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AVANT-PROPOS

Entre l’offre qui crée sa propre demande et la demande qui crée l’offre, c’est la question
de l’éternel débat entre l’œuf et la poule. Néanmoins, nous pouvons affirmer ici que c’est la
demande qui a créé l’offre dans le cas de la production de cet ouvrage. En effet, l’Economie de
l’Environnement est une branche récente de la Science Economie. Aussi, son enseignement dans
la plupart des Facultés des Sciences Economiques francophones ne remonte pas souvent à plus
d’une décennie. Ces enseignements ont fréquemment commencé par les 3 e cycles en termes
d’option ou de spécialité. C’est pourquoi les ouvrages qui existent aussi sont d’un niveau qui
tend à répondre à cette demande. Récemment, avec toute l’importance qu’on observe au plan
international sur les problèmes environnementaux, il a été nécessaire de créer des filières de
formation en Economie de l’Environnement dans les seconds cycles, sans toutefois que cela soit
accompagné d’une offre de manuels.

Le présent ouvrage vise à répondre à cette demande des étudiants qui commencent leur
formation en Economie de l’Environnement. Il s’agit de leur présenter les définitions des
principaux concepts relatifs à l’Environnement. C’est ainsi que l’ouvrage commence par le
développement durable, ensuite les ressources naturelles avant d’aborder la question de la
comptabilité environnementale.

Dans un second temps, nous présentons les principaux instruments de régulation de la


politique environnementale. Puis, nous essayons d’établir le lien entre économie et
environnement. Sur ce point, nous abordons principalement les notions de risques et
d’incertitude qui sont des fondements dans la gestion économique et environnementale. Enfin,
l’ouvrage étudie les questions internationales de l’environnement et des ressources naturelles.

Tout en nous adressant à un public qui fait son apprentissage dans la discipline, nous
avons néanmoins eu recours à quelques outils élémentaires de techniques quantitatives afin de
rendre opérationnel sur le terrain les instruments qui sont donnés aux étudiants.

La construction de cet ouvrage est basée essentiellement sur la lecture de revues,


d’articles, d’études de cas et de rapports. Son originalité repose sur un effort de construction
théorique accompagné d’exemples tirés de par le monde et surtout au Burkina Faso et en
Afrique.
Nous voudrions remercier l’Institut de Développement Economique (IDE) de la Banque
Mondiale, qui nous a donné l’occasion de participer en 1996 à un séminaire de formation à
Washington et qui nous a fourni à cette occasion une documentation très abondante sur
l’économie de l’environne- ment. Nos remerciements vont aussi au Collègue Patrick Point,
Directeur de Recherche au CNRS, qui nous a invité à l’Université Bordeaux IV pour un cours
d’Economie de l’Environnent en DEA et qui nous a donné l’opportuni- té de consulter de
nombreux articles du Centre de Recherche sur l’Environnement. Nous saisissons cet instant pour
adresser nos remercie- ments au professeur Aimé Tchabouré GOGUE, premier Directeur du
PTCI qui, en 1994 nous a convaincu d’opérer une reconversion en Economie de
l’Environnement au regard de la très grande pénurie d’enseignants franco- phones spécialisés
dans le domaine. C’est dire que ce manuel trouve ses bases dans le cours donné en DEA/PTCI et
dont les prolongements se sont poursuivis en second cycle de l’Unité de Formation et de
Recherche en Sciences Economiques et de Gestion de l’Université de Ouagadougou.

Nos remerciements vont enfin à Madame Mamounata KABORE, Secrétaire du 3e cycle de


l’UFR/SEG, qui a consacré son temps à la saisie du manuscrit et Monsieur Cyprien ILBOUDO
qui s’est investi dans la mise en pages de la version finale.

l’auteur

CHAPITRE I

ENVIRONNEMENT ET DEVELOPPEMENT DURABLE

Introduction
Dans ce premier chapitre, il s’agit de donner la définition d’un cer- tain nombre de concepts à
travers des rappels historiques.

Ensuite, il est traité les principales approches scientifiques de l’envi- ronnement notamment
celles des sociologues, des écologues et des écono- mistes. Enfin, quelques instruments de
mesure du développement durable sont analysés.

1.1. Définition des concepts

1.1.1. Rappel historique de développement soutenable

Le point de départ remonte aux réflexions des années 1970 sur la croissance et le développement.
Les conclusions du Club de Rome, et d’aut- res économistes de l’époque remettaient en cause
l’idée qu’une croissance économique soutenue et permanente soit la condition idéale pour
l’humani- té. Un siècle après Malthus, une nouvelle prise de conscience des contradic- tions
potentielles entre l’accroissement illimité des besoins humains et le caractère limité des
ressources naturelles réapparaît. Dès cet instant, se déve- loppe l’idée qu’il faut imposer des
limites à la croissance économique, ou plu- tôt à ses effets sur l’environnement, afin de garantir
la conservation des res- sources de la planète.

Les qualificatifs de durabilité ou soutenabilité (sustainable) voient le jour dans le rapport "Word
Conservation Strategy, living resource conserva- tion for sustainable development " en 1980, qui
insiste sur le maintien des équilibres écologiques.
Plus récemment, le rapport de la Commission Mondiale pour l’Environnement et le
Développement des Nations Unies "Our Common Future", également connu sous le nom de
Rapport Bruntland, met en relief les risques planétaires liés au changement climatique et à la
croissance incontrôlée de la population. Ce rapport popularise véritablement le concept de
développement durable sans toutefois donner une véritable définition.

Le seul passage couramment cité et qui définit la notion de dévelop- pement soutenable est:"
Sustainable development is development that meets the needs of the present without
compromising the ability of future genera- tions to meet their own needs" (Rapport Brundland,
1987 p. 43)*.

Plus qu’une définition, selon Sylviane Gastaldo (1992), le Rapport aborde davantage les aspects
éthiques contenus dans la notion même de déve- loppement soutenable.

Une définition par la négative

Selon certains auteurs: John Pezzey (1989), Pearce et al. (1989), il existerait entre vingt six et
soixante définitions du concept de développement durable.

Cette notion recouvre des contraintes différentes selon les auteurs, suivant leur appréciation de la
priorité des problèmes, et le contexte du déve- loppement.

Parmi les différentes définitions, nous pouvons citer quelques unes:

- Le Rapport Bruntland: ".... Un processus de changement par lequel l’exploitation des


ressources, l’orientation des investissements, des change- ments techniques et institutionnels se
trouvent en harmonie et renforcent le potentiel actuel et futur de satisfaction des besoins des
hommes ".

- La Banque Mondiale (1992): " Un développement soutenable, est un développement qui dure.
Il ne faudrait pas que ceux qui jouissent aujour- d’hui des fruits du développement économique,
par une dégradation excessi- ve des ressources de la terre et par la pollution, le fassent aux
dépens des générations futures".

L’idée d’équité inter et intragénérationnelle est mise en avant expli- citement par John Pezzey
(1989) en ces termes: "Le développement dura- ble sera d’utilité non décroissante par tête, en
raison de son évidente affinité avec les critères d’équité entre générations".

Le même rapport met l’accent sur la préservation de la biodiversité pour son rôle d’assurance
face à l’incertitude des conditions futures: " La

*Traduction française "Répondre aux besoins des générations actuelles sans compromettre la
possibilité de répon

dre à ceux des générations & venir

20

perte des espèces végétales et animales peut grandement compromettre les avantages des
générations futures; aussi, le développement soutenable nécessite la protection des espèces
animales et végétales ".
Au regard de ces différentes définitions tirées de manière aléatoire, on peut dire que le
développement durable est le contraire d’un développe- ment aveugle ou insoutenable qui
négligerait selon S. Gastaldo (1992):

- l’impact sur l’environnement;

demain au profit d’aujourd’hui ;

une partie de la population (les pauvres).

Le développement durable est un objectif d’ordre macro-écono- mique. Les perspectives de


développement sont fonction du stock de capital et du progrès technique, ainsi que du degré de
maîtrise de la croissance démographique qui seule, peut garantir que l’augmentation de la
population ne dissipera pas rapidement les avantages liés au développement du stock de capital.
L’économie de l’environnement nous enseigne notamment que les biens d’environnement font
partie intégrante de ce stock au même titre que les machines, les routes, les usines, les maisons
etc. Une forêt tropicale rem- plit un grand nombre de fonctions écologiques qui ont toute une
valeur éco- nomique. Elle protège le réseau hydraugraphique et sa disparition est sus- ceptible de
porter atteinte à celui-ci selon la nature de la nouvelle affectation des terres. Au plan mondial, la
couche d’ozone protège les êtres humains d’une grande partie du rayonnement ultra-violet qui
nuirait dans le cas contraire à leur santé et à la productivité de l’écosystème.

Finalement, on peut distinguer deux sous-objectifs dans la poursuite d’un développement


durable:
- la garantie de la qualité de l’environnement;

- la consolidation du développement économique.

1.1.2. L’environnement

H. Bourguinat (1993) parlant du terme environnement s’interroge: " Est-ce la traduction - peut-
être trop libérale - d’un mot anglais à la mode ou l’un des problèmes réellement majeurs de notre
époque ?".

21

Presqu’un quart de siècle après, de nombreux pays du Tiers Monde et notam- ment ceux de
l’Afrique continuent à s’interroger sur le terme.

Comment définir l’environnement ? Pour H. Bourguinat (1993) "Est- on en droit de qualifier le


terme et de parler d’environnement économique pour mieux spécifier le champ d’étude ou bien
vaut-il mieux reconnaître qu’il n’y a qu’un problème général de l’environnement et que
l’économiste est chargé d’en embrasser seulement une partie ?

Ce que l’on peut observer aujourd’hui, c’est que le problème de l’en- vironnement ne se réduit ni
à l’étude des atteintes objectives au milieu (les pollutions) ni à celles des atteintes à la fois
objectives et subjectives (les nui- sances). Ce n’est pas non plus une simple volonté de protéger
un état naturel.
En définitive, l’environnement serait selon H. Ozbekhan "tout ce que l’homme crée, tout ce dont
il s’entoure, tout ce qu’il a appris et tout ce dont il se souvient ". Il serait dans ce cas erroné de
penser que l’environnement se réduit à ce que nous appelons Nature. Il se confond davantage
avec le "milieu" dans lequel le système existe et continue d’exister grâce à des échanges d’or-
dre presque méthodologique.

L’environnement est un problème total, aussi pour H. Bourguinat (1973)" L’environnement est
constitué aussi bien par le milieu naturel ou artificiel qui nous entoure que par le tissu de plus en
plus serré des relations intellectuelles et le réseau d’information que nous avons bâti ".

Finalement, on peut dire que l’environnement est à la fois souvenir humain, communication avec
l’autre mais également entre soi-même et le milieu à travers la médiation des choses, le cadre de
vie et ce qui y porte atteinte etc.

1.1.3. Relations entre environnement et développement

Pour l’économiste Français Henri Guitton, "L’activité économique eet la forme de l’activité
humaine par laquelle les hommes luttent pour rédui done d’abord onde la masse à leurs besoins".
En d’autres termes, elle est réceptable pourneformation de la nature où elle trouve ses ressources
et un ses déchets.

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Ce sont ces rapports qui doivent être perçus dans une vision d’inté- gration environnement-
économie pour un développement durable. Cette vision est multidimensionnelle et prend en
compte, comme le souligne I’OCDE (1996)*:
a) La géographie

Dans quelle mesure les politiques économiques ou environnementa- les au plan local, national,
régional et international se renforcent mutuelle- ment?

b) Les secteurs économiques

La mesure dans laquelle les politiques économiques sectorielles (agriculture, transport, énergie,
industrie, commerce etc.) prennent en comp- te les préoccupations environnementales.

c) Les critères économiques

De quelle façon le comportement des différents acteurs économiques (consommateurs,


entreprises, société civile etc) reflète leur vision de l’inte- raction entre les objectifs économiques
et environnementaux ?

d) Les ressources environnementales

La mesure dans laquelle les politiques affectant des ressources envi- ronnementales prises
séparément (eau, air, sol, faune et flore sauvage) sont naturellement cohérentes (approche
écosystémique).
Les problèmes d’environnement peuvent s’aggraver ou s’améliorer avec la croissance des
revenus; certains s’aggravent et s’améliorent ensuite.

*OCDE (1996): L’intégration de l’environnement et de l’économie. Progrès dans les années 90,
papier libre.

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Figure 1: Indicateurs d’environnement selon la catégorie de revenu des pays

Population sans acuts à de l’eau salubre

Pourcentage

Pourcentage

100

1000

Population urbaine sans accès à un minimum d’assainissement

Revens par habitant (dollars, échelle Inganthmique)


10000

100000

Revena par habitant (dollars, échelle logarithmique)

Concentrations moyennes de

Concentration mytanes de Particules dans les villes Microgrames par mit ne d’air

1900

1200

Dioxyde de soufre

e) Les instruments des politiques

Comment les différents instruments de politique environnementale (réglementations, incitations


économiques, développement technologique, éducation, culture etc.) produisent des résultats
cohérents et complémentai- res?
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f) Le niveau des objectifs

De quelle façon les politiques micro et macro économiques se sou- tiennent mutuellement dans
l’interaction des politiques environnementales et économiques (les politiques environnementales
au niveau microéconomique soutiennent-elles les politiques macroéconomiques ?)

g) Les procédés

La mesure dans laquelle les procédés de fabrication industrielle reflètent les exigences
environnementales (concept de lutte contre la pollu- tion, gestion de la totalité du cycle de vie).

h) Le temps

La mesure dans laquelle les politiques environnementales et écono- miques sont intégrées dans
une perspective temporelle (court terme opposé à long terme; génération actuelle opposée aux
générations futures).

Quelques indicateurs d’environnement montrent bien les corrélations positives ou négatives qui
existent entre environnement et niveau de déve- loppement (Cf figure 1). Ainsi, au fur et à
mesure que les revenus des popu- lations s’améliorent, le % de personnes sans accès à l’eau
potable diminue. A l’inverse, l’augmentation du revenu fait augmenter les émissions moyennes
de gaz carbonique.
En Afrique, au cours des décennies à venir, les forces ci-après et leurs interactions seront les
facteurs déterminants qui façonneront les aspects environnementaux de ce continent:

• Accroissement démographique

Les projections d’accroissement démographique dans la plupart des pays africains indiquent un
taux de croissance annuel moyen de 3,1% jus- qu’à l’an 2.000. Dans moins d’un quart de siècle
si ce taux est maintenu, la population doublera.

Une telle explosion démographique est susceptible d’aggraver la pau- vreté et la dégradation de
l’environnement.

25

Figure 2: Projection de l’accroissement démographique dans le monde suivant diverses


hypothèses de fécondité 1985-2160

Milliards d’habitants

25

20

acceleration de la fécondité
15

Scénario de Référence

Baisse de la Fécondité

1985 2010

2035

2060

2085

2110

10

5
0

2135

2160

Années

Les conséquences de cette croissance démographique seront :

* l’accroissement de la demande de biens et services (pression sur l milieu naturel);

* la création de nouveaux emplois et nouvelles sources de revenus (renforcement de la pression


sur les ressources naturelles);

* l’accroissement de la production des déchets (menace sur la santé)

* la mise en culture de nouvelles terres entraînant la baisse des rende- ments;

*le surpâturage, le déboisement, l’épuisement des eaux;


*l’accélération de l’urbanisation;

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* la pauvreté.

Dans bon nombre de pays africains, environ 55% de la population vivent en deçà du seuil de
pauvreté.

Exemple: Au Burkina Faso, I’INSD (1998) définit ce seuil à 72 690 FCFA, ce qui conduit à
estimer un taux de 45,3% vivant en deçà dece minimum.

L’essentiel des pauvres se trouvent en milieu rural, ce qui explique la poussée de l’exode vers les
villes. Pauvreté et dégradation de l’environnement sont deux forces mutuelles. De plus en plus, il
faut comprendre la pauvreté non en mesurant le bien-être traditionnel, mais en termes de
patrimoine et d’accès aux ressources naturelles. Les pauvres dépendent presqu’à 100% de la base
des ressources naturelles pour satisfaire leurs besoins fondamentaux et, sur le continent, ces
ressources disparaissent rapidement. De ce fait, les pauvres sont de plus en plus en danger.
Cependant, comme le suggère Boserup (1965), chaque fois que les problèmes apparaissent, les
hommes les affron- tent. Ainsi, lorsque la densité de peuplement atteint un certain seuil, les
hommes ne développent-ils pas des techniques de régénérescence des sols? Il semble qu’une
courbe en forme de U apparaît dotée d’un potentiel d’expli- cations de cette évolution. On assiste
dans un premier temps à une poussée des problèmes vers le bas et, dans un second temps, la
situation s’améliore. Des études photographiques ont montré dans le cas de Machakos (Kenya)
qu’en 1937, cette zone était entrée dans une situation de déforestation avan- cée de l’écosystème.
En 1990, d’autres photographies ont montré pour la même zone un luxuriant couvert végétal. A
Machakos, la végétation s’est fondamentalement améliorée au même moment qu’on observait
une plus grande productivité.
Des travaux de recherche récents (2002-2003) sur" la réhabilitation de la capacité productive des
terroirs dans le Nord du Plateau Central du Burkina Faso" ont montré à travers une étude
multidisciplinaire (télédétec- tion, économie, sociologie, hydraugraphie, agronomie) qu’avec des
densités de peuplements allant jusqu’à 100 ha/km2, la politique de Conservation des Eaux et des
Sols (CES) a permis de restaurer les sols, d’améliorer la végéta- tion et d’accroître les
rendements agricoles (C. REIJ et T. THIOMBIANO, 2003).

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Figure 3: Activité économique et environnement

La politique économique influe sur la productivité et sur la structure de la production

Echelle de l’économie (revenu par habitant)

La politique de l’environnement modifie les incitations à utiliser les ressources naturelles

L’investissement dans l’environnement comporte des coûts et des avantages

Structure de la production
X

Coefficient d’efficacité X

Les gains d’efficacité réduisent la demande de ressources

Atteintes à l’environne- ment par unité produite

Qualité de l’environne- ment

(1)

La domande d’amélioration de l’environnement augmente avec le revenu par habitart

1 Politiques

(1)

II Interactions
L’utilisation de procédés et techniques plus propres réduit les émissions de polluants, les déchets
et la dégradation de l’environnement

(Ⅲ)

III Gains pour l’environnement

Source: Banque Mondiale 1992

La figure indique que l’échelle de l’activité économique n’est pas le seul facteur déterminant
pour la qualité de l’environnement, peuvent jouer également un rôle important:

la structure: biens et services produits; l’efficacité: facteurs de production utilisés par unité de
production;

la substitution: capacité de trouver des substituts aux ressources devenues rares:

⚫les techniques et les méthodes de gestion non polluantes.

. Migration et urbanisation
La population sahélienne qui était de 45 millions en 1993, passera à 90 ou 100 millions d’ici
2025. On estime que la population urbaine à cette date sera de 50%.

Dans certaines régions de l’Afrique sahélienne, la population rurale prédominante dépasse la


capacité de charge des terres, au regard du niveau technologique actuel.

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Exemple: Dans le nord du Plateau Central du Burkina Faso, il y a des zones (Yatenga, Passoré)
où la densité de peuplement dépasse 100 hab/km2. Il n’existe pratiquement plus de jachère dans
ces zones. A ce facteur humain s’ajoute le facteur d’un élevage extensif qui contribue
grandement à la dégradation de l’environnement.

Les conditions environnementales, économiques et sociales ont poussé les populations du Sahel
Occidental vers les régions côtières du Sud, d’où une pression sévère sur les ressources urbaines
et côtières. Le Burkina Faso selon la Division Agriculture et Environnement - Département
Afrique Centre-Ouest, subit une migration nette (25% de l’accroissement normal). Les migrants
se dirigent pour des raisons historiques, principalement vers la Côte d’Ivoire. La population
urbaine des pays de l’Afrique Centre - Ouest (Bénin, Burkina Faso, Côte-d’Ivoire, Mali, Niger,
Ghana et Guinée) est pas- sée de 15 à 29% de la population totale entre 1965 et 1990 selon
toujours les projections de cette Division de la Banque Mondiale (Mai 1996). D’ici 2025, les
populations urbaines représenteront 50 à 60% de la population totale de ces pays. La population
d’Abidjan devrait tripler, passant de 2,7 millions à 8 millions tandis que celle d’Accra passerait
de 1,6 à 4,7 millions.

. Développement du littoral
Selon les projections pour l’ensemble du continent, le pourcentage de la population vivant sur le
littoral devrait doubler d’ici 2025, passant de 20 % à 40%. A cette période, il est fort probable
que la région côtière entre Accra et le Delta du Niger soit émaillée de villes en continu
représentant une population de plus de 50 millions sur un littoral de 500 kilomètres de long. A un
tel rythme, la région du corridor côtier de ces pays du Centre - Ouest excédera sa capacité de
charge environnementale bien avant 2025.

.Facteurs socio-politiques

La surpopulation, la migration, la pauvreté, la dégradation de la sécu- rité et l’accès médiocre


aux services sociaux (santé, éducation) sont des fac- teurs qui écrasent de plus en plus les
structures de soutien social tradition- nelles des pays africains. La dégradation continue des
ressources naturelles -eau, terres arables, forêts, ressources halieutiques - nourrit la spirale de
pau- vreté et d’utilisation non durable des ressources. A la recherche du bien-être,

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les populations rurales migrent vers les zones urbaines et exercent une pres- sion accrue sur le
patrimoine social que le développement d’infrastructures et biens matériels ne peut arrêter.

Dans leur recherche d’un développement durable, les gouvernements africains doivent envoyer
des signaux macro-économiques corrects et exa- miner avec clairvoyance les échecs des marchés
et politiques et de manière générale, des Programmes d’Ajustement Structurels. Non moins
importants sont des facteurs comme le soutien à l’éducation des femmes, la création d’emplois et
la génération des revenus alternatifs (diversification des activi- tés), la stabilisation de la
croissance démographique, le transfert technolo- gique et la transition vers des ressources
renouvelables. Pour atteindre ces objectifs, il est primordial de lier les objectifs économiques,
environnemen- taux et sociaux non seulement au plan macro mais aussi au niveau micro
(communautaire).

.Facteurs favorables

Au Sahel et notamment au Burkina Faso, de nombreux travaux de recherche ont montré que "les
forces fondamentales qui poussent vers des changements majeurs de structures démographiques
sont déjà en mouvement et leurs futures évolutions sont quasi inéluctables.... ". C. WETTA
(2003) a montré dans une étude portant sur 12 villages du Nord Plateau Central que dans les
zones où les aménagements des sols avaient eu lieu, il s’est amorcé de timides migrations de
retour de population. Il est ressorti des enquêtes qu’au total, 189 familles se sont réinstallées dans
ces 12 villages. Sur cet effectif, on relève que dans les villages aménagés, 156 familles sont
revenues s’installer soit 82,5% de l’ensemble des retours.

1.2. Les différentes approches scientifiques de l’environnement

Parmi les multiples approches, nous en retiendrons principalement

trois:

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1.2.1. Approche des sociologues


Les sociologues essayent de mettre en évidence dans leur démarche la nature humaine et les
tendances de l’organisation sociale qui sont crucia- les pour l’élaboration des moyens viables
dans le but d’atteindre un dévelop- pement durable. Pour eux, moins on prête attention aux
facteurs sociaux dans les processus de développement, plus on affecte l’efficacité des divers
programmes et projets de développement. Cet aspect devrait être pris en compte dans la politique
et l’analyse des projets. Ainsi, outre l’accroissement démographique, il faut intégrer la pauvreté,
les inégalités, l’expropriation des terres, les guerres, les catastrophes naturelles, les politiques
économiques, l’absence de démocratie à différents échelons comme autant de facteurs
aggravants.

1.2.2. Approches des écologues

Les écologistes entendent préserver l’intégrité écologique des sous - systèmes qui est critique
pour la stabilité d’ensemble de l’écosystème global. Certains soutiennent la préservation de tous
les écosystèmes, mais une vue moins extrémiste maintiendrait l’entrain ainsi que l’adaptabilité
dynamique des systèmes de support naturel de la vie. Les unités comptables écologiques sont
physiques et non monétaires et les disciplines écologiques prévalentes comprennent la biologie,
la chimie et les sciences naturelles d’où le besoin de quantifier ces unités comptables.

Production, consommation sont deux éléments clés de l’économie comme de l’écologie, sciences
qui ont une ambition en commun: apprendre à l’être humain à administrer les biens de la terre
d’une façon rationnelle. Dans ces conditions, pourquoi les oppose-t-on si souvent ? Jean Claude
de Lefeuvre (1991)¹ relève trois divergences.

a) La manière de concevoir la gestion des ressources: pendant long- temps, les économistes ont
considéré les ressources de la planète, minérales ou vivantes comme inépuisables. A cette
conception, les écologues ont oppo- sé depuis fort longtemps la notion de ressources
renouvelables, liée à celle de développement durable grâce à la stratégie mondiale de la
conservation;

b) La méconnaissance par les économistes de comment fonctionnent des systèmes : le recyclage.


En effet, un système écologique fonctionne en

11.C. LEFEUVRE (1991): L’approche écologique de l’Environnement in Cahier Français nº 250

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boucle : les déchets, les produits du métabolisme éjectés par les organismes vivants (producteurs
ou consommateurs), ainsi que les organismes morts, vont constituer un stock de matière
organique morte. Celle-ci sera décompo- sée dans une première phase par des consommateurs
spécialisés (nécropha- ges, coprophages etc). Dans une seconde phase, elle sera utilisée par les
micro-organismes (champignons, bactéries) puis, sera finalement minérali- sée pour redonner des
éléments de départ (azote, phosphate, potassium).

Le système économique n’a pas la cohérence du système écologique car il s’est préoccupé de
segments" producteurs" et " consommateurs", celui des décomposeurs, nécessaires au recyclage
des déchets et à la réintégration des matières premières dans le système a été négligé.

c) L’approche dichotomique des économistes s’oppose à l’approche des écosystèmes des


écologistes. Ces derniers prennent en compte les rela- tions entre les systèmes. Ainsi, ils
recommandent de ne pas étudier la biosphère en tranches séparées.
Exemple : l’eau, élément vital de notre planète. Quel que soit le niveau de perception auquel on
se situe - la région, la nation ou l’ensemble de notre pla- nète bleue - l’eau constitue un élément
fort de liaison entre tous les milieux, entre tous les écosystèmes. Elle leur impose une solidarité
incontournable: aucun d’entre eux n’est " indifférent" aux perturba- tions, non seulement des
écosystèmes voisins, mais parfois même des plus éloignés.

A ce titre on peut citer toutes les conséquences de la sécheresse des années 1973 au Sahel. Il s’en
est suivi des migrations internes et vers l’exté- rieur. Le monde entier s’est organisé pour
apporter de l’aide alimentaire. Les animaux, les plantes, les oiseaux, rien n’a été épargné.

En définitive, la science écologique, conçue par Haeckel en 1869 comme une économie de la
nature, a établi au fil des ans une dialectique entre les disciplines, Ce qui permet aujourd’hui de
raisonner en termes d’ac tion réaction.

32

Pour le sociologue Edgar Morin (1990)1: " la science écologique s’est constituée sur un objet et
un projet poly interdisciplinaire à partir du moment où non seulement le concept de niche
écologique mais aussi celui d’écosystème a été créé, c’est-à-dire à partir du moment où un
concept orga- nisateur de type systémique a permis d’articuler des connaissances les plus
diverses (géographiques, géologiques, bactériologiques, zoologiques et bota- niques etc). La
science écologique a pu non seulement utiliser les services de différentes disciplines, mais aussi
créer des scientifiques polycompétents ayant de plus la connaissance des problèmes
fondamentaux de ce type d’or- ganisation ".

Malgré cette polycompétence des écologistes, les économistes ont pendant longtemps considéré
ces derniers comme des utopistes. La raison simple est que les écologues avaient oublié l’espèce
humaine. Aujourd’hui, cette erreur a été corrigée.
1.2.3. Approche des économistes

A chaque époque, la science économique, comme toute science, s’est développée en conformité
avec une certaine vision du monde issue de l’ex- périence et des connaissances du moment.

Il se dégage un paradigme c’est-à-dire un " modèle fédérateur " autour duquel s’échaffaude ainsi
l’ensemble de la connaissance scientifique d’une époque. Partant de là il n’y a pas une théorie
économique mais des théories économiques qui sont caractérisées par des approches et des
analy- ses qui, même dans leurs versions actuelles, restent marquées par les para- digmes qui,
aux divers instants de l’histoire, ont donné leur cohérence aux grands courants de pensée dont
elles se réclament.

La multitude des regards portés par la théorie économique sur les phénomènes de
l’environnement et de la biosphère guide le choix des poli- tiques et des instruments à forger et
en conditionne les résultats comme la portée.

1 Cité par J. C. Lefeuvre (1991)

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1.2.3.1. Quelques définitions de concepts

a) Rappel de la définition de l’économie politique


Elle est considérée à tort ou à raison comme une science des choix. Cette définition se réfère à
l’idée que face à une multitude de besoins, il n’est pas possible d’atteindre tous les objectifs
souhaités. Le rôle de l’économie politique, c’est d’aider à expliquer les choix effectués et de
faciliter l’évalua- tion des décisions de production et de consommation. Les prix du marché sont
les signaux qui orientent de nombreuses décisions, et c’est ce concept d’incitation qu’il identifie
au niveau des prix ou non, qui est l’aspect essentiel de la contribution de l’économie à la
compréhension des comportements. Du fait qu’il existe une réaction systémique aux prix des
produits, des services, du capital et du travail etc, il est possible de prévoir les conséquences de
modifications au niveau des producteurs, des consommateurs.

b) Le concept d’économie du bien - être

L’économie du bien-être met l’accent sur les choix qui influent sur le bien être de l’individu ou
de la société. Elle définit les conditions qui doi- vent être remplies pour que les marchés
dégagent des résultats au plan de la production et de la consommation qui sont compatibles avec
la maximisation du bien-être. Le domaine reste très complexe.

c) La dotation environnementale

Pour Frank J. Couvery (1993)¹, la dotation environnementale peut être définie par " les éléments
de l’univers que nous possédons en propriété commune - l’air, les mers, les eaux de
ruissellement, les panoramas et la faune et flore sauvages. C’est cette quantité même du bien être
partagé qui consti- tue la principale raison d’existence de l’économie de l’environnement. L’un
des préceptes fondamentaux de l’économie du bien-être est que, pour que les marchés
fonctionnent d’une façon comparable avec la maximisation du bien- être de la société, il importe
que les ressources soient détenues en tant que propriétés ".
d) Le concept d’économie de l’environnement

L’économie de l’environnement traite des relations entre l’économie

Frank 1 Courtry (1993): Application de l’économie de l’environnement en Afrique. Document


préparé pour l’a telier sur l’économie de l’environnement - Nairobi, Kenya du 22-26 Novembre
1993

34

sociale et les systèmes écologiques qui l’entourent. Au sens large, elle com- prend aussi
l’économie des ressources naturelles.

L’économie de l’environnement a trait à la mesure dans laquelle l’em- ploi qui est fait de ces
ressources environnementales communes est compa- tible avec l’obtention des meilleurs
résultats sur ce qui concerne notre bien- être économique et social. Historiquement, cette branche
de la science éco- nomique est fondée au départ sur la micro-économie et l’économie du bien-
être. Toutefois, par extension, elle englobe aujourd’hui la gestion macroéco- nomique dans la
mesure où l’efficacité avec laquelle les ressources environ- nementales sont gérées influe
sensiblement sur les résultats de l’économie de façon globale.

L’économie de l’environnement présente l’avantage de réellement fournir un puissant cadre pour


expliquer les raisons des dégradations ainsi que les indications sur les mesures qui pourraient être
les plus efficaces pour remédier à la situation. Cependant, en Afrique, la production reste fonda-
mentalement le fait d’une économie de subsistance, de sorte qu’elle ne se prête pas aisément à
l’application des mécanismes d’encouragement" tradi- tionnel" par les prix. Les problèmes sont
complexes et ne peuvent être attri- bués à quelques pollueurs facilement identifiables qui
pourraient être ciblés par des mesures.

Exemple: les feux de brousse au Sahel peuvent être l’oeuvre de fumeurs inattentionnés, de
personnes à la recherche de rats sauvages pour l’alimentation, de paysans en quête d’espace pour
l’agriculture.

Notre préoccupation essentielle ici est d’examiner les approches éco- nomiques successives de
l’environnement.

1.2.3.2. Les grands courants des approches économiques de l’environnement

Si l’on excepte la période de relation symbiotique de l’homme avec la nature qui était
caractérisée par une économie de subsistance où la nature imposait à l’homme ses lois, on peut
retenir trois regards de la théorie!:

la conception mécaniste issue de l’univers horloger de Galilée,

I La Documentation Française n° 250 mars-avril 1991: environnement et Gestion de la Planète

35

Descartes et Newton, semblait atteindre son apogée au XIXè siècle avec l’a vènement de la
machine à vapeur;
- la " machine à feu" de Carnot sera à l’origine d’une nouvelle scien. ce, la thermodynamique,
dont le second principe, dit de " dégradation" décrivait l’univers comme un système marchant
incontestablement vers sa mort thermique;

une nouvelle conception s’impose aujourd’hui : c’est celle dite des systèmes auto-organisateurs
complexes et de la destruction créatrice.

a) Le regard hérité de Newton: un univers répétitif en perpétuel équilibre

"C’est celui d’un univers mécanique totalement déterministe et répé- titif tournant sur lui-même,
sans venir de nulle part, sans aller nulle part, sans se construire ni se détruire, donc éternel " écrit
René Passet 1. Au cours de cette période du XIXè siècle, au plan de la connaissance scientifique
de l’univers, tout se résume en ceci: la position d’un astre et la loi de son mou- vement étant
connues, on peut en déduire toutes ses positions passées et à venir. Cet univers obéit aux lois de
la mécanique.

Par sa propre attraction, chaque astre participe pour une part insi- gnifiante à la formation de
l’équilibre universel, auquel il se trouve globale- ment soumis sans être en mesure de le modifier.

On retrouvera plus tard chez les économistes deux concepts fonda- mentaux issus de la théorie
de la mécanique. La Richesse des Nations d’A. Smith fonde l’économie politique sur les
motivations d’intérêt des individus. Bentham et James Mill introduisent l’utilitarisme.
L’économie politique devient une science mécaniste désincarnée de la nature et d’un homme
rame- né à l’état d’homoeconomicus, a-moral et a-naturel. L’économie se veut une science pure
au sens de L. Walras (Eléments d’Economie Pure, 1874). Cette évolution de la pensée
économique a des conséquences sur les relations de l’homme-nature:

- en perdant toute éthique, l’économie se coupe des motivations de conservation, de solidarité


internationale et de succession aux générations à venir d’un patrimoine naturel, substrat de ce
qu’il est convenu d’appeler

1 R. Passet (1991); De la connaissance à la maîtrise de l’environnement. Cahiers Français nº 250

36

depuis 1987, le " développement soutenable";

- l’équilibre a temporel du marché devient le thème central du sys- tème, à l’exclusion de toute
idée de reproduction; la nature n’y a pas de place et comme l’écrivait Adam Smith: " l’homme
devient une sorte de marchand et la société tout entière une société de commerce ".

Le capital naturel devient pour eux un bien libre, inépuisable. Toutefois, D. Ricardo dans sa
théorie de la rente souligne que les ressources naturelles sont en quantités limitées. Dans le
même ordre d’idée, Malthus dans sa loi de la population annonçait une augmentation
géométrique de la population et une raréfaction des ressources naturelles.

Dans un optimisme démesuré, J. B. SAY (1829) écrit que: " les richesses naturelles sont
inépuisables, car, sans cela, nous ne les obtiendrions pas gratuitement. Ne pouvant être
multipliées ni épuisées, elles n’ont pas l’ob- jet de la science économique "I, Selon PASSET
(1979), partie d’un impératif de reproduction qui impliquait celle de toute la biosphère, puis qui
se rédui- sait aux seules forces du marché, l’économie débouche sur la simple contem- plation de
ses équilibres internes, abstraction explicitement faite de tout ce qui concerne le vivant. La
rupture est totale.

b) Le regard hérité de Carnot: un univers qui se dégrade

Dans ses réflexions sur la puissance motrice du feu, Sadi Carnot (1824) fondait une nouvelle
discipline, la thermodynamique qui, d’abord science de la transformation de la chaleur en
mouvement, va s’étendre plus largement à tous les changements d’état et de position survenant à
l’échelle macroscopique.

Contrairement aux énergies" froides " (le vent, la chute d’eau, le cours d’eau...) que leur
utilisation n’épuise pas, à l’inverse du bois de feu qui repousse et se renouvelle, le morceau de
charbon dont l’énergie a fait se mou- voir la machine, devenu cendre et fumée, appartient à un
stock qui, lui, s’é- puise. Les éléments qui le constituaient ne sont pas détruits, ils changent seu-
lement d’état (principe de conservation); mais dispersés dans l’univers, ils ne peuvent servir une
seconde fois (principe de dégradation ou" entropie ")2.

Ce constat conduit a une nouvelle vision sur le monde. "Il s’agit

1.J. B. SAY: Cours d’éco politique (1829) 11

2.Cahiers Français nº 250: Environnement et Gestion de la planète


37

d’une loi aussi générale que les lois newtoniennes, écrivent Ilya Prigogine et Isabelle Stengers
(1977). Tout corps a une masse et se trouve en interaction gravitationnelle avec tous les autres
corps de l’univers; mais tout est égale ment capable de recevoir, d’accumuler et de transmettre la
chaleur en tant que tel, il est le siège de l’ensemble des processus liés à l’accumulation et à la
propagation de la chaleur ". Le soleil qui s’éteint chaque jour peu à peu cessera d’entretenir la
vie sur notre planète.

Au plan de la théorie économique, selon Jean Philippe Barde (1991) on peut distinguer trois
stades.

- la correction du marché

Avec le marché, on est réduit au départ à la logique Production - Consommation. En réalité ce


que nous faisons, c’est transformer des ressour- ces en biens économiques et en déchets. De
même, la consommation n’est pas

seulement l’usure en la destruction des biens, mais également leur transfor-

mation en résidus.

Dès lors, les déchets, phénomènes non monétaires n’appartiennent pas à la sphère économique.
A partir du moment où l’économie ignore un phénomène, il en résulte des erreurs graves de
gestion.
Ainsi, les déchets n’ayant pas de valeur économique ne sont pas comptabilisés. Des ressources
naturelles telles que l’air, l’eau considérées comme" biens libres ", disponibles de façon illimitée,
ne sont pas compta- bilisées. Il y a eu une lacune de la théorie économique à ce niveau. Il a man-
qué une tarification à la fois des biens libres et des déchets.

La conclusion de la théorie économique libérale en vient à ceci : tout phénomène qui ne se


traduit pas par un échange monétaire sur un marché est ignoré par le système économique. C’est
compte tenu de cette " externalité" par rapport au marché que ces phénomènes ont été appelés
"effets externes". Un juste retour sera l’internalisation dans le marché de ces effets. C’est un
thème central de l’économie de l’environnement.

A. Marshall notait déjà que des phénomènes hors marché "pou- vaient influencer l’attitude des
agents économiques et affecter leur fonc tion d’utilité, en dehors de toute transaction". Il mettait
aussi en exergue, la

1 Prigogine 1. et Stengers 1. (1977). La nouvelle alliance. Editions Gallimard.

38

notion d’" économies externes " qui exprime l’avantage dont peut bénéficier un producteur du
simple fait de l’existence d’autres producteurs, sans que le premier paie le service du second.

Dans son ouvrage Economics of Welfare (1920), A. Pigou met en relief la notion symétrique de
" déséconomie externe " qui traduit les coûts ou désavantages que l’activité d’un agent
économique impose à un autre en l’absence de toute compensation monétaire, de tout rapport
marchand. Il relève la divergence qui apparaît entre le coût privé et le coût social d’une activité.
Seul le premier est reflété par le marché qui conduit à une vue biai- sée du bien-être social.

Exemple: Pollution atmosphérique par les industries, les véhicules, les avions, avec des
conséquences sur la santé, la végéta- tion etc. Il n’est exigé aucune compensation.

En définitive, afin de corriger ces" défaillances du marché (market failures), Pigou recommande
l’intervention de l’Etat sous forme de taxation des déséconomies externes d’où le nom de "
internalisation des effets exter- nes" ou taxe pigouvienne. Cette taxe et cette intervention de
l’Etat ne remet- tent pas en cause le rôle dominant du marché. R. H. Coase (1960)1, dénonce
toute intervention des pouvoirs publics.

De manière générale, l’analyse néo-classique s’efforce de confier au marché la résolution des


problèmes d’environnement. A tel point que W. BECKERMAN (1972)2 soutient que " le
problème de la pollution de l’envi- ronnement n’est qu’une simple question de correction d’un
léger défaut d’al- location de ressources, au moyen de redevances de pollution ".

- Le marché contesté

F. PERROUX (1961) pense que "l’Economie du bien-être " ne cons-

titue que des réformes peu profondes. Selon lui, vouloir réduire aux relations

marchandes la réalité complexe foisonnante des rapports humains et des rela-


tions avec la nature ne peut être qu’une démarche mutilante et fallacieuse et

il proclame: "l’économie de tout l’homme et de tous les hommes n’a pas été

maîtrisée par les schémas de l’économie mercantile. Le monde économique

n’a jamais été et ne sera vraisemblablement jamais un réseau d’échange oné-

reux". Cette vision de F. PERROUX est plus large que celle de Pigou qui

IR. H. Coase (1960): The problem of Social Cost, Journal of Law an Economies, Tome III,
Octobre 1960

W. BECKERMAN: Economists, Scientifs and Environnemental catastrophe, Oxford Economic


Paper, November 1972

39

écrit que " le seul instrument de mesure évidemment disponible dans la vie sociale est la
monnaie. Par conséquent, le champ de notre investigation se trouve restreint à cette partie du
bien-être social qui peut être directement ou indirectement rapportée à l’étalon monétaire. Cette
partie du bien-être peut être bien-être économique". Autrement dit pour Pigou, le bien-être est
défini comme la partie qui peut être quantifiée.
ETAPES HISTORIQUES DE LA PRISE EN COMPTE DE L’ENVIRONNEMENT DANS LES
THEORIES ECONOMIQUES

SYMRINSE

INDIFFERENCE

CONFLICTUELLE

ETAT STATIONNAIRE

DEVELOPPEMENT DURABLE

Domination de la nature

-Importance de la nature (physiocratie)

-Ignorance de la nature Importance de l’individu et du marché

Ecole Classique
Ecole Néo-classique

Correction du marché

Rejet du marché Energie Eco. Environnement

• Eco extemes

Déséconomies

Bioéconomies • Eco-Energétique

-Halte à la croissance Croissance zéro (Club de Rome)

-Approche économique

Approche écologique

-Destruction-créatrice
Economie de l’environnement

• Approche multidimensionnelle

D’autres économistes dans la tendance de F. Perroux ont souligné très tot les insuffisances du
calcul économique.

Ainsi, B. de JOUVENEL invoque une "économie politique de la gra- tuité "1. Il écrit que
l’économie politique doit devenir l’écologie politique et qu’il est nécessaire de comptabiliser les
actions de l’homme sur la nature car ces actions ne sont pas marginales comme on le prétend. Le
calcul écono- mique doit être modifié pour introduire les coûts des nuisances et des des- tructions
de la nature. Il est précurseur d’une comptabilité environnementa- le.

W. KAPP (1972) pense que la traduction en termes monétaires des effets de l’homme sur la
nature sur la base du consentement à payer et de la théorie du surplus du consommateur reste
assez réductionniste. PASSET (1979) affirme l’existence d’une incompatibilité fondamentale
entre la sphè

IF PERROUX (1961): L’Economie du XXe siècle, PUF

40

re économique et la sphère du vivant et constate les sérieuses limites des outils théoriques néo-
classiques pour gérer la biosphère. Pour lui, l’appareil théorique néo-classique est la " logique
des choses mortes ". Il propose une approche " bioéconomique "qui respecte la logique propre du
milieu natu- rel, en particulier une analyse "écoénergétique " qui mesure les phénomènes
économiques, non plus en termes monétaires, mais en termes de rendement énergétique; le
gaspillage énergétique de chaque activité peut de cette façon être évalué, par référence à un
rendement thermodynamique optimum.

- L’émergence d’une économie de l’environnement

Le dernier quart du XXe siècle a connu une riche réflexion théorique et expérimentale dans le
domaine de l’économie de l’environnement. Bien que les analyses précédentes essaient
d’opposer les différents courants de pensée, il est à noter que d’un point de vue pragmatique, on
serait tenté de conclure à une complémentarité des approches. Ainsi, comme relève BARDE
(1992), l’approche éco-énergétique de PASSET peut apporter de précieux enseigne- ments sur la
" soutenabilité ", sur le processus de croissance économique, en démasquant les gaspillages et en
jetant des points entre la logique du vivant et la logique économique. Dans le même temps,
l’approche par le marché (prix) est nécessaire pour garantir une gestion économique rationnelle
des res- sources environnementales.

Finalement, l’économie de l’environnement s’est forgée, s’est étendue dans quatre directions
selon BARDE (1992).

i) L’élaboration de techniques de valorisation en termes monétaires des phénomènes


d’environnement et l’application de l’analyse coût- avantage.

ii) La conception et la mise en place d’instruments des politiques de l’environnement.


iii) Les recherches sur la dimension internationale des phénomènes et politiques de
l’environnement.

iv) La réflexion sur la mise en oeuvre d’un processus de " développe- ment soutenable" ou de "
développement durable ".

41

c) Le regard contemporain des systèmes complexes : la destruction créatrice

Il faut se souvenir que l’état " stationnaire est un thème récurrent voire lancinant de la théorie
économique existe-t-il des limites "naturelles" à la croissance? La croissance indéfinie est-elle
souhaitable, possible et n’im. plique-t-elle pas une explosion démographique et une dégradation
du bien- être ?

- Etat stationnaire et croissance zéro

Pour Adam Smith et ses disciples, le facteur limitant de la croissan- ce demeure la disponibilité
des ressources naturelles et notamment le carac- tère limitatif des terres cultivables. En fait, leurs
inquiétudes portaient davan- tage sur l’épuisement des ressources naturelles et leurs incidences
sur la croissance et sur la répartition des richesses que le problème de la qualité des ressources
non renouvelables, c’est-à-dire la pollution.

Selon le père de l’économie politique, " au fur et à mesure que les équipements s’accroissent
dans un pays, les profits qui découlent de leur emploi diminuent, il devient graduellement de plus
en plus difficile de trou- ver une méthode profitable d’employer tout nouveau capital ". On voit
qu’il y avait envisagé la problématique de l’état stationnaire qui sera remise au goût du jour par
le " Club de Rome" sous le vocable de "croissance zéro ". Néanmoins, Adam Smith considérait
l’hypothèse d’un état stationnaire éloi- gné dans le temps.

Après lui, Malthus (1766-1834) évoque sa loi de la population, puis Ricardo (1772-1823) sa
théorie de la rente et enfin John Stuart Mill (1806 - 1873) qui perçoit déjà que la croissance n’est
pas nécessairement synony me de qualité de la vie. On peut rappeler ce passage de ses principes
d’éco- nomie politique: " il n’y a pas beaucoup de satisfaction à contempler un monde qui ne
contiendrait plus de traces de l’activité spontanée de la nature: avec la mise en culture de chaque
lopin de terre capable de faire pousser des vivres; avec le labour de chaque pré; avec
l’extermination de chaque qua drupède ou oiseau non domestique en tant que rival dans
l’acquisition des subsistances; avec le déracinement de chaque haie ou arbre superflus et avec
rarement un endroit où un buisson ou une fleur sauvage pourrait croî- tre sans être arraché
comme une mauvaise herbe, au nom d’une agriculture

42

améliorée. Si la terre doit perdre cette grande part d’agrément qu’elle doit aux choses qu’un
accroissement illimité de la richesse et de la population lui extirperait, dans le seul but de lui
permettre de soutenir une population plus nombreuse mais non meilleure ou plus heureuse,
j’espère sincèrement pour la postérité qu’elle se contentera d’être stationnaire avant que la
nécessité ne la contraigne à le devenir "I

Après la seconde guerre mondiale, la croissance économique accélé- rée devient un dogme. Ce
qui entraîna un gaspillage des ressources naturel- les et une multiplication de la pollution. Le
premier choc pétrolier de 1974, et avant cela, la publication en 1972 du rapport du Club de Rome
sur " Halte à la croissance", sur l’hypothèse d’une croissance exponentielle de la popu- lation, de
la production industrielle et de l’exploitation des ressources natu- relles de la planète,
recommandait le freinage de la croissance économique comme seule solution.
On peut s’interroger sur les raisons d’une protection de l’environne- ment. La protection de
l’environnement fait partie intégrante du développe- ment. Sans bonne protection de
l’environnement, pas de développement durable; sans développement durable, pas de ressources
suffisantes pour faire les investissements qui s’imposent, et donc pas de protection de l’envi-
ronnement.

Il existe de nombreuses conséquences dues à un manque de protec- tion de l’environnement


parmi lesquelles il y a l’incidence sur la santé et sur la productivité.

11. Stuart Mill: Principes d’économie politique, Paris, Guillaumin et Cie.

43

Tableau 2: Principales conséquences d’une mauvaise gestion de l’environnement pour la santé et


la productivité

Problème

d’environnement Pollutine de l’eau et de pénurie d’eas

Pollution de l’air

Effet produit sur la santé


Déchets solides et dangereus

Dégradation des sola

Deboisement

Parte de biodiverute

Changements atmosphériques

Effet produit sur la productivité

Plus de 2 millions de décès et des milliards de maladies par an sont imputables à la pollution; la
pénurie d’eau entraîne une mauvaise hygiëne et accroît les risques de maladie

Appauvrissement des lieux de pêche; dépense de temps par ménages ruraux et d’argent par les
municipalités pour obtenir une eau salubre; ralentissement de l’activité économique pour cause
de pénurie d’eau.

Restriction de la circulation automobile et de l’activité industrielle en période de crise, impact


des pluies acides sur les forêts et les étendues d’eau.
Nombreux effets zigus et chroniques sur la santé des niveaux excessifs de matières particulaires
dans les villes sont responsables de 300 000 à 700 000 décès prématurés chaque année et de la
moitié des cas de toux chronique chez les enfants; 400 à 700 millions de personnes
(principalement des femmes et des enfants) de zones rurales pauvres affectées par l’air enfumé
des habitations

Les ordures en décomposition propagent les maladies et obstruent les égouts. Les risques
inbérents aux déchets dangereux sont généralement localisés, mais souvent graves.

Réduction de la nutrition pour les agriculteurs pauvres qui cultivent des sols épuisés; plus grande
vulnérabilité à la sécheresse

Inondations localisées entraînant morts et maladies

Perte potentielle de nouveaux médicaments

Changements possibles dans les maladies transmises par vecteur; risques de catastrophes
naturelles dues au climat; l’appauvrissement de la couche d’ozone peut occasionner chaque
année 300 000 cas supplémentaires de cancers de la peau dans le monde et 1,7 millions de cas de
cataractes.

Pollution des ressources en eau souterraines.


Pertes de productivité des champs de l’ordre de 0,5 à 1,5% du PNB courant sur les sols
tropicaux; envasement hors site des réservoirs, des canaux transportant l’eau des rivières et
d’autres investissements hydrologiques.

Perte de potentiels d’exploitation forestière soutenable, de prévention de l’érosion, de stabilité


des bassins versants et d’absorption du carbone.

Moindre adaptabilité de l’écosystème et perte de ressources génétiques.

Dommages causés aux installations côtières par l’élévation du niveau de la mer changement
régionaux dans la productivité agricole; perturbation de la chalne alimentaire marine.

Source: Banque Mondiale 1992

C’est compte tenu de ces conséquences que de nombreux auteurs insistent sur de nouvelles
règles de gestion du capital naturel.

Les raisons sont multiples:

- le capital naturel constitue un facteur irremplaçable de la croissan- ce économique;

44
- les ressources naturelles sont en soi source de bien-être de par leur apport d’aménités: beauté
d’un site, loisirs, facteur de santé etc.;

- certaines ressources ne sont pas renouvelables et leur épuisement ou disparition sont


irrémédiables: disparition de plantes médicinales, d’espèces d’animaux, de sites naturels;

- de nombreuses ressources n’ont aucun substitut artificiel, par exem- ple les écosystèmes "
régulateurs " tels que les forêts tropicales, les marais etc.;

La mise en oeuvre d’un processus de développement durable néces- site de forger des
instruments de gestion applicables aux problèmes relevés plus haut; BARDE en relève trois :

une gestion de l’incertitude (risques);

. des méthodes d’évaluation des projets;

. la tarification des ressources.

Après s’être intéressés au fonctionnement répétitif de l’horloge-uni- vers, les scientifiques


s’interrogent aujourd’hui sur la construction de l’horlo- ge ou plutôt d’un univers organisé et en
évolution constante. La théorie des systèmes - organisateurs (systèmes complexes autorégulés et
ouverts sur leur environnement) fournit un cadre logique à ces analyses.
Au plan économique, le problème devient celui d’harmoniser les deux processus de destruction
créatrice que sont l’évolution de la biosphère et le développement (J. Schumpeter) ou selon
Vincent Labeyrie, " d’insérer le développement économique dans l’escalade coévolutive de la
nature ".

Le constat que l’on peut faire est que ces deux processus sont conduits par des logiques
différentes. Selon Passet (1991), le conflit se noue autour de quatre axes:

- alors que la nature maximise les stocks (la biomasse) à partir d’un

flux donné (le rayonnement solaire), l’économie maximise des flux mar-

45

chands en épuisant des stocks naturels (non marchands) dont la diminution n’est comptabilisée
dans aucun bilan économique et n’exerce aucune action correctrice sur les flux;

- alors que la nature obéit à une logique de l’interdépendance et de la circularité (les cycles bio-
géochimiques), la décision économique s’appuie sur la relation causale linéaire simple
confrontant la variation d’une dépense (investissement, achat de biens) et un résultat (chiffre
d’affaires, profit etc.) et tout élément introduit selon cette logique dans la sphère économique se
répand entre les différents compartiments de la biosphère et dégrade la natu re.

Exemple: les fumées industrielles engendrent les pluies acides.


dans les rythmes naturels se déroulant et s’harmonisant sur les millénaires (voir des millions
d’années), la gestion économique introduit la rupture des maximisations brèves; rupture dont la
plupart des effets ne se feront sentir que sur les générations à venir; la dépréciation du futur;

alors que les écosystèmes non perturbés se diversifient spontané- ment et, par là même,
accroissent leur stabilité dans le temps, la gestion éco- nomique privilégiant les variétés
performantes introduit l’uniformisation et la vulnérabilité.

En réalité, tout compte fait, dans le système économique ce qui est en cause, c’est la logique du
marché et non son dysfonctionnement. Dans la conception de la destruction - créatrice, le
problème est d’articuler ces deux aspects afin que l’un puisse se développer sans compromettre
le déroulement de l’autre. L’entropie (destruction), dans la conception de la destruction-créa-
trice n’est qu’une composante inéluctable (le prix à payer) du mouvement de construction et de
complexification qui entraîne l’univers et caractérise l’ac- tivité de production.

Parmi les auteurs de la destruction-créatrice on peut citer : René

Passet, N. Georgescu-Roegen (1990) R. Norgaard, M. Slesser etc. Ces

auteurs situent leur analyse au plan de l’approche multidimensionnelle.

46

Schéma 1: le contexte global du développement

P.47
Source: IDE/Banque Mondiale

Le Schéma 1 présente le contexte global du développement. Il se com- pose de deux parties.

La première partie, sur les Politiques Economiques d’Ensemble et l’Environnement, est liée aux
six Boîtes du cadre. La seconde partie, sur les

47

Analyses de Projets avec Impacts Environnementaux, est liée aux autres Boîtes du cadre, qui se
rapportent toutes au cycle de projet.

Partie 1: Politiques Economiques d’Ensemble et l’Environnement

1- Perspective de Développement Durable dans un Contexte Global (Boite 1)

Dans l’esprit du Sommet de Rio, une vision du contexte global soutenue par une stratégie natio
nale est une importante pré-condition pour l’exécution réussie de politiques se rapportant au
développe- ment durable. La stratégie devrait elle-même être traduite par un plan d’action. Tout
en étant flexible, le plan devrait pouvoir s’adapter à des circonstances nouvelles avec le temps.
Ce module place l’Economic Politique de l’Environnement dans une perspective plus globale du
développement durable comme commu- niqué lors du Sommet de Rio et articulé dans l’Agenda
21.

2- Politiques Macro-Economiques et l’Environnement (Boite 2)


Les politiques macro-économiques sont exécutées grâce à certains mécanismes dont notamment
le taux de change, les taux d’intérêt, la politique des salaires, le commerce extérieur ainsi que la
régulation des privatisations. L’impact sur les liens de ces mécanismes avec l’environnement
naturel et au tissu social sont uniques à chaque pays. Les comptes nationaux tentent de quantifier
ces impacts sur le PIB.

3- Politiques Sectorielles et l’environnement (Boite 3)

Les politiques sectorielles comprennent un grand nombre de variables spécifiques, tels que les
prix et les instruments économiques et de régulation. Dans ce module, on s’attellera à souligner
la vérité des prix. Les politiques sectorielles peuvent être analysées dans un cadre d’offre et de
demande globale pour différentes ressources naturelles et des fonctions d’absorption. Des
exemples illustrent les liens entre les politiques sectorielles et l’environnement pour ce qui a trait
aux problèmes verts (eau, forêt et uti- lisation du sol/aménagement du territoire) et bruns
(énergie).

4-Politiques Environnementales et Priorités (Boite 4)

Une fois qu’une vision pour le développement durable ainsi que les politiques macro-écono
miques et sectorielles appropriées ont été établies, les priorités relatives à la politique
environnementale sont établies par-delà et à l’échelle sectorielle. Des critères devraient être
utilisés pour déterminer des prio- rités couvrant les investissements directs des secteurs public et
privé ainsi que les investissements indirects du secteur public, tels que des programmes
environnementaux incitatifs, des actions sociales, institution- nelles et légales. Un processus
participatif est crucial pour l’établissement des priorités. Ce module présen- te des outils
budgétaires et des processus participatifs pour l’établissement des priorités, il inclut une revue
d’exercices couvrant l’établissement des priorités dans des stratégies nationales pour
l’environnement (PANE inclus)

5-Budgétisation et Politiques de Dépenses Publiques (boite 5)

Le budget est l’outil le plus important pour assurer que les aspects environnementaux sont bien
intégrés dans les politiques macro-économiques et sectorielles et que le PANE puisse être
exécuté.

6-Stratégie Nationale de Développement (Boite 6)

Une stratégie a besoin d’être mise en place pour toutes les politiques économiques afin d’incor-
porer les aspects environnementaux et sociaux. La stratégie devrait répondre à des aspirations
aussi bien d’ordre national qu’international.

1.6-Analyse Environnementale des Politiques et Programmes

Des outils pour l’analyse des politiques et des programmes sont présentés: Analyse de projet
avec impacts environnementaux (AIE), Matrice d’analyse politique (MAP), Evaluation
environnementale stratégique (EES); qui sont illustrés dans des études de cas et des exemples des
meilleures pra- tiques.

48

Partie II: Analyse de Projets avec Impacts Environnementaux (IE)


7- Politiques Economiques d’Ensemble et Analyse de Projet (Boite 7)

Ce module lie les politiques avec l’analyse des programmes et projets

8- Analyse de Projets avec Etudes d’Impacts (Boite 8)

L’identification et la préparation de projets devraient intégrer les IE afin d’assurer des


investissements propices pour ce qui a trait aux aspects environnementaux et sociaux.
L’intégration de l’IE au début du cycle du projet devrait être un processus formel et itératif. Les
conclusions de ITE devrait être intégrées avec ou sans" les scénarios d’un projet. L’état de
l’environnement sans le pro- jet est comparé aux changements touchant l’environnement
anticipés par le projet (impacts environ- nemental et social). Cette information devrait servir de
pierre d’achoppement pour toute analyse éco- nomique avec ou sans".

9. Evaluation (Boite 9)

Les techniques d’évaluation permettent d’aider les analystes de projets à intégrer l’informa tion
émanant de l’IE dans une analyse économique" avec ou sans". Aussi, elles permettent d’évaluer
certains intrants/extrants du projet et plus spécialement ceux identifiés dans l’IE.

10- Prise de Décision (Boite 10)

Il est bien évident que tous les effets environnementaux identifiés dans les scénarios d’un projet
peuvent être évalués et intégrés dans un cash flow, Des indicateurs biophysiques, sociaux ou
informations supplémentaires devraient être incorporés dans le processus de décision en utilisant
des méthodes participatives et multi-critères. De plus, d’autres critères devraient être considérés
en plus des critères de décision de rentabilité économique.

11-Suivi, Gestion et Evaluation (Boite 11)

Le suivi des variables financières, économiques, environnementales et sociales du projet


facilitera la gestion du projet et son évaluation ex-post. Par ailleurs, cette évaluation pourra aider
à rectifier les politiques et avec le temps, à raffiner les instruments servant à les exécuter.

1.11-Analyse Environnementale des Politiques, Programmes et Projets

Des outils pour l’évaluation économique sont appliqués pour l’analyse des politiques, pro-
grammes et projets. La matrice d’analyse de politique est révisée pour pouvoir intégrer les
valeurs estimées

Dans ce schéma, dans la partie I qui comprend six boîtes, on peut relever que le premier point
situe l’Economie de l’Environnement dans un cadre systémique. Ceci permet après de dégager
trois politiques qui com- prennent les boîtes 2 à 4. La boîte 5 est relative aux dépenses d’impact
envi- ronnemental lié aux trois précédentes politiques. Mais d’une manière géné- rale, il est
important que tout cela s’inscrive dans le cadre d’une Stratégie Nationale de Développement.
Enfin, dans ce premier point, il faut faire une analyse environnementale des politiques et
programmes.
La seconde partie comporte cinq boîtes dont l’objectif est l’analyse de projets avec Impacts
Environnementaux.

49

1.3. Les Indicateurs du Développement durable

1.3.1. L’indicateur H.H.S.

Introduction

La mesure des indicateurs du développement soutenable repose dans une certaine mesure sur la
substituabilité entre ressources. C’est sur quoi se fonde la règle de Hicks, Hartwick et Solow
appelée (H.H.S.).

K=Km+K+K

(1)

C’est-à-dire que le capital K se divise en trois cmposantes:

K= capital manufacturier
K= capital humain

K = capital naturel ou ressources naturelles

Les objectifs de la soutenabilité sont :

maintien au cours du temps de niveaux acceptables de bien-être;

- capacité de l’environnement naturel et des autres actifs présents dans la société à fournir des
flux intertemporels (au cours du temps) de bien-être désirés;

- nécessité d’un taux d’épargne élevé dans la société pour produire des sentiers de bien-être ou de
croissance soutenable;

- nécessité d’une constance à travers le temps de la consommation et de l’utilité.

a) La règle de HHS

Cette règle indique qu’il y a un accroissement de capital (K) si le mon tant de l’épargne investie
est supérieur à la dépréciation du capital global. Pearce et Atkinson (1993) en ont déduit un
indicateur de la soutenabilité fai ble, Z. S’il est négatif, l’économie est dite insoutenable.
50

Soit le modèle suivant :

K = AK = (S, -dK,) 20

(2)

avec

Sépargne à la date t dK, = dépréciation du capital

Cette équation peut-être détaillée en intégrant l’équation (1).

K=(S-dK-dK-dK) 20

(3)

Soit Y le Produit National, on obtient l’indicateur de soutenabilité faible de Pearce et Atkinson


en divisant chaque membre de (3) par Y.

D’où
SdKdKdK 20 =- YY Y Y

(4)

b) Exemple

S/y-dK/y-dK/y = Z

Tableau 3: Indicateurs de soutenabilité

P.52

Source: Pearce D. W., Atkinson G. D. (1993)

De façon complémentaire, Pearce et Warford (1993) définissent u agrégat de revenu soutenable


net (RSN) en déduisant du PNB la dépréciation du capital manufacturier et celle du capital
naturel.

RSN = PNB-dKm-dKn

Les auteurs précisent que les dommages environnementaux qui doi vent être déduits du PNB
sont de deux sortes:
ceux qui occasionnent une déperdition du PNB par disparition d’une espèce vivante et,

- ceux qui occasionnent une déperdition du PNB qui aurait pu ne pas se produire si
l’environnement n’avait pas été atteint.

52

C’est une évaluation de type monétaire et non physique.

1.3.2. L’indicateur de compatibilité

Toute la question du développement soutenable repose sur le problè- me de la non


compromission du bien-être des générations futures devant la pression croissante sur
l’environnement. Dès lors, les approches tradition- nelles (présentées dans le chapitre III) qui
recourent à la maximisation de la valeur présente pour l’évaluation économique sont considérées
par un certain nombre d’auteurs comme donnant trop de poids au bien-être de la génération
actuelle. Elles postulent qu’un revenu est efficace si la somme des bénéfices nets actualisés au
cours du temps est aussi élevée que possible, que la géné- ration présente fasse ou non l’effort de
compenser, pour ses ayants droits les dommages futurs présumés provenir d’un usage présent de
la ressource.

Nous savons que l’économie de l’environnement et des actifs naturels a formulé l’hypothèse
selon laquelle les marchés de concurrence parfaite sont suffisants pour atteindre une allocation
intertemporelle des ressources socia- lement désirables, mais que malgré tout cela, il est admis
que l’efficacité allo- cative est insuffisante pour garantir une distribution satisfaisante du bien-
être intergénérationnel. Selon Dasgupta et Heal (1979), la mauvaise utilisation des ressources
naturelles est susceptible de créer une baisse considérable des niveaux de vie pour les
générations à venir sous certains critères de bien-être.

Il apparaît aujourd’hui et notamment à travers l’analyse de Page (1977) axée sur le rôle du taux
d’actualisation, que les sentiers de consom- mation optimaux risquent d’être insoutenables si
dans les faits, les taux d’ac- tualisation sont supérieurs à la productivité marginale du capital.
Page en fait la démonstration à travers le modèle ci-après.

Ce modèle a été synthétisé par Faucheux et J. Noël (1995):

Soit,

N Max U(C) (1+5) 1

(1)

ce qui revient à poser

C,+1,=(1+r)

(2)

53
avec U l’utilité, C la consommation par personne, I l’investissement et s le taux de préférence
pour le temps, c’est-à-dire le taux auquel l’utilité est actua lisée. Par ailleurs, r est le taux de
rentabilité de l’investissement (la producti. vité marginale du capital). On note que le revenu
d’une période quelconque est fonction de l’investissement de la période passée. C’est ce
qu’exprime l’é quation (2). La résolution de ce problème donne le sentier optimal de la
consommation future. L’idée fournie est de chercher à quelles conditions la solution optimale est
aussi durable. Il est possible de tirer les règles et indica- teurs de durabilité proposés par
l’analyse traditionnelle.

Le problème de fond qui est discuté est qu’il peut à travers l’existen- ce du taux d’actualisation
se produire une divergence entre optimalité et durabilité. En d’autres termes, on peut atteindre
l’optimum sans avoir la dura- bilité et probablement inversement.

Soient s, le taux d’actualisation et r la productivité marginale du capi- tal qui est identifiée à la
productivité marginale du capital naturel.

Le lagrangien s’écrit au regard des équations (1) et (2).

LU(C)(1+5) + ((1+r) 1-C-1)}

(3)

Conditions du premier ordre


=V(C) (+)-=0

(4)

=(1+r)-, =0 ar,

(5)

54

de l’équation (4) on tire:

U(C)=2(1+)

(6)

Suite page 55, 56, 57

Figure 4: Sentier de consommation au cours du temps

Page 58

Source: S. Faucheux et J. F. Noël (1995)

Temps
. Si la ressource est renouvelable (r>0) et si le taux d’actualisation est nul (s=0) dans ce cas, la
consommation optimale croît avec le temps, Cette situation est compatible avec le
développement durable (3).

. Si la productivité du capital naturel et le taux d’actualisation sont simultanément positifs, dans


ce cas, tout est fonction de l’importance relati- ve de s et de r. Si r=s on obtient une
consommation constante. Si r>s. il se dégage une consommation croissante au cours du temps et
r<s,la consommation baisse au cours du temps ([4] figure 4).

En somme, la compatibilité de la croissance optimale et du dévelop pement durable est fonction


du lien entre la productivité du capital naturel et le taux d’actualisation.

58

CHAPITRE II

UTILISATION OPTIMALE DU PATRIMOINE NATUREL

Introduction

Après avoir défini le concept de patrimoine naturel, il est fait une typologie des ressources
naturelles afin de montrer au lecteur les différences de forme et de fonds qui existent entre les
différents types de ressources natu- relles. Cette caractérisation conduit à se pencher dans un
troisième temps sur l’utilisation des ressources dans un cadre optimal. Enfin, dans le dernier
point du chapitre, il est développé le concept de valorisation des actifs naturels; c’est-à-dire
l’importance qu’accordent les agents économiques à l’existence des ressources naturelles.
2.1. Définition

Le patrimoine naturel est l’ensemble des actifs, matériels et immaté- riels, produits ou offerts par
la nature, qui permettent notre vie. C’est aussi ce que nous avons hérité de nos ancêtres et ce que
nous devons léguer aux géné- rations futures. Les considérations de long terme y jouent donc un
rôle essen- tiel. La comptabilité du patrimoine naturel, qui se réfère à ce concept, est une
tentative d’en rendre compte en intégrant les dimensions économique, écolo- gique et culturelle.
Incluant une comptabilité des ressources naturelles, son approche est plus large et comprend la
description des écosystèmes, retraçant la relation de l’homme avec la nature, y compris en termes
d’évaluations monétaires. Cette comptabilité ne se limite pas uniquement à l’évaluation
monétaire.

Cette évaluation de l’environnement et des ressources naturelles vise à fournir:

des indicateurs de synthèse, permettant aux différents partenaires sociaux de se référer à des
données variables et acceptées par tous;

- un langage minimum (nomenclatures, règles d’évaluation, représen- tations), permettant de


relier les banques de données thématiques et de croiser leurs informations;

- une description précise des évolutions passées et des scénarios prospectifs.

L’évaluation économique des ressources naturelles utilisées par l’homme et des dégradations de
l’environnement permet une gestion plus rationnelle et permet d’éviter une surexploitation fatale
pour le développe ment économique et social.
Avant de procéder à une évaluation de ces ressources qui forment le patrimoine naturel, il
convient de faire une typologie de ces ressources.

La notion de ressources s’identifie à un contexte socioculturel, technique et économique donné.


Dès lors, les ressources naturelles selon P. POINT (1991) se caractérisent par une (ou plusieurs)
de ces trois propriétés :

- leur stock a une valeur patrimoniale ou intrinsèque;

- leurs quantités préexistent à toute activité économique;

- leurs taux de renouvellement sont des variables d’état et non de commande.

2.2. Typologie des ressources naturelles

On peut classer les ressources naturelles selon leurs propriétés bio- physiques et selon le type de
relation que l’activité humaine entretient aver elles.

2.2.1. Classification selon les caractères biophysiques

Il est fait la distinction classique entre ressources renouvelables et res sources non renouvelables.
a) Ressources non renouvelables

ressources totalement non renouvelables:

⚫ ressources énergétiques de type fossile, pétrole, gaz, charbon, ur nium.

62

- ressource disponible en fonction des quantités exploitées antérieure- ment.

ressources recyclables dont une partie est réutilisable après usage

Exemple: les minerais

- ressources à usage destructif qui pourraient se pérenniser si l’on en faisait un bon usage.

Exemple: sols confrontés aux problèmes d’érosion

b) Ressources renouvelables
- les ressources dont la quantité annuelle disponible n’est pas déter- minée par les prélèvements
antérieurs :

Exemple: pluviométrie, eaux des rivières

les ressources dont la quantité annuelle disponible est fonction des prélèvements passés

Exemple: ressources biologiques

c) Actifs naturels multifonctions

Ce type de ressources combine les deux caractères précédents et repré- sente de ce fait un
potentiel de services multiples.

Exemple: la grave alluvionnaire dans le lit mineur des rivières est un filtre de la nappe phréatique
et un lieu où les poissons se reproduisent.

2.2.2. Classification selon le type de relation que l’activité humaine entretient avec les ressources

Ici il s’agit du degré de maîtrise que l’homme peut avoir sur la ressour- ce considérée, par le
mode d’approvisionnement dont la ressource peut faire l’objet et par le type d’utilisation qui est
faite par l’homme.
63

a) Classification par type de maîtrise

- ressources non reproductibles disponibles en grande quantité

Exemple: l’énergie solaire

- ressources reproductibles

Exemple: les productions végétales

- ressources uniques

Exemple: une formation géologique unique

SCHEMA 1: TYPOLOGIE DES RESSOURCES NATURELLES

P.64

b) Classification par type d’appropriation

- ressources pouvant faire l’objet d’appropriation privative, et qui so susceptibles d’être gérées
spontanément de manière décentralisée.

Exemple: les forêts


ressources détenues en commun: les caractéristiques de mobilité, d’indivisibilité de ces
ressources ne permettent pas une gestion rationnelle au plan individuel.

Exemple: air

c) Classification par type d’utilisation

- les ressources qui sont exclusivement des facteurs de production

Exemple: les minerais

- les ressources jouant à la fois le rôle de facteurs de production et fai- sant l’objet d’une
demande finale directe.

Exemple: certaines ressources d’aménité (rares), donnent directe- ment des services aux
individus, mais en même temps, peuvent être utilisées à des fins productives, ce qui entraîne des
conflits.

2.3. Utilisation optimale des ressources

Deux considérations seront faites à partir des caractéristiques bio- physiques de la ressource.
2.3.1. Utilisation optimale de ressources non renouvelables

Pour T. STERNER (1993), le point de départ de l’analyse de l’écono- mie des ressources
naturelles est qu’au moins quelques actifs de base de l’é- conomie sont épuisables. L’objectif est
de réaliser une économie soutenable; il va s’en dire qu’il y aura un problème, car ces ressources
vont s’épuiser.

Ce pessimisme de certains économistes tels que Malthus ou ceux du Club de Rome n’est pas
partagé par d’autres car selon eux :

- les prix s’accroissent en cas de rareté;

65

- l’accroissement des prix entraîne une baisse de l’utilisation de la res

source rare, ainsi que les recours aux substituts et l’augmentation dans l’effi

cacité d’utilisation;

- l’accroissement des prix engendre l’abondance dans la mesure où;


. plusieurs ressources deviennent intéressantes à exploiter;

. le recyclage devient profitable;

. la prospection augmente;

. des substituts synthétiques sont mis au point.

a) L’allocation optimale entre les périodes

i) Définition

Pour traduire cette allocation intertemporelle, on part de l’idée que le prix de l’économie de
marché est le " centre d’information " principal. Prenons l’exemple de 30 millions de tonnes de
phosphate à répartir entre 2 périodes. Nous supposons que:

- La fonction de consentement marginal à payer est de:

P=9-0,3q

- Le coût marginal est CM = 1,5


- la quantité demandée sans restriction en première période est 25, obtenue par le point
d’intersection de l’offre et de la demande dans la figure 1. Si la quantité était illimitée, la
consommation serait de 25 unités par an, et le prix de marché de 1,5.

66

Figure 1: allocations attendues

P.67

Lorsque la quantité est limitée, et que l’on utilise 25 unités la pre- mière année, il y a injustice
par rapport aux générations futures et il y a inef- ficacité dans la mesure où l’utilité marginale
des dernières unités (25, 24, 23, 22 unités...) dans la première période est inférieure à l’utilité que
ces unités pourraient apporter si elles étaient consommées durant la période suivante (6, 7, 8
unités...).

Au regard de ces considérations, il est plus raisonnable d’employer 15 unités dans chaque
période. Ceci est meilleur que l’allocation (25; 5) ci- dessus. Dans cet exemple, l’allocation (15;
15) est optimale si le taux d’es- compte est nul. Il faut remarquer que ceci n’est pas toujours
possible si le taux d’escompte est supérieur à 0.

Soit à considérer un taux d’escompte de 5%. L’utilité nette de 15 unités est l’aire ACDF (figure
1) = ½ (4,5 x 15) + 3 x 15 78,75. L’utilité dans la seconde période est obtenue de façon similaire,
mais elle est escomptée et sa valeur est 78,75: 1,05 = 75. L’utilité totale escomptée est alors de
153,75. Puisque l’utilité durant la première période est estimée sous forme de valeur courante, il
est possible de montrer que l’utilité totale aug- mente si l’on augmente la consommation de la
première période. Si on veut optimiser l’utilisation de la ressource, les utilités marginales
(escomptées) doivent être égales aux deux périodes.
Supposons que nous utilisons q unités la première période et 30-q la seconde période. L’utilité de
la première période est donnée par l’aire ACDF

67

de la figure 1. La somme actualisée des utilités U est l’utilité de la première période plus l’utilité
de la seconde période :

U=1/2[9-p]+[p-1,5]q+\frac{1/2[9-p_{2}][30-q]+[p_{2}-1,5[30-q]}{1,05}

avec p_{1}=9-0,3q

p=9-0,3[30-g] = 0,39

La fonction d’utilité est :

U \frac{18,75q-0,615q^{2}+180}{2,1}

d =0\Rightarrow18,75-1,23q= 0 d’où une consommation la première période de dq

q=15,24

La quantité q’ réservée pour la génération future sera de:


q^{\prime}=30-15,24=14,76

Le prix du marché est de :

p_{1}=9-0,3\times15,24=4,4 p_{2}=9-0,3(30-q)=0,3q=0,3\times15,24=4,57

Le fait que le prix P_{2} augmente permet de réduire la consommation dans chaque période à un
niveau optimal. La rente de rareté sera la différen ce entre le prix du marché et le coût marginal
d’extraction de l’actif soit: 4,43 -1.5=2,93 . L’accroissement de cette rente de 5% entre les deux
années est c:2,93\times1,05=3,08.

Lorsqu’une ressource est rare, sa rente de rareté augmente d’une manière exponentielle. Ce taux
d’augmentation est indiqué par le taux d’es compte (Cf. figure 2). Ce qui implique en général
une augmentation du prix du même niveau. Le prix est égal à la somme des CM du recyclage
plus la rente de la rareté. L’augmentation des prix engendre le développement tech nique,
l’épargne au moment de la consommation et la substitution de la res source en question. La rente
de rareté incite à la prospection, la substitution

68

synthétique ainsi que le recyclage des ressources.

ii) La règle de Hotelling


Pour Hotelling (1931), le prix relatif d’une ressource épuisable devrait augmenter dans le temps
d’un taux égal au taux d’actualisation. Ainsi, il y a une indifférence pour l’exploitant d’une
ressource quant à disposer d’une unité de cette ressource au temps T, au prix po ou au temps T,
au prix p..

L’objectif de l’exploitant est la maximisation des flux de recettes net- tes actualisées que lui
procure cette ressource sur toute la durée de vie du gisement, sous la contrainte d’évaluation du
stock de ressource.

Partant de ce principe de base et de cet objectif, Hotelling dégage un certain nombre


d’hypothèses fondées à la fois sur la théorie des ressources naturelles et sur celle de la
microéconomie :

- l’exploitant est un agent économique privé en situation de concur- rence avec fluidité de
l’information sur toute la période d’existence de la res- source;

- la somme de toutes les demandes est égale au stock du gisement;

- l’exploitant a une parfaite connaissance de la réserve totale (X) du gisement à la date T;

- le coût marginal d’extraction de la ressource est nul ou constant selon les situations;

- le taux d’actualisation r ou de préférence est constant et égal au taux d’intérêt (i)


L’exploitant cherche à maximiser la trajectoire de ses bénéfices actualisés durant toute la vie T
du gisement, sous la contrainte de stock exis- tant. Soit X, le montant des réserves, Q, la quantité
extraite à chaque pério- de et X, le stock à la période t.

Dès lors, le profit (i) d’une période est la différence entre les recettes (R) résultant de
l’exploitation du gisement (prix (Pt) x quantités (Qt)) et les

69

Suite page 70,71, 72

Figure 2: l’allocation des ressources (selon Hotelling) page 73

b) Mesures de la rareté

Généralement, pour juger du degré de rareté d’une ressource, on a recours à un indicateur dont
les caractéristiques sont selon T. STERNER (1993).

a: La prévoyance et l’observation;

ẞ: La possibilité de le calculer de façon exacte afin de pouvoir comparer différentes ressources.

On distingue deux types d’indicateurs: physiques et économiques.

i) Les indicateurs physiques


L’indicateur physique se définit comme le rapport entre les réserves et l’offre d’une certaine
ressource" Reserve to use ratio " (RR). Les réserves sont estimées par des méthodes géologiques
ou statistiques. Ces réserves peuvent être divisées soit pour la consommation annuelle pour
donner un RR statistique, soit pour la consommation future, extrapolées à partir des ten- dances
passées. Ces indicateurs satisfont au critère ẞ et non pas à a.

73

ii) Les indicateurs économiques

Les indicateurs économiques de rareté sont en général :

- le prix;

la rente de rareté;

- le coût marginal de prospection;

- le coût marginal d’extraction.

Le prix est un indicateur qui satisfait le critère ẞ, mais à peine a. Il ne peut être employé dans la
situation des ressources communes, des marchés réglementés et des externalités. De nombreuses
ressources indispensables tel que l’air n’ont pas de prix. Le prix se compose de deux parties: le
CM d’ex- traction et la rente de rareté. Pour avoir un bon indicateur de rareté, il faut bien les
distinguer. Si le prix est élevé à cause de la rente de rareté ou à cause d’une situation de
monopole, il faut reconsidérer la question.

La rente de rareté est définie par CMU PCM avec CMU = coût marginal d’utilisation et P le prix.

Le CMU est un indicateur qui satisfaita par définition, si le marché est parfait. Il arrive que le
CMU soit difficile à déterminer lorsqu’il y a insuf- fisance d’information du marché. Dans ce
cas, cet indicateur est remplacé par le CM de découverte car dans un marché parfait selon
certains auteurs (T. STERNER, 1993) ils sont égaux.

Finalement, le CM d’extraction est un bon indicateur selon le critère ẞ pour les ressources
communes, mais non pas pour le critère a, où la deman de n’a pas d’effet sur le CM.

Certains modèles ont été formulés pour montrer l’usage optimal d’une ressource non
renouvelable. A titre d’exemple, il y a la Tarification de Hotelling dont on a parlé précédemment.

2.3.2. Utilisation optimale des ressources renouvelables

On peut distinguer deux aspects que sont l’exploitation optimale e les instruments économiques.

74

2.3.2.1. L’exploitation optimale


Dans la nature, toutes les ressources ne sont pas épuisables. Ainsi, l’é- nergie solaire en est un
exemple concret de même que l’air. Ces deux res- sources sont indispensables à notre existence.
Par ailleurs, plusieurs ressour- ces naturelles comme les forêts, les animaux etc. sont considérées
également comme renouvelables.

Pour gérer ces différentes ressources écologiques, il est important de comprendre leur
fonctionnement. Si nous prenons le cas des poissons, à l’i- mage d’autres espèces biologiques,
cette population selon T. Sterner (1993) suit une courbe logistique. Dans les systèmes
biologiques (contrairement aux modèles les plus naïfs de la croissance économique), il existe
toujours un facteur qui limite la croissance (absence de nourriture, parasites, carnivores, bactéries
favorisées par les populations denses...). La formule se caractérise comme suit:

AN = N(K-N) K (1) avec N = population, AN = croissance de population,

r=taux de croissance non limitée par d’autres facteurs, K = capacité de charge.

La capacité de charge d’une niche écologique représente également le nombre d’individus que le
système est en mesure de supporter de manière soutenable. Une valeur illimitée de K signifie une
croissance exponentielle.

AN = IN

(2)
Si N tend vers K, on a AN

2.3.2.2. Les statistiques environnementales

La complexité du domaine environnemental est telle que même dans les pays développés, les
techniques d’évaluation et de collecte des informa- tions sont en train d’être mises au point
d’abord.

On peut s’interroger de la nécessité d’avoir des indicateurs de valeur.

L’absence de tels indicateurs crée dans le traitement des biens manu-

75

facturés et des éléments du patrimoine naturel une asymétrie qui joue au détri ment de ces
derniers, donc au préjudice des individus et de la collectivité générations futures comprises. Des
préférences essentielles se trouvent mal prises en compte dans des processus de décision qui
n’accordent pas aux com posantes de l’environnement le poids qui leur revient. Les
conséquences néfastes de ce manque affectent à la fois l’évaluation des performances au niveau
macroéconomique, la prise de décisions microéconomiques et la répa ration du dommage
écologique.

A) Nature de l’information sur l’environnement


L’information est indispensable au choix des mesures et des investis. sements par les pouvoirs
publics. Généralement, pour obtenir l’information sur l’environnement on met en place un
système de surveillance de l’envi ronnement. Dans les pays développés, ce système de
surveillance compor- tent deux volets:

a) La mesure du volume des émissions et des déchets ainsi que le changement d’affectation des
terres.

. au niveau des émissions, on peut mesurer le volume d’oxyde de sou- fre (Sox);

on peut déterminer la quantité de déchets solides;

⚫ pour les terres, on peut passer de forêts à des terres agricoles.

b) La mesure des effets sur l’environnement d’un certain volume d’é- missions de déchets.

Exemple: dégradation de la qualité de l’eau mesurée par le volume d’oxygène dissout.

De manière générale, il existe deux méthodes différentes de mesurer les effets sur
l’environnement :

- sous l’angle biophysique;

76
sous l’angle économique, en attribuant une valeur monétaire aux effets mentionnés.

En réalité, les deux méthodes sont complémentaires en ce sens qu’u- ne évaluation monétaire
nécessite au préalable une évaluation biophysique. L’évaluation monétaire est un des moyens
d’estimer l’importance des effets sur l’environnement. Outre ces deux techniques, il en existe
d’autres tels que les indicateurs de perturbation de l’écosystème ou les mesures des effets sur la
santé.

B) Système d’information sur l’environnement

La complexité de l’environnement et l’analyse systématique à laquel- le on a recours montrent


que l’information sur l’environnement ne se réduit pas à la séquence émissions effets importance
des effets. Le schéma 2 ci-après indique que l’on a besoin d’une multitude d’informations
préalables notamment socio-économiques avant d’arriver aux données sur l’environne- ment.

Ainsi, on peut voir que le volume des émissions et les déchets pro- duits ne sont qu’un indicateur
des pressions sous -jacentes dues à la modifi- cation de la part relative des différents secteurs
dans l’économie, qui résulte à son tour de l’évolution démographique, de l’action des pouvoirs
publics (réformes du système de droits de propriété et des changements de l’opinion .publique)
ainsi que des conséquences macro-économiques de l’évolution des prix, des échanges
internationaux et du PNB réel. On arrive à mesurer les effets sur les différents secteurs grâce à
des indicateurs de l’état de l’environ- nement (EDE).

Exemple: évolution dans le temps du volume d’oxygène dissout dans un cours d’eau donné.
De façon à établir un pont avec les mesures de l’importance des effets sur l’environnement, les
indicateurs EDE doivent être traduits en indicateurs des effets qui mesurent traditionnellement la
dégradation (ou l’amélioration) des biens, naturels ou artificiels (créés par l’homme), auxquels
les individus attribuent une valeur économique.

Exemple: Le volume, Sox c’est-à-dire d’oxyde de soufre dans le

77

milieu ambiant serait un indicateur de l’EDE tandis que le taux de corrosion des surfaces
métalliques exposées cons tituerait un indicateur des effets sur l’environnement.

Ce sont ces indicateurs qui sont établis ou mesurés sous l’angle biosphère ou sous l’angle
économique. Mais l’évaluation en terme écono mique (monétaire) n’a de signification que si elle
peut être rapportée aux principes théoriques de la mesure de variation du bien-être de l’homme -
en d’autres termes, à la variation compensatricel ou à la variation équivalentel

S’agissant du schéma 2 de la Réponse, il est fait allusion à la réaction des différents secteurs de
l’économie aux modifications de l’environnement

au niveau microéconomique, les individus comme les ménages peuvent réagir dans le sens d’un
renforcement de leurs pressions politiques ou de la dépense d’une certaine somme de façon à
éviter les conséquences de la dégradation de l’environnement (en déménageant, en installant des
filtres d’eau etc).
Longue le prix d’un bien baisse, le consommateur peut estimer la variation de son bien-être, soit
par rapport à son niveau initial d’utilité (variation compensatrice), soit par rapport à son niveau
final d’utilité (variation équive lente)

78

Schéma 2: Le modèle Pression-Etat-Reponse (P-E-R)

P.79

Source: OCDE (1994): Evaluation des projets et politique

- au niveau macroéconomique, l’Etat réagit en mettant en place toute une batterie de mesures
réglementaires.

C) Les indicateurs de l’environnement

Dans les mises en oeuvre d’un développement durable, les indica- teurs d’environnement
apparaissent de plus en plus comme des outils indispensables pour tracer et suivre la voie vers un
avenir durable.

a) Objectif

L’OCDE définit trois objectifs :

79
mesurer la performance environnementale;

-intégrer les préoccupations d’environnement dans les politiques sec. torielles;

- établir une comptabilité de l’environnement.

b) Le concept d’indicateur

Un indicateur est une grandeur statistique provenant de variables donnant des informations sur
un phénomène. Il a une signification synthé. tique et répond à un besoin déterminé.

c) Fonction des indicateurs

- réduire le nombre de mesures et de paramètres qui seraient norma- lement nécessaires pour
rendre compte d’une situation avec " précisions";

- simplifier le processus de communication des résultats de mesure aux utilisateurs.

d) Critères de sélection des indicateurs

L’OCDE (1994) retient trois critères


- la pertinence politique et l’utilité pour les utilisateurs;

- la justesse d’analyse.

A ce niveau, il est retenu qu’un indicateur d’environnement devrait:

. reposer sur des fondements théoriques sains;

. se référer à des normes internationales;

⚫ pouvoir être rapporté à des modèles économiques, être utile pour la prévision et servir à
l’information.

80

- la mesurabilité

. disponibilité des données;

. bonne documentation;

. mise à jour régulières des données.


e) Le modèle Pressions -Etat - Réponses (P-E-R)

C’est un modèle (Cf. schéma 2) qui repose sur la notion de causa- lité: les activités humaines
exercent des pressions sur l’environnement et modifient la qualité et la quantité des ressources
naturelles (" Etats ").

La société répond à ces changements en adoptant des mesures de politiques d’environnement,


économiques et sectorielles (" réponses de la société ").

Le PER met non seulement en évidence cette triple relation mais aussi il tend à suggérer des
relations de type linéaire dans l’interaction acti- vité humaine environnement.

Le modèle PER distingue trois types d’indicateurs:

- les indicateurs des pressions (exercées) sur l’environnement, cor- respondent à la partie
"Pressions"du modèle PER. Ils décrivent les pressions exercées sur l’environnement par les
activités humaines y compris sur la qua- lité et la quantité des ressources naturelles;

- les indicateurs des conditions environnementales correspondent à la partie "état " du modèle
PER et se rapportent à la qualité de l’environnement et à la qualité des ressources naturelles. Ces
indicateurs sont conçus pour don- ner une vue d’ensemble de l’état de l’environnement et de son
évolution;
- les indicateurs des réponses de la société correspondent à la partie " Réponses" du modèle PER.
Ils montrent dans quelle mesure la société répond aux mutations enregistrées dans
l’environnement et aux préoccupations dans ce cadre. Ces réponses de la société se traduisent à
la fois par des actions indi- viduelles et collectives qui sont :

81

atténuer ou éviter des répercussions négatives par les activités humaines sur l’environnement;

arrêter ou inverser les dégradations déjà infligées à l’environne- ment;

conserver et protéger l’environnement et les ressources naturelles.

En définitive, les indicateurs répondent à des besoins différents selon les utilisateurs

2.4. Valorisation des actifs naturels

Une première approximation de la valeur attachée par les individus à l’existence des actifs
naturels est possible par la mesure de la variation du surplus du consommateur et du producteur,
suite à une variation du flux des services. Cette mesure du surplus, approximation de la variation
de l’utilité, et donc du bien-être, peut être obtenue de différentes manières :

en constituant une fonction de demande implicite à partir de l’ob- servation du comportement des
individus, comportement qui exprime la valeur qu’ils attachent à l’existence d’un certain service
rendu par l’actif natu- rel. La diminution de ce service conduit à une modification du
comportement observable;

- en " décomposant " le prix de certains biens marchands qui intègre des éléments reflétant la
valeur attachée par les individus à un (ou plusieurs) service rendu par l’actif naturel;

- en construisant un marché hypothétique du bien;

- en considérant l’actif naturel comme un facteur de production com plémentaire au travail et au


capital.

Les méthodes de valorisation reposent sur deux hypothèses centrales de l’économie du bien-
être :

. les préférences individuelles sont le fondement de l’évaluation des

82

bénéfices de l’environnement;

. les individus sont le meilleur juge de leurs préférences.

L’objectif est de pouvoir traduire en terme monétaire, le gain ou la perte de bien-être d’un
individu associé à une amélioration ou une détériora- tion de la qualité d’un service rendu par un
actif naturel. L’analyse du surplus du consommateur est certainement l’outil conceptuel le mieux
adapté à la résolution de ce problème, malgré les controverses autour de son usage.

2.4.1. Le surplus

a) Le surplus ordinaire du consommateur

Il est la différence entre le consentement à payer maximal pour acquérir un bien et le prix de ce
bien.

Le surplus et sa variation peuvent être illustrés graphiquement (Fig.3). Portons en ordonnées le


prix et en abscisses les quantités demandées du bien. Au prix po le surplus du consommateur est
égal à la surface p*Apo

En fait, les premières unités de bien consommées ont pour l’agent éco- nomique une utilité
supérieure au prix po, bien qu’il achète l’ensemble des qo unités au prix po. Si par suite de
facteurs quelconques, le prix du bien bais- se et passe, de po à p ₁ (P ₁ < Po) comme l’atteste le
graphique, la quantité consommée passera de qo à q₁ et la variation du surplus du consommateur
sera égale à l’aire sous la courbe pABp. Elle représente l’approximation monétaire du gain du
bien-être suite à la modification du prix du bien. On admet que l’utilité marginale du revenu
demeure constante.

Si l’on considère que la fonction de demande D dépend du prix p et du revenu y:


D= f(p.y)

la variation du surplus est égale à l’aire hachurée de la figure 3.

AS = P f(p.y)dp

83

Les services rendus par les actifs naturels n’ont souvent pas de prix (il n’exis. te pas de marché
des actifs naturels), le consentement à payer est donc égal à l’ensemble de la surface sous la
courbe de demande reconstituée.

Figure 3: Surplus ordinaire du consommateur

P4

Exemple: Fonction de demande du bois-énergie à Ouagadougou et surplus du consommateur.

Dans une étude de la fonction de la demande du bois-énergie, Boukary OUEDRADOGO (1996)


a dégagé la fonction suivante :
D = -0,08 P + 2,86 Avec Dla demande P= le prix du kilogramme de bois.

Statistiquement, les coefficients estimés de cette fonction sont tous significativement différents
de 0 au seuil de 0,2%. Par ailleurs, la statistique F= 48,03, indique qu’au moins un des
coefficients est significatif au seuil de 1%.

Conformément à la théorie économique classique, D est une fonction décroissance de P,


entraînant que:

84

\frac{\partial D}{\partial P}<0

Dans le cas présent, la dérivée première \frac{\partial D}{\partial P}=-0,08

Cette fonction répond à la notion de fonction de demande marshal- lienne.

Enfin, le coefficient de détermination (R2 ajusté) de la régression est de 0,9. En d’autres termes,
la demande de bois-énergie de la ville de Ouagadougou est expliquée à 90% par le prix.

A partir de cette fonction, on peut définir le prix P* de réservation. Ce prix P^{*} est le point
d’intersection entre l’axe des prix et la courbe de demande D (Cf. figure 4).

D=-0,08P+2,86=0\Rightarrow P=\frac{2,86}{0,08}=35,75
D=0 est l’équation de l’axe des prix.

Le prix de réservation ou prix à partir duquel le consommateur renonce à tout achat (parce que le
prix est trop élevé) est dans le cas présent de 35,75 F CFA.

La détermination de la fonction D permet également de déterminer la variation du surplus


ordinaire du consommateur suite à une variation du prix du bois-énergie (traduisant une variation
des conditions de production du bois). Ainsi, si le prix du bois-énergie passe de P_{0} à P_{1} ,
la variation AS du surplus du consommateur est donnée par l’équation ci-après :

\Delta S=\int_{P_{0}}^{P_{1}}D(P)d (1)

Remplaçons D(P) par son estimation

=\int_{P_{0}}^{P_{1}}(-0,08P+2,86)dp=[-0,04P^{2}+2,86P]_{P_{0}}^{P_{1}}

85

Supposons que suite à une politique forestière entreprise par le gou vernement du Burkina Faso,
le patrimoine forestier autour de la capitale se régénère de telle sorte que le prix du bois de
chauffe passe de 27 FCFA le kilogramme à 15 FCFA le kilogramme (soit une amélioration de la
qualité du patrimoine forestier de Ouagadougou), la variation S du surplus du consom mateur,
c’est-à-dire la variation de son niveau de bien être sera de:
AS = -0,04P² + 2,86P] = 14,16, soit une augmentation de celui-ci de 14,16 unités. du bien-être

Figure 4: Fonction Demande de bois- énergie

Priz

40

P-35,75

D-0,08 P+2,86

P-27

25

P15

B
0,5

9,0,70 1,5

9,-1,66 25

Quantité de bois

OVEDRADGO (1996)

- La situation de la variation du surplus du consommateur est repré sentée par l’aire P, ABP,.
C’est la variation de la valeur d’usage d’un biet associée à un changement de sa valeur
d’échange.

- Le surplus du consommateur qui se définit comme la différence entre le consentement maximal


à payer pour acquérir un bien et le prix de ce bien est exprimé sur la figure 4 par l’aire P* AP.
Cette surface est calculée à partir de l’équation de D.

PAP = D(P) dp = 38,75 (-0,08P + 2,86)dp =-0,04P+2,86P] = 3,0625


86

b) Le surplus du producteur et le surplus économique total

Un changement du bien être des producteurs de biens et services, à la suite d’un changement
dans la disponibilité d’un service rendu par un actif naturel, est mesuré par la variation du
surplus du producteur. "Ce surplus est égal à la différence entre ce que le producteur reçoit pour
une marchandise et la somme minimale qu’il doit recevoir pour accepter d’offrir une unité addi-
tionnelle". Si la dégradation de la qualité de l’environnement augmente les coûts de production,
le producteur voit son surplus diminuer. La courbe d’of- fre représente le coût marginal de
production qui est égal à la compensation qu’un producteur acceptera pour continuer à produire.

Toutefois, il existe des limites quant à la mesure ordinaire du surplus. L’utilisation de la mesure
ordinaire (marshallienne) du surplus a été contro- versée par Samuelson (1947) et Little (1957)
qui estiment que ce n’est pas une mesure correcte de la variation du bien-être, car, le long d’une
courbe de demande ordinaire, c’est le revenu, et non l’utilité, qui est maintenu cons- tant; or
toute modification des prix conduit à une modification du revenu (le revenu réel augmente à la
suite d’une baisse des prix) et de l’utilité, à moins que la modification des prix ne soit faible, et
que l’utilité marginale du reve- nu reste constante (hypothèse retenue par Marshall).

Figure 5: Surplus du producteur et surplus économique total

Figure: 5.1
P

Figure: 5.2

S_{1}

P_{1}

P_{1}

Po
A

q_{a}

q_{1}

\mathfrak{q}_{*}

Sur la figure 5.1 est représentée la courbe d’offre S_{0} du producteur. Son Surplus est la
surface hachurée P.AE. Si à la suite d’une dégradation de l’environnement les coûts augmentent,
le prix d’offre minimum augmente et la courbe d’offre passe de So à S_{11} le prix d’équilibre
passe de P_{0} à P_{1} . Sur le graphique 5.2 la variation du surplus du producteur est
=P_{1}B~E^{\prime}-P_{0}AE . Si

87

on ajoute à cette variation du surplus celle négative du P,P.EE’, on obtient la variation du surplus
économique total (ASET). consommate

2.4.2. Différents types de valeurs de l’environnement


2.4.2.1. La valeur d’usage

La valeur qu’un agent économique attache à l’environnement peu être divisée en deux parties:

- l’utilité que l’agent reçoit en exploitant cet environnement;

- la valeur ajoutée à cet actif naturel, sans que l’agent économique l’exploite directement ou
indirectement.

Pour T. STERNER (1993), la valeur d’usage peut à son tour être divi sée en valeur d’usage
directe, en valeur d’usage indirecte, et en valeur d’op tion.

a) La valeur d’usage directe

C’est la plus utilisée pour l’estimation d’une ressource. Une modifice tion quantitative ou
qualitative de l’actif entraîne une modification de l consommation de cet actif, qu’il s’agisse d’un
bien alimentaire, de carburan ou d’agrément rencontré dans l’admiration d’un paysage.

b) La valeur d’usage indirecte


Ce type de valeur est moins perceptible compte tenu de la fonctio qu’elle remplit. Ainsi, on cite
la fonction de régulation de l’eau de la végé ton, ce qui minimise les risques d’inondations et
régule les nappes d’en souterraines.

c) La valeur d’option

Elle indique le consentement à payer pour les possibilités futures de deux usages précédents.

88

2.4.2.2. La valeur de non-usage

Elle se divise également en deux parties

a) La valeur attribuée aux valeurs d’usages et aux valeurs de non- usage, et qui constituent un
legs aux générations futures;

b) La valeur attribuée à la valeur d’existence pure, comme le fait de savoir qu’une race animale
risque de disparaître, ceci malgré son utilité pour les générations actuelles et celles futures.

Remarque:

Dans le cadre de l’évaluation d’un actif naturel, il est indispensable de prendre en considération
toute la valeur économique, et ce, sans double compte. Une distinction a été faite entre la valeur
d’option, la valeur d’héri- tage et la valeur d’existence. A cet effet, lorsqu’on nous demande
combien on est disposé à payer pour la sauvegarde d’un site touristique, le montant devrait être
la somme des trois valeurs, sans qu’elle les couvre totalement. Le problème du double comptage
apparaît spécialement lorsqu’on essaye d’ad- ditionner les valeurs d’usages directes et indirectes.

Schéma 3: Differents types de valeurs d’environnement

P.89

Source: Thomas STERNER (1993)

2.4.2.3. Les techniques d’évaluation des actifs naturels

De nombreuses techniques ou méthodes pour estimer les valeurs des reso de nombrementales ont
été développées. On peut synthétiser ce différentes méthodes dans le cadre de trois marchés.

Tableau 1: Méthodes d’estimation des actifs naturels

Marchés existants

Marchés de substitution

-Modification de productivité

Coûts de déplacements
-Coûts de protection Coûts de réparations

Valeur de propriété privée Différences de salaires

Marchés hypothétiques

-Evaluation contingente

- Expérience

Prix fictifs

-Manque à gagner

a) Les méthodes fondées sur les marchés existants

De nombreux effets sur l’environnement affectent la production des biens destinés au marché.
L’estimation revient dans ce cas à étudier ce char gement, et à faire les adaptations possibles des
prix du marché en se basant sur la méthode des prix fictifs. Au cas où les produits n’ont pas de
prix de marché, le prix d’un substitut peut être utilisé.
Souvent, il n’est pas aisé d’estimer les dommages ou préjudices occa sionnés par des problèmes
de l’environnement, aussi, il est nécessaire d’anı lyser les coûts encourus afin d’empêcher ou de
réduire les effets de la dégra dation de l’environnement. Les coûts de protection peuvent
indiquer, dans ces conditions, le prix que l’on est disposé à payer afin d’éviter les domma ges.
Les coûts de réparations sont aussi quelquefois utilisés au cas où cele réparation est jugée
nécessaire.

Les prix fictifs ont été introduits dans le cadre d’un développement durable. Un projet avec des
effets négatifs sur l’environnement peut être complété par un ou plusieurs projets pour réparer les
dommages du proje initial. La plantation d’arbres peut de cette façon compenser l’émission de
gaz carbonique. L’évaluation des incidences sur l’environnement doit prend re en compte les
coûts des projets additionnels.

Les effets sur l’environnement qui ont aussi une influence sur santé, et qui quelquefois
occasionnent des décès sont difficiles à estimer. Il est recommandé d’utiliser les méthodes de
protections et de réparations pour évaluer les coûts ayant un objectif préventif ou de
réhabilitation. Cette évaluation peut ne pas couvrir tous les dégâts. La mesure efficace des
dommages serait le consentement à payer (CAP).

Exemple: protection de la biodiversité de la forêt classée de Ouagadougou.

L’importance de protéger la diversité biologique mentionnée dans la déclaration de Rio (1992)


est une réponse à une nécessité croissante vis-à- vis des conséquences des activités humaines sur
une tendance à la réduction de la diversité biologique au niveau mondial. Il ne s’agit pas
seulement à tra- vers cette déclaration d’une simple protection des espèces en voie de dispa-
rition. Indépendamment d’une démarche d’inventaire, il est important d’éla- borer une stratégie
d’ensemble de protection et de sauvegarde du patrimoine biologique à l’intention des générations
à venir.
La déclaration de Rio recommande la nécessité de disposer d’évalua- tions nationales de la
diversité. Ces estimations doivent prendre en compte outre le domaine des sciences naturelles
mais aussi celui des sciences socia- les.

Dans le cas de la forêt classée de Ouagadougou, le consentement moyen à payer s’élève à 300 F
CFA par visite afin de valoriser cet outil natu- rel à usage éducatif et récréatif selon une étude de
A. DIALLO (1998). Toutefois, sur l’échantillon de 150 personnes, seules 46 personnes sont
disposées à payer plus de 300 F CFA.

En allant au-delà d’un simple calcul de caractéristique de tendance centrale, et en cherchant à


savoir dans quelle mesure une variable explicati- ve augmente la probabilité de donner un CAP >
300 F CFA, l’intéressée a eu recours à un modèle probabiliste que constitue le logit.

La qualité prédictive du modèle est de 73% pour CAP <300, et 21,17 % pour CAP > 300.

Parmi les variables qui sont susceptibles d’accroître la probabilité de payer au-delà de 300 F
CFA il y a la zone d’habitation, la nationalité, les dépen- ses de loisirs par semaine, le sexe et la
situation matrimoniale.

91

b) Les méthodes basées sur les marchés de substitution


De nombreux effets de l’environnement ne peuvent pas être directe. ment évalués sur les
marchés existants, toutefois il existe des possibilités de les évaluer sur des marchés voisins.
Parmi ces méthodes d’évaluation indi recte, il y a celle des coûts de transport, des différences de
salaires et de la valeur d’une propriété,

La méthode des coûts de déplacement (MCD) est utilisée pour esti mer par exemple le CAP pour
visiter un site récréatif tel qu’un parc national Le prix d’entrée représente souvent une petite
partie du prix qu’on est dispo sé à payer pour la visite. Il est important d’ajouter les distances
effectuées par les différents visiteurs de façon à établir une courbe de demande relative à la visite
du parc.

Le prix d’une propriété est fonction de plusieurs variables telles que l’environnement voisin, la
pollution etc. Si on collecte les informations rela tives aux prix de vente des propriétés, et en
compensant par les facteurs qui affectent le prix de vente, on peut déduire l’effet d’un certain
niveau de bruit, de pollution et leurs conséquences sur le prix du bien immobilier.

De la même manière, on peut calculer la compensation du travailleur dans un environnement


défavorable (avec l’hypothèse de l’existence d’un marché parfait, ainsi que la connaissance du
risque du milieu).

A partir des méthodes précédemment définies, il est possible de don- ner quelques modèles
standards avec des applications.

i) Modèle de coûts de déplacement (MCD).


Le principe part de l’idée que des agents économiques ou de simples individus expriment une
demande pour un site récréatif par les dépenses de déplacement, et droit d’entrée au besoin,
qu’ils engagent pour y aller. La pré occupation est de construire une courbe de demande qui
exprime le CAP maximal d’une personne, en supplément des sommes d’argent qu’elle engage
présentement pour user de l’actif. En un mot, il s’agit de chercher à anticiper la modification de "
consommation " du bien quand le "prix" où le cout d’entrée augmente.

92

La démarche des économistes repose sur deux étapes:

déterminer une courbe de fréquentation du site, par zone d’origine;

- dériver une courbe de demande de façon à estimer la valeur écono- mique nette de l’actif.

. Phase 1: détermination de la courbe de fréquentation compte tenu du coût actuel d’accès à


l’actif.

La construction de la fonction de demande de fréquentation se fait à partir du lien qui existe entre
le prix (coût de déplacement) et la quantité demandée (taux de fréquentation) exprimé le plus
souvent en quantités de visites pour 1 000 habitants, pour un nombre de zones bien défini.

Soit C, le coût moyen de déplacement pour se rendre de la zone i au site, V ₁ le nombre total de
visites effectuées par les résidents de la zone i, et N₁ la population de la zone i.
La demande observée des visites s’écrit:

/N=f(C) (1) qui peut encore s’écrire selon Brigitte Desaignes et alii (1999) comme suit: = a+bC,
+, (2)

représentant une relation linéaire simple.

Phase 2: estimation de la fonction de demande agrégée

Afin de construire la fonction de demande agrégée, l’idée est de considérer que les individus
provenant des différentes zones visiteraient au même taux s’ils étaient confrontés aux mêmes
coûts d’accès. Selon B. Desaignes et alli (1999), les variations dans les coûts de transport
peuvent alors se comprendre comme des pseudo droits d’entrée et les écarts dans les taux de
fréquentation comme des réactions de la demande à ces droits.

93

Partant de ces considérations, les auteurs calculent la variation du taux de visite en fonction d’un
pseudo droit d’entrée P^{*} qu’ils ajoutent au coût de déplacement.

{V_{i}}^{*}=a+b(C_{i}+P^{*}) (3)

La fonction de demande se construit en faisant la sommation du total des visites par zone pour
une valeur de P* donnée. On admet, toutefois, que l’augmentation progressive de la valeur de P*
doit se faire de manière à ce que le taux de visite tende vers 0.
V^{*}(P^{*})=\sum_{i=1}^{q}[V_{i}^{*}(P*)/N_{i}]N_{i} (4)

q désigne le nombre de quartiers.

La construction de la fonction de demande permet ensuite d’estimer le surplus qui est la surface
sous la courbe de demande agrégée. C’est en fait la" valeur économique nette de la ressource".

Surplus = V (Pip

(5)

où P* représente le prix d’éviction tel que le nombre de visites devient nul.

Certains auteurs tels que B. Desaignes et alii (1999) ont avancé la pos- sibilité de pouvoir
enrichir ce petit modèle très simple en incorporant pour chaque quartier d’origine, des variables
sociodémographiques telles que le revenu R, le coût d’opportunité du temps de trajet T, les
caractéristiques du site (A) ainsi que celles des sites de substitution A_{1} ,A_{2s}, etc. On
obtient :

V_{i}/N_{i}}=f(C_{i},R_{i},T_{i},A,A_{1_{i}},A_{2_{k}}...)

(6)
Des auteurs comme Walsh et al. (1992) ont montré que l’omission de certaines de ces variables
peut avoir un effet important sur le surplus calcu lé. Cet effet peut atteindre des proportions
allant jusqu’à 34 % des valeurs estimées du surplus.

Exemple de l’étude relative au site touristique de Laongo situé à 35 km de Ouagadougou.

94

L’enquête a porté sur un échantillon de 100 personnes.

La spécification finale de V utilisée dans la régression par R. COMPAORE (1999) a été la


suivante : V = a + b (dpscarb)’ + cLog(revenu) + &;

avec

V = si V* >3 10 si non

La fréquence moyenne par décennie et par individu est égale à 3. II s’agit d’une approximation
car la demande réelle de fréquentation est de 2,6. L’estimation du modèle à partir du logiciel
Shazam a donné les résultats ci- après.

Tableau 2: Résultats de la régression


Variables

Coefficients estimés

T de calcule

Dpscarb

-0,0001854

-0,40089

-1,5743

-0,25651

Log(Revenu)

-3,5355

Constante
-3,1387

5,0509

3,5235

Elasticités à la moyenne

3,1068

Log fonction de vraisemblance

Log vraisemblance (0)

-50,571

--60,571

Test du Ratio de vraisemblance


19,996 avec dl-2

Source: R. COMPAORE (1999)

Le surplus moyen par visite en considérant le revenu fixé à la moyen- ne et les dépenses de
carburant comme coût unitaire de visite est donné soit en utilisant la formule 5, soit en recourant
à la relation S/V = -V/2b (avec b l’élasticité à la moyenne de la dépense de carburant (dpscarb)).

La fréquence de visite V = 5,059 - 0,0001854C - 0,40089Log (revenu)

A la moyenne V = 5,059 - 3,1387 -0,25651 - 1,66 le surplus moyen par visite est: S/V = 1,66/2 X
0,2551 = 3,23.

Par ailleurs, sur les 100 visiteurs, 90 ont révélé leur CAP. Le CAP

dpscarb- dépense en carburant

95

moyen est de 380 F CFA.

ii) La méthode des prix hédonistes


Le second exemple porte sur le prix d’une propriété qui serait fonc. tion de plusieurs facteurs tels
que l’environnement voisin, la pollution...

Nous partirons des dommages dus au bruits. De façon plus spéci. fique, la méthode utilisée sera
celle des prix hédonistes.

Si une maison possède k attributs A₁, A2.......Ak, la valeur V de la maison peut être définie par :

VaA+a2A2.......+ a Ak

On rappelle que les attributs relatifs à la pollution et au bruit auront une valeur négative (il a un
prix a < 0). Ainsi un coefficient a, de - 0,04 appliquée à l’attribut "bruit " exprimé en décibels,
veut dire que chaque déci- bel/supplémentaire déprécie la maison de 4%.

Les estimations des prix hédonistes peuvent être exprimées sous forme d’élasticité, c’est-à-dire
de % de dépréciation de la valeur V due à une variation de 1% du niveau de pollution.

Considérons le cas de l’aéroport de Bobo-Dioulasso où la mise en service ou l’ouverture d’une


piste supplémentaire augmente l’indice de bruit de la zone riveraine de 20 points (AD-20). Si un
nombre L de 5 000 logements sont situés dans cette zone, que la valeur moyenne V des
logements est de 300 000 F CFA et que l’élasticité de dépréciation c’est de 0,4, le coût social du
bruit C est égal à : C = AD.e.V.L

Soit C = 20 x 0,004 x 300 000 x 5 000 = 1200 millions F CFA.


c) Méthode des marchés hypothétiques

En l’absence de marchés existants ou de substitution, il est possible de recréer ou simuler un


marché. Au moyen de sondages, appelés méthodes d’évaluation contingente (MEC), le CAP des
individus, ainsi que leurs

96

demandes de compensation lors des changements dans l’environnement, peuvent être évalués.

Au plan pratique, l’enquête débute souvent par une information don- née aux individus au sujet
des différentes alternatives, et leur consentem don payer est examiné. La présentation du jeu se
fait sous forme d’offre et de demande, où l’on commence par offrir un certain prix P. Selon T.
STERNER (1993) l’enquête doit être conduite d’une manière minutieuse afin que le résul- tat
soit le plus proche possible de la réalité. Poursuivant ses observations, l’au- teur fait remarquer
qu’il existe plusieurs facteurs qui peuvent influencer le CAP réel. Parmi ces facteurs, il cite le
risque d’obtenir des réponses hypothétiques si les questions le sont aussi. Finalement, T.
STERNER souligne que " le plus important est que la sélection des individus soit représentative
du groupe dont les évaluations sont étudiées ".

Exemple: Enquête sur la disponibilité à contribuer à un fonds pour la cessation de la production


d’énergie nucléaire dans la centrale de Chernobyl à partir d’un échantillon de 25 sta- giaires
africains à l’IDE (Banque Mondiale Washington), mai 1996.

Phase de l’enquête :
1) Elaboration du questionnaire:

Choix de la façon d’enregistrer les réponses (réponses dichoto- miques, polychotomiques,


continues¹)

- Informations socio-économiques

- Formulation du scénario (voir questionnaire)

- Type d’éliciation de la disponibilité à payer (choix dichotomique et méthode sans plafond)

- Type de paiement: contribution à l’alimentation d’un fonds.

Eamples: Réponse dichotomique - Membre Association Environnementale: Oui Réponse


polychotomique Profession Non Consultant Professeur Etudiant Oui Non Oui Non Oui Non

Réponse continue Age

Il est utile de rappeler quil est teralement recommandé d’utiliser le type de réponse dichotomique
ou polychotamique même si ceci comporte une augmentation des données de la banque et, par
conséquent, le travail nécessaire à l’élaboration des données.
97

2) Préparation de la banque de données

- Codification des variables (Tableau 3)

- Positionnement des variables sur les colonnes et des observations (questionnaires) sur les lignes
(Tableau 4)

- Insertion des réponses dans la banque de données (les valeurs seront 0 1 2 3 ..... pour les
réponses du type dichotomique et polychotomique).

3) Elaboration des données

Calcul de variables pour la vérification de la qualité des informa- tions collectées (Tableau 4);

- Calcul des moyennes des variables afin de vérifier la qualité et la fiabilité de la banque de
données et d’interpréter les premiers résultats;

- Estimation de la méthode dichotomique (Tab. 3). Calcul de la fré- quence relative conditionnée
[f(x) =1 ou 0/prix = 0, 5, 30, 60, 100] des réponses positives:
posé; . Calcul du pourcentage des questionnaires qui ont le même prix pro-

. Calcul du pourcentage des réponses positives pour chaque catégo rie de prix sur le total des
questionnaires;

.Cumul des fréquences relatives des réponses positives pour chaque niveau de prix, en partant du
prix plus élevé;

Calcul de la médiane et de la moyenne de la distribution des fre quences relatives des réponses
positives;

on Estimation de la méthode sans plafond (Tableau 5). Calcul de la moyenne de la disponibilité à


contribuer au fonds.

- Comparaison et justification des résultats des deux méthodes.

98

Agrégation. Multiplication de la disponibilité individuelle par la population totale concernée


(univers statistique).

- Considération sur la faisabilité financière du projet.

Tableau 3: Variables des questionnaires


Page 99

Les colonnes indiquent :

1-Les numéros des personnes interrogées

2- Age en années

3- Professeur

4- Consultant

5- Fonctionnaire

6-Autre

7- Sans réponse

8- Genre ou sexe

99

Suite p.100

colonne 12 sur le nombre total de réponses (25). Ce qui donne:


P-9/25=0,36

Ainsi, 36% des personnes interrogées ne seront pas disposées à payer quelque chose.

Figure 6: courbes des fréquences cumulées

12

08

064

0.5

04

02

frequences cumulées
02

100

prix

La courbe de Fréquence cumulée telle qu’elle se présente sur la figu- re 6 montre que 64% des
personnes interrogées sont disposées à payer au plus 30 dollars.

Il apparaît nettement qu’au fur et à mesure que le prix du CAP aug- mente, le nombre de
personnes disposées à payer diminue. Ainsi, à 100 dol- lars, seulement 8% des stagiaires
interrogés consentent à payer ce montant (Cf. tableau 5).

En fait, il faut signaler qu’il s’agissait d’un exercice de simulation à l’intérieur d’un groupe de
stagiaires venant de différents pays africains et de Madagascar reçus en mai 1996 à l’Institut de
Développement Economique (IDE) de la Banque Mondiale pour une formation en Economie de
l’Environnement.

101

Annexe: QUESTIONNAIRE

Informations Socio-économiques
1- Veuillez indiquer votre âge:

2- Veuillez indiquer votre profession parmi les suivantes:

Professeur

Consultant

Fonctionnaire

Autre

Réponse refusée

3-Sexe

4-Etes-vous membre d’une association environnementale ?


Oui

Non

Scénario

Récemment, des experts internationaux et russes ont déclaré qu’il existe une probabilité sur deux
que la centrale nucléaire de Chernobyl (Ukraine) explose une nouvelle fois dans les cinq
prochaines années.

D’après les experts, les régions du monde qui seraient les plus tou- chées par la radioactivité
dégagée de la centrale seraient, à cause des cou- rants de l’air, l’Europe et l’Afrique. Toujours
d’après les experts, pour éviter un désastre écologique qui s’annonce encore plus grave que le
précédent, il faut renforcer le plus vite possible la protection du réacteur explosé et cesser dans
les plus brefs délais la production nucléaire des autres réacteurs. Le coût de l’opération est estimé
en USS 5 000 000 000. A ce propos, un fonds international a été créé afin de financer les
opérations nécessaires.

102

5. Accepteriez-vous de contribuer à ce fonds?

Oui
Non Réponse refusée

6- Si OUI, la contribution individuelle demandée est de:

US $..

7- Accepteriez-vous de payer ce montant ?

Oui Non

8- Quelle serait votre disponibilité à payer un maximum?

US $.. Réponse refusée

CHAPITRE III

LES SYSTEMES DE COMPTES DU PATRIMOINE NATUREL ET DE


L’ENVIRONNEMENT

Introduction

La nécessité de prendre en considération les ressources naturelles et l’état de l’environnement


dans les politiques économiques a conduit la plu- part des Etats développés à élaborer une
comptabilité du patrimoine natu- rel. Notre patrimoine est l’ensemble des actifs matériels et
immatériels, pro- duits ou offerts par la nature, qui conditionnent notre vie. Nous l’avons hérité
de nos ancêtres et nous devons le léguer aux générations à venir. C’est dire que la prise en
compte du long terme est un facteur essentiel. La comptabilité du patrimoine naturel, basée sur
ce concept, est un essai qui prend en compte les aspects économique, écologique et socioculturel.

Dans le présent chapitre, il est décrit les systèmes d’évaluation du patrimoine naturel, ensuite il
est jeté un pont entre comptabilité nationale classique et prise en compte de l’environnement
appelé Systèmes de Comptes Economiques et Environnementaux (SCEE). Enfin, il est dévelop-
pé l’approche économétrique de la comptabilisation de l’environnement à tra- vers une nouvelle
approche d’estimation des principaux agrégats de la comp- tabilité nationale classique tels que,
Produits National Net (PNN), Revenu National Net (RNN).

3.1. La comptabilisation de l’environnement

Au regard de tout ce qui a été évoqué précédemment dans la relation entre environnement et
économie, il se dégage une difficulté de l’intégration réelle de l’environnement dans la sphère
économique compte tenu des phé- nomènes d’externalité. A l’heure actuelle, les outils
statistiques et comptables sont insuffisants pour permettre de mesurer et d’analyser l’ensemble
des phé nomènes environnementaux dans leur cadre économique. Dans les tentatives qui sont
faites présentement, on peut dégager trois pistes:

- dans le cadre de l’analyse coût-avantage;

- la mise au point d’une série d’indicateurs quantitatifs susceptibles d’entrer dans le domaine
d’une analyse coût-efficacité;
l’élaboration d’un cadre comptable permettant de retracer l’évolution qualitative et quantitative
de l’environnement et des ressources naturelles.

Dès la fin des années 1960, économistes et écologistes se sont posé des questions sur la
pertinence des indicateurs disponibles pour la mesure du développement des sociétés humaines
et sur la prise en compte des atteintes à l’environnement dans les statistiques économiques. Au
plan global, l’uni- versalité des signaux donnés par la comptabilité nationale a été remise en
cause et le PIB a fait l’objet de nombreuses critiques.

Les recherches se sont orientées vers deux directions:

- la première s’est axée sur l’objectif de corriger la comptabilité natio- nale elle-même, avec pour
but fondamental de redéfinir ses agrégats;

- la seconde s’est proposée de construire, face à la comptabilité natio- nale classique des comptes
physiques de la nature et de son usage par l’homme.

Toute la préoccupation des spécialistes, c’est la prise en compte des atteintes à l’environnement
et de l’épuisement des actifs naturels dans la comptabilité économique nationale (CEN).

Aujourd’hui, les progrès rapides de l’informatique permettent de trai- ter les grandes quantités
d’informations portant sur les échelles géogra phiques spécifiques des phénomènes naturels et
socio-économiques, les sys- tèmes automatiques de mesure de la pollution, la télédétection par
satellite, les techniques de sondage. Toutes ces données collectées ainsi que la modé- lisation
permettent de mettre en cohérence les informations et d’établir des scénarios prospectifs.
La comptabilité de l’environnement apparaît sous diverses appella- tions: comptes des ressources
naturelles, comptes satellites ou comptes du patrimoine naturel. Plus que des divergences, il
semble que ces différences résultent d’une préoccupation dans la mise en place des différents
comptes

a) Les comptes de ressources naturelles selon les norvégiens traitent plutôt, en termes physiques,
des ressources du système productif. Toutefois leur extension aux écosystèmes est possible. Les
comptes de ressources natu relles ou comptes satellites contiennent, à l’origine, surtout des
données monétaires raccordées à la CEN; mais en fait, elles sont destinées à être inté grées à des
informations physiques de la gestion de l’environnement.

108

b) La comptabilité du patrimoine naturel (CPN), part d’une approche globale, physique et


monétaire des ressources naturelles (commercialisables) et des agents (administration,
entreprises, ménages), ainsi que des éléments naturels sans valeur commerciale, y compris les
écosystèmes. Les comptes satellites sont compris dans cette définition. La CPN se situe de
même, dans la perspective du transfert entre générations des richesses naturelles et for- mule la
multiplicité des fonctions d’estimation de l’environnement, organisée selon A. Comolet et J. L.
Weber (1990) autour de trois pôles: écologique, économique et socio-culturel.

La CPN joue le rôle intégrateur dans un cadre structurant pour le sys- tème d’information sur
l’environnement dans sa globalité. Ce cadre fournit à la fois la possibilité de coordonner la
collecte de données de sources très diverses (information administrative, cartographique, de
télédétection, photos aériennes) et de définir une stratégie dans l’obtention des données.

La mise au point de ces comptes se situe dans le cadre d’un certain nombre d’objectifs qui sont
principalement :
- la présentation d’une multitude d’informations disparates dans un système cohérent;

- la mesure de l’utilisation des ressources naturelles suivant un sché- ma comptable classique


(emplois - ressources);

une meilleure gestion et planification des ressources;

- le suivi de l’évolution de la situation de ces ressources en quantité (variable de stocks) et en


qualité (prise en compte des ressources);

- l’édification d’un pont avec le cadre de la comptabilité nationale.

Dans le souci de faire le lien avec la comptabilité nationale, la pré- cccupation est de modifier les
comptes nationaux et notamment de réviser fun des agrégats le plus utilisé à savoir le PIB.

Ainsi, les propositions sont allées dans le sens suivant pour un PIB révisé.

109

PIB ajusté à l’environnement


= PIB classique - Dépenses des ménages et de l’Etat

PIB durable

= PIB ajusté - coût des dommages

PIB durable net

= PIB durable - Consommation de capital fixe artificiel - Consommation de capital naturel

L’idée d’une telle démarche part du principe que les agrégats de la comptabilité nationale sont
majorés artificiellement dans la mesure où ils ne reflètent pas les dégradations que l’activité
économique inflige à l’environ- nement et aux ressources naturelles.

3.1.1. Le système de comptes du patrimoine naturel (SCPN)

3.1.1.1. Champ des comptes

L’objectif du SCPN est de rassembler dans un cadre comptable har- monisé des données
qualitatives et quantitatives relatives à la situation du patrimoine naturel et son évolution, c’est-à-
dire sur les raisons de ses varia- tions. Le SCPN, tout en étant un instrument de connaissance en
même temps qu’un outil d’aide à la décision, vise selon A. Comolet et J. L. Weber (1990) à:
nt donner à l’Etat une base d’estimation chiffrée sur les systèmes et les éléments naturels;

améliorer les données sur les milieux;

contribuer à une prise de conscience à tous les échelons de décision des dangers menaçant notre
patrimoine naturel;

110

a) Définition du patrimoine naturel

Selon la Commission Interministérielle des Comptes du Patrimoine Naturel (CICPN) en France


(1986), le patrimoine naturel est " l’ensemble des éléments naturels et des systèmes qu’ils
forment qui sont susceptibles d’être transmis aux générations futures ou de se transformer ".

Cette définition appelle les remarques ci-après selon Comolet et Weber (1990): la prise en
compte à la fois des éléments naturels simples (vivants et abiotiques) et des systèmes que ces
derniers forment ensemble, à savoir les écosystèmes.

Suite à cette définition, on constate que le patrimoine naturel se dis- tingue:

- du patrimoine national, qui intègre outre les éléments et les systè- mes naturels, une
composante socio-culturelle;
- de la nature, dans la mesure où les éléments permanents et non appro- priables de l’écosphère
ne sont pas inclus (atomes et molécules, globe terrest- re et relief...);

- de l’environnement, puisqu’il ne couvre pas les domaines artificiels du cadre de vie.

b) Les composantes variables du patrimoine naturel

On appelle composantes variables du patrimoine naturel, les compo- santes qui sont en mesure
de se transformer spontanément ou sous l’effet de Paction de l’homme. Les éléments
permanents, c’est-à-dire ceux qui sont invariants à l’échelle des temps humains ne font pas partie
de ces comptes.

A la lumière de cette définition, on peut dire que les composantes, variables du patrimoine
naturel qui sont prises en compte dans le système comptable sont :

- les éléments simples, qui eux-mêmes se subdivisent en ressources da sous-sol, milieux


physiques et organismes vivants;

111

les écosystèmes ou écozones, qui donnent l’occasion de rendre compte des solidarités
écologiques liant entre eux les facteurs simples et d’é tudier la dynamique des milieux naturels;

l’action des agents socio-économiques sur les milieux. C’est une approche institutionnelle qui
complète les deux précédentes à savoir les élé- ments et les écosystèmes.
3.1.1.2. Rôle et évaluation du patrimoine naturel

a) Rôle

Une des caractéristiques du patrimoine naturel est par essence, un sys- tème multifonctionnel,
c’est-à-dire qu’il peut donner lieu à des usages multi- ples, quelquefois antagonistes. Le
patrimoine naturel remplit trois grands rôles: un rôle écologique, un rôle économique et un rôle
socio-culturel.

i) Le rôle écologique

La fonction d’utilité de tout élément naturel se définit tout d’abord par la position qu’il occupe
dans l’écozone. Cette approche met l’accent sur l’ana- lyse des mécanismes qui réglementent les
équilibres des écozones. Son objec tif est de déterminer la " fonction " écologique de chaque
élément naturel.

ii) Le rôle économique

une grande partie du patrimoine naturel est soumis à exploitation, il rentre dans ce cas comme
facteur économique producteur d’autres termes, c’est l’usage économique du patrimoine de qu’il
joue compte tenu du déroulement de l’activité économique. C’est la rai son pour laquelle il est
nécessaire de mettre en relief les liens qui l’unissent au système économique. ressources. En
iii) Le rôle socio-culturel

et écologique, moine naturel revêt à travers ses nombreux usages (souvent non marchands,
activités sportives, récréatives etc.) une dimension socio-culturelle essentiel- le.

112

Schéma 1: Le patrimoine naturel

NATURE (ECOSPHERE TERRESTRE)

Champ du patrimoine naturel

ELEMENTS PERMANENTS

ELEMENTS VARIABLES

Ressources du sous-sol

ACTIVITES HUMAINES

E
Milieux physiques

Atmosphère Eaux continentales

Couche pédologique

Organismes vivants

AGENTS

ECONOMIE

ECOSYSTEMES

Source: CICPN-INSEE (1986)

D’une manière générale, chacune des trois composantes (écologique, économique,


socioculturelle) peut être bien sûr subdivisée en une multitude de sous-fonctions dans la mesure
où elles forment elles-mêmes des synthè- ses de fonctions élémentaires.
Par ailleurs, toutes ces fonctions interagissent les unes sur les autres et sont susceptibles d’entrer
en compétition les unes avec les autres.

Ainsi par exemple, la forêt classée de Ouagadougou remplissait un role écologique en ce sens
que dans les années 1960, elle était une forêt dense avec toutes les espèces d’arbres, d’oiseaux,
d’animaux, et avec un cours d’eau qui servait de réserve pour les poissons. A l’intérieur comme
aux abords y régnait un micro-climat. Dans le même temps, les bûcherons prélevaient pro-
gressivement du bois de chauffe soit pour l’auto-consommation soit pour la vente. Enfin, il y a
les riverains qui prélevaient des plantes à des fins médi cinales. Aujourd’hui, la plupart des
plantes médicinales ont disparu, il n’y a

113

plus d’animaux et mêmes les oiseaux sont devenus rares. La fonction écolo- gique de cette forêt
est en train de disparaître. Cette situation étant le résul- tat de la compétition entre les trois
fonctions.

C’est dire que pour appréhender correctement le patrimoine naturel dans sa totalité, il est
nécessaire de prendre en compte son caractère multidi- mensionnel.

Finalement, l’identification des rôles du patrimoine naturel est une condition fondamentale de
son évaluation. Cependant, il subsiste une très grande difficulté car étant pour la plupart des
biens non marchands, il n’exis- te pas un dénominateur commun ou un étalon unique de mesure
des objets naturels.

Dans le SCPN, deux méthodes de valorisation ont été retenues:


- l’évaluation monétaire en recourant au regard de la particularité de ces biens, à des prix de
marché reconstitués ou imputés;

- l’évaluation physique dont on peut retenir trois modes d’estimation:

⚫ la réduction qui vise à mesurer des composantes naturelles apparte- nant à une grandeur
physique commune. Ainsi, on peut évaluer l’effectif d’une population animale, poissonnière, la
biomasse...

⚫ la conservation qui est une variante de la réduction, consiste à uti liser comme base soit une
catégorie d’éléments particuliers, soit un indica- teur synthétique que l’on crée pour la
circonstance. On peut citer l’unité gros bétail (UGB), la tonne équivalent pétrole (TEP) etc.

la combinaison est basée sur l’analyse d’indicateurs synthétiques, les uns sont des indicateurs
simples comme la productivité, la diversité spéci fique, les autres des indicateurs composites,
fondés sur une étude multicritè re.

114

b) Evaluation du patrimoine naturel

i) Le système français
Le système de comptes français s’articule autour des comptes d’élé- ments, d’écozones et
d’agents. Ces différentes familles de comptes se com- posent elles-mêmes d’une série de
comptes élémentaires, appelés comptes centraux, qui ont pour but de décrire l’état (en termes de
stocks) et l’évolu- tion (en termes de flux) des éléments qui figurent dans la nomenclature du
patrimoine naturel.

- Les comptes d’éléments

Ce sont des comptes qui décrivent l’état (en termes de stocks) et l’é- volution des comptes (en
termes de flux) des éléments. On distingue les comptes centraux d’éléments, les comptes de
liaison et des bilans et tableaux.

Schéma : Structure du système de compte du patrimoine naturel

Page 116

Susret CICPN, Les comptes du patrimoine naturel, les collections de I’IN SEE, Paris, INSEE,
1986,

Les comptes centraux d’éléments

En pratique, les comptes centraux comprennent un stock d’ouverture, un stock de clôture et des
comptes d’opérations intermédiaires reliant ces deux stocks et détaillant les facteurs de
transformation du stock initial.

Chaque compte élémentaire s’écrit de manière simplifiée


Stock initial + somme algébrique des variations de la période de base = stock final

116

Les variations de stocks s’analysent soit en termes de flux, soit en ter- mes de facteurs de
variation.

Tableau 1: Compte central d’éléments consolidé

EMPLOIS

F12 Sorties naturelles extérieures

F22 Intraconsommation naturelle

F24 Mortalité et destructions naturelles accidentelles

F411 Prélèvements primaires F35 Destructions accidentelles

SI STOCK FINAL

Song: CLC.PN 1986


RESSOURCES

SO STOCK INITIAL

F11 Entrées naturelles extérieures

F13 Retours provenant de l’extérieur

F21 Croit naturel

F31 Retours au milieu naturel

F32 Apports artificiels

F43 Accumulation dans le systéme d’utilisation

S9 Réconciliation

A titre d’illustration de ces comptes centraux, on peut prendre l’exemple du compte des eaux
continentales en France en 1981.
117

Suite Page 118

. Les comptes de liaison

Le CICPN prévoit dans l’ensemble des comptes du patrimoine natu- rel deux types de comptes
de liaison.

* les comptes de liaison aux écozones ventilent les stocks initial et final et les flux qui y sont
attachés selon le type de secteur;

* les comptes de liaison aux agents décrivent la pression exercée par les agents;

. Les bilans et tableaux

Tel que le conçoit le CICPN, les bilans et les tableaux ne sont pas des comptes. Ils ont pour
objectif de compléter l’information contenue dans les deux comptes précédents.

- Les comptes d’écozone

Selon la Revue Française de Comptabilité (1995), " les comptes d’é- cozones décrivent les
modifications d’utilisation de l’espace et les change- ments de l’état des écosystèmes ". Ils
comprennent les comptes d’éléments des écozones, les comptes de liaison et les bilans
synthétiques :

. les comptes d’éléments des écozones

Ce sont des comptes qui répertorient les éléments constitutifs des écozones et retracent leur
dynamisme.

. Les comptes de liaison aux agents situent la liaison avec les amé- nagements représentant un
point spécifique de l’utilisation in situ des milieux naturels

. Les bilans synthétiques des écozones retracent le passage du stock initial au stock final en
tenant compte de la qualité,

119

- Les comptes d’agents

Ces comptes portent sur l’homme et ses institutions. Leurs buts sont :

. identifier les activités ayant une incidence directe sur le patrimoine naturel;

. évaluer les dépenses monétaires qui en découlent;


. estimer la valeur des biens naturels;

⚫ présenter les différentes formes d’appropriation des éléments for- mant le patrimoine naturel.

ii) Le système norvégien

C’est un système qui se fonde sur le lien étroit entre politique écono- mique et politique
d’utilisation des ressources naturelles. L’approche norvé- gienne est basée sur le fonctionnement
d’une économie constituée de deux catégories d’agents, à savoir des consommateurs et des
producteurs. La Nature joue le rôle de producteur et la Société le rôle de consommateur. En effet,
la Nature procure des ressources matérielles, de l’énergie, des Services à la Société. A l’inverse,
la Société après consommation, renvoie les déchets au milieu naturel.

Il y a deux catégories de compte (schéma 3) l’une se rapportant aux ressources matérielles et leur
usage par l’homme (comptes de ressources matérielles), l’autre est relative aux déchets issus de
l’utilisation de ces res- sources (comptes environnementaux).

- Les comptes de ressources matérielles

120

Schéma 3: Structure du système de comptes norvégiens


COMPTES DE RESSOURCES MATERIELLES

COMPTES DE STOCKS

Ressources minérales

COMPTES DE FLUX

Ressources biologiques

Ressources biologiques

Ressources minérales

COMPTES ENVIRONNEMENTAUX

COMPTES D’EMISSION

Air

Eau
Sol

COMPTES D’EΤΑΤ

Ressources minérales

: Revue Française de Comptabilité (1995)

Les comptes de stocks: ils retracent pour chaque actif naturel, le passage du stock initial au stock
final par les flux comptabilisés durant une période.

Tableau 5: Exemple de compte de réserves en énergie

Année

Stock au 01/01

Nouveaux gisements

Réévaluation
Extraction.

Stock Au 31/12

12

State Revue Française de Comptabilité (1995)

Ces flux peuvent provenir de trois sources:

* du fonctionnement du système naturel (repeuplement, croissance ou destruction naturelle);

* de l’action humaine (récolte, prélèvement...);

* du progrès des connaissances (réévaluation, découvertes de nouveaux gisements, etc).

Il s’établit l’égalité suivante :


121

Stock initial

+ Entrées naturelles +

Réévaluation

Destruction naturelle

+ Extraction +

Stock final

Exemple: Au 1er janvier 1998, le stock d’éléphants du Burkina Faso était de 500 unités. Au
cours de l’année, il y a eu 40 naissances, 100 qui sont partis dans les pays voisins et 20 décès
(naturel et par l’action de l’homme). En 1999, il y a eu 60 naissances, 80 qui sont revenus des
pays voisins et 10 décès (de mort naturelle). Durant l’année 2000, la situation s’est caractérisée
par la mort de 50 éléphants suite à une épidémie; 150 sont partis dans les pays voisins et on a
enregistré 30 naissances. En 2001, il y a eu 5 décès, 15 naissances. Au cours de l’année 2002,
l’observation fait état de 80 naissan- ces, 200 autres en provenance des pays voisins et 35 décès.
Quelle est la situation des éléphants au 31/12/2002?

Tableau 6: Compte de réserve d’éléphants du Burkina Faso


ANNEES

STOCK

AU 1/1

NAISSANCE

SORTIES

ENTREES

DECES

STOCK 31/12

1998

500
40

100

20

420

1999

420

60

80

10

550

2000
550

30

150

50

380

2001

380

15

390
2002

390

80

200

35

635

Au 31/12 de l’année 2002, le stock théorique d’éléphants du Burkina Faso était de 635.

Les comptes de flux de matière

Ils suivent le parcours de la matière (ressource) depuis son extraction jusqu’à son utilisation par
les secteurs de production et les ménages. Ils sont analogues aux Tableaux entrées - sorties de la
comptabilité nationale classique.

- Les comptes environnementaux


Ces comptes ont un double but: à savoir présenter l’usage qui est fait de l’environnement;
ensuite, expliquer les transformations qualitatives qui découlent de cet usage. Selon la Revue
Française de Comptabilité (1995), la

122

dimension géographique est un facteur essentiel pour ces comptes en ce sens qu’ils s’emploient à
décrire une structure spatiale. Dans ce cadre, des caté- gories de comptes environnementaux ont
été élaborées, notamment les comptes d’émission et les comptes d’état.

les comptes d’émission renseignent sur les volumes de déchets émis dans l’air, l’eau et le sol par
les ménages et les secteurs de production (Cf. Tableau 7);

les comptes d’état fournissent des informations sur les variations de l’état de l’environnement
résultant des activités humaines (Tableau 8).

Tableau 7: Exemple de compte d’émission de polluants atmosphériques

Emission de Secteur d’activités

Année N

Dioxyde de soufre
Année N + 1

Oxydes de carbone

Année N+1

ABC

Année N

Tableau 8: Exemple de compte d’état: Réservoirs de régulation issus de travaux d’aménagement


hydro-électrique

Catégorie de réservoirs

Nombre total

Avant année N

Réservoirs aménagés Années Nà N+10


Après année N+10

Non répartis

1234

Divers

Sests: Revue Française de Comptabilité (1995)

Finalement, il apparaît que le système français est plus ambitieux et plus complet que le système
norvégien en ce sens qu’il tient compte de tou- les les finalites lesysteine naturel. Cependant, la
complexité du système français rend discutable son opérationalité par rapport au système
norvégien qui est plus simple et proche des modèles traditionnels de gestion des res sources
naturelles.

123

3.1.2. La comptabilité nationale vertel

3.1.2.1. Rappel de la comptabilité nationale classique

Nous savons que la comptabilité nationale établit l’identité des res- sources en produits et de
leurs utilisations finales, tel que:
Y+MC+G+I+X (1)

avec Y, produit intérieur brut; M, importations, C, consommation pri- vée, G, consommation des
administrations; I, investissement brut; X, expor- tations.

Dans le membre de droite de l’équation (1), la variable I indique un flux de demande d’actifs
réels qui ont été effectivement produits. Ainsi, la variable correspondant à I dans le membre de
gauche est soit Y, la produc- tion locale, soit M la production extérieure.

Par ailleurs, dans l’agrégat I, figurent aussi l’accroissement des stocks d’inventaire de produits,
les nouveaux équipements, le matériel roulant mais aussi des éléments comme les nouvelles
terres défrichées, plantations, forêts plantées, têtes de bétail. De telle sorte qu’on voit au sein de
cet agrégat I, des actifs réels non naturels et des actifs produits naturels.

Les actifs produits servent à remplacer les actifs existants, mais qui sont totalement amortis -
c’est la consommation de capital fixe. (CF) - soit constituent des suppléments nets au stock de
capital physique du pays, ou Investissement net (I).

On peut écrire:

I=I-CF

(2)
Dans le même temps, la comptabilité classique établit le lien entre le stock d’actifs produits au
début de l’exercice (AP) et celui de la fin de l’exercice (AP) soit:

AP=AP+In+Rp

l’ouvrage de A, Martens et B. Decalué: Le

1 Nous nous fonderans sur

les pays en développement" (1996)

(3)

cadre comptable

macroeconomique et

124

avec Rogains (Rp > 0) ou pertes (Rp<0) dus à la réévaluation des actifs produits. Cette
réévaluation est due à la variation des prix de l’actif entre le début de l’exercice et la fin de cet
exercice (une année). A titre d’exemple, on peut citer la variation des prix des maisons, la baisse
des prix des ordinateurs du fait de l’apparition chaque année de processeurs plus puissants.

Au regard de ces constats, on définit un produit intérieur qui prend en compte le CF.

Y = Y-CF

(4)

Si on introduit les équations (2) et (4) dans l’équation (1), on aura :

Y+MC+I+X (5)

Telle est la présentation de la comptabilité nationale classique

3.1.2.2. La comptabilité nationale verte

Le bureau des statistiques des Nations Unies a publié en 1993 le sys- tème des comptes
nationaux et à cette occasion, il a proposé en plus du cadre comptable-classique, un cadre
possible de système intégré des comptes éco- nomiques et environnementaux (SCEE).
Le SCEE est différent des comptes de patrimoine naturel construits par certains pays européens
(France, Norvège) et que nous avons eu à exa- miner précédemment. En effet, la particularité de
ces comptes de patrimoine naturel, c’est que l’évaluation est uniquement faite en termes
physiques. Dans cette situation, il devient difficile d’établir un pont entre ces flux et stocks
d’actifs à ceux de la comptabilité nationale classique qui se présentent sous forme d’unités
monétaires. Le présent système a l’avantage de lever cette barrière.

a) Raisons d’une comptabilité verte

- Les actifs produits

Précédemment, nous avons dit que les actifs naturels produits com-

prennent les terres agricoles aménagées, les forêts plantées etc., et de ce fait, le capital fixe devra
comporter la dépréciation de ces actifs, entraînant la baisse du Y,,. Par ailleurs, il y a les actifs
non produits non naturels qui sont eux également susceptibles de dépréciation suite à une
dégradation de l’en- vironnement. Ainsi, l’érosion du sol endommage les routes, les voies
ferrées, les ponts. Cette dépréciation est également comptabilisée dans CF et fait baisser le Y.

- Les actifs non produits

Ils sont de deux sortes:

. Les actifs non produits économiques. Ils sont appelés ainsi car ils sont exploitables au coût
d’exploitation du moment. Parmi ces actifs, on peut citer des forêts naturelles, des gisements de
minerais, des réserves fauniques etc.;
. Les actifs non produits non économiques ou environnementaux: ce sont des actifs qui ne sont
pas exploitables au coût d’exploitation du moment. Il s’agit des forêts naturelles, des éléments de
l’écozone (air).

Selon la description qui justifie cette comptabilité verte, la "consom- mation" des actifs non
produits économiques peut être expliquée par deux facteurs: l’exploitation et la dégradation.
C’est la raison pour laquelle le sys- tème norvégien de patrimoine naturel dans son analyse des
flux montre qu’ils peuvent être dus d’une part, au fonctionnement du système naturel, d’autre
part, à l’action de l’homme. Quant à la consommation des actifs non produits environnementaux,
elle est exclusivement due à leur détérioration dans la mesure où ils ne font pas l’objet d’une
exploitation. Ainsi, le flux est causé directement par le fonctionnement du système naturel
(autodestruction) ou indirectement par l’action de l’homme (pollution industrielle affectant la
qua- lité de l’air et de l’eau).

Dans la consommation des actifs non produits environnementaux, certains auteurs (Nations
Unies 1993) recommandent de prendre en compte l’exploitation" insoutenable" ou
surexploitation des actifs naturels renouve lables (forêts, eaux, animaux, etc). En d’autres termes,
leur consommation se fait à une cadence telle que le renouvellement de leur réserve est mis en
péril.

126

Du fait que les actifs économiques ne sont pas produits, leurs stocks ne peuvent augmenter qu’à
certaines conditions, à savoir la baisse commen- surable des stocks d’actifs environnementaux
correspondants. C’est par exemple le cas d’un gisement d’or non exploitable qui, suite à une
augmen- tution du prix de l’actif sur le marché international ou parce que les nouvel- les
techniques d’extraction ont fait baisser les coûts, passe d’actif environne- mental à actif
économique. La comptabilité environnementale prendra en compte ce passage de la catégorie des
actifs environnementaux à celle des actifs économiques.

Ce système de passage ou de transfert peut aller toutefois dans les deux sens. En effet, depuis
quelques temps, les coûts d’exploitation du gise- ment d’or de Poura (Burkina Faso) étaient
devenus tellement élevés que les autorités ont arrêté son extraction. En ce moment, ce gisement
est passé de la catégorie des actifs économiques à la catégorie des actifs environnemen- taux.

b) Présentation du SCEE

La structure du SCEE est présentée dans le tableau 8.

C’est un système qui est basé sur la classification des actifs réels pro- duits et non produits, tel
que présenté précédemment. Les agrégats de stocks et de flux à l’inverse des comptes de
patrimoine naturel qu’on trouve dans la comptabilité verte française et norvégienne sont
présentés en unités moné- taires.

Les explications ci-après sont données par Martens A. et Decalué B. (1996) dans le tableau 9.

La ligne 1 présente les stocks initiaux (à la période de référence ou base) des actifs produits
naturels et non naturels et des actifs naturels non Produits de nature économique (APEC).

127

Tableau : Système intégré des comptes économiques et environnementaux (SCEE)


Page 128

La ligne 2 donne les ressources en produits (Y et M) et la ligne 3 leurs utilisations finales (C, G,
X, et I). Ce sont respectivement, les membres de gauche et de droite de l’identité (1). La ligne 4
enregistre la consommation de capital fixe, c’est-à-dire celle des actifs produits. La somme des
lignes 2 et 4 permet de retrouver à l’intersection de la ligne 5 et de la colonne 1, le produit
intérieur net (Yn) tel que défini par (4) et, à l’intersection de la ligne 5 et de la colonne 4
l’investissement net (In), conformément à (2). Finalement, la ligne 5 donne l’identité (5) des
ressources en produits et de leurs utilisations finales, exprimées en termes nets. Jusqu’à présent,
nous sommes dans les limites de la comptabilité nationale traditionnelle, du moins au niveau des
lignes 2 à 5.

La nouveauté est introduite dans le système par l’ouverture des lignes 6 à 8. A l’intersection de la
ligne 6 et des colonnes 5 et 6, on trouve respec- tivement la consommation des actifs non
produits économiques (CPEC) ou environnementaux (CPEV). La somme de la consommation
d’actifs non pro- duits ou CP est donc :

CPCPEC + CPEV

(6)

CP est enregistrée à l’intersection de la ligne 6 et de la colonne 1.

La ligne 7 représente une ligne d’accumulation brute des actifs non produits. Les actifs non
produits économiques ne peuvent augmenter que s’il ya diminution commensurable des actifs
environnementaux. On ignore par ailleurs la possibilité d’accroissement des actifs
environnementaux. Le volu- me des eaux souterraines peut augmenter mais si celles-ci ne sont
pas éco- nomiquement exploitables, le SCEE omet le phénomène,

En d’autres termes :

APE = DAPEV

129

avec APE: accumulation brute des actifs non produits économiques;

DAPEV: montant" désaccumulé " des actifs non produits envi. ronnementaux, à l’exclusion de
leur dégradation contenue dans \overline{CP}EV

Au point de croisement de la ligne 8 et de la colonne 5 est enregis- trée l’accumulation nette des
actifs non produits économiques (AA\overline{P}EC) cal- culée comme la somme des lignes 6
et 7, tel que:

AA\overline{P}EC=A\overline{P}E-C\overline{P}EC

(8)

A l’intersection de la ligne 8 et de la colonne 6 est enregistrée la dés accumulation totale des


actifs environnementaux, dégradation comprise, le montant désaccumulé (APEV) étant :
A\overline{PE}V=DA\overline{P}EV+C\overline{P}EV

(9)

Nous pouvons désormais introduire le concept de produit intérieur net écologique ou Y_{n}
parfois appelé" produit vert" que nous notons P_{v}

En examinant la colonne 1, nous avons :

Y_{ous}=Y_{o}-C\overline{P}=P.

(10)

Ainsi:

Le produit intérieur net écologique est le produit intérieur diminué de la consomma tion des
actifs réels non produits écono- miques et environementaux.

130

Le concept de produit écologique permet d’établir la distinction entre deux pays qui auraient le
même taux de croissance, que celui-ci soit exprimé en termes du produit intérieur brut (Y) ou net
Y,. Si le premier a réalisé cette croissance en exploitant davantage de ressources naturelles ou en
laissant se dégrader son environnement plus que ne l’a fait le second, il aura un taux de
croissance inférieur, quand il est présenté en termes de produit écologique (Y)

Par ailleurs, l’identité des ressources de produits et de leurs utilisa- tions finales exprimées en
termes écologiques est donnée par la ligne 8.

Yne+MC+G+I+AAPEC-APEV + X

(11)

Ce qui signifie qu’en termes écologiques, les ressources sont le pro- duit intérieur net écologique
et les importations de produits. Les utilisations finales sont la consommation privée, la
consommation publique, l’investis- sement net et les exportations de produits, augmentées de
l’accumulation nette des actifs non produits économiques et diminuées du montant désaccu-
mulé des actifs non produits environnementaux, dégradation comprise.

La ligne 9 enregistre les gains et pertes dus à la réévaluation des actifs dont il a été fait mention à
la section précédente. De même que les actifs produits, les actifs non produits peuvent aussi voir
leur valeur aug- menter ou diminuer. C’est le cas, par exemple, du gisement commercialisa- ble
de zinc, lorsque le prix a augmenté sur le marché mondial. C’est ainsi on trouve à l’intersection
de la ligne 9 et de la colonne 5 le flux de gains RAPEC dû à la réévaluation des actifs non
produits. Similaire à l’identité (3) on trouve dans la colonne 4, l’identité de passage du stock
initial au stock final de ces actifs est donnée par la lecture de la colonne 5:
APEC, APEC, AAPEC + RAPEC

(12)

131

A titre d’exemple, considérons le PIB du Mexique.

Tableau 10: Produit intérieur écologique, Mexique, 1985 milliards de pesos

Rubriques

47391702

Dépréciation

5331186

10 pesos
42060516

Déplétion du pétrole brut

1469930

164165

Déplétion des forêts

763649

Pertes du déboisement

Y(0)

39662772

Erosion des sols

448880
Déchets

197269

Déplétion de l’eau souterraine

191568

Pollution de l’eau

662456

Pollution de l’air

1655916

Y. (2)

36506653
Y

Source: adapté de van Tongeren et al. (1993)

Avec

Y Produit intérieur brut

Y Produit intérieur net

Y (1) Produit intérieur net écologique niveau 1

Y. (2)- Produit intérieur net écologique niveau 2

Il s’agit là du lien entre la comptabilité classique et la nouvelle comp- tabilité qui prend en
compte les questions de l’environnement et des ressour- ces naturelles. D’autres apports ont été
faits dans le sens de corriger les prin- cipaux agrégats tels que définis par la comptabilité
nationale classique, c’est le cas de l’approche économétrique. Parmi ces approches il y a
particulière- ment celle de Karl Goran Mäler (1991).

132

3.2. L’approche économétrique de la comptabilisation de l’environnement de Karl Goran Mäler


Introduction

Karl Goran Mäler (1991) dans son article " National Accounts And Environmental Resources" a
montré les limites de la Comptabilité Nationale Classique. En particulier, le produit national brut
(PNB) a été utilisé selon lui beaucoup de fins et notamment à la mesure du bien-être. De
nombreux auteurs ont souligné qu’il s’agissait d’un concept brut et par conséquent il devrait être
remplacé par le Produit National Net (PNN). Toutefois, même si la dépréciation est déduite du
PNB, la mesure du PNN peut encore être un mauvais indicateur du bien-être et en particulier
lorsqu’on le lie aux ressour- ces naturelles et environnementales.

L’objectif de Mäler porte sur le PNN comme mesure du bien-être en relation avec les actifs
naturels. C’est une approche théorique d’un cadre conceptuel pour mesurer le bien-être agrégé.

Nous rappelons qu’il y a trois catégories de critiques à l’encontre du système de comptabilité


nationale actuelle:

- les dépenses défensives, c’est-à-dire les dépenses des ménages dans le souci de réduire l’impact
du dommage environnemental qui sont comprises dans la demande finale alors qu’elles devraient
être déduites;

- dans la détermination du Revenu National Net (RNN), ni la valeur de la dégradation de


l’environnement par les ménages, ni celle des firmes ne sont déduites de cet agrégat;
le changement ou variation dans la valeur du stock des ressources naturelles n’est pas inclus dans
les comptes. Il s’agit d’une réévaluation du Mock sous differeas inclus de variation de prix,
nouvelles découvertes etc).

C’est partant de ces critères que l’auteur voudrait montrer ce qui est nécessaire de prendre en
compte dans l’estimation des agrégats comptables C’est partant de ces critiques que l’auteur
voudrait montrer ce qui est ajustés.

133

3.2.1. Présentation du modèle de Mäler

Considérons deux ressources naturelles y_{1} ty_{2},y_{1} est un flux d’ac. tifs qui est
disponible à chaque période en quantité y_{1.0} - A cet effet, on peut penser à l’air pur ou à
l’eau potable. A chaque moment, cet actif peut être uti- lisé comme un input dans le processus de
production. Le montant de l’usage comme input ou consommation est noté z_{1} Le montant
restant

y_{1}=y_{10}-z_{1} (1)

est un indice de pureté de l’air ou de l’eau par exemple.

La seconde ressource est un stock y_{2} . Considérons la partie de l’actif utilisée y_{2} et
supposons que la ressource suit une fonction croissante linéai- re, soit:
\frac{dy_{2}}{dt}=m(q_{3},l_{3})y_{2}-z_{2} (2)

Il est supposé ici que la croissance de la ressource peut être affectée par l’efficacité représentée
par l’utilisation du bien produit q_{3} et du travail L_{3} q_{3} peut être considérée comme un
input de fertilisants de la forêt ou de l’a- griculture. Dasgupta (1982) définit une ressource
environnementale comme " des ressources qui sont générateurs mais potentiellement épuisables
". De là, ya est une ressource environnementale dans ce sens, souligne Mäler. Cette ressource
peut être considérée comme un stock de bois, la population d’une certaine espèce de poisson,
mais aussi comme l’actif d’une eau potable ou d’air pur.

Considérons qu’il y a seulement un bien produit et que la fonction de production est:

q=f(l_{1},k_{1},s_{1},z_{2},y_{1},y_{2}) (3)

avec I_{1}= montant de travail employé ;

k_{1}= stock reproductible de capital;

s_{1}= quantité de déchets dégagés.

134

C’est tout à fait une formulation générale, suggérant que non seule- ment l’extraction du stock de
ressource 22, mais aussi le stock lui-même peu- vent affecter la production. Dans la plupart des
cas, il devient naturel de considérer que \frac{\partial f}{\partial y_{2}}=0. En outre, il est aussi
supposé que le flux de services environnementaux y1,0 sont affectés par la production. La
société peut également acheter les services de contrôle de la pollution venant des firmes
spécialisées à cet effet. Leur fonction de production est:

y_{1}=g(s_{1}l_{2}k_{2}) (4)

lhetk, sont le montant du travail employé et du stock de capital dans le sec- teur de contrôle de la
pollution. A priori, ceci n’est valable que quand la firme est génératrice de polluants.

Pour Mäler, il est néanmoins tout à fait aisé d’étendre le modèle pour inclure les polluants
dégagés par les ménages.

Considérons que les ménages peuvent améliorer leur environnement par des dépenses défensives
ou de prévention, ceci par utilisation de produits extra-isolation, de nettoyage etc. Soit la
fonction de production des ménages suivante:

y=y(y_{1}q,l_{4}) (5)

d~q_{2} est l’input de biens achetés, et /, l’input de travail domestique.

Finalement, la fonction d’utilité du ménage est :

u=u(q_{1},y_{1},y_{2},l_{5}) (6)
avec \epsilon q_{1} la consommation de biens et services, et l_{5} le temps libre disponible pour
les loisirs.

De toute évidence, la production q devient :

q=q_{1}+q_{2}+q_{3}+l_{1}+l_{2} (7)

135

où I, est l’investissement brut dans le secteur i. Ceci veut dire que:

\frac{dk_{i}}{dt}=I_{i}-\delta_{i}k_{i}

(8) avec i = 1, 2.

Supposons que l’offre de travail est exogène et égale à 7, soit:

l_{1}+l_{2}+l_{3}+l_{4}+l_{5}=l (9)

sir est le taux d’intérêt, l’équilibre de compétitivité dynamique peut être représenté comme la
solution du problème d’optimisation intertemporelle.
Maxeu(91, (1,92,14), 2,15)dt

(10)

On sait que

q_{1}+q_{2}+q_{3}+I_{1}+I_{2}=f(l_{1},k_{1},s_{1},z_{2},y_{1},y_{2})

z_{1}=g(s_{1},l_{2},k_{2})

y_{1}=y_{1,0}-z_{1}

l_{1}+l_{2}+l_{3}+l_{4}+l_{5}=\overline{l}

\frac{dk_{i}}{dt}=m(q_{3},l_{3})y_{2}-z_{2}

136
La valeur de cet Hamiltonien courant pour ce problème d’optimisa- tion est:

H=u(q_{1},\varphi(y_{1},q_{2},l_{4}),y_{2},l_{5}) -p(q_{1}+q_{2}+q_{3}+I_{1}+I_{2}-
f(I_{1}k_{1},s_{1},z_{2};y_{1},y_{2})) -v_{1}(y_{1}+z_{1}-y_{1,0})+\alpha(z_{1}-
g(s_{1},I_{2},k_{2}) -w(I_{1}+I_{2}+I_{3}+I_{4}+I_{5}-\overline{I})+\mu_{1}(I_{1}-\
delta_{1}k_{1})+\mu_{2}(I_{2}-\delta_{2}k_{2}) +v_{2}(m(q_{3},I_{3})y_{2}-z_{2})

Les conditions nécessaires pour un optimum sont obtenues par maxi- misation de H avec
respectivement :

l_{1},l_{2},l_{3},l_{4},l_{5},s_{1},z_{1},z_{2},q_{1},q_{2},q_{3},I_{1},I_{2},y_{1}

Pour une référence future, les conditions sont :

q_{1}-p=0 u^{\prime}y\varphi^{\prime}_{q_{1}}-p=0 y\varphi_{y_{1}}^{\prime}-


pf_{y_{1}}^{\prime}-v_{1}=0;u_{y}\varphi_{l_{4}}-w=0;u^{\prime}1_{5}-w=0 p-\
mu_{1}=0 ;p-\mu_{2}=0;pf^{\prime}1_{1}-w=0 agi-w=0; pf_{s_{1}}-\alpha g_{1}=0 v_{1}-\
alpha=0 v_{2}m_{l_{3}}-w=0;v_{2}m_{q_{3}}-p=0 pf_{z_{1}}-v_{2}=0 ; pf^{\
prime}y_{1}-v_{1}=0

Considérons ressource, et v_{y_{1}}^{c}=\dot{u_{y}}\phi_{y_{1}}


v_{y_{1}}^{p}=p_{y_{1}}^{f} comme l’utilité marginale de dégradation du flux de comme la
productivité marginale du flux de ressource.
Alors, n=v_{yi}^{c}+v_{yi}^{p} soit v_{pc}=\alpha g_{s}

* peut être interprété comme le prix du contrôle de pollution.

Finalement, soit v_{2}^{c}=u_{n} la valeur marginale du stock de ressource des mé- nages et
v_{2}^{p}=pf_{n}^{, la productivité du stock de ressource (distinct de

137

l’input z₂) dans la production.

Les prix des stocks μι, µ₂ et v₂ sont déterminés à partir des équa- tions différentielles.

\frac{d\mu_{1}}{dt}=-\frac{\partial H}{\partial k_{1}}+rk_{1}

\frac{d\mu_{2}}{dt}=-\frac{\partial H}{\partial k_{2}}+rk_{2}

\frac{dv_{2}}{dt}=-\frac{\partial H}{\partial y_{2}}+ry_{2}

Nous pouvons aussi écrire \mu_{1}(t)=\int_{t}^{=}e^{-\tau(\tau-t)}p(\tau)f_{k_{1}}^{\


prime}d\tau

ct
\mu_{2}(t)=\int_{t}^{\infty}e^{-r(\tau-t)}v_{1}(\tau)g_{k_{2}}^{i}d\tau

Les prix \mu_{i} peuvent dès lors être interprétés comme les valeurs escomptées présente et
future sur une croissance marginale dans le stock de capital actuel. Selon Mäler, v_{2} peut être
considéré comme la valeur présen- te d’une croissance marginale dans le stock de ressources.

Dans le même sens, nous avons : v_{2}(t)=\int_{t}^{\infty}e^{-r(r-t)}(u_{y_{2}}


+pf_{y_{2}}^{\prime})d\tau

Le long du sentier optimal, l’Hamiltonien est, quand on se réfère à l’équation H de la page 137:

H^{*}=u(q_{1},\varphi(y_{1},q_{2},1_{4}),y_{2},l_{5})+\mu_{1}\frac{dk_{1}}{dt}+\
mu_{2}\frac{dk_{2}}{dt}+v_{2}\frac{dy_{2}}{dt}

138

3.2.2. La mesure du bien-être national net

L’Hamiltonien le long de la trajectoire optimale est la mesure du bien-être national que nous
cherchons en termes d’utilité. Le support linéai- re de ‘Hamiltonien le long du chemin optimal
est la correspondance exacte de la mesure du bien-être national net (NWN). Il mesure l’utilité
courante de la consommation (de biens et services produits et de services environne- mentaux) et
la valeur actuelle de la série de l’utilité future du changement du stock courant. Il en est ainsi
parce que les prix de stocks mesurent la contri- bution à la valeur présente et future du bien-être
d’un accroissement margi- nal dans le stock.

La signification de la linéarisation exige quelques commentaires sup- plémentaires. Nous


prenons les prix le long de la trajectoire optimale, c’est le prix optimal, et nous évaluons toutes
les quantités - production, variables environnementales, etc. à ces prix. Aucune économie réelle
n’est sur la tra- jectoire optimale et ce que nous pouvons demander est pourquoi nous devons
nous inquiéter des prix optimaux. La raison est que si l’ensemble de la faisabilité sous jacente est
convexe, les prix optimaux sont seulement les prix qui permettent une estimation de la mesure du
bien-être qui en toutes circonstances indiqueront un bien-être croissant ou décroissant. Ainsi,
avec la supposition de convexité, l’usage de prix optimaux donnera l’indication correcte du
changement de bien-être, sans tenir compte si oui ou non l’éco- nomie est sur la trajectoire ou
pas. Il s’en suit que les prix doivent en géné- ral être des prix comptables et non des prix actuels
de marché. Soit X₁, le

vecteur des arguments dans l’Hamiltonien (prix escomptés) et soit X, un point de la trajectoire au
temps t. Nous considérons maintenant une petite perturbation. La valeur de l’Hamiltonien à ce
nouveau point est la mesure du bien-être net (NWN) ou

NWM = H(X) + 4 + 4, (+992 +9,14) dk +2+1, 1s + hd dy +V2 di

Par utilisation des conditions nécessaires pour une trajectoire opti- male, on peut réécrire:

139

=p(9, +92 +93) +14 NWM = dky + 2 +th di dk dt (Produit National classique)
-pq_{3}-w(l_{1}+l_{2}+l_{3})+v_{1}^{c}y_{1}+v_{2}^{c}y_{2}+v_{2}\frac{dy_{2}}{dt}
(ajustement) +H(X_{l}^{*}) (terme constant)

Les trois premiers termes correspondent au PNN classique dans lequel se trouve inclus la
production totale pour la consommation q_{1} , le total des dépenses défensives privées et
publiques pq_{2} , le total des inputs des biens produits dans l’attraction de la croissance du
capital environnemental et de l’investissement net dans les stocks de capital réel de production
pq_{3} .

Ce PNN conventionnel devrait être corrigé de diverses manières :

- les salaires dans la production des biens ne devraient pas être sépa- rés du PNN, la raison étant
qu’à la marge, les gens sont indifférents entre prendre un travail sur le marché du travail et être
libre en dépensant le temps au loisir ou à leur propre travail;

- les dépenses défensives courantes pq_{2} ne devraient pas être déduc- tibles du Revenu
National Net dans le sens d’éviter un double comptage quand la valeur des services
environnementaux vay, est incluse. Si nous avons introduit le capital domestique, alors
l’investissement net domestique pour protéger l’environnemental futur devrait être inclus;

- la valeur des biens d’input utilisés pour attirer le stock de capital environnemental pq_{3}
devrait être déduite du PNN conventionnel;
- la valeur du flux de services devrait être incluse mais appréciée à la valeur marginale
domestique v_{yy} Le dommage de production ne devrait pas être déduit du PNN, la raison
étant que ce dommage a déjà été comptabilisé dans pq_{1}

la valeur de l’utilisation directe courante du stock de ressource devrait être incluse, mais estimée
par la valeur marginale domestique, et ces

140

valeurs dans la production devraient être incluses;

- la valeur du changement dans le stock (mais pas le changement dans la valeur du stock) devrait
être incluse. Les gains anticipés du capital ne sont pas des parts du Revenu National;

- le changement dans le stock de ressource devrait être évalué au prix reflétant la valeur future du
stock, à la fois comme une source d’inputs de la production, Z_{2} comme une source directe
d’utilité pour le ménage et comme une source de productivité.

Nous avons :

\frac{dv_{2}}{dt}=(r-m)v_{2}-(v_{2}^{c}+v_{2}^{p})

cela signifie en particulier que


v_{2}(t)=\int_{0}^{\infty}e^{-(r-m)(r-t)}(v_{2}^{c}+v_{2}^{P})d\tau

qui est que le prix comptable sur le stock de ressource est égal à la valeur présente des gains
futurs du stock.

Il y a un terme constant H ({X_{t}}^{*}) qui n’est pas affecté par la valeur de la perturbation. Il
reflète la richesse de la société et nous reviendrons sur cette nouvelle discussion plus tard. Il est
évident qu’il n’y aura pas de toute façon d’incidence des effets sur la mesure du bien-être
national venant des activités économiques présentes et on doit le négliger à moyen terme.

En résumé, supposons que les individus soient libres de choisir leur offre de travail, que le
marché du travail est en équilibre et que le coût d’op- portunité du travail est le temps de
vacation qui devrait être abandonné. A la mare ou du travail est le de mobtiendrait mieux d’un
accroissement de l’offre de travail. Du fait que la mesure du bien-être national est une
approximation linéaire du vet bien-être, il s’en suit que le revenu salarial ne devrait pas être
inclus. Ce qui montre l’importance d’être clair dans l’usage

141

des comptes. Pour l’analyse macroéconomique, le revenu du travail est évi demment l’une des
plus importantes variables. Si nous voulons une mesure du bien-être, le revenu salarial ne devrait
pas être inclus (donnant l’hypothè se d’un marché du travail parfait). Ainsi, il y a un besoin de
garder l’établis sement des comptes en donnant une base d’analyse macroéconomique et en les
suppléant avec des comptes qui prennent en considération le travail et les ressources
environnementales. Notons qu’il n’a pas été inclus le plus impor- tant capital, à savoir le capital
humain.
Si le capital humain est inclus dans le modèle et si des parts des salai- res sont rapportées au
capital humain, alors ses parts devraient être intégrées dans le concept de la mesure du bien-être
national. Cette partie de la note salariale qui correspond au "travail pur" devrait être soustraite de
la valeur totale de l’output en déduction de la mesure du bien-être national pour amé liorer la
mesure du bien-être individuel. Par la suite, il sera inclus les salai- res dans la mesure du bien-
être national.

3.2.3. Le dommage environnemental

Comment faire pour estimer le dommage environnemental (ou la valeur équivalente des services
environnementaux vy,)? Malgré de remar- quables progrès dans l’estimation de la valeur
monétaire du dommage envi- ronnemental durant ces dernières années, il est évident que nous
sommes loin d’une situation où nous pouvons les estimer routinièrement. Compte tenu de cela, il
a souvent été suggéré que les dépenses défensives sont une proxie pour le dommage
environnemental.

Ainsi, au-delà de la soustraction du dommage environnemental, on pourrait soustraire les


dépenses défensives. Cependant, les dépenses défen- sives en général sont de très mauvais
estimateurs du dommage environne- mental.

Une alternative plus intéressante a été suggérée, à savoir qu’on devrait spécifier les objectifs
environnementaux - la concentration ambiante maxi- mum de SO, par exemple. En général, il est
beaucoup plus facile d’estimer le coût d’accomplissement de ces objectifs que d’estimer la perte
venant de leur non réalisation. Le coût de réalisation des buts pourrait alors être utilisé comme
une approximation sommaire de la vraie valeur sociale. Même si les estimations sont biaisées, il
y a quelque satisfaction en ce sens que la direc
142

tion du biais est uniforme. Cependant, le biais peut différer substantiellement d’un problème
environnemental à un autre.

La décision sur les objectifs environnementaux est une des poli- tiques. Les croyances politiques
peuvent aussi être exprimées en valeurs marginales. Ainsi, si les politiciens après les discussions
publiques pouvaient décider sur la valeur marginale d’améliorations environnementales, ces
valeurs marginales pourraient être utilisées pour estimer le coût de domma- ge environnemental.

L’art de l’estimation des fonctions de coût des dommages serait rapi- dement amélioré. Pour
plusieurs problèmes environnementaux, le coût de la valeur du dommage peut être trouvé.
Valeurs qui peuvent être utilisées dans le système des comptes satellites tel que nous l’avons vu
précédemment sur la comptabilité verte française.

3.2.4. Le Revenu soutenable

Mäler essaie d’adapter les analyses de Weitzman (1976) de la signification du produit national.
En fait, il est possible de montrer que la mesure du bien-être comme définie ci-dessus est la
consommation maximum qui peut être attein- te si la consommation future ne décroît pas. Ce qui
permet de poser que

\frac{dH^{*}}{dt}=\frac{\partial H^{*}}{\partial k_{1}}\frac{dk_{1}}{dt}+\frac{\partial


H^{*}}{\partial k_{2}}.\frac{dk_{2}}{dt}+\frac{\partial H^{*}}{\partial y_{2}}.\frac{dy_{2}}
{dt} +\frac{\partial H^{*}}{\partial\mu_{1}}\frac{d\mu_{1}}{dt}+\frac{\partial H^{*}}{\
partial\mu_{2}}\frac{d\mu_{2}}{dt}+\frac{\partial H^{*}}{\partial v_{2}}\frac{dv_{2}}{dt}
=r\mu_{1}\frac{dk_{1}}{dt}+r\mu_{2}\frac{dk_{2}}{dt}+rv_{2}\frac{dy_{2}}{dt}=r(H^{*}-
u^{*})

où u’exprime l’utilité le long du sentier optimal. C’est une équation différen- tielle en H^{\cdot}
avec la solution:

H^{*}(t)=r\int_{t}^{\infty}u^{*}c^{-r(\tau-t)}dt

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soit

\int_{t}^{e}H^{*}(\tau)e^{-r(\tau-t)}d\tau=\int_{r}^{e}u^{*}(\tau)e^{-r(\tau-t)}d\tau

La présente valeur de la série d’utilité constante H* est ainsi égale à la valeur maximum actuelle
de l’utilité de la série. Ainsi, H^{*}(t) l’utilité courante maxi- mum qui peut être soutenue est H*
(ou la mesure du bien-être =H*) qui est la mesure du revenu soutenable (en termes d’utilité).

3.2.5. Le développement soutenable

Ainsi qu’il a été dit précédemment, la mesure du bien-être est une mesure du revenu soutenable,
il s’ensuit que le développement soutenable peut être défini comme un développement dans
lequel la mesure du bien-être ne décroît jamais. Ainsi, " le développement économique est
soutenable si et seulement si l’utilité est non décroissante à travers le temps ", dit Mäler.
A partir de l’analyse de la section précédente, il ressort que:

\frac{dNWM}{dt}=r(\mu_{1}\frac{dk_{1}}{dt}+\mu_{2}\frac{dk_{2}}{dt}+\nu_{2}\
frac{dy_{2}}{dt})

De là, l’auteur définit le stock total de capital comme:

K=\mu_{1}k_{1}+\mu_{2}k_{2}+v_{2}y_{2}

Il en résulte que le développement sera soutenable si et seulement si K est non décroissant à prix
constants. Ainsi, le développement soutenable exige que le stock total de capital, (introduit en ler
lieu par Solow 1986), soit non décroissant. Cependant, il n’y a rien dans les analyses précédentes
qui suggère qu’un développement soutenable défini de cette manière est faisable Si par exemple,
m=s. au cas où la ressource est épuisable, et si l’élasticité Valeur relative dere le stock de
ressource et le tépuisable, etsi tula 1, la valeur relative des prix du stock de ressource des autres
capitaux sera telle (1981). En paujours décroissant. Ceci a été analysé par Dasgupta et Heal
Mais, si le particulier, cela signifierait que analysé par Dasgupta est nul Mais, si le progrès
technique est introduit dans le masoutenable esas, le

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développement soutenable peut être réalisable.


Un aspect particulier de cette situation est la règle de Hartwick qui dit que" le développement
soutenable est atteint quand les rentes de situation sur les ressources épuisables sont investies
dans le capital reproductible ". Cette formulation aboutit à une généralisation de la règle de
Hartwick (1990) an cas de ressources renouvelables. Il découle que:

H(X)=rK;

avec H* égale au bénéfice sur tout le capital au temps t. Ce qui veut dire que la mesure du bien-
être national peut être écrite comme suit:

NWM =rK + p(q dk dt + H₂ dk dt (Produit national classique)

- pq3-w(1 + 12 +13)vi₁+V2+v₂ dhya (la correction) dt

Ceci peut être interprété comme le PNN.

CONCLUSION

L’étude de l’auteur a été de créer un cadre d’analyse pour discuter de comment inclure les
ressources environnementales dans le système de comp- tabilité nationale. Il a été trouvé que la
mesure du PNN classique devrait être ajustée dans les voies suivantes :

i) le flux de dommage environnemental devrait être déduit du PNN classique;


ii) la valeur du changement net dans les stocks de tous les capitaux et non seulement du capital
créé par l’homme devrait être ajoutée au PNN clas- sique; En d’autres termes, il faut prendre en
compte, ainsi qu’on l’a vu dans la section 3.2, les changements dans le stock des actifs non
produits par l’homme.

iii) les investissements dans l’extraction des stocks des ressources naturelles devraient tre traités
comme produits intermédiaires;

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taux dans l’économie, devrait être ajoutée.

Avec ces ajustements, il n’est pas nécessaire de déduire les dépenses défensives ou de faire un
autre ajustement similaire. La mesure du bien-être national (NWM) ainsi construit, peut être
interprétée comme le revenu sou- tenable, en ce sens qu’il donne le flux constant maximum
faisable de consommation. En outre, ce flux maximum peut être considéré comme le bénéfice sur
la richesse totale dans l’économie.

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