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GYMNASTIQUE ET MORALE, D'APRÈS I TIM., IV, 7-8.

Tant en vertu de sa grâce apostolique que par ses dons de sympathie


et d'adaptation, saint Paul a eu l'instinct spontané et le souci d'exprimer
son enseignement religieux en termes accessibles à ses auditeurs, et
notamment sous le couvert de métaphores prises de la vie courante
de ses contemporains. A cet égard, il ne pouvait pas ne pas faire allu-
sion aux exercices du gymnase, de la palestre et des « jeux » qui tenaient
une place prépondérante dans la civilisation grecque. Aucuu peuple
au monde n'a jamais pris un tel soin de développer harmonieusement
le corps humain, et n'a ennobli à un tel degré les exercices sportifs (1).
Évoquer l'athlétisme antique, c'est penser à l'athlétisme grec. En Grèce,
le sport est comme un phénomène humain central, lié intimement
à la religion, à l'art, à la poésie (2), à la vie nationale, à la culture et à
la civilisation.

*
* *

I. - Dans les épîtres antérieures aux Pastorales,


rait au pugilat (I Cor ., ix, 26) et à la lutte (3), mais s
peut-être même à celle d'hoplites ( Éph . vi, 14-
7 sv., il compare pour la première fois la vie mora
F6ļjLva^£ 8è aeauTÒv Kpòz eiaáôstav r¡ vàp o,a)ļJLaxi7.yj
ettIv ¿)çéXi1j.oç. La métaphore était spécialeme
obligée dans cette lettre où l'apôtre éduque son
comme un pédotribe son élève, à la charge de Pa
évoquait-elle pour Timothée et les chrétiens d'Êp
L'éducation des enfants grecs se faisait progr

(1) « Les conditions de la vie en Grèce favorisaient un dévelop


sique à un degré que nous pouvons difficilement réaliser; c'était
en plein air. Si un Grec participe à une assemblée, à une cérémon
sentation théâtrale, c'est toujours en plein air, et presque toujour
Athletics of the Ancient World , Oxford, 1930, p. 93).
(2) Cf. les chantres des gloires sportives, Pindare, Bacchylid
(3 ) E pk. vi, 12 sv. ; Cf. G. Spicq, L image sportive de II Cor.,
Theologicae Loçanienses , 1937, pp. 209 229.
(4) 1 Cor., iv, 24; Gal. v, 7; Philip, m, 12-14; Hèbr. xii, 1.
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famille, à l'école et au gymnase, par les parents, le pédagogue, le pédo­


'tribe et le gymnaste ( 1 ). Aristote la décrit en ces termes : « Étant acquis
que l'éducation morale doit précéder l'éducation intellectuelle et qu'il
faut exercer le corps avant d'exercer l'esprit, il en ressort qu'il faut
confier les enfants à l'enseignement du gymnaste et du pédotribe;
l'un formera le corps; l'autre le rendra propre aux différents travaux.
Qu'il faille user de la gymnastique et dans quelle mesure, tout le monde
est d'accord là-dessusl Jusqu'à la puberté, l'enfant doit se livrer aux
sports modérés en évitant tout excès de nourriture et de travail forcé,
toutes choses dangereuses pour son développement... ; mais quand, à
partir de la puberté, on a consacré trois années aux études générales,
il convient de consacrer la période suivante à l'entrainement sportif et
à la suralimentation. Il ne faut pas fatiguer à la fois l'esprit et le corps :
chacun de ces efforts agit à contre-sens de l'autre; le travail corporei
nuit au développement de l'esprit; le travail intellectuel nuit à l'entrai­
nement physique (2). » Aussi bien toute bonne éducation doit-elle réaliser
l'harmonie entre l'art des muses, c'est-à-dire l'éducation intellectuelle,
et la gymnastique, c'est-à-dire l'éducation physique et la préparation
militaire (3). Il faut tempérer l'une par l'autre et les qeux concourent à
la formation de l'ame, lui procurant tout ensemble philosophie et cou­
rage (4).
Aussi lorsque, leur enfant a atteint quatorze ans, ses parents le condui-

(1) LucIEN, Anacharsis, 20 sv. Sur le parallèle entre la gymnastique et la philosophie,


cf. PLATON, Gorgias, 464 b; IsocRATE, Sur l'échange, 181-185.
(2) Polit. vm, 3 et 4; cf. PLATON, Protag. 326 b; lsoCRATE, Sur l'échange, 181, 185;
PLUTARQUE, Educat. des enfants, 11 : • L'entralnement physique ne doit pas etre perdu de
vue; il faut qu'on envoie !es enfants à l'école du pédotribe... Il faut cependant un certain
fempérament à l'éducation physique, de peur que !es enfants.n'arrivent desséchés et sans
curiosité aux études. » Théagène agit • en homme qui, dès l'enfance, a connu l'huile et !es
gymnases, et qui est parfaitement entralné à l'art d'Hermès » (HELIODORE, Ethiopiques,
x, 30-32).
(3) Sur la gymnastique, préparation à la guerre, cf. PLATON, Protagor. 326 c.; PHILOSTRATE,
Gymn. 43 ·: • yu1J,v0tamtèt 1toÀE1J,utwv fpya »; LucIEN, Anachar. 24: • Tous ces avantages, nous
nous les procurons en vue du combat armé. Nous pensons que des soldats formés par cet
entralnement serviront plus utilement la patrie : ayant assoupli leurs corps nus et les ayant
endurcis aux fatigues, nous !es rendrons plus forts, plus résistants, plus légers, plus énergi­
ques, et d'autant plus dangereux pour leurs advei-saires •; yu11-vaaia se dit aussi de I'• exerciee •
militaire; PoLYBE, IV, 7, 6 : • 1tEpl •�v Év -ror, 81t>.01; yu11-vaa,av »; cf. JosÈPHE, Antiq. VI, 185;
XVI, 400; Guerre jui11e, II, 649; XtNOPHON, Hellén. 111, 4, 16.
(4) • Ceux qui ne font que de la gymnastique deviennent exagérément brutaux ... Celui
qui s'entralne assi'dùment à la gymnastique et se montre goinfre à plaisir en rompant
tout contact avec la musique et la philosophie ne commence-t-il pas par accrottre ses forces
physiques, par s'emplir d'énergie et de fierté et par devenir plus courageux qu'il n'était? ...
S'il ne fait rien d'autre, s'il n•·a rien de commun avec la muse... , son esprit devient faible,
sourd et aveugle, rien ne l'éveille, rien ne l'alimente... Un tel etre devient l'ennemi de la
raison et des muses; il n'use jamais de la force persuasive de la parole; il règle tout par la
force et la brutalité, comme une bete; et il vit dans l'ignorance et la grossièreté, sans har­
monie et sans grace, (PuToN, Républ. 111,410 d-412 b; cr. Lois, vII, 764, e, d; 795 d; 804 e).
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sent au terrain de sport, au gymnase situé en dehors de la ville (1) et le


confient au pédotribe qui est l'entraîneur des jeunes gens (2). Celui-ci,
qui tient à la fois du maître de gymnastique et du médecin, surveille
les exercices (aralię) et les pauses de chaque élève, et les proportionne
à ses forces (3); il prépare ainsi des citoyens et des soldats pour la cité.
La gymnastique s'enseigne, en effet, comme une science et un art (4),
requérant dela méthode (5), si bien que, pour Philostrate, la gymnastique
est ime sagesse (6). Le gymnase a donc une valeur éducative essentielle,
notamment au point de vue politique, et son œuvre sera parachevée
pour les jeunes gens de 18 à 20 ans par l'éphébie (7). Gomme s'exprime
le père d'un enfant tué accidentellement au gymnase par un javelot
lancé par un camarade : « Je pensais avoir donné à mon fils l'éducation
(TCat&euwv) la plus susceptible de servir l'intérêt général (8). »
Le sport fait naître la camaraderie, et c'est au gymnase que se nouent
de belles amitiés. Si l'on s'exerce aux jeux, on y cause aussi; les hommes
mûrs viennent s'y entraîner, assister aux exploits des jeunes gens,
(1) Celui d'Ëphèse était au nord de la cité,, adossé aux dernières pentes du mont Piôn
(cf. R. B ., 1929, pp. 14, 349). A Athènes, il y en avait trois particulièrement célèbres aux
ve-ive siècles : le Lycée, l'Académie, le Cynosarges; au me siècle s'ajoute le Ptolémaion,
plus tard le Diogéneion, puis le gymnase d'Hermès, etc... Tout gymnase contient une école
de lutte ou palestre.
(2) Le gymnaste - qu'il ne faut pas confondre avec le gymnasiarque, fonctionnaire
public de l'éducation nationale - semble plutôt se consacrer à l'entraînement des athlètes
(cf. J. JüTHNER, Philostratos über Gymnastik , Leipzig, 1909, pp. 3 sv.). Beaucoup ont
laissé un nom célèbre : Ikkos de Tárente, au ve siècle, réforma l'entraînement athlétique
et fut l'inventeur de 1' « ascèse » rationnelle (Platon, Protag. 316 d) ; Hérodikos de Selym-
bria, contemporain de Platon (ibid.) employa la gymnastique au service de la médecine
(Plutàrque, Mor. 554 c) ; il est le fondateur de la gymnastique hygiénique ou, comme
l'appelle Pline, iatraliptique (Hist. nat. xxix, 4); Diotimos (Théophraste, Frag, ix, 11).
Theon d'Alexandrie (Lucien, Quom. hist, conscr. 35; Galien, vi, 94, 96, 182, 208, édit,
Kuhn, Leipzig, 1821); Tryphon (Gallien, Thrasybule, 47); Hippomachos (Aelien, ii, 6);
Mélésias (Pindare, Olymp, viii, 71). Le gymnaste s'emploie à faire parvenir les athlètes
à la meilleure condition physique pour les jeux publics; il surveille leur régime, leur sommeil,
pratique des massages; il doit donc avoir des connaissances médicales (Sur les relations de
la gymnastique et de la médecine, cf. Platon, Górgias , 464 a, 517 e, 564 b; Tintée, 89 a-d;
Républ. ii, 357 c; J. Jüthner, op. c., pp. 30 sv., 48 sv., 118 sv.). Sans doute, à l'origine,
gymnastique et hygiène, sont deux arts bien distincts; la gymnastique s'occupe du corps
sain, la médecine du corps malade; l'une développe les forces existantes, l'autre combat
souffrance et faiblesse; dans un cas la santé est supposée, dans l'autre, c'est un but (Platon,
Républ. 407 c-408 c) ; mais de plus en plus l'entraînement gymnastique et l'hygiène sont
intrinsèquement liés; la gymnastique est considérée comme aussi utile à la santé que le
régime alimentaire et la « diète »; finalement Galien en fera seulement une petite partie de
l'hygiène (Thrasybule, 35 et 41; De la protection de la Santé , n, 9-11).
(3) Platon, Laches , 184, d, e; Aristote, Polit, iv, 1.
(4) Philostrate, Gymn . 14 : « Siôdcfrxi 8è xai ó YU[Ava<xrrļ; eíSóxa fujna) xòv á6Xyjxr)v xavxa ».
(5) 6ea)pía (Philostrate, Gymn. 28); cf. « Les Lacédémoniens demandaient des gym-
nastes une connaissance de la tactique genérale (ibid. 19).
(6) « llepi os yujAvauuxYj; ffoqpíav XeyoiAev » ( hymn. 1 ) ; « <ro?tav aut^v (tr,v YU(jLva<rcŁxr)v) Yļyer<T0at
(/PÍ) ÇvYXSiiiivrjv èÇ larpixíj; te xal 7rai8oT¿i6:xf)í;, ou<jav Sè trj; {lèv teXecurépav, 5è jxópiov »
(ibid. 14); de même Galien, déclarant à propos des gymnastes : « oť <jo<pía; Sófcv
xxvTo » (vi, 95).
(7) Aristote, Constitution d Athènes, 42.
(8) Antiphon, IIe Tétralogie , n, 3.
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les admirer... et passer le temps (1). Le


élégante (2), est aussi indispensable
mineure, que le théâtre et l'Agora,
que les philosophes donnent leur en
des choses sérieuses ou frivoles; on
de l'esprit et de la beauté. Il est no
artistes ne représentent plus tant les
que les exercices de la gymnastique
disque et du javelot); le Héros n'est
au gymnase que s'est nouée l'intime co
tisme (3) ; on n'y voit que de beaux sp
par des paroles de te donner une id
contempler le courage des athlètes,
admirables attitudes, l'adresse singu
diesse, l'ardeur, le cœur invincible et
sent pour remporter la victoire (4) ».
II. - Aussi bien la littérature grecque
tées à la vie du gymnase et aux luttes
manquer de se conformer à cet usage
logue à celle de II Cor., iv, 7 où l'oppos
toü ôsoO et la fragilité humaine, lv èa
de la lutte, l'Apôtre ayant comparé
nations dévergondées des faux docteu
évoque immédiatement la santé et l
cices du gymnase (6) : IVv<s ZI œegc'jt
(1) Cf. Eschine, Ambassade , 149; C. Ctésiphon
peut pas ne pas y paraître, cf. Théophraste,
On sait aussi que là morale ne trouvait pas tou
(2) Denys d'Halicarnasse, Antiq. Rom ., iv, 2
se pressent à Ëphèse pour assister aux jeux gy
de Thyane , viii, 26. Arrien décrit joliment com
(De la chasse, 5).
(3) « Sans l'athlétisme, la sculpture grecque ser
du sculpteur» (Gardiner, op. c., p. 57).
(4) (Lucien, Anachars. 12.
(5) Aux références données dans les Ephemeri
otti peut ajouter Sénèque, Bienfaits, vii, 1, 4; C
xiv, 1; Épictète, Entret. m, 22, 52; Apulée, Mé
laire « athlétique » de l'astrologie, cf. A.-J. Fes
Recherches sur le symbolisme funéraire des Ro
(6) Même opposition dans Lucien, Anachars. 2
pesante ni cette fade blancheur que présente
frissonnant ou ruisselant de sueur pour la m
incapables de respirer sous le casque, surtout
midi, atteint son apogée... Ils doivent au soleil u
mâle, annonçant la vie, le feu, le courage; ils j
desséché, ni pléthorique. Ils ont des lignes har
(7) Dans ses trois autres emplois également m
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marque le contraste saisissant des deux spectacles. Évidemment, comme


les YfocóSe tç [xuöot, cette gymnastique n'est qu'une image, courante
dans la littérature; appliquée soit aux occupations politiques (1), les mai-
tires de gymnastique formant les corps comme les hommes politiques
édifient la cité (2); soit à l'art de la rhétorique, aux assauts dialectiques
et aux disputes philosophiques (3), les gymnastes étant comme les cham-
pionsde la parole; soit à la vie morale et à la vertu (4). C'est en ce dernier
sens que saint Paul emploie cette métaphore, mais en lui gardant une
nuance « politique » puisqu'il s'adresse à Timothée comme chef de la
communauté éphésienne, et même rhétorique ou philosophique puisque
les actes prescrits sont ceux qui relèvent de la charge de Pasteur et de
Docteur. Il l'exhorte à s'entraîner ; tel est le sens exact de yuixváÇevBoa (5) ;
la gymnastique est l'art de l'entraînement : xá^/v yj vu^vocjTiKr, ou ^yyri
TÔv Y*>[Ava<JTt5v (6).
Conformément à l'usage classique et à sa propre coutume, l'Apôtre
précise le but du sport, npoq eùaéôet av. Ici encore, %poq avec l'accusatif
est constant pour désigner l'objet de la gymnastique (7). De fait, Platon
au participe parfait passif , Hèbr. v, 14; xii, 11; II Pel., ii, 14. Ici, l'exhortation est semblable
à celle du Ps. Isocrate, A Dêmonicos, 21 : rú{x.va£e «jeavrbv rcóvoi; éxovaíoi; !
(1) Polybe, I, 1, 2 : llatÔEtav xat yufjivaffiav 7Upo; xàç itoXiuxà; 7tpá£ei :.
(2) Platon, Górgias , 464 b : « Dans la politique, je distingue la législation, qui correspond
à la gymnastique, et la justice qui correspond à la médecine »; cf. 518 a.
(3) Isocrate, Andocide , 209-210; Sur V Echange, 265, 266, 295; Pï/aton, Thbéthète,
169 b, c : « J'ai au corps un terrible amour pour cette gymnastique (philosophique) »; Philon,
Quod. omn . prob, liber , 13, 88 : « Voilà comment une philosophie ignorante de l'élégance
des termes grecs forme dès athlètes de vertu, leur proposant comme exercices gymniques
(Yu(jLvá<T{iara) les actions louables qui affermissent leur entière liberté »; Ëpictète, i, 26', 3:
« 7rptoirov ouv èírt tyjç Oscoda; yupiváOíVGrev oí ?iXó<xoçoc »; I, 18, 27 : « ovróç ¿<rrlv ó tocï;
àXïj&eiat; àaxYjTTjç ó rcpbç ta; TOiaóta; «pavraorta; ytrç*váÇ<ov éautdv »; in, 14; 12, 7; Ditten-
berqer, Syl . ii, 578, 29^ etc... Gàlien emploie yvpivaaia au sens d'entraînement au discerne-
ment, à Facribie, pour résoudre les sephismes ( Traité des passions de Vante , II, ni, 72-74),
et á*xri<Ti; de l'exercice pour dominer ses passions [ibid. I, rv, 14; ix, 56).
(4) Philon, Virt. 18 : « yv[Avá<rou àvSpeíav »; Vita Moys . i, 48 : « yu^ivaÇónevoç
upó; tov; àptdTou; ßioy; »; Josèphe, Antiq. iii, 15 (à propos de Dieu) : «8v slxb; SoxiyuxSovTa
Tīļv áperřjv avtöv
« gymnastique » pour l'auteur de IV Mac., xi, 20 : «0 saint comba
appelés; nous ffrères si nombreux, pour défendre] la piété; luttte d
pas été vaincus. »
(5) Philostkate, Gymn. 11; le sens propre de yjfxvaG-ia est « entr
(6) Ibid. 14; les yoiAva^rrat sont les « entraîneurs » (ibid. 13); l'ath
áyófjvatrroc (Lucien, Anackars. 35). V Axioekos (3<65 a') oppose la brav
traînement et son insuffisance dans les épreuves officielles.
(7) Gf. Polybb, i, ï, 2 : «pò; ta; iroXittxà; 7cpá|£i; ; Ps. Isocrate, A
rà trpbç tt)v ^coptTjv, áXXà irpò; T7JV vyíeiav; Aristote*, Polit, vili, 3, 133
xaì àXxrjv; Philon, Virt. 18: upò; àvôpecav; Philon, Vita Moys. i,
ßcou; ; Josèphe, Guerre juive, il, 469 : 7rpb; aTaxtoi; yutivacrtaiç ^
TTpb; tàç ToiaÚTx; çavra-ría; yu|jivoeÇa>v éau-róv. Ces parallèles nous i
- avec l'accusatif - le sens de « en vue de, à l'égard de, vers » (cf
vu, 35; X, 11) ; upb; efoéêîtav indique le but à atteindre. Dans son co
traduit upoç selon son acception également classique : « selon, à
proportionnelle à» ( Mt . xix, 8; Le. xii, 47; I Cor., v, 10) : Timo
conformément à la piété, en śe pliant à ses exigences, en vue de la vie
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déclarait qu'on ne cultive pas la gy


pour les avantages qu'elle procure (1);
Sans cesse, les auteurs recherchent, p
que l'on peut en retirer (3) ; les adver
mais tout bon entraînement gymni
son but propre que le gymnaste doit
sont plus utiles que d'autres (7). Les
peut dire que la gymnastique au sens
jours évoquée par les écrivains com
vers un but; on se prépare, on s'exerc
xpoç e'jfféSeiav !
Pour les profanes, le premier effet
essentiellement grecque que nous n
corps : sa santé, sa force et sa beauté
d'un mot : les exercices athlétiques
d'être, l'sÇiç; ils maintiennent et augm
tique entretient Veuéxie, la bonne f
particulièrement sur la vigueur obten
l'effort (11) », un entraînement àia f
serait une norme. L'idée est juste, mais pour sa
spirituel.
(1) Républ . ii, 357, g, d.
f (2) foçsXsïv rjjxotç, ibid. ; cf. Antiphon, IIe Tétral. , 11, 3 : puxXi(rra xo xoivov wçe/eirai;
Lucien, Anachars. 14 : o>qpéXipioc, 24 : wpcXtixwrata.
(3) Cf. Lucien, Anachars . 6 et 10 : y peta; 24 : ovx peía; 38 : pnq (jkxtyi; 14, et Aristote,
Rhét. I, 11 : xp7)(Ti(jLoç; Isocrate, Sur V Echange, 182 : xp'i'upuôxepa.
(4) « A quoi sert un homme qui a bien lutté ou qui court vite, qui a lancé le disque ou
brisé une mâchoire scientifiquement? Quel avantage sa couronne procure-t-elle à la patrie?
Est-ce que l'on combat avec des disques? Est-ce en courant un bouclier à la main que l'on
chasse les ennemis de son pays? » (Euripide, fr. de YAutolycos , cité par Athénée, Banquet ,
X, 413; Galien, Discours sur les Arts , ix).
(5) Yuuváffca epyáÇeirai (Lucien, Anachars. 25, 26).
(6) Galien, De la Protection de la santé , n, 9.
(7) Pour Galien, le jeu de balle est le plus avantageux de tous, au(i.çopa>Tata)v ( Traité
du Jeu de balle , 4).
(8) Les parents envoient leurs enfants chez le pédotribe pour quils y acquièrent les
qualités corporelles (Platon, Protagor. 326 b, c), « tant pour obtenir l'harmonie des lignes
(xïjç Tûv (xuífjiáTwv eOpvôfjuaç) que pour s'y fortifier (rcpb; ^wjxrjv) » (Plutarque, Education
des enfants , 11) š, « De tous les moyens de purifier et de disposer le corps, le meilleur est celui
tjui s'obtient par la gymnastique » (Platon, Timée , 89 a); « La gymnastique procure la
beauté du corps » ( Górgias , 564 b) ; « Pratique parmi les exercices physiques, non pas ceux
qui développent la force, mais ceux qui entretiennent la santé » (Ps. Isocrate, A Démonicos ,
14) ; « Je recommande un sport qui assure la santé, la juste proportion des membres » (Galien,
Traité du Jeu de balle , 4).
(9) Un, Isocrate, Andocide , 185; Plutarque, Philopoem. m, 4.
(10) eOeÇi'a, Platon, Górgias 464 a; Aristote, Polit, viii, 3 'Rhétor. i, 5; Ethic. aNicom .,
v, 15; Galien, vi, 212. Au dire de ce dernier (vi, 182, 208; Thrasyb. 47), le gymnaste Théon
d'Alexandrie écrivit un traité tceci xûv xarà (jtépo; yjfivaTtwv, en quatre livres, visant à
l'eúe£ía des athlètes.
(11) XÓ7TO;, cf. Philostrate, Gymn. 49, et la longue note de Juthner, op. c.,pp. zvv-tvz.
(12) uòvo;, cf. Ps. Isocrate, A Démonicos , 21; Aristote, Rhet. i, 11 : « L<a Ďeaute pour
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véritable essence de l'athlétisme tel que les Grecs l'ont compris. Par leur
entraînement, les jeunes gens « acquièrent incontestablement la pre-
mière et la plus grande des qualités : un corps endurci à la douleur
et à la fatigue (l) %
Mais en exerçant les adolescents à fournir des efforts pénibles, la
gymnastique développe l'énergie, la force d'âme (2), et donc les vertus
morales. Voilà comment la gymnastique est le complément des études
musicales et corrige ce qu'une éducation purement intellectuelle pour-
rait avoir d'amollissant (3).
III. - Lorsque saint Paul prescrit à son jeune disciple : Mets-toi à
l'entraînement, à celui de la piété, il a l'intention évidente d'évoquer
la psychologie des adolescents s'exerçant au gymnase, comme le montre
la comparaison du verset suivant entre la ao^a-tixr, yu^vaaía et lViaáêsia.
Sans doute, Timothée possède cette vertu, comme l'éphèbe qui doit
être au préalable en bonne santé (4) ; mais de même que ce dernier accroît
toujours sa force et cherche à obtenir « une condition optima », ainsi
Timothée doit-il poursuivre l'entraînement, c'est-à-dire développer
les facultés de l'homme intérieur. Cette obligation s'impose particuliè-
rement au chef de l'Église d'Éphèse qui pourrait être tenté de laisser
aller, à la façon de ces « athlètes qui ont facilement remporté la pre-
mière place dans les jeux gymniques et négligent leur entraînement (5) ».
Sa haute charge exige au contraire un entraînement plus sévère (6) puis-
qu'il doit être un exemple à tous (7), c'est-à-dire réaliser en lui-même

un jeune homme, c'est d'avoir le corps entraîné aux fatigues, à la course et aux exercices
de force et de présenter en même temps un aspect agréable »; Lucien, Anachars. 35.
(1) Lucien, Anachars. 24.
(2) Platon, Républ. m, 411 e : « Je dirais donc qu'un dieu a, ce me semble, donné aux
hommes ces deux arts de la musique et de la gymnastique pour faire l'éducation de leur
énergie et de leur sagesse ; et non pas dans l'intérêt particulier de leur âme ni de leur corps,
mais bien dans celui des deux pour réaliser leur harmonie conjuguée »; Isocrate, Panaihén .
217; Lucien, Anachars . 24 : « De telles habitudes rendent les jeunes gens aptes à nous
rendre les plus grands services; ils deviennent plus intrépides dans les dangers; ils ména-
gent moins leurs forces. » De même ils acquièrent le sens de la discipline, Platon, Protagor.
326, b, c.
(3) Platon, Républ. m, 410 d; Thucydide , n, 40, 1 : í>iXo<Toço'j(iev aveu jxaXaxía; 1
(4) « Ni les maîtres de gymnastique, ni les maîtres de rhétorique ne possèdent la science
qui leur permettrait de rendre athlètes ou bons orateurs qui ils veulent; ils peuvent bien
contribuer pour une part à cette formation, mais d'une manière générale, ceux-là seuls
arrivent à la maîtrise de leur art qui se distinguent par leur naturel et par leur zèle » (Iso-
crate, Antidosis , 185). On obtient par la gymnastique une amélioration progressive du
naturel (ibid. 209-210).
(5) »ájJieXoSdt xyj; áaxifaea»; (Xénophon, Mém. i, 2, 24); cf. I Tim., iv, 14 : jjl^ ájieXei !
(6) Cf. Philostrate, Gymn 11 : « Les Eléens eurent le meilleur entraînement, xo
YV{j.va<JTixa>TaTov, et à lui seul la couronne. »
(7) cxMà Turco; ytvov ( I Tim., iv, 11); cf. l'Inscription d'Antiochus Ier de Commagène :
« TÚ7TOV eùaeêeiaç iļv Oeot; xal 7tpoyóvói; ei<i<pś&£cv 6<jiov, ¿ya» Tcatalv èxYÓvotç te è(xoî; èjxçocvr/
xai 8'.' érépcov 7to).Xa>v xai 8ià toÚtwv èxT£0£txa, vojxíÇw Te auxoù; xotXòv vnóoetY¡xa ļMļi.rļ<ra<T6ai »
(Dittenberger, Syl. i, 383, 212 sv.).
236 REVUE BIBLIQUE.

l'idéal des vertus chrétiennes à la ma


qui possède lui-même la perfectio
élèves et dont il leur montre la réa
En d'autres termes, Timothée est
religieuse, peut-être même à la réa
envisage des progrès certains, un a
ce but (1). A la différence des images
il n'est pas fait mention de concu
d'adversaires, comme dans la lutte,
ment pénible, à des « sacrifices », co
prise de la gymnastique place le ch
inculque l'unique devoir de progre
pour lui essentiellement de s 'exercer
et que l'on pratique un art, et don
habitudes (3). En style de gymnase, l
ner pour obtenir une bonne sÇiç. ou c
morale des habitus distincts de la
et qui la parachèvent. Aristote défin
l'habitus et la disposition est que le prem
De fait, d'après Hébr. v, 14, ce son
atteint le terme normal de leur déve
exercées (5) au discernement prompt
perfection s'acquiert oix tyj v eçiv
texte, comme Hébr . xii, 11, confir
concernent les facultés spirituelles e
Il s'agit d'une action personnelle,
xoi&v, / Tim., iv, 16), en quoi con
Comprenons donc que par la « gym
tionnera, accroîtra ses bonnes dis
(1) / Tim iv, 15 : Tcpoxonýj, litt. « marche en
en valeur par l'allégorie de la course (Philip
Un aspect de V ascèse dans saint Paul , dans Rev
18) ; cf. II Cor., vii, 1 : « ... achevant de nous ren
comparera aussi le progrès dans la vertu, qui rap
(i, 4; cf. 1, 2 : fréquent chez les stoïciens).
(2) I Tim., iv, 15, (xsXetáü) : donner ses soins
(Platon, Gorgiast 511 b); s'exercer à tirer de
Cyrop. ii, 1, 21). L'art du marin n'admet pas
i, 142); les habitudes de discipline s'acquièrent
vi, 72).
(3) Cf. fx£>£xá<â) au sens de « s'habituer à » dans Platon,' Phèdre , 67 e¿
(4) Catégories , viii, b, 27.
(5) aiôrjrriptoc YEyupivaatieva ; cf. Galien, De dign. puls. ni, to aiTÔrjxrçptov yeyuijLvoMXfiEvov-
(6) Cf. Hébr. xii, 11 où la rcaiôgta produit des fruits de paix et de justice chez ceux qui
ont été exercés par l'épreuve, St ' aOtij; ysyvuvaafxsvoi; ; cf. Marc-Aurele, iii, 1: Xoytapuov
<7vyyeyv[xva(r|iév9U.
GYMNASTIQUE ET MORALE, D'APRÈS I TIM. IV, 7-8. 237

ressources nouvelles pour bien agir dans le sens de l'sò(já6eea: sans hési-
tation et promptement. Son entraînement lui donnera un « dynamisme »,
une force orientée vers l'action, de nouvelles tendances qui ne deman-
dent qu'à se déployer. A force de révérer Dieu, de le servir et de se
dévouer à la communauté, le jeune Pasteur accumule un surcroît d'in-
clinations et de penchants au culte divin et au ministère pastoral;
il y sera plus facilement et plus entièrement dévoué dans toute la mul-
titude de bonnes œuvres qui sont Ici énumérées (1). Parce qu'il s'agit de
vu|Ava<xta, cet exercice est censé coûteux; la pratique de la vertu requiert
de l'effort tout autant que l'entraînement physique (cf. I Cor ãy ix, 24-27),
mais saint Paul ne souligne pas cet aspect; il insiste, au contraire,
très fortement sur la vigilante attention (2) et surtout sur la persévérance
indispensable (3); l'sÇiç ne se développera que par un exercice assidu et
continu. En recevant l'ordre de s'entraîner à l'sùffâésia, Timothée a
certainement compris avant tout ce devoir d'une consécration totale
à Dieu et aux âmes. Toute sa vie est désormais fixée dans ce propos :
<j£<rjT(ï) (ý. 16)!
Toutes les métaphores sportives de saint Paul mettent en grand relief
le fatffceur humain dans la vie spirituelle du fidèle; l'Apôtre de la grâce
les emploie précisément pour définir la coopération de l'homme à l'œuvre
de Dieu. Si la gymnastique insiste semblablement sur la « vertu », l'éner-
gie, que Timothée doit déployer personnellement dans le travail de
sa perfection, elle ne néglige pas pour autant l'intervention du secours
divin. Timothée n'est pas laissé à ses propres forces; il a une Súvajuç
de surcroît qui développe ses ressources natives; plus exactement son
entraînement ne porte ni sur ses facultés corporelles, ni sur ses dons
proprement humains, mais vise à exploiter la grâce de son « ordination »,
à lui faire porter tous ses fruits (4); la fujxvaaía consiste à mettre en
œuvre la puissance spirituelle, reçue jadis de Dieuf et qui demeure en lui
comme un principe toujours actif de bonnes œuvres. L'eÇiç, que l'en-
traînement doit développer, ne serait-elle pas comme l'intermédiaire
entre cette faculté initiale et les actes sacrés du ministère à accomplir?
La récompense de ces exercices ne peut manquer d'être signalée.
Toute l'énergie de l'homme qui s'entraîne est stimulée par le résultat

(1) I Tim., iv, 11 sv.; cf. Galien, Traité sur l'hygiène , vi, 133 sv., qui distingue la Yvrçjivatxia
{jLÓvov, les exercices corporels proprement dits que Ton fait à la palestre, et les oO yvptvaffta
(jlóvov áXÀà xaì Ipya, toute œuvre corporelle : travailler, labourer, porter des fardeaux, etc...
(2) Ircele asauTw (f. 16), parallèle à yúfxvaÇs (jeautòv (y. 7).
(3) lícípieve (ý. 16) ; èv tovTotç ï<r6t (jK 15); comparer £<tcy)[m dans le même sens de fidé-
lité persévérante et courageuse, Éph. vi, 11, 13, 14.
(4) 1 Tim ., iv, 14 : {¿y) apsiet tgO ev aoi '/aptqiaxoc, o scotto] <iot %ta.; cf. la ouvapt; de
Vtusèbéia , II Tim. iii, 5.
238 REVUE BIBLIQUE.

escompté : exceller en son art; ce


dans toutes ses images sportives, sa
sera décerné au vainqueur. Ici il le
sauveur de tous les hommes, mais part
lutŒTwv, f. 10), c'est-à-dire de ceux
à l'exemple des Apôtres. C'est pou
dépensent sans compter, on oserait
le suggèrent les deux verbes : eVç t
(ý. 10). ' Il avait été annoncé préc
tous les hommes (n, 4); mais ici s
accordé de préférence ou plus sûrem
à ceux qui s'insèrent volontaireme
divin et concourent effectivemen
espérance certaine (rjX7ciy.a|ji£v, f
quelle joie, Timothée doit se mett
Il arrivera à ses fins, à cette béati
le lui affirme à nouveau : touto yàp
áxOÚOVTaç ff ou {f. 16).
IV. - Isocrate écrivait : « Il n'es
son corps soit une obligation aussi g
son âme; car les prix qu'offrent le
de ceux pour lesquels vous luttez
après avoir exhorté Timothée aux ex

(1) On a là un trait essentiel de la psycholo


cette ambition de l'excellence, ce culte du s
De là les innombrables compétitions en poé
des « compétitions », áyůve;! Dès Homère, on
concurrent manifeste le désir extrême de su
cours des siècles, c'est la gloire qui embrase
l'effort même : « Heureux et digne d'être ch
la vigueur des bras ou l'agilité des jambes,
force, la plus haute récompense » (Pindàre, P
guerre, a conquis la gloire charmante, trouv
distille la bouche de ses concitoyens et des ét
qui était primitivement doté de prix en argent
de laurier, de pin ou d'âche fraîche (<rreq>avtTT
(2) Le symbolisme eschatologique des lutte
la Sagesse , xiv, 1, estfréquent dans le mond
ombres continuent de se livrer dans les Gha
phages représentent les exercices de la palestre
funéraire , pp. 469 sv.); c'est dire que la fé
gymniques comme de l'éducation littéraire;
par la gymnastique. D'où les promesses de vi
Cf. Hébr. x, 32, 34, 35, 36.
(3) A Nicoclès , ii, 11; cf. Panégyr. i et n ; P
n'est tenu de fournir, en face de ses adversai
apporter à devenir en vertu l'émule de ton
grâce à des exercices bien dosés, les forces de
GYMNASTIQUE ET MORALE, D'APRÈS I TIM. IV, 7-8. 239

paraison entre la ao^aTixY) Yupvagía (1) et l'e&créfieta, en fonction de leurs


avantages respectifs (2). Il en résulte une dépréciation de l'entraînement
physique par rapport à la piété. Jadis l'Apôtre avait nettement fixé
cette hiérarchie des valeurs (I Cor., ix, 24-27); mais la gymnastique
est encore plus sévèrement jugée : icpòç òM-fov èaxiv Ce n'est
pas qu'elle soit elle-même inférieure aux sports, mais elle est appréciée
aujourd'hui par un vieillard devenu moins sensible aux beautés et à
la gloire de l'athlétisme.
En tout cas, cette critique du sport, justifiée à bien des titres, est
elle aussi un thème littéraire fréquent et deviendra un lieu commun
de la diatribe . Les uns sont indignés de la dégénérescence de la vie des
athlètes professionnels, passant toute leur vie à s'entraîner sans se livrer
à aucune occupation utile à l'État, devenus paresseux, gourmands,
vaniteux, cupides, inaptes à tout effort intellectuel : « Alors que les
vauriens pullulent par la Grèce, rien n'est pis que la race des athlètes.
D'abord, ils ne reçoivent aucun principe de vie honnête et ne sauraient
en recevoir... Brillants dans leur jeunesse, les athlètes ressemblent à
autant de statues dont s'embellit la cité; mais dès que l'amère vieillesse
les a accablés, leurs vieilles loques s'en vont en effilochant leurs franges.
Je blâme cet usage des Grecs, qui rassemblent des gaillards de cette
sorte venus de cent contrées eť honorent des plaisirs inutiles (3). » « Le
sport aujourd'hui a tellement laissé dégénérer l'athlétisme que c'est
un vrai chagrin pour ceux qui l'aiment de regarder la plupart des sportifs
d'aujourd'hui (4). »
Les autres revendiquent le primat de la philosophie et de la vertu.
Ce mépris de la force corporelle et de la gloire athlétique déjà discernable
dans Platon, Euripide, Isocrate (5), Xénophane (/r. n, 11-19), ira toujours
s'accentuant. Le Ps.-Isocrate écrivait excellemment : « Si la force devient
la parure du corps chez ceux qui la cultivent, elle obscurcit, par contre,
les soins que réclame i'âme. Seule la pratique de la vertu, chez ceux
qui l'ont développée par la réflexion, demeure la compagne de leur vieil-
lesse; elle est plus forte que la richesse, plus utile que la naissance (6). »
Plutarque, les Cyniques et les Stoïciens seront indifférents à lá gymnas-

ii) Cf. to <x¿5{i.a "yjjAváÇeiv (Isocrate, A Nicoclès , n, 11); tiqv tûv (rwjxâTtûv áywvíav (Plu-
tarque, Éducation des enfants , 11).
(2) Galien, A Thrasyb. 41 (v, 887 Kuhn) détoura la Y^vacmxY} xs/vrj comme la science
des effets que peuvent produire les exercices corporels.
(3) Euripide, fr. de VAutolycos , cite par athênee, Banquet , x, 41 à; Ualien, Discours
sur les arts , i.
(4) Philostrate, Gymn. 2; cf. 6, 44, 45. Aussi Sénèque, Ep. lxxxviii, 18 exclut les
sports des arts « libéraux »; cf. Ibid., i, 7, 3 sv.
(5) Ech . 180 sv.; Lettre viii, 5 (Aux Archontes de Mytilène).
(6) Démomcos, 6, 7.
240 REVUE BIBLIQUE.

tique qui développe le corps au détrim


« Il faut exercer l'âme plus que le cor
se livrera à de violentes diatribes c
Thrasybule sur la médecine et la gy
sur les arts : « Les sports me sont sus
vigueur physique, conférer une célé
chez nos ancêtres l'objet de largess
été traités sur le même pied que le
l'esprit des jeunes hommes et ne les p
études... Il est préférable de se préocc
et morale (3). » Aussi bien, estimant ex
cices corporels, l'Apôtre déclare : r¡ ejaáSs
Enfin cette dépréciation de la gym
du Ier siècle, et nettement marquée
l'opinion contemporaine des Romains.
grecs dont ils estimaient la nudité dé
connurent guère que des types dégén
pable de former des soldats et de bon
de paresse et d'immoralité; la gymn
par la force de l'armée romaine (6). D
non plus des éphèbes et des citoyen
mercenaires, des êtres méprisables

(1) Cf., Ëpictète, m, 22, 57; Sénèque, lxx


Diogene Laerce, vi, 70; Dion Ciirysostome, vi
le prix du stade!... Tu n'es pas devenu plus sag
ni plus raisonnable qu'auparavant ni moins fa
seras pas moins méprisable à l'avenir, tu n'en
Discours , xxviii, Melane. 1 : « Après tant de pe
comas est mort misérablement sans avoir goût
De Proem. 9; De Agricult. 25.
(2) Caton l Ancien, 17; cf. 19, 36; De ojfic. i, 1
(3) Discours sur les Arts , ix sv. Pour Galien, les
ni spirituel. Il refuse aux athlètes la santé, la b
s'ils ont une âme raisonnable ; leur indigence d
lement : « La valeur athlétique ne mérite pas de f
(ibid.).
(4) I Tim., iv, 8, Le Ps.-Platon définit oxpsXtjjior, « ce qui nous vaut un avantage; la cause
du bien » (Définit 414, e; cf. Platon, Hipp. maj. 296 e). Ce mot ne se trouve employé dans
le N. T. que dans les Pastorales (Tit. m, 8; II Tim., m, 16). On peut lui donner ici son
acception stoïcienne, selon laquelle l'honnêteté et l'avantageux sont confondus, cf. Diogene
Laerce, vii, 1, 103; Cicéron, De Finibus , ni, 10.
(5) Flagitium , Cicéron, Tuscul. iv, 33 î Républ. iv, 4; Tacite, Ann. xiv, 20. Faut-il
voir dans l'insolite áyveťa, mis en vedette I Tim.t iv, 11, une réprobation implicite de la
YUfxvórnc des gymnastes profanes?
(6) Plutarque, Quest, rom. 40; Lucain, Phars. vii, 171; Quintilien, i, 11, 15.
(7) Cf. Valère-Maxime, ii, 4, 1. L'art romain du ier siècle caricature les exerciees gym-
niques de la Grèce en des sujets comiques et ridicules. On sait que les canons de l'Eglise
chrétienne refuseront le baptême aux gladiateurs à l'instar des mimes, des joueurs de flûte,
de cythare ou de lyre, cf. Constitutions Apostoliques , vin, 31. 9.
GYMNASTIQUE ET MORALE, D'APRÈS I TIM. IV, 7-8. 241

indignes de l'attention d'un homme sérieux; jusqu'à Néron, les citoyens


romains s'abstinrent de figurer, même à Rome, dans les jeux publics (1);
le premier [stade permanent ne sera élevé dans la capitale de l'empire
que par Domitien. Enfin et surtout la population italienne, pratique,
réaliste, était insensible à la beauté harmonieuse des exercices désin-
téressés du stade; elle ne prenait goût qu'aux luttes violentes de la
boxe, du pancrace, des combats brutąux des gladiateurs et des bêtes (2).
De toutes 'façons l'on conçoit qu'en lisant cette dépréciation de la
gymnastique et cette exaltation de la piété, Timothée ne dut être nulle-
ment surpris.

* *

V. - Pour l'imagination exercée des Grecs, un


suffit à une évocation. Saint Paul n'établit jama
rigoureux entre un jeu athlétique ou la gymnasti
enseignement moral d'autre part, à la façon d'un
allégorie (3). L'image, pour lui, est déjà en elle-mêm
doctrine religieuse qu'il veut inculquer. Dans un
elle évoque l'expérience profane du lecteur, tout en
nieusement l'application spirituelle. La transposit
Le Seigneur avait enseigné le dynamisme spirit
tienne par la parabole du grain de sénevé; saint
des métaphores sportives. C'est un excellent cri
pour les épîtres pastorales que l'image de la gym
la même idée. La métaphore est nouvelle mais pa
(1) Suétone, Néron , 12; Tacite, Ann. xiv, 20. Sans doute, Au
personnellement favorable aux sports (Suétone, Octav. 45), mais
risèrent les compétitions athlétiques de la Grèce que pour des fi
tion d'unir les citoyens dans la fidélité à l'Empire.
(2) Les Cretois avaient eux aussi des courses de taureaux; cf. M
d'Histoire religieuse , Paris, 1915, p. 251; E.-N. Gardiner, op.
comme tous les peuples méditerranéens, avaient l'amour des gra
ont laissé de gigantesques arènes. Oui, des arènes, mais non de
combats sanglants, des exécutions, des boucheries innommables,
féroces ; ils nous ont légué les courses de taureaux, où plus d'
spectable que s'il y a mise à mort. Rome victorieuse introduisi
toutes les provinces conquises; ce fut autant de perdu pour le st
beau jeu à stigmatiser ces divertissements barbares. » (M. Berg
logie des textes sportifs de l'antiquité, Paris, 1927, p. 21.) Si les juif
aux jeux du stade (I Mac ., i, 14 ; II Mac., iv, 9 sv.; Josephe, Ant
21, 8; ii, 3, 1), ils eurent toujours en horreur les spectacles sang
pas exagérer cependant le mépris des Grecs pour ces jeux brutau
prêtres du culte impérial ont souvent organisé au Ier siècle d
dans les villes grecques, et celles-ci leur manifestèrent une gran
Les Gladiateurs dans V Orient grec , Paris, 1940, pp. 13 sv., 239 sv.
(3) Cette sobriété caractéristique de 1 usage paulimen des tro
Pastorales, et en confirme l'authenticité (cf. II Tim . u, 4, 5; iv.
REVUE BIBLIQUE« 16
242 REVUE BIBLIQUE.

reuse, et l'idée « d'exercices spirituel


bulaire ecclésiastique; oomme là gym
grecque, elle devait être évoquée pou
de là morale chrétienne. Ce qui est
morale c'est que, dans l'un et l'aut
et cherche à Fàtteindre par des m
saint Paul est une morale de l'inten
la conservation et à la croissance
gymnastique met en relief l'aspect p
la vie chrétienne se définissant par
impose un effort conscient et une pr
d'espérance et de force avec leurs nu
rance, persévérance, qjui seront ex
l'ú9wy.ovY? (1). Que les chrétiens d'A
au service de leur nouvel idéal! Si
et fournir des efforts pour l'obtenir, o
que dans les voies de la piété ?
C. SPICQ, 0. P.

(1) Cf. S. Grégoire de Nysse : a Celui qui a


et qui a reçu un grand accroissement de force
un a&lète qui s'est convenablement entraîné
neur et, désormais plein de confiance et d'aud
(Vie de Moïse , P. G . xliv, 336 d.)

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