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LE PRÉSENT DE L’INDICATIF

Le présent de l’indicatif
A. Le moment actuel
B. Le temps passé
1. Le passé récent
2. Le présent historique

C. Le Futur

D. L’omnitemporel

E. Les notions de répétition et de durée

F. Conclusion
A- Le moment actuel
« Le présent actuel s’emploie ainsi
normalement dans le dialogue : la présence
des interlocuteurs oriente expressément
l’esprit vers une interprétation actuelle des
temps. »

(P. Imbs, 1968, 31)


« Sa femme expliqua :

- […] tu n’as pas remarqué qu’il semblait se retenir

pour ne pas en dire plus?

- Je ne comprends pas, avoua le père. »

(B. Clavel, 1968, 49)


« - Tu en veux encore une goutte ? demanda la mère.

- Non. Il est vraiment trop mauvais. Tu n’y as donc


pas mis que de l’orge?

- Evidemment, je n’ai encore rien touché pour le


mois d’octobre.

- Ils nous feront crever, je te dis. »

(B. Clavel, 1968, 14-15)


Dans ces discours directs on a bien deux

interlocuteurs et « chez le premier l’intention

d’influencer l’autre en quelque manière. »

(E. Benveniste, 1966, 242)


Et le contenu de l’énoncé « concerne le locuteur ou

interlocuteur en tant que locuteur ou interlocuteur

».

(C. Touratier, LNG 280, 28)


B- Le temps passé
1- Le passé récent
« - Je ne voudrais pas faire de reproches… Tu
arrives, tu dois être fatigué, mais enfin, on
aimerait tout de même savoir ce qui s’est passé ?
»
(B. Clavel, 1968, 138)
2- Le présent historique
À des moments bien déterminés, le présent de

l’indicatif apparaît dans « l’énonciation

historique »
a- Premier plan narratif
A un moment de haute tension, le récit progresse à
l’aide de procès au présent de l’indicatif :

« Cette fois, la mère se soulève davantage sur sa


chaise. Elle se dresse de toute sa taille et le père
comprend qu’il ne l’empêchera pas de parler. »

(B. Clavel, 1968, 66)


Quelques lignes plus tard, on retrouve :
« La mère se lève. Tout son corps se met à trembler
et ses mains posées sur la table sont comme
deux bêtes prêtes à bondir. Le père a peur. »
(B. Clavel, 1968, 67)
Ces procès verbaux au présent de l’indicatif
marquent une progression événementielle dans le
récit principal constitué d’événements au passé
simple en majorité.
b- Arrière plan narratif
Mais le « présent historique » ne concerne pas seulement

les événements historiques, il s’étend aussi sur le

territoire des procès parenthétiques à la « trame

événementielle » de notre histoire.

C’est le cas de l’exemple suivant :


« Elle s’approche de lui. Le temps qu’il ait défait quelques

mégots et roulé une cigarette, leurs deux visages restent

tout près l’un de l’autre, éclairés par cette flamme qui

fait luire le métal poli de la boîte à tabac. »

(B. Clavel, 1968, 231)


Avec « fait luire » on a un procès qui sert de « fond

de décor ». En effet, ce procès verbal décrit l’état

du « métal poli de la boîte à tabac ». Une sorte de

tableau est peint sous nos yeux.


On peut facilement trouver des procès au présent de

l’indicatif qui appartiennent toujours à «

l’arrière plan narratif » mais qui servent plutôt à

commenter ou à expliquer.
C’est le cas des exemples suivants :

« À présent, il doit déjà y avoir des hommes dans le


jardin. Tout sera saccagé, c’est certain. Durant
l’autre guerre, le père a trop vu de villages où l’on
s’est battu, pour croire encore que son jardin, sa
maison et son hangar conservent une chance d’être
épargnés. »

(B. Clavel, 1968, 233)


Le procès verbal « il doit y avoir » sert à donner des

explications en ce qui concerne le déroulement

du récit. De plus « À présent » situe l’énoncé au

moment du récit c’est-à-dire au passé.


Ce qui procure au « présent historique » ce grand effet de

dramatisation c’est tout simplement sa rareté. A supposer

qu’un récit ne soit fait que de « présents historiques », on

imaginerait mal comment on pourrait lui attribuer cet

effet de dramatisation tout le long du récit ?


C’est donc le passage du passé simple au présent où

« le changement de temps qui produit l’effet

stylistique et le présent, pas plus qu’un autre

n’explique par lui-même la dramatisation du

récit. » (S. Mellet, 1980, 11)


C- Le futur
Grâce au contexte, le présent de l’indicatif
peut s’appliquer au monde du futur.

L’exemple le plus révélateur à cet égard est le


suivant :
« À l’étage, une porte se ferma, et le pas de la mère
fit craquer les marches de bois. Quand elle parut,
le père demanda :

- Il ne descend pas manger? »


(B. Clavel, 1968, 171-172)
D- L’omnitemporel
Des énoncés construits avec ce même présent de
l’indicatif peuvent ne concerner ni le passé, ni le
présent, ni le futur. Il s’agit là de procès au
présent de l’indicatif appliqués au domaine non
temporel qu’on appelle parfois «
l’omnitemporel ».
Dans ce cas, selon Paul Imbs « le processus est
situé dans le temps indivis ».
(P. Imbs, 1968, 27)

C’est le cas de l’énoncé suivant :


« - […] Mais je connais les gens. Quand c’est pour

demander, ils sont forts. Quand c’est pour rendre

service, ils ne sont plus là. »

(B. Clavel, 1968, 176)


Il en est de même pour l’exemple suivant :

« Quand on n’a pas assez de force, on peut se sortir

d’un mauvais pas avec une bonne idée. »

(B. Clavel, 1968, 117)


E- Les notions de répétition et
de durée
Quelques linguistes comme Imbs ont parlé de «
présent duratif » d’autres de « présent d’habitude
» ou de « présent de répétition ».
Serait-il possible d’accorder au présent de
l’indicatif ces différents aspects ?
Considérons les énoncés suivants :

« Le père écoute un moment » (Ibid, 232)

« […] il reste toujours un espoir » (Ibid, 259)


« À mesure que le père tourne et retourne tout cela

dans sa tête, cette douleur qui l’étreignait au point

de l’empêcher de respirer se mue en colère. »

(Ibid, 259)
 Dans tous les exemples précédents, il y a
toujours un élément du contexte qui marque la
répétition ou la durée.
 Le présent de l’indicatif n’exprime ni la durée,
ni la répétition par lui-même.
F– Conclusion
Après l’étude des différents emplois du présent de
l’indicatif, on constate qu’il peut facilement se
trouver dans un énoncé exprimant le moment
actuel, le moment passé ou futur ou tout
simplement dans un contexte dépourvu de toute
dimension temporelle et donc désignant «
l’atemporel ».
Mais est-il possible qu’un temps verbal puisse avoir
en même temps toutes ces valeurs – qui en
général s’excluent l’une l’autre ?

Il est évident que c’est impossible.


Les exemples examinés ont montré que c’est
toujours un élément du contexte (sémantique,
syntaxique, lexical ou énonciatif) qui est
responsable de telle ou telle notion, d’habitude
attribuée au présent de l’indicatif en tant que
temps verbal.
Ce qui aboutit à dire que le présent de l’indicatif
n’a pas une véritable identité ou tout simplement
qu’il n’a pas de signifié qui lui est propre.
Le présent de l’indicatif a en effet besoin dans
toutes ses utilisations de l’aide de son contexte
pour exprimer telle ou telle dimension temporelle
ou aspectuelle.
On peut alors conclure en disant que le présent de
l’indicatif n’a pas de morphème temporel propre
à lui. C’est ce qui l’autorise à apparaître dans des
contextes aussi variés que contradictoires, comme
on l’a déjà constaté.

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