Vous êtes sur la page 1sur 67

Maladie de Lyme et co-infections Daniel

Christmann [Christmann
Visit to download the full and correct content document:
https://ebookmass.com/product/maladie-de-lyme-et-co-infections-daniel-christmann-c
hristmann/
Chez le même éditeur
100 situations clés en médecine générale, par Jean-Louis Schlienger,
464 pages, 2013

Pharmacologie des anti-infectieux, par la Société française de


pharmacologie et de thérapeutique et le Collège national de
pharmacologie médicale, 224 pages, 2018
Maladie de Lyme et co-infections

Daniel Christmann
Professeur Émérite de Maladies Infectieuses
Faculté de Médecine
Université de Strasbourg
Membre correspondant de l’Académie Nationale de Médecine

1 E ÉDITION
Page de copyright

Elsevier Masson SAS, 65, rue Camille-Desmoulins, 92442 Issy-les-


Moulineaux cedex, France

Maladie de lyme et co-infections, par Daniel Christmann


© 2020 Elsevier Masson SAS
ISBN : 978-2-294-76790-6
e-ISBN : 978-2-294-76815-6
Tous droits réservés.

Les praticiens et chercheurs doivent toujours se baser sur leur propre


expérience et connaissances pour évaluer et utiliser toute
information, méthodes, composés ou expériences décrits ici. Du fait
de l’avancement rapide des sciences médicales, en particulier, une
vérification indépendante des diagnostics et dosages des
médicaments doit être effectuée. Dans toute la mesure permise par la
loi, Elsevier, les auteurs, collaborateurs ou autres contributeurs
déclinent toute responsabilité pour ce qui concerne la traduction ou
pour tout préjudice et/ou dommages aux personnes ou aux biens,
que cela résulte de la responsabilité du fait des produits, d’une
négligence ou autre, ou de l’utilisation ou de l’application de toutes
les méthodes, les produits, les instructions ou les idées contenus
dans la présente publication.

Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous


procédés, réservés pour tous pays. Toute reproduction ou
représentation intégrale ou partielle, par quelque procédé que ce
soit, des pages publiées dans le présent ouvrage, faite sans
l’autorisation de l’éditeur est illicite et constitue une contrefaçon.
Seules sont autorisées, d’une part, les reproductions strictement
réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation
collective et, d’autre part, les courtes citations justifiées par le
caractère scientifique ou d’information de l’œuvre dans laquelle elles
sont incorporées (art. L. 122-4, L. 122-5 et L. 335-2 du Code de la
propriété intellectuelle).

Ce logo a pour objet d’alerter le lecteur sur la menace que représente


pour l’avenir de l’écrit, tout particulièrement dans le domaine
universitaire, le développement massif du « photo-copillage ». Cette
pratique qui s’est généralisée, notamment dans les établissements
d’enseignement, provoque une baisse brutale des achats de livres, au
point que la possibilité même pour les auteurs de créer des œuvres
nouvelles et de les faire éditer correctement est aujourd’hui menacée.
Nous rappelons donc que la reproduction et la vente sans
autorisation, ainsi que le recel, sont passibles de poursuites. Les
demandes d’autorisation de photocopier doivent être adressées à
l’éditeur ou au Centre français d’exploitation du droit de copie : 20,
rue des Grands-Augustins, 75006 Paris. Tél. 01 44 07 47 70.
Abréviations

ACA acrodermatite chronique atrophiante


ADN acide désoxyribonucléique
AINS anti-inflammatoires non stéroïdiens
BAV bloc auriculoventriculaire
BIP B-cell inhibitoring protein
BSK Barbour-Stoener-Kelly
CDC Centers for Disease Control and Prevention
CMB concentration minimale bactéricide
CMI concentration minimale inhibitrice
CPK créatines phosphokinases
CRASP complement regulator acquiring surface proteins
DEET N,N-diéthyl-3-méthyltoluamide
ECM érythème chronique migrant
EM érythème migrant
FSME Frühsommermeningoenzephalitis
IDSA Infectious Diseases Society of America
Ig immunoglobuline
IRM imagerie par résonance magnétique
IXAC Ixodes anti-complement proteins
LCB lymphocytome borrélien
LCS liquide cérébrospinal
PCR polymerase chain reaction
PGE2 prostaglandine E2
OMS Organisation mondiale de la Santé
Osp outer surface proteins
SPILF Société de pathologie infectieuse de langue française
TBE tick-borne encephalitis virus
TEP tomographie par émission de positons
TROSPA tick receptor OspA
VlsE variable major protein-like sequence
TDR tests de diagnostic rapide
Introduction
Avec plus de 14 000 références médicales sur plus de 37 millions de
sites généralistes, la borréliose de Lyme est certainement une des
infections qui a suscité et suscite encore beaucoup de discussions
portant sur les notions d’émergence, de diagnostics clinique et
biologique avec des tests qui ne seraient pas fiables, des durées de
traitement trop courtes et surtout l’éventuelle évolution vers des
formes chroniques.
En fait, à l’analyse des publications, il s’avère qu’il s’agit d’une
infection déjà ancienne dont la cause a été identifiée il y a une
quarantaine d’années, diagnostic confirmé par des tests fiables. Le
traitement repose sur des bases microbiologiques précises évitant
alors des formes prolongées.
Trois points restent importants. L’absence de protection par les
anticorps synthétisés après une première contamination est à
souligner. Il est à noter également qu’il n’y a pas de vaccination
disponible. La possibilité d’autres infections transmises par les tiques
Ixodes spp. Enfin une situation, beaucoup plus importante, est le
diagnostic de Borréliose de Lyme porté par excès en raison
notamment de l’aspect très protéiforme de cette infection, laissant
évoluer alors d’autres problèmes médicaux, parfois, graves, relevant
d’autres prises en charge et pour certaines, des thérapeutiques très
spécifiques, non antibiotiques.
Finalement la prise en charge de ces patients doit être claire et
relève d’une démarche médicale précise.
CHAPITRE 1

Données historiques sur la


borréliose de Lyme
La borréliose de Lyme est une infection dont l’histoire permet de
retenir différentes étapes en Europe [1] et aux États-Unis.
En Europe, un certain nombre de données sont décrites dès la fin
du XIXe siècle sans pouvoir être rattachées à une cause précise.
En 1883, le médecin allemand Alfred Buchwald décrit chez des
patients, dans la région de Breslau, une lésion cutanée qui, à la
description, s’avère être une acrodermatite chronique atrophiante.
Par la suite, le médecin suédois Arvid Afzelius [2] décrit une
lésion prenant un aspect d’anneau souvent dans les suites d’une
piqûre de tique. En fait, il s’agit de l’érythème migrant.
En 1913, Lipschutz en Autriche décrit la même lésion et la nomme
érythème chronique migrant (ECM) [3].
En 1922, deux médecins de la région lyonnaise décrivent une
méningo-radiculite chez un patient présentant un érythème migrant.
La publication, très courte mais remarquable, rappelle les éléments
importants de cette forme neurologique de l’infection avec, pour les
auteurs, évocation de la possibilité d’un « virus » dans cette
situation [4].
En 1934, en Allemagne sont décrites des atteintes articulaires
associées à un érythème chronique migrant.
En 1941, Alfred Bannwarth complète le tableau de méningo-
radiculite en rappelant la réaction méningée.
En 1951, les publications rapportent le bénéfice d’un traitement
antibiotique. Aucun germe n’a été à l’époque identifié.
Aux États-Unis, un premier cas d’érythème chronique migrant est
décrit en 1969 mais c’est surtout l’analyse d’une épidémie d’arthrite
survenant chez les enfants et les adultes associée dans 25 % des cas à
un érythème chronique migrant dans la région de Lyme
(Connecticut) qui fait reconnaître par Steere le tableau d’arthrite de
Lyme [5, 6]. Les enquêtes épidémiologique et microbiologique vont
mettre en évidence le rôle des tiques Ixodes et la responsabilité d’une
Borrelia dans cette atteinte [7].
Cependant, l’histoire de la borréliose de Lyme est bien plus
ancienne puisqu’environ 60 % de l’ADN (acide désoxyribonucléique)
de Borrelia burgdorferi a été identifié dans les tissus d’un homme,
Ötzi, libéré par l’avancée d’un glacier dans le Tyrol italien, glacier
dans lequel il était resté emprisonné et congelé pendant plus de
5 000 ans [8].

Références
[1] Freney J, Pages L, Doleans-Jordheim A. Histoire de quatre
précurseurs européens de la maladie de Lyme. Feuillets de
Biologie. 2015;326:57–63.
[2] Afzelius A. Verhandlungen des dermatologischen
Gesellschaft zu Stockholm. Arch Dermatol Syph. 1910;101:405–
406.
[3] Lipschütz B. Über eine seltene Erythemform (erythema
chronicum migrans). Arch Dermatol Syph. 1913;118:349–356.
[4] Garin C, Bujadoux C. Paralysie par les tiques. J Med Lyon.
1922;71:765–767.
[5] Steere AC, Boderick TF, Malawista SE. Erythema chronicum
migrans and Lyme arthritis: epidemiologic evidence for a
tick-vector. Am J Epidemiol. 1978;108:312–321.
[6] Steere AC, Malawista SE, Snydman DR, Shope RE,
Andiman WA, Ross MR, Steele FM. Lyme arthritis: an
epidemic of oligoarticular arthritis in children and adults in
three Connecticut communities. Arthritis Rheum. 1977;20:7–
17.
[7] Burgdorfer W, Barbour AG, Hayes SF, Benach JL,
Grunwaldt E, Davis JP. Lyme disease: a tick-borne
spirochetosis? Science. 1982;216:1317–1324.
[8] Keller A, Graefen A, Ball M, Matzas, et al. New insights into
the Tyrolean Iceman’s origin and phenotype as inferred by
whole-genome sequencing. Nature communications.
2012;3:698.
CHAPITRE 2

Données fondamentales
Bactériologie
La maladie de Lyme est une infection bactérienne due à des Borrelia,
regroupées dans le complexe Borrelia burgdorferi sensu lato.
L’identification du rôle de Borrelia dans la maladie de Lyme revient à
W. Burgdorfer (1982) à partir de prélèvements réalisés sur les tiques
(Ixodes) initialement récoltées dans la région de Lyme [1]. Ces
bactéries appartiennent à la classe des spirochètes, à l’ordre des
spirochétales, à la famille des Spirochaetaceae, au genre Borrelia qui
comprend plus de 300 espèces dont le complexe Borrelia burgdorferi
sensu lato [2].
En 2014, une révision de la nomenclature du genre Borrelia a été
proposée à la suite d’analyses génomiques sur différentes séquences
protéiques. Cette étude avait identifié des marqueurs moléculaires
très spécifiques qui permettaient de distinguer les Borrelia
responsables de fièvres récurrentes, des Borrelia responsables de la
maladie de Lyme. Cette séparation est confortée par les analyses
génomiques et phylogénétiques des séquences de rRNA16s. Sur la
base de ces éléments, il était proposé de distinguer deux clades de
Borrelia, celle des fièvres récurrentes, d’une part, pour lesquelles le
nom Borrelia était maintenu et celle de la maladie de Lyme, d’autre
part, pour lesquelles le terme Borreliella était proposé [3, 4].
Cette distinction a fait l’objet de différentes critiques reposant sur
des données fondamentales ainsi que sur des arguments non
scientifiques, la division du genre entraînant plus de confusion,
notamment en termes de santé publique. Elle n’a pour l’instant pas
été adoptée.
Le complexe Borrelia burgdorferi sensu lato réunit 22 espèces qui
peuvent être séparées en deux groupes :

▪ le premier groupe comporte des espèces qui n’ont pas été


responsables d’infection chez l’Homme : B. andersonii,
B. californiensis, B. carolinensis, B. japonica, B. tanuki,
B. yangtzensis, B. chilensis (en Amérique du Sud). B. americana
qui figurait habituellement dans ce groupe a fait l’objet
d’une publication récente l’impliquant dans un cas de
borréliose de Lyme et la repositionnant dans le deuxième
groupe [5].
▪ le deuxième groupe renferme les espèces pathogènes, ce
sont : B. garinii, B. afzelii, B. spielmanii, B. burgdorferi sensu
stricto, B. bavariensis, B. valaisiana, B. bissettii, B. lusitaniae,
B. finlandensis, B. kurtenbachii et B. mayonii auquel il faut donc
ajouter B. americana.

La répartition géographique de ces germes n’est pas la même à


travers le monde. Aux États-Unis, les trois espèces pathogènes sont
Borrelia burgdorferi stricto sensu, très anciennement connue et
largement dominante, B. americana et B. mayonii.
En Europe et en Asie ont été identifiés B. garinii, B. burgdorferi
sensu stricto, B. afzelii, B. bavariensis, B. spielmanii, B. valaisiana,
B. lusitaniae.
B. burgdorferi stricto sensu, B. afzelii et B. garinii représentent 95 %
des souches les plus pathogènes à l’origine d’infections localisées et
disséminées.

Morphologie et structure
Les Borrelia sont des spirochètes, bactéries spiralées à Gram négatif,
mobiles, souples qui possèdent un appareil locomoteur interne qui
leur permet de se déplacer. Elles présentent cinq à dix spires
régulières. Leur longueur varie de 4 à 30 microns, leur diamètre est
de 0,2 à 0,5 micron selon les espèces et les conditions de culture.
La culture de la bactérie nécessite l’usage d’un milieu complexe, le
milieu Barbour-Stoener-Kelly (BSK) modifié (BSK II) avec une
température optimale de multiplication de 32° en milieu
environnant micro-aérophile. Dans ces conditions optimales, le
temps de division est de 12 à 24 heures [6].
Borrelia, comme tous les spirochètes, est constituée d’un cylindre
protoplasmique contenant un appareil nucléaire et le cytoplasme.
Ce cylindre est dans une enveloppe dont la structure est proche de
la membrane des bactéries à Gram négatif avec un peptidoglycane à
sa surface.
Borrelia possède un chromosome linéaire de plus de 900 000
(910 725) paires de bases représentant environ 853 gènes. À côté, la
bactérie possède jusqu’à 21 plasmides linéaires ou circulaires,
représentant un ensemble de 533 000 paires de bases, certaines
codant pour des facteurs de virulence. Ce nombre élevé de
plasmides est une particularité de Borrelia burgdorferi spp. [7]. Leur
taille est variable. Certains plasmides sont certainement porteurs de
gènes de virulence. Cette situation est suggérée par la perte de
pouvoir pathogène de Borrelia burgdorferi spp. au cours des cultures
qui s’accompagnent de perte de plasmides. Ainsi, Borrelia burgdorferi
sensu stricto possède un plasmide linéaire, lp25 (linear plasmid)
obligatoire pour que la souche ait un pouvoir infectieux. Le
séquençage du génome a été réalisé en 1997 [7].
Borrelia burgdorferi possède comme toutes les bactéries, des gènes
qui permettent des réactions métaboliques. Elles sont, toutefois,
limitées rendant Borrelia burgdorferi spp. très dépendante de leur hôte
comme source d’énergie que sont essentiellement le glucose ainsi
que d’autres hydrates de carbone. Les nutriments plus complexes
sont en partie fournis par l’hôte. Ce sont des acides gras à longue
chaîne, des nucléotides, des acides aminés ou des peptides.
Les flagelles qui constituent l’appareil locomoteur sont insérés à
chaque pôle de la bactérie et sont localisés dans l’espace
périplasmique, entre le cylindre protoplasmique et l’enveloppe. La
bactérie s’enroule autour de l’axe formé par les flagelles.
La partie distale d’un flagelle est constituée d’une protéine : la
flagelline, polypeptide de 41 kDa, présent dans toutes les espèces de
g p yp p p p
Borrelia burgdorferi sensu lato. La flagelline a un pouvoir antigénique
marqué précoce mais peu spécifique. Des réactions croisées sont
possibles avec d’autres Borrelia et des tréponèmes induisant alors des
réactions faussement positives vis-à-vis de Borrelia burgdorferi. Sa
constitution biochimique est spécifique des espèces.
D’autres protéines sont présentes. Parmi celles-ci, on retiendra :

▪ la protéine P39, de structure proche de la flagelline, est


immunologiquement différente ;
▪ la protéine de 60 kDa est commune aux spirochètes et à
d’autres bactéries, elle est très immunogène ;
▪ la protéine de 93 kDa, localisée sur le cylindre
protoplasmique, sera un marqueur des formes de borréliose
de Lyme en phase tardive.

Borrelia burgdorferi ne produit pas d’exotoxine.

Structure et pathogénie
Borrelia burgdorferi est caractérisé par la présence de protéines
spécifiques, les outer surface proteins (Osp). On distingue les protéines
Osp A, B, C, D, E et F. Certaines ont un rôle majeur dans la
pathogénie de ces bactéries.

▪ Osp A est une protéine de poids moléculaire compris entre 31


et 33 kDa. Elle est produite par la bactérie présente dans
l’intestin de la tique. Osp A joue un rôle dans l’adhérence des
Borrelia à l’épithélium de l’intestin de la tique en se liant à
des récepteurs protéiques (tick receptor OspA [TROSPA])
▪ Osp B est une protéine de 34 à 35 kDa, elle semble nécessaire
à l’adhérence des Borrelia à l’intestin de la tique.

Ces deux protéines (Osp A et Osp B) jouent un rôle dans le


maintien des Borrelia dans la tique, notamment aux différentes
phases de son développement.
▪ Osp C est une protéine de 23 kDa qui intervient dans la
migration des Borrelia dans les glandes salivaires de la tique.
Elle se lie à une protéine de 15 kDa (Salp 15) codée par le
gène Salp15 dont l’expression est stimulée au moment du
repas sanguin de la tique. Cette forme liée (Osp C-Salp15)
confère à la bactérie une protection contre les anticorps
cytotoxiques de l’hôte, situation qui permet de faciliter
l’infection de l’hôte.

La protéine Salp15 présente dans la salive de la tique a également


un effet immunosuppresseur et est impliquée dans la transmission
de la bactérie du vecteur vers l’hôte. Salp15 a un rôle modulateur sur
la réponse immunitaire de l’hôte en inhibant l’activation des
lymphocytes T-CD4(+). L’augmentation de Salp15 par ses fonctions
immunosuppressives va s’opposer au rejet de la tique par l’hôte.
Malgré une réaction immune de l’hôte, Borrelia burgdorferi est
capable de persister chez celui-ci pendant une période prolongée, à
l’origine de tableaux cliniques d’expression tardive. Différentes
possibilités s’offrent à Borrelia burgdorferi pour échapper à ces
mécanismes de défense. Il y a notamment les protéines CRASP
(complement regulator acquiring surface proteins) et vlsE (variable major
protein-like sequence). Le gène VlsE chez le mammifère contaminé voit
certaines régions de sa séquence se modifier aboutissant à des
mutants de la protéine VlsE autorisant ce phénomène
d’échappement et participant ainsi à la virulence de Borrelia
burgdorferi[8, 9].

Tique dure Ixodes


Le vecteur principal de Borrelia burgdorferi est la tique dure Ixodes
spp.
Le genre Ixodes spp. fait partie de l’embranchement des
arthropodes et appartient à la classe des Arachnida, à la sous-classe
des acariens, à l’ordre des Ixodida et à la super famille des Ixodoidae. Il
comporte trois sous-familles dont celle des Ixodinae à laquelle
appartiennent les Ixodes. Les arthropodes sont caractérisés par un
exosquelette et la présence d’appendices articulés (pattes, chélicères,
etc.) Les Ixodina sont des « tiques dures », caractéristique liée à la
présence de zones de tégument chitinisé, dur [10]. La répartition
géographique d’Ixodes est variable mais on retrouvera en Europe
Ixodes ricinus, Ixodes persulcatus en Europe de l’Est et en Asie, Ixodes
pacificus sur la côte ouest des États-Unis et Ixodes persulcatus sur la
côte est des États-Unis.

Morphologie des Ixodes


Ces tiques dures comportent deux parties :

▪ une partie antérieure : le capitulum ou gnathosome ;


▪ une partie postérieure globuleuse : l’idiosome.

Sur le capitulum, qui est en position antérieure, se trouve une


paire de pièces sensorielles les pédipalpes en position latérale,
l’hypostome en situation ventrale et les chélicères pourvues de
nombreuses dents en position dorsale ; l’ensemble constituant le
rostre.
L’idiosome porte à sa face ventrale les pattes et présente un pore
génital à la partie antérieure (chez la femelle) et un orifice anal dans
la partie postérieure. La larve a trois paires de pattes, la nymphe et
l’adulte ont quatre paires de pattes.
Le scutum, ou écusson, est une plaque chitineuse, rigide qui
couvre en partie et au niveau de la zone antérieure de l’idiosome les
larves, nymphes et adultes. Cet écusson couvre la presque totalité de
l’idiosome chez l’adulte mâle et empêche ainsi sa distension et
n’autorise qu’un repas très restreint chez celui-ci.
La tique possède un certain nombre d’organes sensoriels leur
permettant de repérer un hôte pour son repas sanguin ou de
rechercher un partenaire sexuel. Ainsi, la première paire de pattes
porte, à la partie dorsale du tarse, une structure importante :
l’organe de Haller, qui permet à la tique de repérer ses hôtes en
détectant le gaz carbonique et les substances volatiles (phénol et
lactone) qu’ils dégagent et les modifications de température
engendrées par ces hôtes potentiels. À côté de ces stimuli, il convient
de rajouter le rôle possible des vibrations.
À côté des pédipalpes et de l’organe de Haller, une troisième
structure sensorielle est présente, ce sont des soies situées sur
l’ensemble des téguments de la tique.
Ixodes ricinus ne possède pas d’yeux mais des cellules
photosensibles à sa face dorsale.
Sur le plan anatomique, un Ixode comme les autres tiques possède
différentes structures internes. Ce sont :

▪ le système circulatoire rudimentaire qui permet la circulation


de l’hémolymphe ;
▪ le système respiratoire présent chez nymphes et adultes,
formé par une arborescence de trachées qui s’ouvrent à
l’extérieur au niveau des stigmates par un tube plus
important. Chez la larve, la respiration se fait à travers la
cuticule ;
▪ le système nerveux constitué par le ganglion cérébroïde ou
synganglion. ;
▪ le système reproducteur. Les tiques chez qui les sexes sont
séparés ont une reproduction sexuée obligatoire.
L’accouplement chez les Ixodidae se déroule sur l’hôte. Après
la fécondation, la femelle va pondre des œufs en quantité
variable (300 à plusieurs milliers d’œufs) formant une masse
unique ;
▪ le système excréteur composé des tubes de Malpighi qui
recueillent des déchets liés au catabolisme et qui seront
éliminés par l’anus ;
▪ structure très importante chez Ixodes, il s’agit de deux glandes
salivaires qui vont produire différentes substances
permettant le prélèvement prolongé de sang au cours du
repas de la tique. Ces substances sont des produits anti-
hémostatiques, des vasodilatateurs, des anti-inflammatoires
et immunomodulateurs importants pour éviter le rejet de la
tique et son rôle dans la contamination de l’hôte. Ainsi, une
piqûre de tique même prolongée n’est pas douloureuse. Ces
propriétés font l’objet d’un développement spécifique
ultérieur.

Cycle de développement de la tique [11]


Le cycle de développement s’échelonne sur une période de deux à
quatre ans mais peut atteindre six ans selon les conditions
climatiques dans lesquelles la température et l’hygrométrie sont des
éléments importants. Ce cycle comporte trois stades et trois stases
que sont la larve, la nymphe et l’adulte. Le passage d’une stase à la
suivante nécessite un repas sanguin.
Des œufs vont éclore des larves de 0,5 à 1 mm de taille qui, après
quelques jours, vont parasiter un premier hôte. Ces larves vont rester
proches de leur lieu d’éclosion et se fixer sur des végétaux sur
lesquels elles restent à l’affût d’un hôte. Le repérage de ces hôtes se
fait grâce aux organes sensoriels et surtout grâce à l’organe de
Haller. Après s’être laissé tomber sur cet hôte, elles vont se déplacer
sur la peau pour atteindre une zone plus fine et souple dans laquelle
elle va se fixer. Le repas débute après la fixation et va durer trois à
cinq jours. Le poids de la larve va ainsi augmenter de 10 à 20 fois.
À la suite de ce repas, cette larve se détache de l’hôte pour chuter
dans un endroit dans lequel va se produire une première mue qui
l’amènera au stade de nymphe.
Les nymphes sont de taille légèrement supérieure (1 à 3 mm) et
apparaissent au printemps suivant. Elles vont rechercher un nouvel
hôte pour faire un nouveau repas sanguin qui dure trois à cinq jours,
repas au terme duquel elles vont se laisser tomber sur le sol pour
faire une deuxième mue qui l’amèneront au stade adulte après
quelques semaines à mois. Ces adultes sont soit des femelles, soit des
mâles, la taille est d’environ 4 mm, légèrement inférieure chez le
mâle.
La femelle se met en quête d’un nouvel hôte pour un repas
sanguin qui dure plus longtemps (sept à dix jours) et dont le volume
est plus important. Elle peut ainsi ingérer jusqu’à 150 fois son poids
de sang. Le repas sanguin passe d’une phase initiale de gorgement
lent suivie d’une phase de gorgement totale, plus rapide lorsqu’elle a
été fécondée. Dans cette phase plus rapide va s’effectuer, en
alternance, ingestion de sang puis régurgitation permettant une
concentration du repas sanguin. C’est au cours de ce repas que le
mâle s’accouple à la femelle. Au terme de cet accouplement, le mâle
meurt, la femelle tombe au sol où, après l’ovogenèse, elle va pondre
entre 300 et plusieurs milliers d’œufs, puis mourir. Une tique
contaminée par Borrelia restera infestée lors des passages à une stase
suivante. De la même façon, 10 % des larves sont déjà contaminées à
la suite d’une transmission transovarienne contaminant les œufs [12-
14].

Habitat des Ixodes


Ixodes est une tique exophile. Son cycle de développement se déroule
en grande partie sur le sol qui est son biotope de repos.
Ce milieu doit remplir certaines conditions pour assurer la survie
des Ixodes :

▪ le taux d’humidité doit rester supérieur à 80 % au cours des


périodes sèches de l’année. Les tiques sont sensibles à la
dessiccation au cours des périodes de développement ou au
moment de la période d’affût. Ces conditions sont présentes
dans les sous-bois, les prairies, les fourrées, etc. mais
rarement dans les jardins régulièrement entretenus. Elles ne
sont pas présentes sur le pourtour méditerranéen ou en
altitude.
▪ la température constitue un deuxième élément indispensable
à son développement ; elle est idéale entre 15 et 30°.

Dans les régions tempérées d’Europe, la densité d’Ixodes ricinus est


plus importante au printemps et en automne.

Hôtes de Ixodes
Les Ixodes n’ont pas de préférence et les hôtes, qui sont leurs
victimes, sont variés, dépendant en partie du stade de
développement de la tique (cycle hétéroxène). Les larves vont plutôt
se fixer sur les petits mammifères (petits rongeurs, hérissons). Les
mêmes vont être concernés par les nymphes auxquels il faut ajouter
les petits carnivores, les lagomorphes et les oiseaux. Les tiques
adultes touchent plutôt les grands mammifères (ovins, bovins,
chevaux, cerfs, chevreuils, sangliers, etc.) ou les grands carnivores.
L’homme est un hôte accidentel et peut être concerné par les
différents stades de développement de la tique. C’est au cours de ces
repas qu’une tique indemne va se contaminer sur un hôte réservoir.
Par la suite et lors d’un repas suivant, elle va transmettre les Borrelia
à son nouvel hôte. Cette transmission débute environ 20 heures
après sa fixation pour se poursuivre sur une période variable en
fonction de la stase.

Tique Ixodes, réservoir d’agents pathogènes


Les tiques sont vectrices d’agents responsables de différentes
zoonoses. Elles se contaminent à partir d’hôtes « réservoirs » qui
transmettent leur pathogène à l’occasion d’un repas. Les principaux
réservoirs sont les rongeurs (mulots, campagnols, tamia de Sibérie
ou écureuils de Corée) ces derniers qui sont devenus des animaux de
compagnie avant d’être relâchés dans la nature par leurs
propriétaires.
La variété des hôtes explique la possibilité pour la tique
d’héberger différents micro-organismes, virus, bactéries, parasites.
Un certain nombre de ces micro-organismes peuvent être transmis à
un nouveau mammifère.
Pour Ixodes ricinus, on retiendra Borrelia mais aussi Anaplasma,
Rickettsia, Babesia, Coxiella et, confirmé plus récemment, Bartonella. Le
virus concerné en Europe est le virus TBE (tick-borne encephalitis
virus) [9, 15-21].

Tique Ixodes, agent transmetteur de pathogènes


Lors d’un nouveau repas, en particulier chez l’homme, la tique peut
se fixer à tout niveau mais certaines zones sont plus particulièrement
concernées et doivent faire l’objet d’une plus grande attention dans
la démarche préventive. Ce sont les creux poplités, les aisselles, la
région ombilicale et, chez l’enfant, le cuir chevelu, les régions rétro-
auriculaires et les paupières.
Sur l’hôte, la tique, pour faire son repas sanguin, va se fixer
prioritairement à un de ces endroits. La fixation commence par une
découpe de la peau par les chélicères qui progressent dans
l’épiderme en même temps que l’hypostome qui va s’ancrer dans la
peau grâce aux dents orientées de façon à favoriser cet ancrage. La
sécrétion du cément, substance visqueuse qui va durcir, complète la
fixation. La première phase de la fixation, de durée brève (quelques
minutes), va être suivie par une nouvelle découpe de tissu, de
progression du rostre et de sécrétion de cément. La fixation
définitive est réalisée parfois rapidement en 30 à 60 minutes, parfois
plus lentement (jusqu’à 96 heures). Après cette fixation va
commencer le repas qui, si la tique est contaminée, s’accompagne de
la transmission de Borrelia burgdorferi à l’hôte. Chez la tique
contaminée, Borrelia burgdorferi est fixé à la paroi intestinale, fixation
favorisée par l’expression de la protéine OspA. Au moment où
débute le repas sanguin, la protéine OspC va s’exprimer alors que
celle de OspA est réprimée, permettant le détachement de Borrelia du
récepteur TROSPA, suivi d’une migration du germe à travers
l’hémolymphe vers les glandes salivaires. À ce niveau, les bactéries
vont se fixer sur la protéine Salp15, fixation qui va protéger la
bactérie des anticorps éventuellement présents dans le sang de l’hôte
et ainsi favoriser la transmission et la multiplication des Borrelia dans
la peau.
La salive, par la présence de molécules immunomodulatrices, va
modifier l’activité des lymphocytes T-CD4(+), du complément et
d’autres cellules comme les polynucléaires neutrophiles, les
macrophages et les lymphocytes B.
La possibilité de contamination d’une tique par une autre tique
située à proximité sur un même hôte était connue pour certains virus
comme en particulier le virus TBE. Cette transmission par co-feeding
p p f g
a également été observée pour les spirochètes et notamment les
principales Borrelia présentes en Europe (Borrelia burgdorferi, Borrelia
garinii, Borrelia afzelii, Borrelia valaisiana).
Cette transmission entre tique est dépendante de la distance entre
les tiques, de la densité bactérienne et de la durée de la fixation.

Mécanismes physiologiques développés lors de


la piqûre de tique (rôle du repas sanguin, des
glandes salivaires et de la salive) [22-25]
Les glandes salivaires sont formées de structure en grappe avec
différents acini, siège d’une sécrétion de protéines et de lipides
possédant diverses propriétés pharmacologiques et actives lors du
repas de chaque stase.
En plus de la salive, ces glandes vont produire le cément
permettant l’ancrage de la tique.

Prise du repas sanguin


La tique va s’ancrer dans la peau par l’hypostome et produire une
lésion, la poche de lyse. Chez les formes adultes d’Ixodes, le repas
comporte deux phases : une phase lente puis une phase rapide qui se
tient après l’accouplement. Au cours de ce repas, la tique va
concentrer le sang ingéré avec une prise de poids pouvant atteindre
cent fois le poids de la tique elle-même.

Propriétés de la salive
La salive des tiques possède différentes activités pharmacologiques.
Il s’agit d’une action sur la coagulation, sur l’inflammation et la
douleur, ces éléments étant déjà connus depuis 1985.
Différentes molécules peuvent interférer avec la coagulation,
l’agrégation plaquettaire et la vasoconstriction qui apparaît au site de
la piqûre chez l’hôte.

Activité anticoagulante
Différents facteurs vont agir sur plusieurs niveaux de la coagulation
et sur l’agrégation plaquettaire. L’Ixolaris et la Penthalaris,
identifiées chez Ixodes scapularis, sont des inhibiteurs spécifiques du
facteur tissulaire initiant l’activation de la voie extrinsèque de la
coagulation. Un inhibiteur Salp14 a été identifié chez Ixodes. D’autres
facteurs sont présents (par exemple, apyrase).

Activité anti-inflammatoire et anti-algique


Une kinase présente dans la salive va inhiber l’effet de la bradykinine
et ainsi diminuer la perméabilité vasculaire et la vasodilatation avec
pour conséquence une diminution du prurit induit par la piqûre.
Des lipocalines vont neutraliser l’histamine.

Activité sur l’immunité de l’hôte


La salive de la tique va avoir un effet immunosuppresseur sur
l’immunité de l’hôte.

Effets sur l’immunité acquise


Il a été montré que la protéine Salp15 chez Ixodes scapularis va inhiber
la prolifération des lymphocytes T CD4(+) en se fixant sur les
récepteurs CD4 des lymphocytes T helper inhibant la sécrétion d’IL-
2 (interleukine-2).
Une autre protéine « Iris », identifiée chez Ixodes ricinus a un effet
identique avec une polarisation de type Th2 sur les lymphocytes T
CD4(+), avec une production d’IL-4 (à la suite de l’infection par
Borrelia burgdorferi stricto sensu).
L’action de la salive s’exerce aussi sur les lymphocytes T CD8(+)
avec inhibition de la cathepsine par la sialostatine-L. La prolifération
des lymphocytes B (in vitro) est inhibée par une protéine BIP (B-cell
inhibitoring protein) identifiée chez Ixodes ricinus avec réduction de la
production d’anticorps.
La salive de tique agit également sur les cellules dendritiques. La
prostaglandine E2 (PGE2) inhibe la sécrétion d’IL-12 et du TNF-
alpha ainsi que l’activation des lymphocytes T CD4(+).

Effets sur l’immunité innée


La salive de tique agit sur la voie alterne du complément en
l’inhibant par une protéine « Isac » (salivary anti-complement) chez
Ixodes scapularis et des protéines homologues chez Ixodes ricinus. Une
protéine IXAC (Ixodes anti-complement proteins) a été identifiée chez
Ixodes ricinus. Salp15 protège différentes espèces de Borrelia
burgdorferi sensu lato de l’effet lytique du complément en se fixant
sur une lipoprotéine.
La conséquence globale est une diminution de la réaction
immunitaire locale au point de piqûre de la tique avec la possibilité
de la contamination de l’hôte.

Implication de la salive de tique dans la transmission d’agents


infectieux
Transmission de bactéries :

▪ Borrelia burgdorferi : la transmission est marquée à partir du


troisième jour après la piqûre. Pour d’autres espèces comme
Borrelia garinii, le délai est plus court. La bactérie est fixée à
l’intestin de la tique par Osp A. Au début du repas sanguin,
Osp A ne sera plus exprimé alors que Osp C va être
produite. Des Borrelias libérées du tube digestif vont migrer
via l’hémolymphe vers les glandes salivaires. La protéine
Salp15 va fixer Osp C et faciliter la transmission de Borrelia
burgdorferi à l’hôte. D’autres protéines interviennent dans la
transmission, la protéine decorin binding protein (DpbA,
DbpB) et la Borrelia burgdorferi fibronectin-binding protein
(BBK 32) ;
▪ Anaplasma phagocytophilum : une protéine Salp16 chez Ixodes
scapularis voit son expression augmenter en cas d’infection
par Anaplasma phagocytophilum et semble avoir un rôle plus
spécifique. L’inhibition de l’expression de Salp16 diminue la
migration de la bactérie dans les glandes salivaires. Un délai
est nécessaire, comme pour Borrelia, avant la transmission à
l’hôte ;
▪ Bartonella : la transmission par les tiques n’a pas été admise
pendant longtemps mais différentes observations récentes
viennent conforter ce possible mode de transmission. Sa
transmission est actuellement démontrée. Un même délai est
nécessaire avant la transmission. Chez Ixodes ricinus, un
facteur salivaire « IrSPI » voit son expression augmenter au
niveau des glandes salivaires lors de l’infection par Bartonella
henselae. Cette protéine joue donc un rôle dans la
transmission de la bactérie.

Transmission d’autres agents infectieux :

▪ Babesia : les étapes de la transmission de Babesia ne sont pas


totalement élucidées. Les Babesia sont présentes dans les
glandes salivaires avant le repas de la tique mais le
développement du parasite nécessite un certain temps et sa
transmission à l’hôte n’est effective qu’après quelques jours.
Ce délai est variable selon l’espèce de Babesia.
▪ Virus, virus TBE : il est transmis dès le début de la piqûre
d’Ixodes car déjà présent dans les glandes salivaires de la
tique.

Épidémiologie
La Borréliose de Lyme est une zoonose dont la répartition
correspond à celle des tiques du genre Ixodes. Il s’agit principalement
des régions humides et boisées de l’hémisphère nord.
La borréliose de Lyme a été décrite chez l’Homme mais aussi chez
les mammifères sauvages et domestiques en particulier le chien, les
équidés et les ruminants. D’autres espèces peuvent être porteuses de
Borrelia sans développer de signes cliniques. Il s’agit en particulier
des petits mammifères, des oiseaux ainsi que des lézards.

Répartition géographique
Elle correspond à la zone tempérée de l’hémisphère nord recouvrant
essentiellement l’Eurasie et les États-Unis. La répartition n’est pas
homogène avec des variations en fonction des régions et des pays.
En Europe, la répartition est inégale avec un gradient d’ouest en
est.
En France, à l’exception de la bordure méditerranéenne, toutes les
régions sont concernées sauf les zones localisées à plus de
1 200 mètres d’altitude. Certaines régions sont plus nettement
concernées comme le nord est et l’ouest et de façon moins marquée,
la région Centre.
Les données restent incomplètes mais la sensibilisation des
professionnels de santé à ce problème permet de corriger en partie
ces données épidémiologiques.
Aux États-Unis, le Centers for Disease Control and Prevention (CDC)
a mis en place une surveillance qui a permis une meilleure
évaluation des particularités épidémiologiques. En 2003, l’incidence
annuelle était estimée à 5,1 cas pour 100 000 habitants [26-28].
En Europe, l’incidence varie selon les pays de 0,3 cas pour 100 000
habitants au Royaume-Uni à 130 cas pour 100 000 habitants en
Autriche [26-32].
En France, l’incidence nationale est estimée à 16 cas pour 100 000
habitants avec des zones plus endémiques comme le Limousin
(42 pour 100 000 habitants) ou l’Alsace (86 pour 100 000
habitants) [30, 33-36].

Variation saisonnière
Conséquence des particularités biologiques des tiques, le risque de
contamination de l’Homme et des autres mammifères est limité à la
période d’activité avec un risque plus important au printemps et à
l’automne et une légère diminution saisonnière en été.
Il faut, néanmoins, rappeler que cet aspect correspond à la période
de contamination et donc cliniquement à celle de l’érythème
chronique migrant (ECM). Les autres manifestations cliniques des
phases secondaires et tertiaires doivent être envisagées toute l’année
en pratique clinique [37-43].
Transmission des Borrelia
Il s’agit d’une transmission vectorielle par les tiques du genre Ixodes
spp. dont il existe de nombreuses espèces selon les régions
géographiques [44-46]. Sont impliqués :

▪ Ixodes ricinus en Europe ;


▪ Ixodes persulcatus en Asie et au Japon ;
▪ Ixodes dammini au nord-est des États-Unis ;
▪ Ixodes scapularis au sud-est des États-Unis ;
▪ Ixodes pacificus au nord-ouest des États-Unis.

Comme autre mode de transmission chez l’Homme, il faut


rappeler la possible transmission transplacentaire avec une
contamination du fœtus sans qu’il y ait de risque de malformation,
ni de borréliose congénitale, contrairement à ce qui est observé avec
une autre infection à spirochètes, la syphilis congénitale. Cette
situation peut exister pendant la phase bactériémique, phase primo-
secondaire de l’infection. La fréquence de ce risque de transmission
est faible et seule une cinquantaine d’observations ont été rapportées
dans la littérature dans une étude systématique sur une période de
50 ans.

Références
[1] Burgdorfer W, Barbour AG, Hayes SF, Benach JL,
Grunwaldt E, Davis JP. Lyme disease: a tick-borne
spirochetosis? Science. 1982;216:1317–1324.
[2] Schramm F, Grillon A, De Martino S, Jaulhac B. La
borréliose de Lyme. Revue Francophone des Laboratoires.
2013;457:35–49.
[3] Barbour AG, Adeolu M, Gupta RS. Division of the genus
Borrelia into two genera (corresponding to Lyme disease and
relapsing fever grous) reflects their genetic and phenotypic
distinctiveness and will lead to a better understanding of
these two groups of microbes (Margos et al. (2016) There is
inadequate evidence to support the division of the genus
Borrelia. Int J Syst Evol Microbiol. 2017;67:2058–2067.
[4] Adeolu M. Gupta RS A. phylogenomic and molecular
marker based proposal for the division of the genus Borrelia
into two genera: the emended genus Borrelia containing the
members of the relapsing fever Borrelia, and the genus
Borreliella gen. nov. containing the members of the Lyme
disease Borrelia (Borrelia burgdorferi sensu lato complex).
Antonie van Leeuvenhoek. 2014;105:1049–1072.
[5] Rudenko N, Golovchenko M, Lin T, Gao L, Grubhoffer L,
Oliver JH. Delineation of a new species of the Borrelia
burgdorferi sensu lato complex, Borrelia americana sp. nov. J
Clin Microbiol. 2009;47:3875–3880.
[6] Barbour AG. Isolation and cultivation of Lyme disease
spirochete. Yale J Biol Med. 1984;57:521–525.
[7] Fraser CM, Casjens S, Huang WM, Sutton GG, et al.
Genomic sequence of a Lyme disease spirochete, Borrelia
burgdorferi. Nature. 1997;390:580–586.
[8] Liang FT, Jacobs MB, Bowers LC, Philipp MT. An immune
evasion mechanism for spirochetal persistence in Lyme
disease. J Exp Med. 2002;195:415–422.
[9] Rogovskyy AS, Casselli T, Tourand Y, Jones CR, et al.
Evaluation of the importance of VlsE antigenic variation for
the enzootic cycle of Borrelia burgdorferi. PLoS ONE.
2015;10: a0124268.
[10] Mc Coy K, Boulanger N. Tiques et maladies à tiques.
Biologie, écologie évolutive, épidémiologie. Ed IRD 2015, 336
pages.
[11] Estrada-Penã A, Nava S, Petney T. Description of all the
stages of Ixodes inopinatus n. sp. (Acari : Ixodidae). Ticks and
Tick-borne Dis. 2014;5:734–743.
[12] Toutoungi LN, Gern L. Ability of transovarially and
subsequent transstadially infected Ixodes hexagonus ticks to
maintain and transmit Borrelia burgdorferi in the laboratory.
Exp Appl Acarology. 1993;17:581–586.
[13] Nefedova VV, Korenberg EI, Gorelova NB, Kovalevskii YV.
Studies on the transovarial transmission of Borrelia
burgdorferi sensu lato in the taiga tick Ixodes persulcatus.
Folia Parasitologica. 2004;51:67–71.
[14] Rollend L, Fish D, Childs JE. Transovarial transmission of
Borrelia spirochete by Ixodes scapularis: a summery of the
literature and recent observations. Ticks and Tick-borne Dis.
2013;4:46–51.
[15] Baneth G. Tick-borne infections of animals and humans: a
common ground. Int J Parasitology. 2014;44:591–596.
[16] Gern L, Lienhard R, Peter O. maladies et agents pathogènes
transmis par les tiques en Suisse. Rev Med Suisse.
2010;60:1906–1909.
[17] Süss J, Schrader C, Durch Zecken. übertragene
humanpathogene und bisher als pathogen geltende
Mikroorganismen in Europa. Teil I: Zecken und Viren.
Bundesgesundheitsbl-Gesundheitsforsch-gesundheitsschutz.
2004;47:392–404.
[18] De la Fuente J, Antunes S, Bonnet S, Cabezas-Cruz A, et al.
Tick-pathogen interactions and vector competence:
identification of molecular drivers for tick-borne diseases.
Front Cell Infect Microbiol. 2017;7:114.
[19] Boulanger N, Boyer P, Talagrand-Reboul E, Hansmann Y.
Ticks and tick-borne diseases. Med Mal Inf. 2019;49:87–97.
[20] Parola P, Raoult D. Ticks and tickborne bacterial diseases in
humans: an emerging infectious threat. Clin Infect Dis.
2001;32:897–928.
[21] Vayssier-Taussat M. Les tiques : infections, co-infections et
moyens de prevention. Bull Acad Nle Med. 2016;200:1337–
1348.
[22] Eisen L. pathogen transmission in relation to the duration of
attachment by Ixodes scapularis ticks. Ticks and Tick-borne
Dis. 2018;9:535–542.
[23] Kurtenbach K, Hanincova K, Tsao JI, Margos G, Fish D,
Ogden NH. Fundamental processes in the evolutionary
ecology of Lyme borreliosis. Nat Rev Microbiol. 2006;4:660–
669.
[24] Piesman J, Schneider BS. Dynamic changes in Lyme disease
spirochetes during transmission by nymphal ticks. Exper and
Appl Acarology. 2002;28:141–145.
[25] Grubhoffer L, Golovchenko M, Vancova M, Zacharovo-
Slavickova K, Rudenko N, Oliver J. Lyme borreliosis insights
into tick-//host-borrelia relations. Folia Parasitologia.
2005;52:279–294.
[26] Clark KL, Leydet BF, Threlkeld C. Geographical and
genospecies distribution of Borrelia burgdorferi sensu lato
DNA detected in humans in the USA. J Med Microbiology.
2014;63:674–684.
[27] Sperling JLH, Middelveen MJ, Klein D, Sperling FAH.
Evolving perspectives in Lyme borreliosis in Canada. Open
Neurol J. 2012;6(suppl 1-M4):94–103.
[28] Schotthoeffer AM, Frost HM. Ecology and epidemiology of
Lyme Borreliosis. Clin Lab Med. 2015;35:723–743.
[29] Lindgren E, Jaenson TGT. Lyme borreliosis in Europe:
influences of climate and climate change, epidemiology, ecology
and adaptation measures. WHO; 2006: 34 p.
[30] Estrada-Peña A, Cutler S, Potkonjak A, Vaissier-Taussat M,
et al. An updated meta-analysis of the distribution and
prevalence of Borrelia burgdorferi s.l. in ticks in Europe. Int J
Health Geogr. 2018;17:41.
[31] Medlock JM, Hansford KM, Bormane A, et al. Driving forces
for changes in geographical distribution of Ixodes ricinus
ticks in Europe. Parasites and Vectors. 2013;6:1.
[32] Fournier L, Roussel V, Couturier E, Jaulhac B, Goronflot T,
Septfons A, et al. Epidémiologie de la borréliose de Lyme en
Médecine Générale, France métropolitaine, 2009-2016. BEH.
2018: 19–20: 383-8.
[33] Jore S, Viljugrein H, Hofshagen M, Brun-Hansen H,
Kristoffersen AB, Nygard K, et al. Multi-source analysis
reveals latitudinal and altitudinal shifts in range of Ixodes
ricinus at its northern distribution limit. Parasites and Vectors.
2011;4:84.
[34] Huegli D, Moret J, Rais O, Moosmann Y, Erard P, Malinverni
R, Gern L. Prospective study on the incidence of infection by
Borrelia burgdorferi sensu lato after a tick bite in a highly
endemic area of Switzerland. Ticks and Tick borne Dis.
2011;2:129–136.
[35] Septfons A, Couturier E, Goronflot T, Turbelin C, Blanchon
T, de Valk H. Borreliose de Lyme : estimation de l’incidence
hospitalière en France de 2005 à 2016. BEH. 2018;19-20:389–
395.
[36] Raguet S, Le Strat Y, Chouin L, Hansmann Y, Martinot M,
Kieffer P, et al. Incidence ce la borréliose de Lyme dans les
départements alsaciens, étude alsa(ce)tique, 2014-2015. BEH.
2018;19-20:406–412.
[37] Boulanger N, Zilliox L, Goldstein V, Boyer P, Napolitano D,
Jaulhac B. Surveillance du vecteur de la borreliose de Lyme,
Ixodes ricinus, en Alsace de 2013 à 2016. BEH. 2018;19-
20:400–405.
[38] Tessier S, Le Strat Y, Serre A, Leroy J, De Martino S, Jaulhac
B, et al. Etude sur la borréliose de Lyme et six autres
maladies transmises par les tiques, Franche-Comté, 2010-
2012. BEH. 2018;19-20:413–418.
[39] Pfäffle M, Littwin N, Muders SV, Petney TN. The ecology of
tick-borne diseases. Intern J Parasitol. 2013;43:1059–1077.
[40] Wallace D, Ratti V, Kodali A, Winter JM, Ayres MP,
Chipman JW, et al. Effect of rising temperature on Lyme
disease: Ixodes scapularis population dynamics and Borrelia
burgdorferi transmission and prevalence. Can J Infect Dis
Med Microbiol. 2019;2019:9817930.
[41] Estrada-Peña A, Ayllón, de la Fuente J. Impact of climate
trends on tick-borne pathogen transmission. Front Physiol.
2012;3:64.
[42] Killilea ME, Swei A, Lane RS, Briggs CJ, Ostfeld RS. Spatial
dynamics of Lyme Disease: a review. EcoHealth. 2008;5:167–
195.
[43] Ocias LF, Wilhelmson P, Sjöwall J, Henningsson AJ,
Noerdberg M, et al. Emerging tick-borne pathogens in the
Nordic countries: a clinical and laboratory follow-up study
of high-risk tick-bitten individuals. Ticks and tick-borne Dis.
2020;11:101303.
[44] Sala V, De Faveri E. Epidemiology of Lyme disease in
domestic and wild animals. Open Dermatol J. 2016;10(suppl
1:M3):15–26.
[45] Espi A, Del Cerro A, Somoano A, Garcia V, Prieto JM,
Barandika JF, Garcia-Pérez AL. Borrelia burgdorferi sensu
lato prevalence and siversitu in ticks and small mammals in
a Lyme borreliosis endemic Nature Reserve in North-
Western Spain, Incidence in surrounding human
populations. Enferm Infecc Microbiol Clin. 2017;35:563–568.
[46] Berglund J, Eitrem R, Ornstein K, Lindberg A, Ringner A,
Elmrud H, et al. An epidemiologic study of Lyme disease in
southern Sweden. N Engl J Med. 1995;333:1319–1324.
CHAPITRE 3

Manifestations cliniques au
cours de la borréliose de Lyme
Après la contamination à la suite d’une piqûre de tique vont se
développer différents tableaux cliniques qui, en l’absence de
traitement antibiotique, peuvent être identifiés en quatre phases : la
phase primaire (phase aiguë localisée) suivie d’une phase primo-
secondaire qui passe souvent inaperçue suivie des phases secondaire
(phase aiguë disséminée) et tertiaire (phase disséminée tardive).
L’identification de ces phases est importante sur le plan
pathogénique. En effet, au cours de la phase disséminée précoce
secondaire, les manifestations cliniques sont en rapport avec le rôle
pathogène direct de Borrelia alors qu’en phase disséminée tardive, le
germe prolonge son action mais va être associé à des réactions
inflammatoires et dysimmunitaires spécifiques complémentaires. Il
faut, enfin, souligner que les différents aspects symptomatiques
s’inscrivent dans un continuum que va traduire l’expression clinique.

Manifestations dermatologiques au cours


de la phase primaire
Au cours d’une borréliose de Lyme, la peau est le plus souvent
touchée avec des lésions spécifiques qui vont constituer des indices
importants pour le diagnostic. Parmi les tableaux cliniques, on
retiendra, à ce stade de l’infection, l’érythème migrant (EM). Plus
tard aux phases ultérieures, ce seront le lymphocytome cutané bénin
actuellement identifié comme lymphocytome borrélien et
l’acrodermatite chronique atrophiante (ACA). D’autres aspects
particuliers méritent d’être abordés et discutés.
Phase aiguë localisée : l’érythème migrant (EM)
[1-16]
L’érythème migrant correspond à la manifestation clinique cutanée
initiale de l’infection localisée au site d’inoculation des Borrelia
nommé initialement érythème chronique migrant (ECM).
Actuellement, c’est le terme érythème migrant (EM) qui est retenu
pour désigner cette lésion.
Cette atteinte cutanée s’observe avec les différentes espèces de
Borrelia responsables d’une borréliose de Lyme. Elle n’est pas
constante, n’appparaît que dans 70 à 80 % des cas. Tous les âges sont
concernés aussi bien hommes que femmes avec une petite
prédominance féminine en Europe. Cette lésion est
pathognomonique de l’infection.
Dans son expression typique, il s’agit d’une lésion érythémateuse
extensive centrée par le point de piqûre de la tique qui est le siège
d’une petite macule (ou papule) rouge à partir de laquelle vont
diffuser et se multiplier les Borrelia pour réaliser une zone
érythémateuse centrifuge, extensive dont la taille est variable, de
quelques centimètres à plusieurs dizaines de centimètres de
diamètre. Cette extension peut, en l’absence de traitement, se
poursuivre pendant plusieurs semaines à mois. La rougeur débute
au point de piqûre en quelques jours, en moyenne 7 à 14 jours après
mais peut être plus précoce ou plus tardive (30 jours). Elle n’est pas
douloureuse et peut être parfois accompagnée d’un léger prurit. Il
n’y a pas de fièvre ou d’impression de brûlure. Localement, la zone
érythémateuse n’est pas cliniquement inflammatoire (fig. 3.1).
FIGURE 3.1 Érythème migrant typique.
Fesse et partie haute de la cuisse. Diamètre d’environ 30 cm.
Point central (piqûre) et bordure érythémateuse.

Ces premiers éléments permettent ainsi d’écarter d’autres


diagnostics et notamment une réaction inflammatoire transitoire liée
à la piqûre. Dans son aspect le plus typique, la région cutanée entre
le point de piqûre et l’érythème a souvent repris un aspect
subnormal, voire normal donnant alors un aspect de cible (« bull’s
eye rash » aux États-Unis). Cette lésion classiquement arrondie ou
ovalaire a parfois une forme irrégulière (fig. 3.2).
FIGURE 3.2 Érythème migrant.
Aspect atypique. Face interne genou droit.

Cette évolution ne serait pas totalement identique selon


l’implication de Borrelia burgdorferi sensu stricto ou de Borrelia afzelii.
Lorsque cette dernière est impliquée, la partie centrale s’éclaircirait
dans 80 % des cas alors qu’elle n’est plus que de 9 à 37 % des cas
lorsque Borrelia burgdorferi sensu stricto est responsable. Borrelia
garinii donne une lésion dont l’évolution est très proche de celle de
Borrelia afzelii. Dans près de 25 % des cas, la lésion reste uniquement
érythémateuse (fig. 3.3). Il est parfois noté une petite desquamation
ou de petites vésicules de contenu clair, trouble ou hémorragique
(fig. 3.4).
FIGURE 3.3 Érythème migrant atypique.
Zone érythémateuse diffuse. Creux poplité.
FIGURE 3.4 Érythème migrant.
Aspect atypique. Forme desquamante.

Cette lésion, en l’absence de traitement, sera de résolution


spontanée, en général en trois à quatre semaines.
En Europe, l’érythème migrant lié à Borrelia garinii semble avoir
une expansion plus rapide. Cette symptomatologie, qui se résume en
fait à la zone érythémateuse, explique souvent son absence
d’identification en particulier lorsque l’EM n’est pas très grand ou
siège dans une zone anatomique difficile à examiner lors de l’auto-
examen (cuir chevelu, région rétro-auriculaire chez l’enfant, région
dorsale ou périnéale).
L’EM siège le plus souvent aux membres inférieurs, en particulier
au niveau du creux poplité ou au niveau de l’aine. Dans un quart des
cas, la lésion siège au niveau du thorax ou de l’abdomen (région
péri-ombilicale) ou dans les autres cas au niveau de la partie
supérieure du corps notamment chez l’enfant.
Cette lésion caractéristique ne nécessite aucun examen
complémentaire pour retenir le diagnostic. Il est ainsi possible
d’écarter d’autres atteintes cutanées comme une infection mycosique
(surtout dans les régions inguinales et axillaires), un érysipèle dans
lequel la fièvre est élevée, associée à une réaction inflammatoire
biologique, ou d’autres pathologies comme une réaction à une
piqûre d’insecte, une urticaire, un eczéma de contact ou un
granulome annulaire.
Le traitement antibiotique devra être débuté immédiatement, sans
données sérologiques préalables.
Parmi les formes atypiques, il a été décrit des formes à centre
bulleux, ulcéré, nécrotique.
L’aspect peut être particulier au niveau d’un membre à partir
duquel Borrelia peut migrer sur la circonférence de la zone concernée
et alors se traduire par deux bandes circonférentielles (anneaux)
érythémateuses de part et d’autre du point de piqûre (fig. 3.5).

FIGURE 3.5 Érythème migrant.


Aspect atypique. Zones érythémateuses sous le genou et au
niveau de la cheville.

Signes associés
Un certain nombre de manifestations cliniques peuvent être
associées à cet EM. Leur fréquence est de 80 % aux États-Unis alors
qu’elle ne serait que de 23 à 50 % en Europe. Cette différence serait le
reflet de la variation de virulence entre Borrelia burgdorferi, d’une
part, et Borrelia afzelii et Borrelia garinii, d’autre part, avec notamment
pour Borrelia burgdorferi une stimulation plus marquée des
macrophages qui sécrètent plus de chemokine ou de cytokine.
Les symptômes les plus fréquents sont une sensation de malaise
général (10 à 80 %), des céphalées (28 à 64 %), de la fièvre et des
frissons (31 à 59 %), des myalgies et des arthralgies (35 à 48 %) et,
moins fréquemment, nausées, anorexie, vertiges, difficultés de
concentration.
En ce qui concerne les signes physiques généraux, il a été noté aux
États-Unis des adénopathies régionales (23 à 41 %).
Il faut, enfin, souligner qu’il n’a pas été décrit de lésions des
paumes des mains, ni de la plante des pieds, ni de lésions
muqueuses.
Sur le plan épidémiologique, il y a deux pics d’âge pour l’EM :
de 5 à 14 ans et de 45 à 54 ans. Enfin, en raison d’une transmission
plus marquée par les nymphes et, par ailleurs, d’un contact plus
important de l’homme avec la nature, cette lésion aura une fréquence
plus élevée à la fin du printemps et en été.
Dans près de 50 % des cas, les patients n’ont pas de souvenir de la
piqûre de tique.
L’analyse histologique ne révèle pas de lésions spécifiques. Il
existe en bordure un infiltrat lymphocytaire prévasculaire,
superficiel et profond.

Phase primo-secondaire
Non traitées, les bactéries, qui diffusent de façon superficielle au
niveau de la peau, vont également se propager en profondeur et
pénétrer dans les capillaires pour atteindre la circulation générale
entraînant une bactériémie souvent asymptomatique à l’origine de la
diffusion des germes dans l’ensemble de l’organisme avec
localisations secondaires des germes dans différents organes ou
tissus dans lesquels ils vont se multiplier et être à l’origine des
formes localisées de la phase secondaire (ou disséminé précoce).
Dans un certain nombre de cas, cette période bactériémique peut
être symptomatique (25 à 50 % des cas des patients ayant eu un EM).
La traduction clinique la plus fréquente est alors un syndrome
pseudo-grippal associant de façon variable fébricule, céphalées,
signes mineurs d’encéphalopathie lentement régressifs en trois à
quatre semaines, arthralgies et myalgies. La discrétion habituelle des
signes explique le fait qu’elle passe, en général, inaperçue.

Manifestations cliniques de la phase secondaire


(disséminée précoce)
La phase secondaire correspond à l’apparition des manifestations
cliniques focalisées qu’il conviendra de rattacher à l’infection, en
particulier lorsque la phase primaire est passée inaperçue. Ces signes
apparaissent, en général, un mois après la piqûre mais parfois
jusqu’à 12 à 18 mois après la contamination. Il s’agit d’une infection
focalisée qui sera toujours maîtrisée par un traitement antibiotique
bien adapté.
Les différentes espèces de Borrelia à l’origine d’une borréliose de
Lyme peuvent être responsables de ces signes. Il existe, toutefois, un
tropisme plus particulier de certaines d’entre elles ; ainsi, les
manifestations neurologiques seront plus volontiers associées à
Borrelia garinii et les manifestations articulaires à Borrelia burgdorferi
sensu stricto.

Manifestations neurologiques (neuroborréliose)


La neuroborréliose réunit l’ensemble des manifestations
neuroméningées décrites dans la borréliose de Lyme. La fréquence
réelle de cette manifestation est difficile à chiffrer avec précision
sachant que, dans certains pays, il n’y a pas de déclaration
obligatoire de cette infection. Elles sont prédominantes en Europe et
représentent jusqu’à 70 à 80 % des tableaux cliniques observées au
cours de la phase secondaire.
Aux États-Unis, au début des années 1980, cette fréquence était
estimée à 10 à 15 % et semble actuellement moins fréquente.
Dans une étude suédoise, la fréquence était de 16 %.
Cette atteinte neuroméningée reste prédominante en Europe,
conséquence des données épidémiologiques avec la fréquence plus
marquée de Borrelia garinii, Borrelia impliquée majoritairement dans
cette atteinte du système nerveux suivie de Borrelia afzelii et plus
exceptionnellement Borrelia valaisiana et Borrelia bissettii. Des formes
liées à Borrelia burgdorferi sensu stricto ont occasionnellement été
décrites, notamment aux États-Unis où cette espèce prédomine. Cette
prédominance de Borrelia garinii et de Borrelia afzelii dans les atteintes
neurologiques est la conséquence de l’organotropisme plus marqué
de ces deux bactéries pour le système nerveux.
Les atteintes neurologiques peuvent concerner le système nerveux
central, le système nerveux périphérique et les méninges. Ces
différentes structures peuvent être atteintes isolément ou de façon
associée avec notamment celle des méninges [17-49].
Ces manifestations peuvent être précoces ou tardives, survenant
parfois dès les premières semaines après la contamination. Les
douleurs représentent la symptomatologie prédominante avec
douleurs radiculaires et céphalées. Les douleurs radiculaires sont
présentes dans 38 à 86 % des cas alors que les céphalées sont notées
chez 18 à 43 % des patients. Les tableaux réalisés traduisent une
atteinte neurologique périphérique ou du système nerveux central
associée à une atteinte méningée, cette dernière peut être présente de
façon isolée, fréquente et prédominante chez l’enfant.

Manifestations neurologiques précoces de la phase aiguë


disséminée
Au cours de la phase primo-secondaire, mais de façon assez discrète,
il peut exister un tableau de méningisme avec surtout des céphalées.
L’analyse du liquide cérébro-spinal à ce stade est habituellement
normale. Les véritables premières manifestations neurologiques
surviennent dans les deux à trois premiers mois après la
contamination. Il est ainsi possible de distinguer les
méningoradiculites, premier tableau décrit par Garin et Bujadoux en
1922 [50], les atteintes des nerfs crâniens, les encéphalites et les
méningites.
Les différents tableaux réalisés sont la traduction de l’invasion du
tissu nerveux par Borrelia, associée aux réactions inflammatoires et
immunes secondaires [51-70].

Méningoradiculites
Encore appelées syndrome de Garin-Bujadoux-Bannwarth, les
méningoradiculites sont observées dans 67 à 85 % des cas de
neuroborréliose en Europe. Le délai de survenue s’échelonne de trois
semaines à trois mois après la contamination. La piqûre de tique qui
reste un élément important dans l’orientation diagnostique
lorsqu’elle est connue, ce qui n’est pas toujours le cas, va être suivie
par l’apparition d’un érythème migrant qui n’est pas régulièrement
identifié. Il s’agit d’une radiculite sensitive avec installation de
douleurs radiculaires aiguës dans presque tous les cas. Ces douleurs
sont variables dans leur intensité, lancinantes, souvent marquées par
une recrudescence nocturne et devenant alors insomniantes. La
description est variable, sensations de brûlures, de morsures, de
broiements, de paresthésies. La topographie est habituellement
radiculaire en général dans le territoire de la piqûre de tique ou de
l’érythème migrant. Ces phénomènes peuvent ne pas rester localisés
mais déborder sur les métamères voisins, voire se généraliser.
L’examen clinique est pauvre, très habituellement sans particularité,
avec une étude de la sensibilité normale. L’atteinte motrice, si elle est
présente, est très discrète. L’analyse du liquide cérébrospinal (LCS)
révèle une pléïocytose lymphocytaire. L’enregistrement
électromyographique confirmera l’atteinte axonale.
Une particularité de cette atteinte est le peu d’efficacité des anti-
algiques banals. En fait, seule l’antibiothérapie adaptée va être très
rapidement efficace avec, en général, disparition des douleurs dans
les 48 heures après le début de son administration.

Méningoradiculite crânienne/crâniospinale
La méningo-radiculite crânienne se développe quelques semaines
après l’érythème migrant et concerne l’atteinte des nerfs crâniens.
Tous les nerfs crâniens peuvent être concernés mais l’atteinte du nerf
facial (VII) prédomine nettement chez l’adulte comme chez l’enfant.
Sa traduction est une paralysie faciale périphérique, en général
unilatérale mais parfois bilatérale. Ainsi, une paralysie faciale en
zone endémique connue doit toujours faire rechercher une borréliose
de Lyme. Les autres nerfs crâniens peuvent être touchés, en
particulier les nerfs oculomoteurs (III, IV, VI). L’atteinte du trijumeau
se manifeste par des troubles sensitifs de l’hémiface.
Dans toutes ces situations, il est utile de rechercher l’atteinte
méningée qui est cliniquement toujours discrète.
La traduction clinique de ces méningoradiculites peut être moins
caractéristique avec parfois une atteinte à prédominance motrice.
L’analyse du LCS met en évidence les anomalies de la méningite
borrélienne.
Le pronostic est bon avec ou sans traitement antibiotique. La
paralysie faciale va très habituellement régresser. Néanmoins, sur les
données cliniques et électrophysiologiques, de minimes séquelles
peuvent être notées chez 50 % des enfants ayant présenté une
paralysie faciale trois à cinq ans auparavant.

Méningite
Isolée, la méningite est notée dans 2 à 5 % des neuroborrélioses.
Cette fréquence est aussi variable selon les régions. Elle touche les
adultes mais plus volontiers les enfants. Sa traduction clinique est
beaucoup plus modérée, comparée aux autres méningites
bactériennes. Cliniquement, le syndrome méningé est discret avec,
en général, peu de céphalées. La raideur de nuque n’est pas franche.
Une fièvre modérée est observée dans environ 40 % des cas. Dans
certaines situations, en raison de sa discrétion, cette méningite peut
passer inaperçue et évoluer de façon chronique avec surtout des
céphalées modérées et prolongées qui finissent par régresser en
quelques mois.
Another random document with
no related content on Scribd:
The Project Gutenberg eBook of Nälkävuodet
1860-luvulla
This ebook is for the use of anyone anywhere in the United States
and most other parts of the world at no cost and with almost no
restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it
under the terms of the Project Gutenberg License included with this
ebook or online at www.gutenberg.org. If you are not located in the
United States, you will have to check the laws of the country where
you are located before using this eBook.

Title: Nälkävuodet 1860-luvulla

Author: A. Meurman

Release date: December 16, 2023 [eBook #72436]

Language: Finnish

Original publication: Helsinki: Kansanvalistusseura, 1892

Credits: Jari Koivisto

*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK


NÄLKÄVUODET 1860-LUVULLA ***
NÄLKÄVUODET 1860-LUVULLA

Kirj.

A. Meurman

Helsingissä, Kansanvalistus-seuran kustantama, 1892.

SISÄLLYS:

Alkulause
I. Taloudellinen asema ennen vuotta 1867.
II. Taloudellinen asema 1867.
III. Walmistukset 1867.
IV. Kunnalliset aputoimet.
V. Yleiset työt.
VI. Waltiovarat ja rahanhankkeet.
VII. Waltion Wilja- ja siemenkauppa.
VIII. Riihimäen—Pietarin rautatie.
IX. Yksityisten ponnistukset.
X. Kerjäläiset.
XI. Kuolevaisuus 1868.
XII. Kuinka kansa kesti koettelemuksessa.
XIII. 1867 vuoden merkitys.
XIV. Jälkimaininkia.

Alkulause.

Mainittaessa vuotta 1867 tuntuu toimi-ijässä silloin olleesta


sukupolvesta ikään kuin koskettaisiin vielä kivistävään haavaan;
nuoremmissa synnyttää se jonkummoisen hämärän aavistuksen
vuodesta, jolloin jäitä kuljettiin Kesäkuussa, "keväästä joka ei
koskaan tullut" ja halloista, jotka turmelivat puolikypsyneet viljat
Syyskuun alkupuolella. Historiassamme tulee se olemaan lehtenä,
joka niin monien muiden synkkien kohtaloidemme kertomusten
kanssa, osottaa kuinka Suomen kansa jaksaa kovat kestää, käydä
sankaritaistelua oman itsensä pelastamiseksi ja paremman kohtalon
valmistamiseksi nouseville sukupolville. Mutta siksi oli tämä taistelu
ankara, ettei sen moninaisia opetuksia ja varoituksia saisi jättää
unohdukseen. Sen lähimmäiset seuraukset olivatkin sitä laatua, että
syystä voidaan sanoa 1867 vuoden kadon muodostaneen tuntuvan
käännekohdan taloudellisissa oloissamme. Warmaankin ansaitsee
sentähden sen aikuiset olot ja tapaukset tulla muistossa säilytetyiksi,
semmenkin koska käsitys niiden oikeasta laadusta näkyy jotensa
himmentyneeltä. Seuraaville lehdille antanevat jotakin arvoa ainakin
niihin sieltä täältä kootut viralliset tiedonannot, jotka, vaikka eivät
olekaan vaikeita joka miehen löytää, kuitenkaan eivät ole yleisesti
huomattuja. Niiden kokoonpano ja niistä johdetut johtopäätökset sitä
vastaan saattavat kyllä olla vaillinaiset, mutta niiden kirjoittaja voi
kuitenkin sanoa: "olinhan siellä minäkin".
Likimpänä aiheena näiden muistelmien kirjoittamiseen on ollut
täällä viime syksynä ilmaantunut herra K.A. Tavaststjernan
kaunokirjallinen teos "Hårda tider" (Kovia aikoja), joka kokonaan
liikkuu mainitun 1867 vuoden vaiheilla, ja johon otsakirjoituskin
viittaa. Mitä ansioita tällä teoksella muutoin lieneekin, käsitellään
siinä kuitenkin historiallisia tosi-asioita jotensakin pintapuolisesti.
Waikka novelli ei suinkaan ole historiaa, niin on taiteilijan oikeudella
muodostaa historialliset tapaukset oman mielensä mukaan sittenkin
rajansa.

Ettei kirjan tekijä omasta näkemästänsä tunne noita kauheita


aikoja, se ei ole hänen syynsä; mutta luullakseni hänen ei olisi
pitänyt perustaa koko kumoustansa löyhiin, napiseviin juorupuheisin.
Ei olisi ollut kovinkaan vaikeata hankkia luotettavampia tietoja.
Novelli lienee tosin kirjoitettu ulkomailla, mutta sillä ei käyne
tosiasiain määrittämistä puolustaminen, semminkin koska
kertomuksen pääjuoni ei kaipaa noita nälkävuosia takalikkonakaan.
Nuo surkeat ajat olisivat kyllä erikseen antaneet arvokasta pohjaa
toisenlaatuisille tauluille ja kuvauksille, kuin mitä puheena oleva
novelli tarjoo.

Ainakin ne lukijat, jotka mainittuna suruvuotena 1867 elivät,


kärsivät ja toimivat, tuntevat itsensä petetyiksi, kun vertaavat omia
muistelmiansa niihin kuvauksiin, joita näiden "kovien aikojen"
kaunotaiteellinen esittäjä heille antaa. Semmoinenko sitten olikin tuo
Suomen kansan sankaritaistelu!

Kenties syntyy pettymys osaksi eri käsityksestä siitä, mitä


kirjoitustapaa tulee käyttää semmoisten tapausten kuvaamisessa. Ei
tahdo oikein miellyttää nuo tavalliset: "talonpoikaisfilosofia",
"talonpoikaisvaisto", "talonpoikaishössö", joilla nimillä tekijä,
arvattavasti tarkoittanee sitä altistusta ja Jumalan tahdon alle
nöyrtymistä, joita hän on huomannut suomalaisessa kansassa.

Ikävä kyllä edustaa kirjassa tätä samaa kansaa ainoastaan kaksi


siveellisen rappeutumisen alhaisimmalla kannalla seisovaa
pohjalaista. Joskus sattuu kyllä tekijä vakuuttamaan lukijata
suomalaisen hyvistäkin ominaisuuksista. Mutta ne ovat pelkkiä
vakuutuksia. Elävinä esimerkkeinä emme näe yhtäkään, ja lukija
tuskin voi tulla muuhun käsitykseen kuin: semmoisia roistoja ne ovat.
Saarijärven Paavosta ei näy vivahdustakaan. Ja olisivathan nuo
kamalat ajat kuitenkin voineet antaa aihetta suurenmoisiin
kuvauksiin, jos kirjantekijä olisi kyennyt perehtymään silloisiin oloihin,
jos hän olisi jättänyt kaikenlaiset Toreldit, Blumit ja insinöörit
parempia aikoja varten, ja yksinomaan astunut itse kansan elämään,
sen jalojen ja, olkoonpa, sen huonojenkin, edustajien keskuuteen.

Ensimmäisen hallayön aamu antaa tekijälle aihetta varsin


taiteelliseen luonnonkuvaukseen, mutta ihmiset siinä ovat
pelkästään vähäpätöisenä sivuseikkana, ainakin siksi kun "aamun
kuningatar, aurinko, näki varsin suuren kaupungin Suomenlahden
rannalla, silmiä häikäisevine valkoisine seinineen, joiden sisäpuolella
viisaat herrat vetivät vanhurskasten unta leveillä vuoteillaan,
varmoina siitä, että he olivat tehneet kaikki, mitä oli mahdollista
kansan kohtalon lievittämiseksi, kun olivat käskeneet arkkipiispaa
kansan parissa rukoilemaan Jumalalta hyvää vuodentuloa, jonka
mahdollisuutta he olivat epäilleet siitä saakka kun suvi välittömästi
seurasi talven perässä. Turhaan tähysteli aurinko löyhäksensä
jotakin levottomuutta tuon suuren kaupungin pyöreillä katukivillä.
Wasta myöhään aamulla nousi huolettomia henkilöitä vuoteiltaan,
tietämättä mitään yön tuhotöistä."
Tämä ei ole ainoa paikka, jossa tekijä ilkkuen moittii hallituksen
toimettomuutta ja kansan rukouksia. "Hallitus — no sillähän oli
kielipolitikinsa ja rautatienrakennus ajatuksissa. Kyllähän sille
monenmoisissa lähetyskirjeissä ilmoitettiin, että vuodentulon toiveet
olivat äärettömän synkkiä, ja vaadittin, että hallituksen
välttämättömästi pitäisi ryhtyä suuriin viljanostoihin ulkomailta. Mutta
koska niissä puhuttiin ainoastaan epämääräisistä varomisista, ja
kartettiin varsinaisten ehdotusten tekemistä, siinä luulossa, että tuo
maanisällinen viisaus tuntisi itseänsä loukatuksi yksityisten
innokkaista neuvoista, niin pistivät korkeimmat asianomaiset
lähetyskirjeet viheriäisen veran alle. Sen jälkeen tekivät he suuren ja
juhlallisen päätöksen. Lähetettiin virkakirje arkkipiispalle, jossa häntä
Keisarin nimessä käskettiin koettaa välttää uhkaavaa hätää
kääntymällä Ainoan Kaikkivaltiaan puoleen erityisellä rukouksella,
joka oli luettava kirkoissa kaikkina sunnuntaina suven loppupuolella."

Mutta pitkäksi tulisi kertoa kaikkea sitä ivaa, jolla tekijä rankaisee
hallituksen toimettomuutta ja erittäinkin tuota hänen
mielikuvituksessaan syntynyttä jokasunnuntaista rukoilemista.

Jos hallitus todellakin olisi ollut siksi toimeton, kuin miksi sitä on
hra T:lle kuvailtu, niin olisi hänen inhonsa luonnollinen. Mutta hän ei
sittenkään ole valinnut oikeaa tapaa kertomisessa. Jos olisi hänen
sydämensä ollut mukana, olisi hän ankarasti, mutta surren
tuominnut, eikä ivalla ja pilkalla kostanut sitä lisäonnettomuutta, että
Suomen kansan asioita johtamassa oli niin surkeasti
kykenemättömät miehet.

Sama mahdottomuus tekijässä kohoamaan tehtävänsä tasalle ja


asettumaan oikeaan mielentilaan ilmaantuu kyllä usein. "Olihan",
sanoo hän, "kuolemakseen uupuneita, nälkääntyneitä, jotka olivat
jääneet yksin eivätkä jaksaneet raahata itseänsä johonkin
säädylliseen paikkaan kuollaksensa, vaan jotka jäivät — sans facon
'Kursailematta', 'pitkittä mutkitta' — kinoksiin." En luule, että nuo
veltot ranskalaiset sanat ikänä olisivat tässä kohden joutuneet
ranskalaisen kirjailijan mieleen. Kyllä olisimme saaneet lukea
kertomuksia, jotka olisivat viiltäneet sydäntämme, tahi ainakin,
niinkuin omassa kirjallisuudessamme, jossa kyllä on lukuisia
samanlaatuisia kuvauksia, ainakin jollakin lohduttamalla aatteella
ylentäneet mieltämme.

Helppo on huomata minkälaisten miesten suista hra T. on


ammentanut tietonsa hallituksen toimista 1867. Wielähän nytkin on
niitä, jotka Snellmanista tietävät ainoastaan, että hän oli "kurja
puoluemies", joka ajoi yksinomaan "kielipolitikiansa." Tämä
katsantotapa pyytää hra T:n novellissa kansalaisoikeutta Suomessa.
Minä luulen velvollisuudekseni kieltää sitä siltä historiallisten
asiakirjain nojalla. Mutta kylläpä on neljäsosa vuosisataa tyystin
lakaissut pois 1867 vuoden tapaukset nuoren sukupolven muistosta.

I.

Taloudellinen asema ennen vuotta 1867.

Tavallisesti mainitaan vuosi 1856 ensimmäisenä siinä pitkässä


nälkävuosien sarjassa, joka loppui vasta jälkeen vuoden 1867. Mutta
huomattava on, että saamme siirtyä hyvin kauaksi ajassa, ennenkuin
löydämme vuosia, jolloin hallitus ei olisi ryhtynyt jonkinmoisiin
aputoimiin maamme pohjois-osissa, semminkin Kuopion läänissä.
Luonnollista onkin, että se lukuisa irtain väestö, joka ei saa
vuosipalvelusta tahi ei rupea siihen, joka ei tunne oman asumuksen
tarvetta, tahi ei ole mahdollinen sitä hankkimaan itsellensä, jolla ei
ole edes omia vaatteita, vaan joka käyttää työnantajan repaleita,
alituisesti elää surkeassa puutteessa, ja joutuu todelliseen hätään,
kun vuodentulo, vaikkapa vain paikallisesti, on niukempi. Mitkä syyt
vaikuttanevat, että tämmöinen irtain, jopa alaston väestö on
olemassa juuri Kuopion läänissä, jossa maata luulisi löytyvän yllin
kyllin, sitä ei liene helppo saada selville. Ja onhan ehdotettu ja
mietitty jos jotakin keinoa, jolla tämä surkuteltava epäkohta saataisiin
korjatuksi. Mutta joko ei ole ryhdytty tarpeeksi ponteviin ja kestäviin
toimiin, taikka on mahdottomuuksia kohdannut; pääasia se, etteivät
olot ole sanottavasti parantuneet. Ehkä onkin liiallista vaatia näin
syvälle vajonneelta väestöltä mitään itsetoimintaa ja tulevaisuuden
ajattelemista. Mutta varma on, että kaikki toimet sen auttamiseksi,
joka ei yritä auttaa itseänsä, jäävät tehottomiksi, ryhtyköön niihin
hallitus tahi yksityiset.

Sikäläiset olot kuvataan tavallisesti näin: Nuorena ja ilman


vähinpiäkään varoja rakennetaan avioliittoja. Asumus etsitään
talollisten uuninpankolla tahi saunassa. Elatusta ensitarpeeksi
saadaan lainaamalla jyviä ensi suvena suoritettavan työn varalta.
Tietystikin kuluvat sitten ensi suven työn ansiot velkain maksuihin ja
elatukseen, niin että toinen talvi aljetaan yhtä turvattomina, ja kurjuus
karttuu mitä lukuisemmaksi lapsilauma, tuomittuna samanlaiseen
tulevaisuuteen, kasvaa.

Tämmöisissä oloissa oli puute jokapäiväinen, ja ainoastaan


kuvernöörien kertomuksista riippui minkälaiseksi sitä hallitukselle
kuvattiin. Ja täytyihän kuvernöörin pitää alustalaisistaan huolta.
Seurauksena oli että avuntoimet pohjoisissa lääneissä muuttuivat
melkein pysyväiseksi valtiomenoksi. Saatiinkohan niillä 10,000
markan avunteoilla, joita tavallisesti käytettiin, mitään todellista apua
puutteenalaisille toimeen, se jääköön sanomatta. Mutta se vaan on
varma, että sekä hallitus että väestö tottui pitämään hallituksen
velvollisuutena rientää apuun, missä ikinä sitä vain pyydettiin.
Semmoisella menetyksellä ei ainakaan amerikalaisia kasvateta.
Sääntönä oli niinikään talollistenkin velkaantuminen kruunulle. Jos
kruunu joskus tahtoi kiristää omansa takaisin, niin kyllä oli niitä, jotka
osasivat todistaa, että ajat olivat siksi vielä liiaksi kovat.

Varsinaisesti aloitti vuosi 1863 todellisten katovuosien sarjan.


Yleinen koko maassamme ei ollut tämäkään katovuosi, kovimmasti
koski se Pohjanmaata. Ponteviin rahankeräyksiin ryhdyttiin
yksityisten kesken ja hallituksen puolelta tarjottiin rahoja, yksistään
vuonna 1883 2,130,000 ruplaa, joko korottomasti taikka helpolla
korolla niille liikemiehille, jotka tahtoivat tuottaa viljaa kaupaksi. Tätä
samaa järjestelmää noudatti hallitus sittemmin seuraavinakin
vuosina aina 1867 vuoteen saakka. Niin järkevältä kuin tämä toimi
näyttikin, oli silläkin varjopuolensa. Kauppiaat, näet, tuottivat jauhoja
enemmän kuin mitä ainakin kovin tarve olisi vaatinut. Ne sentähden
tyrkyttivät viljansa lainaksi, kelle vain suinkin rohkenivat uskoa. Se
ajattelemattomuus, jolla meikäläiset tekevät velkoja, on kylliksi
tunnettu ja osoittautui silloinkin. "Kyllä nyt kelpaa elää", kuultiin joka
haaralta, "kun saa jauhomaton 12 kopekalla" (velkakirjan
karttamerkin hinnalla). Mutta maksu ei ollut yhtä helppo, ja venyi
vuosi vuodelta, kunnes vihdoin 1867 tosi tuli eteen. Silloin saatiin
taas kuulla, että tultaisiinhan sitä kutakuinkin toimeen, kunpa vaan
olisivat jääneet tekemättä nuo onnettomat velat, joita kauppamiehet
nyt, peläten velallisten lopullista maksunkykenemättömyyttä,
rupesivat joukottain hakemaan ulos. Nälkävuosi 1867 oli, kuten
tiedetään, lääninsihteerien kultavuosi. Hallitus sai puolestansa aika
läksytykset ennenaikaisista ja muka turhista avunhankkeistaan.

Mutta ulkopuolella tätäkin lainaliikettä saattoi se, joka oli likemmin


tutustunut yhteisen kansan taloudelliseen asemaan, helposti
huomata, että pula oli tulossa, sadosta huolimatta. Tosin ei voi
sanoa, että meidän kansamme siihen aikaan olisi elänyt kovin
äveriäästi. Mutta käsitys siitä, mitä on ylellisyydellä ymmärrettävä, on
varsin epämääräinen. Oikeastaan merkitsee kaiketi ylellisyys yli
varojen elämistä. Ja sitä vikaa kyllä meikäläisissä huomattiin. Kun
eivät varat riittäneet todellisiin tahi luultuihin tarpeisin, mitäs muuta,
"pisin sormi suuhun pistetään", ja mentiin lainaamaan. Harvan
velkakirjan näin minä siihen aikaan, josta säännöllisesti olisi korko
maksettu. Sitä useammin saapui velkoja ja velallinen luokseni
kymmenvuotisella velkakirjalla, pyytäen sitä uudistamaan lisäämällä
korot pääomaan ja jonkun kymmenkunnan ruplaa lisäksi vastaisia
tarpeita varten. Kun ei enää sekään keino auttanut, myytiin talo
pojalle tahi jollekin toiselle, jolla ei ollut muuta kuin velkakirja
tarjottavana. Myyjä pidätti itselleen tietysti runsaan eläkkeen, ja
semmoisia eläkkeen nauttijoita karttui taloon useampia, yhä
nuoremmalla ijällä. Itse velallinen useimmiten ei tuntenut velkansa
suuruutta.

Yhä huononevat vuodentulot rupesivat vihdoin tekemään aukkoa


tähän järjestelmään. Wasta perustetun Hypoteki-yhdistyksen lainat
olivat omiansa saattamaan aseman selville. Talollinen päätti muuttaa
häälyvät velkansa seisovaksi hypotekilainaksi. Kunpa vaan se
myönnetään, luvattiin jokaiselle velkojalle täysi suoritus. Mutta kun
laina oli saatu, huomattiin ettei se läheskään riittänyt kaikille
velkojille. Osattomiksi jääneet riensivät tietysti kohta hakemaan ulos
velkansa. Saatiin päätös, jonka nojalla irtain omaisuus ja kasvava
vilja myytiin riistokaupassa, ja puille paljaille jäänyt isäntä muuttui
työmieheksi, mutta hypotekiyhdistys sai korjata täydellisesti rappiolle
jääneen talon.

Yleisestikin oli maanviljelys mitä surkeimmalla kannalla, eikä se


voinutkaan parantua, kun taloudellisessa asemassamme oli
alituisesti vuotava haava: kotitarpeen viinanpoltto. Löytyi kuitenkin
järkeviäkin ihmisiä, jotka täydellä todella väittivät, että suomalaisen
maanviljelyksen kannattavaisuus riippui yksinomaan kotitarpeen
viinanpoltosta. Ei siis ihmettäkään, että talonpoikais-sääty 1863
vuoden valtiopäivillä varustautui miehuullisesti puolustamaan tätä
ainoata, mutta kallisarvoista etuoikeuttaan.

Puhumattakaan siitä äärettömästä aineen tuhlauksesta ja siitä


yleisestä juoppoudesta, joka oli seurauksena kotitarpeen
viinanpoltosta, ja jota paraiten käsittää siitä, että isännät juottivat
viinaansa puolituopittain palkollisillensa ja alustalaisilleen, ja että
piikain palkkaetuihin tavallisesti kuului oikeus polttaa joku määrä
viljaa viinaksi, esti sama kotitarpeen poltto muutoinkin
maanviljelyksen edistymistä. Kyllähän silloinkin ahkerasti opetettiin,
että "niitty on pellon emä", mutta hulluhan todellakin olisi ollut se
maanviljelijä, joka olisi pannut maansa heinäkasvulle, joka oli joutuva
järjettömien elukkain kitaan, kun kaura sitä vastoin juoksi kultavirtana
viinapannusta. Opit ja kehotukset jäivät siis tyhjinä houreina sikseen.
Ankarampaa saarnaa täytyi Suomen kansan saada kokea, ennen
kuin se taipui. Ne, jotka vielä uskovat, että Jumalan laupias käsi on
sitä johtanut, ne kiitollisuudella tunnustavat, että apu nytkin tuli
yhdennellätoista tunnilla. 1863 vuoden valtiopäivillä saatiin
kotitarpeenpoltto lakkautetuksi ja sillä aukaistuksi mahdollisuus
kansamme vastaiselle taloudelliselle vaurastumiselle.
II.

Taloudellinen asema 1867.

Kuten edellisessä kirjoituksessani olen koettanut osoittaa, oli


taloudellinen asema maassamme jo pitkiä aikoja ennen varsinaisia
katovuosia syvältä järkähytettynä. Miten ja missä määrässä
katovuodet vähitellen lisäsivät kurjuutta, käynee parhaiten selville
väkiluvun suhteista. Wiisivuosikkona 1860-1865 karttui väkiluku
keskimäärin 20,000 hengellä. Sopii siis pitää varmana, ettei
katovuosi 1862 vielä murtanut kansan yleistä taloutta. Mainittuna
vuonna ilmaantui jo Hämeesenkin yhä karttuvia laumoja kerjäläisiä,
paraasta päästä Pohjanmaalta ja myöskin Savosta. Mutta
vuodentulo oli kohtulainen keski- ja etelä-Suomessa, kulkevaiset
ruokittiin runsaasti, ja niiden luku ei ollut kuitenkaan siksi suuri, ettei
niiden hoidosta olisi voitu pitää kutakuinkin huolta.

Wuodesta 1865 alkoi nälkäkuume suuremmassa määrässä


vaatimaan uhria. Kuitenkin osoittavat sen vuoden väkiluettelot vielä
noin 17,000 syntynyttä enemmän kuin kuolleita. 1866 on
ensimmäinen vuosi, jolloin syntyneiden luku on vähempi kuin
kuolleiden, tosin ainoastaan 3,000 henkeä. Mutta jos arvelisimmekin
säännöllisen väenlisäyksen ainoastaan 17,000:ksi, niin nousee
puutteesen ja tauteihin kuolleiden todellinen luku 20,000:teen. Wuosi
1867, jolloin väestön toimeentulo riippui 1866 vuoden sadosta,
osoittaa jo kuolleiden voittopuolella 10,000 ihmistä, tahi edellisen
laskun mukaan noin 27,000 puutteesen ja tautiin uupunutta.

Tästä näkyy, että väestön kestämisen kyky oli jo ennen 1867


vuoden katoa suuressa määrässä heikontunut. Oli kyllä melkein yhtä
mittaa kotimaassa ja ulkomailla koottu varoja hätääntyneiden
auttamiseksi, oli hallituskin rahalainoilla kauppiaille edistänyt
viljantuontia, suoranaisia lainoja antanut kunnille ja yksityisille, ja
tyhjentänyt sekä makasininsa että rahavarastonsa. Mutta ei käy
väittäminen, että avut olisivat olleet ylenpalttiset, koska sittenkin
kuolon uhrit olivat hirvittävän lukuisat.

Yllämainitut kuolevaisuuden numerot osoittavat, että nälkätyfus jo


kahtena edellisenä vuotena ennen 1867 oli yleinen maassamme ja
raivosi valtavasti. Ei mikään ihmisvoima saanut sitä uutena ja
edellisiä kovempana kato-vuotena hillityksi. Wuosia jatkuneihin
avunhuutoihin ja keräyksiin oli jo kyllästytty, eikä maaseuduilla enää
ollut mahdollista saadakaan mitään kootuksi, koska
varakkaimmillakin oli yllin kyllin hätää torjuttavana lähimmäisessä
ympäristössänsä. Suoranaisien lainojen antamista kruunun puolelta
oli edellisinä vuosina käytetty, kenties väärinkäytettykin, siihen
määrään, ettei tuo "lainan" nimitys kelvannut edes
silmänlumoukseksikaan. Snellmanin Finl. All. Tidningissä annetun
tiedon mukaan nousivat kruunun kolmeen pohjoiseen lääniimme
antamat lainat 170,000 tynnyriin viljaa ja 1 milj. markkaan. Eipä
ihmekään siis, jos tuo siihen aikaan kansaamme syvästi juurtunut
mielipide: "kyllä keisari ruokkii", oli päässyt ylimmilleen, ja saattanut
väestöä leväperäisesti kädet ristissä odottamaan ruokapalansa
taivaasta putoavaksi.

Minun kokemukseni olikin semmoinen, että tilaton väestö kyllä olisi


ollut valmis syömään puhtaana leipänä joka jyvän jouluun saakka,
jättäen huolen vastaisesta ruoasta "keisarille". Niistä vähäisistä
varoista, jotka oli pelloista korjattu, täytyi tietysti myydä kapottain
"kelkkamiehille" (niille, joilla ei ollut hevosta). Mutta pidin
velvollisuutenani huomauttaa jokaiselle ostajalle, että nyt täytyi
yhden kapan kestää yhtä kauan kuin yksi tynnyri ennen oli kestänyt.
Muistan erään akan, joka hyvin välinpitämättömänä kuunteli
puhettani, jonka loputtua hän lausui: "Mutta oletteko kuullut, että A:n
talossa (eräs varallinen naapuritalo) sekoitetaan perunanvarsijauhoja
viljaan; eikö se ole syntiä?" Kyllä ämmä sai kuulla mikä oli syntiä?
Mutta tuo tapaus kuvasi hyvin olot. Varakkaammat toki ymmärsivät,
että jos "keisarin" tulisi ruokkia heitäkin, niin kyllä hänenkin varansa
ennen aikojaan loppuisivat. Ne siis olivat ensimmäiset, jotka
käsittivät, että omillaan täytyi koettaa toimeen tulla. Irtain väestö sitä
vastoin eli 1867, kuten ennenkin, huolettomana tulevasta päivästä.
Eikä kestänyt kauan ennen kuin sekin sai kokea, ettei hätäleivän
ainesten käyttäminen ollut syntiä.

Yhdeksäntenä päivänä Toukokuuta raivosi ainakin minun


paikkakunnallani kuusitoista-tuntinen pyry-ilma, joka korotti jo vähän
kaskenneet kinokset aitojen ja kattojen tasalle. Kuvatkoon taitelija
kansan synkkää mielentilaa, kun kaikkialla oli sylenkorkuisia kinoksia
aikana, jolloin kaurasiemen muulloin pyryili pellolla. Ei ainakaan
minun mielessäni ole hälventynyt saatikka haihtunut muisto siitä
vuorokaudesta ja sitä seuraavista. Warma on, että harva se oli, joka
silloin olisi rohjennut pilkata "kääntymistä ainoan Kaikkivaltiaan
puoleen", vaikka tosin en tiedä "taipuiko moni kenraalin unihvormu
kirkkorukoukseen Korkeimman puoleen niin, että olkanauhat
kalisivat ja epoletit peittivät penkinsyrjän". Mutta mahdottomana sitä
en pidä. Kyllä aika oli semmoinen, että se pehmitti jäykimmänkin
niskan! Me ihastumme lukiessamme, kuinka ukko Lode, vasta
rukoiltuansa "Isä meidän", lähti taisteluun, mutta me ivaamme
kansan rukoilemista, kun se lähti taisteluun, jossa kymmenkertaisesti
piti kaatuman miehiä, naisia ja lapsia.

Niin, semmoinen oli todellakin yleinen mielipide: "nyt on


ihmisvoima korren vertainen, yksin Kaikkivaltias voi pelastaa
kansan", ja hartaammin kuin ennen nousivat Hänen valta-
istuimelleen rukoukset, sekä yksityisesti että kirkoissa. Mutta mitään
säädettyä jokasunnuntaista rukousta ei ollut, ei hallituksen eikä
arkkipiispan käskemää.

Olkoonpa, hyvät herrat, niin, että uskonto, kuten eräs herra on


ollut todeksi näyttävinään, on pelkkää hypnotismia. Entä sitten! Kun
teitä vaivaa hammastauti, hermo- tai muu pikkusairaus, olette valmiit
rientämään hypnotisörin luokse. Hän sanoo teille ankarasti, ettei
teissä ole mitään tautia, te "uskotte", ja palaatte ihan terveinä ja
iloisina. Mutta Suomen kansalla oli 1867 enemmän kuin hammas- ja
hermotauti, sillä oli nälkä, kuolema ja kaikkinaiset kauheudet
odotettavina. Kadehditteko te, että se kääntyi vanhan, tunnetun
hypnotisörinsä, oman ja isäin Jumalansa puoleen, josta se, kaikesta
ivasta huolimatta, palasi virkistyneillä voimilla?

Kertomukseen tuosta olemattomasta jokasunnuntaisesta


kirkkorukouksesta, on antanut aihetta seuraava tosi-asia: Myöhäinen
suventulo saattoi jokaiselle selväksi, että oli tulossa kovia aikoja,
jommoisia Suomen kansa tuskin vuosisatoihin oli saanut kokea.
Luonnollisesti yrittivät kaikki, jotka vain kynään kykenivät, antamaan
neuvojansa tahi, missä niitä ei löydetty, ainakin sättimään kansaa
ylellisestä elämästä edellisinä aikoina. Wakavampaa laatua oli eräs
rovasti Lars Stenbäckin Åbo Underrättelseriin heinäkuussa lähetetty
kirjoitus. Siinä huomauttaa hän ihmisvoiman riittämättömyydestä ja
vaatii, että yleinen rukouspäivä olisi säädettävä vietettäväksi
määräpäivänä. Tätä ehdotusta puolustettiin erittäin prof. Granfeltin ja
Råberghin silloin toimittamassa aikakauskirjassa "Kyrkligt
Weckoblad", mutta vastustettiin tietysti vapaamielisessä Helsingfors
Dagbladissa, kuitenkin ainoastaan siten, ettei hallituksen vaan
tuomiokapitulien tulisi antaa siitä käskyä. Silloin yleinen mielipide oli
kuitenkin siksi vakaa, että hallitus taipui sen alle ja sääsi tuon yleisen
rukouspäivän pidettäväksi 8 p. Joulukuuta, siis ei suinkaan hyvän
vuodentulon saamista varten, vaan kansan valmistamiseksi
kestämään Kaikkivaltiaan säätämää rangaistusta. Rukouspäivä ei
siis ollut hallitusmiesten keksimä, vaan kansan vaatima.

Mitenkähän olisi, jos Suomen kansa nytkin vaatisi yleistä


rukouspäivää vietettäväksi, kun kysymyksessä ei ole ainoastaan sen
aineellinen, vaan myöskin sen kansallinen ja henkinen olemus.
Tulisikohan se ivan esineeksi?
III.

Walmistukset 1867.

Neuvon-antajia ei suinkaan siihen aikaan puuttunut. Kaikenlaisia


järkeviä lähetyskirjeitä tulvasi jöukottain sanomalehtiin, jopa
painettiin "virallisiinkin". Josko niitä suoraan saapui hallitukselle, ja
siellä pistettiin viheriaisen veran alle, sitä en tiedä. Mutta jos ne olivat
samanlaatuisia kuin sanomalehtikirjoitukset, niin ne todellakaan eivät
parempaa kohtaloa ansainneetkaan. Yleisesti sisälsivät ne
valitusvirsiä jos jostakin ja jos minkälaisia ja lisäksi joskus tuon
varsin järkevän neuvon, että hallituksen täytyi ryhtyä entistä
suurempiin viljan ostoihin ulkomailta. Mutta millä varoilla nämä ostot
olivat suoritettavat, kun kruunun varat jo entisistä ajoista olivat
kuihtuneet ja yhä kuihtuivat kaikkinaisen liikkeen seisahtumisen
tähden, ja millä varoilla kansa jaksaisi maksaa näitä viljoja, se ei
laisinkaan huolestuttanut asianomaisia neuvonantajia. Ehkä luulivat
nekin, että "setelit tulvailivat Helsinkiin, jossa niitä pidettiin varmassa
säilyssä pankin holveissa maan jykevien leimaamattomien
kultaharkkojen parissa. Parempia raha-asioita hallituksella ei
koskaan ollut."

Vous aimerez peut-être aussi