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INTRODUCTION
À LA SCIENCE
POLITIQUE
2e édition
Entraînements
Cours illustrés
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Max Weber
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c’est « l’ensemble des efforts que l’on fait en vue de participer au pouvoir
ou influencer la répartition du pouvoir, soit entre les États, soit entre
divers groupes au sein d’un même État ».
« Le » politique, moins fréquent dans le langage courant, désigne
une réalité plus abstraite, que l’on pourrait définir comme un espace de
régulation des conflits dans les sociétés contemporaines. Selon Philippe
Braud , « le politique renvoie à ce champ social dominé par des conflits Sociologie politique,
d’intérêts régulés par un pouvoir lui-même monopolisateur de la coer- LGDJ, 2014, p. 18.
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Politistes et politologues
En France, les enseignants et chercheurs en science politique en poste dans les
universités ou dans les institutions de recherche tendent à préférer le substantif
de « politiste » plutôt que celui de « politologue ». Le premier correspond au cher-
cheur authentique effectuant de la recherche fondamentale, neutre et plus rigou-
reuse du point de vue scientifique, tandis que les seconds correspondent plus aux
commentateurs politiques ou aux conseillers du prince, à proximité des médias Le saviez-vous ?
et des acteurs politiques. Il est à noter que cette distinction est proprement fran- Une approche déductive
des phénomènes
çaise ; la Belgique francophone, la Suisse romande, l’Afrique francophone ou le sociaux se fonde d’abord
Québec n’ayant pas retenu une telle distinction. sur une construction
Source : Balzacq T. et al., Fondements de la science politique, Bruxelles, de Boeck, 2014, p. 19. théorique cohérente, que
l’on teste sur la réalité
empirique. L’activité de
Une conceptualisation pour rendre compte du politique est ensuite modélisation précède
l’observation du réel.
nécessaire. La science, c’est une langue, avec des notions, des concepts, des Au contraire, une
théories. On le verra, les notions d’État, de nation, de crise ou encore de approche inductive
régimes méritent d’être définies précisément, tant elles recouvrent poten- consiste à construire
la théorisation
tiellement de multiples significations. La tâche est d’autant plus nécessaire sur l’accumulation
que ces notions sont parfois utilisées de façon stratégique par les acteurs d’observations
politiques. Staline, n’avait-il pas sa propre définition de la nation ? empiriques.
La généralisation s’opère
Enfin sera privilégiée une recherche de modélisation en identifiant à partir de l’observation
des cas singuliers.
des mécanismes causaux (si A fait cela, alors B…) et l’établissement de
régularités. La démarche suppose ici de produire des énoncés explica-
tifs, articulés logiquement, dans des raisonnements déductifs (partant de
modèles) et/ou inductifs (partant des faits), contrôlés par des données.
Tableau politique
Significatif de cette ambition, A. Siegfried n’écrivait-il pas : « D’après de la France de l’Ouest,
une opinion courante, les élections ne sont qu’un domaine d’incohérence 1913 (1964).
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III. À
quoi s’intéresse la science
politique ? La question de l’objet
Pour toute science se pose la question de l’objet : quelle est la réalité
que l’on se propose d’analyser ? Contrairement à une idée reçue, les
méthodes et objets d’une science ne sont jamais fixés une fois pour
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toutes, même dans les sciences dites « dures ». « La physique […] comme
toute autre science d’ailleurs, ne peut être définie une fois pour toutes,
de façon abstraite et définitive, par référence par exemple, à sa méthode,
et encore moins aux objets de son étude ». On notera d’ailleurs avec Lévy-Leblond J.-M.,
« Mais ta physique ? »,
intérêt qu’une partie des physiciens travaillent sur le monde social, in Rose H., Rose S.
s’attachant par exemple à prédire les émeutes ou encore à anticiper les et Enzensberger H., L’idéologie
résultats d’élections à partir de modèles de socio-physique déduisant de/dans la science, Paris,
Seuil, 1977, p. 145.
les résultats électoraux des interactions entre les individus.
■ Plus que l’État, moins que le pouvoir
Au début des années 1980, dans un article fondateur, P. Favre concluait
Le saviez-vous ?
que la question de l’objet de la science politique n’avait pas nécessaire-
Max Weber disait,
ment de sens : ses objets évoluent en fonction des époques. Essayons dans Le savant
cependant d’avancer sur la question, en commençant par dissiper les et le politique, « nous
fausses évidences. D’abord, l’objet de la science politique, ce n’est pas entendrons uniquement
par politique la direction
seulement l’État, c’est-à-dire cette organisation politique et administra- d’un groupement
tive différenciée du reste de la société et ayant une capacité de direc- politique que nous
tion. Réduire la science politique à l’État, aux institutions politiques appelons aujourd’hui
“État”, ou l’influence
et administratives, peut se comprendre historiquement : la science que nous exerçons
politique est apparue et s’est consolidée en lien avec la formation des sur sa direction ».
États contemporains. Elle s’intéresse au gouvernement des sociétés, et
l’État est aujourd’hui l’instance chargée de la régulation des sociétés. La
science politique s’attache à comprendre en effet la conquête du pouvoir
de l’État et la conduite des politiques publiques.
Mais l’objet de la science politique, c’est plus que l’État. D’abord,
il existe des sociétés qui ont des formes de régulation politique sans
qu’apparaisse une entité autonome que l’on puisse nommer État. Se
centrer sur l’État, c’est également courir le risque de refermer la science
politique sur l’étude des institutions, de perdre de vue les gouvernés (et
leurs pratiques de participation plus ou moins officielles), de négliger
l’éventail large d’acteurs non étatiques (groupes d’intérêt, associations,
mouvements sociaux) qui contribuent plus ou moins directement à la
politisation de la vie sociale sans être partie de « l’État ».
Seconde façon de définir l’objet de la science politique : cette der-
nière se consacrerait à l’analyse du pouvoir, c’est-à-dire la relation par
laquelle un acteur social (individu ou groupe) obtient d’autres acteurs
des comportements qu’ils n’auraient pas souhaité réaliser. Analyser Voir Encadré p. 28.
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