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Alexandra Schmidt
- Les textes accessibles sont protéges par les lois sur le droit d'auteur ;
- Les seuls usages de ces textes qui sont autorisés sont "l'analyse ou la courte citation
justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d'information
de l'oeuvre à laquelle ils sont incorporés" ;
- Toute citation doit clairement indiquer le nom de l'auteur et la source (art.41 de la loi du
11 mars 1957)
SOMMAIRE
Chapitre I Chapitre II Chapitre
III Conclusion Bibliographie
INTRODUCTION
7. Conclusion
INTRODUCTION
Introduction
Abréviations
Index des entrées
Lexique
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
par
Alexandra Schmidt
- Les textes accessibles sont protéges par les lois sur le droit d'auteur ;
- Les seuls usages de ces textes qui sont autorisés sont "l'analyse ou la courte citation
justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d'information
de l'oeuvre à laquelle ils sont incorporés" ;
- Toute citation doit clairement indiquer le nom de l'auteur et la source (art.41 de la loi du
11 mars 1957)
INTRODUCTION
Le terrain étudié ici est ce qui est communément appelé (hors contexte
universitaire) une secte : la secte Moon. D'ailleurs, par le fait même d'appeler
ce groupe "secte", nous entrons dans le vif du sujet de l'ethnométhodologie, à
savoir, dans le débat ethnométhodologique sur la "sociologie profane" par
rapport à la "sociologie professionnelle", et notamment les questions
concernant les différents langages naturels.
Toutes ces caractéristiques ont fait qu'il existe relativement peu d'études
sociologiques ou ethnologiques de terrain sur la question. Celles qui existent,
d'ailleurs, sont souvent soumises à une très forte contestation, universitaire ou
non- universitaire.
C'est a posteriori, par rapport à mon terrain, que l'ethnométhodologie m'a paru
être un vecteur utile et intéressant pour une étude d'une secte. A posteriori,
pour la simple raison qu'il s'agit pour moi d'une découverte récente, alors que
mon expérience des sectes date de plus d'une douzaine d'années.
J'eus tout d'abord un sentiment de soulagement immense du fait que, dans le
plus strict respect de la rigueur scientifique, je pouvais parler sans longues
paraphrases des "sectes", et non plus des "mouvements de type sectaire",
des "nouvelles organisations religioso-financières"... : grâce au concept de
l'indexicalité, notion de base en ethnométhodologie, l'utilisation du mot se
légitime par sa contextualisation. Cette attitude intellectuelle m'a paru tout à la
fois honnête, modeste et extrêmement pertinente. C'est dans cet esprit que
j'entreprends ici de présenter une secte à travers la "grille" (mot anti-
ethnométhodologique s'il en est) de l'ethnométhodologie.
L'étude lexicale n'est pas sans avoir des modèles, même si ces modèles n'ont
pas été appliqués à une secte, ou un mouvement en particulier, mais à un
domaine particulier des sciences sociales, par exemple. A témoin, les
ouvrages de Jeau Cazeneuve (Dix grandes notions de la sociologie(3)) et de
Ducrot et Todorov (Dictionnaire Encyclopédique des Sciences du
Langage(4)), où les auteurs présentent leur domaine sous forme d'un lexique
des concepts.
NOTES
1 Weber, Max : sociologue allemand (1864-1920), considéré comme l'un des
grands fondateurs de la sociologie, a élaboré une typologie succincte des
mouvements religieux.
- Les textes accessibles sont protéges par les lois sur le droit d'auteur ;
- Les seuls usages de ces textes qui sont autorisés sont "l'analyse ou la courte citation
justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d'information
de l'oeuvre à laquelle ils sont incorporés" ;
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11 mars 1957)
Chapitre I.1
BREVE PRESENTATION DE
L'ETHOMETHODOLOGIE
L e présent chapitre se présente comme une introduction,
accompagnée d'une réflexion personnelle sur l'ethnométhodologie. Ce
mot d' "ethnométhodologie" n'est pas largement répandu dans le
contexte universitaire français. Il paraît donc indispensable, avant
d'aborder les différentes notions qui en constituent les outils principaux,
d'établir une sorte de "fiche signalétique" de cette discipline.)
[BabelWeb] [Revoir l'introduction] [ Table des matières ] [ Chapitre I.2] [Notes ] [Thésaurus
ethnométhodologique ]
Notes
[BabelWeb] [Revoir l'introduction] [ Table des matières ] [ Chapitre I.2] [Notes ] [Thésaurus
ethnométhodologique ]
Chapitre I.2
[BabelWeb] [Chapitre I.1] [ Table des matières ] [ Chapitre I.3] [Notes ] [Thésaurus
ethnométhodologique ]
Il n'est pas question, ici, de s'aventurer dans une longue analyse de la pensée
philosophique et scientifique sur la connaissance. Cependant, les
connaissances actuelles, aussi bien dans les sciences humaines que dans les
sciences physiques (ou naturelles), montrent une si étroite imbrication et
interaction des découvertes et des concepts, une "réflexivité
permanente science <-> philosophie" (Edgar Morin) qu'on ne peut échapper
aux interférences, que révèle bien, notamment, cette branche de la sociologie
dite "sociologie de la connaissance".
Cette approche 'profane' d'une question aussi vaste n'est ici volontairement
qu'esquissée à une fin toute pratique : mieux éclairer la démarche
ethnométhodologique utilisée dans le présent travail de diplôme. Il paraît donc
utile de replacer l'ethnométhodologie non seulement dans le contexte de sa
propre discipline générale (sociologie et/ou ethnologie), mais dans un
contexte épistémologique plus large. Cette lecture particulière de l'épistémè
occidentale paraîtra inévitablement réductrice. En ce qu'elle représente une
gestion localisée (en l'occurrence : personnelle) d'une masse infinie de
connaissances, dont une parcelle seulement est détenue ; elle est en fait une
approche "indexicale" de l'épistémologie.
Ce fonctionnement implique une "vérité" une, qui est accessible par degrés au
moyen de la connaissance (c'est le propre de l'initiation). Elle se traduit, entre
autres, par des systèmes de pensée dualistes (la chose par opposition à son
idée, l'opposition sujet-objet, la société par opposition à l'individu...), ou
linéaires (positivisme, l'idée d'un progrès vers une plus grande vérité, de la
marche de l'humanité vers un avenir meilleur...)
Elle est cumulative, et confère une autorité à ceux qui en détiennent plus que
les autres. On verra plus loin que c'est ainsi que le "sociologue professionnel"
(Garfinkel, dans Coulon, op.cit.), est devenu un mandarin de la connaissance
de la réalité sociale.
Il est facile d'illustrer cette déraison. Nous commencerons par donner trois
exemples de démarche dite rationaliste, dans trois domaines différents : la
philosophie (Hegel), la politique (Lénine) et la gestion d'entreprise (Taylor),
toujours par ce même procédé profane qui implique non seulement les
contraintes du temps et de l'espace impartis pour écrire le présent mémoire,
mais également les limitations inhérentes à la connaissance, la sélection et
l'interprétation personnelles :
"l'existence vivante des êtres noologiques, idées, symboles, esprits, dieux, qui
disposent, non seulement d'une réalité subjective, mais d'une certaine
autonomie objective."
"Produits par les cerveaux", dit-il, "ils deviennent des vivants d'un type
nouveau."(12)
Ce genre de "vérité euphorique", nous dit Morin, est ce avec quoi nous
remplissons la zone d'incertitude entre le moi et l'environnement, ce qui,
comme les mythes et les religions, nous rassure, plaque une grille
d'interprétation sur l'incompréhensible.
Notes
10 Cazeneuve, op.cit. p. 65
CHAPITRE I.3
[BabelWeb] [Chapitre I.2] [ Table des matières ] [ Chapitre I.4] [Notes ] [Thésaurus
ethnométhodologique ]
Comme le dit Mead, il existe une méthode (elle utilise même le mot de 'rite'!)
parfaitement connue pour devenir sociologue professionnel : des cursus
d'études universitaires définis, sanctionnés par des diplômes précis qui
confèrent le statut de "sociologue" (et il y a consensus à cet égard quel que
soit le pays et quelles que soient les différences entre les systèmes
universitaires).
On met ensuite en pratique les connaissances acquises, dont le but avoué est
un compte rendu explicatif, comparatif, voire absolu des groupes sociaux, des
faits sociaux, des ensembles sociaux, en bref, de l' "objet social".
Il est impossible, dit Garfinkel, de séparer le terrain étudié et celui qui l'étudie :
il y a nécessairement interaction. Cette idée nous relie à une notion
fondamentale en ethnométhodologie : celle de membre, notion que nous
étudierons en plus grand détail plus loin.
Dans tous les autres villages, on construit tout autant que chez les
sociologues. Sans diplômes, sans visées théoriques, mais au moyen d'une
connaissance admise, transmise, adaptée, en ajustement permanent, les
habitants de chaque village élaborent des méthodes pour vivre ensemble,
faire des choses ensemble, pour se raconter entre eux, et pour d'autres, ce
qu'ils font ensemble. Ils acquièrent une compétence incontestable dans leur
fonctionnement en tant qu'habitants de leur village: ils disent ce qu'il faut au
moment où il le faut, ils se font parfaitement comprendre par, et comprennent
eux-mêmes parfaitement les autres membres de leur village. En tant que
membres, ils ont acquis l'exact savoir-faire, la "compétence unique" (unique
adequacy).
La réalité sociale n'est pas réifiable, elle n'a pas d'existence objective en
dehors de ses acteurs. Dans la préface aux Studies in Ethnomethodology,
Garfinkel pose un nouveau postulat pour la sociologie :
Or, la même chose peut être dite au sujet de toute personne décrivant des
groupes, des processus sociaux. Elle révèle son origine par la façon-même
de procéder à cette description.
Cela revient-il à dire que tout le monde est sociologue? Oui, dans la mesure
où
Il m'a paru intéressant ici, pour éclairer plus avant cette notion de
compétence, de relever l'utilisation de ce même mot dans deux contextes
différents, "la compétence du bébé", et "la compétence messianique".
Dans le premier cas, il s'agit d'une illustration du fait que certains postulats de
la démarche ethnométhodologique existent en parallèle dans des domaines
tout à fait différents, en l'occurrence la pédiatrie.
L'idée de la "compétence du bébé" vient du Dr. T. Berry Brazelton (24),
spécialiste mondial reconnu du nouveau-né. Il a développé une méthode
d'évaluation de l'état général de santé et de développement du nourrisson qui
tranche radicalement avec les méthodes passées, car elle met en jeu "le bébé
en tant que personne", et partant, comme compétent pour faire ce que fait un
bébé. La pédiatrie, depuis presque toujours, avait toujours concentré son
activité sur l'aspect physique, à l'exclusion du relationnel, du nouveau-né. Le
bébé était une catégorie collective, sub-divisée à la rigueur en bébé dormeur,
bébé grognon, bébé pleureur - une sorte de typologie du bébé. Mais en tous
les cas, c'était un être passif. L'attitude du pédiatre était basée sur cette vision
réductrice, et ses indications portaient sur les seuls mécanismes
physiologiques. La nouveauté, dans la démarche de Brazelton, est de faire
émerger non seulement la compétence unique de chaque bébé, mais de
l'aborder dans son contexte, en tenant compte des interactions multiples du
bébé et de son environnement. Le bébé n'est pas séparable de ce dernier. Il
est membre du village qui est sa famille. Il est directement engagé, avec
l'ensemble des autres membres de son village, à créer une réalité commune.
C'est exactement le point de vue de Brazelton, qui intègre le bébé comme
être unique, doué de compétences uniques, dans un contexte précis, et il en
étudie les caractéristiques physiologiques, psychologiques, affectives en
interaction dynamique.
Il m'a paru que cette approche relève des considérations les plus utiles à une
compréhension de l'ethnométhodologie.
Notes
19 Idib
20 L. Petrossian, La Croyance Astrologique
moderne, éd. L'Age d'Homme, directeur de
publication Edgar Morin
22 Garfinkel, Studies
CHAPITRE I.4
Le membre qui raconte son village est membre des observateurs de son
village (voir aussi l'alinéa 6 du présent chapitre sur ce point, pour distinguer
cet aspect d'avec l'aspect réflexif de la réalité accomplissante par rapport à la
réalité 'se racontante').
Cet exercice, outre qu'il démontre l'erreur commise par la démarche dite
"objective" parce qu' "extérieure", "non-engagée", montre aussi que le
membre, se disant membre et explicitant sa membritude, est qualifié en tant
que tel à rendre compte de façon plus exacte de la réalité du groupe dont il
est membre.
CHAPITRE I.5
L'"ACCOUNT" INDEXICAL
"L'essence de notre message au lecteur est que la communication est
la matrice dans laquelle sont enchâssées toutes les activités humaines."
Introduction
I. 5.1 La création de sens
I.5.2 La "nouvelle communication" : un étai pour le concept d'indexicalité
I.5.3 Communication linéaire et gnose sociologique
I. 5.4 La communication interactive et accomplissante
I. 5.5 L'indexicalité en tant que communication dynamique
I. 5.6 L'Account en tant que "moment" indexical
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ethnométhodologique ]
L'indexicalité est la notion selon laquelle le sens d'un mot renvoie au contexte
dans lequel ce mot a été énoncé. Indexicalité est le terme utilisé en français
pour rendre les termes "indexical expression", utilisés par Garfinkel.
L'indexicalité concerne le problème du sens, de la communication, et donc de
la création du sens en tant que facteur constitutif fondamental du
fonctionnement social.
Père = Dieu
Père = Moon
père = père 'biologique'
Selon l'utilisation, selon le contexte, le moment, l'énoncé et l'énonciateur, il
apparaît très clairement au membre mooniste de quel père il s'agit. Cet
exemple simple montre également le lien entre la notion de membre et la
notion d'indexicalité. Seul le membre mooniste, ou le "péri-mooniste" (voir
Chapitre II) peut repérer les différents sens, et attribuer le sens approprié en
fonction de son contexte, parce que familier avec, connaissant, et participant
à la création de ce contexte.
5.1 La création de sens
Cette notion du sens contextué du mot, bien que n'étant pas neuve, acquiert
une force particulière dans la réflexion ethnométhodologique de par les
prémisses de base de cette discipline. En effet, dans la mesure où la réalité
sociale n'est plus une chose figée, fixée dans le temps et dans l'espace, dans
la mesure où elle est perçue comme un accomplissement plutôt
qu'un objet, le contexte de l'emploi des mots devient lui-même une chose
mouvante. Le sens des mots utilisés par rapport à un contexte mouvant
devient lui-même mouvant. Il y a création permanente de sens.
L'irrémédiabilité de l'indexicalité provient donc de cette mouvance permanente
du contexte, donc du sens, qui ne peut jamais être totalement saisi, figé, en
une "définition" (définition impliquant une finitude du sens).
C'est précisément par rapport à cette notion qu'il faut aborder le Chapitre III
du présent mémoire, à savoir le lexique du langage naturel mooniste.
Ce modèle est basé sur l'idée que l'information est un contenu fixe, émis par
l'émetteur, reçu par le récepteur, qui interprète ce contenu - l'idée impliquée
étant que le récepteur reproduit exactement le m坢e contenu, dans son
interprétation, que celui envoyé par l'émetteur (Shannon inclut cependant, il
faut le noter, le parasitage par interférence d'un "bruit" à différentes étapes de
la transmission). Il n'y a pas interaction, il y a simple transmission.
Le modèle Shannon, qui traite l'information comme si elle était une entité
morte, stable, immuable, correspond bien au terreau platoniste de la
sociologie traditionnelle. Elle permet l'idée d'une possible "description absolue
de la réalité"(28).
L'extrait ci-dessus montre le lien direct qui existe entre cette approche actuelle
de la communication, et la notion d'indexicalité en ethnométhodologie.
Ce n'est pas ici le lieu d'élaborer ces découvertes et études sur la
communication en tant que telle. Il importe surtout de savoir que la notion
d'indexicalité n'est pas une simple invention d'une quelconque école
sociologique, mais qu'elle correspond, non seulement à une perception plus
fine de la réalité sociale, mais aux découvertes les plus actuelles s'exprimant
dans d'autres sciences sociales.
Garfinkel considère que la réalité sociale est par essence "accountable", c'est-
à-dire racontable. Mais il ne faut pas, si l'on veut rendre justice à ce terme et à
sa richesse, le réduire à ce qui vient en t坱e lorsqu'on parle de "raconter" en
termes de travail sociologique - à avoir, par exemple, un mémoire semblable
à celui-ci qui, présentant un terrain donné, raconte ce dernier (un tel a fait
ceci, puis il s'est passé cela) sur tant de pages dactylographiées. L'account
est une notion plus vaste. Bien entendu, les pages écrites à la machine, les
mots sur les pages, font partie de l'account. Mais l'account inclut tous les
processus faisant que l'on raconte - découverte du terrain, intégration en tant
que membre à des degrés divers, maîtrise du non-dit du groupe, reproduction
par écrit du "vu et vécu" - et devient ainsi, au m坢e titre que la réalité décrite,
un accomplissement de cette réalité. L'account d'un groupe fait partie de la
réalité de ce groupe. C'est à partir de ces considérations que l'on voudra bien
comprendre le néologisme que j'ai pris la liberté d'utiliser en Chapitre II - le
péri-moonisme" - qui représente le groupe social en tant qu'interaction entre
un sous- groupe totalement fermé et interdit au monde extérieur (la secte
Moon), et les groupes autour de ce dernier, ainsi que les processus de
création de la réalité qui proviennent de cette interaction. Le compte-rendu de
tous ces processus forme l' "account".
Notes
CHAPITRE I.6
La réflexivité est le trait d'union entre le réel en tant que "contexte de compte
rendu" et le réel en tant que "contexte d'accomplissement" (37), et elle
apparaît donc comme inhérente aussi bien à la réalité sociale elle-mˆme, qu'à
tout travail sur la réalité sociale.
J'ai placé cette notion en dernier lieu dans le présent chapitre, car elle me
paraît résumer et contenir les autres notions-clef de l'ethnométhodologie,
décrite précédemment. Elle introduit également, par là-même, le chapitre
suivant de ce mémoire, à savoir la présentation du terrain, en tant que
contexte du lexique donné en troisième partie. Ainsi faut-il garder toujours à
l'esprit que cette présentation, ainsi que le lexique, sont des "accounts", et
qu'ils renvoient en tant que tels réflexivement à leur contexte.
Notes
[BabelWeb] [Chapitre I.5] [ Table des matières ] [ Chapitre I.7] [Notes ] [Thé
CHAPITRE I.7
Conclusion
Cette approche évite également le piège de l'auto- validation qui fragilise tant
les théories en sciences sociales. Watzlawick, notamment, dans La Réalité
de la Réalité (39), a montré le processus par lequel ce phénomène survient :
Karl Popper est cité. C'est l'un des grands philosophes contemporains, dont
toute l'oeuvre est basée sur une réfutation de l'épistémologie platonicienne.
Ainsi revenons-nous au contexte épistémologique de l'ethnométhodologie ; et
dans cet esprit, poursuivons par une application directe de ce cadre et de ses
outils.
Notes
39 op.cit. p. 58
CHAPITRE II
INDEXICALITES PERI-MOONISTES
- Les textes accessibles sont protéges par les lois sur le droit d'auteur ;
- Les seuls usages de ces textes qui sont autorisés sont "l'analyse ou la courte citation
justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d'information
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11 mars 1957)
Introduction
Ceci est une brutale schématisation de ces trois catégories. Mais c'est
elle qui fonctionne dans ce milieu, car c'est par ces positionnements
qu'on "se reconnaît" entre soi, et que sont déterminés et le langage et
les procédés à l'intérieur de l'environnement. Car, bien entendu, il y a
une myriade de nuances à l'intérieur de chaque groupe. Il y aurait des
AS résolument "anti-sectes", par exemple, et reconnus comme tels par
certains péri- moonistes, mais qui paraissaient suspects aux yeux d'un
sous-groupe PM-AS, les parents de moonistes, à cause de leur langage,
considéré comme trop élaboré, et de leur argumentation considérée
comme trop distante par rapport aux préoccupations véritables des PM-
AS. Il y avait, dans ce cas, une trop grande part d'indexicalisation chez
les uns et chez les autres, qui rendait difficiles les négociations et les
convergences.
La secte Moon est un raccourci pour nommer ce qui est à la fois une
église, une organisation politique, une multinationale d'affaires, et une
secte messianique.
Sun Myung Moon, son fondateur, est né en Corée en 1920, dans une
famille bouddhiste qui se convertit au Protestantisme lorsque Moon a
environ 10 ans. C'est en 1936 qu'il dit avoir reçu la révélation de sa
mission, et en 1946 qu'il fonde sa première église, en se proclamant le
Messie-Seigneur du Second Avènement.
Durant cette époque, jusqu'en 1954, lorsqu'il fonde les bases de ce qui
deviendra le mouvement connu aujourd'hui sous le nom d' "Association
du Saint- Esprit pour l'Unification du Christianisme Mondial" (plus
succintement l'Eglise de l'Unification, l'EU) avec cinq personnes, il fait
des études, il prêche, se fait emprisonner par les autorités
communistes, vit dans la misère, se marie plusieurs fois, en bref,
cherche sa voie. Ses souffrances durant cette période sont décrites
ainsi par ses disciples : "Pendant ces années de recherche et de
combats intenses, il versa des torrents de larmes. Ses yeux étaient
souvent tellement enflés que même les personnes qui étaient les plus
proches de lui reconnaissaient avec peine. Ses larmes coulaient si fort,
qu'elles mouillaient parfois les nattes épaisses qui recouvrent le
plancher en Orient, et passaient au travers du plafond de l'étage en
dessous. Il pleurait à cause de la souffrance de Dieu." (4)
Je devais découvrir quelques années plus tard que ce livre était l'oeuvre
fondamentale d'une secte, la Scientologie, dont Ron Hubbard était le
fondateur. Mon rejet et mon refus prenaient alors un sens.
<="" a="">
<="" a="">Le "novlangue" telle que présentée par Orwell (6) me paraissait
bien représenter ce que je ressentais profondément, à savoir que le langage
est aussi un pouvoir, qu'elle est une manifestation humaine si puissante
qu'elle peut modifier les hommes, leurs pensées, et leurs actes. En résumé, le
novlangue est une langue développée, dans l'ouvrage cité, par l'Autorité au
pouvoir, afin de contrôler les pensées des êtres humains, et partant, leur
comportement personnel et social :
L'ADFI fut créée en 1976, à Paris, par un groupe de parents dont les enfants
étaient devenus membres de la secte Moon.
Son but était d'informer les pouvoirs publics et le public en général sur les
agissements des sectes.
Ce groupe fondateur fut rapidement rejoint par d'autres parents, dont les
enfants étaient partis dans d'autres sectes qui peu à peu s'installaient et se
développaient en France (Enfants de Dieu, Scientologie, Krishna, etc.).
Concentrée sur la France dans un premier temps, l'ADFI prit une dimension
internationale dès 1980, établissant officiellement des liens de travail avec ses
homologues à l'étranger.
L'ADFI avait loué des locaux (trois petites pièces) à l'intérieur d'un local plus
grand qui appartenait à la paroisse voisine. Le nombre d'employés, (un seul
dans les débuts, trois actuellement), fut toujours très limité au vu du travail à
accomplir, pour des raisons budgétaires et l'équipe était, est encore,
composée principalement de bénévoles.
L'extraordinaire faisait irruption par un coup de fil ("mon fils a disparu dans
une secte en Amérique"), par une lettre ("ma fille refuse de nous parler depuis
qu'elle est dans cette secte"), par une visite ("mon mari est devenu membre
de tel groupe : est-ce que c'est une secte?"), ou par un événement, dont l'un
des plus célèbres fut le suicide collectif du groupe 'Le Temple du Peuple', de
Jim Jones, au Guyana.
L'ordinaire qui en découlait consistait à noter l'appel dans un registre, à
classer la lettre, à répondre au visiteur, à préparer des dossiers pour les
média et les pouvoirs publics lors d'un événement, sur leur demande.
Par contre, d'autres interrogations étaient plus "mesurées" (cas, par exemple,
des autorités publiques) ou foncièrement hostiles ou méfiantes.
On choisissait donc les mots, les arguments, les exemples et les documents
en fonction de ce qui pouvait être le mieux perçu et accepté par
l'interlocuteur.
Pour les parents, par exemple, le mot de "secte" était utilisé dans le sens
communément admis. Entre parents, on savait de quoi on parlait : un
quelconque leader professait une quelconque "vérité absolue" et recrutait des
gens pour servir Dieu, ou aider l'humanité, mais en réalité pour développer sa
propre puissance. Quand on dit "secte", on parle automatiquement de
quelque chose de mauvais, d'un groupe qui vole les enfants, en fait des
esclaves pour gagner de l'argent à bon compte.
Lorsque ces mêmes parents, par contre, devaient parler à des autorités
publiques, ou à des professionnels (psy, religieux, etc.), ils s'apercevaient que
ce contenu de sens commun était mis en cause, questionné, récusé parfois.
On disait d'eux qu'ils étaient dans une "association anti- sectes", expression
connotée très négativement.
Leur méthode était simple : il fallait apprendre ce que des autorités reconnues
en la matière (dans les sciences sociales notamment) avaient dit sur ces
questions, afin d'étayer leur propre expérience par des études réalisées par
de plus compétents qu'eux.
Il a fallu gérer des tabous. Le groupe des parents, et par extension l'ensemble
du groupe des PM-AS, devait s'armer, pour parler, pour interagir, de concepts
nouveaux pour eux.
Quelles pouvaient être les sources de connaissance sur les sectes, sur le
religieux, sur la gestion des tabous.
La théologie, bien sûr, mais son impact pouvait être limité - il s'agissait, et
c'était un accord tacite pour toute personne qui travaillait dans ce contexte,
d'éliminer au maximum le religieux dans une activité qui voulait acquérir une
justification et une reconnaissance d'utilité sociale dans un Etat laïc. Le
religieux était tabou dans l'association, car tabou dans la société : trop
subjectif. La législation recouvrait ce domaine par la séparation de l'Etat et de
la religion, et par la liberté de conscience, et on préférait généralement s'en
tenir à cela.
Donc, le droit. Mais le mot de secte n'existe pas en droit. Il fallait extraire ce
qui, dans le contenu quotidien et allant-de-soi de la connaissance des parents
sur les sectes, pouvait correspondre à des catégories acceptées en
jurisprudence : le droit associatif, le droit fiscal, etc.
L'extérieur réagissait de façon différenciée. Nous verrons plus loin les détails
de l'interaction, telle qu'elle s'est développée sur plusieurs années.
Cependant, le code de base, admis, sous- entendu mais secret, était qu'il ne
fallait pas accepter le discours et l'attitude des parents. Un parent est par
définition suspect à cause de la lourde part d'affectif qu'il introduit dans un
débat qui concerne son enfant. Ce code déterminait les attitudes. Il fallait,
pour toute discussion, définir sa propre position, et pour que celle-ci soit
admise comme valable, établir une distance par rapport à l'attitude des
parents. Cela signifiait être calme. Utiliser un langage non pas personnel,
mais se voulant "objectif". Cela signifiait prétendre que l'on était tolérant,
même si on ne l'était pas (cas fréquent).
Ce fut l'époque où les familles durent adopter une position différente, qui
pourrait se résumer ainsi :
"Je ne parlerai plus des culottes de ma fille, je ne me plaindrai plus que
mon fils ne veuille plus me parler, mais par contre, mon enfant travaille
sans couverture sociale. Les impôts ne sont pas payés. Un tel dans tel
groupe s'est suicidé. Il y a donc un vrai problème, qui ne concerne pas
seulement mon enfant, mais toute la société."
Les négociations pouvaient commencer. Il pouvait y avoir interpénétration des
discours locaux : par exemple, les discours sur les sectes et ceux sur la
marginalité, ou sur le respect des lois. Les discussions sur le sens du mot de
secte sont, durant cette période, larges et interminables.
L'ensemble des acteurs, de guerre lasse, finirent par utiliser le mot de secte
couramment, dans le sens commun indiqué plus haut, les alternatives étant
trop longues et lourdes à utiliser, ou trop complexes, ou insatisfaisantes. La
différence était que tous les débats, les études, les conflits sur le sens du mot
étaient dorénavant sous-entendus lorsqu'on employait le mot :
"la secte un-tel - je dis secte pour résumer, n'est-ce pas, nous savons
tous qu'il est impossible de définir le mot de manière satisfaisante pour
tout le monde ; continuons..."
On ne cherchait plus à "définir". L'interaction quotidienne imposait les
raccourcis.
Il s'agit de plus qu'un simple jargon local, tel que les jargons professionnels, et
donc d'autre chose que de simples sous-langages. Il s'agit d'un langage
propre, avec des connotations propres, qui font référence à des catégories
(métaphysiques, historiques, psychologiques, relationnelles) propres au
groupe. Il est une émanation et une partie constitutive de sa doctrine. Il
détermine ses activités, ses procédures, sa manière de s'organiser et de
fonctionner en tant que groupe.
Par exemple, les "problèmes Chapitre II", définis, sont des "problèmes qui
relèvent du Chapitre II des Principes Divins, livre de base, texte fondamental
et référence absolue, avec les discours du Maître, des membres de l'Eglise de
l'Unifications, nom officiel le plus usité de ladite "secte Moon".
La description d'une seule secte comme celle de Moon peut difficilement être
complète - ce serait d'ailleurs impossible d'un point de vue
ethnométhodologique, car la complétude impliquerait la fin des interactions,
des accomplissements, alors que ceux-ci sont par définition continus. Les
limites d'un mémoire imposent des contraintes encore plus sensibles.
Mon choix s'est donc orienté vers un lexique concernant le langage interne du
mouvement, à l'exclusion des choix lexicaux concernant la représentation du
mouvement, par exemple, en tant qu'organisation (entreprise, église, etc.). Je
me sens d'autant plus justifiée dans ce choix que, me basant sur l'ensemble
de toutes les connaissances que j'ai acquises depuis toutes ces années,
j'estime que ce langage donne précisément la clef du comportement des
individus dans ce groupe, et par-delà, du fonctionnement et du comportement
du groupe lui-même.
C'est pour cela qu'il faut ici employer le terme de "membritude suffisante". Un
PM-AS est par définition, et non de son propre fait mais de celui de la secte,
exclu de toute possibilité de membritude de la secte.
Notes
1 Yves Lecerf, Problèmes d'Ethnométhodologie, Document de cours,
DESS d'Ethnométhodologie, Paris VII/Paris VIII 1989-1990
2 Robert Jaulin, La Mort Sara, éd. Plon, coll. 10/18, Paris, 1971
3 Les sources utilisées pour rédiger cette partie sont très nombreuses.
Je citerai pour leur qualité, entre autres tout aussi méritants, les
ouvrages de Pierre Le Cabellec, Dossiers Moon, éd. Salvator 1983, et
de Jean- François Boyer, l'Empire Moon, éd. Seuil, 1985.
4 Extrait de Sun Myung Moon, rapport fondé sur les témoignages des
premiers disciples, sans date ni éditeur.
5 Nota Bene :
1. dans les deux premiers cas, le traducteur peut mais ne doit pas
tenter d'interpréter le sens général du texte. Dans les trois
derniers cas, il doit obligatoirement ce faire.
7 ibid. p.422
LEXIQUE DE TERMES-CLEF
INTRODUCTION
explications complémentaires.
à part entière?
l'indexicalité, la réflexivité et
secte.
groupe.
réalité.
le langage du groupe.
personnels ou arbitraires.
concepts moonistes.