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véritable essence de l'athlétisme tel que les Grecs l'ont compris. Par leur
entraînement, les jeunes gens « acquièrent incontestablement la pre-
mière et la plus grande des qualités : un corps endurci à la douleur
et à la fatigue (l) %
Mais en exerçant les adolescents à fournir des efforts pénibles, la
gymnastique développe l'énergie, la force d'âme (2), et donc les vertus
morales. Voilà comment la gymnastique est le complément des études
musicales et corrige ce qu'une éducation purement intellectuelle pour-
rait avoir d'amollissant (3).
III. - Lorsque saint Paul prescrit à son jeune disciple : Mets-toi à
l'entraînement, à celui de la piété, il a l'intention évidente d'évoquer
la psychologie des adolescents s'exerçant au gymnase, comme le montre
la comparaison du verset suivant entre la ao^a-tixr, yu^vaaía et lViaáêsia.
Sans doute, Timothée possède cette vertu, comme l'éphèbe qui doit
être au préalable en bonne santé (4) ; mais de même que ce dernier accroît
toujours sa force et cherche à obtenir « une condition optima », ainsi
Timothée doit-il poursuivre l'entraînement, c'est-à-dire développer
les facultés de l'homme intérieur. Cette obligation s'impose particuliè-
rement au chef de l'Église d'Éphèse qui pourrait être tenté de laisser
aller, à la façon de ces « athlètes qui ont facilement remporté la pre-
mière place dans les jeux gymniques et négligent leur entraînement (5) ».
Sa haute charge exige au contraire un entraînement plus sévère (6) puis-
qu'il doit être un exemple à tous (7), c'est-à-dire réaliser en lui-même
un jeune homme, c'est d'avoir le corps entraîné aux fatigues, à la course et aux exercices
de force et de présenter en même temps un aspect agréable »; Lucien, Anachars. 35.
(1) Lucien, Anachars. 24.
(2) Platon, Républ. m, 411 e : « Je dirais donc qu'un dieu a, ce me semble, donné aux
hommes ces deux arts de la musique et de la gymnastique pour faire l'éducation de leur
énergie et de leur sagesse ; et non pas dans l'intérêt particulier de leur âme ni de leur corps,
mais bien dans celui des deux pour réaliser leur harmonie conjuguée »; Isocrate, Panaihén .
217; Lucien, Anachars . 24 : « De telles habitudes rendent les jeunes gens aptes à nous
rendre les plus grands services; ils deviennent plus intrépides dans les dangers; ils ména-
gent moins leurs forces. » De même ils acquièrent le sens de la discipline, Platon, Protagor.
326, b, c.
(3) Platon, Républ. m, 410 d; Thucydide , n, 40, 1 : í>iXo<Toço'j(iev aveu jxaXaxía; 1
(4) « Ni les maîtres de gymnastique, ni les maîtres de rhétorique ne possèdent la science
qui leur permettrait de rendre athlètes ou bons orateurs qui ils veulent; ils peuvent bien
contribuer pour une part à cette formation, mais d'une manière générale, ceux-là seuls
arrivent à la maîtrise de leur art qui se distinguent par leur naturel et par leur zèle » (Iso-
crate, Antidosis , 185). On obtient par la gymnastique une amélioration progressive du
naturel (ibid. 209-210).
(5) »ájJieXoSdt xyj; áaxifaea»; (Xénophon, Mém. i, 2, 24); cf. I Tim., iv, 14 : jjl^ ájieXei !
(6) Cf. Philostrate, Gymn 11 : « Les Eléens eurent le meilleur entraînement, xo
YV{j.va<JTixa>TaTov, et à lui seul la couronne. »
(7) cxMà Turco; ytvov ( I Tim., iv, 11); cf. l'Inscription d'Antiochus Ier de Commagène :
« TÚ7TOV eùaeêeiaç iļv Oeot; xal 7tpoyóvói; ei<i<pś&£cv 6<jiov, ¿ya» Tcatalv èxYÓvotç te è(xoî; èjxçocvr/
xai 8'.' érépcov 7to).Xa>v xai 8ià toÚtwv èxT£0£txa, vojxíÇw Te auxoù; xotXòv vnóoetY¡xa ļMļi.rļ<ra<T6ai »
(Dittenberger, Syl. i, 383, 212 sv.).
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ressources nouvelles pour bien agir dans le sens de l'sò(já6eea: sans hési-
tation et promptement. Son entraînement lui donnera un « dynamisme »,
une force orientée vers l'action, de nouvelles tendances qui ne deman-
dent qu'à se déployer. A force de révérer Dieu, de le servir et de se
dévouer à la communauté, le jeune Pasteur accumule un surcroît d'in-
clinations et de penchants au culte divin et au ministère pastoral;
il y sera plus facilement et plus entièrement dévoué dans toute la mul-
titude de bonnes œuvres qui sont Ici énumérées (1). Parce qu'il s'agit de
vu|Ava<xta, cet exercice est censé coûteux; la pratique de la vertu requiert
de l'effort tout autant que l'entraînement physique (cf. I Cor ãy ix, 24-27),
mais saint Paul ne souligne pas cet aspect; il insiste, au contraire,
très fortement sur la vigilante attention (2) et surtout sur la persévérance
indispensable (3); l'sÇiç ne se développera que par un exercice assidu et
continu. En recevant l'ordre de s'entraîner à l'sùffâésia, Timothée a
certainement compris avant tout ce devoir d'une consécration totale
à Dieu et aux âmes. Toute sa vie est désormais fixée dans ce propos :
<j£<rjT(ï) (ý. 16)!
Toutes les métaphores sportives de saint Paul mettent en grand relief
le fatffceur humain dans la vie spirituelle du fidèle; l'Apôtre de la grâce
les emploie précisément pour définir la coopération de l'homme à l'œuvre
de Dieu. Si la gymnastique insiste semblablement sur la « vertu », l'éner-
gie, que Timothée doit déployer personnellement dans le travail de
sa perfection, elle ne néglige pas pour autant l'intervention du secours
divin. Timothée n'est pas laissé à ses propres forces; il a une Súvajuç
de surcroît qui développe ses ressources natives; plus exactement son
entraînement ne porte ni sur ses facultés corporelles, ni sur ses dons
proprement humains, mais vise à exploiter la grâce de son « ordination »,
à lui faire porter tous ses fruits (4); la fujxvaaía consiste à mettre en
œuvre la puissance spirituelle, reçue jadis de Dieuf et qui demeure en lui
comme un principe toujours actif de bonnes œuvres. L'eÇiç, que l'en-
traînement doit développer, ne serait-elle pas comme l'intermédiaire
entre cette faculté initiale et les actes sacrés du ministère à accomplir?
La récompense de ces exercices ne peut manquer d'être signalée.
Toute l'énergie de l'homme qui s'entraîne est stimulée par le résultat
(1) I Tim., iv, 11 sv.; cf. Galien, Traité sur l'hygiène , vi, 133 sv., qui distingue la Yvrçjivatxia
{jLÓvov, les exercices corporels proprement dits que Ton fait à la palestre, et les oO yvptvaffta
(jlóvov áXÀà xaì Ipya, toute œuvre corporelle : travailler, labourer, porter des fardeaux, etc...
(2) Ircele asauTw (f. 16), parallèle à yúfxvaÇs (jeautòv (y. 7).
(3) lícípieve (ý. 16) ; èv tovTotç ï<r6t (jK 15); comparer £<tcy)[m dans le même sens de fidé-
lité persévérante et courageuse, Éph. vi, 11, 13, 14.
(4) 1 Tim ., iv, 14 : {¿y) apsiet tgO ev aoi '/aptqiaxoc, o scotto] <iot %ta.; cf. la ouvapt; de
Vtusèbéia , II Tim. iii, 5.
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ii) Cf. to <x¿5{i.a "yjjAváÇeiv (Isocrate, A Nicoclès , n, 11); tiqv tûv (rwjxâTtûv áywvíav (Plu-
tarque, Éducation des enfants , 11).
(2) Galien, A Thrasyb. 41 (v, 887 Kuhn) détoura la Y^vacmxY} xs/vrj comme la science
des effets que peuvent produire les exercices corporels.
(3) Euripide, fr. de VAutolycos , cite par athênee, Banquet , x, 41 à; Ualien, Discours
sur les arts , i.
(4) Philostrate, Gymn. 2; cf. 6, 44, 45. Aussi Sénèque, Ep. lxxxviii, 18 exclut les
sports des arts « libéraux »; cf. Ibid., i, 7, 3 sv.
(5) Ech . 180 sv.; Lettre viii, 5 (Aux Archontes de Mytilène).
(6) Démomcos, 6, 7.
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