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Institut Régional de Formation aux Métiers de la Rééducation et Réadaptation

des Pays de la Loire


54, rue de la Baugerie
44230 SAINT- SEBASTIEN SUR LOIRE

Suivi d’une patiente « lombalgique


chronique » suite à un syndrome de la
queue de cheval, par Restauration
Fonctionnelle du Rachis.

Lucas Mathilde

Année 2012-2013

REGION DES PAYS DE LA LOIRE


Remerciements
Tout d’abord je tiens à remercier ma directrice de travail écrit Mme G. pour ses
conseils, son soutien et ses encouragements.

Je remercie également les masseurs kinésithérapeutes du centre de rééducation des


Capucins, pour m’avoir accompagnée dans ma démarche réflexive, et de m’avoir fait
partager leurs expériences et connaissances.

J’adresse également mes remerciements à toutes les personnes du groupe R.F.R. et


plus particulièrement à Mme P, pour leur disponibilité, leur enthousiasme et leurs
encouragements.

Enfin mes derniers remerciements concernent mes proches qui m’ont soutenue et
encouragée depuis le début de la réalisation de ce projet.
Résumé
Au centre de rééducation des Capucins à Angers, une des réponses apportées au
problème de la lombalgie chronique est la restauration fonctionnelle du rachis. Une prise en
charge active est privilégiée vis-à-vis des techniques passives et posturales. Ce programme
de groupe est supervisé par une équipe pluridisciplinaire ce qui permet une approche à la
fois physique, psychique et sociale. Le cas de Mme P. a été choisi pour sa spécificité : la
présence d’un terrain neurologique (syndrome de la queue de cheval en phase de séquelle)
ayant conduit à une impotence fonctionnelle majeure qui la contraint à se déplacer avec une
canne. Bien qu’elle réponde aux critères classiques d’inclusion retenus au centre, la
rééducation de Mme P. présentait un véritable challenge.

A la suite des bilans initiaux, chez cette jeune femme de 29 ans le syndrome de
déconditionnement est mis en évidence ainsi que le phénomène de kinésiophobie. Au cours
du programme un manque excessif de confiance en soi est mis en avant ce qui a par ailleurs
influencé la dynamique de groupe. Les cinq semaines de prise en charge ont permis à Mme
P. de reprendre confiance en ses capacités. Sur le plan physique et fonctionnel les résultats
sont très satisfaisants. A sa sortie elle a retrouvé une autonomie satisfaisante pour faire face
aux exigences de la vie quotidienne, elle marche alors sans sa canne. Néanmoins les
résultats sur le plan professionnel et personnel montrent que l’auto prise en charge n’est
pas totalement acquise.

Mots clés
 Lombalgie chronique
 Restauration Fonctionnelle du Rachis ( R.F.R.)
 Kinésiophobie
 Auto prise en charge

 Low back pain


 Functional Restoration Program
 kinesiophobia
 Home based rehabilitation
Table des matières

1 Introduction............................................................................................................... 1
2 Présentation du cas clinique ....................................................................................... 1
2.1 Présentation de la patiente ......................................................................................... 1
2.2 Bilan initial ................................................................................................................... 2
2.2.1 Evaluation clinique ............................................................................................... 2
2.2.2 Evaluation des capacités fonctionnelles .............................................................. 5
2.2.3 Evaluation psycho-socio-professionnelle ............................................................. 6
2.2.4 Souhaits et attentes de la patiente ...................................................................... 7
2.2.5 Situation de Mme P. par rapport au groupe ........................................................ 8
2.3 Bilan diagnostic kinésithérapique................................................................................ 9
3 Le programme de Restauration fonctionnelle du Rachis ........................................... 10
3.1 Présentation .............................................................................................................. 10
3.2 Organisation .............................................................................................................. 11
3.3 Objectifs ..................................................................................................................... 12
3.4 Principes .................................................................................................................... 12
3.5 Inclusion et exclusion ................................................................................................ 13
4 Facteurs de chronicité et facteurs prédictifs de réussite ............................................ 14
4.1 Facteurs de chronicité ............................................................................................... 14
4.2 Facteurs prédictifs de réussite .................................................................................. 16
5 Prise en charge rééducative ..................................................................................... 17
5.1 Les assouplissements................................................................................................. 17
5.2 Le renforcement musculaire ..................................................................................... 17
5.3 Balnéothérapie .......................................................................................................... 18
5.4 Réentrainement à l’effort .......................................................................................... 18
5.5 Relaxation .................................................................................................................. 18
5.6 Proprioception : lutte contre l’appréhension du mouvement & amélioration de
l’aisance gestuelle................................................................................................................. 18
5.6.1 Qu’est ce que la proprioception ? ...................................................................... 18
5.6.2 Pourquoi utiliser la proprioception dans la lombalgie chronique ? ................... 19
5.6.3 Quelles mises en application ? ........................................................................... 20
6 Lutter contre certaines croyances et représentations ............................................... 22
7 Le groupe ................................................................................................................ 24
7.1 Apport du groupe ...................................................................................................... 24
7.2 Régulation du groupe ................................................................................................ 24
8 Résultats .................................................................................................................. 26
9 Discussion ................................................................................................................ 28
10 Conclusion ............................................................................................................... 30
1 Introduction

Actuellement les problèmes de dos ou « mal du siècle », représentent un réel problème


de santé public. Ils engendrent d’importantes répercussions tant d’un point de vue médical,
que socio économique. La lombalgie se définit comme une douleur de la région lombaire.
Elle constitue aujourd’hui la 2ème cause d’invalidité derrière les maladies cardio-vasculaires.
(1) Selon la littérature moins de 10% des lombalgies se chronicisent et induisent des coûts
financiers très élevés. (2) (3)

Face à la prépondérance de la lombalgie, et les difficultés rencontrées pour apporter des


réponses satisfaisantes aux patients, j’ai souhaité réaliser mon mémoire sur ce sujet. Afin de
me préparer à une confrontation future professionnelle.

Lors d’un stage réalisé du 3 septembre au 12 octobre 2012, au centre des Capucins, j’ai
eu l’opportunité de rencontrer ce type de pathologie. Les patients lombalgiques chroniques
y sont traités grâce à un programme de groupe de restauration fonctionnelle du rachis sur
une durée de cinq semaines. Face aux difficultés du modèle médical pour apporter une
solution satisfaisante, l’intérêt de ce programme est de traiter la lombalgie chronique selon
un modèle biopsychosocial. Il permet de prendre en compte simultanément l’ensemble des
facteurs liés à la pathologie.

Ce cas clinique consiste à suivre la prise en charge d’une patiente du groupe. Bien
qu’elle corresponde aux critères d’inclusion retenus aux Capucins, son impotence
fonctionnelle initiale est sévère par rapport au reste du groupe, ce qui amène à se
questionner concernant sa présence dans ce groupe. Elle se déplace seulement sur 500
mètres avec une canne. La marche est peu sécuritaire.

Le but de ce suivi est d’analyser les divers paramètres du programme qui ont permis à
Mme P. de retrouver une autonomie satisfaisante, malgré ses déficiences initiales.

Après avoir présenté le bilan de cette patiente et le programme RFR, nous verrons en
quoi Mme P. répondait aux critères d’inclusion et d’exclusion et quels facteurs de chronicité
ou au contraire prédictifs de réussite elle présentait. Le contenu rééducatif sera développé
en insistant plus spécifiquement sur les exercices proprioceptifs qui ont permis à Mme P. de
reprendre confiance dans le mouvement. Puis nous verrons qu’il est souvent nécessaire de
pondérer certaines croyances et représentations afin qu’elles ne soient pas un frein à la
rééducation. Enfin nous analyserons les apports qu’un groupe peut présenter et comment
réguler certaines dynamiques qui se mettent en place dans le groupe.

2 Présentation du cas clinique


2.1 Présentation de la patiente

 Histoire de la maladie :

1
Mme P. âgée de 29 ans présente, suite à son accouchement en mars 2011, une
sciatique gauche d’aggravation progressive. En juillet 2011 apparaissent des troubles
sphinctériens et des déficits moteurs du membre inférieur gauche côté globalement à 4/5 au
testing. Ces signes conduisent au diagnostic d’un syndrome débutant de la queue de cheval
en rapport avec une hernie discale L5-S1.

En juillet 2011 elle est opérée en urgence, et bénéficie d’une cure de hernie discale.
Les suites initiales avaient été plutôt satisfaisantes avec une récupération fonctionnelle assez
bonne, mais néanmoins persistance de troubles sensitifs et moteurs.

Un bilan IRM en mars 2012 a permis de constater une récidive herniaire postéro
latérale gauche accompagnant une fibrose inflammatoire. Une chirurgie d’arthrodèse mini
invasive unilatérale L5-S1 gauche est donc réalisée. Mais dans les mois qui suivent les
douleurs lombaires sont toujours présentent et limitent Mme P. dans beaucoup d’activités.

En septembre 2012 elle est hospitalisée à temps complet aux Capucins, pour
bénéficier d’une prise en charge de groupe par Restauration Fonctionnelle du Rachis due à
une lombalgie chronique.

 Données socio professionnelles :

Sur le plan familial, elle vit en couple et est maman d’un petit garçon de 18 mois. Elle
vit dans une maison à étage à la campagne. Au moment de la prise en charge elle ne
pratique pas de sport et a peu de loisirs. Mais avant d’être enceinte elle pratiquait la
natation synchronisée ainsi que la marche a pied.

Au niveau professionnel, elle est en arrêt maladie depuis le 8 mars 2012. Avant cela
elle terminait son doctorat en histoire, et enseignait à l’université d’Angers.

2.2 Bilan initial

Ce bilan est réalisé le 10 septembre 2012.

2.2.1 Evaluation clinique

 La douleur

Mme P., côte sa douleur sur l’échelle numérique (EN) à 7/10 le matin au réveil et à
9/10 en fin de journée. Sur une cartographie elle la localise sur la face antérieure de la
cuisse gauche. Sur la face postérieure elle est se situe en barre au niveau lombaire, dans la
fesse gauche et très localement dans le fesse droite.

A l’effort cette douleur irradie sur la face postérieure de la cuisse gauche et le soir le
trajet se prolonge jusqu’à l’hallux et le point dans la fesse droite est plus intense. Les
douleurs sont décrites d’après le questionnaire des douleurs neuropathiques DN4 comme
des sensations de brûlure, de décharge électrique, et de fourmillement.

2
Pour se soulager elle prend un traitement médicamenteux antalgique important : lyrica
300 mg matin et soir, paroxétine 20 mg le soir, ixprim 6 fois par jour et en cas de crise elle
associe ixprim et paracétamol.

D’après le questionnaire de DALLAS, les répercussions de la douleur chez Mme P. sont


très importantes puisqu’elles sont estimées à 78% sur les activités de la vie quotidienne,
85% sur le travail et les loisirs, 40% sur l’anxiété et la dépression et de 40% sur la sociabilité.

 L’examen musculaire

 Hypoextensibilité musculaire

La flexibilité lombo-pelvienne est évaluée par une distance doigt


sol (DDS). Installée sur un caisson gradué, comme sur la photo ci contre
(figure 1), elle doit descendre les mains le long de la planche le plus bas
possible en gardant les genoux tendus. La distance mesurée est de +
22cm.

Pendant ce test une grande appréhension à se pencher en avant


est remarquée. Elle demande à l’examinatrice de la sécurisée en la tenant
au cas où elle chuterait. La descente est saccadée, la patiente grimace
comme pour témoigner des douleurs qu’elle ressent.
Figure 1: Mesure DDS lors Cette évaluation n’est pas très sensible puisqu’elle ne dissocie pas
du bilan final
la mobilité rachidienne et sous pelvienne. Trois hypothèses sont donc
possibles pour expliquer ce résultat : l’appréhension du mouvement par crainte de réveiller
une douleur, une raideur au niveau du rachis ou bien de la chaîne musculaire postérieure
sous pelvienne.

Lors de la mesure de l’angle poplité, la jambe forme un angle de 10° par rapport à la
verticale, de manière bilatérale. Cette mesure montre qu’il n’y a pas d’hypoextensibilité de
la chaîne musculaire sous pelvienne. Cette hypothèse n’est donc pas retenue.

En effet dès le deuxième jour lors des exercices d’assouplissements, Mme P. fait
preuve d’une grande souplesse et demande même comment se positionner pour que les
exercices tirent d’avantage. La mesure talon fesse de 0 cm, pour quantifier
l’hypoextensibilité des muscles droits antérieurs, confirme cette souplesse.

Pour conclure, concernant la mesure de la DDS les deux hypothèses retenues sont :
une raideur au niveau du rachis et une appréhension au mouvement par peur de déclencher
une douleur. Ce test a ainsi permis d’objectiver le phénomène de kinésiophobie dont souffre
Mme P. et qui s’observe lors de tous ses déplacements et gestes. La kinésiophobie se définie
comme « une peur excessive, irrationnelle, et débilitante du mouvement et de l’activité
physique résultant d’un sentiment de vulnérabilité à une blessure douloureuse ». (4)

3
 L’endurance
L’endurance des abdominaux est testée par le test d’Ito
shirado. Installée dans cette position (figure 2) la patiente
doit tenir le plus longtemps possible. Mme P. tient 180
secondes, ce qui correspond à la durée maximale retenue au
centre. Il n’est donc pas mis en évidence un manque
d’endurance des abdominaux. La durée moyenne tenue par
un sujet sain est de 155secondes. (5)

Figure 2: Test Ito shirado

Le test de Sorensen, réalisé dans cette position (figure 3)


permet d’évaluer l’endurance des spinaux. Un déficit
d’endurance est alors retrouvé puisque la position n’est
maintenue que 41 secondes. Or la moyenne pour une
femme saine se situe à 240 secondes, c’est la valeur
maximale retenue. (6)

Figure 3: Test de Sorensen

Pour le quadriceps le test choisi est celui de « la chaise ». La


patiente doit maintenir la position (Figure 4) le plus longtemps possible,
elle atteint 16 secondes. Elle présente donc aussi un déficit d’endurance
des quadriceps.

Figure 4: Test de la chaise

 La force

La force des fléchisseurs et extenseurs du tronc n’a pas pu être évaluée faute de
matériel d’isocinétisme. La force des principaux muscles des membres inférieurs a été
évaluée selon le testing de Daniels et Worthingham, et a révélé un membre inférieur gauche
légèrement déficitaire c'est-à-dire côté globalement à 4/5 (voir annexe 1). Le membre
inférieur droit est côté à 5/5.

 Evaluation neurologique

 Bilan de la sensibilité superficielle

Mme P. est à ce jour en phase de séquelle d’un syndrome de la queue de cheval. Elle
présente encore des déficiences sensitives. Elle décrit une hypoesthésie globale du membre
inférieur gauche prédominant dans les secteurs des racines L3, L4, L5 et S1. C’est dire à la
face interne et externe de la jambe, face interne de la cuisse ainsi qu’une anesthésie de la
partie externe du pied.

4
Elle décrit également une hypoesthésie du membre inférieur droit dans les mêmes
secteurs mais de moindre intensité. La patiente ressent également une hypoesthésie des
régions génitales et annales. (7)

 Bilan de la sensibilité profonde

Aucun déficit proprioceptif n’a pu être objectivé car aucun bilan quantifié n’a été
réalisé. Néanmoins lors des premiers exercices d’antéversion rétroversion du bassin une
grande maladresse dans la réalisation du mouvement est remarquée. L’alternance des
mouvements « dos creux - dos rond » n’est pas fluide et harmonieuse. Ainsi une
problématique dans la prise de conscience du mouvement a pu être constaté et cela du à
l’association de plusieurs facteurs conjugués tels que : la kinésiophobie, la douleur ainsi
qu’un manque de retour d’information proprioceptive (non pas du à des lésions
proprioceptives mais plutôt à un sous entrainement de ce système en raison de
l’immobilisme).

2.2.2 Evaluation des capacités fonctionnelles

Cette évaluation permet d’objectiver les répercussions fonctionnelles de la lombalgie


chroniques. Répercussions qui sont à première vue très importantes chez Mme P.

A son arrivée elle marche avec une canne sur un périmètre de marche estimé à 500m
nécessitant plusieurs pauses. Depuis janvier 2012 elle a fait plusieurs chutes par « lâchage »
du membre inférieur gauche, sans explication médicale probante. Elle décrit une sensation
soudaine de faiblesse, « c’est comme si ma jambe ne pouvait plus me porter ». Depuis le
début de l’été la fréquence des chutes a augmenté à raison de 2 ou 3 par semaine.

Elle ne peut plus conduire, et supporte mal les trajets en voiture en raison des vibrations
qu’ils occasionnent. Elle a besoin d’aide pour la toilette des pieds, pour accéder à la
baignoire et pour mettre ses chaussures.

A son domicile ses possibilités sont limitées, elle ne peut pas saisir d’objets au sol ou en
hauteur. Elle ne peut donc plus faire la cuisine, le ménage, et surtout s’occuper de son fils.
Ce qui représente pour elle une préoccupation majeure.

Le test de soulever de charge, adaptation du test américain PILE (Progressive Isoinertial


Lifting Evaluation), n’est pas réalisable. Elle refuse de le faire ne se sentant pas capable de
saisir un objet au sol.

Puis la patiente est filmée sur un parcours présentant les séquences suivantes : marche,
course, demi tour, manœuvre « doigt-sol », saisie d’une gomme au sol, passage debout-
allongé au sol et l’inverse. Ce film est très représentatif du degré d’incapacité qu’elle
présente à cette date du stage. La marche est très lente, le pas n’est pas sûr et la course
n’est pas réalisable. Pour saisir la gomme la patiente utilise une prise avec ses orteils pour ne
pas se pencher. Pour descendre au sol et se relever elle est obligée de prendre appui sur sa
canne.

Afin d’évaluer les capacités cardiovasculaires, un test d’effort sur ergocycle a été
réalisé. Il a permis de déterminer une fréquence cardiaque maximale. Mme P. a atteint une
fréquence de 181 battements par minutes soit 94 % de sa fréquence maximale théorique
5
(220 – l’âge). Cette valeur sert de référence lors des séances de réadaptation à l’effort sur
ergocycle.

Ces divers éléments d’évaluation démontrent une impotence fonctionnelle qui


handicape très sérieusement Mme P. dans la réalisation de ses activités de la vie
quotidienne et remettent ainsi en question son autonomie.

Tous les mouvements actifs demandés lors de l’évaluation initiale (tels que : la séquence
vidéo, le refus d’essayer le test de port de charge, se pencher en avant lors de la mesure
distance doigt-dol ainsi que les mouvements d’antéversion et rétroversion du bassin) sont
autant d’éléments qui illustrent le degré d’impotence de Mme P. et son manque d’aisance
gestuelle. Ils permettent d’identifier une grande appréhension au mouvement, par crainte
de réveiller certaines douleurs, qui ont conduit au phénomène de kinésiophobie.

2.2.3 Evaluation psycho-socio-professionnelle

Cet élément du bilan est peut être l’un des éléments les plus importants à prendre en
compte dans ce type de pathologie lorsque l’on sait que les facteurs psycho-socio-
professionnels représentent « de meilleurs prédicteurs du risque de passage à la chronicité
que les facteurs biologiques ou biomécaniques. » (3) (8) Cette évaluation est réalisée grâce à
des autos questionnaires.

Le questionnaire de DALLAS évalue les répercussions de la douleur sur les activités de


la vie quotidienne, sur le travail et les loisirs, sur l’anxiété et la dépression ainsi que sur la
sociabilité. L’échelle H.A.D. étudie le retentissement psychologique selon deux items,
l’anxiété et la dépression notés chacun sur 21 points. Le FABQ (Fear avoidances Beliefs
Questionnaire) renseigne sur la notion d’appréhension et d’évitement concernant deux
facteurs : le travail et l’activité physique. Enfin l’IAT (Indice d’Astreinte au Travail) permet de
connaitre les difficultés que rencontre la patiente dans son travail ainsi que les différents
facteurs qui l’influencent.

Tableau I: Répercussions psycho-socio-professionnelles de Mme P. à T1

DALLAS (% H.A.D. FABQ I.A.T.


répercussions)
78% activités Score= 16/42 Score = 27/66 Score = 15
quotidiennes Niveau : faible
85% travail et loisirs A = 7/21 Facteur 1 : travail= Faible : 7 à 27
17/42
Moyen : 28 à 36

Bon : 37 à 43

Excellent : 44 à 49
40% anxiété et D = 9/21 Facteur 2 :
dépression Activité physique
=10/24
40% sociabilité

6
D’après le tableau I, la lombalgie de Mme P. entraine surtout des répercussions sur
ses activités quotidiennes, les loisirs et activités physiques ainsi que sur sa vie
professionnelle. Elle n’est pas atteinte de dépression ni d’anxiété sévère (score HAD inférieur
à 7, 40% de répercussions sur l’anxiété et la dépression d’après le DALLAS).

Sur le plan psychologique, elle est motivée et prête à faire beaucoup d’efforts pour
s’invertir dans le programme. Après entretien avec le psychologue, une obsession de
toujours mieux faire, de toujours se surpasser est remarquée. Elle s’inflige un niveau
d’exigence très élevé, et cherche à avoir le contrôle sur tout.

Selon le psychologue il s’agirait d’une carapace de protection, mise en place


inconsciemment dans un contexte familial difficile quand elle était enfant. De ce fait, il est
difficile pour elle de trouver auto- satisfaction autant dans sa vie professionnelle que
familiale. Elle a le sentiment d’être une mauvaise mère puisqu’elle ne peut s’occuper de son
fils comme elle le souhaiterait. Elle évoque souvent cette souffrance liée à son fils qui est en
bas âge.

Le psychologue relève chez elle une réelle souffrance psychologique, qui se manifeste
par un désir obsessionnel de toujours aller au-delà se ses limites, et en même temps par un
flottement décisionnel constant. Une tendance à toujours compliquer tout ce qui se passe
dans sa vie, témoin de son insatisfaction. Un exercice dont la réalisation et la compréhension
sont simples devient pour elle compliqué et pour lequel l’équipe doit la rassurer.

Ces observations sont à prendre en considération, et expliquent certains


comportements qui seront développés par la suite.

2.2.4 Souhaits et attentes de la patiente

La première synthèse a lieu le 11 septembre, toute l’équipe et tous les patients se


présentent. Chacun donne ses objectifs et attentes du stage. Mme P. souhaite « ne plus
avoir le dos qui lance », « la jambe qui flanche ». Elle désire retravailler pour retrouver une
vie sociale car elle dit se sentir « comme un lion en cage » chez elle. Elle veut repartir sans
handicap, ni douleur et garde beaucoup d’espoir d’aller mieux.

Son principal objectif est de s’occuper de son fils et de pourvoir jouer avec lui. Mais
plus que tout, sa 1ère motivation est de pouvoir le porter dans ses bras. Elle n’a jamais pu le
faire depuis qu’il est né. Elle dit « ne pas attendre de miracle » mais elle nous voit tout de
même « comme sa dernière chance ».

7
2.2.5 Situation de Mme P. par rapport au groupe

Tableau II: Données socio professionnelles et cliniques de l'ensemble du groupe

Age Profession Etiologie de la lombalgie Ancienneté

Mme P. 29 -Dernière année d’étude -Sciatique paralysante due à 18 mois


en doctorat d’histoire une HD L5-S1 et début de
syndrome de queue de
-Enseignante à cheval opéré en urgence
l’université
AT depuis mars 2012 -Puis récidive, opérée et
arthrodèse mini invasive

Mr L. 36 -Ouvrier dans une usine -Débord L3-L4, L4-L5, L5-S1, 10 mois


d’agro alimentaire sans conflit
Mme L. 39 -Assistante de vie -Non déterminée 2 ans
Mme. T. 42 -Chômage depuis 9 mois -HD L4-L5, et L5-S1 non 3 ans
opérée
Mme N. 43 -Assistante maternelle -HD L5-S1 opérée 3 ans
-AT depuis mars 2012
Mme C. 50 -Chargée de clientèle -Douleurs résiduelles, suite à 14 mois
un lumbago, d’origine non
déterminée
AT : Arrêt de travail

D’après le tableau II, Mme P. est la plus jeune du groupe et aussi la personne la plus
diplômée.

Sur la plan pathologique c’est elle qui présente le tableau le plus lourd, ayant
nécessité deux interventions chirurgicales dont une en urgence. Seule une autre personne a
bénéficié d’une chirurgie. Aucune autre personne n’a présenté des troubles neurologiques.
Au niveau de l’ancienneté des symptômes elle se situe dans la moyenne du groupe.

Tableau III: Bilan masso kinésithérapique de l'ensemble du groupe

Mme P. Mme N. Mme C. Mme L . Mme T. Mr. L.

DDS (cm) + 22 + 19 +1 +3 + 12 + 12
Shirado 180 110 54 82 81 66
(sec)
max 180s

8
Sorensen 41 86 23 86 38 76
(sec)
max 240s
PILE (Kg) 0 5 7 ,5 22,5 10 15

Capacité 0% 7% 14 ,6% 24% 11,5% 15,8%


(% du
poids du
corps)

D’après le tableau III, concernant les tests d’endurance musculaire : pour les
abdominaux elle détient le meilleur temps, pour les extenseurs elle se situe dans la moyenne
du groupe.
En revanche pour la distance doigt sol et pour le test PILE elle a obtenu les moins
bons résultats du groupe. Lors de la séquence vidéo c’est elle qui a présenté le plus de
difficulté à faire le parcours.
Globalement Mme P. est la personne du groupe qui présente les plus grandes
incapacités fonctionnelles, elle est la plus impotente.

2.3 Bilan diagnostic kinésithérapique

Mme P., âgée de 29 ans présente suite à son accouchement, un syndrome de la


queue de cheval, dû à une hernie discale à l’étage L5-S1. Cela a nécessité un recours à la
chirurgie à deux reprises pour finalement réaliser une arthrodèse de l’étage L5-S1.

Lors de son entrée aux Capucins elle se situe en phase de séquelle. Les séquelles
qu’elle garde sont : une faiblesse musculaire du membre inférieur gauche côté à 4/5 au
testing, une hypoesthésie sur les deux membres inférieurs, mais surtout des douleurs
lombaires l’ayant conduite dans l’engrenage de la lombalgie chronique.

Ces douleurs qui empoisonnent le quotidien de Mme P. l’ont contrainte à limiter tout
mouvement et activité. Ainsi progressivement cette lombalgie s’est chronicisée. Un
phénomène de kinésiophobie s’est installé ayant conduit au cercle vicieux du
déconditionnement.

Sur le plan physique elle est désadaptée à l’effort. Ce qui a été objectivé surtout par
un manque d’endurance des spinaux et des quadriceps, un manque de souplesse et de
mobilité de la région lombaire.

Au niveau psychologique elle est motivée mais manque de confiance en elle. Elle a du
mal à croire en ses capacités.

Sur le plan fonctionnel elle souffre d’une réelle impotence fonctionnelle. Son
périmètre de marche se trouve limité à 500m et nécessite une canne. Elle est dépendante

9
pour sa toilette, se chausser et ne peut faire aucun port de charge. La principale frustration
est de ne pas pouvoir s’occuper de son fils qui est en bas âge.

Toutes ces limitations d’activité entrainent de nombreuses restrictions de


participation. Mme P. est en arrêt maladie depuis 7 mois, elle ne peut plus enseigner. Elle a
été contrainte d’arrêter ses loisirs et sort beaucoup moins.
L’âge de cette patiente rend l’enjeu de sa rééducation double, autant sur le plan
professionnel que familial puisqu’elle est jeune maman.

A la vue de ce diagnostic la question qui se pose est la suivante : quels paramètres du


programme ont permis à Mme P. de retrouver une autonomie satisfaisante ; malgré une
impotence fonctionnelle majeure par rapport au reste du groupe ?

3 Le programme de Restauration fonctionnelle du Rachis

3.1 Présentation

C’est en 1985 que le docteur Tom Mayer, décrit le syndrome de déconditionnement


chez le lombalgique chronique, et propose une nouvelle approche de la lombalgie chronique
en élaborant le concept de la restauration fonctionnelle du rachis. (2) (9)

Il propose une nouvelle prise en charge qui « s’appuie sur le principe d’une rééducation
active dynamique mise en place et structurée par une équipe pluridisciplinaire ». (9) A
l’opposé des traitements conservateurs et passifs, il veut favoriser l’activité physique et
considérer d’avantage les répercussions psychologiques et sociales pour rompre le cercle du
déconditionnement.

Ce programme est mis en place après avoir évalué un syndrome de


déconditionnement, qu’il décrit comme « le syndrome caractérisant l’état chronique du
lombalgique » (9). Il résulte de la sommation de plusieurs facteurs : « immobilisation liée à la
douleur, inactivité liée à la perte de la capacité de travail ou de loisir, conséquence des
lésions des tissus mous, pièges du vécu douloureux » (9).

Toutes ces réactions en cascade aboutissent à une réduction des activités. Dominé par
la peur de réveiller ses douleurs, le patient lombalgique s’enferme dans le cercle vicieux du
déconditionnement. La diminution de ses capacités fonctionnelles compromet sa qualité de
vie.

Un nouveau regard est porté sur la lombalgie chronique, qui est considérée comme
une pathologie multifactorielle. Sont prises en comptes, et selon la même importance, les
répercussions : physiques (diminution de la souplesse et de l’endurance musculaire),
fonctionnelles (impotence dans les activités quotidiennes), psychologiques (apparition de
dépression), sociales et professionnelles (arrêt des loisirs, perte d’emploi).

Ce programme permet donc d’apporter une réponse selon un modèle biopsychosocial


qui « considère facteurs biologiques, psychologiques et sociaux sur un pied d’égalité, dans un
système de causalités complexes, multiples et circulaires ». (8)

10
D’après le bilan initial de Mme P. toutes ces répercussions ont été identifiées, ce qui
permet d’affirmer qu’elle souffre de ce type de syndrome. Pour faire face à celui-ci cette
prise en charge pluridisciplinaire est donc adaptée.

3.2 Organisation

Au centre des Capucins la prise en charge se fait sur une période de cinq semaines, à
raison de six heures par jour. Le groupe est composé de six patients, (pour celui-ci de cinq
femmes et un homme). Des bilans sont réalisés la première semaine (T1) et la dernière
semaine (T5) ainsi qu’à six mois et à un an ce qui permet d’avoir une vision de leur
progression à court, moyen et long terme.

L’équipe pluridisciplinaire est composée d’un médecin rééducateur, d’un


kinésithérapeute, d’un professeur d’activité physique adaptée, d’un ergothérapeute, d’un
psychologue ainsi que d’une diététicienne. Ce qui permet de prendre en compte
simultanément tous les volets impliqués dans cette pathologie.

Chaque semaine l’équipe se réunie pour faire une synthèse. Chacun fait part de ses
observations, de l’évolution dans le groupe de tel ou tel patient. Cela permet d’avoir une
prise en charge harmonieuse dans laquelle l’équipe de soin utilise un discours commun et
cohérent. Cette mise au point permet de réévaluer les objectifs pour chaque patient en
fonction de leur progression, et par voie de conséquence une adaptation des thérapeutes
dans leurs pratiques. Selon Donskoff C. « l’existence d’une bonne communication entre les
membres de l’équipe conditionne la bonne réussite du programme ». (1)

Les patients sont présents aux synthèses, tous ensembles, la première et la dernière
semaine, et individuellement à mi parcours. Lors de la première synthèse tous les patients se
présentent et annoncent leurs souhaits, attentes et objectifs du stage. Celle de mi parcours
est faite individuellement, ce qui laisse pour certaines personnes la possibilité de s’exprimer
plus librement. Enfin la dernière réunion donne l’occasion de visionner les vidéos réalisées
par l’ergothérapeute et donc de faire la comparaison avant-après ce qui apporte une vision
réelle et concrète sur la progression de tous les patients.

Ces synthèses ont été primordiales pour le cas de Mme P. A la vue de ses progrès si
fulgurants et rapides, toute l’équipe s’est interrogée. Elle s’est accordée pour dire que si les
progrès ont été si rapides c’est parce que le principal frein de Mme P. était son manque de
confiance en elle. Or dans ce contexte où elle était encadrée au quotidien, par une équipe de
professionnel de santé, ainsi que par les autres patients, elle s’est sentie écoutée, en
confiance. Ce qui lui a permis de reprendre très rapidement confiance en elle.

Mais un problème s’est alors posé : la patiente adoptait une attitude trop thérapeute
dépendante, elle se refusait d’écouter son corps et considérait que c’était aux soignants de
lui donner des normes, des limites. Elle ne voulait pas prendre cette responsabilité. Il a donc
fallu que l’équipe s’accorde et poursuive sa prise en charge selon une même logique de
responsabilisation de la patiente.

11
3.3 Objectifs

Le reconditionnement à l’effort, le retour à l’emploi et l’autonomisation sont les


principaux objectifs de ce type de programme. Mais ils doivent s’associer à une amélioration
sur le plan psychique, sociale et fonctionnelle dans le but de restaurer une certaine qualité
de vie.

Par conséquent les principaux objectifs masso kinésithérapiques qui en découlent sont :

 Amélioration des paramètres physiques déficitaires (flexibilité, force, endurance


coordination) afin de lutter contre le syndrome de déconditionnement.

 Lutter contre certaines croyances ou représentations qui peuvent être un frein à la


rééducation.

 Apporter des outils permettant une meilleure auto gestion de ses symptômes, pour
favoriser l’autonomie du patient.

 Retrouver des capacités fonctionnelles permettant de faire face aux activités de la vie
quotidiennes, de pratiquer un loisir, une activité physique et des sorties
indispensables pour renouer des liens sociaux.

 Encourager et accompagner le patient dans son projet d’avenir.

3.4 Principes

Pour répondre à cela il faut néanmoins respecter certains principes qui conditionnent
également le succès du programme :

 Responsabiliser le patient pour qu’il devienne acteur de sa prise en charge (9). Ce


principe est indispensable dans le cadre d’une pathologie chronique où le patient
doit pérenniser les acquis pour apprendre à gérer, à vivre avec sa pathologie toute sa
vie.

Pour Mme P ce principe n’a pas été facile à mettre en place dans la mesure où elle
adoptait une attitude passive et se déchargeait beaucoup sur les soignants. Il a donc fallu
sans cesse la recadrer pour favoriser son autonomie.

 Progresser par contrat, que le patient s’engage à respecter. Par cette signature il
admet avoir pris conscience de l’objectif du stage : reconditionnement à l’effort au
cours duquel « la douleur n’est pas ici considérée comme le facteur limitant du
programme, et chaque série d’exercices doit être menée à son terme indépendamment
de la douleur » (10). Il est capital que le patient comprenne que l’objectif n’est pas une
diminution de la douleur mais une meilleure gestion de celle-ci pour réussir à exécuter
les activités quotidiennes

12
Les propos des thérapeutes doivent être clairs et précis dès le premier jour pour ne
laisser planer aucune ambigüité. Bien que cela leur soit déjà expliqué avant l’intégration
au programme, beaucoup arrivent le 1er jour avec l’espoir de voir disparaitre leur douleur.
Comme cité précédemment la patiente exprime à la première synthèse « ce que je
souhaite c’est ne plus avoir mal ».

 Dédramatiser la douleur, rassurer et valoriser le patient lors de ses progrès. (10).

 Etre attentif aux termes employés afin de ne pas réveiller de phénomènes


kinésiophobiques.

La patiente a tendance « à boire » les paroles de l’équipe médicale qui dispose des
connaissances scientifiques. Bien que cela évolue grâce à la modernisation, et
notamment internet, Mme P. reste encore très largement influencée par le discours de
chaque membre de l’équipe. Disposant d’un niveau intellectuel relativement élevé, elle
était très attentive aux termes employés et cherchait bien souvent à les analyser.

 Prendre en compte le patient dans sa globalité, et non pas seulement sur le plan
physique.

En effet la patiente se présente à son arrivée avec un syndrome de


déconditionnement à l’effort certes mais également avec un certains nombres d’affects.
Des difficultés professionnelles (arrêt de travail) et familiales (s’occuper de son fils,
fatigue de son conjoint qui doit souvent prendre le relai et s’occuper d’elle). C’est dans
cette vision globale qu’il faudra la considérer et la prendre en charge, et non comme
« un dos douloureux ».

 Ajuster, contrôler et corriger la réalisation des exercices pour qu’ils soient réalisés le
plus correctement possible. La patiente pourra ainsi les refaire correctement chez
elle, pour maintenir à long terme les progrès obtenus. Tout en faisant attention de ne
pas trop individualiser la prise en charge qui doit rester collective.

L’atteinte de ces objectifs et le respect de ces principes ne sont ni anodins ni purement


théoriques puisqu’après analyse pour Mme P., ils ont contribués à l’amélioration de ses
résultats.

3.5 Inclusion et exclusion

Face aux coûts occasionnés par ce type de traitement la sélection doit être précise et
rigoureuse (2) . Une première phase d’inclusion est donc réalisée lors d’une consultation
multi professionnelle.

Elle permet de s’assurer que les personnes sélectionnées sont bien « des patients
lombalgiques chroniques déconditionnés en situation de handicap avec retentissement
professionnel et pour lesquels les différents traitements se sont révélés inefficaces » (1) .

Suite à cette première consultation et après s’être assuré qu’elle présentait bien
tous les facteurs d’inclusions, Mme P. a donc été retenue pour participer au programme. Les

13
facteurs d’inclusion retenus aux CRRF d’Angers sont les suivant : être atteint d’une lombalgie
ou lomboradiculalgie commune chronique (c’est-à-dire d’évolution supérieure 3 mois), être
en situation d’échec des traitements médicaux conventionnels voire chirurgicaux et en
difficulté professionnelle (arrêt de travail prolongé) du fait de la pathologie.

Elle a également pu intégrée le programme car elle ne présentait aucune des contre
indications suivantes (11): une lombalgie spécifique (c'est-à-dire sans rapport avec une
tumeur, une infection ou une maladie inflammatoire), une chirurgie de moins de 4 mois, un
canal lombaire étroit, un spondylolisthésis évolutif, une radiculalgie par épidurite
caractérisée, une pathologie respiratoire ou cardiaque, une pathologie psychiatrique
incompatible avec une dynamique de groupe, l’absence de motivation et de la
compréhension de la finalité du programme ,le refus de participer et enfin « la recherche de
bénéfices secondaires dont l’implication avérée du patient dans une démarche de mise en
invalidité » (1) .

Le choix d’inclusion des patients pour ce programme est un préalable indispensable. Il


permet d’être sûr que ceux qui en bénéficieront correspondent au profil pour lequel le
programme fut conçu. Il représente peut être même le premier facteur de prédictif de
réussite.

4 Facteurs de chronicité et facteurs prédictifs de réussite

4.1 Facteurs de chronicité

Selon, l’HAS (12) la lombalgie est considérée comme chronique après une évolution de
plus de trois mois. Selon la littérature environ 8 à 10% des lombalgies se chronicisent (3) or
cette minorité est responsable de la majorité des coûts, d’où l’intérêt d’identifier et évaluer
les facteurs de passage à la chronicité.

Le but de la démarche au travers cette sous partie est d’analyser le cas de Mme P. pour
savoir quels étaient les facteurs qui l’ont faite basculer dans la chronicité. Et si leur présence
laissait supposer une moins bonne réussite du programme.

D’après Nguyen et al. « Le poids des facteurs psychosociaux et des facteurs


environnementaux sont plus importants que le poids des facteurs physiques et mécaniques ».
(3) Ainsi sont identifiés six principaux facteurs de chronicité. Les trois premiers ont un fort
niveau de preuve. Ils sont clairement retrouvés dans le cas de cette patiente. Les trois
derniers sont moins nets et ont un niveau moindre de preuve (3).

 L’antécédent de la lombalgie (sévérité, douleur, durée, incapacité fonctionnelle,


sciatique…)

Les antécédents de sa lombalgie sont importants. Ils durent depuis 18 mois, et ont
présenté un certain degré de sévérité ayant conduit à une urgence chirurgicale.

14
 L’insatisfaction au travail

Son activité professionnelle consiste à faire des recherches pour terminer sa thèse en
histoire, donner des cours d’histoire à l’université d’Angers ainsi qu’un travail d’archives au
centre des fonds anciens à Poitiers.

Au début du programme la patiente a rempli un questionnaire précis concernant son


travail. L’analyse de celui-ci permet, de mettre en évidence les points positifs et négatifs de
son activité professionnelle (voir annexe 2). En résumé elle pense que ses douleurs sont liées
au port de charges, aux postures et aux conditions de travail.

De plus elle ne sait pas si elle va terminer sa thèse. Elle prévoit de changer d’activité sans
vraiment savoir vers quoi se rediriger. Paradoxalement elle dit que son travail lui plait. On
retrouve ici « le flottement décisionnel » cité par le psychologue, témoin de la personnalité
ambigüe et complexe de Mme P. Bien que de nombreux risques d’insatisfaction au travail
soient écartés, tous les autres éléments amènent à penser qu’elle est insatisfaite sur le plan
professionnel.

 Le mauvais état général de santé ressenti :

Est bien retrouvé puisqu’ à la question « dans l’ensemble, pensez vous que votre santé
est : » elle a coché la réponse « Médiocre ».

 Les facteurs socioprofessionnels (statut, salaire, contact social)

Bien qu’elle ait un statut social relativement élevé (niveau doctorat), l’arrêt de ses
activités, de ses loisirs et la diminution de ses sorties avec ses proches ont fragilisés ses liens
sociaux. Cet isolement est d’ailleurs très mal vécu, Mme P. ne supporte pas de rester seule
chez elle, elle se sent « comme un lion en cage ».

 Les facteurs psychologiques (statut psychologique et dépression)

Même si elle ne souffre pas de dépression avérée, son score au questionnaire HAD est
tout de même de 16/42. Il témoigne d’une certaine souffrance psychique, clairement
reconnue par le psychologue, qu’il ne faut pas négliger.

 L’intensité et l’activité physique au travail

En conclusion même si certains éléments auraient laissés penser que Mme P. n’était pas
menacée pas la chronicité (statut, conditions de travail…) les trois premiers facteurs
identifiés, prouvent le contraire et l’ont faite basculer dans la chronicité.

Ces facteurs permettent de se rendre compte que la lombalgie chronique ne se limite


pas à un problème de dos. Mais au contraire elle est l’expression de nombreux facteurs tous
étroitement intriqués dont il faut prendre connaissance pour connaître au mieux le patient
et ainsi pouvoir le considérer dans sa globalité. Plus le soignant connait son patient plus il
est en mesure de lui apporter une aide appropriée.

15
4.2 Facteurs prédictifs de réussite (13) (11)

Plusieurs études ont tenté de déterminer des facteurs prédictifs de réussite après
reconditionnement à l’effort au sein d’un programme de RFR. Le principal critère d’efficacité
retenu est le retour et le maintien à l’emploi. N’ayant pu suivre Mme P. que jusqu’à la fin du
programme, il n’est pas possible de s’appuyer sur ce critère pour juger de l’efficacité de son
stage. Cependant une analyse des facteurs prédictifs de retour à l’emploi peut en donner
une idée.

 Facteurs démographiques :

L’âge est un facteur discuté selon les études. Dans une étude menée dans les pays de la
Loire en 2004 (11) « la présence au travail 12 mois après le stage de reconditionnement ne
diffère pas selon l’âge ». Alors que selon Bendix dans l’étude menée à Kerpape l’âge jeune
serait un facteur favorisant la reprise du travail. Frederickson va plus loin et considère que
« 55% des sujets de moins de 50 ans reprennent leurs activités » alors que « 33% des plus de
50 ans le font ». Le jeune âge de Mme P. (29 ans) semble être un facteur positif.

 Facteurs professionnels :

Les secteurs les plus touchés ne concernent pas celui de Mme P. Il s’agit du bâtiment,
des transports, de l’agriculture et de la pêche. Un autre point positif est retrouvé : pour
Frederickson le niveau intellectuel ainsi que la nature de l’activité professionnelle
représentent des bons indicateurs de reprise. Cependant il a été montré qu’une durée
d’arrêt de travail supérieur à 6 mois l’année avant le stage diminuerait de vingt fois les
chances de reprise. Or Mme P. entame son septième mois d’arrêt maladie.

 Facteurs cliniques :

Sur ce point les études s’accordent. Bien qu’une amélioration des paramètres physiques
ainsi qu’une baisse de la douleur soient quasiment constantes à l’issue de ce type de
programme. Elles ne sont pas corrélées à une amélioration de la reprise du travail. Donc bien
qu’elle ait obtenue de meilleurs résultats sur ces deux points, cela ne signifie pas qu’elle a
plus de chance de reprendre son travail.

 Consommation médicamenteuse :

Bien que ce critère d’efficacité soit surtout pris en compte dans les études anglo-
saxonnes il est important de le noter. Il est le témoin d’une meilleure auto gestion de la
douleur. Il concerne la patiente puisque sa consommation d’ixprim est passée de six par jour
à zéro ou deux.

 Qualité de vie :

La présence au travail semble être corrélée au score du DALLAS. Elle « est plus faible en
cas de score de Dallas supérieur à la médiane au début et en fin de stage. » Pour Mme P. son
score est bien supérieur à la médiane au début du stage (moyenne 60%) mais il passe bien
en dessous au bout de cinq semaines pour atteindre une moyenne de 30%. Cet élément est
donc encourageant quant à son retour dans la vie professionnelle.

16
 Se sentir capable de travailler à T5 :

Le fait de se sentir capable de travailler au bout des cinq semaines de protocole, est lié à
une meilleure reprise du travail. Cette autoévaluation des capacités à retravailler reflèterait
l’autosatisfaction du lombalgique au travail. La réponse de Mme P. ne permet pas de
trancher franchement, elle a répondu « plus ou moins oui mais en ce qui concerne mon
ancien travail, je ne me sens pas capable de le reprendre à plein temps. » Pour ce facteur
l’efficacité du programme reste donc mitigée, et on retrouve bien son insatisfaction
professionnelle.

Bien qu’un certain nombre de facteurs de chronicité aient été identifiés, Mme P.
présente de nombreux facteurs prédictifs de réussite au programme, c'est-à-dire de retour à
l’emploi. Même si ces éléments ne sont par définition que prédictifs et ne permettent pas de
savoir avec certitude si elle reprendra son travail, ils sont néanmoins encourageants.

Ces données sont en accord avec celles de la littérature. Tous les auteurs s’accordent sur
l’efficacité de ce type de programme, qui permet d’obtenir de très bons résultats quant à la
reprise du travail. Les taux de reprise allant selon différentes études de 66 à 88% avec un
recul moyen de 10 mois. (14)

De plus à long terme, en règle générale il semblerait que les paramètres physiques
chutent plus vite que les paramètres de qualité de vie. Ce qui amène à penser que le second
objectif recherché au travers ces programmes soit également obtenu. Les patients ont
acquis une meilleure auto gestion de leurs symptômes et cela grâce au principe d’auto
rééducation prôné.

5 Prise en charge rééducative

5.1 Les assouplissements

Réalisés tous les jours à raison de 1 heure et demie par jour, les assouplissements
concernent l’ensemble du corps (voir annexe 3 et 4). Mais une plus grande importance, est
accordée aux muscles sous pelviens ayant une insertion sur le bassin tel que : les ischios
jambiers, les fessiers, toute la chaîne musculaire postérieure sous pelvienne dans son
ensemble, les piriformes, les droits antérieurs ainsi que les adducteurs. Des
assouplissements du rachis, et des membres supérieurs sont aussi réalisés pour retrouver
une mobilité « oubliée ».

5.2 Le renforcement musculaire

Tous les jours des exercices de renforcement musculaire sont proposés aux patients.
Lors des séances de kinésithérapie ils visent essentiellement les abdominaux (muscles
transverses, grands droits, et obliques) ainsi que les spinaux (voir annexe 5). Les exercices
sont réalisés majoritairement de manière statique, de façon à ne pas créer de

17
microtraumatismes répétés. Des exercices d’auto grandissements contribuent aussi au
renforcement des spinaux.

Les séances d’activités physiques adaptées et d’ergothérapies contribuent également à


ce renforcement global du corps. Les exercices sont très diversifiés : musculation des
membres supérieurs et inférieurs sur machines (presse, rameur), jeux de badminton, de
basket ball… mais aussi port de charge.

5.3 Balnéothérapie

Une heure par semaine, une séance de balnéothérapie est programmée avec le
kinésithérapeute. Elle permet de proposer d’autres exercices de renforcement, dans un
autre contexte : contre la poussée d’Archimède. L’eau chaude apporte également ses effets
relaxants.

5.4 Réentrainement à l’effort

Deux séances par semaine d’ergocycle sont planifiées. Une fréquence cardiaque (FC)
maximale est déterminée lors d’un test d’effort avant le début du programme. Les séances
se font la première semaine à 60% de la FC maximale, puis progressivement l’intensité de
l’exercice est augmentée. La dernière semaine le but est d’atteindre 80% de la FC maximale.
La durée augmente aussi passant de vingt cinq minutes à une heure à la fin du stage.

A la fin de chaque semaine, les patients choisissent de faire soit une heure de marche
nordique, soit une heure de course à pied en extérieure. Cette séance est encadrée par le
kinésithérapeute ainsi que par le professeur d’activité physique adaptée.

5.5 Relaxation

Pour « apprendre à lâcher prise » et contrôler ses facteurs de stress, une heure par
semaine de relaxation est proposée. Basée sur le contrôle de la respiration, et la
concentration de la perception du corps, cette séance apporte un moment de détente et de
bien être au groupe.

5.6 Proprioception : lutte contre l’appréhension du mouvement & amélioration


de l’aisance gestuelle

Lors du bilan initial, le manque d’aisance gestuelle et de fluidité du mouvement ont


été fortement mis en évidence par les différents tests. Cette partie de la rééducation est
donc plus détaillée, car ce sont plus particulièrement ces exercices qui ont permis à Mme P.
de progresser.

5.6.1 Qu’est ce que la proprioception ?

La proprioception autrement appelée sensibilité profonde, possède un rôle


fondamental. Elle « permet la connaissance des parties du corps, de leur position et de leur

18
mouvement dans l’espace, sans que l’individu ait besoin de les vérifier avec les yeux » (15)
Sherrington lui va plus loin et parle « d’un sens caché… sans lequel nous perdrions le sens de
nous même ».Cette réflexion montre l’importante qu’occupe cette fonction. Elle permet de
nous situer dans l’espace, et d’avoir une perception de notre corps dans l’espace.

L’information proprioceptive est captée par des récepteurs mécaniques appelés


propriocepteurs. Ils se trouvent dans divers endroits du corps : les muscles, les articulations,
les tendons… Chacun possède sa spécificité, certains sont sensibles à l’étirement, d’autres à
la tension… Puis ces informations cheminent par l’intermédiaire de voies sensitives
ascendantes, jusqu’au cerveau (système neuro musculaire) où elles sont traitées. Enfin ce
système neuro musculaire ajuste la réponse pour qu’un schéma moteur adapté se mette en
place.

5.6.2 Pourquoi utiliser la proprioception dans la lombalgie chronique ?

Dans le cadre d’atteintes rhumatologiques dégénératives telle que la lombalgie


chronique, la douleur entraine progressivement une immobilisation, de la zone douloureuse.
Mais ce phénomène d’exclusion au fil du temps va devenir inconscient. Donc le corps pour
se protéger ajuste sa posture.

Mais cet ajustement postural qui s’accompagne d’une inhibition motrice n’est pas sans
conséquence. D’une part le système neuro musculaire chargé d’intégrer les données
proprioceptives et d’assurer « le juste compromis entre les besoins de stabilité, de force et de
mobilité » (16) est privé d’information. Les délais de réponses motrices d’ajustement sont
donc augmentés. Ce qui explique la maladresse de Mme P., pour faire les mouvements de
bascule du bassin.

D’autre part cette inhibition motrice aboutie à une modification histologique, avec une
conversion des fibres de type I en fibre de type II (16) (17). Ce qui explique le manque
d’endurance des muscles de la zone immobilisée, notamment des spinaux comme c’est le
cas chez Mme P.

Un autre fait rend pertinent la rééducation proprioceptive : dans une étude où les
auteurs ont cherché un validé un test d’évaluation de proprioception au niveau lombal, il a
été montré « qu’un exercice de fatigue des muscles extenseurs du rachis altère le sens de la
position de la colonne lombale dans le plan sagittal » (18). Or des exercices de renforcement
sont réalisés chaque jour d’où une source de fatigue.

La rééducation proprioceptive prend donc sens dans le cadre de cette prise en charge.
Elle est d’ailleurs recommandée selon l’HAS qui préconise « des exercices proprioceptifs
lombaires à visée de rééducation neuromusculaire ». (18)

En fait dans ce type d’atteinte : « douleur, affaiblissement musculaire et perturbations


des schémas moteurs s’auto entretiennent » (16). Le risque à terme et dans lequel Mme P.
est tombée est celui de la phobie du mouvement autrement appelé kinésiophobie. A ce
stade il est donc indispensable de lever cette appréhension du mouvement en redonnant
goût au mouvement par le mouvement !

19
5.6.3 Quelles mises en application ?

Les exercices sont ciblés essentiellement sur la mobilité du bassin et par voie de
conséquence sur la mobilité de la région lombaire. Ainsi que sur la stabilisation de la position
neutre physiologique par renforcement.

 Prise de conscience de son corps : Sentir

La première étape consiste à décrire aux patients avec des mots simples et à l’aide d’un
schéma les deux os iliaques, et où ils se situaient dans le corps. Des repères anatomiques
palpatoires simples sont donnés : épines iliaques antérieurs, postérieurs et les crêtes
iliaques. Les patients doivent palper ses éléments sur leur corps, pour se le réapproprier, et
améliorer leur perception.

Toujours dans la même démarche de prise de conscience corporelle mais aussi d’auto
prise en charge, deux techniques d’auto massage sont apprises aux patients. Des pressions
circulaires autour des épines iliaques postérieurs, permettent de masser les ligaments sacro
iliaques postérieurs. Bien souvent des adhérences de la peau par rapport au plan sous jacent
sont retrouvées au niveau lombaire. Un palpé roulé lombaire permet de les libérer et de
favoriser ainsi la mobilité de cette zone.

Les étirements ont également aidé les patients à améliorer la perception de leur corps.
Certains ont le double intérêt de travailler la souplesse mais aussi de faire ressentir
l’influence du mouvement des membres sur la position du rachis. Comme par exemple
l’étirement du muscle droit antérieur en position debout, qui entraine le rachis lombaire en
hyper lordose. Compensation qui doit être comblée par une légère flexion de la jambe
d’appui ainsi qu’un maintien du rachis lombaire en position neutre, par contraction des
fessiers et rétroversion du bassin.

 Prise de conscience de la bascule du bassin : Agir

La bascule en rétroversion (Figure 6), et en antéversion (Figure 5) est d’abord travaillée


en position quatre pattes, avec l’exercice « dos rond- dos creux. » La consigne est la
suivante : « inspirez par nez, relevez la tête et creusez la bas du dos ». Puis « soufflez par la
bouche, relâchez la tête et arrondissez le bas du dos ». La démonstration pratique par le
kinésithérapeute est nécessaire pour que la patiente comprenne l’exercice. Pour Mme P. cet
exercice n’a pas été facile à mettre en place, il a demandé apprentissage et répétition avant
d’être réalisé correctement et de manière harmonieuse.

Figure 5: Exercice d'antéversion du bassin:


Figure 6: Exercice de rétroversion du bassin:
« Dos creux »
« Dos rond »

20
Une fois que la bascule est acquise dans cette position, elle est travaillée en position
assise sur un ballon de Klein puis en position debout. Dans ces deux positions il est conseillé
de poser les mains sur les crêtes iliaques pour faciliter la perception du mouvement.

Cet exercice permet de répondre à plusieurs objectifs. Il aide à percevoir la mobilité


du bassin, ce qui est souvent inconnue, ou inconscient chez les patients. La répétition
permet un gain de mobilité au niveau lombaire, et l’assouplissement des plans musculaires
antérieurs et postérieurs du tronc. Enfin il favorise l’apprentissage de la position neutre de
lordose physiologique, située à l’intermédiaire de ces deux positions extrêmes. Or ce
placement dans l’espace est difficile pour Mme P. pour les raisons vues précédemment.

 Renforcement en position neutre physiologique :

Le système passif de stabilisation lombaire est constitué des vertèbres, disques,


ligaments et capsule. D’une part il possède un rôle limité de stabilisation en position neutre
(17) . Mais en plus il est bien souvent source de lésion comme c’est le cas chez Mme P., chez
qui on retrouve une atteinte discale.

Pour pallier à cela il faut donc développer la stabilisation grâce au système actif. Il est
composé des muscles et tendons. Les principaux muscles stabilisateurs retenus sont : le
multifidus, le transverse de l’abdomen, les érecteurs du rachis, le carré des lombes ainsi que
le psoas. (16) (17) Une fois que la patiente a intégré la position neutre de lordose
physiologique grâce à l’exercice « dos rond- dos creux », l’objectif est de renforcer les
muscles stabilisateurs dans cette position (Figure 7 et 8). Ces exercices ont prouvé leurs
bénéfices. Des études ont montré qu’ils permettaient d’obtenir des résultats positifs en
rapport avec la douleur et les répercussions fonctionnelles (17).

Figure 7: Exercice de stabilisation Figure 8: Exercice de stabilisation


lombaire en appui bipodal lombaire en appui unipodal

Puis progressivement, le but est d’automatiser cette cocontraction dans d’autres exercices
plus complexes et surtout plus fonctionnels. La répétition d’exercices à type de tâches
orientées tel que le PILE ont favorisé cette automatisation (16) (17).

 Entrainement des schémas moteurs : Réagir

Des exercices de déstabilisations, ont été faits en fin de rééducation. Ils favorisent un
meilleur ajustement du système neuro musculaire, grâce à l’anticipation.

21
En progression, les déstabilisations sont d’abord intrinsèques (Figure 9). Puis
extrinsèques (Figure 10) premièrement prévenues puis non prévenues. Et enfin elles sont
intrinsèques et extrinsèques non prévenues (Figure 11).

Figure 9:Déstabilisations Figure 10: Déstabilisations Figure 11: Déstabilisations


intrinsèques: mouvements des extrinsèques: poussées du intrinsèques et extrinsèques
membres inférieurs thérapeute sur le ballon de
directions variées

Les sollicitations prévues permettent la mise en place d’ajustement selon un mode


anticipé. (19) Ce mécanisme fait appelle à la « trace mnésique dans l’action qui permet la
sélection et l’initiation de la réponse motrice » (15). Alors que pour les sollicitations
imprévues, au départ les réponses ne sont pas toujours en phase. Mais grâce à la répétition
elles deviennent de plus en plus adaptées (19). Ce qui souligne l’importance de la répétition
via l’entrainement.

6 Lutter contre certaines croyances et représentations

Les croyances et représentations de chacun en rapport avec sa pathologie, ne sont


pas la cause des douleurs et des incapacités. Néanmoins les stratégies d’évitement qu’elles
entrainent peuvent alimenter le cercle vicieux du déconditionnement, et influencer les
résultats des traitements (8). C’est pourquoi il a fallu identifier et combattre celles qui
pouvaient être un frein à la rééducation de Mme P.

Paradoxalement les patients douloureux utilisent des stratégies d’évitement, d’hyper


vigilance pour se protéger. Mais à long terme elles sont responsables de dysfonctionnement
et de handicap.

Le questionnaire FABQ permet d’évaluer la notion d’appréhension et d’évitement


selon deux facteurs : le travail et l’activité physique. Bien que Mme P. ait un score sous la
médiane pour chaque facteur, certaines réponses peuvent expliquer en partie sa réduction
d’activité. Elle est en accord total avec les affirmations suivantes : « l’activité physique
aggrave ma douleur » et « mon travail augmente ou pourrait augmenter mes douleurs ».

22
Cela peut s’expliquer en partie par l’intensité de la douleur évaluée à 9/10 lors du
bilan initial. Au début la douleur constitue un signal d’alarme, mais progressivement et
involontairement se développe une véritable peur de la douleur. Or « la peur de la douleur
peut être plus handicapante que la douleur elle-même : elle est l’un des plus puissants
prédicteurs tant de la performance physique que de la perception subjective du handicap ».
Ce phénomène peut expliquer en partie l’installation de la kinésiophobie (20).

Un phénomène d’anticipation de la douleur se met en place, comme l’explique


l’exemple de l’effet placebo. Cette anticipation est en partie liée avec la sommation
temporelle, comme le démontre l’étude de Valet et al. (21) Des sujets sont soumis à une
même stimulation nociceptive pendant douze jours. Mais au douzième jour, la douleur
perçue est plus forte. Donc la mémoire de l’expérience douloureuse conditionne sa
perception.

Pour faire face à cela, le moyen utilisé fut de dédramatiser la douleur pendant les
séances. Ainsi progressivement l’intensité des exercices a pu être augmentée. Régulièrement
les patients avouent qu’ils ne se seraient jamais crus capable de faire tel ou tel exercice. Cela
a permis de démontrer que l’exercice physique ne renforce pas la lombalgie (22). Le rôle de
l’équipe est aussi de valoriser les patients et de les aider à prendre conscience de leurs
capacités, en faisant remarquer les progrès. L’information est aussi primordiale. Le
kinésithérapeute a son rôle à jouer. Il faut expliquer pourquoi tel exercice fait mal à tel
endroit, et qu’il existe aussi « les bonnes douleurs, par exemple celles liées à des
courbatures » (23).

Donc la chronicité, l’intensité des symptômes, ainsi que le contexte anxieux


conditionne la perception douloureuse de Mme P. Cependant il faut rester vigilant et le fait
de s’intéresser à la dimension psychologique de la douleur « n’implique en aucun cas la
négation des facteurs somatiques » (20).

Outre la douleur d’autres persuasions conforte Mme P. dans l’idée de bouger le


moins possible. Selon elle tous ses problèmes de dos sont liés à son accouchement, dus à
des poussées trop fortes. Partant de ce fait toutes sollicitations musculaires trop fortes
pourraient être nuisibles. Il a donc fallu l’aider à comprendre que cela était faux. Et qu’au
contraire, l’amélioration de son état de santé ne se ferait pas sans passer par cette phase de
renforcement et d’exercices actifs.

A cela s’ajoute la représentation de Mme P. concernant son arthrodèse. Elle s’est


confortée dans l’idée, que c’était à cause de cela qu’elle ne pouvait plus bouger son dos. Là
encore c’est grâce à l’information, et à ses progrès physiques qu’elle a pris conscience que
cette représentation était démesurée.

Concrètement les représentations erronées et le phénomène anticipatoire de la douleur


ont été combattus grâce à la réassurance, à l’éducation du patient ainsi qu’à l’activité
physique.

23
Ainsi au fil des séances, les peurs et croyances de Mme P. se sont modifiées. Elle a repris
confiance en elle et en ses possibilités comme en témoigne le score FABQ à la fin du stage
(voir tableau IV). Le programme à donc permis une diminution des peurs croyances et
conduites d’évitement concernant ses activités physiques (ce qui est conforme avec les
données de la littérature), ainsi que pour les activités professionnelles (sur ce point les
données de la littérature semblent plus controversées) (24) .

7 Le groupe (25)

Le but de cette partie est de démontrer l’importance que les séances se soient faites
collectivement. Cet aspect de la rééducation est l’un des éléments clés de la prise en charge,
ayant permis à Mme P. de progresser, et s’auto gérer.

7.1 Apport du groupe

Les intérêts de la prise en charge en groupe sont nombreux. Elle aide à se rendre
compte que les autres membres du groupe partagent les mêmes difficultés que soit, permet
de relativiser et de dédramatiser sa propre situation. Les complexes sont mis de côtés. Petit
à petit les patients ont appris à se connaitre, ils ont sympathisé ce qui a permis à chacun de
reprendre doucement confiance en soi et en ses possibilités. La convivialité, le soutien et
l’entraide permettent à chacun de se sentir revaloriser, ce qui est essentiel dans ce contexte
chronique où les patients acquièrent une mauvaise image d’eux même au fil du temps. Le
groupe aide aussi à rompre l’isolement, dans lequel les patients s’enferment.

7.2 Régulation du groupe

Dès le 1er jour du programme le groupe adopte un comportement très protecteur vis-à-
vis de Mme P. Le jeune âge de la patiente et le fait qu’elle soit la personne la plus en
difficulté ont spontanément entrainé une surprotection. Elle se retrouvait très « maternée ».
Tous étaient constamment auprès d’elle au cas où elle chute. Lors de la 1ère synthèse le
groupe reconnait, relativiser leur problème à la vue des autres et surtout face aux difficultés
de Mme P. La dynamique du groupe va donc prendre une tournure particulière.

Mais la dynamique qui opère au sein d’un groupe est fondamentale pour le
fonctionnement de celui-ci, car elle est en fait son moteur de fonctionnement. Les groupes
sont en fait « des ensembles dynamiques qui résultent des interactions entre leurs
membres », d’où l’importance d’analyser les premières interactions de maternassions qui
ont été mise en place, puisqu’elles ne sont pas sans conséquences pour la prise en charge.

Au fil des jours, les traits de caractères et de personnalité de chacun se dessinent. Mme
P. adopte une attitude très scolaire. Elle se fixe un niveau d’exigence très élevé, et est très
perfectionniste pendant les exercices. Elle veut en faire toujours plus, toujours mieux. Elle
pose beaucoup de questions.

24
Même si au bout de deux semaines la progression du groupe se dessine celle de Mme P.
est fulgurante. Certains éléments permettent de l’objectiver : elle est sortie en ville seule
sans sa canne alors que deux semaines auparavant elle passait ses journées au lit. Elle met
ses chaussettes et ses chaussures toute seule ce qui est pour elle un réel repère
d’amélioration. Tous ses mouvements sont devenus plus sûrs.

Cela pourrait être positif et le témoin d’une forte motivation. En réalité la progression
est tellement fulgurante qu’elle amène l’équipe à se questionner. La conclusion qui est tirée
est que Mme P. manque en fait excessivement de confiance en soi, d’où toutes ses
questions. Et finalement la présence du groupe, de l’équipe pour s’occuper d’elle du matin
au soir lui ont permis de croire en elle.

Elle ne sait pas s’écouter et se fixer ses propres limites. Par conséquent elle a besoin de
beaucoup d’attention de la part des soignants. Il faut sans cesse venir contrôler ses
positions. Ses questions excessives canalisent le temps et l’attention des soignants. Sachant
qu’elle ne s’écoute pas il est difficile de savoir si l’intensité des exercices peut être
augmentée. Le risque reste la chute. Selon le médecin de l’équipe, cette évolution est
positive, mais il faut rester vigilant, car le risque à craindre est l’épuisement en fin de stage.

Les attitudes individuelles au sein du groupe ont une incidence sur la dynamique de
celui ci. Elles « conditionnent les réactions des personnes ». Après deux semaines de suivi un
malaise s’est installé, le groupe exprime son mécontentement. L’attitude de Mme P. agace,
énerve faisant apparaitre des tensions. Ils lui reprochent de trop capter l’attention, et ont le
sentiment d’être délaissés. Même si ses demandes excessives ont été relevées, les
conséquences sur le groupe n’étaient pas mesurées à leur juste valeur.

Il a donc fallu adopter certains changements pour réguler les relations. Les conflits font
partie de la vie des groupes, mais « il faut savoir les appréhender objectivement pour savoir
les dépasser ». C’est alors qu’entre en jeux les capacités de communication et relationnelles
relatives au métier de kinésithérapeute. Toute l’équipe s’accorde pour insister sur
l’autonomisation de Mme P. Elle doit comprendre qu’elle n’est pas seule dans le groupe et
que les soignants ne peuvent pas s’occuper que d’elle.

Il est décidé de la recadrer afin de la responsabiliser au maximum. Il est indispensable


qu’elle apprenne elle-même à percevoir s’il faut aller plus loin ou pas ; à ressentir elle-même
les choses. Elle doit s’approprier les exercices, s’écouter et ne pas rester collée parfaitement
à un schéma adéquat. Il faut bien entendu toujours corriger chaque personne lors de la
réalisation des exercices mais en faisant attention de ne pas tomber dans le piège
d’individualiser trop la prise en charge (9).

Le message à faire passer et que chaque membre du groupe doit intégrer est le suivant :
il faut réussir à trouver le juste milieu entre accepter une certaine douleur pour pouvoir
progresser, et connaitre ses propres limites pour ne pas se faire mal et reculer. Cette auto
prise en charge est un objectif majeur dans ce contexte chronique pour espérer un maintien
des acquis au long cours. C’est ce qui est d’ailleurs préconisé dans les recommandations de
2005 de l’HAS « Le patient doit être responsabilisé pour apprendre à gérer la répartition des
séances de masso-kinésithérapie dans le temps ».

Face à ces plaintes il a fallu réagir pour qu’opèrent certains changements. Chaque
soignant a du s’affirmer pour que Mme P. trouve sa juste place. Pour qu’elle comprenne que
25
ce type de programme ne peut pas se faire sans autogestion, sans quoi le groupe aurait pu la
rejeter. Cette conséquence aurait porté atteinte à la cohésion du groupe et dégrader le
climat relationnel, autrement dit l’ambiance de travail.

Or la cohésion et l’ambiance de travail ont des effets sur la satisfaction (si la cohésion
est bonne alors « le moral est élevé, la cohésion développe alors un sentiment de sécurité et
d’estime mutuelle ») ainsi que sur la performance, et l’efficacité du groupe. Il est donc
nécessaire de ne pas la négliger et de tout mettre en œuvre pour qu’elle soit la meilleure
possible.

Dans ce groupe les rapports sont restés jusqu’à la fin relativement amicaux et joyeux. Le
groupe a tenu compte des efforts de l’équipe pour considérer leurs plaintes. Ils ont fait les
efforts nécessaires pour ne pas mettre Mme P. de côté. Cela a permis de conserver une
bonne dynamique de groupe, et que chacun obtiennent des résultats positifs à l’issu du
programme. Certains affirment avoir repris confiance en eux grâce à ces bons rapports et à
la bonne ambiance de travail.

8 Résultats

Après cinq semaines de prise en charge, la douleur au repos est passée de 7/10 à 4/10
sur l’échelle numérique. Elle est limitée à une barre niveau lombaire et un point dans la fesse
gauche. A l’effort elle est passée de 9/10, à 6/10 à mi stage pour finalement à la fin du stage
atteindre 8/10. Cette augmentation en fin de stage est corrélée selon elle à son
appréhension et à sa crainte de repartir seule chez elle.

Sur le plan fonctionnel, depuis la 2ème semaine elle arrive à mettre ses chaussettes et ses
chaussures seule, élément de progression très significatif aux yeux de la patiente. Le dernier
jour elle parcourt 5km en une heure lors d’une sortie de marche nordique au centre ville
d’Angers. Elle n’a plus besoin d’aide de son conjoint, à son domicile pour faire la cuisine ou
pour rentrer dans sa baignoire.
Mais surtout elle peut jouer, s’occuper de son fils et le porter dans ses bras. Ce qui était
son objectif majeur. Pendant le visionnage de la séquence vidéo de l’ergothérapeute, la
progression est nette : la marche est sûre et dynamique, la course est réalisable. Elle se
penche sans soucis pour ramasser la gomme au sol. Se couche et se relève sans aucune
difficulté, sans l’aide de sa canne. La distance doigt sol se fait sans hésitation.

Sur le plan professionnel son projet reste encore flou elle ne pense pas être capable de
reprendre le même poste à plein temps.

Sur le plan social elle a repris goût aux sorties et envisage de continuer à pratiquer une
activité physique régulière. Elle souhaite s’inscrire dans une salle de sport et a déjà acheté
des bâtons de marche nordique.

Au niveau psychologique pendant le dernier entretien avec le psychologue elle raconte


« aller bien psychologiquement ». Elle dit être contente de rentrer chez elle tout en

26
exprimant son appréhension de l’après stage. Elle est très embarrassée car elle ne sait pas ce
qu’elle va faire professionnellement « je ne sais pas ce qu’on va faire de moi ».

L’ensemble de ces constatations se retrouve à la lecture des autos questionnaires


(Tableau IV). Ils offrent le constat d’une franche diminution des répercussions de la douleur
sur la qualité de vie de Mme P, tous domaines confondus.

Tableau IV : Répercussions psycho-socio-professionnelles de Mme P. à T5

DALLAS ( % répercussions) H.A.D. FABQ I.A.T.


78% activités quotidiennes Score= Score = 27/66 Score = 15 / 22,5
36% 16/42 14/66 Niveau : faible/ moyen

9/42

85% travail et loisirs A=7/21 Facteur1 : Faible score de 7 à 27


60% 6/21 travail= 17/42 Moyen score de 28 à 36
9/42 Bon score de 37 à 43
Excellent score de 44 à
49
40% anxiété et dépression D=9/21 Facteur 2 :
10% 3/21 Activité physique
=10/24
5/24
40% sociabilité
15%
Résultats lors du bilan final

D’après le tableau V Mme P. a considérablement augmenté ses capacités physiques.


L’endurance est améliorée même si celle des quadriceps ainsi que celle des spinaux reste
encore à travailler. L’augmentation fulgurante de la distance doigt sol confirme qu’elle a
gagné en flexibilité mais également en assurance. Le résultat du PILE va également dans ce
sens et témoigne d’un gain de force musculaire et en confiance en soi.

Le membre inférieur gauche a également gagné en force puisqu’il est désormais côté
à 5/5 d’après le testing (voir annexe 1). Cependant au niveau sensitif aucun changement n’a
été noté. Par rapport à l’ensemble du groupe la patiente présente pour tous les tests la
meilleure progression.

27
Tableau V: Bilan masso kinésithérapique à T5 de l'ensemble du groupe

Mme P. Mme N. Mme C. Mme L. Mme T. Mr. L.


Test de la 16 / 56
chaise (sec) (+ 40)

DDS (cm) +22/-26 + 19 /+4 + 1 /-6 + 3/-8 + 12/-7 + 12/+2


(+ 48) (+15) (+7) ( + 11) (+19) (+10)

Shirado (sec) 180/180 110/100 54/113 82/137 81/92 66/180


max 180s (=) (-10) (+59) (+55) (+11) (+114)

Sorensen 41/100 86/121 23/96 86/144 38/90 76/131


(sec) max (+59) (+35) (+63) (+59) (+52) (+55)
240s
PILE (Kg) 0/15 5/12,5 7 ,5/17 ,5 22,5/27,5 10/15 15/25
(+ 15) (+ 7,5) (+10) (+5) (+5) (+10)
Capacité (%
du poids du 0/18 7/18% 14,6/ 34,7 24%/30% 11,5%/17% 15,8%/26
corps) (+ 18) (+ 11) ( + 20,1) (+6) (+5,5) %
(+10,2)
Résultats Initiaux/ Résultats finaux ; (X) : Différence par rapport au bilan initial

9 Discussion

Les objectifs du contrat initial sont atteints sur le plan fonctionnel. Malgré les bons
résultats obtenus, l’interrogation d’un maintien à long terme de ses acquis reste présente
pour son autonomie et activité professionnelle.

Sur le plan physique tous ses résultats se sont améliorés et ont permis de combattre
cette impotence fonctionnelle. Elle a retrouvé le goût du mouvement et les répercussions de
la douleur sont nettement diminuées. Son objectif personnel de porter son fils dans ses bras
est lui aussi atteint.

Cependant pour le retour à l’emploi et l’autonomisation, bien que dans l’auto


questionnaire FABQ son score concernant le facteur travail soit passé de 17/42 à 9/42, et
qu’elle possède plusieurs critères prédictifs d’un retour au travail (son âge, son niveau de
qualification, (2)) plusieurs éléments permettent de douter quant à l’atteinte de ces objectifs.

Tout d’abord à la question à T5 « vous sentez vous capable de travailler ? » elle a


répondu « plus ou moins oui mais en ce qui concerne mon ancien travail, je ne me sens pas
capable de le reprendre à plein temps. » Sa réponse montre son indécision, or on sait
qu’une réponse positive est prédictive d’une meilleure reprise du travail. (11)

De plus lors du dernier entretien avec le psychologue, plusieurs de ses réflexions


amènent à se questionner. Elle exprime son inquiétude à l’idée de sortir du centre et de se

28
retrouver seule pour affronter sa nouvelle vie active. Concernant son avenir professionnel,
elle dit « je ne sais pas ce qu’on va faire de moi ». Cette phrase reflète tout à fait cette
attitude thérapeute dépendante que l’équipe a cherché à combattre pendant ces cinq
semaines. Même si elle a reprit confiance en elle, qu’elle a acquis une meilleure autogestion
de ses symptômes comme en témoigne les résultats de la douleur, concernant l’auto prise
en charge on constate que les résultats sont insatisfaisants.

En règle générale la clé de la réussite pour ces pathologies chroniques c’est d’acquérir
une autonomie pour maintenir une auto rééducation dans le temps. L’étude de Ben Salah
Frih (26) a montré que les résultats à 1an étaient meilleurs sur le plan physique,
psychologique et fonctionnel dans le cadre d’une autorééducation comparativement à une
rééducation classique. Ce qui amène à s’interroger : les dépenses engendrées par ces types
de programme ne seraient elles pas démesurées vis-à-vis des bénéfices au long cours ? (27)

Au terme de cette réflexion une nouvelle question se pose : Comment l’autonomisation


et le retour au travail auraient ils pu être favorisés ?

Avec du recul et grâce à plusieurs lectures, de nouvelles interrogations se sont posées :


le temps consacré à l’information et plus particulièrement à l’information personnalisée a-t-
il été suffisamment développé ?

Certes ce type de programme est basé sur le collectif et la standardisation de la prise en


charge. Ce qui apporte l’avantage de détacher le lombalgique chronique de SA pathologie,
de SON histoire, de SA douleur. Puisqu’entouré toute la journée par des personnes qui
rencontrent le même problème son cas devient presque la norme. Et c’est sans aucun doute
le principal facteur ayant permis à Mme P. d’obtenir ses résultats positifs.

Néanmoins, je pense que l’éducation thérapeutique personnalisée qui selon l’HAS


s’adresse « à toute personne ayant une maladie chronique, quel que soit son âge, le type, le
stade et l’évolution de sa maladie » et dont le but est d’ « aider les patients à acquérir les
compétences dont ils ont besoin pour gérer au mieux leur vie avec une maladie chronique »
(28) trouve toute sa place dans ce type de prise en charge. Or pendant le stage, seul des
conseils oraux d’ordre généraux sont donnés ainsi qu’un livret final contenant des
informations anatomiques et un récapitulatif d’exercices.

Pour qu’un patient comprenne et maintienne l’information dans le temps il faut qu’il se
l’approprie. L’information personnalisée doit apporter au patient les éléments qui lui
permettent de comprendre pourquoi il en est arrivé là ? Et ce qu’il doit mettre en œuvre
pour améliorer sa qualité de vie, son avenir en évitant les récidives. Mme P. a subit une
arthrodèse, or elle ne sait pas exactement ce que cela représente, elle sait simplement qu’on
lui a immobilisé un étage vertébral. Ainsi elle s’est faite une représentation erronée sur les
conséquences de cette technique. Elle pensait que c’était ce qui l’empêchait de bouger sa
région lombaire. Or à force de démonstration pratique et de dédramatisation elle a compris,
que certes certains degrés de mobilité étaient réduis mais qu’elle disposait toujours d’une
certaine mobilité.

29
Dans le cas de Mme P. l’enjeu de l’information est d’autant plus important lorsque l’on
sait qu’une sollicitation dans des amplitudes trop extrêmes de manière répétées peut nuire à
l’étage sus jacent à l’immobilisation, et donc menée à la récidive. Or face aux coûts
engendrés par ces programmes le but est de donner aux patients les moyens de tout mettre
en œuvre pour ne pas récidiver. Là encore l’éducation thérapeutique prend sens puisqu’elle
permet de limiter l’apparition de complications (29) .

Le juste compromis est donc à doser entre redonner du mouvement mais en même
temps favoriser l’économie rachidienne sur certains gestes pour ne pas être nuisible et
conduire à la récidive. Et contrairement à certaines idées reçues « le verrouillage lombaire »
s’il est réalisé dans des contextes appropriés ne favorise pas la kinésiophobie (30). Or
rappelons que pour Mme P. une fois qu’elle avait repris confiance, elle ne savait pas se fixer
ses limites et se donnait des objectifs qui n’avaient plus sens, comme par exemple atteindre
une DDS de -30cm alors qu’elle était déjà à -22cm.

Ce juste compromis à donc été difficile à doser dans le cas de Mme P. L’hypothèse
qui est donc faite est que peut être une information personnalisée permet au patient de
mieux comprendre les enjeux de sa rééducation, de mieux se l’approprier afin d’en devenir
acteur et ainsi favoriser son autonomie. Mais quelle place accorder à l’information au cours
de nos prises en charge ?

10 Conclusion

Après ces cinq semaines de prise en charge au sein de ce programme de RFR, les
résultats de Mme P. sur le plan physique et fonctionnel sont très satisfaisants. Grâce à de
nombreux facteurs qui sont : une meilleure confiance en soi, la modification de certaines
croyances, les exercices physiques, l’encadrement d’une équipe pluridisciplinaire, les
séances collectives, l’autonomisation, elle a repris goût au mouvement. La kinésiophobie a
pu être combattu, l’impotence fonctionnelle a disparue pour une meilleure qualité de vie.

Malgré tout cette pathologie est multifactorielle et l’amélioration physique et


fonctionnelle n’est pas suffisante. Sur le plan psychologique et professionnel tous les
objectifs ne sont pas atteints. A T5 le manque d’auto prise en charge est encore présent, or
cela peut compromettre les effets positifs du programme sur le long terme.

Ce constat soulève l’hypothèse d’une des limites de ce type de programme standardisé:


le manque de temps accordé à l’information personnalisée, à l’éducation du patient, qui
favorise la poursuite des exercices au domicile et aide le patient à devenir le principal acteur
de sa rééducation.

Ce travail écrit rappelle que la pratique kinésithérapique ne limite pas à la technicité


mais qu’elle consiste également en une écoute attentive, à apporter soutien, aide et
motivation en considérant le patient dans sa globalité et non pas seulement comme un
dysfonctionnement physiologique. Prendre le temps pour apprendre à connaitre et à cerner
au mieux son patient est une étape indispensable pour apporter une aide appropriée. Le
langage et l’écoute sont deux qualités toutes aussi importantes et complémentaires que le
geste dans la panoplie des moyens d’action pour le kinésithérapeute.

30
Bibliographie

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11. Bontoux, L. Roquelaure, Y. Billabert C. Etude du devenir à un an de lombalgiques inclus dans un


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17. Demoulin, C. Distrée, V. Tomasella, M. et al. L'instabilité lombaire fonctionnelle : revue de la


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18. Crouzet, E. Pinsault N. Cuisinier, R. et al. Proprioception du rachis lombal: incidence de la


recherche masso-kinésithérapie sur la pratique quotidienne. Kinésithérapie Scientifique. 2012, 536,
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19. Hignet, R. Concepts et principes de la reprogrammation sensorimotrice (RSM). Kinésithérapie la


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20. Cedraschi, C. Quels facteurs psychologiques faut-il identifier dans la prise en charge des patients
souffrant de lombalgies? Qu'en est-il de l'anxiété et de la dépression? Quelles peurs et quelles
représentations constituent-elles des écueils? Revue du rhumatisme. Elsevier Masson, 2011, 78, pp.
570-574.

21. Laurent, B. Peyron, R. Intégration corticale de la douleur chronique et apport de l'image


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22. Véron, O. Tcherniatinsky, F. Fayad, F. et al. Lombalgie chronique et réentraînement à l'effort:


application de la notion de niveau de douleur cliniquement acceptable. Annales de réadaptation et
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Kinésithérapie la revue. 2012, 536, pp. 47-52.

24. Chaory, K. Rannou, F. Fermanian, J.et al. Impact de programmes de restauration focntionnelle
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réadaptation et de médecine physique. Elsevier Masson, 2004, 47, pp. 93-97.

25. Benoit, S. Coze, AC.Guesdon, M. et al. BTS Assistant de manager. s.l. : Foucher, 2008.

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rehabilitation programme for chronic low back pain: A randomized controlled study. Annals of
physical and rehabilitation medicine. Elsevier masson, 2009, 52, pp. 485-496.

27. Demoulin, C. Grosdent, S. Capron, L. Intéret d'une prise en charge multidisciplinaire ambulatoire
semi intensive dans la lombalgie chronique . Revue du rhumatisme . Elsevier Masson, 2010, 77, pp.
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28. http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/etp_-_definition_finalites_-
_recommandations_juin_2007.pdf.

29. Iguenane, J. Gagnayre, R. L'éduaction thérapeutique du patient: le diagnostic éducatif.


Kinésithérapie les cahiers. mai-juin 2004, 29-30, pp. 58-64.
30. Xhardez, Y. Le verrouillage lombaire entraine-t-il la peur du mouvement chez le lombalgique?
Kinésithérapie les cahiers. fev-mars 2003, 14-15, pp. 75-77.
ANNEXE 1 : Testing des membres inférieurs selon Daniels et Worthingham
Droite Gauche
bilan initial / bilan final bilan initial / bilan final
HANCHE Flexion 5/5 4/5
Extension 4/5 3/5
Abduction 5/5 4/5
Adduction 3/5 3/5
Rotation interne 5/5 4/5
Rotation externe 5/5 4/5
GENOU Flexion 5/5 4/5
Extension 5/5 4/5
CHEVILLE Flexion dorsale 5/5 4+/5
Flexion plantaire 5/5 3/5
Eversion 5/5 4/5
Inversion 5/5 4/5

ANNEXE 2 : Résumé du questionnaire relatif à l’activité professionnelle de


Mme P.

POINTS POSITIFS POINTS NEGATIFS


Possibilité de faire varier le rythme de travail Arrêt maladie depuis 18 mois
Avoir le choix de l’organisation Beaucoup de trajets en voiture
Avoir le sentiment de jouer un rôle utile Port de charges lourdes (Livres)
La variété du travail Postures contraignantes (assis, debout,
torsion assise pour le classement des
archives)
Avoir une bonne ambiance avec ses Environnement contraignant (Poussière,
collègues courants d’air éclairage faible pour le
classement des archives)
Avoir une bonne entente avec l’encadrement
Avoir un bon niveau de formation (doctorat)
ANNEXE 3 : ASSOUPLISSEMENTS DES MEMBRES INFERIEURS

Etirement de la chaîne postérieure sous Etirement du droit antérieur


pelvienne

Etirement de l’ilio psoas en


Etirement des adducteurs en position
position chevalier servant
assise

Etirement du piriforme Etirement des fessiers


ANNEXE 4 : ASSOUPLISSMENTS DU RACHIS

Position de détente et d'étirement: Assouplissement du rachis en rotation


la prière "mahométane"

Exercice de "la salamandre"

Etirement rachis haut Etirement rachis moyen Etirement rachis bas


ANNEXE 5 : RENFORCEMENT MUSCULAIRE

Exercice de gainage: Exercice de gainage en position


renforcement des obliques debout: renforcement global du corps

Renforcement des obliques Renforcement des abdominaux


avec un élastique

Renforcement des spinaux

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