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Équation différentielle stochastique

Une équation différentielle stochastique (EDS) est une trer que B(t) suit une loi normale de moyenne 0 et
généralisation de la notion d'équation différentielle pre- de variance t .
nant en compte un terme de bruit blanc. Les EDS per-
mettent de modéliser des trajectoires aléatoires, tels des En d'autres termes, la dynamique de la particule est la
cours de bourse ou les mouvements de particules sou- même quelle que soit sa position dans l'espace, et si l'on
mises à des phénomènes de diffusion. Elles permettent tourne les coordonnées de l'espace à l'aide d'une rotation,
aussi de traiter théoriquement ou numériquement des un mouvement brownien reste un mouvement brownien :
problèmes issus de la théorie des équations aux dérivées la particule évolue dans un environnement homogène et
partielles. isotrope.
Les domaines d'application des EDS sont vastes : La notion d'EDS permet de décrire le mouvement d'une
physique, biologie, dynamique des populations, écologie, particule dans un milieu dont les propriétés physiques
mathématiques financières, traitement du signal, théorie peuvent varier, en créant deux effets :
du contrôle…
• Si nous connaissons la position X(t) d'une particule,
la loi du processus à un instant t + δt est une gaus-
1 Quelques approches et défini- sienne dont la covariance n'est pas nécessairement
tions informelles l'identité, et qui peut dépendre de la position X(t) .
La covariance doit être de l'ordre de δt ;

1.1 Les EDS comme trajectoires de parti- • En temps très petit, les particules sont poussées dans
cules une direction donnée. Nous parlerons alors de dé-
rive. Cela implique en fait que la position moyenne
Le mouvement brownien, nommé ainsi en hommage au de la particule à l'instant t + δt sachant la position
botaniste Robert Brown, décrit le mouvement d'une par- X(t) est donnée par E[X(t+δt)|X(t)] = µδt pour
ticule soumise à une infinité de chocs en des temps très un vecteur µ , qui peut aussi dépendre de X(t) .
courts, et ses trajectoires sont erratiques. Elles ont les pro-
priétés suivantes : En combinant ces deux effets, nous pouvons écrire
X(t + δt) ≈ σ(X(t))ξ + µ(X(t))δt ,
• Si l'on connaît la position de la particule à un ins-
où ξ est une gaussienne normale centrée de covariance
tant t , alors la loi de sa position spatiale à un instant
l'identité. L'on vérifie facilement que
ultérieur t + s ne dépend que de sa position à cet
instant t . Autrement dit, le passé, c'est-à-dire la tra- E[X(t + δt)|X(t)] = µδt
jectoire de la particule à des instants antérieurs à t et
, n'a aucune influence sur ses déplacements futurs.
Cette propriété s’appelle la propriété de Markov ; E[(X(t + δt) − E[X(t + δt)|X(t)])2 ] =
σ(X(t))σ(X(t))T δt .
• Les particules bougent continûment dans l'espace ;
En partant de 0 , et si l'on somme les accroissements entre
• La loi de la position de la particule entre deux ins- kδt et (k + 1)δt , alors nous obtenons
tants t et t + s ne dépend que de s . Les accroisse- ∑⌊T /δt⌋
X(t) ≈ k=0 σ(X(t))ξk + µ(X(t))δt ,
ments sont alors stationnaires ;
où ne faisons l'hypothèse que les variables gaussiennes
• En fait, si B(t) désigne la position de la particule ξk sont indépendantes, ce qui est assez raisonnable si
à un instant t , alors la loi de B(t) − B(s) et de nous souhaitons garder la propriété de Markov, c'est-à-
B(s) − B(r) avec s < r < t sont indépendants l'un dire l'indépendance de la loi des positions futures de la
de l'autre. Nous dirons alors que les accroissements particule après t par rapport aux instant antérieurs à t .
sont indépendants. En fait, cette propriété implique Nous pouvons prendre pour ξk les accroissements suc-
la propriété de Markov ; cessifs d'un mouvement brownien.
• De ces deux derniers faits, et dans l'esprit du À l'aide de la théorie des intégrales stochastiques, nous
théorème central limite, il est alors possible de mon- pouvons faire tendre δt vers 0 (attention, il s’agit ici d'une

1
2 2 QUELQUES EDS REMARQUABLES

convergence en probabilité !), et considérer l'équation Pouvons-nous montrer que X n (t, ω) converge vers
suivante quelque chose quand n tend vers l'infini ? En fait,
∫t ∫t
X(t) = X(0) + 0 σ(X(s)) dB(s) + 0 µ(X(s)) ds , cette approche fonctionne, mais la démonstration n'est
pas évidente et comporte des chausses-trappes. En fait,
où B est un mouvement brownien, σ est une fonction à X n (t, ω) converge vers la solution d'une EDS au sens de
valeur matricielle (qui n'est pas forcément une matrice Stratonovich
carrée), et µ une fonction à valeur vectorielle. Une telle ∫t ∫t
X(t) = X(0) + 0 µ(X(s)) ds + 0 σ(X(s)) ◦ dB(s).
équation, qui implique donc une intégrale stochastique,
est appelée équation différentielle stochastique (EDS). qui implique donc une autre notion d'intégrale stochas-
La théorie des EDS consiste donc à étudier les proprié- tique, ici dénotée avec un ◦ , celle de Stratonovich. Ce
tés de cet objets, et les conditions sur les coefficients qui résultat est dû à Eugene Wong et Moshe Zakai. Si l'on
permettent d'assurer l'existence de tels objets. souhaite utiliser une intégrale d'Itô, alors
∫t ∫t
Contrairement au mouvement brownien, les solutions X(t) ∫
= X(0) + 0 µ(X(s)) ds + 0 σ(X(s)) dB(s) +
1 t
d'EDS, sauf dans le cas simple où σ et µ sont constants, 2 0 σ(X(s))∇σ(X(s))ds.
ne sont pas à accroissement indépendants et stationnaires. Parmi les difficultés, il convient de noter qu'il est né-
Par contre, elles possèdent bien la propriété de Markov. cessaire, sauf en dimension un, d'utiliser une famille de
partition déterministe si l'on souhaite utiliser autre chose
qu'une partition régulière, ainsi qu'une interpolation li-
1.2 Équations différentielles bruitées néaire par morceaux, afin que la convergence vers l'EDS
attendue ait bien lieu.
Considérons une équation différentielle ordinaire
dX(t)
dt = µ(X(t)) à laquelle nous aimerions rajouter du
bruit. Un bruit blanc ξ(t) sera utilisé comme modèle de
bruit, dont l'intensité va varier en fonction de la position 2 Quelques EDS remarquables
de l'espace, et notre équation devient alors
dX(t)
= µ(X(t)) + σ(X(t))ξ(t) Comme pour les équations différentielles ordinaires, nous
dt
ne savons pas résoudre une EDS dans le cas général.
pour une fonction σ . En soi, un bruit blanc est un objet
mal défini (cela correspond à un bruit aléatoire où toutes
les fréquences sont présentes avec une égale probabili- 2.1 Mouvement brownien géométrique
té), et une telle équation n'a pas de sens. Par contre, le
bruit blanc étant défini formellement comme la dérivée
Le mouvement brownien géometrique est un processus de
du mouvement brownien B(t) nous transformons notre
la forme
équation en 2
X(t) = X(0) exp(σB(t) + (µ − σ2 )t)
dX(t) = µ(X(t)) dt + σ(X(t)) dB(t),
Sa particularité est d'être un processus stochastique à va-
dont nous pouvons prouver qu'elle a bien un sens, à l'aide
leurs positives. De ce fait il est utilisé en mathématiques
du calcul stochastique, lorsqu'elle est écrite sous forme
financières pour modéliser l'évolution de cours de bourse,
intégrale :
∫t ∫t de taux d'intérêts, de produit financier. La dynamique
X(t) = X(0) + 0 µ(X(s)) ds + 0 σ(X(s)) dB(s). de ce processus est la base même du modèle de Black-
Scholes. Grâce à la formule d'Itô, le mouvement brow-
nien géométrique est solution de
1.3 Les EDS comme limites d'équations ∫t ∫t
X(t) = X(0) + 0 σX(s) dB(s) + 0 µX(s) ds .
différentielles ordinaires
Une autre façon naturelle pour considérer les EDS est
d'utiliser des interpolations linéaires par morceaux des
2.2 L'équation de Langevin et le processus
trajectoires d'un mouvement brownien. Soit B(t, ω) une d'Ornstein-Uhlenbeck
telle trajectoire, et considérons entre l'instant 0 et l'instant
T, L'équation de Langevin donne le mouvement d'une par-
t−T k/n ticule dans un milieu avec friction, et soumise à une force
B n (t, ω) = (T k+1)/n−T k/n (B(T (k + 1)/n, t) − ξ(t) fluctuante (« bain thermique »), que nous prendrons
B(T k/n)) si t ∈ [T k/n, T (k + 1)/n] comme un bruit blanc. D'après le principe fondamental
ainsi que les équations différentielles ordinaires (sous de de la dynamique, la vitesse de la particule est solution de
bonnes conditions de régularité sur σ et µ ) dV (t)
∫t dt = −λV (t) + ξ(t) .
n n n
X (t, ω) = X(0) + 0 σ(X (s, ω)) dB (s, ω) + Comme précédemment, cette équation n'a pas vraiment
∫t
0
µ(X n (s, ω)) ds. de sens, à moins de la poser sous la forme
3

∫t ∫t b−X(s)
V (t) = V (0) + B(t) − 0
λV (s) ds , X(t) = a + B(t) + 0 T −s ds, t ∈ [0, T ].
où B(t) est un mouvement brownien. Le paramètre λ Les trajectoires de X(t) partiront de a et atteindront le
spécifie l'intensité de la friction. Cette équation peut être point b au temps T . Le processus X est un processus
résolue directement : gaussien.
∫t
V (t) = exp(−λt)V (0) + 0 exp(−λ(t − s)) dB(s)
C'est un processus d'Ornstein-Uhlenbeck, et sa particu-
larité est d'être un processus gaussien. Sa moyenne et sa
3 Lien avec les équations aux déri-
variance sont vées partielles
E[V (t)] = exp(−λt)V (0) et E[(V (t) − V (0))2 ] =
1−exp(−2λt)
2λ . 3.1 Équation de Fokker-Planck
Notons qu'ici, nous avons considéré la vitesse de la par- Article détaillé : Équation de Fokker-Planck.
ticule. Sa position est donnée par X(t) = X(0) +
∫t
0
X(s) ds , et est en soi une trajectoire régulière, mais
qui reste un processus gaussien.
En faisant tendre certains paramètres vers l'infini, alors 4 Généralisations
nous pouvons approcher X(t) par une EDS
Il existe de multiples généralisations de la notion des EDS
que nous venons de présenter :
2.3 Particule aléatoire dans un champ de
force • EDS avec des sauts ;

Nous pouvons raffiner l'équation de Langevin en ajoutant • EDS dirigées par d'autres types de processus,
un champ de force qui dépend de la position. Alors la comme des mouvements browniens fractionnaires
position et la vitesse de la particule sont solutions d' une par exemple ;
équation que nous écrirons sous la forme
• EDS en dimension infinie (à rapprocher des
dX(t) = V (t) dt √ équations aux dérivées partielles stochastiques)

dV (t) = λK(t, X(t)) dt − λV (t) dt + λ DdB(t)
λK est le champ de force considéré, et λ, D > 0 . Il est • …
alors possible de montrer que la position X(t) , lorsque
λ tend vers l'infini, se comporte elle-même comme la so-
lution de l'EDS

5 Domaines d'applications
dX(t) = K(t, X(t))dt + DdB(t).
En application, si U est un potentiel, c'est-à-dire que son • modélisation de phénomènes de diffusion en
gradient est une force, alors physique (mécanique des fluides, géophysique,
√ ∫t ...) : c'est à l'origine de la motivation de l'étude du
X(t) = X(0) + DB(t) + 0 U (X(s)) ds mouvement brownien ;
est une EDS couramment utilisée en physique. Sans la
• dynamique des populations, écologie, ... : modélisa-
présence du mouvement brownien dans le modèle pré-
tion de la localisation de la population d'une espèce
cédent, la particule sera immobilisée au fond des puits
donnée, ou encore de sa taille...
de U , c'est-à-dire là où le gradient ∇U est nul. En pré-
sence d'un bruit, même petit, elle a alors la possibilité de • méthodes de Monte-Carlo : résolution de certaines
s’échapper et de passer d'un puits à l'autre, et de telles équations aux dérivées partielles par des méthodes
dynamiques sont souvent étudiées (on a parfois des phé- aléatoires ;
nomènes de résonance stochastique).
• mathématiques financières : modélisation des cours
de bourse ;
2.4 Pont brownien • théorie du contrôle stochastique : il s’agit de trou-
ver des stratégies permettant de minimiser ou maxi-
La probabilité qu'un mouvement brownien atteigne un miser certaines quantités soumises à des fluctua-
point donné à un temps fixé T est nulle. Cependant, on tions aléatoires mais spécifiées par des paramètres
a parfois besoin de considérer la trajectoire d'un mouve- que l'on peut faire varier (valeur d'un portefeuille
ment brownien (ici en une dimension) conditionnée par d'actions, régulation du débit d'un barrage, ...) ;
un tel événement. On peut construire un tel objet X(t)
comme la solution de • systèmes dynamiques aléatoires ;
4 7 VOIR AUSSI

• résonance stochastique, modélisation en


neuroscience, climatologie (des modèles de
climat sur de très longues périodes utilisent des
EDS).
• modèles d'écoulements de polymères multi-échelles

6 Notes et références

7 Voir aussi

7.1 Bibliographie
• C. G. Gardiner, Handbook of Stochastic Methods
(3me d.), Springer, 2004. ISBN 3-540-20882-8
• I. Karatzas et S. Shreve, Brownian Motion and Sto-
chastic Calculus, Graduate Texts in Mathematics
(2me d.), Springer, 2004. ISBN 0-387-97655-8.
• E. Nelson, Dynamical Theories of Brownian Motion.
Princeton University Press, 1967. Version PDF sur
la page de l'auteur.
• B. Øksendal, Stochastic Differential Equations : An
Introduction With Applications (6me d.), Springer,
2005. ISBN 3-540-04758-1
• D. Revuz et M. Yor, Continuous Martingales and
Brownian Motion, (3me d.), Springer, 2004.ISBN 3-
540-64325-7
• L.C.G. Rogers et D. Williams, Diffusions, Mar-
kov processes and martingales (2me d.), Cambridge
Mathematical Library, Cambridge University Press,
2000. ISBN 0-521-77593-0

Simulation

• P. Kloeden et E. Platen, Numerical Solution of


Stochastic Differential Equations, Springer, 2000.
ISBN 3-540-54062-8
• P. Kloeden, E. Platen et H. Schurz, Numerical So-
lution of SDE Through Computer Experiments, Uni-
versitext, Springer, 2003. ISBN 3-540-57074-8
• B. Lapeyre, E. Pardoux et R. Sentis, Méthodes de
Monte-Carlo pour les équations de transport et de dif-
fusion, Springer, 1998. ISBN 3-540-63393-6

7.2 Lien externe


• « Liste d'EDS usuelles »
(Archive • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?)

• Portail des probabilités et de la statistique


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8 Sources, contributeurs et licences du texte et de l’image


8.1 Texte
• Équation différentielle stochastique Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89quation_diff%C3%A9rentielle_stochastique?
oldid=114381262 Contributeurs : LeYaYa, MedBot, Nbrouard, Poulos, Zyzomys, Zelda, MMBot, Litlok, Trassiorf, Pld, Akabob, WartBot,
Escarbot, Nono le petit robot, VolkovBot, Ambigraphe, Jaguie, Alecs.bot, Dhatier, DumZiBoT, SniperMaské, Mayayu, HerculeBot, Ze-
tudBot, RogueLeader, Luckas-bot, DSisyphBot, Cantons-de-l'Est, Xqbot, Colombiano54, EmausBot, Ediacara, Ltrlg, Ipipipourax, YasBot,
Addbot, Versusloup et Anonyme : 14

8.2 Images
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8.3 Licence du contenu


• Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0

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