3,60 € lundi 22 avril 2024 LE FIGARO - N° 24 778 - www.lefigaro.

fr - France métropolitaine uniquement Première édition

reportage François Sureau

Dans le centre de la France, « Nous avons une droite
le grand désarroi de commissariat de police et une
des oubliés de la SNCF Page 15 gauche de bureau de censure » Page 16

le figaro
santé Fin de vie : les soignants veulent
Kiné, médecin
ou ostéopathe :
qui consulter
être entendus à l’Assemblée
en cas de mal
de dos ? Page 12
Alors que la commission spéciale se réunit pour la première fois ce lundi, des collectifs de
professionnels de la santé, non conviés aux débats, font part de leur « incompréhension ».
LFI Les 71 députés de la commis- cite d’une « méthode de cocons- une lettre que Le Figaro a pu seront tenus de mettre en œuvre è La droite espère
François Ruffin sion spéciale chargée d’exami- truction avec les parlementaires consulter, 13 sociétés savantes, ses dispositions », rappellent- déjouer le « piège » tendu à
ner le projet de loi sur la fin de et les soignants », certains ac- fédérations et organisations de ils. Sept députés LR dénoncent la veille des européennes
entretient le flou vie se réunissent pour la pre- teurs dénoncent des auditions soignants demandent à être par ailleurs les « angles morts » è Nombre de patients
sur sa candidature mière fois, ce lundi, à l’Assem- menées « au pas de charge » entendues par les parlementai- du texte, qui ne chiffre pas le éligibles, économies
à la présidentielle blée nationale. Si l’ancienne pour permettre un vote du tex- res : « Les soignants que nous re- nombre de patients éligibles, réalisées… les « angles
PAGEs 4 et 5 ministre Agnès Firmin Le Bodo, te avant les élections euro- présentons seront les premiers les économies attendues ou les morts » du texte
qui présidera les débats, se féli- péennes du mois de juin. Dans concernés par le projet de loi et coûts engendrés. pages 2, 3 et l’éditorial
Allemagne
Tiède campagne
européenne Cyberattaques,
dans un pays
décontenancé
bugs…
PAGEs 6 et 7 Comment
tarn les entreprises
Tensions autour du numérique
du chantier
de l’A69 PAGE 9 relèvent
Rugby
le défi des JO
Rencontre avec Le Centre des opérations
les frères Alo-Emile, technologiques des Jeux de
TYLER HICKS/The New York Times/Redux -REA

piliers fusionnels Paris est un lieu névralgique

tenu secret. Flux d’images
du Stade Français pendant les compétitions,
PAGE 10
Les États-Unis diffusion en temps réel des
résultats officiels, gestion
Immobilier
Les constructeurs
vont reprendre leurs des accréditations… Le défi
en termes de réseau et de
de maisons livraisons d’armes stockage de données est co-
lossal pour les prestataires
en pleine
tourmente PAGE 22
aux Ukrainiens tels qu’Atos, Cisco, Orange,
Omega et bien d’autres. Les
techniciens travaillent
d’arrache-pied pour éviter
Expositions Bloquée depuis plusieurs mois au Congrès, une enveloppe de 61 milliards de dollars pour des matériels militaires à les défaillances.
Des Jeux l’Ukraine a été approuvée et n’attend plus qu’un rapide vote du Sénat et la signature du président Biden. PAGEs 8 et 20 PAGE 26
olympiques aux
racines grecques
PAGE 30 éditorial par Yves Thréard
CHAMPS
LIBRES Pari électoraliste

À
●Les chroniques de l’instar de beaucoup de prési- députés sur ce projet de loi, ils ont raison
Nicolas Baverez et dents sous la Ve République, d’exprimer leur colère. Prononcé à l’envi
de Samuel Fitoussi Emmanuel Macron a souhaité par les promoteurs de cette réforme, le
voir son nom associé à une pré- mot « fraternité » n’a jamais paru aussi dé-
PAGE 17 tendue « grande réforme de so- placé ! Et ce n’est pas la tenue d’une
ciété ». Pour autant, l’histoire retiendra- consultation citoyenne, au déroulement
FIGARO OUI t-elle « sa » loi sur l’aide à mourir comme discutable et critiqué, qui a permis de ga-
FIGARO NON une décision politiquement courageuse ?
Contrairement à François Mitterrand avec
rantir un dialogue équitable.
Une « loi pour la mort », ainsi que la quali-
Réponses à la question l’abolition de la peine de mort en 1981, la fient nombre de médecins, va donc être
de samedi : prise de risque est faible depuis le début. adoptée, alors que
Approuvez-vous Son initiative va, en effet, dans le sens d’une Le mot l’urgence comman-
le coup de frein donné forte majorité de l’opinion. Autre circons- « fraternité » derait plutôt d’agir
à la transition écologique tance « atténuante » : le vote de l’Assem- en faveur du grand
en Europe ? blée nationale arrive à un moment fort op- n’a jamais âge. On ne peut nier
NON OUI
portun ! Alors que les élections européennes paru aussi le désespoir et la
du 9 juin se présentent mal pour le camp douleur de certains
28 % 72 % présidentiel, l’Élysée fait le pari que l’adop- déplacé patients atteints de Mai Trung Thứ
L E A D ER H IS TO R I Q U E S U R C E M A R C H É Vendu 590 560 €
VOTANTS : 96 374 tion de ce texte peu avant le scrutin pourrait maladies incurables. Mais le choc démogra-
lui redonner quelques couleurs. Surtout que phique du vieillissement à venir devrait
3’:HIKKLA=]UX[U[:?k@o@c@c@a";

Votez aujourd’hui
Peintres d’Asie Vietnam et Chine
le parti LR part divisé sur ce sujet. nous inciter à réagir pour rattraper notre
sur lefigaro.fr Aux petits calculs politiciens, qui apparais- effarant retard sur le front des soins pallia-
Approuvez-vous sent évidents, s’ajoute une méthode de tifs. Les 2,6 milliards d’euros prévus à cet
M 00108 - 422 - F: 3,60 E

la proposition de loi travail très contestable. L’avis d’une gran- effet pour les dix prochaines années sont Vente aux enchères 43 : 22 mai 2024
américaine en vue de de partie des soignants, en première ligne insuffisants. Très loin des besoins qui vont
l’interdiction de TikTok ? face à cette euthanasie qui ne dit pas son se présenter pour assurer à chacun une fin Expertises gratuites et confidentielles
nom, est négligé. À l’heure où s’ouvrent de vie « dans la dignité ». Cet effort mar- Laques, Peintures & Sculptures
Fabien clairefond-PASCAL les débats de la commission spéciale des querait, lui, un grand progrès social. ■ Charlotte Aguttes-Reynier
LACHENAUD/AFP
+33 (0)1 41 92 06 49 • reynier@aguttes.com
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 2 lundi 22 avril 2024 le figaro
Loi fin de vie : à l’Assemblée, la bataille se lance sur
Wally Bordas et Agnès Leclair
Alors que la commission spéciale se réunit dès ce lundi pour de premières auditions, des collectifs de soignants, non conviés aux dé
C’
est le début d’un vérita-
ble marathon législatif…
qui démarre par un
sprint. Ce lundi 22 avril,
à l’Assemblée nationale,
la commission spéciale
chargée de débattre du projet de loi sur la
fin de vie se réunit pour la première fois.
Objectif ? Effectuer une série d’auditions
des différents acteurs concernés par cet-
te réforme avant d’entrer dans le dur du
sujet en examinant les différents articles
de ce texte, qui vise à instaurer une
« aide à mourir » pour les personnes at-
teintes d’une pathologie « incurable »
avec « pronostic vital engagé à court ou
moyen terme » et subissant des souf-
frances « réfractaires ».
Distinguo entre suicide assisté et
euthanasie, critères d’éligibilité à l’aide à
mourir, prise de décision « collégiale »
des médecins… De nombreuses préci-
sions pourraient être apportées au texte.
Au total, 71 députés issus de tous les
bancs composent cette commission ex-
ceptionnelle, dont les débats promettent
d’ores et déjà de redynamiser un Palais
Bourbon atone depuis plusieurs mois.
« C’est un sujet qui a beaucoup motivé.
Nous avions 7 places pour des commissai-
res LR et il y a eu 15 candidatures, sur
61 députés. Ce sont des débats sur lesquels
nous allons être très mobilisés », informe
l’élu LR Patrick Hetzel.
C’est l’ancienne ministre de la Santé
Agnès Firmin Le Bodo, à la manœuvre
pour préparer ce projet de loi, avant de
redevenir députée, qui présidera les dis-
Niviere David/ABACAPRESS
À la manœuvre pour préparer ce projet de loi,
l’ancienne ministre de la Santé Agnès Firmin Le Bodo,
redevenue députée, présidera les discussions.
La droite espère déjouer le « piège » tendu à la veille des européennes
Claire Conruyt
T
out l’enjeu sera de ne pas se divi-
ser. Mais la droite a anticipé ce
qu’elle considère comme étant
un piège tendu par la macronie.
Très tôt, le parti des Républicains (LR) a fait
savoir que, sur le projet de loi sur la fin de
vie, ses députés n’auraient à suivre aucune
consigne. « Comme toujours sur les sujets
sociétaux, c’est la liberté absolue de vote »,
confirme la numéro deux de LR, Annie Ge-
nevard. « Ce texte interroge la conscience
de chacun. Il y a, chez nous, les “pro” et les
“anti”. L’essentiel sera d’avoir un débat
équilibré qui ne stigmatise personne. »
Alors, à quoi faut-il s’attendre du côté
des parlementaires LR ? « Je pense que
nous serons à deux tiers contre avec de
possibles abstentions », estime le député
A
Patrick Hetzel. « Avec des positions affir-
mées pour certains », ajoute un parle-
L’ÉVÉNEMENT
cussions. « Cette réforme est largement
inspirée de la convention citoyenne. Il y a
eu énormément de travail en amont, avec
des déplacements à l’étranger très éclai-
rants, une méthode de coconstruction
avec les parlementaires et les soignants »,
se félicite l’ex-membre du gouverne-
ment. Avant de reprendre : « Nous avons
décidé de donner beaucoup de temps au
débat. La fin de vie est un sujet complexe,
chacun doit avoir le temps de donner sa
conviction. »
Calendrier resserré, lancement du
travail pendant les vacances parlemen-
taires… Les opposants au texte, eux, dé-
noncent des auditions « au pas de char-
ge » pour permettre son examen avant
les élections européennes de début juin.
Dans ce contexte, le programme des
auditions fait déjà polémique. D’autant
que ces dernières font l’impasse sur une
partie des soignants en première ligne de
l’application de la future loi.
Dans une lettre que Le Figaro a pu
consulter, des infirmières, gériatres,
psychiatres et oncologues font part de
leur totale « incompréhension » à la pré-
sidente de commission spéciale et aux
rapporteurs du texte. « Nous sollicitons
officiellement et formellement une audition
pour chacune de nos organisations. Les
soignants que nous représentons seront les
premiers concernés par le projet de loi et
seront tenus de mettre en œuvre ses dis-
positions », interpellent 13 sociétés sa-
vantes et organisations de soignants
dans ce courrier. Alors qu’« un quart des
Français meurent en Ehpad », les géria-
mentaire. Selon nos informations, le pa-
tron de la droite, Éric Ciotti, a confié à
plusieurs cadres être « plutôt pour » le
texte, et ce, « à titre personnel ». Pour le
moment, avancent plusieurs cadres à
droite, aucune « réunion formelle » n’a été
consacrée au sujet.
En attendant, le texte du gouvernement
pourrait venir percuter la campagne des
européennes. Et érafler la droite, qui peine
à trouver une dynamique. « Ils nous refont
le coup de l’IVG, c’est toujours pareil »,
souffle l’entourage d’Éric Ciotti, se réfé-
rant à l’inscription de la « liberté garan-
tie » de recourir à l’avortement dans la
Constitution. Sur ce sujet comme sur
l’aide active à mourir, c’est sur le terrain
des « valeurs » que le camp présidentiel
veut entraîner la droite. En espérant la
fragiliser, croit l’entourage de François-
Xavier Bellamy. Mais, cette fois, prévient
la tête de liste LR, qui dénonce un texte
non seulement opportuniste, mais aussi
tres se disent particulièrement inquiets
de ne pas être entendus par les députés.
« L’implication directe des gériatres
dans le processus envisagé d’aide à mourir
est spécifiquement mentionnée aux arti-
cles 10 et 16 du projet de loi », pointent le
CNP de gériatrie, des associations de
médecins coordonnateurs d’Ehpad et la
Société française de gériatrie et géronto-
logie (SFGG). « Depuis le lancement de ce
« Des demandes de suicide,
j’en entends tous les jours. (...)
Or ces demandes s’avèrent
inconstantes et ambivalentes
y compris chez des gens
qui font des gestes graves.
Qu’est-ce qui permet de dire
que le temps qui reste
à vivre à un patient mérite
d’être vécu ou non ? » Sainte-Anne à Paris. « Depuis des dizai-
Dr Raphaël Gourevitch Directeur
du service d’urgences psychiatriques
de l’hôpital Sainte-Anne à Paris
débat, des personnes âgées persuadées
que l’aide à mourir existe déjà sont inquiè-
tes de savoir si on va les soigner ou les
tuer. Aujourd’hui, la grande majorité de la
population âgée qui souffre de dépression
n’est pas traitée », explique la Dr Sophie
Moulias de la SFGG. Il n’y a toujours pas
de loi grand âge. Cela paraît plus simple
d’écrire un texte pour faire mourir qu’une
loi pour soigner et accompagner les per-
trop fragile sur le fond et « blessant pour les
soignants qui n’ont pas été entendus », « ce
ne sera pas si simple de raconter l’histoire
des gentils progressistes versus les mé-
chants conservateurs ».
« L’aspiration à mourir
dans la dignité est
normalement satisfaite
par la loi Leonetti. Pourquoi
vouloir déjà aller plus loin,
alors qu’on n’est pas allé au
terme de la loi Leonetti ? » donc à la « tentative » du camp présiden-
Olivier Marleix
Chef de file des députés LR
Annie Genevard dénonce d’ailleurs la
« manipulation grossière » par la macronie
de l’agenda parlementaire. La majorité
s’est livrée à de la politique politicienne sur
un sujet de la plus haute importance : l’exa-
sonnes vieillissantes. » Il faut dire que la
récente déclaration du président de la
mutuelle MGEN n’a pas rassuré les géria-
tres. « Le taux de suicide des personnes
âgées en France montre que la demande
est déjà là », a lâché Matthias Savignac
dans une interview à Marianne sur l’aide
à mourir.
Les organisations de psychologie et de
psychiatrie « ne sont pas considérées »,
dénonce également cette lettre des
« refusés » des auditions, signée par la
Société médico-psychologique (SMP).
Alors que les psychiatres pourraient
être particulièrement impliqués pour
évaluer le discernement du patient ou
ses souffrances psychologiques, « dire
qu’une demande de suicide est patholo-
gique ou “raisonnable” semble complè-
tement irréaliste », alerte le Dr Raphaël
Gourevitch, qui dirige le service d’ur-
gences psychiatriques de l’hôpital
nes d’années, nous luttons pour prévenir
des suicides, et nous voilà confrontés à un
texte qui en fait la promotion comme une
liberté ultime, relève-t-il. Des demandes
de suicide, j’en entends tous les jours aux
urgences. Les gens y donnent toujours
une explication : la vieillesse, le handi-
cap, l’idée qu’on ne veut pas être un poids
pour les autres… Être malade est aussi un
facteur bien connu de dépression. Or ces
demandes s’avèrent inconstantes et am-
bivalentes, y compris chez des gens qui
font des gestes graves. Qu’est-ce qui
permet de dire que le temps qui reste à vi-
vre à un patient mérite d’être vécu ou
men du texte s’achèvera trois jours avant le
scrutin. C’est honteux. » Et d’ajouter :
« Dans le texte du gouvernement, une partie
est consacrée aux soins palliatifs et l’autre,
à l’euthanasie et au suicide assisté. Nous
voulions deux textes. Mêler ainsi deux sujets
fondamentaux a pour seul objectif d’em-
brouiller les choses. »
Ce ténor s’offusque également - non
sans inquiétude : « Ils ne reculent devant
rien. Il va falloir être intelligent. » Com-
ment ? « En dénonçant la manœuvre. Que
voulez-vous qu’on fasse d’autre ? Ils ont
pris le contrôle du calendrier. » Résister
tiel pour « créer la division au sein des op-
positions ». Et convaincre qui voudra
l’entendre que, sur le sujet, la droite mène
depuis longtemps une réflexion. « L’aspi-
ration à mourir dans la dignité est norma-
lement satisfaite par la loi Leonetti », a ain-
si défendu Olivier Marleix dès septembre
dernier sur Franceinfo. « Pourquoi vouloir
non ? C’est une question à laquelle il est
impossible de répondre. »
Les professionnels infirmiers, eux
aussi, font valoir que leur implication di-
recte dans l’aide à mourir, jusqu’à la réa-
lisation du geste létal, est prévue dans six
articles du texte. Si leur conseil national
de l’ordre sera auditionné, le CNP infir-
mier, qui représente 700 000 profession-
nels, n’aura pas la parole. « C’est comme
si nous étions simplement bons à pousser
la seringue. Nous sommes extrêmement
choqués de ne pas être entendus, alors que
cette loi prévoit que les infirmières et les
infirmiers puissent injecter un produit
mortel dans l’intention de tuer ou
d’“achever” un patient quand un suicide
assisté ne se passerait pas comme prévu,
s’indigne Thierry Amouroux, porte-pa-
role du Syndicat national des profession-
nels infirmiers. Les députés refusent-ils
de nous entendre car nous avons alerté des
dangers pour les plus fragiles ? »
Claire Fourcade, la présidente de la
Société française de soins palliatifs (Sfap)
- dont les soignants jouent un rôle de
premier plan dans l’accompagnement
de la fin de vie -, sera pour sa part audi-
tionnée en compagnie de trois autres
médecins, dont le Pr Chauvin (qui a
conçu la future stratégie de soins pallia-
tifs) et un médecin favorable à la mort
provoquée. Un format qui devrait limiter
la prise de parole d’une des principales
opposantes au texte à une quinzaine de
minutes.
Au sein de la commission spéciale, une
majorité de députés sont favorables à
Aide à mourir :
Élisabeth Badinter
assure que son mari
y était favorable
« S’il avait été parlementaire, Robert
Badinter aurait soutenu ce texte.
Prétendre le contraire serait une trahison
de sa pensée et de sa mémoire. »
La philosophe Élisabeth Badinter, dans
une lettre adressée au député Olivier
Falorni, rapporteur général du texte,
dénonce l’instrumentalisation de la
position de son mari, décédé en février
2024, sur la question de la fin de vie.
« La vie, nul ne peut la retirer à autrui
dans une démocratie » et « le droit à la vie
est le premier des droits de tout être
humain – c’est le fondement
contemporain de l’abolition de la peine
de mort », avait déclaré l’ancien garde
des Sceaux devant une mission sur la fin
de vie à l’Assemblée nationale en 2008.
« C’était en 2008, il y a maintenant seize
ans », souligne la philosophe dans ce
courrier publié par La Tribune Dimanche.
« Mon mari s’est forgé au fil des ans
la conviction qu’une évolution vers une
“aide active à mourir” était acceptable
et même souhaitable dans certaines
circonstances et selon des conditions
précisément définies par la loi »,
poursuit-elle. La philosophe, elle-même
soutien de l’Association pour le droit de
mourir dans la dignité (ADMD), précise
que son mari n’avait « jamais assimilé
“aide à mourir” et peine de mort ».
déjà aller plus loin, alors qu’on n’est pas allé
au terme de la loi Leonetti (médecin et ex-
député UMP, NDLR) ? », a déclaré le chef
de file des députés LR. François-Xavier
Bellamy renchérit : « La droite a porté cet-
te loi symbolique, adoptée à l’unanimité à
un moment où l’on n’abordait pas ces ques-
tions pour cliver ni fracturer. »
Qu’à cela ne tienne, ce poids lourd LR
poursuit : « J’ose espérer que cela n’inter-
fère pas sur le scrutin. Mais la majorité
devrait se méfier : ce ne sera pas non plus
un texte facile pour le camp présidentiel. Il
suscitera des oppositions et, tout du
moins, une réticence. » Le risque étant
que « cela détourne l’attention des vrais
sujets européens ». François-Xavier
Bellamy dénonce ainsi : « Emmanuel
Macron, qui se présentait comme étant le
plus attaché à l’Union européenne, est
prêt à tout pour empêcher les Français de
prendre position sur les questions qui la
concernent vraiment. » ■

fond de polémique
bats, ont fait part de leur totale « incompréhension ».
l’aide à mourir. Sur le sujet de la fin de
vie, les lignes seront divergentes d’un
camp à l’autre. « Il va y avoir un vrai cli-
vage gauche-droite et extrême droite »,
anticipe la députée Renaissance Nadia
Hai. Mais, sur un thème aussi sensible et
intime, les groupes seront très souvent
divisés en leur sein même. En commis-
sion comme dans l’Hémicycle, si une
majorité des députés LR sont par exem-
ple défavorables au texte, d’autres le
soutiendront fermement. Inversement,
chez Renaissance, où certains ne ca-
chent pas leur farouche opposition à ce
projet de loi du gouvernement. « Nous
allons travailler amendement par amen-
dement, sans être dans l’obstruction. Pour
peser, il va falloir être sélectif dans nos in-
terrogations », glisse une élue de la ma-
jorité.
« Déjà, il aurait fallu
deux lois : l’une sur les soins
palliatifs, l’autre sur l’aide
à mourir. Mettre dans
un même projet de loi
deux approches
à la philosophie opposée
est une provocation » dification profonde, et le président de la
Patrick Hetzel Député LR
Les députés du Rassemblement natio-
nal comme les socialistes ne voteront
probablement pas non plus comme un
seul homme. « Il y aura des points de vue
très différents qui vont s’exprimer pen-
dant les débats dès la commission. Mais je
pense que personne n’a intérêt que ces
discussions de fond tombent dans
l’outrance », plaide le député MoDem
Olivier Falorni, rapporteur général du
texte. Et de prévenir : « Sur un sujet qui
parle de vie et de mort, les Français juge-
raient sévèrement de voir l’Assemblée mal
se comporter ou faire dans la caricature
L’ÉVÉNEMENT
ou l’indécence, quelles que soient les posi-
tions. » Agnès Firmin Le Bodo, elle, se
veut également positive, « intimement
convaincue » que les parlementaires vont
avoir « de très beaux débats à la hauteur
de ce que le sujet mérite ». « Il n’y aura pas
quelqu’un qui a raison et quelqu’un qui a
tort. Il y a des convictions, mais aucune
certitude », estime-t-elle.
Depuis plusieurs mois, maintenant, les
députés aiguisent leurs arguments. Dans
les rangs de la gauche, on se félicite d’un
texte « de compromis et de consensus
construit sur les bases de celui rendu par la
convention citoyenne », dixit la corappor-
teur LFI Caroline Fiat, vice-présidente
de l’Assemblée. « Certains vont trouver
qu’il va trop loin, d’autres pas assez. C’est
ça qui est intéressant et ça veut dire qu’on
a trouvé un équilibre », juge-t-elle.
Sur les bancs de la droite, la tonalité
est largement différente. L’enjeu sera
surtout, selon Patrick Hetzel (LR), de
mettre en avant « les nombreux problè-
mes que pose ce texte ». « Déjà, il aurait
fallu deux lois : l’une sur les soins pallia-
tifs, l’autre sur l’aide à mourir. Mettre
dans un même texte deux approches à la
philosophie opposée est une provocation »,
s’agace-t-il. « Nous sommes sur une mo-
République ne nomme pas les choses. Il dit
que ce texte n’instaure pas le suicide as-
sisté et l’euthanasie, alors que c’est l’un et
l’autre. Le sujet est suffisamment impor-
tant pour qu’on ne s’amuse pas à louvoyer
avec les termes », tance-t-il.
Après l’examen du texte en commis-
sion, il fera son apparition le 27 mai dans
l’Hémicycle. Avec un vote prévu quinze
jours plus tard. Mais, au vu des profonds
désaccords sur le sujet entre l’Assemblée
nationale et le Sénat, nul ne doute que le
texte sera débattu à plusieurs reprises à
la Chambre basse. « Si le texte était défi-
nitivement adopté d’ici un an, ce serait un
délai raisonnable », anticipe ainsi Olivier
Falorni. ■
Nombre de patients éligibles, économies
réalisées… Les « angles morts » du texte
C’
est l’angle mort du projet de
loi sur la fin de vie. » Com-
bien de patients pourraient
avoir recours à l’« aide à
mourir » selon les critères retenus par le
gouvernement ? Quel sera le coût de la
loi ? Permettra-t-elle de réaliser des
économies ? Sept députés LR, membres
de la commission spéciale chargée
d’étudier le texte, ont alerté Yaël Braun-
Pivet sur le manque de données chiffrées
dans l’étude d’impact du projet de loi sur
la fin de vie. Des lacunes « qui participent
au grand flou qui entoure ce texte ».
Dans une lettre adressée à la prési-
dente de l’Assemblée nationale le
11 avril, Thibault Bazin, Annie Genevard,
Justine Gruet, Patrick Hetzel, Philippe
Juvin, Frédérique Meunier et Yannick
Neuder rappellent que les études d’im-
pact doivent « exposer avec précision
l’évaluation des conséquences économi-
ques, financières, sociales et environne-
mentales, ainsi que des coûts et bénéfices
financiers attendus des dispositions envi-
sagées », comme le prévoit l’article 8 de
la loi organique du 15 avril 2009.
« À la différence du Canada, où le bu-
reau du directeur parlementaire du bud-
get avait évalué en 2020 les effets budgé-
taires d’un élargissement du champ de
l’“aide médicale à mourir”, l’étude d’im-
pact ne contient aucune information sur la
diminution des dépenses d’assurance-
maladie et de retraite susceptibles d’être
générées par ce projet de loi », pointent
les élus.
« Nous n’avons aucun élément chiffré
sur le volet soins palliatifs ni sur le volet
“aide à mourir”. Cela aurait mérité l’es-
quisse d’un ou plusieurs scénarios », sou-
ligne Patrick Hetzel. Ces estimations,
certes malaisées, ont en effet déjà été ef-
fectuées outre-Atlantique. Sans en faire
un argument pour légiférer, une étude
canadienne publiée en 2017 estimait en-
tre 35 et 137 millions de dollars par an les
économies budgétaires liées à la mise en
œuvre de l’« aide à mourir ». En 2020,
un autre rapport officiel chiffrait les éco-
nomies de l’élargissement de la loi à
149 millions de dollars.
Pour arriver à ces projections, ces étu-
des combinent le coût de l’administra-
tion du produit létal, l’estimation du
nombre de décès attendus par l’« aide à
mourir », le « reste à vivre » des patients
susceptibles d’y avoir recours et les coûts
de leur prise en charge médicale durant
cette période.
Mais l’étude d’impact du gouverne-
ment ne se risque à aucune projection
sur le nombre de personnes susceptibles
d’avoir recours à l’« aide à mourir » en
France. « L’évaluation du nombre de
Français qui pourraient avoir recours à
l’“aide à mourir” est une question centra-
le. Le gouvernement aurait pu donner une
projection, avec une estimation basse et
une estimation haute. Mais cela l’aurait
obligé à être plus explicite sur l’“aide à
mourir”. Car ce que l’on nous présente
comme un nouveau modèle français de la
fin de vie s’apparente plutôt à un mélange
de ce qui se pratique en Suisse et en Belgi-
que. Or le phénomène est loin d’être mar-
ginal dans ces deux pays », juge Patrick
Hetzel. En Belgique, où les critères d’ac-
cès ont été élargis depuis l’adoption de la
loi, le nombre d’euthanasies est passé de
1 133 en 2011 à 2 699 en 2021. En Suisse,
on compte près de 1 200 suicides assistés
par an. En Espagne, où la loi sur l’eutha-
nasie et le suicide assisté est entrée en
vigueur plus récemment, 288 personnes
y ont eu recours en 2022.
Le lobbying des mutuelles
Seule la Sfap (Société française d’accom-
pagnement et de soins palliatifs) a réalisé
une projection en 2023. « Extrapolé à la
France (667 000 décès par an), on aurait
annuellement avec le système belge
33 350 décès par euthanasie, 4 000 décès
par suicide dans le “modèle Oregon” (as-
sistance au suicide avec prescription d’un
produit létal sans accompagnement,
NDLR) et 10 700 décès par suicide selon le
“modèle suisse” », a-t-elle indiqué dans
une note.
Le lobbying des mutuelles sur l’« aide à
mourir » interpelle également certains
députés. « Plusieurs membres de la com-
mission spéciale ont été contactés par des
le figaro lundi 22 avril 2024 3
délégués départementaux de la MGEN qui
plaident pour “promouvoir une fin de vie li-
bre et choisie” , signale Patrick Hetzel.
Leur intérêt pour ce sujet interroge, alors
qu’elles assument des dépenses croissantes
liées à la dépendance. Cette question fi-
nancière n’est pas totalement absente du
débat. » L’« aide à mourir » « aurait pour
conséquence des réductions de dépenses de
santé, sans que cet objectif ne soit ouverte-
ment assumé », pointe pour sa part le ju-
riste Yves-Marie Doublet, chargé d’en-
seignement à l’espace éthique de l’APHP,
dans une note récente pour la Fondapol.
L’absence du chiffrage de la future
stratégie de développement des soins
palliatifs dans l’étude d’impact - 1,1 mil-
liard d’euros sur dix ans annoncé par la
ministre de la Santé - inquiète également
les députés LR signataires de la lettre à
Yaël Braun-Pivet. « Le gouvernement
s’est engagé oralement sur un plan décen-
nal pour les soins palliatifs qui ne se traduit
dans aucune mesure chiffrée et qui ne
pourra au mieux recevoir d’application
concrète que dans le projet de loi de finan-
cement de la Sécurité sociale pour 2025 »,
regrettent-ils. Soit après les débats par-
lementaires sur l’« aide à mourir »…
« Aujourd’hui, nous n’avons aucune certi-
tude sur le financement de la stratégie de
soins palliatifs, regrette Patrick Hetzel.
Faire des annonces pour la décennie à ve-
nir, cela engage potentiellement trois pré-
sidents de la République et plusieurs gou-
vernements. C’est un peu baroque. Il
faudrait au moins graver cet engagement
dans un amendement gouvernemental
pour l’annexer à la loi. »
Le Conseil d’État avait soulevé cet
écueil, relevant que le projet de loi ne
comportait « pas de dispositions de nature
programmatique, notamment budgétai-
res, permettant de fixer des objectifs clairs
à l’action de l’État, déterminés en termes
quantitatifs et qualitatifs ». Les Sages ont
donc souligné « la nécessité » que le plan
sur les soins palliatifs « déploie des moyens
à la hauteur des besoins et bénéficie d’une
mise en œuvre effective ». À l’Assemblée
nationale, la bataille sur la loi de fin de vie
est déjà lancée. ■ A. L.
A
 4 lundi 22 avril 2024 le figaro
François Ruffin entretient le flou sur sa candidature
Pierre Lepelletier
L’emblématique
député de la Somme,
poussé à gauche
à s’émanciper de
Jean-Luc Mélenchon,
répète qu’il ne veut
pas brûler les étapes.
D
ans le quartier populaire
de Sainte-Geneviève, à
Auxerre, des adolescents
profitent des premières
douces soirées du prin-
temps pour taper dans le
ballon. Ce jeudi, c’est l’affluence des
grands soirs sur le bitume de la place De-
gas. Quelques centaines de sympathi-
sants de gauche se mêlent aux jeunes
footballeurs en attendant que la salle as-
sociative de La Ruche ouvre ses portes.
Une affiche de gala sur les murs y annon-
ce la venue de François Ruffin. L’emblé-
matique député LFI est de passage quel-
ques heures dans l’Yonne pour
donner un coup de pouce à la campagne
de Manon Aubry, la tête de liste de La
France insoumise pour les élections
européennes. « Notre principal adversai-
re, c’est la résignation. Il n’y a pas de fata-
lité. Nous pouvons l’emporter ! », lancera-
t-il sur scène quelques instants plus tard.
Ici, à Auxerre, comme partout ailleurs,
tout le monde sait que François Ruffin est
bien plus qu’un simple député venu dé-
fendre la liste de sa candidate. Ce n’est
un secret pour personne : il réfléchit sé-
rieusement à être candidat à l’élection
présidentielle de 2027, et donc à rempla-
cer Jean-Luc Mélenchon. Arpenter les
routes de France est aussi pour lui un
moyen de soigner son maillage territo-
rial, de prendre la température des bases
militantes. « Je dois me dépicardiser »,
admet volontiers devant la salle le dépu-
té de la Somme - qui n’a pas répondu aux
sollicitations du Figaro.
« Il aura un rôle à jouer »
Sa décision est-elle déjà prise ? Ses in-
terlocuteurs réguliers le répètent :
« François » - comme tout le monde
l’appelle - consulte, écoute, travaille,
écrit… Début février, il a encore sorti un
nouveau livre, Mal-travail. Le choix des
élites (Éditions Les liens qui libèrent), où
il cherche à démontrer comment la pré-
carité broie la santé physique et mentale
des classes moyennes et modestes. Le
réalisateur du césarisé Merci patron ! se-
rait également en train de tourner un
nouveau film. Dès lors, certains pren-
nent un ton affirmatif. « Il se prépare
pour être candidat », assure par exemple
le député écologiste Sébastien Peytavie.
Comme lui, ils sont quelques parle-
mentaires à l’entourer et à le soutenir.
Carole Delga (PS) : « Il faut bâtir un rassemblement d’avenir à gauche, de Clémentine
LE FIGARO. - Comment expliquez-
vous la bonne dynamique dans les
sondages de Raphaël Glucksmann,
la tête de liste des socialistes
aux européennes ?
CAROLE DELGA. - En politique, quand
on a un projet clair et cohérent, on sus-
cite de l’espoir. Celui de Raphaël
Glucksmann et de sa liste correspond à
la réalité des problèmes rencontrés par
nos concitoyens dans leur quotidien et
répond aussi à leurs craintes quant à
l’avenir géopolitique ou climatique. Il
est aujourd’hui le seul à gauche qui
parle vraiment des enjeux européens.
Dans cette campagne, sa liste offre aussi
une véritable alternative au duel morti-
fère dont ne veulent plus les Français
entre l’extrême droite et la macronie.
C’est enfin un vote positif que peuvent
faire nombre d’électeurs de gauche.
Y voyez-vous aussi la validation
de votre ligne politique, une gauche
non alliée à La France insoumise
de Jean-Luc Mélenchon ?
Il serait indécent d’en tirer le moindre
satisfecit personnel tant la situation est
préoccupante avec une abstention au
plus haut et un total d’extrême droite
qui frôle les 40 %. C’est un message de
A
désespoir, qui prouve la souffrance du
pays. Les Français vivent comme une
Si François Ruffin (ici, le 8 mars, à Paris) n’a jamais vraiment cherché à s’intégrer au sein de l’appareil Insoumis,
l’emblématique député de la Somme semble s’en éloigner de plus en plus. Henrique Campos/Hans Lucas
Parmi eux : Sébastien Jumel, député
communiste de Seine-Maritime, Sophie
Taillé-Polian, députée écologiste du
Val-de-Marne, ou encore Damien Mau-
det, député LFI de Haute-Vienne, qui fut
son ex-collaborateur parlementaire.
Pour ne pas insulter l’avenir, d’autres
préfèrent encore rester anonymes. Mais
le cercle se consolide… En parallèle,
François Ruffin multiplie les déjeuners
avec tout ce qui constitue le bocal de la
gauche française. « Il m’a posé quelques
questions et a surtout pris beaucoup de
notes », rapporte un député socialiste,
incapable de dire à la sortie du restau-
rant s’il a senti le Picard prêt à se lancer,
injustice la politique macroniste et se
réfugient donc dans un vote de protes-
tation. Raphaël Glucksmann incarne,
lui, une gauche du progrès, profondé-
ment européenne, qui sait concilier le
social et l’écologie, qui veut mettre les
mains dans le cambouis. Nous avons
les mêmes valeurs. Sur le terrain, les
gens me disent qu’enfin la gauche
qu’ils aiment est de retour.
« Raphaël Glucksmann
est aujourd’hui le seul
à gauche qui parle vraiment
des enjeux européens.
Dans cette campagne,
sa liste offre aussi une
véritable alternative
au duel mortifère dont
ne veulent plus les Français
entre l’extrême droite
et la macronie »
Les concurrents de gauche de Raphaël
Glucksmann lui reprochent le soutien
d’une partie du PS - dont vous -
à la construction de l’autoroute A69.
Que leur répondez-vous ?
Tous ceux qui font de l’autoroute entre
Toulouse et Castres un point de non-
Politique
ou non, dans l’aventure présidentielle.
« De plus en plus sont intéressés pour sa-
voir ce que François veut faire sur le fond
comme sur la forme. Chez beaucoup, il y a
une espèce d’urgence pour trouver une
solution afin de ne pas se retrouver le bec
dans l’eau en 2027 », observe Damien
Maudet qui assure que son collègue a
conscience « qu’il aura un rôle à jouer ».
Mais lequel ?
En réalité, l’élu picard sait que l’équa-
tion reste complexe puisqu’elle dépend
surtout d’une inconnue, ou plutôt d’un
homme : Jean-Luc Mélenchon. L’ex-
candidat LFI à la présidentielle entre-
tient lui aussi le suspense sur une éven-
« Les Français vivent comme une injustice la politique macroniste »,
explique Carole Delga, présidente PS de la région Occitanie.
retour pour un rassemblement de la
gauche se trompent. En termes de mo-
bilité, ma priorité est le rail, je n’ai plus
à le prouver. Mais quand ce n’est pas
possible, je considère que nous ne de-
constituerait alors le joker idéal », note
un responsable socialiste. Pour l’ins-
tant, pas question de mordre la ligne
donc. Même si, déjà, il lui arrive de se
démarquer sur la ligne stratégique.
À Auxerre, le député a par exemple
défendu le besoin d’une gauche ras-
semblée pour empêcher la victoire de
Marine Le Pen en 2027. « Il nous faudra
l’unité parce que nous sommes dans un
moment de gravité. Il faut lutter contre
ces gauches irréconciliables, mais cela se
fera dans la clarté d’une gauche de rup-
ture », a-t-il prévenu. « Ruffin a com-
pris qu’il devait rassembler plutôt que de
systématiquement cliver », applaudit un
député de gauche. À l’inverse, les mé-
lenchonistes ont de leur côté acté de-
puis des mois qu’il ne faudra pas comp-
ter sur le reste de la gauche pour la
présidentielle. Il faut dire qu’en interne,
tous sont convaincus que la force de
Jean-Luc Mélenchon l’emportera tou-
jours sur une dynamique d’une union
non-mélenchoniste.
Électron libre
Jusqu’à présent, la foudre mélencho-
nienne ne s’est pas encore abattue sur
François Ruffin. Le troisième homme
de la dernière présidentielle préfère
ménager le député, même s’il lui re-
proche parfois certaines pudeurs,
comme lorsqu’il refuse d’affirmer que
« la police tue ». « Il doit faire attention à
être compris de tous », aime rappeler,
un brin professoral, l’Insoumis en chef.
Le clan de l’ancien candidat est lui bien
plus sévère et n’hésite pas à tomber à
bras raccourcis sur l’électron libre In-
soumis. Certains lui reprochent encore
son absence à la « marche contre l’isla-
mophobie » en 2019 - Ruffin avait pré-
texté avoir un match de foot. Les mê-
mes ont dénoncé sa « faute politique »
lorsque le député avait considéré sur
Franceinfo, avant de rétropédaler,
que la GPA et le changement de gen-
re ne devaient pas être « placés au cœur
du projet de la gauche ». La députée LFI
de Paris, Sophia Chikirou, au cœur du
réacteur mélenchoniste, avait, dans la
foulée, fustigé : « Ce n’est en rien une
position de La France insoumise, ni du
groupe parlementaire. » François Ruffin
l’a acté depuis longtemps maintenant :
aucune erreur, ou pas de côté, ne lui
sera pardonné.
« Très souvent, quand François Ruffin
tuelle quatrième candidature en 2027. est amené à prendre des positions sur des
Jusqu’à présent, les deux se sont juré sujets qui ne sont pas les siens, il tient des
fidélité, se promettant réciproquement positions réactionnaires. Jamais il dira
qu’il n’y aurait pas « le match rêvé par les spontanément quelque chose de trop à
médias ». Mais ils connaissent trop bien gauche, à l’inverse de Jean-Luc Mélen-
la politique pour savoir que ces promes- chon », en conclut même le sociologue
ses ne sont jamais définitives. Geoffroy de Lagasnerie, proche de LFI,
D’autant qu’autour de François Ruf- dans un entretien à la chaîne YouTube
fin, certains l’incitent à passer la vitesse Nouvelles pensées critiques, diffusé fin
supérieure et à préciser son ambition avril. Pour lui, François Ruffin ne limite-
dès le lendemain des élections euro- rait d’ailleurs sa « focale » qu’au « prisme
péennes. Au risque de se brouiller avec de la classe ouvrière blanche ». « C’est
le grand chef Insoumis. « François Ruf- exclure tout un ensemble de classes popu-
fin nourrit surtout le secret espoir que laires qui ont d’autres types de préoccu-
Jean-Luc Mélenchon soit empêché de se pations. Le discours n’est pas inclusif mais
représenter par de mauvais sondages. Il excluant », juge-t-il. Des reproches qui
vailler ensemble sur les autres sujets
comme la réindustrialisation du bassin
de Decazeville. Au regard de la situa-
tion du pays, ne nous trompons pas de
combat, cherchons plutôt ce qui nous
rassemble. Ne pas parvenir à surmonter
au niveau national nos quelques diffé-
rences serait irresponsable. Ce serait
faire la part belle à l’extrême droite.
Patrick Batard/Hans Lucas via Reuters Connect
Si Raphaël Glucksmann termine
en tête de la gauche le 9 juin,
quelles leçons faudra-t-il tirer ?
Il faudra d’abord être modestes comp-
te tenu du score attendu de l’extrême
droite. Son niveau doit provoquer une
urgence républicaine pour nous unir à
gauche afin de proposer un nouveau
projet de société aux Français. C’est ce
travail qui doit être mis en œuvre.
Pour moi, ce rassemblement doit aller
de Clémentine Autain à Pascal Canfin.
Il faut parler à toutes celles et ceux qui
veulent une France plus juste, plus so-
ciale et écologique, dans une Europe
de paix et de progrès, souveraine, qui
n’a aucune faiblesse ni vis-à-vis des
régimes autoritaires ni vis-à-vis des
vons pas laisser tomber les gens. On ne extrémismes.
laisse pas un territoire enclavé, loin de
tout. Je respecte le fait que certains Jean-Luc Mélenchon peut-il avoir
soient contre, y compris dans ma majo- sa place dans ce rassemblement ?
rité. Cela ne nous empêche pas de tra- Il faut bâtir un rassemblement d’ave-

à la présidentielle
reviennent régulièrement chez les pro-
ches de Jean-Luc Mélenchon.
D’autant que, s’il n’a jamais vraiment
cherché à s’intégrer au sein de l’appareil
Insoumis, François Ruffin s’en éloigne
de plus en plus. Au Salon de l’agricultu-
re, il n’a pas rejoint la petite délégation
de son groupe parlementaire, préférant
faire bande à part. Invité au « 20 Heu-
res » de TF1 début février, le député de
la Somme n’a pas prévenu les responsa-
bles du mouvement. « Nous l’avons dé-
couvert sur Twitter », soupire un cadre.
Conséquence : les comptes officiels de
LFI n’ont pas relayé la moindre minute
de son intervention. Finira-t-il par oser
s’émanciper ? « Le jour où Jean-Luc
Mélenchon se présente comme candidat,
tout le monde rentrera dans le rang »,
avance un élu communiste. Un député
PS fait un autre pari : « J’ai la profonde
conviction qu’il ne sera finalement pas
candidat, qu’il ne se représentera pas
comme député, et qu’il arrêtera la politi-
que. » Nombreux à gauche aimeraient
pourtant lui garantir une piste d’atter-
rissage pour ensuite décoller, avec un
collectif clé en main, vers la présiden-
tielle. Mais la route reste longue…
« Vous voyez François Ruffin président
de la République, vraiment ? », interroge
un cadre socialiste qui remet en cause,
comme d’autres, son « incarnation »
présidentielle. Au sein de la gauche radi-
Autain à Pascal Canfin »
nir, qui s’appuie sur un projet large-
ment partagé avec les citoyens, et non
imposé par les appareils. Je ne pense
pas que Jean-Luc Mélenchon fasse
partie de cet avenir.
François Hollande compte aussi
s’impliquer dans la future
recomposition de la gauche.
Qu’en pensez-vous ?
François Hollande doit être en soutien
de ce rassemblement, comme toutes
celles et tous ceux qui ont eu des res-
ponsabilités dans le passé.
« Il faut parler
à toutes celles et ceux
qui veulent une France
plus juste, plus sociale
et écologique,
dans une Europe de paix
et de progrès, souveraine »
Et vous, quel sera votre rôle ?
J’ai des propositions à faire, nourries
de mon expérience de présidente de la
région Occitanie (un petit pays de
6 millions d’habitants qui accueille
40 000 nouveaux habitants chaque an-
née), mais aussi de mes rencontres, de
mon vécu. Je veux continuer à appor-
cale, d’autres préféreraient davantage
mettre en orbite Clémentine Autain,
autre Insoumise « frondeuse » qui mas-
que de moins en moins son intérêt pour
2027. « Elle a pris de l’envergure, et ne se
laisse pas faire », a salué, presque com-
me un adoubement, Christiane Taubira
dans un entretien à Libération fin mars.
Quant à François Ruffin : « Moui… », a-
t-elle répondu.
D’autres estiment que le député-réa-
lisateur reste et restera, aux yeux des
Français, collé à l’étiquette insoumise.
Comprendre : en cas d’une qualification
au second tour face à Marine Le Pen, le
risque d’une défaite resterait aussi élevé
que pour Jean-Luc Mélenchon. Pour y
voir plus clair, et preuve que le député de
la Somme se prépare, il a fait réaliser un
sondage par l’institut Cluster 17, révélé
par Libération : il surclasserait Jean-Luc
Mélenchon dans l’hypothèse d’une can-
didature unique en 2027, et ferait jeu
égal avec Marine Le Pen au second tour,
à 50 %. Le plus insoumis des Insoumis
cite également l’exemple de sa ville de
Flixecourt, à côté d’Amiens (Somme). À
la dernière présidentielle, Marine Le Pen
y était arrivée largement en tête, re-
cueillant 44,29 % des suffrages. Aux lé-
gislatives, deux mois plus tard, François
Ruffin s’était pourtant placé en première
position, surclassant la candidate du RN
dans la ville (40,09 % contre 22,58 %). ■
ter des idées au niveau national, com-
me la gratuité d’usage des transports
en commun, le développement des
énergies renouvelables, un revenu
pour les jeunes, un service public de la
petite enfance, la santé de proximité,
l’agriculture de qualité… Mon cap,
c’est la lutte contre tout déterminisme
social et territorial.
Les récentes conférences
de Jean-Luc Mélenchon ont été
interdites sur décision préfectorale.
Qu’en pensez-vous ?
J’ai été heurtée par la décision du pré-
fet. La liberté d’expression doit être
garantie car il n’y a pas de risque de
trouble manifeste à l’ordre public. Par
contre, j’apporte tout mon soutien au
président de l’Université que Jean-
Luc Mélenchon a gravement et hon-
teusement insulté. Et sur le fond aus-
si, je suis évidemment en désaccord
avec le chef de La France insoumise
qui attise, comme souvent, les ten-
sions à des fins électorales. Je rejoins
Jérôme Guedj : cette association orga-
nisatrice de la première conférence
annulée est manifestement contre la
solution à deux États au Proche-
Orient, or c’est la seule issue possible
pour ces peuples. ■
PROPOS RECUEILLIS PAR P. L.
Politique
CONTRE-POINT
PAR GUILLAUME TABARD
Macron, discours européen, fragilité nationale
C
ampagne nationale ou cam-
pagne européenne ? En re-
nouvelant, dans Le JDD, sa
demande d’une dissolution
de l’Assemblée en cas de victoire de sa
liste le 9 juin, Jordan Bardella veut plus
que jamais faire des élections euro-
péennes un référendum anti-Macron.
Par le discours qu’il prononcera jeudi à
la Sorbonne, le chef de l’État tente, à
l’inverse, de remettre la campagne sur
ses rails européens. Dans l’espoir
d’amener le débat sur un terrain a prio-
ri plus favorable à son camp.
Le choix de prononcer ce discours au
même endroit que celui qu’il avait pro-
noncé en 2017 est révélateur. Connu,
précisément, sous le nom de « discours
de la Sorbonne », il était à la fois la
charte fondatrice du macronisme au
pouvoir et la boussole programmati-
que d’une Europe alors sans cap. Re-
tourner à la Sorbonne, c’est donc espé-
rer raviver la ferveur première d’un
courant politique alors porteur d’espé-
rance. Mais c’est aussi s’exposer à un
contraste cruel. Emmanuel Macron
aura beau lister ses intuitions mises en
œuvre ; il aura beau rappeler le tour-
nant que fut le principe d’un endette-
ment commun pour sortir de la crise
Bayrou : « Tous ceux qui prétendent qu’on
n’a pas besoin d’Europe sont des menteurs »
Célestine Gentilhomme
L
e temps presse pour le camp
présidentiel, à un mois et
demi des élections européen-
nes. Alors que la tête de liste
Valérie Hayer reste devancée de huit
à dix points par Jordan Bardella dans
les sondages, François Bayrou veut ti-
rer la sonnette d’alarme. Invité di-
manche du « Grand Jury RTL-Le Fi-
garo-M6-Paris Première », le patron
du MoDem a appelé les Français à
« prendre la mesure » du « danger »
qui planerait sur l’Union européenne.
« Poutine a déclenché un mouvement
qui s’étend sur toute la planète, c’est-à-
dire le retour au temps où c’est la violen-
ce qui fait la loi, a-t-il détaillé. Ce que la
Chine fait entendre comme menace à
l’égard de Taïwan, ce qui s’est passé le
7 octobre, c’est le même mouvement. »
Et de décocher une flèche en direction
des Insoumis et du Rassemblement na-
tional (RN) : « Tous ceux qui prétendent
qu’on n’a pas besoin de l’Europe sont
des menteurs, voire des escrocs. »
L’allié historique d’Emmanuel
Macron se refuse en revanche à des-
cendre dans l’arène nationale en ci-
le figaro lundi 22 avril 2024 5
du Covid, il aura du mal à convaincre plaider pour une réponse européenne
que l’Europe dont il se pose en parrain face aux menaces sécuritaires, migra-
a apporté aux Français la réponse à toires, écologiques ou économiques
leurs colères ou à leurs craintes. peut aussi être pris comme l’aveu d’un
Le Macron de 2024 n’a plus l’aura du échec ou d’une incapacité à apporter
Macron de 2017. Celui qui incarnait des réponses nationales depuis sept ans.
l’avenir est désormais comptable du L’électeur français du 9 juin est ce-
passé ; certains diront d’un passif. La lui qui voit le gouvernement se faire
campagne chaotique de la majorité - donner des leçons de rigueur budgé-
celle-ci appelant à construire une digue taire par le socialiste Pierre Moscovici
morale contre le RN de Jordan Bardella et qui assiste aux querelles internes au
avant de se rendre compte que c’est du gouvernement et à la majorité sur les
côté de la gauche de Raphaël Glucks- avantages comparés d’une hausse des
mann qu’il faut consolider la digue élec- impôts et d’une réduction de la dé-
torale - démontre que le chef de l’État pense sociale. Il est le citoyen qui as-
reste la meilleure carte de son camp. siste, semaine après semaine, à des
Mais une campagne européenne actes de plus en plus violents commis
n’est pas une parenthèse dans la vie du par des individus de plus en plus jeu-
pays. Et dans le contexte de forte insa- nes, et qui applaudit les mots d’auto-
tisfaction devant l’action de l’exécutif, rité de Gabriel Attal mais ne com-
prend pas qu’il soit interdit de voir un
lien entre l’immigration et ces actes
de violence.
Il y a de l’électoralisme facile de la
part de Jordan Bardella à réduire l’élec-
tion européenne à un simple référen-
dum national. Mais il serait naïf ou
imprudent de la part d’Emmanuel Ma-
cron d’ignorer que la crédibilité de son
discours européen est indexée sur l’ef-
ficacité de son action nationale. ■
campagne ». Et d’ironiser : « J’ado-
rerais que tous les matins les partis
politiques disent : “François Bayrou,
c’est un risque, quand même”… »
« Si on a besoin de moi,
je serai là »
Alors que la liste de Valérie Hayer doit
Nicolas Kovarik /Agence 1827/RTL
encore être dévoilée d’ici la fin du
mois, François Bayrou n’exclut pas de
prendre part au casting « en position
non éligible ». « Si on a besoin de moi, je
serai là », a assuré le haut-commis-
saire au Plan. C’est en tout cas une
piste avancée par le chef de l’État, qui
souhaiterait voir les noms des chefs
des partis de la majorité figurer à la fin
de la liste. Manière de faire bloc der-
François Bayrou, dimanche, rière la candidature de l’eurodéputée,
sur le plateau du « Grand Jury RTL- encore méconnue du grand public.
Le Figaro-M6-Paris Première ». Quant à son destin personnel, Fran-
çois Bayrou est revenu sur ses ambi-
blant nommément les troupes de tions inachevées lors du remaniement
Jordan Bardella, comme le recom- de février dernier. Après avoir annon-
mandaient pourtant certains sou- cé qu’il ne rentrerait pas au gouverne-
tiens du chef de l’État. « Je n’ai ja- ment « faute d’accord profond » sur la
mais été partisan de braquer les politique à suivre, le maire de Pau as-
projecteurs sur le RN car vous lui ren- sure ne pas avoir reçu à l’époque d’of-
dez un service formidable », a-t-il fre pour le ministère de l’Éducation
A
justifié, mettant en garde contre le nationale. « Si on me l’avait proposé,
risque d’« en faire le sujet unique de la j’aurais accepté », a-t-il confié. ■
 6 lundi 22 avril 2024 le figaro
Tiède campagne
européenne dans
une Allemagne
décontenancée
David Philippot Envoyé spécial à Francfort-sur-l’Oder
La croissance en berne, la crise migratoire et la
guerre en Ukraine pèsent sur le prochain scrutin.
L
a casquette vissée sur la
tête, en treillis de travail,
Ronny Mrose tente de fixer
des affiches cartonnées à la
rambarde du pont qui en-
jambe l’Oder. Le quadra-
génaire organise un salon d’horticultu-
re : « La moitié des 6 000 visiteurs du
week-end viendront de l’autre rive ! »,
dit-il en pointant la Pologne. Pourtant
il pense qu’« il faut rétablir les contrô-
les » car « c’était mieux avant ». Il fait
allusion à l’entrée de la Pologne dans
l’Union européenne, il y a presque
vingt ans, et à la libre circulation qui en
a découlé entre les deux villes mitoyen-
nes, Francfort-sur-l’Oder et Slubice.
Toute la journée, un flot ininterrompu
de véhicules fait vibrer le pont. Les Al-
lemands partent à l’est acheter essence,
alcool et cigarettes, tandis que les Polo-
nais assurent une grande partie de la
main-d’œuvre du Brandebourg.
La police fédérale a monté un bar-
num à l’endroit où se tenait autrefois la
guérite des douanes. Les fonctionnaires
arrêtent des véhicules pour des contrô-
les aléatoires. Même dispositif devant la
gare. « Cela ne sert à rien ! Il y a sans
cesse des vols de véhicules ou d’engins
agricoles dans les villages ! », rouspète
Ronny. Il en veut aussi aux réfugiés ar-
rivés les dernières années en Allema-
gne : « Évidemment, c’est terrible de de-
voir fuir une guerre mais il faut les forcer
à travailler et ne pas leur donner d’allo-
cations. Il leur suffit de faire quelques sa-
les coups ici ou là et ils ont assez pour vi-
vre, sans jamais avoir cotisé ! C’est
intolérable car nous, les Allemands, nous
devons bosser jusqu’à 67 ans ! » Il admet
que ceux qu’il connaît, y compris dans
sa propre entreprise, sont du genre
bosseurs, mais « il y en a trop, c’est
tout », tranche-t-il au pied d’un lam-
Scholz « est convaincu que le risque d’une escalade n’est pas nul » en Ukraine
D
aniel Brössler couvre la chan-
cellerie pour le journal Süd-
deutsche Zeitung depuis l’élec-
tion d’Olaf Scholz. Son livre
Un chancelier allemand, der Krieg und
der Angst (« La guerre et la peur »)
vient de paraître aux Éditions
Propyläen.
LE FIGARO. - Vous avez accompagné
le chancelier lors de son récent voyage
en Chine. Vous écrivez à propos de son
premier déplacement en novembre
2022, le premier d’un responsable
occidental après le déclenchement
de la guerre en Ukraine,
que « la question se pose s’il a appris
des erreurs de l’Allemagne dans
sa politique vis-à-vis de la Russie ? »
DANIEL BRÖSSLER. - Oui, et je pense
que cela reste d’actualité. Pourtant, une
stratégie (de limitations des risques, lan-
cée il y a deux ans, NDLR) a été adoptée
mais il n’y a pas de changement politi-
que fondamental, pas de « changement
d’époque » dans ce domaine. À la
Chancellerie, on se demande même si
c’est possible, pas seulement pour l’Al-
lemagne mais aussi pour l’Europe, de se
désengager de Chine. De nombreux
grands chefs d’entreprise ont égale-
7 H -9 H
EUROPE 1 MATIN
Dimitri Pavlenko
Retrouvez l’Edito politique à 7h53 avec Alexis Brézet
A
et Vincent Trémolet de Villers du Figaro
International
padaire sur lequel le parti d’extrême
droite AfD a placardé son affiche de
campagne. Tout le long du pont, le slo-
gan proclame : « Notre pays d’abord !
Repensons l’Europe ! » « Encore quel-
ques années avec les Verts au pouvoir, et
ce pays est foutu, je vous le dis, moi ! Tout
s’écroule ici ! », conclut Ronny.
« Fatigue du climat »
Pour la première fois, un scrutin sera
ouvert aux électeurs allemands âgés de
16 ans. À 7 semaines de leur baptême
dans l’isoloir, le comportement des
jeunes votants est encore difficile à pré-
voir, mais il n’est pas sûr que le parti
écologiste recueille, comme d’habitu-
de, leur bulletin en masse. Sur le pont
de Francfort-sur-l’Oder, les Verts ten-
tent le contre-pied avec une photo de
deux jeunes femmes qui se tiennent par
l’épaule, drapées dans l’étendard étoilé
européen - « Défendre nos valeurs, pro-
téger la paix », lit-on sur l’affiche. La
presse allemande le souligne, la campa-
gne se déroule dans un contexte de Kli-
mamüdigkeit, une « fatigue du climat ».
Les questions environnementales
avaient dominé la dernière campagne
des européennes en 2019. Portés par la
vague Fridays for Future alors à son
apogée, les Grünen avaient enregistré
leur meilleur score, avec 20,5 % des
voix. Cette année, les intentions de vote
les placent plutôt autour des 14 %. Les
Verts payent le prix de la « démoralisa-
tion », selon la qualification donnée par
Marc Ringel, directeur de l’Institut
franco-allemand (DFI) : « Beaucoup
d’Allemands ont le sentiment que la
transformation du climat n’aboutira pas
à des résultats concrets, quels que soient
le nombre d’éoliennes installées ou la ré-
duction record des émissions de CO2 l’an
dernier (-10,2 par rapport à 2022,
ment participé au voyage et j’ai eu l’im-
pression qu’ils sont encore beaucoup
plus naïfs que la Chancellerie fédérale.
Qu’ils ne voient aucune alternative à
l’expansion de leurs activités en Chine…
Mais n’y a-t-il pas aussi une forme
de naïveté de sa part à proposer à l’allié
de la Russie, en position de force sur
le terrain ukrainien, des négociations
de paix ?
Je crois que Scholz ne se fait pas d’illu-
sion sur Poutine mais qu’il faut d’une
manière ou d’une autre garder le contact
avec « l’autre camp ». Et ce qu’il ressent
actuellement, en tout cas ce qu’il espère,
ce sont des signes que la Chine pourrait
commencer à se détourner de la politi-
que de guerre de la Russie.
La peur : vous parlez de sa volonté
permanente de rassurer le peuple
allemand depuis le début de la guerre en
Ukraine. Mais qu’en est-il de la sienne ?
C’est quelqu’un qui était très actif dans
le mouvement pacifiste des années 1980
et qui connaît aussi très bien la peur du
nucléaire de cette époque, et donc il a
toujours beaucoup tenu compte dans sa
politique de cette « peur allemande »
particulière, beaucoup plus marquée
NDLR). Alors que les coûts de cette
transformation, eux, sont bien visibles »
dans un contexte d’inflation.
Mécaniquement, la « polycrise » tra-
versée par l’Allemagne (croissance
anémique, guerre en Ukraine…) offre
un vent porteur à l’Alternative pour
l’Allemagne. Profitant de la poussée des
droites extrêmes, la formation espère
décrocher 15 ou 20 % des suffrages.
Mais son irrésistible élan semble se tas-
ser, tant sa campagne est lestée par les
scandales. Son leader, Björn Höcke, qui
rêve tout haut de voir l’Europe « mou-
rir » est actuellement jugé pour avoir
prononcé en meeting la devise des Sec-
tions d’assaut (SA) nazies : « Alles für
Deutschland » (« Tout pour l’Allema-
gne »). Des preuves étayent les soup-
çons de corruption pesant sur le numé-
ro deux de la liste AfD. Les services
secrets tchèques ont diffusé un enregis-
trement dans lequel Petr Bystron
compte les billets perçus de la main
d’un oligarque ukrainien pro-Russie,
Artem Marchevsky, dans sa voiture
mise sur écoute. La tête de liste, Maxi-
milian Krah, a en outre été auditionnée
par le FBI lors d’un séjour en décembre
aux États-Unis pour des messages sus-
pects en provenance de Russie, men-
que dans d’autres pays européens. En ce
qui le concerne, je ne peux pas entrer
dans sa tête. Et il ne voudrait en aucun
cas que l’on comprenne ses décisions
comme guidées par sa propre peur. Il
est convaincu que le risque d’une esca-
lade, jusqu’à l’escalade nucléaire, n’est
pas nul. Il argumente que c’est la raison,
pas la peur, qui détermine sa politique.
N’avez-vous jamais eu l’impression
qu’il avait cédé au chantage nucléaire
de Poutine ?
Non je ne le crois vraiment pas. Je pense
qu’il craint davantage que la livraison de
missiles Taurus et leur utilisation sur le
terrain puissent entraîner une escalade
qui deviendrait incontrôlable. Disons
qu’il ne fait pas 100 % confiance à la
promesse faite par les Ukrainiens que le
territoire russe ne sera pas attaqué.
En cette année ne peut-on supposer
des arrière-pensées électoralistes ?
La ligne d’Olaf Scholz est de dire : nous
soutenons l’Ukraine et nous renforçons
nos capacités de défense. Mais nous ne
voulons pas le faire au détriment de
l’État social et au détriment des plus
faibles socialement. C’est une position
qui, je pense, est très majoritaire en ex-
RDA. Le SPD et Olaf Scholz pensent
donc que cet argument se « vend »
bien dans une campagne électorale à
l’Est. Et cela ne lui déplaît pas - même
s’il le conteste et si, à l’époque, les dé-
penses de défense étaient bien plus éle-
vées qu’aujourd’hui - d’être associé
dans son parti à Willy Brandt, le
« chancelier de la paix »…
Scholz a dirigé la jeunesse du SPD
et appartenait à son aile marxiste.
Comment est-il passé des manifestations
tionnant des « compensations ». Déjà notre société libérale et ne fait pas partie
en froid avec le Rassemblement natio- intégrante de l’Allemagne ».
nal sur la « remigration », l’AfD a jeté Créditée de plus de 30 % d’intentions
une nouvelle pierre dans le jardin de de vote, la CDU bénéficie du rejet de
son allié, en s’interrogeant sur l’appar- l’action du gouvernement actuel. Les
tenance de l’île de Mayotte à la France. sociaux-démocrates du chancelier
La cohabitation entre les deux forma- Scholz redoutent un échec cuisant. Au
tions au Parlement européen au sein du grand dam de son partenaire libéral avec
groupe Identité et Démocratie ne s’an- lequel il a formé une coalition, le SPD
nonce pas pacifique… tente de mobiliser ses électeurs avec la
promotion d’une réforme fiscale ciblant
Grand écart les successions des plus fortunés…
Le grand écart et la contradiction, la tête Ce scrutin européen sera enfin un
de liste des conservateurs, Ursula von baptême du feu pour l’Alliance Sahra
der Leyen, les pratique également au Wagenknecht (BSW), du nom d’une
cours de cette campagne qu’elle mène le pasionaria venue de l’extrême gauche.
plus discrètement possible. Candidate à Cette quinquagénaire venue, dit-elle,
un second mandat à la tête de la Com- « pour combler le vide politique », bran-
mission, l’Allemande doit compter sur dit un programme pour davantage de
un faible soutien des électeurs conser- justice sociale, moins de migrants et
vateurs, hostiles au pacte vert qu’elle a l’arrêt des livraisons d’armes à l’Ukrai-
porté à Bruxelles mais que son propre ne. Selon un sondage de l’hebdomadai-
parti, la CDU, veut démanteler ! Un re Focus, les électeurs des extrêmes, de
poids lourd de la droite, le Bavarois gauche comme de droite, sont les
Markus Söder a en outre qualifié d’« er- moins enclins à défendre le territoire en
reur, sur laquelle il faut revenir » la fin cas de guerre, alors que la défense est
des moteurs à combustion décrétée par l’enjeu prioritaire des Allemands pour
l’UE en 2035. Quant au chapitre « inté- cette élection, à laquelle ils sont 71 % à
gration » de son programme, le premier vouloir participer, selon l’Eurobaromè-
parti d’opposition dénonce « un islam tre du journal Frankfurter Allgemeine
qui ne partage pas nos valeurs, qui rejette Zeitung. ■
contre le déploiement des missiles Oui contrairement à Angela Merkel,
Pershing II à un partisan de l’Otan ? beaucoup plus contrôlée et à laquelle il
Oui, aujourd’hui, il en rigole et il trouve est souvent comparé, il peut se laisser
ridicules ses idées de l’époque alors qu’il emporter par ses émotions. Ce qui
était alors fortement convaincu d’être l’énerve surtout, c’est quand il a l’im-
« du bon côté » qui considérait alors que pression que quelqu’un ne le suit pas
l’Otan était le vrai danger pour la paix. intellectuellement, ou ce qu’il considè-
Ses voyages dans le bloc de l’Est et en re comme de la bêtise. La paresse intel-
Amérique latine lui ont ouvert les yeux lectuelle l’agace assez vite
sur ce qu’était le « paradis socialiste ».
Quand il a accédé aux responsabilités du D’où vient son incompréhension
parti au début des années 2000, il s’était avec Emmanuel Macron ?
rallié depuis longtemps au courant de Ce sont des personnalités tellement
droite, pragmatique, atlantiste. différentes. Je pense que chacun d’eux
ne comprend pas comment l’autre fait
Vous le décrivez comme quelqu’un de la politique et qu’ils en sont un peu
de bouillonnant intérieurement. désespérés. Il n’en parle pas ouverte-
Vous écrivez « Scholz ce n’est pas ment mais je pense qu’Olaf Scholz
Bouddha »… trouve très énervant quand quelqu’un
arrive brusquement et constamment
avec de nouvelles initiatives et qu’il
Annette Riedl/dpa via Reuters
met ainsi la pression.
Par exemple ?
Le débat sur le parapluie nucléaire
«
européen. Pour Olaf Scholz, il est abso-
lument crucial qu’on comprenne que
l’Allemagne se trouve dans une situa-
tion très particulière. C’est un grand
pays européen mais elle ne dispose pas,
contrairement à la France ou la
Olaf Scholz est très Grande-Bretagne, de sa propre protec-
préoccupé par les dangers tion nucléaire. Et je pense qu’il est très
préoccupé par les dangers auxquels
auxquels l’Allemagne l’Allemagne serait exposée si le para-
serait exposée si
pluie américain n’existait plus pour
protéger le pays. Et même si la proposi-
le parapluie américain
n’existait plus pour
tion française (de partager le parapluie
nucléaire, NDLR) était techniquement
protéger le pays possible, une perspective taraude la
» chancellerie : que se passera-t-il si
Marine Le Pen gagne l’élection
Daniel Brössler Journaliste au présidentielle… ■
Süddeutsche Zeitung PROPOS RECUEILLIS PAR D. p.
 International
La chaîne Nius, un CNews « made in Germany »
C’
est l’heure de la
conclusion de la mati-
nale sur Nius, le grand
rendez-vous de sa
grille, en direct cha-
que matin de 8 heures
à 9 heures. Une espèce d’euphorie s’est
emparée du mini-studio aux tons bleu
nuit et orange. Debout derrière son
micro, Julian Reichelt, chemise grande
ouverte et barbe de trois jours, exulte :
« Dites votre opinion ! C’est permis en
Allemagne et cela vient d’être rappelé
par la plus haute juridiction ! » La veille,
la Cour constitutionnelle de Karlsruhe
lui a donné raison dans la procédure
qui l’opposait au ministère de l’Inté-
rieur. Reichelt avait ciblé sur son
compte X des crédits de coopération
IMAGO/Rolf Poss via Reuters Connect
versés aux institutions afghanes : « Au
cours des deux dernières années, l’Alle-
magne a versé 370 MILLIONS d’euros
( !!!) d’aide au développement aux TA-
LIBANS (!!!!!!). Nous vivons dans un asi-
le de fous. » Des déclarations que les
juges suprêmes ont estimées couvertes
par la liberté d’expression garantie par
l’article 5 de la Loi fondamentale. Le
droit de tout dire, c’est le credo reven-
diqué de celui qui termine ses éditos
vidéo « Achtung Reichelt ! » par ces
Un stand d’information pour les mots : « Je suis le plus farouche adver-
élections européennes est installé saire de la propagande et de l’hypocrisie
sur la Haidplatz de Ratisbonne. en politique. »
Berlin particulièrement visée par l’espionnage et la guerre hybride russe
U
ne arrestation banale, mer- l’air sur le missile Taurus. Sans compter
credi dernier, sur le parking qu’un chef de direction du Service fédé-
d’un magasin de bricolage de ral de renseignement (BND) comparaît
Bayreuth (Bavière), a donné actuellement pour trahison au profit de
une nouvelle dimension à la guerre la Russie devant la justice.
d’espionnage que la Russie mène à l’Oc-
cident. Le cerveau de la cellule terroris- Le « maillon faible en Europe »
te interpellé, Dieter S., un mécanicien Succès pour les services secrets intéri-
auto de 39 ans, avait un complice, eurs qui avaient Dieter S. dans le colli-
Alexander S., 36 ans. Tous deux ont été mateur depuis qu’il avait posté sur Fa-
remis au Parquet fédéral antiterroriste.
En concertation avec les services secrets
russes, S. aurait accepté de commettre
des attentats à l’explosif contre des in-
frastructures de l’armée, des usines
d’armement et des sites industriels. Se-
lon le procureur général allemand, les
opérations de sabotage auraient pu viser
des nœuds ferroviaires empruntés pour
le transport de matériel militaire. L’ob-
jectif final de ces attentats était de saper
le soutien allemand à l’Ukraine. Les en-
quêteurs ont mis la main sur des photos
et vidéos de la base de Grafenwöhr,
dans le nord de la Bavière, où l’US Army
forme des soldats ukrainiens au manie-
ment du char Abrams. Les services se-
crets militaires (MAD) ont identifié l’an
dernier plus de 400 survols de casernes
par des drones, sans qu’aucun pilote
n’ait été intercepté. Si les soupçons se
confirment, ce sera la deuxième affaire
spectaculaire d’espionnage russe en peu
de temps, après les écoutes de la confé- La base militaire américaine à Grafenwöhr, en Bavière, faisait partie des
rence des hauts gradés de l’armée de cibles potentielles des deux espions russes arrêtés, mercredi, à Bayreuth.
Combien de web-téléspectateurs de-
vant YouTube ce matin-là ? Les com-
mentaires exubérants et souvent ponc-
tués de slogans politiques - « Votez
AfD ! » « À bas les vaccins ! » - ou de
cœurs bleus, couleur du parti d’extrême
droite défilent sur le côté droit de l’ima-
ge. 170 000 abonnés, au tarif de 7,99 €
par mois, annonce le site. La chaîne,
dont le clash et le buzz font office de bu-
siness model, revendique 5 millions de
vues mensuelles. « Je ne sais pas si on
peut parler de modèle commercial, dans
la mesure où ils ne doivent pas gagner
beaucoup d’argent », corrige toutefois
Benjamin Krämer. Pour cet expert ès
médias, Reichelt « copie Tucker Carl-
son », l’ancien polémiste américain de
Fox News. « Ils se sont lancés tous deux
dans un combat contre les élites dirigean-
tes, qui comploteraient pour détruire le
pays et opprimer les gens ordinaires. »
Un vocabulaire guerrier
Pour définir l’objet médiatique, Nicolas
Hubé, professeur en sciences de l’infor-
mation et de la communication à l’uni-
versité de Lorraine, regarde aussi
outre-Atlantique : « C’est clairement un
média d’opinion type Breitbart, une chaî-
ne qui suit un projet politique. » En com-
paraison avec la France ? « Je pense que
CNews est un peu plus classiquement po-
litique, un peu plus dans le jeu politique, y
cebook des photos, en treillis et avec
kalachnikov, combattant pour les sépa-
ratistes dans la région de Donetsk, cette
double arrestation représente aussi une
nouvelle démonstration de force pour la
Russie dans la guerre hybride qu’elle
mène à l’Allemagne. Cette affaire n’est
que la « partie émergée de l’iceberg »,
estiment les experts en terrorisme. Une
centaine d’espions russes seraient actifs
Michaela Rehle/REUTERS
le figaro lundi 22 avril 2024 7
vatrice. Reichelt se définit lui-même
comme un « libéral-conservateur » à la
Reagan. Ses très nombreux ennemis
préfèrent le classer comme un populiste
IMAGO/dts Nachrichtenagentur via Reuters Connect
d’extrême droite, et rappellent volon-
tiers ses déboires passés. L’ancien ré-
dacteur chef de Bild a en effet été limogé
à l’automne 2021 pour avoir fait du lit de
camp installé dans son bureau un outil
de promotion pour ses subordonnées et
pour avoir menti à ses employeurs à ce
sujet. Dans une interview accordée à
Die Zeit, Reichelt se considérait alors
comme la victime d’une « campagne
d’extermination ». L’ancien grand re-
porter en Irak et en Afghanistan em-
prunte volontiers un vocabulaire guer-
rier pour mener son « Kulturkampf ».
Ses cibles favorites sont les écologistes
et les woke. « Lors des émissions au mo-
ment de la dépénalisation du cannabis,
souligne Nicolas Hubé, il racontait qu’on
Julian Reichelt est la figure de proue avait désormais le droit de conduire dé-
de cette web TV relayant avec force foncé. » Or, le gouvernement prépare
et fracas les idées de l’AfD. une loi prévoyant des amendes de
3 500 € pour les conducteurs avec un
compris quand elle soutient des candidats taux de THC trop élevé dans le sang.
à la présidentielle comme Zemmour. » Sur Nius, le reportage et l’investiga-
Dans les deux cas, un milliardaire fi- tion sont réduits à la portion congrue.
nance. Comme Vincent Bolloré, Frank Et sa relation élastique avec la vérité des
Gotthardt, qui a fait fortune dans faits, en fonction de sa ligne éditoriale,
l’équipement médical, considère que le vaut à la web TV de faire l’objet d’une
paysage médiatique penche trop à gau- enquête disciplinaire de l’Arcom
che, et qu’il manquait une offre conser- allemand. ■ D. P. (à Berlin)
sur le sol allemand, selon les services de au Bundestag sur la fin de la guerre froi-
protection de la Constitution. L’Allema- de, en septembre 2001. À l’image de la
gne a été identifiée par la Russie comme présence à Kiev de Bruno Kahl, le chef
le « maillon faible en Europe », selon du BND toujours en poste, exfiltré en ur-
l’expression de l’historien Robert Kin- gence le jour des premiers bombarde-
dler. Le politologue Peter Neumann ments russes, lui qui était persuadé que
souligne que Poutine « sait qu’il y a ici la Russie n’attaquerait pas. Une naïveté
une part substantielle de la population qui déjà mise au jour quand Angela Merkel
est prorusse, très réceptive à la propa- avait découvert que son téléphone por-
gande sur la paix. Il sait aussi que s’il fait table était écouté par l’Agence de sécu-
vaciller l’Allemagne et sa puissance fi- rité américaine en 2013.
nancière, cela devient très dangereux Berlin a mis du temps à ouvrir les
pour l’ensemble de la coalition en faveur yeux sur le monde qui l’entoure. Le mi-
de l’Ukraine. » L’ancien agent du KGB à nistère des Affaires étrangères avait ex-
Dresde peut compter aussi sur le soutien pulsé 40 agents russes au début de la
d’une partie de la communauté des guerre. En riposte à cette dernière af-
Deutschrussen. Ces millions d’Alle- faire, la chef de la diplomatie Annalena
mands déportés en Sibérie du temps de Baerbock a convoqué l’ambassadeur
l’Union soviétique puis revenus s’ins- russe. « Il faudrait expulser des agents à
taller en Allemagne constituent un vi- une grande échelle, comme Ronald Rea-
vier de choix pour de potentielles re- gan l’avait fait aux États-Unis dans les
crues. Les deux hommes arrêtés ont années 1980 », préconise l’expert en
reposté sur les réseaux sociaux des mes- terrorisme Erich Schmidt-Eenboom au
sages de l’Alternative pour l’Allemagne, journal Tagesspiegel. Comme au temps
l’extrême droite étant un puissant relais de cette guerre froide que l’Allemagne
de la propagande du Kremlin. Ils disent pensait appartenir au passé. Rappelons
avoir agi par conviction idéologique. que la division contre-espionnage du
« Longtemps l’Allemagne a trempé BND chargée de la Russie avait été dé-
dans le bain émollient des dividendes de la mantelée au début des années 2000
paix après la chute du Mur, s’imaginant pour ne repartir de zéro qu’en 2018. Le
entourée seulement d’amis qui lui vou- chancelier qui avait donné sa bénédic-
laient du bien », déplore Peter Neumann, tion à la dissolution de ce service s’ap-
également professeur au King’s College pelait Gerhard Schröder, le vieil ami de
A
de Londres. Le pays a été comme endor- Poutine payé par le gaz russe. ■
mi par le discours de Vladimir Poutine D. P. (à Berlin)
 8 lundi 22 avril 2024 le figaro
Adrien Jaulmes
Correspondant à Washington
Bien que trumpiste,
le président de la
Chambre a poussé
ce texte que le Sénat
devrait vite adopter.
L
e Congrès américain a fini
par voter la reprise de l’aide
militaire à l’Ukraine. Après
des mois de blocage, la
Chambre des représentants
réunie en session extraordi-
naire samedi a approuvé un budget de
95 milliards de dollars d’aide à l’Ukraine,
à Israël et à Taïwan. Les démocrates et les
républicains se sont unis pour voter
massivement ces mesures, jusqu’à pré-
sent bloquées par une minorité d’élus
républicains trumpistes. Des élus ont ap-
plaudi le vote de la Chambre et ont bran-
di des drapeaux ukrainiens bleu et jaune.
Votées en textes séparés, ces mesures
représentent 61 milliards de dollars pour
l’Ukraine, 26 milliards de dollars pour
Israël et l’aide humanitaire aux civils
dans les zones de conflit, dont Gaza, et
8 milliards de dollars pour la région In-
do-Pacifique, et en particulier Taïwan.
L’aide à l’Ukraine a été approuvée par
311 voix contre 112, la majorité des répu-
blicains - 112 - ayant voté contre. L’aide
à Israël a été votée par 366 voix contre 58
et celle destinée à Taïwan par 385 voix
contre 34. Seule concession au courant
trumpiste, une partie de l’aide économi-
que à l’Ukraine, soit environ 10 milliards
de dollars, est accordée sous forme d’un
prêt remboursable, au moins en théorie.
Une autre disposition permettra de
mettre en vente des actifs souverains
russes gelés par les sanctions prises après
l’invasion de l’Ukraine ; d’autres textes
imposent des sanctions supplémentaires
à l’Iran et forcent la vente de TikTok par
son propriétaire chinois.
Ces textes doivent à présent être en-
voyés au Sénat, qui devrait les voter dès
mardi, puis au président, Joe Biden, qui a
promis de le signer immédiatement et a
salué ce vote dans un communiqué.
« Aujourd’hui, les élus des deux partis ont
voté en faveur de nos intérêts en matière
de sécurité nationale et ont envoyé un
message clair sur la puissance américaine
sur la scène internationale », a salué Bi-
den. « J’invite le Sénat à m’envoyer rapi-
dement ces textes afin que je puisse les si-
gner et que nous puissions rapidement
envoyer des armes et des équipements à
L’Australie réarme face
à la puissance chinoise
Grégory Plesse Sydney
L’île-continent annonce un doublement
de ses dépenses en matière de défense d’ici à dix ans.
S
e donner les moyens de garder son
autonomie vis-à-vis de son princi-
pal partenaire commercial et le
dissuader de perturber l’équilibre
actuel des forces dans la région Indo-Paci-
fique, tel est l’objectif fixé par le ministre
australien de la Défense, Richard Marles. Il
a présenté mercredi dernier sa stratégie de
défense nationale, articulée autour d’un
plan d’investissements sur dix ans, justifié
par la détérioration du contexte géopoliti-
que local. « Notre environnement est carac-
térisé par l’incertitude et les tensions d’une
concurrence tenace et grandissante entre les
États-Unis et la Chine. Elle entraîne une
course à l’armement inédite dans notre ré-
gion. » Mais dans cette course, le gouver-
nement australien ne veut pas trop se lais-
ser distancer. Il compte investir
198 milliards d’euros au cours de la décen-
nie à venir, pour « construire une force prê-
te à décourager toute menace potentielle ».
LE5 /7
MATHILDE
MUNOS
TOUS LES LUNDIS À 6H44,
A
HISTOIRES POLITIQUES AVEC ARTHUR BERDAH,
JOURNALISTE POLITIQUE AU
International
Le Congrès américain vote la reprise
de l’aide militaire à l’Ukraine
l’Ukraine pour répondre à ses besoins ur-
gents sur le champ de bataille ».
Le succès de ce vote bipartisan est as-
sez rare dans un Congrès dont les divi-
sions reflètent le profond clivage de la
vie politique américaine. Il a été rendu
possible par le président de la Chambre,
Mike Johnson, qui a pris le risque de mé-
contenter l’aile radicale de son parti en
votant l’aide à l’Ukraine avec le soutien
des voix démocrates. « Ma philosophie
est de faire ce qui est juste et advienne que
pourra », avait déclaré Johnson mercre-
di, « c’est un moment critique sur la scène
internationale, l’histoire nous regarde. »
Les mesures d’aide à l’Ukraine étaient
bloquées depuis plusieurs mois par un
groupe de républicains isolationnistes,
proches de Donald Trump. Après avoir
évincé de son poste le précédent Speaker
Kevin McCarthy par une inhabituelle
motion de défiance, ce petit groupe,
profitant de la très courte majorité de
« La Chine a employé des tactiques coer-
citives pour atteindre ses objectifs stratégi-
ques, comme la gestion brutale de ses
conflits territoriaux ou l’interception dan-
gereuse de navires et d’avions opérant dans
les eaux et l’espace aérien international »,
a pointé Richard Marles. Or la libre circu-
lation des voies maritimes, en particulier
en mer de Chine méridionale, est absolu-
ment vitale pour l’Australie, grande pro-
ductrice et exportatrice de matières pre-
mières et d’énergies fossiles. Le
commerce représente 45 % de son PIB, et
ses principaux clients sont la Chine
(28,8 % de ses exportations), qui importe
à elle seule deux fois plus en valeur que les
trois suivants, le Japon, la Corée du Sud et
l’Inde.
Par ailleurs, l’Australie est certes riche
en gaz et en charbon, en revanche elle
importe près 85 % de son carburant. Et
ses réserves stratégiques, si les lignes
d’approvisionnement venaient à être
coupées, ne lui permettraient de tenir que
56 jours, loin des 90 recommandés par
l’Agence internationale de l’énergie et
observés, entre autres, par la France et les
États-Unis. Dès lors, pour Richard Mar-
les, « notre sécurité nationale ne s’arrête
pas sur le littoral de notre continent. Elle
s’étend plus loin. Une invasion de l’Austra-
lie est une perspective improbable, juste-
ment parce qu’il est possible pour un adver-
saire de nous faire beaucoup de mal, sans
même avoir à fouler le sol australien. »
leur parti à la Chambre pour imposer
leurs vues, avait bloqué la mise à l’ordre
du jour de toute aide à l’Ukraine. Ces élus
avaient d’abord réclamé que cette aide
soit assortie de mesures de contrôle de
l’immigration à la frontière mexicaine.
Puis, quand leurs demandes avaient été
acceptées, ils s’étaient ravisés et avaient
refusé de voter.
« Un traître à notre parti »
Presque inconnu, le représentant de la
Louisiane Mike Johnson avait été pro-
pulsé au poste de président de la Cham-
bre, avec un profil de trumpiste radical.
Après avoir été l’un des artisans des
manœuvres visant à contester le résultat
de l’élection présidentielle de 2020, Jo-
hnson était un opposant convaincu de
l’aide à l’Ukraine, votant systématique-
ment contre. Mais ce chrétien conserva-
teur semble avoir connu son chemin de
Damas depuis son investiture à son pos-
C’est pour répondre à cet enjeu que la
doctrine militaire a été entièrement re-
pensée il y a quelques mois, abandonnant
la logique d’un équilibre entre les diffé-
rents corps d’armée, pour celle d’une
« force concentrée », capable de se proje-
ter sur des théâtres d’opérations distants.
Ainsi 38 % de ce budget décennal va être
alloué à la marine, la part du lion revenant
au programme de sous-marins à propul-
sion nucléaire dans le cadre du pacte
Aukus (35 à 45 Mds €). Une modernisation
complète de sa flotte de surface (30 à
40 Mds €) est également engagée. L’Aus-
tralie compte également s’armer de missi-
les guidés à longue portée, de drones aé-
riens et maritimes, renforcer ses
installations militaires dans le nord du
te. Peu à peu convaincu par les rapports
des services de renseignements dont il
était devenu le destinataire, Johnson
semble avoir réalisé l’importance de
l’aide américaine à l’Ukraine, et l’hypo-
crisie de ses adversaires.
« Je crois que Xi, Vladimir Poutine et
l’Iran forment vraiment un axe du Mal »,
a déclaré Mike Johnson, et si Poutine
n’est pas arrêté en Ukraine, il « conti-
nuera son avance en Europe », menaçant
les Balkans, la Pologne ou un autre allié
de l’Otan. « Et pour parler franchement,
je préfère envoyer des munitions à
l’Ukraine plutôt que des soldats améri-
cains », a dit Johnson, ajoutant : « Mon
fils va entrer à l’Académie navale cet
automne. Pour moi comme pour de nom-
breuses familles américaines… ce n’est pas
un jeu, ce n’est pas une plaisanterie. (…) Je
suis prêt à prendre des risques personnels
pour cela, parce que nous devons faire ce
qui doit l’être, et l’histoire nous jugera. »
TED ALJIBE/AFP
pays et transformer son armée de terre en
« force amphibie modelée sur les Marines
américains », avec qui les Australiens
s’entraînent déjà conjointement sur la
base américaine de Darwin.
Pénurie de sous-marin
Les dépenses militaires vont doubler et
représenteront 2,4 % du PIB australien
dans dix ans, ce qui s’accompagne, selon
Richard Marles « de la décision difficile de
concentrer la large majorité de nos efforts
dans notre région. C’est ce que le monde
attend de nous, c’est ce que notre allié, les
États-Unis attendent de nous ». Et pour-
tant, « le but n’est pas de préserver la do-
mination militaire américaine, assure Tom
Corben, chercheur à l’US Studies Centre.
Mike Johnson, président
républicain de la Chambre
des représentants, a pris
le risque de mécontenter
l’aile radicale de son parti.
Ken Cedeno/REUTERS
Marjorie Taylor Greene, élue républi-
caine de Géorgie et pasionaria trumpiste
a promis de pousser Johnson à la démis-
sion. Farouchement opposée à l’aide à
l’Ukraine, elle avait déposé un amende-
ment réduisant à zéro dollar le montant
de l’assistance militaire américaine.
« Zelensky remercie… Mike Johnson (dé-
mocrate/représentant de l’Ukraine),
d’avoir envoyé 61 milliards de dollars de
vos impôts durement gagnés pour alimen-
ter une guerre à l’étranger », a-t-elle
lancé dans un message à ses partisans de
l’aile dure du courant MAGA, « il a une
fois de plus adopté un projet de loi avec
l’aide des démocrates, alors que la majori-
té de la majorité républicaine a voté
contre. Mike Johnson n’est pas seulement
un traître à notre parti, c’est un traître à
notre pays ». ■
+ » Lire également Page 20
Soldats australiens lors d’un exercice
militaire avec les troupes philippines,
dans la province de Zambales
(Philippines), en août dernier.
L’Australie ne considère pas que l’équilibre
du pouvoir dans l’Indo-Pacifique se résu-
me à un duel entre Pékin et Washington.
Elle estime au contraire que des pays capa-
bles, comme l’Australie, ont les moyens
d’influencer les dynamiques régionales de
pouvoir, en particulier s’ils s’associent à
des partenaires partageant les mêmes va-
leurs. » Parmi ceux-ci, les Philippines et
le Japon sont régulièrement cités.
« Même avec cette augmentation consé-
quente du budget, l’armée australienne res-
tera très petite, comparée aux pays asiati-
ques, pointe Euan Graham, de l’Australian
Strategic Policy Institute. Cette nouvelle
stratégie n’a de sens qu’au sein de coalitions
avec les États-Unis, le Japon, les Philippines,
peut-être l’Inde. » Sur un temps plus court
en revanche, cette stratégie ne règle pas les
faiblesses de l’armée australienne. Une pé-
nurie de sous-marins - en attendant la li-
vraison, très improbable selon l’ancien
premier ministre Malcolm Turnbull, de
modèles américains à propulsion nucléaire
- est désormais quasiment inévitable, Ri-
chard Marles s’empressant de dénoncer
l’inconsistance des précédents gouverne-
ments conservateurs. « La coalition a signé
puis rompu un contrat sur des sous-marins
avec le Japon, puis avec la France, laissant
ainsi apparaître un vide capacitaire de dix
ans sur notre plateforme militaire la plus
puissante et la plus importante. »
Enfin, malgré son objectif d’augmenter
de 30 % les effectifs de l’armée d’ici à
2040, la Force de défense australienne pei-
ne à recruter. Le ministre envisage
d’ailleurs de l’ouvrir aux étrangers, disant
des « 600 000 Néo-Zélandais qui vivent en
Australie », qu’ils sont « un point de départ
évident », citant également les ressortis-
sants des pays partenaires d’Aukus, ainsi
que ceux originaires des nations insulaires
du Pacifique. ■

Tarn : tensions autour du chantier de l’A69
Angélique Negroni
Engins incendiés, conducteurs caillassés… Après une semaine de violences, la manifestation de dimanche était très surveillée.
O
rganisée ce dimanche
après-midi à Toulouse
(Haute-Garonne), la
manifestation contre la
construction de l’A69
entre Castres (Tarn) et
la Ville rose était surveillée de près.
Redoutant des débordements, la pré-
fecture avait mobilisé des forces de
l’ordre en nombre et donné l’autorisa-
tion à ces dernières de recourir à l’usa-
ge de drones. L’objectif du dispositif :
repérer et neutraliser au plus vite
d’éventuels casseurs, avant que la si-
tuation ne dégénère. En fin d’après-
midi, aucun incident n’était signalé
parmi les quelque 1 500 manifestants
- selon les autorités - battant le pavé.
La tension est toujours vive autour
de ce projet d’autoroute. Notamment
dans le département voisin du Tarn,
épicentre du mouvement de colère, où
le chantier a commencé. « Nous vou-
lons contribuer à créer un climat de peur
pour cette entreprise », « NGE doit dis-
paraître »… Ces derniers jours, des
messages ciblant le groupe de BTP en
charge des travaux ont circulé sur in-
Deux proches du terroriste de Nice jugés en appel à Paris
Vincent-Xavier Morvan
Nice
Lourdement condamnés
en première instance, ils
vont de nouveau plaider
l’acquittement devant
la cour d’assises spéciale.
L’
histoire judiciaire a montré
que les innocents sont rare-
ment ceux qui se défendent
le mieux. » Le constat dres-
sé par Me Vincent Brengarth, avocat de
Mohamed Ghraieb, suffira-t-il à
convaincre la cour d’assises spéciale-
ment constituée ? Elle va examiner à
Paris, à partir de lundi, l’appel de ce
proche de Mohamed Lahouaiej Bouhlel,
le trentenaire tunisien qui avait tué, au
volant de son 19-tonnes, 86 personnes
et en avait blessé des centaines d’autres
le soir du 14 juillet 2016 à Nice. Avec
Chokri Chafroud, condamné lui aussi à
18 années de réclusion criminelle en
première instance à l’automne 2022,
Mohamed Ghraieb a été reconnu cou-
pable « d’association de malfaiteurs
terroriste criminelle ». Les juges ont es-
timé qu’il ne pouvait ignorer l’adhésion
de son ami à l’idéologie du djihad armé
ternet. Quatre engins de chantier ont
été incendiés dans la nuit de mardi à
mercredi près de la commune de Saïx,
l’équivalent de près de 1 million
d’euros partis en fumée.
Les vidéos des caméras de sur-
veillance récupérées par les enquê-
teurs montrent une trentaine d’indivi-
dus cagoulés surgir des bois et mettre
le feu aux véhicules. Chargé de sur-
veiller les lieux, un vigile aurait été
menacé. La veille, dans la journée, une
vingtaine d’individus s’en étaient pris
à des ouvriers.
Depuis son lancement, en mars
2023, le chantier subit la pression per-
manente des opposants. Création de
ZAD, incendies, dégradations et bras
de fer avec les forces de l’ordre ont
ponctué cette première année de tra-
vaux. Mais les délais seront tenus, as-
sure Martial Gerlinger, le directeur gé-
néral d’Atosca, la filiale de NGE qui
s’est vu confier la construction et l’ex-
ploitation de cet axe autoroutier de
53 km. « On est à la moitié du chantier,
et, fin 2025, les travaux seront ache-
vés », indique le responsable.
et qu’il avait été associé à ses recherches
concernant la location du camion. Six
autres accusés, condamnés à des peines
de 2 à 12 ans, n’ont pas fait appel.
« Pour mon client, l’enjeu, c’est de ti-
rer les leçons de ce qui n’a pas fonctionné
en première instance en prenant la me-
sure de l’impression qu’il a pu donner,
parfois, de se contredire sur des ques-
tions même élémentaires. L’objectif est
de lever toute ambiguïté », indique
Me Brengarth, qui va plaider l’acquitte-
ment. Mohamed Ghraieb, 48 ans,
veilleur de nuit dans un hôtel de Nice au
moment des faits, avait comparu libre
en première instance. Il dort depuis en
prison et n’a de cesse, selon son avocat,
de ressasser les faits, interrompant aus-
si une grève de la faim dont il garderait
des séquelles physiques. « L’appel, c’est
une occasion de se faire entendre diffé-
remment », note Me Chloé Arnoux, qui
défend Chokri Chafroud, 44 ans, un
autre Tunisien installé à Nice au mo-
ment de l’attentat et intime lui aussi du
terroriste. Incarcéré depuis le 21 juillet
2016, il a laissé en première instance
l’impression d’une défense maladroite.
« Peu importe la manière dont il s’est ex-
pliqué. La question, c’est ce qu’il y a dans
le dossier. Notre but va être de démontrer
que l’accusation n’est pas capable de
prouver sa culpabilité », balaie
Me Martin Méchin, qui a rejoint récem-
ment la défense de Chafroud.
Société
Face à la récente poussée de violen-
ces, le préfet du Tarn, Michel Vilbois, a
fait venir la semaine dernière soixante
gendarmes pour épauler les effectifs
sur place. « Atosca va doubler le nom-
bre de ses agents de sécurité », ajoute le
représentant de l’État.
Nouvelles ZAD
La ZAD historique, située près de
Castres, avait pourtant été récem-
ment évacuée. La SNCF, qui avait in-
terrompu le trafic entre Lavaur et
Mazamet en raison d’une voie blo-
quée par des militants, avait même
remis en circulation ses trains mardi
dernier. Mais les opposants au projet
se sont réorganisés. Une autre ZAD
s’est aussitôt créée, à environ un ki
lomètre de la première. Pour l’heure,
elle ne réunirait qu’une vingtaine de
personnes. Des contestataires qui
projettent déjà de créer deux nouvel-
les zones de résistance, cette fois près
de Toulouse. « Par peur d’un essouf-
flement du mouvement, des appels à
l’intensification des actions ont été
lancés ces derniers jours. Les violences,
Les 2 500 parties civiles attendent el-
les aussi beaucoup de ce procès en ap-
pel. « Il y a des choses qu’on aimerait
mieux comprendre, mais on a peu d’es-
poir, vu le ramassis de mensonges qu’on
a entendus en première instance »,
avance Célia Viale. Cette artiste plasti-
cienne de 29 ans a perdu sa mère dans
l’attentat. Elle copréside Promenade
des Anges, l’une des associations de
victimes de l’attentat. « Les deux accu-
sés peuvent-ils changer de système de
défense ? Je ne me fais aucune illusion »,
confie Me Philippe Soussi, qui défend de
Dessin d’audience du 5 septembre 2022 avec Chokri Chafroud (à gauche) et
Mohamed Ghraieb (à droite), tous deux condamnés lors du premier procès.
qui n’ont jamais cessé, montent d’un
cran », s’inquiète Bernard Carayon, le
maire LR de Lavaur.
Selon l’édile, le mouvement affiche
un double visage : « Il y a d’un côté des
associations qui combattent officielle-
ment le projet, et il y a aussi de l’autre
une nébuleuse d’écoterroristes qui veu-
lent avant tout la rupture avec le modèle
économique dominant. » Ce sont ces
activistes qui, depuis février, multi-
plieraient les agressions sur le chan-
tier, « visant notamment les conduc-
teurs », selon Anthony Frandsen,
membre de l’association Pour l’auto-
route A69. Jean, la quarantaine, fait
partie des victimes. Au volant d’un ca-
mion, il a été pris pour cible le 2 avril
dernier. « Ce jour-là, j’ai vu une dizaine
de personnes allongées sur la route por-
tant des cagoules et vêtues de noir. Je
suis passé rapidement et un parpaing a
atterri dans mon pare-brise. J’ai failli
me foutre en l’air. Au retour, même at-
taque : un parpaing a été projeté contre
ma vitre, côté conducteur. Le lende-
main, au travail, j’avais la trouille », té-
moigne-t-il. « Même les véhicules per-
nombreuses parties civiles. « Mais dans
un nouveau procès, on repart de zéro, il
faut l’avoir à l’esprit. Et la cour d’assi-
ses, c’est l’oralité des débats, tout peut se
jouer à l’audience », prévient l’avocat
niçois.
Failles de sécurité
« Maintenant que plusieurs mois se sont
écoulés depuis le premier procès, les ac-
cusés vont-ils aller vers un discours plus
cohérent ? On va le découvrir. Je l’espè-
re, parce qu’il y a quand même un fais-
ceau d’éléments à charge. Que vont-ils
BENOIT PEYRUCQ/AFP
le figaro lundi 22 avril 2024 9
sonnels des employés sont vandalisés »,
s’alarme un membre de VIA81, une
autre association qui soutient le projet.
Après un an de violences, son prési-
dent, Guy Bousquet, met en garde :
« On n’en peut plus. Darmanin, qui ne
veut pas de ZAD en France, doit faire
détruire celles qui sont ici. Si les autori-
tés n’interviennent pas, on fera nous-
mêmes le nettoyage. »
Du 7 au 9 juin prochain, les Soulève-
ments de la Terre, qui contestent avec
Extinction Rébellion ce projet depuis
le début, appellent à une importante
mobilisation. La manifestation sera-t-
elle interdite ? « J’attends d’en savoir
plus pour prendre une décision », signa-
le aujourd’hui le préfet. D’ores et déjà,
les craintes de débordements sont
réelles. Comme celle de voir les forces
de l’ordre déserter le département cet
été, du fait de leur mobilisation pour
les JO. C’est ce qu’a fait savoir Bernard
Carayon dans un courrier adressé le
17 avril au ministre de l’Intérieur. « Il
n’est pas possible de baisser la garde »,
écrit-il. Sauf à prendre le risque qu’un
drame survienne. ■
répondre sur ce qu’ils faisaient avec La-
houaiej Bouhlel ? Ils ne peuvent pas se
dispenser d’explications », note Me Vir-
ginie Le Roy, qui défend Promenade
des Anges. En première instance, le
rôle de cette avocate a été détermi-
nant. C’est elle qui a fait citer Philippe
Pradal, maire de Nice en 2016, et
Christian Estrosi, son premier adjoint
en charge de la sécurité à l’époque.
« Leur audition devant la cour et celles
de certains policiers avaient mis en lu-
mière de gros points d’interrogation sur
le dispositif de sécurité mis en place ce
soir-là. Alors que l’instruction sur ce
volet dormait depuis sept ans à Nice,
sans aucune mise en examen, cela m’a
permis d’adresser aux juges une note
circonstanciée et d’obtenir la requalifi-
cation des chefs de poursuite de “mise
en danger délibérée de la vie d’autrui”
en “homicides et blessures involontai-
res”, puis le dépaysement du dossier de-
vant une section spécialisée à Mar-
seille », revendique-t-elle.
Cette fois, Me Le Roy a fait citer des
médecins-légistes, cinq familles se
plaignant que les organes de leurs pro-
ches, mal conservés, ne puissent
aujourd’hui être identifiés avec certitu-
de, ainsi que le Fonds de garantie qui
s’affranchirait, selon elle, de principes
établis par la Cour de cassation en ma-
A
tière d’indemnisation des victimes. Le
verdict est attendu le 13 juin. ■
 10 lundi 22 avril 2024 le figaro
Top 14 : le Stade Français leader insubmersible
Vainqueurs de Bayonne samedi (28-24), les Parisiens ont conforté leur place en tête du Top 14 et, à cinq journées du terme
de la saison régulière, se rapprochent d’une qualification directe pour les demi-finales.
R
Regardez les Sud-
Africains : ils ne font
pas rêver grand monde
mais leur jeu est effi-
cace. Donc, si on peut
être comme eux, je ne
dis pas non », souriait le talonneur pari-
sien, Lucas Peyresblanques, dans la se-
maine. Et il n’a pas tort. Leader du
championnat, le Stade Français est
pourtant pointé du doigt par certains de
ses détracteurs pour son jeu peu embal-
lant et son attaque peu performante (la
13e et avant-dernière attaque du cham-
Les frères Alo-Emile, piliers fusionnels du club parisien
Thomas Larroquette
M
algré leurs gabarits impo-
sants, leur arrivée se fait en
douceur, comme des en-
fants qui ne veulent pas ré-
veiller leurs parents en chipant des bon-
bons dans le placard. Paul et Moses Alo-
Emile, les deux frères du Stade Français,
ne sont pas les plus bavards. Mais les plus
gentils, c’est probable. Sur le canapé
d’une loge du stade Jean-Bouin, à Paris,
les piliers australiens d’origine samoane
se sont livrés à cœur ouvert sur leur rela-
tion, entre émotion et éclats de rire.
Ce lien si fort qui les unit n’a pourtant
pas tout de suite été une évidence. Car les
deux gaillards (128 kg pour Paul, 137 kg
pour Moses) ont neuf ans de différence,
Paul étant l’aîné (32 ans). « À cause de cet
écart d’âge, on n’a pas partagé beaucoup
de moments ensemble. Quand j’avais
9 ans, lui commençait sa carrière profes-
sionnelle », avance Moses avant que Paul
ne poursuive : « On est issus d’une famille
de huit frères et sœurs. J’étais plus proche
de mon grand frère. En plus, je suis parti
de la maison à 18 ans. C’est quand il est
arrivé à Paris qu’on s’est rapprochés. Il
était à peine majeur et on a eu de la chance
de se retrouver ici. »
Moses est le « petit dernier » de la fa-
mille. « Le chouchou », ajoute Paul sans
la moindre pointe de jalousie. « C’est
une vraie force pour moi. Paul est vieux,
maintenant ! (Rire.) Mais il a beaucoup
d’expérience, avec ses 150 matchs en
professionnel. Je peux apprendre de lui.
Ça m’aide beaucoup », reconnaît Moses.
Jamais les deux frères n’auraient pensé
jouer ensemble. L’écart d’âge, certes,
mais aussi le poste. Car si le cadet évolue
maintenant à gauche de la mêlée, il a
A
d’abord été formé à droite, comme son
grand frère. Avant de débarquer dans
pionnat en termes de points inscrits,
seul Montpellier marque moins…).
« C’est parce qu’on n’est pas très sexy,
pas très glamour, poursuit le Basque de
la porte de Saint-Cloud. On ne plaît pas
trop aux fans de rugby qui aiment le jeu
“à la toulousaine”. »
Mais force est de constater que Paris
sait se montrer efficace, à l’image de
cette nouvelle victoire, la 15e de la sai-
son, face à Bayonne, samedi (28-24).
Menés au score durant toute la rencon-
tre, et accusant un retard de 17 points à
la mi-temps, les hommes de Laurent
les catégories jeunes du Stade Français
en juillet 2018. À l’âge de 18 ans.
Paul, qui évolue, lui, à Paris depuis
2015, raconte dans un français presque
impeccable. « Le club m’avait demandé
si j’avais un petit frère et combien il pe-
sait. Je leur ai dit : “120 kg.” Ils ont été
très étonnés. Mais quand le coach a en-
« J'ai eu besoin d'aide,
notamment sur le plan
mental. Surtout quand
j'ai vécu ma dépression.
Il a été trop important.
J'étais à l'hôpital
psychiatrique et c'est lui
qui m'amenait la nourriture.
Ça représentait beaucoup
pour moi. Oui, je suis
le plus grand, mais oui
j'ai des émotions et
des faiblesses. Au début,
je gardais tout pour moi
mais, avec lui, je pouvais
parler et il m'aidait »
Paul Alo-Emile, évoquant
le soutien de son frère,
Moses, lors de sa longue
hospitalisation en 2022
tendu ça, il a sauté sur l’occasion. Lors-
qu’il est arrivé, au début, Moses restait
chez ma femme et moi. On se disait :
“C’est notre premier enfant.” (Rire.)
Mais après, quand il a trouvé son autono-
mie, quand il a grandi, il est parti. »
Si les deux ont rejoint le Top 14, c’est
grâce à l’éducation de leurs parents, tous
deux chauffeurs de taxi en Australie. « On
a appris comment travailler dur pour réus-
sir et le sens du sacrifice. Même si on est
Sport
Labit ont tout renversé et se sont impo-
sés sur un ultime essai du troisième ligne
Giovanni Habel-Küffner. Un contenu
perfectible mais une victoire importan-
te. « Le rugby est un sport où on doit tou-
jours y croire. (…) Ce n’est pas que je n’y
croyais pas à la mi-temps, mais c’était
dur. On était passés complètement à tra-
vers lors de notre première période. Finir
comme ça, c’était inespéré, et c’est top
pour tout le monde », savoure le centre
Julien Delbouis après la rencontre.
Face aux Basques, la meilleure défense
du championnat n’a pas été au rendez-
rugbymen professionnels, et que l’on ga-
gne pas mal d’argent, on n’oublie pas d’où
l’on vient. Un jour, mon père m’a dit que, si
je voulais jouer au rugby, il fallait le méri-
ter. Tous les matins, ma mère conduisait
un camion et je devais courir à côté. Il fal-
lait que je montre que j’avais envie. Tout a
commencé là. La vie n’a pas été facile, au
début. On n’avait pas beaucoup d’argent,
on a vécu un peu comme des pauvres. On
continue de travailler dur. Je fais ça pour
mes enfants maintenant », nous confie,
non sans émotion, Paul Alo-Emile.
« Avant, je lui donnais des conseils, je lui
disais comment nettoyer sa maison, no-
tamment (les deux frères rient de bon
cœur). Je le protégeais mais il est beau-
coup plus costaud que moi donc il se gère.
Maintenant, il est marié. C’est sa femme
qui fait tout ! (Rire.) Au début, c’était moi,
maintenant, c’est elle. Plus sérieusement,
il est très mature pour son âge. Moi, c’est
l’inverse. Il est fort mentalement. Je peux
tout lui demander et lui parler de tout. »
Lorsque Paul fut touché par une lourde
dépression, en 2022, Moses ne l’a jamais
lâché. « J’ai eu besoin d’aide, notamment
sur le plan mental. Surtout quand j’ai vécu
ma dépression. Il a été très important.
J’étais à l’hôpital psychiatrique et c’est lui
qui m’apportait la nourriture. Ça repré-
sentait beaucoup pour moi. Il restait avec
moi, on discutait. En tant que grand frère,
ce n’est pas tout le temps facile de tout
partager avec son petit frère. Je pensais
que c’était encore un enfant. Oui, je suis le
plus grand, mais, oui, j’ai des émotions et
des faiblesses. Au début, je gardais tout
pour moi mais, avec lui, je pouvais parler
et il m’aidait », détaille l’aîné.
Moses complète : « J’étais très triste
pour lui. On s’est rapprochés encore un
peu plus grâce à ce triste événement. Un
mois après, il était le témoin de mon ma-
riage. C’était émouvant. Il avait tout or-
ganisé. C’est le meilleur souvenir de ma vie
vous. Mais la victoire, l’essentiel, et les
quatre points sont là. Les Parisiens ont
montré du caractère pour remonter la
pente et s’imposer. Comme si le Stade
Français ne savait plus perdre ? « Non, on
ne peut pas dire ça, balaie Delbouis. L’an-
née dernière, dès qu’on était menés au
score, on n’arrivait pas à revenir. Cette
saison, on a un groupe fort, qui s’entend
très bien, et on sait que si on joue bien,
surtout défensivement, on peut embêter
pas mal d’équipes… »
Les Soldats roses devront tout de
même se méfier sur cette fin de cham-
Paul (au premier plan)
et Moses Alo-Emile,
le 15 avril au stade
Jean-Bouin, à Paris.
Paul Delort / Le Figaro
parisienne. » Cette relation « fusionnel-
le », basée sur « l’humour », les deux pi-
liers la consolident un peu plus chaque
jour. Au point d’avouer sans fausse pu-
deur se dire “je t’aime”. « On se le dit très
souvent. Même quand on fait du développé
couché ensemble. (Rire.) Si on a passé une
journée ensemble, on se le dit car c’est
avant tout une forme de respect. »
À Paris, Paul et Moses Alo-Emile ont
découvert une nouvelle vie. Et de nou-
velles mentalités, surprenantes au dé-
part. « Les gens, ici… (ils se mettent à
rire). Ils sont sympas, mais la culture entre
l’Australie et Paris est différente. Ici, tout
va plus vite, les gens sont toujours pressés.
Et, surtout, ils s’en fichent, des autres.
Mais quand tu parles avec eux, ça va. Au
début, quand je suis arrivé, je me suis dit
que tout était bizarre, ici. Mais c’est à
nous de respecter la ville et le pays. On
n’est pas là pour l’argent. Maintenant, on
est vraiment parisiens. Mes enfants sont
nés ici », sourit Paul.
Au point d’imaginer toute leur vie
dans la capitale ? « Je veux bien, mais ça
dépend du club… Avec ma femme, nous ne
sommes pas français, donc c’est dur de
dire qu’on veut vivre ici toute notre vie.
Mais en Europe, oui », affirme le cadet.
Paul, en revanche, est certain que ce ne
sera pas le cas : après le rugby, il rentrera
en Australie. « Faire venir toute la famille,
ça va coûter cher et ce sera compliqué. »
Ancien international des moins de
20 ans australiens, Paul Alo-Emile a fi-
nalement opté pour la sélection samoa-
ne, avec laquelle il a disputé la dernière
Coupe du monde. À 32 ans, le pilier
droit est cependant certain de ne pas
disputer la prochaine édition, dans qua-
tre ans… en Australie. Moses, lui, n’a pas
fait son choix. Mais sa préférence est
claire : jouer pour le XV de France. Et si
cela venait à se faire, le grand frère se-
rait « fier de lui ». ■
pionnat. Ils affronteront Toulouse,
l’Union Bordeaux Bègles ou encore Tou-
lon. S’emballer serait dangereux.
Calme et solidarité
Mais le groupe parisien fait preuve de
calme et de solidarité. À l’image du dis-
cours à la mi-temps d’une rencontre
bien mal embarquée face à Bayonne.
Nous sommes des joueurs professionnels.
On savait qu’individuellement on était
tous passés à travers en première période.
C’était la première fois de la saison. Mais
c’était assez calme dans les vestiaires. On
a réussi à régler les soucis chacun de notre
côté, les avants d’un côté et les arrières de
l’autre. On a des leaders et un staff pour
ça , raconte Julien Delbouis.
À cinq journées de la fin, les joueurs de
la capitale continuent d’engranger de la
confiance et avancent encore un peu
plus calmement vers une demi-finale di-
recte (l’avantage donné aux deux pre-
miers du Top 14 à l’issue de la saison ré-
gulière). Les coéquipiers du nouvel
international français Léo Barré comp-
tent désormais six points d’avance sur
leur dauphin, le Stade Toulousain, battu
sur le fil à Toulon. Tous les espoirs sont
donc maintenant permis. ■
T. L.
21 journée Top 14
e
Bordeaux-B. (7) hier Clermont (11)
Toulon (4) 20-19 Toulouse (2)
St. Français (1) 28-24 Bayonne (10)
Pau (6) 31-23 Montpellier (13)
Perpignan (8) 51-20 Lyon (12)
Oyonnax (14) 13-43 Racing 92 (3)
Castres (9) 25-24 La Rochelle (5)
zoom
Cyclisme :
Tadej Pogacar survole
Liège-Bastogne-Liège
Un an après sa chute, et trois ans
après sa dernière victoire
sur la Doyenne, Tadej Pogacar
a reconquis Liège-Bastogne-Liège.
Le Slovène de 25 ans a pris
le dessus sur l’homme en forme
du moment, Mathieu Van der
Poel, piégé par une chute et jamais
en mesure de lui contester
la victoire. Le Néerlandais termine
tout de même 3e, derrière
le Français Romain Bardet,
remarquable dauphin de Pogacar.
Ce dernier a fait la différence
dans la côte de La Redoute
avant de s’imposer en solitaire
avec presque 2 minutes d’avance.
en bref
Rugby : France-Angleterre
pour le Grand Chelem
Victorieuses des Galloises dimanche
à Cardiff (0-40), lors de la 4e journée
du Tournoi des six nations féminin,
les Bleues ont rendez-vous avec
les Anglaises, Grand Chelem en jeu
pour les deux équipes, samedi
prochain (17 h 15), à Bordeaux.
Un défi de taille, l’Angleterre
ayant réussi le sans-faute
lors des 4 dernières éditions.
Formule 1 : Verstappen,
première en Chine
Le Néerlandais Max Verstappen
(Red Bull) a remporté pour
la première fois le GP de Chine,
dimanche, à Shanghaï, sa quatrième
victoire en cinq Grands Prix cette
saison (sa 58e en carrière). Le triple
champion du monde devance Lando
Norris (McLaren) et son coéquipier
Sergio Pérez. Les Ferrari de Charles
Leclerc et Carlos Sainz Jr. prennent
les 4e et 5e places.
30e journée Ligue 1
Paris SG (1) hier Lyon (8)
Toulouse (11) - Marseille (10)
Brest (3) 0-2 Monaco (2)
Le Havre (16) 0-1 Metz (15)
Lille (4) 1-0 Strasbourg (13)
Reims (9) 1-2 Montpellier (12)
Nantes (14) 0-3 Rennes (7)
Lens (6) 1-0 Clermont (18)
Nice (5) 3-0 Lorient (17)
 PUBLI COMMUNIQUÉ

ET SI ON DONNAIT
AU G R A N D ÂG E
L E S M OY E N S
DE BIEN VIEILLIR ?
D’ici 2030, le nombre de Français de plus
de 75 ans va augmenter de 50 %. Entre 2030
et 2040, c’est la population des plus de
85 ans qui augmentera de 50 %. En 2050,
4 millions de personnes âgées seront en
situation de perte d’autonomie.

La volonté de vivre dans un « chez soi »,

combinée à l’augmentation du nombre
de personnes atteintes de maladies
neurodégénératives (Alzheimer, Parkinson…),
modifie les besoins d’accompagnement du
grand âge. Alors qu’une large majorité de
Français âgés réside aujourd’hui à domicile,
souvent avec le concours d’un service
d’aide, les maisons de retraite médicalisées
accueillent pour leur part les trois quarts des
personnes les plus dépendantes, au cœur
des territoires.
tant pour les finances publiques que pour
chaque Français concerné.
Sans anticipation, il sera impossible de
financer les lieux de vie et l’accompagnement
des personnes âgées en perte d’autonomie :
plus de 4,5 milliards d’euros par an sont
à prévoir d’ici 2040 !

Les acteurs du grand âge jouent un rôle
incontournable et complémentaire de l’aide
à domicile, comme de l’hôpital, auprès des
personnes âgées et des aidants.
On compte désormais davantage
d’établissements médicalisés (7 460) que
de bureaux de poste en France (7 200).
Cette proximité territoriale s’accompagne
d’une dynamique économique ; près de
600 000 Français travaillent directement
ou indirectement pour le secteur, soit 2 %
de l’emploi salarié en France, un emploi
de proximité ofrant de nombreuses
possibilités d’évolution.
L’adoption récente de la proposition de loi
« bien vieillir » a remis au cœur du débat
l’enjeu du vieillissement de la population
et de l’accroissement du nombre de Français
dépendants à l’horizon 2030, avec l’arrivée
des générations dites du « baby-boom ».
Si elle a entériné plusieurs mesures
techniques qui vont dans le bon sens, cette
proposition de loi reste de très loin insuisante
face aux défis démographiques.
En l’absence de visibilité claire sur le
calendrier de la loi de programmation promise
de longue date par le gouvernement, il est
urgent de trouver collectivement les moyens
de soutenir une ofre plurielle, personnalisée,
De nouvelles voies de financement existent,
et il est temps d’accélérer, sans tabou,
pour concrétiser des propositions telles
que le développement de la souscription
d’assurance-dépendance à partir de
45-50 ans, la mise en place de solutions
collectives, universelles et obligatoires,
sans oublier la mise en œuvre de dispositifs
incitatifs favorisant une épargne utilisable
immédiatement.
Pour faire face aux enjeux du grand âge,
attirer et former les talents et permettre
un accompagnement digne de nos aînés,
tout en proposant la liberté de choix et une
ofre adaptée à tous les moments de la vie
pour l’ensemble de nos concitoyens, il est
urgent de trouver les solutions pérennes
à la hauteur du défi qui se présente.
Et pour y parvenir, donnons-nous les
moyens et mobilisons toutes les énergies.
Qu’attendons-nous ?
Jean-Christophe Amarantinis,
président confédéral du Synerpa
& les administrateurs du Synerpa :
Patrick Ardizzoni, Céline Catzaras…

Retrouvez nos propositions sur lesmoyensdebienvieillir.fr

© Getty Images.
 12 lundi 22 avril 2024 le figaro Le figaro santé

Cécile Thibert

Les données
scientifiques ne sont
pas favorables aux
ostéopathes. Mais
la qualité de la relation
est aussi à prendre
en compte.

C’
est l’éternel dilemme :
faut-il aller voir un
masseur-kinésithéra-
peute ou un ostéopathe
quand on a mal au dos ?
Leurs formations res-
pectives diffèrent, de même que leur
statut (en France, les kinés sont des pro-
fessionnels de santé, pas les ostéopa-
thes). Bien souvent, ces derniers - qui
jouissent globalement d’une image posi-
tive et sont plus rapidement accessi-
bles - l’emportent. À raison ?

Francois Bouchon/Le Figaro

Avant toute chose, il faut savoir
qu’une lombalgie aiguë s’améliore
spontanément en une dizaine de jours
dans 90 % des cas. « S’il s’agit d’une
lombalgie commune, sans signe d’alerte
(perte de poids, fièvre, altération de l’état
général…), il est simplement recommandé
de limiter ses activités pendant quelques
jours et de se rendre chez son médecin qui
pourra prescrire des antalgiques et des Le kinésithérapeute va enseigner au patient des exercices qu’il pourra réaliser seul, afin de le rendre acteur de son reconditionnement physique.

Kiné, médecin ou ostéopathe :

anti-inflammatoires », rappelle le Pr Ju-
lien Nizard, rhumatologue au CHU de
Nantes. En cas de mal de dos récent, il
serait donc, la plupart du temps, inutile

qui consulter quand on a mal au dos ?

d’aller chez un kiné ou un ostéopathe.

Effet placebo
En revanche, quand les douleurs de-
viennent subaiguës (persistant moins de
trois mois) ou chroniques (plus de trois
mois), la question se pose. « Il y a une
querelle de chapelle entre les ostéopathes
et les masseurs-kinésithérapeutes, même
s’il existe des kinés-ostéopathes »,
constate le Pr Nizard, également respon-
sable du diplôme de médecine manuelle
et ostéopathie médicale à la faculté de
médecine de Nantes. « Les kinés disent
que leur discipline est davantage validée
scientifiquement que l’ostéopathie, et
c’est vrai, même si tout n’est pas prouvé
en kinésithérapie non plus. »
Alors que faire ? «Il faut commencer
par consulter son médecin. Sauf en pré-
sence d’une affection sous-jacente, le
traitement recommandé est l’activité
physique adaptée. Ce sont les kinés et les
médecins de rééducation qui sont le plus
habilités à proposer cet accompagne-
ment », répond le Pr Nizard. L’objectif
des séances ? Apprendre au patient des
exercices qu’il pourra réaliser seul, afin
de le rendre acteur de son recondition-
nement physique. « Cette idée d’auto-
nomiser le patient est beaucoup plus an-
crée chez les kinés », souligne le
Dr Florent Bailly, rhumatologue et mé-
decin de la douleur à l’hôpital de la Pi-
tié-Salpêtrière à Paris.
Ce n’est en effet pas dans l’ADN de
l’ostéopathie. « Les ostéopathes vont plu-
tôt faire des manipulations et des mobili-
sations sur le patient, le plaçant dans une
position passive, note le Pr Nizard. Or
c’est ce que l’on cherche à éviter chez un
douloureux chronique. » Quand ces séan-
ces sont suivies d’une amélioration tem-
poraire, cela induit l’idée d’une solution
« magique », moins laborieuse que les
exercices au long cours mis en place par
un kinésithérapeute. Mais c’est illusoire.
« Les ostéopathes, comme les chiroprac-
teurs, sont plus susceptibles de fournir une
explication simpliste mais fausse sur l’ori-
gine d’un mal de dos, comme une vertèbre
ou un bassin déplacé », relève le Dr Flo-
rent Bailly. Les craquements provoqués
par l’ostéopathe ne sont d’ailleurs rien
d’autre que des « bruits de cavitation »,
dus à l’apparition soudaine et temporaire
d’une cavité gazeuse dans l’articulation,
et non au déplacement d’un os ou d’une
articulation. « Le patient repart avec
l’idée que le praticien lui a tout remis en
place, ce qui risque de chroniciser ses dou-
leurs puisque, en attendant, il ne fait rien
pour les améliorer réellement », poursuit
le médecin.
L’ostéopathie n’est donc pas particu-
lièrement recommandée en cas de lom-
balgie chronique, faute d’avoir fait la
preuve de son efficacité. Pour autant,
certains patients peuvent y trouver un
bénéfice. « Les ostéopathes peuvent être
de bons accompagnants, parfois plus
qu’un kiné. Tout dépend de la qualité de la
relation soignant-patient », constate le
Pr Nizard. Dans un rapport consacré à
l’ostéopathie, l’Académie de médecine
explique d’ailleurs la popularité de cette
discipline par l’effet placebo. « L’effica-
cité d’un traitement repose beaucoup sur
nos croyances et sur la réputation de la
personne qui le délivre », confirme le
Pr Nizard. La capacité d’écoute d’un
professionnel, le temps qu’il consacre à
un patient ou encore la confiance qu’on
lui accorde comptent sans doute autant,
voire plus que la technique elle-même.
La kinésithérapie n’est pas pour
autant irréprochable. « Un kiné qui ne
suit pas les recommandations établies
scientifiquement et qui préfère effectuer
des soins comme l’application de chaud,
de froid ou qui fait des massages n’ap-
porte pas grand-chose au patient », in-
dique le Pr Nizard. Selon lui, il est diffi-
cile en tant que médecin de recom-
mander l’une de ces professions plutôt
qu’une autre. « Il y a des bons ostéopa-
thes comme des mauvais kinés », résu-
me-t-il. À noter qu’il existe aussi des
médecins manuels, titulaires d’un di-
plôme universitaire de trois années, qui
pratiquent l’ostéopathie médicale. Mais
ceux-ci ne sont pas très nombreux (en-
viron 1 800 en France).
Manipulation du cou interdite
Deux points - qui ne sont pas à l’avanta-
ge de l’ostéopathie - doivent néanmoins
être précisés. D’abord, les fondements
historiques de cette discipline relèvent
de la croyance, et non d’une démarche
scientifique. Ils sont nés de l’imagination
d’un médecin américain du XIXe siècle,
qui postulait que bon nombre de mala-
dies seraient dues à une désorganisation
du système musculosquelettique. Cer-
tains concepts issus de cette théorie,
toujours enseignés, sont incompatibles
avec les données de la science. C’est le
cas de l’ostéopathie crânienne, qui re-
pose sur l’idée que les os du crâne possè-
dent une mobilité permettant de soula-
ger des problèmes tels que les migraines,
le stress ou encore les vertiges. Une idée
« qui défie les connaissances que l’on a de
l’anatomie », rappelle le Pr Nizard.
Si, en tant que patient, votre choix se
porte sur l’ostéopathie, il faut être atten-
tif à plusieurs éléments. « Méfiez-vous
des personnes qui promettent des résul-
tats formidables ou qui tendent à dénigrer
la médecine conventionnelle », avertit le
Pr Nizard. Par ailleurs, un ostéopathe n’a
pas le droit de manipuler le cou. Plu-
sieurs cas graves de complications, en
particulier d’accident vasculaire céré-
bral, ont en effet été rapportés ces der-
nières années. De la même manière, les
manipulations du crâne, de la face et du
rachis chez le nourrisson de moins de six
mois ne peuvent être effectuées qu’après
établissement par un médecin d’un dia-
gnostic attestant l’absence de contre-
indication médicale à l’ostéopathie.
Prudence donc, d’autant que la quali-
té des formations en ostéopathie est très
hétérogène, comme le constatait un
rapport de l’Inspection générale des af-
faires sociales en 2023. Les auteurs aler-
taient même sur « des dérives possibles
au sein de certaines écoles » ayant des
« enseignements doctrinaires ». ■

Garder le lien avec les enfants de son ex, malgré la séparation

Stéphany Gardier

Les relations affectives développées au sein des familles recomposées peuvent être menacées en cas de rupture, mais des solutions existent.

F
aire famille » avec les enfants
d’un nouveau conjoint n’est
pas toujours chose aisée, et cela
prend parfois bien du temps.
Mais avec de la patience et de la bonne
volonté mutuelle, beaucoup de familles
recomposées parviennent à un équilibre.
Parfois, même, des liens très forts se tis-
sent entre un enfant et son beau-parent.
De quoi compliquer l’équation quand une
séparation survient.
Est-il légitime de vouloir continuer
d’accompagner son beau-fils au judo
alors que l’on ne vit plus avec son père ?
« Bien sûr que l’on peut avoir envie de
conserver une relation dans laquelle on
s’est investi, estime Lionel Souche, psy-
chologue clinicien, coauteur de La Mé-
diation conventionnelle et judiciaire (Édi-
tions In Press). Si les choses sont bien
clarifiées, cela peut même apporter un soli-
de maillage relationnel à l’enfant. Mais il
faut être au clair avec soi-même sur ce que
l’on attend du maintien de ces liens. Cela ne
peut marcher que s’il n’y a pas de compéti-
tion ou de conflit narcissique à régler entre
A
sement, pour qu’il devienne un enjeu de
pouvoir ou un moyen de maintenir une
proximité artificielle avec son
ex-conjoint.
Alors que les pays d’Amérique du Nord
se sont dotés de lois encadrant cette si-
tuation depuis près de vingt ans, cette
question, pourtant loin d’être rare, n’est
toujours pas adressée par le législateur
français. À chacun, donc, de se dé-
brouiller pour régler la situation au
mieux. « Il est crucial de demander aux
enfants eux-mêmes ce qu’ils en pensent. Il
ne faut rien leur imposer, et ne pas oublier
que ce sont eux les plus vulnérables, pas les
adultes, quelle que soit la douleur que pro-
voque la séparation. Mais cela ne veut pas
dire que l’on doit tout accepter », souligne
Lionel Souche.
La situation est souvent révélatrice de
la maturité du couple et du sens qu’il don-
ne à la séparation. « Est-ce que nous nous
séparons de nous ou bien de notre fa-
mille ? » est une question clé à se poser,
suggère Serge Mori, docteur en psycholo-
gie clinique, psychothérapeute et auteur
Rufo présente »). « Un couple mature peut
être capable de dire : “OK, on ne s’aime,
plus mais on aime nos enfants, les tiens
comme les miens, donc trouvons une solu-
tion.” Mais même si l’on est de bonne vo-
lonté, ce n’est pas toujours très facile de
dire les choses simplement et de manière à
ce que les enfants comprennent bien », pré-
vient le psychothérapeute.
« Il ne faut rien imposer
aux enfants, et ne pas
oublier que ce sont eux
les plus vulnérables, pas
les adultes, quelle que soit
la douleur que provoque
la séparation »
Lionel Souche Psychologue clinicien
Le plus simple est encore de se mettre
autour d’une table et d’aborder la ques-
tion franchement, afin d’entendre les
points de vue de chacun des protagonis-
tes. Cependant, réunir un « conseil de fa-
jeure avec les Nord-Américains : si l’on se
rassemble, cela prend toute de suite une
tournure grave, solennelle. Nous y voyons
un effet d’annonce alors que l’enjeu est
d’énoncer les choses, pas d’annoncer quoi
que ce soit. L’important est de faire circuler
la parole », explique Serge Mori.
Certaines familles mobilisent aisément
cette fonction « autothérapeutique »,
mais, pour d’autres, la tâche peut sem-
bler ardue, surtout dans un contexte où
les adultes sont bouleversés par leur pro-
pre séparation. Il peut alors être intéres-
sant de solliciter une tierce personne, un
psychothérapeute ou un médiateur fami-
lial, afin d’aider à instaurer et nourrir ce
dialogue. Il n’est pas question ici de thé-
rapie et une à deux rencontres suffisent la
plupart du temps.
Si la décision est prise de rester en rela-
tion avec l’enfant de son ex-conjoint,
mieux vaut que des règles claires soient
instaurées, pour le bien-être de tous. « Là
encore, les Nord-Américains sont très dif-
férents de nous, constate Lionel Souche.
Pragmatiques, ils n’hésitent pas à mettre
là, il vaut mieux se mettre d’accord sur
certaines règles. Elles doivent être négo-
ciées et non pas imposées par l’un ou
l’autre des membres de la famille. Surtout,
ces règles doivent être mises à l’épreuve et
rediscutées si besoin. »
Quand il s’avère finalement impossible
de continuer à voir les enfants de son
ex-conjoint, c’est une seconde sépara-
tion qu’il faut gérer. Un autre deuil à faire
en plus de celui de son couple, qui peut
s’avérer plus difficile, même si l’on est à
l’origine de la rupture. « Si on a souvent
des reproches à l’encontre de son
ex-conjoint, on n’en a pas vis-à-vis des
enfants avec qui on souhaitait garder des
liens, pointe Lionel Souche. Ce genre de
situation sollicite notre capacité à accepter
les pertes et le renoncement de manière gé-
nérale, à lâcher prise. Or c’est loin d’être
évident pour tout le monde. »
Bien entendu, si les enfants souhaitent
aussi garder un lien avec leur beau-pa-
rent, il est important de les accompagner.
Certains ont passé plus de temps avec le
conjoint de leur parent biologique

les adultes ! » Pas besoin d’avoir un lien de La Famille recomposée. À chacune son mille » n’est pas dans les habitudes des par écrit les choses importantes qui vont qu’avec leur père ou leur mère, et en être
biologique avec un enfant, malheureu- histoire (Éditions First, collection « Marcel Français. « C’est une autre différence ma- régir ces relations. Mais sans aller jusque- séparé peut être très douloureux. ■
 Le figaro santé le figaro lundi 22 avril 2024 13

Alimentation : le fonctionnement
du Nutri-score et de Yuka décrypté
Elisa Doré

Ces deux systèmes

d’évaluation qui
visent à nous éclairer
sur la qualité
nutritionnelle des
produits alimentaires
sont complémentaires.

N
utri-score et Yuka sont
les deux systèmes de
notation des produits
alimentaires les plus
utilisés en France. Le
premier est directe-
ment imprimé sur le produit, le second
est disponible en scannant le code-
barres avec son téléphone via une ap-
plication dédiée. Les deux ont pour
objectif d’informer les consommateurs
sur la qualité des produits pour les
aider à y voir plus clair sur ce qu’ils
achètent. Comme ils se ressemblent
beaucoup mais intègrent aussi leurs
propres spécificités, il n’est pas tou-
jours évident de s’y retrouver. Sur
quoi reposent exactement ces deux L’application Yuka permet d’évaluer les produits alimentaires en scannant leur code-barres avec un téléphone. VOISIN /Phanie via AFP
systèmes ? Sont-ils vraiment fiables ?
Quand est-il pertinent de les utiliser ? le dioxyde de titane, ou de réglementa- nelle (Eren) à l’université Sorbonne re et la note « excellent » avec Yuka alors tratransformation), c’est-à-dire des
Le Figaro fait le point. tions visant à réduire leur utilisation, Paris Nord. que l’une contient des sucres ajoutés et concentrés de fibres ajoutés à un pro-
Développé en France et introduit en comme les nitrites, il n’y a actuellement Ni le Nutri-score ni Yuka ne fournis- l’autre, non. duit. En l’état actuel, cela signifie que
2017 sous l’expertise des autorités sa- pas de consensus sur leur nocivité, faute sent par ailleurs d’indication sur l’origi- Même problème pour le niveau d’ex- l’industriel peut modifier la formule
nitaires, le Nutri-score attribue aux de preuves suffisantes quant à leurs ef- ne du sucre d’un produit, à savoir s’il est position aux pesticides ou encore le de- d’un produit pour augmenter sa compo-
produits alimentaires des lettres et des fets à long terme sur l’humain à ce naturellement présent et/ou ajouté par gré d’ultratransformation que les deux sition en fibres, et donc gagner des
couleurs (de A à E, du vert au rouge) en jour », souligne le Pr Chantal Julia, les industriels. Ainsi, deux compotes de applications n’intègrent pas (encore) points sur sa note. Ou, à l’inverse, ré-
fonction de leur teneur en nutriments chercheuse rattachée à l’équipe de re- pomme à boire sont susceptibles d’avoir dans leur algorithme. « L’ultratransfor- duire sa teneur en sucre, comme Nestlé
« favorables » pour la santé (fibres, cherche en épidémiologie nutrition- le même score A ou B avec le Nutri-sco- mation regroupe l’ensemble de plusieurs l’avait fait avec les céréales Chocapic,
protéines, pourcentage de fruits, de procédés technologiques appliqués par passant ainsi « facilement » de la note D
légumes et de légumineuses) ou néfas- Mesurer l'intérêt nutritionnel d’un produit l’industriel sur un aliment afin d’en modi- à la note B. Les actualisations du Nutri-
tes (graisses saturées, sucres, sel). Tout fier artificiellement la couleur, l’arôme, la score en 2024 prévoient toutefois de pé-
cela est calculé par un algorithme cer- Le Nutri-score est un système d’étiquetage qui permet de comparer texture ou le goût (colorants, modifica- naliser davantage les céréales pour petit
tifié et régulièrement mis à jour par un rapidement sur le plan nutritionnel des produits similaires. teurs de goûts, texturants…), explique déjeuner.
comité d’experts scientifiques. Anthony Fardet, chercheur en alimen- Le problème de fond, pour Anthony
Le Nutri-score pénalise les produits NUTRI-SCORE NUTRI-SCORE NUTRI-SCORE NUTRI-SCORE NUTRI-SCORE tation préventive à l’Inrae. Ça devrait Fardet, est que les étiquetages alimen-
très gras, très sucrés et très salés, comme être le premier critère pour évaluer la taires basés sur la composition n’éva-
le fromage, la charcuterie, les biscuits ou ABCDE AB
B C D E A BC
CD E A B CDE A B C DE
E qualité d’un produit. Or 57 % des produits luent pas les produits dans leur globalité.
les sodas. Cependant, il discrimine aussi industriels avec un Nutri-score A ou B « Ce sont des approches ultraréduction-
plus subtilement les catégories de pro- sont en réalité ultratransformés. » On sait nistes qui réduisent l’aliment à une somme
duits. Parmi les aliments gras, par exem- BONNE QUALITÉ NUTRITIONNELLE MAUVAISE en effet aujourd’hui qu’une consomma- de nutriments ou d’additifs. Or, les addi-
ple, il différencie ceux contenant de tion excessive de produits ultratransfor- tifs ne représentent que moins de 40 % de
bonnes graisses (acides gras oméga 3), La détermination du score repose sur un calcul qui prend en compte sur 100 g ou 100 ml… més est associée à un risque accru de tous les marqueurs d’ultratransformation.
comme les poissons gras (saumon, thon, maladies cardio-vasculaires, d’obésité La dégradation des matrices alimentaires
maquereau, etc.), qui sont donc mieux … des éléments favorables : teneur en fruits, légumes, huile d’olive, noix et colza, ou du diabète de type 2, voire de cancer. par les procédés joue aussi et en priorité un
légumes secs, fruits à coque, teneur en fibres, teneur en protéines ;
notés que la viande rouge. De même, le Plus subtilement, certains aliments grand rôle sur le potentiel santé de l’ali-
pain à base de farine complète, riche en … des éléments défavorables : apport énergétique, teneur en sucres, bien notés pour leur richesse en fibres ment, ce que ces scores ne considèrent
fibres, aura un meilleur score (A) que en acides gras saturés et en sel. (Nutri-score A ou B et note supérieure à pas. » Toutefois, ils restent de bons outils
leurs équivalents raffinés - donc moins 50 sur Yuka) contiennent en réalité une pour réfléchir sur le choix des produits
riches en fibres (B ou C). Source : Santé publique France part d’isolats de fibres (marqueur d’ul- que nous achetons. ■
La même année, la start-up Yuka
crée une application (gratuite) pour
établir une note sur 100. Celle-ci intè-
gre le Nutri-score (qui va constituer
60 % de la note), et y ajoute la présence
d’additifs (30 % de la note). Les 10 % Les additifs pourraient
favoriser les maladies cardio-vasculaires
restants sont liés à la labellisation bio.
Les informations qui servent au calcul
sont issues de la base de données Open
Food Facts (OFF).

Aucune indication
sur l’origine du sucre
En scannant le code-barres du pro-
duit, l’application fournit une note
sur 100 associée à un code couleur :
vert pour les produits jugés « excel-
lents » (notés entre 50 et 100), orange
pour ceux de qualité « médiocre » (25
à 50) et rouge pour les plus « mau-
vais » (en dessous de 25). Sous la note
globale du produit sont ensuite dé-
taillés ses défauts (quantité élevée en
gras, en sel, en sucre, nombre et nom
des additifs) et ses qualités (quantité
faible en gras, en sel, en sucre, quan-
tité élevée en fibres et en protéines).
L’application distingue par ailleurs les
additifs selon leur caractère plus ou
moins nocif et propose des alternati-
ves plus saines aux produits qui en
contiennent beaucoup. Exemple :
lorsque vous scannez une boîte de Pe-
tit Écolier de la marque LU, qui
contiennent sept additifs, dont un
« dangereux » (E450), Yuka vous sug-
gérera de vous tourner vers une gam-
me de biscuits de la marque Gerblé.
Cela fait-il de Yuka un indicateur
plus fiable ? Si traquer les additifs est
un effort louable, il est difficile de sa-
voir sur quel critère scientifique s’ap-
puie l’application pour les classer se-
lon leur degré de nocivité. « Si, parmi
U
tilisés pour améliorer la tex-
ture, la saveur, la couleur ou
encore la durée de conser-
vation des produits, les ad-
ditifs alimentaires, notamment les
émulsifiants, sont devenus très com-
muns. On les retrouve par exemple
dans de nombreux biscuits, desserts et
pains industriels, la margarine ou en-
core les plats préparés. Si ces compo-
sés chimiques sont approuvés pour un
usage alimentaire, les experts mettent
en garde contre leur consommation
excessive en raison de leur potentielle
nocivité.
Depuis longtemps dans le viseur des
scientifiques, certains émulsifiants
étaient soupçonnés de provoquer des
inflammations chroniques de l’intes-
tin chez des animaux de laboratoire.
Chez l’humain, en revanche, leurs im-
pacts sur la santé restaient mal
connus. En septembre dernier, des
chercheurs français se sont aperçus
qu’ils pourraient être plus néfastes que
prévu en favorisant l’apparition de
pathologies cardio-vasculaires. Les
résultats étaient alors publiés dans la
revue British Medical Journal.
Pendant une période de sept ans,
les scientifiques ont invité 100 000
adultes français à signaler leurs habi-
tudes alimentaires ainsi que tout
événement cardio-vasculaire majeur
ont permis d’évaluer l’association
entre la quantité d’émulsifiants
consommée par les participants, es-
timée à partir des dosages des pro-
duits signalés, et le risque cardio-
vasculaire.
« D’après nos travaux,
certains additifs ciblent
des bactéries nécessaires
au bon fonctionnement
de l’intestin, autant chez
l’animal que l’homme »
Benoît Chassaing
chercheur à l’Inserm
Résultat : une consommation ré-
gulière d’additifs dérivés de la cellu-
lose (nommés de E460 à E468) était
associée à un risque accru de mala-
dies cardio-vasculaires. Et ce indé-
pendamment d’autres facteurs de
risque connus comme l’âge, le sexe,
le tabagisme, l’activité physique ou
encore les antécédents familiaux.
« Même si nous n’avons pas montré un
lien de causalité, mais seulement une
forte association, c’est la première
étude qui quantifie l’exposition à tous
ces émulsifiants et leur effet sur la
santé cardio-vasculaire à long ter-
me », souligne le P Mathilde Touvier,
conduit l’étude.
L’impact sur la santé cardio-vascu-
laire semblait plus important pour les
émulsifiants E460 (cellulose micro-
cristalline, cellulose en poudre) et les
E466 (carboxyméthylcellulose), utili-
sés pour épaissir les aliments en leur
donnant une texture plus crémeuse et
consistante comme c’est le cas dans la
plupart des sauces, crèmes, desserts
ou soupes industrielles. Parmi les
autres émulsifiants soupçonnés figu-
raient les mono et diglycérides d’aci-
des gras (E471- E472 et leurs dérivés),
utilisés pour leur pouvoir épaississant
et conservateur. « Certains émulsi-
fiants, comme le E472b, étaient plus
spécifiquement associés au risque de
maladies cérébrovasculaires, qui affec-
tent la circulation sanguine dans le cer-
veau, alors que d’autres, comme le
E472c et le phosphate trisodique
(E339), étaient plus liés au risque de
maladies coronariennes, touchant les
artères qui irriguent le cœur », précise
le Pr Touvier.
Pour le moment, les chercheurs ne
comprennent pas encore comment les
additifs pourraient favoriser certaines
pathologies cardio-vasculaires plus
que d’autres. « Cela pourrait dépendre
de la nature de l’émulsifiant, de leur
combinaison, de la dose ingérée, mais
aussi de la réponse individuelle des indi-
recherche cardio-vasculaire de Paris.
Néanmoins, il existe déjà une piste
de réflexion sur le mécanisme d’action
impliqué. Plusieurs études menées sur
des rongeurs et chez l’humain suggè-
rent qu’ils perturberaient l’équilibre
du microbiote intestinal, c’est-à-dire
la communauté de micro-organismes
vivant dans le système digestif.
« D’après nos travaux, certains additifs
ciblent des bactéries nécessaires au bon
fonctionnement de l’intestin, autant
chez l’animal que l’homme », explique
Benoît Chassaing, chercheur à l’In-
serm et coauteur de l’étude.
Cela induit un déséquilibre du mi-
crobiote qui engendre une inflamma-
tion locale de l’intestin pouvant
conduire à des dérégulations plus glo-
bales de l’organisme. « C’est la théorie
de l’intestin qui fuit : l’inflammation lo-
cale de l’intestin augmente la perméa-
bilité de cet organe », explique Soraya
Taleb. « Ainsi, il est probable que des
composants bactériens s’y échappent
plus facilement et finissent par se re-
trouver dans la circulation sanguine,
provoquant en chaîne une inflammation
des vaisseaux. Or il est admis que l’in-
flammation chronique de la paroi des
vaisseaux favorise le développement de
maladies cardio-vasculaires, notam-
ment l’athérosclérose (dépôts de mau-
vais gras sur la paroi des vaisseaux,
A

les quelque 400 additifs, certains font (accident vasculaire cérébral, etc.). directrice de recherche à l’Inserm en vidus », explique Soraya Taleb, direc- NDLR), une cause majeure d’infarctus
l’objet d’interdiction en France, comme Des analyses statistiques poussées épidémiologie nutritionnelle qui a trice de recherche Inserm au centre de du myocarde et d’AVC. » ■
 14 lundi 22 avril 2024 le figaro
LE CARNET
DU JOUR
carnetdujour@media.figaro.fr
01 56 52 27 27
vernissages
La Galerie Guillaume
est heureuse de vous inviter
au vernissage
de la nouvelle exposition de
François-Xavier de Boissoudy
« Lumières du jour et de la nuit »,
le jeudi 25 avril 2024
de 17 heures à 21 heures,
en présence de l'artiste.
« Lumières du jour et de la nuit »
est la dixième exposition
personnelle de
François-Xavier de Boissoudy
organisée par
la Galerie Guillaume,
depuis 2015.
32, rue de Penthièvre,
75008 Paris.
www.galerieguillaume.com
deuils
Mme Nicole Affre,
son épouse,
M. Jean-Marie Affre
et Mme Valérie Toffoun,
ses enfants,
Doriane, Tristan et Cloé,
ses petits-enfants,
ont la douleur
de faire part du décès de
Jean AFFRE
médecin,
survenu à l'âge de 80 ans.
Une cérémonie civile
sera célébrée
le vendredi 26 avril 2024,
à 14 h 30, au cimetière
de Quincy-sous-Sénart
(Essonne).
Cet avis tient lieu de faire-part.
Véronique et Bruno David,
Sophie et Vincent Vaudoux,
Patricia et Bruno Coudamy,
Brigitte et Jean-Luc Mastikian,
Céline et Patrick Joulin,
ses enfants,
ses 16 petits-enfants
et leurs conjoints,
ses 24 arrière-petits-enfants
ont la tristesse
de faire part du décès de
M. Michel BASQUIN
survenu le 18 avril 2024.
La cérémonie religieuse
sera célébrée en la basilique
de Saint-Quentin (Aisne),
le jeudi 25 avril 2024, à 14 h 30.
Catherine et Rémi Esclattier,
ses enfants,
Aliénor et Stanislas Fauchille,
Pétronille et Garrett Finn,
Théophanie Esclattier,
ses petits-enfants,
Alexis, son arrière-petit-fils,
vous font part de l'entrée
dans la Lumière de Dieu de
Ginette BATARD
née Penin,
le 11 avril 2024,
dans sa 87e année.
La cérémonie religieuse
sera célébrée
le mercredi 24 avril, à 14 h 30,
en l'église Sainte-Geneviève,
à Asnières-sur-Seine.
Famille Esclattier,
63, quai du Docteur-Dervaux,
92600 Asnières-sur-Seine.
M. André Bourg,
son époux,
Florence et Anne-Sophie,
ses filles,
Lucas,
son petit-fils,
ainsi que toute la famille
ont la tristesse
de vous faire part du décès de
Christiane BOURG
née Liabœuf,
survenu le 17 avril 2024,
à l'âge de 79 ans, à Barbizon.
La cérémonie religieuse
aura lieu le mercredi 24 avril,
à 16 heures,
en l'église Saint-Paul
de Chailly-en-Bière.
A
Famille Bourg,
35, avenue Charles-de-Gaulle,
77630 Barbizon.
Matthieu Bell,
son fils,
Pauline Bireaud-Bell,
sa belle-fille,
Alma et Iris,
ses petites-filles,
Anne et Luc,
ses neveux,
et toute sa famille
ont la douleur
de vous faire part du décès de
Yvonne BELL-GAMBART
ingénieur ESTP 77,
chevalier
de l'ordre national du Mérite,
ancien chef du département
action culturelle de Total,
ancien directeur exécutif de la
Société des Amis du Louvre,
survenu à Paris
le 24 janvier 2024,
à l'âge de 69 ans, en paix après
une combativité exemplaire.
La crémation a eu lieu
dans l'intimité familiale.
Une cérémonie religieuse
sera célébrée en l'église
Saint-Philippe-du-Roule,
à Paris (8e),
le vendredi 26 avril, à 18 h 45.
Cet avis tient lieu de faire-part.
16, boulevard
de La Tour-Maubourg,
75007 Paris.
Gilles, Thierry, Pauline,
Constance,
ses enfants,
Christine, Estelle, Charles,
David,
leurs conjoints,
Claire, Charlotte, Lucie,
Antoine, Théodore, Alix, Paul,
Léonie, Gaspard,
ses petits-enfants,
en union avec Jean Buffet (†),
son époux,
ont l'immense tristesse
de vous faire part du décès de
Suzanne BUFFET
née Vatier,
chevalier
de la Légion d'honneur,
survenu le 19 avril 2024,
à l'âge de 84 ans, à Suresnes.
La cérémonie religieuse
sera célébrée en l'église
Saint-Honoré-d'Eylau,
à Paris (16e),
le jeudi 25 avril 2024, à 14 h 30.
L'inhumation aura lieu
au cimetière de l'Est, à Angers,
dans l'intimité familiale.
Cet avis tient lieu de faire-part.
Versailles (Yvelines).
Philippe Chevallier,
son époux,
Aimée Faltermeier,
sa mère,
Marie-Claire Chevallier,
sa belle-mère,
Wilfried Chevallier,
son fils, son épouse Amandine
et leurs enfants,
Karl et Hugo,
Benjamin Chevallier,
son fils, et sa compagne Emma,
Catherine Chevallier,
sa belle-sœur,
son compagnon Alain Bourdon
et leurs enfants,
Ysé, Ariel, Léa et Samuel,
et tous ses amis
ont la douleur
de faire part du décès de
Marie-Pierre CHEVALLIER
née Faltermeier,
Essec 1980,
ancienne membre
du comité exécutif d'Arkema,
survenu le 15 avril 2024,
à l'âge de 64 ans,
à Neuilly-sur-Seine.
La cérémonie religieuse
sera célébrée
en l'église Notre-Dame,
rue de la Paroisse, à Versailles,
le jeudi 25 avril 2024, à 10 h 30.
Elle sera suivie de la crémation
dans l'intimité.
Un registre à signatures
tiendra lieu de condoléances.
78, boulevard de la Reine,
bâtiment MH1,
78000 Versailles.
ph.charles.chevallier@orange.fr
Courbevoie (Hauts-de-Seine).
Nicole, son épouse,
Nicolas, Virginie et Thomas,
ses enfants,
Cloé et Valentine,
ses petites-filles,
Alain, son frère,
ont la tristesse
de faire part du décès de
M. Patrick d'ESPOIS
survenu le 18 avril 2024.
La cérémonie religieuse
sera célébrée en l'église
Saint-Pierre-Saint-Paul,
à Courbevoie,
dans l'intimité familiale,
le vendredi 26 avril 2024.
Le carnet du jour
Catherine Grive,
sa fille,
Vincent Grive,
son fils,
et sa compagne Fati L'Amri,
Raphaëlle Santini
et Lucile Herzog,
Aurore et Louis
Franchon Santini,
Louise Grive,
ses petits-enfants,
Gabriel, Joséphine et Côme
Franchon Santini,
ses arrière-petits-enfants,
en union avec Claude Colin (†)
ont l'immense tristesse
de faire part du décès de
Mme Claude FAYOLLE
survenu le 17 avril 2024,
à l'âge de 88 ans, à Paris,
munie des sacrements
de l'Église.
La cérémonie religieuse
sera célébrée en l'église
Saint-François-Xavier,
à Paris (7e),
le jeudi 25 avril, à 10 heures.
L'inhumation aura lieu
dans l'intimité familiale.
Ni fleurs ni couronnes.
Paris (14e).
M. et Mme Claude Feneux,
son frère et sa belle-sœur,
M. et Mme
Jean-François Feneux,
M. et Mme Michel Feneux,
ses neveux et nièces,
Mathilde, Manon, Marie,
Juliette Feneux,
ses petites-nièces,
Mme Jeannine Vallez,
Brigitte Vallez,
Pascale Vallez,
M. et Mme
Nicolas Brejon de Lavergnée,
M. et Mme
Matthieu Brejon de Lavergnée,
Mme Marie Edith Guynamard,
ses amis,
font part du rappel à Dieu de
Arlette FENEUX
laïque dominicaine,
hospitalière
du pèlerinage du Rosaire,
le 18 avril 2024,
à l'âge de 96 ans,
munie des sacrements
de l'Église.
La cérémonie religieuse
sera célébrée en la chapelle
de Tous-les-Saints,
277, boulevard Raspail,
à Paris (14e),
le vendredi 26 avril, à 11 h 30,
suivie de l'inhumation
dans l'intimité familiale,
au cimetière de Vernon (Eure).
1, rue de la Gravelle,
27200 Vernon.
Charles,
son époux,
Arnaud, Victor et Alice,
ses enfants,
Ariane, Clara et Benjamin,
ses belles-filles et gendre,
Juliette, Margot et Alma,
ses petites-filles,
Philippe, Hervé et Béatrice,
ses frères et sœur,
Zheng, Isabelle et Eric,
leurs conjoints,
ont la douleur de faire part
du rappel à Dieu de
Marie GANCEL
née Bizot,
le 19 avril 2024,
à l'âge de 73 ans.
La cérémonie religieuse
sera célébrée en l'église
Saint-Seurin, à Bordeaux,
dans l'intimité familiale,
le jeudi 25 avril, à 14 heures.
charlesgancel@gmail.com
Serge et Bettina Gambert,
ses enfants,
Alexandre, Thomas et Aymeric,
ses petits-enfants,
et toute sa famille
ont la tristesse
d'annoncer le décès de
Jacqueline LEBOUCHARD
médecin biologiste,
survenu le 18 mars 2024.
La cérémonie se déroulera
le jeudi 25 avril, à 14 h 30,
en l'église Saint-Jacques
de Neuilly-sur-Seine,
167, boulevard Bineau.
Ni fleurs ni couronnes.
Cet avis tient lieu de faire-part.
Dreux (Eure-et-Loir).
Rémy et Vinciane Leloup,
Florence et Christian Huet,
Nathalie et Luc Battaglia,
ses enfants,
ses petits-enfants,
ses arrière-petits-enfants
ont la tristesse
de faire part du décès de
M. Robert LELOUP
ancien président du tribunal
de commerce de Dreux,
chevalier
de l'ordre national du Mérite,
survenu le 17 avril 2024,
à l'âge de 92 ans.
La cérémonie religieuse
sera célébrée en l'église
Saint-Pierre, à Dreux,
le jeudi 25 avril, à 10 heures.
Famille Leloup,
2 bis, rue des Teinturiers,
28100 Dreux.
M. et Mme
François Pietri-Leroy,
M. Olivier Leroy,
M. et Mme
Philippe Leroy-Hochart,
ses enfants et beaux-enfants,
Elise, Romain, Paul, Julie,
Sacha, Nikita, Serge, Boris,
ses petits-enfants,
Camille, Titouan, Charlie,
ses arrière-petits-enfants,
ses nombreux neveux, nièces,
cousins, cousines
et toute la famille
ont le chagrin
de vous apprendre le décès de
Nicole LEROY
et son départ
pour la Maison du Père
dans sa 96e année,
le 12 avril 2024, en son domicile,
entourée des siens.
La cérémonie religieuse
a été célébrée le 18 avril 2024,
en l'église évangélique
de Lunel (Hérault),
suivie de l'inhumation
dans le caveau de famille
au cimetière de Vergèze (Gard).
4, place du Général-Catroux,
75017 Paris.
M. Jean-Pierre Mathy,
son mari,
M. et Mme Frédéric Mathy,
M. Stéphane Mathy (†),
M. et Mme Frank Piedelièvre,
ses enfants,
Valentine, Éric, Clémence,
Julie,
Charles, Héloïse,
ses petits-enfants,
ses sept arrière-petits-enfants,
la marquise de Castellane,
née Francine Latour-Touya,
sa sœur,
M. Hugo Rubini,
son neveu,
ont l'immense tristesse
de vous faire part
du rappel à Dieu de
Mme Jean-Pierre MATHY
née Colette Latour-Touya,
le 19 avril 2024, à Paris,
munie des sacrements
de l'Église.
La cérémonie religieuse
sera célébrée dans l'intimité,
le mercredi 24 avril 2024,
à 10 h 30, en l'église
Notre-Dame-de-Grâce-
de-Passy, Paris (16e).
Ni fleurs ni couronnes.
Jean-Michel Pierret,
son époux,
Marie-Aline et Ghassan Attié,
sa fille et son gendre,
Victoria et Gabrielle,
ses petites-filles,
Marie-Armelle Sotiaux,
sa sœur,
Claude Pierret (†),
Yves et Christiane Pierret,
Philippe et Martine Pierret,
Patrick et Naïma Pierret,
ses beaux-frères
et belles-sœurs,
vous font part
du rappel à Dieu de
Marie-Véronique PIERRET
née Sotiaux,
le 19 avril 2024,
à l'âge de 71 ans.
La cérémonie religieuse
sera célébrée
le vendredi 26 avril, à 10 h 30,
en l'église
Notre-Dame-de-l'Assomption-
de-Passy,
88, rue de l'Assomption,
à Paris (16e).
Ni fleurs ni couronnes,
mais des dons à la fondation
AP-HP.
6, rue des Bauches,
75016 Paris.
Brigitte Salvator,
son épouse,
Florence,
Jean-Jacques et Véronique,
Jean-Michel, Chantal,
ses enfants et leurs conjoints,
Thomas, Timothée, Arthur,
Constance, Olivier, Marie,
Margaux, Sixtine, Valentin,
Cultiver
Gaspard, Agathe,
ses petits-enfants,
Félix, Mila, Côme, Céleste,
Léopold, Apolline, Adèle,
sa liberté,
Olivia, Hortense et Ysée,
ses arrière-petits-enfants,
ont la tristesse
de vous faire part
c’est cultiver
du rappel à Dieu de
Jean SALVATOR
sa curiosité.
le 16 avril 2024,
à l'âge de 93 ans.
La cérémonie religieuse
sera célébrée en l'église
Sainte-Marie-des-Batignolles,
77, place
du Docteur-Félix-Lobligeois,
à Paris (17e),
le mardi 23 avril, à 10 h 30.
Cet avis tient lieu de faire-part.
remerciements
Mme Claude Cocheton,
son épouse,
Dominique, sa fille,
David et Sophie,
son fils et sa belle-fille,
Ludovic et Charlotte,
ses petits-enfants,
très touchés des marques
de sympathie qui leur ont été Recevez Le Figaro chaque jour et
témoignées lors du décès du
ses magazines le week-end.
docteur
Jean-Jacques COCHETON Accédez aux versions numériques
ancien chef
du service de médecine interne du journal, des magazines et
à l'hôpital Tenon,
professeur agrégé
des hors-séries culturels ainsi
de médecine générale qu’aux applications Figaro Jeux
à la faculté de Saint-Antoine,
et Le Figaro Cuisine.
survenu le 4 avril 2024,
dans sa 89e année, à Paris,
vous prient de trouver ici,
leurs sincères remerciements.
299€ pour
Mme Françoise Tournilhac,
6 mois
son épouse,
Isabelle et Michel Wurm, au lieu de 629,40 €
Sophie Tournilhac
et Boubakar Sidibé,
Valérie Tournilhac,
François Genès
et Reiko Tournilhac,
Olivier et Valérie Tournilhac,
ses enfants,
ses petits-enfants,
ses arrière-petits-enfants
La culture de la liberté depuis 1826
et toute la famille,
très touchés des marques
de sympathie qui leur ont été
témoignées lors du décès du
ABONNEZ-VOUS
professeur
Michel TOURNILHAC
AU FIGARO
vous prient de trouver ici,
leurs sincères remerciements.
À renvoyer dans une enveloppe affranchie à :
LE FIGARO ABONNEMENT
messes 45 avenue du Général-Leclerc 60643 CHANTILLY CEDEX
et anniversaires
OUI, je m’abonne à la Formule CLUB pour 299€
au lieu de 629,40€, soit 52% de réduction. Je
Une messe anniversaire
pour le retour à Dieu du reçois pendant 6 mois Le Figaro du lundi au samedi,
marquis de FONDEVILLE accompagné des cahiers thématiques et des
et de la marquise, magazines du week-end. J’accède à leurs versions
née Micheline de Lützel,
numériques et aux hors-séries culturels ainsi qu’aux
et de leur fille, applications Figaro Jeux et Le Figaro Cuisine.
Chantal
décédée le 27 avril 2023,
Nom :
sera célébrée par
le chanoine Giovanni Polito, Prénom :
en l'abbaye de Saint-Maurice Adresse :
(Suisse), le samedi 27 avril 2024,
à 10 h 30. Code postal : Ville :
pour améliorer le suivi
Merci de vous y associer Tél. portable :
de votre livraison
par la prière.
Pour accéder aux versions numériques, il est indispensable
de compléter votre adresse mail :
E-mail :
offices religieux
en majuscules
La Fondation
Date et signature :
Shmouel et Bassie Azimov Je joins mon règlement par :
vous informe que les
fêtes de Pessah Chèque bancaire ou postal
(Pâque juive)
auront lieu
à l’ordre du Figaro
de ce lundi 22 avril 2024 au soir
au mardi 30 avril 2024. CB N°
Début de la fête 20 h 35.
L'allumage des bougies Expire fin : FAP2401
se fera le mardi 23 avril
à partir d'une flamme
existante après 21 h 29. Offre métropolitaine réservée aux nouveaux abonnés valable jusqu’au
31/12/2024. Les tarifs sont révisables à l’issue de chaque année d’abonnement.
Il faut manger de la Matza Les informations recueillies sur ce bulletin sont destinées au Figaro et ses sous-
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et boire 4 coupes vous adresser des offres commerciales pour des produits et services offerts par
de jus de raisin. Le Figaro. Afin d’exercer les droits relatifs à vos données personnelles dans les
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créée à cette occasion).

Dans le centre de la France, le grand
désarroi des oubliés de la SNCF
Par
Alix Vermande
Guéret (Creuse)
ur le quai de la gare de Limoges-Béné-
S
dictins, Cécile ne cesse de fixer le ta-
bleau d’affichage. Son train à destina-
tion de Paris est annoncé en retard de
quelques minutes. « Si ce n’est que ça,
on peut s’estimer chanceux aujour-
d’hui », souffle la quadragénaire, qui
fait ce trajet tous les jours pour aller travailler. Quel-
ques mètres plus loin, Sophie résume cette situation
qu’elle ne connaît que trop bien : « C’est la loterie. On
ne sait jamais ce qui nous attend. Mais, quand on ga-
gne, on n’arrive pas en avance, juste à l’heure. »
Un sentiment partagé par de nombreux usagers de
cette ligne Paris-Orléans-Limoges-Toulouse
(POLT). Un hashtag #RasLePOLT est lancé sur les ré-
seaux sociaux à chaque perturbation. Plusieurs col-
lectifs se sont formés, dont Urgence Ligne POLT. À sa
tête, Jean-Claude Sandrier : « Ça fait quatorze ans
qu’on se mobilise. Mais la situation d’aujourd’hui, c’est
du jamais vu », commente l’ancien député du Cher,
département traversé par ce train décrié.
Pour pallier ces problèmes récurrents, la SNCF a
récemment annoncé l’arrivée de nouvelles rames,
fabriquées par le constructeur espagnol CAF, d’ici
2026. Le schéma directeur prévoit des gains de temps
et davantage d’allers-retours. « Mais ce qui préoccupe
l’usager, c’est quel train il va prendre ce soir, pas dans
deux ans, poursuit Jean-Claude Sandrier. Les travaux
sont en cours, mais ils posent des problèmes de circula-
tion. On supprime des allers-retours. On a donc de-
mandé des mesures d’urgence. » Sans réponse
concrète, le collectif Urgence Ligne POLT devrait
poursuivre sa mobilisation via différentes actions, en
fonction des décisions de la SNCF. « Fin janvier, on a
déjà fait une manifestation avec 2 000 personnes dans
sept gares de la ligne. S’il faut aller plus loin, on descen-
dra sur les rails ou on ira au ministère, à Paris. »
Comment la situation a-t-elle pu se dégrader à ce
point ? « Ça a commencé par l’idée d’une ligne grande
vitesse en Y renversé, au tournant des années 1980 et
1990, à hauteur de Vierzon, explique le président
d’Urgence Ligne POLT. Ça a été abandonné. Avec le
gouvernement Jospin, il y a eu l’idée sur la ligne POLT
d’un train pendulaire. Mais le nouveau gouvernement
de 2002 et quelques réticences de la SNCF ont mis un
terme au projet en 2003. » Émerge ensuite l’hypothèse
d’une Ligne grande vitesse entre Limoges et Poitiers :
« Mais c’est totalement impossible à faire. François
Hollande avait relancé le projet en 2016, ce qui nous a
fait perdre entre quinze et vingt ans pour la ligne
POLT. » De ces années d’errance, Jean-Claude San-
drier dresse un triste constat : « Les territoires ont été
pénalisés. Aujourd’hui, tous les acteurs économiques de
Limoges tiennent le même raisonnement que ceux de
Clermont-Ferrand : ce qu’il nous faut, c’est être à
2 h 30 min de la capitale. »
Les lignes Limoges-Paris et Clermont-Ferrand-
Paris sont intimement liées, du fait de leur proximité
géographique, mais surtout de la récurrence des ava-
Champs libres
R e p o r t a g e
Retards, suppressions,
mauvaises conditions
de transport…
Les usagers des trains
du Massif central
enchaînent les déboires
depuis des décennies,
malgré les promesses
et les annonces
politiques. Élus et
associatifs s’inquiètent
des conséquences sur
l’attractivité du territoire.
ries. À ce petit jeu, le train entre l’Auvergne et la capi-
tale semble l’emporter. L’été dernier, un trajet a par
exemple enregistré un retard de… vingt heures. Plus
récemment, le 19 janvier, 700 voyageurs sont restés
bloqués toute une nuit dans un train par grand froid.
« Ça a été un incident marquant, comme un déclic », se
souvient Stéphanie Picard, porte-parole du collectif
des Usagers du train Clermont-Paris, créé il y a huit
ans pour exprimer un ras-le-bol général : « C’est le
résultat de trente ou quarante ans de non-investisse-
ment sur cette ligne. Il y a eu des mesures prises ces
dernières années, mais le retard est trop important. »
Plan d’urgence pour la ligne
Clermont-Paris
Pour appuyer ses propos, l’Auvergnate reprend les
termes employés par Jean-Pierre Farandou, PDG de
la SNCF : « Il qualifie lui-même le programme d’inves-
tissement de “rattrapage”. Ce n’est pas rien, de dire
ça. » Comme sur le Limoges-Paris, de nouvelles ra-
mes devraient être livrées. Concernant le calendrier,
Stéphanie Picard déplore un « flou artistique ». Fin fé-
vrier, la forte mobilisation clermontoise a fait dépla-
cer trois ministres et les dirigeants de la SNCF dans la
ville auvergnate.
Un plan d’urgence a été annoncé. Celui-ci com-
prend notamment la mise en place d’une locomotive
d’urgence à Nevers, au milieu de la ligne, davantage
d’entretien pour les locomotives et un plan de pro-
tection des voies contre la faune. « Globalement satis-
faisant », pour la Puydômoise, mais pas suffisant :
« On attendait des locomotives tout de suite. En moyen-
ne, sur la semaine, plus d’un tiers des trains n’arrivent
pas, ou pas à l’heure. Le nombre de retards de plus de
deux heures a plus que doublé depuis 2022. On nous a
demandé si on préférait fiabiliser le parcours ou réduire
le temps de parcours ? Mais est-ce qu’ils posent la
même question à Rennes, Marseille ou Bordeaux ? »
À l’instar du POLT, les mésaventures de la ligne
Clermont-Paris sont liées au manque d’anticipation,
malgré les divers projets politiques. « On nous avait
promis un TGV. Valéry Giscard d’Estaing l’avait an-
noncé. Il y a eu plein d’études, mais ça s’est enlisé et ça
a été écarté. Un argument de plus pendant longtemps
pour ne pas investir sur notre ligne déjà existante… »
Au détriment de tout un territoire, pour Stéphanie
Picard : « Le train, c’est notre métro, avec des rendez-
vous administratifs ou professionnels. On a besoin de
fiabilité. On a eu plein de témoignages de personnes qui
ont tenté de venir vivre à la campagne après le Covid
mais qui sont repartis à Paris car ce n’était pas possible
avec la ligne. Les gens ne viennent pas pour le train,
mais pour notre merveilleuse région et son économie. »
Un problème d’attractivité qui pénalise les acteurs
économiques de ces départements. À commencer par
Michelin, basé à Clermont-Ferrand, seule entreprise
du CAC 40 installée en dehors de la région parisienne
avec Legrand à… Limoges. « C’est absolument indis-
pensable d’avoir des liaisons avec la capitale, le reste de
l’Europe et du monde. Nous sommes à Clermont-
Ferrand avec notamment des cadres et des chercheurs
de très haut niveau qui ont besoin, pour des raisons fa-
miliales comme professionnelles, de faire des allers-re-
tours entre Paris et l’Auvergne. Avoir des dessertes fer-
roviaires, routières et aériennes de qualité est vital pour
notre région », constate Alexander Law, directeur des
affaires publiques pour Michelin en France, soucieux
de pouvoir attirer des talents en Auvergne.
Pour ce faire, le leader international de fabrication
de pneumatiques se mobilise : « Nous sommes mem-
bres fondateurs de l’association Objectif Capitales.
Nous avons un rôle naturel de facilitateur du dialogue.
Dans ce cadre, nous discutons avec les pouvoirs publics
et la SNCF. Nous sommes tous conscients que ça ne se
fera pas du jour au lendemain, mais il y a des premiers
signaux encourageants, comme l’arrivée de nouvelles
rames. Il faut profiter de cette dynamique pour aller
jusqu’au bout. »
Dans le Cantal, où la préfecture est très éloignée de
la capitale et des autoroutes, le désenclavement par le
rail est un sujet crucial. Annoncé en 2022 par le pre-
mier ministre Jean Castex, le retour du train de nuit
entre Aurillac et Paris s’est concrétisé début décem-
bre 2023. Pour un premier bilan en demi-teinte, avec
plusieurs annulations et retards déjà constatés :
« C’était une très bonne idée à la base, mais les difficul-
tés de fonctionnement sont terribles, rapporte Pierre
Mathonier, maire PS de la cité cantalienne. Ça pour-
rait être un outil d’attractivité, mais les conditions ac-
tuelles font que ça donne surtout une mauvaise image
de notre territoire. »
Sur la forme, la relance de cette ligne avait déjà
suscité de l’incompréhension chez l’édile : « C’était
d’abord calqué sur les vacances de la zone des Parisiens
et les week-ends, puis ça a évolué. Initialement, la
SNCF a annoncé un calendrier déjà perturbé par des
travaux. Et c’était sans compter les imprévisibles pro-
blèmes de locomotives. » Depuis, Pierre Mathonier
reste mesuré et pragmatique. Il attend une réelle
le figaro lundi 22 avril 2024 15
pascal lachenaud/afp
Mobilisation
des élus et des
collectifs d’usagers
de la ligne POLT,
en janvier, à la gare
de Limoges.
amélioration pour les Cantaliens : « Ce retour du train
de nuit est une première étape. L’important c’est d’op-
timiser ces transports en réduisant ces délais car,
même sur les lignes de journée, il faudrait passer à
moins de sept heures pour aller à Paris. »
D’autres élus du Cantal sont montés au créneau,
notamment les parlementaires LR du département.
« Il y a un consensus politique. Autant, dans certains
domaines, c’est impossible, là, c’est le cas quelle que
soit la couleur politique », confirme Claude Prat, maire
PCF de Glénat et également président du comité Fer
Cantal. « On se félicitait au départ du retour du train de
nuit, car il avait disparu en 2003, mais on savait très
bien que les moyens n’étaient pas forcément là, notam-
ment au niveau du matériel. Le train a été supprimé
déjà plus d’une dizaine de fois depuis début décembre.
Avec des horaires d’un autre temps : il part à 19 h 30 de
Paris et arrive à Aurillac à 7 h 30 dans le meilleur des
cas, avec quatre heures d’attente à Brive… »
Sentiment d’abandon
Si une jonction à Clermont-Ferrand a un temps été
évoquée, c’est finalement Brive-la-Gaillarde qui a
été choisie. Et donc le POLT, avec ses perturbations.
Aujourd’hui, Claude Prat espère encore de nouvelles
annonces pour pérenniser ce train de nuit : « Il fau-
drait plus d’entretien. Et on a aussi fait une proposition
au ministre : pourquoi ne pas acheter des machines en
Suisse et Autriche en attendant d’avoir nos propres
machines ? »
Régulièrement sollicitée par les élus et les repré-
sentants de collectifs d’usagers, la directrice d’Inter-
cités, Amandine Thomas-Commin, rappelle que
« 28 nouvelles rames financées par l’État vont être li-
vrées : 16 pour le Limoges-Paris et 12 pour le Clermont-
Paris. La première circulation commerciale aura lieu au
deuxième semestre de 2025. Et tout serait livré fin 2026.
C’est une aventure industrielle, donc, oui, il peut y avoir
des retards, mais on ne reste pas les bras ballants. On
mène des plans d’action continue avec toute l’ingénierie
sur nos locomotives, qui représentent 15 % des causes
des retards de plus de trois heures. »
Le train de nuit Aurillac-Paris deviendrait quant à
lui « quotidien dès décembre 2024, avec la recherche de
nouvelles locomotives » et afficherait « une régularité
de 85 % depuis le début de l’année ». Cependant, cer-
tains problèmes ne peuvent pas être omis : « On est
bien conscients que c’est la période la plus difficile pour
nos clients et aussi pour nos équipes. Il y a une forme
d’impatience, mais, en attendant, il faut vivre avec
l’ancien. SNCF Réseau met 1,8 milliard sur ces lignes,
l’un des plus gros chantiers. Car mettre de nouveaux
trains sur un réseau ancien, ça n’aura pas d’effet sur la
robustesse et la qualité du service. »
Ces fritures sur les lignes seraient le fruit de « déci-
sions industrielles, financières lourdes et donc politi-
ques qui ont été prises il y a longtemps », indique
Amandine Thomas-Commin. Avant de conclure sur
le sentiment d’abandon affiché par les habitants du
Massif central : « On a une mission de service public
dans le sens le plus noble du terme, parce qu’on sait à
quel point ces trains sont importants pour ces territoi-
res. Nos chiffres de fréquentation sont bons. Il y a un
A
vrai appétit du train. On a aussi intérêt à ce que les ter-
ritoires soient attractifs. » ■
 16 lundi 22 avril 2024 le figaro
« Nous avons une droite de commissariat de police
et une gauche de bureau de censure »
Entretien
François Sureau
Dans son dernier livre, S’en aller
(Gallimard), l’écrivain et académicien
évoque son goût du voyage, de l’aventure,
et la façon dont la littérature
l’accompagne dans son pèlerinage
intérieur. L’occasion d’évoquer aussi
le rapport à la politique de ce fervent
défenseur des libertés, sa passion
pour le Journal officiel comme révélateur
de la névrose administrative française.
fabien clairefond
A
Champs libres
D é b a t s
PROPOS RECUEILLIS PAR
Eugénie Bastié
LE FIGARO. - Votre vie est traversée par le goût
des lettres et celui de l’aventure. Le point commun
en est l’évasion. Que fuyez-vous ?
FRANÇOIS SUREAU. - Êtes-vous sûre que le point
commun soit l’évasion ? Notre siècle désespéré
tend à voir la littérature, en particulier, comme une
pharmacopée - lire ou écrire pour guérir je ne sais
quelles blessures - ou une lime - lire ou écrire pour
scier les barreaux de la cage. J’ai toujours vu diffé-
remment les livres et le voyage, la littérature et
l’aventure. Plus qu’une simple exploration, de
l’âme ou de la société, moins qu’une épiphanie, ou
un chemin de Damas. Les personnages dont je parle
dans le livre, d’Hugo à Lawrence en passant par
Leigh Fermor et bien d’autres « excentriques », ont
en commun de n’avoir pas été tout à fait là au mo-
ment où ils sont partis. Ils voyageaient déjà avant
de commencer de le faire, parce que « la vraie vie
est absente ». Je me reconnais dans ce trait-là. Que
cette idée d’absence, de voile posé sur les choses,
cette idée d’un monde caché sous l’autre et qu’il
nous appartient de connaître, c’est pour moi l’es-
sentiel du surréalisme et qui me fait rester fidèle à
Breton et a ses séides. Dans cette mesure, le voyage
n’est qu’une manière un peu plus radicale de met-
tre sa vie concrète en accord avec ce sentiment, de
devenir pleinement étranger puisqu’on a ressenti
qu’on l’était. Peregrinator et viator, dit saint Augus-
tin. Et la littérature peut ensuite décrire les stations
de ce pèlerinage-là.
Vous évoquez dans ce livre votre amour
de la Légion, institution à la fois anarchiste
et conservatrice. Qu’est-ce qui vous plaît
chez ces soldats ?
D’abord, que leur existence soit un résumé de no-
tre condition. Certes, ils ont choisi, puisqu’ils se
sont engagés. Mais ils sont aussi pris dans des
forces qui les dépassent et auxquels ils s’effor-
cent de faire face avec dignité. Et ces forces, ils
en éprouvent - la guerre, le hasard des com-
bats, le risque de la blessure et de la mort - toute
la puissance mystérieuse. Comme s’ils avaient
plongé dans ce chaudron dont nous ne connaissons
que les bords. Ensuite, qu’à la faveur de cette im-
mersion le meilleur prévale le plus souvent sur le
pire : le sentiment d’égalité, la fraternité, remettre sa
vie entre les mains de gens dont tout ou presque
vous sépare, y trouver l’occasion d’un étonnant
amour des hommes. Aussi la liberté, ce qui est para-
doxal. Mais les univers les plus contraints permet-
tent davantage la liberté intérieure, la vraie, que les
univers où à chaque instant nous devons inventer
notre propre chemin. Enfin, et ceci est vrai en parti-
culier de la Légion étrangère, ce « monastère des in-
croyants », l’oubli du passé, la seconde chance, une
autre identité, toutes choses précieuses dans un
monde à la fois vindicatif et amnésique, qui ne laisse
rien passer. Et, bien sûr, ces qualités ont leurs re-
vers. Je ne connais pas de vrai soldat qui aime la
guerre et les souffrances qui l’accompagnent et
qui durent longtemps après que l’action s’est
dissipée. Il y a aussi le sentiment de l’absurde.
Les engagements auxquels j’ai participé ont
tous été des échecs, Yougoslavie, Afghanistan,
Mali. Le soldat éprouve parfois, lorsqu’il y pen-
se, le sentiment d’une distance insupportable
entre les grands raisonnements géopolitiques et
l’action, entre la vie des politiques qui les met-
tent en mouvement et la leur. On connaît la devi-
se : « Ce qui fait notre force, c’est qu’on s’en fout ».
Mais ce n’est jamais entièrement vrai.
On vous qualifie souvent d’homme de droite,
mais vous êtes aussi un défenseur
vigilant des libertés publiques.
Vous n’aimez ni la schlague
ni l’assistanat, préférez
la Commune
à Versailles
et la chouannerie
à la République.
Quelle est
votre droite ?
L’orléaniste ?
Vous me permet-
trez quand même
de sourire à votre
début de phrase.
Ce « mais ». De
droite, « mais vous
aimez les libertés ».
Cela en dit long sur
la captation de la
droite française
par la secte sécuri-
taire, vous ne trou-
vez pas ? N’est-ce
pas la Chambre issue
des élections de 1936
qui a voté les pleins
pouvoirs au maréchal
Pétain, et un militaire de
droite qui a rétabli les li-
bertés ? Qui a donné le
droit de vote aux femmes, ce que le Front populaire
n’avait pas fait ? Et qui, entre la fin du XVIIIe et le dé-
but du XIXe, a le mieux défendu les libertés, Robes-
pierre ou Chateaubriand ? Mais cette dégradation des
mœurs n’est pas limitée à la droite politique. Comme
nous avons une droite de commissariat de police,
nous avons une gauche de bureau de censure. La vie
sociale selon une large part de notre classe politique,
c’est la trique ou les ciseaux.
Par ailleurs, nous sommes quand même un drôle de
pays, où l’on classe les écrivains selon leur couleur
supposée. Cela a probablement à voir avec ce rôle de
prophète de l’écrivain né avec les Lumières et qu’ont
prolongé au XIXe la figure d’Hugo, au XXe celle de
Sartre. J’ai du mal à m’y faire, parce que mes opi-
nions politiques, d’ailleurs changeantes, n’ont pas
plus de valeur que celles de n’importe qui. Les jour-
naux ouvrent toujours leurs colonnes à des auteurs
qui s’autorisent de leurs fictions pour vanter les
charmes des fictions politiques, de droite et de gau-
che. Mais ces fictions-là sont bien plus dangereuses.
Il suffit pour s’en apercevoir de se souvenir qu’au
XXe siècle la grande majorité des écrivains français
ont vanté les charmes des régimes les plus abjects ou
s’en sont accommodés, à ces quelques rares excep-
tions que furent Mauriac, Camus ou Paulhan.
Sur le fond, s’il faut en parler, deux courants coexis-
tent en moi. Le premier me fait aimer en raison les
régimes civilisés, qui ne débouchent pas par nature
sur l’émeute et la guerre civile, c’est-à-dire le régi-
me représentatif, où la fiction du peuple n’est pas
convoquée tous les matins pour justifier les délires
ou la soif de gouverner enfin les autres qu’ont les
théoriciens. Le second me fait, et c’est sûrement un
défaut, aimer les échappées belles hors de cette rai-
son politique, la Commune ou la chouannerie, parce
qu’elles portent témoignage d’une nature humaine
qui ne se réduit jamais
aux contraintes de
l’organisation sociale.
Un pays si divisé sur
ses principes n’a plus
d’autre solution, pour
assurer la paix civile,
que de substituer la
religion du texte à la
»
morale commune
« Peut-être suis-je né avant la Révolution
française », dites-vous, récusant la vieille division
qui partage notre pays entre le camp de l’avenir et
celui du passé… Qu’est-ce qui vous gêne dans cette
opposition ? Qu’aimez-vous dans notre époque ?
Je suis resté un adepte de Pascal. Je préfère les régi-
mes qui garantissent la paix civile, et l’incorpora-
tion régulière des bienfaits du passé. Mais je ne me
fais aucune illusion sur les injustices de l’ordre. Je ne
suis pas prêt à confondre les grandeurs naturelles et
les grandeurs d’établissement, ce à quoi la démo-
cratie de masse, médiatisée, nous incite, puisqu’il
faut bien imaginer toutes les vertus aux gouver-
nants ou aux théories qui les animent pour leur re-
mettre entièrement notre destin collectif. La divi-
sion entre droite et gauche, c’est la tragédie d’un
souverain, la nation, de fondation divisé contre lui-
même, et qui ne peut voir de salut que dans les uto-
pies du progrès et les utopies de la réaction. J’aime
et je n’aime pas des pans entiers de ce passé auquel
on ne peut rien changer, de cet avenir qu’on ne peut
voir, de ce présent qui nous déroute. Mais j’aime vi-
vre de cette inquiétude. On peut voir notre temps
avec les yeux d’Apollinaire, je crois, qui a aimé à la
fois le cubisme et le drapeau, le féminisme et l’in-
fanterie.
«Je resterai un homme des années 1840. »
Si vous deviez remonter le temps, ce serait
pour vivre sous la monarchie de Juillet ?
C’est une boutade. Je suis sûr que la monarchie de
Juillet m’aurait beaucoup agacé. Mettons que
j’éprouve parfois la nostalgie d’un temps où l’on
pouvait avoir à la fois de bonnes manières et des opi-
nions extrêmes. Plus sérieusement, j’aime l’espèce
d’innocence de ces époques où la civilisation euro-
péenne ne s’était pas encore détruite, malgré la
grande convulsion de la Révolution française, dé-
truite dans les deux guerres mondiales et la Shoah.
Vous consacrez des pages savoureuses au Journal
officiel… D’où vient selon vous ce culte de
l’administration terriblement français ? Peut-on en
sortir ou faut-il se résoudre à ce tropisme national ?
D’abord, je l’apprécie de manière esthétique. Les
Français ont depuis la fin de l’Ancien Régime remis
leur sort a l’État, non à l’idée du citoyen. Et comme
nous sommes, disait Tocqueville, un peuple de poli-
tique littéraire, l’État semble avoir pris à tâche,
comme un monstrueux écrivain collectif, un OuLi-
Po bureaucratique, de décrire avec ses mots le ro-
man du réel. Quand je suis entré au Conseil d’État, il
y a longtemps, un vieux sage nous avait dit : « Sou-
venez-vous que le Journal officiel n’est pas fait pour
ceux qui vont l’appliquer, mais pour ceux qui vont y
croire. » Tout est là.
À quoi croyons-nous collectivement ? Que l’admi-
nistration n’est pas là pour améliorer la condition
commune, mais son propre fonctionnement. Là est
la vraie priorité, y compris dans les textes de « sim-
plification » qui se succèdent et dégagent un formi-
dable effet comique. Que « l’inscription dans la loi,
ou la Constitution », ou d’ailleurs la mise à l’écart de
la Constitution, ce qui est la même chose, dispen-
sent d’une réflexion politique sur l’action pratique à
conduire. Je pense parfois que les raisons en sont
très profondes, et qu’un pays si divisé sur ses prin-
cipes n’a plus d’autre solution, pour assurer la paix
civile, que de substituer la religion du texte à la mo-
rale commune. Je ne pense pas qu’il faille s’y résou-
dre. Mais, si l’on en juge par notre histoire, il nous
faudra un désastre pour changer. Et nous n’avons
encore rien vu.
Votre amour de l’Angleterre traverse aussi ce livre.
Qu’est-ce que vous aimez chez les Anglais que vous
ne retrouvez pas chez vos compatriotes ?
Au fond, peut-être, un influx moral qui ne doit rien
aux illusions prophétiques de la politique. C’est vrai
de Dickens, de Daniel Defoe, ou même, dans un re-
gistre différent, de Waugh ou de Kipling. Dans un
très beau texte, Les Porteurs de lanternes, Stevenson
évoque cette tension vers le bien qui fonde toute
vraie littérature. On se souvient de la première mé-
ditation de Robinson, qui se demande quelles parts
respectives ont pris à son désastre la providence di-
vine et ses propres erreurs. Et rien de tout cela ne
débouche sur des livres pieux. Puis, j’aime aussi
l’humour, les coqs à l’âne, les rapprochements sur-
prenants, une certaine méfiance surjouée a l’égard
de l’intelligence.
« Nous avons espéré en lui » : vous évoquez
la déception de Victor Hugo vis-à-vis de Louis
Napoléon Bonaparte. Vous aussi, avez-vous été déçu
par les hommes politiques ?
Il faut pour vous répondre que je dise un mot sur
mon rapport à la politique. Il relève de cette « ten-
sion vers le bien » dont je parlais. Elle ne s’arrête pas,
elle ne peut pas s’arrêter aux frontières de la littéra-
ture. Je n’aime pas la « littérature engagée », bien
sûr. Mais je n’ai jamais pu me résoudre à considérer
notre destinée commune comme un domaine
étranger, et notamment parce qu’une large part de
ce que j’ai écrit avait trait au désarroi de l’homme
exposé aux caprices du hasard, qui prennent si sou-
vent une forme politique. Mais pour s’avouer déçu
par tel ou tel, il faudrait être bien arrogant, ou
chimérique. En vérité je n’en ai jamais attendu
grand-chose, sauf de nous éviter ce que je croyais
être le pire, élection après élection. Quand on pense
à la politique, il y a deux tempéraments. Celui de
ceux qui se croient voués au bien commun, capables
de décider et d’agir. Et ceux qui ne s’en jugent pas
capables, ou ne s’y croient pas autorisés, et qui
pourtant parfois se pensent fondés à tirer la manche
des gouvernants, en leur disant : « Vous êtes sûrs ? Y
avez-vous bien réfléchi ? » Je crains d’appartenir à
cette dernière catégorie.
Babar, Maurice Leblanc, Hergé, L’Île au trésor
traversent vos livres. Est-on déterminé
par ses lectures d’enfant ?
Je l’ai sûrement été. Depuis avant Lupin, d’ailleurs,
par Oui-Oui et par le Club des cinq. Et à présent que
j’ai vieilli sans vieillir, je ne vous dirai pas, pour ne
pas me compromettre, quelles œuvres considéra-
bles s’effacent pour moi devant Les Trois Mousque-
taires, Tous n’étaient pas des anges de Kessel ou la
dernière aventure de Sherlock Holmes, Son dernier
coup d’archet.
Votre livre s’achève dans le silence de la chartreuse.
« C’est dans l’invisible que ce que nous cherchions
en partant s’accomplit », écrivez-vous. Vous dites
aussi qu’il y a plus de vérité chez Proust et Barrès,
qui n’y croyaient pas, que chez Huysmans
le converti. Et vous, y croyez-vous ?
J’y crois tant que la grâce m’est donnée d’y croire.
Mais ça ne m’empêche pas de préférer les recher-
ches de ceux qui n’y croient pas, ou qui doutent, aux
certitudes, soit drolatiques soit blasphématoires, de
tous ces ventriloques religieux qui prétendent par-
ler à la place de Dieu. Ce que j’aime dans les monas-
tères, c’est qu’on n’y entend pas ces voix-là, puis-
que l’aventure consiste là-bas à se tenir immobile et
attentif à ce silence si particulier, et plus prenant
que nos bavardages, qui est le silence de Dieu. ■
■ s’en aller
François Sureau,
Gallimard,
285 p., 21 €.

Sortir la France de l’impasse
chronique
Nicolas Baverez
Quel électeur de droite êtes-vous ?
fabien clairefond
samuel fitoussi
Chaque semaine, pour « Le Figaro »,
notre chroniqueur pose son regard
ironique sur l’actualité. Aujourd’hui,
il invite les électeurs de droite
à un exercice d’autodérision
avec une succession de portraits
de ceux qui votent pour un parti situé
entre Renaissance et Reconquête.
Dassault Médias
(actionnaire à plus de 95 %)
23-25, rue de Provence
75009 Paris
Président-directeur général
Charles Edelstenne
Administrateurs
Thierry Dassault,
Olivier Costa de Beauregard,
Benoît Habert,
Rudi Roussillon
SOCIÉTÉ DU FIGARO SAS
(société éditrice)
23-25, rue de Provence
75009 Paris
Président
Charles Edelstenne
Directeur général,
directeur de la publication
Marc Feuillée
Champs libres
O p i n i o n s
rès de deux ans après la réélection
P
d’Emmanuel Macron, son second
quinquennat se trouve à un tournant.
La France part désormais en chute li-
bre. Au terme de quatre décennies de
démagogie qui ont culminé avec le
slogan « Quoi qu’il en coûte », elle est télescopée
par la sortie de contrôle de ses finances publi-
ques, par l’effondrement de la sécurité illustrée
par l’ultraviolence d’une partie de la jeunesse,
par le triomphe annoncé du Rassemblement na-
tional lors des élections européennes qui préfigu-
re son arrivée au pouvoir, par le retour de la
guerre et de la menace terroriste.
Sous les discours martiaux d’Emmanuel Ma-
cron exaltant sa grandeur, pointe la réalité
d’une France enfermée dans une impasse. Im-
passe économique, avec la mise en place d’une
spirale décroissante alimentée par la baisse des
gains de productivité de 6 % depuis 2019, la re-
montée du chômage au-delà de 8 % de la popu-
lation active, le déficit commercial de 100 mil-
liards d’euros, le déficit public de 5,5 % du PIB.
Impasse financière avec une dette de 3 100 mil-
liards d’euros qui devient insoutenable dès lors
que la croissance nominale (2,8 %) est inférieure
aux taux d’intérêt (3 %) et que sa charge explo-
se, passant de 40 milliards d’euros en 2021 à
84 milliards en 2027.
Impasse sociale avec la propagation d’une dy-
namique de peur, de haine et de violence, qui se
traduit par l’éclatement de la nation et du terri-
toire ainsi que par la multiplication des révoltes,
des gilets jaunes aux agriculteurs en passant par
les manifestations contre la réforme des retraites
ou les émeutes urbaines. Impasse politique ca-
ractérisée par un président en apesanteur, un
État impuissant qui n’est plus capable d’assurer
les services de base alors qu’il accapare 58 % du
PIB, une montée irrésistible des populismes face
à des élites coupées du peuple. Impasse diploma-
tique et stratégique avec la perte d’influence de
la France consécutive à la fonte de sa puissance
et à la perte de son indépendance, du fait de son
effondrement économique et financier, comme
du caractère erratique de sa politique extérieure
qui accumule les échecs en Europe, au Moyen-
Orient et en Afrique.
e macroniste. Après avoir voté à droite
L
toute votre vie, vous êtes désormais
fidèle à la majorité présidentielle, tout
en tenant, en privé, un discours qui fe-
rait passer Zemmour pour un enfant de
chœur. Pourquoi cette dissonance ?
D’abord et surtout parce que vous trouvez Emma-
nuel Macron sympathique. Ensuite parce que vous
ne faites pas la différence entre les discours et les
actes. Par exemple, quand Gabriel Attal annonce
que, « la culture de l’excuse, c’est fini », vous croyez
naïvement que, la culture de l’excuse, c’est fini. En
réalité, un Grenelle de la culture de l’excuse verra
le jour en 2032, ses conclusions seront rendues pu-
bliques en 2035 ; 100 citoyens seront ensuite tirés
au sort pour les examiner pendant dix ans ; enfin,
Pap Ndiaye et Nicole Belloubet, nommés à l’Éduca-
tion nationale et à la Justice, enterreront le rapport.
La jeune identitaire. Obsédée par les faits divers
sordides, vous souffrez de démo-anxiété, c’est-à-
dire d’une angoisse liée au changement démogra-
phique (vous vous battez pour libérer la parole des
victimes de cette maladie, injustement invisibilisée
par les démographo-sceptiques). Vous êtes tiraillée
entre votre désir d’avoir 13 enfants pour repeupler
la France et la crainte que vos enfants soient agres-
sés par des clandestins.
Le boomer libéral-conservateur. Votre grande
blague : « Je ne voterai jamais pour Marine Le Pen,
car je n’ai jamais voté à gauche. » En ce moment,
vous passez beaucoup de temps avec votre petit-
fils, 4 ans. Il vient d’être puni à l’école pour avoir
dit : « Les fonctionnaires sont des gros fainéants
trop payés. »
La fidèle de CNews. Désormais retraitée, vous
avez eu, au cours de votre vie, deux héros : Nicolas
Sarkozy (que vous continuez à suivre à travers la
France à chacune de ses séances de dédicace) et
Pascal Praud. Vous n’hésitez pas à discuter avec
vos amies de vos inquiétudes (« Christine Kelly
avait l’air un peu fatiguée ce soir, tu penses qu’elle va
bien ? »), de vos hypothèses (« Il se passe quelque
Directeur des rédactions Anne Huet-Wuillème (Édition,
Alexis Brézet Photo, Révision, DA),
Directeur délégué de la rédaction
Jacques-Olivier Martin (directeur
Vincent Trémolet de Villers de la rédaction du Figaro.fr),
Étienne de Montety (Figaro
Directeurs adjoints de la rédaction Littéraire), Bertrand de Saint-
Gaëtan de Capèle (Économie), Vincent (Culture, Télévision),
Laurence de Charette Yves Thréard (Enquêtes,
(pôle audiovisuel), Anne-Sophie Opérations spéciales, Sports,
von Claer (Style, Art de vivre, F),
Sciences).
Philippe Gélie (International),
Or cet effondrement intervient dans un mo-
ment d’accélération de l’histoire, qui met la li-
berté politique en très grand danger. La France
n’a jamais été aussi exposée et vulnérable depuis
les années 1930, prise en tenailles entre sa dé-
composition intérieure et la montée des tensions
internationales.
La Ve République, qui avait été créée pour
affronter les chocs de l’histoire, se révèle aussi
impuissante que la IVe République face à la guerre
d’Algérie. Elle a été corrompue par
l’hypercentralisme et par un État obèse autant
qu’inefficace. Comme en 1940, la France n’a pas
plus de chef que d’État. Privé de vision, de projet,
de majorité et d’électeurs, Emmanuel Macron a
perdu sa légitimité et son crédit. Faute de dispo-
ser et de pouvoir appliquer la moindre solution à
« La Ve République, qui avait été
créée pour affronter les chocs
de l'histoire, se révèle aussi
impuissante que la IVe République
face à la guerre d'Algérie.
Elle a été corrompue par
l'hyper-centralisme et par un
État obèse autant qu'inefficace.
Comme en 1940, la France n'a pas
plus de chef que d'État »
la crise existentielle de la France, il cultive le déni
- avec pour dernier avatar, face à la débâcle fi-
nancière, la déclaration surréaliste selon laquelle
« nous n’avons pas un problème de dépenses ex-
cessives mais de moindres recettes » - et multi-
plie célébrations et commémorations. La parole
se substitue à l’action. Le passé dissout le présent.
La mémoire cannibalise la politique.
Emmanuel Macron se trouve désormais à
l’heure des choix. Par sa faute, la nomination de
Gabriel Attal comme premier ministre a fait long
feu. La France ne passera pas trois années sup-
plémentaires de descente aux enfers sans secous-
ses majeures. Soit il persiste dans les errements
d’un quinquennat illisible et il sera rattrapé par
les chocs financiers, politiques et stratégiques.
chose entre Georges Fenech et Élisabeth Lévy ») ou
de vos idées pour le pays (« Emmanuel Macron doit
nommer Goldnadel ministre de la Justice, c’est le seul
espoir face aux islamo-wokistes »).
Son mari. Pendant que votre femme regarde la
télé, vous, vous ne chômez pas. Vous êtes en effet
délégué Reconquête dans votre municipalité
(12 habitants) et endossez vos responsabilités sur
les réseaux sociaux, notamment sur Facebook et
LinkedIn, où vous alertez sur le « fascisme des an-
tifascistes » et apostrophez les grands décideurs de
notre monde (en rappelant votre fonction : « Ad-
hérent Reconquête Vaucluse 84 »).
L’intellectuel de centre gauche. Vous croyez de
moins en moins à la « tenaille identitaire », mais
continuez à faire semblant : vous écrivez pour le
magazine Franc-Tireur, ne prononcez jamais
« identitaire » sans ajouter « de tous bords », et
veillez à critiquer l’extrême droite au moins aussi
souvent que l’extrême gauche. (Vous oubliez
l’avertissement de Jean-François Revel : « L’im-
partialité arithmétique mène souvent à la partialité
morale »). Depuis le 7 octobre, vous avez basculé :
aux élections européennes, vous glisserez (dis-
crètement) un bulletin LR dans l’urne et en 2027,
entre LFI et le RN, vous n’hésiterez pas. Au fond,
vous avez un rêve, qui vous permettrait de ré-
concilier votre identité sociale et vos idées : le
programme d’Éric Zemmour, porté par Bernard
Cazeneuve.
Le complotiste. Vous avez mis au jour la vérité :
la guerre en Ukraine, financée par Pfizer, a permis
d’invisibiliser la campagne de Florian Philippot
pour favoriser Emmanuel Macron et permettre à
McKinsey d’aider Bill Gates à nous injecter des
implants cérébraux. Vous êtes nationaliste : la
souveraineté française est gravement menacée
par un drapeau européen sur l’Arc de triomphe ; la
souveraineté ukrainienne ne l’est pas par des
bombardements sur Kiev. Vous ne savez pas en-
core pour qui voter aux européennes : vous atten-
dez la consigne de Didier Raoult.
Directeur artistique FIGAROMEDIAS
Pierre Bayle 23-25, rue de Provence, 75009 Paris
Rédacteur en chef Tél. : 01 56 52 20 00
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direction.redaction@lefigaro.fr
le figaro lundi 22 avril 2024 17
Les réformes finiront par se faire mais seront im-
posées par nos partenaires et les marchés, au prix
de violences et de traumatismes considérables. Il
restera alors dans l’histoire le président qui a ac-
cumulé plus de 1 000 milliards d’euros de dettes,
aliéné la souveraineté de la France et fait le lit de
l’extrême droite. Soit il assume ses responsabili-
tés de garant ultime de la nation et il remplit le
mandat de modernisation du pays que lui ont
donné les Français en 2017, en bouleversant la
donne pour répondre aux menaces existentielles
qui pèsent sur la France.
Et ce autour de quatre changements radicaux.
Changement d’état d’esprit : rompre avec l’ins-
titutionnalisation du mensonge pour affronter
la réalité et s’adapter à la nouvelle ère caracté-
risée par l’éclatement de la mondialisation, la
menace des empires autoritaires et des djiha-
distes, la libération de la violence. Changement
de mode de gouvernement : renoncer à l’exer-
cice solitaire, centralisé et technocratique du
pouvoir pour former un gouvernement fort de
salut national disposant d’une majorité parle-
mentaire stable - dès lors qu’une démocratie ne
peut gérer les crises sans ses citoyens et leurs
représentants. Changement de méthode :
concentrer l’action publique sur quelques prio-
rités : la production, le travail et l’innovation ;
l’éducation et la connaissance ; la sécurité inté-
rieure et extérieure ; le rétablissement des fi-
nances publiques et la réforme de l’État. Chan-
gement de philosophie : libérer la société et
faire confiance aux Français.
La reconstruction de 1945 comme le redresse-
ment rapide de l’Allemagne ou des pays d’Euro-
pe du Nord au début du XXIe siècle, de l’Irlande,
de la Grèce ou du Portugal récemment, mon-
trent qu’il est possible de relever un grand pays
développé en une décennie. Et la France conti-
nue à disposer de formidables atouts : capital
humain, épargne, énergie décarbonée, infras-
tructures, pôles d’excellence, dissuasion nu-
cléaire et armée disposant de l’expérience du
combat, culture, civilisation et langue. Mais le
temps est désormais compté. Emmanuel Macron
doit trancher le nœud gordien en engageant le
pari d’un nouveau modèle français. Et il peut
moins que jamais le faire seul. ■
Le chrétien conservateur. La période la plus heu-
reuse de votre vie ? 2013-2017. Tout a commencé à la
Manif pour tous, magnifique sursaut du peuple face à
la décadence progressiste. Quatre ans plus tard,
l’apothéose : la campagne présidentielle de François
Fillon, en 2017, avec en point d’orgue, le sublime
rassemblement au Trocadéro sous la pluie. La nos-
talgie de cet après-midi divin vous habitera à jamais.
Aujourd’hui, vous expliquez que, pour combattre le
wokisme, il ne suffit pas de déconstruire la décons-
truction ; pour vaincre l’islamisme, il ne suffit pas
d’invoquer la laïcité ; pour surmonter le nihilisme, il
ne suffit pas de relancer la croissance. Nous devons
fédérer par un récit commun qui ne peut se réduire
aux « valeurs de la République ». Ce que vous voulez
dire : nous devons rechristianiser le pays.
Le fanatique anti-LR. Tiraillé entre Reconquête
et le RN, vous vouerez à jamais une haine sans bor-
nes à tout candidat qui portera l’étiquette LR. La
raison ? Sarkozy, il y a seize ans, vous a déçu. ■
LES RENCONTRES
DU Figaro
Général François Lecointre
Le 13 mai
à 20 h, S

 Gaveau.
Tarif : 25 €.
Placement libre
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rencontres.
Informations :
01 70 37 18 18
Impression L’Imprimerie, 79, rue de Roissy FR
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et vous 10 pages
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Origine du papier : Allemagne. Taux de fibres recyclées : 100%.
Ce journal est imprimé sur un papier UPM porteur de l’Ecolabel européen
sous le numéro FI/011/001. Eutrophisation : Ptot 0.002 kg/tonne de papier.
 18 lundi 22 avril 2024 le figaro

R e n c o n t r e

Stéphane Faure : « Avec mon livre, j’ai voulu montrer

une Europe à hauteur d’homme,
une Europe de terrain et de rêves »,

« Le cœur
souligne Stéphane Faure.

des Européens bat

les libertés fondamentales, d’expres-
sion, de la presse, ou dans les universi-
tés, est aux marges de la famille euro-

plus fort à l’Est à

péenne. Ils ont le sentiment que Viktor
Orban, qui est au pouvoir depuis qua-
torze ans, les a ostracisés contre leur
gré. Sans compter la dégradation de la

la lueur de Kiev »
situation économique. Aussi quittent-
ils leur pays pour trouver de meilleures
opportunités en Autriche ou en Alle-
magne. Ils veulent du changement et
réintégrer la pleine famille européenne.

En 2023, le journaliste a sillonné à vélo Comment la France est-elle perçue ?

l’Europe, de l’Ukraine à l’Écosse. De manière ambivalente. La France
reste une référence. J’ai souvent en-
Avec cette question en tête : à quoi un jeune tendu notre devise républicaine - li-
berté, égalité, fraternité – résonner.
de ce continent peut-il encore rêver quand Mais nous sommes perçus comme ar-

la guerre fait rage et que le climat vacille ? rogants. Au printemps 2023, beaucoup
de jeunes à l’Est, à commencer par les
Ukrainiens, disaient : cela fait des an-
nées que l’on vous prévient de la me-
STÉPHANE FAURE. - Le 24 février nace russe mais Emmanuel Macron n’a
Par 2022 au matin, j’ai vu, comme tous les pas voulu nous entendre et a préféré
Marie-Laetitia Européens, surgir sur les images de ces « jouer perso » en cherchant les bon-
Bonavita colonnes de chars, de ces nuées d’héli- nes grâces de Poutine. Ils étaient très
coptères russes partir à l’assaut de déçus car ils gardaient l’image d’un

À
l’Ukraine, un pays libre et démocrati- président qui avait su, après la déci-
quelques mois des que et qui entend le rester. J’ai ressenti sion de Donald Trump en 2017 de sortir
élections européen- un immense choc, comme un senti- des États-Unis de l’accord de Paris sur

Jean-François Paga / Grasset

nes, que représente
l’alliance des États
membres dans la vie
quotidienne et l’ima-
ginaire de la jeune génération ? Sté-
phane Faure, 34 ans, ancien de NBC
News et d’al-Jazeera English, est allé
à vélo prendre son pouls à l’heure de
la guerre en Ukraine, du changement
climatique et de la montée des popu-
lismes. Alternant rencontres insoli-
tes, aventures cyclistes et réflexions
politiques, il publie son premier li-
vre, 4 000 km. Périple en vélo à la
rencontre de la jeunesse européenne
(Grasset).
LE FIGARO. - Vous vous définissez
comme un enfant de janvier 1990,
des lendemains du mur de Berlin.
Pourquoi ce voyage ?
VOUS RÉVÈLE LES DESSOUS DE LA CULTURE
ment de bascule dans un monde in-
connu après avoir connu une période
assez bénie de paix. J’ai eu envie de
partir pour aller prendre le pouls de la
jeunesse du continent, de ma généra-
tion qui considérait que l’axiome
« l’Europe, c’est la paix » était un ac-
quis. La question qui m’a guidé tout au
long de mon voyage, de l’Ukraine à
l’Écosse, était : à quoi un jeune Euro-
péen peut-il encore rêver quand la lement un message politique. C’est un
guerre fait de nouveau rage sur le éloge de la lenteur à l’époque où l’in-
continent et que le climat vacille ? jonction est à l’immédiateté. C’est un
plaidoyer pour un mode de transport
Pourquoi ce voyage à vélo ? décarboné, à condition d’en prendre le
Je suis un grand amateur de voyage à temps. Mon rêve a toujours été de tra-
vélo. Entre la route et le bivouac, il verser l’Europe à vélo. J’ai ainsi par-
existe une infinité de moments dans couru 4 000 km pendant les trois mois
l’aventure. C’est le bon tempo pour du printemps 2023. Au départ, je vou-
savourer les paysages, laisser la place lais appeler mon livre « Un printemps
et le temps aux rencontres. Il y a éga- européen », comme métaphore du ré-
L’INSTANT IMPRESSIONNISTE. PARIS 1874.
« Ce qu’ils semblent rechercher avant tout, c’est
l’impression », note, désorienté, en avril 1874, un des
visiteurs de l’exposition des « intransigeants ». Trente
et un artistes y sont réunis, dont le seul point commun
est, d’abord, celui de s’être afranchis des carcans de
l’art oiciel. Parmi eux, Monet, Renoir, Degas, Berthe
Morisot, Pissarro, Sisley, Cézanne… Cent cinquante
ans après la première exposition impressionniste, le
musée d’Orsay réunit, en un saisissant face-à-face,
une large sélection des œuvres qui furent révélées
au public le 15 avril 1874, et des œuvres académiques
exposées quinze jours plus tard au Salon oiciel.
Le Figaro Hors-Série retrace l’histoire de cette aventure
dans laquelle se jetèrent les peintres. Qui furent les
grandes figures impressionnistes ? Quels furent leurs
projets, leur esthétique ? De qui s’inspiraient-ils ? Furent-
ils accueillis ou bannis par la critique ? La peinture
contemporaine est-elle leur héritière ? Tout ce que vous
avez toujours
ujours voulu savoir sur ce courant pictural, cette
cett
rafale de vent nouveau que fut l’« impressionnisme ». » « Si l’Ukraine perd cette guerre, nous
Paris 1874. Impressionnisme, soleil levant, Le Figaro Hors-Série.
le climat, faire son « coup de com »
génial : « Make our Planet Great
Again ». J’imagine que le récent dur-
cissement des propos de Macron à
l’égard de la Russie a rasséréné les jeu-
nes Ukrainiens.
François Hollande, dans son
récent livre Leur Europe, s’adresse
prioritairement aux jeunes
veil politique européen que j’appelle abstentionnistes des scrutins.
de mes vœux. J’ai commencé mon Comment expliquer la faible
voyage par l’Ukraine parce que je mobilisation des jeunes
considère que l’avenir de l’Europe se vis-à-vis de l’Union européenne ?
joue là-bas. Le Brexit, le Covid, la guerre en
Ukraine, le réchauffement climatique
Qu’avez-vous vu en Ukraine ? ou le retour probable de Trump à la
J’ai vu un très beau pays et un peuple Maison-Blanche ont de quoi faire per-
très solidaire. Il y a encore peu de dre espoir aux jeunes. De même, la
temps, les membres de cette société chute de mur de Berlin a engendré
qui avait hérité de l’URSS ne faisaient une perte de culture politique par rap-
pas confiance à leurs voisins, les sus- port à nos aînés. L’incapacité des diri-
pectant d’appartenir au KGB, tout en geants politiques à faire face aux défis
étant confrontés à un assez haut ni- en cours déçoit également. Mais faible
veau de corruption. Si celle-ci existe mobilisation ne veut pas dire désen-
encore, Poutine a paradoxalement, gagement. Partout à l’échelle locale,
avec la guerre, uni les Ukrainiens. les jeunes s’impliquent dans des asso-
Toutes les familles ont un père, un fils, ciations, des ONG… Tout l’enjeu est de
une fille, un frère, une sœur… au front convertir cet engagement citoyen en
et ne vont pas se hasarder à affaiblir le vote. La guerre en Ukraine a réveillé le
pays par les combines d’hier. J’ai sur- sentiment européen et les jeunes ont
tout vu un peuple courageux et fier qui
sait pourquoi et contre quoi il se bat.
Là-bas, leurs idéaux sont les nôtres,
« La guerre en Ukraine
c’est-à-dire la démocratie, la liberté,
a réveillé le sentiment
l’égalité. Oui, tous les jeunes, sans ex- européen et les jeunes
ception, à qui j’ai parlé rêvent de re- ont bien conscience
joindre l’Union européenne. Le rêve que l’UE est l’échelon
européen fonctionne à fond. Les jeunes
sont prêts au sacrifice pour vivre loin pertinent pour répondre
de la dictature poutinienne et défendre aux menaces actuelles »
la civilisation politique européenne.
bien conscience que l’UE est l’échelon
Les jeunes des pays de l’Est, derniers pertinent pour répondre aux menaces
pays entrants dans l’UE, ont-ils actuelles. Regardez les élections d’oc-
une perception de l’Europe différente tobre dernier en Pologne : il y a eu un
de celles de leurs contemporains énorme sursaut de mobilisation des
italiens, allemands ou français ? jeunes - 70 % contre 46 % en 2019 -
Bien sûr. Mon livre se termine sur ce qui a mis en difficulté le parti conser-
constat : le cœur des Européens bat vateur Droit et Justice (PiS) au profit
plus fort à l’Est, à la lueur de Kiev. En d’une coalition proeuropéenne. En
Europe centrale et orientale, la mé- France, il y a un véritable manque de
moire des traumatismes subis sous la communication sur l’Europe. Les res-
domination soviétique est conscien- ponsables politiques et les médias doi-
cieusement transmise par les parents vent cesser de la considérer comme
aux jeunes. Pour eux, la sécurité n’est un punching-ball commode. Avec
pas un vain mot. Beaucoup m’ont dit : mon livre, j’ai voulu montrer une Eu-
rope à hauteur d’homme, une Europe
serons les prochains. » À l’Ouest, trop de terrain et de rêves. C’est comme
accoutumé aux dividendes de la paix, cela que l’on peut intéresser les jeunes
il existe une forme de passivité. Ce à l’Europe.
n’est pas que les jeunes aiment moins
l’Europe, mais ils ont une vision plus Que peuvent faire les jeunes
utilitaire de l’Europe, comme la possi- pour l’Europe ?
bilité de voyager sans passeport, la J’ai envie de retourner la question :
monnaie unique, bref les réalisations qu’est-ce que l’Europe peut faire pour
concrètes du fondateur Jean Monnet. Il les jeunes ? La chance de l’Europe,
n’empêche qu’entre le choc du 24 fé- c’est son cosmopolitisme. Chaque jeu-
vrier 2022, les conséquences désas- ne devrait avoir la possibilité financiè-
treuses du Brexit, la crise du climat, le re de pouvoir partir en Erasmus dès le
déséquilibre des affaires du monde en- collège ou le lycée pour découvrir un
tre les grands États - Chine, Russie, nouveau pays, tisser des liens avec ses
États-Unis -, la psyché collective cousins européens. À 18 ans, chaque
européenne est en train de changer. À jeune devrait bénéficier d’un passe in-
l’Est comme à l’Ouest, les jeunes terrail. Il faut renforcer encore l’ap-

14,90
constatent que l’union fait la force. prentissage des langues étrangères.
€ 164 pages,
ge actuellement
ct le disponible Beaucoup de jeunes croisés au cours de
otre marchand de journaux et sur www.figarostore.fr/hors-serie
chez votre g ostore Qu’en est-il pour les jeunes Hongrois mon voyage m’ont dit : « C’est en
dont le premier ministre, Viktor voyageant sur un autre continent que
Retrouvez Le Figaro Hors-Série sur Twitter
te et Facebook
ac Orban, critique l’Europe à l’envi ? j’ai commencé à me ressentir euro-
A

Ils perçoivent que la Hongrie, dite « il- péen. » L’Europe, il faut la vivre pour
libérale » en raison des restrictions sur l’aimer. ■
 lundi 22 avril 2024 LE FIGARO - N° 24 778 - Cahier N° 2 - Ne peut être vendu séparément - www.lefigaro.fr

Immobilier
économie JO 2024
La déconfiture les prestataires numériques
des constructeurs au défi des cyberattaques,
de maisons Page 22 surcharges et autres bugs Page 26

> FOCUS
Françoise Bro/stock.adobe.com ; CHARLY TRIBALLEAU/AFP ; Traveller70/Shutterstock ; kovop58/stock.adobe.com

Menace d’un
« jeudi noir »
dans les
aéroports
Le principal syndicat de contrôleurs
aériens, le SNCTA, a déposé un
préavis de grève pour ce jeudi
25 avril afin de dénoncer une nou-
velle version, selon lui « inaccepta-
ble », d’un protocole en cours de né-
gociation visant à restructurer les
services de navigation aérienne.
L’organisation, qui représente 60 %
des voix chez les contrôleurs, évo-
que sans plus de précision une

Pic historique
« volte-face » mettant « directement
en cause la sincérité des négocia-
tions et les compromis trouvés jus-
que-là ». Dans un communiqué, elle
indique avoir refusé de participer à

pour les dépenses

une réunion convoquée « en urgen-
ce » par la DGAC le 10 avril.
Un autre syndicat, l’Unsa-Utcac, a lui
aussi annoncé refuser de participer

militaires mondiales
à cette réunion et a également dé-
posé un préavis de grève pour le
25 avril, exigeant le lancement im-
médiat d’une réelle concertation. Le
25 avril, la mobilisation s’enclenche
avec un premier préavis. Elle se
poursuivra avec un second, à la hau-
Guerre en Ukraine, fronts multiples… Près de 2 500 milliards de dollars ont été consacrés teur des enjeux, du 1er au 30 juin »,
à la défense. États-Unis, Chine et Russie affichent les plus gros budgets. Page 20 met en garde l’Unsa-Utcac.
De son côté, la DGAC précise qu’elle
« n’a pas de chiffres à transmettre
sur le taux de mobilisation ». Les

La menace américaine d’interdiction de TikTok se précise
La Chambre américaine des re-
présentants a adopté ce week-end
un texte menaçant d’interdire
TikTok aux pays de l’Oncle Sam.
L’application vidéo d’origine
chinoise est accusée par des res-
ponsables américains de permet-
tre à Pékin d’espionner et de ma-
nipuler ses 170 millions
d’utilisateurs aux États-Unis. Si le
service vidéo ne coupe pas ses
liens avec sa maison mère Byte-
Dance, et plus largement avec la
Chine, il pourrait se voir refuser
l’accès au marché américain.
Adopté par 360 voix contre 58,
avec des votes démocrates et ré-
publicains, ce texte doit encore
être validé par le Sénat, qui de-
vrait se prononcer la semaine
prochaine. S’il entrait en vigueur,
le texte obligerait ByteDance à
vendre l’application dans un délai
de douze mois. À défaut, elle se-
rait exclue des boutiques d’appli-
cations d’Apple et de Google sur le
territoire américain.
Des responsables de TikTok ont
vivement réagi, estimant que cet-
te interdiction « violerait la liberté
d’expression ». Un porte-parole
ajoute dans un communiqué que
ce projet de loi « ravagerait 7 mil-
lions d’entreprises et fermerait une
plateforme qui contribue pour
24 milliards de dollars par an à
l’économie américaine ». Une telle
loi pourrait toutefois susciter des
contestations devant la justice.
Invoquant également « la liberté
d’expression », Elon Musk, le pro-
priétaire de X, s’est déjà prononcé
contre l’interdiction de TikTok
aux États-Unis. corinne caillaud
grévistes ont, en effet, jusqu’à mar-
di pour se déclarer. Mais la concilia-
tion est toujours d’actualité, on a
bon espoir qu’une solution soit
trouvée » d’ici jeudi, affirme de son
côté l’administration. La négocia-
tion, entamée il y a quinze mois,
prévoit notamment de refondre le
maillage territorial des services de
navigation aérienne et de réorgani-
ser le travail des contrôleurs pour
faire face à l’augmentation annon-
cée du trafic aérien.
Emma Confrère

le PLUS du
FIGARO éco l'histoire La Grèce renoue avec
22-M, un nouveau média de solutions une notation positive,
décideurs à l’échelle de la Méditerranée la France dans l’attente
François Jacq Alors que la France est mena- nuer à surpasser celle des pairs
(CEA) : « Le mode

M
cée d’une dégradation de sa de la zone euro de la Grèce »,
projet est un arcelle, journal en ligne seront, dans un premier temps, publiés note, vendredi prochain, par détaille l’agence de notation
moteur puissant » consacré « aux actualités en accès libre. « Nous envisageons par la suite l’agence Moody’s, en Grèce, dans un communiqué.
constructives et de solutions », de mettre en place, comme pour Marcelle, les perspectives budgétaires Le ministre grec de l’Écono-
PAGE 24
lance à compter du 22 avril un système d’abonnement par nos lecteurs sont au vert. L’agence de no- mie, Kostis Hatzidakis, a aus-
un nouveau média traitant de mais aussi de parrainage des rubriques tation S&P a signalé ce ven- sitôt réagi, voyant dans l’an-
ces mêmes actualités à l’échelle de 22 pays par des mécènes, ce qui permettra tant dredi qu’elle pourrait relever nonce de l’agence de notation
libres du pourtour méditerranéen. Son nom : 22-M. de financer le média que de rendre l’accès encore la note de la Grèce « une preuve supplémentaire
Échanges « Nous publierons un article par jour traitant gratuit à certains articles », détaille Nathania dans les deux prochaines an- que les efforts de la Grèce por-
Les marchés d’un pays différent à chaque fois. Le premier Cahen. Si 22-M se veut porteur de valeurs nées, après l’avoir sortie en tent leurs fruits ». Et d’ajouter :
reportage, écrit par notre correspondant positives et bienveillantes au travers octobre de la catégorie spé- « Cela nous donne la force de
de l’occasion en Algérie, est consacré à la culture de ces articles, ce jeune média s’efforce culative - qui correspond à poursuivre nos efforts et de pro-
et l’économie de l’arganier », explique Nathania Cahen, d’assurer la tranquillité de ses journalistes un risque élevé pour les in- mouvoir toutes les réformes né-
collaborative, cofondatrice de la société éditrice de de langue arabe qui, dans le contexte vestisseurs - pour la premiè- cessaires. »
Marcelle et de 22-M. de guerre à Gaza, re fois depuis 2010 et la crise Le pays avait été au centre de
des paradis fiscaux Grâce à une ne voient pas de la dette. toutes les inquiétudes pen-
pour tous intelligence leurs articles traduits La perspective de la note de la dant la crise des dettes souve-
par Jean-pierre robin artificielle, les articles en hébreu (l’anglais dette grecque est ainsi rele- raines, au début des années
PAGE 25 seront traduits lui sera préféré) vée, à « positif ». La note elle- 2010. Pour éviter de s’effon-
et publiés - après pour des raisons même est maintenue à BBB-/ drer sous le poids d’une dette
relecture humaine - de sécurité. A-3, dans la catégorie des de quelque 300 milliards
un autre dans les différentes
langues officielles
Une situation
que Nathania Cahen
« investissements adéquats »,
dans laquelle elle se trouve
d’euros, la Grèce avait dû
mettre en place une politique
regard employées et son équipe depuis six mois. « Ces pers- d’austérité pendant plus de
Michelin parie dans les pays espèrent pectives positives reflètent notre huit ans, dans le cadre de trois
sur le social plutôt de Méditerranée. évidemment attente selon laquelle le régime plans de sauvetage interna-
Pour faire connaître temporaire. ■ budgétaire strict continuera de tionaux successifs, d’une va-
que sur le sociétal ce nouveau média, Guillaume stimuler une réduction du taux leur totale de 289 milliards
par Anne de Guigné les articles de 22-M Mollaret d’endettement public, tandis d’euros (306 milliards de
A

PAGE 25 que la croissance devrait conti- dollars). Julie Ruiz Perez

 20 lundi 22 avril 2024 le figaro L’ÉVÉNEMENT

Les guerres propulsent les dépenses

militaires mondiales à leur record historique
Véronique Guillermard

En hausse de 6,8 %, les budgets de défense atteignent près de 2 500 milliards de dollars, selon le rapport du Sipri.

U
n monde qui se réarme
de plus en plus vite. Ja-
Déploiement d’un canon
mais les dépenses mili-
Caesar lors de l’exercice
taires n’avaient autant Orion 23, le 2 mai 2023,
progressé d’une année à Suippes (Marne).
sur l’autre : + 6,8 % en
2023, par rapport à 2022, à 2 443 mil-
liards de dollars. Presque l’équivalent
du PIB annuel de la France ! Cela, alors
que ce budget avait franchi le cap des
2 000 milliards en 2021. « Il s’agit de la
plus forte augmentation depuis 2009 et du
plus haut niveau jamais atteint par les bud-
gets militaires dans le monde », souligne
le Stockholm Institute for Peace (Sipri),
dans son rapport annuel, publié ce lundi.
La défense a représenté 2,3 % du PIB
mondial, l’an dernier. Soit « 306 dollars
par être humain » sur la planète.
Derrière ces statistiques, transparaît
un monde en guerre ou qui s’y prépare.
Le rapport cite bien sûr la guerre actuelle
en Ukraine et l’affrontement entre Israël
et le Hamas au Moyen-Orient depuis le
7 octobre. Mais aussi la montée des ten-
sions en Asie – autour de la question de
Taïwan notamment.
Au total, 55 conflits armés, moins mé-
diatisés mais d’ampleur, se déroulent
dans le monde, selon le Haut-commissa-

Frédéric Pétry/Hans Lucas.

riat aux droits de l’homme des Nations
unies (CDH). « L’humanité a rarement été
confrontée à autant de crises qui s’intensi-
fient », avait déclaré le CDH, en mars
dernier, en citant la
Le Top 4 Corne de l’Afrique,
le Sahel, la Bir-
mondial manie, la Syrie, le
Dépenses Nigeria, le Soudan
militaires 2023, mais aussi la dés-
en milliards
de dollars
tabilisation
Moyen-Orient, les
du partissant entre le Canada et la Turquie.
Onze États membres de l’Otan, soit La hausse spectaculaire de la production
selon le Sipri. attaques houthistes
en mer Rouge, les
incidents répétés
quatre de plus en un an, consacrent dé-
sormais au moins 2 % de leur PIB à la dé-
fense… dix ans après en avoir pris l’en-
d’armement va doper le PIB de la Russie
1. États-Unis
en mer de Chine… gagement. « Un autre objectif – investir
916 Si tous les pays au moins 20 % dans l’équipement des ar- Clara Galtier docteur en sciences politiques et maître Un autre volet de sanctions vise l’in-
(+ 2,3 % en un an) s’arment, les dé- mées – a été atteint par 28 États membres, de conférences à l’Inalco. Cela étant, terdiction de commerce de certains
penses sont forte- contre 7 seulement en 2014 », relève le malgré un PIB qui défie les prédictions produits sensibles ou à usage militaire.

2. Chine ment concentrées
296 au sein d’un petit
(+ 6 %) groupe. En tête, et
de très loin, les
3. Russie États-Unis et la
109 Chine qui ont re-
(+ 24 %) présenté 50 % du
total, avec des bud-
4. Inde gets de, respective-
84 ment, 916 milliards
(+ 4 %) (+ 2,3 % en 2023) et
296 milliards (+ 6 %
en un an, + 60 % sur dix ans). La Chine
représente, à elle seule, la moitié des dé-
penses militaires des régions Asie et
Océanie. Face aux ambitions et reven-
dications chinoises, les pays voisins se
préparent à une éventuelle confron-
tation. Et au premier chef Taïwan, dont
le budget défense a augmenté de 11 % à
16,6 milliards.
Un phénomène de rattrapage
Les dix premiers pays du classement éta-
bli par le Sipri ont dépensé 105 milliards
de plus en 2023, portant le total cumulé à
1 799 milliards. La Russie et l’Ukraine se
sont classées au 3e et au 8e rang, respec-
tivement en 2023. De son côté, l’Ukraine
a augmenté son budget défense de 51 %,
à 64,8 milliards en 2023, ce qui repré-
sente 37 % de son PIB.
Après l’électrochoc provoqué par la
guerre en Ukraine, l’Europe a réagi. Les
pays de l’Est européen, proches de la
frontière russe, ont aussi musclé leur
budget militaire. C’est le cas de la Po-
logne, au 14e rang mondial, dont le bud-
get a crû de 75 % en 2023, à 31,6 mil-
liards. Mais c’est aussi celui des pays
d’Europe de l’Ouest, tels que l’Allema-
gne, au 8e rang mondial, (+ 9 % à
64,8 milliards), passée devant la France,
9e, (+ 6,5 %, à 61,3 milliards). Un phéno-
mène de rattrapage après des années de
sous-investissements depuis la fin de la
rapport.
Dans la poudrière du Moyen-Orient,
Israël a augmenté son budget militaire
de 24 % l’an dernier, devenant, avec
27,5 milliards de dollars, la 2e puissance
de la région en termes de dépenses, loin
toutefois derrière l’Arabie saoudite
(75,8 milliards, + 4,3 %), qui se classe au
5e rang mondial.
L’inflation des dépenses militaires re-
flète aussi la hausse des volumes produits
d’armes conventionnelles, telles que des
pièces d’artilleries (le canon Caesar pro-
duit par Nexter notamment), et des
« consommables » comme les obus et les
drones kamikazes de toute taille, les-
quels sont parfois issus du monde civil
avant d’être militarisés. Mais aussi, les
efforts en R&D pour développer des ar-
mements de nouvelle génération (mis-
siles hypervéloces par exemple), moder-
niser les arsenaux nucléaires (France,
Royaume-Uni, Inde, Pakistan notam-
ment) ou augmenter le nombre d’ogives,
comme en Chine (+20%). Les efforts
portent aussi sur le renforcement des
moyens des nouvelles armées de cyber-
combattants et de l’espace (satellites
d’écoute et d’observation, internet
spatial, etc.), créées à partir de 2019 no-
tamment aux États-Unis, en France et en
Australie. ■
» Lire aussi Page 8
+ leurs familles) », résume Julien Vercueil
E
lle était estimée à seulement les plus pessimistes, l’économie russe
1,2 % en octobre dernier puis est sur un fil. Les perspectives pour
2,6 % en janvier. La prévision 2024-2025 sont moins favorables.
de croissance de la Russie pour En 2022, malgré les sanctions sur le
2024 vient d’être de nouveau révisée à pétrole, qui avaient pour but de réduire
la hausse par le Fonds monétaire inter- les recettes d’exportation de Moscou,
national (FMI) qui anticipe désormais celles-ci avaient atteint des niveaux
un rebond de 3,2 %. Une performance records. Cela grâce à l’explosion des
bien plus optimiste que celle des gran- prix de l’énergie et de la capacité du
des puissances, les États-Unis (2,7 %), le Kremlin à contourner les sanctions qui
Japon (0,9 %) ou encore la France plafonnent toujours le baril russe à
(0,7 %). Avec une croissance déjà vi- 60 dollars. L’Inde et la Chine se sont
goureuse, de 3,6 % en 2023, un rebond largement substituées aux clients euro-
après la récession de 2022, l’économie péens en achetant 80 % à 90 % des ex-
de la Russie résiste malgré la pluie de portations de brut russe. Une manne
sanctions. Cette activité soutenue tient qui a permis d’accumuler un excédent
largement à l’explosion des commandes
d’armement. L’année dernière, ce sec-
teur a connu une croissance entre 30 %
« Certaines banques
et 40 % supérieure à son niveau en 2021, chinoises commencent à
selon l’agence de presse russe Tass. Et considérer que le marché
selon le Sipri (l’Institut de Stockholm russe ne vaut pas la peine
pour la paix, lire ci-dessus), en 2023, les
de prendre le risque de
dépenses militaires de l’État ont aug-
menté de 24 %, pour atteindre 109 mil- tomber sous le coup des
liards de dollars (115 milliards selon sanctions occidentales, en
l’estimation du FMI). En dix ans, elles particulier américaines »
ont bondi de 57 %.
Julien Vercueil
«La mobilisation de l’économie par
docteur en sciences politiques
l’État pour soutenir l’effort de guerre a et maître de conférences à l’Inalco
un effet de stimulation sur l’activité, tant
du côté de l’offre (production industriel-
le, construction) que de la demande (sol- de la balance des paiements « excep-
des et indemnités pour les militaires et tionnel », proche des « 250 milliards de
dollars », analyse Michel Fouquin, éco-
nomiste et conseiller au Cepii. Ce trésor
a limité la récession de 2022 à 1,2 % et
financé la guerre.
Or, en 2023, cet excédent courant
s’est réduit pour atteindre 50 milliards
de dollars, alors que le budget militaire
s’est alourdi, faisant croître le déficit
(autour de 1 % du PIB l’an dernier). Les
sanctions n’ont certes pas fait dérailler
l’économie russe mais l’ont sérieuse-
ment mise en difficulté. Les premières
Ramil Sitdikov/Tass/ABACA
« Il est encore aujourd’hui, de l’aveu
même de la grande majorité des entre-
prises russes interrogées, plus difficile et
plus coûteux pour elles de s’approvision-
ner en composants et machines importés
qu’avant la guerre », affirme Julien
Vercueil. Selon lui, « la guerre et les
sanctions ont coûté à la Russie 5 à 6 % de
son PIB, soit deux ans de croissance éco-
nomique. Et elles continueront de peser à
l’avenir. »
Car l’UE et les États-Unis entendent
contrecarrer les tentatives du
Kremlin de maintenir son économie
de guerre en réorientant ses échanges
commerciaux. Et ciblent désormais
les banques étrangères. Les institu-
tions financières et autres entités juri-
diques domiciliées dans des États tiers
facilitent en effet le contournement
des sanctions occidentales. Ainsi,
trois des plus grandes banques d’État
chinoises ont suspendu certains paie-
ments russes depuis janvier. « Certai-
nes banques chinoises commencent à
considérer que le marché russe ne vaut
pas la peine de prendre le risque de
tomber sous le coup des sanctions occi-
dentales, en particulier américaines »,
commente Julien Vercueil.
Ce ne sont pas les seules à devenir
frileuses. D’après le Washington Post, la
principale banque publique de Dubaï a
fermé certains comptes d’oligarques et
négociants en pétrole russe. Les prê-
teurs turcs se méfieraient aussi de plus
en plus des opérations liées à la Russie.
Les États-Unis ont également mis en
demeure des banques autrichiennes.
Le défi de Poutine est triple. Il lui faut
aujourd’hui à la fois financer la guerre,
maintenir le niveau de vie de la popula-
tion et veiller à la stabilité macroéco-
nomique. Or, contenir l’inflation né-
cessite une réduction des dépenses
publiques. Ce qui semble exclu au re-

guerre froide, au début des années 1990. mesures de rétorsion « ont considéra- gard du budget militaire.
La prise de conscience de la menace blement déstabilisé le système financier Reste que, selon Michel Fouquin et
russe a aussi « réveillé » l’Otan dont les russe, rapporte Julien Vercueil. Les fui- d’autres observateurs, la Russie, « avec
32 pays membres ont représenté, avec tes de capitaux qu’elles ont accélérées toutes les faiblesses qu’on peut lui sup-
1 341 milliards, 55 % des dépenses mili- risquaient de vider en quelques semaines poser, sera capable de survivre. » L’aide
taires mondiales en 2023. Les États-Unis les réserves de la Banque centrale et de occidentale à l’Ukraine, qui vient
supportent 68 % des dépenses de l’Al- provoquer une crise financière majeure ». d’être rallongée avec le vote du
A

liance atlantique, contre 28 % pour les Moscou a colmaté la brèche en impo- Congrès de samedi, sera davantage dé-
États européens. Les 4 % restant se ré- Chars T-90 à l’usine d’assemblage d’Uralvagonzavod à Nizhny Tagil, en Russie. sant un contrôle des changes drastique. cisive dans l’issue du conflit. ■
 22 lundi 22 avril 2024 le figaro Entreprises

La baisse des marges et des volumes plonge

les constructeurs de maisons dans la tourmente
Jorge Carasso

Au premier trimestre, 284 entreprises du secteur ont connu une défaillance. Les signaux sont au rouge.

I
nflation galopante, flambée des Les temps sont durs pour l’immobi- bles pour les acteurs de la construction », En février, les difficultés de CGI Bâti- constructeurs de maisons n’ont pas bé-
taux de crédit, baisse des ven- lier. L’enseigne subit, comme les estime Damien Hereng, président de la ment, un assureur qui garantit les chan- néficié de coup de pouce. CDC Habitat,
tes… La crise violente qui secoue maillons de la chaîne immobilière, l’im- Fédération des constructeurs de mai- tiers de centaines de constructeurs de filiale de la Caisse des dépôts, et Action
l’immobilier depuis des mois pact de la poussée de fièvre des taux de sons individuelles (FFCMI). maisons individuelles, ont semé la pa- Logement - ex-1 % logement - se sont
n’en finit plus de faire des dégâts. crédit immobilier. Ces derniers sont nique. L’assureur a dû être repris par ses engagés à racheter 47 000 appartements
On l’observe dans l’ancien avec passés en deux ans de 1 % à 4 %, désol- Des chantiers arrêtés actionnaires, dont SMA BTP, afin d’évi- en 2023. « Ces rachats représentent près
des fermetures d’agences immobilières vabilisant les acheteurs, en particulier Les difficultés d’AST Groupe ne sont pas ter une catastrophe pour le secteur. Et il d’une demi-année de production pour les
toujours plus nombreuses, et dans le ceux qui achètent pour la première fois le premier signal d’alerte dans le monde y a deux ans, Geoxia, (maisons Phoenix, promoteurs. C’est une aide considéra-
neuf avec les annonces de plans sociaux et qui ont peu d’apport. Or les primo- de la construction de maisons indivi- maisons Castor…), un autre poids lourd, ble », rappelle Damien Hereng. Un sou-
qui se multiplient depuis le début de accédants sont le cœur de cible des duelles. Les drapeaux rouges se sont dont CGI Bâtiment était un des garants, tien public sur lequel les constructeurs
l’année (Vinci, Bouygues Immobilier, constructeurs de maisons. L’effet ne multipliés ces derniers mois. Entre jan- avait été placé en liquidation judiciaire, de maisons ne peuvent pas compter, et
Nexity…). Les constructeurs de maisons s’est pas fait attendre. Les ventes de pa- vier et mars 2024, 284 entreprises spé- laissant à l’époque des milliers de dont l’absence leur laisse, sans doute, un
n’échappent pas à tout ce marasme. villons se sont effondrées : - 45 % en cialisées dans la construction de maisons clients le bec dans l’eau avec des chan- goût amer. ■
AST Groupe (179 millions d’euros de 2023. En outre, les constructeurs ont vu individuelles ont connu une défaillance - tiers arrêtés.
chiffre d’affaires en 2023), qui revendi- leurs coûts de fabrication s’envoler de- procédure de sauvegarde de l’emploi, re- « D’autres défaillances sont sans doute
que une place de deuxième sur le seg- puis la guerre en Ukraine. Les prix des dressement judiciaire ou liquidation ju- à attendre », estime Damien Hereng.
ment en France, a annoncé vendredi matériaux ont augmenté de 25 % en dix- diciaire -, selon Altares, un groupe spé- D’autant qu’à la différence des promo-
19 avril avoir ouvert une procédure de huit mois, selon la FFCMI. « Quand vous cialisé dans les données sur les teurs immobiliers, qui ont pu compter Les ventes de pavillons
sauvegarde accélérée auprès du tribunal cumulez baisse de marge et baisse de vo- entreprises. C’est 33 % de plus qu’au sur l’aide de l’État pour écouler leurs se sont effondrées
de commerce de Lyon. lumes, les conséquences sont épouvanta- cours du premier trimestre 2023. stocks de logements invendus, les de 45 % en 2023.
Cette annonce n’est pas vraiment une
surprise. L’enseigne lyonnaise, qui vend
des pavillons d’entrée de gamme à un pu-
blic principalement de primo-accédants,
avait déjà annoncé début mars un plan de
restructuration avec des suppressions de
poste à la clé, son désengagement de ré-
gions en dehors du Sud-Est - son périmè-
tre historique - ainsi que l’arrêt progressif
de son activité dans la promotion immo-
bilière. Début avril, le groupe a également
fait suspendre sa cotation en Bourse, en
chute libre depuis plusieurs mois. Fin
mars, sa trésorerie s’élevait à 13 millions
d’euros tandis que ses dettes culminaient,
elles, à 25,3 millions d’euros, soit un en-
dettement net de 8,2 millions d’euros, se-
lon le communiqué publié vendredi.
La sauvegarde accélérée vise à geler
temporairement le remboursement de
cette dette - détenue par des banques,
des actionnaires fondateurs et des créan-
ciers publics - pour permettre au groupe
la poursuite de son activité. Les clients et
autres créanciers, tels que les fournis-
seurs et sous-traitants du groupe, ne

Traveller70/Shutterstock
sont pas affectés par la procédure. Ils
« continueront d’être réglés selon les mo-
dalités contractuelles. Les clients retrou-
veront un cours normal de la bonne ter-
minaison de leurs chantiers », fait valoir
AST. La procédure doit aboutir d’ici
quatre mois à un accord avec les créan-
ciers, permettant d’apurer les dettes et
de poursuivre l’activité.

Aux États-Unis, la lutte contre les polluants éternels devient

un levier de croissance prometteur pour le français Veolia
Emmanuel Egloff Envoyé spécial dans le New Jersey

Le groupe veut doubler son chiffre d’affaires outre-Atlantique d’ici 2030, pour le porter à plusde 10 milliards de dollars.

L
e grand réservoir se trouve au
milieu d’un paysage verdoyant.
Depuis New York, à une ving-
taine de kilomètres au sud, il
faut traverser une myriade de petites
maisons, entourées de jardins à l’herbe
rase. Ici, depuis plus de cent cinquante
ans, l’usine attenante au réservoir
d’Oradell - et sur laquelle trône désor-
mais le nom de Veolia - alimente en eau
potable plus d’un million d’habitants de
cette région du New Jersey. Celle-ci est
entrée dans le giron du géant français
début 2022, quand il a pris le contrôle de
son rival hexagonal, Suez. Aujourd’hui,
l’unité de Haworth est devenue la plus
grande usine d’eau potable de Veolia en
Amérique du Nord.
Dans le sous-sol de cette infrastructu-
re entourée de verdure se trouve une
machinerie étonnante faite de plusieurs
séries de tubes remplis de liquide, reliés
par de nombreux tuyaux. Ce véritable
laboratoire utilise l’essentiel du savoir-
faire technique de l’entreprise française
pour extraire les fameux Pfas de l’eau
potable. Ces composants, dont l’acrony-
me signifie le terme technique de « per-
et polyfluoroalkylées », plus connus sous
l’appellation de « polluants éternels ».
« Les États-Unis sont largement en avan-
ce par rapport à l’Europe sur ce sujet des
A
Depuis plusieurs années, Veolia tra-
vaille sur ce dossier, bien conscient du
potentiel de développement qu’il recè-
le. Osmose inverse, échange d’ions,
charbon actif granulaire : de nombreu-
ses technologies sont testées dans le
New Jersey. La semaine dernière,
l’Agence de l’environnement américai-
ne (EPA) a donné raison à ces investis-
sements en publiant une nouvelle ré-
glementation drastique en la matière.
« Pour l’eau potable, la concentration
autorisée sera l’équivalent d’une goutte
dans une piscine olympique », souligne
Karine Rougé.
Aux États-Unis, plusieurs sites de
Veolia, utilisant certaines de ces techno-
logies, sont déjà opérationnels. Mais il
faudra aller beaucoup plus loin. Le mar-
ché est aujourd’hui estimé à 200 mil-
liards de dollars pour tout le pays, selon
le cabinet de conseil Bluefield Research.
Ce n’est donc pas un hasard si, en ce
mois d’avril, une quarantaine des plus
hauts dirigeants du groupe s’est retrou-
vée à New York pour examiner les pers-
pectives de développement et visiter
cette usine stratégique.
Mais l’eau n’est pas la seule substance
où se trouvent des Pfas. Ils s’accumu-
lent dans l’air, le sol et jusque dans le
corps humain. De nombreux sites in-
« Nous visons
une augmentation
de notre chiffre d’affaires
aux États-Unis de 50 %
d’ici 2027, et un
doublement pour 2030 »
Estelle Brachlianoff
Directrice générale de Veolia
concentrations trop importantes. Il
faudra donc les retirer… mais aussi les
traiter. Veolia estime que la meilleure
manière de le faire serait de les brûler à
très haute température. Ce que le grou-
pe pourra faire. Il y travaille déjà dans le
laboratoire situé à côté de son unité de
Port Arthur, à 130 kilomètres à l’est de
Houston, dans le Texas. Le plus grand
incinérateur de déchets dangereux du
pays y est en exploitation, traitant
70 000 tonnes de ces déchets chaque
année. L’intérêt des autorités américai-
nes pour la gestion des Pfas constitue
donc un levier de croissance promet-
teur pour Veolia.
Mais le groupe français est déjà un
acteur qui compte outre-Atlantique.
« Nous y sommes très présents, puisque
nous y avons réalisé un chiffre d’affaires
de 5,4 milliards d’euros l’an dernier »,
français historique, Suez, acquis deux
ans plus tôt, y ont largement aidé. Et la
patronne opérationnelle du groupe qui
emploie plus de 12 000 salariés dans le
pays se veut très ambitieuse pour l’ave-
nir. « Nous visons une augmentation de
notre chiffre d’affaires aux États-Unis de
50 % d’ici 2027, et un doublement pour
2030 », s’enthousiasme-t-elle.
Les atouts du français sont, il est vrai,
nombreux. Le potentiel lié au Pfas en
est un. Il y a en d’autres. Le président
Joe Biden s’est lancé dans une stratégie
active de relocalisation industrielle,
soutenue par de colossales subventions
publiques. Les projets d’usines de semi-
conducteurs, de giga-usines, de médi-
caments ou de mines de lithium se mul-
tiplient. Les investissements se
comptent en dizaine de milliards de
dollars. Et, à chaque fois, Veolia propo-
se ses services. « Nous sommes indis-
pensables pour les industriels », se félici-
te Estelle Brachlianoff. Les entreprises
doivent apporter des solutions pour
traiter les effluents afin d’obtenir leur
licence pour opérer. Ce qu’offre juste-
ment Veolia. De même, les usines de
semi-conducteurs utilisent de l’eau ul-
trapure qu’est capable de fournir le
groupe français. Il faut également recy-
cler les solvants ou gérer l’alimentation
L’activité d’alimentation en eau pota-
ble des villes et collectivités bénéficie,
également, de conditions très favorables.
Les États-Unis s’avèrent aujourd’hui
particulièrement vulnérables au stress
hydrique. Cinq États américains font
face à un stress « fort » et neuf autres à un
stress « moyen à fort », selon une étude
de Bluefield Research. Surtout, ce sont
les États les plus peuplés qui sont concer-
nés, notamment la Californie, le Texas et
la Floride. Il va donc falloir que le pays
s’attaque sérieusement à la gestion des
fuites, beaucoup plus importantes qu’en
Europe, par exemple, mais également à
la réutilisation des eaux usées.
Face à ces différents défis et opportu-
nités, Veolia vise une croissance pure-
ment organique de 6 % par an. Des ac-
quisitions permettront d’accélérer.
Surtout, cette dynamique se fera en
améliorant les marges de l’entreprise.
Le groupe travaille en permanence sur
sa performance opérationnelle pour
cela, misant sur des économies de
40 millions de dollars par an. Mais il va
aussi continuer de bénéficier de l’ac-
quisition de Suez, qui va permettre
d’engranger 70 millions d’économies
supplémentaires sur la période 2024-
2025. Au global, la croissance organique
de l’excédent brut d’exploitation

Pfas », explique Estelle Brachlianoff, la dustriels, des aéroports civils et, sur- explique Estelle Brachlianoff. Les acti- en eau : bref, les leviers de développe- (Ebitda) est attendue à 8,5 % par an. De
directrice générale de Veolia. tout, militaires affichent souvent des vités américaines de son concurrent ment ne manquent pas. quoi envisager un futur ensoleillé. ■

TotalEnergies
lance un projet
de gaz naturel
liquéfié à Oman
Olivia Détroyat
Le groupe va investir 1 milliard de dollars
dans une usine alimentée en énergie verte
qui produira du carburant pour les navires.
D
eux ans et demi après
avoir passé avec Oman
des accords gaziers préli-
minaires, le champion
français TotalEnergies
confirme ses ambitions
dans le gaz naturel liquéfié (GNL) dans le
sultanat. En déplacement à Mascate, Pa-
trick Pouyanné, PDG du groupe, a ainsi
acté ce dimanche avec la compagnie na-
tionale pétrolière OQ (Oman National Oil
Company), la décision finale d’investisse-
ment du projet Marsa LNG. Créée en 2021,
cette coentreprise détenue à 80 % par le
géant français et à 20 % par son partenaire
prévoit d’abord la production de gaz,
dans le champ « onshore « de Mabrouk
North-East. Démarrée l’an dernier, la
production a atteint ce mois-ci sa vitesse
de croisière.
Le second volet du projet présenté ce
dimanche prévoit surtout la construction
d’une usine de liquéfaction de gaz naturel,
à destination du secteur maritime. D’une
capacité de 1 million de tonnes par an, elle
sera construite à Sohar, un des principaux
ports de marchandises du sultanat, situé
dans le nord-est du pays. La production
du site, « le plus grand hub de GNL marin
au Moyen-Orient », selon une porte-pa-
role du groupe, doit démarrer au premier
trimestre de 2028. Avec son partenaire
Olivennes : « Une taxe
sur le livre d’occasion
financerait la création »
Claudia Cohen
La solution du président d’Editis serait utile
pour les auteurs et indolore pour le lecteur.
P
résident d’Editis, deuxième
groupe d’édition français
(Julliard, Robert Laffont, Plon,
Les Presses de la cité…), pro-
priété depuis quelques mois du milliar-
daire tchèque Daniel Kretinsky, Denis
Olivennes est défavorable à l’idée d’une
loi qui restreindrait le temps d’écran
aux enfants. Une proposition émise ces
derniers jours par des personnalités is-
sues du milieu politique et littéraire…
« Les écrans peuvent avoir du bon. Sur
TikTok, il y a par exemple de nombreux
Figaro TV Ile-de-France
Entreprises le figaro lundi 22 avril 2024 23
Patrick Pouyanné, PDG du groupe TotalEnergies, et Salim al-Aufi, ministre omanais de l’Énergie et des Minéraux,
signent la décision finale d’investissement du projet Marsa LNG, dimanche, à Mascate. TotalEnergies
omanais, le groupe y investira plus de du développement d’autres carburants par an. D’ici à 2030, le groupe veut doper ploiter des gisements de gaz en Papoua-
1 milliard de dollars (940 millions verts, mais pour l’instant encore peu ma- de 50 % sa production et ses achats long sie-Nouvelle-Guinée, avec une capacité
d’euros). Plus de 3 000 emplois seront tures, comme l’hydrogène liquide. Si le terme sur ce carburant. de 2,7 millions de tonnes par an à horizon
prévus pendant la phase de construction, gain environnemental réel du GNL reste Il y a six mois, TotalEnergies s’est ainsi 2028. Un moyen d’être aux avant-postes
avec, à terme, une centaine d’emplois pé- contesté, « il y a un marché et une deman- allié avec le Qatar sur une période de pour desservir les débouchés asiatiques,
rennes sur le site. de pour ces carburants alternatifs », souli- vingt-sept ans, pour fournir à la France, à gourmands de ce carburant.
Le projet prévoit également la produc- gne TotalEnergies, qui a fait du gaz un des partir de 2026, jusqu’à 3,5 millions de Enfin, au Mozambique, le groupe a lan-
tion d’électricité solaire, avec la fers de lance de sa stratégie, à côté des tonnes de GNL par an. Parmi ses projets cé en 2020 avec un consortium interna-
construction d’un parc solaire photovol- énergies renouvelables. les plus emblématiques, le champion tional un méga-projet gazier de 20 mil-
taïque d’une puissance de 300 mégawatts Le géant pétrolier compte ainsi porter français a également annoncé il y a un an liards de dollars (18,7 milliards d’euros).
(MWc). Celui-ci doit permettre de cou- le gaz à 50 % de son activité en 2030, ac- un investissement massif dans une usine Le projet est suspendu depuis 2021, sous la
vrir 100 % de la consommation énergéti- célérant ces dernières années ses inves- aux États-Unis. Il s’est associé avec Next- pression djihadiste. En février, Patrick
que annuelle de l’usine de Sohar, « pour tissements dans le domaine. Le projet de Decade et Global Infrastructure Partners, Pouyanné avait indiqué que les travaux de
une réduction significative des émissions de Sohar, ajouté à ses participations dans les pour produire à terme 5,4 millions de construction devraient reprendre vers le
gaz à effet de serre », selon TotalEnergies. usines de liquéfaction partout dans le tonnes de gaz liquéfié par an pendant milieu de l’année. Initialement prévu
« Cela en fera l’une des usines de GNL ayant monde, portera à terme à 45 millions de vingt ans. En 2019, il a aussi mis plus de pour cette année, le début de l’exploita-
la plus faible intensité carbone au monde », tonnes ses capacités et ses ventes de GNL 9 milliards d’euros sur la table pour ex- tion est prévu au mieux pour 2028. ■
conclut le groupe, qui, sur ses projets ga-
ziers, mise sur cette approche intégrée.
Abaisser l’empreinte carbone
Développé par les armateurs et croisiéris-
tes pour verdir leur flotte et abaisser leur
empreinte carbone, l’utilisation du GNL
comme carburant alternatif au carburant
conventionnel doit permettre de baisser
entre 20 % et 25 % leurs émissions de gaz
à effet de serre et la quasi-totalité de celles
de particules fines. Les acteurs du trans-
port commercial et du fret maritime se
sont lancés dans cette voie pour assurer
leur transition énergétique, en parallèle
pour demain
« À travers notre nouveau plan stratégique “Unlock the Future”,
influenceurs qui poussent les jeunes à la nous continuerons à être une entreprise engagée et ambitieuse,
lecture », déclare-t-il dans « Esprit
d’entreprise », l’émission économique en phase avec les évolutions de la société et de l’économie,
de la chaîne Le Figaro TV.
En ce début d’année 2024, le marché pour protéger le plus grand nombre. »
du livre fait preuve de résistance, porté
notamment par la vague autour de la ro-
mance pour jeunes adultes. « Le livre res- Thomas Buberl,
te le premier marché de biens culturels, se
félicite le dirigeant. Il a su résister et tra-
Directeur Général d’AXA
verser la révolution numérique. » Signe
d’une nouvelle tendance ou d’un rempart
face à l’inflation, près d’un livre sur cinq
est aujourd’hui acheté en seconde main.
« Mieux servir nos auteurs »
Devant l’inquiétude des éditeurs, Emma-
nuel Macron a récemment annoncé vou-
loir mettre en place une « taxe » sur les li-
103 Md€ 30 Md€
Primes brutes émises Investissements verts
vres d’occasion pour protéger le prix
unique sur les ouvrages neufs. « Le livre et autres revenus en 2023* en 2023
1,98 € 227
d’occasion est un point de fuite dans ce
système d’exception culturelle français qui
protège le droit d’auteur, puisqu’il ne ré-
munère ni l’éditeur ni l’auteur, explique %
Denis Olivennes. Une taxe pourrait aider
à ce que le livre d’occasion participe au Dividende Ratio de Solvabilité II
financement de la création. Tout est une
question de taux : si l’on prend par exemple par action** en 2023
4 centimes par ouvrage (un livre d’occa-
sion est acheté en moyenne 4 euros), ce se-
rait indolore pour les consommateurs mais
ça rapporterait plusieurs millions d’euros
par an pour les auteurs. » * La variation des primes brutes émises et autres revenus est présentée en base comparable (taux de change, méthodologie et périmètre constants).
1
Denis Olivennes, en tandem avec la di- ** Proposé à l’Assemblée Générale annuelle des actionnaires le 23 avril 2024.
rectrice générale, Catherine Lucet, dé-
voilera fin avril son plan stratégique pour Retrouvez toute l’information sur axa.com/fr : Presse/Évènements et sur axa.com/fr : Engagements @axa
Editis. L’ambition est de publier moins de
A
livres chaque année pour « mieux servir
nos auteurs ». ■
 24 lundi 22 avril 2024 le figaro
F
rançois Jacq, son adminis-
trateur général, définit le
Commissariat à l’énergie
atomique et aux énergies
alternatives (CEA) comme
un « carrefour des sa-
voirs ». Il offre aux candidats au recru-
tement un cadre unique en son genre.
Cet organisme public qui dispose d’un
budget de 6 milliards d’euros, emploie
22 000 personnes dans différentes dis-
ciplines : nucléaire, électronique, san-
té… Polytechnicien, également diplômé
en sociologie, haut fonctionnaire, Fran-
çois Jacq dirige le CEA depuis 2018.
LE FIGARO. - Le CEA est un organisme
qui, de l’extérieur, n’est pas facile
à appréhender : administration,
entreprise publique, laboratoire
de recherche… Quelle est sa cohérence ?
FRANÇOIS JACQ. - Les Anglo-Saxons
ont un nom pour ce type de structure :
Research and Technology Organisations
(RTO). Dans le cas du CEA, un peu d’his-
toire est utile : en 1945, l’heure était à la
reconstruction. La nécessité s’est impo-
sée d’un organisme dédié au nucléaire
capable de fédérer les sciences, la tech-
nologie et l’industrie. Après, l’éventail
s’est élargi : que ce soit dans l’électroni-
que, les énergies renouvelables ou la
santé. Avec toujours cette même identi-
té. De plus, l’État a, bien sûr, besoin d’un
bras armé qui garantit une souveraineté
dans ces différents domaines.
Vous n’avez pas d’actionnaire
mais quatre ministères de tutelle
(Armées, Recherche, Énergie,
Industrie). Cela signifie-t-il
quatre fois plus de reporting ?
Nous disposons de deux outils impor-
tants de gouvernance. Le premier est le
contrat d’objectif pluriannuel passé
avec l’État : d’une durée de cinq ans, il
donne les grandes lignes, le bilan est fait
chaque année. Le second est le conseil
d’administration du CEA, qui rassemble
notamment les représentants de chaque
ministère. C’est un lieu où s’expriment
les attentes, les propositions traçant un
cap pour décliner les politiques publi-
ques. À nous de faire des propositions.
Spontanément, le CEA évoque une
structure très centralisée. Est-ce le cas ?
Pas vraiment. Nous nous appuyons sur
dix implantations principales en Fran-
ce, qui ont vocation à travailler ensem-
ble. Un effort considérable a été entre-
pris pour avoir le moins de silos
possibles dans nos activités. Il y a une
unité de stratégie, mais de grandes di-
rections thématiques existent, pour
l’énergie ou le numérique, avec la vo-
lonté de s’enrichir mutuellement. Les
exemples valent beaucoup mieux que
les longs discours : tout récemment, le
CEA a dévoilé une série d’images de
cerveau uniques en leur genre. Cette
première mondiale a été obtenue grâce
à la collaboration de nos physiciens et
de nos experts en neurosciences.
Vos équipes partagent-elles
leur expertise avec l’extérieur ?
Un autre exemple : nous regardons le
recyclage des batteries usagées avec,
une heure dans le bureau de...
Pierre Gagnaire : « C’est un espace humble »
Pierre Gagnaire a fêté sa 31e année de
3-étoiles au Guide Michelin. Son restau-
rant de la rue Balzac (Paris 8e) est le
vaisseau amiral et emploie une cin-
quantaine de personnes. Le groupe du
chef étoilé compte 15 restaurants dans le
monde - à Londres, Tokyo ou Shang-
haï -, dont trois restaurants parisiens
dont il est propriétaire.
Le centre névralgique est un apparte-
ment en rez-de-chaussée, dans l’im-
meuble qui jouxte le restaurant. Un an-
cien cabinet de kinésithérapeute que le
chef Gagnaire a récupéré il y a cinq ans.
Un lieu contrasté - à la fois feutré et mo-
deste. « C’est un espace humble, à l’ima-
ge de cette belle histoire familiale qui n’a
rien d’un empire », glisse-t-il.
Cette histoire familiale se vérifie à la
fidélité des collaborateurs qui entourent
Pierre Gagnaire, élu par ses pairs « plus
grand chef du monde » en 2015. L’une de
ses deux assistantes, Véronique, est à ses
côtés depuis trente-six ans. Magali
l’épaule à la communication depuis dix-
sept ans. « Il y a quelques jours, nous
avons fêté le départ à la retraite d’un chef
A
de cuisine qui avait quarante-six ans de
maison, explique Pierre Gagnaire. Que
François Jacq :
« Le mode projet
est un puissant
moteur »
Frédéric de Monicault
Dans une organisation complexe
comme le CEA, son administrateur
général souligne les vertus
d’une culture collaborative
et de responsabilisation.
« Le CEA possède de nombreux
atouts pour recruter, à commencer
par des installations et des missions
hors du commun », souligne
son administrateur général,
François Jacq. Patrick SORDOILLET
en toile de fond, l’essor de la voiture
électrique. Or ce domaine du recyclage
est une préoccupation constante dans
le nucléaire : autant dire que les échan-
ges sont féconds. On touche là la spéci-
ficité du CEA : un partage de connais-
sances entre des scientifiques, des
technologues et des serviteurs de l’État.
Un carrefour des savoirs, au service
tant des transformations industrielles
que des enjeux de société. Donc un
partage aussi avec l’extérieur et nos
partenaires.
Vous n’êtes pas issu du CEA. Ne pas faire
partie du sérail, est-ce un frein pour
assumer des fonctions de direction ?
Faut-il s’y préparer différemment ?
Non, je ne crois pas. L’histoire du CEA
témoigne de profils variés à sa tête. Au
cours de mes précédentes fonctions, j’ai
connu des expériences qui me servent
aujourd’hui pour aborder les dossiers
CEA. Pour le reste, je crois que le mode
de préparation et les premiers mois ne
sont pas si différents selon les structu-
res : humilité d’abord en découvrant,
puis on essaie de bâtir sa propre analy-
se, d’avoir une vision et de la faire par-
Pierre Gagnaire, dans son bureau installé dans l’immeuble qui jouxte
son restaurant de la rue Balzac, à Paris.
ce soit en cuisine, dans l’assiette et dans le
management, je cultive le temps long.
C’est ce qui fait la qualité d’une relation. »
Le temps long. Le goût du travail. La
patience. Et, surtout, le professionnalis-
me impeccable de celui qui a ouvert son
premier restaurant en 1981 à Saint-
Décideurs
avec
tager pour définir une stratégie que l’on Sentez-vous des difficultés
met en œuvre ensemble. pour responsabiliser les gens ?
La culture projet participe du mode de
Au sein d’une organisation complexe fonctionnement du CEA : la volonté de
comme celle du CEA, quels sont faire aboutir des programmes est un
vos principaux relais ? puissant moteur pour responsabiliser
Le comité de direction joue un rôle es- les équipes. Tout est ensuite affaire de
sentiel. En l’occurrence, nous sommes, dosage. Nous avons clairement un ef-
je pense, tous alignés sur les objectifs et fort à faire pour combiner cohérence,
animés par les mêmes valeurs. Cela efficacité et initiative en sortant d’un
n’exclut ni les discussions, ni même management trop vertical. Donc c’est
parfois les divergences, mais le socle un enjeu de tous les jours.
commun est suffisamment solide pour
avancer avec confiance et détermina- En votre qualité de dirigeant,
tion. La qualité des gens est primordia- que faites-vous pour cimenter
le : quand vous réussissez un chantier, une culture commune au sein du CEA ?
c’est très souvent parce que ceux qui Je ne parlerai pas principalement de moi
vous entourent ont su faire plus et parce que cela vaut pour beaucoup
mieux que vous. d’autres : on essaie de porter les valeurs
CONFIDENCES
Quelles sont les qualités que vous privilégiez
chez un collaborateur ?
L’honnêteté, la clarté, la vivacité d’esprit.
Votre recette pour décompresser ?
Marcher pendant l’heure du déjeuner.
Une œuvre que vous appréciez ?
La trilogie de Dumas, Les Trois Mousquetaires, Vingt ans après,
Le Vicomte de Bragelonne.
entrepreneuriale culinaire qui a débuté
au restaurant lyonnais Chez Juliette à la
fin des années 1960. Sur un mur, une
photographie de Jean Vignard, le pre-
mier maître d’apprentissage du chef.
Fermé trois jours par semaine
Dans un coin de la pièce, encadré, son
CAP obtenu en 1968. Sur une belle com-
mode en bois, une pochette du disque
SEBASTIEN SORIANO/Le Figaro
Allez, les Verts !, hymne entêtant du
club de football de Saint-Étienne. Juste
à côté, un imposant coq pose en majes-
té. Un symbole français acheté à… Flo-
rence. Sur les murs, on distingue aussi
de magnifiques photographies de plats
iconiques de Pierre Gagnaire, immorta-
lisés par Peter Lippmann et publiées en
2006 dans le livre Lucide et ludique, aux
Éditions de La Martinière. Un photogra-
phe qui, lui aussi, est le reflet de ce tra-
vail au « temps long » puisqu’il avait pris
Étienne. À cette époque, il n’arborait la première photo du chef Gagnaire
pas encore cette élégante crinière blan- pour le guide Gault&Millau… il y a qua-
che qui pourrait le faire passer pour un rante ans. « J’aime les histoires qui du-
philosophe de l’Antiquité. Dans l’ap- rent », ajoute-t-il.
partement, ce bureau qui s’apparente à Quant au rythme de travail… Le chef
une salle de réunion est décoré de sou- avoue quitter le restaurant « plus tôt
venirs et de clins d’œil à cette aventure qu’avant », c’est-à-dire vers minuit.
et les projets. Je m’efforce d’être régu-
lièrement sur le terrain, pour écouter les
gens et donner en retour des éléments
sur notre politique. Les remontées sont
toujours très instructives pour bâtir en-
semble. Mes collègues font de même.
Vous recrutez environ 1000 personnes
par an. Subissez-vous la guerre
des talents comme presque
partout ailleurs ?
Trois critères importants entrent en li-
gne de compte au regard d’un candi-
dat : le contenu du métier, la localisa-
tion de l’activité, le montant de la
rémunération. Certains sites peuvent
ainsi être moins attractifs. Par ailleurs,
nous ne proposons pas les mêmes ré-
munérations que le privé. Mais le CEA
possède de nombreux atouts, à com-
mencer par des installations et des mis-
sions hors du commun. C’est donc une
affaire d’équilibre. Un choix profes-
sionnel est aussi un choix personnel : il
y a des personnes qui sont prêtes à re-
joindre le CEA pour son caractère uni-
que. Je m’en réjouis. ■
Retrouvez, du lundi
au vendredi,
LE « TALK DÉCIDEURS ».
Aujourd’hui : Julien Villalongue,
directeur de Leonard by Vinci
En vidéo sur lefigaro.fr/decideurs
par Quentin Périnel
« La fin de service est un moment extrê-
mement important, précise-t-il. L’ex-
cellence, cela se cultive dès le moment où
le client s’installe à table et dure jusqu’à
ce qu’il passe la porte du restaurant. »
Son plus grand stress ? De ne pas être au
rendez-vous. « Les gens viennent par-
fois de très loin, observe-t-il. Il est obli-
gatoire d’être à la hauteur. Le doute
m’habite en permanence, mais la main ne
tremble pas. »
Le restaurant de la rue Balzac est fer-
mé trois jours par semaine. Un luxe qui
est un pari risqué, financièrement par-
lant. Mais Pierre Gagnaire le sait : ces
métiers sont extrêmement prenants.
« Pour que tout aille bien, on ne peut pas
vivre au boulot, même si l’on aime son
métier plus que tout », précise le chef en
clignant les paupières de ses yeux bleu
azur. Il vient tout juste d’avoir 74 ans.
La retraite ? Elle n’est encore inscrite
nulle part dans son agenda. Le chef ren-
tre tout juste d’Asie. Il repartira pour
quelques jours à La Rochelle avant, en-
fin, de s’octroyer quelques jours de re-
pos avec son épouse et ses petits-en-
fants, dans ce petit coin de paradis
qu’est Belle-Île-en-Mer. ■

Un autre regard
Anne de guigné
Michelin parie sur le social
plutôt que le sociétal
J H
usqu’où l’entreprise doit-elle
s’engager dans la cité ? La ques-
tion est aussi vieille que le capi-
talisme. Depuis quelques an-
nées, elle a pris une dimension
explosive sur fond d’exacerbation des
tensions identitaires. La tendance vient
des États-Unis, où, sous la pression de
la société civile, des centaines de
grands groupes ont proclamé leur sou-
tien au mouvement Black Lives Matter,
lancé après la mort d’un Afro-Améri-
cain sous les coups d’un policier blanc.
Des douzaines d’autres ont publique-
ment attaqué la décision de la Cour su-
prême de revoir la législation sur
l’avortement, tandis que Coca-Cola et
Delta critiquaient la réforme du droit
électoral porté par l’État de Géorgie.
Les entreprises signent ainsi leur
grand retour dans l’histoire ! Mais à
quel prix ? Loin de s’en féliciter, deux
universitaires américains, Jill E. Fisch
et Jeff Schwartz (1), démontrent que
cet engagement politique nuit aussi
bien aux actionnaires des groupes qu’à
l’ensemble de la société. Les cher-
cheurs préparent une étude pour la re-
vue du droit des affaires de l’université
de Chicago et ont commencé à publier
des articles intermédiaires. « Qui parle
quand l’entreprise exprime un point de
vue : ses managers, ses actionnaires, ses
consommateurs ou ses employés ? Dans
un pays hautement polarisé, un groupe
peut-il refléter les nombreux et bien
souvent antagonistes points de vue de
ses parties prenantes ? » , s’interro-
gent-ils ainsi sur le forum de l’école de
droit de Harvard.
Les économistes le répètent encore :
l’entreprise ne peut définir le bien
commun, car, par nature, elle est
l’émanation d’intérêts privés. Cette
tension entre postures morales et inté-
rêts financiers nourrit de fréquentes
accusations d’hypocrisie, parfois viru-
lentes quand les décisions stratégiques
sont trop opposées aux principes affi-
chés. « Les incohérences des grands
groupes nuisent aux causes qu’ils sont
censés défendre en accroissant sur ces
sujets les divisions partisanes », affir-
ment encore nos chercheurs. Ils re-
commandent alors aux plus grandes
entreprises américaines de sortir de
cette course concurrentielle à l’enga-
gement, en signant ensemble une
charte de neutralité politique.
Vœu pieux ? Les prochains mois le di-
ront. En France, c’est Michelin qui vient
à sa manière de relancer les débats
autour de l’engagement des entrepri-
ses. En instaurant un revenu « décent »
supérieur aux minimums légaux pour
l’ensemble de ses salariés dans le mon-
de, l’industriel se place sur le terrain du
social, champ plus exigeant que celui
des bonnes intentions politiques ou so-
Du bonheur d’être contribuable en France
Q
ue celui qui est heureux de
payer ses impôts se lève et
paie ceux des autres »,
peut-on lire en introduc-
tion de cette analyse pi-
quante, volontiers provocatrice. Car la
question posée par le titre du dernier
ouvrage de Pierre Boyer, directeur ad-
joint de l’Institut des politiques publi-
ques (IPP), sorti ce mois-ci, semble ap-
peler une réponse négative assez
péremptoire. Alors, Peut-on être heu-
Jeremy Barande
reux de payer des impôts ? « Sans vouloir
comparer le bonheur apporté par l’acte
du paiement des impôts avec les autres
plaisirs de la vie, il est possible de vivre
dans un pays à haute pression fiscale et
d’être heureux », répond l’auteur, qui
propose en réalité une réflexion sur le
consentement à l’impôt, un sujet qui
préoccupe beaucoup les économistes
spécialistes de la fiscalité.
chroniques
ciétales. Le champion des pneumati-
ques s’attaque ainsi de front aux inéga-
lités géographiques en termes de ni-
veaux de vie ; le « salaire décent » d’un
salarié parisien du groupe Michelin
étant fixé à 39 639 euros bruts par an,
contre 25 356 euros pour un collabora-
teur résidant à Clermont-Ferrand.
Le groupe ne donne pas dans les bon-
nes œuvres : il espère ainsi répondre à
ses difficultés de recrutement, évoquées
régulièrement par son directeur géné-
ral, Florent Ménégaux. Loin du coup de
communication, le revenu « décent »
de Michelin apparaît ainsi comme co-
hérent avec ses objectifs de rentabilité
de long terme. Les engagements écolo-
giques des entreprises répondent de la
même logique. Selon la Banque mon-
« Qui parle quand
l’entreprise exprime
un point de vue : ses
managers, ses actionnaires,
ses consommateurs ou ses
employés ? Dans un pays
hautement polarisé, un
groupe peut-il refléter les
nombreux et bien souvent
antagonistes points de vue
de ses parties prenantes ? »
Jill E. Fisch et Jeff Schwartz
diale, plus de la moitié du produit inté-
rieur brut (PIB) mondial, soit
44 000 milliards de dollars, dépend des
ressources naturelles. Bon nombre
d’écosystèmes économiques disparaî-
tront alors avant ces dernières.
Michelin se place ainsi dans la conti-
nuité de sa tradition sociale et plus glo-
balement de la vision européenne tradi-
tionnelle d’un capitalisme responsable.
Entre les mouvements mutualistes, le
catholicisme social ou encore l’ordoli-
béralisme allemand, le Vieux Continent
a en effet donné naissance depuis plus
d’un siècle à de puissants courants qui,
chacun selon sa sensibilité, ont tenté de
trouver des aménagements à la tension
latente entre capitalisme et cohésion de
la société. Ce patrimoine intellectuel
exigeant rebute désormais une partie
des grands groupes européens, qui
voient dans l’engagement politique à
l’américaine une manière bien moins
onéreuse d’acquérir ses galons de vertu.
Jusqu’au retour de bâton… ■
(1) Jill E. Fisch, de l’université
de Pennsylvanie, et Jeff Schwartz,
de l’université de l’Utah. Article intermé-
diaire : « How Did Corporations Get
Stuck in Politics and Can They Escape ? »,
European Corporate Governance
Institute.
LIVRES
Premier constat surprenant et point
de départ de cette enquête qui concerne
au fond tous les contribuables, il semble-
rait qu’on soit plus heureux dans les pays
qui présentent une forte pression fiscale.
Pierre boyer
peut-on être heureux de payer des impôts ?
PUF, 144 p., 12 €.
Libres échanges
Jean-Pierre robin
Les marchés de l’occasion et l’économie
collaborative, des paradis fiscaux pour tous
aro sur le livre d’occasion !
Non pas les raretés qui font le
bonheur des bibliophiles ou
les titres « indisponibles chez
l’éditeur ». Mais, plus prosaïquement,
les ouvrages que leur propriétaire re-
vend à vil prix une fois lus ou avant
même de les avoir ouverts. Visitant le
12 avril le Festival du livre de Paris, Em-
manuel Macron s’est ému de cette prati-
que de plus en plus courante grâce au
commerce en ligne que domine Amazon,
la plus grande librairie de la planète :
« On va mettre en place au moins une
contribution qui puisse permettre de pro-
téger le prix unique et permettre à nos
auteurs, éditeurs et traducteurs aussi
d’être mieux aidés », a-t-il promis. Le
chef de l’État fait allusion à la loi Lang de
1981, du nom du ministre de la Culture
de l’époque, visant à empêcher les gran-
des surfaces de pratiquer des prix de
dumping. L’argument était de « protéger
la filière des libraires traditionnels et de
développer la lecture ».
Si les remises ne peuvent dépasser 5 %
du prix sur les livres neufs, stipule la loi
de 1981, l’interdiction est détournée dans
la pratique par le commerce de l’occa-
sion. Les ouvrages revendus sur internet
sont parfois disponibles quelques jours
après leur sortie chez l’éditeur, moitié
moins chers que le tarif réglementé. Le
cabinet d’expertise Xerfi estime que le
marché français de l’occasion représente
un chiffre d’affaires de 888 millions
d’euros (en 2020), contre 4,3 milliards
d’euros pour le livre neuf, selon une éva-
luation de GfK, le groupe d’études de
marketing. En outre, les deux secteurs
sont inégaux devant l’impôt : la TVA
(taux réduit de 5,5 %) pour l’un, aucune
fiscalité sur la revente pour l’autre.
De telles disparités, de taille et de
traitement juridique, entre l’occasion et
le neuf, n’ont certes rien d’exception-
nel. Dans le secteur automobile, il s’est
vendu 5,242 millions de voitures d’oc-
casion l’an dernier en France, près de
3 fois plus que les immatriculations de
véhicules neufs (1,817 million en 2023).
Chaque marché mène sa vie propre. La
filière de la construction automobile est
soumise au régime de la TVA (au taux
normal de 20 %), quand les transactions
entre particuliers (qui représentent
47 % du marché total de l’occasion, se-
lon L’Argus) y échappent totalement, à
l’exception d’une taxe fixe de 11 euros.
Pas de malus écologique non plus, « sauf
dans le cas d’un achat de véhicule à
l’étranger », précise Bercy.
Dans l’immobilier plus encore, le
marché de l’ancien l’emporte de très loin
sur la construction neuve. En 2023, l’un
des pires millésimes de l’après-guerre
pour la pierre, le nombre de transactions
de logements anciens aura été de
869 000 (1,115 million en 2022), prati-
IDÉES
C’est le cas dans les pays scandinaves. La
Finlande, par exemple, a des rentrées
fiscales qui dépassent les 50 % de son
PIB, mais la moyenne des Finlandais es-
timent qu’ils sont à 7,5/10 sur l’échelle
du bonheur. Suffi-
rait-il alors d’aug-
menter la pression
fiscale sur la popula-
tion pour que celle-
ci soit plus heureu-
se ? Évidemment,
non. La France qui
présente des recet-
tes fiscales en pro-
portion de son PIB
assez similaires à
quement 10 fois plus que les ventes de lo-
gements neufs (94 828 unités). Leurs fis-
calités sont également spécifiques. Com-
me la plupart des activités productives,
la construction neuve supporte la TVA à
20 % (ramenée à 10 % pour les travaux
de réparation). De leur côté, les achats de
logements anciens acquittent les DMTO
(droits de mutation à titre onéreux), ap-
pelés improprement « frais de notai-
res », lesquels les perçoivent, mais leur
produit va directement aux collectivités
territoriales (entre 5 % et 6 % du prix se-
lon les départements qui disposent d’une
certaine marge de manœuvre).
Toutes les vertus du moment
À côté des secteurs traditionnels des
biens d’investissement, l’auto et le loge-
ment, le phénomène de l’occasion gagne
désormais les produits de consommation
et les services grâce aux plateformes nu-
mériques mettant en relation les parti-
culiers pour acheter, vendre ou échan-
ger leurs propres biens. Et là, on ne parle
plus d’« occasion » mais de « seconde
main ». Un anglicisme horripilant mais
compréhensible aux deux sens du ter-
me : la plupart de ces plateformes sont
d’origine américaine (ThredUp, articles
de mode) ou internationale (Vinted, créé
en Lituanie, pour les vêtements). Et,
derrière Leboncoin, « premier site web de
petites annonces gratuites en France », se
cache un éditeur norvégien. Quant à
BlaBlaCar, leader mondial du covoitura-
ge, son créateur est français : cocorico…
Bienvenue, donc, dans l’univers de la
seconde main et de l’économie collabo-
rative, où tout se partage et s’échange
entre simples particuliers : les produits,
les services et les logements, fût-ce sous
la férule d’acier de multinationales hy-
Le livre est un exemple de l’inégalité devant l’impôt entre le marché du neuf
et celui de l’occasion : 5,5 % de TVA pour le premier, exemption pour l’autre.
ceux des voisins du Nord, n’atteint pas
pour sa part les 7/10 sur l’échelle du
bonheur.
Pour comprendre les relations com-
plexes entre les Français et leurs impôts,
l’auteur propose en premier lieu un ré-
capitulatif clair et concis - le chapitre
occupe une quinzaine des pages de ce
petit ouvrage - du système social et fiscal
Français. De quoi enfin démêler les fils
entre taxes, impôts, cotisations, trans-
ferts sociaux et répartition. Et, cela tom-
be bien, « l’opacité et la méconnaissance
du système fiscalo-social sont une source
de méfiance et sont associées à une baisse
du consentement à l’impôt ». Le contri-
buable morose pourra ainsi s’offrir ce li-
vre pour mieux vivre cet automne le
moment où il s’acquittera de son impôt
sur le revenu.
D’autres piliers du consentement à
l’impôt sont mis en avant par Pierre
le figaro lundi 22 avril 2024 25
percapitalistes (Amazon, Airbnb). Tout le
monde il est beau, tout le monde il est gen-
til : la comédie de Jean Yanne des années
1970 s’est transposée à l’ensemble des
transactions économiques, les plus
mondialisées et les plus intimes qui
soient : on met sur le marché son « home
sweet home » et ses sous-vêtements. De
telles pratiques sont parées de toutes les
vertus du moment, écolo, sobriété, du-
rabilité, prix bas, et elles ont le vent en
poupe : ThredUp, le plus grand magasin
en ligne de vêtements, de chaussures et
d’accessoires de seconde main, prévoit
que le marché mondial de ces produits
passera de 110 milliards de dollars en
2023 à 350 milliards en 2027.
Nous vivons une véritable décons-
truction des comportements habituels.
La frontière entre vie privée et vie pro-
fessionnelle a volé en éclats, parasitant
les mesures économiques élémentaires.
Ainsi, « les prix des voitures d’occasion
revendues par des revendeurs spécialisés
sont-ils observés pour le calcul de l’indice
des prix à la consommation, mais pas les
transactions entre particuliers », expli-
que-t-on à l’Insee. Logique. De même,
les échanges de l’économie collaborative
sont comptabilisés dans l’activité écono-
mique (le PIB) lorsqu’ils font intervenir
une entreprise comme BlaBlaCar qui les
organise, mais pas lors des face-à-face
entre particuliers se rencontrant sur Le-
boncoin. Pour la fiscalité, le principe est
que les échanges entre personnes privées
échappent à l’impôt, avec cependant des
exceptions, s’agissant des ventes de lo-
gements et des revenus au-delà d’un
certain seuil sur Airbnb et même le co-
voiturage. Les paradis fiscaux de la se-
conde main et de l’économie du partage
ont leurs propres codes. ■
RICCARDO MILANI//Hans Lucas via AFP
JULIE RUIZ PEREZ
Boyer : le sentiment d’équité vis-à-vis du
système fiscal, la confiance dans les insti-
tutions en général et dans l’administra-
tion fiscale en particulier sont autant de
facteurs sur lesquels les dirigeants peu-
vent jouer pour diminuer le déplaisir res-
senti par les citoyens au moment de
contribuer aux recettes publiques. Au
cœur de sa réflexion, le chercheur dé-
montre surtout l’existence d’une cause
sous-jacente à la corrélation entre le ni-
veau de satisfaction des citoyens et la
pression fiscale : l’offre de services et de
politiques publics? c’est-à-dire l’utilisa-
tion qui est faite de l’argent public.
En bref, le « ras-le-bol fiscal » cher à
Pierre Moscovici, pourrait être atténué si
le Français moyen avait l’impression
d’« en avoir pour ses impôts », selon le
nom du site crée par Gabriel Attal lors-
A
qu’il était encore ministre des Comptes
publics. ■
 26 lundi 22 avril 2024 le figaro Médias & Publicité

S
on lieu est tenu secret, une
nécessité au vu de la sensibili-
té des activités qui y sont lo-
gées. En Seine-Saint-Denis,
dans un vaste immeuble de
bureaux, le centre des opéra-
tions technologiques (technology opera-
tions center, ou TOC) des Jeux olympi-
ques et paralympiques de Paris 2024 est
déjà en pleine effervescence. Sur cet es-
pace de 600 mètres carrés, un dédale de
couloirs et de salles de réunion encercle
un vaste centre de commande à accès sé-
curisé, où une centaine de postes de tra-
vail font face à plusieurs énormes pan-
neaux de contrôle.
Le TOC héberge le Comité international
olympique (CIO), le Comité d’organisa-
tion des jeux (Cojo), le français Atos -
principal prestataire technologique des
JO -, ainsi que d’autres partenaires.
« C’est le cœur névralgique de toutes les
opérations technologiques pendant les
Jeux. Nous pilotons à partir d’ici plus de
2 000 experts pour résoudre les incidents au
niveau des sites », indique Bruno Marie-
Rose, directeur de la technologie et des
systèmes d’information de Paris 2024. Sur
place, 300 personnes coordonnées par
Atos seront à pied d’œuvre pendant toute
la durée des compétitions cet été, mobili-
sées 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7.
Pour cet ancien sprinter olympique,
médaillé de bronze aux Jeux de Séoul en
1988, Paris 2024 est un véritable mara-
thon. « Dès la fin 2018-début 2019, nous
avons commencé les travaux avec Atos », Au centre des opérations technologiques (TOC) des Jeux olympiques et paralympiques 2024, en Seine-Saint-Denis. Atos
explique-t-il. Partenaire des Jeux depuis
trente ans, le groupe français a passé

Bugs, cyberattaques,
beaucoup de temps à construire et dé-
ployer toute l’infrastructure informati- avancé le fibrage des deux berges de la Sei-
que qui sera utilisée durant l’événement ne, qui représente des milliers de kilomètres
depuis un centre basé à Madrid. Au-delà à déployer. Il y a des problématiques spéci-

paiement : comment les

de l’installation des PC, serveurs, et im- fiques comme les ponts, ou l’ingénierie radio
primantes disséminées au sein d’une dans un système complexe parisien pour
soixantaine de sites à travers la France et assurer la très bonne connectivité mobile »,
jusqu’à 15 000 km de là, à Tahiti où se dé- estime encore Jean-François Fallacher.

rouleront les épreuves de surf, Atos dé-
ploie pour l’événement pas moins de
150 applications logicielles.
« Cible privilégiée »
Gestion des accréditations pour les diffé-
rents acteurs de la compétition, calen-
drier des compétitions, mais également
résultats, diffusion des images, système
d’information des commentateurs… pas
moins de 250 000 heures de tests ont été
nécessaires pour la création de ces outils
et leur validation par les fédérations
sportives. « Les Jeux, c’est énormément de
sport sur une durée extrêmement courte,
de la France jusqu’à Tahiti. Il faut que nos
systèmes soient en mesure de gérer cette
masse d’informations », illustre Christo-
phe Thivet, directeur de l’intégration
technologique de Paris 2024 chez Atos.
Un travail colossal dont la complexité se
mesure au gigantisme du système d’ac-
créditations. Pas moins de 500 000 ont été
validées et stockées dans le cloud, don-
nant accès aux sites olympiques mais sou-
vent que pour une seule zone, ou pour une
durée limitée. « C’est l’un des systèmes in-
terconnecté les plus complexes au monde »,
souligne Damien Chauvet, responsable de
l’intégration de services pour Paris 2024
chez Atos. Le défi, encore, est énorme
pour la diffusion des résultats. L’organisa-
tion et son prestataire Omega s’engagent à
les fournir en 350 millisecondes à l’inté-
rieur des sites olympiques, notamment
pour les commentateurs sportifs, et en
2,35 secondes sur le site web des Jeux.
À désormais moins de 100 jours de
l’événement, l’appareil est bien rodé,
promet l’organisation. « Il y a encore une
marge de progrès, mais le CIO juge que
nous sommes alignés sur la feuille de rou-
te », indique Bruno Marie-Rose. L’enjeu
est désormais de le mettre à l’épreuve.
Ces derniers mois, et jusqu’au début des
épreuves, les organisateurs, Atos et les
partenaires vont simuler plusieurs cen-
taines de scénarios de failles et de défauts,
depuis la rupture de câbles en passant par
l’absence de staff. « Nous allons mettre les
systèmes en stress. Pendant les épreuves,
nous n’aurons pas deux heures pour résou-
dre un problème. Seulement quelques mi-
nutes », rappelle Christophe Thivet.
Parmi ces scénarios figurent évidem-
ment ceux malveillants, du fait de cyber-
A
entreprises du numérique
préparent les JO
Lucas Mediavilla
Les prestataires de l’événement sont à pied d’œuvre,
certains depuis plus de cinq ans, pour éviter la moindre faille.
attaquants voulant déstabiliser l’événe-
ment. « Les JO sont regardés dans le mon-
de entier, c’est une cible privilégiée », ex-
plique Franz Regul, directeur délégué à la
sécurité des systèmes d’information pour
le Comité d’organisation. L’histoire des
Jeux ces deux dernières décennies est ja-
lonnée d’assauts extérieurs. À Rio en
2016, une attaque en déni de service avait
touché des sites officiels et la base de
données de l’Agence mondiale antido-
page. À PyeongChang, le virus Olympic
Destroyer avait perturbé certains affi-
chages pour la cérémonie d’ouverture, et
l’accès au réseau pour les journalistes. Si
Tokyo en 2021 s’est révélé plutôt calme,
les organisateurs s’attendent à une re-
crudescence des attaques en 2024, sur-
tout au vu du contexte géopolitique. Lors
du forum de cybersécurité de Lille, Franz
Regul a dit redouter jusqu’à 4 milliards de
cyberattaques.
Les 400 000 km de fibre optique,
12 000 postes de travail, 7 000 points d’ac-
cès réseaux ou 200 applications sont
autant de points d’entrée pour les poten-
tiels attaquants. « Il y a trois familles de
risques : l’atteinte à la sécurité des person-
nes, qui est faible mais existe, le sabotage
des opérations via des attaques en déni de
service, qui est beaucoup plus élevé, ainsi
que l’atteinte à l’image et aux revenus de
l’événement », indique encore l’expert.
Via Atos et Cisco, les deux entreprises
chargées du pilotage de la cybersécurité
pour les JO, plus d’une centaine de per-
sonnes travaillent à la sécurisation de
l’événement. Ils simulent les attaques et
paramètrent les contrôles d’accès aux
systèmes d’information.
C’est déjà le cas au Centre opérationnel
de sécurité (SOC), cette tour de contrôle
qui va coordonner les activités des équipes,
surveiller les systèmes et détecter les vul-
nérabilités. Les technologies de Cisco, cel-
les d’Atos ou d’Orange sont cruciales, tout
comme l’appui des partenaires comme
l’Agence nationale de la sécurité des systè-
mes d’information (Anssi). « C’est une
course de fonds que l’on a commencé en 2020
avec humilité. On commence à percevoir la
ligne d’arrivée », indique Franz Regul.
Pour ces différentes entreprises, les Jeux
olympiques et ses 4 milliards de téléspec-
tateurs sont une véritable vitrine pour dé-
montrer son savoir-faire. Mais le verre est
à double tranchant en cas de couacs.
Orange lui aussi en est bien conscient. Par-
tenaire de Paris 2024 sur la partie connec-
tivité, le groupe prépare aussi l’événement
depuis quatre ans et de façon encore plus
Le TOC
en chiffres
400 000 km
de fibre optique
12 000
postes de travail
7 000
points d’accès réseaux
200
applications
active ces derniers mois. « Nous avions en-
voyé des équipes à Tokyo en 2021 pour ob-
server et apprendre, confie Jean-François
Fallacher, patron d’Orange France. Mais à
titre de comparaison, cinq opérateurs
avaient chacun pris en charge des services
différents. Nous avons l’intégralité de la res-
ponsabilité pour ces Jeux. »
L’opérateur tricolore est chargé d’as-
surer le transport des images des
350 000 heures de diffusion TV et sur les
plateformes, aussi bien que la connectivi-
té pour les millions de spectateurs et les
15 000 athlètes qui déambuleront dans
près de 120 sites. « Il y a une attention par-
ticulière pour renforcer et sécuriser le ré-
seau sur ses sites clés, se prémunir du van-
dalisme ou d’action visant à déstabiliser les
communications », rappelle le dirigeant.
Particularité des Jeux, Orange s’est en-
gagé à conserver une large partie des in-
frastructures après l’événement. « Près
de 70 % des équipements seront pérennes.
Le reste sera démonté, avec une attention
particulière à l’empreinte carbone », esti-
me Jean-François Fallacher. Le groupe
ambitionne de limiter à 10 000 tonnes de
CO2 son impact, soit la consommation
annuelle de l’équivalent de 1 250 Fran-
çais. Rompu à l’exercice des événements
sportifs, Orange est néanmoins confronté
pour ces JO à des particularités.
La cérémonie d’ouverture, par exem-
ple, qui se déroulera sur la Seine. Les
150 barges qui vont partir de la Bibliothè-
que nationale de France pour aller jus-
qu’au Trocadéro et le transport des images
pour cet événement itinérant « revêtent un
challenge particulier », reconnaît Jean-
François Fallacher. « Nous avons bien
La marina olympique de Marseille, qui
accueillera la compétition de voile, néces-
site elle aussi de nombreux travaux pour
fibrer la zone, créer une infrastructure 5G
privée pour la compétition qui permettra
de désengorger le réseau, et même de sui-
vre les épreuves de façon immersive. Pour
assurer la communication entre les
15 000 personnels prioritaires des JO,
l’opérateur français a également déployé
un service innovant de talkie-walkie vir-
tuel, qui sera disponible sur leurs smart-
phones. Celui-ci s’appuie sur la 5G privée
et permettra à ses employés de bénéficier
d’une connexion sécurisée, immunisée
contre la congestion du réseau.
Visa, partenaire officiel
Partenaire exclusif des Jeux olympiques
depuis 1986 et des paralympiques depuis
2022, le géant des paiements Visa doit lui
aussi gérer le gigantisme des 13,5 millions
de porteurs de billets qui vont se presser
pour consommer. « L’expérience de paie-
ment doit être la plus rapide, fluide et sécu-
risée. C’est un énorme challenge que nous
sommes en train d’absorber », indique
Nicolas Macé, directeur du programme
Paris 2024 chez Visa. Pas moins de
1 000 personnes sont là encore mobili-
sées, dont 200 au moins pour assurer le
support sur les 5 000 points de ventes dis-
séminés pour les JO. Le partenariat avec
les organisateurs assure à Visa d’être le
seul prestataire de paiement.
Autrement dit, les paiements avec CB
ou Mastercard, par exemple, ne seront
pas disponibles. Le groupe américain a
néanmoins ouvert des alternatives.
« Nous allons mettre à disposition des solu-
tions de paiement alternatives, des cartes
digitales et/ou physiques prépayées que les
porteurs de billets pourront charger puis
utiliser dans les enceintes », explique Ni-
colas Macé. Le groupe va également met-
tre en place une infrastructure de distri-
buteurs de billets. « Nous nous adaptons à
la réalité du marché local, qui impose l’ac-
ceptation du liquide », indique encore le
dirigeant. Victime d’un bug en 2018 au ni-
veau européen qui avait bloqué de nom-
breux paiements, le groupe américain se
veut rassurant. « Chaque année, nous ab-
sorbons plusieurs milliards de transactions,
la sécurité est l’essence même de nos mé-
tiers », conclut Nicolas Macé. ■
 lundi 22 avril 2024 LE FIGARO - N° 24 778 - Cahier N° 3 - Ne peut être vendu séparément - www.lefigaro.fr

joann sfar Télévision

Avec « nous vivrons », roman Indochine : un débat avec les
graphique de 450 pages, le spécialistes François joyaux et
dessinateur livre une puissante Guillaume Zeller sur le Figaro TV
enquête sur l’antisémitisme Page 32 Page 33
LUCAS BARIOULET/Le Figaro ; Léon Busy / domaine public : École française d’Athènes ; Poltrone Frau ; Loro Piana

Les Jeux olympiques,

racines grecques
Une exposition au Louvre et une autre au MuséoParc d’Alésia retracent les origines antiques
de la compétition moderne et mondialisée accueillie à Paris cet été. Page 30

Milan,
capitale
mondiale
du design
Pages 28 et 29

Poltrona Frau Loro Piana

« Je m’appelle Asher Lev » : dessine-moi un destin

Nathalie Simon

Martin Karmann joue avec brio le rôle-titre de cette pièce. Il est nommé pour le Molière de la révélation masculine.

U
n quartier de Broo-
klyn. Asher Lev
(Martin Karmann et,
en alternance, Benoît
Chauvin) ne peut s’empêcher de
dessiner depuis sa plus tendre
enfance. Il a un don. Mais si ce
passe-temps fait son bonheur, il
énerve son père (Guillaume Bou-
chède), un Juif orthodoxe qui
souhaiterait plutôt le voir étudier
la Torah que copier des œuvres
au musée. « De quoi a-t-on l’air,
lorsque mon fils passe son temps à
a-t-on l’air ? », râle-t-il. « C’est
ton père, tu dois le respecter », ré-
pète sa mère (Stéphanie Caillol).
Le garçon est écartelé entre ses
aspirations artistiques et le désir
d’obéir à son paternel dévoué au
Rebbe (« rabbin »). Jacob, un
peintre reconnu, entreprend de
le former.
« En tant qu’artiste, tu n’es res-
ponsable de rien, ni de personne, si
ce n’est de toi et de ta vérité », lui
martèle-t-il. Asher ne demande
qu’à se réaliser, mais a-t-il le
souffrir ses parents ? La façon
dont il évolue sera déterminante
pour son avenir. Confrontée à
une éducation religieuse stricte,
sa vocation est contrariée.
Avec son adaptation de Je
m’appelle Asher Lev, d’Aaron
Posner, tiré du roman de Chaïm
Potok, Hannah-Jazz Mertens,
25 ans de talent, donne l’impres-
sion qu’on assiste à une histoire
vraie. Comédienne et chanteuse,
elle saisit toutes les nuances
d’une destinée fragile. Les per-
chéens. Chacun a ses raisons de
défendre des valeurs chères à son
cœur. Hannah-Jazz Mertens a
l’intelligence de ne pas condam-
ner le père qui essaie de com-
prendre son rejeton. La mère
marie douceur et fermeté. Elle
aussi entend décider de sa vie.
Un dénouement virtuose
Hannah-Jazz Mertens signe aussi
la mise en scène de cette pièce
sur l’identité et la création. L’es-
sentiel est de rester soi, semble-
pense jusqu’au dénouement
dans le décor sans fioritures de
Capucine Grou-Radenez. En vir-
tuose. Elle peut compter sur un
trio de comédiens éblouissants.
Martin Karmann et Guillaume
Bouchède viennent d’ailleurs
d’être nommés pour le Molière
de la révélation masculine. Le
premier est le héros et le narra-
teur. Remarquable, l’acteur
donne l’illusion qu’il a 6 ans, puis
16, et est enfin adulte et peintre
célébré dans une grande galerie.
cemment dans Berlin Berlin et
Denver, le dernier dinosaure. Il se
distingue là dans un registre dra-
matique, jouant et le père et l’on-
cle d’Asher, son professeur et le
Rebbe. Avec une facilité bluffan-
te. Quant à Stéphanie Caillol, qui
interprète aussi une galeriste à la
mode, elle est d’une discrétion et
d’une efficacité exemplaires. Un
premier spectacle plein d’huma-
nité. ■
Je m’appelle Asher Lev,
au Théâtre des Béliers parisiens
A

dessiner au lieu d’étudier ! De quoi choix ? Peut-il éviter de faire sonnages ne sont pas mani- t-elle dire. Elle ménage le sus- Guillaume Bouchède était ré- (Paris 18e). Loc. : 01 42 62 35 00.
 28 lundi 22 avril 2024 le figaro Style

U
ne belle lumière inondait
les rues de la capitale lom-
barde la semaine dernière 1 2
pour le Salone del Mobile.
Celles-ci étaient prises
d’assaut par les curieux et
les professionnels le monde florissant de la
création. Les uns et les autres se pressaient
à l’entrée des palais où grandes maisons de
design, de mode, galeristes et artistes pro-
posaient d’étonnantes scénographies, au
programme du Fuorisalone, le « off » du
salon. Entre deux expositions, les terrasses
étaient prises d’assaut par des visiteurs
trop heureux de profiter des rayons de so-
leil. À la Feria Milano, plus de 300 000 per-
sonnes se bousculaient également pour vi-
siter les stands des 1 950 exposants répartis
sur 24 halls. Des chiffres à la hauteur de la
démesure des lieux. Deux événements
marquaient cette édition 2024 : les 25 ans
de SaloneSatellite, mettant en lumière la
jeune création (lire notre encadré), et l’ex-
périence intime et immersive « Interiors
par David Lynch, Thinking Room », où le
réalisateur nous invitait, à travers une
galerie de photos, à une réflexion sur la
portée de nos intérieurs. De retour de
Milan, Le Figaro revient sur les temps forts
de cette semaine du design.

■ Knoll, une ode au confort

C’est à la Feria Milano, hall 24, au cœur
du Salone del Mobile, que Knoll présen-
tait la pièce maîtresse de sa collection : le
canapé Pillo. Exposé en guest-star sur
son stand aménagé à la manière d’une
villa où une succession d’espaces intimes
se dévoilait derrière des baies vitrées.
Enveloppant, modulable, proposé en dif-
férentes profondeurs, en finition bou-
clette, lin ou denim, il incarne à lui seul
l’art de se prélasser. « J’avais développé ce
sofa pour une grande maison californien-
ne. Jonathan Olivares, le directeur artisti-
que de Knoll, a vu le prototype dans mon

Quand Milan
bureau et a souhaité collaborer avec moi,
raconte son créateur, Willo Perron, qui se
définit comme un polymathe culturel, à
la fois scénographe pour des concerts ou

vibre
des défilés de mode, designer et architec-
te. J’aime l’idée qu’il peut être agrandi,
déménagé ou réutilisé dans une pièce diffé-
Francois Halard/Ralph Lauren ; Maxime Verret/Hermès ; Armani Casa ; Federico Cedrone/Knoll ; B&B Italia ; Poltrone Frau ; Gaggenau ; Tectona ; Bottega Veneta ; simona pesarini/Kartell ; Technogym

rente. » Quant à la finition denim, elle lui

au rythme
donne un petit air de rock star.

■ Hermès,

du design
l’artisanat à son apogée
Il fallait bien les immenses espaces de la
Pelota, une ancienne salle de pelote au
cœur du quartier de Brera, pour mettre en
lumière l’impressionnante scénographie
de cette maison de luxe. Sol tapissé de
briques, pierres, terre compactée et Alyette Debray-Mauduy Envoyée spéciale à Milan
autres matières brutes reprenant les mo-
tifs de la casaque, lumière tamisée et mu- Rééditions, scénographies spectaculaires, 3
innovations… Durant cinq jours,
sique holistique, le décor était planté.
Derrière cette mise en scène signée Char-
lotte Macaux Perelman, Hermès Maison
dévoilait ses nouveautés, hommage à son
le Salone del Mobile a donné le ton 1. Le palais de Ralph Lauren à Milan.
2. La lampe Voltige d’Hermès
artisanat et son univers équestre. « Pour
donner une cohérence à cette ligne, nous
de la création mondiale. avec sa tige tressée de cuir
et son abat-jour en lin.
avons mis en résonance ces créations, si- 3. Tout en rondeur, le fauteuil
Narinari de la nouvelle collection
gnées Charlotte Macaux Perelman et
B&B Italia.
Alexis Fabry, avec des pièces piochées dans ■ B&B Italia, verre ou en bois, lui donnent une stature 4. Squash, des assises aux formes
notre conservatoire, à Pantin, explique les anciens et les modernes architecturale. voluptueuses, première
Anne Sarah Panhard, directrice du métier Cet incontournable du design italien, ré- collaboration de la créatrice Faye
Maison. Notre démarche a consisté à créer puté pour ses créations tendance et fonc-
tionnelles, s’était largement étalé sur la ■ Ralph Lauren,
Toogood avec Poltrona Frau. 4
d’abord avant d’associer une archive. » 5. Chez Gaggenau, le réfrigérateur
C’est ainsi qu’un collier en alu martelé de chaussée piétonne de la Via Durini, pour la création à folle allure devient une véritable pièce
2002 accompagnait le nouveau fauteuil en présenter son actualité riche en collabora- Collectionneur de voitures, passionné de design.
cuir dont la structure est en acier. À côté tions avec de nombreux designers. Le petit de vitesse et de sport automobile, Ralph 6. La boutique Tectona de Milan
d’une nouvelle lampe en bronze et cuir fauteuil Narinari, aux formes douces et ar- Lauren a puisé dans son univers favori mise en scène par le paysagiste
était posée un fouet de chasse. La pièce rondies, dessiné par le jeune duo Tiziano pour imaginer sa nouvelle ligne pour la Louis Benech pour présenter
maîtresse ? Le couvre-lit en patchwork Gardini et Luigi Ciuffreda - qui signaient là maison, présentée dans son palais mila- les nouveautés, tel le fauteuil
de casaques, doublé cachemire.
bridge créé par Christophe Delcourt.
leur première réalisation pour B&B Ita- nais de 1 100 m2. Une fois la porte - enca-
7. Le tabouret LC14 de Le Corbusier
lia -, attirait particulièrement l’œil des vi- drée de deux colonnes romaines et re- réédité en édition limitée par
siteurs. Tout comme la nouvelle table Isos couverte de lierre - franchie, c’est au Bottega Veneta, en partenariat
■ Loro Piana, de Piero Lissoni - le directeur artistique de premier étage que se découvrait cette avec la Fondation Le Corbusier
un hommage à Cini Boeri la maison qui avait aussi signé la scénogra- collection baptisée Modern Driver. Les et Cassina.
C’est un double centenaire que cette grif- phie du flagship - dont les pieds cylindri- lieux avaient été aménagés dans l’esprit
fe célébrait à Milan. Celui de sa création, ques en forme de crayons, associés à un du bureau personnel de Ralph Lauren.
en 1924, mais aussi celui de la designer plateau rond, rectangulaire ou ovale, en Chaque pièce de mobilier rappelant avec
italienne Cini Boeri, qui aurait soufflé ses
cent bougies cette année. « Une architecte
engagée, porte-parole de la libération des
femmes, qui a su s’imposer à une époque
5 6
où cela n’était pas forcément évident pour
elles, les années 1960. Elle a travaillé avec
les plus grands tels Gio Ponti ou Marco
Zanuso. Ses pièces modulaires, conçues
pour la vie de tous les jours, traversent le
temps tout comme les incontournables de
notre vestiaire », remarque Francesco Per-
gamo, le directeur de Loro Piana Interiors.
Au sein de son siège de la Via della Mosco-
va (voir page 27), baigné de lumière, la
marque a donc présenté, en collaboration
avec Archivio Cini Boeri, plusieurs créa-
tions de la designer, rééditées par Arflex et
habillées de tissus Loro Piana. Le Strips, un
sofa et un lit modulables, récompensés en
1979 du prix Compasso d’Oro. Les petites
chaises Botolo, recouvertes de cachemire
et proposées en édition limitée de 100 piè-
ces. Ou encore le fauteuil Boborelax s’ins-
A

pirant de l’idée que l’on pense mieux

lorsque l’on est couché.
7

Les 25 ans
de SaloneSatellite
Imaginé en 1998 par
la Vénézuélienne Marva Griffin
Wilshire, cet espace du Salone
del Mobile de Milan met en lumière
la créativité de la jeune génération,
designers émergents ou étudiants
des grandes écoles. Plus qu’un
simple lieu d’exposition, il permet
aussi à ces talents de multiplier
les rencontres pour se lancer
ou monter leur studio.
Depuis vingt-cinq ans, près
de 1 400 créateurs ont ainsi profité
de ce tremplin pour exposer
leur travail. De grands noms
du design, comme Patrick Jouin,
présent dès la première année,
en 1998, se sont ainsi fait connaître
via SaloneSatellite. Notamment
grâce aux prix remis chaque année
aux projets les plus inspirants.
Cette année, c’est le studio chinois
Ololoo qui a été récompensé
pour sa lampe « Déformation sous
pression », qui combine le PVC
gonflable avec une structure
en aluminium tendue.
À l’occasion de cet anniversaire,
une exposition, « Universo
Satellite » – dirigée par Beppe
Finessi et mise en scène par
Ricardo Bello Dias –, est organisée
jusqu’au 28 avril à la Triennale de
Milan. Celle-ci revient sur l’histoire
de l’événement à travers les projets
marquants des vingt-cinq dernières
années mais aussi autour
d’une galerie de photos souvenirs
et d’affiches emblématiques.
A. D.-M
8 plusieurs stars du football transalpin. Cet-
Style
une finition, un
matériau, l’uni-
vers cher au stylis-
te. À l’instar du bureau
en acajou dont les pieds
en acier tubulaire font réfé-
rence aux cylindrées, de l’assiette
en porcelaine décorée d’un compteur de
vitesse. Ou encore du fauteuil en cuir CF1,
une pièce iconique de la maison depuis
2003, s’inspirant de la voiture de course
McLaren F1, avec une structure utilisant
plus de 71 couches de fibres de carbone.
Dans la chambre, la tête du lit Ellis repre-
nait quant à elle l’intérieur cuir de la Mer-
cedes Benz 300SL Roadster de 1958 ap-
partenant à Ralph Lauren. Il ne manquait
plus à cette exposition que le bruit des
moteurs vrombissants en pole position.
■ Kartell, un Liberty de saison
Aux abords de la Via Turati, le son des pla-
tines du DJ set s’entendait à plusieurs cen-
taines de mètres à la ronde. Devant le
flagship de Kartell, près d’un millier d’in-
vités se bousculaient pour découvrir la
nouvelle collaboration de la marque avec
Liberty, dont le charme des imprimés tra-
verse les époques depuis près de cent cin-
quante ans sans prendre une ride. Décora-
tion de circonstance, les murs de la
boutique avaient entièrement été tapissés
de papier peint. Le point d’orgue de cette
collection : la chaise H.H.H. - traduisez
Her Highest Highness - signée Philippe
Starck, un fidèle de la maison. Son nom
évoque la forme majestueuse de cette assi-
se en polycarbonate 2.0. Celle-ci se décli-
ne en six imprimés réalisés grâce une
technique d’impression graphique inno-
vante, permettant de décliner les motifs
floraux en onze couleurs.
■ Technogym,
sur le banc des designers
Autre lieu, autre fête. Le cocktail donné
pour les 40 ans de Technogym a lui aussi
attiré le Tout-Milan, dont le ministre du
« made in Italy », le maire de la ville et
te entreprise créée par Nerio Alessandri
en 1983 - parti de rien mais animé par
l’envie de marier ses deux passions, sport
et technologie - est aujourd’hui l’un des
leaders du secteur (85 000 salles dans
100 pays, 2 500 employés). Pour célébrer
cet anniversaire, l’exposition « Design to
Move » présentait le banc de fitness em-
blématique de la marque réinterprété par
40 designers du monde entier : des Ita-
liens comme Piero Lissoni, Antonio Citte-
rio, Walter Da Silva, des Japonais comme
Oki Sato, des Américains telle Kelly Hop-
pen… et un Français, Julien Sebban
(Uchronia), élu designer émergent de
l’année en 2023. Ces derniers n’avaient
qu’une seule contrainte : en garder les di-
mensions. Si certains comme Patricia
Urquiola sont restés fidèles à son usage
premier, d’autres ont laissé libre cours à
leur imagination. À l’instar de Santo
11
8. La chaise H.H.H. en Liberty
imaginée par Philippe Starck
pour Kartell.
9. L’armoire Virtù d’Armani Casa,
présentée avec un sabre
et un casque de samouraï
de la collection personnelle
de Giorgio Armani.
10. Le banc de fitness revisité
par l’Italienne Patricia Urquiola
pour les 40 ans de Technogym.
11. Le canapé Pillo signé
du Canadien Willo Perron
pour Knoll.
10
Tolone qui a
recouvert son œuvre de
paille. Vingt-cinq de ces créations
sont disponibles en ligne (techno-
gym.com) alors que quinze autres seront
vendues chez Sotheby’s, en septembre
2024, la totalité des recettes étant reversée
à l’Unicef. L’été prochain, Technogym,
partenaire des Jeux olympiques depuis
2000, installera à Paris 29 salles de gym
sur des sites sportifs dont une immense
structure dans le Village olympique.
■ Bottega Veneta,
une réédition à six mains
Derrière les murs du Palazzo San Fedele
- où sera abrité en septembre 2024 le siège
de Bottega Veneta, Matthieu Blazy, son di-
recteur artistique, a eu carte blanche pour
mettre en scène la réédition du tabouret
Cabanon LC14 de Le Corbusier, réalisée en
collaboration avec la fondation éponyme
et l’éditeur italien Cassina. Cette assise
iconique, expression ultime du minimalis-
me, meublait la petite maison de l’archi-
tecte à Roquebrune-Cap-Martin. Elle lui
avait été inspirée par la caisse de whisky
qu’il avait trouvée échouée sur la plage de
galets en bas de sa maison. Mathieu Blazy a
utilisé ces tabourets pour son défilé
automne-hiver 2024-2025. L’exposition
« On the Rocks » - référence aux rochers
de Roquebrune-Cap-Martin - présentait
le LC14 avec des finitions inédites. L’une
en bois brûlé inspirée de techniques japo-
naises, l’autre dans un tressage de cuir
peint à la main (rouge, jaune, bleu, vert),
reprenant le motif Intreccio de Bottega
Veneta. Proposées en édition limitée, les
premières sont éditées en 100 exemplaires
à 2 500 euros pièce, les secondes en
15 exemplaires à 12 000 euros.
■ Armani Casa,
une invitation au voyage
Les occasions sont rares de visiter le Pa-
lazzo Orsini, où Giorgio Armani a installé
ses bureaux et ses ateliers de couture, de-
puis 1996. Depuis l’an dernier, le Fuori Sa-
lone en est une. Ce sont donc plus de
30 000 visiteurs qui se sont bousculés tou-
te la semaine à l’entrée de ce palais du
XVIIIe siècle. Le couturier italien y pro-
posait une scénographie étonnante,
« Echoes Around the World », mariant ro-
bes haute couture, nouvelles pièces de
mobilier et d’accessoires et objets person-
nels chinés par Armani aux quatre coins
du monde. « Pour cette édition du Salone
del Mobile, j’ai imaginé un voyage cinéma-
tographique dans les pays qui m’ont tou-
jours inspiré », explique-t-il dans un com-
muniqué. La collection Armani Casa se
dévoilait par thématique - Europe, Japon,
Maroc, Arabie, Chine - et mettait en va-
leur les savoir-faire des artisans italiens.
L’armoire bar Club recouverte d’un tissu
brodé à la main est une petite merveille,
le figaro lundi 22 avril 2024 29
tout comme le lit Morfeo en bois de noyer
canaletto, tapissé de velours à motifs géo-
métriques.
■ Poltrona Frau,
une ligne dans l’air du temps
Le palais du prince Gallarati Scotti, datant
du XVIe siècle, avec ses fresques d’époque
aux murs, devenu la boutique emblémati-
que de Poltrona Frau depuis 2015… La
créatrice anglaise Faye Toogood ne pou-
vait rêver plus bel écrin pour présenter
sa première collection avec ce spécialiste
du cuir. Son nom : Squash. Elle met à
l’honneur des assises « gonflées », ac-
cueillantes, « qui vous embrassent », indi-
que cette dernière, qui s’est inspirée du
fauteuil Vanity Fair en cuir rouge, créé par
Renzo Frau dans les années 1930,
qu’elle a découvert dans les archives
de la maison. À cela il faut ajouter
un trio de miroirs recouverts de
cuir et deux tapis aux motifs en
damier, caractéristiques de l’uni-
vers de cette designer.
■ Tectona,
le jardin en majesté
Pour fêter le printemps, quelle
meilleure mise en scène qu’un jar-
din ? À Milan, chez le spécialiste français
des meubles d’extérieur, c’est le paysagis-
te Louis Benech qui a signé la scénographie
de la boutique. La nouvelle ligne Bamboo y
était présentée, noyée au milieu de petits
pins parasols, en pots, et d’Acer palma-
tum. Composés de tubes d’aluminium ul-
traléger reprenant le design des cannes de
bambou, cloisonnées par des nœuds, ban-
quettes, fauteuils et tables basses se décli-
nent en plusieurs coloris, dans un esprit
japonisant à la fois rétro et contemporain.
Ils ont l’avantage de se déplacer très faci-
lement sur une terrasse ou dans un jardin.
■ Schumacher,
à la conquête de l’Italie
Après Londres en 2021 et Paris en 2022,
l’éditeur de tissus américain vient d’ouvrir
son premier showroom transalpin, à Mi-
lan, dans une de ces petites ruelles qui font
le charme du quartier de Brera. Poursui-
vant ainsi son développement en Europe.
Il a profité de la semaine du design pour
inaugurer ce lieu qui mise sur l’intimité.
Pour l’Italie, Schumacher a misé sur des
tissus classiques, unis, dans de belles ma-
tières - chanvre, velours, laine, déclinés
dans une impressionnante quantité de dé-
gradés pour une même couleur. Il exposait
également sa ligne Max, une série d’im-
primés cachemire, trouvés dans les archi-
ves de la maison et remis au goût du jour.
■ Gaggenau,
coup de froid sur le design
Frigidaire ou bibliothèque ? Le nouveau
réfrigérateur congélateur signé Gagge-
nau, la marque d’électroménager de luxe,
peut laisser planer le doute tant il s’intè-
gre parfaitement dans un intérieur, avec
son design exceptionnel, usiné à la main.
Exposé dans le pavillon en verre de la Vil-
la Necchi, au fil d’une présentation bapti-
sée The Elevation of Gravity, il révèle,
même ouvert, des étagères et des tiroirs
aux finitions parfaites. Techniquement,
c’est aussi une petite merveille avec cinq
zones de températures, un régulateur
d’humidité, un contrôle via un smart-
phone des paramètres de réfrigération,
des caméras signalant à distance ce qu’il
reste dans son frigidaire.
■ Valextra, le sac en 3D
Cette institution milanaise, connue pour
ses sacs au design intemporel, célébrait la
semaine dernière le lancement de ses
nouveaux modèles, fruits de technologies
de pointe. Imprimé en 3D, sculpté à partir
d’un filament de maïs biodégradable, Iside
Onda reprend la silhouette iconique, on-
dulée et striée d’Iside, créé en 2011. Quant
à Valextra Assoluto, une collection capsule
unisexe de maroquinerie, au dessin ergo-
nomique, elle est conçue en nylon régéné-
ré. Clin d’œil à l’héritage de la marque, le
A
sac banane s’inspire de l’iconique Tric
Trac Bag créé en 1968. ■
 30 lundi 22 avril 2024 le figaro
C
omment et sur quelles ba-
ses des connaissances ar-
chéologiques d’alors, la
fin du XIXe siècle a réin-
venté les concours de la
Grèce antique ? Réponses
au Louvre qui sera bientôt aux premiè-
res loges pour les Jeux olympiques et
paralympiques de 2024. S’y ouvre à
partir du 24 avril une exposition sur ce
thème. Elle a été conçue par Alexandre
Farnoux, ancien directeur de l’École
francaise d’Athènes, professeur d’ar-
chéologie et d’histoire de l’art grec à la
Sorbonne, avec son homologue de
l’université de Thessalie Christina Mit-
sopoulou. Rencontre avec le premier au
sein d’un parcours aux couleurs inspi-
rées des célèbres anneaux entrecroisés.
Et tandis qu’est installée dans une vitri-
ne la « coupe Bréal » venue d’Athènes,
prêt de la Fondation Stavros Niarchos,
premier trophée de l’athlétisme moder-
ne, mi-antique, mi-style Art nouveau.
LE FIGARO. - Qui était ce Michel Bréal
qu’on découvre, dans un pastel,
penché sur sa table de travail
parmi une montagne de livres ?
ALEXANDRE FARNOUX. - Un philolo-
gue mort en 1915, professeur au Collège
de France et membre de l’Académie des
inscriptions et belles-lettres. C’est lui
qui, à l’âge de 62 ans, depuis le bureau de
sa villégiature en Suisse, a inventé la
course du marathon. En s’inspirant des
sources historiques anciennes bien sûr.
Celles qui relatent la célèbre bataille dans
la plaine marécageuse de Marathon ;
quand les Athéniens ont été informés par
un guerrier ayant couru jusqu’à en per-
dre tout souffle que le danger d’une in-
vasion perse était passé. Mais il avait
également lu Minoïde Mynas. Ce décou-
vreur et traducteur en 1858 du traité De
la gymnastique de Philostrate avait pro-
posé de restaurer le stade antique
d’Athènes pour y organiser des Jeux
olympiques modernes. C’était l’embryon
de la vision de Pierre de Coubertin.
«
Certaines disciplines
ont été reconstituées
et améliorées, comme
le lancer du disque
»
Alexandre Farnoux
professeur d’archéologie et d’histoire
de l’art grec à la Sorbonne
En quoi Bréal est-il emblématique
de ce réseau d’érudits ayant
accompagné la renaissance des Jeux
et auquel l’exposition rend hommage ?
Il a été un ami proche et un appui déter-
minant pour Pierre de Coubertin. Lors du
fameux Congrès olympique de 1894 qui a
donné le coup d’envoi officiel des Jeux, il
était assis à sa droite. Le baron lui a donné
la parole en premier. Et c’est à ce mo-
ment qu’il a prononcé la phrase - attri-
buée à un autre ami érudit, Henri Didon,
directeur du collège dominicain d’Arcueil
- « citius, altius, fortius » (« plus vite,
plus haut, plus fort ») devenue la devise
olympique. Les JO doivent également à
Bréal le dessin de la coupe du premier
marathon (gagné en Grèce par un Grec).
À Alésia, le MuséoParc revient sur l’origine de la compétition
L’
Antiquité grecque n’est pas au
cœur du site d’Alésia, entière-
ment tourné vers la guerre des
Gaules et Vercingétorix. Mais le
passage de la flamme olympique, le
12 juillet prochain, là où le guerrier celte
déposa les armes aux pieds de César, a
poussé le MuséoParc Alésia à faire « un pas
de côté » dans sa programmation. Une ex-
position, « Ô sport. Des jeux pour des
dieux », un parcours sonore épatant sur
les sons des sports et des animations vont
accompagner ce que le territoire pressent
comme un événement.
Commençons par la création de Sté-
phane Marin, Forêt olymphonique, dont le
son court sur le toit-terrasse. Trente mi-
nutes en hexaphonie qui restituent des
enregistrements de disciplines sportives,
boxe, escrime, rugby fauteuil, course ou
A
autres, ainsi que des souffles réparateurs.
Idée simple, mise au point notamment
L’ÉVÉNEMENT
Alexandre Farnoux : « Coubertin n’a
pas inventé seul les Jeux olympiques »
Éric Biétry-Rivierre
Au cœur de l’événement, le Louvre rappelle à quel point leur renaissance en 1896 est le fait
d’un réseau d’érudits, philologues et archéologues, spécialistes de l’Antiquité.
2 Quant aux disciplines, certaines sont in-
3 À Athènes la première classe d’âge à
L’objet, confectionné en 1895 à Paris par
un orfèvre dont l’identité demeure in-
connue, a été acquis en 2012 pour plus de
600 000 € par la fondation créée par feu
l’armateur Stavros Niarchos.
Un autre promoteur des JO, celui
qui en fixe l’image le premier à travers
des timbres, médailles, coupes
et affiches, s’appelle Émile Gillieron…
Lui est un artiste suisse, mort en 1924.
Nous exposons ses archives en regard des
chefs-d’œuvre antiques du Louvre, tant
statues que vases, qu’il a copiés. Et aussi,
installé en Grèce, nommé artiste officiel
des Jeux, cela dès leur première édition
en 1896, Gillieron s’est inspiré des dé-
couvertes faites sur les chantiers de
fouilles auxquels il avait participé. Ceux
de l’Acropole d’Athènes, Marathon,
Béotie, Eubée et autres.
Dans le parcours on croise la danseuse
Isadora Duncan…
Des photos faites par son frère la montre
visitant le Musée archéologique national
avec le Creps de Toulouse et en suivant des
athlètes au plus près de leur effort. Les
sons produits ne sont pas si loin de ce que
l’on imagine être ceux des combats anti-
ques, et on ne peut s’empêcher de penser
au siège d’Alésia, qui se déroula en
contrebas, en 52 avant J.-C.
Accueillis comme des héros
Dans les salles, une exposition à la scéno-
graphie acidulée – les athlètes imaginés
par les scénographes de Freaks sont figurés
par des silhouettes orange - se propose de
donner des clés sur l’organisation des jeux
antiques. Elle multiplie les repères chro-
nologiques, les cartels rédigés sous forme
de questions-réponses, les jeux interactifs
et vise un propos simple, sans être simplis-
te. Il suffit de se laisser porter, d’un mur à
l’autre, d’un objet à l’autre, en suivant un
tracé à la manière d’un couloir d’athlétis-
me. Par un jeu de miroirs, et à moins de
4 sanctuaires on pouvait s’en offusquer,
d’Athènes ou dansant en 1903 dans le
théâtre de Dionysos. Gillerion lui avait
montré sa copie d’une amphore conser-
vée au British Museum, représentant le
rapt des filles de Leucippe par les
Dioscures. Un motif de danse. Isadora et
son frère Raymond se sont dès lors pas-
sionnés. Et Gillerion les a initiés à la
culture antique. Il leur a servi de guide
jusque sur les sites archéologiques tan-
dis qu’Isadora s’attachait à recréer les
pas de danse comme d’autres au même
moment reconstituaient les musiques.
Les femmes grecques antiques étaient-
elles interdites de toute activité physique ?
Le refus des premiers Comités olympi-
ques d’autoriser les femmes à participer
aux Jeux modernes au nom du modèle
antique a reposé sur une utilisation ten-
dancieuse des sources anciennes. On
trouve en effet dans la des-
cription du sanctuaire de
Zeus à Olympie faite par
Pausanias la mention de
concours de course destinés
cent jours des Jeux Paris 2024, c’est l’héri-
tage des jeux d’Olympie, y compris en ter-
mes de vocabulaire, que l’on saisit au vol.
Dans l’Antiquité, ces grandes rencon-
tres visaient à mettre en compétition les
meilleurs athlètes des différentes cités-
États de la Grèce. Organisés dans plusieurs
villes, ils se déroulaient dans des sanctuai-
res, dont celui d’Olympie, et pas en public
– les hommes couraient, lançaient disques
ou javelots, boxaient ou luttaient devant
des prêtres et au nom des dieux. Les athlè-
tes ne cherchaient pas à battre des re-
cords, mais à obtenir le titre d’olympioni-
ke (vainqueur à Olympie). De retour dans
leur ville natale, les vainqueurs étaient ac-
cueillis comme des héros, au point de
pouvoir faire ériger leur statue. Certaines
ont été reproduites par les ateliers d’art
des musées nationaux, celui de Lorenzi ou
ceux des moulages du Musée d’art et
d’histoire de Bruxelles.
5 5. Statuette de coureuse.
On comprend pourquoi les références
antiques ont fasciné la postérité. Les Jeux
de 1896, de 1936 à Berlin, de 1960 à Rome
ou de 2004 à Athènes s’appuient
d’ailleurs largement sur ce passé. L’expo-
sition diffuse le film Les Dieux du stade, de
Leni Riefenstahl, tourné en 1936 à Berlin,
et qui célèbre à travers les corps musclés
l’image d’une Allemagne pacifiste et tolé-
rante. La torche de 1936 est aussi exposée ;
grâce à elle, on apprend qu’il n’y avait pas
de flamme dans l’Antiquité, ce rite ayant
été inventé en 1928.
L’œuvre sonore et l’exposition sont les
propositions phares d’une saison entière
bâtie autour du grand tour que fera le por-
teur de flamme, mi-juillet. Peu avant son
arrivée, des danseurs de la compagnie
d’Hervé Koubi entraîneront le public dans
un bal olympique, dont la chorégraphie,
extraite de la pièce Sol Invictus, sera mise
en ligne pour que chacun répète à l’avan-
1
aux jeunes filles et organisés dans le stade
lors des fêtes en l’honneur d’Héra. Par
ailleurs, les jeunes filles se livraient à des
activités physiques dans la sphère privée
– danse, jeux de balle ou du porteur par
exemple.
Dans quelle mesure la compétition
moderne diffère-t-elle de l’antique ?
Pas de podiums ni de résultats de perfor-
Gérard Blot, Stéphane Maréchalle/RMN-Grand Palais (musee du Louvre) ; RMN-Grand Palais (musee du Louvre)/Christian Larrieu/Agence photo de la RMN-GP ; École française d’Athènes ; The British Museum/Trustees of the British Museum
mance enregistrés puisque seul le premier
compte car il est celui béni des dieux.
ventées comme le marathon. Certaines
ont disparu comme le saut en longueur
sans élan. Ou le pancrace, un combat
autorisant toutes les techniques, pincer,
mordre, tordre. Sauf le doigt dans l’œil ou
dans la bouche, tirer l’oreille ou les par-
ties génitales de l’adversaire. Certaines
disciplines ont été reconstituées et amé-
liorées, comme le lancer du disque. Cela à
partir de l’analyse des sculptures, des
peintures et une comparaison avec le ges-
te décomposé depuis la fin du XIXe siècle
grâce à la chronophotographie. L’âge des
participants a enfin été largement haussé.
concourir avait 10 à 14 ans. Dans certains
surtout lorsqu’il s’agissait du pancrace.
En fin de parcours vous montrez
l’instrumentalisation du Discobole
par Hitler. Mais pourquoi ne montrez-
vous pas l’affiche des Jeux de 1924 où l’on
voit des athlètes, uniquement des mâles
blancs, le bras tendu ?
Oui, je me demande bien qui osera, en
2024, remontrer cette image. Toutefois le
futur salut nazi ne doit pas conduire à
une surinterprétation. C’est le geste, in-
venté en 1920 que l’on faisait alors en
prêtant le serment olympique. Et c’est lui
qui a été détourné par les nationalismes,
jusqu’au pire. ■
« L’olympisme, une invention moderne,
un héritage antique » du 24 avril au 16 septembre
au Louvre, galerie Richelieu (Paris 1er). Catalogue
Hazan, 336 p., 45 €. www.louvre.fr
1. Devant de sarcophage : enfants
luttant. 2. Coupe à figures rouges :
scène de palestre. 3. Cratère à
figures rouges : Héraclès et Antée.
4. Plaque en plâtre d’Émile Gillérion
représentant deux lutteurs.
ce. À 12 h 48, tout le monde – y compris
des reconstituteurs gaulois, romains et
grecs en habit – saluera le passage de la
torche. « Ce sera un moment fort pour les
habitants et le territoire », prédit Laurent
Bourdereau, directeur d’un site financé
par le département. « La ministre de la
Culture, Rachida Dati, parle régulièrement
de la nécessité de revitaliser la ruralité, et
nous sommes en plein dans la cible », plai-
sante-t-il. Chaque année, 84 000 visi-
teurs, dont 12 000 scolaires, se pressent à
Alésia. Avec une prédilection pour la
grande maquette restituant la bataille, le
week-end de reconstitution où 200 Ro-
mains, Gaulois et Germains rejouent la
guerre des Gaules (les 13 et 14 juillet) et,
bien sûr, l’immense statue de Vercingéto-
rix commandée par Napoléon III, située en
haut d’une colline. ■ Claire Bommelaer
« Ô sport. Des jeux pour des dieux », au MuséoParc
Alésia (21), jusqu’au 30 novembre. www.alesia.com
 32 lundi 22 avril 2024 le figaro
Joann Sfar : « Depuis le 7 octobre, tous les Juifs,
en France ou ailleurs, ont peur de disparaître »
Propos recueillis par Claire Bommelaer et Olivier Delcroix
Après les attaques du 7 octobre 2023, l’auteur du « Chat du rabbin » publie « Nous vivrons ».
Avec ce roman graphique de 450 pages, puissant et intime, il mène l’enquête sur l’avenir des Juifs, en France et en Israël.
D
essinateur de bande des-
sinée reconnu (Le Chat du
rabbin), cinéaste (Serge
Gainsbourg, vie héroïque),
romancier (L’Éternel)
Joann Sfar, 53 ans, est un
infatigable portraitiste de la condition
humaine et de la condition juive. Alors
qu’il milite depuis trente ans pour la paix
au Moyen-Orient, les massacres du 7 oc-
tobre dernier perpétrés par le Hamas
contre Israël, l’ont amené à mettre tous
ses projets entre parenthèses, au profit
de Nous vivrons (Les Arènes BD). Conçu
dans l’urgence, cet album de 450 pages
se veut autant une enquête sur les raci-
nes de l’antisémitisme qu’une galerie de
portraits d’individus s’interrogeant sur
leur identité juive.
LE FIGARO. – Quel a été le déclic qui vous
a poussé à entreprendre Nous vivrons ?
JOANN SFAR. - Je dessine depuis trente
ans. J’ai parallèlement développé une ac-
tivité autobiographique sous forme de
carnets. Les événements tragiques du
7 octobre ont provoqué chez moi une sorte
de déflagration. Soudain, j’ai voulu me
concentrer sur un seul sujet. Et j’ai com-
mencé à dessiner, à noter ce que j’enten-
dais. Au départ, je ne savais pas que cela
donnerait un livre, et je publiais des des-
sins sur Instagram. Puis, pendant trois ou
quatre mois, il n’y a rien eu d’autre dans
ma vie. Moi qui fais partie de cette généra-
tion ayant rêvé des accords d’Oslo, j’ai eu
envie de faire quelque chose d’utile.
Je me suis utilisé comme véhicule narratif,
un peu comme un Tintin reporter, mais le
sujet, ce n’était pas moi. J’ai voulu utiliser
le matériau de la BD d’aventure, à la ma-
nière d’un Corto Maltese, pour rendre
compte des conséquences de ce massacre,
en France comme en Israël. J’ai mis en
scène plus d’une cinquantaine de person-
nages. Le livre est devenu une sorte de po-
lyphonie, racontant l’égarement de gens
que l’on n’a pas l’habitude d’écouter.
Pendant la première moitié du livre, qui se
déroule en France, j’ai pensé à Stefan
Zweig et à sa désespérance dans les années
1930. Pour la seconde, je me suis davanta-
ge identifié à Joseph Kessel, grand écri-
vain et reporter de guerre qui partait à la
rencontre du réel et êtres humains.
Tant à Paris qu’à Tel-Aviv ou à Jérusalem,
j’ai pris le temps d’écouter, et de faire par-
ler : ce sont les mots de mes personnages,
pas les miens, qui sont publiés. C’est sans
doute pour cela que le livre est rempli de
propos et de choses auxquels je ne m’at-
tendais pas.
Qu’avez-vous entendu ?
À ma grande surprise, j’ai découvert
qu’en Israël le débat public est beaucoup
plus ouvert qu’en France. La manière
dont les Israéliens se racontent, dans leur
vie quotidienne, est remplie de para-
doxes et d’incertitudes. Alors qu’au len-
demain du 7 octobre, j’étais, comme la
plupart des Français, rempli de certitu-
des. Le but de Nous vivrons, est d’aider à
sortir des clichés, et d’une forme de cer-
titude trompeuse. Le débat autour du
conflit, notamment sur les réseaux so-
ciaux, est totalement polarisé, et c’est à
celui qui fera le plus de bruit. À Paris, je
suis frappé par les affirmations de cer-
tains. C’est moins le cas en Israël. Là-
bas, les gens adorent leur pays, mais ils
ne parlent pas par slogans. Être utile au
débat, c’est trouver un moyen de dé-
nouer des choses qui semblent insolu-
bles. Accepter des moments de doutes,
d’angoisse, accepter que le camp d’en
face n’ait pas complètement tort.
Sur la couverture de l’album, comme
autour de votre cou, vous placez bien en
évidence le symbole hébraïque, « Haï »…
C’est bien connu, les Juifs ne sont jamais
d’accord sur rien entre eux. Ne dit-on
pas : « Deux Juifs, trois synagogues ? »
Pourtant, depuis le 7 octobre, tous les
Juifs, en France ou ailleurs, ont au moins
en commun une chose : la peur de dispa-
raître. Au lendemain du massacre, j’ai
publié sur Instagram le mot « Haï », qui
signifie la vie, en hébreu. En dessous, j’ai
écrit « nous vivrons ». Le « Haï » n’est ni
A
sioniste ni religieux, c’est une sorte de
porte-bonheur biblique. Sur la couvertu-
Culture
blient aussi des livres traitant de scien-
ces humaines.
Vous écrivez : « La peur des Juifs,
c’est ma rage. » Est-ce que votre livre
reflète cette colère ?
J’essaie d’être le plus aimant et le plus
humain possible. Mais quand je vois des
mères juives pousser un landau avec de
la peur dans leurs yeux, quand je vois que
certains n’osent pas avoir une existence
juive publique, ça me rend fou de rage.
L’inquiétude que je perçois chez les Juifs
dans les écoles ou à l’université, me fait
bondir. Cette tension perpétuelle en
France autour des Juifs et d’Israël inter-
dit presque de penser le conflit. Quoi
qu’on dise, on se fera insulter par les
deux camps et aucune discussion n’est
possible. J’ai toujours tenu un discours,
paisible, mesuré et fraternel, ce qui
n’empêche rien. Je reçois des messages
haineux sur les réseaux sociaux, alors
que cela fait trente ans que je dessine des
Juifs avec des têtes d’Arabes !
« J’ai voulu utiliser
le matériau de la BD
d’aventure, à la manière
d’un Corto Maltese,
pour rendre compte
des conséquences
de ce massacre, en France
comme en Israël »
Vous considérez-vous comme
LUCAS BARIOULET/Le Figaro, Joann Sfar/Les Arènes BD
un intellectuel juif ou plutôt
comme un philosophe ?
Ni l’un ni l’autre. Je suis plutôt un por-
traitiste. Dans cet ouvrage, j’ai mis en
scène plus d’une cinquantaine de per-
sonnages. D’ailleurs, tous ces gens, je les
ai représentés dans les pages de garde de
mon album, comme l’avait fait Hergé
dans les fameuses pages de garde des
aventures de Tintin.
Depuis la sortie du livre, vous courez
les médias. Avez-vous conscience
d’être devenu une sorte de porte-parole
du malaise juif ?
Le rôle d’un artiste n’est pas d’être apaisé
quand tout va mal, mais de transcrire des
sentiments et de les dire de manière intel-
« “Nous vivrons” est sans doute ligible. Je sais bien que même si Nous vi-
le plus français de mes livres. vrons est un best-seller, il ne pèsera rien
Il dit que nous, les Juifs, voulons face aux post antisémites du rappeur
avant tout être des Français comme Kanye West, lequel a des dizaines de mil-
les autres et avoir notre place autour lions de followers. Le rêve serait de dire
de la table », explique Joann Sfar.
que l’espace imaginaire de la BD nous pré-
servera de tout. Face au massacre, on a vu
re, le mot est inscrit sur l’unique bande- que cela n’avait pas pesé.
role d’une manifestation, que l’on com- Mais Nous vivrons peut servir sur la repré-
prend se dérouler dans les rues de Paris. sentation de l’avenir. Avec Le Chat du
Nous avons tous des regards perdus, mais rabbin, j’ai voulu être une voix du judaïs-
le Haï émerge au-dessus de nos têtes. Je me français, en essayant d’enchanter les
raconte dans le livre que ma compagne lecteurs et de célébrer la fraternité avec le
m’en a offert un pour mon anniversaire, Maghreb. Cette fois-ci, Nous vivrons est
que je porte autour du cou. Moi qui n’ai sans doute le plus français de mes livres. Il
jamais été très collectif et n’avais eu jus- dit que nous, les Juifs, voulons avant tout
que-là aucune vie communautaire, je me être des Français comme les autres et
suis rapproché de certaines associations avoir notre place autour de la table.
qui s’investissent depuis dans la cohésion En quittant Tel-Aviv, l’autre jour, je me
sociale. Leur travail est louable, pas seule- suis demandé pourquoi je me sentais tel-
ment pour les Juifs, mais pour une France lement malheureux de rentrer à Paris. La
plurielle dans laquelle chacun peut parler. réponse est simple, Israël n’est pas mon
pays, je n’y suis qu’un observateur. En
Vous êtes l’un des rares artistes France, cela fait trente ans que je plaide
à prendre position, après le 7 octobre. pour la paix, et je me sens désormais co-
Pourquoi ce silence assourdissant ? responsable de ce qui ne va pas. Une chose
Il n’y a pas que les artistes qui se sont tus, me paraît évidente : les Juifs se demandent
toute la société civile s’est tue. Certains où ils vont vivre à l’avenir, et depuis le
sont sortis du bois après l’attaque de 7 octobre, on les fait se sentir un peu
Gaza, mais ils se sont disqualifiés par leur moins français que les autres. Il faut affir-
silence initial. Si on s’intéresse à un su- mer le droit à un citoyen, fût-il juif, de vi-
jet, soit on en parle tout le temps, soit ja- vre où il veut, y compris en France. Le ju-
mais. Je n’ai pas été très surpris par ce daïsme fait partie de la polyphonie
silence, car le Moyen-Orient est une européenne, c’est une voix qui a droit au
question qui rend fou ; dès que l’on dit chapitre, une
un mot, on subit des agressions. Les gens voix amoureuse
ont donc eu peur, pour leur carrière ou de la Républi-
simplement, de dire des bêtises, car le que française et
sujet est complexe. de son pilier, la
Des libraires, avec qui je travaille régu- laïcité. ■
lièrement, étaient hostiles à l’idée de
devoir présenter mon livre en vitrine, à
cause du caractère hébraïque qui figure
en couverture. C’est incroyable, mais
cela donne la mesure du problème que « Nous vivrons »,
peuvent rencontrer les voix juives de Joann Sfar,
aujourd’hui. Je me suis d’ailleurs tour- Les Arènes BD,
né vers les Éditions des Arènes qui pu- 456 p., 35 €.
 Télévision le figaro lundi 22 avril 2024 33

Indochine,
une histoire
française
Blaise de Chabalier

Sur Figaro TV, ces territoires d’Extrême-Orient

sont au cœur d’un débat passionnant avec les
spécialistes François Joyaux et Guillaume Zeller.

I
ndochine, un mot qui fait rê-
ver ! Le Vietnam, le Cambod-
ge, le Laos ont fait partie
autrefois de ce qu’on appelait
l’Empire français, puis la
France d’outre-mer », expli-
que Guillaume Perrault pour lancer le
débat dans « Parlez-moi d’Histoire »
auquel, pendant près d’une heure, sont
invités l’historien François Joyaux
(Nouvelle histoire de l’Indochine françai-
se, Éditions Perrin 2022) et le spécialiste
Guillaume Zeller (Les Français sous la
terreur japonaise, Tallandier, 2019).
Ces deux experts ont participé égale-
ment à la rédaction du nouveau numéro
du Figaro Histoire intitulé « L’Indochi-
ne française, de la conquête à Diên Biên
Phu », avec le journaliste Luc-Antoine
Lenoir, également présent en plateau.
Cyril Drouhet, directeur de la photo-
graphie et des reportages du Figaro Ma-
gazine intervient aussi pour présenter
de formidables photos couleur de l’In-
dochine, prises par le pionnier français
Léon Busy, un polytechnicien né en
1874 qui a quitté la métropole pour s’en-
gager dans l’armée coloniale. « Ce sont
les seuls clichés de cette période existants
du Tonkin, l’actuel nord du Vietnam »,
indique celui qui a sélectionné une di-
zaine d’images projetées à l’écran.
Guillaume Perrault apporte dans la fou-
lée quelques précisions : «Cette histoire
a commencé vers 1860, elle s’est achevée
en 1954 à Diên Biên Phu, il y a 70 ans. Il en
reste des souvenirs, des émotions, quel-
ques liens, mais pour le plus grand nom-
bre, ce qu’était vraiment l’Indochine
française demeure mal connu. »
Jules Ferry « le Tonkinois »
Au XVIIe siècle remontent les premiers
contacts avec cette péninsule d’Extrê-
me-Orient située entre l’Inde et la
Chine. Un premier nom s’impose :
Alexandre de Rhodes (1591-1660). Ce
fils de commerçants d’Avignon devient
jésuite et est l’un des premiers à explo-
rer la future Indochine. « Il sera un
grand relais de l’influence française »,
glisse Luc-Antoine Lenoir. C’est aussi
lui qui établit la première transcription
phonétique latine de la langue nationa-
Une famille aisée en Indochine la défense des missionnaires. (…) Il existe ble attaque du Japon, le 9 mars 1945,
en 1915, photographiée un lien entre l’évangélisation et la Com- avec 75 000 hommes qui ont pris le
par Léon Busy. Léon Busy/domaine public pagnie des Indes. Pour la bonne raison pouvoir d’un seul coup dans toutes les
que les missionnaires n’ont pas de ba- villes d’Indochine. « Le Tonkin est vrai-
le vietnamienne, le quôc-ngu. « Les teaux. Or ils en ont besoin pour voyager ment la zone la plus touchée, avec des
Vietnamiens d’aujourd’hui écrivent tou- et constituer des relais ». combats très violents et héroïques des
jours comme l’a défini Alexandre de Sous la IIIe République, Jules Ferry, Français », insiste Guillaume Zeller. En
Rhodes », souligne d’ailleurs François président du Conseil, est à l’initiative 1946, à la conférence de Fontainebleau,
Joyaux. L’exemple de ce missionnaire d’une colonisation plus vaste du Ton- les négociations en présence du leader
d’exception est à l’origine de la création kin, au point d’être surnommé par ses indépendantiste Hô Chi Minh bloquent.
en 1663 des Missions étrangères de Pa- adversaires politiques « le Tonkinois ». La voie est alors ouverte à une guerre
ris. Et en 1664, la Compagnie des Indes Puis, vers 1900, alors que Paul Doumer qui s’achève le 7 mai 1954 par la terrible
orientales est fondée par Colbert. L’im- est gouverneur général d’Indochine, la défaite française dans la fameuse cuvet-
portance durable des missionnaires est France est tentée par la conquête du te de Diên Biên Phu. ■
ici soulignée. Ainsi quand la France du Siam, l’actuelle Thaïlande. Ces visées
second Empire intervient militaire- éclairent la bataille navale de janvier
ment en Cochinchine, c’est-à-dire 1941 entre la France et… la Thaïlande « Parlez-moi d’Histoire »
dans le sud de l’actuel Vietnam, Fran- aidée par les Japonais. Avec à la clé une À 21 h, sur Figaro TV Île-de-France
çois Joyaux assure que « l’objectif, c’est victoire française. En attendant la terri- Notre avis : ○○○○

Le retour au bon sens paysan

Emmanuelle Litaud

Ce documentaire fait découvrir, dans la Drôme, un laboratoire à ciel ouvert de pratiques agricoles respectueuses de l’environnement.

E
t si notre futur appartenait au
passé et que les méthodes ances-
trales apportaient les solutions
nécessaires à notre avenir ? C’est
en tout cas la philosophie qu’empruntent,
et s’efforcent de mettre en application,
plusieurs agriculteurs, éleveurs ou
cueilleurs installés dans la haute vallée de
la Drôme. Ils ne sont bien sûr pas les seuls
de France, mais ce documentaire qui fleu-
re bon le thym et la lavande montre com-
bien ce territoire est devenu un laboratoi-
re de pratiques agricoles alternatives.
Tous les paysans interrogés dans Drô-
me, le monde d’après est déjà là ont pour
point commun de défendre une certaine
idée de leur métier. Ils prônent le respect
de la nature et du vivant, ainsi qu’un re-
tour à un certain « bon sens » paysan.
Moins de machines et de pesticides, plus
d’attention portée à la terre. Et le rêve
formulé d’un système agricole vertueux
qui rejaillisse positivement sur la vie lo-
cale. « Je suis éleveur, j’aime l’idée de pan-
ser le monde, d’en prendre soin », résume
Thierry, ancien soixante-huitard à l’ori-
gine, dans les années 2000, de la Bioval-
lée. Un vaste territoire situé entre la Drô-
me et le Vercors où a été imaginé un
nouveau modèle rural.
Certains sont nés dans ces vallées et vi-
vent – heureux – éloignés de tout et pro-
ches de la nature. « On peut vivre un peu
en marge d’un certain système et ne pas
s’en porter plus mal », assure d’ailleurs
l’un des intervenants. D’autres, la majo-
rité, constituent ce que l’on appelle des
néoruraux, des citadins venus s’installer
ici, loin des villes, de leur agitation et de autour d’une table pour discuter et trou- races qui produisent un maximum
leur pollution. À l’instar de Damien qui, ver des compromis afin de tomber d’ac- d’agneaux en un minimum de temps et
armé d’un diplôme en communication, cord sur des prix à la fois justes et éthi- nos races ne sont pas adaptées à ce systè-
est parti à l’aventure en lançant, aux côtés ques. Pour eux, le modèle de la grande me, constate Gérard, le visage bruni par
de son frère, une production de champi- distribution, qui ne favorise pas les éle- les heures de labeur passées sous le so-
gnons inspirée d’un modèle californien. veurs et ne privilégie guère la qualité du leil. Nous, en revanche, on est déjà capa-
produit, est révolu. « J’ai toujours eu bles de nous adapter au changement cli-
Une épicerie sans patron conscience de cette vision transversale al- matique, parce que ces bêtes rustiques se
C’est aussi le cas d’Étienne, producteur lant directement du paysan au consomma- nourrissent de ce que d’autres ne man-
de plantes aromatiques biologiques ré- teur », insiste Étienne. gent pas, sur les vastes surfaces dont
coltées à genoux à la faucille, distillées Gérard, lui, produit avec l’aide de son nous disposons. » Ces modèles agricoles
ensuite pour obtenir des huiles essentiel- fils de la lavande et des céréales à petite exigeants feront-ils des émules dans les
les. Il est également le concepteur de échelle, en même temps qu’il élève des années à venir ? ■
l’épicerie bio de Dié, un modèle du genre brebis d’une race rustique. Il a fallu des
situé dans le Vercors. Cette institution lo- années de travail pour aménager les pâ-
cale, qui n’a pas de patron, a été imaginée turages, situés sur de superbes plateaux, « Drôme, le monde d’après
comme un projet philosophique mettant et mettre sur pied cette exploitation qui est déjà là »
sur un pied d’égalité producteurs, sala- va à contre-courant de l’agriculture in- A 23 h, sur France 3
riés et consommateurs. Ils se réunissent tensive. « Aujourd’hui, on privilégie des Notre avis : ○○○¡

MOTS CROISÉS Par Vincent Labbé RONDE DES MOTS ©

1 2 3 4 5 6 7 8 Trouvez les mots correspondant aux définitions centrales et inscrivez-les autour de la case qui leur revient. La première lettre de chaque
PROBLÈME N° 6585 mot est indiquée par le triangle. Chaque mot se lit dans le sens des aiguilles d’une montre.
HORIZONTALEMENT 1
1. Se prend avec du jus de poire. - 2. Occuper un bâtiment.
- 3. Peintre mis au vert. - 4. On en fait tout un pastis. 2
Exemple R E F S L P
Lutte contre certaines mâles façons. - 5. Assortit des
couleurs. Toi aussi, Monfils. - 6. Bien apprêtées pour 3 E E
Noël. - 7. Réclamer justice. Citroën des années 70-80. BON À PEINE GROSSE ENVOYEUR IL EST SE PASSE
- 8. Note. Sacrément remercié. - 9. Il laisse la vedette en 4 DÉBARRAS CROYABLE GUÊPE DE BALLES DERRIÈRE LA NUIT
rade. - 10. A une optique intéressante. On y est au coude
à coude. - 11. Planqua son blé. - 12. Petite antilope 5 S M
d’Afrique australe.
6 I
VERTICALEMENT 7
1. Baignées de soleil, elles sont ultra violettes. - 2. Ses ÇA BERLINGOT
effets se font sentir petit à petit. - 3. Virus ayant muté. HORS DU BRUIT CUBAIN OU CRIE AU
8 COMMUN PERSAN... JAMAÏCAIN
CIRCULAIT DE
SCANDALE
Le dessus du panier. - 4. Redoutable archer. Cesse À MADRID CAMBRAI
momentanément le travail. - 5. Dialecte chinois. Être 9
dans les affaires. Citroën jumelle de la Peugeot 104. - 6.
Appareils pour le 1 horizontal. Huile enrichie. - 7. La tour 10 U R I E I U
infernale. Fait des milliardaires. - 8. Peuvent être
farouchs. Familier d’un compositeur qui a eu l’air poire. 11
SOLUTION DU NUMÉRO PRÉCÉDENT
12
6 9 1 2 4 5 8 7 3 6 9 1 8 2 4 3 5 7 5 2 6 9 3 8 7 4 1 LETTRES EN PLUS
3 2 7 8 6 9 1 5 4 8 7 3 5 9 6 2 1 4 3 8 7 1 4 2 5 6 9 GLANDE - FRANCO - VISSER - ÉCUEIL.
SOLUTION DU PROBLÈME N° 6584
SOLUTION DU N°4704

SOLUTION DU N°4705
SOLUTION DU N°4703

5 8 4 7 1 3 2 9 6 4 5 2 7 1 3 8 9 6 4 9 1 6 5 7 3 8 2
HORIZONTALEMENT 1. Démêlant. - 2. Évaporée. - 3. Vaniteux. - 4. 1 4 5 9 2 7 6 3 8 9 4 5 3 6 2 1 7 8 2 3 8 5 6 4 1 9 7 LETTRES EN MOINS
TÉLÉCHARGEZ
Élie. TNT. - 5. Rue. Lieu. - 6. Réel. Eue. - 7. Saur. - 8. Us. Urée. - 9. Icare. L’APPLICATION 8 3 2 6 5 1 9 4 7 7 3 6 1 4 8 5 2 9 7 6 5 8 9 1 2 3 4 Les mots à trouver sont :
Xi. - 10. Loge. Vis. - 11. Lui. Pale. - 12. Étriquée. 7 6 9 4 3 8 5 2 1 2 1 8 9 7 5 6 4 3 1 4 9 2 7 3 6 5 8 ROUER (Courbe, bûcher, croton, tanche,
cibler).
VERTICALEMENT 1. Déverrouillé. - 2. Évalué. Scout. - 3. Maniées. 9 7 3 1 8 2 4 6 5 3 2 7 4 8 1 9 6 5 8 5 2 4 1 6 9 7 3
CORPS (Rabot, encre, biser, épier, piton).
A

Agir. - 4. Épié. Lauré. - 5. Lot. Ure. PQ. - 6. Arêtière. Vau. - 7. Neuneu. 2 1 6 5 7 4 3 8 9 5 6 4 2 3 9 7 8 1 9 1 3 7 8 5 4 2 6

Exile. - 8. Textuel. Isée. 4 5 8 3 9 6 7 1 2 1 8 9 6 5 7 4 3 2 6 7 4 3 2 9 8 1 5
 34 lundi 22 avril 2024 le figaro Télévision/Météo
Tous les programmes
dans TV Magazine et sur l’appli TV Mag

ÉPHÉMÉRIDE St-Alexandre
À LA DEMANDE Soleil : Lever 06h44 - Coucher 20h53 - Lune croissante

21.10 21.10 21.10 MATIN

Les bracelets rouges
Série. Dramatique
Fra. 2024. Saison 5. Avec Kali Boisson.
2 épisodes. Inédit. C’est un véritable
drame qui se produit lorsque Nathan
fait une crise de narcolepsie au
sous-sol. Il faut agir au plus vite pour
optimiser les chances. Prudence
apprend la décision de son père.
23.15 New York Unité Spéciale. Série.
Policière. 4 épisodes. Avec Ice-T.
21.06
Terminal
Série. Humoristique
Meurtres au paradis Yao Margrete, reine du nord 1
Série. Suspense Film. Comédie dramatique 30
3
1 1 0
7 3
0 2
4
0 1 -1
1
1
1 0 2
0
GB/Fra. 2024. Saison 13. Avec Ralf Fra/Sén. 2018. 1h43. Avec Omar Sy. En 1397, la reine Marguerite Ire de
Little, Don Warrington, Shantol Jack- Seydou Tall, un acteur français, se Danemark parvient à sceller, dans 40 -1
son. Question d’avenir. Marlon reçoit rend un jour au Sénégal pour dédica- la ville suédoise de Kalmar, l’unité 4
1
un appel téléphonique de son ancien cer son livre. C’est la première fois entre le Danemark, la Norvège et 2
patron, qui semble gravement blessé qu’il visite le pays de ses ancêtres. la Suède en faisant couronner roi 1 0
alors qu’il le supplie de l’aider. Il s’agit À l’aéroport, l’attend Yao, 13 ans, qui a des trois royaumes son petit- 3 10
d’un rappel de son passé criminel. traversé le pays pour le rencontrer. neveu Éric de Poméranie. Mais, 5
cinq ans plus tard, cette union 2 1
22.09 Meurtres au paradis. Série. 22.59 Drôme, le monde d’après 5 9
se trouve menacée quand un
Enlèvement - Frères ennemis. est déjà là. Documentaire.
homme arrive à la cour, préten- 7 30
dant être Olav Håkonsen, le ils de
la souveraine et donc son héritier 10
légitime. Or Olav a été déclaré APRÈS-MIDI
mort en 1387. À la fois grande
20.55 21.10 fresque historique et drame inti-
30
10
Gangs of New York Mariés au premier regard miste, le ilm réalisé par l’actrice
et réalisatrice danoise Charlotte 10
Film. Drame Documentaire 11 9 9
Sieling met à l’honneur la geste
10 12
uniicatrice de cette grande sou-
9 10
veraine scandinave. Dans le rôle- 13
titre, Trine Dyrholm, révélée dans 12 11 10
8
«Festen», de homas Vinterberg. 12
13 11 10
12

Fra. 2024. Saison 1. Avec Ramzy Be-
dia, Doully. 2 épisodes. Le comman-
dant Jack est arrêté au portique avec
de la drogue sur lui. Mais il clame son
innocence. Max, le chef de la sécurité,
le soumet à un interrogatoire.
21.54 Hot Ones. Divertissement.
22.26 Tokyo Vice. Série. 2 épisodes.
EU/Ita. 2002. Réal. : Martin Scorsese. Fra. 2024. 2h10. 2 épisodes. Inédit. 10 10
2h35. Avec Leonardo DiCaprio. Les célibataires Camille, Alice, Laurie, 30 9 8
13.00 Points de vue.
Au XIXe siècle, un faubourg pauvre de Ludivine, Ophélie, Marie, Tracy, Flo, 14
18.30 Le Buzz TV. Bruno 12
New York voit s’afronter des bandes Florian, Jérémy, Loïc, Raphaël, Romain,
Hourcade, champion des 12 14
rivales. Dix-sept ans plus tard, les Jean-Nicolas et Philippe sont les
« Douze coups de midi », sur TF1, 15
gangs renaissent de leurs cendres. candidats de cette 8e saison de 13
auteur du livre Moi, millionnaire ?, 13
«Mariés au premier regard». 15
23.35 Taking Sides : Le cas Furtwän- interviewé par Damien Canivez 13
gler. Film. Drame. Avec Harvey Keitel. 23.20 Arnacœur ou prince charmant. et Sarah Lecœuvre. 15 30
19.30 Bienvenue
en Île-de-France. 14
Présenté par Victoire Sikora.

21.00
T (en °c)
<-10 à 0 0 à 10 10 à 20 20 à 30 30 à >40
19.40 Touche pas à mon poste. Div. 19.50 he Power : qui a le pouvoir ? 19.15 Quotidien. Divertissement.
21.19 Manhattan Lockdown 21.10 Twilight, chapitre 2 : 21.25 Captain America :
LE FIGARO TV IDF

Film. Policier. EU/Chn. 2019. Réal. : Tentation Civil War ALGER 11/17 AMSTERDAM 3/10 ATHÈNES 12/20
Brian Kirk. 1h50. Avec Chadwick Film. Fantastique. EU. 2009. Réal. : Film. Action. EU. 2016. Réal. : Anthony 11/13 5/16 -1/6
BARCELONE BELGRADE BERLIN
Boseman, Sienna Miller, Keith David. Chris Weitz. 2h20. Avec Kristen et Joe Russo. 2h35. Avec Chris Evans,
Après un braquage qui a coûté la vie Stewart. Bella tente d’oublier Edward Robert Downey Jr. L’État américain BERNE 0/4 BRUXELLES 2/10 BUDAPEST 6/13
à huit oiciers, un policier ordonne la en passant du temps avec Jacob, qui impose une surveillance des Aven- COPENHAGUE 1/4 DUBLIN 8/16 LISBONNE 14/25
fermeture de tous les ponts de Man- se révèle être un féroce loup-garou. gers. Iron Man accepte l’idée, alors LONDRES 4/9 MADRID 6/20 PRAGUE 0/7
hattan pour retrouver les gangsters. que Captain America s’y refuse. Parlez-moi d’Histoire RABAT 15/23 ROME 10/16 TUNIS 11/19
23.30 Twilight, chapitre 1 : Débat animé par Guillaume
23.14 Hunter Killer. Film. Action. Fascination. Film. Fantastique. 00.00 he Suicide Squad. Film. Perrault sur l’Indochine.
22.30 Le Club Le Figaro MARDI MERCREDI JEUDI
Politique. Yves Thréard reçoit
l’historien Jean Garrigues 0/10 4/9 3/11
et les journalistes Louis Hausalter,
20.04 C à vous la suite. Talk-show. 19.25 Vintage Mecanic. Doc. 19.50 Interpol, une police sous Guillaume Roquette 5/12 0/9 6/12 2/8 6/12 1/9
inluence ? Documentaire. et Célestine Gentilhomme.
21.05 Mystérieux insectes, 21.10 Vintage Mecanic 0/11 3/11
sur la piste des origines Documentaire. Fra. 2023. 1h30. 20.50 L’Arche d’alliance, 5/12
Documentaire. Fra. 2022. . 1h30. Matra Murena 2.2 S. Inédit. Nouvelle aux origines de la Bible
De nouvelles méthodes en paléo- mission pour François : remettre Doc. Fra. 2020. 1h30. L’Arche
Pour regarder 4/12 5/13 4/14 7/15 8/13 8/16
entomologie, en exploration et en en route une célèbre Française des d’alliance renfermant les Tables de la le Figaro TV ?
analyse des fossiles et du vivant années 80 : la Matra Murena, dans sa Loi ne cesse d’enlammer les convoi- Canal 34 de la TNT
révèlent à quel point les insectes ont version la plus puissante, la 2 litres 2S. tises. A-t-elle seulement existé ? en Île-de-France ou sur les box lachainemeteo.com
contribué à façonner le monde. SFR 468 Orange 345 Par téléphone : LIVE 24/24 Sur L’APPLI
22.40 Vintage Mecanic. Documen- 22.20 Enquête sur le Nil : les secrets
GRATUITE
22.37 C ce soir. Talk-show. En direct. taire. Porsche 356 Cabriolet. des pharaons bâtisseurs. Doc. Free 904 Bouygues 305 2,99 €/appel La Chaîne Météo

MOTS FLÉCHÉS DU FIGARO N°3812

DES TRAVAIL MESURE ASSOCIE DÉBOR- PLATE- COUVERT PORTÉE LE XÉNON CACHA AU À PARTIR
HABITUÉS FORCÉ EN RÈGLE DANT DE FORME DE UNE DE AUX NUES QUI EST PUBLIC DE TEL
BOUTONS CERTAINE BON POUR
DE SOHO ENFLAM- PASSION MÂT COROLLES BON CÉRIUM CYCLE MOMENT
RÉINSCRITE COMPLÈTE VOLONTÉ AU LABO LE REBUT
PATÈRE MÉS TOUR MOIS D’ÉTÉ MUSARDE GRIMPEUR RÉGULIER CALE EN V
REJOUE DONC
ENCORE SAINE !
C’EST DU REFAIT UNE
GÂTEAU ! TENTATIVE
ÉCLAIRAGE PÉRIMÈTRE SOMMES À
URBAIN D’UN TOUCHER
IL DOMINE CERCLE CÉLÈBRE
LA CRÈTE ÉLARGI ORATEUR
MARQUE ACCUEILLIR DÉFER- ID EST, C H E C L O B V E G J P
L’INTEN- AVEC DES LEMENT EN BREF C H A U F F A R D S R A L A I M A M Z E L L E
O U T R E C U I D A N C E R E P U T A T I O N
SITÉ CRIS PROCHE UN AUTRE S U S T E N T E R P E R M E T T R E D E B I T
MILITER DIAPRÉE DU SUD MONDE T E N D U E C I M E E U N I R A I R E R
V A R C I E L S C E T B O A S U S E E E
ASSUJETTI GUÈRE CHEF DE BRISÉ B A T H L A D I N E R A S O I N T S A C
PAR BRILLANT TRIBU DANSE P A L A C E I S E U T O C E A N A E F S O
NÉCESSITÉ FILTRE L’OR DU AFRO- T E A R B R I S S E A U S E N T I R A P T
A T A N A D E N S I L O R E S E A U I E
ÉPINCETER DU CORPS CHIMISTE CUBAINE R I N C E R G O A S A U C E U S C A R
FIGURE COUSINS ÉCHAP- T E R G A L M E S U R E S B R I N A T R E E
DE L’UNAU PATOIRES M U N I R A A P I O N O
DE JEU D E A L T E R O M I S S I O N
VILLE OUTIL Z E P A N D I S E C U
A UN PRIX D’ITALIE D’ORFÈVRE S E A U I C I SOLUTION E S S E A R A
INJECTIONS ARTISTES E X T
Q A T V
R A
E R
S DU NUMÉRO B
T A C
R O U I L
A R
L E
D’UN GRECS M I C A D A PRÉCÉDENT E P R A I T
ÂGE VÉ- BANDE L O T O G G O B S T I N E E
C E R C E A U O R E I N S
NÉRABLE D’ÉTOFFE O H P O M P E O T A G L I S E R E S
CHEMIN E A U I R R E V E R E N C I E U S E S R P
REGISTRE ARBORÉ ARTICLE P E L L E T E R I N A R T I C U L E E C E P E
COMMER- CASTILLAN T E X T I A N M O R B L E U S A I S I R
CIAL PRONOM C A I N C E R U S E T E L E S A T R N I
RÉFLÉCHI S E T O N S T M A I E P L A T E R A L
ENFIN D O R E R C O C A S S E C A P O T E E I S
ILS E E S P A D O N E X C U R S I O N C L
ARRIVÉE BUTTE DE MANGEOI- CIRCULENT
BORD RES DE S I S A L E D I T E U R S B T N A S A L E
SE RIS- DE MER VOLAILLES EN D R E A L I S E S A U T E E S I N I S E R
QUERAIT ROUMANIE V A I N C R E C R A N D R M O U E T T E I
N O T E A I M E T E O R I T E S U C G
I P E E C L I P S E E R U S E T I E C H E
HAÏE AU
A

ABSORBÉ A R E U A L L E R P B A
PLUS HAUT D’UN TRAIT O I T R E V E I L P A O L I
POINT R I A R I E N P U I S E R
B E E C E S S E R S T E R E

Par
Carl Meeus
Fondateur des salles
de boxe Temple
Noble Art, il organise
le 26 avril un gala au
profit de la Fondation
Epic. Un rendez-vous
annuel qui attire
de plus en plus
de monde, à l’image
d’un sport devenu
tendance jusque dans
les beaux quartiers.
C
yril Durand n’a pas le
profil du casse-cou ou
de la tête brûlée prête à
tout casser ! Quand on
le voit, le fondateur des
salles de boxe Temple
Noble Art, a davantage l’apparence
du gendre idéal, la voix posée et dou-
ce, attentionné avec son visiteur,
veillant à son confort. Difficile de
l’imaginer sur un ring frapper un ad-
versaire avec des gants de boxe, à
l’entraînement s’acharner sur un
sac, enchaîner les crochets et les up-
percuts.
Pourtant, voici dix ans, Cyril Du-
rand, 42 ans, s’est lancé dans l’aven-
ture en créant sa première salle de
boxe, au cœur de Paris, près du Pa-
lais Royal. « Quand j’ai lancé mon
club, tous mes amis dans les affaires
ont voulu me dissuader, » se souvient
ce diplômé de HEC et de Sciences Po
Paris. Même son entourage familial
est inquiet de le voir quitter un em-
ploi stable et rémunérateur. « Ce
n’était pas une évidence pour eux »,
euphémise-t-il aujourd’hui, alors
qu’il possède cinq salles dans la capi-
tale, envisage d’en ouvrir d’autres à
Paris et une à Londres, et que la boxe
est devenue le sport tendance chez
les élites. « C’est un battant au grand
cœur, résume Victor Lugger, fonda-
teur de la chaîne de restaurants Big
Mamma et boxeur à ses heures. Il n’a
peur de rien, il rêve en grand et a
compris que personne ne l’attendait
pour ses rêves. »
« La boxe est
un accélérateur. C’est
un formidable moyen
d’évacuer le stress.
Elle renforce la confiance
en soi, permet une reprise
de lucidité et apprend
à gérer ses émotions »
La photo d’Emmanuel Macron,
muscles des bras bandés, visage cris-
pé et concentré, en train de frapper
avec ses gants de boxe dans un sac
est une illustration parfaite de cette
tendance. Le président de la Répu-
blique n’est pas le seul politique à
pratiquer ce sport. De David Lisnard,
le maire de Cannes, qui a un sac
d’entraînement dans son bureau, à
l’ancien premier ministre Édouard
Philippe, qui le pratique avec un
coach dans sa ville du Havre, en pas-
sant par Manuel Valls, Valérie Pé-
cresse ou Rachida Dati, les politiques
se sont emparés de la boxe et le font
savoir. De plus en plus d’artistes s’y
mettent également et, au sein de la
famille royale d’Angleterre, Kate
comme William n’hésitent pas à en-
filer les gants en faveur d’une œuvre
caritative.
Cyril Durand, lui, a senti depuis
longtemps que ce sport pouvait cor-
respondre aux aspirations du mo-
ment. Lui-même s’est mis à la boxe
quand il était étudiant à l’IEP de Pa-
ris. Mais au début des années 2000,
ce n’est pas encore à la mode. La
boxe garde l’image d’un sport vio-
lent, davantage tourné vers ceux qui
cherchent une revanche sociale. Les
films Rocky avec Sylvester Stallone
ou Raging Bull avec Robert De Niro
ont marqué les esprits. Qui voudrait
rentrer chez lui ou voir son enfant
revenir avec une arcade sourcilière
explosée ou un œil au beurre noir ?
Ceux qui veulent s’entraîner ne trou-
vent pas facilement de salles dispo-
le figaro lundi 22 avril 2024 35
P o r t r a i t
« On s’inscrit dans la filiation
du noble art, terme qui
désigne la boxe depuis 1865
quand le marquis
de Queensberry a défini
les règles qui privilégient
l’agilité plutôt que la force »,
explique Cyril Durand.
SéBASTIEN SORIANO/Le Figaro
nancement de la rénovation des Hal-
les à Paris. Le projet terminé, il passe
d’un grand groupe à une toute petite
structure en intégrant le « family of-
fice » de l’homme d’affaires Henry
Hermand. Il a évidemment croisé
Michel Rocard, mais a surtout vu la
genèse d’En Marche, le mouvement
qui sera créé par Emmanuel Macron
en 2016. Mais à ce moment-là, Cyril
Durand s’est déjà lancé dans l’aven-
ture Temple. Comme aurait pu lui
dire Emmanuel Macron : « Tu as pris
ton risque. » C’est désormais lui le
patron. Aux commandes d’une équi-
pe d’une centaine de coachs.
« On l’envie d’avoir constitué cette
équipe, lance Victor Lugger en clin
Cyril Durand, des grandes
d’œil : c’est le catho de province di-
plômé d’une école de commerce qui a
réussi à fédérer des coachs venus de
l’univers de la boxe. » Comme Nizar
écoles aux rings de boxe
Gallas, sept fois champion de France
de kickboxing. Un univers très éloi-
gné du sien, que seule la boxe permet
de faire se rencontrer. ■
nibles dans la capitale. Ils doivent al-
ler en banlieue mais il faut monter
sur le ring et combattre ou se
contenter de clubs de fitness qui
ouvrent un espace boxe sans avoir un
coach toujours efficace.
Cyril Durand sent qu’il y a un cré-
neau à prendre avec des salles haut
de gamme qui proposent des entraî-
nements davantage que des combats.
Lors d’un de ses déplacements pro-
fessionnels à New York (il emporte
toujours ses gants avec lui), il décou-
vre que ce concept marche très bien.
« Cela a renforcé ma conviction », es-
time celui qui vise une clientèle aisée
et voit défiler des cadres, dirigeants
d’entreprise, artistes, avocats d’af-
faires. Ils assurent ne pas avoir assez Mercredi à 22h
de temps pour eux, mais le prennent
pour venir dans ses salles. « Car la
boxe est un accélérateur, assure Cyril
Jean-Christophe Buisson
Durand. C’est un formidable moyen
d’évacuer le stress. Elle renforce la
confiance en soi, permet une reprise de
lucidité et apprend à gérer ses émo-
tions. »
Un boxeur en colère est une proie
facile ; s’il perd sa lucidité, il prendra
plus facilement des coups. À la fin de
leur séance, ces boxeurs amateurs se
sentent regonflés, comme boostés et
peuvent reprendre leurs affaires.
« L’entraînement est une parenthèse
dans le sens où ils ont pu totalement
déconnecter et ne se concentrer que
sur un objectif. » « La boxe oblige à
garder son calme », explique Victor
Lugger, pas surpris que politiques
comme chefs d’entreprise, soumis à
un stress permanent, obligés de réa-
gir rapidement, soient devenus
adeptes de cette pratique sportive qui
apprend à garder le contrôle, même
quand une personne en face cherche
à vous mettre des coups sur le visage.
Passionné, Cyril Durand est inta-
rissable sur les bienfaits de son art,
lui qui voudrait inciter tout le monde
à pratiquer ce sport. Ce père de trois
jeunes garçons, de 9 ans à 9 mois, a
voulu revenir aux sources : « on
s’inscrit dans la filiation du noble art,
terme qui désigne la boxe depuis 1865
quand le marquis de Queensberry a
défini les règles qui privilégient l’agili-
té plutôt que la force. »
Originaire de Sisteron, élevé par sa
mère psy avec son frère et sa sœur, Disponible sur
VOTRE NOUVELLE CHAÎNE
Cyril Durand monte à Paris après ses
deux années de classes prépas au ly-
 
cée Thiers de Marseille. Ayant décro-
CULTURE & DÉCRYTPAGE
ché HEC et l’IEP de Paris, il décide de
mener de front ses études. La journée
à Jouy-en-Josas, le soir, grâce à des
horaires aménagés, rue Saint-
Guillaume. Travailleur acharné, il
garde pourtant un bon souvenir de
ses années étudiantes où il ne s’em-
pêchait pas de faire la fête avec ses Tous les mercredis à partir de 21h, Le Figaro TV vous propose une
copains. Ambitieux, le jeune homme soirée Culture avec un documentaire exceptionnel suivi du Club   
  
veut réussir. Le Figaro Culture présenté par Jean-Christophe Buisson.
 
Diplômes en poche, il démarre
A
chez Unibail-Rodamco, où il tra-
vaille notamment sur le projet de fi-