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PT5 - Maquette PDF
PT5 - Maquette PDF
PARIS
OCT | NOV | DÉC 2017
MAGAZINE
D’INFORMATION
TRIMESTRIEL
SOCIÉTÉ
La mode
iranienne à
la conquête
des marchés
internationaux
—
VU D’IRAN
L’Iran et le
recyclage
—
CULTURE
Le théâtre
français en Iran
—
VILLE-MONDE
L’ESPRIT
L 18637 - 5 - F: 9,90 € - RD
ENTREPRENEURIAL
EN IRAN
ÉDITO 1
© Jean-Claude Voisin
L'IRAN DE DEMAIN
LES JEUNES GÉNÉRATIONS AUX
COMMANDES DES ENTREPRISES
Par Jean-Claude Voisin,
rédacteur en chef
es dernières élections municipales et prési- Shahla Yaribakht s'est vue proposer la direction artistique
SOMMAIRE
DOSSIER CULTURE
Les déchets en question 64 Le théâtre français en Iran 102
HUB PORTFOLIO
Le recyclage en Iran 82 Le musée du patrimoine rural du Guilan 112
Directeur de la publication et de la rédaction : Olivier Breton. Rédacteur en chef : Jean-Claude Voisin. Rédacteur en chef adjoint : Adrien Simonnot-
Lanciaux. Directeur de l’édition iranienne : Dr. Mahmoud Mohammadi. Ont collaboré à ce numéro : Mohammad-Rahim Ahmadi, Lili Alouki-Bakhtiari,
Shahrzad Boroumand, Quentin Bultez, Catherine Dorganc, Ahmad Kamiabi-Mask, Alireza Khalili, Mehdi Mahmoudi, Natasha Milanian, Fatemeh Shademan,
Daniel Vernet. Direction de production/création : Richard Galrão, Élise Chosson, Marie-Charlotte Brière. Service abonnements : All Contents Presse -
Tel. : +33 (0)1 44 26 26 06, adrien.simonnot@allcontents.com - Photo de couverture : © Book City. Rédaction en France : 23 bis rue de Turin, 75008 Paris
- ISSN 2552-8815.
Imprimerie : Imprimerie Loire Offset – ParisTéhéran est publié par All Contents Presse France, SARL au capital de 90 000 euros
SIRET : 507 452 084 00019.
GUERRE FROIDE
EN CORÉE Par Daniel Vernet
ais que veut donc Kim Kim Jong-un. Son programme mili-
M Jong-un? Difficile de se
mettre dans la tête du
taire est trop avancé pour qu’il y
renonce. Tout au plus pourrait-il
jeune dictateur accepter un moratoire. Pas dans
nord-coréen − 34 ans, dont quelques l’immédiat. Quand il aura atteint
semestres passés dans un collège un stade suffisant pour disposer vis-
en Suisse −, qui en 2011 a succédé à à-vis des États-Unis d’un moyen de
son père Kim Jong-il, lui-même fils dissuasion – dans l’hypothèse la
de Kim Il-sung, fondateur de cette plus optimiste – voire au pire de
dynastie communiste. Patiemment, chantage.
il se construit un arsenal de missiles Les connaisseurs de la région
balistiques et de têtes nucléaires qui accordent à Kim Jong-un, malgré
défient les interdictions de la com- ses propos provocateurs, ses fou-
munauté internationale. Il n’a pas cades et sa brutalité à l’égard de ses
beaucoup d’amis. Les derniers proches qui se mettent en travers
étaient les Chinois et les Russes, de sa route, un certificat de ratio-
mais il est en train de les perdre par nalité. Comme ses prédécesseurs,
Daniel Vernet est président du ses provocations répétées. le troisième des Kim veut avant tout,
site boulevard-exterieur.com, La Chine comme la Russie, qui sont disent-ils, assurer sa survie et celle
collaborateur de slate.fr des voisines de la Corée du Nord, de son régime, le dernier véritable
et de telos-eu.com. misent sur la stabilité dans la pénin- système communiste de la planète.
Ancien correspondant à Bonn, sule. Elles n’ont pas plus d’intérêt Les précédents de Saddam Hussein
Moscou et Londres, il a été que les Américains ou les Japonais, et de Kadhafi l’ont renforcé dans sa
directeur de la rédaction sans parler des Coréens du Sud, de conviction que seule la possession
et des relations internationales voir une nouvel le puissa nce de l’arme nucléaire le mettait à l’abri
du journal Le Monde. nucléaire émerger en Asie. Il est de la subversion impérialiste. L’ar-
cependant trop tard pour arrêter mée américaine n’est pas loin, sur
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le 38 e parallèle qui symbolise la nord-coréenne, voire de son grand menace «du feu et de la furie»
ligne de démarcation entre la Corée voisin chinois qui le soutient à bout (Donald Trump) n’ont jusqu’alors
du Nord et celle du Sud. de bras, tout en mettant en œuvre impressionné le dictateur de
S’il respecte les principes de l’équi- les sanctions décidées par l’ONU. Pyongyang. Il poursuivra vers la
libre de la terreur qui a prévalu pen- Le président chinois Xi Jinping n’ap- montée aux extrêmes jusqu’au jour
dant la guerre froide entre les deux précie guère que la petite Corée où ses adversaires seront convain-
«Grands», de 1949 à 1989, Kim vienne perturber son grand dessein cus, à tort ou à raison, qu’il a la
Jong-un usera de sa capacité stratégique en Asie. L’accroissement volonté et les moyens de mettre ses
nucléaire comme d’une arme poli- de l’influence chinoise suppose une menaces à exécution. Sans qu’il lui
tique pour obtenir des concessions stabilité globale propice aux avan- soit nécessaire de passer à l’acte.
d’abord des Américains, qu’il vou- cées économiques et militaires. C’est du moins un acte de foi en la
drait pouvoir chasser de la région, L’Amérique est désemparée. Ni la pertinence de la dissuasion.
bien au-delà de la péninsule négociation, ni les sanctions, ni la
© SIPA
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Une femme, avec au loin les tours de Doha, capitale du Qatar. Le petit émirat, riche en ressources gazières, est
l’objet d’un blocus de la part de ses voisins émiratis et de l’Arabie Saoudite. Il est officiellement accusé de soutenir
le terrorisme, mais les dirigeants saoudiens et leurs alliés lui reprochent surtout d’entretenir de bonnes relations
avec l’Iran, dont la puissance grandissante dans la région, les inquiète.
© SIPA
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Les relations entre la Première ministre polonaise Beata Szydlo et la chancelière Merkel ne sont pas au beau fixe.
Il en va de même avec les autres dirigeants européens, à l’exception du nationaliste hongrois Viktor Orban.
Emmanuel Macron a eu des mots très durs à l’égard du gouvernement de Varsovie, fin août, à l’occasion d’une
tournée en Europe de l’Est. Les Européens reprochent au gouvernement polonais de mettre en danger l’État de droit
par des réformes institutionnelles qui ruinent la séparation des pouvoirs, un des principes de base de l’UE.
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Faut-il garder dans les parcs et les avenues les statues des héros sudistes qui ont combattu
pendant la guerre de Sécession pour le maintien de l’esclavage ? La décision du maire de
Charlottesville (Virginie) de déplacer la statue équestre du général Robert Lee a provoqué des
manifestations de l’extrême droite, des suprémacistes blancs et des groupes néonazis. Une jeune
femme a été tuée par une voiture qui a foncé dans la foule des protestataires antiracistes.
Donald Trump n’a pas contribué à l’apaisement en renvoyant dos à dos les deux groupes.
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Une maison est en flammes dans le village de Gwandu Zara, dans le nord-est de la Birmanie,
région habitée par les Rohingya, une population musulmane qui se bat pour ses droits contre
le gouvernement central dominé par les bouddhistes. Aung San Suu Kyi, prix Nobel de la paix,
qui joue un rôle essentiel dans la transition démocratique en Birmanie, ne s’oppose pas
à la répression menée par les militaires.
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Irma, un cyclone de force 5, avec de vents atteignant 350 km/h a dévasté les îles de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy
avant de se diriger vers Saint-Domingue, Cuba et la Floride. S’il n’est pas possible d’incriminer directement le réchauffement
climatique, les scientifiques estiment que la hausse de la température des océans favorise l’apparition de tels phénomènes
inconnus jusqu’à maintenant par leur ampleur et leur puissance.
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TOURISME
En 2016, l'Iran représenta la première
destination étrangère touristique des
Français, avec une progression de + 177%,
plaçant ainsi la France en première place
des touristes étrangers sur les 18 derniers
mois.
Par Jean-Claude Voisin
© Jean-Claude Voisin
L’IRAN
S’OUVRE AU
TOURISME
© Jean-Claude Voisin
Durant la belle saison, chaque point d’eau est l’objet de convoitises pour établir le pique nique, institution sacrée en Iran.
a capté puis assimilé des connaissances tech- forgea le mythe de la Perse ancienne, achémé-
niques, architecturales, décoratives, esthé- nide principalement (6ème-5ème siècle avant notre
tiques. ère). Les fouilles de Suze, les écrits du couple
Bien entendu, chacun pense à Persépolis, long- Dieulafoy, de Ghirshman et de Godard construi-
temps conté dans nos magazines people à une ront cette mythologie.
époque où le régime cherchait à développer un
vaste plan de communication international UNE POLITIQUE OFFICIELLE DE
pour développer le tourisme. Mais en France MISE EN VALEUR DES SITES
particulièrement, depuis le 20ème siècle qui avait Si le travail d’inventaire et de protection contre
hérité de la fièvre culturelle de l’expédition de les pillages a été lancé depuis près de 20 ans,
Bonaparte en Égypte, des générations d’archéo- c’est véritablement depuis ces dernières années
logues, d’architectes vont notamment rappor- que l’État iranien se préoccupe véritablement
ter croquis, photos et objets précieux qui de la protection et de la mise en valeur de son
alimenteront nos plus grands musées. Ainsi se patrimoine, comprenant tous les enjeux que ces
SENTIMENTS ET RÉFLEXIONS
CHEZ LES VISITEURS
Aujourd’hui, ce que découvrent les visiteurs de
l’Iran, avant de pénétrer sur ses sanctuaires de
l’Humanité, c’est déjà une société et des
infrastructures. C’est, de tous les voyages que
j’ai eu la chance d’accompagner, ce qui ressort
comme bilan après deux semaines de périples
à travers le pays. Nombreux sont ceux qui m’ont
dit : «Nous étions venus pour découvrir la Perse
et nous avons rencontré l’Iran».
Ce qui surprend le touriste étranger, c’est cette
propension de l’Iranien à venir vers l’autre.
© Jean-Claude Voisin
Les touristes, en groupe ou individuellement, d’Inde et de Turquie. Les grands hôtels offrent
sont très vite abordés par des étudiants, des de plus en plus des buffets variés, grâce aux-
familles, les invités d’un mariage en voyage, qui quels il est possible de goûter à la cuisine régio-
quémandent, de la manière la plus élégante, na le, au x mu ltiples sor tes de pa in, en
l’honneur d’un selfie. Cette pratique, inconnue accompagnant le tout d’un dough (yaourt
voilà dix ans, fait partie à présent du quotidien. malaxé avec de l’eau, très rafraichissant l’été),
Visitant l’Iran, il ne faut pas s’en off usquer, bien la boisson nationale.
au contraire. Vous faites honneur à l’Iranien De toutes ces mesures, les Iraniens restent les
car par ce geste vous redonnez une fierté per- premiers bénéficiaires. Ils représentent près
due lors de toutes ces années de boycott et de de 90% des touristes. Chaque weekend, ils sont
mise à l’index international du pays, diabolisé des milliers à partir en famille, ou avec leurs
par certains. Ce fut durement ressenti par la amis, à partir à la découverte de leur Histoire.
population, qui se sait l’héritière de grandes C’est l’occasion de magnifiques balades, de
civilisations et d’une nation qui n’a jamais fait pique-niques joyeux. Lors des fêtes de Nowrouz,
preuve de conquête depuis la dynastie sassa- le 21 mars et les jours qui suivent, ce sont des
nide, et qui, sur la route de la soie, a toujours millions d’Iraniens qui deviennent touristes à
grandi au contact des visiteurs. Si le persan travers le pays.
reste la langue dominante, l’anglais est maîtrisé En conclusion, l’Iran, dans ce domaine, comme
par les étudiants, par bon nombre de commer- dans de nombreux autres, est en passe de fran-
çants et de chauffeurs de taxi, beaucoup plus chir un nouveau pas, ce qui accentue les jalou-
fréquemment qu’en France. sies et les cra i ntes de ses voi si n s du
Un séjour en Iran, c’est aussi l’occasion de Moyen-Orient qui comprennent que l’Iran, en
découvrir une cuisine elle aussi marquée par dehors de la manne pétrolière, a de nombreux
les influences extérieures, venues d’Afrique, atouts à sa portée. © Jean-Claude Voisin
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20
V ILLE-MONDE
L’esprit
entrepreneurial
en Iran
Par Jean-Claude Voisin, Shahrzad Boroumand
et Natasha Milanian
Traduction du persan par le Dr. Mehdi Mahmoudi
et le Dr. Ahmad Kamiabi Mask
23
Romain Keraval – Business France
24
Mojgan Amdjad – Book City
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Lida Eslami - Herampey
28
Maryam Marashi – Zanjireh Omid
30
Negin Kashi – Arg’e Jadid
32
© Jean-Claude Voisin
XVEZIVWWIWTYFPMGEXMSRWIXPEV³ǼI\MSR
conjointe de ses 27 clubs, le CEPS
propose une vision d’avenir et des
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monde d’aujourd’hui.
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VILLE-MONDE 23
© RK
IN T R ODUCT ION
ROMAIN KERAVAL
Business France
i l’entrepreneuriat était tradition- Toutes ces organisations offrent ensemble un
© Book City
Mojdan Amdjad dans les rayons de Book City-Shahr-e Ketab
INTERVIEW
MOJGAN AMDJAD
DIRECTRICE DU SIÈGE CENTRAL
DE LA CHAÎNE BOOK CITY-SHAHR-E KETAB
La jeune directrice du siège de Shahr-e Ketab à Téhéran a suivi un parcours
marqué par son engagement pour le monde culturel. Après un master en
psychologie et une licence en gestion, cette jeune femme devint pendant dix ans
conseillère pour l’enseignement et la psychologie dans les lycées auprès du
Ministère de l’Éducation. Parallèlement, elle a travaillé avec des éditeurs et
dirigé une société créant des sites web. Elle dirige actuellement le site central
de la chaîne Book City-Shahr-e Ketab, l'équivalent de nos magasins Fnac.
ParisTéhéran - Pouvez-vous nous présenter m’encourage. En Iran, les femmes occupent une
cette grande chaîne de distribution ira- place de plus en plus prépondérante dans la
nienne? société. Un nombre de plus en plus important
Mojgan Amdjad - Notre société n’est pas de femmes accède aux fonctions de maires,
seulement une chaîne de distribution. Outre la comme à Rasht, sur les bords de la mer Cas-
distribution de l’édition, de la musique, pienne, de conseillères municipales, de dépu-
des fi lms, des jeux éducatifs, de la papeterie et tées. Dans notre propre chaîne, quatre
des produits digitaux, nous proposons aussi à responsables de magasins sont des femmes.
notre public des animations-rencontres Dans le domaine social et artistique, les femmes
autour d’un(e) auteur, d’un(e) artiste, de musi- agissent fortement. Dans les administrations,
cien(ne)s. Nous avons aussi notre propre mai- leur part est en plein développement.
son d’édition, tant d’ouvrages que de musique.
Cette chaîne semi-privée possède 60 boutiques, PT - Quelle est votre clientèleet quelles sont
avec une trésorerie et une gestion autonomes. les tendances du moment?
40 de ces boutiques sont localisées dans la MA -Là-aussi, les femmes représentent la part
capitale, les autres dans les principales villes la plus importante de notre clientèle (60%), la
de l’Iran, qui regroupent environ 600 salariés. plupart de niveau universitaire. Elles ont sou-
L'établissement fut créé en 2000 et nous pos- vent entre 20 et 30 ans. Côté tendances, les
sédons aussi un département import-export livres pour enfants connaissent un grand déve-
pour nos relations avec l’étranger. loppement. L’édition se partage entre romans
iraniens et littérature étrangère traduite. Du
côté de la France, nos meilleurs ventes en livres
traduits sont Anna Gavalda, Christian Bobin,
Romain Gary, sans laisser pour compte les
E N IR A N , L E S F E MME S O C C U P E N T grands classiques toujours en vogue : Balzac,
U N E P L A C E D E P LU S E N P LU S Hugo, Flaubert... L’intérêt pour la musique se
PRÉPONDÉR ANTE DANS L A SOCIÉ TÉ. partage entre les enregistrements pop et la
musique traditionnelle iranienne.
INTERVIEW
LIDA ESLAMI
DIRECTRICE DE L'AGENCE HERAMPEY
Toute jeune directrice de l’agence d’architecture et d’urbanisme
Herampey à Téhéran, Lida Eslami anime une équipe de 50 jeunes
professionnels. Cette agence, fondée voilà 27 ans par l'architecte
Dr. Mohammad Mehdi Mahmoudi, formé aux méthodes occidentales,
regroupe aujourd’hui une belle équipe, de toutes confessions
religieuses et dont la moyenne d’âge est de 30 ans. Les femmes y
occupent 70 % des emplois : elles y sont ingénieurs civils, mécaniques,
électriques, architectes, urbanistes, paysagistes.
suis devenue membre du Conseil d’adminis- le centre ancien de Téhéran et les interactions
tration. Le Dr. Mahmoudi a probablement pu, entre les 12 grands ports iraniens. Et ce qui me
au cours de toutes ces années, mesurer et appré- plaît le plus dans mes novelles fonctions, c’est
cier mon sérieux, mon implication, ma méthode de travailler à la visibilité de notre agence.
et mon sens de l'animation.
13
à l’agence de 8h30 à 15h30, ce qui me permet
de rentrer récupérer mon fils à la sortie de
l’école. D'ailleurs, cela me permet aussi de tra-
vailler pour mon doctorat.
Cela fait 13 ans que Lida Eslami
PT - Quel est le projet qui vous a le plus
enthousiasmée jusque-là? a rejoint l'agence Herampey.
LE - Ce n’est pas le projet mais les projets inter-
disciplinaires que l’agence a eu à conduire sur
INTERVIEW
MARYAM MARASHI
FONDATRICE DE ZANJIREH OMID
© Maryam Marashi
© Maryam Marashi
ParisTéhéran - Qu’est-ce qui vous a amené
à ouvrir ce centre médical et apporter des
soins aux enfants défavorisés?
Maryam Marashi - En 2006, j’ai découvert
que ma fi lle avait une déformation de la colonne
vertébrale. Je connaissais de réputation le
docteur franco-iranien Keyvan Mazda à Paris.
Nous sommes alors allés en France et ma fi lle
a pu avoir un corset. Sur place, j’ai pris
conscience qu’il existait une grande différence E N TA N T QUE F E MME E T MÈ R E ,
dans la qualité du traitement médical entre la J E C O N S I D È R E T O U S L E S E NFA N T S
France et l’Iran. Quand le docteur Mazda m’a C O MME ME S P R O P R E S E NFA N T S .
dit qu’il allait se rendre à Kaboul, je lui ai
demandé s'il était possible de faire également
quelque chose pour les enfants iraniens. Il m’a
rappelée peu de temps après et j’ai rencontré MM - Oui, et presque toutes les directrices sont
Alain Deloche, le fondateur de l’association La mes amies. Beaucoup d’associations caritatives
Chaîne de l’Espoir. Cette rencontre a initié la sont mises en place par des femmes. D’après
mise en place de notre association en Iran et plusieurs études psychologiques, les femmes
nous avons signé un accord de coopération en sont plus à même de penser aux détails, plus
2007. J’avais alors 32 ans. sensibles et plus adaptées aux missions huma-
nitaires. Elles peuvent aussi, plus que les
PT - Avez-vous rencontré beaucoup d'obs- hommes, faire plusieurs choses en même temps.
tacles pour en arriver là?
MM - Oui, bien sûr ! Au départ, beaucoup me PT - Avez-vous un message à faire passer
disaient qu’il était presque impossible pour une aux femmes sur l’esprit d’entreprise?
femme de créer une telle association. Mais je MM - Oui : toute femme doit être fière d’elle-
me sentais forte et j’avais confiance en moi. Mon même. Nous avons de nombreuses capacités et
but était clair, je savais où j’allais : en tant que nous devons les utiliser dans la vie. On dit sou-
femme et mère, je considère tous les enfants vent que le rôle d’une femme se cantonne à la
comme mes propres enfants. J’essaie de leur famille mais c’est faux : elle peut et doit se réa-
donner accès aux meilleurs docteurs, aux meil- liser aussi dans la vie professionnelle. Je me
leurs traitements. Suivre mon idéal me donne suis mariée à 16 ans, j’ai eu deux enfants mais
du courage et de l’énergie, et il en faut ! j’ai continué mes études en parallèle et j’ai
ensuite commencé ma carrière dans l’huma-
PT - Êtes-vous en contact avec d’autres asso- nitaire. Je n’ai jamais arrêté, il suffit d’être orga-
ciations créées par des femmes? nisée et déterminée.
INTERVIEW
NEGIN KASHI
© DR
CHEF DE L’UNITÉ
FRANCOPHONE DE
L'AGENCE ARG’E JADID
L’établissement de tourisme iranien Arg’e Jadid,
filiale du groupe du même nom fondé en 1997, compte
aujourd’hui 70 salariés, sa propre compagnie d’autocars
de tourisme, sa chaîne d’hôtels et sa compagnie d’assurance.
Le département consacré aux touristes francophones
est animé depuis quatre ans par une toute jeune
responsable, Negin Kashi.
ParisTéhéran - Quel est votre parcours nation avec les collègues des autres directions
professionnel? crée une dynamique. La plupart des collabora-
Negin Kashi - Je m’étais tout d’abord destinée teurs de notre entreprise ont entre 26 et 32 ans.
à l’enseignement du français. J’ai préparé pour
cela un master à l’Université Tahbiat’e Modares PT - Quelle est la tendance du tourisme
de Téhéran, puis j’ai enseigné quelque temps actuellement?
dans des instituts de langues privés. Mais le NK - Depuis la signature de l’accord sur le
développement du tourisme m’a attiré et cette nucléaire, nous avons vu par exemple le nombre
nouvelle responsabilité me convient tout à fait de touristes français tripler. Cela me paraît très
car elle me rapproche de la France, de sa langue prometteur. Dans les 12 derniers mois, nous
et de sa culture. avons accompagné 1200 touristes venus de
France, sachant que nous avons cinq mois
PT - Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans ce idéaux pour le tourisme, compte tenu du climat
travail ? des diverses provinces.
NK - Déjà le fait de faire connaitre mon pays
et de faire partager nos richesses. La coordi- PT - Selon vous, quelle est la place de la
© Jean-Claude Voisin
Negin Kashi (debout) et ses collaborateurs
© Jean-Claude Voisin
Tajli Mizan en interview pour ParisTéhéran
INTERVIEW
TAJLI MIZAN
DIRECTRICE DES VENTES ET
DU MARKETING DU GROUPE PALLADIUM
© Jean-Claude Voisin
Palladium. Ce centre commercial regroupe 150
boutiques de grandes marques internationales,
dont des marques françaises, et abrite 150 bureaux.
2000 personnes y travaillent au quotidien, dont 750
pour le seul groupe Palladium. Après avoir démarré
avec deux collaborateurs, Tajli anime actuellement
une équipe de 35 personnes.
ParisTéhéran - Votre parcours est étonnant auraient vite fait de m’accuser de tous les stra-
car après des études à l’étranger, vous déci- tagèmes pour arriver là où je suis. Mais ma posi-
dez de revenir en Iran. Pourquoi ce choix ? tion est soutenue par le PDG. Les salaires des
Tajli Mizan - En effet, et ce malgré la présence cadres féminins sont identiques à ceux des col-
de ma famille en France ou aux États-Unis. lègues masculins. Je dirais aux jeunes Iraniens
Lorsque j’étudiais en Malaisie, plusieurs offres qu’ici tout est possible, qu'il suffit de le vouloir,
m’avaient été faites pour l’étranger. Mais à de croire à ce que l’on fait, d'aimer son travail.
l’occasion d’un retour en Iran lors des fêtes de
Norouz, j’ai été présentée au PDG de Palladium. PT - Les centres commerciaux, dénommés
Son esprit et sa démarche m’ont plu et j’ai décidé «malls» en Iran, fleurissent depuis ces der-
(alors que mon doctorat n’était pas terminé) nières années dans le nord de la capitale.
d’accompagner le développement du groupe. N’y a-t-il pas une concurrence acharnée?
J’avoue que depuis ces quatre ans, je suis com- TM - En effet, elle est très forte. De notre côté,
blée et enthousiaste. nous avons réalisé une étude de marché avant
de nous lancer et avons pris le parti de la qualité
PT - Comment vous affirmez-vous en tant des marques et d’un accompagnement dyna-
que femme dans le groupe, et dans une mique de l’espace. J’insiste sur cet aspect
société islamisée traditionnelle? «intelligent», base de notre travail et résultat
TM - Je travaille de 13 à 14 heures par jour. Je d’une grande réf lexion. Certains sont plus
me lève à 5h trois jours par semaine pour aller grands que nous mais ils ont du mal à remplir
faire du sport et arriver au bureau à 8h. J’y reste leurs espaces. Je crois que l’image de notre
jusqu’à 20h. Les autres jours, j’arrive à 7h. Être «mall» est plutôt flatteuse.
femme à ce poste n’est pas simple. Dans une
société traditionnelle, les mauvaises langues
INTERVIEW
MOHAMMAD MOLAZEM
DIRECTEUR ET FONDATEUR DE BARBAD
Située dans une zone industrielle et artisanale à 30 kilomètres de Shiraz, la
capitale du sud iranien, au début de la plaine de Mardasht et non loin du site
légendaire de Persépolis, la fabrique de pianos Barbad se révèle comme un
exemple de l’esprit d’initiative iranien. Fondée voilà plus de deux ans, cette
jeune entreprise qui emploie 50 salariés, dont une moitié de femmes, est
dirigée par un jeune chef d’entreprise local et se dit déjà prête à partir à la
conquête des marchés émiratis et européens.
ParisTéhéran - Comment vous est venue maison. Et dans ma tête je me disais qu'un jour, je me construi-
cette idée de développer une industrie du rais ce piano que je ne pouvais pas m’offrir. Puis pour gagner
piano en Iran? ma vie, j’ai choisi le marketing-management à l’université
Mohammad Molazem - Lorsque j’étais jeune, sans oublier cette idée qui me trottait toujours dans la tête.
j’étais passionné par le piano. J’ai très vite voulu J'ai alors commencé, il y a 17 ans, par importer trois pianos
apprendre à jouer de cet instrument. Malheu- de Russie, puis d’Azerbaïdjan et de Géorgie, que j’ai vendus
reusement, notre milieu familial ne nous per- assez vite car il n’y avait pas de vendeurs sur le secteur. Cela
mettait pas d’acquérir un tel instrument à la m’a encouragé. Ce furent ensuite cinq pianos, puis dix... J’ai
APPLICATIONS
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10 villes en 2017
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PARISALGER PARISBERLIN PARISMILAN
ParisAlger propose Considéré comme le seul Dernier né des magazines
de décrypter la France magazine franco-allemand All Publishing, ParisMilan
et l’Algérie d’aujourd’hui et d’envergure européenne, vous dévoilera le dessous
d’apporter un regard croisé ParisBerlin a fêté des actualités économiques
sur les deux pays son 100e numéro en 2014. qui font débat des deux
et leur relation. cotés des Alpes.
PARISTÉHÉRAN
PARIS PARISMONTRÉAL
PARIS
Avec la sortie de son ParisM
ParisMontréal analyse
premier numéro
premie dynamisme des
le dyna
octobre 2016,
en octo échanges entre deux
échang
ParisTéhéran informe
ParisT territoires aux nombreux
territoi
chaque trimestre ses points communs et
lecteurs sur les relations
lecteur pourtant si différents.
pourta
franco-iraniennes.
franco Le magazine
mag entend
Informez-vous sans plus
Inform contribuer à une meilleure
contrib
attendre sur les actualités
attend compréhension mutuelle
compr
de ce pays
p passionnant ! et propose
prop tous les trois
mois son
s regard
sur les relations
franco-québécoises.
franco
PARISCASABLANCA PARISTUNIS
PARIST
Lancé en 2016, le Le magazine
maga ParisTunis
magazine ParisCasa décrypte les relations
offre un regard croisé entre la France
sur la France et le et la Tunisie,
Tun six ans
Maroc. Découvrez sans après
p la Révolution.
attendre les contenus Économie, culture,
Économ
économiques et société... des contenus
société..
culturels des deux pays ! qui proposent
prop un
nouveau regard sur
pays.
deux pay
38
SOCIÉ TÉ
La mode iranienne
à la conquête des
marchés internationaux
L’Iran (et avant lui, la Perse) a développé
depuis des millénaires le goût des beaux
habits, des tissus précieux, des broderies et
des brocarts. Des fresques de Persépolis aux
tapis sassanides, les savoir-faire se sont
transmis de génération en génération. Durant
plus de 1500 ans, la route de la soie a permis
aux créations et fabrications iraniennes de
conquérir de vastes marchés, de la Chine à
l’Occident romain. Actuellement concurrencé
par les marchés chinois et turc, l’Iran veut se
donner les moyens de reconquérir les
marchés perdus. La France est associée
à ce pari. Le 6eme festival Fadjr de la mode
de Téhéran, présidé par M. GHobadi, a ouvert
© 2017, Christian Poulot
L’UNIVERSITÉ
POLYTECHNIQUE
AMIR KABIR
INTENSIFIE
SES RELATIONS
AVEC LA FRANCE
Fondée au milieu du XIXe siècle, l’École
Polytechnique de Téhéran, qui prend le nom
de son fondateur, grand vizir du souverain
perse de l’époque, s’est largement ouverte
à la France dès sa création.
De très nombreux enseignants français
dispenseront des cours au XIXe siècle et au
début du XXe siècle. Désignée depuis peu par
le Ministère des Sciences comme
coordonnatrice des actions de coopération
internationale pour toutes les universités
iraniennes, l’Université polytechnique a
décidé d’intensifier sa coopération avec le
monde académique français dans plusieurs
ParisTéhéran - Vous êtes directeur de la
directions, notamment dans les métiers coopération scientifique et internationale
de l’habillement. L’ancienne proximité entre au sein de l’École Polytechnique. Comment
Shahla Yaribakht, styliste franco-iranienne expliquez-vous la signature de ce nouvel
et l’École, n’y est pas étrangère. accord de co-tutelle avec l’École Mod'Art
de Paris, pour une formation de haut niveau
dans le domaine de l’industrie textile?
Que représente la filière «Textile» à l’Uni-
versité Amir Kabir?
Dr. Amir Golroo - Notre section «Industrie
de l’habillement» forme des ingénieurs du tex-
tile, principalement orientés vers les fi lières
techniques : technique des fibres, chimie des
couleurs… Notre coopération avec l’industrie
© Christian Poulot
À l'École Polytechnique Amir Kabir de Téhéran
© Christian Poulot
© Yegan Mazandarani
Interview dans les locaux de Mod'Art
SHAHLA
MAZANDARANI-YARIBAKHT,
TRAIT D’UNION ENTRE
LA FRANCE ET L’IRAN
ssue du monde du textile d'Ispahan ment de la mode dans les pays du golfe Persique.
©Christian Poulot
Un workshop autour de l'habillement animé par Mod'Art
dentales qui voulaient faire du surf sur les côtes d’approche et les résultats de cette école, qui sait
iraniennes du golfe Persique. Ce fut mon premier s’adapter à chaque culture.
projet de conciliation et d’harmonisation entre
nos modes occidentales et les codes de la Répu- PT - Quels sont les enjeux d’une telle
blique islamique. Puis, en 2011, j’ai été invitée coopération?
par le gouvernement iranien avec d’autres créa- SY - Je constate qu’actuellement l’Iran importe
teurs mondiaux issus de la diaspora iranienne. 80% de ses matières textiles alors que ce pays
Cette année, les responsables m’ont sollicité pour produisait voilà encore un siècle de la soie, de la
donner au festival de mode de Fadjr une dimen- laine, des tissus travaillés de toute sorte... Notre
sion tout particulièrement internationale. objectif est d’inverser la tendance, ce qui redon-
nerait à l’Iran, cité dans le monde entier en
PT - Comment voyez-vous le développement matière de mode millénaire, sa juste place. Mais
de la mode en Iran? pour cela, il manque les outils modernes en
SY - Après une analyse du tissu industriel et matière de technique, de communication, de
artisanal du monde de la mode, de la confection, management. Ici, les nouveaux métiers de ce
de la création et de la production, j’en suis arrivée secteur sont encore à découvrir. Ce pays a des
à définir le premier besoin : celui de la formation. potentialités énormes, avec notamment une
J’ai de suite pensé à notre célèbre école supé- vraie volonté de s’investir et de créer. Les jeunes
rieure Mod’Art, probablement l’établissement générations sont enthousiastes, pleines d’idées.
le mieux adapté aux besoins de l’Iran. J’ai déjà J’aimerais ainsi, au pays de Cyrus - drapé dans
eu personnellement de nombreux stagiaires de d’élégantes étoffes voilà 2500 ans - après mes
plusieurs écoles, mais ceux de Mod’Art ont retenu 37 ans de carrière en France, rapporter à mon
mon attention. Je connais ainsi les méthodes pays ce que je lui dois.
© Christian Poulot
RENC ON T RE AV EC…
ALFRED MAHDAVY
Conseiller aux affaires internationales de Mod’Art
ParisTéhéran - Fondateur de Mod’Art en PT - Quels sont les avantages pour l’Iran
2000, que pouvez-vous nous dire des spé- d’un partenariat avec votre établissement?
cificités de votre école supérieure? AM - Mon appartenance aux deux cultures m’a
Alfred Mahdavy - Depuis sa création cet éta- déjà incité à répondre favorablement à l’invi-
blissement a essaimé sur tous les continents. tation du Ministère de la Culture iranien et du
Nous avons actuellement des franchises ou des département «Mode» de sa direction d’Ershad.
fi liales en Chine, au Pérou, en Russie, en Hon- J’ai, comme de nombreux Iraniens, rêvé d’un
grie, en Inde, au Vietnam... Cela représente 600 retour dans mon pays tout en bâtissant un pont
étudiants en France et 2000 dans le monde. avec la France. Je savais que l’Iran avait une
Les fondements de l’école restent ceux de la for- tradition textile. Le challenge que m’a présenté
mation aux métiers de la création mais aussi Shahla Yaribakht m’a de suite plu. La concur-
aux dizaines de métiers qui accompagnent les rence actuelle de la Turquie et de la Chine
créateurs, comme par exemple le management appelle un réexamen de la situation nationale.
des indicateurs de la mode et du luxe. Mod’Art peut apporter des réponses aux
carences dans la formation des gestionnaires
PT - Quels sont les niveaux de formation? de la mode en Iran.
AM - Nous recrutons, selon les branches, du
bac à bac +4, en partenariat avec les universités PT - Comment pensez-vous démarrer cette
de Toulouse et de Perpignan. Cette école asso- coopération?
cie l’enseignement théorique à beaucoup de AM - Nous pensons avec nos confrères de
pratiques sur le terrain. Tous nos programmes l’École Polytechnique Amir Kabir de Téhéran
pour la France et le reste du monde sont bâtis aboutir à un double diplôme. Les futurs ingé-
à Paris mais ensuite toujours adaptés aux nieurs entameront leur première année de MBA
cultures locales ou nationales. à Téhéran puis poursuivront leur deuxième
© Christian Poulot
digitale, consultant en stratégie marketing
mode ; et Cécile Mutith, spécialiste des ten-
dances.
Nous avons animé deux ateliers à l’usage des Lors du festival de la mode au Talar-e Vahdat de Téhéran
enseignants et des étudiants d’Amir Kabir mais
aussi ouverts à des industriels, des créateurs.
Ils ont rassemblé une quarantaine de partici-
pants et ont porté sur le branding et la digital L A CONCURRENCE ACTUELLE DE
fashion. Nous avons été agréablement surpris L A T U R Q UIE E T DE L A CHINE
par le nombre et la qualité des questions ainsi A P P E L L E U N R É E X A ME N D E
que par l’enthousiasme et l’espoir en l’avenir L A S I T U AT I O N N AT I O N A L E .
que portaient tous les participants.
DIA SPOR A S
Artistes, universitaires, entrepreneurs :
portraits d’Iraniens installés en France et
de Français établis en Iran, qui présentent
leur parcours et partagent leur vision des
liens entre les deux pays.
Témoignages recueillis par Jean-Claude Voisin
et Quentin Bultez
50
François Ozsvath
51
Hamid Pascal Saie
© Jean-Claude Voisin
52
Mohammad Ghavi-Helm
FRANÇOIS OZSVATH
Juré de Masterchef
© DR
Artisan menuisier
© DR
ien qu’Hamid Pascal Saie estime que son histoire quitter pour suivre sa bien-aimée au Canada, alors que ses
MOHAMMAD GHAVI-HELM
Percussionniste
rrivé en France en 1973, Mohammad
© Ghavi-Helm
cependant pas ni ses origines, ni sa culture.
Auprès de grands maîtres de la musique tradi-
tionnelle iranienne, en particulier Mohammad
Reza Lotfi, il fera des tournées en France, en difficultés culturelles. Je ne suis pas Français plus
Allemagne et aux États-Unis. «Je n’ai pas eu de qu’avant et je n’oublie pas mes origines. Il est pro-
difficultés d’intégration probablement grâce au bable que ma façon d’aborder les choses me vienne
milieu artistique dans lequel j’évoluais. J’ai pu de mes racines orientales. Aller vers l’autre m’a
jouer ici autant de la musique contemporaine apporté beaucoup d’amis parmi mes collègues et
occidentale que de la musique traditionnelle ira- mes élèves». Mohammad Ghavi-Helm parle avec
nienne. J’ai ainsi pu m’accomplir dans cette pas- enthousiasme des jeunes de son pays, ouverts
sion et ceci m’a permis de surmonter de possibles sur le monde : «Je suis optimiste pour l’avenir,
malgré les difficultés de toutes sortes qu’ils
connaissent, les jeunes Iraniens ont une telle
M A L G R É L E S D I F F I C U LT É S D E T O U T E S énergie, ils vont réussir à surmonter tout cela».
S O R T E S Q U ’IL S C O NN A I S S E N T, L E S Mohammad se remémore les musiciens
JE UNE S IR A NIE N S ON T UNE T E L L E européens et américains de l’orchestre de
É NE R GIE , IL S V O N T R É U S S IR À Téhéran et ajoute : «L’Iran est un pays comme
SURMONTER TOUT CEL A . les autres et tous ceux qui y passent le com-
prennent vite».
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54
GR A NDS
RENDE Z-VOUS
56
Inauguration du Bureau
de Coopération Médicale, Scientifique
et Universitaire franco-iranienne
58
Relations France-Iran : l’heure du bilan
59
Rencontre avec le Dr. Abbas Akhoundi
Le Centre culturel iranien de Paris
60
Les entreprises françaises du numérique
en Iran : opportunités et difficultés
62
France-Iran : regards croisés
sur la pratique du droit
© Farhad Heshmati
63
L’Ambassadeur de France répond
aux chefs d’entreprise
INAUGURATION
DU BUREAU DE COOPÉRATION
MÉDICALE, SCIENTIFIQUE
ET UNIVERSITAIRE
FRANCO-IRANIENNE
Le 9 juillet 2017, le Bureau de Coopération Médicale, Scientifique
et Universitaire franco-iranienne, situé au sein de l’université
de Shahid Beheshti (SBMU) à Téhéran, a été inauguré par
François Sénémaud, Ambassadeur de France en Iran, en présence
du Dr. Ali Asghar Peyvandi, Président de l’Université,
du Dr. Mohsen Asadi Lari, Vice-Ministre iranien de la Santé,
et du Dr. Farhad Heshmati, coordinateur de la coopération.
© Farhad Heshmati
L'Ambassadeur de France en Iran, François Sénémaud, et le Président de l'Université de Shahid Beheshti, le Dr. Ali Asghar Peyvandi
RELATIONS FRANCE-IRAN :
L’HEURE DU BILAN
Après cinq années passées en France, l'Ambassadeur
de la République islamique d'Iran, Ali Ahani, quitte la France.
Ce grand connaisseur de l'Hexagone a été reçu par le MEDEF
devant une centaine de chefs d'entreprises, pour confier ses
analyses après 12 années de présence dans le pays.
© DR
l y a près de cinq ans et demi, quand j'ai eu le pri- Rohani, Président de la République islamique d'Iran, en date
«
I vilège d'être nommé pour la troisième fois de ma
carrière Ambassadeur de la République islamique
du 28 janvier 2016, a marqué un nouvel essor dans les rela-
tions entre les deux pays. En deux ans, l'Iran et la France ont
d'Iran en France, j'ai retrouvé avec plaisir ce pays été témoins du quadruplement des échanges commerciaux,
où j'avais déjà exercé les fonctions d'Ambassadeur une pre- de la signature de près d'une cinquantaine de protocoles d'ac-
mière fois sous la présidence de François Mitterrand, après cord politiques, économiques, culturels et universitaires, de
avoir négocié la reprise des relations diplomatiques entre la formation de la première commission mixte économique,
l'Iran et la France. Je le fus une deuxième fois sous la prési- de très nombreuses visites ministérielles réciproques, de la
dence de Jacques Chirac, puis de Nicolas Sarkozy. Quand mise en place d'un véritable dialogue parlementaire ponctué
j'ai présenté mes lettres de créances à François Hollande par des visites officielles des présidents du Sénat et de l’As-
(NDLR : le 18 juillet 2012), les relations entre nos deux grands semblée nationale française, ainsi que de nombreuses visites
pays se trouvaient dans une phase particulièrement délicate de délégations de parlementaires, sans oublier l'organisation
après plusieurs années de tensions et de malentendus, avec de la première session commune entre les commissions des
le dossier nucléaire en toile de fond. En l'espace de quelques Affaires étrangères des deux parlements, de l'explosion du
années, les efforts communs de toutes les parties ont permis, nombre de touristes français et iraniens visitant l'autre pays,
pas après pas, avec patience et sagesse, et en se basant sur et de l'apparition de nouvelles et vastes perspectives de coo-
les intérêts nationaux réciproques et le respect mutuel, de pération dans différents domaines d'intérêt commun. Ce fut
normaliser les relations entre l'Iran et la France et de aussi le début d'un dialogue politique prometteur et à haut
reprendre le fil du dialogue et de redémarrer les échanges niveau en vue de trouver des solutions aux crises régionales,
politiques. Le point culminant de ce processus fut atteint à de favoriser la paix et la stabilité, et de lutter en commun
la date symbolique du 14 juillet 2015 avec la conclusion de contre les fl éaux de l'extrémisme et du terrorisme, qui ont
l'Accord nucléaire entre la République islamique d'Iran et les endeuillé les deux grandes nations iranienne et française, et
pays dits du groupe 5 + 1 (la France, l'Angleterre, les États- représentent aujourd'hui une menace vitale pour tous les
Unis, la Chine et l'Allemagne). Avec cet accord, l'obstacle pays du monde. En quittant la France, j'estime que les rela-
majeur au développement et à l'approfondissement des rela- tions historiques qui lient nos deux grandes nations méritent
tions entre l'Iran et la France (dont les échanges diploma- un niveau de proximité et de coopération autrement plus
tiques ont débuté en février 1715, soit très exactement 300 élevé, afin que la France devienne le premier partenaire éco-
ans avant la date de l'accord nucléaire) a été levé. Ainsi, un nomique et industriel de l'Iran en Europe. »
nouveau chapitre s'est ouvert entre nos deux grandes nations
et la visite officielle en France de Son Excellence Hassan
© Catherine Dorgnac
RENC ON T RE AV EC
e Centre français des affaires de Téhéran (CFAT) ferroviaire, maritime et aérien et de présenter au Ministre
© DR
Les relations culturelles furent mises à l’honneur au début Le 4 juillet, la célèbre fondation téhéranaise Dr. Mahmoud
de l’été au Centre culturel iranien (CCI) de Paris. Le 9 juin, Afshar honorait Gilbert Lazard de son prix annuel. C’est la
un colloque, sous le patronage d'Ahmad Djalali, Ambassa- deuxième fois que des chercheurs français, iranologues, sont
deur d’Iran auprès de l’Unesco, réunissait chercheurs ainsi récompensés. Le premier fut le professeur Charles-
iraniens et français, parmi lesquels Leili Anvar et Francis Henri de Fouchecourt en 2011, présent lors de cette cérémo-
Richard, pour évoquer les influences du grand poète Saadi nie patronnée par l’Ambassadeur Ali Ahani et Sayyed
dans l’œuvre de Victor Hugo. Ce colloque faisait suite à Mostafa Mohaghegh Damad, de la Fondation Afshar. Ce prix
d’autres, qui avaient analysé les relations entre Saadi et récompense chaque année un chercheur iranien ou étranger
Cervantes, Pouchkine, Confucius… Un partenariat réunit pour son travail sur la langue persane et l’iranologie. Les
le CCI et les Instituts Saadi et Char’e Ketab de Téhéran, Français brillent d'ailleurs particulièrement par l’intensité
et le Groupe Hugo de l'Université Paris VII. de leurs travaux relatifs à la culture iranienne.
hacun a insisté sur les données éco- celui des États-Unis. Selon le représentant de la
FRANCE-IRAN
REGARDS CROISÉS SUR
LA PRATIQUE DU DROIT
© DR
Kourosh Shamlou, au centre, lors de la conférence organisée par la Société de législation comparée
’Iran a récemment commencé à les juges à combler les lacunes de la loi en suivant
L’AMBASSADEUR DE FRANCE
RÉPOND AUX CHEFS
D’ENTREPRISE
Comme chaque année, durant la « Semaine des Ambassadeurs », il est
de coutume que l’Ambassadeur de France vienne présenter ses analyses
de la situation économique de l’Iran devant un parterre d’une centaine
de représentants des grands groupes réunis au siège du MEDEF à Paris.
L’Ambassadeur François Sénémaud n’a pas dérogé à la règle.
© DR
miques, et le gouvernement français cherche à
mettre en place des garanties et des prêts à l'ex-
portation afin de lever cet écueil, même si l'OFAC
(Office of Foreign Assets Control, l'équivalent du
Trésor américain) a accordé de nouvelles
licences ces derniers mois. Les échanges bila-
téraux France-Iran ont bondi ces 18 derniers tion entre la France et l'Iran se veut irréversible,
mois, avec +235% dans les exportations, dont selon l'Ambassadeur François Sénémaud.
162% au seul semestre 2017. Les importations Du 18 au 20 septembre, le MEDEF et son bureau
ont aussi explosé en raison de notre retour dans à Téhéran ont organisé une importante déléga-
l'achat du brut iranien et ont atteint le niveau de tion de chefs d'entreprises, qui ont pu prendre
2007. Les échanges dans les domaines de l'agri- la mesure du développement du pays, notamment
culture, de la recherche, de la culture ont repris sur les zones de Téhéran et d'Ispahan, troisième
de plus belle. Ce mouvement positif de coopéra- ville du pays.
+ 70 %
c’est l’augmentation du volume
de déchets urbains ménagers
produits dans le monde d’ici 2025
Source : Banque mondiale 2012
65
DOSSIER
LES DÉCHETS EN QUESTION
Longtemps relégué aux conséquences
nécessaires de notre consommation,
les déchets sont aujourd’hui devenus
une question clé pour assurer
un développement durable des villes.
Stocker ou brûler les rebuts de notre
consommation ne sont plus des solutions
satisfaisantes car elles impliquent
une pollution devenue insoutenable
pour la santé publique et la planète
tout entière. Devant l’accumulation
des ordures urbaines, il y a urgence
à trouver des solutions alternatives
et entrer dans l’ère de la raison.
Des solutions qui impliquent que tous
les acteurs de la ville jouent le jeu…
Dossier réalisé par Pascal Beria
© Alisons Adventures / Caters / Sipa
66
DOSSIER
LA VILLE
SOUS LES ORDURES
Plus une ville se développe, plus elle génère des déchets résiduels.
Des déchets qui deviennent aujourd’hui bien encombrants. Mal gérés,
ces déchets municipaux risquent de voir les principaux centres urbains
ensevelis sous leur propre production de détritus. Face à cet enjeu,
la ville s’organise et cherche à trouver des solutions pour démontrer
que la production de déchets n’a rien d’une fatalité.
bien des égards, la ville peut être com- devenue la principale productrice mondiale, sur-
L’invention de la poubelle
La question du retraitement des déchets urbains ne date pas d’hier. À la fin du XIXe siècle, alors
même que Paris se transformait sur les plans du baron Haussmann, les ordures ménagères qui
s’entassaient dans les rues de la ville devenaient un problème. Le 24 novembre 1883, le préfet
Eugène Poubelle publie un arrêté préfectoral instaurant le ramassage des déchets par
l’intermédiaire d’un ou plusieurs « récipients communs qui seront déposés le matin, à la porte de
la maison pour recevoir les résidus de ménage de tous les locataires et qui seront remisés aussitôt
après le passage des tombereaux d’enlèvement ». Ce ramassage prévoyait dès sa création un tri
sélectif séparant les déchets ménagers, les débris de vaisselle et les résidus de coquillages. Déjà,
à l’époque, l’invention du préfet Poubelle entraîna la colère des chiffonniers privés de travail ainsi
que l’attaque virulente de nombreux élus et de la presse de l’époque. Le 16 janvier 1884, un article
du Figaro fustige la « boîte Poubelle », coupable de creuser encore la misère des chiffonniers.
Notre poubelle était née.
69
DOSSIER
sation d’objets à usage unique, comme les bou- la ville le tri sélectif, le recyclage et le compostage
teilles en plastique ou les emballages jetables. de leurs déchets organiques. Des initiatives
Ces moyens reposent ensuite sur une consom- qui ont permis à San Francisco d’atteindre
mation plus raisonnable et une réutilisation des aujourd’hui 80% de déchets recyclés et lui per-
produits. La société a aujourd’hui majoritaire- mettent d’ambitionner sereinement les 100%
ment conscience que les matières premières ne pour 2020. Une première pour une ville déve-
sont disponibles qu’en quantité limitée. Produits loppée de presque un million d’habitants. En
électroniques, pièces détachées, rebuts métal- Europe, Milan donne le même exemple avec 54%
liques, produits de consommation courante de ses ordures ménagères aujourd’hui retraités
peuvent souvent être réparés, reconditionnés et un objectif de 65% fixé pour 2020. Le but étant
voire valorisés et mis à la disposition du reste d’arriver à recycler 100% des déchets en 2030.
de la population plutôt qu’envoyés à la déchet- Des chiffres rendus possibles grâce à l’implica-
terie. C’est le terrain des ferrailleurs, chiffonniers tion des citoyens dans le tri et la collecte des
et ceux qui prônent le zéro gâchis. Cette écono- déchets organiques. Des expériences locales qui
mie parallèle joue un rôle fondamental dans la font aujourd’hui école un peu partout dans le
plupart des pays en développement, où entre 15% monde et tendent à démontrer que la production
et 20% des déchets produits sont valorisés par de détritus n’est plus à considérer comme une
des micro-entreprises et des ateliers de recondi- fatalité mais comme une responsabilité de cha-
tionnement. Elle le devient aussi dans les pays cun. Reste que sa limitation repose ni plus ni
les plus riches, où nombre de start-up ont com- moins sur un changement de modèle de société
pris que le déchet pouvait aussi être une source que toutes les villes ne sont pas prêtes à opérer…
de création de valeur et alimenter le circuit de
l’économie circulaire. Enfin, les moyens reposent
sur les techniques de recyclage des produits qui
seront convertis ou transformés en compost ou
en énergie. Un principe vertueux qui encourage
une certaine forme de créativité et l’émergence
de solutions industrielles innovantes. L’ambition
visée étant que plus aucun déchet ne termine sa
vie dans une décharge polluante ou un inciné-
rateur émetteur de gaz à effet de serre.
Vous vous êtes engagés, vous et votre famille, dans un Après une dizaine d’années de pratique, est-ce
mode de vie visant le zéro déchet depuis une dizaine toujours vécu comme une démarche ou cela fait-il
d’années maintenant. Quel a été l’évènement partie de votre vie de tous les jours?
déclencheur initial de cet engagement? Ça a été compliqué au départ. Perdre d’anciennes habitudes
Le déclic a été la recherche d’une vie simple. C’est à la suite ne se fait pas du jour au lendemain. Notre plus gros challenge
d’un déménagement que nous nous sommes aperçus que la a été de trouver un équilibre. Aucun guide n’existait lorsque
plupart des biens matériels que nous avions stockés au garde- nous avons commencé à adopter ce mode de vie. Il a donc
meuble ne nous avaient pas du tout manqué. Lorsque nous fallu tester tout un tas de choses comme me laver les cheveux
avons trouvé la maison de nos rêves, nous avons donc fait le avec du bicarbonate, fabriquer mon pain, mon beurre, mon
choix de nous désencombrer de 80% de ces biens. Cette
démarche de simplicité volontaire nous a permis de nous
L E P O U V O IR E S T D A N S L E S M A IN S
éduquer sur les problèmes d’environnement dont on avait
DU CITOYEN.
entendu parler. Ce qu’on a découvert nous a fortement attristés
en pensant au futur que nous étions en train de créer pour
nos enfants. C’est là que nous avons trouvé notre motivation
pour changer notre façon de faire. Notre objectif initial était fromage. Je me suis rapidement aperçu que si c’était amusant
avant tout d’expérimenter un mode de vie plus responsable d’apprendre à faire ça, ce n’était pas viable sur le long terme.
et plus écologique. Je suis un jour tombé sur le terme «zero J’ai donc laissé tomber ces extrêmes et j’amène désormais
waste», qui était à ce moment-là d’avantage utilisé pour mon sac de pain à la boulangerie et des bocaux en verre à la
décrire des pratiques industrielles de fabrication ou de ges- fromagerie parce qu’ils fabriquent des produits bien meilleurs
tion des déchets municipaux. Ce n’était pas un terme qui que je ne saurais le faire. Le zéro déchet n’est pas un projet à
concernait les pratiques ménagères. Ça a été le déclencheur court terme, mais un mode de vie. Aujourd’hui, c’est devenu
qui m’a donné envie de pousser les choses au maximum pour complètement normal et automatique. Ça fait partie de notre
ne produire aujourd’hui qu’un bocal de déchet par an. quotidien. Ce n’est plus un sujet pour nous.
73
DOSSIER
Selon vous, est-ce aux citoyens, aux politiques ou aux loppe rapidement et qui vise un mode de vie américain. J’y
industriels d’engager la dynamique du zéro déchet? suis allée pour dire que nous, aux États-Unis, on s’est plantés.
Pour aspirer à une société zéro déchet, il faut nécessairement Il est nécessaire de faire marche arrière dans nos manières
que tous les acteurs soient sur la même longueur d’onde. Mais de consommer. En Afrique, je suis allée dans un centre de
j’estime toutefois que c’est au citoyen de faire le premier pas. recyclage à Johannesburg. J’ai été étonnée de voir qu’ils pou-
C’est lui le plus important. Acheter, c’est voter. Les fabricants vaient recycler et composter tout autant que ce que je peux
produisent ce que les citoyens achètent. Or, acheter de la nour- faire à San Francisco. Pour ce qui me concerne, la méthodo-
riture en vrac, c’est une façon d’investir dans un futur diffé- logie que je propose repose sur cinq règles. Refuser ce dont
rent. Des centaines de magasins de vrac ont été inspirés par vous n’avez pas besoin, réduire son volume de consommation,
mon livre ou des conférences que j’ai pu donner. Certains réutiliser en bannissant tout ce qui est jetable, recycler et
supermarchés voient qu’il existe un intérêt des consomma- composter tout ce qui reste. Elles sont applicables n’importe
teurs pour le vrac et se mettent donc à en proposer. Un citoyen où dans le monde.
seul a le pouvoir de créer une communauté et peut contribuer
à faire un truc énorme. Si j’avais écouté les gens lorsque je Selon vous, quel pourrait être le déclencheur d’une
me suis lancée, le mouvement du mode de vie zéro déchet prise de conscience globale de cet enjeu lié aux
n’aurait jamais démarré. Aujourd’hui, on a pu inspirer des déchets?
milliers de personnes et lancer un mouvement global. Tout On ne peut pas forcer le changement, mais on peut l’inspirer.
un tas de gros fabricant voit très bien que cette prise de Ce mouvement global n’a pas été créé en montrant du doigt
conscience est générale. Aujourd’hui, ils s’interrogent et ils ce que les autres font de mal ou en mettant la pression sur les
s’adaptent. Le pouvoir est dans les mains du citoyen. pollueurs. Je ne prétends pas dire à qui que ce soit comment
vivre sa vie. Je souhaite juste parler du positif. Casser des a
Il y a aujourd’hui un mouvement plus général en priori liés à ce mode de vie zéro déchet. Beaucoup s’imaginent
matière de valorisation des déchets, auquel participe que ça coûte plus cher, que ça prend plus de temps, ou qu’il
un grand nombre d’entreprises et de start-up. Selon faut être des hippies pour vivre ce mode de vie. On a pu prou-
vous, ce mouvement partage-t-il le même esprit que ver tout le contraire et inspirer beaucoup de gens.
votre démarche?
Le zéro déchet, ce n’est pas recycler plus. C’est ne plus avoir
à recycler grâce à la prévention des déchets. La ville de San
Francisco, par exemple, vise le zéro déchet d’ici 2020. Leur
objectif n’est en fait pas du 100% zéro déchet, mais du 100%
recyclage. Ils ne veulent pas que les habitants réduisent leurs
déchets, ils veulent qu’ils continuent à consommer pour pou-
voir faire de l’argent sur leur recyclage. J’estime que le meil-
leur déchet est celui qui n’existe pas et que l’on n’a donc pas
à recycler. Ça ne fait pas partie du même mouvement.
LE DÉCHET
à la conquête du monde
Déchets, rebuts, détritus, ordures, reliquats, résidus. Quel que soit
le nom qu’on donne au contenu de notre poubelle, son volume est
en croissance constante depuis plusieurs années. Des chiffres
éloquents qui montrent à quel point il est urgent de passer à l’action.
2,2
de tonnes de déchets seront produits dans
milliards
se
l ie
ne
l ie
s
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ya
D
Co
Ro
5% 6%
5% Afrique Revenus faibles
Asie du Sud
6%
Afrique du
Nord et
Moyen-
Orient 44 % 46 %
Pays de 29 % Hauts
l’OCDE Revenus revenus
moyens
7%
Europe et
Asie centrale
12 % 19 %
Amérique latine 21 % Revenus
et Caraïbes Asie et Pacifique supérieurs
DÉCHETS DE LA COLLECTIVITÉ
18 %
Autres
DÉCHETS MÉNAGERS
5% Déchets
Déchets de routine
Verre occasionnels
10 %
Plastique Sacs à gravats Poubelles Piles
Sacs à végétaux Cartons Ampoules
Pots de peinture Bouteilles Emballages
17 %
Verre
Papier
1 seconde
DANS UN MONDE DES DÉCHETS
Source : Planetoscope
99%
1 boîte de conserve
contient 25 % d’acier recyclé
des ressources prélevées
dans la nature deviennent des
déchets en moins de 42 jours
Source : Walter Stahel, directeur de l’Institut
de la durée, Genève
12,7
2à4 1à5
semaines mois
Mouchoir
6 à 12 en papier
mois
10 à 50
ans
Bouteille + de
en plastique 1000
ans
Bouteille en verre
78
DOSSIER
Le septième continent
UN OCÉAN D’ORDURES
La production des déchets n’est pas qu’une question urbaine. Décharges en plein air,
trafics internationaux et mauvaises habitudes individuelles ont eu tendance à faire
de nos océans une solution un peu trop commode pour se décharger de nos déchets
et des responsabilités qui en incombent. Depuis quelques années, ces pratiques
remontent à la surface à grande échelle. Formé par les courants marins, un septième
continent de matières plastiques émerge au milieu du Pacifique. Avec des impacts
désastreux sur les écosystèmes. Mettant en évidence l’urgence d’intervenir avant
d’avoir rempli les océans de nos propres détritus.
ous les fleuves vont à la mer, et la mer ne se rem- mimétisme, puisque des zones d’accumulation
© GraphicObsession
majeures en matière d’environnement. Car si
les matières plastiques se désagrègent sous l’ef-
fet conjugué de la houle et des UV, leur structure
cellulaire reste identique et certains consti-
tuants comme le bisphénol, les phtalates ou le
PCB se retrouvent disséminés un peu partout
sous forme de microparticules potentiellement
Thilafushi, l’enfer au paradis
pathogènes et ingérées par toutes sortes d’es-
pèces marines, du plus gros mammifère au On connaît les Maldives pour son archipel et ses eaux turquoises.
plancton. Une bombe à retardement épidémio- Elles sont aujourd’hui confrontées à un enjeu aux conséquences
logique pour toute la chaîne alimentaire dont le beaucoup moins paradisiaque. L’État insulaire de 400 000 habitants
dernier chaînon, doit-on le rappeler, est l’homme. voit chaque année débarquer plus de 800 000 touristes attirés par
ses plages et son sable blond. Et autant de déchets produits
SAUVONS NOS OCÉANS ou importés dans leurs bagages. Chaque jour, les 330 tonnes
Cette situation n’est pas près de cesser d’être d’ordures récoltées par bateau poubelle dans l’ensemble
inquiétante. D’abord, parce que, malgré les de l’archipel sont acheminées vers l’île de Thilafushi. Des déchets
chiffres astronomiques annoncés, les scienti- entassés à ciel ouvert, se déversant régulièrement dans la mer
fiques ont constaté que 99% des déchets écoulés ou incinérés directement sur cette « île poubelle », sans
dans les océans restaient impossibles à recenser retraitement, tri ni protection d’aucune sorte. Une véritable bombe
et devaient, de ce fait, être éparpillés quelque à retardement écologique quand on sait que la montée des eaux
part. Ensuite, parce que le volume de plastique liée au réchauffement climatique doit un jour ou l’autre submerger
déversé dans les océans continue de croître. ces îles et faire disparaître les Maldives et ses poubelles sous les
Estimé entre 5 et 13 millions de tonnes en 20103 mers. Une double sanction qui pourrait arriver plus rapidement
pour les seuls déchets ménagers et municipaux, qu’on ne pense…
il pourrait être multiplié par 10 d’ici 2025 si rien
n’est fait pour éduquer les populations et mettre
en place des méthodes de collecte efficaces dans
les pays qui n’en ont pas encore. Il y a urgence (1) « Plastic Pollution in the World’s Oceans » PLOS One, 2014
(2) « Plastic debris in the open ocean » – US National Academy
avant qu’on fi nisse défi nitivement noyés sous of Sciences 2015
un océan de déchets. (3) « Plastic waste inputs from land into the ocean », Science 2015
82
V U D’IR AN
Mobilisation de la société civile,
développement touristique : deux
raisons qui poussent les autorités
iraniennes à réagir à la dégradation
de l'environnement.
Par Jean-Claude Voisin
© Mehdi
7 200 000
le nombre de tonnes de déchets produits
annuellement en Iran (dont 70 à 75% de
matières organiques convertibles en
compost, 20 à 25% de matières sèches
recyclables, 5 à 10% d'autres déchets)
© Sonia Sevilla
D E G R A ND E S C A M PA G N E S
DE S E N S IBIL I S AT I O N S O N T
R ÉG U L IÈ R E ME N T O R G A NI S É E S prévention. Dans toute la ville, la municipalité
À T É HÉ R A N DE P U I S 2 0 0 8 . a développé le tri sélectif des ordures ménagères
avec des équipes qui passent chaque jour et
trient sur place les poubelles collectives ins-
tallées dans chaque îlot urbain : tri du verre, du
formé en espaces verts équipés de systèmes plastique, du bois, des métaux, du carton. Mais
d’irrigation appropriés. La direction générale l’organisation de la collecte des déchets n’est
des industries et activités humaines de la mai- pas si uniforme. Si à Téhéran, 57 % des maté-
rie a mis en place depuis 2011, et ce dans tous riaux recyclés ont été collectés par les services
les arrondissements de la ville, des ateliers de porte-à-porte, 34 % des ménages sont desservis
formation à destination des entreprises et pour par des programmes de collecte de tri de bor-
les sensibiliser aux bases de la pollution et à sa dure et 9 % par des centres de rachat. Dans la
restés inactifs. Arash Haidarkhani dirige une employés et produit 200000 tonnes de papier
entreprise iranienne spécialisée dans le trai- recyclé par an. Les papiers et cartons recyclés
tement et le recyclage des déchets ménagers et viennent de tout l’Iran. C’est l’exemple le plus
industriels. Il exporte même son savoir-faire abouti en matière de recyclage.
en Algérie. Néanmoins, le traitement des
déchets hospitaliers reste encore hasardeux.
UN EXEMPLE HISTORIQUE :
L’ENTREPRISE GEMAYEL L E S F R A N Ç A I S R EG A R D E N T D E P R È S C E T
Voilà peu s’éteignait, à Téhéran, Louis Gemayel, IMME N S E M A R C HÉ M A I S L E S IR A NIE N S
l’inventeur du recyclage en Iran. Ce fi ls de com- NE S O N T PA S R E S T É S IN A C T IF S .
merçant libanais y est né en 1928. Audacieux,
il reprenait à 17 ans, en 1945, la première usine
du pays, et à ce jour, la plus grande usine de trai-
tement du papier d’Iran, créée en 1942 par son
père. Il poursuit en Iran le savoir-faire de la
famille Gemayel de Bickfaya. Louis repris
ensuite l’ensemble de l'entreprise, qui connais-
sait alors des difficultés. Il importe une carton-
nerie de France et redonne un souff le à
l’entreprise. Il part ensuite se former à Grenoble
afi n d’être plus performant. En 2017, installée
sur 120000 mètres carrés dans le sud-est de
la capitale, l’usine Karizek SA compte 3000
© Mehdi
Pollution au plastique,
près d'Amol
SOCIÉ TÉ
La place du
français dans
les écoles d’Iran
Longtemps langue des élites et de la cour,
le français se reforge une place en Iran,
aux côtés de l’allemand et de l’italien,
tout de suite après l’anglais. Le français
est enseigné du jardin d’enfants à
l’université. L'ambassade de France
supervise une « École française »
accueillant les enfants des expatriés
français ou des diplomates francophones.
Des écoles bilingues privées privilégient
ou encouragent également le français,
telles Âftab Azarin ou Madani, et de
nombreux instituts privés dispensent
des cours de français.
© Jean-Claude Voisin
L'ÉCOLE MATERNELLE
« LES LUTINS »
L’AMOUR DE L’IRAN
À LA FRANÇAISE
© Jean-Claude Voisin
lottie dans les quartiers chics du nord français dans la capitale iranienne et complète l’autre éta-
© Jean-Claude Voisin
© Jean-Claude Voisin
LE FRANÇAIS
À L’UNIVERSITÉ
Interview de Dr. Mohammad-Rahim Ahmadi,
Président de L’Association iranienne de langue et littérature françaises
L’ENGAGEMENT
DU MONDE ASSOCIATIF
« LES COURS DU VENDREDI »
Créée au début des années 90 par Dominique Torabi, cette association
de droit français, dirigée actuellement par Myriam Goetz-Rahgoshay a
pour vocation d’accueillir des enfants binationaux.
ctuellement, cette association de droit français sidez cette association depuis une dizaine
Les bénévoles de
l'association
© MR
méthodes d’apprentissage en mettant l’accent et acteur de ses apprentissages. On peut aussi l’adapter à la
sur des activités plus ludiques qui, en réduisant progression suivie par l’enseignante.
l’anxiété, permettent de soutenir l’attention de Notre pédagogie collaborative, qui prend en compte la per-
nos élèves, qui travaillent dans un état d’esprit sonnalité, l’âge et les besoins des enfants, a pour objectif pri-
positif et réceptif. Leurs fautes de langage ne mordial de stimuler l’enthousiasme et la motivation de ceux
sont plus des fautes à sanctionner mais des qui sacrifient trois heures de leur seul jour de congé hebdo-
étapes du jeu, vecteur de communication puis- madaire au lieu de lézarder ou de regarder un film à la maison.
sant, favorisant les échanges et les interactions Nos programmes ne sont pas improvisés et nous tenons à
des élèves entre eux. Le jeu est pour nous un outil terminer chaque année le programme annoncé, en multi-
complémentaire, un facteur de motivation por- pliant les exercices de pratique de la conversation courante
teur de sens, qui permet de rendre l’élève actif en français durant tout le cours, parallèlement à une initia-
tion à la culture française. Les résultats sont là : l’Association concevez-vous l’enseignement au sein de
remporte très souvent le Prix de la Francophonie organisé l’Association?
annuellement par l’Ambassade de France. Les objectifs sont Haleh Lessan Pezechki - La plupart de nos ensei-
suivis avec intérêt par les parents, qui souhaitent envoyer gnantes sont là depuis plus de 10 ans. Elles viennent
ensuite leur enfant terminer ses études en France ou le pré- de l’ancienne école Jeanne d’Arc, de l’École Fran-
parer aux tests de français du DELF, pour lequel nous obte- çaise ou de l’Université de Téhéran avec un master
nons 100% de réussite. ou un doctorat en FLE (français langue étrangère).
J’aimerais insister sur un aspect qui illustre l’at-
PT - Haleh Lessan Pezechki, vous êtes la conseillère mosphère qui règne au sein de notre équipe : le taux
pédagogique de l'association depuis plus de 15 ans. d’absentéisme. Celui-ci est proche de zéro, tant chez
Comment recrutez-vous vos enseignantes? Comment les enseignantes que chez les apprenants. Cela en
dit beaucoup sur les motivations de chacune et
chacun. Enfin, l’association est un lieu où l’on
apprend les règles du vivre ensemble et le respect
de l’autre.
L E S OB JEC T IF S S O N T S U I V I S AV EC
IN T É R Ê T PA R L E S PA R E N T S ,
QUI SOUHAITENT EN VOYER
E N S U I T E L E U R E NFA N T T E R MINE R
De jeunes élèves lors SES É TUDES EN FR ANCE.
des cours du vendredi
© MR
CULTURE
Le théâtre
français en Iran
104
Théâtre français :
l’héritage Davoud Rashidi
105
Le théâtre français sur les grandes
scènes de Téhéran
106
Ghotbedin Sadeghi : l’amour de l’Iran
et le théâtre français
108
Le théâtre français contemporain :
un engouement en Iran
109
L’enseignement du français
passe aussi par le théâtre
111
© Amir Khotdami
IRAN
© Farhad Rachidi
THÉÂTRE FRANÇAIS :
L’HÉRITAGE DAVOUD RASHIDI
PARISTÉHÉRAN | OCTOBRE | NOVEMBRE | DÉCEMBRE 2017
CULTURE 105
isparu le 6 août 2016 à Théran, à l’âge de 83 ans, adulé par les étudiants en théâtre, il était un
© Farhad Rachidi
lecture du Service Culturel autour de l’œuvre de Yasmina
Reza. Davoud Rachidi n’a jamais caché son amour pour la
France, pour sa culture. Respecté par les autorités iraniennes,
LE THÉÂTRE FRANÇAIS
SUR LES GRANDES
SCÈNES DE TÉHÉRAN
ls sont de plus en plus nombreux, carrière de footballeur, il est repéré par Vadim qui lui donne
GHOTBEDIN SADEGHI :
© Majid Javani
L’AMOUR DE L’IRAN ET
LE THÉÂTRE FRANÇAIS
origine kurde, Ghotbedin Sadeghi, s’inscrit pre- l’aéroport d’Orly, ses amis français le pressent
vont se détourner des États-Unis et de la Grande- français fait l’objet de très nombreuses traductions. Moi-même
Bretagne. Ils regardent vers la France. Ce qui je dirige une collection dédiée au théâtre (NDLR : les éditions
m’intéresse dans le théâtre français, c’est aussi Ghâtreh) qui donne une grande place au théâtre français, tant
bien la forme que le fond. Par exemple, dans Les avec des traductions qu’avec des publications d’ouvrages
Fourberies de Scapin de Molière, cette concur- français de référence sur le théâtre en général (voir encadré).
rence entre les jeunes dans le besoin et les vieux, Molière est à reprendre. Je voyais qu’ici le public ne compre-
riches, qui attirent les fi lles, c’était l’Iran de ma nait pas Molière. Ayant assisté à des mises en scène de Molière
jeunesse. Une situation, un choc dans notre réalisées par Antoine Vitez, ce fut une révélation. Je compris
société d’alors, un miroir de la société en sorte. que cette incompréhension venait des traductions. Avec Sar-
Dans Médée, Jean Anouilh met en scène la reven- tre, Camus, Gide, Ionesco, Beckett, Giraudoux, Duras, l’in-
dication féminine, qui était très forte dans les telligentsia iranienne se retrouvait derrière les mythes
années 80 en Iran. En jouant Médée ici en Iran, évoqués, cette notion du combat, des mouvements sociaux,
je voulais mettre en avant la femme iranienne de la politique contemporaine, de la culture sociale que le
courageuse, déterminée. Le théâtre reste le seul public adore en Iran. On renouait ainsi avec la grande tradi-
endroit public où l'on s’oxygène. tion des relations culturelles entre la France et l’Iran. En 2017,
ce qui attire le public, étonnamment jeune au théâtre, ce sont
PT - Quelle place le théâtre français occupe- les analyses microcosmiques, les relations intimes entre amis,
t-il dans l’Iran d’aujourd’hui? Quels auteurs à l’intérieur du couple, les rapports affectifs. L’Iran, peut-être
suscitent le plus d’intérêt? aussi l’Occident, connaît une période de crise sur le plan affec-
GS - C’est déjà un théâtre de prestige. Mais les tif. Eric-Emmanuel Schmitt répond à ces angoisses, inter-
traductions des classiques ne sont pas excel- pelle. C’est l’un des auteurs modernes probablement le plus
lentes. En revanche, le théâtre contemporain joué en Iran. Sa façon d’analyser les rapports humains a
quelque chose d’universel.
LE THÉÂTRE
FRANÇAIS
CONTEMPORAIN
UN ENGOUEMENT
plusieurs villes d’Iran. Olivier Py, Joël Pommerat, PT - Comment êtes-vous venu au théâtre
Yasmina Reza, Jean-Marie Besset, Véronique Olmi, Mateï français?
Visniec, Eric-Emmanuel Schmitt sont à l’affiche. Aujourd’hui, MRK - Ma formation de maîtrise du théâtre à
ces pièces sont montées avec un grand succès. Le professeur l’Université Paris VIII à Saint-Denis, puis de
Ahmad Kamiabi-Mask, dans les années 80-90, traduisait doctorat à Paris III, m’a familiarisé avec le fran-
l’œuvre intégrale d’Eugène Ionesco puis Dariush Moadabian, çais et la culture française, que j’ai plaisir à par-
MohammadReza Khaki, Shahla Haeri, Tinouch Nazmjou, tager ici avec mes compatriotes. Même si
Asghar Nouri... D’autres traducteurs grâce à leurs traduc- l’enseignement du français est plus important
tions donnent accès aux lecteurs iraniens. Les traductions qu’on veut bien le dire, il se pratique peu en Iran,
du théâtre moderne viennent compléter les classiques dont et je pense que le théâtre est un excellent moyen
Molière sonna les premières heures en Iran. pour faire connaître la culture et la langue fran-
Mohammad Reza Khaki est un professeur et metteur en scène çaise. Pour cette raison, je suis un fidèle du fes-
amoureux du théâtre français. Il a déjà monté plusieurs pièces tival étudiant du théâtre francophone, et je le
dont les œuvres de notre grand scénariste et dramaturge soutiens. J’ai l’intention de remonter prochai-
Jean-Claude Carrière, dans les grandes salles de la capitale. nement pour la deuxième fois « Le circuit ordi-
naire» au mois de juillet-août 2017 au théâtre
ParisTéhéran - Pourquoi cette passion pour les œuvres Iranshahr. Et j’envisage également de monter la
de Jean-Claude Carrière? pièce «Incendies», le chef-d’oeuvre de Wajdid
Mohammad Reza Khaki - J’avoue que je deviens un incon- Mouawad, que je viens de traduire récemment
ditionnel de Jean-Claude Carrière. Je viens de monter deux du français en persan.
de ses pièces au Théâtre de la Ville. J’apprécie leur montage,
la trame, et je les trouve très bien faites. Les sujets contem- PT - Comment expliquez-vous ce grand inté-
porains abordent des aspects de la vie de tous les jours dans rêt du public iranien pour le théâtre français?
des non-dits très intéressants. Dans «Le circuit ordinaire», MRK - Déjà la connaissance des œuvres théâ-
qui est resté 30 jours sur scène à Téhéran en 2010, Carrière trales françaises est une constante en Iran. Les
fait dialoguer deux personnages des services spéciaux et crée grands classiques, avec en tête Molière, ont été
L’ENSEIGNEMENT DU FRANÇAIS
PASSE AUSSI PAR LE THÉÂTRE
nseignés à l’Institut français de de pratiquer la langue mais j’y vois aussi un usage artistique
© DR
Le deuxième festival de théâtre francophone étudiant
LE FESTIVAL ÉTUDIANT
DU THÉÂTRE FRANCOPHONE
UN TREMPLIN ?
epuis 2016, l’Association Iranienne Dupuy, Marc Fayet, Jean Tardieu, Roland Dubillard, ou
© DR
L’ARCHITECTURE
TRADITIONNELLE
EN BOIS EN IRAN
Le musée du patrimoine
rural du Guilan
Considéré à juste titre comme le plus bel exemple
d’écomusée de tout le Moyen-Orient, le Musée du Guilan,
sur les bords de la Caspienne, est né en 2005 de la volonté
d’un homme, Mahmoud Taleghani, professeur émérite
de l’Université de Téhéran et enfant du pays, avec
le soutien de l’Organisation iranienne du Patrimoine
culturel, d’Artisanat et du Tourisme, et sous le patronage
de l’UNESCO. Il est aujourd’hui l’un des musées les plus
fréquentés d’Iran et n’a rien à envier aux grands musées
d’Ungersheim et du Bollenberg, dont il a adopté
la méthode d’approche.
Par Jean-Claude Voisin
est le plus grand musée vivant à ciel ouvert d’Iran. sine, agriculture, mais aussi expositions, animations quo-
© IICAR
Le complexe d’habitation Montazeri comprenant la maison, le grenier à blé et le four à pain, représentant un village de la plaine du Guilan
chacun représente un style architectural et un type d’ha- regarder, se reconnaître, et rechercher l’explication du
bitat en fonction du lieu géographique et des conditions cli- territoire auquel i l est at taché, joint à cel le des
matiques. populations qui l’y ont précédé, dans la discontinuité
Les bâtisses exposées au musée ont été démontées pièce ou la continuité des générations.
par pièce pour être ensuite remontées et reconstruites tout Enfin, dans un pays de désert, la préservation d’une tradition
en préservant et ravivant l’esprit qui les a jadis animées. fondée sur l’usage du bois dans la construction est un
L’architecture rurale du Guilan est typique de l’architecture défi en soi.
en bois, unique en Iran, et s’avère être une architecture
durable, respectueuse de l’environnement, pouvant inspi-
rer le développement durable en Iran.
Ce musée est un miroir dans lequel tout un chacun peut se
© IICAR
L’entrée principale du musée
montagne du Guilan
© IICAR
© IICAR
La maison Mirsar, typique de villages de la plaine du Guilan Farchaj pour faire sécher les feuilles de thé
Le marécage symbolisant la
mer Caspienne, autour duquel
ont été reconstruits des
© IICAR
villages côtiers
© IICAR
La maison Moradi, typique de villages de la plaine centrale du Guilan
© IICAR
© IICAR
LA MUSIQUE
CLASSIQUE FRANÇAISE
au bord du
Golfe persique
Le pianiste Thomas Tacquet
E N S I X J O U R S , N O U S AV O N S D O N N É
À N O U S T R O I S P LU S D E 4 0 H E U R E S
DE MA STERCL A SSES.
Bulletin d’abonnement
Date_______________________________ Signature
Prix valables en France métropolitaine. Benelux et DOM : 45 € ; autres pays européens et Suisse : 50 € ; TOM et autres pays du monde : 60 €. Facture transmise sur demande. Conformément à la loi Infor-
matique et Libertés du 6 janvier 1978, vous disposez d’un droit d’accès ainsi que d’un droit de rectification aux données vous concernant. Il vous suffit de nous écrire en nous indiquant vos coordonnées.
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