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Les quasi-contrats – Oct.

2006
Par Farida Zine – Master Pratiques Juridiques et Judiciaires
Promotion 2006-2007 – Nîmes

INTRODUCTION :
Les quasi contrats, à mi-chemin entre contrats et délits sont
reconnus par le code civil comme une source autonome
d'obligations. Cette notion de quasi-contrats est consacrée par le
code à l'article 1371"Les faits purement volontaires de l'homme
dont il résulte un engagement quelconque envers un tiers et
quelquefois un engagement réciproque des deux parties". La
particularité du quasi-contrat étant de reconnaître un fait
volontaire mais licite comme source d'obligation.
Ces quasi-contrats trouvent leur origine dans le droit romain ;
Justinien, empereur qui a œuvré pour la codification du droit de
son époque, a estimé que la classification en contrats et délits
était insuffisante parce qu’elle ne comprenait pas toutes les
opérations juridiques créatrices d’obligations. Cette remarque
créatrice des quasi-contrats a été un moyen commode de classer
les différentes sources d’obligations.
La commodité de ce classement a été appréciée par les rédacteurs
du code civil qui l'ont reprit.
Les quasi-contrats sont en effet des sources d'obligations telles
que le contrat mais se différencient de lui parce que l'accord de
volonté qui est primordial dans le contrat, est quasiment absent
des quasi-contrats. De plus les quasi-contrats sont des sources
d'obligations pour le débiteur comme pour le délit ou le quasi-
délit, mais qui n'est dû à aucune faute du débiteur.
La naissance en fait des obligations dans le quasi-contrat
résulteraient d'un enrichissement sans cause du débiteur. Les
quasi-contrats auraient pour rôle de compenser un équilibre qui
est rompu par un fait juridique, et de compenser l'avantage
injustement reçu d'autrui.

Les quasi-contrats ont été d'abord définis d'une part par le code
civil (Chapitre I) et d'autre part, par la jurisprudence et son
évolution (Chapitre II).
Les quasi-contrats – Zine Farida
Master Pratiques Juridiques et Judiciaires 2006-2007 - Nîmes

Chapitre I Les quasi-contrats consacrés par le code


civil

Le code civil consacre deux grandes catégories de quasi-


contrats, la gestion d'affaire (Section 1) et le paiement de l'indu
(Section 2).

Section 1. La gestion d’affaire

Envisagée aux articles 1372 et suivant du code civil, la gestion


d’affaire est l'une des deux sources autonomes d'obligations que
les rédacteurs du code civil ont classés parmi les quasis
contrats."La gestion d’affaire est le fait d’une personne ou
« négotiorum gestor » qui sans en avoir été chargée s’occupe des
affaires d’une autre personne ou maître de l’Affaire"1.

Cette gestion d’affaire s’applique à une situation dans laquelle


une personne (gérant d’affaire) accomplit un acte pour le compte
d’un tiers (maître d’affaire) en dehors de tout mandat donné par
ce dernier.
La gestion d’affaire répond à certaines conditions pour pouvoir
être qualifiée comme telle [I] et produit des effets particuliers
[II].

I°] Les conditions de la gestion d'affaire.

La gestion d’affaire est soumise à des conditions relatives aux


personnes (A°) mais aussi aux actes de gestion (B°).

A] Les conditions relatives aux personnes.

Les conditions applicables sont des conditions tenant au maître


d'affaire (a°) et au gérant de l'affaire (b°).

a°) Les conditions relatives au maître de l'affaire.

Les conditions auxquelles doit répondre le géré sont des


conditions tenant à son absence d’accord quant à la gestion
d’affaire. En effet si le maître d’affaire a consenti dans la gestion
d’affaire du gérant, on n’est plus dans une gestion d’affaire mais
dans un mandat.
Le gérant d’affaire doit répondre à une autre condition c’est qu’il
ne doit pas s’opposer aux actes de gestion du gérant. Une
incertitude continue à exister cependant sur la nécessité du géré
d’être hors d’état d’agir lui-même. Cette exigence a été
supprimée par la Cour de Cassation dans sa décision du 12

1
cf. R. Bout. la gestion d’affaire en droit French Contemporain LGD5 1972.

2
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janvier 19992.

Le gérant d’affaire doit lui aussi répondre à certaines conditions


(b°).

b°) Les conditions relatives du gérant d’affaire.

Le gérant d’affaire doit avoir l’intention de gérer les affaires


d’autrui, il doit agir volontairement et dans l’unique intérêt du
maître d’affaire3.
Il faut également une absence d’obligation préexistante du gérant
envers le géré, ce qui souligne le caractère purement volontaire et
« altruiste » de la gestion d’affaire opérée.

Les actes des gestions répondent également à certaines


conditions (B).

B] Les conditions relatives aux actes de gestion.

Les actes de gestion opérés peuvent être des actes matériels ou


juridiques4.
Et il faut que cet acte soit utile, cette utilité n’a d’intérêt que pour
le gérant d’affaire qui pourra obtenir indemnisation par le géré, si
son acte était utile.

Cette gestion d'affaire crée quand elle est opérée, des effets
particuliers (II°)

II°] Les effets de la gestion d'affaire.

Les effets de la gestion d'affaire sont principalement la création


d'obligations auxquelles doit se soumettre le gérant (A) ainsi que
le maître d'affaire (B).

A] Les obligations du gérant.

Le gérant a une obligation de continuer la gestion même en


cas de décès, il doit continuer jusqu'à l’arrivée de l’héritier ; et à
la fin de la gestion, rendre compte de sa gestion. Et il a aussi
pour obligation essentielle d’agir en « bon père de famille »
envers le géré durant cette gestion d’affaire (article 1374 al 1 du
code civil).
Il engage donc sa responsabilité pour toutes les fautes qu’il
commettra dans le cadre de sa gestion, du fait du non accord du

2
Chambre Commerciale II 10070 note petit Bull. civ. IV, n°7 R. p373
D2000. Note Fiorina.
3
Chambre civile, 25 juin 1919 Grands arrêts n°152.
4
Chambre des Requêtes du 28 février 1910 Grands Arrêts n°151.

3
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géré qui ne devra pas subir les conséquences de cette gestion non
voulue.

Le maître d'affaire doit également se soumettre à certaines


obligations (B)

B] Les obligations du maître d’affaire.

Le gérant d’affaire doit indemniser le gérant en cas de gestion


utile, de toutes les dépenses par lui engagées et cela même si le
géré n’a pas donné d’accord à cette gestion.
Par contre, il y a absence totale d’opération de rémunération du
gérant. Cette solution s’impose pour préserver le caractère
« altruiste » de la gestion.

L'autre quasi-contrat consacré par le code civil est le paiement de


l'indu (Section 2).

Section 2. Le paiement de l'indu.

Il existe des cas particuliers de paiement indu [I] ces cas


particuliers de paiement indu crée en faveur de la personne qui
en subit les conséquences, une action en répétition [II].

I°] Les cas de paiement indu.

Il existe deux cas où le paiement indu est possible, c'est le cas


d'un paiement fait par erreur (A). Le paiement peut être indu
également avec l'éventuelle annulation ou résolution de la dette
(B).

A] Le paiement par erreur.

C'est l'hypothèse la plus fréquente mais en pratique, deux


situations peuvent se présenter. C'est le cas d'un paiement d'une
dette qui n'existait pas, c'est l'indu objectif; C'est à dire qu'une
personne a payé plus qu'elle ne devait ou une dette imaginaire.
Mais la restitution est exclue si l'obligation est issue d'une
obligation naturelle par exemple une dette prescrite.

Il existait le cas d'un paiement d'une dette qui existait mais à des
personnes différentes, l'indu subjectif. C'est lorsque le débiteur a
payé quelqu’un d'autre que son créancier.

Pour l'étendue de la restitution, elle dépend de la bonne ou


mauvaise foi de celui qui a reçu le paiement indu (Article 1378
cc. La charge de la preuve dépend de l'accipiens (celui qui a reçu
paiement).

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Il existe des cas de paiement indu dus à une annulation ou


résolution de la dette (B)

B] Les cas d'annulation ou résolution de la dette.

Il y a répétition chaque fois que postérieurement au paiement


de la dette, celle-ci a été annulée ou résolue. Il y a posteriori un
paiement à tort d'une dette qui rétroactivement n'existait pas.

Il y a en présence d'un paiement de l'indu, une possibilité d'action


en répétition [II].

II°] L'action en répétition de l'indu.

L'action en répétition va opposer le solvens qui a payé à tort


et l'accipiens qui a reçu ce qui ne lui était pas dû. En cas de décès
de l'un ou de l'autre, l'action passe à la succession.
Quant à la prescription de l'action, la question qui se pose est de
savoir s'il faut se référer à celle applicable à la créance payée à
tort, par exemple à des salaires payés par erreur (prescription de
5 ans) ou s'il faut appliquer la prescription trentenaire de droit
commun?
La première solution qui était en vigueur est maintenant
abandonnée au profit de la prescription trentenaire quia été
consacrée par la jurisprudence5.
Pour cela la cour de Cassation considère que l'action n'est pas
une demande en paiement de pension ou autres mais une
demande en répétition de sommes qui ont été indument versées.

Le code civil n'a pas été le seul à encadrer et définir les quasi-
contrats, la jurisprudence a eu également un rôle important dans
ce domaine (Chapitre II).

Chapitre II. Les quasi-contrats d'origine


jurisprudentielle.
Jusqu'à une date récente, la jurisprudence n'avait instituée
qu'un seul quasi-contrat, c'est l'enrichissement sans cause
(Section 1). Depuis un arrêt d'une chambre de la cour de
Cassation, la jurisprudence a crée un enrichissement manqué
(Section 2).

Section 1. L'enrichissement sans cause.

Cet enrichissement sans cause conduit à l'exercice d'une


action, une action appelée De in rem verso, celle-ci se traduit par

5
Cass.2e.22 novembre 2001.Bull. civ.I n°36

5
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certaines conditions d'applications [I°] et met en place à l'instar


des autres quasi-contrats, des effets propres [II°].

I°] Les conditions d'exercice de l'action.

Il faut, pour l'exercice de l'action contre un enrichissement


sans cause, un enrichissement et un appauvrissement corrélatifs.
L'enrichissement doit s'entendre soit d'un gain positif, soit d'une
dépense évitée. L'appauvrissement quant à lui consiste soit en
une perte, soit en un service rendu mais non rémunéré. (Une
interprétation large a vu la nécessité d'une action de in rem verso
pour un époux ou une concubine travaillant dans l'entreprise de
l'autre...)
D'autres conditions sont venues s'ajouter telle que l'absence de
cause de cet enrichissement et de cet appauvrissement c'est à dire
sans justification. Aussi un contrat entre un appauvri et un
enrichi constitue une justification juridique, ainsi que
l'application d'une règle de droit ou encore l'application d'une
obligation du débiteur. Il faut également que l'action concernée
présente un caractère subsidiaire, c'est à dire que l'action de in
rem verso n'est ouverte que si aucune autre possibilité d'agir n'est
ouverte pour l'appauvri. En effet la réparation d'un
enrichissement sans cause a été instaurée par pallier au silence de
la loi et non pour faire échec à des dispositions légales.

L'action De in rem verso crée des effets qui intéressent la


personne qui est victime d'un enrichissement manqué [II°]

II°] Les effets de l'action.

Cette action a pour effet principal l'indemnisation de


l'appauvri par l'enrichi. Néanmoins cette indemnisation est
strictement limitée et ne doit pas être plus élevée que
l'appauvrissement, pour éviter que l'enrichi ne s'appauvrisse, ni
plus élevée que l'appauvrissement pour éviter que l'appauvri,
soudain ne s'enrichisse.

C'est au jour de la demande en justice que le juge se base pour


apprécier l'existence d'un enrichissement6.

La jurisprudence a consacrée un autre quasi-contrat, c'est celui de


l'enrichissement manqué (Section 2).

6
Cass 1e chambre civile. 1er juillet 1960.

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Section 2. L'enrichissement manqué

Cet enrichissement obéit à un principe (I) et il convient d'en


analyser le régime (II).

I°] Le principe.

Une pratique consistant à faire "miroiter" à d'éventuels clients


le gain de cadeaux pour les inciter à acheter, a poussé la
jurisprudence à sanctionner cette pratique agressive et oh
combien injuste, ce qui est notamment le cas dans l'arrêt du 6
septembre 20027.
De la chambre mixte de la cour de cassation a été rendu dans
cette optique.

Par cet arrêt du 6 septembre 2002, la cour de Cassation institue


un nouveau fondement à la responsabilité des organisateurs de
loteries publicitaires qui se substitue à la théorie de l'engagement
unilatéral, au contrat et à la responsabilité délictuelle. L'intérêt de
ce fondement est double.
D'abord le consommateur se fera attribuer la totalité du gain qu'il
pensait recevoir et non plus des dommages et intérêts, et
dispense le juge d'apporter une appréciation sur le caractère
ferme de la volonté de s'engager de l'organisateur.

II°] Le régime de l'enrichissement manqué.

Pour que le régime de l'enrichissement manqué s'applique, il


faut une annonce d'un gain à personne dénommée ainsi que
l'absence de mentions mettant en évidence l'existence d'un aléa et
enfin la croyance légitime du destinataire dans la réalité du gain
annoncé.
On peut se demander à juste titre si la volonté de sanctionner le
comportement déloyal des organisateurs de loteries justifie de
bouleverser la catégorie des quasi-contrats

7
Bull. n°4-5-2. 2e

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