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CAV 401 : SEMIOTIQUE DU CINEMA

ENSEIGNANTE : Dr BESSOMO MVOGO M.C.A.

Plan du cours

INTRODUCTION
1. DE LA SEMIOTIQUE A LA SEMIOTIQUE DU
CINEMA
1.1. SEMIOTIQUE/SEMIOLOGIE : ESSAI DE DEFINITION
1.1.1. Définition du signe
1.1.2. Approche de Ch. Sanders Pierce et la notion de signe triadique
1.1.3. Approche de Ferdinand de Saussure ou la notion de signe dyadique
1.1.4. Approche de Hjelmslev et la représentation du signe tétradrique
1.1.5. Classification des signes
1.2. DEFINITION ET THEORIES D’UNE SEMIOTIQUE DU CINEMA
1.2.1. Du signe linguistique au signe cinématographique
1.2.2. Des logiques théoriques
1.2.2.1. Christian Metz
1.2.2.2. Umberto Eco
1.2.3. Du cadre référentiel : opposition film/cinéma
1.2.3.1. Combinatoire à deux termes
1.2.3.2. Combinatoire à trois termes
2. FONCTIONNEMENT DU LANGAGE CINEMATOGRAPHIQUE
2.1. Définition de l’image et du discours imagé
2.1.1. Les rapports syntagmatiques et paradigmatiques
2.1.2. Les systèmes de codification du film et du cinéma ;
2.1.2.1. L’opposition code/système
2.1.2.2. Les codes filmiques
2.1.3. L’analyse structurale du film
2.1.4.1. La grande syntagmatique ou le code de la narrativité
2.1.4.1.1. Le plan autonome
2.1.4.1.2. Le syntagme parallèle
2.1.4.1.3. Le syntagme en accolade
2.1.4.1.4. Le syntagme descriptif
2.1.4.1.5. Le syntagme alterne
2.1.4.1.6. La scène
2.1.4.1.7. La séquence ordinaire et la séquence par épisode
3. SEMIOPRAGMATIQUE DU CINEMA OU L’ETUDE DE LA RECEPTION DU
PRODUIT CINEMATOGRAPHIQUE
3.1. Des théories de Metz et d’Odin
3.2. L’analyse du discours filmique/l’énonciation cinématographique
3.3. La réception du cinéma
3.3.1. La perception
3.3.1.1. Le décryptage du message
3.3.1.2. Le cinéma ; un art de l’émotion
3.3.2. La salle de cinéma comme un espace anthropologique
4. ELEMENTS D’ANALYSE SEMIOTIQUE D’UN TEXTE AUDIOVISUEL
4.1. Éléments théoriques sur la notion de texte audiovisuel
4.2. La place et l’importance des productions audiovisuelles
4.3. Éléments de description d’une production audiovisuelle
4.3.1. La situation pro-filmique
4.3.2. L’univers diégétique
4.3.3. Les plans filmiques et visuels

CONCLUSION

Bibliographie
BACTILE, Yveline. Clés et codes du cinéma. 2ème éd. Paris, Magnard, 1973. §
BALLE, Francis. Médias et sociétés. 11ème éd., Paris, Montchrestien, 2003
BARTHES, Roland. L’aventure sémiologique. Paris, Seuil, 1985.
ECO, Umberto. La structure absente : introduction à la recherche sémiotique. Trad.
Par U. ESPOSITO –TORRIAGIANI, Paris, Mercure de France, 1972.
ECO, Umberto. Lector In Fabula ou la coopération interprétative dans les textes
narratifs. Paris, Grasset, 1985.
ECO, Umberto. Les limites de l’interprétation. Paris, Ed. Grasset & Fasquelle , 1992
(pour la traduction française).
ECO, Umberto. Sémiotique et philosophie du langage. Paris, PUF, 1988.
HJEMSLEV, Louis, Prolégomènes à une théorie du langage, Paris, ed. minuit, 1968
JAKOBSON, Roman. Essais de linguistique générale, Paris, Editions Minuit, 1963
LOTMAN Iouri. Esthétique et sémiotique du cinéma. trad. Sabine Breuillard, Paris,
Editions sociales, 1977 pour la traduction, 1973 pour l’édition originale.
METZ, Christian. Essai sur la signification au cinéma. Paris, Editions Klincksieck,
1968.
METZ, Christian. L’énonciation impersonnelle ou le site du film.
MéridiensKlincksieck, 1991.
METZ, Christian. Langage et cinéma. Paris, Larousse, 1971.

METZ Christian. « A propos de l’impression de réalité au cinéma », dans Essai sur la


signification au cinéma, Tome 1. Paris, Editions KLINCKSIECK, 1965 (1968).
ODIN, Roger. « La question du public. Approche sémio-pragmatique» dans Réseaux,
«Cinéma et réception », n°99, CENT/Hermès Science Publication, 2000. p.p. : 51-72.
ODIN, Roger. « Mise en phase, déphasage et performativité dans le Tempestaire de
Jean Epstein » dans Communications, n° 38, 1983 p.p. : 213-238.
ODIN, Roger. « Pour une sémio-pragmatique du cinéma » dans Iris, vol 1, n°1, 1983,
p.p. : 67-82.
PEIRCE, Charles Sanders. Ecrits sur le signe. Paris, Seuil, 1978.
SAUSSURE (de) Ferdinand. Cours de linguistique générale. Paris, Payot, 1916.

INTRODUCTION
Dans le domaine des échanges interpersonnels et de l’interaction sociale, la
communication a une importance indéniable. Il n’y a pas de société sans communication. Les
notions de langue et de langage apparaissent dans toute leur utilité et justifient la
recrudescence des études structuralistes dès le début du XXème siècle. De cette orientation
est née la sémiotique, que d’autres reconnaissent sous le nom de sémiologie, une science qui
s’intéresse à tout système de communication basé sur des signes. Fondée sur le décryptage
des signes dans tout système de communication sociale, la sémiotique s’est étendue à tout(e)
media ou forme de communication basé(e) sur un système de signes. Le cinéma étant un
media et un mode de communication construit sur la base des signes, parler d’une sémiotique
du cinéma implique une analyse vue sous le prisme de la production et de celui de la
réception. Aussi, pour une perception globale de la sémiotique du cinéma, il importe de
préciser les contours d’un cadre théorique de cette approche, d’en définir les fondements et
d’expliquer le fonctionnement du langage cinématographique avant de jeter un pont sur
l’aspect pragmatique de cette discipline qui s’attardera sur la réception du cinéma, sans pour
autant omettre d’établir une relation entre la sémiotique du cinéma et la sémiotique de
l’audiovisuel.

1. DE LA SEMIOTIQUE A LA SEMIOTIQUE DU CINEMA


1.1. SEMIOTIQUE/SEMIOLOGIE : ESSAI DE DEFINITION
Étymologiquement le mot sémiotique vient: du grec séméion = « signe » et de logia, de
logos = discours). Il peut être défini, en première approche, comme étant la science des
signes. Elle tend à se construire comme une science de la signification qui a pour objectif de
comprendre le processus de production du sens. On pourrait trouver de lointaines origines à
la sémiotique, en remontant ce terme jusqu’à l’Antiquité grecque où l’on trouve une
discipline médicale (séméiologie ou symptomatologie) qui vise à déceler les symptômes par
lesquels se manifestent un état pathologique. Mais dans le domaine de ce qu’on devrait
appeler plus tard « les sciences humaines », tout semble dire que la problématique du signe
fut un des thèmes de la philosophie des Stoïciens au troisième siècle.
Ce n’est pourtant qu’à la période qui couvre la fin du XIX siècle et le début du XX
siècle, que l’avènement d’une « science » de la sémiotique a été possible. Menés
indépendamment en Europe et aux États-Unis, les travaux du linguiste suisse Ferdinand DE
SAUSSURE (1857-1913), et du philosophe américain Charles Sanders PEIRCE (1839-1914)
sont considérés comme fondateurs de la sémiotique, et la genèse de la théorie du signe.
Selon lui, la sémiotique est l’autre nom de la logique : « La doctrine quasi nécessaire ou
formelle des signes. »
Pour ce qui est de la sémiologie, elle s’est développée en Europe sous l’impulsion du
linguiste Suisse Ferdinand de Saussure (1857-1913) aux alentours de 1908-09. Pour lui, la
sémiologie est « une science qui étudie la vie des signes au sein de la vie sociale ; elle
formerait une partie de la psychologie sociale.».
La sémiotique (ou sémiologie) est, pour faire bref, la discipline qui étudie les signes
et/ou la signification (processus de la production du sens).

Au sens large, la sémiotique (dans certains cas appelée aussi « sémiologie ») C’est un
corps de théories, de méthodologies et d’applications produits ou intégrés dans le cadre de la
discipline sémiotique, fondé entre la fin du XIXe et le début du XXe et qui s’intéresse
particulièrement au produit signifiant (texte, image, etc.), c’est-â-dire qui véhicule du sens.
Dans cette lancée, il convient de distinguer la sémiotique générale des autres types de
sémiotiques. La sémiotique générale permet, à l’aide des mêmes concepts et méthodes, de
décrire, en principe, tout produit et tout système de signes : textes, images, productions
multimédia, signaux routiers, modes, spectacles, vie quotidienne, architecture, etc. Les
sémiotiques spécifiques ou particulières (du texte, du texte littéraire, de l’image, du
multimédia, etc.) permettent de tenir compte des particularités de chaque système de signes.
La sémiotique appliquée est l’application d’une méthode d’analyse utilisant des concepts
sémiotiques dans un domaine ou mode de communication précis. Son champ d’action
concerne l’interprétation de productions de toutes natures ; par exemple, la sémiologie de
l’image fixe comme analyse de l’image au moyen d’outils sémiotiques. Ce niveau porte sur
les discours sociaux spécifiques fondés sur la notion de signe. C’est dans cette catégorie que
nous pouvons ranger la sémiotique du cinéma.
Au final, elle est tout simplement une étude des signes. Raison pour laquelle il nous
incombe de nous attarder sur le sémantème du mot signe.

1.2. De la notion de signe


Le signe se reconnaît de plusieurs manières. Il existe des définitions fonctionnelles.
Ainsi, la définition la plus générale, et l'une des plus anciennes, fait du signe ce qui est mis à
la place de quelque chose d'autre. Il est l'indice d'une chose ou d'un phénomène qu'il exprime
de manière plus ou moins explicite. C’est un objet porteur d’une signification. Par exemple,
un feu vert signifie que l’on peut passer.
« Un signe a une matérialité que l'on perçoit avec l'un ou plusieurs de nos perceptions
(langage articulé, cri, musique, bruit), le sentir (odeurs diverses: parfum, fumée), On peut le
voir (un objet, une couleur, un geste), l'entendre le toucher, ou encore le goûter. Cette chose
que l'on perçoit tient lieu de quelque chose d'autre : c'est la particularité essentielle du signe :
être là, pour désigner ou signaler autre chose d'absent, concret ou abstrait ».
Il existe aussi des définitions qui reposent sur la présence des éléments constitutifs du
signe, lesquels varient d'une théorie à l'autre. Aussi distingue-t-on les approches de Pierce, de
Saussure et celle de Hjelmslev.
1.2.1. Approche de Ferdinand de Saussure et le signe dyadique
Saussure commence par définir le signe comme une «entité psychique à deux faces»
qui «unit un concept et une image acoustique». Le signe se décompose en signifiant, la partie
perceptible du signe (par exemple, les lettres v-a-i-s-s-e-a-u) et signifié, la partie intelligible
du signe. Le signifiant et le signifié sont indissociables : ils ne peuvent pas être séparés. Le
signifiant est une association de lettres formant des sons. C’est, en quelque sorte, le
contenant. Le signifié est le sens, la définition du signe. C’est le contenu. Le mot lion est un
signe parce que c’est une forme composée de lettres (le l-i-o-n- etc.) et parce qu’il est doté
d’une signification (un animal sauvage féroce considéré comme le roi de la jungle).
En somme, un signe est une association de lettres pourvue d’une signification. Raison
pour laquelle ce modèle de signe est dit dyadique, puisqu'il comprend deux éléments.

1.2.2. L’approche de Ch. Sanders Pierce et la notion de signe triadique


Peirce conçoit la sémiotique d’une façon plus générale, non seulement, le signe qui
n’est pas désormais un objet exclusivement linguistique, mais la théorie sémiotique de Peirce
envisage aussi, au sein de cette science, à la fois la vie émotionnelle, pratique et
intellectuelle.
Le signe selon Peirce est constitué par la relation de trois composantes que l'on peut
rapprocher du modèle triadique. Pour lui, un signe est « quelque chose tenant lieu de quelque
chose pour quelqu'un, sous quelque rapport, ou à quelque titre ». Cette définition peircienne
met en évidence la relation qu'entretient le signe avec ses trois pôles: interprétant,
représentamen et objet (c'est-à-dire un référent au sens strict, fixé, sans lequel le signe
n'existerait pas). Sa logique est fondée sur une vision plus générale de la sémiotique, par
rapport à ses objets, et ses champs de recherche, elle s’intéresse tout aussi à la langue qu’aux
autres langages et systèmes de production des significations dont le cinéma par exemple en
fait partie

1.1.3. Approche de Hjelmslev ou la notion du signe tétradrique


Dans son principal ouvrage, Prolégomènes à une théorie du langage(1646), Hjelmslev
propose une approche influencée par la logique formelle (qui vise à donner une description
abstraite des systèmes sémiotiques). Il calque le modèle de F. de Saussure en distinguant, sur
le plan de l'expression (le signifiant) et du contenu (le signifié), la forme—ce qui structure—
et la substance—ce qui est structuré. En d’autres termes : la forme de l'expression correspond
aux règles phonologiques propres à chaque langue. La forme du contenu correspond aux
règles selon lesquelles la réalité perçue est découpée en unités de sens. La substance de
l'expression correspond aux phonèmes effectifs qui résultent de ces paramètres. La substance
du contenu est constituée par ces unités. Ce modèle de signe est dit tétradique.
De ces différentes approches découle néanmoins une classification de signes qui leur
est commune.

1.1.4. Classification des signes


Parmi les classifications de signes proposées, celle de Peirce permet de comprendre le
fonctionnement de l'image perçue comme signe. Partant du type de relation qui s'établit entre
le « signifiant » et le « référent », Peirce envisage trois grandes catégories de signes à
savoir : le symbole, l'indice, et l’icône.
- le symbole : (fonctionne par convention)
Le symbole entretient une relation arbitraire ou conventionnelle avec ce qu'il représente.
Il a une similitude relative avec la réalité qu’il représente. Exemple la balance symbole de la
justice. Symbole des pharmacies Cela veut dire que le signe linguistique est selon la
conception peircienne un symbole dans la mesure où le langage verbal est conçu comme «
système de signes conventionnels ».
- l'indice ou index : (contigüe de faits) c’est un signe qui entretient un lien physique ou
un lien de causalité avec l'objet qu'il indique; c'est le cas lorsqu'une girouette indique la
direction du vent, ou une fumée la présence du feu ». Exemple des symptômes d’une maladie

- l 'icône :(similitude) il ressemble à ce qu’il représente. C’est un signe dont le


signifiant entre en relation d'analogie avec ce qu'il représente, c'est à dire, avec son référent :
un dessin figuratif, une image de synthèse représentant un arbre ou une maison sont des
icônes dans la mesure où ils "ressemblent" à un arbre ou à une maison ». De ce fait, l’image
est classée sous cette catégorie du fait qu’il y ait un rapport d’analogie entre le signifiant et le
référent.
Le cinéma étant considéré comme un langage compose de signes dont la structuration
se rapproche de celle du signe linguistique, les signes qui le structurent sont donc analyses à
l’aune des théories linguistiques du structuralisme qu’il importe de convoquer.

1.2. DEFINITION ET THEORIES D’UNE SEMIOTIQUE DU CINEMA


S’appuyant sur le concept d’interdisciplinarité, la sémiotique est plutôt souvent utilisée
comme une approche d’analyse. Elle s’applique à de nombreux domaines des sciences
humaines, notamment la communication. L’italien Umberto Eco fut L’un des premiers qui
ont fait explicitement le rapprochement entre la sémiotique et la communication. De ses
nombreux écrits sur la sémiotique, l’auteur définit la sémiotique comme étant l’étude « des
processus culturels (c'est-à-dire ceux où interviennent des agents humains qui entre en
contacts sur la base de conventions sociales) comme processus de communication ». Il est
donc clair que pour Umberto Eco, le champ de recherche de la sémiotique est en premier lieu
la culture. Par culture, il entend dire, « tous les phénomènes culturels ».
Pour ce faire, Eco avance deux hypothèses : « a) La culture doit être étudiée en tant
que phénomène de communication. b) Tous les aspects d’une culture peuvent être étudiés
comme contenus de la communication.». L’étude de la culture en tant que phénomène
culturel ne veut pas dire que la culture n’est que communication, mais ce n’est pas pour
autant que la culture pourrait être mieux comprise si on l’envisage avec un regard
communicationnel. Or, le cinéma s’assimile à un art qui puise dans la culture. Au-delà de son
aspect culturel, il est un media et par conséquent un moyen de communication.
Une des difficultés majeures à définir le cinéma est celle de la polysémie du terme. Le
cinéma est à la fois un lieu, un procédé technique, mais aussi le produit de cette technique. Le
film cinématographique est l’élément central de tout processus ayant pour objet le cinéma. En
termes de communication, le film est le message produit par cette technique/source, transmis
sur cette technique/canal et destiné à un public récepteur. En cinéma, tout y est à étudier : le
cinéma en tant que phénomène social, le cinéma perçu comme un art, mais également comme
une industrie, comme le nota à juste titre André Malraux dans les années 50. Toutefois, on a
tendance à oublier que le cinéma est aussi, et avant tout, un moyen de communication de
masse. Vu sous ce plan, la sémiotique du cinéma acquiert toute sa légitimité et son sens.
A cet effet, on pourrait définir la sémiotique du cinéma comme l’étude des signes et des
systèmes de codification qui structurent le langage du cinéma. C’est une science née vers les
années 1960 qui part du postulat selon lequel le cinéma est un mode de communication
assimilable à la langue. Composé de signes tels que ceux qui structurent le langage verbal, il
peut être décrypté comme système de signes pour livrer son message.

1.2.1. Du signe linguistique au signe cinématographique


Partant de la perspective saussurienne qui reconnait au signe linguistique un signifiant
et un signifié, nous pouvons dire que le signe cinématographique a également deux
composantes relatives au signifiant et au signifié.
1.2.1.1. Le signifiant
Au cinéma, la notion de signifiant est complexe. Elle renvoie à un signe typique (signe
d’un système qui est défini par sa substance, ex: le signe verbal, le signe iconique, le signe
gestuel, le signe sonore….). On distingue ainsi deux catégories de signes typiques ou deux
systèmes ou classes de signifiants cinématographiques
- le signifiant iconique et acoustique non verbal (image, personnage, paysage, décor,
accessoires, musique, bruitage….)
- le signifiant verbal (discours, parole, écrits)
Le signifiant filmique renvoie à l’unité pertinente de l’image ou du son matérialisée en
quatre éléments précis:
a) l’image photographique mouvante (image figurative, personnage, lieu, action)
correspondant également aux cinèmes (phonèmes): unités distinctives minimales constitués
par les différents objets qui composent un plan. Aux monèmes, unités significatives
minimales correspond l’image ou le plan parce que ce dernier est une combinaison de
cinèmes,
b) le bruit,
c)le son musical,
d) le son phonétique.
Et il ajoute qu’à la notion de phrase linguistique correspond la notion d’iconème qui a
la particularité d’être une unité du discours cinématographique tenu par un auteur.

1.2.1.1. Le signifié
Le signifie correspond à la substance humaine et sociale du discours filmique en
l’occurrence, la matérialisation thématique dans un film (terrorisme, racisme…). Il renvoie à
toute unité pertinente dotée de sens. C’est tout élément examine au plan du sens, c’est-à-dire
comme un témoignage sociologique involontaire, comme une expression du tempérament
d’un cinéaste ou comme une œuvre d’art.
De la notion de signe cinématographique sont nées diverses théories de sémiotique du
cinéma fondées sur la définition et la structuration du langage cinématographique.
1.2.2. Des logiques théoriques
Plusieurs théoriciens se sont penchés sur la question de sémiotique du cinéma, parmi
les fondateurs de cette discipline, on retient Christian Metz et Umberto Eco

1.2.2.1. Christian Metz


Fondateur de la sémiotique du cinéma depuis 1968, Metz établit que le cinéma est pas
une langue mais un langage parce qu’il n’a pas de deuxième articulation. Il semble
presqu’impossible qu’un signifiant soit dissocié de son signifié au cinéma. Pour lui : «le
cinéma procédé par blocs de réalité complets, qui sont actualises dans le discours avec leur
sens global» (Metz, 1968 : 68). Tout comme Bettetini, Metz considère que l’unité signifiante
est assimilée à l’énoncé. Ainsi, à l’iconème s’assimile à l’image ou au plan dans la logique de
metz.de ce fait, l’on constate que l’image ou le plan partage 5 caractéristiques la phrase ou
l’énoncé :
- Les plans sont en nombre infini
- Les plans sont des inventions des cinéastes
- Le plan livre au récepteur une quantité d’informations indéfinie
- Le plan est une unité actualisée, une unité du discours, une assertion
- Le plan ne prend son sens que dans une faible mesure par opposition paradigmatique
avec les autres plans.
Pour notre théoricien, le cinéma peut se camper sous les plans dénotatifs et connotatifs.
Relativement à la sémiotique de la dénotation, étudie le cinéma comme un langage
spécifique. Elle s’attarde sur tous les problèmes liés à la diégèse ou «l’instance représentée
du film» (Metz ; 1968 :10). Cette sémiotique porte le processus de codification
syntagmatique (association des différents codes pour produire le film ou étude de la grande
syntagmatique de la bande-image), la distinction paradigme/syntagme, la différence entre
langue et langage. Au final, on peut retenir que la sémiologie de la dénotation se résume à ces
trois points :
a) dénotation = sens littéral du film ; b) le signifiant de la dénotation c’est : la
représentation de l’image figurative présente sur la bande-image ; c) le signifie de la
dénotation c’est la diégèse (narration) histoire racontée et souvent portée à l’écran.
La sémiologie de la connotation se propose de parler du film en tant que œuvre d’art.
Elle se donne donc pour mission de dégager l’intention esthétique qui a soutendue cette
production artistique. Le signifiant de la connotation =signifiant et signifie de la dénotation ;
signifie de la connotation =style cinématographique, le genre, le symbole incarne
Exemple : dénotation d’un film noir américain=combat pour légalité des droits
connotation =impression d’angoisse et de dureté.

1.2.2. Umberto Eco


Pour ce dernier, le langage cinématographique est triplement articulé. Il est compose de
figures, de signes et de syntagmes. La figure est composée de formes et de structures dont
l’association aux signes (image, bruit, personnage…). Un ensemble de signes donne
naissance à un plan ou une séquence, lesquels sont considérés comme des syntagmes
cinématographiques. Umberto finit par réduire ces éléments à deux : le photogramme (qui
permet de passer du plan fixe au plan mobile) et les kinemorphèmes (qui font intervenir les
éléments gestuels. Ainsi, au découpage des 24 images/seconde se greffent les
kinemorphèmes qui favorisent la matérialisation du mouvement, lequel permet de construire
un plan doté de sens.
Umberto Eco considère également que la sémiotique du cinéma repose sur une logique
dénotation/connotation. Il existe donc une sémiotique dénotative et une sémiotique
connotative
a) la dénotation s’attarde sur le langage spécifique du cinéma, c’est-à-dire les codes et
les systèmes structurant le cinéma. Il s’agit de la diegese, ou instance représentée du film, le
processus de codification syntagmatique, la grande syntagmatique de la bande d’images. La
dénotation renvoie donc au sens littéral du film, à la narration ou l’histoire racontée (signifié)
dont le signifiant est l’image figurative.
b) la connotation c’est le cinéma en tant que art. Il s’agit ici de dégager l’intention
esthétique qui se cache derrière le produit filmique
de ces logiques théoriques se dégage le cadre référentiel dans lequel s’inscrit le langage
cinématographique.

1-2-3- Le cadre référentiel : opposition film/cinéma


Le cadre référentiel c’est le cadre dans lequel s’inscrit le cinéma ; il s’agit précisément
de ce dont s’occupe le cinéma. Pour le définir, Christian Metz propose deux acceptions : une
combinatoire a deux termes et une combinatoire a trois termes.
a) la combinatoire à 2 termes : cette logique établit l’opposition film/cinéma en 3 points
:
- 1ere opposition : le film est une partie du cinéma. Tout ce qui intervient avant
( infrastructure économique de production, studios, financement, législation, sociologie des
milieux de décision, état des appareils, biographies des cinéastes…), pendant le tournage du
film et après le film (influence sociale, politique, idéologique du film sur le public), a cote et
en dehors de lui (rituel de la séance de cinéma, réaction des spectateurs, sentiment provoque
par la vision du film, enquêtes d’audience, mythologie des stars…) fait partie du cinéma.
- 2e opposition : si le cinéma est un art, le film est l’œuvre d’art ou le produit de cet art ;
si le cinéma est un media, le film est le produit de ce media et si le cinéma est un moyen de
communication, le film est le message véhiculé par ce moyen de communication.
-3e opposition : sur le plan épistémologique, le cinéma est un idéal et le film un objet
réel, la matérialisation de cet idéal.
b) la combinatoire à 3 termes : elle distingue
- le cinématographique non filmique (avant et après le film)
- le filmique non cinématographique : c’est le film
- le cinématographique filmique : lorsque certains codes du cinéma sont intégrés dans
le film (ex mise en abime de certains codes dans le film tel que le preneur de son ou d’image,
film d’un acteur de cinéma sur un plateau de tournage)
La cadre référentiel étant précise, il importe de décrire le fonctionnement du langage
cinématographique qui se définit comme étant l’ensemble des codes et des systèmes qui
interviennent dans la production d’un film, notamment avant, pendant et après le processus
de production d’un film.

2- FONCTIONNEMENT DU LANGAGE CINEMATOGRAPHIQUE


Considéré comme langage, le cinéma se fonde sur la notion d’image et le discours
imagé
2-1- l’image et le discours imagé
L’mage peut être définie comme la représentation ou l’imitation de la réalité à travers
divers moyens naturels ou ceux inventes par l’homme. Il existe deux types d’images : les
images fixes ou non séquentielles et les images mobiles ou séquentielles. Le cinéma emploie
principalement l’image mouvante mais n’exclut pas l’image fixe.
Le discours image quant à lui renvoie à la langue du commun qui se fait sur la base des
images. C’est celui qu’utilise le cinéma. Comprendre son fonctionnement nécessite
d’expliciter les rapports syntagmatiques et paradigmatiques qu’entretiennent les éléments qui
la constituent.
-Les rapports syntagmatiques : le syntagme est l’ensemble d’éléments co manifestés
dans un fragment de texte ; il renvoie à une organisation de coprésence dans le texte filmique.
Les rapports syntagmatiques mettent en évidence les relations entre plusieurs éléments dont
l’association aboutit à une image filmique (plan, séquence, film). L’aspect syntagmatique se
manifeste sur axes :
a) l’axe des consécutions (temporelles) : c’est l’axe dans lequel les éléments se
succèdent les uns après les autres. Cette succession apparait en 4 séries :
- la série visuelle (bande-image), la série linguistique, la série des bruits, série musicale
(ces 3 autres éléments appartiennent à la bande-son)
b) l’axe des simultanéités : qui renvoie à l’écran et toutes les coprésences spatiales,
syntagmes simultanés (ex : image + phrase entendue).
- Les rapports paradigmatiques : le paradigme et une classe d’éléments dont un seul
apparait dans le texte. Les rapports paradigmatiques renvoient aux relations entre les
éléments d’un même ensemble dont un seul apparait dans le film. Les types de paradigmes
qui interviennent dans le discours filmique sont :
- le paradigme des grandes unités (narration/description)
- le paradigme des procédés de mise en scène (mouvements d’appareils, structure
interne du plan, procédés optiques tels que le zoom, le flou, les transitions ou fondus (fondu
au noir, Cut, fondu enchainé)…
- le paradigme de la parole (rapport parole/image, parole/bande-son).
- les paradigmes différentiels : genre, style, «œuvres»…
- les paradigmes culturels : symbolique du corps humain, langage des objets, système
des couleurs, symbolique des vêtements, paysage.
C’est donc dans cette logique de rapports que fonctionnent les différents codes qui
structurent le langage cinématographique.

2-2- Les systèmes de codification du film et du cinéma


L’analyse sémiotique du cinéma et de son produit repose essentiellement sur
l’identification et le décryptage des différents codes qui structurent le langage
cinématographique afin d’en construire un sens pertinent. Notons ainsi que le code est un
ensemble d’objets ou d’éléments de manifestation du discours signifiant au cinéma ou dans le
film. C’est une entité conçue en sémiotique pour élucider, expliquer le fonctionnement des
relations syntagmatiques et paradigmatique dans les textes filmiques. On distingue de ce fait
A- les codes cinématographiques ou spécifiques : ce sont les codes généraux [propres à
tous les films, Christian Metz en distingue 5 :
- Le code de la ponctuation filmique (fondu, volets, iris, rideaux, filages, etc.)
-Le code des mouvements d’appareils (travelling, panoramique, trajectoire de la grue,
camera à la main, travelling optique (zoom, pan cinor)
-Le code organisant les relations entre la parole et l’image
-Les codes du montage
-les codes organisant les rapports entre la musique et l’image.
- les codes organisant les rapports entre la musique et l’image.
B) Les codes extra cinématographiques ou non spécifiques
Ce sont des codes qui n’appartiennent pas spécifiquement au cinéma et qui peuvent
intervenir toute analyse sémiotique. Il s’agit du :
-Code iconique (tous les éléments qui entre dans la composition d’une image) ;
-Code de la perception (audiovisuelle au cinéma mais aussi de toutes les autres
perceptions. Ex : un personnage qui touche, hume ou goute quelque chose.
-Code kinésique/mouvement
-Code anthropologico-culturels qui régissent la manière de présenter et les différents
éléments anthropologiques et culturels qui apparaissent dans le récit. Ce code aide à
l’interprétation des données sémiotiques. Des codes anthropologico-culturels nait la notion de
grande syntagmatique qui constitue l’ossature de tout message filmique.
N.B. :Intégrer ici tous les codes imagologiques d’Yveline Baticle

2-3-La grande syntagmatique


C’est un outil de segmentation du film propose par Christian Metz dans « Essais sur la
signification au cinéma ». Elle est un élément d’analyse du film permettant de le découper
pour saisir les lectures/interprétations faites de ses séquences/scènes ou plans. Il y présente
sous le nom de « grande syntagmatique », une typologie précise des agencements séquentiels
dans le film narratif de fiction ; puisqu’il note d’un part que la signification au cinéma est
toujours plus au moins motivée, jamais arbitraire et d’autre part que la narration du film
répond à un agencement codifié. Linguiste, Metz présente sa typologie sous la forme d’un
tableau qu’il nomme : La grande syntagmatique de la bande image. En linguistique, le
syntagme désigne un groupe de morphèmes ou de mots qui se suivent avec le même sens ; il
désigne aussi ce schéma ;
NB : Une des critiques les plus récurrentes faites au modèle syntagmatique de Metz
vient du fait qu’il ne concerne que la bande-image et n’y implique pas l’élément sonore dans
sa délimitation des segments : le changement de segment coïncide généralement avec les
changements de plans, ce qui n’est pas toujours évident, par exemple lorsque le son d’une
séquence se prolonge dans la séquence suivante.

Le syntagme étant un groupe formant une unité dans une organisation hiérarchisée dans
la phrase, Metz transpose cette notion au film de cinéma où il considère comme segment
autonome, formant une unité de sens, tout passage de ce film qui n’est interrompu « ni par un
changement majeur dans le cours de l’intrigue, ni par un signe de ponctuation, ni par
l’abandon d’un type syntagmatique pour un autre ».
Le rôle de la grande syntagmatique est d’offrir un outil de description de la structure
temporelle d’un film et de schématisation de la manière dont le récit s’articule. C’est
également un outil d’analyse de la réception du film chez le spectateur. Plus qu’un
instrument de description, la grande syntagmatique est un modèle d’analyse du film : en
segmentant un film à l’aide de ce modèle, on est déjà dans l’analyse.

Christian Metz propose, par application d’une série de dichotomies successives (voir
tableau ci-dessus), fondées sur des critères spatio-temporels, huit grands types
syntagmatiques éventuellement repérables dans un film narratif :

2-4-1-Le plan autonome


C’est un segment autonome formé par un seul plan qui expose à lui seul un « épisode »
de l’intrigue. Cette catégorie des plans autonomes est très vaste ; elle comprend des plans
isolés sous forme d’insert (au nombre de quatre selon Metz, dont la forme la plus répandue
est l’insert explicatif : Détail grossi, un gros plan sur une montre dans une scène où un
personnage regarde l’heure par exemple) que des plans-séquences pouvant durer plusieurs
minutes. Pour Metz, le plan autonome est au cinéma ce qu’est la phrase-paragraphe à la
littérature ; « en littérature, la phrase est une unité de rang inférieur au paragraphe, mais
certains paragraphes sont formés d’une seule phrase ».
Ensuite, Metz distingue, par des critères temporels, entre les syntagmes
achronologiques et les syntagmes chronologiques. Dans les premiers le rapport temporel
entre les faits présentés par ces syntagmes n’est pas précisé par le film ; dans les seconds il
l’est. Dans les syntagmes a-chronologiques, il en dénombre deux types :

2-4-1-1-Le syntagme parallèle


Ici, le montage rapproche et entremêle deux ou plusieurs motifs qui reviennent par
alternance et qui n’ont aucun rapport temporel précis mais plutôt un rapport d’ordre
symbolique (ville/campagne, calme/agitation, vie des pauvres/vie des riches). Ce syntagme
est le meilleur exemple de la connotation au cinéma. Puisque chacun des plans isolés dans le
syntagme parallèle n’est significatif que par son implication dans l’entité du syntagme.

2-4-1-2- Le syntagme en accolade


C’est une série de saynètes (un ou plusieurs brefs plans dotés d’une unité de sens)
reliées en accolade. Ce syntagme, à l’image du syntagme parallèle, est signifiant dans son
ensemble et non dans l’unité de chaque saynète. Ce type de syntagme regroupe sur un plan
symbolique les évènements relatés dans les saynètes. La différence, à l’intérieur des
syntagmes a-chronologiques, entre syntagmes en parallèle et syntagmes en accolade, « c’est
la présence ou l’absence d’une alternance systématique des images par séries. […] Le
syntagme en accolade regroupe directement les images ; le syntagme parallèle comporte deux
ou plusieurs séries de plusieurs images chacune, et ces séries alternent à l’écran (A B A B,
etc.) »3. La notion de syntagme a-chronologique signifie qu’il n’a pas de relations
chronologiques marquées entre les différents plans constituant le segment ; la notion
syntagme chronologique implique évidemment le contraire. Dans cette catégorie, Metz
distingue une nouvelle fois, par critère de simultanéité, le syntagme descriptif des autres
syntagmes narratifs

2-4-1-3- Le syntagme descriptif


C’est le seul cas où tous les motifs représentés sont dans un rapport de simultanéité.
Dans l’impossibilité de présenter à l’espace de l’écran (lieu du signifiant) deux évènements
qui se passent simultanément dans l’espace de la réalité (lieu du signifié), on le présente en
succession syntagmatique, mais de rapport de coexistence spatiale. Metz illustre ce type de
syntagme par l’exemple de la description d’un paysage (d’abord) un arbre, puis une vue
partielle de cet arbre, puis un petit ruisseau qui est à côté, puis une colline au lointain, etc.).
Le deuxième type des syntagmes chronologique est l’ensemble des syntagmes narratifs
qui se divisent à leur tour en syntagme narratif alterné, et un autre ensemble qui regroupe les
syntagmes narratifs linéaires (scènes et séquences), c'est-à-dire le syntagme le plus répandu
dans le film narratif.

2-4-1-4- Le syntagme alterné


Précisant que tous les syntagmes chronologiques autres que le syntagme descriptif sont
des syntagmes narratifs, Metz décrit le syntagme alterné(narratif) comme étant le syntagme
qui correspond généralement à ce qu’on a convenu d’appeler dans le cinéma moderne, le
montage alterné ou parallèle dont l’exemple le plus pertinent est celui du segment des
courses poursuites. Le montage présente deux ou plusieurs séries d’évènements, dont le
rapport entre elles est de simultanéité, mais le rapport entre chaque motif de la même série est
de succession. Un principe résumé par Metz dans l’expression : « Alternance des images /
simultanéité des faits ». « Le montage présente par alternance deux ou plusieurs séries
éventuellement de façon telle qu’à l’intérieur de chaque série les rapports temporels soient de
consécution. Contrairement au syntagme parallèle (n°2 dans le tableau), le syntagme alterné
présente des séries où les motifs sont gouvernés par un rapport de succession chronologique.
On remarque aussi que dans le syntagme alterné, les deux séries de plans appartiennent à des
espaces proches et cette proximité renforce l’impression de simultanéité.
Dans la catégorie des syntagmes narratifs linéaires (par opposition au syntagme
narratif alterné) une nouvelle pertinence permet de différencier entre deux cas : la scène où la
consécution peut être continue et la séquence où la consécution est discontinue.

2-4-1-5- La scène
Elle constitue la manifestation la plus franche du syntagme linéaire continu grâce à son
effet de continuité spatio-temporelle. Même si elle comporte plusieurs plans (signifiants
fragmentaire), le signifié reste perçu par le spectateur de façon unitaire et continue. La scène
est caractérisée également par l’égalité du temps du récit et du temps référentiel : temps de la
diégèse = temps des évènements. La scène est le seul syntagme au cinéma « qui ressemble à
une ‘’scène’’ de théâtre, ou encore à une scène de la vie courante, c'est-à-dire qui présente un
ensemble spatio-temporel ressenti comme sans failles »

Par opposition à la scène, héritée de la tradition théâtrale, Christian Metz précise, que
le terme « séquence » s’est fixé pour désigner une construction proprement filmique, où la
consécution temporelle des faits présentés est discontinue. La séquence n’évolue pas par
continuité, mais par bonds successifs, A l’intérieur de la séquence, deux cas se présentent :

2-4-1-6- La séquence ordinaire et la séquence par épisode


On saute les moments jugés sans intérêt pour l’intrigue et la diégèse, bien qu’on
devine leur déroulement dans la réalité. La discontinuité temporelle peut rester inorganisée et
éparpillée. C’est sans doute le type syntagmatique le plus courant dans les films narratifs.
La séquence par épisode : Une des nouveautés du travail de Metz, c’est qu’il repère le
premier ce type syntagmatique: Un alignement d’un nombre de brèves saynètes, séparées le
plus souvent par des effets optiques. Elles se succèdent par ordre chronologique et sont
généralement séparées par une longue durée diégétique. Contrairement, à la séquence
ordinaire, « la discontinuité peut être organisée et devenir le principe même de construction
et d’intelligibilité de la séquence […] Chacune des images qui est partie prenante dans la
consécution apparait nettement comme le résumé symbolique d’un stade dans une évolution
assez longue que la séquence globale condense »
Ainsi, la segmentation syntagmatique d’un film peut donner des indications sur le style
du film et de son auteur. Les cinéastes ont à leur disposition ces unités de signification selon
leurs intentions esthétiques ; « L’absence de certains syntagmatiques dans un film est donc à
étudier au même titre que leur présence dans un autre »8. On peut donc dire pour conclure
que la grande syntagmatique est davantage qu’un instrument de transcription du film, par sa
définition des critères généraux mais puissants de délimitation entre segment, elle est une
première étape de l’analyse filmique. La grande syntagmatique permet de décrire plus
fidèlement un film dont l’intention d’analyser ses systèmes, internes et partiels, de
signification ; elle est également un puissant outil par lequel on accède à une interprétation
sensée et vérifiable de l’œuvre filmique.

2.4- L’analyse structurale d’un film


Le travail préparatoire à l’analyse de séquence.

- Dans un premier temps, s’imprégner de la séquence en s’attardant sur son ton, son
rythme, ses émotions, ce qu’elle exprime, sans approfondir la relation ou chercher à
comprendre le fonctionnement de la séquence.
- faire usage de la terminologie appropriée pour procéder à la description minutieuse de
la séquence en fonction des éléments techniques jugés pertinents et expressifs. Répondre
ainsi aux questions qui? quoi? ou? et comment?

1. Les éléments relatifs à la séquence dans son ensemble.

- Décrire les éléments relatifs à la narration. Que se passe-t-il dans la séquence ? Que
nous raconte telle ? Que se passe t-il entre les personnages ? Quels est le ton général de la
séquence (léger, tragique, burlesque, angoissant,…) ? Quelle(s) émotion(s) transmet-elle ?
- Quel est le format de l’image ? Est-ce un film en noir et blanc ou en couleur ? A
quelle période de l’histoire du cinéma appartient t-il (cinéma muet, cinéma de Qualité
Française,…) ?
- Quel est le rythme, le tempo de la séquence (uniforme, s’accélérant,…) ? Comment
est-elle
structurée (de manière symétrique ou non, en combien de parties,…) ? Combien de
plans compte la séquence ? Les plans sont-ils courts ou longs ? Quel rapport(s) entre durée de
la séquence et nombre
de plans ?
- A quel moment se situe la séquence par rapport à l’ensemble du film ? Est-ce, par
exemple, un début ou une fin de film ?

2. Les éléments relatifs à chacun des plans.


- Décrire les éléments relatifs à la mise en scène, à l’analyse de l’image autant qu’à
celle du son. Décrire, selon la pertinence dans la séquence, les différentes informations
relatives à chaque plan : échelle de plan, angle de prise de vue, mouvement de caméra,
composition, circulation entre l’espace du champ et du hors-champ, distance focale,
profondeur de champ, lumière et éclairage, couleurs, son,…

Méthode analyse filmique.


introduction *le titre du film.
*l’année du film + présenter le
contexte (historique, culturel,
géographique) qui a pu influencer ou non la
réalisation du film.
*le genre du film (comédie, action,
thriller…)
*nationalité du film.
*succès du film (nombre d’entrées,
récompenses obtenues.)
Première partie : 1/ Situer la scène étudiée
 A quel moment du film (début,
A) Présentation des éléments de milieu, fin.)
l’œuvre.  A quelle époque se déroule
l’action ?
2/ Le décor  lieu(x) où se déroule
l’action  décor(s) naturel(s) ou réalisé(s)
en studio ?  espace(s) intérieur(s) ou
extérieur(s) ?  jour ou nuit.
3/ Les personnages
 caractérisation : aspect physique,
vêtements, voix, interprétation, choix de
l’acteur
 relations entre les personnages : qui
sont-ils ? que veulent-ils ?…

B) Présentation de la mise en scène.


(image et son) 1/ le cadrage :
 le champ/ hors champ
 les échelles de plan
 les mouvements de caméra
 les angles de prises de vue

2/ la lumière :
 Contrastée ou non
 Réaliste ou non
 les couleurs dominantes

3/ le son :
 Musique diégétique ou extra-
diégétique
 Bruits divers

*L’intérêt de l’œuvre.
Deuxième partie : *Le message du réalisateur.
*le film s’insère dans une continuité
Analyse de l’œuvre. ou une rupture. Pourquoi ?
*Le sens de la mise en scène :
 les couleurs (signification)
 le cadrage
 le son

conclusion *Etablir des liens avec d’autres films


de même genre ou de genre différent.
* Jugement personnel si possible.

3. SEMIOPRAGMATIQUE DU CINEMA OU L’ETUDE DE LA RECEPTION


DU PRODUIT CINEMATOGRAPHIQUE

3.1. Des théories de Casetti et d’Odin

- Logique de CASETTI
Francesco CASETTI porte un regard original sur la question de la réception du film par
son spectateur. Son analyse de la littérature sémiotique sur la réception repose sur un regard
dichotomique sur elle. Pour lui, la sémiotique est en effet un domaine théorique scindé en
deux parties, et dont une ligne de partage divise tout le terrain de l’analyse en deux zones.
D’un côté, on considère le spectateur comme un décodeur : c’est-à-dire comme quelqu’un qui
déchiffre un ensemble d’images et de sons comme un visiteur qui se contente de recouvrer le
sens de la représentation : comme un transcripteur qui, à la fin du parcours, traduit un
message chiffré. D’un autre côté, on considère le spectateur comme un interlocuteur, c'est-à-
dire comme quelqu’un à qui on peut adresser des propositions et dont on peut attendre un
signe d’intelligence ; il est donc dans une logique de communication, où l’énonciateur est
pris comme locuteur et le spectateur comme interlocuteur. Ce qui complète le processus de
communication par lequel nait la signification.
Le sens que donne CASETTI au « texte » et à « textuel » est peut-être légèrement
différent qu’on lui donne habituellement. Il l’entend plutôt dans le sens d’une construction
dynamique, d’organisation ouverte et complexe, d’objet destiné à être « lu ». On parle
désormais de « texte » filmique alors que l’on parlait avant d’œuvre ou de message.

- Logique d’Odin
Roger Odin, propose son propre un modèle alternatif, oppose dans son archéologie de
la littérature de la réception le modèle Texte-lecteur à ce qu’il appelle approches
contextuelles.2
Mais avant cela, Odin rappelle, ce qui est pour lui, les raisons de la mise en quarantaine
de la question du public dans les théories du cinéma. Il en expose trois. En premier lieu, « la
conviction structuraliste » des années soixante et soixante-dix a étouffé pendant longtemps
l’embryon de toute tentative de penser en dehors d’un dogmatisme structuraliste. On peut
remarquer que, contrairement à Umberto ECO, Roger ODIN, n’aperçoit, dans le bloc
structuraliste, la moindre ouverture vers la question du public. La question du public, en
sémiotique du cinéma, a été mise à l’écart également par précautions méthodologiques (peut-
être de peur d’une « sociologisation » de la question). Odin cite, à cet effet, la feuille de route
du programme d’étude des relations entre films et société par ROPARS, LAGNY et
SORLIN. Ces derniers ont choisi de s’en tenir « au film en lui-même, sans chercher au
dehors sa raison ou son point d’ancrage.» 3 A la fin, Odin estime que la conception de la
communication filmique par les sémioticiens du film, notamment Christian METZ, a été
derrière la mise entre parenthèse des approches de la réception. « Le cinéma livre des textes
préparés à l’avance, constitués une fois pour toute, immuables, achevés avant d’être présentés
»1 et qui n’accordent au spectateur aucune possibilité de modification.*
Ce qu’il considère comme relavant du modèle Texte-lecteur dans le cinéma c’est
l’approche qui prend en charge l’analyse du public par le film. A ce propos, nous pouvons
remarquer, sans peine, que Roger ODIN ne distingue pas les théories herméneutiques des
avancées notoires de quelqu’un comme CASETTI. Il cite d’ailleurs ce dernier pour illustrer
la pensée des premiers : il s’agit d’étudier comment le film « construit son spectateur,
comment il en rend compte, comment il lui assigne une place, comment il lui fait parcourir
un certain trajet.»2 Puis, il va de sa critique quand il remarque que, en dépit d’un certain
paradigme pragmatique affiché, le texte reste « mis au poste de commande » et dirige la
lecture.
Si ODIN critique le modèle texte-lecteur de la sorte, c’est pour mieux le distinguer des
approches contextuelles, qui ont pour objectif d’analyser la production du sens par le public
lui-même.
A ces approches contextuelles, Roder ODIN trouve une origine, dans les écrits de
l’ethnologue américain Sol WORTH. Ce dernier qui considérait « qu’un film n’a pas de sens
en lui-même»3 et que ce sens n’est possible que dans le cadre d’une relation avec un sujet
percevant. Ce constat est d’autant plus intéressant qu’il aide à concevoir une idée du
processus de la signification comme un processus de communication, à double sens de
production de sens, entre deux espaces, celui de l’énonciateur et celui du récepteur et dont le
point commun est le film proposé comme texte.
En effet, WORTH, dans sa proposition pragmatique n’inverse « les pôles » du modèle
textuel en donnant au spectateur les pleins-pouvoir ; il est vrai que le spectateur construit le
sens, mais il le fait « sous la pression de déterminations qui le traversent et le construisent
sans qu’il en ait le plus souvent conscience. Le spectateur partage, avec d’autres, certaines
contraintes. » C’est tout l’intérêt de cette approche : elle prend en considération des
suggestions que l’on peut associer aux travaux des théories sociologiques de la réception
dans le cadre des Culrural Studies tels que les contraintes physiques, sociologiques et
culturelles dans le processus de la réception.

3.2. L’analyse du discours filmique/l’énonciation cinématographique


3.2.1.Le dispositif énonciatif du film cinématographique.
Ce dispositif est l’un des moyens qui participe de la réception du cinéma. Il est vrai
que depuis l’émergence d’un certain cinéma qualifié de « mental » initié par « la nouvelle
vague » ; et avec des tentatives par ici et par là dans un « cinéma expérimental », où le film se
manifeste en tant que « discours », la narratologie essaie de repérer des marques énonciatives
dans le film cinématographique. Elle avance deux pistes : « le point de vue » et « La voix
narrative ».
En cinéma, c’est aussi la façon dont on regarde. En règle générale, dans le film narratif,
qu’est la forme classique et la plus conventionnelle du film cinématographique, le point de
vue est généralement assimilé à quelqu’un : soit la caméra renvoie à l’œil d’un personnage,
on parle alors d’ocularisation interne ; soit elle semble placée en dehors de tout personnage,
où on a affaire à une ocularisation zéro. 1 Ce concept d’ocularisation est doublement
important, parce qu’en cinéma les questions « qui voit ? » et « que voiton ? » renvoient à la
question « qui sait ? ». Et par là, les positions du narrateur externe (énonciateur) et du
personnage s’entremêlent. A la question « qui voit ? », Francis VONOYE, dans « Récit écrit,
récit filmique » propose trois réponses/cas de figure possibles : « Un narrateur omniscient qui
en dit plus* que n’en savent les personnages ; Un narrateur qui ne dit que ce que voit tel
personnage (récit « à point de vue » […] ; un narrateur qui en dit moins que n’en sait le
personnage […] »2.
Un autre point relatif à l’énonciation filmique est celui de la voix narrative, c'est-à-
dire les rapports entre le narrateur et l’histoire racontée : la position de la narration par
rapport à l’histoire, est-elle antérieure, postérieure ou simultanée ? Et aussi le degré de
présence du narrateur dans le récit. Dans un premier cas, il arrive qu’un film soit raconté à la
première personne, que ses évènements s’énoncent par un personnage avec une caméra
subjective. La narration dans ce cas-là est implicite. En revanche, elle est explicite quand les
événements sont proposés avec une caméra objective, quand on a l’impression que l’histoire
est narrée à la troisième personne par un narrateur externe.
Cette « thèse narratologique » des marques énonciatives, basée sur les deux seuls
principes de point de vue d’une part, et de voix narrative d’autre part, est fortement
discutable. Parce qu’il pourrait s’agir tout simplement de choix artistiques ou d’options
dramatiques (au sens de dramaturgie) plutôt que de marques énonciatives.
Toutefois, il existe des procédés, d’origine technique mais d’usage artistique et
expressif, mis à la disposition de l’auteur/énonciateur pour produire son œuvre et la marquer
par son empreinte et par son style. L’origine linguistique du concept de l’énonciation justifie
en quelque sorte un autre parallèle entre le texte linguistique et le film cinématographique. Si
la phrase se construit avec des mots, le film, lui, est constitué d’images et de sons, dont la
composition est assurée par l’énonciateur/auteur à l’aide d’outils expressifs. Parmi lesquels,
on trouve des outils expressifs qui sont propres au cinéma, et qui les différencie des autres
arts et moyens d’expressions tels que le théâtre ou la photographie. Yvelines BATICLE les
trie en trois catégories : des procédés spatiaux, des procédés kinésiques et enfin des procédés
audiovisuels1
Les procédés spatiaux sont utilisés par l’énonciateur pour saisir une image et la
montrer dans un plan* limité dans l’espace et dans le temps. Le changement de l’échelle des
plans ou des angles de prise de vue est significatif ici. Un plan en plongée n’a pas la même
valeur qu’une contre-plongée, une information donnée dans un plan général est différente de
celle donnée dans un gros plan. Il est de même pour le cadrage : l’énonciateur choisit de
mettre dans le cadre ce qu’il veut montrer. Tout ce qui est en dehors du cadre, sauf indication
contraire, n’existe pas dans le film.
Les procédés kinésiques dans cet ensemble, le montage est peut-être le plus important
et le plus expressif des éléments. Le montage est le travail de mettre les plans dans l’ordre
prévu dans le découpage, il permet aussi au réalisateur d’imprimer sa marque personnelle.
Le grand réalisateur soviétique Sergei EISENSTEIN dit que le montage est « l’art d’exprimer
ou de signifier par rapport de deux plans juxtaposés de telle sorte que cette juxtaposition
fasse naitre l’idée ou exprime quelque chose qui n’est contenu dans aucun des deux plans pris
séparément. L’ensemble est supérieur à la somme des parties »2.
Outre ces outils, il existe une troisième catégorie qui rassemble les procédés
audiovisuels, parmi lesquels la musique semble être le principal procédé. Celle-ci permet
d’instaurer l’ambiance générale du film et d’exprimer parfois ce que l’image seule a du mal à
monter.
3.2.2. La réception du cinéma
Dans un travail sur la sémiotique de la réception, nous avons choisi de nous focaliser
sur deux points qui nous paraissent essentiels pour comprendre « la mécanique » de la
démocratie sémiotique. Le premier point porte sur la notion de la perception. Une notion
mainte fois abordée mais presque toujours dans le cadre des travaux de recherche en
sciences humaines et sociales. Nous tenterons de mettre la lumière sur cette notion pour
mieux comprendre le processus de réception du film cinématographique dans sa phase de
décryptage du message. Ensuite, nous aborderons un second point celui qui traite la salle de
cinéma, comme élément « physique » de cet espace de réception.
3.2.2.1. La perception
3.2.2.1.1. Le décryptage du message
Il est intéressant, pour décrire le processus de réception du film cinématographique
dans sa phase de décryptage du message filmique, phase central du processus, de rappeler le
fonctionnement du cerveau humain qui permet la succession des trois étapes du décryptage
du message filmique : Perception, compréhension, et enfin l’interprétation.
Partant d’une approche cognitive, on peut distinguer trois parties du cerveau humain
fonctionnant successivement : Le cerveau reptilien, dit archaïque ; le cerveau limbique ou
viscéral ; et le cortex cérébral. Le cerveau reptilien est la première porte d’accès du message,
il le reçoit le message en priorité, à l’aide de cinq sens, et le trie. Cette partie du cerceau
assure la capacité d’attention immédiate de l’individu. Il est le siège de l’instinct, du
comportement rituel ou d’imitation et assure les réflexes du sujet. En deuxième partie, on
trouve le cerveau limbique qui est le siège de l’affectivité et de l’apprentissage. Les
décryptages émotionnels et subjectifs du message filmique dépendent de cette partie du
cerveau, mais aussi la lecture référentielle qu’on va détailler plus tard, puisque les systèmes
de valeurs de l’individu, sa perception du monde, et son comportement psychologique
s’opèrent dans le cerveau limbique. L’interprétation de l’œuvre filmique, comme on va voir,
s’accomplit essentiellement dans cette partie. Si cette partie est le siège de capacités
émotionnelles de l’individu, le cortex cérébral, dit supérieur, est, lui, le siège des facultés
intellectuelles, spirituelles et artistiques de l’individu. Il est l’espace réservé au raisonnement
logique et aux capacités conceptuelles, d’analyse et de création. Ce n’est que franchissant
cette troisième partie, que le message filmique est théoriquement compris.
De ce fait, la perception d’un film est une ultime étape de son décodage en
psychologie sociale, alors qu’elle n’est que le début d’un processus de décryptage en
neuropsychologique. Cela ajoute, ainsi, une difficulté supplémentaire à toute tentative
d’analyser la réception du film cinématographique. Si le film cinématographique est
généralement perçu dans sa totalité, il n’est pas évident qu’il soit tout le temps compris. En
effet, la perception se mesure par la capacité du film à « attirer » l’attention du spectateur
pour un début de processus de décryptage, alors que la compréhension réside dans la faculté
de ce spectateur à décrypter correctement le contenu du film. La compréhension est plus que
jamais un processus sémiotique : Nous retrouvons dans ce processus les notions de signifiant
et signifié abordées au chapitre introductif. Plus faible sera la distance entre le signifiant du
message filmique, correspondant au contenu voulu par l’énonciateur et le signifié reçu par le
spectateur du film, plus compris pourra être le message filmique. Autrement dit, « Il ya
compréhension quand il y a correspondance entre le sens du message attribué par la source et
celui attribué par l’audience ». Il est important donc que l’énonciateur emploie des signes
appartenant à l’univers culturel de son éventuel public pour qu’il soit correctement compris.
Autrement, la compréhension du contenu sera erroné ou le message filmique sera objet non
pas d’une interprétation, comme il devrait l’être, mais d’une surinterprétation.

3.2.2.1.2.Le cinéma ; un art de l’émotion


Dans le cinéma, l’esprit humain « non seulement donne au réel son sens, mais même ce
qui lui donne ses caractéristiques physiques : la couleur, la forme, la taille, le contraste, la
luminosité, etc. (...) la vision est une activité créatrice de l’esprit humain. », une certaine
conception du cinéma la verrait comme un art de l’esprit. Il serait l’art de l’attention, dans le
sens où il est « un enregistrement organisé » d’une manière semblable à celle qu’utilise
l’esprit pour donner un sens au réel ; il est aussi l’art de la mémoire et de l’imagination à
travers le montage qui permet de remonter dans le temps, d’accélérer le rythme et de faire des
flash-back ; et enfin il est l’art de l’émotion.
Cette question du cinéma comme art de l’émotion, c’est à dire la faculté du film de
cinéma à induire des émotions et influencer le spectateur est importante dans l’analyse de la
réception du film de cinéma. Pendant très longtemps, chez les cinéastes soviétiques, le
montage était considéré comme responsable d’évoquer les émotions. Même si l’idée selon
laquelle le montage est un moyen pour engendrer l’émotion reste discutable, ce qui est
important reste surtout l’affirmation qu’un film de cinéma influence son spectateur. C’est à
dire qu’un film est capable de façonner un spectateur. Le film contiendrait intrinsèquement
les raisons de l’émotion qu’il va induire au spectateur. Cet impact émotionnel du film était
connu et constaté comme vérité élémentaire, mais ce n’est qu’avec l’avènement de la
filmologie qu’on commença à s’y intéresser comme un phénomène analysable. La filmologie
tentait de répondre aux questions « comment » et « pourquoi » une telle émotion après les
projections de cinéma ?
Edgar MORIN est sans doute l’un des plus célèbres à s’être inspiré de ce courant
filmologique qui domina les années quarante et cinquante. Bien qu’il se revendique de
l’anthropologie, son livre « le cinéma ou l’homme imaginaire » reste fortement liée à la
filmologie. D’ailleurs, une première ébauche de l’essai a été d’abord publiée dans un numéro
de la revue internationale de filmologie. Dans ce livre, auquel on a déjà consacré plusieurs
passages de la thèse, Morin estime que la perception filmique a les mêmes aspects que la
perception magique. La magie du cinéma ne serait donc pas qu’une phrase d’accroche dans
les médias puisque la perception filmique est déterminée « par la croyance au double, aux
métamorphoses et à l’ubiquité, à la fluidité universelle, à l’analogie réciproque du
microcosme et du macrocosme. ». Le spectateur ne se projette pas dans le monde ni dans le
film, mais les absorbe en lui. Quelques années plus tard, Christian Metz, dans un article
intitulé « Le film de fiction et son spectateur »3 tenta une distinction entre perception
filmique et onirique quand il estima que la première « est une perception réelle (est
réellement une perception) »4 puisqu’elle ne se réduit pas à un processus psychique interne.
A l’image du processus global de la réception, le spectateur ne crée pas sa perception de toute
pièce. Entre les deux visions, celle de MORIN d’une part et celle de METZ d’autre part, un
juste milieu s’imposerait. Ce milieu serait une zone de négociation entre le sujet percevant et
objet perçu, le tout dans le cadre d’une démocratie sémiotique.

3.2.2.1.3. La salle de cinéma comme un espace anthropologique


La description de cet espace « physique » de la réception est importante pour mieux
analyser la répercussion de sa présence ou de son absence dans les expériences
cinématographiques que l’on va aborder d’une part et pour mieux le comparer avec les autres
espaces « nouveaux » de la réception d’autre part. Ceci dit, cette tentative de description,
aussi succincte que sommaire, va se focaliser sur l’expérience cinématographique «
classique » dans sa dimension rituelle et sur « le lieu » comme un espace de médiation.
Aussi faut-il noter que le spectateur est passif dans une salle de cinéma. Il subit un flux
d’images, de sons et d’émotions. Il n’est pas dans une logique de contrôle. Hormis le choix
du film et de l’horaire, le spectateur dans une salle n’a aucun autre outil de contrôle sinon de
quitter la salle précipitamment. Contrairement à d’autres espaces, le spectateur ne peut ni
faire « pause » dans un film ni revoir une séquence où un détail qui lui a échappé. Dans une
salle de cinéma, le film est plus « maitre » qu’aucun autre espace. Deuxième constat de
Barthes c’est l’état semblable à l’hypnose dont le spectateur est plongé. L’auteur de
Mythologies ne prend d’ailleurs même pas les précautions de la relativisation : voir un film
dans une salle est une hypnose. On ne sort pas d’une salle comme on y était entré. Avant
même d’y aller, on s’y prépare, on choisit son film, son genre, son horaire et même sa salle.
On se prépare à « une situation de cinéma », une situation pré-hypnotique. Puis on plonge
dans le noir de la salle comme on sombre en hypnose. « La salle de cinéma (de type courant)
Pour mieux saisir l’intensité de l’expérience, il suffit d’évoquer l’expérience contraire, c’est à
dire voir un film, peut-être même le même film, dans un autre espace de présentation, comme
la télé. La fascination disparaît, « le noir y est gommé, l’anonymat refoulé ; l’espace est
familier, articulé (par les meubles, les objets connus) ». Dans ce texte, Roland Barthes choisit
son camp, l’expérience cinématographique passe nécessairement par l’expérience d’aller au
cinéma. L’espace et toutes les considérations, qu’il implique font partie de l’expérience pour
Barthes.
Regarder un film dans un autre espace n’est pas une négation de l’expérience
cinématographique. C’est une ouverture et une proposition d’autres conditions de
l’expérience cinématographique où le spectateur est plus que jamais producteur de sens.
Ce rapport quasi-fusionnel à la salle ne peut se comprendre qu’à la lumière de l’activité
rituelle, qui nécessite une mobilisation du temps et de l’espace. Certaines conditions doivent
être réunies : « un lieu » physique, un espace de temps, une présence mentale, en plus des
conventions langagières entre le spectateur dans le cas du cinéma et l’émetteur du film. Ces
conditions réunies seront les règles de jeu d’une médiation entre le spectateur et le film. C’est
dans ce cadre de l’activité rituelle qu’il faut comprendre l’expérience d’aller au cinéma.
Ce qui différencie par contre les deux expériences se sont deux aspects fondamentaux :
l’accessibilité et le partage. Par accessibilité, nous entendons évidemment le déplacement au
lieu de la projection : dans le cas classique, le spectateur va à la projection ; dans les autres
cas, c’est la projection qui vient au spectateur. Mais un autre cas de l’accessibilité est tout
autant essentiel. Pour assister à une projection- sauf dans des cas spécifiques- le spectateur
est amené à payer pour ce faire. L’échelle de satisfaction est conditionnée par cet acte
d’achat. L’autre aspect concerne le partage de l’expérience d’aller au cinéma. Dans la
majorité des cas, bien que la réception du film soit faite de façon individuelle mais le cadre
est collectif. Des communautés d’interprétation se fondent de manière inconsciente. Les
systèmes de valeurs sont plus déterminants. Parallèlement à cela, l’appropriation du film et
l’identification à l’expérience deviennent importantes. On tire autant de satisfaction de la
réception du film que du fait d’aller le voir. Le genre du film (film d’auteur ou commercial),
son lieu (cinémathèque, cinéma de quartiers ou complexe) deviennent des paramètres
essentiels dans la symbolique de l’expérience d’aller au cinéma et déterminent le degré de
son légitimité comme une pratique culturelle.
Chaque spectateur interprète différemment son activité d’aller au cinéma pour en faire
un acte signifiant et lui donner un sens social. Il va dans une salle pour voir un film d’auteur
parce qu’il veut appartenir- ou confirmer cette appartenance- à une communauté de
cinéphiles. Comme il va voir un film commercial parce qu’il est fan de tel ou tel acteur. De
manière générale, cet aspect de l’expérience d’aller au cinéma est inconscient. Ce n’est pas le
film lui-même, objet culturel qu’il est, qui donne un sens à cette expérience ou détermine le
statut de la pratique culturelle mais ce que l’on fait de ce film. Un même film, reçu dans
d’autres circonstances fera sujet d’une autre expérience d’appropriation.
Comme nous pouvons le constater, ce n’est pas tant le film comme objet perçu et perçu
qui fait la différence par rapport aux autres espaces de réception. Ce sont les conditions
physiques à cette expérience et l’appropriation du film qui font que les deux expériences,
celle de voir le film dans une salle de cinéma et le regarder dans son salon par exemple,
soient différentes. Elles sont différentes mais pas opposées. Contester le statut d’expérience
cinématographique à l’acte de voir un film de cinéma dans un autre espace de réception, sous
prétexte que les conditions physiques d’une réception classique ne sont pas réunies ou que
son appropriation est différente, serait moyennement acceptable sur un plan théorique.

4. ANALYSE SEMIOTIQUE D’UN TEXTE AUDIOVISUEL (TPE)

CONCLUSION
En définitive, la sémiotique du cinéma, en tant que méthode d’approche, vient doter les
études cinématographiques d’un outil scientifique de lecture et d’analyse des productions
cinématographiques. Elle vient présenter le cinéma sous le visage d’une science, produit
savamment pensé et doté d’une richesse exploitable par les professionnels du cinéma et les
critiques de cette pratique. En s’appuyant sur une méthode d’analyse structurale qu’est la
linguistique, elle fait du film une structure textuelle codifiée qui peut être construite et
déconstruite par les sémioticiens pour en dégager le sens. Par ailleurs, elle crée une ouverture
dans l’exploration scientifique de toutes les productions audiovisuelles.

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