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Rouaud
1ES2
Un bon poète n’est pas plus utile à l’État qu’un bon joueur de quilles
Malherbe (1555-1628)
XVIème siècle :
C'est ici que souvent, errant dans les prairies, Belle âme, beau patron des célestes ouvrages,
Ma main, des fleurs les plus chéries Qui fus de mon espoir l'infaillible recours,
Lui faisait des présents si tendrement reçus. Quelle nuit fut pareille aux funestes ombrages
Que je l'aimais alors ! Que je la trouvais belle ! Où tu laisses mes jours !
Mon coeur, vous soupirez au nom de l'infidèle :
Avez-vous oublié que vous ne l'aimez plus ? C'est bien à tout le monde une commune plaie,
Et le malheur que j'ai, chacun l'estime sien ;
Mais en quel autre coeur est la douleur si vraie
Comme elle est dans le mien ?...
Francois MAYNARD, « Mon âme, il faut
partir… » Agrippa D’Aubigné, « L’hiver »
Mon âme, il faut partir. Ma vigueur est passée, Mes volages humeurs, plus stériles que belles,
Mon dernier jour est dessus l'horizon. S'en vont, et je leur dis : " Vous sentez,
Tu crains ta liberté. Quoi ! n'es-tu pas lassée hirondelles,
D'avoir souffert soixante ans de prison ? S'éloigner la chaleur et le froid arriver.
Allez nicher ailleurs pour ne fâcher, impures,
Tes désordres sont grands ; tes vertus sont Ma couche de babil et ma table d'ordures ;
petites ; Laissez dormir en paix la nuit de mon hiver.
Parmi tes maux on trouve peu de bien ;
Mais si le bon Jésus te donne ses mérites, (…)
Espère tout et n'appréhende rien.
Voici moins de plaisirs, mais voici moins de
Mon âme, repens-toi d'avoir aimé le monde, peines !
Et de mes yeux fais la source d'une onde Le rossignol se tait, se taisent les sirènes ;
Qui touche de pitié le monarque des rois. Nous ne voyons cueillir ni les fruits ni les
fleurs
Que tu serais courageuse et ravie L'espérance n'est plus bien souvent
Si j'avais soupiré, durant toute ma vie, tromperesse,
Dans le désert, sous l'ombre de la Croix ! L'hiver jouit de tout : bienheureuse vieillesse,
La saison de l'usage et non plus des labeurs.
François de MALHERBE, « Vers funèbres
sur la mort de Henri le Grand » Mais la mort n'est pas loin ; cette mort est
suivie
Enfin l'ire du ciel et sa fatale envie, D'un vivre sans mourir, fin d'une fausse vie
Dont j'avais repoussé tant d'injustes efforts, Vie de notre vie et mort de notre mort.
Ont détruit ma fortune, et, sans m'ôter la vie, Qui hait la sûreté pour aimer le naufrage ?
M'ont mis entre les morts. Qui a jamais été si friand du voyage
Que la longueur en soit plus douce que le port ?
Henri, ce grand Henri, que les soins de nature
Avaient fait un miracle aux yeux de l'univers
XVIIIème siècle :
Si la forme versifiée est utilisée avec habileté par Voltaire elle ne se libère pas des
influences du classicisme et l’histoire littéraire on ne retiendra que quelques noms comme
ceux de Jacques Delille (1738-1813 ou Évariste Parny (1753-1814) qui préparent
modestement le romantisme en cultivant une certaine sensibilité à la nature et au temps qui
passe. Gilbert et Clinchamp ont laissé une image de poètes maudits, mais c’est
essentiellement André Chénier (1762-1794) qui réussit une poésie. On mentionnera aussi
Fabre d'Églantine pour ses chansons (Il pleut bergère) et sa participation « poétique » au
calendrier révolutionnaire.
Voltaire (1694-1778) :
- « A Madame du Châtelet »
- « A Madame Lullin »
- « Les satyres »
- « Les jardins»
- « Les géorgiques »
- « L’Énéide »
- « Bucoliques »
- « Elégies »
- « Odes »
Voltaire, Les satyres, « La crépinade » Rien n’épargnait: il vous remplit la bête
De fiel au coeur, et de vent dans la tête.
« Le diable un jour, se trouvant de loisir, Quand tout fut fait, Satan considéra
Dit: « Je voudrais former à mon plaisir Ce beau garçon, le baisa, l’admira;
Quelque animal dont l’âme et la figure Endoctrina, gouverna son ouaille;
Fût à tel point au rebours de nature, Puis dit à tous: « Il est temps qu’il rimaille.
Qu’en le voyant l’esprit le plus bouché Aussitôt fait, l’animal rimailla,
Y reconnût mon portrait tout craché. » Monta sa vielle, et Rabelais pilla;
Il dit, et prend une argile ensoufrée, Il griffonna des Ceintures magiques,
Des eaux du Styx imbue et pénétrée; Des Adonis, des Aïeux chimériques;
Il en modèle un chef-d’oeuvre naissant, Dans les cafés il fit le bel esprit;
Pétrit son homme, et rit en pétrissant. Il nous chanta Sodome et Jésus-Christ;
D’abord il met sur une tête immonde Il fut sifflé, battu pour son mérite,
Certain poil roux que l’on sent à la ronde; Puis fut errant, puis se fit hypocrite;
Ce crin de juif orne un cuir bourgeonné, Et, pour finir, à son père il alla.
Un front d’airain, vrai casque de damné; Qu’il y demeure. Or je veux sur cela
Un sourcil blanc cache un oeil sombre et Donner au diable un conseil salutaire:
louche; « Monsieur Satan, lorsque vous voudrez faire
Sous un nez large il tord sa laide bouche. Quelque bon tour au chétif genre humain,
Satan lui donne un ris sardonien Prenez-vous-y par un autre chemin.
Qui fait frémir les pauvres gens de bien, Ce n’est le tout d’envoyer son semblable
Cou de travers, omoplate en arcade, Pour nous tenter: Crépin, votre féal,
Un dos cintré propre à la bastonnade; Vous servant trop, vous a servi fort mal:
Puis il lui souffle un esprit imposteur, Pour nous damner, rendez le vice aimable. »
Traître et rampant, satirique et flatteur.
Le romantisme nourrit toute la première moitié du XIXe siècle et pour la poésie plus
précisément les années 1820- 1850 . Ce mouvement esthétique européen fait une place toute
particulière au lyrisme et à l’effusion du moi avec un goût marqué pour la mélancolie : les
poètes vont donc exprimer leur mal de vivre et leurs souffrances affectives en méditant sur la
mort, sur Dieu, sur l’amour et la fuite du temps, sur la nature et sur la gloire, et au delà de ces
thèmes lyriques traditionnels sur la fonction du poète (Hugo) et sur une perception plus
originale du fantastique avec Nerval.
Au delà des thèmes pas toujours novateurs, les poètes romantiques revendiqueront un
assouplissement de l’expression versifiée à la recherche d’une plus grande musicalité et de
quelques audaces dans les mots et dans les images, chez Victor Hugo en particulier.
Cette recherche de nouveauté se concrétisera aussi par l'« invention » du poème en prose par
Aloysius Bertrand qui nous fait entrer dans un monde onirique, et qui initie une forme que
reprendront plus tard Baudelaire et Rimbaud.
Poésie de la sensibilité et d’une certaine musicalité, la poésie romantique se plaît dans
des poèmes plutôt longs que la génération suivante trouvera pesante, oratoire, bavarde et
convenue (Rimbaud parlera de « la forme vieille »), avec des exceptions notoires comme
Nerval (1808-1855) et son recueil des Chimères (1854) ; certains poèmes de cette période
constituent cependant des pièces de référence qui touchent encore le lecteur d’aujourd’hui.
- « Méditation poétiques »
- « Harmonies poétiques et religieuses »
- « Moïse »
- « Les destinées »
- « Les chimères »
- « Odelettes »
- « Gaspard de la nuit »
- « Poèmes saturniens »
- « Les fêtes galantes »
- « La bonne chanson »
- « Sagesse »
- « Bonheur »
- « Orphélie »
- « Le bateau ivre »
- « O saisons, ô chateaux »
Peut-être dans la foule, une âme que j'ignore
Aurait compris mon âme, et m'aurait répondu
Alphonse de Lamartine, Méditations ? ...
poétiques, « L’automne »
La fleur tombe en livrant ses parfums au
zéphire ;
Salut ! bois couronnés d'un reste de verdure !
Feuillages jaunissants sur les gazons épars ! A la vie, au soleil, ce sont là ses adieux ;
Salut, derniers beaux jours ! Le deuil de la Moi, je meurs; et mon âme, au moment qu'elle
nature expire,
Convient à la douleur et plaît à mes regards ! S'exhale comme un son triste et mélodieux.
Je suis d'un pas rêveur le sentier solitaire,
J'aime à revoir encor, pour la dernière fois, Philippe Fabre d'Eglantine, « Il pleut
Ce soleil pâlissant, dont la faible lumière bergère »
Perce à peine à mes pieds l'obscurité des
Il pleut, il pleut bergère
bois !
Presse tes blancs moutons
Allons sous ma chaumière
Oui, dans ces jours d'automne où la nature
Bergère vite allons
expire,
J'entends sous le feuillage
A ses regards voilés, je trouve plus
L'eau qui tombe à grand bruit
d'attraits,
Voici, venir l'orage,
C'est l'adieu d'un ami, c'est le dernier
voici l'éclair qui luit
sourire
Des lèvres que la mort va fermer pour jamais!
Entends tu le tonnerre ?
Il roule en approchant
Ainsi, prêt à quitter l'horizon de la vie,
Prends un abri bergère,
Pleurant de mes longs jours l'espoir évanoui,
à ma droite en marchant
Je me retourne encore, et d'un regard
Je vois notre cabane
d'envie
Et tiens voici venir
Je contemple ses biens dont je n'ai pas joui !
Ma mère et ma soeur Anne
qui vont l'étable ouvrir
Terre, soleil, vallons, belle et douce nature,
Je vous dois une larme aux bords de mon
Bonsoir, bonsoir ma mère
tombeau ;
Ma soeur Anne bonsoir
L'air est si parfumé ! la lumière est si pure !
J'amène ma bergère
Aux regards d'un mourant le soleil est si
Près de nous pour ce soir
beau !
Va te sécher, ma mie
Auprès de nos tisons
Je voudrais maintenant vider jusqu'à la lie
Soeur, fais lui compagnie
Ce calice mêlé de nectar et de fiel !
Entrez petits moutons
Au fond de cette coupe où je buvais la vie,
Peut-être restait-il une goutte de miel ?
Soignons bien, oh ma mère,
Son tant joli troupeau
Peut-être l'avenir me gardait-il encore
Donnez plus de litière
Un retour de bonheur dont l'espoir est perdu
A son petit agneau
?
C'est fait allons près d'elle L'onde qui fuit, par l'onde incessamment
Eh bien donc te voilà suivie,
En corset qu'elle est belle Tout souffle, tout rayon, ou propice ou fatal,
Ma mère voyez la Fait reluire et vibrer mon âme de cristal,
Mon âme aux mille voix, que le Dieu que
Soupons, prends cette chaise j'adore
Tu seras près de moi Mit au centre de tout comme un écho sonore !
Ce flambeau de mélèze
Brûlera devant toi Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal,
Goûte de ce laitage « Le guignon »
Mais tu ne manges pas ?
Tu te sens de l'orage, Pour soulever un poids si lourd,
Il a lassé tes pas Sisyphe , il faudrait ton courage !
Bien qu'on ait du cœur à l'ouvrage,
Eh bien voilà ta couche, L'Art est long et le Temps est court.
Dors-y bien jusqu'au jour,
Laisse moi sur ta bouche Loin des sépultures célèbres,
Prendre un baiser d'amour Vers un cimetière isolé,
Ne rougis pas bergère, Mon cœur, comme un tambour voilé,
Ma mère et moi demain, Va battant des marches funèbres.
Nous irons chez ton père
Lui demander ta main – Maint joyau dort enseveli
Dans les ténèbres et l'oubli,
Victor Hugo, extrait de « Ce siècle avait Bien loin des pioches et des sondes ;
deux ans ».
Mainte fleur épanche à regret
Si parfois de mon sein s'envolent mes Son parfum doux comme un secret
pensées, Dans les solitudes profondes.
Mes chansons par le monde en lambeaux
dispersées ; Alfred de Musset, « A quoi rêvent les
S'il me plaît de cacher l'amour et la douleur jeunes filles », Act 1, Scene 1.
Dans le coin d'un roman ironique et railleur ;
Si j'ébranle la scène avec ma fantaisie, ((Elle s'assoupit. - On entend par la fenêtre
Si j'entre-choque aux yeux d'une foule le bruit d'une
choisie guitare et une voix.))
D'autres hommes comme eux, vivant tous à la
fois Ninon! Ninon! que fais-tu de la vie?
De mon souffle et parlant au peuple avec ma L'heure s'enfuit, le jour succède au jour;
voix ; Rose ce soir, demain flétrie,
Si ma tête, fournaise où mon esprit s'allume, Comment vis-tu, toi qui n'as pas d'amour?
Jette le vers d'airain qui bouillonne et qui
fume Ninon, s'éveillant.:
Dans le rythme profond, moule mystérieux [ [ Est-ce un rêve? J'ai cru qu'on chantait
D'où sort la strophe ouvrant ses ailes dans dans la cour?]1
les cieux ;
C'est que l'amour, la tombe, et la gloire, et la La Voix, au dehors:
vie, Regarde-toi, la jeune fille,
Ton coeur bat et ton oeil pétille,]2 brute.
[Aujourd'hui le printemps, Ninon, demain
l'hiver!]3 Esprit vaincu, fourbu !
Quoi! tu n'as pas d'étoile et tu vas sur la Pour toi, vieux maraudeur,
mer, L'amour n'a plus de goût, non plus que la
Au combat sans musique, en voyage sans dispute ;
livre; Adieu donc, chants du cuivre et soupirs de la
Quoi! tu n'as pas d'amour et tu parles de flûte ! Plaisirs, ne tentez plus un coeur
vivre! sombre et boudeur !
Moi, pour un peu d'amour je donnerais mes
jours; Le Printemps adorable a perdu son odeur !
Et je tes donnerais pour rien sans les
amours. Et le Temps m'engloutit minute par minute,
Comme la neige immense un corps pris de
Ninon: roideur ; Je contemple d'en haut le globe en
[ Je ne me trompe pas; - singulière romance! sa rondeur Et je n'y cherche plus l'abri d'une
Comment ce chanteur-là peut-il savoir mon cahute.
nom?
Peut-être sa beauté s'appelle aussi Ninon.]1 2 Avalanche, veux-tu m'emporter dans ta chute
?
La Voix:
Qu'importe que le jour finisse et Jean de la Fontaine, les Amours de
recommence Psyché, « Éloge de l'Amour »
Quand d'une autre existence le coeur est
animé, Tout l'Univers obéit à l'Amour ;
Ouvrez-vous, jeunes fleurs, si la mort vous Belle Psyché, soumettez-lui votre âme.
enlève, Les autres dieux à ce dieu font la cour,
La vie est un sommeil, l'amour en est le rêve, Et leur pouvoir est moins doux que sa flamme.
Et vous aurez vécu, si vous avez aimé. Des jeunes coeurs c'est le suprême bien
Aimez, aimez ; tout le reste n'est rien.
Charles Baudelaire , les fleurs du mal,
« Le goût du n Sans cet Amour, tant d'objets ravissants,
Morne esprit, autrefois amoureux de la lutte, Lambris dorés, bois, jardins, et fontaines,
L'Espoir, dont l'éperon attisait ton ardeur, N'ont point d'appâts qui ne soient
Ne veut plus t'enfourcher ! languissants,
Couche-toi sans pudeur, Et leurs plaisirs sont moins doux que ses
Vieux cheval dont le pied à chaque obstacle peines.
bute. Des jeunes coeurs c'est le suprême bien
Aimez, aimez ; tout le reste n'est rien.
Résigne-toi, mon coeur ; dors ton sommeil de
Gothique donjon
Et flèche gothique,
Dans un ciel d'optique,
Là-bas, c'est Dijon.
Ses joyeuses treilles
N'ont point leurs pareilles;
Ses clochers jadis
Se comptaient par dix.
Là, plus d'une pinte
Est sculptée ou peinte;
Là, plus d'un portail
S'ouvre en éventail.
Dijon, moult te tarde !
Et mon luth camard
Chante ta moutarde
Et ton Jacquemart !
J'aime Dijon comme l'enfant sa nourrice dont il a sucé le lait, comme le poète
la jouvencelle qui a initié son coeur. - Enfance et poésie ! Que l'une est éphémère, et
que l'autre est trompeuse ! L'enfance est un papillon qui se hâte de brûler ses blanches
ailes au flammes de la jeunesse, et la poésie est semblable à l'amandier: ses fleurs sont
parfumées et ses fruits sont amers. J'étais un jour assis à l'écart dans le jardin de l'Arquebuse, -
ainsi nommé de l'arme qui autrefois y signala si souvent l'adresse des chevaliers du Papeguay.
Immobile sur un banc, on eût peu me comparer à la statue du bastion Bazire. Ce chef-d’oeuvre
du figuriste Sévallée et du peintre Guillot représentait un abbé assis et lisant.
Rien ne manquait à son costume. De loin, on le prenait pour un personnage; de près,
on voyait que c'était un plâtre.
XXème siècle:
La poésie française de ce siècle est à la fois héritière et novatrice dans ses thèmes
comme dans sa forme avec une nette prédilection pour le vers libre, mais elle semble en
déclin ou du moins déplacée dans le domaine plus incertain de la chanson. Mais un nouveau
mouvement est présent le surréalisme. Il est à la recherche de nouveaux moyens d'écriture, il
veut aller au-delà du réel pour libérer les forces du rêve et de l'inconscient.