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Traumatismes Cranioencéphaliques
Traumatismes Cranioencéphaliques
Traumatismes cranioencéphaliques
H. Vinour, M. Srairi, V. Lubrano, T. Geeraerts
Plan Introduction
■ Introduction 1 Le traumatisme crânien (TC) est une pathologie d’incidence
■ Épidémiologie 1 élevée, dont les conséquences en termes de morbimortalité sont
■
considérables. Tous les acteurs de la chaîne de soins sont concernés
Physiopathologie, biomécanique 2
et jouent un rôle primordial. Du lieu de l’accident à la réanima-
Classification des traumatisés crâniens 2
tion spécialisée en cas de TC grave, en passant par les services
Lésions encéphaliques primaires 2
d’urgences et les services de neurochirurgie ou de neurologie, la
Lésions encéphaliques secondaires 2
prise en charge médicale et chirurgicale a un rôle majeur.
■ Autorégulation cérébrale 3 Il est classique de diviser cette entité en trois groupes de défi-
Rappel physiologique : mécanismes de régulation 3 nition et de prises en charge spécifiques : le traumatisme crânien
Application en pathologie 3 grave (TCG), le TC modéré et le TC léger. Les deux dernières caté-
■ Concept d’agression cérébrale secondaire d’origine gories de patients sont regroupées sous l’acronyme anglais MMTBI
systémique 4 pour « Mild to Moderate Traumatic Brain Injury ». L’orientation
■ Évaluation initiale et orientation 4 et la surveillance des patients vers une structure de soins adaptée
Évaluation clinique initiale de la gravité du traumatisme crânien 4 et une prise en charge optimale dans les premières heures sont
Classification de Masters 5 primordiales.
Orientation vers un centre spécialisé 6
■ Imagerie 6
Tomodensitométrie cérébrale 6 Épidémiologie
Imagerie par résonance magnétique 7
■
L’incidence annuelle du traumatisme crânien en France est
Prise en charge thérapeutique 7
de 155 000 cas, engendrant chaque année quelque 8000 décès et
Traumatismes crâniens légers ou modérés 7
4000 comas. Environ 4 % de ces patients décèdent immédiate-
Indications chirurgicales en urgence 8
ment sur les lieux du traumatisme, 9 % sont des TCG c’est-à-dire
Principe de prise en charge en réanimation 8
évalués par un score de Glasgow inférieur strictement à 9 [1] , et
Monitorage 8
plus de 80 % sont des MMTBI [2] . Cette dernière catégorie est domi-
■ Séquelles et pronostic 9 née par les TC légers [3] . Ces caractéristiques épidémiologiques
Séquelles 9 se retrouvent dans tous les pays développés, notamment aux
Pronostic 9 États-Unis [3] . Dans le monde, l’incidence dépasse 10 millions de
■ Conclusion 10 personnes par an. Les causes restent dominées par les accidents
de la voie publique (50–60 %), les chutes (20–30 %), les accidents
de sport et loisirs (10–20 %), et enfin les violences et agressions
(10 %) [4–6] . Le traumatisme crânien est la première cause de décès
EMC - Neurologie 1
Volume 11 > n◦ 1 > janvier 2014
http://dx.doi.org/10.1016/S0246-0378(13)59710-7
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17-585-A-10 Traumatismes cranioencéphaliques
et de handicap chez l’adulte avant 35 ans, avec une nette prédomi- • Hématome sous-dural aigu (HSD) : il est le plus souvent en
nance masculine du fait de la surreprésentation des hommes dans relation avec une rupture des veines corticales superficielles
les accidents de la voie publique et dans les activités sportives [6, 7] . (rarement les artères), synonyme de lésions parenchymateuses
Toutefois, l’incidence du traumatisme crânien chez le sujet âgé corticales associées. Son évolution est rapidement progressive,
est croissante (par le biais des chutes), du moins dans les pays et responsable le plus souvent de tableaux cliniques graves
développés [5–7] . Le devenir de ces patients reste sombre dans les d’emblée. Il est rarement isolé.
cas les plus graves : 60 à 75 % des TC graves ne retrouvent qu’une • Contusion cérébrale : lésion des petits vaisseaux intraparen-
réintégration socioprofessionnelle pauvre ou mauvaise [7] , et une chymateux et des tissus, responsable d’une altération de la
grande majorité des MMTBI souffre de séquelles somatiques ou microcirculation, associée le plus souvent à une rupture de la
cognitives potentiellement responsables d’un handicap sociopro- barrière hématoencéphalique (BHE).
fessionnel [8] : ainsi, 20 à 40 % des TC légers présentent des troubles • Hémorragie sous-arachnoïdienne post-traumatique : elle corres-
neuropsychiatriques à trois mois du traumatisme [9] . pond à une rupture des veines corticales et est souvent diffuse.
Cette pathologie est donc un enjeu majeur de santé publique. Fréquente, elle constitue un risque d’hydrocéphalie secondaire.
À titre d’exemple, chaque TC grave représente une charge éco- Elle est un signe de gravité.
nomique globale chiffrée à 400 000 dollars par personne aux Il est à noter que les lésions décrites ici s’appliquent surtout
États-Unis, s’il est tenu compte de la gestion du handicap, de la aux TC graves et modérés. Les TC légers se distinguent notam-
perte de productivité, des frais médicaux et de la rééducation [7] . Le ment par la possible absence de lésion au scanner cérébral effectué
traumatisme crânien (quelle que soit sa gravité initiale) est évoqué dans les premières 24 heures, correspondant ainsi à la catégorie de
comme facteur favorisant la démence [6] . Marshall I [3, 9, 13, 14] .
Les lésions d’accélération/décélération sont des lésions axo-
nales et vasculaires diffuses. Elles sont la conséquence d’une
Physiopathologie, biomécanique compression et d’un étirement du parenchyme cérébral et des
vaisseaux, liés à un déplacement de l’encéphale à l’intérieur de la
boîte crânienne. Elles peuvent siéger dans les hémisphères céré-
Classification des traumatisés crâniens braux, le corps calleux, le tronc cérébral et le cervelet [15] . Il en
Il existe plusieurs approches de classification [5] du traumatisé résulte une interruption de la transmission nerveuse si l’axone est
crânien en fonction de l’axe considéré : complètement détruit. Ces lésions sont directes (axonotomie lors
• le mécanisme : il permet de distinguer les traumatismes fermés du traumatisme), ou secondaires (liées à une agression cérébrale
et pénétrants d’une part, les chocs ou explosion (blast) d’autre secondaire).
part ; Elles sont associées à un risque élevé de séquelles neurologiques
• la sévérité clinique appréciée par l’échelle de Glasgow (Glas- à long terme et sont donc de mauvais pronostic. Elles sont fré-
gow Coma Score [GCS]) et par des scores de gravité lésionnelle quemment retrouvées chez les patients en état paucirelationnel
résumant les lésions associées dont l’un des plus robustes est post-traumatique [16] .
l’Abbreviated Injury Scale (AIS) avec sa composante crânienne
spécifique appelée H-AIS pour Head Abbreviated Injury Scale ;
• les lésions au scanner cérébral initial décrites selon la classifi- Lésions encéphaliques secondaires
cation de Marshall, fondée sur la Traumatic Coma Data Bank
Elles sont intimement liées et se subdivisent en trois types :
(TCDB) qui est une base de données américaine multicen-
l’œdème cérébral post-traumatique, les lésions ischémiques céré-
trique [10] ;
brales, et la mort cellulaire retardée.
• le type de lésions encéphaliques réparties en primaires (directe-
ment liées au mécanisme du traumatisme) et secondaires (liées
à l’apparition de mécanismes secondaires aggravant les lésions Œdème cérébral post-traumatique
initiales) ;
Dans le cerveau normal adulte, l’eau est distribuée dans plu-
• la classification par pronostic prédit en fonction de la présence
sieurs compartiments : le liquide céphalorachidien (LCR) (environ
de critères validés dans des modèles pronostiques spécifiques
75 à 100 ml), le sang (75 à 100 ml), le secteur intracellulaire
du traumatisé crânien [5, 7] . Les deux modèles les plus solides
(1100 à 1300 ml), et le secteur interstitiel (100 à 150 ml). Les
sont dérivés de l’étude CRASH (Corticosteroid Randomisation
mouvements d’eau entre ces différents compartiments sont déter-
After Significant Head injury) [11] et du groupe IMPACT (Inter-
minés par des gradients de pressions osmotique et hydrostatique.
national Mission for Prognosis and Analysis of Clinical Trials in
L’apparition de l’œdème cérébral post-traumatique est un phéno-
traumatic brain injury) [12] .
mène complexe faisant intervenir des modifications moléculaires
et cellulaires cérébrales, ainsi que des modifications structurelles
Lésions encéphaliques primaires et fonctionnelles de la BHE [17] . L’œdème peut concerner le secteur
interstitiel cérébral, les neurones ou les cellules gliales. L’œdème
Le mécanisme responsable du traumatisme crânien est cérébral apparaît secondairement au traumatisme.
soit un impact direct, soit le résultat d’un phénomène On distingue cinq types d’œdèmes :
d’accélération/décélération. Ces lésions touchent aussi bien les • vasogénique : lésion de la BHE responsable de l’accumulation
vaisseaux, les axones, que les cellules nerveuses et gliales. de solutés riches en protéines dans l’espace extracellulaire. Il est
Un impact direct est responsable de lésions de contact. Il retrouvé en association avec les contusions ;
entraîne une déformation ou une rupture des enveloppes pou- • cytotoxique : entrée d’eau dans le secteur intracellulaire ;
vant conduire à des lésions de type fracture du crâne, hématome • hydrostatique : par augmentation de la pression transmurale
extradural (HED) ou hématome sous-dural (HSD). L’énergie du vasculaire ;
choc peut alors se transmettre à l’encéphale sous-jacent, et être à • osmotique : par diminution de l’osmolalité plasmatique (apport
l’origine de lésions intraparenchymateuses (contusions). de solutés hypotoniques ou syndrome de sécrétion inappro-
• Hématome extradural (HED) : il est le résultat d’une fracture du priée d’hormone antidiurétique) ;
crâne (le plus souvent l’os temporal), associée à une section de • interstitiel : par extravasation périventriculaire (hydrocépha-
l’artère méningée moyenne (plus rarement de la veine). Sa gra- lie).
vité résulte de la rapidité de sa constitution, le sang accumulé Lors du traumatisme crânien, l’œdème peut être focal, comme
entre la dure-mère et la voûte crânienne venant comprimer bru- dans le cas des contusions où il est essentiellement d’origine cyto-
talement le parenchyme cérébral sous-jacent ne permettant pas toxique ; limité à un hémisphère ; ou diffus, d’origine congestive.
aux mécanismes d’adaptation de se mettre en place. Il se carac- Son incidence varie de 10 à 40 % selon les études. Il est
térise par un « intervalle libre » de tout symptôme, jusqu’au souvent associé à des lésions primaires sévères, et à des événe-
moment où le volume de l’hématome n’est plus toléré menant ments secondaires comme une hypotension artérielle ou une
ainsi à l’engagement cérébral. hypoxémie [15] .
2 EMC - Neurologie
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17-585-A-10 Traumatismes cranioencéphaliques
Tableau 1.
Diminution pression artérielle Seuils et durée des agressions cérébrales secondaires d’origine systémique
(d’après l’université d’Édimbourg [27] ).
Agressions Paramètres Seuils Durées
Diminution de la secondaires
pression de perfusion Hypoxémie SaO2 ≤ 90 % 5 min
cérébrale PaO2 ≤ 60 mmHg 5 min
Hypotension Pression artérielle ≤ 90 mmHg 5 min
artérielle systolique ≤ 70 mmHg 5 min
Pression artérielle
Augmentation moyenne
Vasodilatation
de la pression Hypertension Pression artérielle ≥ 160 mmHg 5 min
cérébrale
intracrânienne artérielle systolique ≥ 110 mmHg 5 min
Pression artérielle
moyenne
Hypercapnie PaCO2 45 mmHg 5 min
Augmentation Hypocapnie PaCO2 ≤ 22 mmHg 5 min
du volume sanguin Fièvre Température ≥ 38 ◦ C 1 heure
cérébral
SaO2 : saturation en oxygène de l’hémoglobine dans le sang ; PaO2 : pression
Figure 2. Cercle délétère de Rosner [111] . partielle d’oxygène dans le sang artériel.
L’apparition de lésions cérébrales secondaires faisant suite Évaluation clinique initiale de la gravité
aux lésions primaires est favorisée par de nombreux facteurs
décrits sous le terme d’agressions cérébrales secondaires. Ces du traumatisme crânien
lésions secondaires s’ajoutant aux lésions primitives vont aggra-
La première étape est anamnestique. En effet, une importance
ver le pronostic vital et fonctionnel des patients présentant
particulière doit être accordée aux éléments suivants : l’âge de la
un TC. Elles peuvent survenir dans les minutes, les heures
victime, l’étiologie et le mécanisme du traumatisme, l’existence
ou les jours suivant le traumatisme. Ces aggravations peuvent
de facteurs aggravants tels que la prise d’anticoagulants, la prise
être d’origine intracrânienne (hématome, tumeur, hypertension
d’alcool, de psychotropes ou une sédation administrée par les
intracrânienne, vasospasme post-traumatique, convulsion, infec-
secours. Ces données sont importantes car elles peuvent orien-
tion), mais également d’origine extracrânienne. On parle alors
ter d’emblée vers une gravité particulière et/ou biaiser l’examen
d’agressions cérébrales secondaires d’origine systémique (ACSOS).
neurologique.
L’université d’Edimbourg [27] a développé, pour les patients de neu-
roréanimation, une échelle de gravité permettant de donner des
valeurs seuils pour ces différents paramètres (Tableau 1).
Examen neurologique initial
Les recommandations pour la prise en charge des traumatisés Il est basé essentiellement sur le niveau de conscience du sujet,
crâniens graves [28, 29] préconisent le contrôle strict de ces agres- l’état pupillaire et l’existence de signes de focalisation.
sions secondaires afin d’éviter l’apparition des lésions ischémiques Le Glasgow Coma Score (GCS) est une échelle qui mesure le
cérébrales. Ces objectifs sont toutefois parfois difficiles à obtenir, niveau de conscience du traumatisé crânien. Elle est reconnue
surtout durant la phase préhospitalière. comme étant un critère fiable et prédictif de mortalité [32] . Elle
Parmi les ACSOS, deux semblent particulièrement délétères : se fonde sur l’évaluation de la réponse motrice à la stimula-
l’hypotension artérielle et l’hypoxémie. tion douloureuse, la réponse verbale, et l’ouverture des yeux. La
Les hypotensions artérielles préhospitalières, mais aussi celles réponse motrice est un critère majeur dans l’évaluation de la gra-
survenant en intrahospitalier paraissent associées à une augmen- vité. La méthode de stimulation nociceptive validée est la pression
tation de la mortalité [30] . Elles surviennent pourtant chez plus de appuyée au niveau sus-orbitaire ou la pression du lit unguéal avec
40 % des patients. L’hypotension artérielle, définie le plus souvent un stylo. Ce score s’étend de 3 à 15, mais doit contenir la descrip-
par une pression artérielle systolique inférieure à 90 mmHg, est un tion chiffrée de ses trois composantes. Il permet une surveillance
facteur de risque indépendant de mortalité au même titre que le de ces patients, facilement réalisable par le personnel paramédical.
score de Glasgow initial ou les modifications pupillaires. Classiquement, un traumatisme crânien est qualifié de « grave »
L’hypoxémie survient chez environ 20 % des TC graves [31] . si le GCS est inférieur ou égal à 8, « modéré » entre 9 et 12, et
Les causes en sont multiples : trouble central de la commande « léger » de 13 à 15 (Tableau 2).
ventilatoire, inhalation bronchique, obstruction des voies L’examen des pupilles doit relever la taille, la symétrie et la
aériennes, traumatisme thoracique associé. Elle est associée à une réactivité. L’existence d’une mydriase uni- ou bilatérale doit faire
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Traumatismes cranioencéphaliques 17-585-A-10
Ces critères s’appliquent aux patients Glasgow 14 et 15 (un seul critère est suffi- Imagerie par résonance magnétique
sant).
NEXUS-II : National Emergency X-Radiography Utilization Study II. L’imagerie par résonance magnétique [1, 61] (IRM) n’a pas que peu
d’indication en urgence. En effet, bien que la sensibilité de l’IRM
soit supérieure à celle de la TDM pour diagnostiquer les lésions
de la substance blanche, son bénéfice en termes d’implication
délai de réalisation et nombre de TDM, protocoles thérapeu- thérapeutique et d’amélioration du pronostic n’est pas établi [9] .
tiques. Cette hétérogénéité rend difficile un consensus clair Cependant, elle constitue un examen de choix à distance du
concernant l’imagerie. Dans le but de clarifier les indications de traumatisme, dans l’évaluation du pronostic fonctionnel et la
TDM, Livingston et al. [49] ont colligé dans une étude prospec- compréhension des troubles neurologiques [62] .
tive multicentrique à propos de 2152 traumatisés crâniens (de
Glasgow 14 ou 15 avec une amnésie des faits et/ou une perte
de connaissance) le résultat de la TDM cérébrale à l’admission
ainsi que l’évolution neurologique (évolution vers des séquelles
Prise en charge thérapeutique
neurologiques, nécessité d’une réanimation spécifique ou d’une Traumatismes crâniens légers ou modérés
intervention neurochirurgicale). Parmi les 1664 patients ayant
une TDM cérébrale normale à l’entrée aux urgences, un seul néces- La prise en charge doit suivre les recommandations et le triage
sitera une craniotomie et 33 autres une réanimation spécifique des patients en fonction de la gravité et des lésions associées.
(ventilation, sédation, surveillance en neuroréanimation) por- Comme nous l’avons vu, la surveillance des patients présentant
tant la valeur prédictive négative d’une TDM à plus de 99 %. des critères de gravité est indispensable, et l’imagerie doit être
L’absence de précision du délai de réalisation de l’examen neu- répétée en cas d’aggravation de l’examen neurologique. En pra-
rologique et de la première TDM cérébrale constitue un manque tique, sur la base des études précédemment citées (cf. paragraphe
important de cette étude. Par contre, les signes cliniques n’étaient « Tomodensitométrie cérébrale ») et en intégrant le travail de
pas corrélés à la présence d’une anomalie radiologique, plaidant Masters et al. [44] , il est possible de proposer la gestion suivante
en faveur de la réalisation d’une TDM cérébrale à l’entrée chez (Fig. 3).
tous les patients. Outre le problème de la réalisation systéma- Les patients du groupe 1 de Masters sont autorisés à retour-
tique de la TDM cérébrale à l’entrée, le deuxième problème est ner à domicile après information sur les signes de complications
de savoir s’il faut répéter systématiquement cet examen et si neurologiques et après vérification de la présence d’une tierce per-
oui à quel intervalle. Dans le travail de Brown et al. [51] , la TDM sonne à domicile qui assurera la surveillance, en raison du risque
était répétée systématiquement dans 81 % des cas avec un inter- très faible de complications [44] . Les instructions de sortie, résu-
valle moyen de 38 heures. Dans le groupe « TC léger » (score de mées dans une fiche mise à disposition par la Société française
Glasgow compris entre 13 et 15) comprenant 142 patients, il n’y de médecine d’urgence [63] incitent le patient et/ou son entourage
avait pas de différence de mortalité entre les patients bénéficiant à consulter en urgence en cas d’apparition des signes suivants :
d’une TDM répétée systématiquement et les autres patients. Par maux de tête, somnolence, vomissements, difficulté à bouger un
ailleurs, les TDM répétées en routine n’induisaient aucune modifi- membre, troubles visuels, démarche anormale, perte de connais-
cation thérapeutique, ni médicale, ni chirurgicale dans ce groupe, sance.
faisant conclure qu’une telle pratique n’était pas nécessaire. La Les patients du groupe 2 – les plus difficiles à prendre en charge
conduite dans le cas du « TC modéré » est moins claire car bien que en raison du faible niveau de preuve de la littérature – sont hos-
les TDM répétées systématiquement n’entraînent aucune modi- pitalisés pour une surveillance minimale de 24 à 48 heures, et la
fication thérapeutique, il est noté une aggravation des images TDM cérébrale est indiquée en cas de dégradation neurologique.
radiologiques dans 33 % des cas. Si pour certains centres, la TDM La question d’une TDM systématique à l’arrivée aux urgences
est systématique pour tous les TC légers [51] , Stein et al. [54] ont en cas d’examen neurologique strictement normal est controver-
cherché à déterminer les critères indiquant la réalisation de cet sée. Du fait de l’absence de parallélisme anatomoclinique montré
examen à l’entrée chez des patients dont le score GCS est de 14 par Livingston et al. [49] , la prudence veut que ces patients béné-
ou 15. Pour ce faire, les auteurs ont comparé six algorithmes exis- ficient d’une TDM systématique à l’admission, répétée en cas
tants visant à prédire l’absence de lésion intracrânienne d’une de dégradation neurologique. La répétition systématique de la
part et le caractère chirurgical d’une éventuelle lésion intracrâ- TDM n’apporte par contre pas de bénéfice [51] sauf, et par ana-
nienne d’autre part. La meilleure combinaison de sensibilité et de logie avec le TCG, si la première TDM a été réalisée moins
spécificité est permise par les règles de l’étude NEXUS-II (Natio- de trois heures après le traumatisme. Une TDM cérébrale nor-
nal Emergency X-Radiography Utilization Study II) [55] et celles du male au-delà de la sixième heure après le traumatisme chez un
Scandinavian Neurotrauma Committee Guidelines [56] avec une patient à l’examen neurologique normal serait un critère per-
sensibilité pour la détection d’hématomes de 100 % et 99 % res- mettant d’affirmer que le risque d’aggravation secondaire est très
pectivement. Les critères imposant la réalisation d’une TDM dans faible [49] .
ce sous-groupe de patients sont détaillés dans le Tableau 4. À Les patients du groupe 3 doivent bénéficier d’une TDM céré-
l’inverse, les recommandations de l’Advanced Trauma Life Sup- brale en urgence et d’un avis neurochirurgical. Le transfert en
port (ATLS) imposent d’effectuer une TDM cérébrale à l’admission service spécialisé se discute au cas par cas en fonction de l’état
chez tous les TC légers sans passer par cette étape de calcul du neurologique et des lésions radiologiques par le réanimateur et le
risque [34] . neurochirurgien.
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Indications chirurgicales en urgence L’engagement cérébral est une urgence thérapeutique reposant
sur l’osmothérapie afin de diminuer rapidement la PIC en atten-
Certaines indications restent formelles et justifient un transfert dant un transfert vers un centre spécialisé pour un traitement
rapide vers un centre de neurochirurgie [28] : spécifique. Le mannitol 20 % est l’agent hyperosmolaire le plus
• hématome extradural (HED) symptomatique quelle que soit sa fréquemment utilisé dans la gestion de l’HTIC. Un bolus de man-
localisation ; nitol (0,25–1 g/kg) permet d’obtenir une réduction de la PIC dans
• hématome sous-dural aigu (HSD) significatif (épaisseur supé- les 20 à 60 minutes qui suivent, et ce durant deux à six heures [69] .
rieure à 5 mm avec déplacement de la ligne médiane supérieur L’utilisation d’une telle posologie suppose une compensation
à 5 mm) ; systématique de la polyurie osmotique induite par un apport de
• parage et fermeture immédiate d’une embarrure ouverte ; cristalloïdes isotoniques (volume d’environ 4 fois le volume de
• drainage d’une hydrocéphalie aiguë ; mannitol perfusé), et une surveillance rapprochée de l’osmolarité
• évacuation d’un hématome intraparenchymateux d’un volume plasmatique.
supérieur à 30 ml et superficiel (< 1 cm de la surface) ; Le sérum salé hypertonique (SSH) à 7,5 %, à la posologie
• évacuation d’un hématome cérébelleux responsable d’une de 3 ml/kg, est également utilisable dans cette indication. Son
compression du tronc cérébral et/ou d’une hydrocéphalie par intérêt réside dans la gestion d’une HTIC dans un contexte
compression du 4e ventricule. d’hypovolémie potentielle. En effet, le SSH crée une force osmo-
Le délai entre le traumatisme initial et la prise en charge tiquement active permettant le passage de l’eau du secteur
chirurgicale est un facteur pronostique clairement établi [64] . De intraparenchymateux cérébral vers le secteur intravasculaire, don-
même qu’un délai de plus de trois heures entre l’apparition d’une nant lieu ainsi à une baisse de la PIC couplée à une augmentation
mydriase aréactive et une prise en charge chirurgicale est un fac- de la pression artérielle. Une étude comparative retrouve une
teur de très mauvais pronostic [65] . meilleure efficacité du SSH versus mannitol sur la diminution du
La craniectomie décompressive constitue une alternative chi- chiffre de PIC et sur la durée de l’effet observé [70] . L’utilisation
rurgicale au traitement de l’HTIC réfractaire aux traitements du SSH nécessite un monitorage de la natrémie et de l’osmolarité
médicaux optimaux. Son principe repose sur la réalisation d’un plasmatique. Toutefois, l’administration systématique du SSH en
large volet fronto-pariéto-temporal unilatéral (ou bifrontal pour préhospitalier aux traumatisés crâniens graves, que ceux-ci pré-
certaines équipes) qui doit être associé à une plastie d’expansion sentent une hypotension artérielle ou non, n’a pas démontré son
de la dure-mère. L’ouverture de la dure-mère permet une aug- efficacité [71, 72] .
mentation du volume intracrânien, une augmentation du DSC Par ailleurs, l’administration de thiopental de façon continue
et une baisse de la PIC. Si cette chirurgie a montré son effica- représente un traitement de l’HTIC sévère en centre spécia-
cité sur la diminution de la PIC, elle n’a pas montré de bénéfice lisé. L’action des barbituriques consiste en une réduction de
clair sur le pronostic neurologique des patients présentant un la consommation cérébrale en oxygène, ainsi que du DSC. La
TC grave avec lésions diffuses et hypertension intracrânienne [66] . baisse du VSC qui en résulte permet une diminution de la
Son intérêt reste donc encore débattu chez le traumatisé PIC. Son administration doit être surveillée par la réalisation
crânien. d’électroencéphalogramme à la recherche de burst-suppression afin
de juger de son efficacité et éviter un surdosage. Cependant,
son utilisation doit être limitée dans le temps : les proprié-
Principe de prise en charge en réanimation tés immunosuppressives des barbituriques s’accompagnent d’une
augmentation de l’incidence des infections pulmonaires.
Elle s’applique de façon systématique à tous les traumatisés crâ- Également, l’obtention d’une hypothermie contrôlée entre 34
niens graves. Son principe repose sur le maintien de l’homéostasie et 36 ◦ C a montré son efficacité sur la diminution de la PIC. Cepen-
et de la pression de perfusion cérébrale. dant, cette thérapeutique reste controversée, n’ayant pas fait ses
Comme nous l’avons vu précédemment, les recommandations preuves sur l’amélioration pronostique des traumatisés crâniens
préconisent un contrôle strict des ACSOS afin d’éviter l’apparition graves [73] .
de lésions ischémiques cérébrales secondaires, et ce dès la prise en
charge préhospitalière. La stratégie repose sur :
• la prévention stricte de l’hypotension artérielle (pression arté- Monitorage
rielle systolique < 90 mmHg) par expansion volémique et/ou
L’objectif principal du monitorage cérébral est de maintenir
recours à l’utilisation de vasopresseurs ;
une pression de perfusion cérébrale et une oxygénation cérébrale
• l’indication à une intubation et une ventilation méca-
adéquate, et d’éviter les lésions secondaires. Le monitorage per-
nique pour maintien d’une normocapnie (PaCO2 entre 35 et
met ainsi d’ajuster les objectifs thérapeutiques (notamment le
40 mmHg), et normoxie (PaO2 > 60 mmHg) ;
niveau de pression de perfusion cérébrale) afin d’éviter l’ischémie
• l’application d’une sédation adaptée aux besoins de la ven-
et l’hyperhémie cérébrale [26] . Les indices dérivés de ce monitorage
tilation, et également dans l’objectif d’une diminution de la
ont également une valeur pronostique.
consommation cérébrale en oxygène ;
• le maintien d’une hémostase biologique normale par transfu-
sion de culots globulaires, plasmas frais congelés et plaquettes
Monitorage de la pression intracrânienne
si nécessaire ; La mise en place d’un capteur de pression intracrânienne est
• un objectif de normoglycémie ; indiquée chez les traumatisés crâniens présentant un score de
• la prévention de la fièvre par des moyens médicamenteux et/ou Glasgow inférieur à 8, associé à [29] :
physiques. • une TDM anormale (hématome, contusion, œdème) ;
Un positionnement de la tête en rectitude et du tronc en • une TDM normale et la présence de deux des facteurs suivants :
proclive à 30◦ contribue à la baisse de la PIC en contribuant à âge supérieur à 40 ans, déficit moteur uni- ou bilatéral, épisodes
l’amélioration du retour veineux [67] . d’hypotension (pression artérielle systolique < 90 mmHg).
Afin d’éviter la constitution d’un œdème osmotique pouvant Un trouble de l’hémostase constitue une contre-indication le
majorer la PIC, l’hypo-osmolarité plasmatique (< 280 mOsm/l) plus souvent temporaire. La mise en place du capteur peut se
doit être prévenue et traitée. Le soluté de remplissage de choix compliquer d’un hématome intraparenchymateux bien que cette
restant donc le sérum salé isotonique chez ces patients. complication reste exceptionnelle. Dès lors qu’une indication
La comitialité post-taumatique est présente chez 10 à 15 % des de mise en place d’un capteur invasif PIC est posée, il semble
TC graves, et reste infraclinique dans la moitié des cas [68] . nécessaire d’envisager un transfert du patient vers un centre spé-
Des facteurs de risque de survenue d’un tel événement ont cialisé [74] . Des valeurs de PIC supérieures à 20 mmHg représentent
été identifiés (Glasgow < 10, embarrure, HSD, HED, hématome un facteur pronostique défavorable [75, 76] . Plus qu’une valeur seuil
intraparenchymateux, plaie craniocérébrale, convulsions avant la de PIC, c’est le temps passé au-dessus de 20 mmHg qui est pré-
24e heure post-traumatique) et justifient une prophylaxie médica- dictif d’un mauvais pronostic [77] . Les recommandations de la
menteuse précoce pendant les sept premiers jours. Brain Trauma Fondation imposent un objectif de PIC inférieure à
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Traumatismes cranioencéphaliques 17-585-A-10
20 mmHg et de pression de perfusion cérébrale comprise entre 60 sistants ont ainsi été décrits chez 7 à 33 % des patients après un
et 70 mmHg [78] . Des indicateurs dérivés de la PIC ont cherché TC modéré [87, 88] . En dehors des déficits neurologiques moteurs ou
à évaluer le statut d’autorégulation. Le plus robuste à ce jour sensitifs induits par des lésions focales, les séquelles neurologiques
(notamment dans la prédiction du pronostic) est le PRx ou Pres- à long terme (soit plus de six mois après le TC) sont marquées par
sure Reactivity Index [79] . Cet indice correspond au coefficient de les déficits cognitifs et psychiatriques. Ces séquelles sont souvent
corrélation linéaire entre la PAM et la PIC. Ainsi, un PRx positif chroniques et peuvent influencer fortement la qualité de vie des
traduira une altération de l’autorégulation attestée par la varia- patients. Par exemple, des modifications de l’humeur, de la per-
tion dans le même sens de la PIC et de la PAM. L’altération de sonnalité ou des fonctions cognitives peuvent bouleverser la vie
l’autorégulation traduite par le PRx à la phase initiale est un fac- quotidienne de ces sujets et de leur entourage.
teur de mauvais pronostic neurologique. Des lésions anatomiques comme une contusion frontale bilaté-
rale peuvent engendrer des séquelles neurologiques importantes.
Doppler transcrânien Toutefois, une grande majorité des traumatisés crâniens modé-
rés, symptomatiques ou non, a une TDM cérébrale normale [89] .
Technique non invasive, d’apprentissage rapide et réalisable au
S’il paraît évident qu’un handicap moteur lourd ou un état pau-
lit du patient, le doppler transcrânien (DTC) est un outil per-
cirelationnel représentent une dépendance totale de ces patients
mettant d’évaluer rapidement la gravité d’un traumatisé crânien,
vis-à-vis des familles et de la société, il ne faut pas négliger les
d’apprécier l’efficacité d’un traitement mis en route, ou d’adapter
conséquences sociales, professionnelles et familiales de séquelles
une thérapeutique. Basé sur la mesure des variations de la vélocité
paraissant moins invalidantes. En effet, la grande majorité des
des éléments figurés du sang des artères du polygone de Willis, il
traumatismes sont modérés ou légers, et ces victimes présentent
permet d’estimer le débit et la résistance de la circulation céré-
des symptômes somatiques ou cognitifs durant les premières
brale. L’index de pulsatilité (IP = vélocités systoliques – vélocités
semaines suivant leur admission [90] . Les principales séquelles
diastoliques/vélocités moyennes) est corrélé à la PPC [80] .
cognitives à long terme des TC mineurs ou modérés sont une
Un IP supérieur à 1,4 et des vélocités diastoliques inférieures
altération de l’attention et de la mémoire, en particulier de la
à 20 cm/s sont le reflet d’une baisse importante de la PPC [81] .
mémoire de travail, ainsi que des fonctions exécutives [91] . Les
séquelles psychiatriques sont également fréquentes, marquées par
Pression tissulaire en oxygène des perturbations de l’émotion et des comportements, avec des
La pression tissulaire en oxygène (PtiO2 ) reflète la balance entre dépressions, des syndromes de stress post-traumatique, et une
les apports, la diffusion et la consommation en oxygène dans fréquence accrue d’agressivité et d’impulsivité [92] .
le milieu interstitiel. Elle est mesurée de façon invasive par une Deux complications restent fréquentes chez les traumatisés crâ-
électrode polarographique de Clark utilisant la diffusion des molé- niens graves. L’hydrocéphalie est souvent diagnostiquée à un
cules d’oxygène à travers une membrane. Le seuil d’ischémie stade tardif, devant une absence d’évolution clinique du patient.
cérébrale se situe probablement autour de 15 à 20 mmHg [82] . Elle peut justifier la mise en place chirurgicale d’une dérivation.
L’intérêt de la PtiO2 réside dans la prévention de l’ischémie céré- Par ailleurs, l’épilepsie post-traumatique peut survenir dès les pre-
brale à PPC et PIC normales pouvant être méconnue dans plus de mières semaines. Son incidence est entre 5 et 15 % selon les études,
10 % des cas [83] . Elle peut être utilisée pour déterminer un seuil de et le plus souvent il s’agit de crises partielles. Même si cela ne jus-
PPC optimale [84] . tifie pas un traitement médicamenteux préventif (sauf chez les
TC graves durant la première semaine), un traitement curatif peut
devenir nécessaire après un bilan spécialisé neurologique [93] .
Séquelles et pronostic C’est donc bien le résultat de l’association des incapacités men-
tales et physiques qui permet de juger des séquelles véritables
Séquelles tant sur le plan fonctionnel que sur l’intégration sociale de ces
patients, concernant aussi bien les traumatismes sévères que les
Le taux de mortalité du traumatisé crânien a considérablement moins graves.
chuté durant les 30 dernières années, grâce au développement des La prise en charge de ces patients s’intègre dans un projet de
centres spécialisés associant neurochirurgie et neuroréanimation, rééducation et réadaptation par des équipes pluridisciplinaires,
au monitorage de la pression intracrânienne chez les patients les associant kinésithérapeutes, orthophonistes, ergothérapeutes,
plus graves, et à l’accès facilité au scanner. Les décès sont dans la psychologues et médecins rééducateurs, et ce le plus précocement
majorité des cas la conséquence d’une HTIC non contrôlée durant possible [94] .
la première semaine. Du fait de l’enjeu majeur représenté par le traumatisme crâ-
Le devenir du traumatisé crânien est généralement évalué à six nien et de l’absence d’action sur les lésions primaires, l’action
mois du traumatisme. En effet, c’est durant cette période que 85 % se situe également dans la prévention. Aux États-Unis, la Think-
des patients ont atteint leur récupération maximale. Cependant, First National Injury Prevention Foundation [95] , organisme créé
cette durée reste empirique, certains patients s’améliorant au-delà en 1986, développe des actions de prévention et d’information à
de ce délai. destination de la population et des pouvoirs publics.
Classiquement, l’échelle de GOS (Glasgow Outcome Scale) et
son équivalent étendu (GOSE) (Tableau 5) permettent d’établir
un score de gravité des séquelles, du handicap et de devenir fonc- Pronostic
tionnel [85, 86] .
Ces séquelles peuvent survenir même en cas de TC jugé Clinique
initialement léger ou modéré. Des problèmes neurologiques per- De nombreuses études rétrospectives à grande échelle ont essayé
de définir des modèles pronostiques qui pourraient permettre
Tableau 5. d’améliorer la prédiction du devenir des traumatisés crâniens
Échelle de Glasgow Outcome Scale. sévères ou moins sévères dès les premiers jours de leur prise en
charge [11, 96, 97] .
1 Décès Idéalement, ces modèles devraient être généralisables à toutes
2 État paucirelationnel les populations, et utilisables par les cliniciens dès l’admission.
3 Handicap sévère (conscient mais dépendant : atteinte mentale Malheureusement, aucun des modèles proposés jusqu’à ce jour
et/ou motrice) n’est parfait, de grandes disparités existant entre les différents
4 Handicap modéré (patient autonome dans la vie centres participants telles qu’une absence d’homogénéité dans
quotidienne : dysphasie, hémiparésie, ataxie, troubles la prise en charge thérapeutique des traumatisés crâniens, une
intellectuels ou mnésiques, troubles de la personnalité) variabilité de la population étudiée (âge, gravité) et des moyens
disponibles [98] .
5 Bonne récupération (activités normales : déficit neurologique
ou psychologique mineur)
Néanmoins, un score de Glasgow moteur inférieur à 3, des épi-
sodes d’hypoxie ou d’hypotension, ou une mydriase aréactive de
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17-585-A-10 Traumatismes cranioencéphaliques
plus de trois heures à la prise en charge du patient, un âge supé- les plus graves vers les centres spécialisés neurochirurgicaux est
rieur à 60 ans, une gravité scanographique à l’arrivée (déviation de une nécessité, afin de réaliser un bilan exhaustif des lésions et
la ligne médiane, absence de visualisation des citernes de la base, de poser une éventuelle indication chirurgicale. La lutte contre
hémorragie méningée traumatique) sont reconnus comme étant les agressions cérébrales secondaires est un objectif majeur qui
des facteurs de mauvais pronostic [58, 86, 99] . permet une amélioration du pronostic neurologique chez les
patients les plus graves. La présence de lésions axonales dif-
Place de l’imagerie fuses est un facteur de mauvais pronostic. Cependant, au-delà
de ces lésions purement anatomiques, une altération fonction-
L’imagerie structurale cérébrale permet l’exploration de la struc- nelle cérébrale post-traumatique est possible à distance du TC. Le
ture du cerveau, de son anatomie. Le scanner est facile d’accès, développement du monitorage cérébral, les recherches sur la phy-
disponible rapidement et sans réelle contre-indication. À dis- siopathologie (inflammation, immunité, hormones, médiateurs),
tance du TC, sa sensibilité est acceptable pour dépister les zones et la construction d’études randomisées basées sur des populations
hémisphériques contuses ayant évolué vers la nécrose, mais homogènes (grâce aux modèles pronostiques) sont trois grands
l’exploration de la fosse postérieure et du tronc cérébral reste axes de recherche permettant d’espérer une amélioration du pro-
encore aujourd’hui très imparfaite avec le scanner. Ces régions nostic de ces patients dans les années à venir.
sont pourtant très souvent impliquées dans les handicaps neuro-
logiques survenant après TC. De plus, les lésions axonales diffuses,
présentes chez plus de 50 % des patients après un TC grave, ne Déclaration d’intérêts : les auteurs n’ont pas transmis de déclaration de liens
sont que partiellement détectées par le scanner cérébral. Ainsi, d’intérêts en relation avec cet article.
si à distance du TC, le scanner permet de détecter certaines
causes de détérioration neurologique comme une hydrocéphalie
chronique, une collection sous-durale persistante ou une atro-
phie cérébrale, il apparaît nettement insuffisant pour explorer les
Références
lésions anatomiques profondes, probablement responsables d’une [1] ANAES. Management of severe head injuries in the early stage.
grande partie des séquelles à long terme. Recommendations. Ann Fr Anesth Reanim 1999;18:15–22.
L’IRM permet une exploration plus précise de la substance [2] Masson F. Épidémiologie des traumatismes crâniens graves. Ann Fr
blanche et grise, des noyaux gris centraux, de l’hippocampe et Anesth Reanim 2000;19:261–9.
du tronc cérébral [100] . L’IRM est plus sensible que le scanner pour [3] Ruff RM, Iverson GL, Barth JT, Bush SS, Broshek DK. Recom-
détecter les lésions axonales diffuses [101] . Ces lésions axonales mendations for diagnosing a mild traumatic brain injury: a national
diffuses sont probablement une des causes principales de mau- academy of neuropsychology education paper. Arch Clin Neuropsychol
vais pronostic neurologique [102] . Quand elles sont situées dans 2009;24:3–10.
le tronc cérébral (pont et mésencéphale), elles sont associées à [4] Mathé J-F. Santé publique et traumatismes crâniens graves. Ann Fr
un mauvais pronostic neurologique (absence de réveil), surtout si Anesth Reanim 2005;24:688–94.
elles sont bilatérales et symétriques [103–105] . La présence de lésions [5] Maas AI, Stocchetti N, Bullock R. Moderate and severe traumatic brain
axonales diffuses dans les faisceaux de la substance blanche, et injury in adults. Lancet Neurol 2008;7:728–41.
en particulier dans le corps calleux (siège de la communication [6] Moretti L, Cristofori I, Weaver SM, Chau A, Portelli JN, Grafman
interhémisphérique) a été impliquée dans l’altération des proces- J. Cognitive decline in older adults with a history of traumatic brain
sus cognitifs rapides [106] . Par ailleurs, les lésions de la substance injury. Lancet Neurol 2012;11:1103–12.
grise sont également fréquentes après un TC. Chez des patients [7] Rosenfeld JV, Maas AI, Bragge P, Morganti-Kossmann MC, Manley
ayant survécu à un TC grave ou modéré, et pour lesquels les GT, Gruen RL. Early management of severe traumatic brain injury.
séquelles neurocognitives étaient principalement des troubles de Lancet 2012;380:1088–98.
l’attention et de l’apprentissage, l’IRM structurale retrouvait une [8] Summers CR, Ivins B, Schwab KA. Traumatic brain injury in the
réduction de la densité de la substance grise dans la partie basale united states: an epidemiologic overview. Mt Sinai J Med 2009;76:
du lobe frontal (basal forebrain), de l’hippocampe, de l’insula et du 105–10.
thalamus [107] . Ces lésions suggèrent une atteinte des voies choli- [9] Barbosa RR, Jawa R, Watters JM, Knight JC, Kerwin AJ, Wins-
ton ES, et al. Evaluation and management of mild traumatic brain
nergiques (cortex et noyaux gris centraux), expliquant au moins
injury: an eastern association for the surgery of trauma prac-
en partie la symptomatologie fonctionnelle. Plus de 11 mois après
tice management guideline. J Trauma Acute Care Surg 2012;73:
le TC, des anomalies de la substance blanche ont été mises en évi- S307–14.
dence en tenseur de diffusion [108] alors que l’IRM conventionnelle [10] Marshall LF, Becker DP, Bowers SA, Cayard C, Eisenberg H, Gross
était considérée comme normale. Dans la substance blanche appa- CR, et al. The national traumatic coma data bank. J Neurosurg
raissant anatomiquement normale, une réduction de l’anisotropie 1983;59:276–84.
fractionnelle a été observée, suggérant une perte d’intégrité de [11] Perel P, Arango M, Clayton T, Edwards P, Komolafe E, Poccock S,
la membrane des axones. Dans le corps calleux et la substance et al. Predicting outcome after traumatic brain injury: practical pro-
blanche périventriculaire, une réduction de l’anisotropie fraction- gnostic models based on large cohort of international patients. Br Med
nelle a également été observée plus de six mois après TC, suggérant J 2008;336:425–9.
là aussi la présence de lésions axonales [109] . Un traitement infor- [12] Maas AI, Marmarou A, Murray GD, Teasdale SG, Steyerberg EW.
matique sophistiqué de la cartographie de la diffusion de l’eau Prognosis and clinical trial design in traumatic brain injury: the impact
dans la substance blanche permet de réaliser une tractographie study. J Neurotrauma 2007;24:232–8.
des fibres (ou tracking de fibres). On peut ainsi obtenir des images [13] The Mild Traumatic Brain Injury Committee of the Head Injury
des voies de communication. Si cette technologie semble très pro- Interdisciplinary Special Interest Group of the American Congress of
metteuse, l’analyse de ces données reste toutefois encore difficile, Rehabilitation Medicine. Definition of mild traumatic brain injury. J
et il n’existe pas encore d’étude permettant de mettre en relation Head Trauma Rehabil 1993;8:86–7.
des anomalies des fibres avec des séquelles neurocognitives. [14] The Management of Concussion/mTBI Working Group. Veterans
L’imagerie fonctionnelle pourrait avoir un intérêt pronostique, affairs/Department of defense. Clinical practice guidelines: manage-
mais cela reste encore aujourd’hui du domaine de la recherche. ment of concussion/mild traumatic brain injury; 2009.
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induites par le TC, la compréhension des mécanismes physio- trauma. Neuroscience 2004;129:1021–9.
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Pôle anesthésie-réanimation, Université Toulouse III Paul-Sabatier, Centre hospitalier de Toulouse, 31400 Toulouse, France.
Coordination d’anesthésie, Hôpital Purpan, Centre hospitalier universitaire de Toulouse, 1, place du Dr-Baylac, 31059 Toulouse cedex 9, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Vinour H, Srairi M, Lubrano V, Geeraerts T. Traumatismes cranioencéphaliques. EMC - Neurologie
2014;11(1):1-13 [Article 17-585-A-10].
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