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Aïchatou Mindaoudou a été ministre des Affaires étrangères du Niger de 2001 à 2010,
avant d’être nommée Représentante spéciale conjointe chargée des questions
politiques à l’Opération hybride Union africaine-Nations Unies au Darfour (MINUAD).
D’août 2012 à mars 2013, elle a été Représentante spéciale conjointe et Chef par
intérim de la MINUAD, ainsi que Médiateur en chef conjoint par intérim.
En mai 2013, Aïchatou Mindaoudou a été nommée Représentante spéciale pour la
Côte d’Ivoire, Chargée des bons offices et Chef de l’Opération des Nations Unies
en Côte d’Ivoire (ONUCI). Un Mandat qu’elle a mené à son terme et qui s’est soldé
par la clôture en juin 2017 de cette opération de maintien de la paix.
Aujourd’hui elle dirige le Bureau d’Etudes IPITI Consulting.
Niger : Coup d’État, CEDEAO,
Sanctions… Le dialogue et la
diplomatie finiront par
s’imposer
Par Tribune - 17/08/2023
Pour donner suite au coup d’État survenu au Niger le 26 juillet 2023, le 4ème
dans la région après ceux du Mali, du Burkina Faso et de la Guinée, un sommet
des Chefs d’État et de Gouvernement de la CEDEAO est convoqué en urgence
le 30 juillet 2023 à Abuja au Nigéria.
A l’issue de ce sommet, une « rafale » de sanctions est prise contre le Niger avec
effet immédiat, couronnée par la menace d’une l’intervention armée si la junte
ne remettait pas le Président déchu, Mohamed Bazoum, « démocratiquement
élu », sur son fauteuil dans un délai d’une semaine, soit le 6 août 2023 au plus
tard.
La Conférence a décidé de :
– Le gel des avoirs de l’État du Niger, ainsi que des entreprises publiques et
parapubliques logés dans les banques commerciales ;
Sanction militaire
3. Analyse et commentaires
A. Les raisons qui ont sous-tendu ces sanctions :
Il est tout de même surprenant que, pour aller en croisade pour la démocratie,
la Conférence s’appuie sur la violation des textes de l’Organisation d’une part
et d’autre part applique des sanctions ex-nihilo qui ne reposent sur aucun
fondement juridique, alors même que l’une des principales caractéristiques de
la démocratie est justement l’application scrupuleuse des textes en vigueur.
En outre, une intervention militaire dans les conditions qui sont celles du Niger
et de la région, décidée au mépris du danger qu’elle fait peser sur une grande
partie de la population est tout simplement incompréhensible. La Conférence
n’a pas considéré les conséquences négatives multiformes, dangereuses et
néfastes d’un recours à la force sur des populations civiles innocentes et le péril
qui en résulterait pour une sous-région déjà en proie à des problèmes
sécuritaires importants. Cette intervention militaire, contrairement à ce que
prétendent certains, ne sera en aucun cas une opération « chirurgicale[15] ».
Elle risque, au contraire, de déclencher un long conflit armé qui embrasera
l’ensemble de la région et au-delà, le Maghreb. Elle plongera ces régions dans
une instabilité chronique et durable. Elle dupliquera non seulement les effets
de l’intervention militaire en Libye mais créera également un environnement
favorable à l’affrontement entre les blocs qui se déroule en ce moment, sous
nos yeux, en Ukraine. Il importe par ailleurs, de ne pas sous-estimer tous les
dégâts collatéraux sur des populations civiles innocentes qui paieront de leur
vie cette décision malheureuse.
La crise au Niger est une belle occasion à saisir par l’Organisation pour se
restructurer et devenir cette CEDEAO « des Peuples » telle que prescrite à la
section 2 du cadre de prévention des conflits[18] afin de répondre efficacement
aux aspirations des populations de la sous-région, notamment en ce qui
concerne les processus démocratiques et la bonne gouvernance. Dans ces
domaines, la « tension entre la souveraineté et la supranationalité » doit
s’estomper au profit de la seconde afin de permettre à l’Organisation d’être
efficace en particulier en ce qui concerne la garantie de la crédibilité des
élections et le respect de la bonne gouvernance. Ce sont là, au-delà des
sanctions et des exclusions, les seules conditions nécessaires qui permettront
d’ancrer et de consolider la démocratie dans l’espace CEDEAO.
D’autre part, la CEDEAO et l’ensemble des pays impliqués doivent mettre “balle
à terre” pour que, dans la sérénité, s’organise de la façon la plus adéquate la
période à venir afin de favoriser un retour rapide à l’ordre constitutionnel
normal.
Cette période permettra de capitaliser toutes les expériences balbutiantes de
la démocratie que le Niger a connues. Fondamentalement, aucun Nigérien n’est
partisan de l’irruption des militaires dans la vie politique par des coups d’État. Il
est cependant grand temps que le cycle infernal « démocratie » /coups d’État
s’arrête définitivement au Niger pour laisser enfin place à une démocratie
véritable qui prend en compte les aspirations profondes du peuple.
Il est vrai, il ne faut pas le nier, que chaque coup d’État retarde le pays de
quelques années. Le Niger occupe l’avant dernière place dans le classement
des pays selon l’Indicateur du Développement Humain (IDH). Cette situation
doit interpeller les Nigériennes et les Nigériens pour qu’ils se ressaisissent et
s’investissent pour prendre avantage des expériences démocratiques passées
afin de « demeurer debout portant haut le drapeau (du cher pays) dans le ciel
d’Afrique et dans tout l’Univers » comme l’instruit le nouvel Hymne national
nigérien.