Vous êtes sur la page 1sur 14

Camus et l’art

Réflexions de Camus sur l’art.


Conférence du14 décembre 1957, «
L’artiste et son temps »
 Dans sa conférence, Camus partage ses
réflexions sur la complexité de définir l’art,
sur les liens qui existent entre l’écrivain et la
société, sur le rapport qu’entretient l’artiste
avec le « réel ». Il pose également une question
importante sur le combat que l’artiste vit
intérieurement du fait qu’il soit artiste et «
condamné à l’être ».
 Camus préfère employer le mot « embarqué »
à la place de celui d’« engagé » pour montrer
que l’artiste est appelé à s’impliquer dans le
monde dans lequel il vit malgré lui, du fait
qu’il soit artiste: « […] l’artiste, qu’il le veuille
ou non, est embarqué. Embarqué me paraît ici
plus juste qu’engagé. Il ne s’agit pas en effet
pour l’artiste d’un engagement volontaire,
mais plutôt d’un service militaire obligatoire.
Tout artiste aujourd’hui est embarqué dans la
galère de son temps. »
 D’après Camus, le plus dur pour lui et pour
ses contemporains, n’est pas de se battre
contre sa société mais de ce combat que
l’artiste se livre à lui-même.
 En se comparant avec ses prédécesseurs,

Camus explique que l’art est devenu plus


problématique car il met en péril l’existence
même de l’artiste. Il dit: « Le doute des
artistes qui nous ont précédés touchait à leur
propre talent. Celui des artistes d’aujourd’hui
touche à la nécessité de leur art, donc à leur
existence même. »
 Camus revient dans sa conférence sur ce qui anime tout
grand artiste: le désir de se faire comprendre par tout le
monde et aspirer à une « communication universelle »,
c’est-à-dire toucher à un public large qui engloberait des
générations. Il dit à ce propos:
« […] quant [l’artiste] appelle à la postérité, il ne fait rien
d’autre que réaffirmer sa vocation profonde. Jugeant le
dialogue impossible avec des contemporains sourds ou
distraits, il en appelle à un dialogue plus nombreux, avec
les générations. Mais pour parler de tous et à tous, il faut
parler de ce que tous connaissent et de la réalité qui nous
est commune. La mer, les pluies, le désir, la lutte contre la
mort, voilà ce qui nous réunit tous. Nous nous
ressemblons dans ce que nous voyons ensemble, dans ce
qu’ensemble nous souffrons. Les rêves changent avec les
hommes, mais la réalité du monde est notre commune
partie »
 Mais qu’est-ce que « la réalité du monde »?
 Camus revient sur le souci de tout artiste dans

son rapport avec le réel et dans ce que l’on


entend par « réalisme », il consent à nous dire
qu’ « être réaliste » est impossible même si
c’est ce que chaque artiste, au fond de lui-
même, essaie d’être, d’une manière ou d’une
autre: « L’artiste se trouve toujours dans cette
ambiguïté, incapable de nier le réel et
cependant éternellement voué à le contester
dans ce qu’il a d’éternellement inachevé. »
 L’artiste est donc à la recherche d’une réalité
obscure du fait qu’elle lui semble à la fois
comme familière et étrangère. C’est cette
ambiguïté qui fait que l’artiste trouve des
difficultés à traduire cette réalité par son art.
Le plus important reste pour l’artiste de
pouvoir nous rapprocher de l’humain et de
tenter de le comprendre. « Chaque grande
œuvre rend plus admirable et plus riche la
face humaine, voilà tout son secret. », nous
dit Camus.
Albert Camus, « L’artiste et son temps »
(interviews, radio, journaux étrangers)
 Le rôle de témoin, un rôle que l’écrivain refuse d’incarner.
 La vocation dont Camus se réclame est celle de « créer ».
 « En tant qu’homme, je me sens du goût pour le bonheur;
en tant qu’artiste il me semble que j’ai encore des
personnages à faire vivre, sans le secours des guerres et
des tribunaux. »
 En tant qu’homme, Camus sait qu’il se doit de se
prononcer contre les « tyrannies » de son temps et de dire
qu’il est contre.
 En prenant cette position, il considère qu’il n’est point
témoin de son temps mais il fait son « métier » en tant
qu’homme.
 Camus ne comprend pas qu’on lise dans ses
propos sur l’art une forme de romantisme et
d’idéalisme.
 Il insiste sur sa détermination à définir ce qu’il

appelle « l’existence commune de l’histoire et


de l’homme ».
 Sa cause: plaider pour « un vrai réalisme »,

dans le sens où il s’intéresse à des questions


qui portent sur l’homme, sur « la vie de tous les
jours. »
 Il défend « l’ordre » et « la règle » qui sont

selon lui nécessaires pour construire l’homme.


 Selon Camus, l’artiste est bien appelé à se faire
le défenseur de la cause humaine mais sans
pour autant oublier son travail essentiel, celui
de tout artiste.
 « Cela ne signifie pas cependant que nous

devions sacrifier notre nature d’artiste à je ne


sais quelle prédication sociale. J’ai dit ailleurs
pourquoi l’artiste était plus que jamais
nécessaire. Mais si nous intervenons en tant
qu’homme, cette expérience influera sur notre
langage. Et si nous ne sommes pas artistes
dans notre langage d’abord, quels artistes
sommes nous? »
Sur Camus et son art
 D’après Daniel Delas, Camus instaure dans ses romans, une
étroite relation entre sa formation philosophique et sa
conception de la littérature.
 Cette relation s’explique par la façon dont Camus définit
l’art, un domaine qui prend en charge « la vie de tous les
jours » en l’incluant dans un monde imaginaire.
 « Le meilleur moyen de faire sentir la connexion entre la
vérité de l’instant et le non- sens du monde n’est-il pas en
effet justement de refuser le chronologique et de lui préférer
une succession microcosmique d’instants vécus dans leur
vérité d’expérience close. Cela exigerait de mettre en crise
l’écriture narrative classique et d’instaurer pour dire un
monde nouveau, une écriture « étrangère ». Puis dans la
continuité poétique de ce premier choix, d’imaginer un
personnage qui incarne, comme on dit, cette étrangeté. »
 « la vie de tous les jours » serait-elle pour A.
Camus ces « instants de vie » qui font de
l’homme ce qu’il est ou ce qu’il doit être,
c’est-à-dire un homme qui vit pleinement
chaque instant, qu’il soit bon ou mauvais.
 Le fait qu’il s’inspire « d’instants de vie »,

Camus nous donne à lire des romans où il n’y


a pas de réelle chronologie. Au contraire, nous
sommes appelés en tant que lecteurs à
déchiffrer un monde étrange qui s’affiche à
nous.
 L’étrangeté de ce monde n’est pas forcément

liée à l’événement mais à la façon dont il nous


est relaté.
 C’est en ce sens qu’on peut comprendre la
phrase de Camus lorsqu’il écrit sur l’art: «
C’est pourquoi toute création authentique est
un don à l’avenir. »
 L’œuvre d’art est « un don à l’avenir » car elle

est et restera avant tout une création et une


création pour l’éternité.
Mot de la fin avec Camus
 « C’est cela et pourtant ce n’est pas cela, le
monde n’est rien et le monde est tout, voilà
le double et inlassable cri de chaque artiste
vrai, le cri qui le tient debout, les yeux
toujours ouverts, et qui de loin en loi, réveille
pour tous au sein du monde endormi l’image
fugitive et insistante d’une réalité que nous
reconnaissons sans l’avoir jamais rencontrée.
», « L’artiste et son temps »

Vous aimerez peut-être aussi