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Limage Et Les Signes Approche Smiologique de LImage Fixe Martine Joly 1 PDF
Limage Et Les Signes Approche Smiologique de LImage Fixe Martine Joly 1 PDF
Travaillé par des sculpteurs de renom, adapté au décor des pièces où était
accrochée l’œuvre (le hors-cadre !), il servait à la fois à signaler celle-ci et à
la mettre en valeur. Les moulures en « pâtes économiques », les décors
chargés et répétés sans véritable justification, le décor souvent devenu lourd
et conventionnel de certains cadres, leur valurent le surnom de « cadres-
pâtisserie » et le dédain de nombreux artistes, qui, au XIXe siècle, vont
reprendre, réinterpréter certains motifs canoniques (« feuilles d’achantes,
coquilles, tors de laurier, bandes… »73), et surtout innover et inventer.
En effet, qui dit limite ou frontière, dit aussi contrainte, et les artistes du
XIXe siècle vont chercher à se libérer de la contrainte du cadre en le
réinterprétant. À notre époque de reproduction systématique des œuvres d’art,
en particulier par la photographie, on connaît un aspect des œuvres qui non
seulement perdent leurs proportions, mais aussi leurs cadres et l’on ignore la
plupart du temps tout le travail d’innovation d’artistes comme Degas, Seurat,
Puvis de Chavannes, Monet ou encore Van Gogh. C’est en revisitant le travail
de tels artistes et jusqu’aux artistes les plus contemporains que le Groupe μ a
pu mettre en évidence toute une « Sémiotique et une rhétorique du cadre »74,
avec ses différentes fonctions (significations) d’indicateur, de bornage, de
compartimentage, d’écho, de signature, de débordement ou encore de
suppression pure et simple. Autant de pistes à observer et à interpréter lorsque
nous sommes devant une image (planche 20, p. 134).
Quant à nous, nous voudrions insister sur ce qu’implique la tentation de la
suppression ou du masquage du cadre, avec lesquels nous sommes tout à fait
familiarisés, tant par la publicité que par la presse. La première manière de
faire oublier le cadre rectangulaire, c’est le recadrage au sein même de
l’image : tous les procédés qui nous font voir l’image à travers toutes sortes
de percées ou d’échancrures, telles que la trouée d’un feuillage,
l’entrebâillement d’une fenêtre, le reflet d’un miroir. En bref, toutes les
variantes possibles de la fente ou de la déchirure dont la fonction, outre celle
d’accroître le plaisir du voyeurisme, est de nous faire oublier que nous avons
affaire à une représentation.
C’est vers cet oubli que nous entraîne aussi une autre manière de masquer
le cadre : celle qui consiste à faire se confondre le bord du support et les
limites de l’image. Lorsque la limite d’une photographie publicitaire, par
exemple, se confond avec le bord et le format de la page d’un magazine, on a
l’impression que si la page était plus grande on en verrait plus, c’est-à-dire
que c’est la page elle-même qui devient comme une « fenêtre » qui délimite le
champ de notre vision. Ce procédé très connu joue avec l’effet non moins
connu de hors-champ. C’est-à-dire que c’est la limite du support même qui
pousse à compléter imaginairement le champ représenté par un espace plus
large et non perçu. Ce procédé très fréquent, dans l’image animée75, peut
aussi se trouver activé dans l’image fixe par le travail sur l’estompage du
cadre et construire des images « centrifuges », par opposition aux images
« centripètes » que pourra au contraire construire un travail sur le hors-cadre.
Ce sur quoi nous voudrions insister, c’est sur le fait que cet oubli du cadre,
de quelque manière qu’on l’obtienne, préside à une conception de l’image
culturellement très marquée, qui implique, au-delà des choix esthétiques, une
véritable
Fig. 19a. Albert Dürer. Le Traquardo. 1525.
Roger Odin a clairement rappelé6 que cette analyse devait être révisée et
qu’il y avait au moins deux autres structures de connotation que celle décrite
par Barthes :
une structure 2 :
lorsque le signifiant seul du signe de dénotation produit une connotation –
exemple : la sonorité d’une langue qui évoque le pays où on la parle (la
« sonorité » de Panzani pour l’Italie), la stylistique d’un film qui ancre celui-
ci dans un univers de référence (le genre « reportage » dans un film de fiction
qui renvoie à l’idée de terrain et de réalité, etc.) ;
et une structure 3 :