PROSPECTIVE ET MANAGEMENT

Dans le n° 147 - Mars 2022

Le coaching à l'hôpital: levier de qualité de vie au travail

ou effet de mode ?

Par Dominique ANSOULD et Rémi DELEKTA

Dominique ANSOULD
Directrice des soins et coach professionnelle
Rémi DELEKTA
Ex-directeur des ressources humaines et coach professionnel

Le monde hospitalier n'a jamais autant fait appel au coaching, suivant en cela la
tendance des entreprises du secteur privé. Par ailleurs, le métier de coach
professionnel est en expansion constante, au point que le marché arrive aujourd'hui
quasiment à saturation.
Le coaching: un effet de mode sur base d'un mot chic à consonance anglo-saxonne?
Une tendance de fond durable ? Un moyen incontournable pour équiper les managers
face à la complexité de leur métier ? Un repoussoir pour les détracteurs des méthodes à l'américaine, sans fondement
scientifique ?

Voyons comment l'histoire du coaching peut nous aider à répondre à ces questions.

D'où vient le coaching ?

Les premières mentions du coaching remontent aux années 1950 dans l'univers du show-business, puis du
sport. Le coach prépare l'artiste ou le champion à développer ses performances avec un accompagnement
associant corps et esprit. Puis le coaching apparaît dans le monde professionnel dans les années 1980 pour
les dirigeants qui souhaitent bénéficier d'un coach, comme les grands sportifs, pour développer leurs
performances. En France, le coaching émerge dans l'entreprise à partir des années 1990.

Dans la sphère publique, enfin, le phénomène connaît ses premiers soubresauts il y a une dizaine d'années.
En 2011, la DGAFP publie un rapport sur « le coaching professionnel dans la fonction publique » (définition
et méthodes, bonnes pratiques ministérielles, outils pour agir).

Qu'est-ce que le coaching ?

Le coaching (cf. Le métier de coach , François Delivré, éditions Eyrolles) consiste en une série d'entretiens
entre un client (une personne ou un collectif) et un tiers extérieur, dont c'est le métier (coach). Ces
entretiens ont pour but d'aider le client à atteindre ses objectifs et réussir sa vie professionnelle en trouvant
lui-même ses propres solutions.

Etonnamment, l'origine de ce mot est beaucoup plus proche de nous qu'on ne pourrait l'imaginer. Il est issu
étymologiquement du français « coche » , le fameux véhicule de transport de voyageurs tiré par des
chevaux et conduit par un « cocher » , qui guide les passagers et les aide à franchir les obstacles. Et c'est
bien de cela qu' il s 'agit: le « coach » permet à son client, le « coaché », de surmonter des obstacles, de
dépasser des freins internes

Qu'est-ce que n'est pas le coaching ?

Contrairement au consultant, le rôle principal du coach n'est pas d'apporter du contenu et il ne connaît pas
forcément les aspects techniques du métier du coaché. Il est là pour mettre en oeuvre des processus qui
aident le coaché à dépasser ses obstacles, croître et gagner en efficacité.
Ce n'est pas non plus du mentorat ni du tutorat, qui sont plus volontiers tournés vers la transmission de
savoir et de savoir-faire en position haute, là où le coach adopte une position « basse » (posture d'humilité
qui laisse au client la responsabilité) et décentrée (le coach ne donne pas son avis, il s'efforce d'entrer dans
le cadre de référence du client).

Le coaching se différencie enfin de la psychothérapie dans le sens où il n'a pas pour fonction de toucher à la
structure psychique de l'individu, ni de guérir une souffrance ou une pathologie. Il vise, sur une durée
limitée, un objectif professionnel précis et privilégie donc le « comment » au « pourquoi » . Il se détourne de
fait du passé, pour être davantage ancré dans le présent et tourné vers le futur.

Quelles sont les étapes d'un accompagnement sous forme de coaching ?

Cela commence par un « entretien découverte » entre le coach et le coaché. A l'issue de cet entretien, les
deux parties auront déterminé si le coaching se poursuit ou pas, avec ce coach ou non. Des premiers
éléments concernant les objectifs auront été posés. Ils seront formalisés dans un contrat, à l'occasion d'une
séance tripartite, incluant cette fois-ci le commanditaire (généralement le n+1 ou bien le DRH), posant les
objectifs et indicateurs.

Cadre classique: 6 à 12 séances, environ deux heures, espacées de 2 à 3 semaines.

Durée: 4 à 6 mois. Un coaching a un début et une fin, qui sont contractualisées en amont, cela fait partie du
process. En fin de parcours, l'atteinte des objectifs fait l'objet d'une évaluation, en tripartite, permettant au
commanditaire de se faire une première idée de l'efficacité de l'accompagnement.

NB: un coaching peut être réalisé avec une personne (cas de figure le plus fréquent) ou bien avec une
équipe. Dans les deux cas, le processus est identique.

Quel est le coût d'un coaching ?

La compétence d'un coach professionnel étant rare et élevée, elle se paie. Il faut généralement compter
entre 200 et 500 € de l'heure une prestation de coaching. Des prix plus élevés peuvent se pratiquer pour du
coaching de dirigeants de haut niveau dans certaines branches professionnelles. A l'hôpital public, le
coaching se vend plutôt dans la fourchette basse de cet intervalle. En deçà de 200 € de l'heure, en revanche,
on peut légitimement nourrir des doutes sur le niveau de compétence de l'intervenant ou de l'organisme.

Ainsi à l'hôpital, pour un coaching d'une quinzaine d'heures, il faut généralement compter entre 4.000 et
5.000 €. C'est donc un investissement qui doit se financer dans le cadre d'un plan pluriannuel de QVT.

Coach interne, coach externe - que choisir ?

Des établissements comme le CHU de Dijon ou le CHU de Montpellier ont entrepris de longue date de
mettre en place un pôle de coaching interne. L'idée est de former quelques professionnels au coaching afin
qu'ils puissent, en plus de leur mission principale, réaliser des accompagnements individuels ou collectifs
avec des collègues avec qui ils ont peu (pas) de relation de travail en direct. Cela peut permettre d'engager
des coachings à plus grande échelle avec des coûts raisonnables. En revanche, cela fait courir le risque que
le coach, qui fait partie du système, perde en objectivité et ait plus de mal à adopter une posture décentrée.

Concrètement, qu'est-ce que je gagne à proposer du coaching dans mon

organisation ?
Ce type d'accompagnement peut s'intégrer dans une démarche d'innovation managériale. Il peut aussi et
surtout s'inscrire dans une approche de qualité de vie au travail (QVT), mettant en chair l'une des
conclusions du guide Claris sur la gouvernance des hôpitaux « Mieux manager pour mieux soigner »

Proposer un coaching aux managers hospitaliers est une clef précieuse pour leur émancipation et, partant,
pour l'essor de la QVT, tant il est vrai que l'équipe est à l'image de son chef, et qu'un chef épanoui, c'est
souvent une équipe qui l'est aussi, par reflet systémique. On peut aussi gager qu'une équipe sera d'autant
mieux dans son job qu'elle est bien managée. C'est un enjeu particulier pour certains cadres de santé qui
éprouvent encore aujourd'hui des difficultés à appréhender leur métier de manager au service du soin et
faire le deuil de leur métier initial de soignant.

Ainsi, les CH de Saint-Lô et Coutances ont fait le choix, depuis 2015, d'accompagner chaque année au moins
6 managers (médicaux ou non médicaux). Ils financent également des coachings d'équipe, notamment en
cas d'ambiance de travail dégradée, pour redonner de la motivation et du sens. Les résultats se mesurent
notamment sur le niveau d'absentéisme, qui est généralement plus bas dans les secteurs dont l'équipe
et/ou le manager a bénéficié d'un coaching les années précédentes.

Une idée reçue à combattre: le coaching n'est pas un sésame pour rendre compétent un manager qui ne
l'était pas. Le coaching permet de débloquer des choses, pas d' acquérir de compétences techniques (le
coach peut transmettre des outils de développement professionnel utiles au management, mais uniquement
dans la mesure où ces outils peuvent aider le coaché dans son travail sur lui-même et l'atteinte de ses
objectifs). Le coaching souffre également souvent d'une image en trompe-l'oeil, celle d'un remède miracle
pour récupérer un cas désespéré. "Mon chef me propose un coaching, c'est sans doute qu'il est mécontent
de mes résultats et que la porte n'est pas loin". Le coaching peut certes être envisagé pour contribuer à
résoudre un problème, mais nous le voyons surtout comme une opportunité, un accompagnement précieux
à des moments-clés d'un parcours professionnel. Il trouve toute l'étendue de sa puissance lors d'une prise
de fonction, pour faciliter l'installation du bénéficiaire - ou bien lors de la création d'un service, pour
accompagner toute l'équipe.

NB: un coaching ne fonctionne que s'il est souhaité. Je peux prescrire un coaching ou le recommander, je ne
peux pas l'imposer, sous peine de courir à un échec certain.

Et si ce n'était pas qu'un outil pour les managers ?

Certains organismes proposent depuis quelque temps une formule plus restreinte, parfois appelée « flash
coaching ». Il s 'agit d'un accompagnement moins ambitieux et plus bref: une à quatre séances courtes,
avec une contractualisation moins formalisée, pour permettre de réaliser des objectifs plus limités dans le
temps. On a pu voir émerger ce type d'accompagnement à l'hôpital en 2020, vers la fin de la première
vague. Il peut alors être proposé de manière élargie à tous les professionnels comme outil d'aide et de
soutien individuel.

Exemple de demandes qui peuvent se traiter dans un flash coaching:

retrouver de l'énergie

résoudre un conflit avec un collègue, un collaborateur, un supérieur hiérarchique

prendre une décision sur un sujet délicat (ex: est-ce que je poursuis mes fonctions dans mon service ou
est-ce que j'engage une mobilité ?)

préparer une réunion, une intervention importante.

Quels sont les bénéfices du coaching ?

Qu 'en disent les principaux intéressés, ceux qui ont bénéficié d'un coaching ? Voici quelques verbatims
recueillis par les auteurs à l'issue de plusieurs accompagnements:

« J'ai retrouvé du plaisir à manager » .

« Je me sens beaucoup mieux avec mon équipe »

« J'ai enfin réussi à dire « non » , ce qui m'a permis de dégager un temps significatif sur mon agenda »

« Sans ce coaching, je crois que j'aurais quitté l'hôpital »

« Ces séances m'ont permis d'avoir une meilleure gestion en condition d'audit, ce qui a été remarqué
par mon n+1 »
 « Trop souvent happés par des contraintes prégnantes, une majorité des professionnels exerçant des
fonctions dites à responsabilité ne s'octroie pas suffisamment le temps de l'arrêt sur image » permettant
d'observer sa propre pratique et sa relation aux autres »

Gare aux charlatans ! Quelques éléments pratiques pour ne pas se tromper

d'interlocuteurs
Il peut arriver que certaines personnes s'auto-proclament coachs. Être coach professionnel ne s'improvise
pas. Ce métier exige une expertise sur les processus d'accompagnement, de respecter un référentiel de
compétences et d'être formé spécifiquement pour mettre en oeuvre des outils qui permettent au client de
mettre en oeuvre ses propres solutions.

Un coach a à sa disposition un grand nombre d'outils, dans lesquels il choisit de se spécialiser selon son
identité de coach: la PNL, la Process Communication, le MBTI, la communication non violente, l'analyse
transactionnelle, la Gestalt, la systémique, les pratiques narratives...

Le plus souvent, un coach commence à exercer ce métier après un parcours professionnel et une expérience
managériale significative. L'âge médian d'un coach est d'environ 50 ans - même si on voit apparaître ces
dernières années des professionnels qui se lancent dans le métier de plus en plus précocement.

Combien y a-t-il de coachs en France ?

Ces statistiques sont difficiles à obtenir. D'après un rapport de 2016 (ICF & Price WaterHouseCoopers), on
estime à environ 5.000 le nombre de coachs en activité en France, pour environ 70.000 coachs dans le
monde. Ce chiffre évolue rapidement; chaque année, environ 500 nouveaux coachs sont formés dans
l'hexagone.

Du coup, comment les sélectionner ? Avant de recruter un coach, vous pouvez vous assurer:

Qu'il peut justifier d'un diplôme de niveau master 2 minimum, attestant une formation pointue dans le
champ du coaching (dans une école privée ou une université spécialisée: HEC, Dauphine, organismes
privés reconnus...)

Qu'il est rattaché à un code de déontologie internationale déposé auprès de l'Union Européenne par
une des trois fédérations professionnelles de coaching (ICF, EMCC et SF Coach), à laquelle il adhère.

Qu'il est supervisé, c'est-dire qu'il confronte régulièrement sa pratique et s'inscrit dans une démarche
d'amélioration continue, un élément « d'hygiène du coach » indétachable de son exercice professionnel.
N'hésitez pas à demander à votre coach une attestation récente de supervision. Les fédérations
professionnelles recommandent même que le coach soit accompagné sur le plan thérapeutique, comme
gage de sécurisation du process (partant du principe qu'on ne peut accompagner quelqu'un que si on est
soi-même accompagné et avec un bon niveau d'énergie psychologique).

En conclusion, la progression du coaching semble une tendance s'inscrivant dans la durée, liée au fait que la
pratique managériale se professionnalise et se montre plus complexe et exigeante. Ainsi le coaching a pris
une place croissante dans les parcours de développement des managers. La multiplication des appels
d'offres d'établissements hospitaliers recherchant des organismes de coaching à grande échelle, sur des
programmes pluri-annuels de formation et d'accompagnement des chefs de pôle et autres managers
hospitaliers semble aller dans ce sens. Dans certaines administrations et établissements publics, il
accompagne aussi les réorganisations et les projets de transformation. Le nombre de coachs augmente mais
la demande de coaching aussi, surtout en ces temps troublés pour les hospitaliers qui ont plus que jamais
besoin d'être accompagnés.
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