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COMMENT ACCOMPAGNER LA TRANSFORMATION DIGITALE DES

ENTREPRISES EN AFRIQUE ?

Soufyane Frimousse, Jean-Marie Peretti

EMS Editions | « Question(s) de management »

2017/3 n° 18 | pages 199 à 225


ISSN 2262-7030
DOI 10.3917/qdm.173.0199
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-questions-de-management-2017-3-page-199.htm
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Comment accompagner la
transformation digitale des
entreprises en Afrique ?
Soufyane FRIMOUSSE,
Jean-Marie PERETTI

Les entreprises africaines sont confrontées au défi numérique, source d’opportunités mais aussi de risques.
Dirigeants et enseignants-chercheurs ont été sollicités dans le cadre de la traditionnelle rubrique « regards
croisés », pour répondre à la question : « Comment accompagner la transformation digitale des entreprises
en Afrique ? »
Ahmed ABRIANE, François ACQUATELLA, Abdelwahab AÏT RAZOUK, Jean Pascal ARNAUD, Moha-
med BAYAD, Abderrahim BENATTI, Abdeljaouad BENHADDOU, Béchir BEN LAHOUEL, Moez BEN
YEDDER, Alfred BIAOU, Hamid BOUCHIKHI, Nadia BOUHOUCH TAGEMOUATI, Abdelhamid BOUS-
TA, Asmäa CHARRAF, Hassan CHARRAF, Abderrahim CHOUFFAÏ, Philippe CLERC, Sié Azaria COU-
LIBALY, Patrick DAMBRON, Samir DEBBAH, Marion de BRESSY, Nouhoum DIATE, Isabelle do-REGO,
Thierry FABIANI, Joseph Emmanuel FANTCHO, Alioune FAYE, Driss FERAR, Réda GOURINE, Fabrice
Arnaud GUETSOP SATEU, Abderrahman JAHMANE, Citenge KAKWATA, Emmanuel KAMDEM, Abden-
di LOUITRI, Mouloud MADOUN, Mohammed MATMATI, Patrick MICHELETTI, Véronique MONTAMAT,
Hadj NEKKA, Jean François NGOK EVINA, Raphaël NKAKLEU, Emmanuel OKAMBA, Loyce OLYM-
PIO, Nawel OUSSALAH, Yvon PESQUEUX, Yann QUEMENER, Estelle SAGNA, Xavier SAVIGNY, Aline
SCOUARNEC, Mamadou L. SYLLA, Brahim TEMSAMANI, Dieudonné TIESTE, Lassana TIOTE, Amadou
TRAORE, Delphine VAN HOOREBEKE, Dominique VERCOUSTRE, Robert WANDA et Riadh ZGHAL ont
accepté de répondre et de confronter leurs regards.
Si l’on observe les caractéristiques de la révolution numérique et de ses conséquences sur les structures
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et les cultures organisationnelles, il est facile de comprendre pourquoi l’ère de l’Afrique est probablement
venue. Une population de plus en plus jeune, de plus en en plus urbanisée, dans des villes de plus en plus
grandes avec des demandes de plus en plus urgentes en termes d’emploi, de santé, d’éducation…L’Afrique
va devoir inventer pour s’insérer dans un ordre mondial lui-même en total bouleversement. Les contraintes
d’environnement imposent désormais d’intégrer des principes des organisations agiles en les contextuali-
sant par des démarches frugales et un enracinement dynamique.
Les 52 experts – enseignants-chercheurs, dirigeants d’entreprise, DRH, directeurs des affaires sociales,
experts en relations sociales et consultants RH – qui ont accepté de répondre à la question posée, proposent
des pistes intéressantes pour relever ces défis.
Les barrières à la transformation digitale en Afrique sont pour Ahmed ABRIANE d’ordre humain et culturel.
François ACQUATELLA insiste sur le rôle et la responsabilité du salarié dans la conduite du changement
vers la transition numérique. Jean Pascal ARNAUD souligne l’importance de l’appropriation par les individus
eux-mêmes de cette transformation. Pour Abdelwahab AÏT RAZOUK, Mohamed BAYAD et Yann QUEME-
NER, l’accompagnement des dirigeants et managers par le développement d’outils numériques pour l’édu-
cation, tels que les SPOC peut contribuer à répondre aux besoins de transformation digitale des TPE/PME
africaines. Les banques marocaines sont-elles au rendez-vous de la transformation digitale, s’interrogent
Abderrahim BENATTI et Abderrahim CHOUFFAÏ. Pour Abdeljaouad BENHADDOU, la transformation digitale

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REGARDS CROISÉS

est incontestablement une opportunité pour les entreprises africaines. Béchir BEN LAHOUEL présente les
grandes dimensions du plan « Tunisie digitale 2020 ». Moez BEN YEDDER souligne que la pénétration nu-
mérique en Afrique s’accompagne d’une transformation sociétale. Pour Hamid BOUCHIKHI, la participation
des grandes entreprises africaines à la révolution digitale est nécessaire pour permettre aux entrepreneurs
locaux d’accéder à un marché large et aux ressources nécessaires pour le servir.
Nadia BOUHOUCH TAGEMOUATI insiste sur la capitalisation, la dématérialisation, la modernisation, la vul-
garisation et la création comme conditions à la transformation digitale. Abdelhamid BOUSTA retient trois
facteurs clés de succès : un management agile, une culture d’entreprise et la constitution de réseaux. Pour
Alfred BIAOU, il est nécessaire d’encadrer la transformation digitale pour l’adapter à la taille et à la capa-
cité organisationnelle des entreprises africaines. Asmäa CHARRAF préconise aux entreprises africaines de
se doter des moyens proactifs. Hassan CHARRAF rappelle l’importance de la dimension humaine dans la
transformation digitale en Afrique. Philippe CLERC pose deux défis majeurs : la diffusion des « dividendes
du numérique » dans les économies africaines et la définition de la souveraineté numérique. Sié Azaria COU-
LIBALY lie la transformation digitale à la conduite du changement. Patrick DAMBRON présente le succès
du Mobile banking en Afrique comme référence numérique. Samir DEBBAH et Delphine VAN HOOREBEKE
soulignent les avantages du digital dans un projet d’exportation.
Selon Marion de BRESSY, la fonction Ressources Humaines se trouve sollicitée pour accompagner la digitali-
sation des entreprises. Isabelle do-REGO analyse les deux éléments qui constituent les freins du développe-
ment exponentiel des entreprises en Afrique. Thierry FABIANI et Loyce OLYMPIO présentent les atouts dont
dispose l’Afrique pour réussir le challenge digital. Joseph Emmanuel FANTCHO souligne l’importance de la
sécurité numérique pour rassurer les clients. Driss FERAR interroge le rôle du leader dans l’essor du digital.
Réda GOURINE présente les neufs éléments fondamentaux de la transformation digitale. Fabrice Arnaud
GUETSOP SATEU revient sur l’influence de la transformation digitale sur les fonctions fondamentales de
l’organisation (marketing, ressources humaines, communication, ventes, production, finances). Abderrah-
man JAHMANE traite du secteur spécifique de l’industrie hôtelière, dont le business model a profondément
été bouleversé par la révolution numérique. Citenge KAKWATA insiste sur le binôme formation-digitalisation.
Emmanuel KAMDEM interpelle l’État, les entreprises, les organismes de formation et de conseil en manage-
ment. Pour Abdendi LOUITRI, on ne peut dissocier l’innovation et la transformation numérique. Mohammed
MATMATI souligne l’importance de la contextualisation des démarches de digitalisation. Mouloud MADOUN
présente quelques exemples inspirés de l'Inde pour expliquer comment la transformation culturelle donnera
du sens à la transformation digitale. Patrick MICHELETTI met l’accent sur Internet comme outil de masse
pour permettre à l’apprenant d’accéder plus aisément au savoir.
Véronique MONTAMAT identifie les facteurs clés du succès de la transformation digitale : la connectivité,
l’énergie, la règlementation et la sécurité des données. Hadj NEKKA retient deux éléments à partir desquels
interroger la situation digitale en Afrique. Selon Jean François NGOK EVINA, la sécurisation informatique et
la veille concurrentielle sont les facteurs de succès de la transformation digitale. Pour Raphaël NKAKLEU,
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la réussite de la transformation digitale des entreprises africaines passe la remise en question de leurs
business model peu enclins à capturer des clients connectés. Emmanuel OKAMBA présente les cinq sauts
numériques : les télécoms, les services financiers mobiles, l’e-commerce, l’e-gouvernement et l’économie
des plateformes collaboratives. Nawel OUSSALAH insiste sur la communication pour réduire les résistances
au changement. Selon Yvon PESQUEUX, la transformation digitale est dépendante de la qualité des infras-
tructures et de la qualité des institutions. Xavier SAVIGNY rappelle que l’Afrique est devenue le continent de
l’innovation frugale et des sauts technologiques. Aline SCOUARNEC interroge les transformations organisa-
tionnelles et comportementales générées par le digital. Mamadou L. SYLLA met en garde contre le risque
de déshumanisation des relations de travail provoqué par la digitalisation mal maîtrisée. Brahim TEMSA-
MANI présente les étapes d’un processus de digitalisation. Dieudonné TIESTE fait le lien entre le digital et
la performance des entreprises.
Lassana TIOTE souligne l’importance des dimensions culturelles pour favoriser la digitalisation en Afrique.
Amadou TRAORE pense que l’environnement sociétal et entrepreneurial africain demande un niveau d’ap-
propriation assez poussé pour plus d’inclusion et de cohérence. Dominique VERCOUSTRE, Estelle SAGNA,
Alioune FAYE et Nouhoum DIATE affirment que le premier élément d’adaptation à la transformation consiste
à évoluer de l’opérationnel vers la stratégie. Robert WANDA présente les stratégies de digitalisation. Selon
Riadh ZGHAL, pour réussir cette transformation, il n’y a pas de modèle prêt à porter mais l’entreprise et
ceux qui l’accompagnent devraient procéder d’une manière itérative qui tient compte du caractère idiosyn-
crasique de chaque entreprise.

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Il n’y a de transformation digitale que d’Homme
Ahmed ABRIANE, Enseignant-chercheur, Université Ibn Zohr, Agadir, Maroc
L’Afrique est en plein dans la transformation digitale, la question qui se pose avec acuité est celle de
savoir si les Africains sauront prendre ce virage. Les enjeux d’une transformation digitale en Afrique
sont multiples. Ils touchent à l’organisation, aux processus, mais surtout à l’Humain qui est un élé-
ment essentiel qui doit rester au centre des préoccupations. Les freins réels de la transformation
digitale en Afrique sont d’ordre humain et culturel. En Afrique le problème ne porte pas uniquement
sur la mise en place des infrastructures digitales, mais il relève surtout d’un manque de ressources
humaines compétentes, de vision, de stratégie et d’innovation, ce qui nécessite un véritable projet
d’accompagnement. Ce ne sont pas les NTIC qui apportent de la valeur, ce sont les usages qu’en
font les femmes et les hommes qui comptent. La transformation digitale doit donc s’inscrire dans
une conduite du changement collaborative et participative qui vise en premier lieu l’Homme Africain
et la culture Africaine. La transformation en Afrique doit être d’abord humaine et culturelle pour que
les Africains puissent prendre correctement le virage de la transformation digitale et créer de la valeur
à l’aide de cette transformation !

Un renforcement des partenariats académiques France/Afrique pour


accompagner la transition numérique par la formation digitale
François ACQUATELLA, Doctorant en Sciences de Gestion, Telecom ParisTech
Ce nouveau contexte de transformation numérique astreint les salariés à se mouvoir dans des envi-
ronnements dynamiques et variables. Face à ces changements, le véritable enjeu pour les organi-
sations est celui de l’adhésion des personnels à ces nouvelles logiques et principes portés par la
révolution numérique. Dès lors, la stratégie de formation « corporate » doit prioritairement pointer
l’objectif du développement d’une culture numérique au sein de l’organisation. Cette acculturation est
conditionnée par la reconsidération des valeurs de l’opérationnalisation intégrant ainsi une dimension
cognitive et comportementale. La mise en place de dispositifs numériques de formation tel que le
« MOOC » en tant que design numérique semble particulièrement adaptée pour la mise en œuvre
d’un processus d’apprentissage organisationnel de type connectiviste. Les récentes collaborations
entre institutions académiques Françaises et Africaines pour la distribution de formations MOOC
axées sur des enjeux de transition numérique participent d’une orientation partagée pour valoriser
les potentialités du numérique éducatif auprès des entreprises en Afrique. Cette approche didactique
visant à promouvoir et développer de nouvelles formes d’interactions et coopérations digitales assu-
rément transversales pour permettre : – Une amélioration générale des compétences numériques
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favorables au développement de nouvelles routines organisationnelles ; – Une prise de conscience du
rôle et de la responsabilité du salarié dans la conduite du changement vers la transition numérique. En
modifiant leurs attitudes collectivement, les salariés s’expriment et agissent dans un environnement
qu’ils participent à modifier.

Transformation digitale en Afrique : n’oublions pas la


formation des dirigeants/managers des TPE/PME
Abdelwahab AÏT RAZOUK, Enseignant-chercheur en Management stratégique des
ressources humaines, Brest Business School
Mohamed BAYAD, Professeur des Universités, CNAM
Yann QUEMENER, Enseignant-chercheur en Contrôle de gestion, Brest Business School
Le défi managérial posé par la digitalisation des économies et des organisations est celui d’une
transition numérique incontournable, relevant d’un trend technologique dont la trajectoire n’est pas
connue à l’avance. Dans un tel contexte où l’esprit web règne, les managers doivent être capables

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REGARDS CROISÉS

d’innover en permanence au sein d’organisations aux contours étendus et dans une démarche de
co-construction. Ce défi du numérique se pose en Afrique comme ailleurs. « Afrique : la révolution
numérique est en marche » a titré très récemment le journal Les Echos dans un article sur les avan-
cées de la digitalisation dans les entreprises africaines (2 août 2017). Plusieurs indices montrent que
le continent africain est décidé à profiter de l’ère numérique pour le développement de ses territoires
et de ses entreprises. La maturité numérique (e-readiness) des pays du continent montre une prise
de conscience des enjeux de la digitalisation mais aussi l’ampleur du chemin restant à parcourir. Si les
secteurs de la finance et de l’assurance, ainsi que les télécoms, sont bien préparés et équipés, les
TPE/PME manquent les opportunités offertes pour le développement de leur business. Le continent
a ainsi tout à gagner à faire émerger un leadership capable de faire face aux défis de la transforma-
tion digitale. L’un des freins au développement du digital dans les TPE/PME pourrait être le manque
d’implication des dirigeants. En France, par exemple, 40 % des dirigeants considèrent que le digital
n’est pas important et environ 30 % le voient comme une contrainte (Enquête Harris Interactives,
septembre 2015). Un constat qui peut s’appliquer aussi à certains pays africains comme le Maroc.
L’enquête annuelle Digital trends Morocco (2016) montre que les dirigeants des entreprises maro-
caines, dont les TPE/PME, sont conscients de l’importance que prend le numérique dans leur activité,
mais y allouent de faibles budgets. Selon cette enquête, 60 % seulement des entreprises marocaines
ont un site mobile et 30 % ont une application. Pour accompagner la transformation digitale dans les
TPE/PME africaines, il est question de sensibilisation et de formation des dirigeants aux challenges de
la digitalisation qui concernent leur vision, leur organisation et leur relation clients. A ce titre, l’accom-
pagnement des dirigeants et managers par le développement d’outils numériques pour l’éducation,
tels que les SPOC (Small Private Online Course), peut contribuer à répondre aux besoins de transfor-
mation digitale des TPE/PME africaines. Une expérience développée au CNAM Paris à l’initiative du
MEDEF, a d’ailleurs, souligné tout l’intérêt de ces outils peu onéreux, flexibles et compatibles avec
l’omniprésence de la téléphonie mobile en Afrique.
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Accompagner la transformation digitale des entreprises
en Afrique : d’abord faire le chemin ensemble
Jean Pascal ARNAUD, DRH

Cette transformation fait l’actualité de nombreux forums, colloques, salons, qui réunissent les acteurs
publics et gouvernementaux autant que les grands acteurs du numérique qui y voient un challenge
économique et financier porteur. En fait, les enjeux d’un « accompagnement » renvoient d’abord à la
compréhension des intérêts particuliers de toutes les parties prenantes de cette chaîne de valeur :
depuis les pouvoirs publics et instances politiques, les grandes entreprises internationales du sec-
teur digital, les entreprises locales jusqu’aux citoyens, employés et clients consommateurs. Il s’agit
de comprendre ces intérêts, repérer les maillons faibles, les spécificités de chaque situation, dans
une Afrique si multiple, pour pouvoir échanger et construire ensuite un chemin commun. En termes
de management, cela signifie mettre en valeur toutes les capacités d’innovation, d’élaboration de
nouveaux schémas avec les acteurs locaux, intégrer leurs démarches locales, stimuler leurs compé-
tences propres, partager et ne pas surimposer des programmes ou des systèmes préétablis. Dans
notre univers actuel, malgré les tentations, la vérité tient dans l’appropriation par les individus eux-
mêmes de cette transformation. Nous avons toujours beaucoup à apprendre de l’Afrique.

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Les banques marocaines sont-elles au rendez-
vous de la transformation digitale ?
Abderrahim BENATTI, Manager expert en système d’information et organisation chez M2SI
Consulting, Casablanca, Maroc
Abderrahim CHOUFFAÏ, DBA, ancien DRH de groupes nationaux et internationaux, Directeur
associé Academus, Casablanca, Maroc

Les nouvelles technologies ont « disrupté » le métier de plusieurs secteurs notamment celui des
assurances, des banques, des industries et des établissements de formations… ; phénomène connu
aujourd’hui par la transformation digitale.
A titre indicatif et à l’instar des banques françaises et européennes, les banques marocaines sont
contraintes à adopter et à mettre en place une stratégie axée digital pour répondre aux nouvelles
attentes des clients et du marché.
Les principales banques marocaines ont totalement muté le secteur par la mise en place de solutions
innovantes pour plus de proximité auprès de leur clientèle avec une célérité de traitement et un ser-
vice personnalisé.
La transformation digitale est une révolution technologique, et reste aussi culturelle et organisation-
nelle, et toute banque traditionnelle en quête de relever le défi de cette disruption digitale doit travail-
ler en priorité sur :
• Le changement organisationnel : la transformation digitale induit fortement la création d’une
structure chargée de la gouvernance digitale au niveau des banques. Pour cela, les banques
mettent de plus en plus en place un système de gouvernance digitale avec pour objectif principal
l’acculturation des collaborateurs et l’innovation.
• Le Reengineering des processus : la transformation digitale passe par l’automatisation et
l’industrialisation des processus essentielles pour toute banque afin qu’elle soit alignée à la nouvelle
stratégie et répondre aux besoins du marché.
• L’évolution du business model : la concurrence créée par le digital pousse les banques à repenser
leur modèle classique par la création de nouveaux services adossés à leurs produits.
Tout en n’omettant pas de mettre le salarié au centre de cette stratégie pour réussir leur transforma-
tion digitale, la banque du futur a tout intérêt à être innovante et socialement responsable, et saisir les
opportunités offertes par ce phénomène afin d’optimiser l’expérience-client à travers une stratégie
purement omni ou cross-canal.

La transformation digitale : une opportunité


pour les entreprises africaines
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Abdeljaouad BENHADDOU, Fondateur de bSuccess et membre de la Direction Générale de la
Lydec (filiale de Suez)

La transformation digitale d’une entreprise signifie la transformation de ses métiers à l’aide de produits
et services de l’industrie du digital. Les structures et leurs interactions au sein de l’entreprise et dans
son écosystème peuvent être profondément impactées par l’Internet et l’Internet des objets (IoT).
Ce contexte offre aux entreprises des opportunités non seulement d’amélioration mais de ruptures
avec le mode de management actuel. Les entreprises gestionnaires des infrastructures (réseaux de
routes, de transport, d’eau, d’électricité, de gaz, etc.) peuvent alors maîtriser durablement la supervi-
sion (centralisée) du fonctionnement de leurs réseaux grâce aux capteurs connectés et aux synergies
possibles par la disponibilité instantanée de l’information au sein de chaque entreprise et avec ses
partenaires (collectivités, citoyens et prestataires). Les entreprises manufacturières peuvent coordon-
ner toute la chaîne de production en étroite collaboration avec leurs fournisseurs et leurs clients en
temps opportun. Les entreprises de travaux peuvent superviser en un point central l’avancement des
travaux, la sécurité des chantiers et même la qualité des travaux à l’aide de caméras, capteurs de nui-
sances, mobiles et autres outils digitaux. Les entreprises de services peuvent rendre leurs interven-
tions beaucoup plus réactives et leurs services d’accompagnement de plus en plus à distance. Ces

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REGARDS CROISÉS

ruptures changent souvent le business model des entreprises, transforment leurs relations avec leurs
parties prenantes et les rendent réactives voire proactives dans leur environnement. La « chance »
des entreprises africaines est la possibilité d’opérer ces ruptures dès maintenant quelle que soit leur
maturité actuelle. Des exemples de réussites dans ce sens existent et sont là pour le prouver.

Tunisie digitale 2020


Béchir BEN LAHOUEL, enseignant-chercheur à l’IPAG Business School, Chargé de mission
scientifique au sein de la Chaire IPAG « Entreprise Inclusive »

La digitalisation des économies n’est pas une fiction. Elle est en mouvement. Son avancée est rapide,
en témoigne la réalisation des dividendes numériques et la progression du PIB numériques dans
les pays développés (p. ex., France, Danemark, Suède). La transformation digitale : 4e révolution
industrielle est à la fois créatrice et destructrice d’emplois, de valeurs, de métiers, de business model,
d’acquis, de routines, de compétences, de réflexions, etc. Les gouvernements tunisiens successifs
post-révolution semblent conscients des avantages de ce levier de développement inaccoutumé, en
rupture avec les transformations incrémentales, favorisant la création destructrice. L’état tunisien a
conçu le plan national stratégique (PNS) « Tunisie digitale 2020 » ayant pour objectif, entre autres,
d’améliorer la compétitivité des entreprises tunisiennes par les investissements dans les TIC et le
repositionnement dans l’économie numérique à l’échelle internationale. Toutefois, la digitalisation est
avant tout une transformation dont le principal facteur clé de réussite est le développement d’une
culture du changement au niveau de l’administration. Afin d’accompagner les entreprises tunisiennes
dans la réussite de leur transformation digitale, l’état tunisien doit, avant tout, s’impliquer dans la
digitalisation de ses services administratifs publics. Parmi les leviers de cette transformation nous
citons : le développement de l’E-administration, le renforcement de l’infrastructure numérique par
la stimulation du très haut débit et la sécurisation des échanges et paiements, l’amélioration de l’E-
commerce via l’instauration de marchés de produits et services numériques, etc. La transformation
digitale gouvernementale et de gouvernance est primordiale. L’acquisition d’une telle maturité digitale
par les pouvoirs publics s’accompagnera assurément d’une transformation digitale des entreprises
tunisiennes privées, moteur de compétitivité, de rentabilité, d’agilité et d’inclusion.

Les « digital natives » africains exigent la qualité de l’emploi


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Moez BEN YEDDER, Assistant-Professor Abu Dhabi University, Emirats Arabes Unis

La pénétration numérique en Afrique s’accompagne d’une transformation sociétale. La mutation des


attentes des consommateurs retient l’attention car elle constitue un facteur promouvant la digitali-
sation de l’entreprise mais la nouvelle génération d’employés africains est aussi à considérer. Si les
entreprises africaines tendent préparer leur digitalisation, les « post-millenials » ou « digital natives »
tant dans les pays du Maghreb que du Sahel en passant par l’Afrique Centrale sont déjà dans l’ère
du numérique. Nés à partir du milieu des années 1990, fraichement diplômés pour la plupart, ils
arrivent en entreprise avec davantage de « Soft Skills », l’habileté à apprendre rapidement et, bien
entendu, plus de familiarité avec les technologies. On leur prête aussi de l’opiniâtreté et un besoin
de reconnaissance immédiat. Pour passer à l’ère du digital, l’entreprise africaine doit se préparer à
les accueillir par des emplois de qualité. Disons-le clairement, avec la nouvelle génération africaine
l’équation est très simple : si un jeune talent ne se plait pas en entreprise, il quittera vite, très vite
peu importe le risque de chômage. Il pense désormais à entreprendre lui-même (en ligne, à bas coût
et sans carcan administratif). A l’entreprise africaine donc d’investir dans la reconnaissance de ses
jeunes cadres et de s’accorder avec eux pour co-construire, avec son projet de digitalisation, un cadre
de travail où l’intérêt mutuel est réalisé. Nous ne le dirons jamais assez, la jeunesse de l’Afrique reste
toujours sa plus grande chance !

204 / Question(s) de Management ? / N°18 / Novembre 2017 © Éditions EMS


Digitalisation des entreprises : l’Afrique des grands espoirs
Alfred BIAOU, Fondateur du cabinet Talents Plus Afrique, Enseignant à l’ENAM, Cotonou,
Bénin

Selon le Professeur Jagdish Sheth (Université de Pittsburgh, Massachusetts Institute of Techno-


logy), trois éléments clés doivent être touchés pour réussir une transformation organisationnelle. Il
s’agit de : La culture (Mindset) ; La rémunération ; L’organisation. La transformation digitale impacte
l’ensemble de ces trois éléments et représente une chance inouïe pour la transformation et la mise
à niveau des entreprises africaines. La digitalisation agit sur l’une des richesses les plus importantes
en organisation aujourd’hui, ‘‘ l’information’’. L’information est désormais disponible en temps réel
à travers des canaux simples et accessibles à tous. Des réseaux sociaux numériques d’entreprise
(RSNE) à des plateformes professionnelles numériques, les creusets d’interactions dans et en dehors
de l’entreprise se multiplient. Ils sont porteurs de réels espoirs et de changement. Bien que l’impact
de la digitalisation sur l’homme reste mitigé, l’effet sur l’organisation sera salutaire et créateur de
valeur ajoutée en Afrique. C’est l’opportunité inouïe pour accélérer la formalisation des processus
et la traçabilité des flux d’information des PME et PMI de l’Afrique qui, en majorité, font face à des
dysfonctionnements. La digitalisation offre également l’opportunité de transformer les pratiques en
matière d’analyse de la contribution de chaque salarié en entreprise. A cet effet, l’automatisation des
outils constitue un levier à forte valeur ajoutée pour les PME/PMI. Désormais, la rémunération pourra
être réellement liée à la contribution de chacun, aux heures de travail et à la qualité des activités
effectivement réalisées. Donc la digitalisation impactera la productivité. Il reste à encadrer cette trans-
formation digitale pour l’adapter à la taille et à la capacité organisationnelle des entreprises africaines.
La révolution digitale de l’Afrique ne se fera
pas sans ses grandes entreprises
Hamid BOUCHIKHI, Professor of management and entrepreneurship, Director of the Center of
Excellence in Entrepreneurship, ESSEC Business School

L’observateur du continent africain est frappé par l’émergence d’une génération d’entrepreneurs du
numérique qui mettent au point des innovations d’usage et des modèles économiques adaptés aux
besoins et aux ressources de leurs compatriotes. Face à ce foisonnement, les grandes entreprises
africaines paraissent en retrait. Alors qu’elles ont beaucoup investi dans les infrastructures et dans
l’informatisation de leurs opérations, elles peinent à accomplir leur révolution digitale. Le Maroc, pays
qui aspire au leadership régional, est un bon contexte pour illustrer le déphasage entre ce que les
néo-entrepreneurs, comme je les ai appelés dans un autre texte, et les entreprises établies. Les opé-
rateurs de télécommunication du pays, stimulés par la concurrence entre eux, ont rapidement équipé
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le pays et mis en place un réseau de télécommunications digne d’un pays développé. Dans le même
temps, les revenus des opérateurs continuent à dépendre du modèle économique classique basé sur
la vente de temps de parole. Ailleurs, les opérateurs ont depuis longtemps fait évoluer leur modèle
économique vers la vente de services à valeur ajoutée. L’approche du groupe Orange, désormais
présent au Maroc, est exemplaire de cette transition. L’entreprise a mis en place des plateformes
d’innovation ouverte (Orange Labs) où elle a incubé des initiatives internes et attiré des start-ups
innovantes. Elle a aussi investi, parfois au prix fort, dans des start-ups qui ont validé des modèles
économiques à très fort potentiel, à l’instar de la plateforme de musique en ligne Deezer. La pleine
participation des grandes entreprises africaines à la révolution digitale est nécessaire pour permettre
aux entrepreneurs locaux, très souvent dépourvus de moyens, d’accéder à un marché large et aux
ressources nécessaires pour le servir. Ce faisant, les grandes entreprises africaines se mettent aussi
en capacité d’embrasser de nouveaux modèles économiques et de compléter leur révolution numé-
rique.
Des initiatives récentes d’entreprises marocaines, telles que l’opérateur de télécommunications Inwi
ou le groupe bancaire Attijariwafabank, signalent un début de prise de conscience du caractère vital
de l’innovation ouverte et de la coopération avec les entrepreneurs. Espérons que ces initiatives en
inspireront d’autres et qu’elles accoucheront de réalisations à la hauteur du potentiel et des besoins
du pays et du continent.

© Éditions EMS Question(s) de Management ? / N°18 / Novembre 2017 / 205


REGARDS CROISÉS

Le digital, accélérateur de croissance sur lequel misent les Africains !


Nadia BOUHOUCH-TAGEMOUATI, C2C learner

Le numérique offre aujourd’hui à l’entreprise des outils lui permettant de viser l’excellence opération-
nelle : mobiliser ses collaborateurs, se rapprocher de son écosystème, dynamiser l’innovation, autant
d’enjeux auxquels il est désormais possible de répondre. En Afrique, il est clair que les défis qui se
présentent pour atteindre le cap de l’émergence sont importants et passent préalablement par une
émergence au plan numérique. « Le numérique est une chance pour les pays Africains de rattraper
plus rapidement le retard qu’ils accusent sur le reste du monde », enchérissent les décideurs poli-
tiques. Mais encore faut-il pouvoir tout mettre en œuvre pour saisir cette formidable opportunité. A
mon sens, l’accompagnement de la transformation digitale des entreprises en Afrique devrait adres-
ser les points suivants :
• La capitalisation sur la révolution du paiement mobile pour dynamiser le secteur et créer de nou-
veaux services.
• La dématérialisation des processus administratifs afin de gagner en efficacité et lutter contre la
corruption.
• La modernisation du secteur agricole à travers le digital.
• La vulgarisation du numérique dans le système éducatif afin d’initier la jeunesse à l’innovation.
• La création de valeur par la transformation digitale des entreprises moyennant l’agilité et la gestion
des risques et du changement.

La Transformation Digitale de l’Entreprise en


Afrique (TDEA) : une révolution culturelle écrite
(Mektoub) ou une obsolescence programmée ?
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Abdelhamid BOUSTA, DBA, Président d’honneur du Conseil Stratégique. ESCA Ecole de
Management, Maroc
L’entreprise en Afrique ne peut pas rester en marge de la transformation digitale qui bouleverse les
business modèles, les structures, les comportements et les cultures d’entreprises. En effet et à notre
avis, il n’existe pas de différence profonde de nature entre l’accompagnement de la TDEA par rapport
à celui de ses homologues hors d’Afrique. Les règles d’or sont les mêmes à savoir une vision claire,
des ressources humaines adaptées et une prise en compte de la culture d’entreprise. Cependant la
spécificité de la TDEA résiderait, paradoxalement, dans une ressource humaine formée rare (point
faible) et dans la disponibilité de nouvelles générations nées digitales et aptes à s’approprier les outils
de cette transformation (point fort). La clé de réussite de cet accompagnement résiderait donc dans
l’adoption d’une approche stratégique globale intégrant la culture digitale dans la culture d’entreprise.
Ainsi, l’accompagnement de la TDEA pourrait reposer sur 3 facteurs clés de succès : un management
agile, une culture d’entreprise servant de levier à la TD et la constitution de réseaux pour mutualiser
les moyens et partager les meilleures pratiques. La TDEA doit également servir la transition éco-
logique et s’inscrire dans les apports des entreprises en Afrique aux progrès de l’humanité et à la
culture de la préservation de la planète.

206 / Question(s) de Management ? / N°18 / Novembre 2017 © Éditions EMS


L’Afrique Numérique entre Confiance et
Maîtrise des risques technologiques
Asmäa CHARRAF, DRH Group. Doctorante Chercheur en Sciences de Gestion

L’ère numérique révolutionne l’Afrique et impose aux décideurs Africains – d’avoir confiance en leur
avenir digital ; – placer l’innovation technologique au cœur de leurs préoccupations stratégiques.
L’Afrique, en faisant confiance à ses ressources humaines, devra mettre à leur disposition les connais-
sances et les compétences nécessaires pour concourir promptement et efficacement à l’essor éco-
nomique de ce continent. Les firmes africaines doivent se doter des moyens proactifs, permettant –
d’évaluer les risques technologiques et d’améliorer les moyens de détection, de veille et de réaction,
– de mettre en place des stratégies de pilotage et de contrôle des procédés de vigilance et de surveil-
lance face à tout ce qui est cyber sécurité, – de concevoir et déployer des schémas directeurs assu-
rant la bonne gouvernance de la qualité des données et la performance des dispositifs mis en place,
– de maîtriser l’obsolescence des technologies préinscrites. L’Afrique reste un continent prometteur
et une destination de toutes les compétences cognitives visant à explorer les domaines NTIC.

Le challenge de la transformation digitale en Afrique


Hassan CHARRAF, Doctorant en Sciences de gestion ASMP, Past President CJD Maroc Vice-
Président AMDUS

Le challenge de la transformation digitale en Afrique repose en grande partie sur les ressources
humaines ainsi que sur la centralité de l’utilisateur final (citoyen et usager ) dans la mise en œuvre
de tous les projets. Partant de là, accompagner la transformation digitale en Afrique c’est investir de
façon structurée, coordonnée, avec un rythme accélérée et soutenue dans des actions plurielles et
pluridisciplinaires : Innovation : Capitaliser sur les innovations issues du « Mobile Payment » pour
développer les services financiers ; Réengennering des processus : dématérialiser les procédures
et documents administratifs pour fournir un service public moderne, devenir une destination du BPO
horizontal, BPO vertical, data management ainsi que pour les Fintech ; transformer les entreprises
pour mieux comprendre le parcours client porté par le Cloud, les objets connectés, le Big Data, les
réseaux sociaux, la mobilité et l’usine 4.0 ; Développement humain : Formation et développement
de compétences en IT pour déclencher le pouvoir de créativité chez les jeunes, université numérique,
favoriser l’emploi et l’employabilité, Faciliter, accompagner, financer la création d’entreprises pour
la jeunesse africaine, principalement les Fintech ; Investissement pluriels : Déployer les projets
E-Gov, continuer l’investissement dans les infrastructures télécoms Haut débit ; insuffler une nou-
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velle dynamique au secteur agricole basée sur le digital ; Faire en sorte que le digital soit au service de
l’inclusion globale, du respect de la dignité humaine, la justice pour tous, la transparence, le respect
des spécificités culturelles africaines et la lutte contre la corruption.

Transformation digitale des entreprises africaines : bénéficier des


raccourcis technologiques et décréter la souveraineté numérique
Philippe CLERC, conseiller expert intelligence économique, CCI France

Penser l’accompagnement de la transformation digitale des entreprises africaines, c’est avant tout
poser deux défis majeurs : celui de la diffusion des « dividendes du numérique » dans les écono-
mies africaines – peu de capitaux propres, coût d’entrée faible, étapes de développement sautées,
vers les technologies de dernière génération (processus du leapfrog) avec une orientation affirmée
vers l’émergence d’une nouvelle ère industrielle (économie transparente) et vers la modernisation
de l’agriculture ; le défi ensuite, de la définition de la souveraineté numérique contre la « nouvelle
colonisation » de l’Afrique : celle des données issues de la digitalisation organisée par les grands
opérateurs américains et chinois prédateurs (GAFAM, Alibaba, Alipay…), défi partagé avec l’Europe ;

© Éditions EMS Question(s) de Management ? / N°18 / Novembre 2017 / 207


REGARDS CROISÉS

celle des « cerveaux », des compétences, notamment des programmeurs africains, aspirées par les
firmes européennes installées en Afrique. Ce n’est qu’une fois ces défis posés que les managers et
décideurs africains pourront espérer mettre en place des stratégies efficientes d’accompagnement
de la transformation digitale des entreprises, majoritairement TPE, PME (services, agriculture). Je dis-
tingue alors trois grandes priorités pour l’accompagnement. D’abord organiser partout, localement,
des écosystèmes de l’économie transparente, rassemblant les acteurs du développent (collectivités,
universités, écoles, centres techniques, CCI, entreprises et grappes d’entreprises) autour d’incuba-
teurs spécialisés dans le numérique et de plateformes de financement (crowdfunding). Il convient
alors de tenir compte d’une articulation agile entre le formel et l’informel. Ensuite créer et développer
des écoles du savoir et des compétences numériques en priorité orientées vers les jeunes et les
femmes. Enfin, organiser la confiance et la sécurité du cyberespace africain, bien commun essentiel
à l’avènement progressif d’une souveraineté numérique africaine.

Ressources humaines : clés de voûte de la transformation digitale


Sié Azaria COULIBALY, Consultant en management, Ivoire Expertise Conseils, Abidjan

Parler de transformation digitale en entreprise c’est parler de conduite de changements liés à la mise
en œuvre des technologies digitales dans toutes les strates de l’entreprise. La mise en œuvre d’une
stratégie digitale passe nécessairement par la mobilisation (implication et adhésion) des ressources
humaines tant dans sa conception que dans son implémentation. La stratégie digitale repose sur
l’appropriation par les ressources humaines des outils technologiques dont l’entreprise a besoin pour
son développement. L’une des caractéristiques fondamentales des ressources humaines de l’entre-
prise digitale est sa capacité d’adaptation et son agilité. Aussi, pour accompagner la transformation
digitale des entreprises en Afrique, il va falloir promouvoir la culture du digital chez les « non-digital
native » qui constituent plus de 60 % du personnel des entreprises et intégrer de plus en plus de
« native digital » au sein de l’organisation. Cette dernière action exigera de l’organisation une politique
de gestion des classes d’âges. Par ailleurs, les systèmes de formation en Afrique doivent faire la mue
des différents curricula de formation afin d’y intégrer les aspects liés à la transformation digitale de
chacun des métiers auxquels ils forment et de mettre en place de nouveaux curricula de formation
dédiées à la conduite de projet de transformation digitale des entreprises. Concilier performance digi-
tale et performance économique, une clé de voûte : les ressources humaines.
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Le Mobile banking comme référence numérique
Patrick DAMBRON, président IEAM

L’Afrique est le continent qui a connu la croissance la plus rapide dans le domaine des connexions
mobiles. Les prévisions le donnent comme « le deuxième plus gros marché au monde pour la télé-
phonie mobile, juste derrière l’Asie », rapportent Jean-Michel Severino et Jérémy Hajdenberg, d’In-
vestisseurs & Partenaires, fonds d’investissement destiné aux PME africaines1. Le smartphone est
devenu le « sésame » du développement au quotidien, en termes d’accès aux services financiers
dans une économie encore largement informelle au sein de laquelle beaucoup de personnes n’ont
pas de compte bancaire. Grâce au mobile, celles-ci peuvent effectuer des achats, payer des factures,
émettre ou recevoir des virements, nous font remarquer les deux accompagnateurs d’entrepreneurs
africains2. L’accès à de nombreux services nécessitant un moyen de paiement est rendu possible
grâce à un réseau de petits commerçants. Non seulement le mobile facilite la vie de gens situés à
l’écart des centres urbains, mais il se meut également en instrument d’apprentissage amenant les
utilisateurs à se rapprocher des pratiques courantes de nombreux pays. Le modèle développé par

1 1 et 2 Jean-Michel Severino et Jérémy Hajdenberg, Entreprenante Afrique, Editions Odile Jacob, Paris, 2016, p.125-128.
3 Mo Ibrahim, « Créer un Business sur le continent le plus pauvre » in « Harvard Business Review », Hors-série 2017, p. 88-91.

208 / Question(s) de Management ? / N°18 / Novembre 2017 © Éditions EMS


Safaricom, filiale kényane du groupe britannique Vodafone, avait été pressenti par Mo Ibrahim, fonda-
teur de Celtel. Selon cet ancien dirigeant d’une société de logiciels et de conseils basée en Grande-
Bretagne, le marché ne devait pas être abordé en Afrique comme dans les pays riches mais en tenant
compte du contexte social et culturel africain. La clientèle capable de faire décoller le business n’était
pas constituée des classes aisées et moyennes, comme en Europe occidentale, mais de « gens très
pauvres ». Les spécificités africaines prévalurent à la mise en place de sa stratégie : pas de réseau de
téléphonie fixe susceptible de devenir un âpre concurrent, des longues distances dans une Afrique
riche de plus de 50 pays rendant difficiles les échanges, contexte qui fit s’interroger Mo Ibrahim :
« Quand vous habitez loin d’un village où vit votre mère et que vous souhaitez lui parler, il vous faut
parfois entreprendre un voyage de sept jours. Si vous pouviez juste décrocher un téléphone, quelle
serait la valeur de ce service ? »3 Sur la base d’investissements importants dans les infrastructures,
l’entrée sur le marché s’est produite avec des cartes prépayées de faible coûts permettant aux per-
sonnes d’accéder au service. Pour faire face aux obstacles culturels, un accompagnement social et
économique a été déployé (construction d’écoles et de dispensaires, formations managériales et
techniques, couverture médicale pour la famille des salariés), ce que nous appelons le Social busi-
ness. Point marquant de ce Mobile banking, le Groupe Orange, à partir de son expérience acquise
en Côte-d’Ivoire par un modèle largement inspiré de l’expérience de la Safaricom, Orange Money,
va déployer son projet français d’une banque exclusivement en ligne, Orange Bank, certes avec des
services plus sophistiqués et relayés sur le terrain par certaines agences existantes de l’opérateur.
Non seulement l’Afrique a connu un saut technologique d’envergure, mais voilà qu’elle sert de ter-
rain d’essai à une entreprise française qui décide d’introduire de nouveaux services sur son marché
domestique, fait qui doit d’être souligné tant il marque une incontestable évolution des pratiques.

Tic et applications mobiles au service de l’exportation


en Afrique : un regard sur de nouveaux leviers
Samir DEBBAH, Doctorant en Sciences de Gestion, GERGAM
Delphine VAN HOOREBEKE, MCF HDR, Université de Toulon, CERGAM
Pour exporter un produit, une veille du marché s’avère capitale pour les décideurs afin de prendre
les bonnes mesures avant de placer un produit ou un service. Dans cette perspective, l’information
concurrentielle issue des technologies de l’information (TIC), peut être utilisée comme levier à la réus-
site du projet en cours. En effet, un produit qui se vend sur un territoire national peut avoir une visibi-
lité à l’international, faire appel à des sites vitrines (marchands) qui présentent le produit ou le service
en question ; autrement le Market placepeut s’avérer une stratégie à moindre coût, où l’entreprise,
quel que soit son pays d’origine, peut agencer ses produits sur des sites avec une forte fréquenta-
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tion. Le web propose, en effet des avantages aux chefs d’entreprises africaines et nord africaines qui
souhaiteraient s’investir dans un projet d’exportation. Bien évidemment, le rôle du management de
l’information prend toute son ampleur, un avantage qui n’est pas limité aux pays occidentaux.

La très forte empreinte du Digital sur les entreprises africaines


Marion de BRESSY, partenaire TALENTS PLUS AFRIQUE, Cotonou, Bénin
Les mutations profondes liées à la digitalisation impactent depuis une vingtaine d’années les entre-
prises de toute tailles et tous secteurs d’activité, ceci sur tous les continents. L’Afrique ne fait pas
exception ! Comme toujours devant des (r) évolutions d’une telle ampleur, la fonction Ressources
Humaines se trouve sollicitée en première ligne et doit une nouvelle fois démontrer son agilité et son
adaptabilité à de nouveaux modes de vie et de travail. La transformation digitale dans le secteur des
Ressources Humaines revêt de multiples formes. En voici quelques-unes à titre d’exemples : travail
des collaborateurs en réseau suivant un mode projet : le mode horizontal remplace le mode vertical
usuel, bouleversant ainsi le système hiérarchique classique, l’accès instantané de tous à l’information
(internet et intranet) renforce encore cette « horizontalisation », mobilisation systématique du réseau
personnel pour la gestion de carrière du collaborateur selon l’adage américain « net working or not

© Éditions EMS Question(s) de Management ? / N°18 / Novembre 2017 / 209


REGARDS CROISÉS

working », utilisation d’un réseau social comme LinkedIn dans les process de recrutement ; ce réseau
vient d’être racheté par Microsoft 26 milliards de dollars, confirmant l’irruption des grands acteurs
numériques dans ce domaine de l’emploi, équipement croissant par les Directeurs et Responsables
RH d’outils informatiques pour la gestion administrative du personnel et la rémunération, la GPEC, la
formation et le recrutement (publication d’annonces, logiciels de traitement de CV, entretiens vidéos)
développement du travail à distance ou télétravail permis par les outils modernes de communication,
massification de l’e-learning en entreprise facilitée par l’amélioration des conditions d’accès à Internet
en Afrique, irruption de plateformes de formation à distance (comme Coursera aux USA) qui offrent
des cursus diplômants en ligne (lancement du nouveau MBA Coursera – HEC Paris « Innovation &
Entrepreneurship » en 2017) laissant présager une « uberisation » des universités.

Digitalisation des entreprises : l’Afrique des grands espoirs


Isabelle do-REGO, DRH à Aviation Handling Services (AHS), Cotonou, Bénin
Alfred BIAOU Fondateur du cabinet Talents Plus Afrique, Cotonou, Bénin
Les déclarations de la forme : « L’Afrique pionnière de l’évolution digitale 100 % « mobile », « L’Afrique,
épicentre de la bancarisation numérique », etc. aujourd’hui ne constituent guère des slogans popu-
listes lancés pour plaire à des partenaires sensibles ou à des réservoirs électoraux en quête d’espoirs.
Les chiffres en eux-mêmes parlent. Selon l’IUT, 21, 8 % de la population africaine utilise l’Internet
de manière régulière. 30 % des flux financiers passent par le téléphone mobile au Kenya. Parlant de
l’Afrique, Jacquemot (P) affirme encore que « La digitalisation financière s’y étend et les innovations
que l’on rencontre sont parfois spectaculaires. Selon la Banque mondiale, 10 % des adultes y dé-
tiennent un compte permettant d’effectuer des transactions financières depuis un téléphone mobile,
contre seulement 1 à 2 % en moyenne sur les autres continents ». Cette transformation culturelle
axée sur le numérique constitue une aubaine pour les entrepreneurs en devenir et les PME/PMI déjà
établies. Il ne s’agit pas d’une course de fond ou du traditionnel suivisme de l’Afrique. La digitalisation
de l’Afrique est une révolution organisationnelle et culturelle.
En effet, la culture de l’oralité en Afrique s’est transposée dans les entreprises, surtout les PME/
PMI. Ce choix d’échanges et de chaleur du dialogue (qui est un atout) ne sera pas facile à changer
en Afrique, surtout au sein des entreprises. Par contre, la digitalisation va impacter deux éléments au
niveau des entreprises en Afrique : l’organisation (processus et structures) et l’information (produc-
tion, traçabilité). Et c’est fondamentalement ces deux éléments qui constituent les freins du déve-
loppement exponentiel des entreprises en Afrique. Cependant, avec la digitalisation, les entreprises
africaines feront les sauts attendus des autres entreprises du monde. Seulement, il faut prendre le
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temps de planifier et de conduire cette digitalisation pour éviter d’en faire un effet de mode. Sur un
autre volet, il convient de noter que le coût de la digitalisation complète des entreprises reste élevé.
Il s’agit des équipements, du process, de l’Internet, des Ressources humaines et de leur formation.
Mais quoiqu’on dise, du moment où la transformation digitale n’est plus une option mais une obliga-
tion, il reste que la révolution digitale laisse entrouverts tous les espoirs pour l’Afrique. Œuvrons pour
un plan d’accompagnement pour une transformation digitale réussie en Afrique.

Le digital en Afrique c'est ouf !


Thierry FABIANI, Maître de conférences Université de Corse
Loyce OLYMPIO, Fondateur de « Vision » start-up œuvrant en Afrique dans l’univers de
l’optique

Permettez-nous derrière ce titre, nous le concédons volontairement provocateur, de montrer que le


continent africain dispose de tous les atouts pour réussir son challenge digital. Une grande partie de la
population a moins de 18 ans (50 % a moins de 25 ans selon le cabinet Pcw), ce qui signifie qu’ils sont

210 / Question(s) de Management ? / N°18 / Novembre 2017 © Éditions EMS


tous nés avec un smartphone ou une tablette au bout des doigts et donc, à ce titre, très experts pour
raconter et échanger du contenu sur la toile (premier facteur clés de succès du digital aujourd’hui).
Une grande partie du tissu économique est composé de petites structures et de l’informel, du coup
peu de complexités et rapidités à mettre en œuvre des plans de transformations pour faire rentrer le
digital au quotidien. Le poids de l’humain et le sens de la démarche. En effet les domaines où les start
up parviennent le plus rapidement à marquer des points, sont des secteurs où, grâce aux nouveaux
modèles de commercialisation, l’essentiel de la performance économique est redistribué aux clients
sous forme de prix beaucoup plus accessible (c’est le cas de l’offre Vision) et donc d’améliorer le
quotidien des africains. Si la transformation vient de l’intérieur des entreprises, le lien avec l’extérieur
(échanges client, partage des expériences) est déterminant et là aussi, l’humain reste aujourd’hui
détenteur d’une place à part dans le fonctionnement du quotidien en Afrique.

L’économie numérique : Opportunité pour l’Afrique


Joseph Emmanuel FANTCHO, Université des Montagnes. Bangangté – Cameroun
Il est possible pour l’Afrique de tirer pleinement profit des avantages qu’offre l’économie numérique.
Les entreprises et les États africains devront de ce fait : – Disposer de nombreux sites internet dyna-
miques et constamment mis à jour ; – Créer des bibliothèques et des archives numériques ; – Entre-
poser et entretenir des bases de données détaillées sur l’Afrique et sur les entreprises africaines ; –
Installer de nombreux terminaux internet dans les villes et les campagnes ; – Réduire le coût d’accès
à l’internet et améliorer la qualité des infrastructures (haut débit, fibre optique,…) ; – Assurer la tra-
çabilité des opérations numériques et garantir l’inviolabilité et le contrôle des données. Ces mesures
assureront la sécurité et la confiance au numérique. Elles permettront aux populations de s’auto-édu-
quer, d’apprendre des autres et de partager des idées sur des méthodes de faire plus efficacement.
Elles permettront aux individus, aux entreprises, aux États de collaborer et de coopérer. L’exploitation
des bases de données deviendra pour l’Afrique, un puissant outil de prévision et de prévention, de
télédétection et de gestion des catastrophes. Les pages web des entreprises africaines sont leurs
vitrines sur le monde entier. Le bon usage du numérique, est une opportunité pour les africains de
rattraper les pays développés en matière de technologie et des connaissances.

L’externalisation, un palliatif pour s’accrocher à l’univers digital


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Driss FERAR, Docteur ès sciences de gestion. Enseignant chercheur et consultant senior
3,025 milliards d’internautes à travers le monde représentent environ 3 fois la population du continent
africain et 42 % de la population mondiale. L’Afrique n’y représente que 18 % (Bineta DIALLO,2017).
Pour cette raison, les entreprises africaines gagneraient plus à s’engager dans une communication
sur le digital. Si la transformation digitale demeure un syndrome africain car elle induit l’obligation de
recruter de nouvelles compétence, une solution d’aujourd’hui et à court terme serait l’externalisation
de la transformation digitale. L’entreprise africaine pourrait de ce fait éviter l’échec de débutant, dispo-
ser de l’expérience des professionnels et gagner du temps pour se former et prendre en charge son
avenir digital. Ce gain temporel servirait pour lancer des campagnes de sensibilisation afin de multi-
plier les conférences, les salons, se familiariser avec des modèles existants, comme les pures players
(activité commerciale uniquement sur Internet où Amazon constituait alors l’archétype de ces purs
players), donner l’exemple du digital en France où 2 PME sur 3 ont leur site internet, (rapport Deloitte,
2016). Il faut reconnaître cependant qu’une transformation digitale n’est réussie que si le chef d’en-
treprise s’implique dans le leadership digital. C'est-à-dire prendre le devant du changement digital et
donner l’exemple. L’accompagnement serait dans ce cas plus aisé. Il permettra de viser la disparition
des distances spatiales et temporelles, et généraliser ainsi l’Internet que l’ONU elle-même considère
comme l’un des critères du développement.

© Éditions EMS Question(s) de Management ? / N°18 / Novembre 2017 / 211


REGARDS CROISÉS

Neuf fondamentaux pour une digitalisation réussie en Algérie


Réda GOURINE, Consultant et Enseignant-Chercheur ENP d’Alger et ISEOR

Suite à la maturation de diverses interventions sur des projets d’accompagnement de digitalisation,


de GED, de formation 2.0 et d’ERP, la transformation digitale à mon sens répond à 9 fondamentaux :
– L’abandon des dirigeants d’un mode de gouvernance consulaire, qui s’affranchit de tous les disposi-
tifs collaboratifs, – L’activation de tous les espaces de négociation : de la conception à l’évaluation, –
Une intervention en amont sur l’organisation du travail et la gestion du temps et ainsi réallouer le gain
de temps qui est la ressource stratégique, – Le pilotage rigoureux de l’horizontalité et la verticalité,
pour décloisonner l’organisation, – Adaptation de l’organisation du travail, – La fin du culte de l’hyper
réactivité et de la précipitation au profit d’une plus grande réflexion pour une meilleure conception
et donc des décisions pertinentes, – La formation intégrée sur les nouveaux outils, le métier et la
culture générale, surtout les technologies de l’information, – Dans un contexte où plusieurs langues
cohabitent où la langue maternelle n’est pas la langue de travail écrite, un lexique négocié faciliterait
l’exploitation des données, – En aval, réunions d’analyse et de réflexion pour piloter 3 verbes : lire,
réfléchir et partager. L’enjeu est l’appropriation, la réinvention des modes de coopération pour favori-
ser l’intelligence collective.

Enjeux de la transformation digitale des entreprises africaines


Fabrice Arnaud GUETSOP SATEU, Docteur en Sciences de Gestion, Chargé de Cours, ESSEC,
Université de Douala, Cameroun
La technologie est devenue une partie intégrante de notre quotidien. Elle transforme également
le monde des entreprises et leur rapport avec leurs clients et leurs collaborateurs. Cependant, la
technologie seule n’entraîne pas le maximum de valeur à l’entreprise. Ce sont les usages qu’en
font les Hommes qui importent. Quand les entreprises placent les salariés au centre, elles peuvent
les conduire davantage plus loin grâce au « digital » (Roda et al., 2017). Comme son appellation le
désigne, « digital » dérive du terme « digit » qui signifie chiffre en anglais et « digital » qui s’inté-
resse au doigt en français. Le mot digital plus répandu que le « numérique » porte avec lui cette
grandeur « tactile », indiscutable et décisive qui manque au terme « numérique », et renvoie par la
suite à l’action des doigts sur les écrans. Les tablettes et les smartphones sont, de nos jours, les
principaux points d’accès à l’internet (Sahourey, 2017). Accompagner la transformation digitale des
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entreprises africaines est une problématique d’une actualité brulante dans la mesure où l’importance
de ce construit est mise en relief pour indiquer ce que peut être à notre ère sa participation dans
les entreprises africaines. La transformation digitale influence, en effet, toutes les fonctions fonda-
mentales de l’organisation (marketing, ressources humaines, communication, ventes, production,
finances) ; mais également tous les niveaux hiérarchiques, y compris les directions générales et les
conseils d’administration. Généralement évoqué pour les aspects marketing ou commerciaux, la digi-
talisation touche l’activité professionnelle dans son ensemble, et à tous les différents niveaux. C’est
le cas par exemple de Zénith assurance, une entreprise du secteur des assurances au Cameroun qui
offre à ses clients une option digitale de déclaration des sinistres. C’est donc un avantage concur-
rentiel pour ce dernier. Production et distribution des produits et services, technologie et innovation,
organisation, collaborateurs entre autres, les leviers de la transformation digitale sont considérables
et l’intégration du numérique a son intérêt dans chacune des grandeurs et services de l’entreprise.
Ainsi, pour Sahourey (2017), la question de l’influence de la transformation digitale des entreprises
sur leur performance, à la fois économique et sociale, est essentielle. La digitalisation des entreprises
a également une influence sociétale. Autrement dit, c’est une occasion appropriée pour façonner
massivement les individus au numérique et leur attribuer des compétences nécessaires permettant
de les aider à affronter aisément le monde très dynamique du travail et surtout à devenir des citoyens
adaptés aux mutations de la société digitale du XXIe siècle.

212 / Question(s) de Management ? / N°18 / Novembre 2017 © Éditions EMS


« Comment accompagner la transformation digitale
des entreprises hôtelières en Tunisie ? »
Abderrahman JAHMANE, PhD, Chercheur Associé, Chaire ESSEC du Changement

Afin de garantir un service de qualité optimal pour la clientèle. L’environnement hôtelier doit être un
subtil équilibre entre la rentabilité économique de l’entreprise et la préservation des moyens humains.
L’utilisation des nouvelles technologies au sein du service des étages par exemple dans les établis-
sements hôteliers tunisien démontre bien la prise de conscience des managers et leur investisse-
ment face au changement nécessaire afin d’améliorer les conditions de travail au quotidien de leurs
équipes. Dans le cas d’une démarche qui s’inscrit dans le domaine de la préservation des moyens
humains par le biais des nouvelles technologies. L’intégration par exemple de l’outil « REX1 » à ces
établissements hôteliers, est une démarche qui peut faciliter le travail des équipes des étages ainsi
que la communication entre les différents départements concernés (réception, room service, tech-
nique, sécurité) et par conséquent d’améliorer le bien-être des employés. C’est une véritable inno-
vation en matière de technologie au sein des établissements qui ont eu globalement de véritables
retombées positives pour le personnel et l’organisation du travail de manière générale. Chacune
des parties, chefs et service des étages, doit être sur la même longueur d’onde et avancer vers le
même objectif en faisant si nécessaire des concessions. Grâce à la mise en place de formations, les
équipes ont le temps d’appréhender leur futur outil de travail et limiter la résistance au changement.
La sensibilisation aux nouvelles technologies et l’arrivée progressive de personnel habitué aux chan-
gements facilitent déjà l’amélioration des conditions de travail au-delà de la simple obligation légale
et règlementaire. Il est cependant indispensable de proposer des formations adéquates pour limiter
toute résistance au changement. Le style de management des dirigeants dans la mise en place du
changement joue ainsi un rôle essentiel.

1 (Room Expeditor) créé par la société « MTech » dans le but d’améliorer et de facilité l’organisation, la production et
la qualité du travail. Ce logiciel est utilisé par le biais d’un iPod par les femmes et valets de chambre, et avec un iPad par les
réceptionnistes mais surtout par les gouvernantes.
Formation digitale dans la transformation digitale, une
obligation et un devoir pour les entreprises africaines
Citenge KAKWATA, Docteur en Sciences de Gestion, Professeur Auxiliaire, Université Kimpa
Vita, UIGE, Angola
Personne ne peut douter aujourd’hui du bienfait de la transformation digitale dans la vie des entre-
prises au monde, engagées dans la compétitivité sur le plan national et international. Les entreprises
africaines n’échappent pas à cette réalité, même si quelques-unes d’entre elles y croient timidement
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et froidement. Cependant, croire à la transformation digitale aujourd’hui, c’est s’ouvrir au monde,
c’est améliorer les relations avec ses partenaires, c’est bénéficier des diverses opportunités dans le
monde des affaires. Mais quand nous tournons vers les entreprises africaines, notre première atten-
tion est centrée sur leurs hommes (employés). Ce sont ces derniers qui sont les premiers acteurs,
ils doivent être d’abord formés pour être capables de bien manipuler les outils utilisés dans cette
transformation digitale (internet, intranet, twitter, facebook, téléphone digital etc.).
Comme partout ailleurs la transformation digitale ne peut pas avancer en laissant l’homme derrière,
les deux doivent faire chemin ensemble. C’est ce qui fait que nous soutenons la thèse selon laquelle
la transformation digitale doit rester en premier lieu humaine que technologique, dans la mesure où
c’est l’être humain qui est au centre de la transformation. Faire abstraction de l’homme dans cette
transformation digitale, c’est aller tout droit dans le mur. Pour cette raison, les entreprises africaines
ont tout intérêt et obligation de former leurs employés pour qu’ils arrivent à la hauteur de s’adapter
à la transformation digitale et non subir passivement les effets de celle-ci. Une entreprise africaine
ayant une bonne politique de formation digitale gagnera dans la croissance de sa qualité et la quan-
tité de sa rentabilité. La balle est donc dans le camp de responsables de gestion des ressources
humaines des entreprises africaines, ils doivent sortir de la peur et affiner les politiques de formation
digitale au sein de leurs entreprises. C’est de cette forme qu’on peut accompagner la transformation
digitale des entreprises en Afrique.

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REGARDS CROISÉS

L’accompagnement de la transformation digitale en Afrique


Emmanuel KAMDEM, Professeur des Universités, Essec, Douala, Cameroun

L’accompagnement de la transformation digitale en Afrique est une préoccupation majeure qui inter-
pelle différentes parties prenantes, chacune devant apporter sa contribution utile à la résolution du
problème. Dans cette perspective, trois (3) principaux acteurs accompagnateurs sont interpellés :
l’État, les entreprises, les organismes de formation et de conseil en management. L’État, dans son rôle
d’acteur régulateur du secteur des télécommunications, élabore, met en œuvre et assure le suivi de
la politique nationale de développement des télécommunications et des technologies de l’informa-
tion et de la communication (TIC). Par conséquent, les agences nationales publiques de régulation
de ce secteur d’activité doivent sortir du cercle vicieux de la bureaucratie administrative, pour entrer
dans le cercle vertueux du nouveau management public (NMP) qui concilie la performance sociale et
la performance économique. Il s’agit par exemple ici de revoir la politique tarifaire dans ce secteur,
pour susciter une plus forte attractivité auprès des consommateurs. Les entreprises, dans leur rôle
de créatrices des richesses, ne doivent pas considérer les coûteux investissements financiers de
la transformation digitale comme une charge ; mais plutôt comme des opportunités à saisir pour
introduire des innovations dans l’organisation du travail. Dans cette dynamique, elles doivent revisiter
leurs modèles de design organisationnel pour passer progressivement du modèle du « travail présen-
tiel à un poste » à celui du « travail collaboratif à distance ». Les institutions de formation et de conseil
doivent renouveler et actualiser leurs offres de service, en proposant des programmes de formation
(initiale et/ou continue) et de perfectionnement dans les nouveaux métiers de la transformation digi-
tale et encore peu répandus en Afrique (gestionnaire des sites internet, sécurité informatique, déma-
térialisation des procédures et des archives, etc.).

La transformation digitale ne peut être dissociée de l’innovation


Abdendi LOUITRI, Professeur, Université de Marrakech, Directeur du GREFSO, Administrateur
Directeur Général, LMS
Le monde n’a jamais été autant connecté. L’économie numérique est aujourd’hui un phénomène
planétaire. Depuis les produits personnels jusqu’aux systèmes industriels complexes, le digital est
partout. L’Afrique ne fait pas exception. D’ici 2025, la pénétration d’Internet devrait atteindre 50 %
du continent et le nombre d’utilisateurs de smartphones augmenter à 360 millions. Soit le double du
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nombre actuel d’utilisateurs de smartphones aux États-Unis. Cette digitalisation croissante a néces-
sairement un effet profond sur la manière dont les africains vivent et travaillent, et transformera de
plus en plus la manière dont les entreprises doivent opérer et proposer leurs services aux clients.
Que ce soit à travers les services bancaires mobiles, la publicité numérique ou le commerce électro-
nique, à forte composante technologique, les entreprises de toutes tailles opérant en Afrique sont en
effet conduites à développer des stratégies orientées marché qui intègrent les réalités du contexte
Africain. Des réalités très différentes selon qu’on se réfère aux pays du Maghreb, à l’Afrique du Sud,
au Kenya, au Burundi ou à l’Éryhtrée. Des pays partageant l’africanité, mais culturellement de sensibi-
lité fort différente. La transformation digitale en marche interpelle également les pouvoirs publics qui
ont un rôle important à jouer en tant que facilitateurs et accélérateur du processus de changement qui
se doit d’intégrer aussi bien les exigences en matière de ressources et compétences mais également
au niveau des mentalités. La mission des pouvoirs publics,à cet égard, est de créer un environne-
ment favorable à une coopération durable et efficace entre entreprises, administration et citoyens.
C’est une nécessité pour disposer des conditions requises pour la création d’écosystemes propices à
l’innovation. Sans innovation, les effets de la transformation digitale ne pourront, en effet, qu’être de
portée limitée pour le développement et le progrès de l’Afrique. Dissocier la transformation digitale
de l’innovation, c’est, d’une certaine façon, consacrer encore plus la fracture numérique à l’échelle
planétaire dont est victime aujourd’hui l’Afrique.

214 / Question(s) de Management ? / N°18 / Novembre 2017 © Éditions EMS


De la transformation digitale à la transformation
culturelle. La digitalisation en marche en Afrique
Mouloud MADOUN, Professeur, FireBird, Institute of Research in management. Coimbatore,
Tamil Nadu, India
Quand on observe les capacités quasi naturelles des jeunes à manier les outils numériques, on ne
manque pas de s'interroger sur les défis que représente la digitalisation pour la société toute entière :
quel sera l'avenir du modèle de management et d'organisation actuel ? Sera-t-il ringardisé par le nouveau
modèle qui émerge et dont on connaît à peine les contours ? Aura-t-on deux modèles juxtaposés : un mo-
derne, gadgétisé et l'autre archaïque ? Les conséquences sont à peine imaginables : Inégalités accrues,
société à plusieurs vitesses ? Lien social réduit à du virtuel ? Individualisme extrême ou au contraire
une harmonie entre les paradoxes et les contradictions ? Vers un modèle plus inclusif : La digitalisation
viendrait alors au secours d'un modèle en voie de disparition ; elle l'intégrer en douce pour produire un
nouveau modèle plus efficace et plus inclusif. La digitalisation annonce des bouleversements profonds
dont les effets bénéfiques ne pourraient se produire que si une véritable transformation culturelle se pro-
duise. Quelques exemples inspirés de l'Inde pour expliquer comment la transformation culturelle don-
nera du sens à la transformation digitale. Le premier exemple est l'e-choupal : A l'initiative de ITC (Une
entreprise indienne de tabac convertie en chaine d'hôtel de luxe), une vaste opération de digitalisation
a été mise au service des paysans. L'origine était la protestation des paysans contre les intermédiaires
qui commercialisent leurs produits agricoles et agro-alimentaires en prélevant des marges exorbitantes
au détriment des paysans et des consommateurs. ITC affecte une équipe d'informaticiens et de mar-
keting pour aider les agriculteurs volontaires à commercialiser leurs produits en ligne. Un ordinateur par
panchâyat (village) est mis au service des paysans qui apprennent à manipuler l'outil. 95 000 villageois
sont ainsi connectés et préparés à se lancer dans la nouvelle aventure. Fidèles aux traditions indiennes
d'échanges et de solidarité, les paysans mettent en commun leurs ressources, leurs expériences et les
bénéfices attendus.
La réussite de cette expérience est fulgurante : elle bénéficie à la fois à ITC qui approvisionne en produits
frais ses hôtels et les paysans dont le revenu est multiplié par deux. La clé est la formation : les paysans
deviennent autonomes et s'approprient l'outil informatique. Une formation citoyenne est nécessaire
pour concilier le « moderne » (les détenteurs de l'outil informatique) et l'« archaïque » (les paysans
analphabètes) dont la disparition est ainsi sauvée. Cette formation citoyenne est aussi au cœur de
l'expérience initiée par Tagore, Prix Nobel de littérature en 1913. Déçu et très critique de l'enseignement
dispensé par l'école britannique, il lança l'école citoyenne en plein air en 1901à Shantiniketan, université
en 1921 : Pas de murs ni cloison, les cours ont lieu sous les arbres et englobent les savoirs théoriques et
pratiques. Les élèves apprennent à respecter leur environnement. Shantinekeetan signifie lieu de paix.
Au moment de sa création, l'informatique n’existait pas. Aujourd'hui, même si ce modèle n'a pas été
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suivi partout en inde, la digitalisation lui a permis de se développer tout en gardant ses valeurs initiales.
Le moderne et le traditionnel sont ainsi conciliés ; ils permettent l'émergence d'un nouveau modèle
d'enseignement ou la hiérarchie a été remplacée par la collaboration, le partage et l'attitude critique chez
les élèves. Ainsi, quand il est mis au service des valeurs citoyennes et ouvert sur le monde, transcen-
dant les clivages culturels, religieux, la digitalisation contribue à la construction d'un nouveau modèle de
management, d'organisation et sociétal : la hiérarchie cède le pas au transversal, l'individualisme se fond
dans un réseau d'échanges et de solidarité. Ces expériences nous apprennent plusieurs choses :
• La digitalisation permet de décloisonner les univers : le clivage entre ceux qui savent et ceux qui ne
savant pas perd son sens ; l'univers actuel de concurrence et de compétition caractérisé par l'agressi-
vité et le court terme cède le pas à la collaboration, la solidarité et les échanges.
• La liberté d'expression, de parole et des émotions caractéristiques de la digitalisation ne prend son
sens que dans un contexte organisationnel et sociétal qui favorise cette liberté. Seule une organisation
démocratique, horizontale peut favoriser et bénéficier de cette révolution digitale. Comme le montrent
le développement du Smartphone et les comportements qu'il induit, plus rien ne semble arrêter la soif
de liberté et les multiples innovations auxquelles elle peut conduire.
L'Afrique possède tout le potentiel en termes de capital humain, de ressources et de valeurs humaines
qui mettent ce modèle à portée de main.

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REGARDS CROISÉS

Le digital : un facteur de croissance économique indéniable


Mohammed MATMATI, Professeur, Grenoble Ecole de Management (GEM)

En Afrique, un vaste continent constitué de pays ayant des niveaux de développement économique
très variés et des différences culturelles importantes, la transformation digitale conçue comme un
projet par lequel une entreprise ou une organisation intègre les technologies numériques pour trans-
former son business model, ses processus de mise à disposition de l’offre et ses activités supports,
est un facteur de croissance économique indéniable. Son introduction dans les organisations et entre-
prises africaines nécessite, cependant, une très bonne connaissance du contexte et de la culture
locale. Dans les grandes entreprises, souvent des filiales d’entreprise internationales, l’accompa-
gnement doit éviter le simple « copier-coller » des pratiques managériales de la maison-mère mais
s’appuyer sur des incontournables connus que sont la bonne connaissance la culture d’entreprise,
l’identification des compétences des acteurs et de leurs besoins en formation induits par la trans-
formation digitale. Dans les start-up, organisations créées et dirigées par des jeunes souvent bien
formés et ayant une bonne connaissance des technologies numériques, l’accompagnement se situe
plus au niveau financier et dans conseil en développement. L’état est de plus en plus concerné par la
numérisation des processus administratifs, notamment la biométrie. Il s’agit, dans ce cas, de projets
structurants qui touchent la société ; l’interface avec la population est une dimension importante dans
l’accompagnement. Dans tous les cas et pour tous les pays africains, le développement et la péren-
nisation de la transformation numérique doit s’accompagner par la mise en place de formations au
numérique dans les universités et grandes écoles et par la fiabilisation des réseaux techniques (débit,
sécurité, permanence du fonctionnement).

Apprendre en recréant la manière d’apprendre


Patrick MICHELETTI, Kedge Business School, Directeur, Ecole Supérieure Algérienne des
Affaires, Alger, Algérie
La formation est avant tout une industrie de service dans laquelle on utilise divers moyens pour
rapprocher un enseigné et un enseignant ou encore, pour adopter une terminologie plus précise en
correspondance avec Internet, entre un tuteur et un apprenant. Parmi ces différents moyens Internet
est un outil de masse de haute technologie à disposition pour faciliter l’organisation de la formation
et permettre à l’apprenant d’accéder plus aisément au savoir. Il y a une très grande différence entre
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la mise à disposition de ressources en ligne et la formation véritable. Les ressources sont en effet
plus accessibles grâce à Internet mais la formation a besoin d’une structuration authentique à base
pédagogique pour être qualifiée comme telle. Le e-learning désigne donc tout dispositif de trans-
mission du savoir et d’apprentissage utilisant Internet comme canal de diffusion. C’est un mode
global pédagogique qui s’exerce principalement en ligne avec un accompagnement. Le système de
e-learning est mixte par la pratique de l’autoformation de l’apprenant dédoublée de la formation par
un accompagnant. Ceci signifie que la souplesse et l’autonomie des formules d’apprentissage en
ligne n’atténuent pas les difficultés inhérentes à l’autoformation car la personne formée en e-learning
doit à la fois s’auto discipliner et faire preuve d’une extrême motivation pour parvenir au terme de la
formation. C’est particulièrement ce qui fait la force du e-learning car l’accessibilité est d’autant plus
importante qu’elle permet à un grand nombre d’apprenants de se connecter aisément sur le pro-
gramme de formation sans pour autant tout modifier dans leur emploi du temps.Toutefois, pour palier
les problèmes techniques et de motivation, certaines entreprises utilisatrices de e-learning ont mis
en place une organisation interne structurée avec des espaces de travail des accompagnateurs issus
de la Direction des Ressources Humaines. En résumé : tout n’est donc pas une question de coût ou
de culture mais bien un changement dans la façon d’apprendre afin de ne pas se laisser déborder par
la masse d’informations à gérer ou de croire que le digital peut être la solution idéale pour apprendre
et ce, que l’on soit dans le monde du travail ou le monde académique.

216 / Question(s) de Management ? / N°18 / Novembre 2017 © Éditions EMS


Les facteurs clés identifiés du succès de la transformation digitale
Véronique MONTAMAT, Directeur Marketing & Communication. Sopra HR Software
Le continent africain, fort de 340 millions d’utilisateurs d’internet est entré de plain-pied dans l’ère du
numérique. Les facteurs clés identifiés du succès de la transformation digitale sont la connectivité,
l’énergie, la règlementation et la sécurité des données. Mais la maturité digitale des pays du continent
et des entreprises est inégale. Le Baromètre RH Maghreb et Afrique de l’Ouest menée par Sopra HR
en 2016 a permis de constater que 54 % des répondants en entreprise estiment que la transforma-
tion digitale de leurs secteurs a déjà eu lieu ou est en cours avec un tournant d’ici deux ans. A titre de
comparaison, une étude de TNS Sofres – 2015 annonce un taux de 85 % pour la France. Au-delà des
éléments structurels ou d’équipements qui relèvent de la responsabilité des états, les entreprises
paraissent d’autant plus concernées par ce sujet que leurs collaborateurs sont très à l’aise avec les
équipements mobiles. C’est presque un saut générationnel technique qu’on constate par rapport à
l’Europe. Il semble donc logique d’accompagner les entreprises avec des solutions accessibles sur
mobiles, dont l’ergonomie et la UX (expérience collaborateur) répondent aux meilleurs standards
mondiaux. Les prestataires doivent intégrer à la fois des nouveaux usages instaurés pour la généra-
tion C (connectée) et les attentes des collaborateurs, des managers RH en termes de convivialité. Il
convient d’apporter des solutions adressant des problématiques liées aux tâches les plus récurrentes
et chronophages pour que les Directions des Ressources Humaines puissent se concentrer sur les
tâches à forte valeur ajoutés comme justement la mise en place d’une stratégie ou l’accompagne-
ment des employés pour faire face à la transformation digitale.

Technologie et culture
Hadj NEKKA, Université d’Angers (GRANEM), Rédacteur en chef de la revue RISO
Nous sommes dans un contexte de digitalisation, qui est un facteur majeur de transformation des
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organisations, et les entreprises africaines n’échappent pas à ce phénomène. Comme toute évolution
environnementale, il faut regarder ses apports positifs et négatifs. Pour pouvoir accompagner les en-
treprises, il faut être convaincu que les « gains » de cette transformation sont plus importants que les
« pertes ». Or l’appréciation du bilan n’est pas chose aisée et de surcroît en Afrique. Le phénomène
digital peut être évalué à partir d’éléments identifiables et chiffrables et d’autres éléments beaucoup
plus complexes. Nous retenons ici deux éléments à partir desquels nous pouvons interroger la situa-
tion africaine. Ces différents éléments peuvent être identifiés au sein de deux principales dimensions
à savoir la technologie et la culture. Par rapport à la dimension technologique, l’entreprise africaine
est d’abord confrontée à une décision d’investissement où des éléments relatifs au financement et
à la rentabilité occupent une place centrale. En revanche, concernant la dimension culturelle ce sont
les comportements des salariés mais aussi des clients africains qui méritent d’être analysés. Si la
première dimension convoque une stratégie d’accompagnement rationnelle dans laquelle la rentabi-
lité de l’investissement et les possibilités d’amortissement doivent au cœur de l’accompagnement,
la deuxième dimension risque d’être un terrain glissant nécessitant plutôt une stratégie politique où
des valeurs à la fois locale et nationale doivent prises en compte. La transformation digitale dessine
un nouveau monde des affaires dont les business modèles qui en découlent doivent être synonymes
d’espérance pour tous. Dans l’entreprise africaine comme ailleurs c’est cette espérance, étayée par
des arguments crédibles et solides, qui doit être au cœur de la stratégie d’accompagnement.

© Éditions EMS Question(s) de Management ? / N°18 / Novembre 2017 / 217


REGARDS CROISÉS

La transformation digitale : à quel rythme ?


Jean François NGOK EVINA, Agrégé en Sciences de Gestion. Directeur Adjoint ESSEC –
Université de Douala, Cameroun
Nous assistons aujourd’hui à une transformation du marché. Les réseaux sociaux ont révolutionné le
monde, nous avons d’une part les adeptes du numérique et d’autre part ses détracteurs. Toutefois,
l’Afrique, contrairement aux autres continents accuse un grand retard en matière de transformation
digitale des entreprises. Les entreprises africaines doivent de ce fait s’adapter à l’environnement
afin d’éviter une disparition précoce à l’heure de la concurrence des nations. Selon Negus Journal
de mai 2017, sur le top 10, des pays africains où Internet est abordable, nous ne retrouvons aucun
pays de l’Afrique Centrale, un seul pays de l’Afrique du Nord et quatre pays de l’Afrique de l’Ouest.
Malgré ce retard, la question qui se pose de nos jours n’est plus de savoir si on est pour ou contre la
transformation digitale des entreprises mais plutôt comment elle doit s’effectuer et à quel rythme.
La globalisation des économies ne laisse cependant pas de places aux absents, si rien n’est fait
maintenant, il sera désormais trop tard pour les entreprises africaines en général et l’e continent
africain en particulier de se développer. C’est la raison pour laquelle, plusieurs mesures doivent être
prises notamment : la sécurisation informatique ; l’amélioration de la qualité des produits et services
proposés sur le marché ; le changement de mentalité (bonne gouvernance, responsabilité sociale,
équité, justice organisationnelle…) et la veille concurrentielle. C’est la raison pour laquelle, « celui qui
ne prévoit pas les choses lointaines s’expose à des malheurs prochains » Confucius.

La formation digitale : le chainon manquant de


la compétitivité des entreprises africaines
Raphaël NKAKLEU, Professeur, ESSEC Douala, Cameroun
A l’instar d’autres continents, des pays africains au sud du Sahara sont « mis en orbite » grâce à des
innovations digitales qui permettent aux entreprises d’améliorer la qualité des services aux clients
(cas de cardiopad au Cameroun ou de mobile money dans la plupart des pays africains). Dans ce
contexte d’interconnexions, la transformation digitale qui se traduit par la numérisation et l’évolution
des activités de l’entreprise, reste un défi à relever par les entreprises africaines pour être (plus) com-
pétitives. La réussite de la transformation digitale des entreprises africaines passe par la remise en
question de leurs business model peu enclins à capturer des clients connectés. Dans cette perspec-
tive, la formation digitale apparaît comme un levier de compétitivité car elle permet à la direction et au
personnel de développer leurs compétences : Pour les dirigeants et les managers, il s’agit d’acquérir
de nouvelles compétences utiles pour analyser l’intégration des technologies digitales dans la chaine
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de valeur de l’entreprise, pour bâtir une stratégie digitale pertinente, identifier de nouveaux métiers,
mettre en place une organisation agile et un management collaboratif. Le personnel aux multiples
compétences digitales pourra utiliser efficacement les outils digitaux au centre de la création de
valeur.

La transition digitale de l’entreprise en Afrique


Emmanuel OKAMBA, Maître de Conférences HDR, Université de Paris-Est
La numérisation des économies est un puissant levier de la création des richesses, dès lors que
les entreprises opèrent efficacement leur transition digitale, à travers les cinq sauts numériques :
les télécoms, les services financiers mobiles, l’e-commerce, l’e-gouvernement et l’économie des
plateformes collaboratives. La contribution de l’Internet au PIB africain à 300 milliards $ en 2025,
à 75 milliards $ par an pour l’e-commerce et à 300 milliards $ de gains de productivité dans les
secteurs clés (McKinsey, 2013). L’Afrique réalise 52 % des transactions mondiales via le téléphone
portable (Deloitte, 2017). Plus de 20 pays développent des registres de cartes d’identité et électoraux
biométriques et des déclarations douanières. 17000 km de câble sous-marin relient l’Afrique à Internet

218 / Question(s) de Management ? / N°18 / Novembre 2017 © Éditions EMS


par 117 hubs digitaux appliquant plus ou moins la convention de l’Union Africaine sur la cyber-sécurité
et la protection des données personnelles. Le coût des 1 000 derniers kilomètres d’infrastructures
permettant d’amener le réseau jusqu’à l’usager final, majore de 232 $, le coût de la connexion haut
débit moyen de 206,61$ par mois sur les côtes africaines, contre 438,82 $ dans les pays enclavés,
quand il n’est que 8,53 $ dans les pays de l’OCDE. Ainsi, le digital lié à la connectivité du téléphone
mobile pallie les insuffisances des réseaux physiques et des infrastructures, mais ne consolide pas
les cinq sauts numériques. La disponibilité des infrastructures plus performantes et la baisse du coût
des services sont nécessaires pour passer de la simple consommation des contenus de masse à la
production des contenus à haute valeur ajoutée.

Le changement technologique : une affaire d’individus


Nawel OUSSALAH, Chercheur, CREAD, Algérie
Toute nouveauté technologique au sein d’une organisation, qu’elle soit de nature informatique, opé-
rationnelle ou de gestion, peut être perçue de façon différente par ses employés. Ce n’est pas tant
la nouveauté qui inquiète que le bouleversement de la routine (C.Teasdale, 2001). Aussi, l’implé-
mentation de cette nouveauté s’appuie sur ses destinataires et sera soumise à leur jugement, elle
s’inscrit aussi dans des contextes où les rapports de pouvoir, les modes de communication et de
coopération, les stratégies individuelles et collectives sont la plupart du temps aussi dominants que
les avantages de cette nouveauté. Pour donner à cette implantation de meilleures chances de réussir,
il faut l’aborder en tenant compte de son contexte organisationnel et humain. Ainsi, pour mobiliser et
fédérer les acteurs « destinataires » visés directement et indirectement, l’organisation devra se doter
d’un plan de communication afin de les intégrer dans une synergie et les motiver au maximum, ce
qui permettra de lever leurs inquiétudes et les mettra en confiance afin de minimiser le phénomène
de résistance. Par conséquent, démarrer le changement en adoptant une stratégie politique « gra-
duelle » visant en premier lieu l’alliance avec les acteurs « partisans », jusqu’à atteindre les acteurs les
plus résistants, aura de meilleures chances d’aboutir. Mettre en avant les avantages du changement
et l’expérience positive en commençant avec les partisans, permettra d’alléger les résistances à tous
les niveaux hiérarchiques.

Pas de transformation digitale des entreprises en Afrique sans


solides infrastructures du numérique et institutions solides !
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Yvon PESQUEUX, Professeur titulaire de la Chaire « Développement des Systèmes
d’Organisation » CNAM
Il ne saurait être question de transformation digitale des entreprises en Afrique indépendamment de
la transformation digitale à l’œuvre dans les sociétés, celle des entreprises étant dépendantes de la
qualité des infrastructures et de la qualité des institutions (en particulier, pour ce qui concerne les en-
treprises, de la protection des droits de propriété industrielle et de la valorisation des ressources hu-
maines qui passe par le développement de l’enseignement primaire, secondaire et supérieur sur une
continent où l’alphabétisation pose toujours problème). Il y a donc d’abord un problème de politiques
publiques. Il faut également souligner les inégalités territoriales, notamment marquées par la fracture
entre les zones urbaines et rurales. Il est important de se méfier du discours au caractère prophétique
de l’entrepreneuriat digital au nom de l’usage de la téléphonie mobile et des réseaux sociaux. Quand
on sait l’importance de l’économie informelle (le véritable lieu de l’entrepreneuriat) et de l’importance
majeure des populations jeunes, la question est donc d’abord à adresser aux autorités politiques. Il
serait plus opportun de parler de chantiers de développement du numérique que de transformation
digitale au-delà des exemples mis en exergue qui ne sont largement que des « histoires uniques ».
Un compte Facebook ne vaut pas pour l’accès aux ressources d’Internet !

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REGARDS CROISÉS

De Lucie à Lucy ou comment passer du berceau au bureau !


Xavier SAVIGNY, EVP, Group Human Resources. Bureau Veritas
Avec un taux de croissance qui passera de 2,6 % en 2017 à 3,5 % en 2019, le continent Africain,
berceau de l’humanité s’annonce comme le continent du développement économique futur. Parado-
xalement les difficultés qui ont pénalisées cette évolution dans le passé sont aujourd’hui des atouts.
L’Afrique est devenue le continent de l’innovation frugale et des sauts technologiques. Le coût de
déploiement de la téléphonie fixe a contribué à la mise en place accélérée de réseaux mobiles per-
formants. Les infrastructures de transports encore insuffisantes ont facilité une culture de services à
distance, notamment dans le domaine bancaire. Le fameux système M-pesa en est la meilleure illus-
tration. Demain ce sont des pans entiers de l’économie qui vont se digitaliser : l’Agriculture, la Santé,
l’Energie, même le domaine politique, sans oublier l’Education. Dans ce domaine, le digital suppléera
à des systèmes éducatifs inadaptés par rapport aux besoins. C’est l’enjeu clé de la digitalisation des
entreprises dans une Afrique ou 40 % de la population a moins de 16 ans. En externe, le soutien aux
initiatives d’enseignement à distance permettra d’améliorer plus rapidement le niveau d’éducation
générale de la population, offrant aux entreprises une main d’œuvre de qualité formée aux dernières
technologies. En interne, l’adaptation et le déploiement de programmes de transformation digitale
reconnus accélèrera le changement culturel de l’entreprise. Après Lucie première femme de l’huma-
nité, Bienvenue à Lucy la femme digitale !

Les transformations organisationnelles et


comportementales générées par le digital
Aline SCOUARNEC, Professeur des Universités, IAE Caen, ESSEC Executive Education
Parler de transformation digitale en Afrique, c’est d’abord parler de transformation. Les différents
travaux de recherche consacrés au digital ont bien montré que la question essentielle aujourd’hui
est avant tout liée aux transformations organisationnelles et comportementales générées par le digi-
tal. L’outil, la technique ou la technologie, c’est une chose, mais ce qui est important en matière
de management et de question(s) de management, c’est surtout la question des usages. Comme
le précise Storhaye (2016), « le contexte contemporain est marqué par des évolutions qui boule-
versent les modes de fonctionnement et les systèmes de valeurs des entreprises. Ces bouleverse-
ments rendent caduques la plupart des recettes traditionnelles auxquelles bon nombre d’entreprises
s’étaient habituées. La nécessité de se réinventer saute aux yeux et passe par ce qu’il est convenu
d’appeler « transformation ». En effet, « l’introduction de projets de changement pose de nombreux
défis en matière de gestion des ressources humaines. Ils sont d’ailleurs traduits, dans la littérature en
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management, comme autant d’opportunités à saisir et de prescriptions à observer pour piloter ceux-ci
avec succès ». (Taskin L., Gomez P-Y,2015). En Afrique, les enjeux sont majeurs. Il en va du dévelop-
pement économique associé à la démographie croissante comme du positionnement concurrentiel
à l’échelle mondiale et du besoin de sortir de schémas managériaux anciens. Le digital en Afrique
représente, s’il est bien maîtrisé, une opportunité pour des innovations disruptives tant sur le plan
économique, managérial que social. De beaux chantiers de transformations s’ouvrent donc pour les
équipes RH et managériales !
Bibliographie
Storhaye P. (2016), Transformation, RH et digital : De la promesse à la feuille de route, EMS – Avril 2016
Taskin L., Gomez P-Y (2015), « Articuler la théorie de la régulation sociale et l’approche conventionnaliste
en gestion pour comprendre l’échec d’un projet de changement organisationnel », Revue @GRH 2015/1 (n° 14)

220 / Question(s) de Management ? / N°18 / Novembre 2017 © Éditions EMS


Digitalisation des entreprises africaines : Attention
à la déshumanisation des relations de travail
Mamadou L. SYLLA, Coordonnateur du renforcement des capacités à la Commission de
l’UEMOA, Ouagadougou, Burkina-Faso
L’Afrique a raté pas mal de révolutions, dont celle industrielle. Il s’agit aujourd’hui de ne pas rater le
train du numérique. En effet, aujourd’hui, le « numérique » constitue une des pistes pour atteindre la
performance économique, selon plusieurs analystes.
Certains préalables devraient être assurés pour réussir économiquement cette digitalisation. En
d’autres termes, l’Afrique réussira la transformation digitale de son économie et des entreprises en
particulier, si elle résout d’abord les prérequis principaux que sont : la connectivité : accès partout au
haut ou très haut débit à des prix abordables ; – les ressources humaines en quantité et en qualité
dans le domaine du Digital pour accompagner les organisations : mieux, il faudrait une introduction
du numérique dans le cursus scolaire dès le primaire ; – un environnement juridique et légal évolutif
et adapté aux innovations technologiques du digital. Mettre en place ces prérequis ne sera pas une
entreprise facile car le contexte africain est caractérisé par un environnement qui ne favorise pas le
numérique (accès à internet limité, pourcentage important de la population illettrée, etc…). Mais dans
cette économie mondialisée, la compétitivité des entreprises africaines passe par la digitalisation.
Cependant, la digitalisation, à mon sens, n’a pas que des avantages ;
Attention à la digitalisation à tout va : risque de déshumanisation des relations de travail :
Aujourd’hui, de plus en plus digitalisation est synonyme de robotisation, en tout cas souvent de
substitution de la place de l’homme dans un quelconque dispositif. Les tenants du courant « digitali-
sation à tout va ! », utilise ce levier numérique pour atteindre une performance économique au détri-
ment de la performance sociale de l’organisation. En effet, ce qui compte c’est souvent comment
réduire les charges « humaines » pour accroître les profits des dirigeants. Et pour y arriver il faut hélas
souvent laisser « en rade » des effectifs, donc casser des foyers ! Ce qui compte c’est juste amélio-
rer les rendements et par là les bénéfices. Dans les assurances et les banques par exemple, il n y a
plus de démarcheurs, le contact « humain » avec le client n’existe plus, tout est « digitalisé » ! Aussi,
existe –t’il un risque de déshumanisation des relations de travail dans « l’entreprise digitalisée ». Des
valeurs fondamentales, comme la parole, l’écoute, la solidarité sont sacrifiées sur l’autel du rende-
ment. Pour réussir la digitalisation et l’introduction du numérique dans l’économie et les entreprises
africaines– dans les organisations en général – il urge de mettre en place dans ces entreprises des
« comités de suivi et de pilotage » de ces transformations aux fins de prendre en charge les relations
humaines afférentes, dans le sens de les préserver !)
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Le processus de transformation d’un projet numérique
Brahim TEMSAMANI, Enseignant-consultant RH, Tanger
Il est généralement admis qu’un processus de digitalisation est normé et standardisé. Il est constitué
de cinq étapes classiques : 1) le Cadrage, 2) la Conception Générale et Détaillée, 3) le Développement,
4) la Recette et 5) le Déploiement. Toutefois, pour réussir un tel projet, il est également nécessaire
de réunir cinq conditions préalables : – Porter (sponsoriser) le projet par la Direction Générale et les
instances décisionnelles de l’entreprise ; – Sensibiliser les Ressources Humaines et les convaincre de
l’importance et de la nécessité d’industrialiser et d’informatiser tous les processus internes de l’orga-
nisation ; – Mesurer les impacts humains, financiers, technologiques et organisationnels ; – Chercher
le meilleur éditeur sur le marché proposant des solutions intégrées, ouvertes et évolutives ; – Faire
appel à une Maîtrise d’Ouvrage Externe qualifiée afin d’intégrer le projet de transformation digitale.
Dans le contexte marocain, force est de remarquer que l’écrasante majorité (plus de 95 %) des entre-
prises constituant le tissu économique du pays sont des PME/PMI (voir les derniers rapports de la
DEPF/finances.gov.ma). Celles-ci ne sont pas dotées de moyens humains, financiers, logistiques…
leur permettant de s’engager dans des projets structurants de digitalisation. C’est pour cette raison

© Éditions EMS Question(s) de Management ? / N°18 / Novembre 2017 / 221


REGARDS CROISÉS

que l’Etat (à travers le Ministère de l’Industrie du Commerce de l’Investissement et de l’Economie


Numérique, les Chambres de Commerce Régionales et la CGEM) doit apporter une aide substantielle
à ce niveau afin d’assurer la réussite des projets de digitalisation et la « mise à niveau numérique »
des entreprises marocaines.

Vers une véritable politique numérique


Dieudonné TIESTE, Directeur Général PANESS, Douala, Cameroun
Le digital est une réalité qui rentre progressivement dans les mœurs des entreprises en Afrique. Le
taux de pénétration est encore faible, car beaucoup d’entreprises sont encore à l’étape de la sensibi-
lisation, notamment les PME/PMI. Le digital chez elles se limite à l’utilisation des mails, l’informatisa-
tion de base étant encore perçue comme un luxe. Pourtant la pénétration du digital peut booster leurs
performances par l’accès à de nouvelles opportunités et la réduction des coûts. Un accompagnement
s’avère nécessaires, notamment par :
• La disponibilité des infrastructures de télécommunication à large échelle,
• La baisse du coût de l’accès à l’internet et l’amélioration du débit,
• La réduction des charges fiscales sur l’importation des matériels informatiques,
• La dématérialisation des procédures fiscales, administratives et sociales, afin de contraindre chaque
entreprise à passer par le digital pour réaliser ses obligations,
• La sensibilisation et la formation des chefs d’entreprise,
• L’intégration du numérique dans la formation scolaire et académique.
Le résultat sera rapidement atteint si ces mesures s’accompagnent d’un véritable politique numé-
rique intégrant les entreprises comme clients et parties prenantes.

Digitalisation et dynamisme des RH en Afrique :


challenge de la productivité organisationnelle
Lassana TIOTE, Enseignant-Chercheur en GRH au CESAG, Dakar, Sénégal
La transformation digitale, la dématérialisation, la révolution numérique…sont des notions quoti-
diennes dans un monde devenu un village planétaire. L’Afrique, marquée de manière générale par
une tradition orale n’échappe pas à tout ce chamboulement technologique. Le Big data, les réseaux
sociaux, le Cloud computing, les technologies mobiles, les objets connectés... ; même si leur usage
semble généralisé à travers le monde, ces nouveaux instruments de travail restent très souvent dif-
ficilement accessibles à divers niveaux et ce pour diverses raisons au salarié sur le continent africain.
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Le challenge du DRH africain ou en Afrique aujourd’hui dans cet environnement est de trouver les
déterminants permettant au salarié évoluant dans cette atmosphère, les leviers de sa productivité
quand on le compare aux autres sur des continents plus nantis avec un accès plus rapide à tout cet
arsenal technologique. Mais il convient aussi et surtout de prendre en compte, les pesanteurs et
déterminants culturels pour usage judicieux de tous ces outils. La performance organisationnelle sur
le continent est à ce prix dans un monde dont, l’orientation managériale est partagée entre standardi-
sation des procédés et adaptabilité au contexte.

L’Afrique à l’ère du Digital, une grande diversité


Amadou TRAORE, Assistant, Université de Ségou (Mali), Président du mouvement Pak-dôni
La transformation digitale constitue une opportunité pour l’Afrique, considérée comme le continent
le plus en retard par rapport au développement économique. Elle constitue pour l’Afrique le moyen
de bénéficier un certain niveau de progrès afin de pouvoir s’arrimer avec la dynamique internationale.
À travers les MOOCs, l’e-workshop, le Digital Working, le Digital Customer, le Cloud Computing, le
Social Network, le Digital Learning etc., les entreprises africaines parviennent à fédérer des compé-

222 / Question(s) de Management ? / N°18 / Novembre 2017 © Éditions EMS


tences locales et internationales en leur faveur pour plus d’efficience. Toutefois, en matière d’info-
télécommunication, mettre l’Afrique dans un seul panel occulterait certaines disparités. À l’image
du développement économique et social, nous y rencontrons les deux bouts du processus de la
transformation digitale. Il s’agit du niveau embryonnaire et celui plus élevé. Certains pays africains
sont à une hauteur bien appréciable sur le plan mondial. Par contre, d’autres peinent à décoller. À titre
d’exemple, selon l’indicateur NRI (Network Readiness Indicator), en 2016 l’Ile Maurice, l’Afrique du
Sud, les Seychelles, le Maroc, le Rwanda, occupaient les cinq premières places africaines avec res-
pectivement les 49e, 65e, 74e, 78e et 80e places mondiales. Le Benin, la Guinée, Madagascar, le Burun-
di, le Tchad occupaient respectivement les 128e, 134e, 135e, 138e et 139e places sur 139 pays classés.
Au sein de ces pays respectifs, nous rencontrons aussi des contrastes énormes, avec la cohabitation
des plus vieux et des plus modernes systèmes de gestion. Cela dispose les organisations dans un
déphasage les unes avec les autres selon le niveau de développement technique et technologique.
La transformation digitale est une révolution et sa réussite dépend de l’adhésion d’une majorité des
acteurs économiques. La question des moyens et de la formation se pose. L’environnement sociétal
et entrepreneurial africain demande un niveau d’appropriation assez poussé pour plus d’inclusion
et de cohérence. À ce niveau, un travail constant d’empowerment impliquant les entreprises et les
enseignants est nécessaire.

Afrique 3.0 c’est pour quand ?


Dominique VERCOUSTRE, Prest conseil
Estelle SAGNA consultante EFESO, Dakar
Alioune FAYE directeur de l’IADEP, Dakar
Nouhoum DIATE, consultant RH à Bamako, Mali
L’Afrique a bénéficié directement de l’arrivée du numérique par l’accès direct au téléphone portable
sans passer, comme sur le vieux continent par le filaire. C’est une chance, car l’accès s’est fait direc-
tement pour tous sur le portable à travers l’utilisation des différentes applications proposées par les
opérateurs. Sur les 277 millions d’utilisateurs dans le monde, 140 millions sont africains. Dans des
pays où la bancarisation reste peu développée, mais où chacun, ou presque, possède un portable,
payer avec son téléphone devient peu à peu un geste banal. Au Sénégal, ce qui existe, en termes de
digitalisation, concerne plutôt le secteur informel. Il y a une grande offre de solutions de paiement
mobile, (chaque opérateur téléphonique a la sienne,Expresso, Orange, Tigo, et les Western Union,
MoneyGram, Wari, Joni…) D’où la start up d’un sénégalais qui a créé une application d’agrégation
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de paiement (In touch*) qui permet d’aider les petits commerçants à s’y retrouver. Ou l’application
(Weebi**) créée par un autre sénégalais qui propose aux petits commerçants de faire la gestion de
leurs comptes sur tablette afin de pouvoir enregistrer les crédits de leurs clients et connaître leurs
recettes journalières, entre autres.
Dans les PME en croissance ou grandes entreprises, rien de tel. Mais beaucoup d’entrepreneurs se
trouvent face au besoin vital et urgent de revoir leurs systèmes d’information, car à force de mettre
bout à bout des logiciels (pour la paie, la gestion des fournisseurs, les ventes, etc…) l’exploitation
des données pour piloter l’entreprise en ayant de la visibilité est devenu un vrai casse-tête. Ce qui
n’empêche pas certains d’avoir pour ambition de doter leurs commerciaux d’un système digitalisé
leur permettant d’enregistrer leurs commandes en face du client et de pouvoir vérifier instantané-
ment si le client est solvable ou non, si le produit est disponible, etc… Ils savent qu’ils doivent d’abord
refondre leur système informatique de gestion.
Pour parler d’impact, il faut d’abord que l’entreprise en Afrique voie la nécessité de lancer un proces-
sus de transformation digitale de sa fonction RH. Le Chef d’entreprise n’en parle guère, le sujet n’est
pas abordé non plus dans le CODIR. C’est seulement un souci du DRH – d’ailleurs pas tous les DRH
– uniquement le DRH bien documenté ou officiant dans une grande entreprise, du type filiale d’une
multinationale (Exemple à Dakar, SONATEL via Orange). De manière générale, s’adapter à la trans-

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REGARDS CROISÉS

formation digitale est sans doute le dernier souci de l’entreprise en Afrique (environ 85 % de PME).
Comme évoqué ci-dessus, on n’en parle ni dans les COMEX, ni dans le CODIR. Ce n’est pas encore
une priorité ; il faut déjà avoir un système RH qui fonctionne, une fonction RH modernisée. L’évolution
de la fonction RH est un préalable. Le DRH dans l’entreprise en Afrique notamment subsaharienne a
toujours le nez dans le guidon de l’opérationnel. Il faut qu’il relève un tout petit peu la tête pour voir
devant lui la stratégie, non seulement RH, mais toute la stratégie de l’entreprise pour pouvoir s’adap-
ter. Donc le 1er élément d’adaptation à la transformation consiste à évoluer de l’opérationnel vers la
stratégie ; et bien évidemment le chef d’entreprise créera l’ouverture qui facilitera le partenariat DG/
DRH. Ce business partenariat est encore à l’étape du balbutiement.

Les préalables à la digitalisation


Robert WANDA, Professeur, Université de Dschang, Cameroun
Il est de nos jours estimé 3,025 milliards d’internautes à travers le monde. Cela représente environ
3 fois la population du continent africain et soit 42 % de la population mondiale. Voilà ce qui explique
la pressante nécessité d’adapter les entreprises africaines aux réalités actuelles pour bénéficier de
ce vaste marché et ce, en les accompagnant dans leur digitalisation. Cette dernière peut être perçue
comme le processus de dématérialisation du système d’information qui s’appuie sur les évolutions
informatiques (internet, intranet…, et du web) pour décloisonner au mieux les marchés en défiant les
inerties liées au temps, à l’espace, à la qualité, aux coûts et rendre plus performants les biens et ser-
vices. Tout en renforçant l’émergence de nouvelles formes de communication (réseaux sociaux tels,
twitter, facebook, whatsapp...) fait naître de nouvelles formes organisationnelles (les Start Up tels
yahoo, google… et le télétravail…) telles les Fournisseurs d’Accès à l’Internet (FAI). L’accompagne-
ment des entreprises dans cette nouvelle dynamique passe par des préalables, des stratégies et des
étapes proprement dites. Les préalables sont relatives à : – L’investissement dans des infrastructures
par l’Etat (électrification, acquisition et installation des infrastructures de télécommunications à usage
commun de collecte et de traitement des informations…), une réglementation flexible et qui promeut
la concurrence, des agences de régulation aux hommes compétents et objectifs ; – Des entreprises
de téléphonie mobile et Fournisseur d’Accès à Internet) fortement capitalistiques ; – L’évaluation
de l’écosystème digital existant ; – La planification des nouvelles ressources ; – L’identification des
risques potentiels (perte d’emplois, propagation des fausses informations, exposition de la vie pri-
vée…) ; – La priorisation des choix stratégiques et l’intégration des ressources digitales
Les Stratégies de digitalisation
1. La définition d’un plan d’actions des initiatives digitales peut entraîner non seulement une réor-
ganisation de la chaîne de valeur, mais aussi une re-conception de l’offre. 2. La mise en place de
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mesures de performance permet d’évaluer le succès et d’optimiser les résultats. 3. La formation, la
surveillance et l’adaptation continues des ressources humaines aux exigences du marché. 4. L’exter-
nalisation ou l’internalisation de la digitalisation en fonction des coûts additionnels induits pour une
Afrique constituée à plus de 96 % des PME et surtout pour éviter les coûts d’opportunités liés à une
mauvaise mise en place de la digitalisation.
Les étapes de la transformation digitale des entreprises africaines.
Étape 1 : Expérimentation dispersée. Il s’agit en premier de l’expérimentation dispersée : durant
cette première phase, votre entreprise fait des « incursions » dans le digital mais reste limitée par ses
habitudes. Elle cherche donc plus à rajouter une dimension « digitale » à ses campagnes marketing
traditionnelles qu’à véritablement s’adapter aux comportements de sa cible sur les canaux digitaux.
Étape 2 : Recherche d’expertises. C’est la recherche d’expertises c’est une phase intermédiaire ou
votre entreprise, après avoir remporté quelques succès sur le digital, cherchent à établir une réelle
stratégie. Étape 3 : Consolidation. Durant cette phase, vous devez structurer des équipes dédiées
à la génération de la demande, et faire tomber les traditions qui entravent la dynamique de digitalisa-
tion. Étape 4 : Recherche de productivité. Une fois les traditions délaissées, votre entreprise doit
industrialiser ses processus marketing et commerciaux pour améliorer en continu la productivité de
leur force commerciale.

224 / Question(s) de Management ? / N°18 / Novembre 2017 © Éditions EMS


Le management face aux enjeux du digital
Riadh ZGHAL, Professeure, Université de Tunis
Lors d’un séminaire intitulé « le management face aux enjeux du digital » organisé le 12 septembre
2019 à Tunis, un chef d’entreprise tunisien du secteur des technologies de l’information déclare que
la fonction du digital est de « redonner du pouvoir à l’individu, à un peuple, au client, à l’entreprise
rendue capable d’acquérir de nouveaux marchés, de recruter à distance… ». Et il prévient que la ques-
tion du digital est d’abord un enjeu humain bien plus que technologique lorsqu’il s’agit de l’entreprise.
C’est aussi une question d’environnement externe dont le cadre législatif et l’infrastructure. A consi-
dérer que les entreprises africaines disposent du cadre environnemental idoine – ce qui est loin d’être
le cas dans la plupart des pays africains – pourront-elles introduire le digital dans la conduite de leurs
activités et bénéficier des opportunités qu’il permet : recruter les talents à distance, commercialiser
à distance, accéder à des plateformes collaboratives, libérer les cadres des activités routinières pour
se consacrer aux activités à haute valeur ajoutée etc. ? Oui, certainement mais à condition d’accep-
ter que cela va avec une transformation en profondeur du modèle de management. Cela implique
un changement de culture car la numérisation conduit à la fluidité de la circulation de l’information,
multiplie les occasions de travail collaboratif et d’apprentissage réciproque, nécessite agilité et ré-
activité… Cela représente une rupture avec l’organisation pyramidale, les unités organisationnelles
cloisonnées, les guerres de position entre les directions de l’entreprise, la culture de conflictualité
et la logique de gagnant-perdant. Si telle est la configuration du plus grand nombre d’entreprises
africaines, comment les accompagner pour changer la culture dominante en leur sein ? On sait que
le changement de culture nécessite beaucoup de temps ce qui justifie un accompagnement patient.
Une enquête réalisée en 2016 par Sopra HR auprès de 168 entreprises dans trois pays du Maghreb
et deux de l’Afrique de l’Ouest indique que seulement 14 % ont réalisé leur transformation digitale et
40 % se donnent deux ans pour en achever le processus.
Une numérisation réussie au sens où elle est créatrice de valeur et génératrice de développement
de l’entreprise, nécessite la réunion de plusieurs conditions. L’entreprise doit se donner les moyens
en compétences et les moyens financiers pour s’engager dans une stratégie de transformation digi-
tale. Inscrire cette transformation dans une stratégie prémunit contre la volatilité des phénomènes
de mode et contre la tentation d’investir des sommes colossales dans des outils et des solutions
informatiques que l’entreprise ne peut exploiter de façon optimale parce qu’ils ne correspondent pas
à ses besoins, ni à ses moyens humains, ni à ses capacités de changement organisationnel. L’enjeu
pour l’entreprise c’est tout d’abord la reconnaissance de ses vrais besoins et la capacité d’élaborer
une stratégie de numérisation sur le long terme. Car l’introduction du digital nécessite une restructu-
ration, une nouvelle culture, des capacités d’adaptation et d’innovation. La digitalisation déclenche un
processus de changement qui remet en question nombre de mécanismes routiniers, d’idées reçues
particulièrement celles relatives au pouvoir. Finalement l’enjeu du digital est moins une question de
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technologie qu’une question humaine et organisationnelle. Il interpelle la GRH certes mais il nécessite
également un changement de paradigme qui touche la perception de l’autorité, de la collaboration, du
caractère stratégique de l’information et de l’innovation aussi bien à l’interne qu’à l’externe. L’accom-
pagnement des entreprises africaines dans une transformation digitale devrait considérer ces divers
volets : un volet diagnostic pour ne pas se tromper sur ses vrais besoins, un volet technologique et
financier qui sont intimement liés, un volet philosophique qui fonde la perception de l’homme – col-
laborateur, partenaire ou client – et de l’entreprise en tant qu’entité autant économique que sociale.
Enfin force est de reconnaître que, comme fonctionne le monde aujourd’hui, la survie de l’entreprise
peut dépendre de sa capacité de transformation digitale. Pour réussir cette transformation, il n’y a
pas de modèle prêt à porter mais l’entreprise et ceux qui l’accompagnent devraient procéder d’une
manière itérative qui tient compte du caractère idiosyncrasique de chaque entreprise.

© Éditions EMS Question(s) de Management ? / N°18 / Novembre 2017 / 225

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