Vous êtes sur la page 1sur 22

e PTO – Volume 17

Elaboration d’un instrument de mesure du contrat


psychologique des agents de la fonction publique

Assessing the psychological contract of public sector


employees

ROGARD Vincent * & PEREZ BECERRA Liliana*

* Université Paris Descartes, Laboratoire Adaptation, Travail, Individu, 71, avenue


Edouard Vaillant 92774 Boulogne-Billancourt, vincent.rogard@parisdescartes.fr
*Université Paris Descartes, Laboratoire Adaptation, Travail, Individu, 71, avenue
Edouard Vaillant 92774 Boulogne-Billancourt,betty.perez@etu.parisdescartes.fr

Résumé
Le concept de contrat psychologique s’impose progressivement comme un cadre
d’analyse des nouvelles relations de travail. Il se fonde sur les perceptions des
obligations entre employeur et salarié nées des promesses réciproques. Jusqu’à présent,
les tentatives d’opérationnalisation du concept en France ont été conduites presque
exclusivement sur des salariés du secteur privé. Peu d’études ont porté sur d’autres
groupes d’individus. Notre recherche vise à proposer un outil de mesure permettant
d’évaluer le contenu du contrat psychologique des agents de la fonction publique et le
degré de réalisation de leurs attentes, en présentant également une comparaison des
méthodes visant à calculer l’ampleur de la brèche entendu comme l’écart entre ce qui
est attendu et sa réalisation.

Abstract
The Psychological Contract is progressively getting force as an analytical framework
for the new employment relationships, adapted to the dynamic context. It is based on the
perceptions about obligations existing between employee and employer, created from
reciprocal promises. Up to now, researchers in France have tried to assess the concept
by testing it in the private sector employees. The approach in other populations remains
underdeveloped. The purpose of this study is to develop a content and evaluation -
oriented assessment of psychological contracts for the public sector, and to make a
comparison between the breach calculating methods.

Mots-clés : contrat psychologique, outil de mesure, secteur public

Key-words : psychological contract, assessment, public sector

208
Rogard Vincent & Perez Becerra Liliana / e PTO – Volume 17

Introduction

Dans un contexte de transformations continues et complexes des


relations de travail, les chercheurs s’intéressent à l’étude de nouveaux modèles
d’analyse pour expliquer les attitudes et les comportements des individus au
travail. Le contrat psychologique, un concept qui trouve ses racines dans la
théorie de l’échange social (Blau, 1967), est fondé sur la croyance des
promesses réciproques faites par le salarié et par l’employeur depuis le début
de leur relation (Rousseau, 1995). Les promesses, explicites ou non, donnent
lieu aux obligations dont l’individu attend la réalisation.

Les études montrent que l’intériorisation de ce contrat est très


complexe, que son évaluation a une répercussion importante sur les réponses
de l’individu au travail, et que sa rupture est négativement liée à diverses
attitudes et comportements comme la confiance (Robinson, 1996), la
citoyenneté (Turnley et Feldman, 2000), la performance perçue (Lester et al,
2002), la satisfaction (Bunderson, 2001), et l’engagement organisationnel
(Bunderson, 2001; Robinson, 1996; Lester et al, 2002).

L’objectif de la présente recherche est, dans un premier temps,


d’explorer le contenu du contrat psychologique sur une population qui jusqu’à
présent n’a pas été l’objet privilégié des études sur le sujet : les agents de la
fonction publique territoriale. En effet, la plupart de travaux ont été réalisés sur
des salariés du privé (Lemire & Saba, 2005). Il est donc nécessaire de se
demander quelles sont les similarités et les différences existantes dans le
contenu du contrat de ces deux groupes. Nous envisageons donc d’analyser
quelles sont les promesses dont l’individu attend la réalisation, de la part de son
employeur (obligations de l’employeur) et la sienne (obligations du salarié).
Dans un deuxième temps nous analyserons l’écart entre ce qui est attendu et sa
réalisation, c'est-à-dire, la brèche du contrat psychologique, en faisant une
comparaison entre les méthodes de calcul directe et indirecte. Cette recherche
cherche donc à enrichir les réflexions sur la nature du contrat psychologique
tout en ayant une visée méthodologique.

1. Le contrat psychologique comme concept théorique

Le concept de contrat psychologique a été introduit par Argyris (1960)


qui a été le premier chercheur à utiliser cette notion pour décrire les aspects
implicites dans la relation entre les salariés et les superviseurs d’usine. En effet,
Argyris montre que le superviseur a intérêt à exercer un leadership
passif permettant aux salariés, avec leur accord implicite, de se sentir davantage
responsables et motivés. C’est un « contrat psychologique de travail ». Aucune

209
Rogard Vincent & Perez Becerra Liliana / e PTO – Volume 17

clarification du concept au niveau sémantique n’était cependant donnée par cet


auteur (Anderson & Schalk, 1998).

Levinson et al. (1962) développèrent ensuite le concept en le décrivant


comme un contrat non écrit qui contient les attentes réciproques entre le salarié
et l’employeur. Il s’agit d’attentes préalables aux relations de travail. Les deux
parties ne sont pas forcément conscientes de leurs attentes mais celles-ci
gouvernent la relation; il faut donc découvrir indirectement les attentes moins
explicites. L’échange des ressources intangibles s’ajoute ainsi à celui des
échanges tangibles pour enrichir le concept de contrat psychologique. Le rôle de
la réciprocité est également souligné comme l’idée que l’anticipation de voir les
attentes satisfaites motive les deux parties à poursuivre leur relation. Cette
approche identifie les parties engagées dans l’accord (employeur et salarié),
reconnaît la présence de diverses types d’attentes et introduit l’idée de
changements suite à des négociations des attentes entre les deux parties
(Delobbe, 2005).

La théorie de l’échange social (Blau, 1964) fait également partie des


antécédents du concept. D’après cette approche, l’individu s’efforce d’obtenir
un équilibre dans ses relations d’échange. Or, des études postérieures ont
montré que ces processus d’échange social sont sous-jacents à la relation
d’emploi (Shore & Coyle-Shapiro, 2003). L’approche de Schein (1965)
souligne notamment la nécessité de considérer les perspectives des deux parties
et souligne l’importance d’une adéquation entre les attentes et les contributions,
faute de quoi une réaction peut se produire. C’est peut être, selon Delobbe
(2005, l’une des premières allusions à la violation du contrat.

Ultérieurement, plusieurs auteurs ont tenté de préciser et


d’opérationnaliser la notion, en proposant leurs propres définitions (Herriot &
Pemberton, 1997; Guest, 2004). Les recherches qui conduisent à l’utilisation du
concept comme un cadre d’analyse ont été développées en une grande partie à
partir des idées de Rousseau (1989; 1990; 1995). Elles marquent un tournant en
introduisant une définition plus étroite à partir de la perspective individuelle,
unilatérale et singulière du salarié, en tant qu’entité cognitive et perceptive :
« Le contrat psychologique comporte les croyances de l’individu concernant les
termes et les conditions d’un accord d’échange réciproque. Un contrat
psychologique naît quand une partie croit qu’une promesse de récompense
future a été faite par l’autre partie. En conséquence, si l’une apporte une
contribution, l’autre, en retour, aura une obligation de prestations à venir»
(Rousseau, 1989, p.123).

2. Le contenu et la brèche du contrat psychologique

210
Rogard Vincent & Perez Becerra Liliana / e PTO – Volume 17

De nombreuses recherches ont été conduites pour établir le contenu de


ce contrat et le degré de réalisation des attentes des individus (McLean Parks et
al, 1998; Sels et al, 2004). Un grand nombre d’obligations attribuées à
l’employeur et au salarié ont pu être identifiées qu’il est néanmoins possible de
regrouper dans un nombre limité de dimensions.

Le contrat est considéré comme dynamique car le salarié tend à évaluer


constamment le degré de réalisation des promesses. Deux aspects peuvent être
identifiés : une évaluation cognitive de l’écart entre les obligations perçues et
les prestations reçues, et une évaluation plutôt affective liée au sentiment de
trahison qui peut survenir après d’une violation de l’accord (Robinson &
Morrison, 2000). Cela nous induit à affirmer que la gamme des conséquences
négatives qu’une brèche peut entraîner est importante.

Certains chercheurs établissent une séparation entre l’évaluation


cognitive et l’évaluation affective de l’écart, en appelant la première « brèche »
et la deuxième « violation » (Guerrero, 2004). Pour notre recherche, nous
utiliserons le terme « brèche » considérant comme telle l’ensemble de facteurs
cognitifs et affectifs compris dans la perception d’un écart entre ce qui a été
« promis » et ce qui a été « réalisé ».

Les recherches soulignent les multiples impacts d’une brèche du contrat


sur les attitudes et les comportements des salariés. Les répercussions
défavorables peuvent ainsi porter sur la satisfaction au travail (Turnley &
Feldman, 2000; Robinson & Rousseau, 1994), l’engagement organisationnel
(Loring, 2003; Robinson & Rousseau, 1994), le comportement de citoyenneté
(Robinson & Morrinson, 1995 ; Coyle-Shapiro, 2002), la confiance et la
performance des salariés (Robinson, 1996), et la participation dans les activités
hors rôle (Robinson & Morrison, 1995). Les études ont aussi mis en évidence
des corrélations positives avec la négligence dans la tâche, le manque de
volonté pour s’engager dans les activités de l’organisation et les intentions de
démissionner (Turnley & Feldman, 2000). Il semble, d’après les recherches, que
les conséquences négatives impliquent des réponses qui endommagent les bases
mêmes de la relation salarié – employeur.

3. La mesure du contrat psychologique

Les recherches sur le contrat psychologique utilisent principalement


trois types de mesures: mesures du contenu, mesures des caractéristiques et
mesures de la réalisation. Les mesures de contenu sont centrées sur les termes
spécifiques de l’accord. Ces outils comportent des questions comme : « dans
quelle mesure pensez-vous que votre entreprise vous a promis de vous
fournir… ? ». Les mesures des caractéristiques jugent les attributs du contrat

211
Rogard Vincent & Perez Becerra Liliana / e PTO – Volume 17

(explicite/implicite, statique/dynamique, etc.). Les mesures de réalisation sont


des jugements comparatifs concernant le degré de respect des promesses
(Rousseau & Tijoriwala, 1998).

Des instruments ont été développés pour différents publics et


environnements. Les idées de Rousseau (1995, 1989,1990, 2000) et son
Psychological Contrat Index ont été pris comme base de construction de
diverses mesures en confirmant ainsi son utilité (Porter et al, 1998; Turnley &
Feldman, 1999; Robinson & Morrison, 2000; King, 2000; Kickul & Lester,
2001; De Vos et al, 2003a; Conway & Briner, 2002; Coyle–Shapiro, 2002;
Coyle–Shapiro & Kessler, 2002; De Vos et al, 2003; Coyle–Shapiro & Neuman,
2004; Dabos & Rousseau, 2004). Sur cette base, Guerrero (2004) a proposé un
outil pour un contexte francophone en testant ses qualités métriques afin qu’il
présente de niveaux de validité de construit globalement satisfaisantes. Les
conclusions de sa recherche montrent que la fiabilité de cet outil est acceptable
et que sa validité discriminante et prédictive est excellente; c’est pourquoi nous
le prendrons comme base pour développer l’instrument que nous proposons.

4. Les méthodes de mesure de réalisation du contrat psychologique

Dans la littérature, la réalisation du contrat psychologique est mesurée


par deux méthodes :

La méthode directe évalue le niveau de réalisation du contrat


psychologie sans faire une évaluation préalable du contenu (De Vos et al., 2003;
Lester et al., 2002; Turnley & Feldman, 2000). Les scores sont ceux directement
renseignés par les sujets, qui répondent à des questions comme « dans quelle
mesure avez-vous reçu de l’entreprise ce qu’elle s’était engagée à vous
donner … ?».

La méthode indirecte compare les réponses des sujets concernant


l’existence ou l’importance des promesses avec leurs réponses concernant le
respect de ces promesses (Robinson, 1996; Robinson & Morrison, 1995, 2000;
Robinson & Rousseau, 1994). Les sujets répondent à deux types de questions,
par exemple : « dans quelle mesure votre entreprise a promis de vous
donner… ? » et « dans quelle mesure votre entreprise a respecté ses
promesses... ?». Les scores sont ensuite calculés par soustraction (Robinson,
1996) ou multiplication (Turnley & Feldman, 1999).

5. Le contrat psychologique dans le secteur public

Bien que la plupart de travaux sur le contrat psychologique concerne


des salariés du secteur privé, le concept a été analysé aussi sur des populations

212
Rogard Vincent & Perez Becerra Liliana / e PTO – Volume 17

appartenant à la fonction publique. Ainsi, les travaux de Coyle-Shapiro (2002),


Coyle-Shapiro & Kessler (2002) et Coyle-Shapiro & Neuman (2004), analysent
le contrat psychologique des fonctionnaires britanniques, sous les perspectives
de la citoyenneté, les différences individuelles et de la norme de réciprocité.
Cependant, il y a peu de recherches concernant l’existence d’un contrat
psychologique spécifique aux agents publics. Or Castaing & Roussel (2006)
montrent que de telles spécificités sont présentes chez ces agents français : ainsi,
ils semblent percevoir de leur administration des obligations de gestion
particulières en termes de rémunération, développement de carrière et formation.

Pour mettre à jour ces spécificités, d’autres travaux s’intéressent à la


comparaison entre le secteur public et le secteur privé ; ainsi, par exemple,
Lemire & Saba (2005) explorent les effets des violations du contrat
psychologique sur l’engagement des salariés du public et du privé. Or les
changements dans l’environnement socioéconomique conduisent à ce que le
management public se trouve aujourd’hui face à d’autres défis. Il doit passer de
la prudence/stabilité à la créativité/flexibilité, du respect de processus à
l’atteinte de résultats (Lemire & Saba, 2005). Cette nouvelle dynamique
introduit certainement dans le contrat psychologique des éléments nouveaux et
spécifiques à la fonction publique. Nous formulons donc plusieurs
hypothèses relatives au contenu du contrat psychologique et les méthodes de
calcul de la brêche.

Hypothèse 1: Le contenu du contrat psychologique des agents de


la fonction publique territoriale est spécifique et différent de celui des
salariés du privé.

Hypothèse 2 : La méthode directe de calcul de la brèche du


contrat psychologique est équivalente à la méthode indirecte.

Hypothèse 2.1 : Les deux méthodes de calcul de la brèche


des obligations de l’employeur sont équivalentes.

Hypothèse 2.2 : Les deux méthodes de calcul de la brèche


des obligations du salarié sont équivalentes.

6. Méthodologie

6.1 Description du Terrain

Afin de constituer notre terrain de recherche, nous avons sollicité la


participation des mairies de la région d’Ile-de-France. Des lettres personnalisées
accompagnées d’une brève description du projet ont été envoyées aux maires de

213
Rogard Vincent & Perez Becerra Liliana / e PTO – Volume 17

51 municipalités Quinze d’entre eux ayant répondu favorablement, nous avons


fixé des rendez-vous pour présenter le détail et le planning du projet. Dans la
plupart de cas, l’intérêt pour la recherche provenant du maire ou de ses
conseillers, il a fallu déployer des efforts pour convaincre les responsables des
services de participer. La participation de la mairie étant également souvent
conditionnée à l’avis des syndicats, il a fallu adapter le planning aux dates
prévues pour leurs sessions, et nous avons dû aussi accepter d’inclure l’un de
leurs représentants dans l’échantillon sélectionné pour les entretiens semi
directifs. Pendant les présentations il a fallu systématiquement mettre l’accent
sur le fait que les données recueillies seraient traitées de manière anonyme et
confidentielle en respect du code éthique de la recherche, et qu’aucune mention
aux collectivités locales participantes ne serait faite sans leur accord préalable.
Nous avons proposé un plan détaillé d’activités devant être validé par la
collectivité. Après ces démarches, nous avons finalement obtenu l’accord de
douze collectivités, le reste de municipalités jugeant le plus souvent le projet
compliqué à mettre en place sans influer sur le climat social.

Notre recherche a nécessité une familiarisation avec le terrain


favorisant aussi un gain de confiance progressif de la part de nos interlocuteurs.
Peu à peu, nous avons réussi à mettre en place les outils qualitatifs et
quantitatifs qui ont servi pour préparer et valider les versions préliminaires du
questionnaire, et pour appliquer la version finale sur un échantillon d’agents. En
définitive, nous avons recueilli 303 questionnaires dont 291 se sont avérés
exploitables.

L’échantillon dont les réponses ont été exploitables est composé dans
sa majorité par des femmes (69,8%). 50% des répondants ont entre 31 et 45 ans,
avec un âge moyen de 38,5 ans. Les catégories de poste sont uniformément
représentées : catégorie A 33,3%, catégorie B 35,4% et catégorie C 31,3%. La
plupart des réponses proviennent de la filière administrative (45,8%), suivie de
la filière technique (24%) et culturelle (10%). Cette prédominance de la filière
administrative tient principalement et plus facile accès au questionnaire de ces
agents par rapport aux agents de terrain. D’autre part, 93,8% des répondants
occupent un poste permanent et 80,2% ont le statut de titulaire. En moyenne,
l’ancienneté dans la fonction publique est de 11 ans (50% de participants entre
4 et 15 ans), et l’ancienneté dans le poste est de 5 ans (50% de participants entre
2 et 6 ans).

6. 2 Outils de mesure

6.2.1 Mesure du contenu du contrat psychologique

Notre point de départ a été l’instrument proposé par Guerrero (2004)


qui se fonde lui-même sur les travaux de Rousseau (1998, 2000). L’outil

214
Rogard Vincent & Perez Becerra Liliana / e PTO – Volume 17

comporte 23 items repartis en 7 dimensions pour les obligations de


l’employeur : des possibilités d’évolution, un salaire lié aux performances, des
bonnes relations de travail, des responsabilités, un travail intéressant, la sécurité
de l’emploi, et des possibilités de formation. Il comporte aussi 24 items
organisés sur 7 dimensions pour les obligations du salarié : la conscience
professionnelle, la mobilité, les comportements hors rôle, la loyauté, les
horaires de travail, l’adhésion aux valeurs de l’entreprise et les performances.

Nous avons commencé par réaliser une analyse qualitative des items
proposés. Ainsi, nous avons conduit 26 entretiens semi directifs avec des agents
des diverses catégories, filières et cadres d’emplois. Notre échantillon différant
complètement de celui choisi par Guerrero (des cadres issus d’une Ecole de
Commerce excluant tout agent de la fonction publique), cette première étape a
conduit à reformuler des énoncés afin de mieux les adapter au contexte de la
fonction publique. Nous avons dû également éliminer certains items conçus
pour le secteur privé qui ne trouvaient pas une correspondance pertinente dans
le secteur public, et en rajouter d’autres qui complètent la gamme des
obligations attribuées à l’employeur et au salarié.

Ce travail nous a permis de construire un premier questionnaire


composé de 29 items pour l’employeur et 26 pour le salarié, organisés
respectivement en 7 et 6 dimensions. Les consignes demandent à l’agent de
signaler dans quelle mesure son employeur lui a promis (et en échange, il a
promis à son employeur), explicite ou implicitement, de remplir certaines
obligations liées à la relation de travail. Les réponses sont enregistrées sur une
échelle de Likert à 5 points allant de « pas du tout promis » à « tout à fait
promis ».

Ce questionnaire a été présenté aux Directeurs des Ressources


Humaines des mairies participantes dont 9 ont donné leur accord pour la
passation en grande échelle. Nous avons sollicité ensuite les agents des
collectivités concernés en allant à leur rencontre ou en envoyant les
questionnaires par courrier électronique.

6.2.2 Mesure de la brèche du contrat psychologique

La brèche du contrat psychologique est mesurée à l’aide du


questionnaire précédemment élaboré. En concordance avec la littérature
existante, nous avons réalisé le calcul de la brèche du contrat psychologique -
l’écart entre les promesses et leur respect - par les deux méthodes couramment
utilisées : directe et indirecte.

Pour obtenir la mesure directe nous avons recueilli les réponses des
sujets aux questions : « dans quelle mesure vous estimez que votre employeur a

215
Rogard Vincent & Perez Becerra Liliana / e PTO – Volume 17

tenu ses promesses concernant… » et « dans quelle mesure vous estimez avoir
tenu vos promesses concernant… », sur une échelle de Likert à 5 points allant
de « beaucoup moins que prévu » à « beaucoup plus que prévu ».

Pour obtenir la mesure indirecte nous avons calculé l’écart entre le


degré d’attente d’une promesse et son degré de réalisation. Le degré d’attente a
été mesuré à l’aide des questions suivantes: « dans quelle mesure votre
employeur vous a promis de vous fournir… » et « dans quelle mesure vous avez
promis à votre employeur … » sur une échelle de Likert à 5 points allant de
« pas du tout promis » à « tout à fait promis ». Le degré de réalisation a été
mesuré de façon identique à la méthode directe.

Dans les deux méthodes, nous avons regroupé les brèches des items
appartenant à une même dimension pour calculer ensuite la brèche moyenne par
dimension. De même, nous avons regroupé les brèches moyennes de toutes les
dimensions pour calculer ensuite une brèche moyenne totale. Ces calculs ont été
faits pour les obligations de l’employeur et pour celles du salarié. D’ailleurs,
nous avons calculé l’écart entre la brèche totale employeur et la brèche totale
salarié (brèche totale du contrat psychologique) par les deux méthodes.

En parallèle, nous avons obtenu deux scores globaux directement


renseignés par le sujet et mesurés en fonction de sa réponse à deux questions :
« de manière globale, comment évaluez vous la façon dont votre employeur a
tenu ses promesses ? » (brèche globale des obligations de l’employeur) et « de
manière globale, comment évaluez vous la façon dont vous avez tenu vos
promesses ? » (brèche globale des obligations du salarié).

7. Résultats

7.1 Contenu du Contrat Psychologique

L’analyse factorielle des deux groupes d’obligations nous a permis de


vérifier les qualités psychométriques du nouveau construit. Dans tous les cas,
nous avons retenu les items dont la contribution factorielle est supérieure à 0,50.
Comme résultat, nous avons gardé 21 items pour les obligations de l’employeur
organisés en 7 dimensions (des bonnes relations interpersonnelles, des
possibilités d’évolution, des opportunités de formation, une rémunération
attractive, des responsabilités au travail, un emploi de long terme et
l’indépendance politique) (Tableau 1) et 22 items pour les obligations du salarié
regroupés en 6 dimensions (un travail sérieux, l’atteinte de bons résultats, un
bon relationnel, du souci de se former, des comportements hors rôle et la
disponibilité) (Tableau 2). Même si dans l’ensemble, les noms des dimensions

216
Rogard Vincent & Perez Becerra Liliana / e PTO – Volume 17

identifiées se rapprochent de ceux proposés par Guerrero, les items sont


regroupés différemment.

Tableau 1. Analyse Factorielle des Obligations de l’employeur

Responsabilités au travail
Opportunités de formation
Bonnes Relations Interpers.

Indépendance politique
Rémunération attractive

Emploi de long terme


Possibilités d’évolution
Items / Dimensions

Bonne ambiance de travail 0,76 0,16 0,28 0,02 0,01 0,12 0,05
Respect des membres 0,77 0,10 0,18 0,05 0,06 0,17 0,16
Soutien du supérieur 0,64 0,11 0,37 0,03 0,27 0,10 0,05
Projet professionnel 0,36 0,62 0,25 0,06 0,27 -0,08 0,12
Opportunités de promotion -0,01 0,73 -0,11 0,39 0,01 0,26 -0,07
Nouveaux apprentissages 0,44 0,08 0,67 -0,02 0,12 -0,09 0,01
Développement de compétences 0,18 0,21 0,78 -0,04 0,13 0,21 0,01
Conditions matérielles 0,36 0,24 0,52 0,25 0,21 0,31 -0,19
Traitement équitable 0,27 -0,05 0,71 0,19 -0,06 -0,02 0,16
Indemnités aux résultats 0,02 0,26 -0,06 0,80 -0,06 -0,15 0,06
Rémunération élevée 0,09 0,11 -0,10 0,71 -0,01 0,12 0,34
Indemnités aux missions du poste 0,12 0,12 0,23 0,72 0,31 0,12 0,09
Rémunération attractive -0,10 0,01 0,20 0,77 0,24 -0,09 0,26
Défis à relever 0,42 0,20 0,49 -0,13 0,54 -0,11 -0,01
Prise des décisions importantes 0,26 0,14 -0,09 0,08 0,82 0,13 -0,18
Fortes responsabilités -0,09 0,03 0,17 0,17 0,81 -0,03 0,15
Marge décisionnelle 0,11 0,18 0,07 0,11 0,75 -0,08 0,41
Emploi de long terme 0,22 0,06 0,05 -0,14 -0,04 0,84 0,10
Retraite intéressante -0,12 -0,01 0,04 0,37 0,04 0,55 0,36
Indépendance politique 0,19 0,06 0,01 0,24 0,10 0,09 0,79
Retour objectif sur travail 0,13 0,56 0,45 0,03 0,20 -0,09 0,42

La fiabilité de l’instrument que nous proposons est satisfaisante. En


effet, pour chaque dimension individuelle, nous avons obtenu des alphas de
Cronbach supérieures à 0,55. Pour l’ensemble des items regroupés, l’alpha de
Cronbach est 0,8772 pour les obligations de l’employeur et 0,9436 pour celles
du salarié, ce qui traduit un bon niveau de cohérence interne. Les sept
dimensions proposées pour mesurer les obligations de l’employeur expliquent
73,68% de la variance; similairement, du coté des obligations du salarié les six
dimensions proposées expliquent 73,83% de la variance (Tableaux 3 et 4). Ces

217
Rogard Vincent & Perez Becerra Liliana / e PTO – Volume 17

résultats confirment la bonne qualité psychométrique de notre outil.

Tableau 2. Analyse Factorielle des Obligations du Salarié

Atteindre des bons résultats

Comportements hors rôle


Souci de se former
Un travail sérieux

Bon relationnel
Items / Dimensions

Disponibilité
Atteindre les objectifs 0,10 0,90 0,11 0,05 -0,07 0,06
Acquérir des compétences 0,16 0,38 0,25 0,72 0,07 0,06
Se former constamment 0,16 0,01 0,06 0,80 0,15 0,24
Faire preuve d'initiative 0,17 0,63 0,31 0,34 0,12 0,03
Ouverture d'esprit 0,24 0,32 0,68 0,38 0,02 0,17
Se mobiliser pour résultats 0,29 0,52 0,24 0,51 0,16 -0,09
Travail en équipe 0,21 0,40 0,71 0,02 0,21 0,15
Esprit de groupe 0,23 0,12 0,81 0,24 0,09 0,17
Attitude positive envers les collègues 0,42 0,27 0,53 0,25 0,28 0,01
Disposition au dialogue 0,31 0,14 0,53 0,24 0,49 0,09
Respect de la confidentialité 0,80 0,19 0,16 0,29 -0,06 0,14
Discrétion avec les informations 0,64 0,08 0,28 0,44 0,31 0,08
Assumer des responsabilités 0,67 0,45 0,22 0,08 0,24 0,06
Défendre l'image de la collectivité 0,59 0,11 0,33 0,1 0,32 0,32
Adhérer aux objectifs 0,65 0,19 0,43 0,16 0,28 0,07
Implication dans le service 0,23 0,44 0,60 0,26 0,27 0,04
Répondre aux attentes des citoyens 0,55 0,38 0,24 0,26 0,28 0,18
Aller au-delà des performances 0,08 0,24 0,24 0,49 0,54 0,22
Dépasser les attributions 0,21 -0,13 0,08 0,12 0,80 0,15
Participer aux activités hors rôle -0,02 0,16 0,04 0,03 0,70 0,46
Accepter la mobilité 0,29 -0,07 0,07 0,01 0,09 0,79
Accepter le changement de fonction -0,13 0,09 0,08 0,23 0,24 0,80

Les tableaux suivants synthétisent les résultats obtenus pour chaque


dimension, dans les deux groupes d’obligations :

218
Rogard Vincent & Perez Becerra Liliana / e PTO – Volume 17

Tableau 3. Contenu du Contrat Psychologique: Obligations de l’employeur

ALPHA % VAR
DIMENSIONS ITEMS
CRONBACH EXPLIC
Bonnes relations interpersonnelles 3 0,7725 12,15
Possibilités d’évolution 3 0,6241 7,61
Opportunités de formation 4 0,7667 13,17
Rémunération attractive 4 0,8245 13,28
Responsabilités au travail 4 0,8144 12,59
Emploi de long terme 2 0,5534 6,65
Indépendance politique 1 * 8,23
TOTAL 21 0,8772 73,68
*pas calculable pour une dimension comportant moins de deux items.

Tableau 4. Contenu du Contrat Psychologique : Obligations du salarié

ALPHA % VAR
DIMENSIONS ITEMS
CRONBACH EXPLIC
Un travail sérieux 6 0,9108 15,58
Atteindre des bons résultats 3 0,7559 11,97
Bon relationnel 6 0,9106 15,27
Souci de se former 2 0,6505 11,89
Comportements hors rôle 3 0,7286 10,90
Disponibilité 2 0,6342 8,21
TOTAL 22 0,9436 73,83

Nos premiers résultats nous conduisent vers la confirmation de


l’hypothèse 1. En effet, nous constatons l’existence d’un contrat psychologique
spécifique pour les agents de la fonction publique. Ce contrat, composé d’un
ensemble d’obligations réciproques entre employeur et salarié, semble se
structurer autour de dimensions qui rappellent celles trouvées chez les
travailleurs du privé. Néanmoins, elles mettent aussi en évidence des
particularités liées au contexte de la fonction publique qui méritent d’être
davantage explorées.

219
Rogard Vincent & Perez Becerra Liliana / e PTO – Volume 17

7.2 Pour la Brèche du Contrat Psychologique

7.2.1 Brèche des obligations de l’employeur

Nos résultats rejoignent ceux de Guerrero (2004, 2005). En effet, notre


analyse des corrélations n’a pas trouvé des différences significatives dans les
deux méthodes de calcul de la brèche. Dans le cas des obligations de
l’employeur, la matrice montre des corrélations un peu plus importantes par la
méthode directe dans les dimensions relations interpersonnelles, évolution,
formation et responsabilités, mais des corrélations supérieures par la méthode
indirecte dans les dimensions rémunération, emploi de long terme et
indépendance politique (Tableau 5).

D’autre coté, les mesures partielles par dimension ainsi que les deux
mesures totales sont significativement corrélées entre elles (coefficient de
corrélation de Pearson pour la brèche totale employeur directe et la brèche totale
employeur indirecte = 0,6851) et présentent des corrélations significatives avec
l’item unique de mesure globale de la brèche employeur. Encore une fois les
résultats s’équilibrent : nous trouvons quatre dimensions calculées par la
méthode directe qui sont un peu plus fortement corrélées avec l’item unique, et
trois dimensions calculées par la méthode indirecte montrant une corrélation
supérieure avec cet item unique. Il faut remarquer que les différences
mentionnées entre les corrélations sont peu significatives.

Les deux groupes de variables présentent un bon niveau de cohérence


interne; celui qui est basé sur la méthode indirecte présente un alpha de
Cronbach un peu plus élevé (0,808577 contre 0,752254).

Il semble ainsi que pour mesurer la brèche des obligations de


l’employeur, les deux méthodes soient très proches. Ces résultats nous amènent
à confirmer l’hypothèse 2 .1.

7.2.2 Brèche des obligations du salarié

En ce qui concerne les obligations du salarié, trois dimensions montrent


une corrélation plus élevée par la méthode directe (travail sérieux, résultats et
activités hors rôle) et trois pour la méthode indirecte (bon relationnel, souci de
se former et disponibilité). Toutes les mesures partielles de la brèche calculées
par la méthode directe montrent une corrélation significative avec celles
calculées par la méthode indirecte.

La brèche totale salarié directe et la brèche totale salarié indirecte sont


significativement corrélées, mais elles ne le sont pas avec l’item unique de

220
Rogard Vincent & Perez Becerra Liliana / e PTO – Volume 17

mesure globale salarié. Aucune des dimensions, quel que soit la méthode de
calcul, ne montre une corrélation significative avec cette mesure globale.

Finalement, les deux groupes de variables concernant les obligations du


salarié montrent un bon niveau de cohérence interne, mais dans ce cas les
variables calculées par la méthode directe présentent un alpha de cronbach
supérieur (0,836640 contra 0,798184).

Il semble ainsi que pour mesurer la brèche des obligations du salarié il


n’existe pas non plus de différence significative entre les deux méthodes
évaluées. En conséquence, nous confirmons notre hypothèse 2.2.

En résumé, nos analyses confirment la validité convergente de la brèche


du contrat psychologique calculée par les méthodes directe et indirecte, autant
pour les obligations de l’employeur que pour celles du salarié. L’hypothèse
générale 2 est ainsi confirmée.

8. Discussion

8.1 Contenu du Contrat Psychologique

La spécificité du contrat psychologique des agents de la fonction


publique est mise en évidence dans les deux types d’obligations:

8.1.1 Obligations de l’employeur

Certaines dimensions, comme les bonnes relations interpersonnelles,


les possibilités d’évolution professionnelle, et les opportunités de formation
semblent faire partie des attentes des individus sans distinction du secteur
d’activité (public ou privé). Il s’agit de dimensions présentant bon niveau de
cohérence interne. L’analyse en détail nous montre que chez les agents, la
dimension des bonnes relations interpersonnelles se structure autour d’une
bonne ambiance de travail, du respect d’autres membres de la structure et du
soutien de la part de leur supérieur. Il est intéressant de noter que la
communication ouverte avec le supérieur attendue pour les salariés du privé, ne
semble pas faire partie des attentes des agents. En ce qui concerne l’évolution
professionnelle, aux opportunités de construire un projet professionnel et
d’avancer dans leur carrière s’ajoute l’attente d’un retour objectif sur leur travail,
qui semblerait leur permettre de mieux mettre en place cette évolution. D’autre
part, les opportunités de formation attendues concernent en principe les
conditions nécessaires pour réaliser le travail, suivies des nouveaux
apprentissages et du développement des compétences. Il est à remarquer, que
les agents rajoutent dans cette dimension un élément d’équité, dans l’attente de
se voir offrir les mêmes possibilités de formation que leurs collègues

221
Rogard Vincent & Perez Becerra Liliana / e PTO – Volume 17

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17

1.Relations interpersonnelles - Brèche Directe 1,00

2.Possibilités d'évolution - Brèche Directe 0,56*** 1,00

3.Opportunités de formation - Brèche Directe 0,67*** 0,65*** 1,00

4.Rémunération attractive - Brèche Directe 0,00 0,34*** 0,09 1,00

5.Responsabilités au travail - Brèche Directe 0,57*** 0,63*** 0,54*** 0,06 1,00

6.Emploi de long terme - Brèche Directe 0,41*** 0,35*** 0,41*** 0,24 0,22 1,00

7.Indépendance politique - Brèche Directe 0,14 0,13 0,07 0,22 0,07 0,18 1,00

8.Relations Interpersonnelles - Brèche Indirecte 0,69*** 0,34*** 0,43*** 0,21 0,31*** 0,27*** 0,26*** 1,00

9.Possibilités d'évolution - Brèche Indirecte 0,34*** 0,73*** 0,45*** 0,29*** 0,5*** 0,09 0,21 0,44*** 1,00

10.Opportunités de formation - Brèche Indirecte 0,43*** 0,51*** 0,67*** 0,29*** 0,3*** 0,22 0,24 0,64*** 0,61*** 1,00

11.Rémunération attractive - Brèche Indirecte 0,05 0,33*** 0,18 0,68*** 0,14 0,19 0,13 0,26*** 0,49*** 0,41*** 1,00

12.Responsabilités au travail - Brèche Indirecte 0,28*** 0,38*** 0,3*** 0,17 0,61*** 0,04 0,08 0,38*** 0,58*** 0,41*** 0,35*** 1,00

13.Emploi de long terme - Brèche Indirecte 0,19 0,28*** 0,26*** 0,31*** 0,22 0,52*** 0,1 0,29*** 0,28*** 0,29*** 0,41*** 0,17 1,00

14.Indépendance politique - Brèche Indirecte 0,11 0,12 0,15 0,10 0,19 0,06 0,69*** 0,32*** 0,32*** 0,35*** 0,3*** 0,29*** 0,3*** 1,00

15.Brèche Totale Employeur Indirecte 0,41*** 0,55*** 0,48*** 0,44*** 0,46*** 0,3*** 0,38*** 0,67*** 0,77*** 0,75*** 0,7*** 0,65*** 0,6*** 0,63*** 1,00

16.Brèche Totale Employeur Directe 0,75*** 0,81*** 0,75*** 0,44*** 0,69*** 0,59*** 0,46*** 0,57*** 0,59*** 0,6*** 0,38*** 0,43*** 0,4*** 0,35*** 0,69*** 1,00

17.Brèche Globale Employeur (item unique) 0,44*** 0,61*** 0,48*** 0,4*** 0,47*** 0,16 0,32*** 0,45*** 0,58*** 0,53*** 0,3*** 0,31*** 0,26*** 0,28*** 0,55*** 0,65*** 1,00

Tableau 5. Corrélations des mesures directe et indirecte de la brèche des obligations de l’employeur

Pearson - Prob > |r| under H0: Rho=0 p<0,05. ***Corrélations significatives. Les corrélations pour les obligations du salarié sont à disponibilité du
lecteur.

222
Rogard Vincent & Perez Becerra Liliana / e PTO – Volume 17

A contrario, il y a d’autres dimensions pour lesquelles les attentes des


individus du privé et ceux du public diffèrent. En effet, un salaire lié aux
performances ne ferait pas parti du contrat psychologique des agents, la
détermination de leurs rémunérations de base se fondant plutôt sur les critères
d’ancienneté, filière et cadre d’emploi. Néanmoins, les agents semblent attendre
de manière globale une rémunération attractive, dimension qui se structure sur
l’attente d’un salaire élevé par rapport à d’autres collectivités locales, des
indemnités spécifiques basées sur les missions du poste (dont la plupart prévues
par la législation), et certaines indemnités liées à leurs résultats.

La dimension responsabilités chez les agents rejoint celle du privé


mais associe également des éléments de contenu du travail. En effet, les défis à
relever, la prise de décisions importantes, les fortes responsabilités et la marge
décisionnelle font partie des attentes; cependant, un travail intéressant ou ayant
du sens n’apparaît pas comme quelque chose d’attendue. Cette apparente
contradiction devra être objet d’une analyse plus approfondie, afin d’élucider
comment le concept intérêt du travail est perçu par les agents.

D’autre part, les résultats montrent que chez les agents, un emploi de
long terme est conçu dans une perspective de plus longue durée que dans le
privé. En effet, parmi les promesses dont ils attendent la réalisation, les agents
semblent projeter la garantie de l’emploi et l’associer à un régime de retraite
intéressant. Nous ne disposons pas hélas de davantage d’éléments nous
permettant d’approfondir ces résultats; ils devront être validés en rajoutant
d’autres concepts liés à l’emploi de long terme.

Finalement, une dimension apparaît comme spécifique à la fonction


publique : l’indépendance vis-à-vis du pouvoir politique. D’après nos résultats,
les agents semblent attendre que l’employeur fasse une claire séparation entre
les décisions techniques et politiques concernant leurs postes. Cependant, cette
dimension comprenant un seul item, sa pertinence et sa mesure devront être
validées par les recherches futures.

223
Rogard Vincent & Perez Becerra Liliana / e PTO – Volume 17

8.1.2 Obligations du salarié

L’analyse des données recueillies nous amène à regrouper les items de


façon différente par rapport aux recherches précédentes. En fait, les dimensions
sont nommés – et constitués – quelque peu différemment dans les recherches
sur le contrat psychologique des salariés du privé, qui regroupent les items dans
des dimensions comme la performance, la conscience professionnelle et
l’adhésion à l’entreprise. Nous proposons une configuration particulière adaptée
aux agents de la fonction publique.

Ainsi, nous distinguons l’obligation de fournir un travail sérieux, de


l’atteinte des bons résultats et du souci à se former. En principe, un travail
sérieux comporte deux axes : d’une part, les critères du respect de la
confidentialité, discrétion et acceptation de responsabilité et d’autre part,
l’adhésion aux valeurs et objectifs de l’employeur et de la fonction publique.
L’atteinte de bons résultats, de son coté, comprend autant l’atteinte des objectifs
établis que la mise en œuvre des moyens pour les obtenir (se mobiliser, faire
preuve d’initiative). Par contre, l’obligation d’une performance minimale
n’apparaît pas dans ce que l’agent perçoit comme promis. D’autre part, la
promesse de se montrer soucieux de se former est reconnue par l’agent qui se
croit obligé d’acquérir les compétences qu’on attend de lui et à se former
constamment pour améliorer sa valeur dans la structure.

En ce qui concerne la dimension bon relationnel, les résultats montrent


que les agents regroupent tous les concepts comportant des interactions avec les
autres membres de la structure (esprit de groupe, travail en équipe, attitude
positive auprès des collègues, disposition au dialogue pour résoudre des conflits)
et rajoutent une ouverture d’esprit et une implication dans le fonctionnement du
service qui semblent encadrer leurs relations interpersonnelles. Il faut noter que
la cohérence interne de cette dimension atteint un niveau très élevé (alpha
0,9106).

D’autre part, la dimension disponibilité concerne une obligation


d’accepter un changement de fonction dans le service et une éventuelle mobilité,
qui est beaucoup plus restreinte que dans le cas des salariés du privé (à cause
des limites géographiques de compétence des collectivités locales).

224
Rogard Vincent & Perez Becerra Liliana / e PTO – Volume 17

Les comportements hors rôle qui font partie des promesses des agents
comprennent curieusement l’obligation d’aller au-delà de certaines promesses :
accepter des missions dépassant leurs attributions, obtenir des résultats
meilleurs que prévus…

A différence des recherches sur les salariés du privé, aucun facteur


évoquant les horaires de travail n’a été retrouvé chez les agents de la fonction
publique. Les questions faisant référence à cette obligation ne montrent pas être
significatifs dans la construction du contrat ; cela reste à explorer dans le cadre
de futurs travaux.

Finalement, il est important de signaler que l’engagement à rester


durablement dans la structure n’apparaît pas comme faisant partie des
obligations du salarié, même si en contrepartie, celui attend de son employeur la
garantie d’un emploi de long terme. Cette apparente carence d’équilibre entre
les promesses faites et celles dont l’individu attend la réalisation méritera une
analyse plus détaillée dans l’avenir.

8.2 Brèche du Contrat Psychologique

Les résultats montrent qu’il s’agit de mesures équivalentes, en


concordance avec les études précédentes. Cependant, nous observons que les
brèches partielles calculées par la méthode directe présentent une tendance
légèrement supérieure dans leurs corrélations avec la brèche totale. De plus,
dans le cas des obligations de l’employeur, les brèches mesurées par la méthode
directe sont un peu plus fortement corrélées avec l’item unique de mesure
globale.

Ainsi, nos résultats renforcent la tendance à privilégier la méthode


directe. Notre choix s’inscrit ainsi dans la ligne des recherches précédentes
(Robinson & Morrison, 2000 ; Guerrero 2004, 2005 ; Lemire & Saba, 2005),
qui considèrent la mesure directe comme la plus appropriée. La recherche de
Robinson & Morrison (2000) emphatise le fait que le contrat psychologique est
changeant ; ainsi, la perception du sujet au moment de percevoir les promesses
et au moment d’évaluer leur réalisation peut être différente. Dans les études de

225
Rogard Vincent & Perez Becerra Liliana / e PTO – Volume 17

Guerrero (2004, 2005) la méthode directe présente des scores de corrélation


plus élevés et donc de moindres problèmes de fiabilité.

9. Conclusions

La première conclusion que nous pouvons établir à partir de cette


recherche est la constatation d’un contrat psychologique spécifique aux agents
de la fonction publique. Ce contrat, composé d’un ensemble d’obligations
réciproques entre employeur et salarié, semble se structurer autour des
dimensions qui rappellent celles trouvées chez les travailleurs du privé (l’attente
des bonnes relations interpersonnelles, des possibilités d’évolution
professionnelle, des opportunités de formation). Néanmoins, les résultats
mettent également en évidence des particularités liées au contexte de la fonction
publique (concernant les responsabilités au travail, la rémunération, l’emploi de
long terme, le travail sérieux, l’atteinte des bons résultats, le souci à se former,
le bon relationnel, la disponibilité et les comportements hors rôle), mais aussi
l’absence de certains concepts (un salaire lié aux performances, un travail
intéressant ou ayant du sens) et même l’apparition de dimensions spécifiques
(l’indépendance vis-à-vis du pouvoir publique, les horaires de travail,
l’engagement à rester durablement dans la structure). Ces dimensions telles la
mutualité et la réciprocité dans le contrat, restent des objets à explorer dans de
nouvelles recherches.

Nos résultats nous permettent de présenter une deuxième conclusion


concernant le calcul de la brèche du contrat psychologique : les méthodes
utilisées couramment par la recherche dans le secteur privé semblent être aussi
adaptées dans le cas des agents du secteur public. Ainsi, la méthode qui pose
directement la question du degré de réalisation des promesses et la méthode qui
obtient un score par soustraction semblent aller dans le même sens et offrir
toutes les deux des représentations valables des perceptions des salariés. Il reste
à approfondir l’analyse de leurs qualités prédictives lors des recherches futures.

Références

Anderson, N. & Schalk, R. (1998). The psychological contract in retrospect and


prospect. Journal of Organizational Behavior 19, 637-647.

226
Rogard Vincent & Perez Becerra Liliana / e PTO – Volume 17

Argyris, C. (1960). Understanding organisational behavior. Londres: Tavistock


Publications.
Blau, P.M. (1964). Exchange and power in social life. New York: J. Wiley
Bunderson, J.S. (2001). How work ideologies shape the psychological contract of
professional employees : doctor’s responses to perceived breach. Journal of
Organizational Behavior 22, 717–741.
Castaing, S. & Roussel, P. (2006). L’effet de l’évaluation du contrat psychologique sur
l’implication affective dans la fonction publique : le rôle modérateur de la
motivation a l’égard du service public. Communication présentée au XVIIe
Congrès de l’Association Francophone de Gestion des Ressources
Humaines, Reims 2006.
Conway, N. & Briner R.B. (2002). Full-Time versus Part-Time Employees:
Understanding the Links between Work Status, the Psychological Contract,
and Attitudes. Journal of Vocational Behavior, Vol. 61, Issue 2, 279-301.
Coyle-Shapiro, J.A.M. (2002). A psychological contract perspective on organizational
citizenship behavior. Journal of Organizational Behavior 23, 927–946.
Coyle-Shapiro, J.A.M. & Kessler, I. (2002). Exploring reciprocity through the lens of
the psychological contract: employee and employer perspectives. European
Journal of Work and Organizational Psychology 11, 69–86.
Coyle-Shapiro, J.A.M. & Neuman, J. (2004). The psychological contract and individual
differences: The role of exchange and creditor ideologies. Journal of
Vocational Behavior 64, 150–164.
Dabos, G. & Rousseau, D.M. (2004). Mutuality and Reciprocity in the Psychological
Contracts of Employees and Employers. Journal of Applied Psychology Vol.
89, No. 1, 52–72.
Delobbe, N. (2005). Le contrat psychologique. In Delobbe, N., Herrbach, O., Lacaze, D.
& Mignonac, K. (éditeurs). Comportement organisationnel, Vol. 1: Contrat
psychologique, émotions au travail et socialisation organisationnelle.
Bruxelles: De Boeck, 15 – 19.
De Vos, A., Buyens, D. & Schalk, R. (2003) (a). Psychological contract development
during organizational socialization: adaptation to reality and the role of
reciprocity. Journal of Organizational Behavior 24, 537–559.
Guerrero, S. (2004) Proposition d'un instrument de mesure du contrat psychologique: Le
PCI. Revue de Gestion des Ressources Humaines 53, 55 -68.
Guerrero, S. (2005) La mesure du contrat psychologique dans un contexte de travail
francophone. Relations Industrielles Vol. 60, N° 1, 112 -144.
Guest, D. (2004). The psychology of the employment relationship: an analysis based on
the psychological contract. Applied Psychology: An International Review 53,
542-555.

227
Rogard Vincent & Perez Becerra Liliana / e PTO – Volume 17

Herriot, P., & Pemberton, C. (1997). Facilitating new deals. Human Resource
Management Journal Vol.7, n°1, 45-56.
Kickul, J., & Lester, S. (2001). Broken promises: equity sensitivity as a moderator
between psychological contract breach and employee attitudes and behaviour.
Journal of Business and Psychology Vol. 16, Issue 2, 191-217.
King, J. (2000). White-collar reactions to job insecurity and the role of the
psychological contract: implications for human resource management. Human
Resource Management Vol.39, Nro.1, 79-92.
Lemire, L. & Saba, T. (2005). Le contrat psychologique et l’engagement
organisationnel : exploration empirique dans une organisation publique et une
firme privée. XIVe Congrès de l'Association Internationale de Management
Stratégique, Angers, France.
Lester, S., Turnley, W., Bloodgood, J. & Bolino, M. (2002). Not seeing eye to eye:
differences in supervisor and subordinate perceptions of and attributions for
psychological contract breach. Journal of Organizational Behavior 23, 39-56.
Levinson, .H, Price, C., Munden, K., Mandl, H. & Solley, C. (1962) Men, management
and mental health. Cambridge: Harvard University Press.
Loring, J.A. (2003). Changing employment contracts, changing psychological contracts
and the effects on organisational commitment. Dissertation: Curtin University
Technology.
Morrison, E. & Robinson, S. (1997). When employees feel betrayed: a model of how
psychological contract violation develops. Academy of Management Review
Vol. 22, Issue 1, 226 – 256.
McLean Parks, J., Kidder, D.L. & Gallagher, D.G. (1998). Fitting square pegs into
round holes: mapping the domain of contingent work arrangements onto the
psychological contract. Journal of Organizational Behavior 19, 697 -730.
Robinson, S.L. (1996). Trust and breach of the psychological contract. Administrative
Science Quarterly, 41, 574-599.
Robinson, S.L. & Morrison, E.W. (1995). Psychological contracts and OCB : the effects
of unfulfilled obligations on civic virtue. Journal of Organizational Behavior
Vol. 16, 289-298.
Robinson, S.L. & Morrison, E.W. (2000). The development of psychological contract
breach and violation: a longitudinal study. Journal of Organizational Behavior
21, 525-546.
Robinson, S.L., & Rousseau, D.M. (1994). Violating the psychological contract: not the
exception but the norm. Journal of Organizational Behavior 15, 245–259.
Rousseau, D.M. (1989). Psychological and implied contracts in organizations. Employee
Responsibilities and Rights Journal, 2, 121-139.

228
Rogard Vincent & Perez Becerra Liliana / e PTO – Volume 17

Rousseau, D.M. (1990). New hire perspectives of their own and their employer’s
obligations : a study of psychological contracts. Journal of Organizational
Behavior, 11, 389-400.
Rousseau, D.M. (1995). Psychological Contracts in Organizations. Thousand Oaks, CA:
Sage.
Rousseau, D.M. (2000). Psychological Contract Inventory : Technical Report N°2.
Pittsburgh, PA : Cargenie Mellon University.
Rousseau, D.M & Tijoriwala, S.A. (1998). Assessing psychological contracts : Issues,
alternatives and types de mesures. Journal of Organizational Behavior 19,
679-695.
Sels, L., Janssens, M. & Van Den Brande, I. (2004). Assessing the nature of
psychological contracts: a validation of six dimensions. Journal of
Organizational Behavior 25, 461–488.
Schein, E.H. (1965). Organizational Psychology. Englewoods Cliffs, NJ: Prentice Hall.
Shore, L.M. & Coyle-Shapiro, J. (2003). New developments in the employee-
organization relationship. Journal of Organizational Behavior Vol. 24, Issue 5,
443-451.
Turnley, W.H. & Feldman, D.C. (1998). Psychological contract violations during
corporate restructuring. Human Resource Management 37, 71–83.
Turnley, W.H. & Feldman, D.C. (1999). The impact of psychological contract
violations on exit, voice, loyalty and neglect. Human Relations 52, Vol. 7,
895–922.
Turnley, W.H., & Feldman, D.C (2000). Re-examining the effects of psychological
contract violations: unmet expectations and job dissatisfaction as mediators.
Journal of Organizational Behavior 21, 25-42.

229

Vous aimerez peut-être aussi