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COMMENT ANALYSER UN SUJET DE

DISSERTATION ?
Analyser un sujet, c’est d’abord le lire (I) et le comprendre (II).

I. La lecture de l’énoncé
La lecture de l’énoncé constitue une étape décisive car personne ne peut répondre à une question
qui n’est pas comprise. Il faut donc y consacrer une bonne dizaine de minutes.
Il demeure impératif de :
 Définir les termes économiques (et sociaux) et éventuellement définir les mots
français « ordinaires » complexes.
 Comprendre la question posée, c’est-à-dire les sous-entendus. Chaque mot a été
réfléchi, il est là pour vous induire sur les bonnes pistes. Dans un énoncé, tous les
mots sont importants : le fait d’utiliser tel mot plutôt que tel autre, d’utiliser le
pluriel plutôt que le singulier, le passé plutôt que le présent, … peut modifier le
sens d’une question.
 Formuler plusieurs questions qui font partie du sujet et auxquelles il faudra
répondre.
 S’approprier le sujet, c’est-à-dire le réécrire dans votre langage habituel sans le
déformer. Il est plus prudent avant de progresser, de reprendre et de noter face à
chacune de vos questions si elles sont « réellement dans le sujet », « à la limite du
sujet », « un risque de hors-sujet », « un hors-sujet ».
Aussi, il importe d’éviter certains dangers (A) et de bien expliciter les limites du sujet (B).

A. Les dangers
Il faut être vigilant lors de la formulation des questions, de ne pas déformer le sujet. Oublier
un mot ou en ajouter un autre … peuvent engendrer des conséquences ennuyeuses. A ce niveau,
on repère trois types de dangers, à savoir, le fait de :
 Etendre abusivement le champ du sujet

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Exemple : « les conséquences macroéconomiques du chômage ». Il faut tenir compte
de l’adjectif « macroéconomique » et ne pas traiter l’ensemble des conséquences du
chômage (micro et macro).
 Réduire la portée et le champ d’analyse
Exemple inverse au précédent.
 Modifier la nature du sujet
Exemple : « croissance et inégalités ». Il ne faut pas restreindre le terme
« inégalités » aux seules inégalités de revenus. Le sujet fait référence à un champ plus
large d’inégalités : accès au logement, au travail, aux de santé, etc. Aussi, il ne faut
pas limiter l’analyse à l’expérience d’un pays donné, par exemple le Sénégal, car rien
dans l’énoncé ne l’indique. Le cas échéant, il faut alors justifier cette limitation.

B. Comment délimiter le sujet


Si tous les termes du sujet sont importants, ils n’ont pas pour autant le même statut. On
distingue généralement trois catégories de termes :
 Les termes qui servent à identifier la nature de la question : les verbes, les noms
communs, les adjectifs et les adverbes.
Exemple :
Pour les verbes : Comment analyser vous ?, Peut- on ?, Est – il ?, etc.
Pour les noms communs : causes, conséquences, problèmes,
solutions, évolution …
Pour les adverbes : encore, toujours, etc.
 Les termes qui appartiennent aux langages spécialisés de l’économie
Exemple : chômage, inflation, réduction du temps de travail, productivité, etc.
Ces termes nous indiquent le champ conceptuel du sujet mais aussi le domaine de
connaissance sur lequel porte le sujet.
 les indications de dates ou de pays qui délimitent le champ d’étude dans l’espace
et le temps : on parle de cadre spatio-temporel.
Ces différentes catégories de termes se retrouvent dans chaque énoncé et permettent donc de
s’interroger de la manière suivante :
 La question : que me demande-t’on ?

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 Le(s) thème(s) d’étude : sur quel domaine de connaissance ?
 Le contexte : quel est le cadre spatio-temporel ?
Exemple : « Comment analysez-vous l’évolution du budget de l’Etat sénégalais depuis l’année
1990 ? »
 Indicateur de la question : « Comment analysez-vous l’évolution de … »
 Thème d’étude : « budget de l’Etat »
 Le cadre spatio-temporel : « Sénégal depuis l’année 1990 »
Remarque : que signifie « analyser » :
Analyser, c’est décomposer un ensemble en plusieurs éléments pour l’étudier. D’une manière
générale, analyser un phénomène économique consiste à décrire ses caractéristiques et à
déterminer ses causes et ses conséquences. Dans cet exemple, il s’agit d’analyser l’évolution du
budget de l’Etat sénégalais, c.a.d. d’étudier aussi bien sa progression quantitative, en mettant en
exergue différentes périodes que les transformations structurelles (qualitatives) qu’il a pu
connaître.

II. La compréhension du sujet

La compréhension d’un sujet requiert la connaissance des différents types de sujets possibles (A).
Elle exige aussi des éléments d’appréciation quant aux thèmes d’étude (B) et au contexte spatio-
temporel (C).

A. Les types de sujets


Trois grands types de sujets son habituellement proposés : les sujets de type « analyse » (a), les
sujets de type « discussion » (b) et les sujet de type « mise en relation » (c).
A.1. Les énoncés sans problématique apparente
On parle de sujet de type « analyse ». Ces sujets se présentent généralement sous forme neutre,
proche d’une question de cours. Ils peuvent ne suggérer ni question, ni consigne de travail.
Exemple : « les comportements économiques des ménages ».
La difficulté de tels sujets réside dans le fait qu’ils ne proposent aucune orientation d’étude. Que
faut-il faire alors ?

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Repérer les différentes dimensions du thème en se posant différentes questions : de quoi s’agit-
il ?, Quelles sont les différentes manifestations de ce phénomène ?, Comment a-t-il évolué ?,
Quels sont les causes et les conséquences ? …
A partir de là, deux stratégies sont possibles :
 Elaborer un plan en incluant tous aspects du sujet (plan de type inventaire). Le risque est
alors de ne rester que superficiel, et de ne pas distinguer l’essentiel de l’accessoire. Ce
type de plan peut également être sanctionné de manque d’originalité, et d’absence d’une
vraie problématique.
 Privilégier un angle d’attaque qui peut paraître particulièrement intéressant. Cette
stratégie est plus risquée, mais aussi plus valorisée dans la notation.
Exemple : Le sujet « les comportements économiques des ménages » peut amener certains
étudiants à recenser les différents comportements économiques des ménages (consommation,
épargne, investissement) et à analyser leurs déterminants respectifs. Ils risquent ainsi de se
répéter compte tenu de l’interdépendance entre les phénomènes. Il est donc plus judicieux de
reformuler le sujet : « la rationalité du comportement économique des ménages ».
A.2. Les énoncés à problématique explicite
Il s’agit en fait de sujet de type « discussion ». Ces sujets sont très facilement repérables car se
présentant presque toujours sous forme interrogative. Exemple : Peut-on ?, Est-il possible ?
Une variante peut consister à faire commenter ou discuter une citation d’auteur. La
caractéristique commune à tous ses énoncés est de suggérer l’existence, au sein de la
communauté des économistes, d’une controverse sur le(s) thème(s) à étudier. Cette controverse
peut porter sur :
 La pertinence d’un concept. Exemple : Le plein emploi est-il un concept dépassé ?, Peut-
on parler d’une crise de l’état providence ?
 La possibilité d’un phénomène. Exemple : Le chômage peut-il persister ?, Une politique
de relance concertée vous paraît-elle possible dans la zone UEMOA aujourd’hui ?
 Le caractère souhaitable d’une politique économique. Exemple : Faut-il défendre le taux
de change ?, Les pays de l’UEMOA doivent-ils rechercher l’équilibre de leurs finances
publiques ?

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 L’impact d’un phénomène « A » sur un phénomène « B ». Exemple : Le progrès
technique est-il un facteur de chômage ?, L’essor des marches financiers à-t-il permis la
croissance économique ?
Ce type de libelle oriente les étudiants vers une problématique. Cependant ces derniers doivent la
spécifier. D’une manière générale, les différentes variantes de plans de « type dialectique »
conviennent bien à ce genre de sujet.
A.3. Les énoncés à problématique implicite
Ce sont des sujets de type « mise en relation ». L’énoncé se pressente souvent sous forme d’une
question. Exemple : Quelles relations peut-on établir entre l’application des plans d’ajustement
structurel et la situation économique actuelle des pays africains ? Cependant, dans la plupart des
cas, l’énoncé comporte simplement deux notions reliées par la conjonction de coordination « et ».
Exemple : « Crise de 1929 et crise des années 80 », « changes fixes et changes flottants ».
Il faudra surtout se garder d’étudier séparément chacun des termes du sujet ; on devra au
contraire n’envisager que leurs liens. La nature des relations pouvant être établies entre deux
concepts sera généralement dérivée de la connaissance des contenus. Naturellement, si les deux
concepts ne peuvent pas être en coprésence, on privilégiera la comparaison. Exemple : « Crise de
1929 et crise des années 80 ».
La comparaison s’impose aussi lorsque les deux termes semblent s’exclure mutuellement.
Exemple : « Changes fixes et changes flottants ».
De manière générale, la conjonction de coordination « et » invite à rechercher des interactions,
des complémentarités, ou encore à s’assurer de l’existence d’une corrélation statistique ou d’une
(in)compatibilité entre deux notions. Exemple : « Investissement et croissance » signifie : existe-
il une relation entre le niveau et le rythme de l’investissement d’une part et les variations du taux
de croissance d’autre part. Le cas échéant, il faudra envisager ensuite la possibilité d’une relation
causale biunivoque.
« Efficacité économique et justice sociale » signifie : efficacité économique et justice sociale
sont-elles compatibles ?
Certains énoncés de sujet comportent en fait une double question. C’est le cas, en particulier, du
sujet « politique monétaire et politique budgétaire ». Il est tout aussi pertinent de comparer
l’efficacité respective de ces deux instruments de politique conjoncturelle que de réfléchir à leur
complémentarité (policy-mix).

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La conjonction de coordination « ou » ne présente pas cette ambiguïté. Elle suggère d’étudier
successivement les deux branches d’une alternative. Exemple : « La croissance démographique :
moteur ou frein du développement économique ? ».

B. Le(s) thème(s) d’étude


L’analyse du thème d’étude permet de délimiter le domaine de connaissance sur lequel porte le
sujet. Quelle que soit sa nature, il importe de bien en définir les contours. Un travail de
clarification des concepts devient impératif. Il faut éviter de confondre le thème d’étude proposé
avec des thèmes voisins mais différents. Un exemple permettra de mieux en savoir les enjeux :
les sujets « progrès technique et emploi » d’une part et « progrès de productivité et chômage »
d’autre part, peuvent sembler identiques au premier abord. Or il n’en est rien, comme le montre
une analyse méthodique de chacune des notions.
En effet, le concept de progrès technique est à la fois plus large et plus étroit que le concept de
progrès de productivité : plus large car le progrès technique peut déboucher sur des innovations
de produits et pas uniquement sur des innovations de procédés ; plus étroit parce que le progrès
technique n’est pas la seule source de progrès de productivité.
De même, les concepts d’emploi et de chômage ne se recoupent pas entièrement. En effet, toute
création d’emploi n’est pas synonyme d’une baisse proportionnelle du chômage du fait des
variations de la population active qu’elle peut induire (théorie du travailleur encouragé). A
l’inverse, une baisse du chômage peut ne pas s’accompagner d’une création nette d’emplois
(théorie du travailleur découragé). Par ailleurs, une analyse qualitative de l’emploi s’appuiera
essentiellement sur les niveaux de qualification des postes alors qu’une analyse « qualitative » du
chômage s’appuiera davantage sur des segments de la population.
En somme, les confusions, à ce niveau, recouvrent trois (3) situations différentes :

B.1. Le terme employé dans le sujet est plus large que celui
retenu par l’étudiant
Dans le sujet « Les pays de l’UEMOA doivent-ils rechercher l’équilibre de leurs finances
publiques ? », l’expression « finances publiques » peut être confondue avec « budget de l’Etat ».
Or, les deux notions n’ont pas la même signification : le concept de finances publiques a un
champ plus large que celui du budget de l’Etat. Il prend en compte les ressources financières de
l’ensemble des administrations publiques : Administrations centrales (l’Etat au sens large),
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administrations locales (communes, départements, régions), et administrations de la sécurité
sociale.

B.2. Le terme employé dans le sujet est plus étroit que celui
retenu par l’étudiant
Le sujet « croissance économique et internationalisation de la production » peut être traité par
certains étudiants sous l’angle de l’internationalisation des économies : essor du commerce
international, transnationalisation des firmes. Or, seul ce dernier phénomène relève de
l’internationalisation de la production, l’autre relevant de l’internationalisation des échanges. Il
est évident que les deux phénomènes ne sont pas sans lien, l’essor des firmes transnationales
pouvant engendrer un commerce intra-firme. Cela ne justifie pas pour autant de se focaliser
unique sur le commerce international.

B.3. Les termes se situent dans des registres différents


Exemple : « Objets et limites des politiques monétaristes ».
Nombreux seront les étudiants qui traiteront des politiques monétaires, en considérant le sujet de
manière instrumentale alors que celui-ci suggère explicitement à l’aborder sous l’angle théorique.
La politique monétaire fait référence aux actions menées par les autorités monétaires pour agir
sur différentes variables économiques telles que la croissance, l’inflation, le chômage, etc. Au
contraire, la politique monétariste – inspirée du courant monétariste (cf. M. Friedman) –, se limite
à recommander vivement le respect d’un taux de croissance constant de la masse monétaire, très
proche du taux de croissance réel de l’économie, afin d’éviter toute interférence avec la
conjoncture économique. A l’extrême, on peut même affirmer que la politique monétariste
constitue la négation de toute politique monétaire discrétionnaire.

C. Le contexte spatio-temporel
Sauf indication contraire, on ne doit pas réduire le sujet à sa seule dimension contemporaine et
« nationale ». Il faut s’efforcer à lui donner toute l’extension temporelle et spatiale suggérée par
l’énoncé. Sous cet aspect, trois cas de figures peuvent se présenter.
C.1. Le sujet est explicitement situé dans le temps et dans l’espace
Exemple : « Les analyses économiques du sous-développement permettent-elles de comprendre
la situation des pays d’Afrique subsaharienne depuis le début de la décennie 1980 ». Il n’y a ici
aucune ambiguïté. Il faut essayer d’illustrer le sujet par des exemples qui couvrent la période

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spécifiée. Le cas limite est celui des sujets qui exigent simultanément une bonne maîtrise des
théories et mécanismes économiques et des connaissances solides en histoire. En revanche, on
doit se limiter au cadre proposé. Tout développement, autre qu’allusif, à des périodes ou à des
pays différents, pourrait être qualifié de hors-sujet.
C.2. Le sujet est implicitement situé dans le temps et/ou dans l’espace
Exemple : « Comment expliquer l’évolution du taux d’intérêt au cours des années récentes dans
les pays industrialisés ». Des expressions comme, « aujourd’hui », « de nos jours », « au cours
des dernières années », « actuellement », pourront être interpréter différemment en fonction de la
nature du thème proposé. Généralement, la période d’étude sera influencée par l’évolution
statistique de la variable : on retiendra habituellement comme point de départ le dernier
changement significatif. Ainsi, pour une analyse de l’évolution des taux d’intérêt, on partira du
début des années 80, marquées par une augmentation des taux d’intérêt réels à court terme et à
long terme, la décrue enregistrée depuis le début de la décennie 90 devant s’interpréter par
rapport à la phase antérieure de hausse des taux.
C.3. Le sujet n’est délimité ni dans le temps ni dans l’espace
On peut relever deux cas possibles :
 Cas d’un sujet de théorie économique peu influencé par l’évolution de la conjoncture :
Exemple : « La pertinence du paradigme de l’homo-œconomicus »
« La théorie de la valeur chez les classiques et les néoclassiques ».
En général, de tels sujets ne requièrent pas une mise en relation directe avec des données
empiriques : il suffit, dans la plupart du temps, de confronter des positions théoriques entre elles.
Cependant, une mise en perspective historique pourra présenter un intérêt lorsqu’il s’agit de :
mettre en évidence l’influence des problèmes économiques de chaque période ou
époque sur l’évolution de la pensée économique.
restituer un auteur dans sa filiation intellectuelle.
 Cas d’un sujet qui renvoie à des phénomènes économiques mesurables et évolutifs dans le
temps :
Exemple : « Fiscalité et économie », « L’internationalisation du capital ».
Dans ces deux énoncés, on note une absence de limites spatiales et temporelles. Comment s’y
prendre alors ? Ces cas vous donnent une liberté de choix quant aux exemples illustratifs de votre
thèse. Ces exemples peuvent être puisés dans l’histoire économique – récente et « ancienne » –

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aussi bien dans les pays développés que dans les pays en développement. Cependant, il ne faut
pas oublier de confronter les thèses proposées à la réalité empirique. On n’attend pas des
étudiants qu’ils exposent une chronologie exhaustive des événements ; en revanche, ils ne
doivent pas privilégier les exemples favorables à leurs thèses et éluder certains faits
incontournables.

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