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Histoires familiales, histoire nationale : effets de miroir

sur les scènes hispanophones contemporaines


Appel à communication

Colloque organisé par Fanny BLIN et Anne Laure FEUILLASTRE

Université Gustave Eiffel, LISAA (EMHIS)


Sorbonne Université, CRIMIC (Iberhis y LALE)

Jeudi 25 et vendredi 26 mai 2023

La prégnance du motif familial dans les représentations dramatiques dès l’Antiquité s’est
cristallisée depuis le tournant contemporain autour du jeu d’échelle entre famille et nation, offrant
un champ de recherches particulièrement riche. C’est pourquoi ce colloque organisé par
l’Université Gustave Eiffel et Sorbonne Université choisit d’examiner, dans le théâtre espagnol
et latino-américain aux XXe et XXIe siècles, les rapports étroits entre la représentation des crises
familiales et la mise en scène des conflits nationaux.

Perçue comme la première unité et institution sociale, la famille inspire sans cesse la
dramaturgie, qui fonctionne notablement comme miroir des sociétés et de leurs mutations. La
stabilité politique comme le sentiment national dépendent en partie des valeurs transmises dans
les familles :

Es la familia, en efecto, el primer núcleo de transmisión de valores sociales; por tanto, la futura
estabilidad de la nueva situación política estará vinculada a la modificación de los contenidos
transmitidos por ella. La sintonía entre los valores familiares y políticos constituye la garantía
de supervivencia del nuevo sistema.1

Avec les débats mémoriels venus agiter les nations de l’aire hispanique, le jeu de miroir entre
historiographie et histoires de famille a été particulièrement exploité. C’est celui-ci qui reflète la
question de l’écriture et de la recherche sur le passé dans de nombreuses pièces, venant parfois
écorner la validité de ce qu’écrivait Honoré de Balzac : « La base des sociétés humaines sera
toujours la famille ».

1 Julio
Iglesias de Ussel, « La familia y el cambio político en España », Revista de estudios políticos, n° 67, janvier-
mars 1990, p. 236.

1
Les études théâtrales, l’histoire culturelle, la sociopoétique et la philologie ont convergé pour
mettre en évidence les échos entre la scène et l’histoire, notamment en période de crise au sein
d’une communauté. En effet, lorsque le corps national est mis à mal par un conflit, quelle qu’en
soit sa nature, la cellule familiale – dans sa grande diversité de formes – est souvent disséquée
sur les planches, chambre de résonnance des préoccupations au sujet de l’appartenance des
individus à une communauté (Pelletieri). La crise de la famille traditionnelle, la richesse des
nouveaux modèles (Roudinesco) et la désintégration de sa structure de base viennent ainsi refléter
et alimenter les conflits historiques des XX e et XXIe siècles. Dès lors c’est bien l’inscription de
l’individu dans un collectif, vecteur de questionnements sur l’identité (Ragué Arias), qui est
théâtralisée et problématisée dans de nombreuses pièces hispanophones. Celles-ci mettent en
scène d’une part les tensions familiales et intergénérationnelles et, d’autre part, les déchirements
et recompositions des liens sociaux (Barriera), notamment après des guerres, des exils, des
migrations (Parola), des luttes conçues comme fratricides ou tout autre conflit au niveau local ou
national.

Ces dernières années, la famille a été au cœur de divers événements scientifiques au sein de
l’hispanisme2, et au-delà de nos disciplines, la question du rapport à l’histoire nationale a été
soulevée, mais surtout dans le roman. Dans le prolongement de ces repères, il semble intéressant
de porter sur le théâtre, comme espace de représentation et miroir de la nation, une attention
particulière. Ce colloque se propose donc de considérer, à travers le théâtre, les façons dont les
familles se racontent et s’approprient leur passé commun en rapport avec l’Histoire nationale.
Réciproquement, on interrogera l’incidence des crises historiques sur les relations et les destins
familiaux. Les communications pourront analyser entre autres : les représentations des conflits
intérieurs et politiques qui déchirent les familles (nucléaires ou plus larges) ; celles des tensions et
des révoltes contre la structure filiale et idéologique (envisagée comme « lieu clos » aliénant) ;
celles des parricides ou des affrontements symboliques ; mais aussi celles des réconciliations et
des réunifications familiales en lien avec l’Histoire. Cela suppose de définir les contours de la
famille, en faisant résonner les analyses sur le théâtre hispanophone au-delà des frontières et des
spécificités nationales. Le projet porte l’ambition de mettre en lumière les convergences du
théâtre qui tisse des ponts entre Histoire collective, filiation et identification. Notamment, il
s’agira de questionner l’universalité de ce rapport métonymique entre famille et nation (Bestard
Comas), ainsi que la validité des liens et du sentiment d’appartenance à la famille et à la nation
en contexte de crises historiques et mémorielles.

De quelle manière la scène hispanophone reflète-t-elle une interaction renouvelée entre


famille, société et histoire ? Que représente la famille au théâtre et quels liens désigne-t-elle
exactement ? Que permet cette métonymie et en quoi la cellule intime permet-elle d’extrapoler
la représentativité d’un fonctionnement national ? Comment les évolutions de l’image des liens
générationnels sur la scène hispanophone contemporaine sont-elles symptomatiques de nouveaux
rapports à l’idée de nation ? La redéfinition des familles par rapport au modèle traditionnel a-t-
elle un effet sur le rapport des individus à l’histoire nationale ?

2
En particulier pour les colloques « Famille(s) dans le monde hispanique contemporain » (Université de Bourgogne,
2017), « Familias profanas, nuevas constelaciones en la literatura hispánica actual » (Université de Lausanne et de
Strasbourg, 2017) ou encore « Migrations : une histoire de famille » (Université Paris-Nanterre, 2018).

2
Depuis diverses perspectives (textes, spectacles, réception, histoire culturelle), les axes
suivants, qui ne se veulent pas exhaustifs, constituent les pistes de réflexion envisagées pour ce
colloque :
- Représentations des déchirements familiaux et sociaux : liens intergénérationnels
rompus, répétition des schémas familiaux en rapport à l’Histoire, rapports verticaux, exil
et éclatement de la cellule familiale, réunification ou réconciliation.
- Les échelles de l’Histoire : tensions entre macro-Histoire collective et les histoires plus
personnelles, intimes. Question de l’écriture du passé dans un miroir entre privé et public.
- Mémoire privée / mémoire publique : luttes mémorielles et marginalisation, histoire
officielle, mécanismes de l’oubli, famille comme espace de transmission de contre-
histoires, familles aux commandes de la recherche sur le passé.
- Le témoignage et le document dans le théâtre historique : question de la véracité du
témoignage, des souvenirs et de l’expérience, modalité du théâtre documentaire.
- Rapport à la « langue familiale » : au-delà des langues parlées en famille, interaction
des codes privés avec les codes publics, nationaux, définissant une sous-communauté.
- Les nouvelles familles : les familles post-patriarcales dans le théâtre espagnol et latino-
américain, transmission idéologique ou dépassement de l’héritage familial.

Les propositions de communications, en français ou en espagnol (titre + résumé de 300 mots


environ), sont à adresser avant le 15 septembre 2022 à :
Fanny BLIN (LISAA) : fanny.blin@univ-eiffel.fr
et
Anne Laure FEUILLASTRE (CRIMIC) : anne-laure.feuillastre@sorbonne-universite.fr

Les réponses seront communiquées avant novembre 2022.

Comité scientifique : (en cours d’élaboration)


Fanny BLIN, LISAA, Université Gustave Eiffel
Dominique BRETON, AMERIBER, Université Bordeaux Montaigne
Laurence BREYSSE-CHANET, CRIMIC, Sorbonne Université
Gabriela CORDONE, Université de Lausanne, Suisse
Fernando DOMÉNECH RICO, RESAD, Madrid.
Anne Laure FEUILLASTRE, CRIMIC, Sorbonne Université
Daniel LECLER, LISAA, Université Gustave Eiffel
David MARCILHACY, CRIMIC, Sorbonne Université
César OLIVA, Universidad de Murcia
Isabelle RECK, ITI CREAA, Université de Strasbourg
Diego SANTOS SANCHEZ, Universidad Complutense de Madrid

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