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Médecine et maladies infectieuses 37 (2007) 293–294

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Cas clinique

Arthrite septique après morsure de rat : identification


de Streptobacillus moniliformis par biologie moléculaire

Pet-rat bite fever and septic arthritis: molecular identification


of Streptobacillus moniliformis
S. Mignarda,*, B. Aubry-Rozierb, M. de Montclosa, G. Llorcab, G. Carreta
a
Laboratoire de bactériologie, centre hospitalier Lyon Sud, chemin du Grand-Revoyet, 69495 Pierre-Bénite, France
b
Service de rhumatologie, centre hospitalier Lyon Sud, 69495 Pierre-Bénite, France

Reçu le 31 mai 2006 ; accepté le 13 novembre 2006


Disponible sur internet le 25 janvier 2007

Résumé

L’infection par Streptobacillus moniliformis est une maladie relativement rare consécutive à une morsure de rat. Nous rapportons ici un cas
d’arthrite septique sur morsure de rat domestique. La bactérie a été isolée du liquide articulaire de genou et identifiée par le séquençage du gène
codant pour l’ARN 16S. Cette méthode a été rapide et efficace dans le diagnostic de cette bactérie pourtant délicate à identifier. L’antibiothérapie
par amoxicilline a permis le traitement de l’infection.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Abstract

Pet-rat bite fever is a relatively rare disease consecutive to a rat bite or scratch. The authors report a case of septic arthritis following a pet rat
bite. Streptobacillus moniliformis was identified in the knee synovial fluid and identified by 16S rRNA sequencing. This is a rapid and efficient
tool for identification of fastidious bacterium. The patient was cured by an amoxicillin treatment.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Arthrite septique ; Morsure de rat ; Streptobacillus moniliformis

Keywords: Septic arthritis; Pet-rat bite; Streptobacillus moniliformis

1. Cas clinique non prurigineuse furtive était retrouvée sur le poignet gauche.
L’hémogramme était le suivant : leucocytes 24 G/l (89,9 % de
polynucléaires neutrophiles), hémoglobine 119 g/l, plaquettes
M. S, 49 ans, a été hospitalisé pour fièvre et frissons évo- 134 G/l. Le bilan biochimique révélait un fort syndrome
luant depuis six jours, associés à une polyarthrite douloureuse inflammatoire (VS 104 mm/1re heure, CRP 451 mg/l), un
touchant la clavicule gauche, le poignet gauche, les deux bilan hépatique perturbé (ASAT 101 UI/l, ALAT 91 UI/l,
genoux et les deux chevilles. L’examen clinique révélait une LDH 420 UI/l, γ-GT 1103 UI/l, bilirubine 91/64 μM, albumine
température de 36,5 °C, des articulations chaudes et gonflées, 18,2 g/l). Le patient était alcoolotabagique. Il rapportait un
un ictère mais ni adénopathies ni splénomégalie. Une éruption amaigrissement de 4 kg dans les deux dernières semaines et
de multiples morsures de rat sur l’index droit trois semaines
* Auteurcorrespondant. auparavant (par le rat domestique de sa fille) et des griffures
Adresse e-mail : sophie.mignard@chu-lyon.fr (S. Mignard). de chat sur sa cuisse dix jours auparavant. La morsure avait
0399-077X/$ - see front matter © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.medmal.2006.11.005
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guéri spontanément sans signes d’infection. Les radiographies 15 %, mais peut atteindre 50 % en cas d’endocardite [5,7].
des articulations ne montraient aucune anomalie. Le liquide Des cas foudroyants ont été décrits récemment sur des adultes
articulaire prélevé au niveau du genou était purulent (5500 leu- sains aux États-Unis [8].
cocytes/μl dont 97 % de polynucléaires neutrophiles et S. moniliformis est un bacille à Gram négatif très poly-
500 hématies/μl) mais sans germes à l’examen direct. Les morphe. Sa croissance lente sur gélose au sang sous CO2 et
hémocultures (BacAlert® BioMérieux), étaient négatives à son exigence en métabolites imposent des milieux enrichis en
48 heures ainsi que les sérologies Bartonella, Yersinia, les sang, sérum ou ascite et une incubation sous CO2 plus de trois
ASLO et le facteur rhumatoïde. Le patient recevait alors 3 g/j jours. Les hémocultures en système automatisé ne sont pas fia-
d’association amoxicilline–acide clavulanique. L’analyse bac- bles du fait de la présence de SPS (polyanéthol sulfonate) qui
tériologique du liquide articulaire revenait positive après trois inhibe la croissance du bacille. L’analyse de la littérature rap-
jours d’incubation avec présence d’un bacille à Gram négatif porte une bactérie sensible à l’amoxicilline, à l’association
polymorphe, long formant des structures en collier de perles. amoxicilline–acide clavulanique, au céfotaxime, à la doxycy-
Les premiers tests réalisés sur les colonies montraient une oxy- cline, à la vancomycine et à l’érythromycine. Dans ce cas pré-
dase et une catalase négative ainsi que l’urée et l’indole. cis, nous avons suspecté S. moniliformis pour son aspect mor-
L’identification finale était réalisée par le séquençage du gène phologique, les tests négatifs pour l’oxydase et la catalase, la
codant pour l’ARN 16S et l’utilisation de BIBI (www.pbil. sensibilité à la vancomycine très inhabituelle pour un bacille à
univ-lyon1.fr/BIBI/) et donnait Streptobacillus moniliformis. Gram négatif et bien sur la morsure de rat.
L’antibiogramme montrait un germe sensible à l’amoxicilline,
au céfotaxime, à la vancomycine, aux tétracyclines, à la pristi-
3. Conclusion
namycine, à la rifampicine, intermédiaire à l’érythromycine et
résistant à la péfloxacine ainsi qu’à la gentamicine. La dose
d’amoxicilline était alors augmentée à 6 g/j. La fièvre, les La mode récente des nouveaux animaux de compagnie
polyarthrites et l’ictère disparaissaient rapidement, la CRP (NAC) apporte des contacts croissants avec les rongeurs et
diminuait à 109 mg/l après quatre jours de traitement et le pourrait faire émerger des bactéries inhabituelles. La coopéra-
patient sortait après 15 jours d’hospitalisation avec un traite- tion clinicien–biologiste est alors essentielle pour le diagnostic
ment à domicile pour trois mois. Au moment de son hospitali- de ces nouveaux agents. Les méthodes moléculaires permettent
sation s’était alors posée la question d’une leptospirose associée une identification rapide et fiable de ces bactéries exigeantes.
à la streptobacillose chez ce patient. La première sérologie Lep- Le traitement de référence fait appel à de la pénicilline par voie
tospira réalisée à l’admission montrait un résultat positif à 1/50 parentérale, la précocité du traitement permet d’éviter les com-
pour Leptospira canicola, puis trois semaines après la sortie du plications.
patient (soit six semaines après la morsure) à 1/200 pour
L. icterohaemorragiae. Ces deux taux étaient insuffisants pour Références
affirmer le diagnostic de leptospirose, mais il est cependant dif-
ficile de l’éliminer totalement dans la mesure où le traitement [1] Graves MH, Janda JP. Rat-Bite fever (Streptobacillus moniliformis): a
précoce par amoxicilline a pu décapiter l’infection. potential emerging disease. Int J Infect Dis 2001;5:151–5.
[2] Hockman DE, Pence CD, Whittler RR, Smith LE. Septic arthritis of the
2. Discussion hip secondary to rat bite fever: a case report. Clin Orthop Relat Res
2000;1:173–6.
[3] Mitchell RG. Streptobacillus moniliformis. In: Parker MT, Duerden BI,
La streptobacillose est une maladie plutôt rare, l’incidence editors. Topley and Wilson Principles of bacteriology, virology and immu-
réelle étant mal connue puisque ce n’est pas une maladie à nity, vol. 2. London: Edward Arnold; 1990. p. 599–600.
déclaration obligatoire, rapportée dans toutes les régions du [4] Holmes B, Pickett MJ, Hollis DJ. Unusual Gram negatives Bacteria inclu-
monde [1]. L’infection est associée à des morsures ou griffures ding Capnocytophaga, Eikenella, Pasteurella and Streptobacillus. In: Mur-
ray PR, Baron EJ, Pfaller MA, Tenover FC, Yolken RH, editors. Manual
de rat ou de souris, parfois d’autres rongeurs (écureuils, belet- of Clinical Microbiology. Washington: ASM Press; 1995. p. 499–507.
tes⋯) chez qui S. moniliformis est un commensal du rhinopha- [5] Torres L, Lopez AI, Escobar S, Marne C, Marco ML, Perez M, et al. Bac-
rynx [2,3]. Le risque d’infection après morsure est d’environ teremia by Streptobacillus moniliformis: first case described in Spain. Eur
10 %, l’incubation varie d’un à quatre jours et n’excède en J Clin Microbiol 2003;22:258–60.
général pas dix jours [3,4]. La zone de morsure guérit norma- [6] Rupp ME. Streptobacillus moniliformis endocarditis: case report and
lement. La maladie commence ensuite par un accès brutal de review. Clin Infect Dis 1992;14:769–72.
[7] Stehle P, Dubuis O, So A, Dudler J. Rat bite fever without fever. Ann
fièvre accompagnée de myalgies, rash cutanéomuqueux, fris-
Rheum Dis 2003;62:894–7.
sons et céphalées. Des complications peuvent survenir de [8] Pollock WJ, Cunningham R, Lanza J, Williams PA. Bacillary rat bite
type polyarthrite, pneumonie, endocardite, abcès, méningites fever, fatal, 2003-USA (Florida, Washington): MMWR report available
et hépatite [2–6]. Sans traitement la mortalité varie de 10 à at http://www.promedmail.org, 2005. Consulté le 18 février 2005.

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