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Michel AGLIETTA, « Zone Euro : éclatement ou fédération », 2012

Sous forme de réponses à de grandes questions et de façon très pédagogique, l’ouvrage de Michel Aglietta
démonte les mécanismes de l’extension de la crise financière de 2007-2008 à la zone euro et l’alternative
historique qui se présente aux pays européens : éclatement ou fédéralisme.

Pour l’auteur, la crise vient de l’interaction entre la dérive du système financier privé et une polarisation des
structures productives qui fait diverger de plus en plus les pays excédentaires (l’Allemagne et quelques
satellites) et les pays déficitaires (tous les autres). La crise est avant tout une crise de la balance des paiements,
exacerbée par les aberrations d’une finance privée laissée hors de tout contrôle. Le report de la crise sur les
finances publiques est venu pour la plus grande part du sauvetage en extrême urgence d’un système menacé
d’effondrement à partir d’octobre 2008, à la suite de la crise des subprimes.

L’Allemagne, actuellement érigée en modèle, est une des composantes du problème : les banques allemandes
sont parmi les plus fragiles de toute l’Europe ; la compétitivité allemande tient à la surréaction du
gouvernement socialiste social-libéral Schröder (lois Hartz) dans la compression des coûts salariaux à partir
de 2004. Le modèle allemand est fondé sur la polarisation entre une Allemagne et ses satellites, massivement
excédentaires en balance des paiements courants, et le reste de la zone euro, forcément déficitaire, la zone
dans son ensemble étant équilibrée vis-à-vis du reste du monde. L’hétérogénéité de la zone euro est une
« donnée structurelle » aggravée par la stratégie non coopérative des politiques menées en Allemagne.

La zone euro serait donc menacée d’éclatement. Le traité budgétaire signé en mars 2012 qui vise à l’équilibre
des budgets publics de l’ensemble des pays de la zone n’est en rien la solution. En effet, l’austérité généralisée
ne pourrait que conduire au pire par le jeu des multiplicateurs. Les solutions qu’il préconise sont de deux
ordres. D’une part, il considère que la Grèce devrait sortir de la zone euro et adopter la stratégie qui fut celle
de l’Argentine en 2001. Michel Aglietta considère que la Grèce n’aurait pas dû entrer dans l’euro et aurait
avantage à en sortir pour retrouver des conditions de croissance à long terme en dévaluant fortement sa
monnaie (de l’ordre de 70 % !).

La zone euro devrait aussi adopter des réformes progressistes. La BCE devrait jouer le rôle de prêteur en
dernier ressort et garantir les dettes souveraines de façon illimitée pour couper court à la spéculation.

La zone devrait se doter d’une autorité budgétaire permanente dialoguant avec la BCE pour conduire une
réelle politique économique cohérente (policy mix). Des eurobonds devraient être émis. L’ensemble de ces
mesures devrait avoir pour objectif final le redressement des capacités de croissance de la zone.

Il faudrait donc rompre avec la tendance actuelle qui est à l’affaiblissement constant de son potentiel
économique depuis les années 1970. Ceci passerait par une « union de transfert » permettant de transférer du
revenu des zones riches vers les zones défavorisées de l’Europe. Il s’agirait aussi et bien davantage de
concevoir une « politique industrielle » visant à la conservation, l’adaptation et la réhabilitation du capital
naturel. Il faudrait donc lutter contre le réchauffement climatique et promouvoir une économie verte pour
promouvoir un nouveau régime de croissance.

Ceci impliquerait l’appel à un budget européen et à un système de financement renouvelé pour mobiliser
l’épargne privée européenne. De plus, un immense effort d’éducation devrait être entrepris pour qualifier
jeunes et actifs tout au long de leur vie. Les réformes devraient aussi affecter la régulation bancaire et
financière.

Bref, l’Europe est à un tournant. Soit elle s’enferme dans une logique rentière non coopérative. Dans ce cas, les
risques de stagnation et de déflation sont très élevés, conduisant à terme à l’éclatement et à la régression
sociale. Soit elle accepte un réel fédéralisme avec une Allemagne se comportant en « leader bienveillant » pour
dynamiser sa croissance en répondant aux défis écologiques et sociaux.

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