aurait désancré, à une grande profondeur ; je
ne sais ce que c’est, mais cela monte lentement ;
j’éprouve la résistance et j’entends la rumeur des
distances traversées. […]

Et tout d’un coup le souvenir m’est apparu. Ce goût,


c’était celui du petit morceau de madeleine que le
dimanche matin à Combray (parce que ce jour-là je ne
sortais pas avant l’heure de la messe), quand j’allais
lui dire bonjour dans sa chambre, ma tante Léonie
m’offrait après l’avoir trempé dans son infusion de thé
ou de tilleul. La vue de la petite madeleine ne m’avait
rien rappelé avant que je n’y eusse goûté ; peut-être
parce que, en ayant souvent aperçu depuis, sans en
manger, sur les tablettes des pâtissiers, leur image
avait quitté ces jours de Combray pour se lier à
d’autres plus récents ; peut-être parce que, de ces
souvenirs abandonnés depuis si longtemps hors de la
mémoire, rien ne survivait, tout s’était désagrégé ; les
formes – et celle aussi du petit coquillage de
pâtisserie, si grassement sensuel sous son plissage
sévère et dévot – s’étaient abolies, ou, ensommeillées,
avaient perdu la force d’expansion qui leur eût permis
de rejoindre la conscience. Mais, quand d’un passé
ancien rien ne subsiste, après la mort des autres,
après la destruction des choses, seules, plus frêles
mais plus vivaces, plus immatérielles, plus
persistantes, plus fidèles, l’odeur et la saveur restent
encore longtemps, comme des âmes, à se rappeler, à
attendre, à espérer, sur la ruine de tout le reste, à
porter sans fléchir, sur leur gouttelette presque
impalpable, l’édifice immense du souvenir.
Marcel Proust, À la recherche du temps perdu.
Du côté de chez Swann, 1913.

L’avis des autres


Ce qu’en pensent les autres : en tenir compte ? Oui et non.
Qu’attendez-vous réellement ? Des encouragements, des
louanges, des remarques critiques et techniques, un sentiment
de lecteur ?

Montrer…
Montrer ce que l’on écrit permet d’obtenir un avis, des
éventuelles suggestions, des critiques, voire un éreintement…
Montrer avec l’espoir d’être flatté, de recueillir des louanges,
c’est mettre son ego en avant avec le danger d’être alors déçu.
S’entendre dire : « Oui, c’est intéressant, vraiment ! La
structure narrative s’inscrit bien dans la tradition du schéma
actanciel » ; « Les personnages sont vraiment bien typés », bref
recevoir une avalanche de poncifs, de la langue de bois, est-ce
bien utile ? Montrer, parce que l’on cherche à recueillir un avis
sérieux pour faire le point, pour comparer son intention avec le
ressenti d’un lecteur sincère et direct, dans ce cas oui. Reste à
trouver le lecteur !

… ou ne pas montrer
Rien ne vous oblige à recueillir des avis ; quelles sont vos
intentions ? Si vous cherchez à être publié, ce moment arrivera
inéluctablement. Donc, il faut vous habituer à montrer vos
écrits mais au moment que vous aurez choisi : si vous êtes dans
la phase de création, il n’est peut-être pas judicieux de montrer
trop vite votre travail ; conservez votre liberté complète, sans
influence… même si on sait que nous sommes influencés en
permanence (mais plus ou moins).

Page d’écriture
Inventez votre dictionnaire autobiographique.
Pour chacune des lettres de l’alphabet, choisissez
un mot important pour vous et réalisez un court
texte d’accompagnement. N’oubliez pas les
dernières lettres X, Y, Z.
Installez-vous dans une pièce de votre maison et
essayez de faire un inventaire absolument complet
de tout ce qu’elle contient. Nous sommes bien
d’accord, de tout ce qu’elle contient au moment de
votre notation ! Y compris les toiles d’araignée
(vous ferez le ménage après !). Votre texte devra
contenir au moins une fois tous les signes de
ponctuation.
Dans son recueil Collier de griffes (1908)
Charles Cros, (vous savez, l’inventeur du
phonographe !) imagine une drôle de machine, le
compteur à baisers ! À votre tour, inventez et
décrivez une machine imaginaire !
Voici dix thèmes : amour, amitié, bonheur,
découverte, étrange, guerre, mort, nature, solitude,
voyage. Choisissez-en un. Puis écrivez un texte
court où tous les noms, adjectifs, verbes et
adverbes commenceront par la première lettre du
thème choisi.
Voici deux faits divers : relatez-les en cinq
lignes, puis en dix lignes.
– Le chat fait mille kilomètres pour retrouver
ses maîtres.
– Le détenu profite de son transfèrement à
l’hôpital pour s’évader avec l’aide d’un
complice.
Expliquez sous la forme d’un petit récit l’origine
d’une superstition. Exemples : ne pas passer sous
une échelle ; croiser un chat noir ; le chiffre 13 ; le
fer à cheval porte-bonheur ; le trèfle à quatre
feuilles porte-bonheur ; toucher du bois ; briser un
miroir (sept ans de malheur) ; ouvrir un parapluie
dans une maison (malheur) ; le mot « lapin »
interdit sur les bateaux.
Quatrième partie

Les ateliers d’écriture

Dans cette partie

Vous voici au cœur d’Écrire pour les Nuls : les ateliers d’écriture. L’écriture
est un outil qui nous accompagne à tous les moments de notre vie. D’abord
pendant les phases d’apprentissage et d’études où elle sert à répondre à des
évaluations, à rédiger des rapports, des thèses, à passer des examens et des
concours : alors, il s’agit de savoir, et d’être capable de le prouver
notamment par nos écrits. Plus tard, dans le monde professionnel, l’écrit
devient une sorte d’ambassadeur et doit donc présenter de nous la meilleure
image possible. Plus intimement, l’écriture nous permet de tisser des liens
profonds, transmissibles, et aussi de créer des mondes imaginaires,
émanations de notre personnalité. L’ambition des quatre ateliers d’écriture
proposés dans cette quatrième partie, c’est de vous donner, quelle que soit
votre situation, les clés qui ouvrent les portes d’une expression écrite à la
fois maîtrisée, libre et inventive.
Chapitre 13

Objectif « Diplôme »

Dans ce chapitre :
Objectif « Concours »
Un coup d’œil sur l’horizon « bac » !
L’écrit pour les concours
De l’art de la prise de notes et du bon plan
Comment rédiger les écrits au long cours

Chapitre 13, vous n’êtes pas superstitieux ? Et quand bien


même, vous n’avez rien à craindre ici, le ciel ne vous tombera
pas sur la tête ! Au contraire, nous vous proposons si vous êtes
au lycée ou si vous devez préparer un concours administratif de
vous approprier les outils principaux pour réussir examens et
concours. Parmi vous, certains à l’âme de capitaine au long
cours ont décidé d’entreprendre des études avec des
destinations plus ou moins lointaines : les « ports » les plus
proches nécessitent deux ou trois années de « navigation »
(DUT, licences), les ports plus éloignés demandent des
« traversées » de cinq années (masters), et pour les plus hardis,
c’est un long voyage d’au moins huit années qui les conduira
vers leur port final (thèse de doctorat). Pour vous assurer une
navigation en toute sérénité, pour ne pas vous perdre dans un
« océan d’incertitude » et éviter la mer des Sargasses qui
pourrait alors se transformer en « mer des sarcasmes », ce
chapitre vous propose des caps à suivre. Bon vent !
Range ta chambre et passe ton bac d’abord !
Si vous avez entendu cette exclamation récemment, les lignes
qui suivent sont pour vous. Elles vous présentent, d’une façon
synthétique, les bons réflexes à adopter afin que votre écrit soit
un atout pour l’obtention de ce diplôme, véritable passeport
pour les études supérieures et souvent début de la vie adulte.
En revanche, pour l’agencement de votre chambre, nous
n’avons pas de conseil particulier à vous donner…

Vous êtes donc dans le dernier cycle secondaire de votre


scolarité ; on attend de vous une expression écrite maîtrisée,
c’est-à-dire une variété lexicale (richesse du vocabulaire
employé) et un respect des codes syntaxiques (vos phrases ont
du sens et tiennent debout !). C’est beau, non ? Oui, peut-être,
bof ! L’enthousiasme n’est pas au rendez-vous ? L’écrit n’est
vraiment pas votre tasse de thé ; soit, mais ce bac, véritable
sésame pour la suite de vos études, est incontournable. Alors
voici une série de conseils, de principes, de « trucs » pour
assurer le jour J (et non pas le jour fatidique !) et faire de l’écrit
votre allié.

Donc, votre écrit est « entièrement rédigé », vous oubliez les


abréviations, le style SMS, les raccourcis du genre « prise de
notes ».

Passe ton bac !


C’est ce qu’ont fait 654 548 candidats en 2011 : 50 %
d’entre eux venaient d’une filière générale, 24 %
d’une filière technologique et 26 % d’une voie
professionnelle. Le cru 2011 a été particulièrement
bon puisque la proportion d’une génération obtenant
le baccalauréat s’établit à 71,6 % contre 65,3 % en
2010, chiffre qui était stable depuis quinze ans. On se
rappellera que le baccalauréat (du latin bacca laurea,
« baie de lauriers ») a été créé sous Napoléon 1er en
1808.

Copie, ma belle copie


Pendant l’année vous avez peut-être pris l’habitude de réaliser
vos travaux écrits faits à la maison avec un traitement de texte.
Nous ne vous apprenons rien en vous disant que le jour de
l’épreuve vous rédigerez un texte manuscrit (comme les
devoirs en classe) ; il est vraiment capital que votre écriture soit
lisible.

Les conventions veulent que les épreuves soient rédigées à


l’encre noire. Prenez le stylo, le feutre, le stylo plume avec
lequel vous êtes le plus à l’aise et avec lequel vous produisez
votre écriture la plus lisible. Vérifiez le niveau d’encre et
prévoyez du matériel de rechange : c’est bien sûr le jour d’un
examen ou d’un concours que la pointe bille de votre stylo se
mettra à baver, se bloquera, que votre feutre tombera
malencontreusement par terre et deviendra inutilisable ! C’est
alors que vous pourrez vous exclamer comme Lamartine :
« Objets inanimés, avez-vous donc une âme ! »

Les idées en place


Notre capacité de compréhension est inouïe. Lisez le
texte qui suit pour vous en convaincre !

Peutite lesson d’ortografe : Sleon une édtue de


l’Unvinertisé de Cmabrigde l’odrre des ltteers dans
un mto n’a pas d’ipmrotncae, la suele coshe
ipmrotnate est que la pmeitère et la drenièire soiy à la
bnnoe pclae. Le rsete peut être dans un dsérorde ttoal
et vuos puoevz tujotuos lrie snas porblème. C’est
prace que le creaveu hmauin ne lit pas chuaque ltetre
elle-mmêe, mias le mot cmome un tuot.

Étonnant, non ? On comprend tout, mais cela reste


tout de même déconseillé le jour d’un examen !

Soyez le plus lisible possible. Partez du principe que le


correcteur n’est pas un devin ; certes le cerveau de
l’examinateur a de grandes capacités de tolérance, mais il a ses
limites ; par exemple, il n’aime pas spécialement les devinettes
surtout quand plusieurs dizaines de copies l’attendent. Une
copie illisible est presque l’assurance d’un abandon par… le
correcteur et d’une note catastrophique. Si vous avez une
écriture « patte de mouche » ou de style « ordonnance de
médecin » (vous avez sans doute remarqué que la plupart des
médecins ont une écriture d’ordonnance souvent à la limite du
lisible – pauvres pharmaciens !), le jour de l’épreuve, faites un
effort, sinon gare ! Retenez cette formule : copie lisible,
candidat visible ; copie illisible, candidat invisible !

De l’air dans la copie (pas du vent naturellement !) ; pensez à


aérer votre écrit en suivant les indications suivantes :

sautez l’espace d’une ligne entre l’introduction, le


développement et la conclusion ;
faites en sorte que visuellement les différentes parties
du développement apparaissent ;
décalez légèrement vers la droite le début de chaque
paragraphe ;
essayez d’avoir une marge régulière à gauche, mais
aussi à droite ; évitez de venir « écraser » certains mots
en bout ligne ;

Proscrivez les phrases trop longues ou avec des


enchâssements : au fait ! Rappelez-vous que le sens se construit
d’une manière linéaire ; en d’autres termes, ne séparez pas ce
dont vous parlez et ce que vous en dites. Par exemple si vous
avez pour thème les pâtes fraîches au basilic et que votre
propos consiste à écrire que c’est votre plat préféré, passez
directement à table : « J’aime les pâtes fraîches au basilic ».
Mais évitez : « Par-dessus tout, et si je devais faire un choix
parmi les plats que je préfère, et vous pouvez-me croire, ils
sont nombreux, eh bien je dois avouer que j’aime, et quand je
dis que j’aime, je suis en deçà de la réalité, mais en même
temps je ne veux pas passer pour un goinfre, les pâtes fraîches
au basilic. » Admettez que lesdites pâtes ont eu le temps de
refroidir ! Le message efficace est : « De tous les plats, ce sont
les pâtes au basilic que je préfère. »

Quelques paragraphes sur le… paragraphe


Il est admis que dans un contact entre deux personnes qui ne se
connaissent pas, les trente premières secondes sont capitales et
vont orienter la nature de l’échange. Eh bien, pour votre copie,
votre ambassadrice, c’est la même chose. Sa forme, la qualité
de l’écriture, de la présentation vont induire au premier regard
du correcteur un a priori favorable ou… défavorable. Bien sûr
le fond intervient ensuite pour infléchir dans un sens ou dans
un autre cette première impression. Alors pensez-y ! Ainsi, trop
souvent les copies sont des masses compactes de texte sans
paragraphes ou très peu. Dès lors, l’examinateur devient une
espèce d’Indiana Jones qui taille à coups de stylo (rouge en
général, ce qui rend la copie sanguinolente, et ce n’est jamais
bon signe !) pour se frayer un passage dans la jungle de
l’argumentation. C’est pourquoi vous devez penser à organiser
votre texte en paragraphes : ceux-ci mettront en évidence la
structure de votre travail et rendront, par là même, plus facile la
progression de la lecture.

Le paragraphe est une unité de sens et une unité typographique,


qui sera donc l’unité de base de votre écrit ; vous signalerez
son commencement par un léger retrait de la première ligne et
par un retour à la ligne (vous pouvez marquer davantage sa
présence par un double interligne avec le paragraphe
précédent). Un paragraphe peut faire une vingtaine de lignes
pour le développement d’un raisonnement, ou une phrase d’une
ligne pour une transition, une conclusion partielle.

Voici les principales structures de paragraphes :

un paragraphe « classique » avec une idée principale,


des arguments, des exemples, une conclusion ;
un paragraphe inductif (on ne part pas de l’idée, on y
arrive) avec d’abord des exemples, puis des arguments
et enfin l’idée ;
un paragraphe qui ne comporte que l’idée ;
un paragraphe qui ne comporte que des arguments ;
un paragraphe qui ne comporte que des exemples.

Vous le constatez, selon votre travail d’écriture, vous avez de


multiples combinaisons possibles.

Ensuite pensez à relier ces paragraphes avec des termes ou des


expressions qui traduiront les enchaînements logiques de votre
réflexion.

Pour classer des idées, des faits


D’abord, tout d’abord, en premier lieu, premièrement ; en
outre, de plus, par ailleurs, ensuite, d’une part…, d’autre part ;
de même, ainsi que, soit…, soit, surtout ; enfin, c’est pourquoi,
en définitive, en dernier lieu.

Pour introduire une explication, un exemple


C’est-à-dire, ainsi, par exemple, comme, car, notamment, en
effet, d’ailleurs, certes, parce que, même, voire.

Pour opposer des idées, des faits


Mais, cependant, néanmoins, or, bien que, en revanche, tandis
que, en réalité, pourtant, toutefois.

Pour établir une relation de cause, de conséquence


Parce que, car, en raison de, grâce à, faute de, puisque ; si bien
que, donc, c’est pourquoi, par conséquent, ainsi, aussi, d’où.

Le bac de français
Le brevet des collèges passé dans l’insouciance est suivi deux
ans plus tard, au cœur de l’adolescence, par les épreuves du
baccalauréat de français : c’est la première étape d’un examen
dont l’enjeu est important, car c’est le sésame pour la poursuite
des études dans l’enseignement supérieur. Vous êtes en classe
de première ? Oui, alors, voici un bref rappel des points
importants pour rendre une copie pertinente.

L’épreuve écrite de quatre heures, destinée à évaluer votre


maîtrise du raisonnement, de l’analyse, et de l’expression
écrite, propose trois sujets au choix : une dissertation, un
commentaire littéraire et une écriture d’invention. D’abord, ce
sont des exercices que vous pratiquez durant toute l’année.
Vous savez donc que votre écrit doit employer un registre
courant, et être structuré.
Le commentaire littéraire

Identifiez le genre, la tonalité, le thème central, le


point de vue narratif.
Étudiez la structure du texte par une analyse linéaire :
observez l’organisation discours/récit, les champs
lexicaux dominants, les procédés d’écriture, la
ponctuation.
Proposez un plan avec une introduction comportant
trois éléments : 1) présentation du texte et de l’auteur ;
2) situation et intérêt de l’extrait ; 3) annonce du plan.
Un développement en deux ou trois parties, en veillant
à la progression par le biais de transitions, et en faisant
des références explicites au texte. Une conclusion
comportant deux éléments : bilan et ouverture.

La dissertation

Commencez par une lecture attentive du sujet :


repérage des mots clés, formulation de la
problématique.
Recherchez des idées et des exemples, des citations.
Élaborez un plan en deux ou trois parties où la
réflexion littéraire doit mettre en évidence les
acquisitions de votre travail de l’année.
Rédigez : une introduction (présentation du sujet,
problématique et annonce du plan) ; un développement
s’appuyant sur des exemples littéraires ; une
conclusion (bilan et ouverture).

L’écriture d’invention

Il s’agit de produire un texte argumentatif, évidemment


structuré selon un plan inspiré par le libellé du sujet. Les
possibilités sont nombreuses : rédaction d’une lettre ouverte,
d’un article, d’un discours, d’une fable, d’un dialogue, d’un
récit autobiographique, d’un portrait, d’une amplification, d’un
pastiche, d’une parodie.

C’est un sujet qui réclame une grande pratique et une certaine


aisance de l’écrit. Le danger est de faire un sujet libre qui
s’éloigne des consignes.

Conseils pour encadrer

Soignez particulièrement les parties encadrantes :


l’introduction et la conclusion. Autrement dit, veillez à
l’impression de départ, la prise de contact du lecteur, en
l’occurrence un examinateur. Il faut que la première impression
soit bonne : si d’emblée, votre formulation pose clairement le
mode d’emploi de votre analyse, vous vous êtes fait un ami ;
dans le cas contraire (une introduction brouillonne, rédigée à la
va-vite, l’absence de la problématique ou de la présentation du
plan), et c’est une course à handicap que vous commencez !
L’impression finale sur votre travail est également
déterminante. Un conseil : rédigez entièrement ces deux parties
au brouillon et prenez le temps de les recopier. Avoir un plan
est indispensable, mais ne le recopiez pas sur votre copie ; cette
structure doit apparaître dans l’organisation des paragraphes et
des articulations logiques qui les relient, et son annonce se fait
dans l’introduction.

Vous n’êtes pas Guillaume !


Le jour de l’épreuve vous n’êtes pas censé refaire le
monde (en tous les cas, pas ce jour-là !) ou faire
comme Guillaume Apollinaire qui supprima au
dernier moment la ponctuation sur les épreuves de son
recueil Alcools. C’est pourquoi nous vous conseillons
d’adopter les codes habituels :
une phrase se termine par un point, un point
d’interrogation, un point d’exclamation, des points
de suspension (ils sont trois, pas plus !), cette
ponctuation forte étant suivie par une majuscule ;
le point-virgule marque une articulation entre
deux éléments d’une idée ;
les deux points introduisent une explication ou
une énumération ;
la virgule est une pause légère, destinée à
rythmer la phrase. Elle permet aussi de mettre en
apposition (entre deux virgules) un membre de
phrase :
Paris, capitale de la France, est aussi le nom porté
par une dizaine de villes américaines.

Du bon usage des copies de l’année


Pendant l’année, vous avez accumulé des travaux d’écriture
réalisés en classe et chez vous qui ont été évalués. Bien sûr, il y
a la note ; c’est d’ailleurs elle qui a fait l’objet de toute votre
attention ; c’est normal, car elle permet d’emblée de situer la
qualité de son travail. Mais il y a aussi sur la copie les
différentes annotations, remarques, faites par le professeur ;
trop souvent, on y jette un coup distrait avant de remiser la
copie dans une chemise ou dans le fond d’un tiroir
« oubliettes », surtout si la note n’est pas fameuse. Eh bien,
avant de vous servir de ces copies pour allumer les barbecues
de l’été, relisez soigneusement ces commentaires : ce sont des
pistes à travailler, des erreurs à ne pas renouveler.

Les attentes des correcteurs


Qui sont ces êtres invisibles qui vont s’emparer des copies pour
les évaluer ? Des enseignants ou des professionnels possédant
une grande maîtrise de leur travail. Ces correcteurs d’épreuves
écrites ne s’attendent pas à lire des chefs-d’œuvre qui vont
bouleverser la pensée occidentale de ce début de millénaire, ni
des productions artistiques qui vont les émouvoir aux larmes.
C’est plus simple. Ils sont là pour évaluer à partir d’éléments
d’évaluation précis la qualité d’une production écrite :
compréhension et exploitation du libellé du sujet, respect du
registre courant, maîtrise de l’orthographe lexicale et de
l’orthographe grammaticale et de la syntaxe, richesse et
précision du vocabulaire, présence d’une structure
argumentative (ou narrative) cohérente et convaincante. Voilà,
c’est tout ! Enfin, pas tout à fait ! Si l’écrit traduit une
originalité convaincante, il y a du bonus dans l’air…

Plusieurs épreuves du baccalauréat, y compris l’épreuve de


mathématiques, exigent des productions écrites ; la clarté, la
précision, la richesse du vocabulaire, la correction de la syntaxe
seront autant d’éléments qui influenceront l’évaluation de votre
travail. Partez du principe que les correcteurs de vos copies de
maths, de physique, de sciences économiques, de droit,
d’histoire-géographie, de français, de philosophie apprécieront
des mots correctement employés et orthographiés ; ils vous
seront redevables de vous exprimer dans la même langue
qu’eux et cela aura une incidence certaine sur l’évaluation de
vos copies.

Enfin pour rendre de belles copies, il vous faut apprendre à


écrire en temps limité ; les épreuves écrites durent
généralement deux heures ou quatre heures : entraînez-vous !
Atelier d’écriture
Dissertons

À ceux qui se plaignent des écrivains qui disent « moi »,


Victor Hugo répond dans sa préface des Contemplations :
« Quand je vous parle de moi, je vous parle de vous. »

En restant dans le domaine de la littérature, mais sans vous


limiter au genre autobiographique, vous commenterez ce
jugement à l’aide d’exemples précis.

Voici une proposition de plan, à vous de rédiger


l’introduction !
I. La littérature expression d’un moi
1. Une littérature individualiste
2. L’exaltation du moi
3. Une quête d’identité
II. La littérature expression d’une médiation
1. Un destinataire, le lecteur
2. L’exemple de Flaubert, « Madame Bovary c’est
moi »
3. Un moi donné comme exemple
Commentons

Prenez un portrait dans un roman réaliste du XIXe siècle


(Balzac, Flaubert, Zola, Maupassant) et relevez tout ce qui
participe à la construction du personnage et à l’illusion
romanesque ; comparez différents portraits ; identifiez
leurs différentes fonctions.

Avec des poèmes de votre choix, entraînez-vous à repérer


des champs lexicaux, des figures de style en donnant leurs
noms.
Dans la pièce de théâtre de votre choix, identifiez la nature
des répliques (stichomythie, tirade, monologue, aparté) ;
les différents moments de la pièce ; les fonctions des
différents personnages.

Inventons

Faites un pastiche d’un paragraphe de roman, d’un poème,


d’une scène de théâtre.

Écrivez :
un discours de bienvenue à un nouveau collègue
un discours de départ en retraite
un discours contre la peine de mort
une critique favorable pour un film que vous avez vu
une critique défavorable pour un livre que vous avez
lu
l’histoire d’un gagnant au Loto
un spectacle que vous avez vu au théâtre

Le temps des concours


S’il y a un seul concours qu’il vaut mieux éviter, c’est le
concours de circonstances, car il relève de l’aléatoire et vous ne
maîtrisez rien. Vous pouvez aussi bien décrocher l’Olympe,
comme vous retrouvez pris entre Charybde et Scylla. Soyez le
maître de vos concours !

Ainsi, les nombreux concours de l’administration publique


(fonction publique, fonction territoriale, et fonction
hospitalière) permettent d’accéder à des métiers très variés ; et
parmi les nombreuses épreuves, il y a une épreuve écrite qui a
pour objectif de vérifier à la fois un niveau de connaissances,
les capacités d’analyse et de synthèse, et la maîtrise de la
langue française. C’est pourquoi les trois exercices qui
reviennent le plus souvent sont le résumé d’un texte ou d’un
dossier, la discussion sur un sujet de société et la note de
synthèse de documents.

Le résumé
On veut tester votre capacité à analyser un texte, une
argumentation, et l’on vous propose de résumer un texte en un
certain nombre de mots. Faire un résumé, c’est donc dire la
même chose mais avec vos mots à vous ! Vous avez cinq
principes à retenir :

Le respect du plan et de la structure


argumentative du texte proposé : si le texte comporte
quatre idées, A, B, C, D, votre résumé qui est un
modèle réduit a, b, c, d suit cette chronologie ; et si
entre A et B il y a une relation logique d’addition (de
plus, en outre, par ailleurs), on doit retrouver celle-ci
entre a et b ; si entre C et D, il y a une relation
d’opposition, de nuance (mais, cependant, toutefois),
on doit également la retrouver entre d et c.
Vous n’intervenez pas dans la restitution et vous
respecter le système d’énonciation : on ne vous
demande pas votre point de vue, vous restituez celui du
texte, rien de plus ; parfois, c’est vrai, c’est frustrant,
mais c’est l’exercice ! Ainsi, si l’auteur emploie le
pronom personnel je ou nous, vous gardez dans votre
résumé ce je ou ce nous. Si le texte emploie le on, vous
employez le on. Mais gardez-vous bien d’une formule
comme « l’auteur dit que », car alors vous intervenez
dans le texte !
Le résumé est un exercice de reformulation destiné
aussi à tester la richesse de votre vocabulaire et de
votre syntaxe : donc vous évitez la paraphrase et vous
interdisez le montage de citations.
Vous devez réduire, réduire, souvent au quart de
sa longueur le texte : à vous de repérer ce qui est
important ; bannissez les détails, les précisions, les
exemples. De la même manière, oubliez l’usage des
parenthèses qui signalent une idée secondaire !
En résumé, le résumé est une réduction d’échelle,
un modèle réduit qui respecte les proportions de
l’original. Dites-vous que vous êtes un réducteur de
« texte », une sorte de Jivaro du texte (autrefois les
Indiens jivaros, en Amazonie, réduisaient
soigneusement la tête de leurs ennemis pour en faire
des trophées), donc gardez la tête froide et réduisez
votre texte.

Voici un exemple avec un paragraphe :

Toutes les études contemporaines sur le mariage


montrent que les choses ont beaucoup moins changé
qu’on ne le croit. La société française n’est pas
devenue plus mobile parce que les jeunes gens se
croient libres de leur choix. L’âge moyen du mariage
n’a guère varié. Quand les garçons prennent femme
avant d’être fixés professionnellement, c’est parce
qu’ils achèvent de longues études. Et on se marie
toujours pour « la vie ».

Françoise Giroud, L’Express, n° 952, 6 octobre


1969.

Et maintenant, voici sa « réduction » :

a. Autrefois le mariage engageait un individu pour la vie, après


une réflexion et l’assentiment de son groupe social. b. La
situation contemporaine reste sensiblement identique, c. Sauf
sur l’accroissement considérable de l’espérance de vie qui
allonge aussi la durée du couple.

N’oubliez pas ! Vous êtes un


anonyme !
Quand vous passez une épreuve écrite pour un
examen ou un concours, votre copie est le plus
souvent anonyme : en d’autres termes, vous serez
évalué pour ce que vous avez écrit… et rien d’autre.
Certes, cela vous paraît évident, et pourtant, êtes-vous
sûr que les mots que vous avez employés
correspondent exactement à votre pensée ? Êtes-vous
sûr que la construction de vos phrases, de vos
paragraphes reflètent bien l’argumentation que vous
vouliez établir ? En effet, il peut y avoir un écart
notable entre ce que vous vouliez dire et ce que vous
avez écrit : dès lors, ce qui sera lu risque de ne pas
être le reflet de votre pensée, mais d’éventuelles
maladresses ou imprécisions, celles-là mêmes qui
seront évaluées par un correcteur qui ne vous connaît
pas et s’en tient strictement à ce qu’il lit.

La discussion
On attend de vous que vous confrontiez des points de vue, que
vous envisagiez le « pour » et le « contre » et que vous preniez
parti. Quel que soit le point de vue que vous adoptez (il vous
appartient et a priori ce n’est pas là-dessus que vous serez
évalué), n’oubliez jamais d’argumenter, c’est-à-dire d’étayer
vos affirmations de preuves avérées et d’exemples. Construisez
votre développement en imaginant qu’il y a un interlocuteur
qui n’est pas de votre avis ; efforcez-vous d’envisager les
objections qu’il pourrait vous faire et cherchez à les réfuter ou
à montrer qu’elles comportent des failles.

N’oubliez pas d’organiser votre texte en paragraphes


clairement articulés les uns aux autres par des liens logiques
(conjonctions de coordination, adverbes, etc.)

Évidemment le premier travail est d’analyser le sujet et de


formuler la problématique, c’est-à-dire les questions posées par
le sujet ; ce sont elles qui guideront votre recherche d’idées,
d’arguments, d’exemples, et vous permettront d’élaborer un
plan.

Discutons ! Prenons ce libellé !

Georges Gusforf dans son livre Autobiographie (Éditions Odile


Jacob, 1991) s’inquiète du développement exponentiel des
nouveaux outils de communication qui modifient nos rapports
à l’écriture, il écrit ainsi : « À la limite, l’homme le plus civilisé
d’aujourd’hui pourrait être un illettré. » Croyez-vous que
l’homme moderne puisse se passer de l’écriture ? Vous
justifierez votre point de vue en vous appuyant sur des
exemples précis.

Analyse du sujet et formulation de la problématique


L’emploi de la locution « à la limite » et du conditionnel
indiquent qu’il faut prendre la citation pour une antiphrase.
L’auteur s’alarme sans doute des reculs de l’écrit au profit des
outils modernes de communication, comme ceux de
l’audiovisuel, d’Internet et de la téléphonie mobile. Le libellé
qui suit la citation nous invite à élargir la problématique en
nous intéressant à la relation privilégiée qui unit l’homme et
l’écriture. Il s’agit donc d’examiner si les fonctions de
l’écriture conservent leur pertinence dans une société où
règnent la télévision et Internet, et quels sont les dangers liés à
son éventuelle disparition.

Voici une proposition de plan :


I. Les fonctions de l’écriture
a. Une fonction de communication et d’apprentissage qui construit
l’individu et organise la société
b. Écrire et lire : une fonction culturelle
II. La place de l’écriture à l’heure d’Internet
a. Un langage parmi d’autres
b. Un langage nécessaire qui s’adapte aux nouvelles technologies
III. Les risques d’un monde sans écriture
a. Le risque d’« inculture »
b. Vers une humanité aliénée

Les concours administratifs


sont de catégorie A, B ou C
Les concours de la catégorie A proposent la plupart
du temps une épreuve écrite sous la forme d’une note
de synthèse à rédiger à partir d’un ensemble de
documents (dans certains concours, le corpus à traiter
peut faire plus de 20 pages !) ; les concours de
catégories B et C proposent plus souvent des épreuves
sous la forme d’une discussion ou d’un résumé à
partir d’un texte. Les documents supports sont
souvent liés à l’actualité du moment ; donc si vous
vous préparez pour ce type de concours, soyez
curieux, lisez régulièrement la presse, écoutez ou
regardez des émissions sur des thèmes de société, cela
peut s’avérer précieux !

La note de synthèse
Une synthèse, c’est quoi ? Si vous voulez faire savant, vous
pouvez toujours rappeler que le terme synthèse vient du grec
sunthesis qui désigne l’action de mettre ensemble, d’arranger.
Si vous êtes plutôt visuel, vous comparerez la synthèse à un
travail de mosaïque. Un travail de mosaïque ? Oui, de
mosaïque. Et comme en plus d’être visuel, vous êtes aussi un
peu savant, vous glisserez discrètement la définition de la
mosaïque (prise dans le TLFI, Trésor de la langue française
informatisé) : « Assemblage fait de petits cubes ou de
fragments multicolores de divers matériaux (pierre, marbre,
émail, verre, métal, bois, etc.) formant un motif décoratif qui
pare le revêtement d’un sol, d’un mur, d’un plafond ou la
surface d’un objet ».

Ainsi, quand on observe une mosaïque, on perçoit d’abord la


cohérence, le motif et sa signification, alors que le tout est
pourtant composé d’éléments disparates. Une note de synthèse,
c’est exactement cela : vous avez un dossier sur une thématique
particulière composé de plusieurs documents de natures
diverses, d’auteurs différents, d’époques différentes (article de
journal, article de loi, extrait d’ouvrage, visuel, tableau de
statistiques, graphique, etc.) et vous devez produire un texte
cohérent et entièrement rédigé et structuré qui restitue les
principales informations du corpus.

Une synthèse réussie présente trois caractéristiques :

elle est concise, autrement dit, elle restitue l’essentiel


et écarte les informations secondaires ;
elle est organisée, ce qui signifie que les
informations sont intégrées dans un plan argumentatif ;
elle est objective : vous reformulez les idées
importantes sans faire apparaître votre point de vue ou
des informations qui ne seraient pas dans le corpus de
documents. Cela peut être frustrant, mais c’est la règle
de l’exercice…

Voici une méthode pour réaliser une synthèse : imaginons (ah,


l’imagination !) que l’on vous propose un corpus de cinq
documents pour une note de synthèse.

1re étape : vous allez procéder à la lecture de chaque


document et vous reformulerez les idées qui vous paraissent
importantes à restituer ; cela signifie que vous laissez de côté
les informations secondaires, les exemples. Ce travail de
reformulation est important, car il servira par la suite au
moment de la rédaction finale. Proscrivez l’emploi du
surligneur pour repérer les points importants, car cela vous
obligera à une seconde lecture pour reformuler (l’emploi de cet
outil de coloriage est particulièrement déconseillé lors d’une
épreuve en temps limité !) ; l’autre avantage de la
reformulation immédiate, c’est qu’elle permet une meilleure
mémorisation de l’idée qui sera à intégrer dans la note de
synthèse. Ainsi à la fin de cette étape, vous serez en possession
de cinq ensembles de reformulation ; et pour chaque ensemble
vous aurez un nombre x de restitutions. On peut formaliser
cette première étape sous la forme du tableau suivant ; on
notera que l’on n’a pas nécessairement le même nombre de
restitutions pour chaque document :
2e étape : il s’agit maintenant de regrouper les idées selon
plusieurs critères :

les idées qui se complètent (les documents n’ont pas


été nécessairement rédigés à la même époque) ;
les idées qui abordent un même thème mais sous un
autre angle (économique, politique, philosophique,
sociologique, etc.) ;
les idées divergentes qui mettent en évidence des
analyses différentes.

Ce travail permet de faire des regroupements (des petits tas


pour réaliser une mosaïque) ; ainsi on pourrait obtenir à partir
du tableau : A1 B2 C3 regroupés ; A3 B1 D4 B5 regroupés,
etc.

3e étape : à partir de ces regroupements vous allez imaginer un


plan et sa progression.

4e étape : vous passerez à la rédaction des parties encadrantes.


Le jour d’une épreuve, rédigez-les entièrement au brouillon à
ce moment-là ; si vous êtes un peu juste en temps, vous
rédigerez plus rapidement votre dernière partie de
développement, mais vous aurez à votre disposition une
conclusion achevée prête à être recopiée.

L’introduction comporte trois éléments : la


présentation du dossier à partir duquel se fait l’exercice
de synthèse (le nombre de documents est souvent
important, ne les citez pas, cela serait trop long,
indiquez seulement la thématique du dossier : « À
partir du dossier proposé sur les pollutions
marines… »), la problématique principale (exemple :
les enjeux écologiques, économiques et politiques),
l’annonce du plan (les conséquences
environnementales, l’impact sur l’économie et
l’efficacité des mesures prises par les gouvernements
concernés).
La conclusion : il s’agit juste de faire un bref bilan
sans commentaire, ni point de vue personnel, sauf si le
libellé du sujet vous y invite (cela arrive parfois). Dans
ce cas, rédigez un bref développement de quelques
lignes (idée, argument, exemple).

5e étape : la rédaction du développement doit faire des


références explicites aux documents mais ne doit pas
comporter de citations ; la synthèse sert aussi à évaluer votre
capacité de reformulation. Évitez également les informations
entre parenthèses, puisqu’il s’agit d’être concis. Enfin,
rappelez-vous que vous devez rester le plus objectif possible et
surtout ne pas intégrer des informations qui ne seraient pas
dans le corpus de documents.

La France en concours

En France, l’administration publique emploie 5,2 millions de


personnes dont 2,5 millions dans la fonction publique de l’État
(ministères), 1,6 million dans la fonction publique territoriale
(personnel de collectivités territoriales) et environ 1 million
dans la fonction publique hospitalière.

Cet ensemble représente un grand nombre de métiers connus :


enseignants, infirmiers, policiers, surveillants de
l’administration pénitentiaire… ou moins connus : greffiers des
tribunaux, contrôleurs de gestion, ou techniciens du patrimoine.

Ces métiers sont en principe accessibles par des concours


garantissant l’égalité des chances.

Selon le concours concerné, il faut remplir des conditions de


diplôme ou de niveau d’études qui varient selon la catégorie du
concours :

Concours de catégorie A : diplôme de


l’enseignement supérieur (le plus souvent licence et
plus rarement un diplôme sanctionnant une formation
de cinq années après le baccalauréat).
Concours de catégorie B : baccalauréat, ou pour
certains concours précis, diplôme sanctionnant une
formation professionnelle après le baccalauréat
(exemples : diplôme d’État d’infirmier, d’assistant de
service social, BTS pour les secrétaires administratifs
de classe supérieure ou DUT…).
Concours de catégorie C : certains concours sont
ouverts sans condition de diplôme. Dans d’autres cas, il
faut être titulaire du diplôme national du brevet ou d’un
certificat d’aptitude professionnelle (CAP) ou d’un
brevet d’études professionnelles (BEP).

Il existe sur Internet le Site des concours et des recrutements de


l’État, Score, qui présente tous les concours et leurs modalités.

Atelier d’écriture
Résumé
vos derniers congés
votre joie en découvrant votre promotion
votre projet professionnel
vos relations avec vos collègues
vos relations avec votre hiérarchie
Argumentation
Rédigez un paragraphe d’argumentation (idée, argument,
exemple) de 10 lignes pour :
donner votre point de vue sur les gros salaires
dire ce que vous pensez de la spéculation
exprimer votre point de vue sur les phénomènes de
harcèlement au travail
dire ce que vous pensez de la réforme des retraites
donner votre point de vue sur l’Union européenne
exprimer vos solutions pour la sauvegarde de
l’environnement
Note de synthèse
À partir d’informations prises dans des journaux ou sur des
sites Internet, proposez des notes de synthèse de 10 lignes
sur les thèmes suivants : les pollutions marines – l’élection
présidentielle de 2012 en France – la gestion de l’eau – le
phénomène des réseaux sociaux – le dopage – l’objectivité
des médias – la « peopolisation » de la vie politique – la
spéculation boursière – la parité homme/femme – la
violence dans les banlieues – les dérives d’Internet.

Proposez un plan de synthèse en deux ou trois parties qui


intègre ces onze affirmations concernant l’argent (voir
corrigé dans l’annexe C) :
1. L’argent permet d’exister dans la société.
2. L’argent sert de référence lors des échanges et permet
de mesurer la valeur des choses.
3. L’argent fascine et pervertit.
4. Aujourd’hui l’argent prend des formes virtuelles.
5. L’argent dans les jeux de hasard contemporains occupe
une place importante avec des prises de risque
minimes.
6. L’Église entretient des rapports ambigus avec l’argent.
7. Pour les communistes, l’argent a son utilité mais ne
doit pas imposer sa loi.
8. L’argent est un moteur de la société.
9. L’argent accentue les inégalités.
10. Il faut se garder de faire de l’argent une valeur morale
de référence.
11. L’argent, c’est l’assurance du vital mais aussi du luxe.
Prendre des notes
Avant la mise en œuvre des connaissances lors d’une
évaluation (examen, concours, différents travaux écrits), celles-
ci auront été acquises à travers des lectures, des cours, des
conférences, des séminaires, la plupart du temps grâce à des
prises de notes. Il est donc capital que ces dernières vous
permettent de retrouver les points essentiels d’une
démonstration, d’une idée, d’une théorie.

Les deux cas de figure habituels sont la prise de notes d’une


situation orale ou d’une lecture.

Une prise de notes d’une intervention orale


Ne notez pas tout. Si le professeur, l’orateur, propose un plan
de son cours, de son intervention, notez-le et… écoutez !
Prenez essentiellement en notes les mots-clés, des formules,
mais surtout n’essayez pas de noircir des pages et des pages
pour retenir l’intégralité : concentrez-vous sur une écoute
attentive, cela vous permettra de retrouver l’essentiel grâce au
plan et aux mots-clés. Il faudra donc prendre l’habitude
d’abréger et ne pas vous transformer en moine copiste !

Une prise de notes d’une lecture


Cette lecture peut être plus ou moins importante selon la nature
du texte : article, mémoire, rapport, livre. Notez avec soin la
structure du texte : son organisation en paragraphes, leur
relation logique grâce aux mots d’articulation. S’il s’agit d’un
ouvrage, lisez d’abord le sommaire pour comprendre la
progression argumentative de l’ensemble. Pendant votre
lecture, notez les mots-clés et reformulez les idées qui vous
intéressent. Vous pouvez toujours surligner les phrases qui vous
semblent importantes, mais ce procédé présente de notre point
de vue plusieurs inconvénients :

il ne facilite pas la mémorisation, il balise seulement


la lecture ;
il ne vous fait pas écrire ;
il risque de transformer votre lecture en activité de
coloriage avec au final un document bariolé qui
nécessitera une seconde lecture des zones surlignées.

La vie des notes


L’intérêt des notes, c’est évidemment de s’en servir ! Ce qui
signifie que celles-ci demeurent lisibles et compréhensibles
dans le temps… Ces notes ne sont pas destinées à être lues par
une autre personne que vous, donc l’essentiel c’est que vous
puissiez vous relire, c’est tout. C’est tout, mais ce n’est pas
toujours simple, car ce qui était évident au moment de la prise
de notes sur le vif, ou il y a un certain temps, peut devenir
beaucoup plus sibyllin quelques mois plus tard si le système
d’organisation, d’abréviation, de raccourcis n’est pas au point.
Autrement dit, dans les temps de révision, il faut retrouver des
notes qui soient opérationnelles et ne vous transforment pas en
Champollion devant une tablette de hiéroglyphes ! Cela
suppose un traitement de ces notes sous une forme papier ou
informatique : il est recommandé de créer des dossiers
thématiques ou par disciplines, à l’intérieur desquels seront
rangés des fichiers ; ceux-ci contiendront un titre, les
références de l’ouvrage, un résumé, un plan et des mots-clés.

Ainsi, prendre des notes, c’est abréger en supprimant tous les


mots qui ne sont pas indispensables pour votre compréhension
(par exemple, les auxiliaires, les articles, les prépositions) et
mettre au point son système d’abréviations, avec comme seul
impératif que cela ait du sens pour vous. Si vous êtes un « as du
SMS », n’hésitez pas à utiliser vos raccourcis pour vos prises
de notes. Mais veillez à ne pas transposer votre langage SMS
dans vos productions écrites destinées à être lues !

Parmi les nombreuses techniques de prise de notes (chacun


peut avoir « ses astuces » !), nous retiendrons quatre manières
de faire des « économies » d’écriture :

En éliminant tous les déterminants (le, la, les, un,


une, des, ce cet, cette, ces, mon, ton, son, etc.) ;
En supprimant dans des mots courants certaine lettres
ou les finales : beaucoup → bcp ; pour → pr ;
commercial → Cial ; maximum → max ; temps → tps ;
technique → techn. ; seulement → seult ;
En utilisant seulement leurs initiales : heure → h ;
c’est-à-dire → c.a.d. ;
En employant des signes et des symboles : égal → = ;
plus → + ; question → ? ; philosophie → .

Vous trouverez dans l’annexe D des listes d’abréviations.

Les bons plans pour ne pas être « Rantanplan »


Soyez un bon architecte ! Écrire un texte revient à construire
une architecture : vous avez un projet animé par une
problématique, c’est-à-dire des questions auxquelles vous allez
répondre en essayant d’être le plus clair et le plus convaincant
possible. Pour cela vous allez réunir des matériaux : des idées,
des arguments, des exemples ; puis vous allez bâtir le plan,
c’est-à-dire la structure de votre écrit. Une maison a des
fondations, des murs et un toit ; le tout est assemblé à l’aide de
mortier, de ciment, de vis, de clous, de chevilles. La maison
tient debout et elle est habitable. Un écrit a une introduction, un
développement, une conclusion ; le tout est assemblé à l’aide
d’articulations logiques, de phrases de transition, pour assurer
la progression du texte. Ainsi, votre argumentation est
organisée et compréhensible.
N’essayez pas de plaquer à tout prix un plan prédéfini pour
réaliser votre écrit ; ce sont la nature de l’épreuve écrite, le
thème abordé, la problématique retenue, les idées et les
arguments retenus qui devront guider le choix de votre plan.

Le plan consensuel
Vous adopterez ce type de plan si la thèse que l’on vous
demande de discuter semble valide :

Première partie : vous exposez la thèse initiale et ses


points forts ;
Deuxième partie : vous approfondissez en actualisant
par exemple l’argumentation.

Le plan « nuance »
Vous choisirez ce plan, si la thèse défendue comporte des
points discutables :

Première partie : vous exposez la thèse initiale ;


Deuxième partie : vous mettez en évidence les
restrictions, les points faibles ;
Troisième partie : vous montrez que malgré ces
réserves, ce sont les points forts que vous présentez qui
l’emportent.

Le plan « critique »
Ce plan convient si vous n’êtes pas d’accord avec la thèse
présentée :

Première partie : vous exposez la thèse initiale ;


Deuxième partie : vous présentez les points d’accord ;
Troisième partie : vous développez les points de
désaccord qui font qu’au final vous ne considérez pas
comme valable la thèse initiale.

Le plan « proposition »
Ce plan permet de présenter une thèse, puis de la critiquer
avant de proposer sa propre thèse :

Première partie : présentation de la thèse initiale ;


Deuxième partie : réfutation ;
Troisième partie : exposition d’une nouvelle thèse.

Le plan « solutions »
Ce plan s’inscrit dans une perspective chronologique :

Première partie : analyse d’une situation, de causes ;


Deuxième partie : mise en évidence des
conséquences ;
Troisième partie : recherche de solutions.

Le plan « analytique »
Ce plan passe en revue les différents aspects d’une question :

Première partie : analyse historique et sociale ;


Deuxième partie : analyse économique ;
Troisième partie : analyse politique et perspectives.

La double cohérence du plan


Cette cohérence doit être verticale et horizontale. C’est-à-dire ?
C’est tout simple ! Imaginons que vous avez conçu un plan en
trois parties : la cohérence verticale signifie qu’une logique doit
assurer la progression entre la partie I et la partie II, et entre la
partie II et la partie III (par exemple, un plan type Causes -
Conséquences - Solutions). La cohérence horizontale signifie
qu’à l’intérieur de chaque partie il existe aussi une progression
logique : par exemple, dans la partie I, vous avez organisé trois
sous-parties : A (idée + arguments + exemple) permet de passer
à B (addition avec une idée complémentaire + argument +
exemple) qui permet à son tour de passer à C (conclusion de la
première partie et transition vers II, avec bilan et amorce d’une
idée nouvelle + argument + exemple).

Le plan d’hier
La rhétorique ancienne proposait dans une de ses
parties, la dispositio, « disposition », l’art d’exposer
les arguments dans un ordre pertinent et efficace, un
plan immuable à mettre en œuvre en toutes
circonstances ; ce plan a été employé jusqu’à la fin du
XIXe siècle :
l’exorde où il s’agissait de capter l’attention ;
la narration où les faits étaient exposés ;
la confirmation où la thèse défendue était
soutenue par des arguments ;
la réfutation où l’on examinait les arguments
contraires pour les réfuter ;
la péroraison où l’on concluait.

Atelier d’écriture
Proposer un plan en trois parties pour argumenter sur
chacun des sujets suivants :
l’allongement de la durée de vie
la morale en politique
le sport-spectacle
les initiatives écologiques
le réchauffement climatique
le danger du téléphone portable
la violence routière
le chômage
l’abstention aux élections
le harcèlement au travail
les congés payés
la place de la voiture

Les écrits au long cours


Voilà, ce fameux bac est en poche, vous voilà lancé dans le
grand bain des études… Pendant cette période qui peut aller de
deux ans à pratiquement une décennie (pour passer une thèse
de doctorat, il faut huit ans au minimum), vous aurez à rédiger
des documents de plus en plus importants : rapport de stage,
mémoire, thèse. L’élaboration d’hypothèses, d’une
problématique, l’étude des faits, de la théorie, des différents
modèles d’analyse, les recherches bibliographiques, tout cela
fera l’objet d’écrits. Jusqu’à présent, vos travaux d’écriture se
« limitaient » à quelques pages et quelques heures de travail ;
dorénavant, ceux-ci vont représenter des documents compris
entre 20 pages et 500 pages, nécessitant des temps de
préparation et de rédaction s’étalant sur plusieurs mois,
plusieurs années. Mais ne vous effrayez pas, une pratique
régulière de l’écriture et de ses techniques vous rendra
l’exercice de plus en plus familier et naturel. De la même
manière que vous n’allez pas courir un marathon du jour au
lendemain sur un simple coup de tête ou un pari stupide (enfin,
par expérience, nous vous le déconseillons !), car cela suppose
un entraînement régulier sur plusieurs mois (voire plus !), vous
n’allez pas débuter par la rédaction d’un mémoire de 300
pages ; la maîtrise et la réalisation de ces écrits seront
progressives. Nous vous proposons ici un premier tour
d’horizon des principales pratiques pour ces écrits au long
cours. Vous trouverez également dans la partie bibliographie
des références d’ouvrages spécialisés.

Rapport de stage et mémoire


En deuxième année de DUT (diplôme universitaire de
technologie), dans les licences professionnelles, scientifiques,
de sciences humaines, mais aussi pendant les deux années du
master professionnel ou du master de recherche, vous aurez des
rapports de stage et des mémoires à réaliser. Ainsi en DUT
vous effectuez un stage de dix semaines en entreprise ou dans
un organisme, en master professionnel le stage dure trois-
quatre mois la première année et de quatre à six mois la
seconde année.

Parfois les étudiants s’investissent à fond dans leur mission de


stage, réalisent un travail excellent loué par leur maître de stage
mais qui n’est pas correctement restitué ou mis en valeur dans
leur rapport écrit. Il ne faut pas oublier que ce rapport sera la
base de l’évaluation de l’étudiant. Celui-ci a donc intérêt à lui
consacrer le temps nécessaire et surtout à ne pas attendre les
deux dernières semaines de son stage pour entamer sa
rédaction !

En master de recherche, vous rédigerez un rapport de recherche


en première année (l’année dure neuf mois) et un mémoire de
recherche, souvent la base de la future thèse, en deuxième
année (l’année fait douze mois). A priori si vous êtes parvenu à
ce stade, l’écriture fait partie de votre quotidien. Nous n’allons
donc pas vous donner d’indications sur les étapes préliminaires
à la rédaction (recherche documentaire, hypothèses de
recherche, formulation d’une problématique, réflexion sur la
plus-value du sujet que vous proposez, etc.), rappelez-vous
seulement que les conseils et principes de rédaction pour les
précédents travaux valent aussi pour ce type d’écrit.

La thèse
Véritable travail au long cours (trois années parfois prolongées
à titre dérogatoire sur demande motivée et après avis du
directeur de thèse), la rédaction d’une thèse, amorcée pendant
la deuxième année de master, suppose une organisation très
importante, qui passe par une planification de votre travail à
partir de vos axes de recherche. Fixez-vous des dates butoirs
pour la rédaction des différentes parties de votre thèse ; celles-
ci sont en principe indiquées par le directeur de thèse.

Votre directeur de thèse est votre interlocuteur privilégié, mais


c’est aussi quelqu’un de très occupé ; il est donc indispensable
que vous appreniez à travailler en autonomie, ce qui ne vous
empêche pas, bien au contraire, de discuter et d’échanger avec
d’autres étudiants en leur montrant vos « écrits ».

Gravez dans un morceau de marbre (ce n’est pas évident, mais


c’est une image !) le précepte selon lequel votre thèse doit être
parfaite autant sur le plan lexical que syntaxique. Un jury de
thèse peut devenir redoutable pour le doctorant si l’expression
écrite n’est pas complètement maîtrisée ; par ailleurs, elle ne
fait pas de votre directeur de thèse un allié, car d’une manière
ou d’une autre, les reproches formulés par ses confrères le
touchent indirectement.

Les conseils généraux et les indications sur les normes


rédactionnelles sont les mêmes que ceux cités plus haut pour
les rapports et les mémoires ; mais soyez peut-être encore plus
vigilant sur la concision, car votre thèse est un écrit important,
il ne s’agit pas de perdre vos lecteurs en route !
Composition d’un rapport ou d’un mémoire
Voici une brève présentation de la structure d’un rapport ou
d’un mémoire ; la thèse, dans ses grandes lignes, suivra
également la même organisation.

La page de couverture comporte le logo de l’établissement où


vous suivez votre cursus universitaire, votre identité, celle de
votre enseignant tuteur, de votre directeur de thèse, de votre
maître de stage, l’année universitaire, et l’intitulé de votre sujet
de stage, de mémoire, de thèse. Quant à la présentation, à la
mise en page, elles vous appartiennent, mais sachez que la
sobriété est de mise…

Une page blanche, dite « page de garde » : vous allez penser,


pour quoi faire ? C’est une tradition universitaire, c’est à vous
de décider si vous la maintenez ou pas…

Une page de titre : elle reprend en général la page de


couverture.

Une page pour les remerciements : vous remerciez


« sobrement » les personnes qui vous ont aidé ; évitez les
effusions affectives et ne remerciez pas la Terre entière (mes
parents, sans qui je ne serais pas là, mon frère, ma sœur, ma
compagne, mon compagnon, mes amis…) ; de la même
manière, ne remerciez pas tel ou tel organisme… Cette page
correspond à la page 1 de votre écrit mais n’est pas foliotée.

Un sommaire : c’est le plan, l’architecture de votre écrit ; il


permet d’emblée de saisir la logique de votre démarche. Il
indique la première page de chaque partie (y compris les
annexes et la bibliographie) ; pour une thèse, ce sommaire
présente le plan d’ensemble (Première partie, Chapitre 1, 1er
point), le plan détaillé fait l’objet d’une table des matières à la
fin de la thèse.
Une introduction : c’est la première page où apparaît le
numéro de pagination. Elle comporte trois parties principales :
la présentation du sujet (cadre, mission, hypothèses et intérêt de
la recherche) ; la problématique liée au sujet (les questions qui
seront examinées, les axes d’analyse retenus) ; l’annonce du
plan. Le nombre de pages varie évidemment en fonction du
travail : une introduction pour un rapport de stage de DUT
tiendra parfaitement sur 1 page, celle d’un mémoire de master
sur 2 ou 3 pages, et celle d’une thèse pourra se développer sur
une dizaine de pages.

Un développement : il suit exactement le plan annoncé ; il est


organisé en paragraphes rédigés (ne cédez pas à la vogue
actuelle des fastidieuses énumérations en style télégraphique) ;
il permet de suivre les étapes de votre démarche en restituant
les phases d’observation, d’enquêtes, d’analyse et de
propositions. Le nombre de pages variera d’une trentaine de
pages, pour un rapport de stage de DUT, à une centaine de
pages pour un mémoire master, et jusqu’à 500 pages pour une
thèse.

Une conclusion : elle comporte deux parties, un bilan sur la


mission accomplie, sur la recherche menée, et une ouverture
sur des actions, des axes à développer. Elle doit être concise.
Le nombre de pages peut varier d’1 ou 2 pages (rapport de
DUT) à 4-5 pages (mémoire de master), voire une dizaine de
pages (thèse).

Un lexique : il s’agit d’une liste alphabétique de termes


spécialisés ou d’acronymes nécessitant une explication ou une
définition.

Une bibliographie : les références bibliographiques indiquent


les sources qui ont trait au sujet de votre écrit ; il ne s’agit pas
de faire une compilation de références pour « épater la
galerie », mais d’ouvrages réellement lus et présentant un
intérêt pour le lecteur et les futurs étudiants. L’usage consiste à
respecter un ordre de présentation pour les ouvrages :

NOM, Prénom, Titre/Sous-titre, lieu d’édition, éditeur, date de


parution, référence des pages. Le titre est en caractères
italiques. La présentation est identique pour les articles, sauf
pour le titre qui est placé entre des guillemets. De plus en plus
de bibliographies incluent une « sitographie », c’est-à-dire des
références à des sites consultés sur Internet : dans ce cas, il
convient de noter, outre l’adresse du site, le dossier ou l’article
qui a servi de référence et la date de la consultation, car,
comme vous le savez, les sources Internet évoluent en
permanence !

Des annexes : d’abord ne transformez pas cette partie en une


sorte de cave ou de grenier où vous auriez entassé toutes les
informations dont vous n’avez su que faire, mais que votre âme
de collectionneur, ou votre répugnance à vous séparer de quoi
que ce soit, vous avait incité à conserver. Vos annexes classées
et numérotées fournissent des informations importantes mais
qui ne sont pas essentielles dans la progression de votre
argumentation : elles permettent de faire figurer des tableaux
statistiques, des schémas qui auraient interrompu votre
démonstration. Rappelez-vous que les annexes sont annoncées
par un renvoi et utilisées dans votre développement.

Un index : il s’agit d’une liste alphabétique de noms (auteurs,


lieux, personnages), de thèmes, de notions qui renvoient aux
pages où ils apparaissent ; il est essentiellement utilisé pour les
thèses.

Une table des matières : uniquement pour les mémoires de


master 2 et les thèses.

Une quatrième de couverture : il faut bien protéger votre


travail. Dans les rapports de stage (DUT, licence, master
professionnel), la quatrième de couverture peut être utilisée
pour rappeler la mission effectuée et le lieu du stage ainsi
qu’un résumé des actions effectuées et une série de mots-clés
(en français et en anglais).

Conseils généraux et normes rédactionnelles


Voilà, vous avez les informations principales pour vous lancer
dans la grande aventure que représente la rédaction d’un
rapport, d’un mémoire ou d’une thèse. Mais avant de larguer
les amarres pour cette écriture au long cours, prenez ces
dernières provisions, pour la route…

D’abord une série de conseils à appliquer à la lettre


1. Une rédaction maîtrisée ne supporte pas l’urgence ; conséquence,
ne rédigez pas dans l’urgence, « hâtez-vous lentement » !
2. Certes c’est une évidence, mais répétons-la inlassablement, et
gardez-la toujours présente à l’esprit : vous êtes censé maîtriser
l’expression écrite et vous en servir avec maestria pour exposer vos
idées, vos théories, vos trouvailles géniales… ce qui signifie que vos
écrits doivent être absolument sans faute (donc sans reproche !). Bien
sûr dans l’effervescence de votre travail, les contraintes de temps, la
fatigue, les heures passées à pianoter sur le clavier, des fautes (de
lexique, de syntaxe) peuvent se glisser malencontreusement dans votre
texte, nul n’est à l’abri… Alors, en plus de votre veille vigilante, de la
présence d’un dictionnaire à vos côtés, de l’activation du correcteur
d’orthographe et de grammaire de votre traitement de texte, lisez,
relisez ce que vous écrivez ; n’hésitez pas à solliciter votre entourage
pour lire et relire votre production (vous n’avez pas idée à quel point
les gens aiment bien chercher des fautes dans les écrits des autres !).
Bref, vous l’avez compris, tolérance zéro en matière de fautes ! Il ne
faut surtout pas transformer vos lecteurs (en l’occurrence les membres
d’un jury) en correcteurs ; en communication, les fautes sont
assimilées à des bruits qui perturbent la transmission du message ; ne
rendez pas votre écrit assourdissant ! N’hésitez pas à montrer vos
écrits à votre enseignant, à votre directeur de thèse – attention, il n’est
pas chargé de devenir votre « nègre », il n’écrit pas à votre place ; vous
lui montrez votre plan, vos bouts d’essai : il vous dira si c’est clair,
cohérent… ou à améliorer !
3. Privilégiez les phrases courtes et évitez les enchâssements.
4. Adoptez un système d’énonciation où vous apparaîtrez sous la
forme du pronom personnel nous, qui met à égale distance le je
peut-être trop égocentrique et le pronom personnel on trop
impersonnel et anonyme.
5. Concernant la rédaction, vous devez vous garder d’une démarche
de compilation de documents et éviter de verser dans le narratif du
genre « ce matin, après avoir pris mon café avec le technicien du
laboratoire, j’ai rejoint mon maître de stage pour discuter avec lui
de… ».
6. Dans la mesure du possible, l’analyse, le commentaire d’un visuel
doit se trouver sur la même page que… le visuel ! Pensez au confort
du lecteur.
7. Ne gonflez pas votre travail en ajoutant une partie Annexes
disproportionnée : une rédaction concise est très appréciée ; rappelez-
vous que votre enseignant tuteur suit probablement d’autres stagiaires
et a donc d’autres mémoires à lire, c’est un humain, ne l’oubliez pas, il
ne vient pas d’une autre planète !
8. Pensez à indiquer les sources des documents iconographiques, des
différents visuels. Les schémas, les cartes, les photographies insérés
sont référencés, légendés et commentés.
Puis une série de normes rédactionnelles
1. Le format A4 et la couleur noire sont l’usage, mais aucune loi ne
vous interdit le recours à la couleur, notamment pour les tableaux
statistiques, les graphiques et les schémas.
2. Dès le début de votre rédaction finale, pensez à un style, c’est-à-
dire une mise en forme unifiée des paragraphes et des caractères, des
titres, des sous-titres, qui donnera sa cohérence et son homogénéité à
votre travail.
3. Privilégiez une présentation sobre et homogène. Par exemple,
utilisez avec parcimonie les soulignements, les caractères gras ou
italiques (ces derniers sont à réserver pour les citations). Conservez la
même hiérarchisation entre la table des matières (ou le sommaire) et
l’intérieur de la thèse, et le même degré de précision dans
l’organisation en parties et sous-parties.
4. Choisissez une police de caractère lisible et courante de taille 12
(par exemple, Time New Roman ou Arial) ; la taille 10 est trop petite
et la taille 14 trop grande (a priori votre thèse n’est pas destinée dans
un premier temps à un public de malvoyants).
5. Vos paragraphes seront alignés à gauche (avec éventuellement un
retrait d’alinéa) et justifiés pour rendre la lecture confortable.
6. L’interlignage 1,5 ou 2 permet une bonne « aération » du texte :
l’interlignage 1 est à proscrire, votre texte ne doit pas ressembler à une
forêt impénétrable (les membres du jury ne sont pas nécessairement
des Indiana Jones !) mais ne doit non plus être traversé par des
courants d’air !
7. Ne commencez pas une partie en bas de page et évitez les pages
avec deux ou trois lignes de texte.
8. Vos notes de bas de page sont signalées par un chiffre arabe placé
en exposant après le terme concerné.
9. La première référence d’un ouvrage doit être complète ; s’il s’agit
d’une source déjà citée dans la même page ou dans les pages qui
précédent, employez le terme latin ibidem, « au même endroit », sous
sa forme abrégée ibid., p… ; si la source est éloignée dans votre thèse,
utilisez l’expression latine opere citato, « dans l’œuvre citée », sous sa
forme abrégé op. cit., p… Le terme infra, « en dessous de », signalera
une allusion à une référence située en dessous dans la page ; le terme
latin supra, « au-dessus de », indiquera une référence située au-dessus
dans la page.
Bonne écriture !
Chapitre 14

L’atelier professionnel

Dans ce chapitre :
Écrire pour trouver un emploi : le CV et la lettre de
motivation
Écrire au travail : le point sur les différents écrits
professionnels
Le point sur Power Point

Sur les pages de l’emploi


Les Trente Glorieuses (période de fort développement
économique entre 1945 et 1975) où il suffisait de se présenter
en personne et de proposer ses services pour être embauché
appartient à une période révolue, qui semble idyllique tant la
recherche d’un emploi aujourd’hui est une situation délicate
demandant un investissement de tous les instants. Au XXIe
siècle, cette recherche est un véritable travail qui implique,
pour avoir une chance d’être couronné de succès, une méthode
et la maîtrise de deux documents clés : le curriculum vitae et la
lettre de motivation.

Nous vous proposons d’examiner ensemble ces deux


sésames…
Un curriculum vitae, à quoi ça sert ?
Vous l’avez sans doute déjà remarqué, les ouvrages du style
Mon CV en dix leçons, Tout ce que vous avez toujours voulu
savoir sur le CV sans jamais oser le demander, Mon CV
express, Les Secrets du CV, etc., les sites Internet consacrés à la
réalisation d’un CV, les rubriques dans les journaux, les
conseils de Pôle emploi, bref les mille et une manières de faire
son CV sont légion. Leurs indications, leurs « astuces » sont
foisonnantes et parfois contradictoires. Dans ces conditions,
difficile de faire son choix. Écrire pour les Nuls ne cherche pas
à accroître ce fourmillement de conseils où l’on peut
finalement se perdre. Nous vous proposons une méthode
simple, sans artifice, où prévalent logique et bon sens. Alors
soyons direct et retenons ce constat d’un recruteur
professionnel : « Si tous les CV sont dans la nature, le seul qui
doit retenir votre attention, c’est celui qui vous permet
d’obtenir un rendez-vous pour un entretien, tout le reste est du
bla-bla. » Voilà des propos qui ont le mérite d’être clairs !

D’abord un CV n’est pas un passeport pour l’emploi, c’est une


première étape dans la recherche d’un emploi. Son objectif est
simple et unique : obtenir un entretien avec le recruteur. C’est
votre lien potentiel avec une possibilité. Il ne faut donc pas
perdre son latin pour rédiger son curriculum vitae, le
« déroulement d’une vie », mais retenir ce qui va susciter
l’intérêt et l’envie de vous rencontrer.

La première lecture d’un CV dépasse rarement les trente


secondes ; autant dire que vous n’avez que cette demi-minute
pour convaincre un anonyme qu’il doit absolument vous
rencontrer alors qu’il ignorait tout de vous trente secondes
auparavant ! Quelle gageure !

Avant la rédaction du CV
L’écriture d’un CV (abréviation courante de curriculum vitae),
que ce soit en réponse à une offre d’emploi ou une candidature
spontanée, demande une méthodologie, et bannit
l’improvisation sauf si l’on cultive un certain goût pour le
masochisme. Deux phases de préparation sont nécessaires
avant de passer à la rédaction du CV : d’abord faire le point sur
sa personnalité et son parcours, puis faire une analyse
minutieuse des offres d’emploi pour lesquelles on compte
postuler.

« Qui suis-je ? »
Commencez par faire le point sur vos qualités, vos défauts,
votre parcours scolaire, vos formations, leur cohérence, vos
expériences professionnelles, vos centre d’intérêt ; votre
conception de l’entreprise, du monde du travail. Cette mise au
point vous sera très utile, elle vous permettra par la suite de
renseigner votre CV, mais aussi votre lettre de motivation et de
préparer votre futur entretien. Si cette étape vous paraît difficile
à mener seul, sachez qu’il existe des démarches comme le bilan
de compétences (vous pouvez vous inscrire à celui proposé par
un Pôle emploi), qui permettent de cerner avec une bonne
précision ses compétences, ses motivations, sa faculté
d’adaptation, ses centres d’intérêt.

Analyse de l’offre d’emploi


Assurez-vous que votre profil correspond bien à celui de l’offre
d’emploi : si celle-ci évoque une qualification, un niveau
d’études, un diplôme, il faut évidemment répondre à ce critère.
Cependant rien ne vous interdit d’envoyer un CV même si vous
ne satisfaites pas à tous les critères ; parfois les recruteurs
demandent le « beurre, l’argent du beurre et la crémière »
comme dit le dicton populaire, cela ne doit pas vous faire
renoncer à postuler. Le cas le plus fréquent est celui de l’offre
destinée à un jeune diplômé et qui réclame en même temps une
expérience sur le même poste de plusieurs années. Admettez
qu’il s’agit là d’un oiseau rare, alors tentez votre chance !
Si l’entreprise qui recrute est identifiable dans l’offre d’emploi,
faites une véritable enquête sur celle-ci et sur le poste à
pourvoir. Consultez les sites Internet, un dictionnaire
d’entreprise comme le Kompass qui fournit des quantités
d’informations économiques, financières et structurelles sur les
entreprises, les chambres de métier, le Pôle emploi, les revues
spécialisées. Il est important que vous sachiez « où vous mettez
les pieds » ! Les informations sur le poste orienteront votre CV
et votre lettre de motivation : ainsi, si vous pouvez obtenir des
renseignements auprès d’une personne qui occupe un poste
similaire, vous pourrez connaître les avantages, les contraintes,
l’évolution possible, la rémunération.

Par ailleurs, ces informations pourront vous servir aussi lors de


l’entretien pour montrer discrètement que vous connaissez déjà
l’entreprise et que votre motivation est réelle (autant de points
positifs !).

Organisation du CV
D’abord retenez cette règle d’or : une offre d’emploi = un
curriculum vitae. Ne commettez pas l’erreur de rédiger un CV
une fois pour toutes et de vous servir de celui-ci pour chaque
candidature. Vous allez constituer une sorte de CV matrice que
vous adapterez et renseignerez en tenant compte des
spécificités du poste auquel vous postulez.

Quelle que soit la forme que vous reteniez, votre CV doit


comporter cinq rubriques :

Votre état civil et vos coordonnées : nom, prénom,


âge, situation familiale, téléphone, adresse e-mail.
Notre conseil : indiquez votre âge, plutôt que votre date
de naissance, 24 ans étant une information plus directe
que 17-03-88. La photographie n’est pas obligatoire ;
mais si elle demandée, mieux vaut satisfaire à cette
exigence : il faudra qu’elle soit de bonne qualité,
réalisée chez un photographe.
Votre objectif professionnel : soit il reprend
l’intitulé exact de l’annonce, soit il précise le métier, la
fonction, pour lequel (laquelle) vous postulez. Notre
conseil : rédigez une ou deux phrases.
Les étapes de votre formation : aujourd’hui, le
modèle le plus courant consiste à partir de sa
formation, de son diplôme, les plus récents ; en règle
générale, on ne remonte pas au-delà du baccalauréat si
on a fait des études supérieures, sinon on s’arrête au
niveau du BEP ou du CAP. Notre conseil : indiquez les
dates d’obtention et développez les sigles employés.
Précisez aussi vos compétences dans les langues
étrangères en évitant des formules comme « lu, parlé,
écrit ; niveau scolaire » qui ne renseigne pas sur votre
niveau. En revanche, signalez (si c’est le cas !) que
vous avez effectué un séjour de deux mois dans un
pays étranger, par exemple en Idaho dans une ferme
spécialisée dans la pomme de terre, ou que vous êtes
abonné à telle revue, amateur de tel auteur ou de telle
chaîne de télévision étrangère. Si vous avez passé un
test d’évaluation reconnu, comme le TOEIC (Test Of
English for International Communication), et que vous
ayez obtenu un bon score (par exemple plus de 900
points !), ne vous privez pas de le noter. Évitez
évidemment d’indiquer votre visite de quatre jours à
Londres lorsque vous étiez en classe de 4e. Citez
également vos compétences informatiques, sans
proposer un catalogue !
Votre expérience professionnelle : il s’agit de
décrire vos compétences à travers les postes occupés,
les missions réalisées et les résultats obtenus. Notre
conseil : soyez précis sur les fonctions que vous avez
occupées pour que le recruteur puisse apprécier le
niveau de responsabilité que vous aviez. S’il s’agit de
votre entrée dans la vie active, n’oubliez pas de décrire
en quelques lignes le(s) stage(s) que vous effectué(s) et
les missions réalisées. Les emplois saisonniers
pourront être décrits s’ils ont un rapport avec le poste
auquel vous postulez ou s’ils révèlent un aspect
valorisant de votre personnalité (par exemple la
fiabilité, car la même entreprise vous a employé
chaque été pendant la durée de vos études ; le sens des
responsabilités et des relations humaines, car vous avez
été maître-nageur sauveteur sur les plages).
Vos centres d’intérêt : vos activités de loisirs
permettent de préciser votre profil ; celles que vous
citez doivent correspondre à des pratiques réelles dont
vous pourrez parler lors de l’entretien. Notre conseil :
inutile d’établir une liste de pratiques sportives (VTT,
course à pied, natation, badminton, football…) ; vous
ne devez pas faire le catalogue d’une grande surface du
sport même si vous avez « la forme à fond » ; indiquez
plutôt le sport que vous pratiquez régulièrement, et si
vous faites de la compétition, à quel niveau. De la
même manière, évitez la liste « cinéma, théâtre, lecture,
musique » : précisez le genre de films ou les auteurs
que vous affectionnez. Soyez précis si vous notez une
activité associative (qui montre votre engagement dans
la société) : par exemple, n’écrivez pas simplement que
vous êtes « président de l’Association des randonneurs
de Carnoët », ce qui n’aura pas grand sens pour le
recruteur, mais définissez l’activité de cette association.
En effet, ce n’est pas la même chose que d’être
président d’une association de randonneurs qui
organise tous les dimanches matin des sorties dans les
forêts de la région ou président d’une association qui
monte régulièrement des expéditions (des trekkings !)
au Népal, sur les plateaux andins ou autour du lac
Baïkal, de préférence en plein hiver ! Les deux types
d’activités sont louables mais n’impliquent pas les
mêmes moyens, la même logistique…
La rédaction du CV
Celui-ci sera réalisé sur le recto d’une feuille blanche A4 (on
considère qu’une page équivaut à dix ans d’expérience) ; il est
inutile d’indiquer Curriculum vitae, le recruteur s’en doute un
peu… La lecture de votre CV doit être facile : il faut donc qu’il
soit aéré avec des espaces entre les différentes rubriques. Soyez
sobre et cohérent dans l’emploi des mises en forme, évitez leur
multiplication (gras, italique, souligné). La taille standard des
caractères est 12 et l’interligne 1,5.

Évidemment votre CV doit être exempt de toute faute et rédigé


dans un registre courant. Relisez attentivement et faites-le relire
avant son envoi.

Postez-le dans une enveloppe de même format, au lieu de le


plier en quatre et de le glisser dans une petite enveloppe,
comme celle que l’on utilise pour écrire à sa grand-mère ou à
un proche.

Enfin, rappelez-vous que votre CV a comme objectif de


provoquer un rendez-vous d’entretien ; les informations qu’il
contient doivent donc être attractives et réelles : en d’autres
termes, il ne doit pas contenir des renseignements « arrangés »,
doux euphémisme pour « mensongers » ; car le recruteur n’est
pas nécessairement un « naïf », et s’il s’en aperçoit lors de
l’entretien, cela sera rédhibitoire…

La lettre de motivation
Elle accompagne votre CV et comme celui-ci doit être
différente et adaptée à chaque envoi.

Elle suppose aussi une phase de préparation où vous reprenez


l’analyse précise de l’offre d’emploi en identifiant les critères
du poste ; s’il s’agit d’une candidature spontanée, l’enquête sur
l’entreprise visée (sa raison sociale, son historique, son
organigramme, ses responsables, ses produits, son
implantation, sa place dans le secteur d’activités, etc.) est
indispensable pour motiver votre proposition. Ensuite, vous
mettez en face les atouts de votre profil et votre projet
professionnel (formation, expérience professionnelle).

Le CV est une sorte d’instantané qui présente les temps forts de


votre parcours ; la lettre de motivation, elle, a pour fonction
d’établir le contact entre une demande et une offre. Elle établit
une convergence d’intérêts entre un employeur et vous.

Zéro bla-bla
Pour accrocher et donner envie de vous rencontrer, évitez les
formules creuses du style « ce poste est vraiment très
intéressant », « je serais vraiment très heureux ». Préférez du
concret, des éléments qui montrent que vous connaissez le
poste, que vous êtes motivé : « J’ai déjà mené à bien plusieurs
missions en vue de la certification ISO 14001 » ; « Ce poste
réclame une mobilité géographique qui s’accorde bien avec ma
disponibilité et ma faculté d’adaptation ».

Organisation de la lettre de motivation


Elle comporte cinq éléments d’introduction :

l’émetteur, c’est-à-dire votre identité et vos


coordonnées ;
le lieu et la date de sa rédaction ;
le destinataire, qui est la personne censée lire ce
courrier ; ne lui rappelez pas son adresse, en revanche
précisez sa fonction ;
l’objet du courrier : rappelez qu’il s’agit d’une
candidature pour un emploi et la référence de la petite
annonce ;
la formule d’introduction : « Monsieur » ou
« Madame » ; si vous ne savez pas si le destinataire est
un homme ou une femme, ne mettez pas « Monsieur,
Madame » ; a priori cela n’existe pas ! Dans le doute,
mettez « Monsieur »… c’est l’usage même si
évidemment on perçoit le « machisme » qu’il connote.
Pour l’instant vous recherchez un emploi, plus tard
vous pourrez vous attaquez aux codes sociaux…

Puis vous organiserez votre texte en trois paragraphes :

dans le premier paragraphe, vous montrez que vous


connaissez l’entreprise et ses axes de développement ;
vous pouvez par exemple faire allusion à une
information lue dans la presse ;
dans le deuxième paragraphe, mettez en avant vos
compétences et vos qualités d’organisation qui
correspondent aux missions du poste auquel vous
postulez ;
dans le troisième paragraphe, vous sollicitez un
rendez-vous pour exposer plus avant votre motivation
pour le poste.

Enfin une formule de politesse. Faites simple, car cela n’a pas
grande importance, inutile de vous torturer l’esprit pour savoir
si vous devez mettre « l’assurance de ma considération
distinguée » ou « l’expression de mes sentiments les
meilleurs » : personne ne lit cette formule ! Faites le test :
prenez un courrier que vous avez reçu, que se passe-t-il ?
Arrivé à la lecture du dernier mot, du dernier paragraphe, vous
apercevez au-dessous la formule de politesse : votre lecture
cesse immédiatement, car la partie informative du courrier est
terminée. Votre œil a repéré la formule de politesse mais n’est
pas allé jusqu’à la lire. Mais attention, cela ne signifie pas qu’il
ne faut pas mettre cette formule ; elle fait partie d’un code
social, celui de la politesse : sa présence est obligatoire. Si vous
terminiez votre courrier sans elle, le destinataire s’en
apercevrait immédiatement et aurait une prévention à votre
égard, car il vous trouverait malpoli ! Curiosité des bonnes
manières ! Vous trouverez en annexe D une série de formules
selon les destinataires. Votre signature termine le courrier.

Votre lettre ne doit pas contenir de demande sur la


rémunération ; celle-ci se négocie lors de l’entretien. Si
l’annonce indique « prétentions exigées », notez dans votre
courrier que vous avez pris connaissance de la fourchette de
rémunération auprès d’organismes (Pôle emploi, l’APEC) mais
que vous souhaitez en discuter de vive voix.

La rédaction de la lettre de motivation


Comme pour le CV, votre lettre ne doit contenir aucune faute,
donc soyez vigilant. L’usage jusqu’à présent imposait une lettre
manuscrite, mais le traitement de texte est en train de modifier
la pratique ; si l’offre d’emploi précise « lettre manuscrite »,
l’affaire est réglée. Il faut donc être parfaitement lisible. Elle
sera rédigée à l’encre noire sur un recto de feuille blanche A4.
Prévoyez une marge à gauche (en général on y pense !) mais
aussi à droite (en général, on n’y pense pas !) ; si vous devez
couper un mot, faites-le après une syllabe. Pensez à mettre les
accents sur les mots et à ponctuer votre texte. Faites des
phrases courtes avec des verbes à la voix active et proscrivez
l’emploi de formules négatives.

Pour rire, mais à ne pas reproduire !


Voici une lettre de motivation qui a dû amuser beaucoup le
recruteur qui l’a reçue !

A. Bernard M. leDirecteur

29 rue Meurisiers Com-Informatique

56 Lorient 8 rue des Lilas


Tél. : Bordeaux 33000

V. R : votre annonce Sud-Ouest du 15 juin 2011-09-15

Monsieur,

Vous avez publié dans le quotidien Sud-Ouest daté du 15 juin


2010 une annonce pour le poste d’animateur en informatique.

Après l’obtention de mon bac il y a quelques mois, j’ai décidé


de poursuivre mes études à Lorient. Toutefois comme ma
famille habite Bordeaux, j’y retourne régulièrement,
notamment pendant les vacances ; c’est comme cela que j’ai
découvert votre annonce.

Celle-ci m’intéresse car elle correspond exactement à ce que


j’aime et je serai libre dès la fin des examens.

Grâce à ma formation, je maîtrise des logiciels très utilisés et


je connais le langage Pascal, assez le Turbo C, et les logiciels
Excel, Word, Access, Photoshop, MovieMaker.

Je passe beaucoup de temps devant mon ordinateur en utilisant


tous les logiciels nouveaux que je peux me procurer. Je lis
également de nombreux magazines d’informatique.

Mais si cette annonce a retenu toute mon attention, c’est parce


qu’elle me permettrait de revenir travailler dans ma région
natale. La chaleur bordelaise…

Je me tiens prêt pour vous rencontrer et mon CV joint vous


permettra déjà de me connaître.
Naturellement, pour la rémunération, comme ce serait mon
premier emploi, je ne serais pas gourmand.

Je vous prie d’agréer, Monsieur, mes salutations distinguées.

Cette lettre est une véritable catastrophe et on peut se demander


si le recruteur n’a pas convoqué son auteur uniquement pour
voir la tête de l’olibrius !

Faisons un rapide constat :

l’identité et les coordonnées sont incomplètes, sans


compter les fautes ;
le code postal et la ville du destinataire sont inversés
et l’adresse n’est pas vraiment utile, la personne sait où
elle réside !
l’année donnée dans la référence et celle du premier
paragraphe sont différentes ; de plus, les informations
sont redondantes ;
le postulant raconte sa vie dans le deuxième
paragraphe ;
dans le troisième paragraphe, le candidat suggère
qu’il n’est pas disponible !
l’énumération de ses connaissances informatiques
devrait se trouver dans son CV ;
ce n’est pas le poste qui l’intéresse mais la possibilité
de retourner dans sa région d’origine !
cerise sur le gâteau, la familiarité et la naïveté du
dernier paragraphe (« je ne serais pas gourmand »).

Difficile de faire pire !

Atelier d’écriture
Produisez un texte rédigé de 5 lignes pour chacune des
entrées suivantes :
mes principales qualités ;
ce que j’ai appris d’important pendant mes études ;
les raisons pour lesquelles j’ai choisi cette voie
professionnelle ;
mon expérience de travail préférée ;
une réussite dont je suis fier ;
un échec dont je peux parler ;
mon attitude en cas de désaccord avec ma hiérarchie ;
ce qui me fait perdre mon calme ;
ce que je pense de l’équilibre entre vie
professionnelle et vie personnelle ;
mon portrait du patron idéal.

Les écrits professionnels


Le CV et la lettre de motivation vous ont permis de décrocher
un entretien où vous avez su convaincre que vous étiez la
personne de la situation et vous avez été embauchée. Dans
votre quotidien professionnel vous allez donc rencontrer
plusieurs types d’écrits. Voici les principaux.

La lettre professionnelle
L’immédiateté de l’e-mail, qui favorise prise de contact et
échange rapide, concurrence fortement la lettre professionnelle,
autrefois voie habituelle pour toutes les correspondances.
Cependant celle-ci demeure incontournable pour officialiser
une relation avec un client, finaliser une démarche, souscrire un
contrat, faire une réclamation. Ce document écrit établit donc
une relation d’affaires.
Pas d’angoisse particulière à avoir pour ce type d’écrit ;
l’entreprise ou l’organisme dans lequel vous avez été embauché
possède déjà ses modèles types, à partir desquels vous
rédigerez avec votre traitement de texte ; il est également
probable que si l’entreprise est d’une certaine taille, un service
secrétariat se chargera de la mise en forme de votre courrier.

L’association française de normalisation (AFNOR) a établi en


juillet 1982 la norme NF Z 11-001 qui décrit très précisément
les différents aspects : le format, la mise en page, les marges et
les cinq parties qui constituent le document. Pour spatialiser
ces dernières, la norme parle de zones :

Zone 1 : située dans la partie supérieure de la lettre, il s’agit de


l’en-tête qui fournit tous les renseignements sur l’entreprise :
raison sociale ou nom de l’entreprise, forme juridique, montant
du capital social, adresse, téléphone, numéro d’inscription au
registre du commerce, numéro de SIRET pour les entreprises,
numéro de SIRENE pour les établissements (système
informatique de répertoire), numéro APE (classement par
activités économiques)…

Zone 2 : elle occupe une moitié gauche de la page et donne


essentiellement les coordonnées bancaires de l’expéditeur.

Zone 3 : elle occupe une moitié droite de la page et fournit les


informations sur le destinataire (nom, fonction, service,
adresse).

Zone 4 : c’est la partie principale de la lettre, commençant par


les différentes références, avec, sur la gauche, l’objet, le
signalement des pièces jointes, et sur la droite, le lieu et la date.
Puis, dessous, l’appellation (Monsieur, Madame, Monsieur le
Directeur…), suivie du corps de la lettre, et enfin la signature,
au bas à droite, avec la qualité du signataire, sa signature, et ses
nom et prénom en toutes lettres.
Zone 5 : située en bas de page, elle contient des informations
supplémentaires sur l’entreprise (heures d’ouverture, adresse
des succursales, adresse Internet, e-mail).

Conseils de mise en forme et de rédaction


La lettre doit tenir sur un recto format A4 (deux feuilles
maximum) et comporte des marges en haut, en bas, à gauche et
à droite. Choisissez un interligne simple et une police de
caractère lisible (Arial, Times New Roman).

L’appellation (on dit aussi la vedette ! c’est-à-dire la personne à


qui s’adresse le courrier) sera « Monsieur » si le destinataire est
un homme, « Madame » si c’est une femme ; si vous ignorez le
sexe du destinataire, n’écrivez pas « Monsieur, Madame » :
comme vous le savez, pour une immense majorité les êtres
humains sont l’un ou l’autre ! Évitez de donner du « Cher » ou
du « Chère », réservé à la correspondance privée. Si le
destinataire a une fonction importante, déjà signalée dans la
suscription, vous pouvez écrire « Monsieur le Directeur »,
« Madame la Directrice ». Comme vous représentez une entité,
utilisez le nous et faites l’accord au pluriel ; en revanche le
vous de politesse que vous adressez au destinataire entraîne
l’accord au singulier.

Utilisez une syntaxe simple avec des phrases qui ne dépassent


pas les deux lignes (environ 25 mots) ; la voix active, les temps
simples sont les plus efficaces ; laissez de côté, pour vos loisirs,
votre goût pour l’emploi du passé simple et du plus-que-
parfait !

Structurez en paragraphes le corps de votre lettre ; ils


marqueront les étapes de votre argumentation. Évidemment,
zéro faute !

L’e-mail
Né au début des années 1970, l’e-mail, ou courrier électronique
(ou courriel pour ne pas froisser les puristes de la langue
française), est devenu aujourd’hui un mode de communication
privilégié dans le monde du travail. Tellement privilégié que
parfois cela tourne à l’inflation et que les boîtes e-mail sont
saturées par quantité de messages inutiles et encombrants.

Votre manière d’utiliser votre messagerie est une sorte de carte


de visite et peut induire les relations que vous entretenez avec
vos collègues. Par exemple, envoyer un message à un collègue
qui se trouve dans le bureau voisin, à 2 mètres, pour lui
demander un renseignement, est l’exemple type d’un emploi
abusif de l’outil. Se déplacer, établir une communication
directe paraît plus souhaitable. Le bureau n’est pas une tanière
où l’on se réfugie, où l’on hiberne…

Quelques règles de bon usage :

Veillez à la pertinence de l’envoi ; votre nom ne doit


pas faire fuir le destinataire et lui donner la tentation de
vous passer à la corbeille.
Sélectionnez les messages que vous envoyez.
Évitez d’utiliser le courrier électronique comme
un kaléidoscope à idées ; vous courez le risque de ne
plus être lu ! et de finir en « indésirable » !
Le courrier électronique doit demeurer un texte
court et concis. Si votre texte fait plus d’une vingtaine
de lignes, mieux vaut alors créer un fichier avec votre
traitement de texte et l’envoyer en pièce jointe.
Cependant, ne confondez pas votre emploi de la
messagerie avec celui du SMS : certes, il faut
privilégier les phrases courtes et concises, mais
abstenez-vous du style télégraphique et soyez sobre
dans l’emploi des abréviations.
Pour les informations très importantes, privilégiez
l’envoi d’un document papier. N’oubliez pas que
l’attention accordée à un e-mail est moins grande que
pour un document papier.
L’e-mail ne vous dispense pas pour autant de
respecter les codes de l’écrit. Même s’il n’a pas la
matérialité d’un texte sur papier, rappelez-vous qu’il
reste un courrier, qu’il peut être imprimé et que son
utilisation vous échappe complètement. Cela suppose
donc de veiller à la syntaxe et à l’orthographe, de
garder un registre courant et de conserver les règles de
courtoisie : les formules Bonjour en début de texte et
Bonne journée, Cordialement ou À bientôt à la fin ne
doivent pas être oubliées.
Remplissez soigneusement la fenêtre « Objet », qui
doit alerter votre destinataire sur l’importance du
message que vous lui adressez.
Enfin, pour être efficace et ne pas avoir à retaper
chaque fois les mêmes informations, vous pouvez
prévoir une « signature » intégrant vos nom et
prénoms, fonction, numéros de téléphone et de
télécopie.

Le premier e-mail
C’est Ray Tomlinson, ingénieur travaillant pour le
projet Arpanet (l’ancêtre de l’Internet), qui a mis au
point le courrier électronique. À l’automne 1971, il
réalise deux programmes : le premier permet à
plusieurs utilisateurs d’un même ordinateur de se
laisser des messages ; le second permet la copie
simultanée d’un fichier sur tous les ordinateurs
d’Arpanet (à ce moment-là, 15 ordinateurs !). Il a
l’idée d’associer les deux programmes pour échanger
des messages entre deux ordinateurs. Il crée deux
boîtes aux lettres électroniques sur deux ordinateurs
qui sont dans la même pièce et fait passer un message
de l’un à l’autre. Il vient d’inventer le courrier
électronique, Netmail (pour Network Mail), qui
prendra le nom de e-mail un peu plus tard. La
première adresse électronique sera donc la sienne :
tomlinson@bbn-tenexa (BBN pour le nom de
l’employeur de Tomlinson et tenexa pour indiquer le
système d’exploitation utilisé, Tenex). Pour séparer le
nom de l’utilisateur et celui de l’ordinateur sur lequel
se trouve la boîte de réception, il a l’idée d’utiliser le
signe @ qui signifie en anglais « chez ».

Note d’information et note de service


Ces notes sont des documents internes à l’entreprise qui
assurent la communication entre les différents services. Elles
apparaissent sur un support papier à en-tête avec la charte
graphique de l’entreprise ; la plupart du temps, ce sont des
informations descendantes, c’est-à-dire une communication
hiérarchique.

La note d’information
Elle concerne la vie de l’entreprise et annonce la tenue de
réunions, la présence d’une consultation (médecine du travail),
des possibilités de formation, des arrivées ou des départs dans
l’entreprise, etc.

Elle sera organisée en deux ou trois paragraphes avec des


phrases courtes. Elle doit pouvoir être lue en quelques
minutes ; pensez qu’elle est affichée dans des lieux de pause ou
de passage. Elle n’est pas obligatoirement signée. Vous
emploierez un ton neutre. Évidemment lisez et relisez, et zéro
faute, sinon gare au commentaire assassin ! Voici un exemple
de structure :

Émetteur Destinataire(s)

Service (coordonnées) Service(s) (coordonnées)

Nom, prénom, fonction Nom(s), prénom(s), fonction(s)

Objet : une phrase Date


courte

Note d’information

Un texte structuré en paragraphes ; rappelez-vous que sa


lecture doit être aisée et rapide.

Une phrase d’introduction

1er paragraphe

2e paragraphe

3e paragraphe

Une conclusion

Une signature (facultative)

La note de service
Elle concerne le fonctionnement de la production de
l’entreprise et fournit un certain nombre de consignes à un
public ciblé ; c’est donc un document de travail. Elle a un
caractère directif (c’est une communication descendante) qui
ne doit pas vous empêcher de rester courtois et d’éviter les
formules agressives. Elle ne doit pas ouvrir la porte (quelle
image !) à des interprétations : vous devez choisir votre
vocabulaire et faire des phrases claires sans ambiguïté ; soyez
vigilant dans l’emploi des adverbes et des adjectifs qui peuvent
introduire des nuances contestables, de possibles
interprétations. De même, proscrivez l’emploi du conditionnel :
le présent et le futur sont les deux temps de la note de service !
Une formulation impersonnelle permet de mieux faire passer le
message et évite la personnalisation (surtout si le contenu de la
note est un rappel à l’ordre !).

Elle ne comporte pas d’appellation et de formule de politesse ;


la signature est obligatoire. Là aussi vous devez être
irréprochable sur l’orthographe et la syntaxe, car son affichage
public fait que la moindre faute sera repérée et qu’un feutre
rouge anonyme se fera un malin plaisir de l’entourer avec une
remarque censée faire rire tout le monde (sauf vous,
évidemment !). Et cette erreur fera passer au second plan le
message qu’elle contenait !

Exemple de structure

Émetteur Destinataire(s)

Service (coordonnées) Service (coordonnées)

Nom, prénom, fonction Nom, prénom, fonction

Action

Information

Archives
Objet Date

Note de service n°

Un texte structuré en paragraphes ; rappelez-vous que sa


lecture doit être aisée et rapide.

Une phrase d’introduction

1er paragraphe

2e paragraphe

3e paragraphe

Une conclusion

Une signature (obligatoire)

Le compte rendu
Comme la note d’information et la note de service, le compte
rendu est un document interne à l’entreprise qui transmet des
informations à des destinataires ciblés. Il rend compte à un
moment donné d’un événement (réunion, entretien, accident,
visite, mission) ou d’une activité. Souvent, comme dans le cas
d’une réunion, il s’agit de transmettre des informations orales
qui ont été tenues par différents participants ; on vous a confié
la charge d’en établir un compte rendu (en général, personne ne
se « bouscule » pour tenir ce rôle !). Vous allez donc travailler à
partir de votre prise de notes (voir chapitre 13).

Il s’agit pour vous d’être à la fois le plus objectif possible et le


plus synthétique dans votre restitution, pour que les personnes
présentes à la réunion se reconnaissent dans les propos que
vous leur attribuez et que les absents aient une vision globale et
fidèle.

Conseils de rédaction :

La première page de votre compte rendu indiquera la


date, l’ordre du jour, les participants (présents, absents,
excusés). Apparaîtront également votre nom (vous
avez suffisamment transpiré !) et la date de la
prochaine réunion.
Votre formulation sera donc neutre, sans implication
personnelle, et pourra faire usage (avec parcimonie)
des citations pour rapporter les propos des intervenants.
Votre compte rendu sera chronologique s’il suit
l’ordre du jour (mais celui-ci n’est pas toujours
respecté !) ou thématique si les différents points traités
ont fait l’objet de nombreux allers et retours, vous
proposerez alors des points de synthèse (faits, décisions
prises).
Organisez votre présentation en paragraphes
introduits par des titres qui synthétisent l’idée
principale.
Et comme toujours, zéro faute !

Le procès-verbal
Il possède toutes les caractéristiques du compte rendu
(document de travail) ; mais la différence notable est qu’il a
une valeur officielle et peut être opposé devant des
juridictions : à ce titre il doit être authentifié et validé par tous
les participants.

Il comporte des mentions obligatoires pour avoir valeur de


procès-verbal :
le nom et prénom du « rapporteur » (autrement dit
vous, le rédacteur) ;
l’ordre du jour, s’il s’agit d’une réunion ou l’objet, en
cas d’accident par exemple ;
les noms et prénoms des participants ou des témoins ;
le lieu, la date, les horaires d’ouverture et de
fermeture de la séance ;
le nom et la qualité du président de séance ;
le nom et la qualité du secrétaire de séance ;
le nom des participants, excusés, absents et
représentés, ou des témoins ;
la signature du ou des secrétaires de séance ;
le timbre.

Le rapport professionnel
Vous devez bâtir un argumentaire qui répond aux mêmes
exigences méthodologiques et rédactionnelles que celles d’une
dissertation et d’un rapport de stage. En revanche,
contrairement au compte rendu, il vous implique
complètement, car c’est votre qualification, vos compétences,
votre expertise qui sont requises pour ce travail.

Ne perdez jamais de vue le destinataire de votre rapport, la


plupart du temps, un niveau de votre hiérarchie ; votre texte,
contenant l’exposé d’une situation, l’analyse de l’existant et un
énoncé de propositions, de solutions, est un outil d’aide à la
décision.

Flash d’écriture
Aimez-vous la bière ? Oui ! Quelle chance !

Voici le processus de fabrication de la bière artisanale à


double fermentation. Le texte ci-dessous contient toutes les
informations nécessaires, mais nous avons glissé
volontairement des digressions. Après lecture, vous
rédigerez deux textes pour expliquer le processus le plus
simplement possible : le premier fera 10 lignes et le second
4 lignes.

La bière est une boisson très ancienne que buvaient déjà


les Égyptiens au temps de la construction des pyramides ;
ils appelaient cette boisson « le pain liquide » et la
consommaient avec des oignons. On imagine leur haleine
au pied des pyramides… Si vous avez de l’eau et des
céréales, vous pouvez faire de la bière : ainsi, si vous êtes
chinois, vous avez du riz ; si vous êtes mexicain, vous avez
du maïs ; si vous êtes africain, vous avez du mil ; si vous
êtes européen, vous avez du blé, de l’orge. Donc, pour
faire de la bière, vous avez besoin de quatre ingrédients :
de l’eau, du malt de céréales, du houblon, et de la levure.

Dites-vous que lorsque vous buvez de la bière, à plus de 90


% vous buvez de l’eau ! Et la qualité de l’eau est donc
primordiale : une bonne bière, c’est d’abord une bonne
eau ! Le deuxième ingrédient, c’est le malt, c’est-à-dire des
céréales qui ont subi deux transformations. D’abord, elles
ont été mises en germination pour obtenir une production
d’enzymes : au bout de quelques jours, des radicelles sont
apparus (comme ceux qui sortent des haricots secs mis
dans du coton humide près d’un radiateur). On dégerme et
on passe les grains dans un four ; cette opération s’appelle
le touraillage, c’est l’équivalent de la torréfaction pour le
café. La température à laquelle les grains sont grillés
déterminera la couleur, les arômes et la saveur de la bière
future (les températures sont comprises entre 135 °C et 210
°C). Le troisième ingrédient, c’est le houblon, et plus
précisément, la lupuline, une résine qui se trouve dans les
cônes femelles de la fleur de houblon ; c’est une substance
très amère qui va servir à assaisonner la bière ; c’est
l’équivalent d’une épice. Enfin, la levure permettra la
fermentation : c’est un champignon, un micro-organisme
vivant.

Dans un premier temps, on mélange du malt concassé avec


de l’eau et l’on chauffe dans une cuve pendant quatre
heures ; sous l’effet de la chaleur, les enzymes contenus
dans le malt dégradent l’amidon en sucres ; puis la pâte est
filtrée dans une deuxième cuve ; par gravité on obtient un
liquide, le moût de bière et les particules solides, les
drêches, sont retenues par le filtre. Ensuite on stérilise à
100 °C dans une troisième cuve ; pendant cette phase on
introduit une toute petite quantité de houblon (environ 2,5
kg pour 4 000 litres). Le mélange obtenu est donc saturé en
sucres, stérile et assaisonné par le houblon. Il est refroidi
par un échangeur à plaques, puis envoyé dans un
fermenteur où l’on introduit la levure : celle-ci assimile les
sucres et produit trois effets. Elle chauffe le mélange et
l’on doit contrôler la température à l’aide d’un liquide de
refroidissement qui passe dans la double paroi du
fermenteur, pour éviter une trop grande chaleur qui cuirait
la levure. Ensuite elle produit du gaz carbonique qui
s’échappe par des soupapes de sécurité (comme sur une
Cocotte-minute) ; enfin elle donne de l’alcool. Quand le
volume d’alcool est atteint, on stoppe la fermentation et on
filtre la bière. Celle-ci est envoyée se reposer pendant
quinze jours dans un réservoir. À ce stade, il s’agit bien de
bière, mais elle est plate, car le gaz carbonique s’est
échappé. C’est pourquoi, avant la mise en bouteille, on
remet dans le mélange un peu de sucre et de levure. Les
bouteilles sont acheminées vers une chambre chaude où la
température permet à la levure contenue dans la bouteille
d’assimiler le sucre et de faire ainsi du pétillant. Au bout
d’environ trois semaines la bière est prête pour la
consommation.

Si l’atelier vous a donné chaud et soif, vous savez ce qu’il vous


reste à faire…
Ayez à portée de main un dictionnaire (aujourd’hui, vous
pouvez également consulter plusieurs dictionnaires en ligne sur
Internet, notamment le TLFI, Trésor de la Langue Française
Informatisé) ; pour le reste vous trouverez en annexe, dans cet
ouvrage, les principales règles d’accord et un tableau des
conjugaisons à consulter sans modération dès que vous avez le
moindre doute…

Un point sur les pouvoirs de Power Point


Aujourd’hui pas une réunion, le moindre exposé ou la moindre
intervention sans l’emploi d’une animation Power Point :
même si on considère qu’il s’agit d’un support visuel sur lequel
pourront apparaître des images, des graphiques, des tableaux
statistiques, des schémas, il y aura nécessairement des
informations écrites. L’écrit sur ce support ne ressemble pas à
celui d’un texte rédigé sur un support papier. Faute de ne pas en
tenir compte, certaines animations Power Point sont
parfaitement illisibles et inefficaces dans la situation de
communication.

D’abord à quoi sert Power Point ?


Trois fonctions principales :
1. Lancer votre discours, par un mot, une expression, une formule :
2. Permettre un point de synthèse après une démonstration, un point
important que vous souhaitez souligner ;
3. Fournir un support visuel : schéma, graphique, statistiques, procédure
de fabrication, que vous commentez, analysez.
Mais n’oubliez jamais que c’est vous qui faites l’intervention
orale et qu’il ne s’agit donc pas de mettre tout votre discours
sur les diapositives.
Que mettre sur la diapositive (se dit « slide » de l’autre
côté de la Manche) ?
Au maximum six entrées sous forme de mots ou de courtes
phrases ; au-delà vous risquez la saturation de votre
diapositive.

Des schémas, des graphiques, des images, qui vous éviteront de


faire de longues descriptions et permettront à l’auditoire de
« visualiser » votre commentaire, votre analyse.

Pensez à animer vos diapositives pour faire apparaître les


informations une par une : ainsi, vous évitez de montrer les
différentes entrées en un seul clic, car l’auditoire continuerait à
lire la diapositive pendant que vous parleriez du premier point !

Attention, trop souvent les diapositives sont surchargées de


texte que l’orateur s’empresse de lire, se transformant du coup
en lecteur, tournant le dos à son auditoire, ce qui, vous en
conviendrez, ne correspond pas une situation de
communication performante.

Enfin, soyez vigilant avec l’orthographe, le vidéoprojecteur


agrandit tout, y compris et surtout les fautes !
Chapitre 15

L’atelier expression de soi

Dans ce chapitre :
Des écrivains et le moi
Les écrits du moi
Moi, j’écris « moi »

Moi, je, à mon avis, personnellement, en ce qui me concerne,


pour prendre mon cas personnel, je crois, je pense, j’éprouve,
j’aime, je déteste, j’ai vu, je refuse, j’accepte, j’ai envie, j’ai
besoin, moi, moi, moi, moi…

Si depuis le film d’Étienne Chatiliez en 1988, nous savons que


la vie n’est pas toujours « un long fleuve tranquille », la
raconter est sans doute une des activités humaines les plus
anciennes. Là réside sans doute une part de la magie de
l’écriture : ce pouvoir de raconter la vie des autres, des vies
imaginaires ou le récit de sa propre vie. Depuis l’Apologie de
Socrate (IVe avant J.-C.) de Platon, en passant par les
Confessions (398 et 1782) de Saint-Augustin ou de Jean-
Jacques Rousseau, Sido (1929) de Colette, les Mémoires
d’Hadrien (1951) de Marguerite Yourcenar, À l’ami qui ne m’a
pas sauvé (1990) d’Hervé Guibert, jusqu’à la mode actuelle de
« l’autofiction » (Annie Ernaux, Christine Angot, Catherine
Cusset), le « moi », le mien ou celui d’un autre, nourrit les
projets d’écriture.
Dans ce chapitre, vous trouverez des outils pour écrire sur le
moi sans trop d’émois ! Journal intime, récit de vie,
autobiographie : aujourd’hui l’engouement pour ces textes est
tel que de nombreux rédacteurs professionnels proposent leurs
services (payants, et c’est normal, car c’est un vrai travail !)
pour réaliser ces productions. Et si vous le faisiez vous-même ?
Ce serait aussi un vrai travail, mais également un vrai plaisir !
Écrire pour les Nuls vous propose donc ici un atelier d’écriture
qui vous permettra d’établir, à votre rythme, le dispositif pour
réaliser ces écrits personnels.

Mais vous mesurez bien que saisir ou tenter de saisir son moi,
ses moi successifs, ou simultanément (véritable gageure,
non ?), suppose à la fois un travail d’écriture régulier à travers
un journal intime, ou un exercice d’anamnèse, c’est-à-dire de
reconstruction du passé qui n’est pas toujours simple et peut
s’avérer douloureux et plein de surprises, pas nécessairement
bonnes, mais en même temps exaltant comme un terrain
d’aventures.

Le journal intime
Pour qui écrivez-vous ce journal intime ? Soyez clair avec
vous-même, sachant que vous pouvez évoluer dans vos
intentions.

Si le journal vous permet comme dans une séance chez un


psychanalyste d’explorer des zones intimes de votre
personnalité, de votre histoire, il est vraisemblable que cette
écriture d’introspection n’est pas destinée à être lue par autrui.
Son contenu, sa forme vous appartiennent et cela restera scellé
entre « vous » et « vous ». Ce qui signifie qu’il vous faudra
trouver le moment et le lieu pour l’écrire en toute quiétude.
Que vous écriviez sur un carnet, un cahier, à l’aide d’un
traitement de texte, vous devrez trouver le moyen de le
préserver de tout regard extérieur.

Un rendez-vous avec soi ; une pause ; un cheminement : vous


posez des jalons que vous pourrez ensuite observer pour
mesurer le chemin parcouru. Ce que vous pensiez, écriviez il y
a quelques années, est-ce toujours d’actualité, pertinent ? Le
journal intime devient alors une espèce de double qui retient
celui que l’on a été à un moment ; il joue le rôle d’un miroir
toujours prêt à nous renvoyer les reflets du passé. Dans ses
Essais (1582-1592) Montaigne expliquait doctement sa
croyance dans le stoïcisme : ainsi, il affirmait qu’il fallait
s’endurcir et se préparer tous les jours à l’idée de sa propre
mort pour pouvoir l’affronter avec sérénité et force l’heure
venue. Et patatras ! Montaigne raconte qu’il fait une mauvaise
chute de cheval, frôle la mort de très près comme l’on dit
(effrayante métaphore !). Quelle leçon en tire-t-il ? Il avoue
avec sincérité qu’il a eu très peur de mourir et que s’il avait
fallu se cacher sous la peau d’un âne (curieuse idée !) pour y
échapper, il n’aurait pas hésiter un seul instant, tant l’idée de
mourir lui est apparue insupportable et terrible. Sa belle
philosophie n’avait pas résisté à l’épreuve. Le journal intime
peut avoir cette fonction de mémoire et fixer dans le temps
celui ou celle que vous avez été et n’êtes plus…

Certains écrivains utilisent aussi leur journal intime comme une


espèce de laboratoire où leurs thèmes de prédilection sont
posés, testés, et ont dans l’idée que le journal pourra perdre un
jour de son « intimité » en étant publié.

Finalement, intime ou pas, votre journal vit à votre rythme :


libre à vous de l’ouvrir ou de le refermer… À l’école de
Michel, Jean-Jacques et Victor.

Pourquoi éprouvons-nous le besoin de prendre notre vie pour la


mettre en mots ? Des centaines d’ouvrages ont apporté leurs
réponses à cette question. En voici trois, choisies parmi des
géants de notre littérature. Peut-être y retrouverez-vous des
échos de vos propres motivations…

Le projet de Michel
C’est icy un livre de bonne foy, lecteur. Il t’advertit dés l’entree,
que je ne m’y suis proposé aucune fin, que domestique et
privee : je n’y ay eu nulle consideration de ton service, ny de
ma gloire : mes forces ne sont pas capables d’un tel dessein. Je
l’ay voüé à la commodité particuliere de mes parens et amis : à
ce que m’ayans perdu (ce qu’ils ont à faire bien tost) ils y
puissent retrouver aucuns traicts de mes conditions et humeurs,
et que par ce moyen ils nourrissent plus entiere et plus vifve, la
connoissance qu’ils ont eu de moy. Si c’eust esté pour
rechercher la faveur du monde, je me fusse paré de beautez
empruntees. Je veux qu’on m’y voye en ma façon simple,
naturelle et ordinaire, sans estude et artifice : car c’est moy
que je peins. Mes defauts s’y liront au vif, mes imperfections et
ma forme naïfve, autant que la reverence publique me l’a
permis. Que si j’eusse esté parmy ces nations qu’on dit vivre
encore souz la douce liberté des premieres loix de nature, je
t’asseure que je m’y fusse tres volontiers peint tout entier, Et
tout nud. Ainsi, Lecteur, je suis moy-mesme la matiere de mon
livre : ce n’est pas raison que tu employes ton loisir en un
subject si frivole et si vain. A Dieu donq. De Montaigne, ce 12
de juin 1580.

Montaigne, Essais, 1582-1592.

Les pistes de Montaigne que vous pouvez utiliser

laisser un souvenir à ses proches ;


se montrer tel que l’on est « sans étude et artifice » ;
faire son autoportrait (« c’est moi que je peins ») ;
une certaine réserve (« je m’y fusse très volontiers
peint tout entier »).
Le projet de Jean-Jacques
Je forme une entreprise qui n’eut jamais d’exemple, et dont
l’exécution n’aura point d’imitateur. Je veux montrer à mes
semblables un homme dans toute la vérité de la nature ; et cet
homme, ce sera moi.

Moi seul. Je sens mon cœur, et je connais les hommes. Je ne


suis fait comme aucun de ceux que j’ai vus ; j’ose croire n’être
fait comme aucun de ceux qui existent. Si je ne vaux pas mieux,
au moins je suis autre. Si la nature a bien ou mal fait de briser
le moule dans lequel elle m’a jeté, c’est ce dont on ne peut
juger qu’après m’avoir lu.

Que la trompette du jugement dernier sonne quand elle voudra,


je viendrai, ce livre à la main, me présenter devant le
souverain juge. Je dirai hautement : Voilà ce que j’ai fait, ce
que j’ai pensé, ce que je fus. J’ai dit le bien et le mal avec la
même franchise. Je n’ai rien tu de mauvais, rien ajouté de
bon ; et s’il m’est arrivé d’employer quelque ornement
indifférent, ce n’a jamais été que pour remplir un vide
occasionné par mon défaut de mémoire. J’ai pu supposer vrai
ce que je savais avoir pu l’être, jamais ce que je savais être
faux. Je me suis montré tel que je fus : méprisable et vil quand
je l’ai été ; bon, généreux, sublime, quand je l’ai été : j’ai
dévoilé mon intérieur tel que tu l’as vu toi-même. Être éternel,
rassemble autour de moi l’innombrable foule de mes
semblables ; qu’ils écoutent mes confessions, qu’ils gémissent
de mes indignités, qu’ils rougissent de mes misères. Que
chacun d’eux découvre à son tour son cœur au pied de ton
trône avec la même sincérité, et puis qu’un seul te dise, s’il
l’ose : je fus meilleur que cet homme-là.

Jean-Jacques Rousseau, Confessions, 1782-1789.

Les pistes de Rousseau que vous pouvez utiliser


un récit qui cherche à faire un bilan et un portrait
moral sans concession (« Voilà ce que j’ai fait, ce que
j’ai pensé, ce que je fus. J’ai dit le bien et le mal avec
la même franchise. Je n’ai rien tu de mauvais, rien
ajouté de bon ») ;
un texte pour faire réfléchir sur ses propres actions ;
une volonté de réhabilitation.

Le projet de Victor
Qu’est-ce que les Contemplations ? C’est ce qu’on pourrait
appeler, si le mot n’avait quelque prétention, les Mémoires
d’une âme.

Ce sont, en effet, toutes les impressions, tous les souvenirs,


toutes les réalités, tous les fantômes vagues, riants ou funèbres,
que peut contenir une conscience, revenus et rappelés, rayon à
rayon, soupir à soupir, et mêlés dans la même nuée sombre.
C’est l’existence humaine sortant de l’énigme du berceau et
aboutissant à l’énigme du cercueil ; c’est un esprit qui marche
de lueur en lueur en laissant derrière lui la jeunesse, l’amour,
l’illusion, le combat, le désespoir, et qui s’arrête éperdu « au
bord de l’infini ». Cela commence par un sourire, continue par
un sanglot, et finit par un bruit du clairon de l’abîme.

Une destinée est écrite là jour à jour.

Est-ce donc la vie d’un homme ? Oui, et la vie des autres


hommes aussi. Nul de nous n’a l’honneur d’avoir une vie qui
soit à lui. Ma vie est la vôtre, votre vie est la mienne, vous vivez
ce que je vis ; la destinée est une. Prenez donc ce miroir, et
regardez-vous-y. On se plaint quelquefois des écrivains qui
disent moi. Parlez-nous de nous, leur crie-t-on. Hélas ! Quand
je vous parle de moi, je vous parle de vous. Comment ne le
sentez-vous pas ? Ah ! insensé, qui crois que je ne suis pas toi !
Victor Hugo, Préface des Contemplations, 1856.

Les pistes de Hugo

un examen de conscience ;
l’histoire d’une vie (« C’est l’existence humaine
sortant de l’énigme du berceau et aboutissant à
l’énigme du cercueil ») ;
le partage d’une expérience humaine (« Quand je
vous parle de moi, je vous parle de vous »).

Colette ou l’art du récit


autobiographique
Poésie, amour d’une mère, appréhension sensuelle du
monde, nostalgie de l’enfance, mais surtout bonheur
d’avoir vécu. Savourez cette page de Colette.

Ma mère me laissait partir, après m’avoir nommée


« Beauté, Joyau-tout-en-or » ; elle regardait courir et
décroître sur la pente son œuvre – « chef-d’œuvre »,
disait-elle. J’étais peut-être jolie ; ma mère et mes
portraits de ce temps-là ne sont pas toujours
d’accord… Je l’étais à cause de mon âge et du lever
du jour, à cause des yeux bleus assombris par la
verdure, des cheveux blonds qui ne seraient lissés
qu’à mon retour, et de ma supériorité d’enfant éveillé
sur les autres enfants endormis.
Je revenais à la cloche de la première messe. Mais
pas avant d’avoir mangé tout mon saoul, pas avant
d’avoir, dans les bois, décrit un grand circuit de chien
de chasse seul, et goûté l’eau de deux sources
perdues, que je révérais.

Colette, Sido, 1929 (Fayard, 2004).

C’est à vous !
Voilà, la littérature nous a fourni de beaux exemples de récits
où le « moi » est le thème central. À votre tour de vous essayer
à cette approche à la fois attrayante et mystérieuse d’une
personnalité (la vôtre ou celle d’un proche) par l’entremise des
mots.

Écrire la biographie d’un proche


Un membre de votre famille souhaite (ou la demande lui en est
faite) laisser un témoignage pour les générations futures ; vous
avez été chargé, ou vous avez décidé, d’écrire son récit de vie.
Comment s’y prendre ? Voici les principales étapes à suivre
pour mener à bien cette entreprise d’écriture.

1re étape : le contact


Avant d’écrire quoi que ce soit, il faut naturellement établir un
contact chaleureux et ouvert avec la personne dont vous allez
établir la biographie. La difficulté peut venir du statut filial :
par exemple, s’il s’agit d’un grand-parent, il y a des aspects de
sa vie qu’il n’aura pas forcément envie de dévoiler devant un
de ses petits-enfants (un drame personnel, une rupture
sentimentale). Pour créer un climat de confiance, il faut donc
définir avec elle le cadre de la restitution, quitte à le faire
évoluer par la suite.
2e étape : la mise au point d’un planning
Vous allez prévoir des séances d’entretien avec la personne
pour donner une régularité à vos rencontres et ainsi les
ritualiser. Il n’y a pas vraiment de standard en matière de
nombre de séances, mais vous pouvez prévoir entre cinq et dix
séances pour recueillir les informations. La durée moyenne
d’une séance peut être de deux heures.

3e étape : la séance de captation


Nous vous conseillons vivement l’usage d’un appareil pour
enregistrer vos entretiens (type enregistreur vocal numérique) ;
cela vous permet de regarder votre interlocuteur et de pouvoir
dialoguer avec lui ; la prise de notes vous éloigne et ne vous
rend pas disponible pour l’échange. Autre avantage, vous avez
une archive sonore fidèle que vous pourrez consulter à tout
moment et qui vous permettra aussi de retrouver une ambiance,
une émotion que vous voulez décrire.

Le déroulement de l’entretien peut suivre une trame


chronologique ou thématique ; il sera judicieux de prévenir la
personne interrogée sur la nature de la séance pour qu’elle
puisse s’y préparer, se plonger dans ses souvenirs, retrouver
des anecdotes, chercher dans ses albums photos, etc.

4e étape : le travail de transcription


À partir des entretiens, vous allez réaliser une version écrite la
plus fidèle possible des entretiens ; ce sera votre matériau
principal pour la future rédaction. Faites ce travail de
transcription le plus près possible de l’entretien.

5e étape : documents et témoignages


Parallèlement aux séances d’entretien, vous lancerez une
opération pour recueillir documents et témoignages dans
l’entourage (ceux-ci peuvent se faire par le biais de courriers
ou de rencontres).

6e étape : le plan du récit de vie


L’organisation chronologique est la plus évidente : enfance,
adolescence, âge adulte. Vous pouvez vous documenter
également sur la période historique pour établir ensuite des
liens, des incidences entre l’histoire que vous allez écrire et
l’Histoire déjà écrite.

7e étape : validation du plan et des informations


Au cours de la dernière séance, vous montrerez un plan détaillé
du récit à la personne concernée et vous lui demanderez de
valider les informations que vous allez mettre dans le récit,
surtout celles qui ont un fort caractère intime et émotionnel, car
parfois, dans l’élan de l’entretien et de la confidence, vous
aurez recueilli des faits que finalement la personne ne souhaite
pas voir dévoilés.

8e étape : la rédaction
Le style adopté devra être en adéquation avec la personnalité
décrite. Essayez d’introduire les mots, les tournures qu’elle a
l’habitude d’employer. Il faudra établir avec elle le point de vue
narratif : rédiger à la première personne ou adopter un point de
vue extérieur. Par expérience, nous vous conseillons le récit à
la première personne, plus vivant et qui donne plus une valeur
de témoignage et de transmission au récit. Il vous faudra
trouver ce subtil dosage (si possible savant, mais tellement
difficile à obtenir !) entre des portraits, des descriptions, des
points d’histoire, des anecdotes, des scènes, des dialogues,
l’expression des émotions et des sentiments.

9e étape : la lecture
Avant le tirage, proposez à la personne (si elle est d’accord) la
lecture de certains passages. Observez bien sa façon
d’accueillir le texte et n’hésitez pas à modifier si vous sentez
que certains extraits, certains mots ou formules la gênent,
surtout si vous avez retenu l’emploi du « je ».

10e étape : l’édition


Aujourd’hui, grâce à l’impression numérique, vous pouvez
faire éditer un récit de vie pour une somme modique. Ainsi, si
vous prenez en charge la mise en page (ou une de vos
connaissances), vous trouverez facilement un imprimeur qui
réalisera un tirage de 50 exemplaires d’un livre de 100 pages
avec illustrations (sur un papier de qualité) pour environ 500
euros (soit 10 euros l’exemplaire) ; vous aurez la maquette à
contrôler et le bon à tirer à ordonner. Et le plaisir d’avoir réalisé
quelque chose d’unique !

Un exemple d’organisation pour un récit de vie

C’est une personne qui a quatre-vingt ans. La première partie


correspond à sa vie avec ses parents et sa famille en Bretagne ;
les événements historiques marquants sont présents en
filigrane. La deuxième partie est consacrée à sa vie d’adulte, sa
vie sentimentale, la création de sa famille, ses enfants et des
événements douloureux (pertes, disparitions). La troisième
partie sollicite les témoignages des proches, des amis qui
fournissent des anecdotes remarquables et significatives où la
personne intervient ; un arbre généalogique (différents modèles
sont possibles) a été dressé (cela suppose un vrai travail
d’enquête et de documentation) ; enfin un album
photographique, constitué à partir des différents fonds
familiaux et organisé de manière chronologique ou/et
thématique, complète cette histoire de vie.
Première partie : Ma vie en Bretagne
I. Mes premières années à Auray
II. Mes parents
III. La guerre de mon père
IV. Ma jeunesse
V. L’autre guerre, celle de 39-45
VI. Après la guerre
Deuxième partie : La montée à Paris et le retour en
Bretagne
I. Ma rencontre avec Juliette
II. La vie dans le XIIe arrondissement
III. Mes enfants
IV. La vie qui va
V. Le chagrin
Troisième partie : Des mots, un arbre, des images
I. Des mots pour moi
II. Un arbre, des branches
III. Des images

Écrire son autobiographie


Avant de vous lancer dans votre travail autobiographique, nous
vous conseillons de prendre un temps pour faire des lectures :

D’abord vous pouvez lire des nouvelles pour


repérer leur construction (voir le chapitre 16) et leur
art de la concision, car vous souhaiterez faire des
descriptions, raconter des faits, brosser des portraits,
faire parler des personnes, évoquer des sentiments.
C’est la meilleure école. Les nouvelles et les contes de
Guy de Maupassant, de Prosper Mérimée, d’Alphonse
Daudet vous donneront de précieuses indications.
Lisez aussi quelques récits autobiographiques.
D’abord ceux qui passent par le biais du romanesque :
Chateaubriand, René (1802) ; Jules Vallès, L’Enfant
(1879), Alfred de Musset, Confession d’un enfant du
siècle (1836) ; Colette, Sido (1929) ; Marguerite Duras,
L’Amant (1984). Puis ceux qui sont des essais, des
réflexions, des bilans : Jean-Jacques Rousseau,
Confessions (1782-1789) ; Jean-Paul Sartre, Les Mots
(1963) ; Nathalie Sarraute, Enfance (1983). Ces
quelques ouvrages sont bien sûr des indications, vous
en trouverez bien d’autres dans le genre
autobiographique, le « moi » est intarissable !

Comprenons-nous bien, il ne s’agit pas de vous lancer sur les


traces de ces grands écrivains (encore que si l’envie vous en
prend, n’hésitez pas, mais c’est une autre aventure !), non ici,
l’ambition est plus modeste : repérer la manière dont la vie est
racontée, la façon de mettre en relief les éléments saillants le
savant mélange entre l’histoire personnelle, la trajectoire
individuelle et l’histoire de la société qui l’accompagne.

Dans son ouvrage Le Pacte autobiographique (1975), Philippe


Lejeune définit ainsi le genre autobiographique : Récit
rétrospectif en prose qu’une personne réelle fait de sa propre
existence lorsqu’elle met l’accent sur sa vie individuelle, en
particulier sur l’histoire de sa personnalité.

Aujourd’hui certains n’hésitent pas à écrire leurs Mémoires ou


leur autobiographie à vingt ans ! C’est possible, mais vous
percevez toute la présomption, la fatuité que suppose une telle
démarche. Le mieux est peut-être de laisser « l’eau couler sous
les ponts » un peu plus longtemps avant de faire « couler
l’encre des souvenirs ». Mais rien ne vous empêche de poser
des jalons, de faire des « galops d’essai » ! Transmettre un récit
de vie à ses proches, laisser une trace tangible de sa vie.
L’ordre chronologique est le plus simple et semble s’imposer.
L’enfance, l’adolescence, et ensuite les grandes étapes de la vie
adulte sont les grandes divisions temporelles que vous
adopterez. Évidemment, vous aurez à décider de l’importance
que vous leur accordez, cela vous appartient.

À partir de là, vous pouvez organiser des cahiers ou des fichiers


de traitement dans lesquels vous intégrerez les informations. À
ce stade, ne vous préoccupez pas de la forme et du style. Soyez
surtout attentif à capter les souvenirs quand ils se présentent.
Attention, parfois, ils ne préviennent pas et débarquent de
façon intempestive ; ayez toujours de quoi écrire et prendre des
notes (sinon improvisez ! un bout de nappe, un mouchoir en
papier, là c’est vrai, ce n’est pas évident d’écrire dessus, une
facturette, un prospectus, un journal, etc.).

1re étape, la collecte


Le travail d’anamnèse, la recherche des souvenirs, les vôtres
mais aussi ceux de votre entourage.

2e étape : l’organisation
Indispensable, si vous voulez utiliser avec profit le contenu du
« grenier » : il faut organiser la masse documentaire et des
souvenirs de manière chronologique et thématique.

3e étape : le plan de votre récit de vie


Là encore, l’organisation chronologique (enfance, adolescence,
âge adulte) est la plus évidente, mais elle peut se croiser avec
des entrées thématiques (amitié, amour, joie, bonheur, peine,
souffrance, mort, etc.). Vous pouvez également vous
documenter sur la période historique pour établir ensuite des
liens, des incidences entre l’histoire que vous allez écrire et
l’Histoire déjà écrite.
4e étape : la phase de rédaction
Contrairement à l’écriture d’une biographie pour un proche qui
vous engage dans une sorte de contrat moral, ici (même s’il
s’agit d’une demande familiale) vous êtes le seul maître à bord,
et la difficulté mais aussi l’impératif, c’est de se fixer des
échéances de réalisation, sinon votre projet risque d’attendre,
d’attendre, d’être repoussé à ces fameuses calendes grecques,
bref de sombrer dans une procrastination stérile.

5e étape : la phase de correction


Prenez votre temps ; relisez tranquillement les différents
chapitres. Faites comme Flaubert, lisez à voix haute votre texte,
c’est un excellent moyen pour repérer des maladresses de
formulation, des phrases trop longues. Gardez à portée de main
vos dictionnaires préférés, n’hésitez pas non plus à traquer les
répétitions et à ouvrir régulièrement votre dictionnaire des
synonymes.

6e étape : l’édition (voir ci-dessus)


Quand écrire ?

Travail d’écriture improvisé ou organisation d’un rituel


d’écriture (le matin très tôt quand tout le monde dort, le soir
très tard quand tout le monde dort !) ; seul, dans un lieu, dans
votre bureau, dans la cuisine, dans votre voiture sur un parking,
etc. La règle, c’est qu’il n’y en a pas !

Où écrire ?

L’idéal évidemment, c’est d’avoir un lieu à soi, un bureau, une


pièce dédiée où vous pourrez en toute quiétude écrire et
disposer comme bon vous semble vos documents, vos écrits.
Si ce n’est pas commode chez vous, pensez à la médiathèque, à
la bibliothèque municipale ou universitaire ; vous serez dans un
univers de livres propice à l’écriture. Aujourd’hui la plupart de
ces lieux offrent des endroits isolés, protégés, dédiés à une
seule personne, où vous pourrez écrire tranquillement. L’autre
avantage, c’est que vous ne serez pas dérangé par votre
entourage familial et que vous n’aurez pas à répondre à leur
curiosité si vous avez décidé de garder secret un temps votre
projet.

Des « embrayeurs » pour activer votre mémoire, votre récit :

un plat ;
un jeu d’enfance ;
un ami ;
une odeur ;
un objet ;
une saveur ;
un lieu ;
un moment ;
une maison ;
une parole ;
un mot ;
une cicatrice (physique ou morale !) ;
une musique ;
une chanson ;
un visage ;
une expression ;
un livre ;
un film ;
un mariage ;
une rencontre ;
un métier ;
un sentiment ;
un ressentiment ;
un enterrement ;
une peinture ;
un album de photographies ;
un modèle automobile.
Chapitre 16

L’atelier créatif

Dans ce chapitre :
La vie est un roman, écrivez-le
Vous rêvez de refaire le cercle des poètes
Écrivez votre texte pour aller « brûler les planches »
Vous voulez faire votre « cinéma »

Écouter, lire des histoires est un plaisir qui nous renvoie à la


petite enfance : temps où notre imaginaire est prêt à accueillir
sans douter les fées, les sortilèges, les pays lointains et
extraordinaires, les héros et les héroïnes dont nous prenons
sans retenue les traits pour partir dans des aventures magiques
affronter mille et un dangers. Évidemment, nous ignorons alors
que derrière ces mots qui nous transportent se cache une
machinerie à rêves construite patiemment par un écrivain. Plus
tard, nous découvrons le plaisir des récits romanesques,
l’étrange pouvoir de la poésie et des histoires incarnées sur
scène par des comédiens en chair et en os, et en images sur les
écrans de cinéma. Aujourd’hui, vous avez décidé de passer de
l’autre côté et de bâtir à votre tour vos propres fictions ; Écrire
pour les Nuls vous propose une visite guidée des principaux
rouages de cette mécanique dont vous allez devenir le créateur.
Tout au long du chapitre vous pourrez entrer dans des ateliers
d’écriture et mettre en application ce que vous venez de lire.
La fabrique romanesque
Les principes de construction d’un texte romanesque sont
relativement simples (vous avez bien noté que l’adverbe
relativement introduit une nuance – une modalisation diraient
les grammairiens – dont l’ampleur est « extrêmement »
variable !). Nous présenterons ici les quatre éléments
principaux qui feront « vivre » votre fiction : l’intrigue, les
personnages, l’espace romanesque et le temps romanesque. Ce
sont eux que vous devrez patiemment élaborer pour créer votre
histoire.

L’intrigue
Vous avez sans doute déjà entendu cette formule selon laquelle
un bon roman c’est d’abord une histoire, puis une histoire et
enfin une histoire… Derrière cette pirouette, ce qui est souligné
avec insistance (oui, au bout de trois fois, on peut parler
d’insistance !), c’est la nécessité d’avoir des situations à
décrire, des personnages à mettre en action, des événements à
raconter. Ainsi, nous voici, vous voici devant le premier
élément à trouver : l’intrigue, c’est-à-dire la fiction qui portera
la succession de faits, d’aventures. Les sources sont multiples :
un rêve que vous avez fait, un mot, une phrase, une idée, un
visage, une situation vue ou vécue, un événement connu ou
vécu, une lecture, un lieu, un tableau, une image, etc.

Une fois l’intrigue trouvée, vous allez assurer sa progression


par étapes.

Une situation initiale


Elle commence par une ouverture (l’incipit) où vous donnerez
des informations au lecteur qui, pour l’instant, ne connaît que
le titre. Vous pouvez lui fournir d’emblée des réponses aux
questions suivantes : où, d’où, pourquoi, qui, comment ?
Il y avait à Montmartre, au troisième étage du 75 bis
de la rue d’Orchampt, un excellent homme nommé
Dutilleul qui possédait le don singulier de passer à
travers les murs sans en être incommodé. Il portait un
binocle, une petite barbiche noire, et il était employé
de troisième classe au ministère de l’Enregistrement.
En hiver, il se rendait à son bureau par l’autobus, et, à
la belle saison, il faisait le trajet à pied, sous son
chapeau melon.

Marcel Aymé, Le Passe-Muraille, 1943 (coll.


Folio, Gallimard, 1973).

Mais libre à vous de ne pas répondre à toutes ces attentes, de


ménager des effets (de surprise ?) ou de commencer en pleine
action (in media res, disent les spécialistes, ça fait plus chic !),
comme si l’histoire n’avait pas attendu le lecteur pour débuter.

Puis-je, monsieur, vous proposer mes services, sans


risquer d’être importun ? Je crains que vous ne
sachiez vous faire entendre de l’estimable gorille qui
préside aux destinées de cet établissement. Il ne parle,
en effet, que le hollandais. À moins que vous ne
m’autorisiez à plaider votre cause, il ne devinera pas
que vous désirez du genièvre.

Albert Camus, La Chute, 1956 (coll. Folio,


Gallimard, 1973).

Un déroulement
Votre « machinerie » est lancée ; il s’agit maintenant
d’organiser la succession des faits, des épisodes. Organisée en
parties, chapitres numérotés ou non, plus ou moins longs, votre
histoire peut se dérouler en suivant une chronologie simple ou
en intercalant des faits par des retours en arrière ; c’est à vous
de décider et de jouer avec les personnages, les forces en
présence, les différents événements et aléas, pour montrer les
ressorts et la complexité des trajectoires qui vont mener à la fin
de l’histoire.

L’épilogue
Tout a une fin. Voilà, vous êtes au bout de votre histoire (mais
pas au bout du rouleau, nous l’espérons !), il faut donner congé
à vos personnages mais aussi à votre lecteur ! Deux possibilités
s’offrent à vous. Soit vous proposez une fin fermée avec un
dénouement qui laisse peu de possibilités à une suite : par
exemple la mort du héros. C’est triste mais sans perspective, tel
l’épilogue dans Le Rouge et le Noir (1830) où Stendhal fait
mourir Julien Sorel (exécuté) et Mme de Rénal (morte de
chagrin) ; cependant vous pouvez très bien revisiter un épisode
antérieur de leur existence ! Soit vous écrivez une fin ouverte
comme Balzac dans Le Père Goriot (1835) où le héros, le jeune
et ambitieux Eugène Rastignac, contemple Paris après avoir
assisté à un enterrement :

Ses yeux s’attachèrent presque avidement entre la


colonne de la place Vendôme et le dôme des Invalides,
là où vivait ce beau monde dans lequel il avait voulu
pénétrer. Il lança sur cette ruche bourdonnante un
regard qui semblait par avance en pomper le miel, et
dit ces mots grandioses : « À nous deux maintenant ! »

Et pour premier acte du défi qu’il portait à la Société,


Rastignac alla dîner chez Mme de Nucingen.

Balzac, Le Père Goriot, 1835.


L’élégance du titre
Le titre est important. Il peut conditionner tout le
roman : être une clé, une fausse piste (Umberto Eco
dit qu’un titre doit nous égarer !), une métaphore de
l’histoire, ce qui va donner envie de prendre le livre,
de l’ouvrir, ou au contraire éloigner… Disons-le tout
net, il n’y pas de recette, pas de « truc ». Le titre est
là, s’impose ou se cherche longtemps…

Ainsi, L’Élégance du hérisson (2007) de Muriel


Barbery qui raconte l’histoire d’une petite fille
surdouée et suicidaire et d’une concierge d’immeuble
au cœur noble et sensible et supérieurement
intelligente mais qui cache cela sous une apparence
fruste : dans un entretien, Muriel Barbery nous
confiait que le titre n’existait pas à la fin du manuscrit
ou plutôt que celui qui était envisagé ne lui convenait
pas ; un jour son mari, son premier lecteur, a débarqué
avec une proposition, « L’Élégance du hérisson » :
l’évidence même lorsqu’on lit le roman !

Atelier d’écriture
Titre

Trouvez cinq titres pour chacune des situations suivantes :


une histoire d’amour qui finit mal ;
une histoire d’amour qui finit bien (soyons
optimiste !) ;
une expédition d’alpinistes qui part pour un sommet
dangereux ;
une croisière en mer qui essuie une tempête ;
la vie d’une famille de paysans au Moyen Âge ;
un scandale financier (si, cela existe parfois !) ;
un scandale politique (cela aussi !) ;
un conflit qui oppose les membres de deux familles ;
une histoire de vengeance ;
une histoire de réussite sociale.
Un commencement à tout…

Imaginez la première phrase d’un récit qui parlerait :


d’un vieil homme qui confie ses souvenirs ;
de l’exploration d’une autre planète ;
d’une ascension sociale ;
d’une déchéance ;
d’une vie de notaire ;
d’un voyage dans la forêt amazonienne ;
de la découverte d’une île ;
d’une rencontre amoureuse ;
d’une guerre ;
d’une lutte entre deux frères.
Une fin aussi…

Imaginez la dernière phrase d’un récit qui raconterait :


une histoire de chevaliers ;
une histoire de mutants ;
le siège d’une forteresse ;
les retrouvailles de deux amants ;
la métamorphose d’un humain en animal ;
la métamorphose d’un animal en humain ;
le débarquement sur terre d’êtres en provenance
d’une autre planète.
Les personnages
Comme dans la vie, vous allez doter vos personnages d’une
identité, d’éléments biographiques plus ou moins précis, et
vous en ferez un ou plusieurs portraits, en une fois ou par
touches successives, à travers leur physique, leur psychologie,
leur origine sociale, leur famille, leur passé, leurs discours, leur
comportement, leur rôle dans l’action. Leur présentation pourra
être directe (« il est grand, il était pompier, il pensait que… »)
ou indirecte grâce à des indices introduits dans le récit : des
indices littéraires (une comparaison : « On aurait dit une grosse
vache ! ») ; matériels (« elle portait toujours un manteau de
vison quand elle circulait avec sa Ferrari et se nourrissait
exclusivement de caviar d’Iran ») ; de comportement (« elle fit
un geste grossier avec son majeur et cria fils de p… ! »).

Le choix des points de vue déterminera également comment


vous mettez le lecteur en contact avec vos personnages ; vous
avez essentiellement trois possibilités :

vous nous faites découvrir l’action par le biais du


personnage dont nous découvrons les pensées, les
intentions, comme si nous étions dans son regard et
dans tête ;
nous sommes spectateurs du personnage ; nous ne
savons que ce qu’il fait ou ce qu’il dit, mais vous ne
dévoilez pas ses pensées ;
vous mettez en place une instance qui raconte
l’histoire mais qui n’en fait pas partie, un narrateur,
qui sait tout, qui voit tout, et qui délivre les
informations sur les personnages (passé, origine,
motivation, pensée).

Vous devez également déterminer qui est le personnage


principal, les personnages secondaires et leur fonction (ils
aident le personnage principal, sont neutres ou sont des
adversaires) ; par ailleurs, si votre action s’inscrit dans une
certaine durée, vous devez imaginer leur évolution et peut-être
aussi une redistribution. Par exemple, de manière caricaturale,
le méchant devient gentil, le gentil devient méchant ! Cela peut
arriver dans les romans, dans la vraie vie, c’est une autre
histoire !

Vous pouvez déplacer le curseur de la précision dans la


construction du personnage en allant du portrait réaliste avec
des notations physiques, psychologiques, sociales,
sociologiques (façon roman du XIXe siècle) à la déconstruction
frisant l’anonymat et l’invisibilité au point de réduire le
personnage à un pronom personnel ou à une initiale (façon
nouveau roman) :

Mme Cibot, ancienne belle écaillère, avait quitté son


poste au Cadran bleu par amour pour Cibot, à l’âge
de vingt-huit ans, après toutes les aventures qu’une
belle écaillère rencontre sans les chercher. La beauté
des femmes du peuple dure peu, surtout quand elles
restent en espalier à la porte d’un restaurant. Les
chauds rayons de la cuisine se projettent sur les traits
qui durcissent, les restes de bouteille bus en
compagnie des garçons s’infiltrent dans le teint, et
nulle fleur ne mûrit plus vite que celle d’une écaillère.
Heureusement pour Mme Cibot, le mariage légitime et
la vie de concierge arrivèrent à temps pour la
conserver ; elle demeura comme un modèle de
Rubens, en gardant une beauté virile que ses rivales
de la rue de Normandie calomniaient, en la qualifiant
de grosse dondon. Ses tons de chair pouvaient se
comparer aux appétissants glacis des mottes de beurre
d’Isigny ; et nonobstant son embonpoint, elle
déployait une incomparable agilité dans ses fonctions.

Balzac, Le Cousin Pons, 1847.


Assise, face à la vallée, dans un des fauteuils de
fabrication locale, A… lit le roman emprunté la veille,
dont ils ont parlé à midi. Elle poursuit sa lecture, sans
détourner les yeux, jusqu’à ce que le jour soit devenu
insuffisant.

Alain Robbe-Grillet, La Jalousie, (Ed. de Minuit,


1957).

Atelier d’écriture
Faites le portrait physique au choix :
d’un homme politique connu ;
d’une vedette de cinéma ;
d’une chanteuse ;
d’un sportif connu ;
d’un humoriste ;
d’un membre de votre famille ou de votre entourage ;
d’un monstre mi-homme, mi-animal.
Faites le portrait moral et psychologique au choix :
d’un dictateur connu ;
d’un chanteur ;
d’un écrivain ;
d’un cinéaste ;
d’un personnage historique ;
d’un membre de votre famille ou de votre entourage ;
d’un animateur de télévision.

L’espace romanesque
Pour le construire, vous aurez recours à des descriptions plus
ou moins précises qui renverront à des lieux fictifs ou réels.
Ces descriptions sont bien sûr d’abord le cadre de l’action mais
peuvent avoir aussi une fonction symbolique et apporter
indirectement des informations sur la situation et la
psychologie d’un personnage.

Vous aurez à faire des choix et des combinaisons entre espace


intérieur / espace extérieur ; lieu public / lieu privé ; ville /
campagne.

Cela suppose un travail de reconstitution qui s’appuiera sur la


visite de lieux réels, la prise de photographies (c’est ainsi que
travaille par exemple Jean Failler, auteur de romans policiers
qui se déroulent dans des villes bretonnes avec le personnage
récurrent de Mary Lester), ou des recherches documentaires.
Libre à vous d’inventer un lieu imaginaire en le recomposant à
partir d’éléments de plusieurs endroits différents.

Le temps romanesque
Autant le savoir tout de suite, c’est un paramètre difficile à
manier qui déterminera de nombreux choix. En effet, il s’agit
d’un temps à deux variables que vous devez définir :

Le temps de la fiction est celui qui correspond à la


durée de l’intrigue. Votre récit peut raconter l’histoire
de plusieurs générations (on pense évidemment au
cycle des vingt romans des Rougon-Macquart de Zola),
raconter une vie (c’est le plus courant), un épisode
d’une vie (c’est aussi fréquent), une journée ou
quelques heures dans un parcours (cela arrive). Quel
que soit le cas de figure que vous retiendrez, il ne
faudra pas oublier d’indiquer par des repères temporels
la chronologie, le temps qui passe (une saison, le temps
qu’il fait, une fête, une précision sur l’âge des
personnages, un modèle de voiture, une horloge, un
événement historique). Ainsi, votre lecteur se repérera
dans votre logique.
Le temps de la narration correspond au temps pris
pour raconter les épisodes de votre récit : un
événement pourra être relaté sur plusieurs pages, voire
un chapitre ; une décennie, racontée en quelques lignes
comme dans l’avant-dernier chapitre de L’Éducation
sentimentale (1869) de Flaubert :

Il voyagea.

Il connut la mélancolie des paquebots, les froids


réveils sous la tente, l’étourdissement des paysages et
des ruines, l’amertume des sympathies interrompues.

Il revint.

Il fréquenta le monde, et il eut d’autres amours,


encore. Mais le souvenir continuel du premier les lui
rendait insipides ; et puis la véhémence du désir, la
fleur même de la sensation était perdue. Ses ambitions
d’esprit avaient également diminué. Des années
passèrent ; et il supportait le désœuvrement de son
intelligence et l’inertie de son cœur.

C’est la combinaison de ces deux temps qui donnera un rythme


à votre récit : des ellipses, des omissions pour accélérer, des
digressions, des pauses, des retours en arrière, voilà les
ingrédients pour maintenir votre lecteur en haleine.

Atelier d’écriture
Décrivez en 10 lignes :
un quai de gare à une heure d’affluence ;
le lever du soleil au bord de la mer ;
des supporters de football dans un stade ;
l’arrivée d’un cargo dans un port ;
une file d’attente dans un grand magasin ;
un embouteillage à un péage d’autoroute ;
des maçons sur un chantier ;
un jardinier en train de tailler une haie ;
la salle d’attente chez le dentiste ;
l’installation d’un marché au petit matin ;
une cérémonie de mariage ;
un repas de famille ;
un accrochage entre deux automobilistes ;
une cour d’école.
Racontez une histoire inspirée par un des tableaux
suivants (vous les trouverez aisément sur Internet) :

La Joconde, Léonard de Vinci ;

Le Radeau de la Méduse, Eugène Delacroix ;

Guernica, Pablo Picasso ;

Le Déjeuner sur l’herbe, Édouard Manet ;

Chronos dévorant un de ses fils, Francisco Goya ;

Le Retour du fils prodigue, Rembrandt ;

Le Cri, Edvard Munch ;

Le Chant d’amour, Roger Magritte ;

Les Montres molles, Salvador Dali.

Les différentes sortes de romans


Les spécialistes du genre romanesque ont passé et passent
encore beaucoup de temps à établir ses caractéristiques ;
retenons quelques types à partir desquels vous pourrez orienter
votre écriture :

le roman d’apprentissage : il décrit la formation


d’une personne dans la société (Frédéric Moreau, dans
L’Éducation sentimentale, de Flaubert) ;
le récit autobiographique ; vous avez décidé de
raconter votre vie à la première personne (J.-J.
Rousseau, Confessions, 1765-1770) ;
le récit d’autofiction : vous êtes le héros d’une
histoire où se mêlent fiction et réel (Christine Angot,
Vu du ciel, 1990) ;
le roman d’aventures : vos personnages évolueront
dans des situations toujours différentes ; l’action
dominera (Jules Verne, Le Tour du monde en quatre-
vingts jours, 1873) ;
le roman historique : vous nous plongez dans une
époque historique (Umberto Eco, Le Nom de la rose,
Grasset, 1982) ;
le roman policier : vous nous proposez une énigme
policière à résoudre (Fred Vargas, Pars vite et reviens
tard, Ed. Viviane Hamy, 2001) ;
le roman de science-fiction : vous nous emmenez
pour un voyage temporel dans un futur où la science
tient un rôle majeur (Richard Matheson, Je suis une
légende, Denoël, 1955).

Petit kit narratif


Tout cela vous a donné envie de passer à l’acte ; votre cerveau
bouillonne d’idées, d’images, vos doigts vous démangent, les
feuilles blanches frémissent, l’écran de votre ordinateur vous
envoie des signaux d’invitation, bref il est temps pour vous de
poser Écrire pour les Nuls et de vous lancer dans l’écriture !
Vous avez bien raison ! Mais juste avant, lisez et retenez ces
derniers conseils :

Travaillez l’art de suggérer et laissez l’imaginaire


du lecteur se déployer dans votre histoire pour qu’elle
devienne sienne : plutôt que « Paul se sent nerveux »,
dites « les mains de Paul tremblent ».
Faites en sorte que vos personnages soient
incarnés, notamment dans les parties dialoguées ;
plutôt que « Quand avez-vous rencontré Virginie ? dit
Paul », écrivez : « Paul lâcha dans un souffle : Quand
avez-vous rencontré Virginie ? »
Dans les dialogues, évitez les longs discours,
rappelez-vous que dans la vie réelle, les tournures sont
plutôt brèves (surtout de nos jours !) ; cela accentuera
l’effet de réel.
Travaillez le rythme du dialogue et choisissez un
registre de langue qui renvoie à une réalité. Évitez
« Subséquemment, je consulterai Paul mais avant je me
porterai chez Virginie, dit-il » ; préférez : « Après cela,
dit-il, je verrai Paul mais avant j’irai chez Virginie. »
N’abusez pas de la voix passive qui « ampoule » les
phrases. Ne dites pas « les affaires de Virginie ont été
rangées sur l’étagère par Paul » ; soyez plus direct avec
la voix active : « Paul rangea les affaires de Virginie
sur l’étagère. »
Définir qui raconte l’histoire, c’est vrai, peut être un
vrai casse-tête ! En cas de problème insurmontable,
dites-vous que le narrateur omniscient (celui qui sait
tout !) est bien commode, car il permet de restituer ce
qui se passe dans la tête des personnages.
Bien sûr, aujourd’hui il faut se garder des longues
descriptions à la manière de l’incipit du Père Goriot
(plusieurs pages !), car n’est pas Balzac qui veut et cela
ne correspond plus indéniablement au mode de lecture
contemporain ; cependant ne « faites » pas trop vite
une scène, une description : le lecteur doit avoir
suffisamment de détails pour se représenter l’action.
N’oubliez pas que votre lecteur possède cinq sens :
n’hésitez pas à solliciter sa mémoire en décrivant des
sensations, des odeurs, des goûts, des sonorités, etc.
Consommez avec modération le fameux « dit-il » ;
sortez votre dictionnaire de synonymes ; parfois vous
pouvez vous passer de tout : « Dehors, maintenant ! »,
ici l’injonction et la ponctuation expressive suffisent,
ce n’est pas la peine de rajouter « dit-il » ou « ordonna-
t-il ».
N’abusez pas des verbes comme commencer,
essayer, faire ; soyez direct et plutôt que « Paul
commença à se poser des questions à propos de
Virginie », préférez : « Paul se posait maintenant des
questions à propos de Virginie. »
Quand un personnage subit un événement, une
action, n’oubliez pas de montrer les effets que cela
produit sur lui : « Paul restait anéanti par le
comportement de Virginie. »

La nouvelle

Si vous êtes tenté par les récits courts, la nouvelle est pour
vous ; c’est aussi une bonne entrée en matière si la perspective
d’une rédaction longue vous effraie dans un premier temps ;
mais attention, court ne signifie pas « plus facile », car la
nouvelle réclame une concision de tous les instants. Pour le
reste, toutes les indications précédentes sont valables.

Votre récit sera la « saisie » d’une histoire à un moment crucial


de son développement. Pour gagner en efficacité et « tenir » en
quelques pages, le plus simple est de charger un narrateur de
raconter l’histoire. Tout l’art de la nouvelle consiste à préparer
la conclusion, « la chute » qui doit surprendre le lecteur. Dans
le genre, le maître incontesté est sans aucun doute Guy de
Maupassant : un exemple pour vous convaincre avec sa
nouvelle La Parure (1884) ; voici la chute et c’est vraiment le
terme qui convient ici ! Âmes sensibles, s’abstenir !

Pour assister à une soirée, une jeune femme, Mme Loisel,


emprunte un bijou à une amie, Mme Forestier,
malheureusement elle le perd pendant le bal. Plutôt que de
l’avouer à son amie, elle décide avec son mari de remplacer le
bijou en faisant réaliser une copie authentique. Pour cela le
couple s’endette et commence alors une vie terrible.

Il fallait chaque mois payer des billets, en renouveler


d’autres, obtenir du temps.

Le mari travaillait, le soir, à mettre au net les comptes


d’un commerçant, et la nuit, souvent, il faisait de la
copie à cinq sous la page.

Et cette vie dura dix ans.

Au bout de dix ans, ils avaient tout restitué, tout, avec


le taux de l’usure, et l’accumulation des intérêts
superposés.

Mme Loisel semblait vieille, maintenant. Elle était


devenue la femme forte, et dure, et rude, des ménages
pauvres. Mal peignée, avec les jupes de travers et les
mains rouges, elle parlait haut, lavait à grande eau les
planchers. Mais parfois, lorsque son mari était au
bureau, elle s’asseyait auprès de la fenêtre, et elle
songeait à cette soirée d’autrefois, à ce bal où elle
avait été si belle et si fêtée.

Que serait-il arrivé si elle n’avait point perdu cette


parure ? Qui sait ? Qui sait ? Comme la vie est
singulière, changeante ! Comme il faut peu de chose
pour vous perdre ou vous sauver !
Or, un dimanche, comme elle était allée faire un tour
aux Champs-Élysées pour se délasser des besognes de
la semaine, elle aperçut tout à coup une femme qui
promenait un enfant. C’était Mme Forestier, toujours
jeune, toujours belle, toujours séduisante.

Mme Loisel se sentit émue. Allait-elle lui parler ? Oui,


certes. Et maintenant qu’elle avait payé, elle lui dirait
tout. Pourquoi pas ?

Elle s’approcha.
— Bonjour, Jeanne.
L’autre ne la reconnaissait point, s’étonnant d’être
appelée ainsi familièrement par cette bourgeoise.

Elle balbutia :
— Mais… madame !… Je ne sais… Vous devez vous
tromper.
— Non. Je suis Mathilde Loisel.

Son amie poussa un cri.


— Oh !… ma pauvre Mathilde, comme tu es
changée !…
— Oui, j’ai eu des jours bien durs, depuis que je ne
t’ai vue ; et bien des misères… et cela à cause de
toi !…
– De moi… Comment ça ?
– Tu te rappelles bien cette rivière de diamants que tu
m’as prêtée pour aller à la fête du Ministère.
— Oui. Eh bien ?
— Eh bien, je l’ai perdue.
— Comment ! puisque tu me l’as rapportée.
— Je t’en ai rapporté une autre toute pareille. Et voilà
dix ans que nous la payons. Tu comprends que ça
n’était pas aisé pour nous, qui n’avions rien… Enfin
c’est fini, et je suis rudement contente.
Mme Forestier s’était arrêtée.
— Tu dis que tu as acheté une rivière de diamants
pour remplacer la mienne ?
— Oui. Tu ne t’en étais pas aperçue, hein ! Elles
étaient bien pareilles. Et elle souriait d’une joie
orgueilleuse et naïve.
Mme Forestier, fort émue, lui prit les deux mains.
— Oh ! ma pauvre Mathilde ! Mais la mienne était
fausse. Elle valait au plus cinq cents francs !…

Terrible, non ?

À l’aide Honoré !
Si vous êtes en panne pour trouver des noms de
personnages ou des catégories (par âges, professions,
situations, caractères), alors n’hésitez plus ; faites une
visite à Paris, à la Maison de Balzac où vécut l’auteur
de La Comédie humaine de 1840 à 1847. Vous
pourrez vous procurer une copie (pliable !) d’un
tableau long de 14,50 m qui répertorie les noms de 1
000 personnages de son œuvre, Généalogie des
personnages de La Comédie humaine ! On estime,
selon les experts, le nombre total de personnages
créés par Balzac entre 4 000 et 6 000 !

L’annuaire téléphonique, pages blanches mais aussi


pages jaunes, n’est pas mal non plus !
Plan ou pas plan, à vous de choisir
Trois postures tranchées : celle de Louis Aragon, (qui est aussi
celle de Georges Simenon ou de Raymond Queneau), Jorge
Luis Borges (qui rappelle celle de Raymond Roussel) et celle
d’Émile Zola (qui est aussi celle de Georges Perec ou de
Claude Simon).

Louis Aragon affirme écrire ses romans en se laissant guider


par la phrase initiale (l’« incipit ») :

Le romancier, tel qu’on se l’imagine, est une espèce


d’ingénieur, qui sait fort bien où il en veut venir,
résout des problèmes dont il connaît le but, combine
une machine ou un pont, s’étant dit : « Je vais
construire un pont comme-ci ou une machine comme-
ça. » Voilà soixante-cinq ans que je me paye la tête de
ceux qui ne doutent point que j’en agisse ainsi,
puisque je devais avoir six ans quand j’ai commencé
ce manège. C’est-à-dire à la fin de 1903 ou au début
de 1904. Jamais je n’ai écrit une histoire dont je
connaissais le déroulement, j’ai toujours été, écrivant,
comme un lecteur qui fait la connaissance d’un
paysage ou de personnages dont il découvre le
caractère, la biographie, la destinée.

Louis Aragon, Je n’ai jamais appris à écrire ou


les Incipit (Ed. Skira, 1969).

Jorge Luis Borges a une méthode qui se rapproche d’une


contrainte comme celle imaginée par Raymond Roussel : Je
connais le début et la fin de l’histoire : c’est ce qui se passe
entre les deux que l’on doit inventer.
Émile Zola : après une phase de recherches documentaires très
poussées (rencontres, visite sur le « terrain », nombreuses
lectures, enquêtes), il rédige une « ébauche » en général suivie
de deux plans détaillés qui précèdent la rédaction proprement
dite. L’« ébauche » lui permet de formaliser l’intention
générale, de dresser la liste des personnages en brossant leurs
traits principaux et les grandes thématiques qui animeront
l’intrigue romanesque (voir l’exemple de L’Assommoir,
chapitre 18).

Faites votre choix !

Le fait divers qui, parfois, fait


« froid » dans le dos !
Le fait divers est une source inépuisable de sujets. Si
vous êtes en « panne », ouvrez un journal, écoutez la
radio, regardez un journal télévisé, ou un portail
d’informations sur Internet, vous n’avez plus que
l’embarras du choix. Un nombre incalculable de
romans, de nouvelles, de pièces de théâtre, de films
(au cinéma, c’est la source principale) trouvent leur
point de départ dans un fait divers, souvent violent :
citons pêle-mêle Le Rouge et le Noir (1830) de
Stendhal (condamnation à mort d’un idéaliste),
L’Appât (1990) de Morgan Sportès (jeunes meurtriers
par appât du gain), L’Adversaire (2000) d’Emmanuel
Carrière (mythomane qui massacre toute sa famille),
Les Bonnes (1947) de Genet (deux sœurs domestiques
qui tuent leur patronne), Roberto Zucco (1988) de
Koltès (cavale meurtrière d’un fou), etc.
Atelier d’écriture
Voici 10 faits divers ; prenez celui qui vous inspire et
rédigez une brève nouvelle.
Il roulait à contresens sur l’autoroute ;
Le meurtrier avait découpé sa victime ;
En réparant un mur, il trouve un pot contenant des
pièces en or ;
Le couple avait oublié la grand-mère dans la station-
service ;
Le chien a parcouru 700 kilomètres pour retrouver
son maître ;
La petite fille est tombée du sixième étage, elle est
indemne ;
Elle retrouve un frère perdu cinquante plus tard ;
Veuf à trois reprises, il a avoué les avoir
empoisonnées avec des champignons vénéneux ;
Il volait des personnages âgées en se faisant passer
pour un agent EDF ;
Devant l’hostilité du public, l’arbitre a refusé
d’arbitrer le match.
Qui suis-je ? Un homme, une femme, un animal, un
monstre, un objet, un événement ? Rédigez un bref récit
énigmatique quant à l’identité de son narrateur ; celle-ci
sera révélée dans la chute de votre histoire.

Exemple :

L’hiver, j’ai le verre solitaire ; l’été,


j’ai les verres solaires. D’où je suis, je
vois la patronne qui passe de la
terrasse à la salle ; il me semble, mais
peut-on en être sûr, qu’il y a un hamac
accroché au plafond du bar pour une
improbable sieste ; ça paraît bizarre,
mais je ne peux pas entrer pour
vérifier. En face un perroquet qui n’a
jamais vécu fait semblant de se
balancer sur une balançoire qui fait
aussi semblant ; l’ensemble est malgré
tout très ressemblant.

Tiens, la jolie serveuse, une nouvelle, a


un tatouage au bas des reins ! Difficile
de rester de bois devant de si jolies
arabesques !

Je sais par ouï-dire que la cale de


Plouhinec est au bout du Vieux
Passage ; je le sais aussi parce que les
jours de grand vent j’entends bien le
vent du large qui passe ; je ne suis pas
dur de la feuille malgré mon âge
avancé et contrairement à ce qu’on
pense ce n’est pas de la tisane qui
coule dans mes veines. D’ailleurs à ce
propos, j’en ai appris une belle l’autre
jour ! Il paraît qu’autrefois des gens de
ma famille assistaient les bourreaux
lors des pendaisons. Une sorte de
famille Adams avant l’heure !

Je parle, je parle, mais je ne me suis


même pas présenté : je viens de
Hollande et je me demande encore
comment j’ai atterri là ! L’été, mes
branches abritent une demi-douzaine
de tables ; l’hiver, elles tiennent
compagnie à une vieille barque bleue
échouée dans le jardin et remplie de
campanules. Je suis le vieux tilleul du
Vieux Passage.

Proposition de calendrier pour une année d’écriture


Cette année c’est décidé, vous vous consacrez du temps à
l’écriture de votre premier récit : « Le roman de l’année ».
Vous avez trouvé un moment et un lieu où vous pourrez écrire ;
voici votre plan d’écriture.

Quatre mois de préparation


Le choix du thème ; la recherche de faits divers se rapportant
au thème choisi ; des déplacements pour des repérages de
lieux ; des lectures ; des recherches documentaires ; des
rencontres ; des témoignages.

Bref, toutes sortes de matériaux qui seront peut-être utilisés ou


déclencheront votre création.

Deux mois de construction


C’est une phase de tâtonnement où vous allez faire des essais,
des esquisses ; des plans successifs : plan d’ensemble, plan de
chaque partie ; découpage du temps de la fiction, du temps de
la narration ; réalisation de fiches personnages (biographie,
physique, psychologie, milieu social, motivations) ; choisir le
point de vue narratif, c’est-à-dire qui raconte.

Cinq mois de rédaction


Vous pouvez adopter une rédaction linéaire, chapitre par
chapitre, ou partir d’un chapitre fondateur. Par exemple, Michel
Tournier explique qu’il commençait par écrire le premier et le
dernier chapitre et qu’il rejoignait progressivement, en
alternant, le centre de son récit.
Un mois de corrections
Cette phase peut sembler fastidieuse mais elle est capitale ;
vous allez supprimer des maladresses, des éléments redondants,
amplifier certains détails, modifier sensiblement un portrait
psychologique, raccourcir une description, reprendre vos
dialogues pour révéler davantage la personnalité de vos
personnages, trouver des synonymes, etc. C’est à cette étape
que vous vous rendrez compte à quel point le travail d’écriture
est un travail de patience et de remise en question. Bref, vous
allez ciseler votre texte.

Voilà, votre manuscrit est prêt. Vous avez choisi votre éditeur
préféré. Envoi. Alea jacta est !

Vous allez commencer à guetter vos messages e-mail et à parler


fréquemment avec votre facteur devant votre boîte aux lettres.

Écrire un conte ? C’est du


Propp !
Wladimir Propp (1895-1970) a étudié la structure des
contes de fées et mit en évidence des phénomènes
constants comme un certain nombre de fonctions (31
exactement, comme l’éloignement, la punition, la
reconnaissance, la transgression) prises en charge par
des personnages types au nombre de sept :
1. L’Agresseur : il commet le méfait, c’est le
méchant ;
2. Le Donateur : il aide le héros (ou l’héroïne) en lui
confiant un auxiliaire magique (symbolique ou
matériel) ;
3. L’Auxiliaire : une fée, un génie, un esprit, une
force de la nature, etc. ;
4. Le Mandateur : c’est lui qui confie l’objet de la
quête au héros (ou l’héroïne), sa mission donc
(jamais impossible, mais au début cela n’est pas
gagné !) ;
5. L’Objet de la quête : la mission ; parfois c’est une
jolie princesse (ou un joli prince !) ;
6. Le Héros (ou l’héroïne) : c’est celui (ou celle) qui
a accepté la mission ;
7. Le Faux Héros (ou héroïne) : avatar du héros,
spécialisé dans les ratages ; pour lui (ou elle) la
mission sera impossible !
Son ouvrage de référence, Morphologie du conte
(1929), peut vous être très utile pour trouver des
canevas de situations à développer.

Publier, se faire éditer


Méfiez-vous des petites annonces comme celles-ci qui
fleurissent un peu partout :

Vous écrivez ?

Nous vous publions !

Proposez-nous vos manuscrits

Éditions Gogo

www.gogo.fr
ÉCRIVAINS

Les Éditions Attrape-Nigaud

Publient de nouveaux auteurs

Pour vos envois de manuscrits :

Service XXL – 1 rue de la Faisanderie

75… Paris Tél. : ……………

Ce sont la plupart du temps des pièges ! En fait, il ne s’agit pas


de vraies maisons d’édition ; ce sont des officines qui
proposent de vous éditer à compte d’auteur ; en d’autres
termes, tous les frais, relecture du manuscrit, mise en page,
maquette, imprimerie, seront à votre charge, et la distribution
de votre ouvrage ne sera pas réellement assurée ou alors vous
aurez des clauses de contrat sibyllines qui vous feront croire le
contraire.

Pour se faire publier, deux vraies solutions existent : présenter


votre texte à un vrai éditeur en lui adressant votre manuscrit par
la poste ; ou faire imprimer vous-même votre manuscrit en
utilisant les services d’une imprimerie numérique qui vous
facturera son travail d’impression (voire de mise en page si
vous le souhaitez) mais ne vous fera pas croire qu’elle va
effectuer le travail d’un éditeur. Aujourd’hui les coûts
d’impression par le numérique ont considérablement baissé par
rapport aux coûts traditionnels par l’offset. De plus, vous
pouvez commander de petites quantités, adapter votre
commande à la demande. Le seul problème, et il est majeur,
c’est que vous devrez assurer la distribution, ce qui suppose la
mise en place d’une logistique, du temps consacré à contacter
les libraires, les surfaces de vente, bref vous oblige à vous
transformer en commercial. C’est un métier. Par ailleurs, vous
aurez toute une série de déclarations pour vous mettre en règle
avec la législation commerciale. Comme vous le constatez,
c’est une solution lourde, mais elle est possible. L’idéal reste
bien sûr de convaincre par la qualité de votre manuscrit un
éditeur professionnel.

Celui-ci reçoit une masse impressionnante de manuscrits ;


chaque éditeur, selon la fameuse « ligne éditoriale » de la
maison, possède ses critères de sélection ; mais la qualité de la
syntaxe, le choix des mots, l’architecture du texte, la présence
d’un point de vue, une intrigue, la consistance des personnages
et des dialogues et surtout les premières pages qui vont
« accrocher » son attention (naturellement, il faut que la suite
soit à la hauteur !) sont autant de facteurs déterminants…

Enfin, dans ce monde où certains ont une tendance fâcheuse à


confondre le « copier-coller » avec un travail de création, la
prudence est de mise ; c’est pourquoi nous vous conseillons de
protéger vos écrits par un moyen très simple : vous vous
adressez à vous-même votre texte par courrier recommandé
sans jamais l’ouvrir. Vous aurez ainsi une preuve irréfutable sur
la « paternité » de votre travail, si d’aventure vous découvriez
au détour d’un ouvrage des extraits de votre texte !

Pour la poésie
Parfois les hommes et les femmes de pouvoir (politique,
économique, financier), pour atténuer leur image trop dure ou
lui donner un supplément d’humanité, lâchent dans un souffle :
« Je lis de la poésie, j’écris même des poèmes… » Vrai, faux ?
Mise en scène ou aveu intime ? Peu importe, car ce que révèle
ce genre de confidence, c’est le statut et la singularité d’un
langage ou plutôt la singularité d’un usage de la langue qui a
toujours exercé un attrait particulier sur les hommes, perplexes
devant cette énigme : comment à partir des mots de tous les
jours, peut-on fabriquer de telles images et provoquer de telles
émotions ? Poser de telles questions, c’était aussi imaginer des
réponses. Ainsi, dès l’Antiquité grecque il est admis que la
poésie est d’inspiration divine. Cela règle tout puisque les
dieux et leurs Muses sont dans le coup !

Ce qui est sûr (car pour les dieux grecs, nous n’avons aucune
certitude), c’est que les mots sont dotés de pouvoirs mystérieux
qui semblent nous échapper mais que la poésie, inlassablement,
essaie d’apprivoiser.

Qu’elle soit soumise aux dures lois de la versification classique


ou laissée en complète liberté, la poésie semble avoir ce
pouvoir magique d’exprimer d’une manière plus directe les
sentiments, joie, peine, amour, haine, certitude, hésitation, etc.

Reste bien sûr à mettre en œuvre cette fabrique à sensations ;


en voici quelques rouages :

Avoir toujours de quoi écrire, de quoi prendre des


notes. La « veine » poétique est en effet surprenante, et
donc, ne prévient pas toujours ! Rien de plus rageant de
laisser s’échapper une formule, une expression à
laquelle on avait pensé ; un peu comme ces idées
lumineuses qui surgissent parfois dans nos rêves et qui,
au petit matin (notez bien que le « matin » n’est pas
forcément petit !), ne sont plus que de vagues
impressions, nous signalant malgré tout que nous avons
raté quelque chose, mais quoi ?
Interdisez-vous de vous interdire ! pas de
contraintes. Notez éventuellement ce qui « vient par la
tête » (on ne voit pas d’ailleurs de quel autre endroit
cela pourrait venir !), vous choisirez plus tard.
Soyez patient et modeste : partez du principe que le
quotidien qui nous entoure est source d’inhabituel,
d’extraordinaire ; il suffit de regarder d’être attentif.
Nul besoin d’aller tous les jours sur l’Olympe !
Vous cherchez à exprimer une impression, un
sentiment, un état : notez-le comme il vient. Vous
pourrez toujours par la suite aller faire un tour du côté
d’un dictionnaire analogique ou d’un dictionnaire des
synonymes.
Pratiquez la gymnastique des contraires. Exemple :
vous êtes en vacances dans une région où il pleut et
vous n’êtes pas d’humeur joyeuse ; imaginez que ces
gouttes d’eau sont des gouttes de soleil… ou encore
des pleurs de joie… que chaque goutte porte un
univers… a fait un long voyage. Des milliards de
gouttes, donc des milliards d’histoires… Bon,
commencez de manière modeste par une petite
ondée…
Changez d’échelle, mettez-vous à la place de…
Interprétez les bruits, les sons, les couleurs, les
formes : une porte qui grince, c’est une parole
échappée (traduisez !) ; la pluie qui tambourine sur les
carreaux, c’est quelqu’un qui parle (que dit-il ?) ; les
ondulations du champ de blé sous l’effet du vent, c’est
une vague porteuse d’un message (lequel ?) ; cette
tache de lichen sur un vieux mur, c’est un visage
(qui ?) ; cette silhouette à contre-jour en fin de journée
sur une plage (qui s’avance ?)…
Ne cherchez pas nécessairement à faire aboutir
dans une forme et une signification organisées les
mots que vous avez notés.
Retenez surtout que le plaisir et la liberté de jouer
avec les mots sont la garantie de trouver dans
l’écriture poétique des satisfactions d’abord
personnelles ; ensuite que le jeu poétique est souvent
une source de découverte de soi-même ; enfin, que
c’est un langage qui peut créer des échos durables pour
vous mais aussi pour ceux qui pourraient vous lire.
Poésie des origines
La poésie occidentale débute dans l’Antiquité grecque
sous le signe d’une triple légende : celle d’Apollon,
dieu solaire qui inspire une poésie dédiée aux initiés ;
celle de Dionysos, dieu de la vigne, qui suscite une
poésie joyeuse, débridée mais aussi tourmentée ;
enfin, celle d’Orphée, poète protégé des dieux, mais
inconsolable de la perte de sa femme Eurydice et qui
crée une poésie lyrique et triste (élégiaque !). Il finira
massacré par des femmes jalouses !

Atelier d’écriture
Pour chauffer votre imagination

Prenez les expressions de votre choix et croisez-les !

Exemples :

Le moulin à café et le serpent à


sonnettes → le moulin à sonnettes et le
serpent à café

Le parcours du combattant et le
compte en banque → le parcours en
banque et le compte du combattant

Le droit de regard et la pomme


d’Adam → le droit d’Adam et la
pomme de regard
À vous !

Le cadavre exquis des surréalistes


André Breton et ses amis ont mis au point cette manière de
produire des sens : il s’agit de constituer plusieurs ensembles
de mots et d’expressions et ensuite de piocher de manière
aléatoire dans chacun d’eux. La première phrase qui sortit de
cette fabrique fut : « Le cadavre exquis boira du vin nouveau. »

Exemple :

Ensemble 1 : chapeau, artichaut, wagon, tasse,


lampe, jeune homme, poisson bleu ;
Ensemble 2 : éternuer, courir, refuser, cueillir, vouloir,
boire, apporter, fasciner ;
Ensemble 3 : pieds, argent, population, carrière
internationale, coiffure, comme un modèle, comme un
fantôme, comme un voilier, comme une absence.

Voici les résultats d’un premier tirage aléatoire :

L’artichaut a refusé une carrière internationale.

Les lampes veulent éternuer comme un fantôme.

Le poisson bleu cueille comme une absence.

Un wagon boit l’argent comme un voilier.


À votre tour !

Faites de l’extraction : prenez des mots d’au moins trois


syllabes et utilisez le son de leurs syllabes pour trouver d’autres
mots.

Exemples :

Formalité → forme alitée ;


Persévérance → perd ses verres anses ;
Chariot → chat rit haut ;
Germanique → gère ma nique (osé !) ;
Écrivain → écrit vain (osé, aussi !) ;
L’écrivain → les cris vains (que dites-vous ?) ;
Implanté → un plant thé, un plan T (quand tous les
autres plans ont échoué !).

Utilisez les titres d’un recueil de poésie pour faire un texte ;


vous pouvez essayer avec ceux du recueil Mes propriétés
(1929) d’Henri Michaux :

Mes propriétés – une vie de chien – un chiffon – mes


occupations – la simplicité – persécution – dormir – la paresse
– bétonné – bonheur – le honteux interne – un homme prudent
– colère – un homme perdu – envoûtement – encore des
changements – au lit – la jetée – crier – conseils au malade –
maudit – magie – saint – distractions du malade – puissance de
la volonté – encore un malheureux – projection – intervention –
notes de zoologie – la parpue – la darelette – insectes –
catafalques – l’emanglom – nouvelles observations – la race
urdes – notes de botanique – les yeux – petit – chaînes
enchaînées – compagnons – eux – en vérité – emportez-moi –
chaque jour plus exsangue – amours – conseils – je suis gong –
hommes de lettres – à mort – mort d’un page – articulations –
rubililieuse – marchand grenu – terre – ra – Rodrigue – mon
Dieu – l’avenir.
Des collages

Prenez trois poèmes de votre choix et fabriquez par collage un


nouveau poème.

Fabriquez des mots du jour : en utilisant des expressions


populaires que vous associerez deux par deux sur trois lignes.

Exemple :

Une série d’expressions contenant le mot mot (à prononcer à


haute voix !) : Sans mot dire – le fin mot de l’histoire – en deux
mots – mot pour mot – pas un mot plus haut que l’autre – le
dernier mot – son mot à dire – ne pas mâcher ses mots – à mots
couverts – en un mot comme en cent – au bas mot – prendre au
mot.

Le fin mot de l’histoire


C’est d’avoir
Le dernier mot

En deux mots
Il me raconta l’histoire
Mot pour mot

Au bas mot
On ne prononce pas un mot
Plus haut que l’autre

Malin et silencieux
Il le prit au mot
Sans mot dire
Même à mots couverts
Jamais
Il ne mâchait ses mots

En un mot comme en cent


On peut avoir
Son mot à dire

Écrire pour la scène


Écrire un texte théâtral est un exercice particulier, car
contrairement à un autre texte dont la finalité est d’abord d’être
lu, vous devez garder présent à l’esprit que votre texte sera joué
et incarné par des comédiens ; en dehors des indications
scéniques (les didascalies) que vous pourrez éventuellement
fournir, vous allez donc bâtir des dialogues (mais aussi des
monologues !) entre des personnages.

Comme dans toute histoire, vous proposerez une action


(rappelez-vous que drama signifie « action ») qui progresse
d’une situation initiale vers une situation finale.

Vous organiserez votre texte en trois grandes étapes :

Une exposition : les premières scènes donneront des


informations sur le lieu, le temps, les personnages, leurs
relations, pour expliquer la situation et des éléments antérieurs.

Le nœud de l’action : vos personnages vont mener une


intrigue avec des conflits, des alliances, des coups de théâtre
(ces coups-là font parfois très mal !), toutes sortes de péripéties
qui feront évoluer la position des personnages. La vie sur scène
en quelque sorte !
Le dénouement : les dernières scènes aboutissent à une
situation finale qui peut être joyeuse si vous avez décidé
d’écrire un comédie ou plus sombre si vous considérer que
nous ne sommes pas là pour plaisanter avec toutes les fatalités
et tous les malheurs qui nous entourent…

Au XVIIe siècle, des règles très précises organisaient l’écriture


théâtrale : l’acte I était celui de l’exposition ; les actes II et III,
ceux du nœud de l’action ; l’acte IV, celui des péripéties, des
coups de théâtre, bref tout rebondissait ; et l’acte V consacrait
le dénouement. Aujourd’hui ces règles ne sont plus suivies,
même si le ressort et la structure dramatiques demeurent :
scènes ou suite de tableaux sont souvent employées. C’est à
vous de choisir. Toutefois le découpage en actes et scènes
permet un contrôle de la progression dramatique. Nous vous
conseillons de la conserver lors de votre phase d’écriture, quitte
à la rendre invisible par la suite.

Dans le théâtre classique, l’action devait se dérouler entre le


lever et le coucher du soleil ; cette contrainte a depuis
longtemps été abandonnée, mais n’oubliez pas que le temps de
la représentation correspond à la durée des actions et des
répliques de vos personnages. Cependant le temps de l’histoire
peut être différent (donc plus long) par le biais d’ellipses et
d’actions rapportées sous forme de récits par des personnages.

Enfin ne perdez jamais de vue (au théâtre ce serait gênant !)


que vos personnages parlent entre eux mais que le véritable
destinataire sera le public, témoin privilégié.

Conseils de rédaction
Rédigez d’abord un résumé de l’histoire que vous voulez
raconter. Établissez la liste des personnages et leurs rapports ;
rappelez-vous que tous ces personnages apparaîtront sur la
scène.

Selon la nature de votre histoire (comique ou sérieuse), selon


l’époque et le milieu social où évolueront vos personnages,
vous avez à choisir un registre de langue (familier, courant,
soutenu) et une tonalité (comique, dramatique, tragique).

Vos dialogues peuvent prendre essentiellement quatre formes :

des répliques brèves (les stichomythies) pour traduire


une situation tendue entre des personnages ;
une réplique développée (une tirade) dans laquelle un
personnage développe une argumentation ;
une longue réplique (un monologue) pendant laquelle
le personnage est seul en scène et exprime sa pensée,
son état d’âme, ses projets ;
une réplique (l’aparté) faite en présence d’un autre
personnage, mais qui ne lui est pas destinée et qui
s’adresse en fait au public pour éclairer une intention.

Votre choix de lieux (privés, publics) se fera au moyen


d’indications scéniques (les didascalies) placées au début des
scènes. C’est à vous de décider de leur degré de précision et de
leur place dans l’intrigue : soit un simple décor, soit une
fonction dans la progression dramatique.

Vous pouvez commencer par écrire des saynètes (vous avez


bien noté l’orthographe !), c’est-à-dire de petites scènes en
choisissant :

un thème : amour, pouvoir, passion, bonheur,


politique, voyage, affaires, femmes, famille, mort,
sentiments, Dieu, argent, ennui, fantastique, folie,
solitude, voyage, etc. ;
une situation : problème de couple, séduction,
jalousie, tromperie, héritage, naissance, disparition,
adultère, malversation, prise de pouvoir, défaite,
retrouvailles, conflit, maladie, accident, etc. ;
des types de personnages : altruiste, avare (vous
voyez évidemment à qui nous pensons, mais ne
l’appelez pas Harpagon, Molière ne serait pas
content !), arriviste, cynique, hypocondriaque, jaloux,
prétentieux, distrait, mélancolique, farceur, idiot, naïf,
calculateur, hypocrite, amoureux, amoureux éconduit,
séducteur, despotique, joyeux, triste, misanthrope,
dépressif, optimiste, pessimiste, passif, actif,
contemplatif, plaintif, acrimonieux, rancunier, oisif,
surexcité, malade, fou, cruel, haineux, fataliste,
déterminé, malhonnête, amoral, honnête, fiable, etc.

Atelier d’écriture
Pour les différents exercices proposés, vous rédigerez une
scène avec une vingtaine de répliques.
Vous attendez votre train sur un quai de gare et un(e)
inconnu(e) vous aborde.

Premier cas : c’est pour vous demander un


renseignement sur un horaire de train.

Deuxième cas : c’est pour vous demander si vous


n’auriez pas un peu d’argent à lui donner.

Troisième cas : c’est pour tenter de vous séduire.


Vous participez à une réunion politique et vous
affrontez un contradicteur.
Vous dînez en tête à tête avec une personne à qui vous
voulez annoncer une rupture.
C’est une réunion de famille après un enterrement, il
est question d’héritage ; chacun a ses arguments.
Vous êtes policier et vous procédez à l’interrogatoire
d’un suspect : à la fin de la scène, il avouera qu’il a
assassiné son patron ; à la fin de la scène, il n’avouera
pas ; à la fin de la scène, vous constaterez qu’il est
innocent.
Vous êtes un vieillard et vous évoquez avec un
compagnon de maison de retraite un souvenir (heureux,
malheureux).

Écrire pour l’écran


Comme il est ici question de cinéma, il est naturel de
commencer par « une mise au point » : l’écriture
cinématographique est un langage complexe dont la maîtrise
demande une longue pratique, c’est pourquoi les quelques
paragraphes qui suivent n’ont évidemment pas la prétention
d’épuiser le sujet. Notre ambition est seulement de vous
indiquer les principales directions dans lesquelles vous devrez
aller pour réaliser un projet d’écriture cinématographique.

C’est que depuis l’invention technique des ingénieurs et frères


Lumière en 1895, le cinéma est devenu un art à part entière
avec ses règles formelles d’écriture et de réalisation. Nous
présenterons brièvement, ici, celles qui précèdent les fameuses
injonctions de plateau : « Silence ! Moteur ! Action ! », et qui
correspondent aux phases d’écriture du scénario, objet textuel
complexe dont la seule finalité est de conduire avec précision
un metteur en scène dans la fabrication de scènes filmées en
vue d’une progression réalisée lors d’un montage.

Quelle histoire ?
D’abord, il vous faut une histoire dont les sources peuvent être
diverses : personnelles, publiques, historiques, un fait divers,
un texte littéraire, un mythe revisité, etc. Une fois votre choix
arrêté, votre travail consistera à écrire un résumé d’une
vingtaine de lignes en définissant, comme dans tout récit, une
situation initiale, son développement et la situation finale, sans
entrer dans les détails et les différentes péripéties. Dans ce
résumé (un « pitch » en langage cinématographique,
littéralement « un boniment » !) sont indiqués les personnages
principaux, les buts poursuivis.

Vous pouvez accompagner ce résumé d’une sorte de phrase


d’accroche qui signale la ligne directrice de votre histoire.

Le synopsis
Ce terme signifie « plan, vue d’ensemble, inventaire,
catalogue » ; il s’agit donc d’une sorte de plan détaillé où vous
présentez précisément tous les personnages (physique,
psychologie, fonction dramaturgique), la chronologie des
événements, la description des principales péripéties et la
scénarisation des trois temps forts : l’événement déclencheur
de l’intrigue, le point d’intensité maximale de l’histoire (le
« climax » en langage cinématographique) avec les réactions
des protagonistes et le dénouement.

Le traitement
C’est un développement littéraire de votre histoire, sous la
forme d’une nouvelle d’une quarantaine de pages : celle-ci
explore davantage les ressorts psychologiques des personnages,
et développe les éléments narratifs (événements, biographies,
thèmes) et descriptifs (milieux, époques).

Les dialogues
En 2011, Michel Hazanavicius a réalisé avec brio un film muet
en noir et blanc, The Artist, hommage aux films muets des
années 1920 ; pour ce film, l’acteur Jean Dujardin a été
récompensé au Festival de Cannes 2011 par le Prix
d’interprétation masculine. Sauf à reprendre cette idée, il vous
faut penser à construire des dialogues, ce qui n’est pas une
mince affaire. En effet, contrairement aux dialogues de théâtre
qui constituent l’essentiel du texte et au roman où ceux-ci sont
pris dans la trame narrative, les dialogues de cinéma
s’inscrivent dans un rapport avec l’image.

Outre la progression de l’intrigue, les dialogues assurent de


multiples fonctions que vous devrez prendre en compte ; ils
renseignent sur :

l’identité, la psychologie des personnages, leurs


relations, leur milieu social ;
le genre du film : une comédie s’appuiera sur le
comique des jeux de mots ; un thriller ou un film
d’action sur le laconisme, les sous-entendus ; une
romance, sur l’expression des sentiments, les envolées
lyriques, etc.

L’écriture des dialogues est un vrai casse-tête et la tendance


actuelle est d’essayer de calquer le langage du quotidien pour
éviter le côté « plaqué » d’un registre trop littéraire.

Vous pouvez retenir une règle d’or : qui parle et dans quel
contexte ? En d’autres termes, est-ce que les mots que je mets
dans la bouche de mon personnage sont vraisemblables et sa
réaction est-elle plausible par rapport à la situation ? Ainsi, on
a parfois une impression de dialogue artificiel lorsque l’on met
une pensée et des mots d’adulte dans la bouche d’un
personnage enfant : le décalage fait perdre toute crédibilité à la
scène.

Un bon « truc » pour écrire un dialogue, c’est de penser aux


comédiens qui pourraient l’incarner.
Un maître dialoguiste
Les dialogues de Michel Audiard ont marqué le
cinéma français : vivacité de ton, formules définitives,
trouvailles verbales sont sa marque de fabrique.
N’hésitez pas à voir et écouter comment Raoul et
Fernand « flinguent » dans les tous sens, « façon
puzzle » !

Le séquencier
Dernière phase du travail d’écriture avant d’aller sur le
plateau : vous découpez en séquences toutes les actions selon
un ordre chronologique, sans placer les dialogues. Une
séquence peut comporter plusieurs scènes ; par exemple, une
séquence « rencontre » dans le métro :

Scène 1 : on suit un personnage masculin qui marche dans les


couloirs d’une station.

Scène 2 : sur le quai de la station, un groupe de personnes


attendent et parmi elles on s’attarde sur un personnage féminin.

Scène 3 : l’arrivée du métro, la sortie des voyageurs.

Scène 4 : le personnage masculin monte dans la rame et vient


s’asseoir en face du personnage féminin.

Scène 5 : leurs regards se croisent…

Ces différentes scènes font elles-mêmes l’objet de plans.


Il ne faut pas se voiler la face (ce qui serait gênant au
cinéma !), la réalisation d’un séquencier est un travail de
longue haleine, mais il est capital.

Le séquencier met également en place le traitement temporel de


l’histoire : cela peut aller d’une simple chronologie
traditionnelle, qui suit une trajectoire de manière linéaire, à
l’extrême complexité temporelle, qui mêle plusieurs histoires et
fait des allers et retours incessants dans le temps. Pour vous
donner une idée de cette « dentelle », nous vous conseillons
vivement les films d’Alejandro Gonzalez Inarritu, notamment
21 grammes (2003) qui fait avancer de front trois destins
amenés à se croiser et Babel (2006) où ce sont trois histoires et
trois pays qui servent à la construction de l’intrigue.

La première séance

Le 28 décembre 1895 au Salon indien du Grand Café, 14,


boulevard des Capucines à Paris, Antoine Lumière (le père des
frères Lumière) présente la première projection publique et
payante du Cinématographe, avec dix « sujets actuels » au
programme :
1. La Sortie de l’usine Lumière à Lyon
2. La Voltige
3. La Pêche aux poissons rouges
4. Le Débarquement du congrès de photographie à Lyon
5. Les Forgerons
6. Le Jardinier
7. Le Repas de bébé
8. Le Saut à la couverture
9. La Place des Cordeliers à Lyon
10. La Mer
Le succès est considérable : un nouvel art (le septième !) et une
nouvelle industrie sont nés.
Un point de vue à méditer

Professeur d’écriture créative à l’université de Californie du


Sud et scénariste de plusieurs épisodes de la série télé
Colombo, Robert MCKee a été lecteur de scénarios à
Hollywood pendant de longues années ; nous vous conseillons
la lecture de son livre Story (Ed. Dixit-Synopsis, 2001) ; c’est
une véritable mine de conseils judicieux et concrets.

Ainsi, il constate que les manuscrits qu’il a lus contiennent


souvent de bonnes descriptions, des dialogues cohérents et
expriment des moments sensibles ; mais l’histoire proposée
manque souvent de dynamisme, peine à démarrer et l’épaisseur
psychologique des personnages est inexistante.

Atelier d’écriture
Écrivez :
une scène de colère pour Gérard Depardieu
une scène d’amour entre Julia Roberts et Brad Pitt
une scène de discussion, entre deux malfaiteurs
préparant un casse, jouée par Robert de Niro et Al
Pacino
une scène de retrouvailles entre deux vieux amis qui
ne se sont pas vus depuis dix ans, jouée par Sean
Connery et Woody Allen
une scène d’affrontement verbal entre deux personnes
qui ne sont pas d’accord sur les moyens à utiliser pour
sauver une personne coincée au cinquième étage d’un
immeuble en feu, jouée par Mel Gibson et Guillermo
del Toro
une scène de quiproquo à propos d’un rendez-vous
manqué, jouée par Dany Boon et Benoît Poolvorde
Critique de cinéma
Voici deux critiques différentes pour un même film, Vilaine
de Jean-Patrick Benes et Allan Mauduit (2008) avec
Marilou Berry et Frédérique Bel : une jeune femme,
Mélanie, gentille et serviable, est exploitée par son
entourage ; un jour, elle décide de se révolter et devient
méchante. Dans le même hebdomadaire (le TélObs du
jeudi 4 août 2011), deux critiques livrent leurs points de
vue divergents :

Pour : La réussite de « Vilaine » repose pour une bonne


part sur les épaules de Marilou Berry dont les
appétissantes rondeurs et la personnalité explosive
constituent les atouts maîtres lorsqu’il s’agit de défier les
méchants sur leur propre terrain. J.P.G.

Contre : Fausse méchanceté, hystérie et laideur visuelle à


tous les étages. Au secours. B.A.

À partir d’un premier film de votre choix, rédigez deux


textes courts : le premier sera positif et développé sur 3
lignes ; le second, négatif, tiendra en 1 ligne.

Même opération avec un second film, mais cette fois-ci le


premier de 3 lignes sera négatif et le second d’1 ligne sera
positif.

Page d’écriture
Vous avez le pouvoir de remonter dans le temps ;
quelle époque choisissez-vous et que décidez d’y
faire ?
Dans le vingtième siècle quelle est l’invention
qui vous paraît la plus importante pour
l’humanité ? Faites un texte d’environ cinq lignes
avec une seule contrainte : vous n’emploierez pas
une seule fois le verbe être (ni sous sa forme
auxiliaire !).
En dix lignes faites votre portrait.
Vous êtes sur le Titanic et cela ne va pas fort, car
le navire vient d’heurter l’iceberg. Dites-nous ce
que vous faites.
Rédigez pour vos amis, votre recette de cuisine
préférée.
Racontez le dernier film que vous avez vu sans
utiliser une seule fois le verbe être et un mot
contenant la lettre « o ».
Voici les titres pris méthodiquement de la
première à la dernière page dans une revue
hebdomadaire consacrée aux programmes de la
télévision et au cinéma ; choisissez-en deux et
imaginez un court récit qui commence par le
premier titre et s’achève par le second :

L’Enfance de l’art – À l’Ouest du nouveau – La


Ville perdue – L’Observateur du moment –
L’Engrenage du destin – Le Choc des cultures –
Le Fléau de Dieu – Sujets sensibles – Après
l’apocalypse – Youyous pour un âne – Prises de
têtes – Rendez-vous au Ritz – Iceberg droit
devant – Sur les Rails – Destins croisés –
Peinture morte – Éloge de la geekitude – Les
Dents qui claquent – L’Enfance des seigneurs –
La Vérité des vaches – La Chevauchée sauvage –
La Déferlante punk – Le Galopin épinglé –
Dernier combat – Une Vie de rêves – La Fin du
jour – Basse tension
Cinquième partie

La galerie des grands modèles

Dans cette partie

Le XVIIe siècle fut agité par une querelle, celle des Anciens et des
Modernes, qui divisa le milieu des écrivains en deux camps farouchement
opposés : d’un côté, les partisans de la stricte imitation des auteurs de
l’Antiquité qui, selon eux, avaient atteint la perfection esthétique ; de
l’autre, les partisans de l’innovation qui, sans récuser les Anciens, pensaient
que chaque époque pouvait apporter des formes nouvelles. L’histoire a
montré qu’il s’agissait d’un faux débat et qu’évidemment tout écrivain,
toute œuvre s’inscrit dans une filiation, puis emprunte sa propre voie et
développe son originalité.

C’est dans cette perspective que cette partie vous propose la visite de la
galerie de quelques grands modèles de la littérature, et plus généralement de
l’écrit, à travers des œuvres littéraires, leur genèse, et des discours qui ont
marqué en leur temps. Vous y trouverez des exemples à suivre qui pourront
vous inspirer et contredire en partie l’adage selon lequel on ne peut pas faire
du neuf avec du vieux…

Par ailleurs, si l’écriture est d’abord une activité plutôt solitaire, il est
toujours réconfortant de recueillir et de connaître les témoignages de ceux
qui passent l’essentiel de leur temps à imaginer des histoires, à jouer avec
les mots, pour ensuite les offrir à notre imaginaire… Écrire pour les Nuls
vous confie leurs petits secrets et vous fait entrer dans leur laboratoire
d’écriture…
Chapitre 17

La galerie des modèles

Dans ce chapitre :
Les modèles du genre
Des commentaires pour devenir à votre tour un
modèle…

Aujourd’hui, vous avez l’esprit créatif, vous fourmillez d’idées,


vous tenez une situation, le début d’une histoire, l’organisation
d’une intrigue, le portrait d’un personnage, les bons arguments
pour convaincre, les images et les expressions poétiques pour
traduire votre état. Bref, le stylo, le clavier vous démange !
Mais, vous avez aussi l’intuition que vous êtes au début d’une
grande aventure qui connaîtra peut-être des hauts et des bas,
des moments d’indécision, des tentations de renoncement,
d’abandon, et vous sentez que vous avez besoin de vous poser
un instant pour regarder comment ils ont fait avant. Ils ? Oui,
ceux qui ont laissé des œuvres majeures qui peuvent aussi
aujourd’hui nous servir de modèles, de points de départ. C’est
pourquoi nous vous proposons un petit tour par la galerie des
modèles. Bonne visite !

Modèle de prise de notes et de plan


Même si certains auteurs prétendent seulement avancer selon
l’inspiration du moment, pour la plupart leur travail d’écriture
(argumentation, discussion, construction d’une œuvre
romanesque, théâtrale, cinématographique) nécessite
l’élaboration d’un plan. En matière de préparation, les auteurs
romanesques du XIXe siècle soignaient particulièrement les
phases de documentation et d’ébauches de plans. Ils ont laissé
des masses considérables de manuscrits, carnets, notes, qui
témoignent de la genèse de leurs œuvres et permettent de
mesurer les méandres de la création.

Une prise de note hugolienne


Voici un extrait des notes prises par Victor Hugo sur le site de
Waterloo pour préparer le chapitre consacré à la dernière
bataille de Napoléon, le 18 juin 1815, dans son roman Les
Misérables, 1862.

[Folios 37-40], 7 mai 1861

aux ruines d’Hougemont auberge. des poules. une


affiche de spectacle jaune vole au vent dans un champ
voisin où sarcle une jeune fille, charrette à 4 roues,
herse. charrue, échelle à terre le long d’un vieux
hangar de paille. chaux vive qui fume dans un trou.
Petite mare près du sentier (mal pavé) tas de
broussailles sèches ; haie vive, à un coude de la route
on voit une porte cochère de ferme, peinte en gris,
toute vermoulue. mur mi parti de brique et de pierre,
la brique en haut, la pierre en bas. meurtrières dans la
brique.

– paisibles ornières des charrettes à foin là où furent


les ornières des canons ;
– j’arrive à la porte.

– gros orme devant la porte. […]

38 meurtrières. Il n’y en a que sur le mur Sud.


L’attaque venait de là. quatre seult (anciennes) au mur
Est qui à son extrémité est tout écroulé. Au Nord une
haie […]

porte méridionale. là a eu lieu l’attaque. façade


encore toute criblée de balles et de biscayens. Porte
L.XIV. à impostes accostées de deux médaillons
planes. vieux marteau de fer. trois herses sur le pré
devant la porte. vieil arbre brisé peut-être par la
bataille. a deux larges trous dans le tronc. reverdit
encore au printemps. quelques pierres le long du mur
perpendiculaire à la façade. je pousse les battants
troués par les biscayens. trace d’un gros biscayen près
d’un clou à hauteur d’homme. le biscayen n’a pas
percé le bois. trou boulet de canon fenêtre en haut du
mur. dans la cour. quelques charrettes. une calèche.
des poules. un gros chien montre les dents et remplace
les anglais. une porte cintrée du 16e siècle fait arcade.
Une autre porte Henri IV dans le mur sur le verger.
chapelle avec un petit clocher. poirier en fleur
d’espalier sur le mur de la chapelle. trou à fumier.
vieux puits avec sa dalle et son tourniquet de fer.

Victor Hugo, Œuvres complètes, Paris, Robert


Laffont,
collection « Bouquins », vol. XIX.

Et maintenant lisez leur emploi et leur traitement dans le tome


II des Misérables, Livre premier, chapitre II.
II

HOUGOMONT

Hougomont, ce fut là un lieu funèbre, le commencement de


l’obstacle, la première résistance que rencontra à Waterloo ce
grand bûcheron de l’Europe qu’on appelait Napoléon ; le
premier nœud sous le coup de hache.

C’était un château, ce n’est plus qu’une ferme. Hougomont,


pour l’antiquaire, c’est Hugomons. Ce manoir fut bâti par
Hugo, sire de Somerel, le même qui dota la sixième chapellenie
de l’abbaye de Villiers.

Le passant poussa la porte, coudoya sous un porche une vieille


calèche, et entra dans la cour.

La première chose qui le frappa dans ce préau, ce fut une porte


du seizième siècle qui y simule une arcade, tout étant tombé
autour d’elle. L’aspect monumental naît souvent de la ruine.
Auprès de l’arcade s’ouvre dans un mur une autre porte avec
claveaux du temps de Henri IV, laissant voir les arbres d’un
verger. À côté de cette porte un trou à fumier, des pioches et des
pelles, quelques charrettes, un vieux puits avec sa dalle et son
tourniquet de fer, un poulain qui saute, un dindon qui fait la
roue, une chapelle que surmonte un petit clocher, un poirier en
fleur en espalier sur le mur de la chapelle, voilà cette cour dont
la conquête fut un rêve de Napoléon. Ce coin de terre, s’il eût
pu le prendre, lui eût peut-être donné le monde. Des poules y
éparpillent du bec la poussière. On entend un grondement,
c’est un gros chien qui montre les dents et qui remplace les
Anglais.

Les Anglais-là ont été admirables. Les quatre compagnies des


gardes de Cooke y ont tenu tête pendant sept heures à
l’acharnement d’une armée.
Hougomont, vu sur la carte, en plan géométral, bâtiments et
enclos compris, présente une espèce de rectangle irrégulier
dont un angle aurait été entaillé. C’est à cet angle qu’est la
porte méridionale gardée par ce mur qui la fusille à bout
portant. Hougomont a deux portes, la porte méridionale, celle
du château, et la porte septentrionale, celle de la ferme.
Napoléon envoya contre Hougomont son frère Jérôme ; les
divisions Guilleminot, Foy et Bachelu s’y heurtèrent, presque
tout le corps de Reille y fut employé et y échoua, les boulets de
Kellermann s’épuisèrent sur cet héroïque pan de mur. Ce ne fut
pas trop de la brigade Bauduin pour forcer Hougomont au
nord, et la brigade Soye ne put que l’entamer au sud, sans le
prendre.

Les bâtiments de la ferme bordent la cour au sud. Un morceau


de la porte nord, brisée par les Français, pend accroché au
mur. Ce sont quatre planches clouées sur deux traverses, et où
l’on distingue les balafres de l’attaque.

La porte septentrionale, enfoncée par les Français, et à


laquelle on a mis une pièce pour remplacer le panneau
suspendu à la muraille, s’entrebâille au fond du préau ; elle est
coupée carrément dans un mur, de pierre en bas, de brique en
haut, qui ferme la cour au nord. C’est une simple porte
charretière comme il y en a dans toutes les métairies, deux
larges battants faits de planches rustiques ; au-delà, des
prairies. La dispute de cette entrée a été furieuse. On a
longtemps vu sur le montant de la porte toutes sortes
d’empreintes de mains sanglantes. C’est là que Bauduin fut
tué.

Victor Hugo, Les Misérables, Tome II, Livre premier,


Waterloo, chapitre II, 1862

Commentaire
Observez à quel point la prise de notes, les détails des lieux, de
l’événement, sont repris dans le texte final ; quelques
exemples :

La phrase « j’arrive à la porte » devient « Le passant poussa la


porte » et ensuite on retrouve un grand nombre d’éléments
notés, repris dans le texte final et parfois tels quels : la calèche,
la porte cochère, la porte Henri IV, le verger, le trou à fumier,
quelques charrettes, le poirier en fleur en espalier sur le mur de
la chapelle, le vieux puits avec sa dalle et son tourniquet, etc.

Victor Hugo reprend également son constat sur les traces


visibles de la bataille : « façade encore toute criblée »,
« battants troués par les biscayens » (ce sont des balles de gros
calibre !) ; il injecte ses connaissances livresques et historiques
et sa vision épique : « On a longtemps vu sur le montant de la
porte toutes sortes d’empreintes de mains sanglantes. »

Vous aurez aussi remarqué que dans l’emploi de la formule


trouvée pendant la visite à propos du chien : « […] c’est un
gros chien qui montre les dents et qui remplace les Anglais »,
ces derniers ont retrouvé une majuscule à l’initiale de leur
nom !

Voici le plan d’ensemble impressionnant des Misérables, qui


montre la densité de la construction – et nous n’avons pas
indiqué les chapitres !

Tome I - Fantine

Livre premier - Un juste

Livre deuxième - La chute

Livre troisième - En l’année 1817

Livre quatrième - Confier, c’est quelquefois livrer


Livre cinquième - La descente

Livre sixième - Javert

Livre septième - L’affaire Champmathieu

Livre huitième - Contre-coup

Tome II - Cosette

Livre premier - Waterloo

Livre deuxième - Le vaisseau L’Orion

Livre troisième - Accomplissement de la promesse faite à la


morte

Livre quatrième - La masure Gorbeau

Livre cinquième - À chasse noire, meute muette

Livre sixième - Le petit-Picpus

Livre septième - Parenthèse

Livre huitième - Les cimetières prennent ce qu’on leur donne

Tome III - Marius

Livre premier - Paris étudié dans son atome

Livre deuxième - Le grand bourgeois

Livre troisième - Le grand-père et le petit-fils


Livre quatrième - Les amis de l’ABC

Livre cinquième - Excellence du malheur

Livre sixième - La conjonction de deux étoiles

Livre septième - Patron-minette

Livre huitième - Le mauvais pauvre

Tome IV - L’idylle rue Plumet et l’épopée rue Saint-Denis

Livre premier - Quelques pages d’histoire

Livre deuxième - Éponine

Livre troisième - La maison de la rue Plumet

Livre quatrième - Secours d’en bas peut être secours d’en haut

Livre cinquième - Dont la fin ne ressemble pas au


commencement

Livre sixième - Le petit Gavroche

Livre septième - L’argot

Livre huitième - Les enchantements et les désolations

Livre neuvième - Où vont-ils ?

Livre dixième - Le 5 juin 1832

Livre onzième - L’atome fraternise avec l’ouragan

Livre douzième - Corinthe


Livre treizième - Marius entre dans l’ombre

Livre quatorzième - Les grandeurs du désespoir

Livre quinzième - La rue de l’Homme-Armé

Tome V - Jean Valjean

Livre premier - La guerre entre quatre murs

Livre deuxième - L’intestin de Léviathan

Livre troisième - La boue, mais l’âme

Livre quatrième - Javert déraillé

Livre cinquième - Le petit-fils et le grand-père

Livre sixième - La nuit blanche

Livre septième - La dernière gorgée du calice

Livre huitième - La décroissance crépusculaire

Livre neuvième - Suprême ombre, suprême aurore

Les bons plans d’Émile


Émile Zola faisait toujours précéder la rédaction finale de ses
romans d’un immense travail préparatoire. Documentation,
témoignages, abondantes notes prises pendant des visites sur le
terrain lui permettaient d’accumuler toutes sortes
d’informations sur le sujet traité, et parallèlement d’élaborer
une « ébauche » et deux plans détaillés où il établissait son
système de personnages et la chronologie des chapitres.

Prenons l’exemple de son roman Au Bonheur des Dames


(1883) décrivant l’essor des grands magasins parisiens, la mort
des petits commerces, et une intrigue amoureuse entre une
vendeuse et Octave Mouret, le propriétaire conquérant du
grand magasin. L’« ébauche » comporte 27 feuillets où Zola
pose son projet :

Je veux dans Au Bonheur des Dames faire le poème de


l’activité moderne. […] En un mot, aller avec le
siècle, exprimer le siècle, qui est un siècle d’action et
de conquête, d’efforts dans tous les sens.

Un peu plus loin il précise :

… le côté poème du livre : une vaste entreprise sur la


femme, il faut que la femme soit la reine dans le
magasin, qu’elle s’y sente comme dans un temple
élevé à sa gloire, pour sa jouissance et pour son
triomphe.

Mais il s’adresse des mises en garde :

Pourtant, je ne voudrais pas d’épisodes trop sensuels.


Éviter les scènes trop vives, qui finiraient par me
spécialiser. Certes, laisser le grouillement féminin
nécessaire ; mais choisir comme élément de passion
central une figure d’honnêteté, luttant. Je voudrais par
exemple une demoiselle de magasin, la misère en robe
de soie, une fille dont je peindrai les souffrances, et
que je ferai heureuse ou malheureuse plutôt à la fin.
Mais il faut trouver l’intrigue.

C’est à partir de cette véritable feuille de route que Zola dresse


la liste des personnages, les thèmes qu’il compte développer et
les différentes intrigues. À la fin de son « ébauche », il résume
son projet dans un premier plan avec les grandes périodes du
roman, puis vient un deuxième plan où apparaissent les 14
chapitres du roman, et juste avant la rédaction un dernier plan
général : ainsi, l’écriture de Zola se déclenche après une
véritable gestation où tout a été organisé.

Voici l’évolution du premier et du dernier chapitre dans les


deux derniers plans :

Deuxième plan

I. Louise arrive à Paris. Sa première journée.


L’intérieur du petit commerce. Inactive dans le
comptoir, et tout le temps le Bonheur en face rappel
continuel. Tout le petit commerce. Repas, etc. Histoire
de Louise. La lutte posée entre les deux commerces en
conversation. Le monstre vu du dehors. Histoire
d’Octave posée. Louise conduite chez les jeunes
commerçants, où je pose le chef de rayon et le
fabricant. On prépare une exposition.
[…]
XIV. Enfin la grande exposition de blanc. Passer un
an ou deux. Tout le commerce est écrasé. Louise a
forcé Octave à prendre son oncle. Le jeune ménage
sauvé aussi. Le Bonheur tenant le quartier mais
Octave pas heureux, car Louise n’a pas encore dit oui.
Enfin le soir la recette énorme montée, et Louise
disant oui.

Plan général final

I. Arrivée de Louise à Paris. Jean et Pépé. L’extérieur


du Bonheur revenant trois fois. Les Baudu, Geneviève,
Colomban. Tout le petit commerce posé. Barrois.
Vinçard et Robineau. Gaujean. Hist. d’Octave posée.
Tout le quartier devant le Bonheur (octobre 1964).
[…]
XIV. Troisième état du Bonheur. La façade sur la rue
du Dix-Décembre. Apothéose finale, avec la mise en
vente du blanc. Finir tout le monde, les vendeurs, les
clientes. Vol de Mme de Boves. Enfin, Octave offrant à
Louise de l’épouser et celle-ci acceptant. Triomphe de
la femme aimée, devant la femme exploitée (février
1969).

Commentaires
L’évolution du premier chapitre : Zola introduit les
personnages secondaires – les frères de Louise et la famille
Baudu – et indique la temporalité (octobre 1964).

L’évolution du dernier chapitre : il rappelle que le roman aura


trois temps forts liés aux agrandissements successifs du
magasin ; il montre le souci de Zola de mener à leur terme
toutes les intrigues initiées. Enfin il donne la durée de sa fiction
avec la date finale (février 1969).

La précision de ces plans annonce celle des scénarios du


cinéma. Zola visualise littéralement son roman dès la
conception initiale. Il est certain que si l’on adopte une telle
méthode, la maîtrise de la progression est assurée ; mais vous
le pressentez, elle suggère un énorme travail en amont de
l’écriture finale !

Dernier point : finalement, Zola appellera son héroïne Denise


au lieu de Louise !

Modèles de récits courts


La nouvelle (du mot italien novella pour désigner un récit court
imaginaire) est un texte où la brièveté est la règle : dès lors, le
temps, l’espace, le nombre de personnages sont limités. Tantôt
réaliste, tantôt fantastique, la nouvelle nous permet d’entrer
d’emblée dans un univers et dans la psychologie des
personnages. Si vous souhaitez vous lancer dans l’écriture
d’une nouvelle, il vous faut d’abord trouver une intrigue et une
chute et surtout travailler la concision : les longues
descriptions, les portraits développés devront subir une cure
d’allègement. Faire court n’est donc pas nécessairement facile !

Nous vous proposons un extrait d’une nouvelle La Bête à


Maître Belhomme (1886), de Maupassant, un des maîtres
incontestés du genre.

À la Maupassant
Guy de Maupassant a écrit un peu plus de trois cents contes et
nouvelles : réalistes (Boule de suif) ou fantastiques (Le Horla ;
La Main). Il manie l’art du portrait en action, de l’implicite et
de la chute, caractéristiques indispensables à la brièveté de la
nouvelle. Voyez par vous-même :
La diligence du Havre allait quitter Criquetot ; et tous
les voyageurs attendaient l’appel de leur nom dans la
cour de l’hôtel du Commerce tenu par Malandain fils.

C’était une voiture jaune, montée sur des roues jaunes


aussi autrefois, mais rendues presque grises par
l’accumulation des boues. Celles de devant étaient
toutes petites ; celles de derrière, hautes et frêles,
portaient le coffre difforme et enflé comme un ventre
de bête. Trois rosses blanches, dont on remarquait, au
premier coup d’œil, les têtes énormes et les gros
genoux ronds, attelées en arbalète, devaient traîner
cette carriole qui avait du monstre dans sa structure et
son allure. Les chevaux semblaient endormis déjà
devant l’étrange véhicule.

Le cocher Césaire Horlaville, un petit homme à gros


ventre, souple cependant, par suite de l’habitude
constante de grimper sur ses roues et d’escalader
l’impériale, la face rougie par le grand air des
champs, les pluies, les bourrasques et les petits verres,
les yeux devenus clignotants sous les coups de vent et
de grêle, apparut sur la porte de l’hôtel en s’essuyant
la bouche d’un revers de main. De larges paniers
ronds, pleins de volailles effarées, attendaient devant
les paysannes immobiles. Césaire Horlaville les prit
l’un après l’autre et les posa sur le toit de sa voiture ;
puis il y plaça plus doucement ceux qui contenaient
des œufs ; il y jeta ensuite, d’en bas, quelques petits
sacs de grain, de menus paquets enveloppés de
mouchoirs, de bouts de toile ou de papiers. Puis il
ouvrit la porte de derrière et, tirant une liste de sa
poche, il lut en appelant :

— Monsieur le curé de Gorgeville.


Le prêtre s’avança, un grand homme puissant, large,
gros, violacé et d’air aimable. Il retroussa sa soutane
pour lever le pied, comme les femmes retroussent leurs
jupes, et grimpa dans la guimbarde.

— L’instituteur de Rollebosc-les-Grinets ?

L’homme se hâta, long, timide, enredingoté jusqu’aux


genoux ; et il disparut à son tour dans la porte
ouverte.

— Maît’ Poiret, deux places.

Poiret s’en vint, haut et tortu, courbé par la charrue,


maigri par l’abstinence, osseux, la peau séchée par
l’oubli des lavages. Sa femme le suivait, petite et
maigre, pareille à une bique fatiguée, portant à deux
mains un immense parapluie vert.

— Maît’ Rabot, deux places.

Rabot hésita, étant de nature perplexe. Il demanda :


« C’est ben mé qu’t’appelles ? »

Le cocher, qu’on avait surnommé « dégourdi », allait


répondre une facétie, quand Rabot piqua une tête vers
la portière, lancé en avant par une poussée de sa
femme, une gaillarde haute et carrée dont le ventre
était vaste et rond comme une futaille, les mains larges
comme des battoirs.

Et Rabot fila dans la voiture à la façon d’un rat qui


rentre dans son trou.

— Maît’ Caniveau.
Un gros paysan, plus lourd qu’un bœuf, fit plier les
ressorts et s’engouffra à son tour dans l’intérieur du
coffre jaune.

— Maît’ Belhomme.

Belhomme, un grand maigre, s’approcha, le cou de


travers, la face dolente, un mouchoir appliqué sur
l’oreille comme s’il souffrait d’un fort mal de dents.

Tous portaient la blouse bleue par-dessus d’antiques


et singulières vestes de drap noir ou verdâtre,
vêtements de cérémonie qu’ils découvriraient dans les
rues du Havre ; et leurs chefs étaient coiffés de
casquettes de soie, hautes comme des tours, suprême
élégance dans la campagne normande.

Césaire Horlaville referma la portière de sa boîte, puis


monta sur son siège et fit claquer son fouet.

Les trois chevaux parurent se réveiller et, remuant le


cou, firent entendre un vague murmure de grelots.

Le cocher, alors, hurlant : « Hue ! » de toute sa


poitrine, fouailla les bêtes à tour de bras. Elles
s’agitèrent, firent un effort, et se mirent en route d’un
petit trot boiteux et lent. Et derrière elles, la voiture,
secouant ses carreaux branlants et toute la ferraille de
ses ressorts, faisait un bruit surprenant de ferblanterie
et de verrerie, tandis que chaque ligne de voyageurs,
ballottée et balancée par les secousses, avait des
reflux de flots à tous les remous des cahots.

On se tut d’abord, par respect pour le curé, qui gênait


les épanchements. Il se mit à parler le premier, étant
d’un caractère loquace et familier.
— Eh bien, maît’ Caniveau, dit-il, ça va-t-il comme
vous voulez ?

L’énorme campagnard, qu’une sympathie de taille,


d’encolure et de ventre liait avec l’ecclésiastique,
répondit en souriant :

— Tout d’même, m’sieu l’curé, tout d’même, et d’vote


part ?

— Oh ! d’ma part, ça va toujours.

— Et vous, maît’ Poiret ? demanda l’abbé.

— Oh ! mé, ça irait, n’étaient les cossards [colzas] qui


n’donneront guère c’t’année ; et, vu les affaires, c’est
là-dessus qu’on s’rattrape.

— Que voulez-vous, les temps sont durs.

— Que oui, qu’i sont durs, affirma d’une voix de


gendarme la grande femme de maît’ Rabot.

Comme elle était d’un village voisin, le curé ne la


connaissait que de nom.

— C’est vous, la Blondel ? dit-il.

— Oui, c’est mé, qu’a épousé Rabot.

Rabot, fluet, timide et satisfait, salua en souriant ; il


salua d’une grande inclinaison de tête en avant,
comme pour dire : « C’est bien moi Rabot, qu’a
épousé la Blondel. »

Soudain maît’ Belhomme, qui tenait toujours son


mouchoir sur son oreille, se mit à gémir d’une façon
lamentable. Il faisait « gniau… gniau… gniau » en
tapant du pied pour exprimer son affreuse souffrance.

— Vous avez donc bien mal aux dents ? demanda le


curé.

Le paysan cessa un instant de geindre pour répondre :

— Non point… m’sieu le curé… C’est point des


dents… c’est d’l’oreille, du fond d’l’oreille.

— Qu’est-ce que vous avez donc dans l’oreille. Un


dépôt ?

— J’sais point si c’est un dépôt, mais j’sais ben


qu’c’est eune bête, un’grosse bête, qui m’a entré
d’dans, vu que j’dormais su l’foin dans l’grenier.

— Un’bête. Vous êtes sûr ?

— Si j’en suis sûr ? Comme du Paradis, m’sieu le


curé, vu qu’a m’grignote l’fond d’l’oreille. À m’mange
la tête, pour sûr ! à m’mange la tête ! Oh ! gniau…
gniau… gniau… Et il se remit à taper du pied.

Un grand intérêt s’était éveillé dans l’assistance.


Chacun donnait son avis. Poiret voulait que ce fût une
araignée, l’instituteur que ce fût une chenille. Il avait
vu ça une fois déjà à Campemuret, dans l’Orne, où il
était resté six ans ; même la chenille était entrée dans
la tête et sortie par le nez. Mais l’homme était
demeuré sourd de cette oreille-là, puisqu’il avait le
tympan crevé.

— C’est plutôt un ver, déclara le curé.


Maît’ Belhomme, la tête renversée de côté et appuyée
contre la portière, car il était monté le dernier,
gémissait toujours.

— Oh ! gniau… gniau… gniau… j’crairais ben


qu’c’est eune frémi, eune grosse frémi, tant qu’a
mord… T’nez, m’sieu le curé… a galope… a galope…
Oh ! gniau… gniau… gniau… que misère !…

La fin de la nouvelle révélera que c’est une… puce qui fait


souffrir Maît’ Belhomme !

Commentaires
Maupassant choisit un lieu clos pour placer son intrigue, une
diligence ; ce qui facilite le resserrement de l’intrigue et des
dialogues.

Le procédé de l’appel des passagers par le cocher introduit la


présentation des différents portraits, comme si chacun d’eux
était photographié ou filmé à son passage. Pour éviter une
répétition lassante, il associe une variété (passagers seuls ou en
couple) et un principe de contraste jouant aussi bien sur le
physique que sur le psychologique.

Du grand art ! En trois mouvements Maupassant installe sa


nouvelle : d’abord une série de portraits individuels et de
couples, puis les premiers échanges conventionnels avec la
restitution d’un langage paysan et enfin l’événement
perturbateur, la douleur de Maît’ Belhomme.

Vous noterez que les portraits mêlent des notations physiques,


sociologiques et psychologiques et jouent sur des effets de
contraste avant d’être finalement rassemblés dans une unité
sociale (« Tous portaient la blouse bleue par-dessus d’antiques
et singulières vestes de drap noir ou verdâtre, vêtements de
cérémonie qu’ils découvriraient dans les rues du Havre »).

Modèle de portraits sociaux


Par le biais de la satire, de l’ironie, un portrait peut devenir
l’expression d’une réflexion morale et politique sur une
société ; c’est ce qu’avait compris Jean de la Bruyère (1645-
1696) qui employa ce procédé pour observer et critiquer ses
contemporains. Partisan du mérite personnel et pourfendeur de
la classe des privilégiés, il jugea malgré tout plus prudent de
publier son œuvre sous le nom de Théophraste, un auteur du
IIIe siècle avant J.-C. ! C’est que le « Jeannot » n’y allait pas
de main morte, jugez plutôt :

Giton a le teint frais, le visage plein et les joues


pendantes, l’œil fixe et assuré, les épaules larges,
l’estomac haut, la démarche ferme et délibérée. Il
parle avec confiance ; il fait répéter celui qui
l’entretient, et il ne goûte que médiocrement tout ce
qu’il lui dit. Il déploie un ample mouchoir, et se
mouche avec grand bruit ; il crache fort loin, et il
éternue fort haut. Il dort le jour, il dort la nuit, et
profondément ; il ronfle en compagnie. Il occupe à
table et à la promenade plus de place qu’un autre. Il
tient le milieu en se promenant avec ses égaux ; il
s’arrête, et l’on s’arrête ; il continue de marcher, et
l’on marche : tous se règlent sur lui. Il interrompt, il
redresse ceux qui ont la parole : on ne l’interrompt
pas, on l’écoute aussi longtemps qu’il veut parler ; on
est de son avis, on croit les nouvelles qu’il débite. S’il
s’assied, vous le voyez s’enfoncer dans un fauteuil,
croiser les jambes l’une sur l’autre, froncer le sourcil,
abaisser son chapeau sur ses yeux pour ne voir
personne, ou le relever ensuite, et découvrir son front
par fierté et par audace. Il est enjoué, grand rieur,
impatient, présomptueux, colère, libertin, politique,
mystérieux sur les affaires du temps ; il se croit des
talents et de l’esprit. Il est riche.

Phédon a les yeux creux, le teint échauffé, le corps sec


et le visage maigre ; il dort peu, et d’un sommeil fort
léger ; il est abstrait, rêveur, et il a avec de l’esprit
l’air d’un stupide : il oublie de dire ce qu’il sait, ou de
parler d’événements qui lui sont connus ; et s’il le fait
quelquefois, il s’en tire mal, il croit peser à ceux à qui
il parle, il conte brièvement, mais froidement ; il ne se
fait pas écouter, il ne fait point rire. Il applaudit, il
sourit à ce que les autres lui disent, il est de leur avis ;
il court, il vole pour leur rendre de petits services. Il
est complaisant, flatteur, empressé ; il est mystérieux
sur ses affaires, quelquefois menteur ; il est
superstitieux, scrupuleux, timide. Il marche doucement
et légèrement, il semble craindre de fouler la terre ; il
marche les yeux baissés, et il n’ose les lever sur ceux
qui passent. Il n’est jamais du nombre de ceux qui
forment un cercle pour discourir ; il se met derrière
celui qui parle, recueille furtivement ce qui se dit, et il
se retire si on le regarde. Il n’occupe point de lieu, il
ne tient point de place ; il va les épaules serrées, le
chapeau abaissé sur ses yeux pour n’être point vu ; il
se replie et se renferme dans son manteau ; il n’y a
point de rues ni de galeries si embarrassées et si
remplies de monde, où il ne trouve moyen de passer
sans effort, et de se couler sans être aperçu. Si on le
prie de s’asseoir, il se met à peine sur le bord d’un
siège ; il parle bas dans la conversation, et il articule
mal ; libre néanmoins sur les affaires publiques,
chagrin contre le siècle, médiocrement prévenu des
ministres et du ministère. Il n’ouvre la bouche que
pour répondre ; il tousse, il se mouche sous son
chapeau, il crache presque sur soi, et il attend qu’il
soit seul pour éternuer, ou, si cela lui arrive, c’est à
l’insu de la compagnie : il n’en coûte à personne ni
salut ni compliment. Il est pauvre.

La Bruyère, Les Caractères, VI, « Des biens de


fortune », 1688.

Commentaire
Chaque portrait débute par une brève description physique,
suivie d’une accumulation de notations sur les comportements
moraux, sociaux.

La Bruyère emploie une progression dite à thème constant : le


personnage de chaque portrait est le sujet de presque toutes les
phrases (« il… il… il… il »). Le texte sur Giton est saturé de
verbes d’actions et d’adjectifs qui caractérisent le personnage ;
le texte sur Phédon possède les mêmes caractéristiques avec en
plus une série de modalisateurs (« mal » ; « brièvement » ;
« froidement » ; « doucement » ; « légèrement » ; « bas ») et de
formes négatives qui montrent les limites du personnage (« il
ne sait pas » ; « il ne fait point » ; « il n’ose » ; « il n’est
jamais »).

Par le jeu de parallélismes et d’oppositions entre les deux


portraits, La Bruyère bâtit sur le fond une satire sociale
complète et affirme discrètement, comme en filigrane, sa
position ; dans la forme, cela est aussi mis en évidence par le
déséquilibre du traitement : le portrait de Phédon est deux fois
plus développé. Enfin, la dernière phrase de chaque portrait est
donnée comme la clé, la cause de tout ce qui précède : « Il est
riche » ; « Il est pauvre » ; ce qui est dit avant apparaît donc
comme autant de conséquences sociales d’un état.
Modèle pour convaincre
L’art de présenter une opinion pour convaincre met en œuvre
toutes sortes de moyens : figures de style, lexique approprié,
organisation de l’argumentation, force des idées et des
exemples, conviction de celui qui écrit. Tous les grands
écrivains possèdent ces techniques qui deviennent des
instruments de liberté et de justice lorsqu’elles sont mises au
service d’une cause.

En voici, parmi tant d’autres, demeurée emblématique du


pouvoir des mots au service de l’humanité, l’affaire Calas. En
1762, au terme d’une enquête bâclée et d’un procès inique,
Jean Calas, accusé du meurtre de son fils, retrouvé pendu, est
condamné au supplice de la roue et meurt exécuté, en clamant
son innocence. Voltaire se saisit de l’affaire et démontre
l’innocence de Jean Calas et l’aveuglement coupable des juges.

Le meurtre de Calas, commis dans Toulouse avec le


glaive de la justice, le 9 mars 1762, est un des plus
singuliers événements qui méritent l’attention de notre
âge et de la postérité. On oublie bientôt cette foule de
morts qui a péri dans des batailles sans nombre, non
seulement parce que c’est la fatalité inévitable de la
guerre, mais parce que ceux qui meurent par le sort
des armes pouvaient aussi donner la mort à leurs
ennemis, et n’ont point péri sans se défendre. Là où le
danger et l’avantage sont égaux, l’étonnement cesse,
et la pitié même s’affaiblit ; mais si un père de famille
innocent est livré aux mains de l’erreur, ou de la
passion, ou du fanatisme ; si l’accusé n’a de défense
que sa vertu ; si les arbitres de sa vie n’ont à risquer
en l’égorgeant que de se tromper ; s’ils peuvent tuer
impunément par un arrêt, alors le cri public s’élève,
chacun craint pour soi-même, on voit que personne
n’est en sûreté de sa vie devant un tribunal érigé pour
veiller sur la vie des citoyens, et toutes les voix se
réunissent pour demander vengeance.

Il s’agissait, dans cette étrange affaire, de religion, de


suicide, de parricide ; il s’agissait de savoir si un père
et une mère avaient étranglé leur fils pour plaire à
Dieu, si un frère avait étranglé son frère, si un ami
avait étranglé son ami, et si les juges avaient à se
reprocher d’avoir fait mourir sur la roue un père
innocent, ou d’avoir épargné une mère, un frère, un
ami coupables. […]

Il paraissait impossible que Jean Calas, vieillard de


soixante-huit ans, qui avait depuis longtemps les
jambes enflées et faibles, eût seul étranglé et pendu un
fils âgé de vingt-huit ans, qui était d’une force au-
dessus de l’ordinaire ; il fallait absolument qu’il eût
été assisté dans cette exécution par sa femme, par son
fils Pierre Calas, par Lavaisse, et par la servante.
Ils ne s’étaient pas quittés un seul moment le soir de
cette fatale aventure. Mais cette supposition était
encore aussi absurde que l’autre : car comment une
servante zélée catholique aurait-elle pu souffrir que
des huguenots assassinassent un jeune homme élevé
par elle pour le punir d’aimer la religion de cette
servante ? Comment Lavaisse serait-il venu exprès de
Bordeaux pour étrangler son ami dont il ignorait la
conversion prétendue ? Comment une mère tendre
aurait-elle mis les mains sur son fils ? Comment tous
ensemble auraient-ils pu étrangler un jeune homme
aussi robuste qu’eux tous, sans un combat long et
violent, sans des cris affreux qui auraient appelé tout
le voisinage, sans des coups réitérés, sans des
meurtrissures, sans des habits déchirés.

Il était évident que, si le parricide avait pu être


commis, tous les accusés étaient également coupables,
parce qu’ils ne s’étaient pas quittés d’un moment ; il
était évident qu’ils ne l’étaient pas ; il était évident
que le père seul ne pouvait l’être ; et cependant l’arrêt
condamna ce père seul à expirer sur la roue.

Le motif de l’arrêt était aussi inconcevable que tout le


reste. Les juges qui étaient décidés pour le supplice de
Jean Calas persuadèrent aux autres que ce vieillard
faible ne pourrait résister aux tourments, et qu’il
avouerait sous les coups des bourreaux son crime et
celui de ses complices. Ils furent confondus, quand ce
vieillard, en mourant sur la roue, prit Dieu à témoin
de son innocence, et le conjura de pardonner à ses
juges.

Ils furent obligés de rendre un second arrêt


contradictoire avec le premier, d’élargir la mère, son
fils Pierre, le jeune Lavaisse, et la servante ; mais un
des conseillers leur ayant fait sentir que cet arrêt
démentait l’autre, qu’ils se condamnaient eux-mêmes,
que tous les accusés ayant toujours été ensemble dans
le temps qu’on supposait le parricide, l’élargissement
de tous les survivants prouvait invinciblement
l’innocence du père de famille exécuté, ils prirent
alors le parti de bannir Pierre Calas son fils. Ce
bannissement semblait aussi inconséquent, aussi
absurde que tout le reste : car Pierre Calas était
coupable ou innocent du parricide ; s’il était
coupable, il fallait le rouer comme son père ; s’il était
innocent, il ne fallait pas le bannir. Mais les juges,
effrayés du supplice du père et de la piété
attendrissante avec laquelle il était mort, imaginèrent
de sauver leur honneur en laissant croire qu’ils
faisaient grâce au fils, comme si ce n’eût pas été une
prévarication nouvelle de faire grâce ; et ils crurent
que le bannissement de ce jeune homme pauvre et sans
appui, étant sans conséquence, n’était pas une grande
injustice, après celle qu’ils avaient eu le malheur de
commettre.

Voltaire, Traité sur la tolérance, 1763.

Commentaire
Cet extrait est un modèle d’argumentation où les faits et les
hypothèses sont soigneusement présentés, puis étudiés pour
aboutir à un double objectif : démontrer l’innocence d’une
victime et dénoncer l’aveuglement d’hommes censés rendre la
justice.

Un texte offensif : dès la première phrase, observez


l’attaque de Voltaire qui stigmatise la « justice »
responsable d’un « meurtre » ; les phrases suivantes
par une série d’accumulations fondées sur le « si »
montrent un monde qui marche sur la tête (exemple :
« si les arbitres de sa vie n’ont à risquer en l’égorgeant
que de se tromper »).
La présentation du contexte et des différentes
hypothèses : les trois enjeux sont donnés (« religion,
suicide, parricide ») et les acteurs du drame énumérés
dans des hypothèses aberrantes (exemple : « savoir si
un père et une mère avaient étranglé leur fils pour
plaire à Dieu »).
Les autres paragraphes réfutent une à une les
hypothèses avancées : « Il paraissait impossible que
Jean Calas » ; « Mais cette supposition était encore
aussi absurde que l’autre » ; l’emploi répété de
l’interrogation commençant par « Comment »
accompagnée de verbes au conditionnel souligne avec
force toutes les incohérences des décisions de justice
(« Le motif de l’arrêt était aussi inconcevable que tout
le reste » ; « Ils furent obligés de rendre un second arrêt
contradictoire avec le premier »).

Du grand art ! Grâce à cet engagement et à l’argumentation


développée dans ce texte, Voltaire obtint la révision du procès
en 1765 ; un arrêt déclara le malheureux Jean Calas innocent et
réhabilita sa mémoire et toute sa famille dans ses droits.

Au siècle suivant, Émile Zola utilisera aussi toute la force du


texte argumentatif pour dénoncer la déportation au bagne
d’Alfred Dreyfus, victime d’un complot : son article publié à la
une du journal L’Aurore le 13 janvier 1898 et intitulé :
« J’accuse ! » lancera l’affaire Dreyfus.

Un discours, un discours !
Le discours est un texte particulier. Argumentatif par définition,
il est écrit mais a une finalité orale, avec un seul but :
convaincre un auditoire d’adhérer à tout ce que l’on avance. Il
faut donc capter l’attention, savoir se faire écouter et séduire
pour être suivi. Les hommes politiques, qui sont des hommes
de paroles (aucune malice dans cette expression… nous
voulons simplement dire qu’ils utilisent la parole pour faire
passer leur message, leurs convictions…), sont de grands
producteurs de discours. Nous savons ainsi que les périodes
électorales sont des temps propices à l’éclosion des discours,
car c’est le moment où il faut montrer que son programme, ses
promesses sont plus valables que celles de l’adversaire. Il est
d’ailleurs parfois cruel de reprendre des discours anciens et de
les comparer aux engagements tenus. Mais rassurez-vous, loin
de nous l’idée de faire preuve ici de cruauté ! C’est pourquoi
nous avons choisi de vous présenter deux discours célèbres
prononcés par des personnages historiques de premier plan,
dans des circonstances exceptionnelles.
Le premier discours est l’œuvre de Maximilien de Robespierre
(1758-1794) : prononcé le 25 décembre 1793, en séance
publique devant la Convention nationale : il justifie la mise en
place d’un gouvernement de « salut public » doté de pouvoirs
exceptionnels. Le second est prononcé par Winston Churchill
(1874-1965) le 13 mai 1940, la guerre a éclaté : à peine nommé
Premier ministre, il s’adresse aux députés de la Chambre des
communes pour leur demander un vote de confiance pour son
gouvernement d’union nationale.

1. Rapport du 5 nivôse an II sur les principes du


gouvernement révolutionnaire

Les succès endorment les âmes faibles ; ils


aiguillonnent les âmes fortes.

Laissons l’Europe et l’histoire vanter les miracles de


Toulon et préparons de nouveaux triomphes à la
liberté.

Les défenseurs de la République adoptent la maxime


de César ; ils croient qu’on n’a rien fait tant qu’il
reste quelque chose à faire. Il nous reste assez de
dangers pour occuper tout notre zèle.

Vaincre des Anglais et des traîtres est une chose facile


à la valeur de nos soldats républicains ; il est une
entreprise non moins importante et plus difficile, c’est
de confondre par une énergie constante les intrigues
éternelles de tous les ennemis de notre liberté, et de
faire triompher les principes sur lesquels doit
s’asseoir la prospérité publique.

Tels sont les premiers devoirs que vous avez imposés à


votre Comité de salut public.
Nous allons développer d’abord les principes et la
nécessité du gouvernement révolutionnaire ; nous
montrerons ensuite la cause qui tend à le paralyser
dans sa naissance.

La théorie du gouvernement révolutionnaire est aussi


neuve que la révolution qui l’a amené. Il ne faut pas la
chercher dans les livres des écrivains politiques, qui
n’ont point prévu cette révolution, ni dans les lois des
tyrans qui, contents d’abuser de leur puissance,
s’occupent peu d’en rechercher la légitimité ; aussi ce
mot n’est-il pour l’aristocratie qu’un sujet de terreur
ou un texte de calomnie ; pour les tyrans, qu’un
scandale ; pour bien des gens, qu’une énigme ; il faut
l’expliquer à tous pour rallier au moins les bons
citoyens aux principes de l’intérêt public. La fonction
du gouvernement est de diriger les forces morales et
physiques de la nation vers le but de son institution.

Le but du gouvernement constitutionnel est de


conserver la République ; celui du gouvernement
révolutionnaire est de la fonder.

La révolution est la guerre de la liberté contre ses


ennemis ; la Constitution est le régime de la liberté
victorieuse et paisible.

Le gouvernement révolutionnaire a besoin d’une


activité extraordinaire, précisément parce qu’il est en
guerre. Il est soumis à des règles moins uniformes et
moins rigoureuses parce que les circonstances où il se
trouve, sont orageuses et mobiles, et surtout parce
qu’il est forcé à déployer sans cesse des ressources
nouvelles et rapides, pour des dangers nouveaux et
pressants.
Le gouvernement constitutionnel s’occupe
principalement de la liberté civile ; et le gouvernement
révolutionnaire, de la liberté publique. Sous le régime
constitutionnel, il suffit presque de protéger les
individus contre l’abus de la puissance publique ; sous
le régime révolutionnaire, la puissance publique elle-
même est obligée de se défendre contre toutes les
factions qui l’attaquent.

Le gouvernement révolutionnaire doit aux bons


citoyens toute la protection nationale ; il ne doit aux
ennemis du peuple que la mort.

Ces notions suffisent pour expliquer l’origine et la


nature des lois que nous appelons révolutionnaires.
Ceux qui les nomment arbitraires ou tyranniques sont
des sophistes stupides ou pervers qui cherchent à
confondre les contraires ; ils veulent soumettre au
même régime la paix et la guerre, la santé et la
maladie, ou plutôt ils ne veulent que la résurrection de
la tyrannie et la mort de la Patrie. S’ils invoquent
l’exécution littérale des adages constitutionnels, ce
n’est que pour les violer impunément. Ce sont les
lâches assassins qui, pour égorger sans péril la
République au berceau, s’efforcent de la garrotter
avec des maximes vagues dont ils savent bien se
dégager eux-mêmes.

Le vaisseau constitutionnel n’a point été construit


pour rester toujours dans le chantier ; mais fallait-il le
lancer à la mer au fort de la tempête, et sous
l’influence des vents contraires ? C’est ce que
voulaient les tyrans et les esclaves qui s’étaient
opposés à sa construction ; mais le peuple français
vous a ordonné d’attendre le retour du calme. Ses
vœux unanimes, couvrant tout à coup les clameurs de
l’aristocratie et du fédéralisme, vous ont commandé
de le délivrer d’abord de tous ses ennemis.

Les temples des dieux ne sont pas faits pour servir


d’asile aux sacrilèges qui viennent les profaner, ni la
Constitution pour protéger les complots des tyrans qui
cherchent à la détruire.

Si le gouvernement révolutionnaire doit être plus actif


dans sa marche, et plus libre dans ses mouvements,
que le gouvernement ordinaire, en est-il moins juste et
moins légitime ? Non. Il est appuyé sur la plus saine
de toutes les lois, le salut du peuple ; sur le plus
irréfragable de tous les titres, la nécessité.

Il a aussi ses règles, toutes puisées dans la justice et


dans l’ordre public. Il n’a rien de commun avec
l’anarchie, ni avec le désordre ; son but au contraire,
est de les réprimer, pour amener et pour affermir le
règne des lois. Il n’a rien de commun avec
l’arbitraire ; ce ne sont point les passions particulières
qui doivent le diriger, mais l’intérêt public.

Il doit se rapprocher des principes ordinaires et


généraux, dans tous les cas où ils peuvent être
rigoureusement appliqués sans compromettre la
liberté publique. La mesure de sa force doit être
l’audace ou la perfidie des conspirateurs. Plus il est
terrible aux méchants, plus il doit être favorable aux
bons. Plus les circonstances lui imposent des rigueurs
nécessaires, plus il doit s’abstenir des mesures qui
gênent inutilement la liberté et qui froissent les
intérêts privés, sans aucun avantage public.

Il doit voguer entre deux écueils, la faiblesse et la


témérité, le modérantisme et l’excès ; le
modérantisme, qui est à la modération ce que
l’impuissance est à la chasteté, et l’excès, qui
ressemble à l’énergie comme l’hydropisie à la santé.

Commentaire
Quand il prononce ce discours Robespierre n’a plus que sept
mois à vivre. Son discours s’inscrit dans une lutte de pouvoir et
l’urgence d’une situation.

Pour convaincre son auditoire, c’est-à-dire les députés mais


aussi le public présent, Robespierre entame son discours par
une figure forte d’antithèse (le chiasme !) qui consiste à établir
une symétrie entre des contraires : « Les succès endorment les
âmes faibles ; ils aiguillonnent les âmes fortes » ;
« endorment » s’oppose à « aiguillonnent », et « âmes faibles »
à « âmes fortes ». Par la suite vous noterez qu’il s’agit d’un
discours de chef : emploi de l’impératif (« Laissons » ;
« préparons »), permanence des verbes être et devoir au présent
et à la forme affirmative.

La volonté de convaincre apparaît aussi dans l’aspect


didactique (voire un peu scolaire) qui présente la structure du
discours : « Nous allons développer d’abord les principes et la
nécessité du gouvernement révolutionnaire ; nous montrerons
ensuite la cause qui tend à le paralyser dans sa naissance. »
L’expression « gouvernement révolutionnaire » est répétée
régulièrement, car c’est sa légitimité qu’il s’agit d’asseoir.

C’est l’heure des choix. Robespierre le traduit par un système


binaire d’oppositions : positif, son gouvernement de salut
public ; négatif, tous les autres ! Les arguments des adversaires
sont réfutés et ces derniers sont transformés en « sophistes
stupides » et « lâches assassins ». Enfin la métaphore du
« vaisseau » est prolongée par l’image finale des « deux
écueils, la faiblesse et la témérité, le modérantisme et l’excès ».
Passons maintenant la Manche et allons écouter chez nos
voisins, cent quarante-sept ans plus tard, un autre discours
d’urgence, celui de Winston Churchill, tandis que les troupes
allemandes s’apprêtent à envahir le nord de la France.

2. Discours prononcé à la chambre des communes le 13 mai


1940

Vendredi dernier dans la soirée, Sa Majesté m’a


chargé de former le nouveau gouvernement. C’est la
volonté clairement exprimée du Parlement et de la
nation qu’il s’appuie sur la base la plus large possible
et comprenne tous les partis. De cette tâche, je viens
de terminer la partie la plus importante : un Cabinet
de Guerre de cinq membres est formé, qui représente,
avec les travaillistes, l’opposition et les libéraux,
l’unité de la nation. Il était essentiel que cette partie
de ma tâche soit réalisée en un seul jour, à cause de
l’urgence et de gravité de la situation. Un certain
nombre d’autres postes clés ont été attribués hier et je
dois ce soir même présenter une nouvelle liste à sa
Majesté. J’espère compléter la nomination des
principaux ministres dans la journée de demain.
Généralement, celle des autres ministres prend un peu
plus de temps ; mais je pense que cette mission sera
terminée lors de la prochaine réunion du Parlement,
ainsi le gouvernement sera au complet.

J’ai estimé que l’intérêt général imposait que la


Chambre soit convoquée aujourd’hui. À la fin de la
réunion d’aujourd’hui, l’ajournement de la chambre
jusqu’au mardi 21 mai sera proposé, tout étant, prévu
qu’elle se réunisse plus vite si nécessaire. Dans les
délais les plus brefs, les députés seront informés des
affaires à traiter au cours de cette semaine. A présent,
j’invite la Chambre, par la résolution qui est
présentée, à approuver les mesures prises et à voter sa
confiance au nouveau gouvernement. (…)
La formation d’une administration aussi complexe et à
une telle échelle est une entreprise difficile, mais nous
devons garder présent à l’esprit que nous sommes au
début d’une des plus grandes batailles de l’histoire,
que nous sommes en plein combat en maints points de
la Norvège et de la Hollande, qu’il nous faut être prêt
à en Méditerranée, que la guerre aérienne se poursuit
sans trêve, et que de grands préparatifs doivent être
faits ici sur notre sol. Dans la crise que nous
traversons, j’espère que la Chambre m’excusera de lui
parler brièvement. J’espère que ceux de mes amis ou
collègues, ou anciens collègue qui sont touchés par la
reconstruction gouvernementale me pardonneront si
j’ai, dans la nécessité d’agir, oublié certains usages.
Je dirai à la Chambre le même langage que celui que
j’ai tenu à mes collègues du gouvernement : « Je n’ai
rien à offrir que du sang, du labeur, des larmes et de
la sueur. »

Nous avons devant nous une épreuve terrible. Nous


avons devant nous, de très longs mois de lutte et de
souffrance. Vous me demandez quelle est notre
politique ? Je vous réponds : faire la guerre, sur mer,
sur terre et dans les airs, avec toute notre puissance et
toute la force que Dieu voudra nous donner ; faire la
guerre contre une tyrannie monstrueuse, qui n’a
jamais eu d’équivalent dans le sombre et lamentable
catalogue des crimes humains. Voilà notre politique.
Vous me demandez quel est notre but. Je vous réponds
en un mot : la victoire, la victoire à tout prix, la
victoire malgré toutes les terreurs, la victoire même si
la route est longue et difficile : car, sans la victoire, il
n’y a pas de survie possible. Comprenez-le bien : pas
de survie pour l’Empire britannique, pas de survie
pour toutes les valeurs de l’Empire britannique, pas
de survie pour l’effort immémorial vers les progrès
supérieurs de l’humanité. Mais c’est plein d’espoir et
d’énergie, que j’assume ma mission, certain que notre
cause triomphera devant les hommes. Les
circonstances présentes m’autorisent, je pense, – à
réclamer l’aide de tous, et à dire « Allons, marchant
de l’avant, unis et forts ».

Commentaire
On distingue aisément les deux temps forts de ce discours : les
trois premiers paragraphes décrivent une situation politique
intérieure et extérieure et les procédures mises en place par
Churchill pour y faire face : la mécanique institutionnelle et la
conjoncture y sont étroitement mêlées. Le formule qui clôt le
troisième paragraphe : « Je n’ai rien à offrir que du sang, du
labeur, des larmes et de la sueur », vaut à la fois comme résumé
de ce qui arrive, de ce qui va se passer, mais aussi de la
détermination de l’homme politique qui décrit sans concession
l’avenir proche.

Cette phrase est destinée par la violence de sa réalité à frapper


les esprits et à emporter l’adhésion (Churchill était venu
chercher un vote de confiance et il l’obtint).

Le quatrième paragraphe prend alors une tournure plus


emphatique et convoque des entités génériques « toute la force
que Dieu voudra nous donner » ; « la victoire » ; « l’Empire
britannique » ; « pas de survie pour l’effort immémorial vers
les progrès supérieurs de l’humanité », pour s’achever sur une
exhortation « Allons, marchant de l’avant, unis et forts. ».
On notera le recours à l’accumulation et à la répétition qui sont
deux des figures les plus employées dans les discours
politiques.

Il est intéressant d’entendre la voix de Churchill qui demeure


calme et posée pendant tout son discours (on peut l’écouter sur
le site You Tube).

Des modèles pour la scène

Le théâtre d’hier
C’est le philosophe Aristote (384-322 avant J.-C.) qui énonce
dans un ouvrage théorique, la Poétique, les règles du genre
tragique qui prévaudront pendant longtemps dans la
dramaturgie occidentale : « La tragédie est l’imitation d’une
action de caractère élevé et complète, d’une certaine étendue,
dans un langage relevé d’assaisonnements d’une espèce
particulière suivant les diverses parties, imitation qui est faite
par des personnages en action et non au moyen d’un récit, et
qui, suscitant pitié et crainte, opère la purgation propre à
pareilles émotions. »

Il donne ainsi au théâtre tragique et à ceux qui l’écrivent une


mission morale que l’on retrouve aussi dans le genre comique
lorsque Molière rappelle dans une réponse à un pamphlet qui
attaque sa pièce Tartuffe : « Le devoir de la comédie étant de
corriger les hommes en les divertissant », traduction de la
formule latine ridendo castigare mores, « corriger les hommes
en les divertissant ».

Le théâtre aujourd’hui poursuit cette double mission.


Aujourd’hui, il serait bien sûr étrange de vouloir écrire une
pièce en trimètres, c’est-à-dire en alexandrins rythmés par
quatre accents d’intensité ! Mais la lecture d’une pièce de
Racine est édifiante pour qui s’intéresse à la construction de
l’intrigue, à la peinture des psychologies, à l’expression des
sentiments et à l’économie des moyens (le lexique de ses
pièces dépasse rarement les 2 000 mots !).

On n’est jamais mieux servi que par soi-même, c’est ce


qu’avait compris Racine qui accompagnait ses pièces d’une
préface pour les présenter et souvent les défendre. La lecture de
ses préfaces est pleine d’informations sur son utilisation des
sources, la construction des personnages, la progression de
l’intrigue et les enjeux thématiques : voici l’introduction et la
conclusion de la préface de Phèdre (1677).

Voici encore une tragédie dont le sujet est pris


d’Euripide. Quoique j’aie suivi une route un peu
différente de celle de cet auteur pour la conduite de
l’action, je n’ai pas laissé d’enrichir ma pièce de tout
ce qui m’a paru le plus éclatant dans la sienne. Quand
je ne lui devrais que la seule idée du caractère de
Phèdre, je pourrais dire que je lui dois ce que j’ai
peut-être mis de plus raisonnable sur le théâtre. Je ne
suis point étonné que ce caractère ait eu un succès si
heureux du temps d’Euripide, et qu’il ait encore si
bien réussi dans notre siècle, puisqu’il a toutes les
qualités qu’Aristote demande dans le héros de la
tragédie, et qui sont propres à exciter la compassion et
la terreur. En effet, Phèdre n’est ni tout à fait
coupable, ni tout à fait innocente : elle est engagée,
par sa destinée et par la colère des dieux, dans une
passion illégitime dont elle a horreur toute la
première : elle fait tous ses efforts pour la surmonter :
elle aime mieux se laisser mourir que de la déclarer à
personne ; et lorsqu’elle est forcée de la découvrir,
elle en parle avec une confusion qui fait bien voir que
son crime est plutôt une punition des dieux qu’un
mouvement de sa volonté.

[…] Au reste, je n’ose encore assurer que cette pièce


soit en effet la meilleure de mes tragédies. Je laisse
aux lecteurs et au temps à décider de son véritable
prix. Ce que je puis assurer, c’est que je n’en ai point
fait où la vertu soit plus mise en jour que dans celle-
ci ; les moindres fautes y sont sévèrement punies : la
seule pensée du crime y est regardée avec autant
d’horreur que le crime même ; les faiblesses de
l’amour y passent pour de vraies faiblesses : les
passions n’y sont présentées aux yeux que pour
montrer tout le désordre dont elles sont cause ; et le
vice y est peint partout avec des couleurs qui en font
connaître et haïr la difformité. C’est là proprement le
but que tout homme qui travaille pour le public doit se
proposer ; et c’est ce que les premiers poètes
tragiques avaient en vue sur toute chose. Leur théâtre
était une école où la vertu n’était pas moins bien
enseignée que dans les écoles des philosophes. Aussi
Aristote a bien voulu donner des règles du poème
dramatique ; et Socrate, le plus sage des philosophes,
ne dédaignait pas de mettre la main aux tragédies
d’Euripide. Il serait à souhaiter que nos ouvrages
fussent aussi solides et aussi pleins d’utiles
instructions que ceux de ces poètes. Ce serait peut-être
un moyen de réconcilier la tragédie avec quantité de
personnes célèbres par leur piété et par leur doctrine,
qui l’ont condamnée dans ces derniers temps et qui en
jugeraient sans doute plus favorablement, si les
auteurs songeaient autant à instruire leurs spectateurs
qu’à les divertir, et s’ils suivaient en cela la véritable
intention de la tragédie.
Vous avez bien mérité maintenant la lecture de célèbre passage
où Phèdre avoue à sa confidente Œnone, son amour pour
Hyppolite, son beau-fils ! C’est le début des ennuis ! Mais
admirez l’expression !

PHÈDRE

Mon mal vient de plus loin. À peine au fils d’Égée


Sous les lois de l’hymen je m’étais engagée,
Mon repos, mon bonheur semblait être affermi ;
Athènes me montra mon superbe ennemi :
Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue ;
Un trouble s’éleva dans mon âme éperdue ;
Mes yeux ne voyaient plus, je ne pouvais parler ;
Je sentis tout mon corps et transir et brûler :
Je reconnus Vénus et ses feux redoutables,
D’un sang qu’elle poursuit tourments inévitables !
Par des vœux assidus je crus les détourner :
Je lui bâtis un temple, et pris soin de l’orner ;
De victimes moi-même à toute heure entourée,
Je cherchais dans leurs flancs ma raison égarée :
D’un incurable amour remèdes impuissants !
En vain sur les autels ma main brûlait l’encens !
Quand ma bouche implorait le nom de la déesse,
J’adorais Hippolyte ; et, le voyant sans cesse,
Même au pied des autels que je faisais fumer,
J’offrais tout à ce dieu que je n’osais nommer.
Je l’évitais partout. Ô comble de misère !
Mes yeux le retrouvaient dans les traits de son père.
Contre moi-même enfin j’osai me révolter :
J’excitai mon courage à le persécuter.
Pour bannir l’ennemi dont j’étais idolâtre,
J’affectai les chagrins d’une injuste marâtre ;
Je pressai son exil ; et mes cris éternels
L’arrachèrent du sein et des bras paternels.
Je respirais, Œnone ; et, depuis son absence,
Mes jours moins agités coulaient dans l’innocence :
Soumise à mon époux, et cachant mes ennuis,
De son fatal hymen je cultivais les fruits.
Vaines précautions ! Cruelle destinée !
Par mon époux lui-même à Trézène amenée,
J’ai revu l’ennemi que j’avais éloigné :
Ma blessure trop vive aussitôt a saigné.
Ce n’est plus une ardeur dans mes veines cachée :
C’est Vénus tout entière à sa proie attachée.
J’ai conçu pour mon crime une juste terreur ;
J’ai pris la vie en haine, et ma flamme en horreur ;
Je voulais en mourant prendre soin de ma gloire,
Et dérober au jour une flamme si noire :
Je n’ai pu soutenir tes larmes, tes combats :
Je t’ai tout avoué ; je ne m’en repens pas.
Pourvu que, de ma mort respectant les approches,
Tu ne m’affliges plus par d’injustes reproches,
Et que tes vains secours cessent de rappeler
Un reste de chaleur tout prêt à s’exhaler.

Commentaire
Voilà, tout est dit avec une force alliée à une formidable
économie de moyens pour exprimer cette passion amoureuse
impossible :

le coup de foudre : « Je le vis, je rougis, je pâlis à sa


vue ; / Un trouble s’éleva dans mon âme éperdue » ;
l’amour : « Je reconnus Vénus et ses feux
redoutables » ;
la passion dévorante : « Je lui bâtis un temple, et
pris soin de l’orner » ;
les tourments : « Ce n’est plus une ardeur dans mes
veines cachée : / C’est Vénus tout entière à sa proie
attachée » ;
le tragique d’un amour impossible : « Je voulais en
mourant prendre soin de ma gloire, / Et dérober au jour
une flamme si noire ».

Voilà qui n’est guère réjouissant, mais c’est une tragédie, la


fatalité règne en maître.

Bien entendu, le théâtre de Corneille, Molière, Marivaux,


Beaumarchais, Musset, Courteline, Feydeau, ou encore de
Calderón, Goldoni, Lope de Vega, Shakespeare, Schiller
méritent également de belles séances !

Le théâtre d’aujourd’hui
Plus près de nous, Bernard-Marie Koltès (1948-1989) aborde
avec le langage contemporain les mêmes thèmes et la recherche
toujours insatisfaite de communication entre les êtres. Dans sa
pièce Roberto Zucco tiré d’un fait divers (un homme, Roberto
Zucco, a tué des parents à quinze ans, et une dizaine d’années
plus tard, lors d’une cavale meurtrière a tué à nouveau
plusieurs personnes, avant de se suicider), Koltès s’est intéressé
aux ressorts de ce personnage radical, échappant à toute
rationalité, pour essayer de comprendre son « trajet
invraisemblable ».

Dans cet extrait, Roberto Zucco, vient de commettre un


meurtre abominable ; sur un quai de gare, il parle avec une
femme qu’il a prise en otage. Il a peur d’être arrêté et enfermé
dans un asile psychiatrique :

Zucco. – Regardez tous ces fous. Regardez comme ils


ont l’air méchant. Ce sont des tueurs. (…) Moi, je
reconnais un tueur au premier coup d’œil ; ils ont les
habits pleins de sang. Ici, il y en a partout ; il faut se
tenir tranquille, sans bouger ; il ne faut pas les
regarder dans les yeux. Il ne faut pas qu’ils nous
voient ; il faut être transparent. Parce que sinon, si on
les regarde dans les yeux, s’ils s’aperçoivent qu’on les
regarde dans les yeux, s’ils s’aperçoivent qu’on les
regarde, s’ils se mettent à nous regarder et à nous voir,
le signal se déclenche dans leur tête et ils tuent, ils
tuent. Et s’il y en a un qui commence, tout le monde ici
va tuer tout le monde.

Bernard-Marie Koltès, Roberto Zucco, Les


Éditions de Minuit, 1990.

Commentaire
Passage terrible où, en une dizaine de lignes, Koltès explore le
mécanisme d’un esprit et de sa folie meurtrière :

un lexique réduit et une syntaxe simple :


omniprésence des termes « tuer, tueur, apercevoir et
regarder » ; brièveté des phrases pour mimer à la fois
une situation d’urgence (le tueur est pourchassé par la
police) et un état psychologique qui tourne en boucle ;
le raisonnement de la folie : « Au moindre signal
dans leur tête, ils se mettraient à se tuer entre eux. Je
me demande pourquoi le signal ne se déclenche pas, là,
dans leur tête » ;
Une communication pervertie où le regard est
destructeur : « […] s’ils se mettent à nous regarder et
à nous voir, le signal se déclenche dans leur tête et ils
tuent, ils tuent. »

Le théâtre contemporain (XXe et XXIe siècles) est


extraordinairement fécond même si le cinéma et la télévision
lui volent souvent la vedette. Dans cette liste d’auteurs, vous
trouverez aussi d’excellents modèles : Paul Claudel, Jean
Cocteau, Jean Giraudoux, Jean-Paul Sartre, Albert Camus,
Samuel Beckett, Eugène Ionesco, Jean-Luc Lagarce, Valère
Novarina, Éric-Emmanuel Schmitt, Yasmina Réza.

Modèles de vers
Dans son sonnet Le Tombeau d’Edgar Poe Mallarmé (1842-
1898) rappelle que l’enjeu majeur de la poésie est de « donner
un sens plus pur aux mots de la tribu ». Vous voilà prévenu, si
l’écriture poétique vous attire ! Il s’agit donc de reprendre le
langage quotidien pour explorer d’autres voies que celle de la
communication utilitaire ; si vous vous sentez prêt pour une
telle mission, voici trois modèles qui s’inscrivent dans cette
voie. Le premier, vous le connaissez sûrement, c’est le fameux
poème de Baudelaire L’Albatros ; le deuxième, un poème de
Guillaume Apollinaire, Sous le pont Mirabeau, initiateur de la
poésie moderne. Quant au troisième modèle, il nous fait
voyager très loin vers le pays du Soleil-Levant, autrement dit le
Japon, où existe une forme traditionnelle de poème court, le
haïku.

L’Albatros

Souvent, pour s’amuser, les hommes d’équipage


Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,
Qui suivent, indolents compagnons de voyage,
Le navire glissant sur les gouffres amers.

À peine les ont-ils déposés sur les planches,


Que ces rois de l’azur, maladroits et honteux,
Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches
Comme des avirons traîner à côté d’eux.
Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule !
Lui, naguère si beau, qu’il est comique et laid !
L’un agace son bec avec un brûle-gueule,
L’autre mime, en boitant, l’infirme qui volait !

Le Poète est semblable au prince des nuées


Qui hante la tempête et se rit de l’archer ;
Exilé sur le sol au milieu des huées,
Ses ailes de géant l’empêchent de marcher.

Commentaire
Même si Charles Baudelaire (1821-1867) est considéré comme
un novateur qui annonce la poésie moderne, ce poème extrait
du recueil Les Fleurs du mal (1857) est d’une facture classique
qui en fait l’héritier des poètes de la Pléiade du XVIe siècle
(Ronsard, Du Bellay) : composant quatre quatrains, les vers
sont des alexandrins (12 syllabes) et alternent les rimes
féminines et masculines. Aujourd’hui, cette forme et ces vers
appartiennent au passé, mais rien ne vous interdit d’essayer
d’écrire un poème de cette manière. Le respect des contraintes
est un bon exercice d’entraînement. Si vous voulez employer
une forme fixe vraiment classique, vous utiliserez le sonnet
(deux quatrains et deux tercets).

Le sens du texte apparaît très vite : il s’agit d’un parallèle entre


le sort de ce grand oiseau, l’albatros, réduit à la condition de
souffre-douleur par les hommes, et la condition du poète
« semblable au prince des nuées » incompris et rejeté par la
société. Vous retiendrez donc que la personnification, la
métaphore et la comparaison sont des figures très utiles pour
établir des liens entre le réel et sa transposition poétique.

Après cela, êtes-vous toujours tenté par l’écriture poétique ?


Vous ne pourrez pas dire que Charles ne vous aura pas prévenu
des risques !

Le Pont Mirabeau

Sous le pont Mirabeau coule la Seine


Et nos amours
Faut-il qu’il m’en souvienne
La joie venait toujours après la peine.
Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure
Les mains dans les mains restons face à face
Tandis que sous
Le pont de nos bras passe
Des éternels regards l’onde si lasse
Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure

L’amour s’en va comme cette eau courante


L’amour s’en va
Comme la vie est lente
Et comme l’Espérance est violente
Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure
Passent les jours et passent les semaines
Ni temps passé
Ni les amours reviennent
Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure

Commentaire
Ce poème est sans doute un des poèmes les plus connus de la
poésie française ; il paraît dans le recueil Alcools en 1913. Écrit
en vers libre et sans ponctuation, il marque l’avènement d’une
poésie libérée des contraintes formelles des siècles passés mais
qui n’ignore pas le sens du rythme et les thèmes majeurs :
amour déçu, fuite du temps, expression des sentiments.

Vous noterez que l’ancrage dans un lieu connu Paris (« la


Seine, le pont Mirabeau ») donne une force supplémentaire à la
présence répété du « je ». La musicalité de ce poème (liée au
retour de certains mots et au refrain) est aussi un modèle du
genre ; d’ailleurs, il a été à de nombreuses reprises mis en
musique (par Léo Ferré, Serge Reggiani, Marc Lavoine).

Au terme du voyage, nous voici arrivés dans l’univers du


haïku : il s’agit d’une forme japonaise très ancienne (environ le
VIIIe siècle) et très codée de poèmes courts. Le texte doit être
composé d’une combinaison de trois vers : le premier de cinq
syllabes, le deuxième de sept syllabes et le troisième à nouveau
de cinq syllabes.

Jeu sur les mots et humour, attention aux sensations et à la


beauté simple du monde, évocation de la nature, des animaux,
et du temps qui passe, sont les principaux ingrédients de cet art
littéraire où l’ellipse joue à la fois comme un écho et une
invitation à la réflexion.

Essayez à votre tour de fabriquer des haïkus : prenez un thème,


par exemple une saison, l’hiver, et un moment, la première
neige qui tombe sur un vieux mur, transformé peu à peu par les
flocons qui le recouvrent.

Pour vous inspirer, voici quelques haïkus de poètes japonais


passés maîtres dans cette expression :

Nuit d’été
Le choc de mes socques
Fait vibrer le silence
Matsuo Basho (1664-1694)

À l’aube
Le soleil a jailli
D’une tête de sardine
Yosa Buson (1716-1783)

Tuant une mouche


J’ai meurtri
Une fleur
Kobayashi Issa (1763-1827)

L’averse d’été
Cogne
Sur la tête des carpes
Masaoka Shiki (1867-1902)

Voilà, la visite de la galerie est terminée. Évidemment, nous


n’avons pas pu tout voir ; il vous reste encore mille et une
autres galeries à découvrir… S’il vous plaît, n’oubliez pas le
guide, merci !
Chapitre 18

Témoignages de pratiques
d’écriture

Dans ce chapitre :
Écrire, d’où vient ce drôle de besoin ?
Trois manières d’écrire
Écrire à quoi ça sert ?
Un petit tour du côté de la technique

Comme cela n’est pas risqué, enfonçons si vous le voulez bien


une porte ouverte : nous savons que derrière l’œuvre écrite se
cache une écrivaine, un écrivain… « Ah, vous voyez le choc ! »
Cette révélation vous laisse pantois. Poursuivons (encore une
fois, cela n’est pas risqué !), nous voulons dire par là (et aussi
par ailleurs !) que la plupart du temps, à moins de vouloir jouer
les Sainte-Beuve (ce critique littéraire du XIXe siècle – très
« ami » avec la femme de Victor Hugo, mais cela… ne nous
regarde pas – qui voulait expliquer l’œuvre par l’éclairage de la
vie de l’auteur), ce qui nous intéresse, c’est le texte que l’on a
entre les mains ; les méthodes, les moyens et le temps
employés, les objectifs profonds de l’auteur sont au second
plan. Si nous osions – et nous osons – une métaphore maritime,
ce qui attire d’abord le lecteur, c’est l’invitation au voyage, la
croisière que lui procurera la lecture ; certes la qualité du navire
et l’âge du capitaine peuvent avoir leur importance, dans la
mesure où ils nous assureront une belle traversée…

Toute cette digression métaphorique, pour finalement vous


proposer de donner dans ce chapitre la parole à quelques
écrivains (et écrivaines !), donc aux capitaines, afin d’entendre
leur point de vue sur leur rôle, puis de visiter à travers leurs
propos la fameuse salle des machines afin de découvrir les
motivations profondes qui président à la genèse de leurs
œuvres, et enfin de faire une escale dans l’île des formules,
avec un florilège sur la magie d’écrire.

Ce besoin de faire des phrases ?


Interrogés sur cette nécessité d’écrire, la plupart des écrivains
fournissent des réponses qui expriment un double mouvement :
d’une part écrire pour soi, comme une pratique solitaire
d’introspection où l’on apprend à se connaître en vivant par
procuration les expériences que l’on imagine, et, d’autre part,
écrire pour tisser avec le monde extérieur, par le mystère des
mots, des liens invisibles, des connivences ; ce que résume
parfaitement l’écrivain argentin Jorge Luis Borges : « J’écris
pour moi, pour mes amis et pour adoucir le temps. » (Le Livre
des sables, Gallimard, 1978)

Ainsi Marcel Proust voit dans l’écriture « le produit d’un autre


moi que celui que nous manifestons dans nos habitudes, dans la
société, dans nos vices » (Contre Sainte-Beuve, posthume,
1954). De la même manière Paul Valéry vit l’acte d’écriture
comme une sorte de purgation pour « se défaire par la parole de
l’oppression de ce que l’on est » (Paul Valéry, Dialogue de
l’arbre, 1943, Coll. Poésie, Gallimard, 1970) ; cette vision
libératrice de l’écriture est aussi celle du poète Henri Michaux :
« On n’écrit que par nécessité, pour se libérer un moment. »
(Cahier de L’Herne, Henri Michaux, 1966)
D’autres écrivains livrent des formules plus lapidaires mais
tout aussi éclairantes lorsqu’on leur pose la question :
« Pourquoi écrivez-vous ? » :

Samuel Beckett : Bon qu’à ça.


Saint-John Perse : Pour mieux vivre.
Blaise Cendrars : Parce que.
Carlos Fuentes : Parce que je respire ?
Arthur Rimbaud, quant à lui, a fourni une réponse
plus métaphysique : Quand j’écris, ce n’est pas moi qui
écris, je suis dicté.

Le club des graphomanes


Jamais en panne d’inspiration, leur production
impressionne ; certains mêmes vont jusqu’à utiliser
des pseudonymes pour se démultiplier ! Jacques
Attali, Jean Vautrin, Patrick Cauvin, Amélie
Nothomb, Juliette Benzoni, la liste est longue… Ainsi
Max Gallo, académicien infatigable de soixante-dix-
sept ans, auteur de plus de cent ouvrages, publie tel un
métronome des fresques historiques et des biographies
monumentales ; Éric-Emmanuel Schmitt publie
romans, pièces de théâtre, adaptations pour le cinéma
à un rythme vertigineux ; à quatre-vingts ans, la reine
du polar, Mary Higgins Clark, continue à publier deux
romans par an ; quant au philosophe Michel Onfray, il
confie qu’il travaille si vite qu’il publie chez plusieurs
éditeurs correspondant à la variété de sa
production »…
Un écrivain comment ça travaille ?
Voilà, nous y sommes dans cette fameuse salle des machines.
Son fonctionnement diffère évidemment d’un écrivain à l’autre,
mais il est possible de distinguer trois grandes catégories : celle
des laborieux, celle des intuitifs et celle des méthodiques.
Après cette petite visite, vous aurez tout le loisir de choisir la
catégorie à laquelle vous pourriez ou vous pensez appartenir,
sachant malgré tout qu’il y a des jours où tout est difficile,
d’autres d’une facilité déconcertante, et enfin d’autres encore
où l’on se surprend à concurrencer Descartes dans son
organisation !

Les laborieux
Dans cette catégorie, c’est incontestablement à Gustave
Flaubert que revient la palme de la souffrance de création.
Dans une lettre adressée à son amie Louise Colet, il écrit :

Tu me parles de tes découragements : si tu voyais les


miens ! Je ne sais pas comment quelquefois les bras ne
me tombent pas du corps de fatigue et comment ma
tête ne s’en va pas en bouillie. Je mène une vie âpre,
déserte de toute joie extérieure, et où je n’ai rien pour
me soutenir qu’une espèce de rage permanente qui
pleure quelquefois d’impuissance, mais qui est
continuelle. J’aime mon travail d’un amour frénétique
et perverti, comme un ascète le cilice qui lui gratte le
ventre. Quelquefois, quand je me trouve vide, quand
l’expression se refuse, quand, après avoir griffonné de
longues pages, je découvre n’avoir pas fait une
phrase, je tombe sur mon divan et j’y reste hébété
dans un marais intérieur d’ennui.

Ouf ! Voilà qui n’est guère engageant, nous vous avions


prévenus ! Arrêtons là et allons donc voir du côté des intuitifs !

Les intuitifs
Cette catégorie est celle des écrivains pour qui l’écriture est
une évidence, une sorte de fonction organique, qu’ils utilisent
comme un don qu’on n’explique pas. Ainsi des écrivains
comme Victor Hugo et Louis Aragon écrivent véritablement
comme « ils respirent », sans aucune difficulté
d’« inspiration » ; leur activité d’écrivain se situe dans
l’invention de méthodes de travail pour canaliser leur flot
créateur. En revanche, d’autres comme Georges Simenon ou
Frédéric Dard se lancent dans l’écriture de leurs romans
policiers sans aucun plan, aucune méthode, mais avec une règle
quasi immuable, ils écrivent tous les jours. Ils « suivent »
littéralement ce que leur dicte leur inspiration ; doués d’une
vitesse d’écriture exceptionnelle, ils peuvent produire
régulièrement une dizaine de pages par jour sans aucune
difficulté. Ainsi, une anecdote rapporte qu’un jour Alfred
Hitchcock appela Georges Simenon au téléphone : une
secrétaire lui répondit que cela n’était pas possible dans
l’instant, car l’auteur était en train d’écrire un roman ; le
cinéaste aurait alors répondu : « Ce n’est pas grave, je vais
attendre qu’il l’ait fini ! »

Les méthodiques
Ce sont sans doute les plus nombreux, preuve que l’écriture est
aussi un vrai travail.
Dans ce groupe, Émile Zola est sans doute le champion : réglé
comme un métronome, il travaille tous les jours de 9 heures à
13 heures et produit ses trois pages de roman ; pour éviter de
s’écarter de cette « ligne » de conduite, il a même fait peindre
sur le linteau de la cheminée de son bureau : Nulla dies sine
linea, « Pas un jour sans une ligne ». Par ailleurs, sa création
suit un chemin préalablement balisé par des plans
préparatoires, nourris par un immense travail documentaire
(voir chapitre 17). Émile est un prudent, mais aussi un
travailleur acharné !

Plus près de nous, dans une entretien accordé au magazine Lire


(août 2010) Amélie Nothomb dévoile le caractère ascétique et
méthodique de son rapport à l’écriture. À la question « écrivez-
vous vraiment tous les jours ? », elle répond :

Je me lève tous les jours à 4 heures du matin, depuis


1989. Même le lendemain d’une cuite – ça arrive –,
même quand je suis malade, même quand j’ai de
graves problèmes. L’état d’esprit que l’on attrape à
cette heure-là de la journée, c’est-à-dire quand on se
réveille trop tôt, est absolument unique. En vingt ans,
il y a eu exactement un seul jour où j’ai décidé de
m’en passer : j’ai voulu essayer le dimanche matin
d’une personne normale, avec un bon livre, des
croissants, etc. Ça a été l’enfer ! Donc j’ai compris :
plus jamais ça ! Bien sûr, je n’aime pas me réveiller à
4 heures du matin. Je suis comme tout le monde, à 4
heures du matin je préférerais rester dans mon lit,
mais si je me lève – et je me lève – alors je sais que je
vais pouvoir atteindre l’état d’esprit que je veux.

Dans cette catégorie, il faut faire aussi une place de choix à


Edgar Allan Poe (1809-1849). Auteur de nombreuses nouvelles
(Le Double Assassinat dans la rue Morgue, Le Scarabée d’or,
La Lettre volée) traduites par Baudelaire dans un recueil
Histoires extraordinaires (1856), il explique ici comment il a
composé son poème Le Corbeau (1845). Notez son insistance
sur la nécessité d’un plan et la recherche d’un « effet »,
manière de rappeler que l’on écrit pour un public, et enfin son
refus de cette idée de l’écrivain écrivant, inspiré, sous la dictée
d’une hypothétique muse invisible !

Maintenant, voyons la coulisse, l’atelier, le laboratoire, le


mécanisme intérieur, selon qu’il vous plaira de qualifier la
Méthode de composition. […]

S’il est une chose évidente, c’est qu’un plan


quelconque, digne du nom de plan, doit avoir été
soigneusement élaboré en vue du dénouement, avant
que la plume attaque le papier. Ce n’est qu’en ayant
sans cesse la pensée du dénouement devant les yeux
que nous pouvons donner à un plan son indispensable
physionomie de logique et de causalité, – en faisant
que tous les incidents, et particulièrement le ton
général, tendent vers le développement de l’intention.
[…]

Pour moi, la première de toutes les considérations,


c’est celle d’un effet à produire. Ayant toujours en vue
l’originalité (car il est traître envers lui-même, celui
qui risque de se passer d’un moyen d’intérêt aussi
évident et aussi facile), je me dis, avant tout : parmi
les innombrables effets ou impressions que le cœur,
l’intelligence ou, pour parler plus généralement,
l’âme est susceptible de recevoir, quel est l’unique
effet que je dois choisir dans le cas présent ? Ayant
donc fait choix d’un sujet de roman et ensuite d’un
vigoureux effet à produire, je cherche s’il vaut mieux
le mettre en lumière par les incidents ou par le ton, –
ou par des incidents vulgaires et un ton particulier, –
ou par des incidents singuliers et un ton ordinaire, –
ou par une égale singularité de ton et d’incidents ; – et
puis, je cherche autour de moi, ou plutôt en moi-
même, les combinaisons d’événements ou de tons qui
peuvent être les plus propres à créer l’effet en
question.

Bien souvent j’ai pensé combien serait intéressant un


article écrit par un auteur qui voudrait, c’est-à-dire
qui pourrait raconter, pas à pas, la marche
progressive qu’a suivie une quelconque de ses
compositions pour arriver au terme définitif de son
accomplissement. Pourquoi un pareil travail n’a-t-il
jamais été livré au public, il me serait difficile de
l’expliquer ; mais peut-être la vanité des auteurs a-t-
elle été, pour cette lacune littéraire, plus puissante
qu’aucune autre cause. Beaucoup d’écrivains,
particulièrement les poètes, aiment mieux laisser
entendre qu’ils composent grâce à une espèce de
frénésie subtile, ou d’intuition extatique, et ils auraient
positivement le frisson s’il leur fallait autoriser le
public à jeter un coup d’œil derrière la scène, et à
contempler les laborieux et indécis embryons de
pensée, la vraie décision prise au dernier moment,
l’idée si souvent entrevue comme dans un éclair et
refusant si longtemps de se laisser voir en pleine
lumière, la pensée pleinement mûrie et rejetée de
désespoir comme étant d’une nature intraitable, le
choix prudent et les rebuts, les douloureuses ratures et
les interpolations, – en un mot, les rouages et les
chaînes, les trucs pour les changements de décor, les
échelles et les trappes, – les plumes de coq, le rouge,
les mouches et tout le maquillage qui, dans quatre-
vingt-dix-neuf cas sur cent, constituent l’apanage et le
naturel de l’histrion littéraire.
Les choses sont donc claires, pour Edgar Poe, l’écriture est un
travail où l’on sue, et dire le contraire n’est que billevesée !

Parmi les méthodiques, il faut aussi compter ce qui mettent en


place des « jeux » de contraintes » pour construire leurs
œuvres ; ainsi dans son La Vie mode d’emploi (Hachette, 1978)
Georges Perec (1936 – 1982) raconte la vie des habitants d’un
immeuble ; voici comment il explique son « mode d’emploi » :

Tout ça me fournissait une sorte d’armature, comme


ce jeu pour lequel on vous donne cinq mots et avec ces
cinq mots il faut raconter une histoire qui les
contienne. J’avais, pour ainsi dire, un cahier des
charges : dans chaque chapitre devaient rentrer
certains de ces éléments. Ça c’était ma cuisine, un
échafaudage que j’ai mis près de deux ans à monter, et
qui ne me servait que de pompe à imagination. À
partir de là, je faisais entrer dans le livre tout ce que
je voulais raconter : des histoires vraies comme des
histoires fausses, des passages d’érudition
complètement inventés, d’autres qui sont
scrupuleusement exacts.

Entretien de Georges Perec avec Jean-Jacques


Brochier,
« La Maison des romans », Le Magazine littéraire,
n° 141, octobre 1978.

Vertigineux, non ?

Petits secrets de fabrication


Fred Vargas, auteur d’une dizaine de romans policiers où
apparaît le personnage récurrent du commissaire Adamsberg
(le dernier en date est L’Armée furieuse, 2011), ne commence
pas un livre sans avoir « un assassin », mais ne connaît pas
nécessairement ses mobiles. Elle rapporte qu’elle écrit
rapidement son histoire en trois semaines, mais (il y a toujours
un mais !) qu’ensuite vient ce qu’elle appelle « le boulot
d’auteur » qui dure six mois (ah, quand même !) ; elle explique
que « ce sont des corrections qui vont jusqu’à la folie : un
carnage, une boucherie de mots. Des passages entiers que je
saque, car ils sont mauvais, insauvables, inutiles ».

On retrouve ce « travail d’élagage » chez Amélie Nothomb,


auteur prolixe mais qui, inlassablement, recherche la précision
et la concision et n’hésite pas à supprimer des passages entiers,
des descriptions, des éléments de portraits, pour parvenir à une
sorte de texte « irréductible ».

Aujourd’hui les séries télévisées, surtout américaines, ont mis


dans la lumière la profession de scénariste, clé de voûte de
machines à fiction tournant à plein régime. Travaillant la
plupart du temps en équipe, les scénaristes de séries ont des
objectifs où le public n’est jamais perdu de vue ; ils ont bien
sûr leurs secrets de fabrication mais s’accordent tous sur
l’importance des points suivants que vous pourrez retenir avec
profit :

l’art de raconter une histoire à laquelle le public va


s’habituer ;
l’identification aux personnages et le suspense ;
la connaissance du lieu, du milieu (voir le degré de
précision des séries médicales !) ;
les goûts public ;
l’émotion pour l’identification ;
l’art du suspense ; en d’autres termes appliquer la
théorie d’Alfred Hitchcock : surprendre par l’explosion
d’une bombe donne un effet de surprise qui va durer
quelques secondes, en revanche faire savoir au lecteur
que la bombe est là et qu’elle risque d’exploser dans
trente minutes, c’est mieux ! Enfin, tous aux abris !

Un conseil de William !
Lors d’un entretien, l’on demanda à William Faulkner
(1897-1962), quel était, selon lui, « l’environnement
le plus favorable pour un écrivain ». Voici sa réponse :
« Si vous prenez mon exemple, le meilleur boulot qui
m’ait jamais été offert a été gérant d’un bordel. Pour
moi, c’est l’environnement parfait pour un artiste au
travail. Cela lui donne une liberté économique
parfaite ; il est libéré de la peur et de la faim ; il a un
toit au-dessus de sa tête et absolument rien à faire
sauf tenir une comptabilité simple et aller une fois par
mois payer la police locale. L’endroit est tranquille le
matin, le meilleur moment de la journée pour
travailler. Il y a une vie sociale suffisante en soirée,
s’il veut y participer, pour se distraire ; cela lui donne
une certaine position sociale… » Revue Paris Review.
Les entretiens, tome III, traduit de l’anglais par Anne
Wicke, Christian Bourgois, 2011.

Évidemment aujourd’hui, une telle proposition


trouverait portes closes !

Un écrivain à quoi ça sert ?


Dans un monde où l’évaluation, la procédure, la productivité,
le management imposent leurs lois d’efficacité, cette question
est récurrente. On saisit bien le sous-entendu qu’elle contient
lorsqu’elle est posée par des sceptiques : « Ça ne sert à pas
grand-chose. »

En 1948, dans un essai intitulé Qu’est-ce que c’est que la


littérature ? Jean-Paul Sartre posait clairement sa fonction
d’engagement. Plus près de nous dans son ouvrage Dans les
rouleaux du temps (Flammarion, 2011) Bertrand Leclair,
s’interrogeant sur les puissances de la littérature et donc aussi
sur celles de l’écrivain, s’insurge :

À quoi sert la littérature ? Cette question me paraît


odieuse ; la littérature ne sert à rien, ne sert à rien ;
elle n’est au service de rien ni de personne et surtout
pas de ceux qui rêvent de l’asservir (l’asservir à la
morale hier, au commerce aujourd’hui). Elle est, ou
elle n’est pas. Se demande-t-on à quoi « sert »
l’amour ? On y croit, ou pas, on le vit, ou pas, mais il
ne sert à rien, il ne sert à rien…

Divertir, informer, s’engager


En fait, l’histoire littéraire mais aussi l’histoire (celle qui s’écrit
avec un grand H) montrent aisément que l’écrivain remplit des
fonctions multiples pour ses congénères. Trois d’entre elles
émergent principalement : divertir, en provoquant évasion,
émotion, identification et imagination ; informer, en
témoignant sur des faits, une époque ; prendre des positions
idéologiques en s’engageant dans des critiques de la société et
de ses institutions.
La fonction de divertissement est celle que les écrivains
remplissent le plus volontiers, d’autant que certains récusent
l’idée que leur art puisse avoir une quelconque influence ou
être utilisé sur le plan politique : c’est sans doute Théophile
Gautier (1811-1872) qui dans la préface de Mademoiselle de
Maupin (1835) pousse à son extrême cette théorie (l’art pour
l’art) :
« Il n’y a de vraiment beau que ce qui ne peut servir à rien,
tout ce qui est utile est laid. » C’est clair, l’art est quelque part
sur une hauteur (probablement ce fameux « Parnasse ») du côté
de l’esthétique et de l’imaginaire.

Mais celles d’informer et de s’engager, et donc de jouer par son


écriture un rôle dans la société, sont aussi revendiquées : voici
Ronsard, le gentil poète de « Mignonne, allons voir si la rose »,
qui dénonce avec vigueur à la régente Catherine de Médicis les
guerres de Religion et leur sauvagerie en écrivant dans
Discours des misères (1562) :

Madame, je serais ou du plomb ou du bois,


Si moi que la nature a fait naître Français,
Aux races à venir je ne contais la peine
Et l’extrême malheur dont notre France est pleine.
Je veux de siècle en siècle au monde publier
D’une plume de fer sur un papier d’acier
Que ses propres enfants l’ont prise et dévêtue,
Et jusques à la mort vilainement battue.

« D’une plume de fer sur un papier d’acier », voilà une formule


radicale pour dire toute sa véhémence… le cueilleur de roses
est bien loin…

Voici un second exemple de cette volonté d’être en phase avec


les problèmes de son temps, d’en être le témoin, l’acteur et
aussi la conscience. Il s’agit d’un extrait du discours prononcé
par Albert Camus, journaliste, résistant et écrivain, lors de la
remise de son prix Nobel de littérature en 1957 :

Je ne puis vivre personnellement sans mon art. Mais je


n’ai jamais placé cet art au-dessus de tout. S’il m’est
nécessaire au contraire, c’est qu’il ne se sépare de
personne et me permet de vivre, tel que je suis, au
niveau de tous. L’art n’est pas à mes yeux une
réjouissance solitaire. Il est un moyen d’émouvoir le
plus grand nombre d’hommes en leur offrant une
image privilégiée des souffrances et des joies
communes. C’est pourquoi les vrais artistes ne
méprisent rien ; ils s’obligent à comprendre au lieu de
juger. Et, s’ils ont un parti à prendre en ce monde, ce
ne peut être que celui d’une société où, selon le grand
mot de Nietzsche, ne régnera plus le juge, mais le
créateur, qu’il soit travailleur ou intellectuel.

Souvent, l’écrivain est mis en demeure d’expliquer et de


valider son activité et son existence ; dans les innombrables
explications et justifications, nous avons gardé pour finir cette
partie, celle apportée, non pas par un écrivain lui-même, mais
par ces lecteurs eux-mêmes : l’écrivain est Michel Tournier et
ses lecteurs sont des détenus condamnés pour des faits souvent
très graves. Dans cette nouvelle de Michel Tournier, un
narrateur (en fait l’auteur !) raconte une visite dans un centre
pénitentiaire où il rencontre de jeunes détenus qui travaillent
dans un atelier de menuiserie ; ceux-ci ont lu ses livres, et ils
souhaitent en parler avec lui. Ils veulent savoir comment se fait
un livre. L’auteur leur explique que c’est un patient travail
d’assemblage comparable à celui d’un menuisier qui fabrique
un meuble. Les détenus l’interrogent sur le rôle de l’écrivain,
car pour eux faire une table, une chaise, cela a un sens et une
utilité. L’auteur leur montre alors que l’écrivain a une fonction
d’équilibre dans la société ; il éveille les consciences et permet
la contestation, la remise en cause des normes établies. Il
conclut ainsi son plaidoyer :

« — Il faut écrire debout, jamais à genoux. La vie est


un travail qu’il faut toujours faire debout, dis-je enfin.
[…]

On se sépara. Ils me promirent de m’écrire. Je n’en


croyais rien. Je me trompais. Ils firent mieux. Trois
mois plus tard, une camionnette du pénitencier de
Cléricourt s’arrêtait devant ma maison. On ouvrit les
portes arrière et on en sortit un lourd pupitre de chêne
massif, l’un de ces hauts meubles sur lesquels
écrivaient jadis les clercs de notaire, mais aussi
Balzac, Victor Hugo, Alexandre Dumas. Il sortait tout
frais de l’atelier et sentait bon encore les copeaux et la
cire. Un bref message l’accompagnait : « Pour écrire
debout. De la part des détenus de Cléricourt. »

Michel Tournier , « Écrire debout », dans Le


Médianoche amoureux,
Gallimard, 1989.

Écrire c’est voyager

Nous connaissons tous le fameux adage « Les voyages forment


la jeunesse » ; nous pourrions ajouter « et les écrivains » tant le
voyage est un thème majeur et une véritable nourriture de
l’écriture pour un grand nombre d’écrivains. Pêle-mêle, citons :
Montaigne qui voyage à cheval dans l’Europe du XVIe siècle ;
Molière parcourant le sud de la France pendant plus de dix
années avec sa troupe de théâtre ; Joachim du Bellay exilé à la
cour de Rome auprès de son oncle cardinal et qui rêve de son
« petit Liré » ; Jean-Jacques Rousseau infatigable « rêveur
solitaire » arpentant la Suisse, l’Italie et la France ; Voltaire
l’insaisissable, un jour ici en Angleterre, l’autre à la cour du roi
de Prusse, une autre fois en Suisse dans sa propriété de Ferney ;
Chateaubriand fuyant la révolution française et découvrant le
Nouveau Monde tout comme Alexis de Toqueville y étudiant la
démocratie américaine ; Victor Hugo passant ses vacances en
Espagne où il a vécu une partie de son enfance ; Gérard de
Nerval visitant l’Orient avec Maxime Du Camp ; Blaise
Cendrars, Joseph Conrad, Jack London, tous trois
bourlingueurs, J.-M. G. Le Clézio attiré par le Mexique et
Nicolas Bouvier partant vers l’Orient à la quête de L’Usage du
monde (1963) ; et bien d’autres encore !

Alors voilà une idée pour écrire, voyager !

Petit bric-à-brac de confidences d’écrivains


Écrire est un acte, une activité, où la liberté et l’imagination
signent une sorte de pacte avec la raison, la rigueur, et
l’intention de transmettre. Voici un bref florilège de citations où
l’on retrouve cette ambition :

Moi, j’écris pour agir. (Voltaire, 1694-1778) ;


L’œuvre d’art ne doit servir à aucune doctrine sous
peine de déchoir. (Gustave Flaubert, 1821-1880) ;
L’art pour l’art, c’est beau ; mais l’art pour le
progrès est plus beau encore (Victor Hugo, 1802-
1885) ;
Le poète aussi a charge d’âme. (Victor Hugo, 1802-
1885) ;
Le temps est venu où tous les poètes ont le droit et le
devoir de soutenir qu’ils sont profondément enfoncés
dans la vie des autres hommes, dans la vie commune.
(Paul Éluard, 1895-1952) ;
La fonction de l’écrivain est de faire en sorte que nul
ne puisse ignorer le monde, et que nul ne s’en puisse
dire innocent. (Jean-Paul Sartre, 1905-1980, Situations
II, 1948, Gallimard, 1999) ;
Aux jeunes gens d’aujourd’hui fatigués de la
littérature, pour leur prouver qu’écrire un roman peut
être aussi un acte. (Blaise Cendrars, 1887-1961, Rhum,
Grasset, 1930) ;
Belle fonction à assurer, celle d’inquiéteur. (André
Gide, 1869-1951, Journal, Coll. « La Pléiade »,
Gallimard, 1996) ;
Les dieux eux-mêmes meurent
Mais les vers souverains
Demeurent
Plus forts que les airains.

Sculpte, lime, cisèle


Que ton rêve flottant
Se scelle
Dans le bloc résistant ! (Théophile Gautier, 1811-
1872).
Faire vrai consiste […] à donner l’illusion complète
du vrai, suivant la logique ordinaire des faits, et non à
les transcrire servilement dans le pêle-mêle de leur
succession. (Guy de Maupassant, 1850-1893) ;
La nouvelle opère à chaud, le roman à froid. (Paul
Morand, 1888-1976, Nouvelles complètes, Coll. « La
Pléiade », Gallimard, 1963) ;
À mon sens, écrire et communiquer, c’est être capable
de faire croire n’importe quoi à n’importe qui. (J.-M.
G. Le Clézio, né en 1940, Le Procès-verbal, Gallimard,
1963) ;
Un beau livre, c’est celui qui sème à foison les points
d’interrogation. (Jean Cocteau, 1889-1963, Le Rappel
à l’ordre, Stock, 1926) ;
Nous ne lisons pas pour oublier la vie, au contraire,
pour l’éclairer. Les livres nous aident à voir, à agir, à
vivre. (Claude Roy, 1915-1997, Défense de la
littérature, Gallimard, 1968) ;
Qu’est-ce qu’un poète, si ce n’est un traducteur, un
déchiffreur. (Charles Baudelaire, 1821-1867) ;
Je dis qu’il faut être voyant, se faire voyant. Le Poète
se fait voyant par un long, immense et raisonné
dérèglement de tous les sens. (Arthur Rimbaud, 1854-
1891) ;
L’histoire est entièrement vraie, puisque je l’ai
imaginée d’un bout à l’autre. (Boris Vian, L’Écume des
jours, Gallimard, 1947) ;
Il n’y a poésie qu’autant qu’il y a méditation sur le
langage, et à chaque pas réinvention de ce langage. Ce
qui implique de briser les cadres fixes du langage, les
règles de la grammaire, les lois du discours. (Louis
Aragon, 1897-1982, Les Yeux d’Elsa, 1942) ;
J’émerveille. (Guillaume Apollinaire, 1880-1918).

Page d’écriture
Le questionnaire de Marcel pour vous échauffer.
Le questionnaire de Marcel Proust, reprend un
jeu en vogue en Angleterre à partie des 1860 : il
consiste à répondre à une série de questions pour
cerner des traits de sa personnalité et de ses goûts.
À vous de jouer !

Le principal trait de mon caractère.

La qualité que je préfère chez un homme.

La qualité que je préfère chez une femme.


Ce que j’apprécie le plus chez mes amis.

Mon principal défaut.

Mon occupation préférée.

Mon rêve de bonheur.

Quel serait mon plus grand malheur ?

Ce que je voudrais être.

Le pays où je désirerais vivre.

La couleur que je préfère.

La fleur que j’aime.

L’oiseau que je préfère.

Mes auteurs favoris en prose.

Mes poètes préférés.

Mes héros dans la fiction.

Mes héroïnes favorites dans la fiction.

Mes compositeurs préférés.

Mes peintres favoris.

Mes héros dans la vie réelle.

Mes héroïnes dans l’histoire.

Mes noms favoris.


Ce que je déteste par-dessus tout.

Personnages historiques que je méprise le plus.

Le fait militaire que j’admire le plus.

Le don de la nature que je voudrais avoir.

Comment j’aimerais mourir.

État présent de mon esprit.

Fautes qui m’inspirent le plus d’indulgence.

Ma devise.
Sixième partie

La partie des Dix

Dans cette partie

Petit, on apprend à compter sur ses dix doigts et l’on en utilise en général
trois pour écrire ; plus tard si l’on devient un « pianiste » du traitement de
texte, les dix doigts reprennent du service. Ce petit détour sur le bout des
doigts pour vous signaler que vous êtes arrivé dans la partie des Dix et qu’il
ne faut surtout pas la mettre à l’index ou s’arrêter devant en disant : « Je
mets les pouces ! », car vous allez y trouver dix conseils utiles pour vous
mettre dans de bonnes dispositions pour écrire ; dix propositions de micro-
fictions pour donner carte blanche à votre imagination et enfin dix manières
de donner du tonus à votre inspiration ! Donc en un mot comme en dix,
bonne écriture !
Chapitre 19

Dix conseils pour mieux écrire

Dans ce chapitre :
Oui, écrire, c’est possible
Des conseils pour apprivoiser les mots
Des conseils pour éviter l’écrit vain et peut-être
devenir « écrivain »…

Jean-Marie Georges Le Clézio le dit sans ambages : « Ce qui


me tue, dans l’écriture, c’est qu’elle est trop courte. Quand la
phrase s’achève, que de choses sont restées au-dehors ! » Cette
frustration, vous l’avez peut-être déjà éprouvée, cette sensation
d’avoir été un peu floué par les mots qui sont venus, comme
une sorte de tromperie sur la marchandise. Au final, tout de
même, vous avez le sentiment d’avoir accroché des bouts de ce
sens qui semble se dérober et vous incite à continuer ; ce que
fait d’ailleurs aussi le Prix Nobel de littérature 2008. Mais
parfois, cela se complique : mille et un blocages se présentent
au moment d’écrire… Que faire ?

Lire ce qui suit et y trouver à travers nos conseils, nous


l’espérons, un remède à vos « mots » !

Conseil n° 1
« Pour écrire, il faut déjà écrire », dit Maurice Blanchot !
Derrière cette boutade (les spécialistes appellent cela une
tautologie, une figure de style qui équivaut à « enfoncer une
porte ouverte » !), il y a un constat incontournable : celui du
forgeron qui apprend en forgeant. Que ce soit pour la maîtrise
d’un écrit scolaire, professionnel, ou de création, c’est la
pratique régulière, et rien que la pratique régulière, qui vous
permettra d’acquérir l’aisance voulue. Ce sont les essais, les
tâtonnements, les corrections, qui, progressivement, donneront
à votre écrit la forme et le fond que vous souhaitez. En matière
d’écriture, c’est la seule potion magique qui vaille. Même si
l’expression peut paraître aujourd’hui un peu surannée, ne
perdez jamais de vue les conseils de notre Nicolas, car avec
eux vous ne serez jamais « chocolat » !

Avant donc que d’écrire, apprenez à penser.


Selon que notre idée est plus ou moins obscure,
L’expression la suit, ou moins nette, ou plus pure.
Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement,
Et les mots pour le dire arrivent aisément. […]
Hâtez-vous lentement, et, sans perdre courage,
Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage
Polissez-le sans cesse et le repolissez ;
Ajoutez quelquefois, et souvent effacez.

Nicolas Boileau, « Chant I », Art poétique, 1674.

Vous pouvez aussi, comme Émile Zola, inscrire ou peindre


cette phrase latine : Nulla dia sine linea qui signifie « Pas un
jour sans une ligne », sur le mur de votre bureau, en fond
d’écran sur votre ordinateur, dans le lieu d’aisances que vous
fréquentez évidemment chaque jour, enfin dans l’endroit qui
vous convient !
Conseil n° 2
Hormis pour les écrits de travail où des codes sont à respecter,
essayez (nous disons « essayez », car c’est plus facile à dire
qu’à réaliser), essayez donc de ne pas vous censurer lorsque
vous êtes dans une phase (donc dans une phrase !) de création.
Ne mettez pas en place ces formules auto-bloquantes du genre :
« C’est n’importe quoi ; ça n’a aucun sens » ; « Ni queue ni
tête » ; « Consternant, aberrant » ; « Je ferais mieux d’aller
planter des choux » ; « Je suis capable de telles inepties, je n’en
reviens pas ! » Acceptez que votre esprit ait besoin comme le
corps d’un échauffement, que la « mécanique » doive trouver
son rythme de croisière. Et dites-vous aussi que ce qui vous
paraît affligeant le mercredi 4 octobre à 10h 30 vous semblera
peut-être absolument génial, radical, le vendredi 6 octobre à 21
heures. Retenez aussi qu’il y a ce que vous écrivez et,
éventuellement, ce que vous montrerez, donnerez à lire ; ce
n’est pas nécessairement la même chose.

Conseil n° 3
Les ateliers d’écriture sont d’excellents endroits pour
désacraliser l’acte d’écrire, fournir des « embrayeurs », des
exercices, qui aident à la prise de confiance. Les échanges avec
d’autres personnes sont souvent fructueux et permettent de
découvrir de nouveaux horizons. Mais tôt ou tard, vous aurez
besoin d’un lieu personnel, intime, tranquille, pour écrire. C’est
que l’écriture, activité de communication par essence, est aussi
paradoxalement, un acte individuel, solitaire. Ce lieu sera votre
antre, sorte de repaire où votre imagination aura le feu vert (et
donc le feu sacré !).

Conseil n° 4
Lire pour écrire mieux. L’écriture est une expression qui se
nourrit de tous les ingrédients de la vie. Mais elle se nourrit
aussi de l’écriture des autres qui devient alors pour nous une
lecture. Lire, et lire encore, est sans doute le plus sûr moyen
(par assimilation, comparaison, imitation, inspiration,
dépassement) d’enrichir et d’améliorer sa propre écriture, tout
en partageant des pensées, des vies, des mondes réels et
imaginaires. Pour vous en convaincre, nous vous conseillons
l’admirable livre de Danielle Sallenave, Le Don des morts
(1991), où l’auteur nous donne les mille et une raisons de lire.
Voici quelques extraits pour vous convaincre :

Le but de la fréquentation du livre, le résultat de la


fréquentation des livres, et des œuvres de l’esprit
inscrites dans les livres, ce ne serait pas de rompre
avec la vie ordinaire, ce serait de la transfigurer. Par le
livre, on n’échappe pas à la vie ordinaire : on porte
celle-ci à un niveau supérieur. Elle s’éclaire, elle est
revisitée.
Penser, c’est peser. Si l’effet de la littérature est de
dévoiler le monde, ce dévoilement lui-même n’a
d’autre fin que de nous permettre de juger, afin de nous
aider à nous conduire.
On a donc à la fois tort et raison de dire qu’on
s’évade lorsqu’on lit. Car on s’évade alors du monde
non pour le quitter, mais pour le rejoindre.

Conseil n° 5
Dans le chapitre 8, nous vous proposons plusieurs dictionnaires
pour vous accompagner dans votre pratique de l’écriture.
Depuis les premiers et rares dictionnaires du XVIIe siècle,
l’offre s’est considérablement étoffée : en effet, en un ou
plusieurs volumes, vous avez à votre disposition des
dictionnaires de langue, étymologiques, analogiques, des
synonymes, des citations, des mots rares, des expressions, de
rhétorique. Le plus utile, et que vous devez toujours avoir à
proximité de la main, c’est évidemment un dictionnaire de la
langue : il vous sera utile pour vérifier le(s) sens d’un mot, son
orthographe, son évolution. Il doit être votre compagnon, et
non seulement vous aider à écrire en respectant les codes mais
aussi être une invitation permanente au voyage ; car les mots
sont de grands voyageurs, ils ont fait jusqu’à nous un long
chemin que raconte le dictionnaire ; n’hésitez pas à vous en
servir à votre tour pour créer une autre histoire.

Conseil n° 6
Si l’image est du côté de l’instantané, l’écrit, à la fois dans son
élaboration et dans sa lecture, demande du temps. Ainsi quand
vous écrivez, prenez votre temps, pas de précipitation.
N’oubliez pas que les mots sont à notre service : grâce à eux,
nous pouvons communiquer entre nous, mais attention à leur
emploi. Un mot mal utilisé, une phrase mal construite, et d’un
seul coup, d’un seul, la situation nous échappe, le sens se met à
aller « à hue et à dia » (expression de charretier, pour dire « à
gauche et à droite » en même temps, c’est-à-dire n’importe
comment !) et vous avez l’impression d’avoir été trahi, tandis
que ceux qui vous lisent pensent que vous venez d’une autre
planète avec une langue inconnue ! Tout cela pour vous dire
que, parfois, il est bon de laisser reposer un écrit comme on
laisse reposer une pâte à pain ou à crêpes. À la relecture, les
points à travailler, à conserver, apparaîtront plus facilement :
pendant le temps de repos du texte, votre pensée et votre
quotidien auront croisé mille et un petits (ou grands !) faits qui
donneront à votre regard une acuité nouvelle.

Conseil n° 7
« Les fautes, ah ! les fautes ! » S’il existait un produit ou une
astuce miracle pour s’en débarrasser ! Fautes de lexique ou de
syntaxe, elles ne se reposent jamais, toujours prêtes à frapper là
où l’on ne les attend pas. Il ne faut jamais baisser la garde, car
elles sont là, sournoises, cachées, toujours disposées à s’inviter
dans nos écrits, évidemment « à l’insu de notre plein gré » !
Que faire ? D’abord bien sûr, être vigilant en ayant toujours un
dictionnaire à portée de main, et surtout l’idée de s’en servir
dès que le moindre doute surgit ; ensuite, se lire, se relire en
regardant avec soin la fin des mots : en effet, c’est
pratiquement toujours là que la faute, l’intruse, s’impose, car
notre attention décroît et c’est là que se fait l’accord de
personne, de genre et de nombre ! Enfin, même si on pense être
un champion, il vaut mieux rester sur ses gardes, car nul n’est à
l’abri ; et si l’on est en froid avec les bons codes, reprendre
tranquillement et posément les grands fondamentaux (les règles
d’accord, les principales conjugaisons), s’en imprégner, et
surtout faire d’Écrire pour les Nuls votre fidèle compagnon
d’écriture ; il saura vous alerter en cas d’intrusion de fautes
dans votre travail.

Conseil n° 8
Notez, notez, il en restera toujours quelque chose. Ayez
toujours sur vous de quoi noter : cahier, carnet, ordinateur,
Smartphone, dictaphone, bout de nappe, boîte d’allumettes,
ticket d’achat, prospectus, crayon, stylo, feutre, charbon de
bois… Dites-vous que l’idée est un phénomène imprévisible
qui emprunte des chemins absolument mystérieux ; aussi,
lorsqu’elle se présente, vous devez être prêt à la… noter. Là
aussi, la liberté prévaut : si un mot noté en entraîne un autre,
que vous n’aviez pas prévu, ne le refusez pas ; qui sait, demain,
vous le préférerez peut-être au premier ; c’est grâce à lui que
vous déviderez un écheveau auquel vous n’aviez pas pensé. Si
l’idée de faire une liste de tout ce que vous voyez dans un
endroit vous prend (c’est ce que faisait Georges Perec, le roi
des listes !), n’hésitez pas ; ce qui n’est d’abord qu’une suite
linéaire peut devenir par la magie créatrice le début d’une
histoire. Noter, c’est vous constituer une sorte de réservoir, de
possibilités de situations, de personnages, d’actions, de
pensées ; c’est le bon moyen de capter le fugitif qui passe pour
en faire un jour le socle d’un récit auquel vous ne pensez pas
dans l’instant.

Conseil n° 9
Variez votre expression ! Laissez au repos (de temps en temps)
un certain nombre de verbes usés à force de servir dans tous les
« sens » : être et avoir sont évidemment les plus concernés,
mais aller, faire, dire, voir, penser, croire auraient aussi besoin
d’un peu de repos ! N’oubliez pas que vous avez à votre
disposition plus de dix mille verbes ! Même remarque pour les
noms communs ! Pensez au dictionnaire des synonymes,
véritable outil de précision, qui enrichit l’écrit en vous
indiquant « le mot » qui donnera toute sa force à votre pensée
initiale et géniale. Si vous avez l’humeur métaphorique, voici
un rapprochement pour saisir cette importance d’un lexique
aussi varié que précis : le texte primitif est une planche de bois
obtenue par la scie et le rabot, tandis que le texte final est cette
même planche de bois sculptée à l’aide de fines gouges
(ciseaux à bois).

Conseil n° 10
Un pastiche, sinon rien ! Nous sommes au XXIe siècle et nous
savons bien que beaucoup de choses ont déjà été écrites et que
nous remettons inlassablement nos pas dans ceux des
personnes qui nous ont précédés. Ce qui ne nous interdit pas,
bien au contraire, de découvrir régulièrement de nouvelles
pistes (d’écriture bien sûr !). Cependant, avant que vous
écriviez le monument de ce début de XXIe siècle, rien ne vous
empêche de faire des « écrits d’essai » comme d’autres (plus
cavaliers sans doute) font des « galops d’essai » ; en d’autres
termes, de faire des pastiches de manières d’écrire qui vous
intéressent. Vous aimez l’écriture luxuriante de Gabriel Garcia
Marquez, alors prenez un paragraphe qui décrit par exemple un
village étrange, dans Cent ans de solitude (1967), notez le
vocabulaire, la structure, le rythme des phrases, et essayez de
décrire à votre tour un lieu que vous connaissez pour créer la
même ambiance. Vous voulez écrire un article de presse pour
expliquer une situation politique à l’intérieur d’un parti à
quelques mois d’une échéance électorale : prenez un article sur
le sujet dans un journal de votre choix, repérez son schéma
argumentatif, ses enchaînements, le niveau de langue et faites à
votre tour l’article. Vous voulez réaliser un portrait : allez du
côté des maîtres du XIXe siècle (Hugo, Zola, Maupassant),
vous aurez l’embarras du choix, et imitez-les.
Chapitre 20

Dix micro-fictions

Dans ce chapitre :
À votre tour !
Soyez au fait… divers !
Lancez-vous dans la fiction

Le stylo, ou le clavier, vous démange ! Vous n’y tenez plus.


Vous voilà prêt à vous lancer dans la grande aventure d’un récit
de fiction. Qu’il soit réaliste ou fantastique, policier ou
surréaliste, poétique ou d’aventure, noir ou humoristique, ou un
peu tout cela à la fois, voyelles et consonnes sont déjà dans les
starting-blocks, prêtes à se combiner et à s’élancer dans votre
récit pour faire la course sur les pages, et passer victorieuses la
ligne d’arrivée…

Sans plus attendre, placez vos mots sous les ordres du starter
« inspiration », sur votre ligne de départ, et au signal, écrivez !

Que de métaphores sportives ! Voici donc les dix propositions


de micro-fictions pour vous lancer dans la grande course de
l’écriture… Que les dieux du stylo et du clavier soient avec
vous !

Micro-fiction n° 1
C’est votre première phrase ? Oui. C’est votre dernière phrase ?
Oui. Bravo, vous avez choisi cet exercice d’écriture sans faire
appel à un ami, ni au public qui n’attend qu’une chose, pouvoir
lire votre récit.

Voici les premières phrases (incipit est le terme latin, il fait


chic !) et les dernières phrases (épilogue est moins flamboyant,
mais c’est le mot employé !) de romans.

Vous allez construire un récit (le genre est laissé à votre guise)
d’au moins une page (environ 2 000 caractères), qui commence
par la première phrase et s’achève par la dernière. La bonne
idée consiste à choisir une œuvre que l’on ne connaît pas et
ensuite, une fois son texte achevé, d’en faire la lecture et… de
comparer !

C’est un vieil homme debout à l’arrière d’un bateau. […]


La petite fille de Monsieur Linh.

Philippe Claudel, La Petite fille de Monsieur Linh (Stock,


2005).

J’ai passé les épreuves du Capes dans un lycée de Lyon, à la


Croix-Rousse. […]
Elle prenait déjà les courses suivantes de la main gauche et
tapait sans regarder de la main droite.

Annie Ernaux, La Place (Gallimard, 1983).

L’avion hebdomadaire en provenance de Jayapura atterrit


tard. […]
Elle flottait librement au-dessus de l’abîme, écarta les bras et
resta un instant immobile dans les airs, comme un oiseau doré,
avant de commencer à tomber.
Jorn Riel, La Faille (Ed. Gaïa, 2000).

Cette année-là, pour la première fois depuis longtemps, Thierry


Blin décida de jouer au tennis dans l’unique but de se
confronter à celui qu’il était naguère : un joueur honnête qui,
sans jamais se faire une place dans le classement officiel, avait
fait trembler plus d’un ambitieux. […]
Chacun des deux se jura de vaincre.

Tonino Benacquista, Quelqu’un d’autre (Gallimard, 2002).

L’alchimiste prit en main un livre qu’avait apporté quelqu’un


de la caravane. […]
« Me voici, Fatima, dit-il. J’arrive. »

Paulo Coelho, L’Alchimiste (Ed. Anne Carrière, 1994).

C’est dimanche matin et j’épluche les offres d’emploi. […]


Je me munis des petites annonces du dimanche, d’une tasse de
thé, et je m’assois à côté du téléphone.

Iain Levison, Tribulations d’un précaire (Ed. Liana Levi,


2007).

Nano-fiction n° 2
C’est le critique d’art Félix Fénéon (1864-1944) qui créa à
partir de mai 1906 une rubrique intitulée « Nouvelles en trois
lignes ». Publiées sous forme de brèves dans le journal Le
Matin, ces nouvelles étaient censées être de vraies dépêches sur
des faits divers, sur la vie de la société, la politique et
l’économie. Ne dépassant jamais les cent quarante caractères,
elles étaient tour à tour cyniques, cruelles, cocasses, absurdes,
factuelles, avec un soin tout particulier attaché à l’effet de style,
à la recherche de l’ellipse, et au rythme, l’ensemble n’étant pas
sans rappeler l’art de la fable.

Voici un petit florilège pour vous donner un aperçu de cet art


du raccourci :

M. Dupuis, miroitier à Paris, et M. Marchand ont été blessés, à


Versailles, dans un accident d’auto. Le chauffeur Girard a été
arrêté.

Le radicalisme gagne un siège au conseil général du Rhône,


grâce à l’élection de M. Bernard par le canton de Villefranche.

Madame Fournier, M. Voisin, M. Septeuil se sont pendus :


neurasthénie, cancer, chômage.

Le feu, 126, boulevard Voltaire. Un caporal fut blessé. Deux


lieutenants reçurent sur la tête, l’un une poutre, l’autre un
pompier.

Rattrapé par un tramway qui venait de le lancer à dix mètres,


l’herboriste Jean Désille, de Vannes, a été coupé en deux.

Le professeur de natation Renard, dont les élèves tritonnaient


en Marne, à Charenton, s’est mis à l’eau lui-même : il s’est
noyé.

Un enfant seul (trois ans, complet bleu) a été trouvé tout en


larmes, hier soir, place de la Bastille.

M. Abel Bonnard, de Villeneuve-Saint-Georges, qui jouait au


billard, s’est crevé l’œil gauche en tombant sur sa queue.

En se le grattant avec un revolver à détente trop douce, M. Ed.


B… s’est enlevé le bout du nez au commissariat Vivienne.
Le cadavre du sexagénaire Dorlay se balançait à un arbre, à
Arcueil, avec cette pancarte : « Trop vieux pour travailler. »

Le médecin chargé d’autopsier Mlle Cuzin, de Marseille, morte


mystérieusement, a conclu : suicide par strangulation.

Le Dunkerquois Scheid a tiré trois fois sur sa femme. Comme il


la manquait toujours, il visa sa belle-mère : le coup porta.

Jugeant sa fille (19 ans) trop peu austère, l’horloger stéphanois


Jallat l’a tuée.

Il est vrai qu’il lui reste onze autres enfants.

Il n’y a même plus de Dieu pour les ivrognes : Kersilie, de


Saint-Germain, qui avait pris la fenêtre pour la porte, est mort.

Le mendiant septuagénaire Verniot, de Clichy, est mort de faim.


Sa paillasse recélait 2000 francs. Mais il ne faut pas
généraliser.

« Aie ! cria le rusé mangeur d’huîtres, une perle ! » Un voisin


de table l’acheta 100 francs. Prix : 30 sous au bazar de
Maisons-Laffitte.

À votre tour, à partir de faits divers réels ou inventés, rédigez


des « nano -fictions » ne dépassant pas les cent quarante
caractères.

Micro-fiction n° 3, dite « à la Raymond »


Dans Exercices de style (Gallimard, 1947), Raymond Queneau,
raconte de 99 manières différentes la même histoire : celle d’un
narrateur rencontrant dans un bus un jeune homme au long cou,
coiffé d’un chapeau, et qui se dispute avec un autre voyageur.
Plus tard, le narrateur revoit le même jeune homme devant la
gare Saint-Lazare, discutant avec une autre personne qui le
conseille à propos d’un bouton de son pardessus.

Notations
Dans l’S, à une heure d’affluence. Un type dans les vingt-six
ans, chapeau mou avec cordon remplaçant le ruban, cou trop
long comme si on lui avait tiré dessus. Les gens descendent. Le
type en question s’irrite contre un voisin. Il lui reproche de le
bousculer chaque fois qu’il passe quelqu’un. Ton pleurnichard
qui se veut méchant. Comme il voit une place libre, se précipite
dessus. Deux heures plus tard, je le rencontre cour de Rome,
devant la gare Saint- Lazare. Il est avec un camarade qui lui
dit : « Tu devrais faire mettre un bouton supplémentaire à ton
pardessus. » Il lui montre où (à l’échancrure) et pourquoi.

Dans l’exercice Métaphoriquement, les voyageurs deviennent


des « sardines voyageuses », l’autobus se transforme en
« coléoptère » et le personnage en « un poulet déplumé » ; dans
l’exercice Pronostication, ce sont des suppositions au futur qui
structurent le texte « Lorsque viendra midi », « il pensera
que », « Tu le reverras un peu plus tard ». Ainsi, la contrainte
de départ crée à chaque fois une variation sur un même thème
et… l’histoire prend alors des directions inattendues !

C’est à vous !
Vous allez réécrire l’histoire suivante en reprenant les trois
styles précédents : « Notations », « Métaphoriquement »,
« Pronostication ».

Vous retrouvez, dans une soirée, un ami d’enfance que vous


aviez perdu de vue. C’est lui qui vous reconnaît et vous
rappelle une anecdote : un jour, vilains garnements, vous aviez
attaché par la queue un chat à la cordelette d’une cloche du
portail d’une maison. Aux sons frénétiques de la cloche et aux
cris du pauvre chat, le propriétaire était sorti et avait eu
beaucoup de mal à détacher la pauvre bête.

Si cette histoire lamentable vous inspire (là, il n’y a pas de quoi


être fier !), vous pouvez faire un autre choix dans les 99 styles
employés par Queneau :

Notations, En partie double, Litotes, Métaphoriquement,


Rétrograde, Surprises, Rêve, Pronostications, Synchyses,
L’arc-en-ciel, Logo-rallye, Hésitations, Précisions, Le côté
subjectif, Autre subjectivité, Récit, Composition de mots,
Négativités, Animiste, Anagrammes, Distinguo, Homéotéleutes,
Lettre officielle, Prière d’insérer, Onomatopées, Analyse
logique, Insistance, Ignorance, Passé indéfini, Présent, Passé
simple, Imparfait, Alexandrins, Polyptotes, Aphérèses,
Apocopes, Syncopes, Moi je, Exclamations, Alors, Ampoulé,
Vulgaire, Interrogatoire, Comédie, Apartés, Paréchèses,
Fantomatique, Philosophique, Apostrophe, Maladroit,
Désinvolte, Partial, Sonnet, Olfactif, Gustatif, Tactile, Visuel,
Auditif, Télégraphique, Ode, Permutations par groupes
croissants de lettres, Permutations par groupes croissants de
mots, Hellénismes, Ensembliste, Définitionnel, Tanka, Vers
libres, Translation, Lipogramme, Anglicismes, Prosthèses,
Épenthèses, Paragoges, Parties du discours, Métathèses, Par
devant par derrière, Noms propres, Loucherbem, Javanais,
Antonymique, Macaronique, Homophonique, Italianismes,
Poor lay Zanglay, Contrepèteries, Botanique, Médical,
Injurieux, Gastronomique, Zoologique, Impuissant, Modern
style, Probabiliste, Portrait, Géométrique, Paysan,
Interjections, Précieux, Inattendu.

Micro-fiction n° 4
Un homme, jardinier de son état dans une grande ville, est
menacé de mort et pressent qu’il ne pourra pas échapper à son
assassin. Il imagine alors le stratagème suivant pour dénoncer
celui-ci post mortem : sur le plus grand rond-point à l’entrée de
la ville, où chaque année il plante des rangées d’oignons de
fleurs qui, une fois écloses, dessinent forcément le nom de la
ville, il organise les bulbes pour que ceux-ci fassent apparaître
au printemps un message indiquant le nom de son assassin.

Vous devrez trouver le mobile du crime et pourquoi la victime


ne peut y échapper et ne dit rien à son entourage. Vous
choisirez de faire ou de ne pas faire le portrait du meurtrier.

Micro-fiction n° 5
Vous êtes un scientifique et vous participez à une expérience
sur le sommeil et les rythmes biologiques ; ainsi, vous passez
six mois au fond d’une cavité sous la terre, coupé de tout
contact avec l’extérieur et de tous repères pouvant vous
indiquer l’heure ; un signal vous indiquera le moment où vous
pourrez remonter. Racontez votre installation sous terre,
l’organisation de votre temps : activités scientifiques, loisirs,
ennuis, souvenirs, doutes, envie de remonter à la surface avant
l’émission du signal. Décrivez la perte progressive des repères
temporels (jour, nuit, évaluation du temps qui passe). Enfin, le
signal retentit. Expression des sentiments ; dernier regard sur le
lieu. Retour à la surface et là, surprise ! il n’y a plus personne !
Tout est désert.

Les trois quarts de la micro-fiction seront réservés à la


narration de la vie sous terre ; le dernier quart décrira la
surprise face au monde désert. Vous choisirez de donner, ou
non, la cause de cette désertification.
Micro-fiction n° 6
Vous vous rappelez sans doute ces mineurs chiliens qui
restèrent bloqués plusieurs semaines sous terre avant d’être
libérés après d’interminables travaux de secours. Retrouvez des
coupures de presse, des témoignages sur Internet.

Voici une série de notations pour organiser votre récit.

L’embauche. Portraits de quelques mineurs. Échanges de


paroles pendant la descente dans le puits. Description de la
galerie. Début du travail.

L’accident. Description des lieux et des comportements.


Regroupement des mineurs. Dialogues où s’expriment la peur
voire la panique. Émergence d’un meneur qui organise la
survie.

L’attente. En haut, arrivée de la nouvelle de la catastrophe.


Réaction des responsables, des familles. Organisation des
secours.

Retour en bas. Au bout de quelques jours, la communication


est établie. Installation d’une vie précaire. Portraits de groupes
et d’individualités. Les jours, les semaines passent. Enfin, la
remontée.

La sortie. L’émotion des survivants et des familles. La présence


des médias. Les mineurs deviennent des héros modernes.

Vous ferez ce récit en pastichant l’écriture d’Émile Zola. Votre


récit ne devra pas dépasser les 5 000 caractères… sinon vous
pouvez vous lancer dans l’écriture d’un synopsis pour le
cinéma !

Voici un extrait du dernier chapitre de Germinal (1885)


d’Émile Zola : après un sabotage, des mineurs se retrouvent
prisonniers au fond de la mine ; les secours s’organisent.

Négrel vivait au fond, avec ses ouvriers. On lui descendait ses


repas, il dormait parfois deux heures, sur une botte de paille,
roulé dans un manteau. Ce qui soutenait les courages, c’était
la supplication des misérables, là-bas, le rappel de plus en plus
distinct qu’ils battaient pour qu’on se hâtât d’arriver. À
présent, il sonnait très clair, avec une sonorité musicale,
comme frappé sur les lames d’un harmonica. On se guidait
grâce à lui, on marchait à ce bruit cristallin, ainsi qu’on
marche au canon dans les batailles. Chaque fois qu’un haveur
était relayé, Négrel descendait, tapait, puis collait son oreille ;
et, chaque fois, jusqu’à présent, la réponse était venue, rapide
et pressante. Aucun doute ne lui restait, on avançait dans la
bonne direction ; mais quelle lenteur fatale ! Jamais on
n’arriverait assez tôt. En deux jours, d’abord, on avait bien
abattu treize mètres ; seulement, le troisième jour, on était
tombé à cinq ; puis, le quatrième, à trois. La houille se serrait,
durcissait à un tel point, que, maintenant, on fonçait de deux
mètres, avec peine. Le neuvième jour, après des efforts
surhumains, l’avancement était de trente-deux mètres, et l’on
calculait qu’on en avait devant soi une vingtaine encore. Pour
les prisonniers, c’était la douzième journée qui commençait,
douze fois vingt-quatre heures sans pain, sans feu, dans ces
ténèbres glaciales ! Cette abominable idée mouillait les
paupières, raidissait les bras à la besogne. Il semblait
impossible que des chrétiens vécussent davantage, les coups
lointains s’affaiblissaient depuis la veille, on tremblait à
chaque instant de les entendre s’arrêter.

Micro-fiction n° 7
L’effet papillon. Imaginez un récit à rebours : vous partirez de
la conséquence finale et votre histoire devra remonter à
l’origine de cette situation en mettant bien en évidence les
différentes causes. Voici quelques propositions d’histoires :

le début d’une troisième guerre mondiale (enfin,


celle-ci n’est pas obligatoire !)
une fête de mariage
un homme qui se retrouve en prison
une fumée suspecte qui s’échappe d’un appartement
une femme qui, du bastingage d’un paquebot, regarde
le quai s’éloigner
l’arrivée d’un noyé sur une plage
une personne, au bord d’une falaise, hésitant à se jeter
dans le vide
un homme politique qui vient de remporter une
élection et qui s’apprête à se montrer en public

Votre micro-fiction reprendra à rebours la même structure que


ce conte des frères Grimm intitulé Le Clou (1857) dans lequel
on distingue nettement les causes qui conduisent à la situation
finale :

l’absence du clou signalée et la négligence du


marchand ;
l’absence du fer signalée et la seconde négligence du
marchand ;
l’accident du cheval qui se brise la jambe ;
la fin du voyage à pied.

Le Clou

Un marchand avait fait de bonnes affaires à la foire ; il avait


vendu toutes ses marchandises, et bien garni son sac de
monnaies d’or et d’argent. Il s’était mis en route vers sa
demeure où il désirait arriver ce même jour encore avant la
tombée de la nuit. Il cheminait donc à cheval, son lourd
portemanteau solidement attaché derrière la selle. Vers l’heure
du dîner, il fit halte dans une ville, et lorsqu’il voulut se
remettre en route, le valet d’écurie, qui lui amena son cheval,
lui dit :

— Monsieur ne sait pas sans doute qu’il manque un clou au fer


gauche de derrière son cheval.

— Ne t’en inquiète pas, répondit le marchand, le fer n’en


tiendra pas moins pendant les six lieues au plus qu’il reste à
faire. Je suis pressé.

Vers l’heure du goûter, il s’arrêta de nouveau pour faire donner


l’avoine à sa monture. Le garçon d’écurie ne tarda pas à venir
le trouver dans l’auberge.

— Monsieur ne sait pas, sans doute, lui dit-il, qu’il manque un


fer au pied gauche de derrière de son cheval. Dois-je le
conduire chez le maréchal ?

— Ne t’en inquiète pas, répondit le marchand, pour une couple


de lieues qu’il me reste à faire, mon cheval se passera bien de
ce fer. Je suis pressé.

Il se remit en route. Mais bientôt après le cheval boita ; il n’y


avait pas longtemps qu’il boitait, lorsqu’il commença à
trébucher ; il eut à peine trébuché deux ou trois fois, qu’il
s’abattit et se cassa une jambe. Le marchand fut obligé de
laisser là son cheval gisant, de déboucler son portemanteau, de
le placer sur son dos et de regagner à pied son logis, où il
n’arriva que très avant dans la nuit.

« C’est pourtant ce maudit clou que j’ai négligé de faire


remettre, qui a été cause de tout mon malheur, pensait-il en
marchant d’un air sombre. »
Micro-fiction n° 8
Dans sa nouvelle La Métamorphose écrite en 1912, Franz
Kafka racontait l’étrange aventure d’un représentant de
commerce, Gregor Samsa, qui s’éveillait transformé en
vermine et commençait alors une nouvelle vie faite de
cauchemars et de désillusions.

En se réveillant un beau matin (enfin pas si beau que cela !), un


personnage se retrouve ainsi dans la peau d’un autre. À partir
de cette situation initiale, imaginez un récit de 5 000 caractères
avec une chute (positive ou négative) ; seule contrainte, vous
ne pourrez pas utiliser la « vieille ficelle » qui consiste à dire
qu’en fait le personnage avait rêvé tout cela !

Micro-fiction n° 9
Vous venez de remporter l’élection présidentielle après une
longue campagne électorale éprouvante. Vous voilà devenu
président(e) de la République française (impressionnant,
non ?). D’abord « bravo, si, vraiment, félicitations » ! Mais
maintenant il s’agit d’écrire le discours que vous allez
prononcer à la télévision devant vos concitoyens.

Pour vous inspirer, nous vous invitons à lire deux discours que
vous trouverez facilement sur Internet : celui de François
Mitterrand en 1981 (www.vie-publique.fr) et celui de Nicolas
Sarkozy en 2007 (www.rfi.fr). Le premier, relativement bref,
emploie des termes généraux, met en évidence les différentes
forces (« jeunesse », « travail », « création », « renouveau »)
qui ont contribué au « grand élan national » ; remerciant ceux
qui ont voté pour lui, François Mitterrand, s’adresse aussi à
l’ensemble des Français en souhaitant un engagement de tous
autour de ses valeurs. Le second discours est plus développé ;
après avoir remercié ses proches et « ses partisans », Nicolas
Sarkozy rappelle qu’il sera le « Président de tous les Français »
et brosse déjà des axes de politique générale ; il élargit
également la perspective vers les « partenaires européens » et
internationaux et rappelle que la France, dont « c’est
l’identité », portera partout ses valeurs de respect des Droits de
l’homme. À vous de choisir, Président(e) !

Micro-fiction n° 10
Une chance sur 14 millions de probabilités de réaliser la bonne
combinaison des six chiffres du Loto. Mais, voilà, ce soir-là,
cette chance est venue chez Monsieur X. Il est devant sa
télévision, sa femme vaque à ses occupations ménagères (qui
ne sont pas sans noblesse !), c’est le tirage du samedi soir. Et,
une par une, les boules affichent les six numéros de Monsieur
X. Décrivez l’effet produit. L’annonce faite à sa femme. Les
premières émotions. Les projets. Les craintes. Les choix. La
nuit qui suit.
Chapitre 21

Dix (res)sources d’inspiration

Dans ce chapitre :
Trouvez votre thème et dites-lui « moi non plus »
Vous êtes à pied d’œuvre, à vous de choisir votre
source d’inspiration

Parfois le vent de l’inspiration fait défaut, le calme plat règne,


pas la moindre onde d’idée ne vient agiter la surface de votre
esprit. D’abord pensez à en profiter… les neurones ont aussi
besoin de repos, de soleil, de cocotiers et de sable chaud. Une
fois ce temps pris, vous voilà prêt à repartir vers de nouvelles
aventures d’écriture, et là, parfois, un peu comme le stylo que
l’on tient maladroitement entre ses doigts après une période de
vacances ou d’inactivité, l’esprit hésite, cherche, s’égare, a
l’impression de déambuler dans un labyrinthe. Pas
d’affolement, c’est seulement l’inspiration qui joue les
prolongations en adoptant une attitude de farniente. C’est alors
qu’il faut l’aider à retrouver son allant ; c’est précisément ce
que vous propose ce chapitre en découvrant toutes sortes de
sources pour alimenter à nouveau le flot de votre imagination
(quelle métaphore !).

La grande source thématique


Attention, attention ! Ils s’avancent comme des seigneurs sur la
scène de l’inspiration, ce sont les grands « thèmes » ; c’est vrai,
ils en imposent, mais en même temps ils nous sont familiers ;
alors ne nous laissons pas impressionner par leurs grands airs.
Quel que soit le texte d’invention vers lequel vous pensez aller,
l’un d’entre eux vous accompagnera nécessairement :

l’amour
le temps
la guerre
le pouvoir
l’argent
l’amitié
le voyage
la solitude
la peur
la mort

Les ressources des autres sources thématiques


C’est un jour « sans ». Vous vous êtes écrasé l’orteil contre un
coin de table en vous levant, vous avez confondu le tube de
crème antirides avec le tube de dentifrice, vous avez ouvert un
courrier de la veille qui provenait du Trésor public, la radio
vous a distillé une dizaine de catastrophes en quinze minutes,
votre biscotte pleine de confiture vous a explosé entre les
mains, bref, ça ne va pas fort d’autant que vous aviez prévu de
consacrer la matinée à écrire une nouvelle, mais là non plus, les
dieux sont contre vous, c’est la panne totale, aucune
inspiration, aucun souffle du début de l’ombre d’un
commencement d’une vague idée. Ouf ! Heureusement, il y a
Écrire pour les Nuls. Voici une ribambelle thématique dont la
simple énumération va raviver votre flamme créatrice. Allez, il
y a sûrement là un thème auquel vous n’aviez pas pensé, mais
qui à sa lecture vous redonnera le tonus.
Absurde – Adultère – Ambition – Angoisse – Anticipation –
Attente – Autobiographie – Beauté – Bestiaire – Censure –
Chevalerie – Christianisme — Cinéma – Comique –
Correspondance – Critique – Eau – Écriture – Enfance – Enfer
– Engagement – Ennui – Enquête – Érotisme – Espionnage –
Exotisme – Extraterrestre – Fantastique – Femme – Folie –
Homme – Humanité – Idéal – Imitation – Inconscient –
Intolérance – Ivresse – Justice – Jeu – Langage – Lecture –
Liberté – Livre – Maladie – Maître – Médias – Mélancolie –
Mer – Mystère – Mythe – Nature – Nostalgie – Objet – Opéra –
Ouvrier – Parodie – Pauvreté – Paysan – Peinture – Peuple -
Prière – Progrès – Quête – Raison – Religion – Rencontre –
Résistance – Rêve – Révolution – Satire – Satire – Serviteur –
Soleil – Souvenir – Suicide – Tolérance – Utopie – Ville – Vin

Auteurs cherchent lecteurs


La littérature est une source d’inspiration majeure ; mais
comment choisir devant une telle profusion ? Voici quelques
noms d’auteurs comme autant de jalons pour trouver un
chemin :

Des auteurs de théâtre d’hier : Molière, Racine, Corneille,


Marivaux, Beaumarchais, Victor Hugo, Alfred de Musset,
Alfred Jarry, Paul Claudel, Jean Giraudoux, Jean-Paul Sartre,
Eugène Ionesco, Samuel Beckett.

Des auteurs de théâtre d’aujourd’hui : Bernard-Marie


Koltès, Jean-Luc Lagarce, Valère Novarina, Yasmina Réza,
Laurent Gaudé, Gildas Bourdet, Jean-Claude Carrière, Éric-
Emmanuel Schmitt, Serge Valetti, Rémi De Vos, Louis
Calaferte, Armand Gatti.
Des auteurs de romans d’hier : Mme de la Fayette, Charles
Perrault, Choderlos de Laclos, Voltaire, Stendhal, Honoré de
Balzac, Gustave Flaubert, Victor Hugo, Guy de Maupassant,
Émile Zola, Marcel Proust, Colette, Albert Camus, Jean Giono,
Marguerite Yourcenar, Marguerite Duras, Frédéric Dard,
Georges Simenon.

Des auteurs de romans d’aujourd’hui : J.- M. G. Le Clézio,


Muriel Barbery, Katherine Pancoll, Guillaume Musso, Marc
Levy, Fred Vargas, Philippe Claudel, Michel Quint, Amélie
Nothomb, Didier Daeninckx, Michel Tournier, Emmanuel
Carrère, Philippe Grimberg, Jean d’Ormesson, Delphine de
Vigan, Irène Frain.

Des auteurs de poésie d’hier : Clément Marot, Joachim Du


Bellay, Louise Labé, Pierre de Ronsard, Jean de La Fontaine,
Victor Hugo, Alphonse de Lamartine, Gérard de Nerval,
Charles Baudelaire, Arthur Rimbaud, Paul Verlaine, Guillaume
Apollinaire, Henri Michaux, Louis Aragon, Paul Éluard,
Jacques Prévert.

Des auteurs de poésie d’aujourd’hui : Yves Bonnefoy,


Dominique Fourcade, Alain Jouffroy, Claude Esteban, Jacques
Dupin, Benoît Conort.

Dix auteurs étrangers à (re)visiter

Leurs noms vous sont familiers… mais leurs œuvres ?


N’hésitez pas, ce sont des grands !

William Shakespeare

Miguel de Cervantes

Jorge Luis Borges

Léon Tolstoï
Jack London

Umberto Eco

Günter Grass

Gabriel Garcia Marquez

Jorn Riel

Philip Roth

Dix événements de l’humanité


Depuis le 21 juillet 1969, date à laquelle Neil Armstrong posa
le pied sur la Lune, on sait que lorsqu’un homme fait un petit
pas, c’est parfois un bond de géant pour l’humanité. Voici donc
une série d’événements heureux et malheureux qui ont jalonné
cette marche incessante et qui peuvent être à nouveau des
points de départ pour… écrire !

Les Croisades : vous êtes sur la route vers Jérusalem ;


votre troupe s’est arrêtée dans un village hostile…
Copernic et l’héliocentrisme : c’est la nuit, vous
regardez les étoiles…
Les grandes découvertes du Nouveau Monde aux
XVe et XVIe siècles : vous êtes sur La Santa Maria de
Christophe Colomb ; un marin, Rodrigo de Triana,
vient de crier « Terre » après deux mois de navigation
sur un océan inconnu…
La Révolution française : le matin du 14 juillet, avec
un groupe de révolutionnaires vous arrivez devant la
forteresse de la Bastille…
La découverte du vaccin contre la rage : Pasteur,
votre patron, entre dans le laboratoire pour vous
annoncer sa découverte…
L’avion : vous êtes Clément Ader et votre engin vient
de s’élever pour la première dans les airs…
La Seconde Guerre mondiale : vous êtes à Paris sur
les Champs-Élysées le jour de le Libération…
Le premier homme dans l’espace : vous regardez de
votre engin spatial la Terre, comme personne ne l’avait
jamais vue jusqu’alors…
La conquête de la Lune : votre pied est le premier
pied à se poser sur la Lune…
L’invention d’Internet : au fond de votre garage, avec
un copain vous venez de mettre au point une fabuleuse
machine à communiquer…

Dix personnages de fiction comme modèles


Vous cherchez à créer un personnage ? Voici des personnages
qui sont devenus des archétypes par l’exemplarité de leur
trajectoire. Certains traits de leur personnalité pourront vous
inspirer.

Hamlet, le héros tragique shakespearien qui nous


pose la question fondamentale : « Être, ou ne pas être,
là est la question. »
Scapin, le valet espiègle et roué dans Les Fourberies
de Scapin (1671).
Don Quichotte, le chevalier errant qui se bat contre
des moulins à vent.
Robinson Crusoé, le personnage de Daniel Defoe
qui refait le monde sur son île déserte.
Candide, qui nous apprend qu’il faut cultiver notre
jardin malgré tout !
Jean Valjean, forçat de l’humanité et concentré de
générosité dans Les Misérables (1862).
Emma Bovary, qui rêve d’amour et meurt d’ennui
dans sa campagne normande.
Cyrano de Bergerac, flamboyant amoureux transi
qui ne manque ni de nez ni de reparties.
Le commissaire Maigret, le paisible commissaire à
la pipe des romans de Georges Simenon.
Meursault, meurtrier « à l’insu de son plein gré » et
qui découvre son absence au monde dans L’Étranger
(1942) d’Albert Camus.

« Je pense, donc je suis »


Ces personnages historiques emblématiques ont marqué par
leurs idées, par leurs actes l’histoire de l’humanité. Demandez-
vous à quoi ils ont pensé à ce moment-là :

Jules César, en franchissant le Rubicon ;


Léonard de Vinci, en peignant le sourire de la
Joconde ;
Maximilien Robespierre, en montant sur l’échafaud ;
Napoléon 1er, le soir de Waterloo ;
Louis Pasteur, en découvrant le vaccin contre la rage ;
Albert Einstein, en écrivant E = MC2 ;
Martin Luther King : lorsqu’il a écrit son discours qui
commençait par « J’ai fait un rêve… » ;
Nelson Mandela : en devant le président de la
République d’Afrique du Sud ;
Charles de Gaulle, en arrivant à Londres en 1940 ;
Bill Gates, en mettant au point son système Windows.

J’ai de bonnes raisons pour…


En 10 lignes (c’est vrai, c’est court !) donnez la raison pour
laquelle vous écrivez :

Laisser un témoignage ;
Donner sa vision esthétique du monde ;
Exprimer ses sentiments et ses émotions ;
Communiquer ;
Construire des univers imaginaires ;
Rêver ;
Se connaître ;
Devenir meilleur ;
S’évader ;
Donner des clés de compréhension du monde.

Comme disait…
Citez, citez, il en restera toujours quelque chose… Donc, à
vous d’écrire pour prolonger (au moins 5 lignes !) ces citations
en donnant la parole aux personnages proposés.

La parole a été donnée à l’homme pour cacher sa pensée.


(Stendhal, Armance, 1827)

Le personnage est un homme politique.

C’est ici le combat du jour et de la nuit. (Dernières paroles de


Victor Hugo)

Le personnage est un boxeur.

Les crimes de l’extrême civilisation sont certainement plus


atroces que ceux de l’extrême barbarie. (Barbey d’Aurevilly,
Les Diaboliques, 1874)

Le personnage est un publicitaire.


Où allons-nous ? Les clients du Café du Commerce se le
demandaient comme ma grand-mère dans ma jeunesse, avec
une éloquence aidée par les alcools. (Alexandre Vialatte, Les
Champignons du détroit de Behring, Julliard, 1988)

Le personnage est un aveugle.

Pour désirer laisser des traces dans le monde, il faut en être


solidaire. (Simone de Beauvoir, L’Invitée, Gallimard, 1943)

Le personnage est un SDF.

Je hais les voyages et les explorateurs. (Claude Lévi-Strauss,


Tristes tropiques, Plon, 1955))

Le personnage est un prisonnier.

Mourir, ce n’est rien. Commence donc par vivre. C’est moins


drôle et c’est plus long. (Jean Anouilh, Roméo et Jeannette,
1946, Coll. Folio, Gallimard, 1980)

Le personnage est un amnésique.

Qu’on ne dise pas du condamné à mort : « Il va payer sa dette


à la société », mais : « On va lui couper le cou. » Ça n’a l’air
de rien. Mais ça fait une petite différence. (Albert Camus,
L’Envers et l’Endroit, Gallimard, 1937)

Le personnage est un coiffeur pour dames.

Ce qui m’intéresse, ce n’est pas le bonheur de tous les hommes,


c’est celui de chacun. (Boris Vian, L’Ecume des jours,
Gallimard, 1947)

Le personnage est un banquier.


Les puritains jurent que la pornographie est lassante, qu’elle
montre toujours la même chose. J’ai peur qu’ils surestiment la
variété du reste. (Tony Duvert, Journal d’un innocent, Ed. de
Minuit, 1976)

Le personnage est daltonien.

Dix mots étranges


Voici dix mots rares qui existent mais sont peu utilisés. Écrivez
pour chacun d’eux une définition la plus complète possible ;
ensuite épuisé, mais content, vous pourrez aller faire un tour du
côté du Dictionnaire des mots rares et précieux, domaine
français, collection 10/18, 1996, d’où ils ont été extraits :

disquisition
filetoupier
grosse-de-fonte
imblocation
malacie
mogilalisme
pernocter
quilboquet
robeuse
taphophobie

Dix titres en quête d’auteur


Voici dix titres d’œuvres qui n’existent pas encore (enfin, a
priori) ; imaginez pour chaque titre un résumé de cinq lignes.

Le Vieux Tilleul
Soleil mort
Sang gelé
La Vie d’Elmo
À sa fenêtre
Le Mystère Alba
Il n’en est pas question
Des ronds dans la neige
Oui. Peut-être
Une bonne raison

Page d’écriture
Inventez votre dictionnaire autobiographique.
Pour chacune des lettres de l’alphabet, choisissez
un mot important pour vous et réalisez un court
texte d’accompagnement. N’oubliez pas les
dernières lettres X, Y, Z !
Septième partie

Annexes
Annexe A

Repères grammaticaux

Où sont mes racines ?

Un petit tour chez les Grecs


aéro- → air → aérodrome

-agogie → guide → pédagogie

-algie → douleur → névralgie

andro- → homme → androgyne

anti- → contre → antivol

archéo- → ancien → archéologie

arthro- → articulation → arthrose

astro- → astre → astronomie

biblio- → livre → bibliothèque

cardio- → cœur → cardiaque


chromo- → couleur → chromatisme

chrono- → temps → chronologie

-cratie → puissance → démocratie

démo- → peuple → démographie

-doxe → opinion → paradoxe

dys- → trouble → dysfonctionnement

épi- → sur → épiderme

gastéro- → estomac → gastrite

-gène → qui engendre → pathogène

-gramme → lettre → télégramme

hémato- → sang → hématome

hétéro- → autre → hétérosexuel

homo- → semblable → homosexuel

hypo- → sous → hypoglycémie

iso- → égal → isocèle

logo- → discours → dialogue

méta- → transformer → métamorphose

micro- → petit → microscope

ortho- → droit → orthographe


patho- → souffrance → pathologie

péri- → autour → périphérique

-phobe → qui craint → xénophobe

poly- → plusieurs → polygame

pyro- → feu → pyromane

télé- → au loin → télévision

-tomie → action de couper → vasectomie

xylo- → bois → xylophage

Un petit tour chez les Latins


anté- → avant → antérieur

aqua- → eau → aquarium

auri- → oreille → auriculaire

bi- → deux → bicyclette

calor- → chaleur → calorifuge

carni- → chair → carnassier

digi- → doigt → digital

équi- → égal → équidistant

inter- → entre → intervalle


intra- → dedans → intraveineux

juxta- → à côté de → juxtaposer

lacto- → lait → lacté

-mobile → qui se déplace → automobile

nécro- → mort → nécropole

omni- → tout → omnivore

pédi- → enfant → pédiatre

pisci- → poisson → piscicole

pré- → devant → préfixe

pro- → pour → pronom

quinqu- → cinq → quinquennat

recti- → tout droit → rectiligne

rétro- → en arrière → rétroviseur

semi- → à moitié → semi- marathon

trans- → au-delà → transatlantique

sub- → sous → subaquatique

ultra- → au-delà de → ultrason

-vore → manger → herbivore


Halte à la confusion !
Les homophones sont des mots malicieux qui, lorsqu’on les
prononce, produisent les mêmes sons mais ne s’écrivent pas de
la même façon et surtout ne veulent pas dire la même chose.
Voici un petit aperçu de cette bande de joyeux farceurs :

aine (partie du corps) / haine (sentiment d’aversion) ;


amande (fruit délicieux) / amende (somme payée pour
une infraction ; en langage familier, l’amende est une
« prune » !) ;
ancre (le marin la jette) / encre (pour écrire) ;
are (mesure de surface) / art (expression esthétique) /
arrhes (somme versée en acompte) ;
autel (table dans une église) / hôtel (habitation qui
accueille pour dormir) ;
balade (promenade) / ballade (poème) ;
cane (femelle du canard) / canne (bâton pour nos
vieux jours) ;
canot (de sauvetage) / canaux (un canal, des canaux) ;
clair (contraire de sombre) / clerc (employé dans une
étude de notaire) ;
compte (calcul) / comte (le mari de la comtesse) /
conte (histoire) ;
cote (mesure) / côte (pente ou pièce de viande) / cotte
(de maille) ;
cour (d’école ou du roi) / cours (matières enseignées,
cotation en Bourse) / court (de tennis) ;
danse (la valse par exemple) / dense (comme le
brouillard londonien) ;
date (celle de votre anniversaire) / datte (fruit) ;
dessein (intention) / dessin (figure fait avec un
crayon) ;
différend (désaccord) / différent (pas pareil) ;
foc (voile d’avant) / phoque (à ne pas confondre avec
l’otarie) ;
grasse (celle de la matinée) / grâce (l’élégance de la
danse ou le privilège d’un président) ;
maître (d’école) / mètre (vaut 100 centimètres) ;
fond (celui du puits) / fonts (ceux du baptême) / fonds
(l’argent) ;
martyre (un supplice) / martyr (celui qui subit le
supplice) ;
palier (celui de l’étage) / pallier (trouver une
solution) ;
pain (celui fait par le boulanger) / pin (des Landes) /
peint (avec de la peinture) ;
plainte (expression d’une douleur ou d’une
réclamation) / plinthe (parement au bas d’un mur) ;
suggestion (idée, proposition) / sujétion
(dépendance) ;
raisonner (production d’un sens) / résonner
(production d’un son) ;
tirant (partie de la coque d’un bateau sous l’eau) /
tyran (dictateur) ;
tribu (groupe d’individus) / tribut (somme à payer) ;
vice (défaut) / vis (pièce à visser) ;
vain (inutile) / vin (à boire) / vingt (deux fois dix).

Les paronymes sont également des mots malicieux qui se


ressemblent vraiment beaucoup, parfois à une lettre près, mais
qui ont des sens tout à fait différents ; alors méfiez-vous de ne
pas prendre un mot pour un autre et de risquer alors de prendre
« des vessies pour des lanternes » !

Acception (sens particulier) acceptation (accord, oui)

Affection (état physique ou affectation (destination,


psychologique) frime)

Agonir (insulter) agoniser (ce n’est pas la


forme, ça sent le sapin)

Agréer (accepter, admettre) agréger (faire un tout)

Aïeuls (papy, mamy) aïeux (les lointains ancêtres)

Armistice (ouf, la guerre est amnistie (pardon, on passe


finie) l’éponge)

Collision (choc, ça fait collusion (petite et grosse


boum) « combines » entre amis)

Dédicacer (écrire un petit dédier (consacrer à


mot amical sur un livre) quelqu’un ou quelque chose)

Détoner (exploser détonner (ne pas s’accorder,


bruyamment) faire « tache »)

Effleurer (toucher à peine) affleurer (sortir à la surface)

Empreint (marque, emprunt (prêt à taux très


impression) variable)

Événement (fait, situation) avènement (accession,


début)

Fugitif (court toujours, en furtif (qui passe inaperçu)


fuite)

Injonction (ordre) injection (introduction sous


pression d’un liquide)

Mystifier (tromper) mythifier (faire un mythe)

Original (pas banal) originel (le premier, à


l’origine)

Perpétrer (commettre) perpétuer (faire durer)


Personnaliser (rendre personnifier (représenter
personnel) sous une forme humaine)

Suggestion (proposition, sujétion (dépendance,


conseil) soumission)

Quel genre ?

En français, c’est simple : les mots sont masculins ou féminins,


mais quelques-uns entretiennent l’ambiguïté et restent
identiques pour les deux genres, on les appelle des épicènes
(épicène, du grec epikoinos, « commun »).

Quelques épicènes masculins : ange – assassin – commissaire


– génie – mannequin – médecin – voyou.

Quelques épicènes féminins : canaille – estafette – idole –


recrue – sentinelle – vedette – vigie.

Soyez d’accord avec ces accords

De toutes les couleurs


Tous les adjectifs de couleur s’accordent en nombre et en genre
avec le nom qu’ils caractérisent, sauf les adjectifs d’origine
étrangère (auburn, kaki) et les noms communs (souvent des
plantes ou des minéraux) employés comme adjectifs de couleur
(aubergine, paille, cannelle, marron, orange, corail, ocre,
nacre, turquoise).

Le pluriel des mots composés


Bien sûr il y a quelques exceptions, mais en retenant ces
quelques règles, vous éviterez les principaux pièges.

Nom + nom → les deux noms prennent la marque du pluriel,


des oiseaux-lyres.

Nom + préposition + nom → seul le premier nom prend la


marque du pluriel, des arcs-en-ciel.

Adjectif + nom ; adjectif + adjectif → les deux mots prennent


la marque du pluriel, des remarques aigres-douces.

Verbe + nom → seul le nom prend la marque du pluriel, des


casse-pieds.

Verbe + verbe → aucune marque de pluriel, des savoir-faire.

Couleurs composées → aucune marque de pluriel, des yeux


bleu foncé.

Le pluriel des noms juxtaposés

Un nom caractérise un premier nom : des paquets cadeaux ; les


deux noms prennent la marque du pluriel.

Attention, pas d’accord, si le deuxième nom est le


complément du premier : des voyages éclair (des voyages faits
à la vitesse de l’éclair).

Les adverbes
Si les deux adverbes les plus utilisés de la langue sont sans
conteste oui et non, il ne faudrait surtout pas croire que la
classe des adverbes définit un monde binaire. C’est tout le
contraire ! Grâce aux adverbes (ils sont vraiment nombreux !),
nous pouvons nuancer à l’extrême notre pensée. Voici les sept
principales catégories :

Les adverbes de manière : aussi, bien, mal, mieux,


plutôt, vite, lentement, malheureusement, joyeusement,
terriblement…
Les adverbes de temps : alors, après, aujourd’hui,
déjà, de temps en temps, enfin, jamais, soudain,
toujours, tout à l’heure ;
Les adverbes de lieu : ailleurs, autour, au-dedans,
dedans, derrière, dessous, dessus, devant, là-bas, où ;
Les adverbes de quantité et d’intensité :
abondamment, assez, aussi, autant, beaucoup,
énormément, fort, moins, peu, suffisamment, très ;
Les adverbes d’affirmation : certainement,
exactement, oui, précisément, tout à fait, volontiers,
vraiment ;
Les adverbes de négation : guère, jamais, non,
nullement, pas, point, rien ;
Les adverbes de doute : peut-être, probablement,
sans doute.

Dire, ne pas dire, là est la question !

Je ne peux pas le
Je peux le dire
dire

La voiture de Paul La voiture à Paul

Je vais chez le coiffeur Je vais au coiffeur

Pallier une carence Pallier à une


carence
Prenez ce dont vous avez envie Prenez ce que vous
avez besoin

Ces soldes sont intéressants Ces soldes sont


intéressantes

Il a eu beaucoup d’ennuis Il a eu beaucoup


d’avatars

Une espèce Un espèce

Pécuniaire Pécunier

Rémunération Rénumération

Obnubiler Omnubiler

Dilemme Dilemne

Une décennie (pour dix ans) Une décade

Une décade (pour dix jours) Une décennie

Nous hésitons entre deux possibilités Nous hésitons


(contenues dans une alternative) entre deux
alternatives

Au jour d’aujourd’hui Aujourd’hui

Ils voyent Ils voient

Ils croyent Ils croient


Annexe B

Ô temps, ne suspendez pas vos


conjugaisons !
Conjuguons nos efforts ! C’est vrai, nous le savons, vous êtes
nombreux à avoir vécu l’apprentissage de la conjugaison
comme une véritable corvée. Écrire pour les Nuls ne souhaite
pas vous replonger dans de telles affres : nous allons
simplement vous rappeler quelques principes et vous présenter
un tableau des principales conjugaisons.

1. Le verbe se conjugue, ce qui signifie qu’il peut varier selon


la personne (je, tu, il, elle, nous, vous, ils, elles), le temps
(présent, imparfait, futur, etc.), le mode (indicatif, subjonctif,
impératif) et la voix (active, passive, pronominale).

2. Pour ranger ces quelque 15 000 verbes, nous distinguerons


trois groupes :

1er groupe, tous les verbes terminés par -er : rédiger,


chanter (c’est plus gai !) ;
2e groupe, tous les verbes terminés par -ir avec un
participe présent en -issant : finir, finissant (non, ce
n’est pas fini !)
3e groupe : tous les autres, comme comprendre,
savoir, et évidemment écrire !
3. Nous disposons des deux verbes avoir et être pour conjuguer
tous les autres verbes ; comme ils nous aident bien, nous les
appelons des auxiliaires.

4. Le verbe s’accorde avec son sujet en nombre et en personne :


Le Nul aime la conjugaison. Les Nuls aiment la conjugaison.

5. Le participe passé conjugué avec l’auxiliaire être s’accorde


en genre et en nombre avec le sujet : Les Nuls étaient ravis de
lire l’annexe A.

6. Le participe passé conjugué avec l’auxiliaire avoir s’accorde


en genre et en nombre avec le complément d’objet direct si
celui-ci est placé avant le verbe ; sinon, il reste INVARIABLE :
Les Nuls ont lu toute l’annexe A avec joie. La règle qu’il a lue
avec joie se trouve dans l’annexe A.

7. Les participes passés suivants sont toujours invariables : été


(être) ; fait (suivi d’un infinitif) ; menti (mentir) ; nui (nuire),
parlé (parler) ; plu et déplu (plaire et déplaire) ; rendu compte
(rendre compte) ; ressemblé (ressembler) ; ri (rire) ; souri
(sourire) ; succédé (succéder) ; suffi (suffire) ; survécu
(survivre).

8. La plupart des verbes nouveaux sont du 1er groupe, ce qui


simplifie bien leur conjugaison ; beaucoup sont des
néologismes de l’univers Internet : atomiser, blacklister,
blogger, brumiser, buzzer, césariser, ergonomiser, facebooker,
lasurer, oscariser, photoshoper, réseauter, scanner, skyper,
socialiser, téléviser, texter, twitter.

Voilà, c’est tout ! Bien sûr, il y a des cas particuliers, mais ne


vous encombrez pas avec eux puisqu’ils sont particuliers.
Lorsqu’ils se présenteront, vérifiez dans une grammaire la
manière de les traiter, sinon revenez vers des cas plus simples.
Comme vous êtes toujours là et que vous n’avez pas fui,
d’abord bravo ! Et pour tenir notre promesse de ne pas vous
« assommer », nous avons retenu les principales conjugaisons ;
elles sont amplement suffisantes pour s’exprimer avec aisance
et correction.

Conjugaison du 1er groupe : aimer, apprécier, chanter,


manger, jeter, rêver !

Ces verbes sont les plus nombreux, des milliers qui se


ressemblent : ils ont tous une terminaison en -er.

Présent : je rêve, tu rêves, il rêve, nous rêvons, vous rêvez, ils


rêvent.

Imparfait : je rêvais, tu rêvais, il rêvait, nous rêvions, vous


rêviez, ils rêvaient.

Passé simple : je rêvai, tu rêvas, il rêva, nous rêvâmes, vous


rêvâtes, ils rêvèrent.

Futur simple : je rêverai, tu rêveras, il rêvera, nous rêverons,


vous rêverez, ils rêveront.

Passé composé : j’ai rêvé, tu as rêvé, il a rêvé, nous avons


rêvé, vous avez rêvé, ils ont rêvé.

Plus-que-parfait : j’avais rêvé, tu avais rêvé, il avait rêvé,


nous avions rêvé, vous aviez rêvé, ils avaient rêvé.

Futur antérieur : j’aurai rêvé, tu auras rêvé, il aura rêvé, nous


aurons rêvé, vous aurez rêvé, ils auront rêvé.

Passé antérieur : j’eus rêvé, tu eus rêvé, il eut rêvé, nous


eûmes rêvé, vous eûtes rêvé, ils eurent rêvé.
Conditionnel présent : je rêverais, tu rêverais, il rêverait, nous
rêverions, vous rêveriez, ils rêveraient.

Conditionnel passé : j’aurais rêvé, tu aurais rêvé, il aurait rêvé,


nous aurions rêvé, vous auriez rêvé, ils auraient rêvé.

Conditionnel passé 2e forme : j’eusse rêvé, tu eusses rêvé, il


eût rêvé, nous eussions rêvé, vous eussiez rêvé, ils eussent
rêvé.

Subjonctif présent : que je rêve, que tu rêves, qu’il rêve, que


nous rêvassions, que vous rêvassiez, qu’ils rêvent.

Subjonctif imparfait : que je rêvasse, que tu rêvasses, qu’il


rêvât, que nous rêvassions, que vous rêvassiez, qu’ils rêvassent.

Subjonctif passé : que j’aie rêvé, que tu aies rêvé, qu’il ait
rêvé, que nous ayons rêvé, que vous ayez rêvé, qu’ils aient
rêvé.

Subjonctif plus-que-parfait : que j’eusse rêvé, que tu eusses


rêvé, qu’il eût rêvé, que nous eussions rêvé, que vous eussiez
rêvé, qu’ils eussent rêvé.

Impératif présent : rêve, rêvons, rêvez.

Impératif passé : aie rêvé, ayons rêvé, ayez rêvé.

Infinitif présent : rêver.

Infinitif passé : avoir rêvé.

Participe présent : rêvant.

Participe passé : rêvé¸ rêvée, ayant rêvé.


Conjugaison du 2e groupe : accomplir, adoucir, choisir, finir,
réussir, etc.

Les verbes de ce groupe sont moins nombreux. Leurs signes


caractéristiques ? Ils se terminent tous par -ir et ont un participe
présent en -issant.

Présent : je finis, tu finis, il finit, nous finissons, vous finissez,


ils finissent.

Imparfait : je finissais, tu finissais, il finissait, nous finissions,


vous finissiez, ils finissaient.

Passé simple : je finis, tu finis, il finit, nous finîmes, vous


finîtes, ils finirent.

Futur simple : je finirai, tu finiras, il finira, nous finirons, vous


finirez, ils finiront.

Passé composé : j’ai fini, tu as fini, il a fini, nous avons fini,


vous avez fini, ils ont fini.

Plus-que-parfait : j’avais fini, tu avais fini, il avait fini, nous


avions fini, vous aviez fini, ils avaient fini.

Futur antérieur : j’aurai fini, tu auras fini, il aura fini, nous


aurons fini, vous aurez fini, ils auront fini.

Passé antérieur : j’eus fini, tu eus fini, il eut fini, nous eûmes
fini, vous eûtes fini, ils eurent fini.

Conditionnel présent : je finirais, tu finirais, il finirait, nous


finirions, vous finiriez, ils finiraient.

Conditionnel passé : j’aurais fini, tu aurais fini, il aurait fini,


nous aurions fini, vous auriez fini, ils auraient fini.
Conditionnel passé 2e forme : j’eusse fini, tu eusses fini, il eût
fini, nous eussions fini, vous eussiez fini, ils eussent fini.

Subjonctif présent : que je finisse, que tu finisses, qu’il


finisse, que nous finissions, que vous finissiez, qu’ils finissent.

Subjonctif imparfait : que je finisse, que tu finisses, qu’il


finît, que nous finissions, que vous finissiez, qu’ils finissent.

Subjonctif passé : que j’aie fini, que tu aies fini, qu’il ait fini,
que nous ayons fini, que vous ayez fini, qu’ils aient fini.

Subjonctif plus-que-parfait : que j’eusse fini, que tu eusses


fini, qu’il eût fini, que nous eussions fini, que vous eussiez fini,
qu’ils eussent fini.

Impératif présent : finis, finissons, finissez.

Impératif passé : aie fini, ayons fini, ayez fini.

Infinitif présent : finir.

Infinitif passé : avoir fini.

Participe présent : finissant.

Participe passé : fini¸ finie, ayant fini.

Conjugaison du 3e groupe : écrire, connaître, pouvoir,


prendre, recevoir, tenir, enfin tous les autres !

Présent : j’écris, tu écris, il écrit, nous écrivons, vous écrivez,


ils écrivent.

Imparfait : j’écrivais, tu écrivais, il écrivait, nous écrivions,


vous écriviez, ils écrivaient.
Passé simple : j’écrivis, tu écrivis, il écrivit, nous écrivîmes,
vous écrivîtes, ils écrivirent.

Futur simple : j’écrirai, tu écriras, il écrira, nous écrirons, vous


écrirez, ils écriront.

Passé composé : j’ai écrit, tu as écrit, il a écrit, nous avons


écrit, vous avez écrit, ils ont écrit.

Plus-que-parfait : j’avais écrit, tu avais écrit, il avait écrit,


nous avions écrit, vous aviez écrit, ils avaient écrit.

Futur antérieur : j’aurai écrit, tu auras écrit, il aura écrit, nous


aurons écrit, vous aurez écrit, ils auront écrit.

Passé antérieur : j’eus écrit, tu eus écrit, il eut écrit, nous


eûmes écrit, vous eûtes écrit, ils eurent écrit.

Conditionnel présent : j’écrirais, tu écrirais, il écrirait, nous


écririons, vous écririez, ils écriraient.

Conditionnel passé : j’aurais écrit, tu aurais écrit, il aurait


écrit, nous aurions écrit, vous auriez écrit, ils auraient écrit.

Conditionnel passé 2e forme : j’eusse écrit, tu eusses écrit, il


eût écrit, nous eussions écrit, vous eussiez écrit, ils eussent
écrit.

Subjonctif présent : que j’écrive, que tu écrives, qu’il écrive,


que nous écrivions, que vous écriviez, qu’ils écrivent.

Subjonctif imparfait : que j’écrivisse, que tu écrivisses, qu’il


écrivît, que nous écrivissions, que vous écrivissiez, qu’ils
écrivissent.
Subjonctif passé : que j’aie écrit, que tu aies écrit, qu’il ait
écrit, que nous ayons écrit, que vous ayez écrit, qu’ils aient
écrit.

Subjonctif plus-que-parfait : que j’eusse écrit, que tu eusses


écrit, qu’il eût écrit, que nous eussions écrit, que vous eussiez
écrit, qu’ils eussent écrit.

Impératif présent : écris, écrivons, écrivez.

Impératif passé : aie écrit, ayons écrit, ayez écrit.

Infinitif présent : écrire.

Infinitif passé : avoir écrit.

Participe présent : écrivant.

Participe passé : écrit¸ écrite, ayant écrit.

Drôles de conjugaisons !
Voici deux conjugaisons qui ont fait pouffé des générations
d’écoliers :

Le verbe pouvoir au passé simple : Je pus, tu pus, il


put, nous pûmes, vous pûtes, ils purent.
Le verbe éduquer, verbe sérieux s’il en est, peut
surprendre à l’impératif si vous le prononcez à haute
voix, faites l’essai : Éduque, éduquons (vous avez bien
entendu !), éduquez.

Avec Écrire pour les Nuls, pas de dilemme, nous vous offrons
être et avoir.
Présent : j’ai, tu as, il a, nous avons, vous avez, ils ont.

Imparfait : j’avais, tu avais, il avait, nous avions, vous avions,


ils avaient.

Passé simple : j’eus, tu eus, il eut, nous eûmes, vous eûtes, ils
eurent.

Futur simple : j’aurai, tu auras, il aura, nous aurons, vous


aurez, ils auront.

Passé composé : j’ai eu, tu as eu, il a eu, nous avons eu, vous
avez eu, ils ont eu.

Plus-que-parfait : j’avais eu, tu avais eu, il avait eu, nous


avions eu, vous aviez eu, ils avaient eu.

Futur antérieur : j’aurai eu, tu auras eu, il aura eu, nous


aurons eu, vous aurez eu, ils auront eu.

Passé antérieur : j’eus eu, tu eus eu, il eut eu, nous eûmes eu,
vous eûtes eu, ils eurent eu.

Conditionnel présent : j’aurais, tu aurais, il aurait, nous


aurions, vous auriez, ils auraient.

Conditionnel passé : j’aurais eu, tu aurais eu, il aurait eu, nous


aurions eu, vous auriez eu, ils auraient eu.

Conditionnel passé 2e forme : j’eusse eu, tu eusses eu, il eût


eu, nous eussions eu, vous eussiez eu, ils eussent eu.

Subjonctif présent : que j’aie, que tu aies, qu’il ait, que nous
ayons, que vous ayez, qu’ils aient.

Subjonctif imparfait : que j’eusse, que tu eusses, qu’il eût,


que nous eussions, que vous eussiez, qu’ils eussent.
Subjonctif passé : que j’aie eu, que tu aies eu, qu’il ait eu, que
nous ayons eu, que vous ayez eu, qu’ils aient eu.

Subjonctif plus-que-parfait : que j’eusse eu, que tu eusses eu,


qu’il eût eu, que nous eussions eu, que vous eussiez eu, qu’ils
eussent eu.

Impératif présent : aie, ayons, ayez.

Impératif passé : aie eu, ayons eu, ayez eu.

Infinitif présent : avoir.

Infinitif passé : avoir eu.

Participe présent : ayant.

Participe passé : eu¸ eue, ayant eu.

Présent : je suis, tu es, il est, nous sommes, vous êtes, ils sont.

Imparfait : j’étais, tu étais, il était, nous étions, vous étiez, ils


étaient.

Passé simple : je fus, tu fus, il fut, nous fûmes, vous fûtes, ils
furent.

Futur simple : je serai, tu seras, il sera, nous serons, vous


serez, ils seront.

Passé composé : j’ai été, tu as été, il a été, nous avons été, vous
avez été, ils ont été.

Plus-que-parfait : j’avais été, tu avais été, il avait été, nous


avions été, vous aviez été, ils avaient été.
Futur antérieur : j’aurai été, tu auras été, il aura été, nous
aurons été, vous aurez été, ils auront été.

Passé antérieur : j’eus été, tu eus été, il eut été, nous eûmes
été, vous eûtes été, ils eurent été.

Conditionnel présent : je serais, tu serais, il serait, nous


serions, vous seriez, ils seraient.

Conditionnel passé : j’aurais été, tu aurais été, il aurait été,


nous aurions été, vous auriez été, ils auraient été.

Conditionnel passé 2e forme : j’eusse été, tu eusses été, il eût


été, nous eussions été, vous eussiez été, ils eussent été.

Subjonctif présent : que je sois, que tu sois, qu’il soit, que


nous soyons, que vous soyez, qu’ils soient.

Subjonctif imparfait : que je fusse, que tu fusses, qu’il fût,


que nous fussions, que vous fussiez, qu’ils fussent.

Subjonctif passé : que j’aie été, que tu aies été, qu’il ait été,
que nous ayons été, que vous ayez été, qu’ils aient été.

Subjonctif plus-que-parfait : que j’eusse été, que tu eusses


été, qu’il eût été, que nous eussions été, que vous eussiez été,
qu’ils eussent été.

Impératif présent : sois, soyons, soyez.

Impératif passé : aie été, ayons été, ayez été.

Infinitif présent : être.

Infinitif passé : avoir été.

Participe présent : étant.


Participe passé : été¸ ayant été.

Savoir utiliser les modes de chez nous


Si la mode est un phénomène changeant, les modes, eux, sont
constants. Ils sont quatre au service de votre pensée et de votre
écriture :

L’indicatif pour exprimer la certitude, la réalité, la déclaration,


le jugement :

Avec Écrire pour les Nuls vous ferez à coup sûr des progrès.

Le subjonctif pour exprimer l’hypothèse, le désir, le souhait, le


conseil :

Après avoir lu Écrire pour les Nuls, il fallait absolument qu’il


écrive.

Le conditionnel pour exprimer une supposition :

S’il pouvait, il achèterait un exemplaire d’Écrire pour les Nuls


pour tous les membres de sa famille.

L’impératif pour exprimer un ordre, une interdiction :

Lisez en toute décontraction Écrire pour les Nuls.

Quels temps !
Comme les prévisions du temps météorologique, l’emploi des
temps des verbes demande de la pratique et de la patience pour
une bonne maîtrise. Voici quelques conseils de base à appliquer
pour être sûr de ne pas recevoir une « pluie » de remarques
désagréables sur votre emploi des temps.

Le présent de l’indicatif sert exprimer le moment « présent »


d’une durée variable : En ce moment, je lis Écrire pour les
Nuls.

Le présent du subjonctif est utile pour exprimer un souhait :


Qu’il lise Écrire pour les Nuls !

Le présent du conditionnel traduit une éventualité dans le


présent ou le futur : Vous devriez lui conseiller la lecture
d’Écrire pour les Nuls.

Le présent de l’impératif permet d’exprimer un ordre, une


prière, une exhortation : Lisez Écrire pour les Nuls !

L’imparfait de l’indicatif marque la simultanéité, la répétition,


une action en cours : Tous les jours, il parcourait avec
délectation Écrire pour les Nuls.

L’imparfait du subjonctif appartient au registre soutenu et sert à


exprimer une hypothèse peu probable : Pour ne pas faire de
progrès, il aurait fallu que vous ne vous procurassiez pas
Écrire pour les Nuls.

Le futur simple est tourné vers l’avenir : Vous deviendrez un


styliste de premier ordre avec Écrire pour les Nuls.

Le passé simple évoque un passé vraiment passé : Il lut d’une


traite le chapitre 12 d’Écrire pour les Nuls.

Le passé composé, moins littéraire, rend le passé plus…


présent : Hier, il a lu d’une traite le chapitre 12 d’Écrire pour
les Nuls.
Le plus-que-parfait évoque un passé dans le passé : Il a lu le
chapitre d’Écrire pour les Nuls dont tu lui avais parlé.

Pour la concordance des temps

Les possibilités de combinaisons des différents temps sont


vraiment très nombreuses. Si devant une phrase géniale que
vous venez d’écrire, vous avez le moindre doute, prononcez à
voix haute la phrase. C’est un bon moyen de repérer une
bizarrerie. Pour le reste, retenez simplement ces quelques
« si », mais n’espérez pas avoir le temps de mettre Paris en
bouteille :

Si l’action principale est au présent de l’indicatif,


l’action subordonnée antérieure pourra être au passé
simple, imparfait, passé composé, plus-que-parfait de
l’indicatif, ou à l’imparfait du subjonctif.
Si l’action principale est au présent de l’indicatif,
l’action subordonnée simultanée pourra être au présent
de l’indicatif ou du subjonctif.
Si l’action principale est au présent de l’indicatif,
l’action subordonnée postérieure pourra être au futur
simple de l’indicatif ou au présent du subjonctif.
Si l’action principale est à un temps passé de
l’indicatif, l’action subordonnée antérieure pourra être
au plus-que-parfait de l’indicatif.
Si l’action principale est à un temps passé de
l’indicatif, l’action subordonnée simultanée pourra être
à l’imparfait de l’indicatif.
Si l’action principale est à un temps passé de
l’indicatif, l’action subordonnée postérieure pourra être
au présent du conditionnel ou à l’imparfait du
subjonctif.
Si l’action principale est au futur de l’indicatif,
l’action subordonnée antérieure pourra être au passé
simple, imparfait, passé composé de l’indicatif.
Si l’action principale est au futur de l’indicatif,
l’action subordonnée simultanée pourra être au présent
de l’indicatif ou du subjonctif.
Si l’action principale est au futur de l’indicatif,
l’action subordonnée postérieure pourra être au futur
de l’indicatif ou au présent du subjonctif.
Annexe C

Solutions des tests et évaluations du


chapitre 7

1er test
Voici les extraits du journal avec les mots qui étaient fautifs en
caractères gras.

La une du journal
La rencontre au sommet entre les dirigeants du G8 s’est
achevée dans une atmosphère glaciale. On prévoit donc un net
refroidissement sur le plan mondial qui pourrait ralentir le
réchauffement climatique.

Face à l’indifférence générale, les journées impaires du mois


de janvier seront probablement supprimées ; c’est en tout cas,
semble-t-il, la mesure envisagée par le gouvernement pour
lutter contre la fuite du temps vers des paradis intemporels.

Petites annonces
Je vends un char d’assaut ayant peu servi ; prévoir
changement des chenilles à l’éclosion des papillons.

Occasion à saisir. Lot de parasols bretons neufs pouvant servir


sous d’autres latitudes.

Le chat retrouvé dans la gorge de Monsieur C. attend ces


propriétaires au refuge de la SPA.

Échangerait embruns de 2005 contre écume récente.

Bateau à voile cherche vent de force 4 pour la saison à venir.

Bulletin météo
En raison de fortes pluies de ces dernières vingt-quatre heures,
les règlements des factures en cours se feront
exceptionnellement par cartes bancaires ; le liquide n’est plus
accepté.

Une manifestation anticyclonique a brutalement dégénéré hier


soir au large des Açores à la suite de discussions orageuses.

Le congrès de psychanalyse a réaffirmé dans sa motion finale


que les thérapies actuelles ne peuvent pas grand-chose pour
soigner les grandes dépressions de nord-ouest.

2e test
Vous écrivez : couramment, élégamment, épatamment,
fréquemment, récemment, savamment, vigilamment.

Vous n’écrivez pas : incidamment mais incidemment ;


gentillement mais gentiment ; précipitament mais
précipitamment.

Les accents
Avec ou sans chapeau ?
Ils veulent tous porter l’accent circonflexe, mais vous savez
que ceux qui sont en caractères gras n’ont pas le droit au
« chapeau de gendarme » :

âcre – aine – arôme – bateau – boiteux – brèche – chapitre –


cime – cône – cotre – crépu – dégainer – drolatique –
emblème – fantôme – fût – futaie – goitre – icône – infâme –
jeûner – monôme – pitre – racler – ratisser – râtelier –
symptôme – tâter – trône

Coup de vent sur les accents !


On peut être de la même famille et avoir un accent différent
selon sa nature. Les mots en caractères gras ont retrouvé leur
bon accent ou ont perdu leur mauvais accent.

allègre / allègrement – ascète / ascétique – bête / bétail – câble


/ encablure – diplôme / diplomatique – fièvre / fiévreux –
grâce / gracieux – hygiène / hygiénique – obèse / obésité –
pôle / polaire – règle / réglage – synthèse / synthétique –
tempête / tempétueux

Tréma
Nous avons mis les points sur les ï aux mots en caractères gras.

ambiguë – baïonnette – ciguë – Noël – naïf – stoïque – laïcité


– faïence – inouï – païen

Majuscule ou minuscule ?
Voici la fin d’un suspense insupportable !
a. Vous écrivez les noms des jours avec une minuscule : oui, mercredi.
b. Vous écrivez les noms des mois avec une majuscule : non, mai…
c. Vous écrivez les noms de fête avec une majuscule : oui, c’est Noël !
d. Vous écrivez les points cardinaux avec une minuscule : oui, par là,
c’est le sud !
e. Vous écrivez le premier mot d’une phrase avec une majuscule : oui.
C’est toujours le cas.
f. Vous écrivez les noms de pays avec une majuscule : oui, en France
mais aussi ailleurs.
g. Vous écrivez la première lettre d’une œuvre avec une majuscule : oui,
même quand c’est Du côté de chez Swann !
h. Vous écrivez les noms propres avec une minuscule : non, Marcel ne
serait pas content !

Les abréviations
Abrégeons notre angoisse !
a. L’abréviation etc., et cetera, signifie « et le reste », oui.
b. L’abréviation cf., confer, ne signifie pas « se reporter » mais
« comparer ».
c. L’abréviation P.-S. post-scriptum, signifie « écrit après », oui.
d. L’abréviation N.B., nota bene, ne signifie pas « note bonne » mais
« notez bien ».
e. L’abréviation CQFD, ne signifie pas « ce qu’il fallait dénoncer » mais
« Ce Qu’il Fallait Démontrer ».
f. L’abréviation M. ne signifie pas « monsieur » mais « mister » ;
monsieur s’abrège « M. ».
g. L’abréviation Me ne signifie pas « madame » mais « maître » ;
madame s’abrège « Mme ».

Un conseil à ne pas toujours prendre au pied de la


lettre…
En décembre 1990, le Conseil supérieur de la langue française
a publié un ensemble de recommandations visant notamment à
autoriser la modification de certaines orthographes. Comme
vous le constatez, on continue à admirer les nénuphars et à
pleurer en épluchant les oignons !

avatard : non, on écrit toujours « avatar » / bonhommie : oui, le


Conseil veut bien / boutentrain : oui, le Conseil veut bien /
évènement : oui, le Conseil veut bien / diésel : oui, le Conseil
veut bien / entonoir : non, on écrit toujours « entonnoir » /
éthymologie : non, on écrit toujours « étymologie » / gageüre :
oui, le Conseil veut bien / harakiri : oui, le Conseil veut bien /
hallogène : non, on écrit toujours « halogène » / imbécilité :
oui, le Conseil veut bien / interpeler : oui, le Conseil veut bien /
irréspect : non, on écrit toujours « irrespect » / millepatte : oui,
le Conseil veut bien / nénufar : oui, le Conseil veut bien /
ognon : oui, le Conseil veut bien / piquenique : oui, le Conseil
veut bien / quator : non, on écrit toujours « quatuor » / relai :
oui, le Conseil veut bien / règlementaire : oui, le Conseil veut
bien / réthorique : non, on écrit toujours « rhétorique » /
révolver : oui, le Conseil veut bien / rhythme : non, on écrit
toujours « rythme » / tintamare : non, on écrit toujours
« tintamarre » / tohubohu : oui, le Conseil veut bien /
vanupied : oui, le Conseil veut bien / vadémécum : oui, le
Conseil veut bien.

Évaluation finale 1
Les dix mots qui étaient mal orthographiés sont en caractères
gras.

Une vie charmante et libre commença pour Jeanne. Elle lisait,


rêvait et vagabondait, toute seule, aux environs. Elle errait à
pas lents le long des routes, l’esprit parti dans les rêves ; ou
bien, elle descendait, en gambadant, les petites vallées
tortueuses, dont les deux croupes portaient, comme une chape
d’or, une toison de fleurs d’ajoncs. Leur odeur forte et douce,
exaspérée par la chaleur, la grisait à la façon d’un vin
parfumé ; et, au bruit lointain des vagues roulant sur une
plage, une houle berçait son esprit.

Une mollesse, parfois, la faisait s’étendre sur l’herbe drue


d’une pente ; et parfois, lorsqu’elle apercevait tout à coup, au
détour du val, dans un entonnoir de gazon, un triangle de mer
bleue étincelante au soleil, avec une voile à l’horizon, il lui
venait des joies désordonnées, comme à l’approche mystérieuse
de bonheurs planant sur elle.

Un amour de la solitude l’envahissait dans la douceur de ce


frais pays et dans le calme des horizons arrondis, et elle restait
si longtemps assise sur le sommet des collines que des petits
lapins sauvages passaient en bondissant à ses pieds.

Elle se mettait souvent à courir sur la falaise, fouettée par l’air


léger des côtes, toute vibrante d’une jouissance exquise à se
mouvoir sans fatigue, comme les poissons dans l’eau ou les
hirondelles dans l’air.

Elle semait partout des souvenirs comme on jette des graines


en terre, de ces souvenirs dont les racines tiennent jusqu’à la
mort. Il lui semblait qu’elle jetait un peu de son cœur à tous les
plis de ces vallons.

Elle se mit à prendre des bains avec passion. Elle nageait à


perte de vue, étant forte et hardie, et sans conscience du
danger. Elle se sentait bien dans cette eau froide, limpide et
bleue, qui la portait en la balançant. Lorsqu’elle était loin du
rivage, elle se mettait sur le dos, les bras croisés sur sa
poitrine, les yeux perdus dans l’azur profond du ciel que
traversait vite un vol d’hirondelle, ou la silhouette blanche
d’un oiseau de mer. On n’entendait plus aucun bruit que le
murmure éloigné du flot contre le galet et une vague rumeur de
la terre glissant encore sur les ondulations des vagues, mais
confuse, presque insaisissable.
Et puis, Jeanne se redressait et, dans un affolement de joie,
poussait des cris aigus en battant l’eau de ses deux mains.

Le genre
Côté masculin
abaque, acabit, acrostiche, adage, agrumes, alvéole, amiante,
antidote, antipode, antre, apogée, aromate, astérisque,
caducée, camée, colchique, décombres, effluve, en-tête, éloge,
entracte, enzyme, éphéméride, épiderme, équinoxe, esclandre,
exergue, exode, exorde, extrême, gynécée, ivoire, nymphée,
obélisque, octave, opprobre, opuscule, silicone, termite

Côté féminin
abside, acné, acoustique, alcôve, algèbre, alluvion, amibe,
ancre, anicroche, argile, arrhes, avant-scène, câpre, coriandre,
ébène, ecchymose, échappatoire, écrevisse, écritoire, égide,
encaustique, épithète, équivoque, clepsydre, dartre, épithète,
gemme, immondice, météorite, orbite, patère, pénates

Le féminin du masculin pour ces adjectifs :


Absous→ absoute ; Bénin → bénigne ; Bleu → bleue ; Caduc
→ caduque ; Cher → chère ; Cruel → cruelle ; Doux →
douce ; Fou → folle ; Grec → grecque ; Inquiet → inquiète ;
Mou → molle ; Neuf → neuve ; Nul → nulle ; Pâlot →
pâlotte ; Public → publique ; Sot → sotte

Le nombre
Du singulier au pluriel, accord ou pas d’accord pour ces
noms ?

Aller-retour → allers-retours ; Arc-en-ciel → arcs-en-ciel ;


Aval → avals ; Bal → bals ; Bail → baux ; Bijou → bijoux ;
Pou → poux ; Cheval → chevaux ; Cadeau→ cadeaux ;
Canal→ canaux ; Cérémonial → cérémoniaux ; Chou-fleur →
choux-fleurs ; Ciel → cieux ; Émail → émaux ; Emmenthal →
emmenthals ; Euro → euros ; Festival → festivals ; Gaz →
gaz ; Laissez-passer → laissez-passer ; Landau → landaus ;
Littoral → littoraux ; Nez → nez ; Œil → yeux ; Ouvre-
bouteille → ouvre-bouteilles ; Picasso→ Picasso ; Pneu →
pneus ; Porte-fenêtre → portes-fenêtres ; Portemanteau →
portemanteaux ; Porte-plume → porte-plumes ; Récital →
récitals ; Requiem → requiem ; Sandwich → sandwich(e)s ;
Soupirail→ soupiraux ; Timbre-poste→ timbres-poste ;
Vendredi→ vendredis ; Vœu → vœux

Du singulier au pluriel, accord ou pas d’accord pour ces


adjectifs ?

Banal→ banaux ; Beau → beaux ; Cerise→ cerise ; Chic→


chic(s) ; Écarlate → écarlates ; Fatal → fatals ; Glacial →
glaciaux ; Indigo → indigo ; Marron → marron ; Naval →
navals ; Orange → orange ; Rose → roses ; Sépia → sépia

Les bons accords


J’ai mangé plusieurs caramels mous.
La sole meunière que j’ai dégustée était délicieuse.
Sa voiture a été vendue à un aveugle.
Ces deux conditions étant réunies, il peut partir tranquille.
Les pièces d’or qu’il a découvertes proviennent d’un trésor de pirate.
Il n’a pas obtenu tous les résultats qu’il avait escomptés.
La poule que le renard a mangée.
Les voitures que j’ai vues passer dans la rue sont bruyantes.
Les orateurs se sont succédé à la tribune.
Ils ne s’étaient pas vus depuis longtemps, ils se sont embrassés
longuement.
Les électeurs se sont massivement abstenus lors de cette
consultation.
Elles se sont ennuyées pendant ce spectacle.
La conjugaison

1er test
Ces verbes sont correctement conjugués au présent de
l’indicatif ; voici les réponses tant attendues :

il assied : vrai / vous assoyez : faux, vous asseyez, c’est mieux


/ il arguë : faux, il argue, c’est mieux / je couds : vrai / ils
courrent : faux, ils courent, c’est mieux / nous haïssons : vrai /
il paye : vrai / je bouds : faux, je bous, c’est mieux / il sursoit :
vrai / je joins : vrai / je vêt : faux, je vêts, c’est mieux / il
acquiert : vrai / il trait : vrai / vous jettez : faux, vous jetez,
c’est mieux / vous absolvez : vrai / il croît : vrai, pour le verbe
croître / vous faites : vrai / je voie : faux, je vois, c’est mieux /
il vainc : vrai / il absout : vrai

2e test
Le bon temps et le bon verbe :

Je faux est le présent du verbe faillir, c’est vrai. / Il faut est le


présent des verbes falloir et faillir, c’est vrai. / Oyant est le
participe présent du verbe ouïr, c’est vrai. / Que nous
pourvussions est l’imparfait du subjonctif du verbe pourvoir,
c’est vrai. / Que je musse est l’imparfait du subjonctif du verbe
mouvoir, c’est vrai. / Ils seyaient est l’imparfait de l’indicatif
du verbe seoir, c’est vrai. / Sursoyant est le participe présent
du verbe surseoir, c’est vrai. / Vaincs est la 1re personne de
l’impératif présent du verbe vaincre, c’est vrai. / Pais est la 1re
personne de l’impératif présent de payer, c’est faux, c’est paie
ou paye. / Il closit est le passé simple du verbe clore, c’est
faux, ce verbe n’a pas de passé simple ! / Qu’il moulût est
l’imparfait du subjonctif du verbe mouler, c’est faux, c’est
qu’il moulât. / Tu vis est le présent du verbe voir, c’est faux,
c’est tu vois.
3e test
Les modes et les temps des verbes ont des valeurs et des sens
particuliers, les voici :

L’indicatif exprime la certitude, le jugement, la déclaration. /


Le conditionnel exprime une éventualité, un souhait, un doute.
/ L’impératif exprime un ordre, une interdiction. / Le subjonctif
exprime une hypothèse, une supposition. / L’imparfait marque
une action en cours dans le passé. / Le passé simple marque
une action passée à un moment donné. / Le futur simple
indique une action dans un avenir. / Le futur antérieur indique
la fin d’une action quand une autre commencera. / Le plus-que-
parfait indique un fait passé précédant immédiatement une
autre action passée.

Deuxième évaluation
Les mots qui étaient mal orthographiés sont en caractères
gras.

Les Verdurin n’invitaient pas à dîner : on avait chez eux « son


couvert mis ». Pour la soirée, il n’y avait pas de programme.
Le jeune pianiste jouait, mais seulement si « ça lui chantait »,
car on ne forçait personne et comme disait M. Verdurin : « Tout
pour les amis, vivent les camarades ! » Si le pianiste voulait
jouer la chevauchée de la Walkyrie ou le prélude de Tristan,
Mme Verdurin protestait, non que cette musique lui déplût,
mais au contraire parce qu’elle lui causait trop d’impression.
« Alors vous tenez à ce que j’aie ma migraine ? Vous savez
bien que c’est la même chose chaque fois qu’il joue ça. Je sais
ce qui m’attend ! Demain quand je voudrai me lever, bonsoir,
plus personne ! »

Les écarts
« Les ba-ba, les ba-ba, les barbarismes ! »

astérique – omnubiler – pécunier – aéropage – dilemne –


frustre – périgrination – réouvrir

Les impropriétés !
À chacun son sens :

Agonir (insulter) / agoniser (mourir) – Décade (dix jours) /


décennie (dix ans) – Avatar (double) / avarie (panne) –
Démystifier (démasquer) / démythifier (supprimer un mythe) –
À l’intention (fait pour quelqu’un) / à l’attention (pour préciser
le destinataire d’un courrier) – Recouvrer (retrouver) /
recouvrir (couvrir de nouveau ou entièrement) – Illettré (ne
maîtrise pas la langue) / analphabète (ne sait pas lire et écrire)
– Jadis (passé lointain) / naguère (passé récent)

Troisième évaluation
Les fautes étaient énormes, c’est bien normal puisqu’il
s’agissait d’une « baleine » !

Là, je suis mal en point, je crois que c’est la fin. Et l’autre qui
regarde mon œil !
— Tu veux ma photo ?
— Oui je veux bien.
Aussitôt dit, aussitôt fait. Je suis dans la boîte. Sans faire de jeu
de mots, je peux dire que ça tombe bien, puisque je vais mourir.
Bon, d’accord, c’est pas très joyeux tout ça, mais ne vous en
faites pas, j’ai pris du bon temps et je me fais vieille. C’est
pour ça que je suis là. Ma tête ne va plus très bien : je me suis
complètement égarée ! Si on m’avait dit que je finirais ici !
Ça fait plusieurs années que cette photo a été prise :
exactement, le 18 janvier 1998. Ah, je me rappelle bien : il y
avait tellement de monde pour venir me voir qu’une voiture est
tombée de la jetée. Vous pouvez vérifier en me regardant, c’est
écrit dessus. Ah ça, j’en ai vu passer du monde. Tous les clients
qui viennent chercher leur dose de nicotine au tabac ; les
habitués accoudés à la demi-coque du comptoir et la salle de
restaurant, toujours pleine l’été avec son drôle de tableau des
commandes où s’alignent les pinces à linge pour accrocher les
notes.

Aujourd’hui, c’est l’hiver mais il y a du monde pour un repas


d’après enterrement. Il faut les entendre les mamies : écoutez
celle-là qui parle à sa voisine : « On essaye ne pas louper les
enterrements » ; celle-là vient voir comment ce sera pour son
jour à elle.

C’est quand même dommage que je sois si près de l’entrée : du


coup, je n’ai jamais pu voir en entier la grande fresque peinte
qui se trouve derrière le bar ; mais j’ai l’impression que
personne ne la voit plus ; j’aime bien son bleu et son vert, ça
me rappelle l’ancien temps.

Ah, juste avant de vous laisser ; ce qui est drôle, c’est que des
savants venus de Brest ont décidé de me mesurer et peser. Ç’a
pas été facile, vous pouvez me croire. Ils ont mis le résultat sur
ma photo ; ils auraient pu s’en dispenser, c’était personnel.
Enfin, sachez-le puisque ici tout le monde le sait : je mesure
quatorze mètres de long et je pèse quatorze tonnes et avant
d’être sur la photo, j’étais une baleine.

La ponctuation
1. Le mot virgule vient du latin virgula, « petit virage ». Faux, virgule
vient du latin virga, « verge » !
2. La virgule ne permet pas d’insérer des éléments explicatifs entre le
sujet et le verbe. Faux.
3. La virgule permet d’évoquer une succession chronologique. Vrai.
4. Le point-virgule sépare deux propositions. Vrai.
5. Les deux points ne permettent pas de citer les paroles de quelqu’un.
Faux.
6. Les deux points peuvent introduire une explication. Vrai.
7. Le point indique la fin d’une phrase. Vrai.
8. On n’utilise le point d’interrogation qu’avec une interrogation directe.
Vrai.
9. À la fin d’une phrase le point d’exclamation exprime un sentiment ou
une intention. Vrai.
10. On peut mettre trois, quatre ou cinq points de suspension à la fin d’une
phrase. Faux, trois seulement…
11. Les guillemets permettent de citer les paroles ou les écrits de
quelqu’un. Vrai.
12. On peut écrire « entre parenthèse ». Faux, « entre parenthèses », car
elles sont deux.
13. Le tiret sert à indiquer le changement d’interlocuteur dans un dialogue.
Vrai.

La construction de l’expression
Correctes ou fautives ?

Se donner une entorse : cela n’est pas bien d’ajouter du mal au


mal, on se fait une entorse. / Il s’en est accaparé : non,
accaparer n’est pas un verbe pronominal ; on peut dire : Il est
accaparé par… ses problèmes d’orthographe ! / De manière
que : indique une conséquence réalisée, sinon, il faut employer
de manière à ce que qui indique le but poursuivi. / Je m’en
suis allé : appartient au registre soutenu, vous pouvez dire plus
simplement je me suis en allé. / Il est furieux après vous : non,
il est furieux contre vous. / Cette nouvelle s’est avérée
fausse : cette nouvelle est fausse, mais sans avérer qui vient
de verus, « vrai ». Une nouvelle vraie fausse, cela paraît
difficile, non ? / Une affaire conséquente : attention,
conséquente ne veut pas dire « importante », mais « qui est la
conséquence de… ». / Une occasion à saisir : alors n’hésitez
pas. / Faire des coupes sombres : c’est possible, notamment
dans un budget en temps de crise. / D’ici à demain : la
préposition à n’est pas utile, vous direz plutôt d’ici demain. /
Aller à vélo : oui, aller à vélo est meilleur pour la santé qu’aller
en voiture. / Il est fâché avec elle : non, il est fâché contre elle,
mais cela s’arrangera peut-être ! / Être extrêmement habile :
pourquoi pas, mais il ne faut pas trop se vanter. / Ce n’est pas
de sa faute : le de n’est pas utile, car ce n’est pas sa faute. /
Un espèce de fou : non, espèce est un mot féminin, donc il
s’agit bien d’une espèce de fou. / 100 kilomètres-heure : c’est
rapide, mais c’est 100 kilomètres à l’heure. / Je m’en
rappelle : non, je me le rappelle et mieux je m’en souviens. /
Vous n’êtes pas sans ignorer : vous n’êtes pas sans savoir
paraît plus juste ! / Pallier à un inconvénient : pallier est un
verbe transitif comme manger ; vous ne dites pas « manger à
une pomme » ! Pallier un inconvénient, c’est mieux ! /
Pardonner à quelqu’un : pardonner est un verbe transitif, donc
pardonner quelqu’un ! / J’ai rêvé à ma grand-mère : j’ai
rêvé de ma grand-mère, c’est mieux ! / Regarder fixement
quelqu’un : avec de bonnes intentions naturellement ! / Une
inclination de tête : c’est possible puisqu’il s’agit d’un petit
signe de tête. / Un vêtement infecté de puces : non, un
vêtement infesté de puces. / Jouir d’une mauvaise santé :
jouir est un verbe positif qui ne convient donc pas ici ; dites
plutôt avoir une mauvaise santé. / Les risques sont réduits au
minimum : inutile d’ajouter alors minimum puisqu’ils sont
réduits ! / Vers une heure et demie : c’est juste, demi s’accorde
en genre avec le nom qu’il détermine quand il est placé
immédiatement après lui. / Le milieu ambiant : ambiant évoque
la notion de milieu, donc l’expression est un pléonasme. / Il lui
fit observer que : il peut le faire ! / Prendre quelqu’un à partie :
c’est s’expliquer d’une manière sévère avec quelqu’un ;
attention de ne pas confondre avec prendre parti, c’est-à-dire se
déclarer pour ou contre quelqu’un. / Une rue passagère : non,
la rue est passante quand il y a du monde qui passe. / Je vous
promets qu’il est là : donc on peut le dire ! / Ce magasin a
rouvert : vous pouvez donc entrer. / J’arrive de suite : il est
conseillé de dire J’arrive tout de suite. / Je l’ai acheté tel
quel : on peut le dire avec le sens de « je l’ai acheté en l’état ».
/ Vitupérer quelqu’un : c’est possible avec le sens de « blâmer
quelqu’un ».

Quatrième évaluation
Un peu de détente avec Prosper yop là ! boum !

La fameuse dictée de Prosper Mérimée ! Les fautes étaient


dans les mots en caractères gras !

Pour parler sans ambiguïté, ce dîner à Sainte-Adresse, près du


Havre, malgré les effluves embaumés de la mer, malgré les
vins de très bons crus, les cuisseaux de veau et les cuissots de
chevreuil prodigués par l’amphitryon, fut un véritable guêpier.

Quelles que soient et quelque exiguës qu’aient pu paraître, à


côté de la somme due, les arrhes qu’étaient censés avoir
données la douairière et le marguillier, il était infâme d’en
vouloir pour cela à ces fusiliers jumeaux et malbâtis et de leur
infliger une raclée alors qu’ils ne songeaient qu’à prendre des
rafraîchissements avec leurs coreligionnaires.

Quoi qu’il en soit, c’est bien à tort que la douairière, par un


contresens exorbitant, s’est laissé entraîner à prendre un
râteau et qu’elle s’est crue obligée de frapper l’exigeant
marguillier sur son omoplate vieillie. Deux alvéoles furent
brisés, une dysenterie se déclara, suivie d’une phtisie, et
l’imbécillité du malheureux s’accrut.

« Par saint Martin, quelle hémorragie, s’écria ce bélître ! » À


cet événement, saisissant son goupillon, ridicule excédent de
bagage, il la poursuivit dans l’église tout entière.

Un bon plan pour la synthèse du chapitre 13


Proposition de plan à partir des onze affirmations sur le thème
de l’argent :
I. Fonctions de l’argent

1 – 8 – 2 – 11

II. Rapports à l’argent

10 – 3 – 6 – 7 – 9

III. Évolution de la place de l’argent

4–5
Annexe D

Ressources diverses pour écrire

Abréviations
Registres de langue
Figures de style
Quelques formules de politesse pour finir

Quelques abréviations
Dans les correspondances et dans certains écrits d’usage, nous
avons pris l’habitude, pour gagner du temps, pour être plus
direct, d’abréger ; mais parfois cela tourne à la confusion. Voici
un rappel de quelques abréviations :

Monsieur → M.

Madame → Mme

Messieurs → MM.

Mesdames → Mmes

Mademoiselle → Mlle

Maître → Me
Les abréviations de mesures sont toutes invariables :

Kilogramme → kg

Litre→l

Heure→h

Minute → min

Seconde→s

Mètre→m

Centimètre → cm

Kilomètre → km

Euro→€

Prendre des notes


Au fil de vos lectures, vous rencontrez des formules, des
phrases, des idées qui vous plaisent ; dans votre travail,
pendant des réunions, vous captez des informations qui vous
intéressent ; pendant vos promenades, dans des discussions,
vous avez des idées nouvelles que vous souhaitez conserver
(elles sont peut-être géniales !) ; dans toutes ces situations (et
sans doute encore d’autres !) vous prenez alors des NOTES !
Celles-ci seront le point de départ de réflexions plus
approfondies, d’étapes d’un cheminent personnel, de projets.
Encore faut-il pouvoir les utiliser, en d’autres termes qu’elles
soient lisibles pour vous, car votre prise de notes s’est faite à
l’aide d’abréviations, surtout lors d’interventions orales. Voici
une liste d’abréviations très utiles, auxquelles vous pourrez
ajouter toutes vos créations :

Accroissement : ↑
Arrière : ar.
Avant : avt
Baisse : ↓
Beaucoup : bcp
Cependant : cpdt
C’est-à-dire : c-à-d
Changement : chgt
Commercial : cial
Courant : crt
Dans : ds
Dans les deux sens : ↔
Devant : dvt
Différent : ≠
Égal : =
Extérieur : ext
Femme : ♀
Général : gal
Géographie : géo
Gouvernement : gvt
Hausse : ↑
Homme : ♂
Idem : id.
Incompréhension : ? ?
Intérieur : int
Mais : ms
Maximum : max
Même : m
Minimum : min
Moins : –
Nous : ns
Pendant : pdt
Philosophie : ϕ
Plus : +
Plus grand que : >
Plus petit que : <
Pour : pr
Psychologie : ψ
Quand : qd
Quelquefois : qqf
Question : ?
Racine : √
Sans : ss
Sauf : sf
Souvent : svt
Toujours : tjts
Tout : tt
Tous : ts

Quels registres ?
Selon la situation, les circonstances, vous pouvez, pour dire la
même chose, changer de registre : tout un art !

Le registre soutenu
Il se caractérise par des tours particuliers et une connaissance
approfondie de la langue ; le moins que l’on puisse dire, c’est
qu’il ne traduit pas une spontanéité, mais une volonté d’afficher
un certain rang dans une hiérarchie. C’est un registre que l’on
trouve surtout à l’écrit : le vocabulaire est recherché, la
concordance des temps est strictement respectée, les
constructions de phrases complexes sont fréquentes ; bref, vous
l’avez compris, le registre soutenu peut très vite,
particulièrement à l’oral, être le signe d’une suffisance, d’un
pédantisme, d’un complexe de supériorité, d’un snobisme
(arrêtons là !).
Le registre courant
Employé à l’oral comme à l’écrit, c’est le registre du quotidien
que vous employez (ou devriez employer !) en société (école,
lycée, travail) avec des personnes qui ne sont pas des proches
(comme les membres de la famille). C’est un registre qui
respecte les codes grammaticaux, ne déforment pas les mots, et
ne recherche pas d’effets particuliers. Un registre sobre en
quelque sorte que l’on peut utiliser en toutes circonstances.

Le registre familier
Il relève surtout de l’oral avec une prononciation
approximative, et se caractérise par sa spontanéité ; son lexique
peut être argotique, voire grossier, et la construction des
phrases est plutôt relâchée. En situation scolaire,
institutionnelle ou professionnelle, ce registre est à bannir,
d’autant qu’il est un véritable vivier à fautes. Son emploi à
l’écrit doit être lié à une intention particulière, mais
reconnaissez qu’il vaut mieux qu’il ne traduise pas une
expression fautive du style : « Moi y’en a vouloir écrire et
pourquoi vous pas vouloir comprendre ? »

D’un registre à l’autre


Prenons un exemple qui développe la même information pour
mesurer la différence entre ces trois registres :

Registre soutenu : Ces souliers me font cruellement


souffrir. Ici, c’est essentiellement le lexique (le nom
souliers, l’adverbe cruellement et le verbe à l’infinitif
souffrir) qui donne son caractère soutenu à la phrase.
Vous serez d’accord pour admette qu’une telle phrase
ne « court pas les rues » (et pour cause !).
Registre courant : Ces chaussures me font mal aux
pieds. Ici encore, le lexique détermine le registre (le
nom chaussures, l’adverbe mal, et le nom pieds) en
proposant un vocabulaire habituel pour signaler une
gêne physique. Vous en conviendrez, point n’est besoin
d’être une « pointure » pour s’exprimer de la sorte !
Registre familier : Ces godasses me font vachement
mal aux pinglots. Ici, nous ne marchons plus dans les
« clous » du registre commun, courant : dans cet
exemple, ce sont les deux noms godasses et pinglots, et
l’adverbe d’intensité vachement qui sont source de
familiarité. Cette phrase malgré son charme désuet est
à éviter à l’écrit. Le mieux est d’ailleurs de changer de
paire de chaussures !

On notera que l’on peut jouer avec ces différents registres pour
créer des effets inattendus mais parfois bienvenus et appréciés ;
ainsi, en mêlant le registre soutenu et le registre familier, on
obtient un genre hybride, contrasté et assez drôle : Ces
godasses me font cruellement souffrir.

Ces drôles de figures


« Le style c’est l’homme ! » disait Georges Buffon dans son
Discours sur le style (1753) ! Manière elliptique de nous
signaler que pour dire quelque chose, il y a plusieurs manières
et que certaines font plus d’effets que d’autres. Voici donc un
échantillon (il y en a des centaines !) de ces procédés d’écriture
que l’on appelle les figures de style, n’hésitez pas à vous en
servir.

Adjonction
Elle permet de faire dépendre d’un mot ou d’une expression
plusieurs mots par une accumulation, ce qui produit un effet
d’insistance : Laisse faire le temps, ta vaillance et ton roi.
(Corneille). / Écrire pour les Nuls, c’est valable pour les
jeunes, les moins jeunes, les filles, les garçons, les Parisiens,
les provinciaux, les bruns, les brunes, les blonds, les blondes,
les chauves, les maigres, les enrobés, les joyeux, les moins
joyeux, les gagnants au Loto et surtout les autres !

Allégorie
Elle représente une idée par une image, un objet ou un être
vivant (dans ce dernier cas, c’est une personnification), pour
suggérer une émotion, une sensibilité : Mon beau navire ô ma
mémoire (Apollinaire). / Ma bouée de secours c’est Écrire pour
les Nuls.

Anaphore
C’est une répétition d’un même mot, d’une même expression,
pour insister sur une idée : Waterloo ! Waterloo ! Waterloo !
morne plaine. (Victor Hugo). / Pour les Nuls ! Pour les Nuls !
Pour les Nuls ! C’est First.

Antiphrase
C’est faire comprendre le contraire de ce qui est écrit, pour
provoquer par exemple l’ironie : Par des faits glorieux tu te vas
signaler. (Racine). / C’est sûr, en ignorant les conseils d’Écrire
pour les Nuls, vous avez toutes vos chances pour devenir
l’écrivain du XXIe siècle.

Antithèse
C’est la réunion de deux expressions ou pensées opposées qui
met en évidence une contradiction : L’avarice perd tout en
voulant tout gagner.
(La Fontaine). / En consultant Écrire pour les Nuls, vous
ignorerez les fautes de style.

Comparaison
Elle rapproche deux réalités qui ont un point commun à l’aide
d’un terme comparatif pour produire une image : La terre est
bleue comme une orange. (Paul Éluard). / Écrire pour les Nuls
se savoure comme un mille-feuilles.

Ellipse
C’est une suppression de plusieurs termes dans une phrase qui
garde malgré tout son sens ; cela donne un effet de densité et
laisse le lecteur imaginer : J’ai reçu une télégramme de l’asile :
« Mère décédée. Enterrement demain. Sentiments distingués. »
(Albert Camus). / Écrire pour les Nuls, indispensable,
incontournable, une vraie réussite !

Euphémisme
Elle permet d’atténuer la dureté d’une réalité, en mettant un
peu de douceur dans ce monde de brutes : C’est une personne
du troisième âge. C’est un malvoyant. Il a vécu. / C’est sûr que
s’il ne consulte pas Écrire pour les Nuls, il éprouvera quelques
difficultés à l’écrit.

Gradation
C’est une succession de mots ou d’idées dans un ordre
croissant ou décroissant ; elle permet de suggérer le
mouvement et l’amplification : C’en est fait, je n’en puis plus ;
je me meurs, je suis mort, je suis enterré. (Molière). / Écrire
pour les Nuls, c’est utile, c’est incontournable, c’est une
référence majeure !

Hyperbole
Elle exagère une réalité par l’emploi de mots très forts, voire
excessifs pour créer un effet d’exagération ou de parodie : À
l’arrivée, le coureur a déclaré : Je suis mort ! (Quelle
déclaration, mais rassurez-vous, il voulait simplement dire qu’il
était très fatigué.) / La qualité d’Écrire pour les Nuls me laisse
sans voix. (N’exagérons rien tout de même ; vous voulez dire
que cet ouvrage vous apporte des solutions d’écriture bien
utiles.)

Litote
Manière d’atténuer sa pensée tout en faisant comprendre plus :
Va, je ne te hais point. (Corneille ; belle manière employée par
Chimène pour dire à Rodrigue : « Je t’aime. ») / Écrire pour les
Nuls, ce n’est pas mal. (C’est donc bien !)

Métaphore
Rapprochement implicite entre deux réalités mais sans mot de
comparaison pour créer une analogie forte : Juin ton soleil
ardente lyre/brûle mes doigts endoloris (Guillaume
Apollinaire). / Écrire pour les Nuls, c’est une caverne d’Ali-
Baba pour enrichir votre expression.

Métonymie
Elle remplace un mot par un autre terme avec lequel il
entretient un lien logique : contenant/contenu ; cause/effet ;
objet/matière ; lieu/activité : Il but un verre à la santé de son
ami. / Le journaliste écrivit un excellent papier sur Écrire pour
les Nuls.

Oxymore
C’est une alliance de mots qui associe des mots antithétiques et
fait naître une image inattendue, voire poétique : Ma seule
étoile est morte, et mon luth constellé/Porte le soleil noir de ma
mélancolie. (Gérard de Nerval). / Un Nul savant écrit toujours
avec Écrire pour les Nuls à proximité…

Formules de politesse
Elles sont innombrables et correspondent à un code social qu’il
vaut mieux respecter. Cependant ne vous torturez pas l’esprit
lorsque vous avez un courrier à terminer. Faites sobre et
consacrez votre énergie au contenu du message.

Voici quelques possibilités : Veuillez recevoir, Monsieur,


l’assurance de ma considération distinguée. / Veuillez recevoir,
Monsieur, l’assurance de mes sentiments les meilleurs. /
Veuillez recevoir, Monsieur, l’expression de mes sentiments
distingués. / Veuillez agréer, Madame, Monsieur, l’assurance
de mes sentiments respectueux. / Recevez, Madame, Monsieur,
mes salutations distinguées. / Croyez, Madame, Monsieur, à
mes sentiments les meilleurs.

N’oubliez pas de reprendre, dans votre formule finale, les


termes de l’appellation initiale (Monsieur, Madame, Monsieur
le Directeur, Madame la Directrice…)
Aujourd’hui, les courriers électroniques autorisent une plus
grande souplesse, ce qui ne dispense pas d’être courtois : on
peut tout à fait conclure un message selon le destinataire par :
« Cordialement,… » ; « Amicalement,… » ; « Bien
amicalement,… ».

Enfin, si une raison importante vous conduit à vous adresser au


chef de l’État, voici la formule en vigueur :

Veuillez agréer, Monsieur le Président de la République,


l’expression de mes sentiments très respectueux.
Bibliographie

Nous vous proposons ici quelques-uns des livres consultés pour


la rédaction d’Écrire pour les Nuls.

Cette petite bibliographie n’est évidemment pas exhaustive ; en


revanche, elle est éminemment subjective et se présente comme
une invitation à la lecture, une des nourritures de l’écriture.

ABALAIN Hervé, Le Français et les langues historiques de la


France, Éditions Jean-Paul Gisserot, 2007.

ARAGON Louis, Je n’ai jamais appris à écrire ou les Incipit,


Flammarion, 1981.

ASSOULINE Pierre, Les Grands Entretiens de Lire, Omnibus,


2000.

BEAUD Michel, L’art de la thèse. Comment préparer et


rédiger un mémoire de master, une thèse de doctorat ou tout
autre travail universitaire à l’ère du Net, nouvelle édition, La
Découverte, 2006.

BIEGALSKI Christian, Scénarios : mode d’emploi, Dixit-


Synopsis, 2003.

BON François, Tous les mots sont adultes, Fayard, 2005.

BOUTILLIER Sophie, GOGUEL D’ALLONDANS Alban,


LABÈRE Nelly, UZUNIDIS Dimitri, Méthodologie de la thèse
et du mémoire, Studyrama, 2007.
BRETON Roland, Atlas des langues du monde, Revue
Autrement, 2003.

CALVINO Italo, Le Château des destins croisés, Seuil, coll.


« Points », 1998.

CAMUS Bruno, Rapports de stage et mémoires, 3e édition,


Éditions d’Organisation, 2001.

CHALVIN Marie Joseph, Apprendre mieux, Éditions First,


2009.

DANTZIG Charles, Encyclopédie capricieuse du tout et du


rien, Grasset, 2009.

DETAMBEL Régine, Nouvelles en trois lignes, volumes 1 et 2,


Mercure de France, coll. « Le petit Mercure », 1997 et 1998.

Dictionnaire des combinaisons de mots. Les synonymes en


contexte, coll. « Les usuels », 2007.

Dictionnaire des écrivains contemporains de langue française


par eux-mêmes, Éditions Mille et une nuits, 2004.

DUCHESNE Alain, LAGNAY Henry, La Petite Fabrique de


littérature, Magnard, 1991.

DUCHESNE Alain, LEGUAY Thierry, Qu’est-ce qu’un


écrivain ? Petits secrets de la création littéraire, Mots et Cie,
2002.

DUCHESNE Alain, LEGUAY Thierry, Qu’est-ce qu’un


écrivain ? Mots et Cie, 2002.

DUPRIEZ Bernard, Le Gradus, les procédés littéraires, coll.


« 10/18 », 2003.
EVRARD Franck, L’Atelier d’écriture, Ellipses, 2009.

FAYET Michel, Réussir des comptes rendus, Éditions


d’Organisation, 2009.

FONTAINE François, LAMBLIN Christian, 150 exercices à


lire, 150 exercices pour écrire, Retz, 1994.

FONTANIER Pierre, Les Figures du discours, Champs


Flammarion, 1993.

FOUCHÉ Pascal, PECHOIN Daniel, SCHUWER Philippe,


Dictionnaire encyclopédique du livre, Cercle de la librairie,
2011.

FOURNEL Paul, Clefs pour la littérature potentielle, Denoël,


1972.

FRAGNIÈRE Jean-Pierre, Comment réussir un mémoire, 3e


édition, Dunod, 2001.

MORGENSTERN Susie, L’Agenda de l’apprenti écrivain,


Éditions de la Martinière, 2005.

MOURIQUAND Jacques, L’Écriture journalistique, 2e


édition, PUF, coll. « Que sais-je », 1999.

ONZE Sébastien, 150 défis d’écriture pour en finir avec la


page blanche, Mango, 2008.

OSBORN Alex F., L’Imagination constructive. Créativité et


brainstorming, Dunod, 1974.

OULIPO (collectif), La Littérature potentielle. Atlas de


littérature potentielle, Gallimard, 1973.
PENNAC Daniel, Chagrin d’école, Gallimard, 2007.

PEREC Georges, La Disparition, Gallimard, coll.


« L’Imaginaire », 1990.

PONGE Francis, Proêmes, Gallimard, 1948.

QUENEAU Raymond, Exercices de style, Gallimard, coll.


« Folio », 1982.

ROUSSEL Raymond, Comment j’ai écrit certains de mes


livres, Gallimard, coll. « L’Imaginaire », 1995.

SALLENAVE Danielle, Le Don des morts, Gallimard, 1991.

SARTRE Jean-Paul, Les Mots, Gallimard, 1968.

SIMONET Renée et Jean, La Prise de notes intelligente,


Éditions d’Organisation, 1988.

STACHAK Faly, 350 techniques d’écriture créative, Éditions


d’Organisation, 2004.

WALTER Henriette, Le Français dans tous les sens, Robert


Laffont, 1988.

WALTER Henriette, Les Français d’ici, de là, de là-bas, Jean-


Claude Lattès, 1998.
Index

« Pour retrouver la section qui vous intéresse à partir de cet index, utilisez
le moteur de recherche »

A
Abréviations
Académie française
Accent
Accord
de l’adjectif
du nom
du participe passé

Actio (action)
Activité professionnelle
Adjectifs
démonstratifs
indéfinis
interrogatifs
numéraux cardinaux
numéraux ordinaux
possessifs
qualificatif

Adverbe
Alinéa
Alphabétisation massive
Alphabets
Analogie
Analphabète
Anciens
Anglais
Anglicismes
Angot, Christine
Antiquité égyptienne
Antiquité grecque
Antonymes
Aparté
Apollinaire, Guillaume
Apprentissage
Aragon, Louis
Argile
Aristote
Articles
définis
indéfinis
partitifs

Arts
Asimov, Isaac
Association française de normalisation (AFNOR)
Ateliers d’écriture
Attali, Jacques
Attribut
Audeguy, Stéphane
Audiard, Michel
Auster, Paul
Austen, Jane
Autobiographie
Aymé, Marcel

B
Baccalauréat
Baïf, Jean-Antoine de
Balzac, Honoré de
Barbarisme
Barbery, Muriel
Barjavel, René
Basho, Matsuo
Bauchau, Henri
Baudelaire, Charles
Bazin, Hervé
Beckett, Samuel
Belleau, Rémy
Ben Jelloun, Tahar
Bible
Bibliothèques
Bibliothérapie
Biographie
Bioy Casares, Adolfo
Blanchot, Maurice
Blixen, Karen
Blocages
Blog
Boileau, Nicolas
Bonnefoy, Yves
Borges, Jorge Luis
Bosquet, Alain
Bossuet, Jacques-Bénigne
Botton, Alain de
Bradbury, Ray
Braille
Brandys, Kazimierz
Breton, André
Brink, André
Brontë, Emily
Buson, Yosa
Butor, Michel
Buzatti, Dino

C
Cadavre exquis
Calderón, Pedro
Camus, Albert
Cauvin, Patrick
Cendrars, Blaise
Cervantès, Miguel de
Chapsal, Madeleine
Charlemagne
Charles d’Orléans
Chateaubriand, François-René de
Cinéma
Citations
Claudel, Paul
Claudel, Philippe
Clavier
Clovis
Cocteau, Jean
Codex
Coe, Jonathan
Coetzee, John Maxwell
Cohen, Albert
Colette
Collège
Collégiens
Commentaire littéraire
Communication
Complément circonstanciel
Complément d’agent
Complément d’objet
direct
indirect
second

Complément du nom
Compte d’auteur
Comptes rendus
Concours
Concours administratifs
Conditionnel
Confirmation
Conjonctions
de coordination
de subordination

Conjugaison
Conort, Benoît
Conrad, Joseph
Conte
Coordination
Cootzee, Michael
Copie
Copier-coller
Corneille, Pierre
Correcteur d’orthographe
Correcteur de grammaire
Cornwell, Patricia
Courriers
Courriers administratifs
Courriers électroniques
Critiques
Curriculum vitae
Cyberlangue

D
Daeninckx, Didier
Dard, Frédéric
Darrieusecq, Marie
Définition
Déterminants du nom
Deux points
Devos, Raymond
Dialectes
Dialogue
Dickens, Charles
Dictée
Dictionnaire
analogique
d’Émile Littré
de l’Académie française
de rhétorique
des citations
des expressions et locutions
des mots rares
des synonymes
en ligne
étymologique

Didascalies
Diderot, Denis
Diplôme
Discours
Discussion
Dispositio (disposition)
Dissertation
D’Ormesson, Jean
Dos Passos, John
Dostoïevski, Fiodor
Du Bellay, Joachim
Duras, Marguerite
Dyslexie
Dysorthographie

E
E-books
Eco, Umberto
École
Écran
Écrit
d’information et de culture
personnel
professionnel
scolaire
universitaire
utilitaires, officiels

Écriture
automatique
d’invention
histoire de
techniques d’

Écrivain
Éditeur
Égyptiens
Elocutio (élocution)
Éluard, Paul
E-mail
Émotions
Emploi (recherche d’)
Enseignants
Entreprise
Entretien
Épithète
Espace
Espace romanesque
Espéranto
Essais
Esteban, Claude
Estienne, Robert
Études supérieures
Étudiant
Étymologie
Exorde
Exposé
Expression
Expression de soi
Expressions latines

F
Facebook
Faits divers
Famille
Fantasy
Faulkner, William
Fautes
Ferry, Jules
Feydeau, Georges
Fiction
Figures de style
Film
Finkielkraut, Alain
Fitzgerald, Francis Scott Key
Flaubert, Gustave
Fonction phatique
Fonction publique (concours)
Fonctions
Fontenelle
Forums de discussions
Fourcade, Dominique
Frain, Irène
François 1er
Francophonie
Fuentes, Carlos
Futur antérieur
Futur simple

G
Gallo, Max
Garcia Marquez, Gabriel
Gary, Romain
Gaule
Gaulois
Gautier, Théophile
Gavalda, Anna
Gide, André
Genre
Gérondif
Giono, Jean
Giraudoux, Jean
Gogol, Nicolas
Goldoni, Carlo
Gracq, Julien
Grammaire
Grass, Günter
Grimberg, Philippe
Guillemets
Guilleron, Gilles
Gusdorf, Georges

H
Haddad, Hubert
Haïkus
Hazanavicius, Michel
Hessel, Stéphane
Hiéroglyphe
Higgins Clark, Mary
Hillerman, Tony
Hitchcock, Alfred
Hugo, Victor
Hustvedt, Siri

I
Illettrisme
Image
Imagination
Imparfait
Impression
Impropriété
Impératif
Imprimerie
Indicatif
Infinitif
Informatique
Inspiration
Institut national de la langue française
Interjections
Interligne
Internet
Intrigue
Inventio (invention)
Ionesco, Eugène
IPad
IPhone
Irving, John
Issa, Kobayashi
Italien
Italique

J
Jodelle, Étienne
Jouffroy, Alain
Journal intime
Journaliste
Journaux
Joyce, James
Justice
Juxtaposition
K
Kafka, Franz
Kawabata, Yasunari
Kennedy, Douglas
Kerouac, Jack
Koltès, Bernard-Marie
Kundera, Milan

L
Labé, Louise
La Bruyère, Jean de
Laclos, Choderlos de
La Fayette, Madame de
La Fontaine, Jean de
Lamartine, Alphonse de
Langage oral
Langue française
Langues
Larousse, Pierre
Latin
Leclair, Bertrand
Le Clézio, Jean-Marie
Lecteur
Lecture
Lettre d’amour
Lettres
Lettres de motivation
Levi, Carlo
Lévi-Strauss, Claude
Levy, Marc
Lexique
Liberté
Librairie
Lieux
Lieux publics
Linguiste
Lipogramme
Littérature
Littré, Émile
Livres
Locution
London, Jack
Lorris, Guillaume de
Lothaire
Loti, Pierre
Lowry, Malcom
Lycéens

M
Machine à écrire
Mails
Maisons d’édition
Majuscule
Mallarmé, Stéphane
Malraux, André
Mann, Thomas
Manuscrit
Maquette
Marot, Clément
Maupassant, Guy de
Mauriac, François
Maximes
Médiathèque
Mémoire
Mérimée, Prosper
Métaphore
Michaux, Henri
Minuscule
Mise en forme
Mise en page
Mobilier
Mode
Modèles
de portraits sociaux
de prise de notes et de plan
de récits courts
de vers
pour convaincre
pour la scène

Modernes
Modiano, Patrick
Molière
Monologues
Monovocalisme
Montaigne
Montesquieu
Morand
Morante, Elsa
Morse
Mots
d’origine allemande
d’origine anglaise
d’origine arabe
d’origine espagnole
d’origine grecque
d’origine italienne
d’origine latine
d’origine russe
origine des
-valises

Moyen Âge
Moyens mnémotechnique
Musil, Robert
Musique
Musset, Alfred de
Musso, Guillaume

N
Nabokov, Vladimir
Narration
Nicot, Jean
Nom
commun
propre

Nombre
Normes rédactionnelles
Note d’information
Note de synthèse
Notes de service
Nothomb, Amélie
Nouvelle
Novarina, Valère
Numérique

O
Onomatopées
Oral
Ordinateur
Ordonnance royale de Villers-Cotterêts
Orthographe
Orthophonie
OULIPO

P
Paasilinna, Arto
Pagnol, Marcel
Palindrome
Pamphlets
Pamuk, Orhan
Pancol, Katherine
Papyrus
Paragraphes
Parchemins
Parenthèses
Parents
Parents d’élèves
Participes passés
Passalina, Arto
Passé simple
Pasternak, Boris
Pastiche
Pédagogie
Peletier, Jacques
Perec, Georges
Pergaud, Louis
Période
Péroraison
Perrault, Charles
Perse, Saint-John
Personnages
Personne
Petit Larousse
Petit Robert
Petite annonce
Phrase
à enchâssements
complexe
sans verbe
simple

Pictogramme
Pisan, Christine de
Plan
Platon
Pléiade
Plume
Pluriel
Plus-que-parfait
Poe, Edgar Allan
Poésie
Point
Point d’exclamation
Point d’interrogation
Point-virgule
Points de suspension
Police de caractère
Politique
Polysémie
Ponctuation
PowerPoint
Prépositions
Présent
Prévert, Jacques
Primaire
Prise de notes
Prix Nobel de littérature
Procès-verbal
Procope
Pronoms
démonstratifs
indéfinis
interrogatifs
numéraux
personnels
possessifs
relatifs

Prononciation
Proposition principale
Proposition subordonnée
circonstancielle
conjonctive
interrogative indirecte
relative

Propp, Wladimir
Proust, Marcel
Proverbes
Psychologie
Publier
Publipostage

Q
Queneau, Raymond
Querelle des Anciens et des Modernes
Quint, Michel
Quotidiens nationaux
Quotidiens régionaux

R
Rabelais, François
Racine, Jean
Raccourci
Radiguet, Raymond
Rapport
Rapport de stage
Rature
Récit
Rédaction
Réfutation
Registre
courant
familier
soutenu

Règles typographiques
Renaissance
Répliques
République
Réseau social
Résumé
Réunions de travail
Revues
Rey, Alain
Réza, Yasmina
Rhétorique
Riel, Jorn
Rimbaud, Arthur
Robbe-Grillet, Alain
Romains
Romains, Jules
Roman
autobiographique
d’apprentissage
d’autofiction
d’aventures
de science-fi ction
historique
policier

Rondeau
Ronsard, Pierre de
Roth, Philip
Rouaud, Jean
Rousseau, Jean-Jacques
Roussel, Raymond
Rowling, J. K.
Roy, Claude
Rythme
binaire
ternaire

S
Sagan, Françoise
Sallenave, Danielle
Sand, George
Saramango, José
Sartre, Jean-Paul
Scénario
Scénariste
Schéma heuristique
Schmitt, Éric-Emmanuel
Scolarité
Scott, Walter
Sens
Sentences
Sentiments
Séquence
Shakespeare, William
Shelley, Mary
Shiki, Masaoka
Signes
Simenon, Georges
Simon, Claude
Singulier
SMS
Socrate
Soljenitsyne, Alexandre
Sonnet
Sons
Souris
Steinbeck, John
Stendhal
Stevenson, Robert Louis
Stichomythies
Stylistique
Stylo à bille
Styron, William
Subjonctif
Sue, Eugène
Sujet
Surréalisme
Süskind, Patrick
Sweig, Stéphan
Synonyme
Synopsis
Syntaxe
Synthèse
Système scolaire

T
Tablettes numériques
Tabucchi, Antonio
Taille de la police
Télévision
Temps romanesque
Tesson, Sylvain
Texte
argumentatif
descriptif
explicatif
injonctif
narratif
publicitaire
littéraire

Temps
Théâtre
Thèse
Thot
Tirade
Tirets
Titre
Tolkien, J. R. R.
Tolstoï, Léon
Tour de Babel
Tournier, Michel
Traitement de texte
Transmission
Tréma
Trésor de la langue française
Twitter
Tyard, Pontus de

U
Unesco

V
Valéry, Paul
Vallès, Jules
Vargas, Fred
Vaugelas
Vautrin, Jean
Vélin
Verbe
Verlaine, Paul
Verne, Jules
Vian, Boris
Vigan, Delphine de
Virgule
Vocabulaire
Voix
active
passive
pronominale
Voltaire
Volumen

W
Wilde, Oscar
Wolf, Tom
Woolf, Virginia
Word

Y
Yourcenar, Marguerite

Z
Zàfon, Carlos Ruiz
Zola
1
« Quand je les relis, j’ai honte de les avoir écrits, car j’y discerne maintes
choses qui, de l’avis même de leur auteur, méritent d’être effacées » (Ovide,
Pontiques, I, V, 15).
2
« Car ce qui charme, ce qui pénètre délicieusement les sens des humains,
c’est toujours aux aimables Grâces qu’ils le doivent. »

Vous aimerez peut-être aussi