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ENTREPRISES EN AFRIQUE ?
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Les entreprises africaines sont confrontées au défi numérique, source d’opportunités mais aussi de risques.
Dirigeants et enseignants-chercheurs ont été sollicités dans le cadre de la traditionnelle rubrique « regards
croisés », pour répondre à la question : « Comment accompagner la transformation digitale des entreprises
en Afrique ? »
Ahmed ABRIANE, François ACQUATELLA, Abdelwahab AÏT RAZOUK, Jean Pascal ARNAUD, Moha-
med BAYAD, Abderrahim BENATTI, Abdeljaouad BENHADDOU, Béchir BEN LAHOUEL, Moez BEN
YEDDER, Alfred BIAOU, Hamid BOUCHIKHI, Nadia BOUHOUCH TAGEMOUATI, Abdelhamid BOUS-
TA, Asmäa CHARRAF, Hassan CHARRAF, Abderrahim CHOUFFAÏ, Philippe CLERC, Sié Azaria COU-
LIBALY, Patrick DAMBRON, Samir DEBBAH, Marion de BRESSY, Nouhoum DIATE, Isabelle do-REGO,
Thierry FABIANI, Joseph Emmanuel FANTCHO, Alioune FAYE, Driss FERAR, Réda GOURINE, Fabrice
Arnaud GUETSOP SATEU, Abderrahman JAHMANE, Citenge KAKWATA, Emmanuel KAMDEM, Abden-
di LOUITRI, Mouloud MADOUN, Mohammed MATMATI, Patrick MICHELETTI, Véronique MONTAMAT,
Hadj NEKKA, Jean François NGOK EVINA, Raphaël NKAKLEU, Emmanuel OKAMBA, Loyce OLYM-
PIO, Nawel OUSSALAH, Yvon PESQUEUX, Yann QUEMENER, Estelle SAGNA, Xavier SAVIGNY, Aline
SCOUARNEC, Mamadou L. SYLLA, Brahim TEMSAMANI, Dieudonné TIESTE, Lassana TIOTE, Amadou
TRAORE, Delphine VAN HOOREBEKE, Dominique VERCOUSTRE, Robert WANDA et Riadh ZGHAL ont
accepté de répondre et de confronter leurs regards.
Si l’on observe les caractéristiques de la révolution numérique et de ses conséquences sur les structures
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est incontestablement une opportunité pour les entreprises africaines. Béchir BEN LAHOUEL présente les
grandes dimensions du plan « Tunisie digitale 2020 ». Moez BEN YEDDER souligne que la pénétration nu-
mérique en Afrique s’accompagne d’une transformation sociétale. Pour Hamid BOUCHIKHI, la participation
des grandes entreprises africaines à la révolution digitale est nécessaire pour permettre aux entrepreneurs
locaux d’accéder à un marché large et aux ressources nécessaires pour le servir.
Nadia BOUHOUCH TAGEMOUATI insiste sur la capitalisation, la dématérialisation, la modernisation, la vul-
garisation et la création comme conditions à la transformation digitale. Abdelhamid BOUSTA retient trois
facteurs clés de succès : un management agile, une culture d’entreprise et la constitution de réseaux. Pour
Alfred BIAOU, il est nécessaire d’encadrer la transformation digitale pour l’adapter à la taille et à la capa-
cité organisationnelle des entreprises africaines. Asmäa CHARRAF préconise aux entreprises africaines de
se doter des moyens proactifs. Hassan CHARRAF rappelle l’importance de la dimension humaine dans la
transformation digitale en Afrique. Philippe CLERC pose deux défis majeurs : la diffusion des « dividendes
du numérique » dans les économies africaines et la définition de la souveraineté numérique. Sié Azaria COU-
LIBALY lie la transformation digitale à la conduite du changement. Patrick DAMBRON présente le succès
du Mobile banking en Afrique comme référence numérique. Samir DEBBAH et Delphine VAN HOOREBEKE
soulignent les avantages du digital dans un projet d’exportation.
Selon Marion de BRESSY, la fonction Ressources Humaines se trouve sollicitée pour accompagner la digitali-
sation des entreprises. Isabelle do-REGO analyse les deux éléments qui constituent les freins du développe-
ment exponentiel des entreprises en Afrique. Thierry FABIANI et Loyce OLYMPIO présentent les atouts dont
dispose l’Afrique pour réussir le challenge digital. Joseph Emmanuel FANTCHO souligne l’importance de la
sécurité numérique pour rassurer les clients. Driss FERAR interroge le rôle du leader dans l’essor du digital.
Réda GOURINE présente les neufs éléments fondamentaux de la transformation digitale. Fabrice Arnaud
GUETSOP SATEU revient sur l’influence de la transformation digitale sur les fonctions fondamentales de
l’organisation (marketing, ressources humaines, communication, ventes, production, finances). Abderrah-
man JAHMANE traite du secteur spécifique de l’industrie hôtelière, dont le business model a profondément
été bouleversé par la révolution numérique. Citenge KAKWATA insiste sur le binôme formation-digitalisation.
Emmanuel KAMDEM interpelle l’État, les entreprises, les organismes de formation et de conseil en manage-
ment. Pour Abdendi LOUITRI, on ne peut dissocier l’innovation et la transformation numérique. Mohammed
MATMATI souligne l’importance de la contextualisation des démarches de digitalisation. Mouloud MADOUN
présente quelques exemples inspirés de l'Inde pour expliquer comment la transformation culturelle donnera
du sens à la transformation digitale. Patrick MICHELETTI met l’accent sur Internet comme outil de masse
pour permettre à l’apprenant d’accéder plus aisément au savoir.
Véronique MONTAMAT identifie les facteurs clés du succès de la transformation digitale : la connectivité,
l’énergie, la règlementation et la sécurité des données. Hadj NEKKA retient deux éléments à partir desquels
interroger la situation digitale en Afrique. Selon Jean François NGOK EVINA, la sécurisation informatique et
la veille concurrentielle sont les facteurs de succès de la transformation digitale. Pour Raphaël NKAKLEU,
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d’innover en permanence au sein d’organisations aux contours étendus et dans une démarche de
co-construction. Ce défi du numérique se pose en Afrique comme ailleurs. « Afrique : la révolution
numérique est en marche » a titré très récemment le journal Les Echos dans un article sur les avan-
cées de la digitalisation dans les entreprises africaines (2 août 2017). Plusieurs indices montrent que
le continent africain est décidé à profiter de l’ère numérique pour le développement de ses territoires
et de ses entreprises. La maturité numérique (e-readiness) des pays du continent montre une prise
de conscience des enjeux de la digitalisation mais aussi l’ampleur du chemin restant à parcourir. Si les
secteurs de la finance et de l’assurance, ainsi que les télécoms, sont bien préparés et équipés, les
TPE/PME manquent les opportunités offertes pour le développement de leur business. Le continent
a ainsi tout à gagner à faire émerger un leadership capable de faire face aux défis de la transforma-
tion digitale. L’un des freins au développement du digital dans les TPE/PME pourrait être le manque
d’implication des dirigeants. En France, par exemple, 40 % des dirigeants considèrent que le digital
n’est pas important et environ 30 % le voient comme une contrainte (Enquête Harris Interactives,
septembre 2015). Un constat qui peut s’appliquer aussi à certains pays africains comme le Maroc.
L’enquête annuelle Digital trends Morocco (2016) montre que les dirigeants des entreprises maro-
caines, dont les TPE/PME, sont conscients de l’importance que prend le numérique dans leur activité,
mais y allouent de faibles budgets. Selon cette enquête, 60 % seulement des entreprises marocaines
ont un site mobile et 30 % ont une application. Pour accompagner la transformation digitale dans les
TPE/PME africaines, il est question de sensibilisation et de formation des dirigeants aux challenges de
la digitalisation qui concernent leur vision, leur organisation et leur relation clients. A ce titre, l’accom-
pagnement des dirigeants et managers par le développement d’outils numériques pour l’éducation,
tels que les SPOC (Small Private Online Course), peut contribuer à répondre aux besoins de transfor-
mation digitale des TPE/PME africaines. Une expérience développée au CNAM Paris à l’initiative du
MEDEF, a d’ailleurs, souligné tout l’intérêt de ces outils peu onéreux, flexibles et compatibles avec
l’omniprésence de la téléphonie mobile en Afrique.
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Cette transformation fait l’actualité de nombreux forums, colloques, salons, qui réunissent les acteurs
publics et gouvernementaux autant que les grands acteurs du numérique qui y voient un challenge
économique et financier porteur. En fait, les enjeux d’un « accompagnement » renvoient d’abord à la
compréhension des intérêts particuliers de toutes les parties prenantes de cette chaîne de valeur :
depuis les pouvoirs publics et instances politiques, les grandes entreprises internationales du sec-
teur digital, les entreprises locales jusqu’aux citoyens, employés et clients consommateurs. Il s’agit
de comprendre ces intérêts, repérer les maillons faibles, les spécificités de chaque situation, dans
une Afrique si multiple, pour pouvoir échanger et construire ensuite un chemin commun. En termes
de management, cela signifie mettre en valeur toutes les capacités d’innovation, d’élaboration de
nouveaux schémas avec les acteurs locaux, intégrer leurs démarches locales, stimuler leurs compé-
tences propres, partager et ne pas surimposer des programmes ou des systèmes préétablis. Dans
notre univers actuel, malgré les tentations, la vérité tient dans l’appropriation par les individus eux-
mêmes de cette transformation. Nous avons toujours beaucoup à apprendre de l’Afrique.
Les nouvelles technologies ont « disrupté » le métier de plusieurs secteurs notamment celui des
assurances, des banques, des industries et des établissements de formations… ; phénomène connu
aujourd’hui par la transformation digitale.
A titre indicatif et à l’instar des banques françaises et européennes, les banques marocaines sont
contraintes à adopter et à mettre en place une stratégie axée digital pour répondre aux nouvelles
attentes des clients et du marché.
Les principales banques marocaines ont totalement muté le secteur par la mise en place de solutions
innovantes pour plus de proximité auprès de leur clientèle avec une célérité de traitement et un ser-
vice personnalisé.
La transformation digitale est une révolution technologique, et reste aussi culturelle et organisation-
nelle, et toute banque traditionnelle en quête de relever le défi de cette disruption digitale doit travail-
ler en priorité sur :
• Le changement organisationnel : la transformation digitale induit fortement la création d’une
structure chargée de la gouvernance digitale au niveau des banques. Pour cela, les banques
mettent de plus en plus en place un système de gouvernance digitale avec pour objectif principal
l’acculturation des collaborateurs et l’innovation.
• Le Reengineering des processus : la transformation digitale passe par l’automatisation et
l’industrialisation des processus essentielles pour toute banque afin qu’elle soit alignée à la nouvelle
stratégie et répondre aux besoins du marché.
• L’évolution du business model : la concurrence créée par le digital pousse les banques à repenser
leur modèle classique par la création de nouveaux services adossés à leurs produits.
Tout en n’omettant pas de mettre le salarié au centre de cette stratégie pour réussir leur transforma-
tion digitale, la banque du futur a tout intérêt à être innovante et socialement responsable, et saisir les
opportunités offertes par ce phénomène afin d’optimiser l’expérience-client à travers une stratégie
purement omni ou cross-canal.
La transformation digitale d’une entreprise signifie la transformation de ses métiers à l’aide de produits
et services de l’industrie du digital. Les structures et leurs interactions au sein de l’entreprise et dans
son écosystème peuvent être profondément impactées par l’Internet et l’Internet des objets (IoT).
Ce contexte offre aux entreprises des opportunités non seulement d’amélioration mais de ruptures
avec le mode de management actuel. Les entreprises gestionnaires des infrastructures (réseaux de
routes, de transport, d’eau, d’électricité, de gaz, etc.) peuvent alors maîtriser durablement la supervi-
sion (centralisée) du fonctionnement de leurs réseaux grâce aux capteurs connectés et aux synergies
possibles par la disponibilité instantanée de l’information au sein de chaque entreprise et avec ses
partenaires (collectivités, citoyens et prestataires). Les entreprises manufacturières peuvent coordon-
ner toute la chaîne de production en étroite collaboration avec leurs fournisseurs et leurs clients en
temps opportun. Les entreprises de travaux peuvent superviser en un point central l’avancement des
travaux, la sécurité des chantiers et même la qualité des travaux à l’aide de caméras, capteurs de nui-
sances, mobiles et autres outils digitaux. Les entreprises de services peuvent rendre leurs interven-
tions beaucoup plus réactives et leurs services d’accompagnement de plus en plus à distance. Ces
ruptures changent souvent le business model des entreprises, transforment leurs relations avec leurs
parties prenantes et les rendent réactives voire proactives dans leur environnement. La « chance »
des entreprises africaines est la possibilité d’opérer ces ruptures dès maintenant quelle que soit leur
maturité actuelle. Des exemples de réussites dans ce sens existent et sont là pour le prouver.
La digitalisation des économies n’est pas une fiction. Elle est en mouvement. Son avancée est rapide,
en témoigne la réalisation des dividendes numériques et la progression du PIB numériques dans
les pays développés (p. ex., France, Danemark, Suède). La transformation digitale : 4e révolution
industrielle est à la fois créatrice et destructrice d’emplois, de valeurs, de métiers, de business model,
d’acquis, de routines, de compétences, de réflexions, etc. Les gouvernements tunisiens successifs
post-révolution semblent conscients des avantages de ce levier de développement inaccoutumé, en
rupture avec les transformations incrémentales, favorisant la création destructrice. L’état tunisien a
conçu le plan national stratégique (PNS) « Tunisie digitale 2020 » ayant pour objectif, entre autres,
d’améliorer la compétitivité des entreprises tunisiennes par les investissements dans les TIC et le
repositionnement dans l’économie numérique à l’échelle internationale. Toutefois, la digitalisation est
avant tout une transformation dont le principal facteur clé de réussite est le développement d’une
culture du changement au niveau de l’administration. Afin d’accompagner les entreprises tunisiennes
dans la réussite de leur transformation digitale, l’état tunisien doit, avant tout, s’impliquer dans la
digitalisation de ses services administratifs publics. Parmi les leviers de cette transformation nous
citons : le développement de l’E-administration, le renforcement de l’infrastructure numérique par
la stimulation du très haut débit et la sécurisation des échanges et paiements, l’amélioration de l’E-
commerce via l’instauration de marchés de produits et services numériques, etc. La transformation
digitale gouvernementale et de gouvernance est primordiale. L’acquisition d’une telle maturité digitale
par les pouvoirs publics s’accompagnera assurément d’une transformation digitale des entreprises
tunisiennes privées, moteur de compétitivité, de rentabilité, d’agilité et d’inclusion.
L’observateur du continent africain est frappé par l’émergence d’une génération d’entrepreneurs du
numérique qui mettent au point des innovations d’usage et des modèles économiques adaptés aux
besoins et aux ressources de leurs compatriotes. Face à ce foisonnement, les grandes entreprises
africaines paraissent en retrait. Alors qu’elles ont beaucoup investi dans les infrastructures et dans
l’informatisation de leurs opérations, elles peinent à accomplir leur révolution digitale. Le Maroc, pays
qui aspire au leadership régional, est un bon contexte pour illustrer le déphasage entre ce que les
néo-entrepreneurs, comme je les ai appelés dans un autre texte, et les entreprises établies. Les opé-
rateurs de télécommunication du pays, stimulés par la concurrence entre eux, ont rapidement équipé
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Le numérique offre aujourd’hui à l’entreprise des outils lui permettant de viser l’excellence opération-
nelle : mobiliser ses collaborateurs, se rapprocher de son écosystème, dynamiser l’innovation, autant
d’enjeux auxquels il est désormais possible de répondre. En Afrique, il est clair que les défis qui se
présentent pour atteindre le cap de l’émergence sont importants et passent préalablement par une
émergence au plan numérique. « Le numérique est une chance pour les pays Africains de rattraper
plus rapidement le retard qu’ils accusent sur le reste du monde », enchérissent les décideurs poli-
tiques. Mais encore faut-il pouvoir tout mettre en œuvre pour saisir cette formidable opportunité. A
mon sens, l’accompagnement de la transformation digitale des entreprises en Afrique devrait adres-
ser les points suivants :
• La capitalisation sur la révolution du paiement mobile pour dynamiser le secteur et créer de nou-
veaux services.
• La dématérialisation des processus administratifs afin de gagner en efficacité et lutter contre la
corruption.
• La modernisation du secteur agricole à travers le digital.
• La vulgarisation du numérique dans le système éducatif afin d’initier la jeunesse à l’innovation.
• La création de valeur par la transformation digitale des entreprises moyennant l’agilité et la gestion
des risques et du changement.
L’ère numérique révolutionne l’Afrique et impose aux décideurs Africains – d’avoir confiance en leur
avenir digital ; – placer l’innovation technologique au cœur de leurs préoccupations stratégiques.
L’Afrique, en faisant confiance à ses ressources humaines, devra mettre à leur disposition les connais-
sances et les compétences nécessaires pour concourir promptement et efficacement à l’essor éco-
nomique de ce continent. Les firmes africaines doivent se doter des moyens proactifs, permettant –
d’évaluer les risques technologiques et d’améliorer les moyens de détection, de veille et de réaction,
– de mettre en place des stratégies de pilotage et de contrôle des procédés de vigilance et de surveil-
lance face à tout ce qui est cyber sécurité, – de concevoir et déployer des schémas directeurs assu-
rant la bonne gouvernance de la qualité des données et la performance des dispositifs mis en place,
– de maîtriser l’obsolescence des technologies préinscrites. L’Afrique reste un continent prometteur
et une destination de toutes les compétences cognitives visant à explorer les domaines NTIC.
Le challenge de la transformation digitale en Afrique repose en grande partie sur les ressources
humaines ainsi que sur la centralité de l’utilisateur final (citoyen et usager ) dans la mise en œuvre
de tous les projets. Partant de là, accompagner la transformation digitale en Afrique c’est investir de
façon structurée, coordonnée, avec un rythme accélérée et soutenue dans des actions plurielles et
pluridisciplinaires : Innovation : Capitaliser sur les innovations issues du « Mobile Payment » pour
développer les services financiers ; Réengennering des processus : dématérialiser les procédures
et documents administratifs pour fournir un service public moderne, devenir une destination du BPO
horizontal, BPO vertical, data management ainsi que pour les Fintech ; transformer les entreprises
pour mieux comprendre le parcours client porté par le Cloud, les objets connectés, le Big Data, les
réseaux sociaux, la mobilité et l’usine 4.0 ; Développement humain : Formation et développement
de compétences en IT pour déclencher le pouvoir de créativité chez les jeunes, université numérique,
favoriser l’emploi et l’employabilité, Faciliter, accompagner, financer la création d’entreprises pour
la jeunesse africaine, principalement les Fintech ; Investissement pluriels : Déployer les projets
E-Gov, continuer l’investissement dans les infrastructures télécoms Haut débit ; insuffler une nou-
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Penser l’accompagnement de la transformation digitale des entreprises africaines, c’est avant tout
poser deux défis majeurs : celui de la diffusion des « dividendes du numérique » dans les écono-
mies africaines – peu de capitaux propres, coût d’entrée faible, étapes de développement sautées,
vers les technologies de dernière génération (processus du leapfrog) avec une orientation affirmée
vers l’émergence d’une nouvelle ère industrielle (économie transparente) et vers la modernisation
de l’agriculture ; le défi ensuite, de la définition de la souveraineté numérique contre la « nouvelle
colonisation » de l’Afrique : celle des données issues de la digitalisation organisée par les grands
opérateurs américains et chinois prédateurs (GAFAM, Alibaba, Alipay…), défi partagé avec l’Europe ;
celle des « cerveaux », des compétences, notamment des programmeurs africains, aspirées par les
firmes européennes installées en Afrique. Ce n’est qu’une fois ces défis posés que les managers et
décideurs africains pourront espérer mettre en place des stratégies efficientes d’accompagnement
de la transformation digitale des entreprises, majoritairement TPE, PME (services, agriculture). Je dis-
tingue alors trois grandes priorités pour l’accompagnement. D’abord organiser partout, localement,
des écosystèmes de l’économie transparente, rassemblant les acteurs du développent (collectivités,
universités, écoles, centres techniques, CCI, entreprises et grappes d’entreprises) autour d’incuba-
teurs spécialisés dans le numérique et de plateformes de financement (crowdfunding). Il convient
alors de tenir compte d’une articulation agile entre le formel et l’informel. Ensuite créer et développer
des écoles du savoir et des compétences numériques en priorité orientées vers les jeunes et les
femmes. Enfin, organiser la confiance et la sécurité du cyberespace africain, bien commun essentiel
à l’avènement progressif d’une souveraineté numérique africaine.
Parler de transformation digitale en entreprise c’est parler de conduite de changements liés à la mise
en œuvre des technologies digitales dans toutes les strates de l’entreprise. La mise en œuvre d’une
stratégie digitale passe nécessairement par la mobilisation (implication et adhésion) des ressources
humaines tant dans sa conception que dans son implémentation. La stratégie digitale repose sur
l’appropriation par les ressources humaines des outils technologiques dont l’entreprise a besoin pour
son développement. L’une des caractéristiques fondamentales des ressources humaines de l’entre-
prise digitale est sa capacité d’adaptation et son agilité. Aussi, pour accompagner la transformation
digitale des entreprises en Afrique, il va falloir promouvoir la culture du digital chez les « non-digital
native » qui constituent plus de 60 % du personnel des entreprises et intégrer de plus en plus de
« native digital » au sein de l’organisation. Cette dernière action exigera de l’organisation une politique
de gestion des classes d’âges. Par ailleurs, les systèmes de formation en Afrique doivent faire la mue
des différents curricula de formation afin d’y intégrer les aspects liés à la transformation digitale de
chacun des métiers auxquels ils forment et de mettre en place de nouveaux curricula de formation
dédiées à la conduite de projet de transformation digitale des entreprises. Concilier performance digi-
tale et performance économique, une clé de voûte : les ressources humaines.
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L’Afrique est le continent qui a connu la croissance la plus rapide dans le domaine des connexions
mobiles. Les prévisions le donnent comme « le deuxième plus gros marché au monde pour la télé-
phonie mobile, juste derrière l’Asie », rapportent Jean-Michel Severino et Jérémy Hajdenberg, d’In-
vestisseurs & Partenaires, fonds d’investissement destiné aux PME africaines1. Le smartphone est
devenu le « sésame » du développement au quotidien, en termes d’accès aux services financiers
dans une économie encore largement informelle au sein de laquelle beaucoup de personnes n’ont
pas de compte bancaire. Grâce au mobile, celles-ci peuvent effectuer des achats, payer des factures,
émettre ou recevoir des virements, nous font remarquer les deux accompagnateurs d’entrepreneurs
africains2. L’accès à de nombreux services nécessitant un moyen de paiement est rendu possible
grâce à un réseau de petits commerçants. Non seulement le mobile facilite la vie de gens situés à
l’écart des centres urbains, mais il se meut également en instrument d’apprentissage amenant les
utilisateurs à se rapprocher des pratiques courantes de nombreux pays. Le modèle développé par
1 1 et 2 Jean-Michel Severino et Jérémy Hajdenberg, Entreprenante Afrique, Editions Odile Jacob, Paris, 2016, p.125-128.
3 Mo Ibrahim, « Créer un Business sur le continent le plus pauvre » in « Harvard Business Review », Hors-série 2017, p. 88-91.
working », utilisation d’un réseau social comme LinkedIn dans les process de recrutement ; ce réseau
vient d’être racheté par Microsoft 26 milliards de dollars, confirmant l’irruption des grands acteurs
numériques dans ce domaine de l’emploi, équipement croissant par les Directeurs et Responsables
RH d’outils informatiques pour la gestion administrative du personnel et la rémunération, la GPEC, la
formation et le recrutement (publication d’annonces, logiciels de traitement de CV, entretiens vidéos)
développement du travail à distance ou télétravail permis par les outils modernes de communication,
massification de l’e-learning en entreprise facilitée par l’amélioration des conditions d’accès à Internet
en Afrique, irruption de plateformes de formation à distance (comme Coursera aux USA) qui offrent
des cursus diplômants en ligne (lancement du nouveau MBA Coursera – HEC Paris « Innovation &
Entrepreneurship » en 2017) laissant présager une « uberisation » des universités.
Afin de garantir un service de qualité optimal pour la clientèle. L’environnement hôtelier doit être un
subtil équilibre entre la rentabilité économique de l’entreprise et la préservation des moyens humains.
L’utilisation des nouvelles technologies au sein du service des étages par exemple dans les établis-
sements hôteliers tunisien démontre bien la prise de conscience des managers et leur investisse-
ment face au changement nécessaire afin d’améliorer les conditions de travail au quotidien de leurs
équipes. Dans le cas d’une démarche qui s’inscrit dans le domaine de la préservation des moyens
humains par le biais des nouvelles technologies. L’intégration par exemple de l’outil « REX1 » à ces
établissements hôteliers, est une démarche qui peut faciliter le travail des équipes des étages ainsi
que la communication entre les différents départements concernés (réception, room service, tech-
nique, sécurité) et par conséquent d’améliorer le bien-être des employés. C’est une véritable inno-
vation en matière de technologie au sein des établissements qui ont eu globalement de véritables
retombées positives pour le personnel et l’organisation du travail de manière générale. Chacune
des parties, chefs et service des étages, doit être sur la même longueur d’onde et avancer vers le
même objectif en faisant si nécessaire des concessions. Grâce à la mise en place de formations, les
équipes ont le temps d’appréhender leur futur outil de travail et limiter la résistance au changement.
La sensibilisation aux nouvelles technologies et l’arrivée progressive de personnel habitué aux chan-
gements facilitent déjà l’amélioration des conditions de travail au-delà de la simple obligation légale
et règlementaire. Il est cependant indispensable de proposer des formations adéquates pour limiter
toute résistance au changement. Le style de management des dirigeants dans la mise en place du
changement joue ainsi un rôle essentiel.
1 (Room Expeditor) créé par la société « MTech » dans le but d’améliorer et de facilité l’organisation, la production et
la qualité du travail. Ce logiciel est utilisé par le biais d’un iPod par les femmes et valets de chambre, et avec un iPad par les
réceptionnistes mais surtout par les gouvernantes.
Formation digitale dans la transformation digitale, une
obligation et un devoir pour les entreprises africaines
Citenge KAKWATA, Docteur en Sciences de Gestion, Professeur Auxiliaire, Université Kimpa
Vita, UIGE, Angola
Personne ne peut douter aujourd’hui du bienfait de la transformation digitale dans la vie des entre-
prises au monde, engagées dans la compétitivité sur le plan national et international. Les entreprises
africaines n’échappent pas à cette réalité, même si quelques-unes d’entre elles y croient timidement
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L’accompagnement de la transformation digitale en Afrique est une préoccupation majeure qui inter-
pelle différentes parties prenantes, chacune devant apporter sa contribution utile à la résolution du
problème. Dans cette perspective, trois (3) principaux acteurs accompagnateurs sont interpellés :
l’État, les entreprises, les organismes de formation et de conseil en management. L’État, dans son rôle
d’acteur régulateur du secteur des télécommunications, élabore, met en œuvre et assure le suivi de
la politique nationale de développement des télécommunications et des technologies de l’informa-
tion et de la communication (TIC). Par conséquent, les agences nationales publiques de régulation
de ce secteur d’activité doivent sortir du cercle vicieux de la bureaucratie administrative, pour entrer
dans le cercle vertueux du nouveau management public (NMP) qui concilie la performance sociale et
la performance économique. Il s’agit par exemple ici de revoir la politique tarifaire dans ce secteur,
pour susciter une plus forte attractivité auprès des consommateurs. Les entreprises, dans leur rôle
de créatrices des richesses, ne doivent pas considérer les coûteux investissements financiers de
la transformation digitale comme une charge ; mais plutôt comme des opportunités à saisir pour
introduire des innovations dans l’organisation du travail. Dans cette dynamique, elles doivent revisiter
leurs modèles de design organisationnel pour passer progressivement du modèle du « travail présen-
tiel à un poste » à celui du « travail collaboratif à distance ». Les institutions de formation et de conseil
doivent renouveler et actualiser leurs offres de service, en proposant des programmes de formation
(initiale et/ou continue) et de perfectionnement dans les nouveaux métiers de la transformation digi-
tale et encore peu répandus en Afrique (gestionnaire des sites internet, sécurité informatique, déma-
térialisation des procédures et des archives, etc.).
En Afrique, un vaste continent constitué de pays ayant des niveaux de développement économique
très variés et des différences culturelles importantes, la transformation digitale conçue comme un
projet par lequel une entreprise ou une organisation intègre les technologies numériques pour trans-
former son business model, ses processus de mise à disposition de l’offre et ses activités supports,
est un facteur de croissance économique indéniable. Son introduction dans les organisations et entre-
prises africaines nécessite, cependant, une très bonne connaissance du contexte et de la culture
locale. Dans les grandes entreprises, souvent des filiales d’entreprise internationales, l’accompa-
gnement doit éviter le simple « copier-coller » des pratiques managériales de la maison-mère mais
s’appuyer sur des incontournables connus que sont la bonne connaissance la culture d’entreprise,
l’identification des compétences des acteurs et de leurs besoins en formation induits par la trans-
formation digitale. Dans les start-up, organisations créées et dirigées par des jeunes souvent bien
formés et ayant une bonne connaissance des technologies numériques, l’accompagnement se situe
plus au niveau financier et dans conseil en développement. L’état est de plus en plus concerné par la
numérisation des processus administratifs, notamment la biométrie. Il s’agit, dans ce cas, de projets
structurants qui touchent la société ; l’interface avec la population est une dimension importante dans
l’accompagnement. Dans tous les cas et pour tous les pays africains, le développement et la péren-
nisation de la transformation numérique doit s’accompagner par la mise en place de formations au
numérique dans les universités et grandes écoles et par la fiabilisation des réseaux techniques (débit,
sécurité, permanence du fonctionnement).
Technologie et culture
Hadj NEKKA, Université d’Angers (GRANEM), Rédacteur en chef de la revue RISO
Nous sommes dans un contexte de digitalisation, qui est un facteur majeur de transformation des
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formation digitale est sans doute le dernier souci de l’entreprise en Afrique (environ 85 % de PME).
Comme évoqué ci-dessus, on n’en parle ni dans les COMEX, ni dans le CODIR. Ce n’est pas encore
une priorité ; il faut déjà avoir un système RH qui fonctionne, une fonction RH modernisée. L’évolution
de la fonction RH est un préalable. Le DRH dans l’entreprise en Afrique notamment subsaharienne a
toujours le nez dans le guidon de l’opérationnel. Il faut qu’il relève un tout petit peu la tête pour voir
devant lui la stratégie, non seulement RH, mais toute la stratégie de l’entreprise pour pouvoir s’adap-
ter. Donc le 1er élément d’adaptation à la transformation consiste à évoluer de l’opérationnel vers la
stratégie ; et bien évidemment le chef d’entreprise créera l’ouverture qui facilitera le partenariat DG/
DRH. Ce business partenariat est encore à l’étape du balbutiement.