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La courbe de Laffer (Fiche ÉTIQUETTES

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L’implication de la courbe de Laffer est couramment résumée par
l’adage « trop d’impôt tue l’impôt ». Elle stipule qu’il n’est Dépenses
fiscalement pas rentable d’augmenter le taux d’imposition au-delà publiques

d’un certain seuil, appelé taux « prohibitif », à partir duquel toute Ecologie
hausse d’impôts résultera à terme en une baisse globale des
Emploi
recettes fiscales. La courbe est ainsi utilisée pour illustrer l’argument
Environnement
selon lequel la réduction des taux d’imposition peut parfois
entraîner une augmentation des recettes publiques. Epargne

Europe FED
Contexte historique
Finance
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Contrairement à ce que son nom suppose, cette idée est bien Fiscalité France
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antérieure aux travaux de l’économiste Arthur Laffer. Les premières Inflation
traces remonteraient aux XIVème siècle, dans l’ouvrage La innovation
Muqaddima du philosophe et historien tunisien Ibn Khaldoun. Cinq investissement
siècles plus tard, les premiers économistes classiques, dont Adam
Inégalités
Smith mais surtout Jean-Baptiste Say, témoigneront de ce même
phénomène. L’économiste français énonce ainsi dans son livre de Keynes Macron

1803, Traité d’économie politique, qu’un « impôt exagéré détruit la Marché


base sur laquelle il porte ». Plus étonnant encore, John Maynard
Marché du travail
Keynes sera un de ceux qui résumera avec le plus de justesse ce
Mondialisation
phénomène. Dans son essai de 1933, The Means to Prosperity, il
rendit public un échange qu’il eut avec le Trésor Britannique où il monnaie PIB

s’opposa à la hausse d’impôt au Royaume-Uni ; il y écrivit : « que Politique


l’imposition peut être si élevée qu’elle en aille à l’encontre de son monétaire
objectif, […] et qu’une réduction de la fiscalité aura de meilleures Politiques
chances d’équilibrer le budget. » publiques

Politique
Ainsi, si Laffer n’est pas l’inventeur de ce concept, ce qu’il admettra économique
lui-même volontiers, il contribua dans une large mesure à sa
Production
popularisation. Cette intuition lui sera irrémédiablement attribuée
en 1978, dans un article de Jude Wanniski paru dans la revue The Régulation

Public Interest intitulé « Taxes, Revenues, and the Laffer Curve »[i]. sociologie

Spéculation
Le modèle
Travail Trump

La courbe de Laffer prend communément une forme parabolique en Union Européenne


U inversé, avec sur l’axe des abscisses le taux d’imposition en
USA États-Unis
pourcentage de l’assiette fiscale (i.e. montant assujetti à l’impôt) et
sur l’axe des ordonnées les recettes de l’Etat.
ARTICLES RÉCENTS
La courbe coupe l’axe des abscisses en deux points, en d’autres
termes le revenu fiscal est nul pour deux niveaux d’impôt : un taux Le théorème

d’imposition de 0% d’une part et de 100% d’autre part. En effet, d’Haavelmo (Fiche

Laffer fait l’hypothèse que les agents économiques sont rationnels concept)

et effectuent un arbitrage entre travail et loisir. Ainsi, lorsque le taux


La destruction
d’imposition est trop élevé, les agents diminuent leur offre de
créatrice, Joseph
travail. Au taux d’imposition maximal de 100%, les agents
Schumpeter (Fiche
cesseraient simplement de travailler car personne ne renoncerait à
concept)
son temps libre pour un salaire net d’impôt nul. De même, avec un
taux d’imposition de 0%, le gouvernement ne percevrait aucun Le salaire minimum
revenu
This fiscal.
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de David Card
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Le phénomène central de la courbe, qui structure la relation entre Le protectionnisme
taux d’imposition et recettes fiscales, est que la modification d’une éducateur (Fiche
taxe induit deux effets contraires : l’effet arithmétique et l’effet concept)
économique. L’effet arithmétique considère que si le taux
d’imposition baisse, les recettes fiscales, toute chose égale par Évolution de
ailleurs, seront réduites du même montant que la diminution des l’inflation en France
taux et inversement pour une augmentation de l’imposition. L’effet (Graphique)
arithmétique est souvent assimilé à l’effet de très court terme d’une
politique fiscale. L’effet économique, cependant, reconnaît l’impact
positif que la baisse du taux d’imposition a sur la production, le
travail et l’emploi, et par conséquent sur le montant de l’assiette
fiscale, en fournissant des incitations pour accroître l’activité
économique. En tout point, l’effet arithmétique fonctionne dans le
sens inverse de l’effet économique. Ainsi, le taux d’imposition
optimal de l’économie (i.e. celui qui maximise les recettes de l’Etat)
est atteint quand l’effet arithmétique est parfaitement compensé par
l’effet économique. Au-delà de ce niveau, une hausse de l’impôt
résulterait en une baisse des recettes, car l’effet économique négatif
l’emporterait sur l’effet arithmétique.

Le taux d’imposition optimal

Un enjeu central du modèle, auquel Arthur Laffer n’apportera pas de


réponse satisfaisante, concerne la détermination de ce taux
d’imposition optimal, maximisant les recettes de l’Etat. Plusieurs
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études, ces dernières décennies, ont tenté d’estimer ce taux.
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Par exemple, en 2017, l’économiste Jacob Lundberg, a évalué les
courbes de Laffer pour 27 pays de l’OCDE [ii]. Il conclut que le taux
d’imposition qui maximise les recettes fiscales se situe aux alentours
de 70% et dépend de plusieurs facteurs pour chaque économie,
dont notamment : la structure des prélèvements obligatoires,
l’histoire fiscale du pays, le niveau d’aversion au risque des
investisseurs ou encore la confiance en la conjoncture économique
future. Ainsi, la plupart des pays semblent avoir fixé leurs taux
d’imposition en-dessous du taux maximal, ce qui signifie qu’ils sont
du bon côté de la courbe de Laffer. A l’inverse, cinq pays le
dépassent : l’Autriche, la Belgique, le Danemark, la Finlande et la
Suède, ce qui signifie qu’ils pourraient, en théorie,accroitre leurs
recettes fiscales en baissant le taux d’imposition.

Vérification empirique de la courbe

Une question évidente découle de la compréhension de ce modèle :


s’est-il matérialisé dans l’économie réelle ?

L’exemple étasunien semble particulièrement pertinent, tant


l’idéologie libérale prônée par Laffer s’y est imposée dans sa classe
politique.
Avant d’évoquer le mandat de Ronald Reagan, le Kennedy Tax Cut
est tout aussi judicieux à étudier. A son arrivée au pouvoir en 1961,
John Fitzgerald Kennedy, hérite d’un réel fardeau économique, avec
notamment un taux de chômage à 7%, et amorce en conséquence
une baisse progressive des taux marginaux d’impôt sur le revenu, de
91% à 70% en 1965. Les économistes du Trésor américain ont
depuis estimé les effets de la baisse d’impôt sur les recettes fiscales
[iii]. Ils concluent que la réduction d’impôt (de 12 milliards de dollars
de l’époque) a été intégralement compensée par des recettes
supplémentaires l’année suivante. Il est estimé que sans la baisse
d’impôt de 1964, les recettes fiscales auraient été de 36% inférieures
en 1965 à ce qu’elles ont été. La raison principale réside dans une
croissance très forte du revenu réel et une baisse du chômage (3,3%
en 1966), ce qui a entraîné de nombreux ménages vers des tranches
d’impositions plus élevées.

Près
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plus tard, Ronaldyour
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Maison-Blanche. La situation
yousocio-
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Kennedy s’est considérablement dégradée sous la mandature de
l’administration Carter, avec notamment une hausse du chômage,
un creusement du déficit public et une inflation galopante. Dès
l’année de son ascension au pouvoir, Reagan fait voter l’Economic
Recovery Tax Act, qui abaisse à 50% le taux marginal d’imposition et
demeure à ce jour l’une des plus importantes réductions d’impôts
de l’histoire des États-Unis. Rétrospectivement, cette réforme
semble avoir contribuée au creusement du déficit public américain,
qui a culminé en 1986 à 221 milliards de dollars. Le Bureau de
l’analyse fiscale a ainsi estimé que la réforme réduisait les recettes
induites par l’impôt de 13 % par rapport à ce qu’elles auraient été
en l’absence du projet de loi [iv]. Les partisans de Reagan et de la
courbe de Laffer estiment à l’inverse que la baisse générale de
l’imposition a permis la relance de l’économie américaine et dès
1986 une baisse tendancielle du déficit fédéral.
Enfin, l’économiste français Florin Aftalion [v] évoque le Jobs and
Growth Tax Relief Reconciliation Act, mis en vigueur dès 2003 aux
États-Unis sous l’administration Bush. L’année de sa mise en vigueur,
les baisses d’impôts se sont traduites par une augmentation des
recettes fiscales de 8 %. En 2006, le Trésor américain a même
annoncé que les recettes fiscales avaient atteint leur second record
historique suite aux baisses d’impôts de 2003.

Si la situation américaine semble témoigner d’une relative véracité


empirique de la courbe de Laffer, elle est considérée comme non
probante par un certain nombre d’économistes. En effet, la variation
des recettes fiscales s’explique par une multitude de variables
explicatives et aucun lien causal strict n’a pu démontrer l’existence
d’un « effet Laffer ».

Pour cause, en 2005, le Congressional Budget Office (CBO) des


États-Unis a examiné l’impact qu’aurait une réduction de 10 % du
taux marginal d’imposition sur le revenu fiscal aux États-Unis [vi]. Il
est estimé, même dans le scénario de croissance économique le plus
optimiste, que le déficit public augmenterait tant à court qu’à long
terme et seulement 28% des pertes de revenus pour l’Etat seraient
amortis sur une période de 10 ans.

De plus, Peter Lindert, chercheur associé au National Bureau of


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scandinaves,
où l’imposition a même dépassé les 70Cookie
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autant les conséquences désastreuses qu’implique la courbe de
Laffer [vii]. Au contraire, ces taux d’imposition élevés permettent
d’accroître les dépenses publiques, ce qui stimule la conjoncture
économique.

Ainsi, si la littérature des estimations de la courbe de Laffer est très


vaste et remonte au début des années 1980, il semblerait qu’aucune
vérité générale ne ressorte de l’analyse empirique capable de
justifier, ou au contraire de contester, la courbe de Laffer.

Critiques

La courbe de Laffer cristallise les tensions entre d’un côté les


économistes de l’offre et de l’autre les économistes de la demande.
Plusieurs limites sont ainsi soulevées dans son approche :

D’une part, la courbe de Laffer ne résonne qu’en matière d’efficacité


économique et omet toute considération politique ou sociale. Ainsi,
Arthur Laffer néglige l’implication d’une baisse du taux marginal
d’imposition sur les inégalités de revenus. Les études montrent, par
exemple, que les revenus des 1 % les plus riches ont presque doublé
durant les deux mandats de R. Reagan, tandis que le revenu a
parallèlement diminué pour le premier quintile. Cela est d’autant
plus préoccupant que de plus en plus d’économistes s’accordent à
dire que les inégalités de revenus ont un effet néfaste sur la
croissance économique et donc sur l’assiette fiscale.

De plus, Laffer fait l’hypothèse que les agents économiques font un


arbitrage entre loisir et travail et qu’en cas de baisse du salaire net,
consécutive à une hausse de l’impôt, ils auraient tendance à baisser
leur offre de travail. Pourtant, certains économistes prétendent que
les individus ont un comportement parfois opposé à celui que
dépeint Laffer. Ainsi, en cas de hausse du salaire réel, les agents
auraient plutôt tendance à réduire leur offre de travail de façon à
profiter des nouveaux loisirs permis par le surplus de revenus.
Inversement, une baisse des salaires net d’impôt pourrait conduire
les agents à accroitre leur offre de travail dans le but de maintenir
leur niveau de vie et de pouvoir d’achat.
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Enfin, Laffer omet que les plus fortunés perçoivent une part
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significative de leurs rémunérations non pas du travail mais du
capital. Ainsi, leur contribution productive est limitée et leur offre de
travail est, par conséquent, difficilement ajustable au salaire net
d’impôt. Concernant le reste de la population, l’argument de Laffer
est tout aussi contestable, car les rigidités sur le marché du travail
font qu’il est difficilement envisageable pour un agent d’ajuster
précisément son temps de travail aux variations de son salaire.

Conclusion
La courbe de Laffer est un marqueur de division chez les macro-
économistes : pour les uns elle est une preuve qu’une politique de
baisse générale de l’imposition peut assainir les finances publiques,
pour les autres elle n’est qu’une arme idéologique utilisée par les
libéraux en période électorale. S’il est vrai, au regard des données
empiriques, que l’intuition de Laffer n’est pas vaine et témoigne
d’une certaine réalité dans nos économies, on peut néanmoins
contester le manque de formalisme et de rigueur dans ce modèle.
Laffer lui-même, conscient des limites de son approche, a déclaré
que la courbe ne devrait pas être la seule base pour augmenter ou
réduire les impôts [viii].

Grégoire Magne

Références :

[i] Jude Wanniski, (1978), A new look at taxation, Chapter 1: Taxes,


revenues, and the « Laffer curve ».

[ii] Jacob Lundberg (2017), The Laffer curve for high incomes,
Working paper No. 2017:9, Uppsala University, Department of
Economics, Uppsala.

[iii] Seiichiro Mozumi (2018), The Kennedy-Johnson Tax Cut of 1964,


the Defeat of Keaynes, and Comprehensive Tax Reform in the United
States, Cambridge University Press, Volume 30 pp25 -61.

[iv] Jerry Tempalski (2013), Revenue Effects of major Tax Bills


Updated Tables for all 2012 Bills, Office of Tax Analysis Department
of website
This the Treasury.
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[v] Florin Aftalion (2016), L’économie de l’offre se porte bien,
Liberté-chérie.

[vi] Congressional Budget Office, (2005), Analyzing the Economic


and Budgetary Effects of a 1à percent Cut in Income Tax Rates,
Economic and budget issue brief.

[vii] Peter Lindert (2004), Growing Public: Social Spending and


Economic Growth since the eighteenth century, Chapter: Is the
Swedish Welfare State a free lunch, Cambridge university Press.

[viii] Justin Fox (2007), Tax cuts don’t boost revenues, Times.

Pour aller plus loin :

Arthur Laffer, (2004). The Laffer Curve: Past, Present, and Future, The
Heritage Foundation.

Louis Levy-Garbouaa, David Masclet et Claude Montmarquette,


(2006). Micro-foundation for the Laffer Curve in a Real Effort
Experiment, CIRANO (Centre interuniversitaire de recherche en
analyse des organisations).

Alexandru Minea, Patrick Villieu, (2009). Impôt, déficit et croissance


économique : un réexamen de la courbe de Laffer, Revue
d’économie politique (Vol 119).

Mathias Trabandt, Harald Uhlig, (2010). How far are we from the
slippery slope? The Laffer Curve revisited, Eurosystem, working
paper No 1174.

James M. Malcomson, (1986). Quelques analyses de la courbe de


Laffer, Revue d’économie publique (Vol 29, Num 3).

Philippe Lacoude, (1995). Etude empirique de l’effet Laffer en France


et aux Etats-Unis au cours des années 1980, Revue française
d’économie, 10-4.

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