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Natacha Allet - L'autoportrait
Natacha Allet - L'autoportrait
Sommaire
● Introduction
● Conclusion
● Bibliographie
Introduction
et se déploient.
Saint Augustin interrompt alors le récit qui a occupé les neuf premiers livres de
son œuvre, il cesse de relater son errance et sa conversion, renonce à revenir
sur les péchés qu'il a commis et les repentirs qui les ont suivis, à exposer les
égarements et les mutations qui ont jalonné son histoire, et il se tourne vers le
présent, en vue de dévoiler ce qu'il est encore, à l'instant que voici, au moment
précis de [ses] confessions (X, 3).
jambes un peu courtes par rapport à mon torse, les épaules trop étroites
relativement aux hanches., etc.). Il multiplie par ailleurs les allusions au miroir
et à la peinture; il écrit notamment:
L'autoportrait en peinture est considéré par les historiens d'art comme un sous-
genre du portrait; et l'autobiographie entretient avec la biographie des rapports
évidents (que Sartre notamment évoque dans les Mots). En revanche,
l'autoportrait en littérature s'intègre assez difficilement à un ensemble discursif
plus vaste. Il ne s'oppose pas simplement, comme on pourrait l'imaginer a
priori, au portrait littéraire – qui est un genre beaucoup plus limité que lui, qu'il
s'agisse du portrait romanesque ou historiographique, ou qu'il s'agisse du
portrait galant ou satyrique tel qu'il se pratique au 17ème siècle entre les
personnalités du grand monde. Si l'on se penche sur le portrait de Mme de
Sévigné par le comte de Bussy-Rabutin, par exemple, ou celui de La
Rochefoucault par le cardinal de Retz, on s'aperçoit qu'ils sont difficilement
comparables aux Essais ou à La Règle du jeu: ils sont constitués de
descriptions physiques, intellectuelles, morales qui tiennent sur quelques
pages seulement. On pourrait sans doute rapprocher certains d'entre eux du
portrait que Leiris fait de lui-même au début de L'âge d'homme, mais pas de
l'autoportrait (en admettant que L'âge d'homme soit un autoportrait) dans son
intégralité.
il ne se détache pas des choses qu'il faut entendre, selon Beaujour, au sens
latin de res, de sujets à traiter, de lieux communs. L'autoportrait ainsi n'est pas
une description purement subjective du JE. Mais il n'est pas non plus une
description objective des choses en elles-mêmes, indépendamment de
l'attention que JE leur porte. Et Montaigne l'illustre bien, en notant, dans le
deuxième livre de ses Essais:
[...] ce mot mal prononcé [...] m'a mis en état d'obscurément sentir
[...] en quoi le langage articulé, tissu arachnéen de mes
rapports avec les autres, me dépasse, poussant de tous côtés ses
antennes mystérieuses. (p.12. Je souligne)
[...] il convient ici que [...] je me taise et que, pour mortifiant qu'il
soit de clore un livre sans avoir abouti à un réel point
d'arrivée [...] je m'arrête, telle une locomotive qui trouve la voie
fermée et stoppe en rase campagne, après avoir lâché une
bordée de coups de sifflet. (p.302. Je souligne)
La quête de soi est à jamais inachevée, elle est toujours susceptible d'être
prolongée.
J'ai laissé entendre plus haut qu'elle n'était pas sans rapport avec celle du
miroir encyclopédique qui se caractérise notamment par les multiples rajouts et
les multiples renvois qu'il autorise. La structure thématique ou topique de
l'autoportrait est ouverte dans la mesure où chacun des développements
qu'elle distribue peut être repris, étayé ou infléchi ultérieurement. Que l'on
pense à Montaigne et aux différentes couches temporelles de ses Essais –
l'auteur revient sur tel point de son discours et le complète de diverses façons,
il est libre ainsi de poursuivre son propos indéfiniment. Leiris qui décidément
exhibe les rouages du genre, décrit les procédés de son invention de la
manière suivante:
Opérant [...] à l'aide de fiches dont j'ai mainte occasion, il est vrai,
d'accroître la masse en cours de route (inscrivant, tantôt sur
les mêmes cartons, tantôt sur d'autres, des lignes
plus fraîches qui seront aussi bien rallonges à ce que j'ai
déjà recueilli que notations nouvelles motivées soit par des
réflexions ou des événements récents, soit par des faits ou des
états anciens perçus soudain comme de nature à être mis dans le
circuit)[...]. (Biffures, p.282. Je souligne.)
Aussi [...] est-ce une nécessité pour moi que d'envisager avant
tout les connexions qui peuvent se déceler au sein de ce
paquet multiplement cloisonné et de songer, plutôt qu'à ce qui a
maintenant l'aspect funèbre d'un acquis, aux engrenages grâce
auxquels il me sera permis de passer de chaque fiche à la fiche
suivante, tout ce qui entre de libre et de vivant dans mon travail
devenant, en somme, question de liaisons ou de
transitions et celles-ci gagnant de l'épaisseur à mesure que
j'avance, jusqu'à représenter les véritables expériences au
détriment de celles qui garnissent mes fiches et ne sont plus que
des jalons plantés de loin en loin pour diriger les ricochets de ma
course. (Biffures, p.282. Je souligne.)
Dans le cas de Montaigne qui lui aussi glose le repli de son texte sur lui-même
(Combien souvent, et sottement à l'aventure, ai-je étendu mon livre à parler de
soi (III, 13)), la mémoire interne au texte supplante également la mémoire
humaniste (l'héritage culturel de la Renaissance): les Essais en effet se
distinguent des miscellanea qui leur sont contemporains et qui sont de simples
compilations de lieux communs, destinées à un usage mnémonique, et ils s'en
distinguent justement à force d'autoréférences, d'ajouts et de commentaires, à
force de corrections, de repentirs, et de nouveaux points de vue. En somme, la
mémoire intratextuelle se réfère assez peu à ce qui précède l'écriture, et trace
au présent la figure du sujet.
Je m'en vais écorniflant par ci par là des livres les sentences qui
me plaisent, non pour les garder, car je n'ai point de gardoires,
mais pour les transporter en celui-ci, où, à vrai dire, elles ne sont
plus miennes qu'en leur première place. Nous ne sommes, ce
crois-je, savants que de la science présente, non de
la passée, aussi peu que de la future. (I, 25. Je souligne.)
Conclusion
Bibliographie