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Mesure des températures

par méthodes repères

par Gérard BISSON


Chef du service Produits réfractaires à la Société française de céramique
(Centre technique industriel de la céramique)

1. Principe....................................................................................................... R 2 650 – 2
2. Montres fusibles....................................................................................... — 2
2.1 Différents modèles de montres .................................................................. — 2
2.2 Précautions d’emploi................................................................................... — 2
2.3 Intérêt des méthodes repères par rapport aux autres méthodes............ — 3
2.4 Étalonnage ................................................................................................... — 3
2.5 Normalisation .............................................................................................. — 3
3. Crayons et peintures thermosensibles .............................................. — 3
Références bibliographiques ......................................................................... — 4

e domaine de températures concerné par cet article va de 30 °C environ


L (crayons, peintures, etc.) à 2 050 °C (montres, cônes et anneaux).
Les procédés de mesure décrits sont « discontinus » par opposition aux autres
procédés de thermométrie classique (pyromètres, couples thermoélectriques,
etc.) qui, eux, sont continus.
Toutefois, par leurs commodités d’utilisation, les méthodes repères restent
très employées pour le contrôle de l’état de cuisson des produits céramiques
(cas des montres et des cônes) et en métallurgie (cas des peintures et des
crayons).
D’autres méthodes discontinues (cristaux liquides, thermomètres médicaux à
changement de coloration) sont étudiées dans des articles spécialisés du pré-
sent traité.
12 – 2001
R 2 650

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MESURE DES TEMPÉRATURES PAR MÉTHODES REPÈRES ______________________________________________________________________________________

1. Principe températures conventionnelles d’affaissement pour une vitesse de


montée en température spécifiée et dans des conditions de mon-
tage précises et rigoureuses doivent être indiquées par les fabri-
Il est souvent commode de disposer de repères placés dans un cants.
four ou sur une pièce déterminée permettant de connaître le
moment où une zone de température fixée est atteinte. Ces repères
peuvent être des solides présentant une fusion franche ou progres- Les atmosphères de four contenant de la vapeur d’eau sont
sive, des vernis, peintures ou dépôts dont la couleur se modifie, ou particulièrement néfastes à une bonne utilisation des montres
un échantillon dont une propriété physique varie brusquement dans fusibles.
un domaine étroit de températures (ferromagnétisme par exemple).
Les principales réalisations pratiques de ce type sont les montres
fusibles (§ 2) et les revêtements colorés (§ 3). Les cônes pyroscopiques doivent être placés sur un support
réfractaire et scellés avec un coulis réfractaire dont la nature ne doit
On pourra également se reporter en fin d’article aux références avoir aucune action sur le cône. Un espace suffisant doit être laissé
[1], [2], [3], [4], [5], [6], [7]. pour permettre aux cônes de tomber librement. Lors de son utilisa-
tion, le cône doit être fixé de telle manière que l’angle formé avec la
verticale de l’arête ou la face opposée, selon le cas, soit de 8 ± 1 °
2. Montres fusibles (figure 1).
La face ou l’arête des cônes doit être inclinée au dehors, dans la
même position que celle utilisée par le fabricant pour l’étalonnage
Utilisées principalement dans les industries céramiques (sani- des cônes étalons.
taire, vaisselle, réfractaire, etc.), ces montres sont des solides de dif-
férentes formes (barres, anneaux, pyramides, etc.) et de différentes L’assemblage complet support-montres devra être séché, avant
dimensions (de l’ordre de 2 à 6 cm) qui se déforment rapidement d’être placé dans la zone du four où la température est homogène.
par ramollissement à partir d’une température donnée. Généralement, lors de la cuisson de produits céramiques, on uti-
Les indications de ces montres demandent une certaine interpré- lise trois sortes de montres :
tation, car elles dépendent : — les montres de garde qui tombent à une température infé-
rieure à la température de cuisson et qui indiquent l’approche de la
— de la température finale atteinte ;
fin de cuisson ;
— de l’atmosphère du four (oxydante ou réductrice) ;
— les montres de cuisson qui tombent lorsque la température de
— de la vitesse de montée en température (influence de la chro-
cuisson est atteinte ;
nothermie, c’est-à-dire de la cinétique de réaction des phases cris-
tallines en présence) ; — les montres témoins qui tombent à une température supé-
— de l’homogénéité de température du four (position de la montre). rieure à la température de cuisson.
Cette méthode ne permet pas de mesure précise de la tempéra- Des montres de conduite, dont la chute permet de se rendre
ture de cuisson d’un produit céramique, mais elle renseigne avec compte de l’évolution de la température, sont également placées en
précision sur les différents facteurs entrant dans cette cuisson (tem- différents endroits du four.
pérature, temps, atmosphère, etc.). La figure 1 représente schématiquement les différentes positions
Ainsi, le contrôle des cuissons à la Manufacture de Sèvres se fai- qui peuvent être prises par une montre fusible lors de son utilisa-
sait dès 1882 par cette méthode grâce à différents témoins, mais ce tion.
sont les travaux de Seger (1886) qui ont vulgarisé les montres sous L’exemple suivant précise l’influence de la vitesse de montée en
la forme de petites pyramides à base triangulaire. température sur les indications données par un cône.
Actuellement, différents constituants plus ou moins réfractaires Exemple : le cône Orton numéro 12, chauffé en atmosphère oxy-
(kaolin, feldspath, silice, alumine, etc.) permettent de réaliser des dante (four à résistance de platine rhodié) au rythme de 150 °C / h, don-
mesures dans un domaine de températures allant de 600 à 2 000 °C nera pour trois essais : 1 326, 1 327 et 1 325 °C, soit 1 326 ± 1 °C.
environ. Mais, soumis à un chauffage plus lent de 60 °C/h, les résultats seront :
1 308 et 1 308 °C ; puis pour une seconde série : 1 306, 1 305, 1 306
et 1 306 °C, cette série présentant une légère différence de fixation
2.1 Différents modèles de montres des montres sur leur support. Enfin, un chauffage très rapide, de
1 200 °C/h jusqu’à 1 200 °C puis de 150 °C/h ensuite, donne les résul-
On note :
tats suivants : 1 336, 1 338, 1 338, 1 337 °C, ce qui correspond à des
— les cônes Seger (utilisés en Allemagne) ;
écarts plus importants que les dispersions dues aux estimations de
— les cônes Orton (utilisés aux États-Unis) ;
chute et aux erreurs de mesure des températures.
— les montres P.F. (Rhône-Poulenc Industries ; utilisées en
France), distributeur Ceradel-Socor de 600 à 2 000 °C ;
— les montres décimales (Rhône-Poulenc Industries) dont la
numérotation est plus rationnelle ;
— les barreaux Holdcroft 

— les pastilles Watkin  surtout utilisés en Grande-Bretagne.

— les anneaux Buller  8°±1
On a également reporté la série normale des cônes pyroscopi-
ques de référence pour les essais de résistance pyroscopique
(réfractarité) des produits réfractaires, selon la norme ISO 1 146 (de
a b c d
1 500 à 2 000 °C).

a position verticale c position tombée


2.2 Précautions d’emploi
b position pointée d position écrasée
Les cônes pyroscopiques en forme de pyramide triangulaire tron-
quée, aux arêtes rectilignes, sont les plus utilisés (montres P.F.). Les Figure 1 – Différentes positions de cônes Seger

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Le tableau 1 résume ces résultats et précise bien la nécessité de 2.5 Normalisation


définir rigoureusement les conditions d’emploi des montres fusi-
bles.
(0) L’essai de résistance pyroscopique (réfractarité) des produits
réfractaires fait l’objet de normes nationales, européennes et d’une
Tableau 1 – Températures moyennes de chute de cônes norme internationale où sont précisées les conditions opératoires :
Orton numéro 12 en atmosphère oxydante — dimensions de montres ;
— position et scellement ;
Vitesse de Température Dispersion sur Écarts — atmosphère du four ;
chauffage de chute moyens — vitesse de montée en température.
moyenne la chute la mesure Les principales normes sont citées dans l’encadré 1.
de la
température
(°C/h) (°C) (°C) (°C) (°C) Encadré 1 – Principales normes
1 200 1 337 ±1 2 11 (1) ■ Normes européennes
150 1 326 ±1 2 20 (2) Comité européen de Normalisation CEN
EN 993-12 (1997) méthodes d’essai pour produits réfractaires
60 1 306,5 ± 1,5 3 31 (3) façonnés denses. Partie 12 : détermination de la résistance
(1) 11 °C d’écart entre des cônes chauffés à 1 200 °C/h et à 150 °C/h. pyroscopique (réfractarité).
(2) 20 °C d’écart entre des cônes chauffés à 150 °C/h et à 60 °C/h. EN 993-13 (1995) méthodes d’essai pour produits réfractaires
(3) 31 °C d’écart entre des cônes chauffés à 60 °C/h et à 1 200 °C/h. façonnés denses. Partie 13 : spécifications pour cônes pyrosco-
piques de référence pour emploi en laboratoire.
Ces normes ont été reprises par la France (Association Fran-
Les indications fournies par les montres fusibles sont maintenant çaise de Normalisation : AFNOR), par l’Allemagne (Deutsches
combinées et complétées par celle données par des enregistreurs Institut für Normung : DIN) et par la Grande-Bretagne (British
continus de la température et de l’atmosphère des fours (l’enregis- Standards Institution : BSI) :
treur permet de connaître les incidents survenus pendant la montée — NF EN 993-12 (5-1997) et NF EN 993-13 (5-1995) ;
en température du four). — DIN EN 993-12 (6-1997) et DIN EN 993-13 (4-1995) ;
— BS EN 993-12 (1997) et BS EN 993-12 (1995).
■ États-Unis
2.3 Intérêt des méthodes repères American Society for Testing and Materials ASTM
par rapport aux autres méthodes C24-01 Standard Test Method for Pyrometric Cone Equivalent
(PCE) of Fireclay and High Alumina Refractory Materials.
■ Normes internationales
Les méthodes repères (montres, cônes et anneaux), par rapport International Organization for Standardization ISO
aux autres méthodes de thermométrie classiques (pyromètres ou ISO 528 : 12-1983 Produits réfractaires. Détermination de la
thermocouples par exemple), permettent de rendre compte avec résistance pyroscopique (réfractarité).
précision, non seulement de la température à l’intérieur d’un four, ISO 1 146 : 2-1988 Cônes pyroscopiques de référence pour
mais également de l’état de cuisson d’un produit céramique. emploi en laboratoire. Spécifications.
Dans le cas des produits émaillés, ce renseignement est indispen-
sable dans l’appréciation de la fin de cuisson et joue un rôle impor- Les normes nationales et européennes sont, en général, dérivées
tant dans la qualité des pièces obtenues. de la norme internationale ISO 528 qui a servi de base à leur rédac-
Les peintures, vernis et crayons thermosensibles (§ 3), de par leur tion, et ne diffèrent que par quelques détails d’ordre purement
facilité d’utilisation, peuvent être employés dans le cas de pièces rédactionnel.
compliquées ou difficilement accessibles (montages mécaniques).
Toutes ces méthodes présentent, en outre, l’avantage d’être très
bon marché par rapport aux autres méthodes, plus onéreuses.
3. Crayons et peintures
thermosensibles
2.4 Étalonnage

Ces procédés permettent de surveiller l’échauffement de pièces


Les montres fusibles sont étalonnées par le constructeur à l’aide
compliquées, inaccessibles, ou dont on désire connaître la tempéra-
de montres fusibles étalons. Le contrôle doit s’accompagner de pré-
ture de surface ou la répartition de la température.
cautions importantes :
Les possibilités suivantes sont offertes :
— four homogène ;
— vitesse de montée en température connue (150 °C/h) ; — les crayons ;
— les peintures et vernis ;
— croiser deux montres à vérifier avec deux montres étalons.
— les pastilles ;
En avant et en arrière, prévoir deux montres étalons de numéro — les papiers imprégnés.
immédiatement inférieur et supérieur.
Ils subissent, à une température bien déterminée (de ± 1 à ± 5 °C
Les montres étalons sont elles-mêmes contrôlées à partir de point près), un changement de composition (par départ d’eau, de CO2, de
de fusion de fil en métal ou en alliage métallique, voisin de la résis- NH3, etc.) caractérisé par un changement définitif de couleur ; mais
tance pyroscopique (température de fusion) des montres à étalon- ils peuvent être aussi le siège d’une transformation physique provo-
ner. quant une variation réversible de teinte.

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■ Crayons ■ Pastilles
Les modèles les plus courants se présentent sous la forme de Si l’on craint une détérioration rapide de la peinture par l’atmos-
crayons. phère du four ou la durée du chauffage, on peut utiliser des pastilles
● Crayons thermiques (distributeur Bioblock Scientific) : 10 dont la fusion brusque permet de repérer la température atteinte.
modèles échelonnés de 120 à 600 °C. ● Tempil pellets (fabricant : Tempil) : ils s’échelonnent de 52 à
● Tempilstiks (distributeur : Jean Brel S.A., fabricant : Tempil) : la 982 °C.
trace déposée sur le support se liquéfie à une température connue
● Pastilles de 37 à 290 °C (distributeur Bioblock Scientific) : près
(105 modèles) de 30 à 1 371 °C ; précision 1 %).
de 50 modèles.
■ Peintures et vernis
■ Papiers imprégnés
Il est souvent commode d’utiliser des vernis ou des peintures.
● Tempilaq (fabricant : Tempil) : vernis fondant à une tempéra-
Il existe aussi des papiers imprégnés de produits thermosensibles
ture fixe (de 52 à 871 °C). utilisables directement comme les papiers pH ou présentés dans un
petit tube de verre scellé.
● Thermindex (distributeur : Prométron, fabricant : Synthetic and
Industrial Finishes Ltd) : peintures changeant irréversiblement (sauf ● Le Thermopaper et le Thermotube virent irréversiblement du
deux modèles) de couleur avec une précision de l’ordre de ± 5 °C. blanc au noir en une fraction de seconde avec une précision ± 1 %
Certaines de ces peintures présentent plusieurs changements de pour des températures allant de 50 à 250 °C environ (40 modèles)
teintes à différentes températures, fait qui peut être intéressant pour distributeurs : Jean Brel S.A. ; Prométron.
dégrossir rapidement un problème. 15 modèles sont disponibles de ● Le Thermatab (distributeurs Jean Brel S.A., Prométron) est une
70 à 800 °C. jauge de température, virant au noir lorsque la température inscrite
● Kit de peinture thermique (distributeur Bioblock Scientific) : sur le tube est atteinte. Précision ± 1 °C. Gamme 43 °C à 232 °C.
gamme de produits à changements multiples entre 135 et 1 100 °C. Choix entre 34 modèles.

Références bibliographiques

[1] CHÉVENARD (P.), de la CONDAMINE (C.), [3] BEERMAN (H.P.). – Calibration of pyrometric ment physicochimique des cônes Seger).
ŒRTIER (J.) et GÉRARD (M.). – Compte rendu cones (Étalonnage de montres fusibles). Tonindustries Zig 77 n° 21-22, p. 353.
du congrès du Chauffage Industriel. Chaleur J. Am.Ceram. Soc. (USA) 39 fév. 1956 p.
Industrie (F) juil. 1923. 47-54 6 fig.10 tab. bibl. (5 réf.). [6] LEROUX (J.P.). – La luminescence des solides
[4] FAIRCHILD (C.O.) et PETERS (M.F.). – Charac- et la détermination des températures de sur-
[2] WINTERER (M.) et POPINEAU (R.). – Les teristics of pyrometric cones. J. Am. Ceram. face. La Nature (F) n° 3 324 avr. 1962 p. 179-88
montres fusibles. Les arts du Feu (F) 1938 et Soc. (USA) 9 N° 11, nov. 1926 p. 700.
Publ. Techn. Rhône-Poulenc (F) févr. 1939 58 [5] BUNZEL (E.G.). – Das physikalisch-chemis- [7] NORTON (F.H.). – Refractories (Réfractaires)
p. 31 fig. 12 tabl. bibl. (41 réf.). che Verhalten der Segerkegel (Comporte- 1949 McGraw-Hill.

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