Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
La turbine à gaz est une installation motrice dans laquelle un mélange gazeux est comprimé
par un turbocompresseur avant d'être porté à haute température de façon quasi isobare, puis
détendu dans une turbine. Dans sa version la plus répandue, la turbine à gaz aspire de l'air
atmosphérique qui est comprimé, puis se transforme en fumées à haute température par
combustion d'un carburant dans une chambre adéquate. Ces fumées sont ensuite détendues
dans la turbine, et enfin évacuées dans l'atmosphère.
Le schéma de principe d’une telle installation est illustré fig. 9.1, tandis que les diagrammes
p,v et T,S fig. 9.2 permettent de suivre l'évolution thermodynamique du fluide.
CC
2 3
C T
1 4
Figure 9.1.
L'expansion thermique des gaz due à l'effet de la source chaude donne lieu à la production
d'une puissance motrice de détente supérieure à celle nécessaire à la compression du gaz
frais. L'excédent de la puissance de la turbine sur l’ensemble des puissances que prélève le
compresseur, que dissipent les frottements mécaniques (paliers et butées) et que consomment
les auxiliaires (pompe à combustible, lubrification, soufflante de refroidissements...),
constitue la puissance effective Pe de cette installation motrice. On peut ainsi écrire :
p
T 3
2 3
2 4
2S 4S
1
1 4
v S
Figure 9.2
2
WmC = ∫ vdp + W fC = h2 − h1
1
m fuel PCI + m C h2 = m T h3
m T m PCI
QI h3 − h2 = fuel PCI = (9.5)
m C m C λ ma1
En référence au rôle de comburant que joue l'air, apparaît ici le quotient du pouvoir
calorifique PCI du combustible au produit de son pouvoir comburivore ma1 par le coefficient
d'excès d'air λ.
Les paramètres essentiels qui affectent la valeur du travail moteur Wm et celle du rendement
thermique ηth sont aisés à mettre en évidence lorsqu'on adopte, en plus des l'hypothèses déjà
adoptées, les approximations simplificatrices suivantes :
• la combustion 2-3 est considérée comme parfaitement isobare, alors qu'une chute relative
de pression pouvant atteindre 10 % se produit durant cette phase du cycle
• le quotient 1/λma1 est négligeable devant l'unité alors qu'il atteint 0.02 à 0.03 selon le
coefficient d'excès d'air pratiqué
• le fluide moteur, qui peut raisonnablement être assimilé à un gaz idéal, a une chaleur
massique cp invariable, alors qu'elle passe de 1.0 kJ/kgK pour l'air d'admission à 1.3
kJ/kgK pour les gaz de combustion à l'entrée de la turbine.
Wm = c p (( T3 − T4 ) − ( T2 − T1 )) (9.8)
T4 − T1
ηth = 1 − (9.9)
T3 − T2
Dans cette relation, les états 2S et 4S sont ceux qui seraient atteint respectivement en fin de
compression et de détente adiabatiques sans travaux dissipatifs Wf. Le recours au modèle
polytropique du fonctionnement des turbomachines pour décrire les transformations qui s’y
produisent avec travaux dissipatifs Wf, conduit à utiliser les rendement polytropique ηpiC du
compresseur et ηpiT de la turbine tels que l'on ait :
m−1 γ−1 1 1
T2 p p γ ηPiC T
=( 2 ) m
=( 2 ) = ( 2 S ) ηPiC
T1 p1 p1 T1
et
m−1 γ−1
T4 p p ηPiT T4 S ηPiT
=( 4 ) m
=( 4 ) γ
=( )
T3 p3 p3 T3
qui est une image non linéaire du rapport de pression réalisé dans la machine.
Il est également judicieux d'introduire à ce stade le rapport de la température maximum du
fluide moteur à celle de base du cycle, à savoir :
T
Y 3
T1
On exprime par ce paramètre la contrainte thermique à laquelle sera astreinte la turbine en ses
organes les plus sollicités : les ailettes des premiers étages de détente. Soumises à des
accélérations centripètes atteignant couramment 10000 g, ces ailettes doivent impérativement
conserver à chaud leur tenue mécanique et leurs qualités aérodynamiques, ce qui conduit à
limiter la température de l'ambiance dans laquelle elles évoluent et par là, à limiter T3 en
pratiquant pour la combustion un coefficient d’excès d’air adéquat.
Quant au rendement thermique ηth , il est également lié à Y et X, et l'on peut en retenir les
caractéristiques suivantes :
Des expressions ci-dessus sont tirées les valeurs du tableau 9.1, établi pour un cycle utilisant
de l’air considéré comme gaz idéal de coefficient γ constant, et pour T1 = 288K, T3 =
1573K, ηPiC = ηPiT = 0.90.
p2/p1 X T1 T2 T3 T4 Wm ηth
- - K KJ/kg -
16 2.21 288 694 1573 771 396 0.450
20 2.35 288 745 1573 728 388 0.468
25 2.51 288 800 1573 687 374 0.483
30 2.64 288 848 1573 656 357 0.492
40 2.87 288 929 1573 609 323 0.502
50 3.06 288 997 1573 575 289 0.502
Tableau 9.1
La valeur de XB est d'autant plus proche de celle X0 que la qualité aérodynamique interne des
composants de la machine est grande. On notera ainsi que pour le cas limite où ηpiC= ηpiT= 1,
l'expression du rendement thermique devient :
1
lim ηth = 1−
ηPiT = ηPiC = ηPiT = ηPiC →1 X
Cette sensibilité est encore aggravée lorsque l’on prend en compte le rendement mécanique
de l’installation. Celui-ci peut en effet s’exprimer en considérant que la puissance
consommée par les frottements mécaniques et par les auxiliaires est proportionnelle à la
puissance mécanique installée, qui est la somme de la puissance de la turbine et de celle du
compresseur :
Pfm+aux = k ( PmC + PmT )
L’utilisation des paramètres de température X et Y dans les relations explicitant WmC et WmT
au moyen des rendements isentropiques internes ηSiC et ηSiT permet de lier l’indice de
répartition aux paramètres de température :
X
τC =
X0
X A≤ X M ≤ X B (9.14)
• l'usage d'alliages hautement réfractaires (Ni, Cr, Mo) et d'une technologie à ailettes
creuses refroidies par de l'air prélevé au compresseur, conduit à pratiquer des
températures T3 dépassant 1300 °C.
• le degré de perfection du design et de la fabrication des ailettes des turbines modernes a
conduit à des valeurs des rendements ηPiC et ηPiT voisins de 0.90.
• on peut estimer que les dissipations mécaniques correspondent à une valeur de k
n'excédant pas 0.02.
0.5 0.5
MJ/kg MJ/kg
% %
ηe
0.4 40 0.4 40
ηe
We We
30 30
0.3 0.3
20 20
0.2 0.2
10 0.1 10
0.1
X p 2 / p1
0 0
1 2 3 4 0 20 40 60 80 100
Figure 9.3
L'application de ces considérations est illustré fig. 9.3 où l'on a représenté les évolutions des
valeurs de We et ηe en fonction de X et en fonction du rapport de pression p2/p1 , en prenant en
compte la variation des chaleurs massiques et la différence entre les débits m C et m T .
Tableau 9.2
Ce tableau précise les valeurs numériques correspondant à la figure 9.3 où l’on observe que :
• la variation relative du rendement effectif est moindre que celle du travail effectif dans
l'intervalle XA < X < XB. Il est donc plus pénalisant pour le travail effectif de choisir le
point XB qu’il n’est pénalisant pour le rendement de choisir le point XA.
• en termes de rapport de pression, le fonctionnement à rendement maximum est de loin
plus exigeant que le fonctionnement à travail moteur maximum et implique le recours à
une technologie coûteuse tant pour le compresseur (nombre élevé d’étages) que pour la
chambre de combustion (haute densité de puissance thermique).
L'un des aspects les plus attrayants de la turbine à gaz comme installation motrice étant sa
très grande compacité qui lui confère un temps de réponse extrêmement court, on utilise donc
le plus souvent en pratique un rapport de compression plus proche de celui donnant lieu au
maximum de travail que de celui conduisant au maximum de rendement.
La figure 9.4 illustre la configuration d'une turbine à gaz utilisée en propulsion marine pour
MECA2855 2002 150
applications exigeantes en manoeuvrabilité. Le compresseur axial est entraîné par les deux
premières roues de la turbine, également axiale, le tout formant un ensemble rotorique libre.
Figure 9.4
La troisième roue de turbine fournit la puissance à l'arbre de sortie via le réducteur de vitesse
situé en tête de machine et est mécaniquement indépendante de l’ensemble rotorique libre.
Cette particularité typique de l'application visée, est réalisée en faisant usage d’un arbre creux
portant le groupe rotorique libre, que traverse concentriquement l’arbre de transmission liant
la turbine de puissance au groupe réducteur. Elle autorise le démarrage de l’ensemble
rotorique libre indépendamment de l’actionnement du système propulsif et offre ainsi une
très grande flexibilité d’usage. On notera encore la disposition annulaire de la chambre de
combustion qui confère à l’installation une très grande compacité et lui donne un caractère de
groupe fonctionnel monobloc. Le domaine des puissances typiques de cette application est de
10 à 40 MW .
La Figure 9.5 représente une installation stationnaire de grande puissance destinée à brûler du
gaz naturel. De telles installations couvrent un domaine de puissances allant de 50 à plus de
200 MW.
On remarquera dans ce cas, la configuration latérale des chambres de combustion, solution
adoptée par le constructeur pour disposer d’une grande flexibilité dans la disposition des
Figure 9.5
Il est en effet important de pouvoir maîtriser les champs de température du cœur même de la
flamme à sa périphérie, si l’on veut :
• obtenir à l’entrée de la turbine une température aussi homogène que possible, qui résulte
de la dilution des fumées très chaudes issues d’une combustion stable (et donc proche de
la stoechiométrie) par l’air en excès amené en périphérie de la zone de flamme
• minimiser les émissions de polluants et en particulier celles des oxydes d’azote dont
l’origine thermique se fait d’autant plus sévère que l’on recherche de hautes températures
T3 à l’entrée de la turbine.
Pour les installations stationnaires, la température encore élevée des gaz d'échappement (plus
MECA2855 2002 152
de 800 K) révélé par l’analyse paramétrique des performances, permet d’en envisager la
valorisation pour la production de travail moteur par un cycle thermique an aval de la turbine
à gaz. En pratique, il s’agit d’un cycle utilisant la détente dans une turbine de la vapeur sous
pression produite par une chaudière grâce à la récupération d’une fraction de l’enthalpie
sensible des gaz d’échappement. Si l’on désigne par ηR le taux de récupération de l’enthalpie
sensible encore disponible à l’échappement, et qui représente pour la turbine à gaz la perte à
la source froide 1- ηTG , tandis que ηCAV désigne le rendement de conversion en travail de la
chaleur ainsi récupérée, le rendement global de conversion de la chaleur en travail moteur a
pour valeur dans l’installation combinée :
Compte tenu des valeurs séparées ηTG= 0.40, ηR = 0.70 et ηCAV =0.35, le rendement global
d’une telle installation peut atteindre près de 55 %.
Sans entrer dans la description détaillée des systèmes mis en œuvre pour atteindre de tels
rendements de conversion du PCI du combustible en travail moteur, il est possible d’en situer
le potentiel et les limites en faisant usage de la notion d’exergie, fonction d’état définie par la
relation :
e ( H − H 1 ) − T1 ( S − S1 ) (9.17)
et qui représente le travail maximum que l’on peut obtenir d’un fluide du fait de son état de
déséquilibre par rapport aux conditions de l’ambiance, considérée comme source froide
infinie à température T1 et pression p1.
L’application de cette notion à la production de travail moteur à partir de l’enthalpie sensible
de température T4 mais à la pression p4 = p1 des fumées à l’échappement de la turbine à gaz
est illustrée par le diagramme T,S fig. 9.6.
Pour obtenir le maximum de travail moteur des gaz d’échappement, on peut imaginer de les
détendre de façon adiabatique et sans travaux dissipatifs de leur état initial 4 à un état final 5
d’entropie S5 = S4 et de température T5 = T1 , la pression p5 étant dès lors bien inférieure à
celle p1. Lors de cette détente idéale, on produirait le travail moteur WmD = H4 – H1.
Afin de pouvoir rejeter dans l’atmosphère le fluide ainsi détendu, il faudrait alors le
comprimer de p5 à p1, et consentir pour cela la consommation d’un travail moteur dont le
minimum correspond à une compression isotherme utilisant l’atmosphère de température T1
comme source froide. Le travail de compression aurait alors pour valeur WmC = T1 (S4 – S1).
Toute intervention autre que la source froide ambiante étant exclue, ceci montre que l’exergie
e4 des fumées, représentée par le triangle curviligne 145, est bien le maximum de travail
MECA2855 2002 153
moteur récupérable sur l’énergie disponible des gaz d’échappement. La fraction non
transformable en travail moteur, soit la valeur T1(S4 – S1), est représentée par la surface
155010 et porte le nom d’anergie .
T 3
1 5
a4 = T1 (S4 – S1)
10 50 S
Figure 9.6
Le rendement de conversion en travail de l’enthalpie sensible de ces gaz a donc pour valeur :
H − H 1 − T1 ( S4 − S1 )
ηCAV = 4
H 4 − H1
p2/p1 16 20 25 30 40 50
ηTG 0.450 0.468 0.483 0.492 0.502 0.502
WmTG (kJ/kg) 396 388 374 357 323 289
WmTGCAV (kJ/kg) 596 561 523 488 428 377
ηTGCAV 0.677 0.677 0.676 0.672 0.665 0.654
Tableau 9.3
• d'une part, la diminution de la masse volumique de l'air ne constitue pas pour ce type de
moteur un handicap comparable à celui subi par les moteurs volumétriques
• d'autre part, l'abaissement de la température ambiante est très favorable au rendement par
l’effet important qu’il a sur le rapport T3/T1 .
Ce dernier aspect est illustré par le tableau 9.4, qui fournit une comparaison entre les
performances d'une turbine à température T3 de 1573 K, dont le compresseur et la turbine ont
des rendements polytropiques internes ηpiC = ηpiT = 0.90. Pour d’évidentes raisons de rapport
puissance/poids, impératives en aviation, le choix du rapport de compression est centré sur le
maximum de travail moteur.
La comparaison porte sur les conditions ambiantes au sol (T1 = 288 K, p1 = 100 kPa) d'une
part, et en altitude (T1 = 220 K, p1 = 25 kPa) d'autre part.
On peut observer à quel point les conditions ambiantes de basse température jouent un rôle
favorable au rendement, puisqu’à même qualité des composants, l’amélioration relative du
rendement qui résulte du passage des conditions au sol à celles du vol à haute altitude est
voisine de 20 %
Pour les avions commerciaux modernes, le système de propulsion associe une turbine à gaz à
une soufflante basse pression, constituant ce que la terminologie anglo-saxonne désigne sous
le nom de turbofan (littéralement : turboventilateur) dont la configuration est illustrée fig. 9.7
Figure 9.7
cs − c )
F = m( (9.20)
tandis que la puissance motrice dépensée résulte de la variation de l'énergie cinétique de l'air
propulseur et a pour valeur :
∆K + W f )
Pm = m(
Il est raisonnable d'exprimer que Wf est une fraction de l'énergie cinétique cs2/2 de l'air qui
transite dans le propulseur et d’écrire :
cs2
Wf = ( ξ −1 ) avec ξ ≥ 1
2
Il est fonction du rapport cs/c entre la vitesse du jet propulseur et la vitesse de vol, et est
optimum lorsque ce rapport a pour valeur :
cs 1
= 1 + 1−
c ξ
A cette valeur, toujours inférieure à 2, correspond le rendement propulsif optimum de valeur :
1
ηPMAX =
ξ + ξ( ξ − 1 )
Les systèmes de propulsion les plus performants utilisant le cycle de la turbine à gaz ont des
valeurs de ξ proches de 1.10 et leur rendement propulsif ηP optimum atteint ainsi 0.70. Le
produit de ce rendement par celui ηe voisin de 0.45 du cycle moteur de la turbine à gaz donne
donc lieu à un rendement total ηtot proche de 0.31.
Ainsi, un avion de poids Mg induit une traînée Mg/f où f est le coefficient de finesse que
définit l’aérodynamique de l’appareil. Cette traînée doit être compensée par la poussée F du
système propulseur pour maintenir un vol à vitesse c.
MECA2855 2002 157
La puissance propulsive nécessaire à un tel avion a donc pour valeur :
Mg
Pp = c (9.24)
f
et le débit m k de kérosène de pouvoir calorifique PCI que brûle le système de propulsion de
rendement total ηtot= ηe ηP est donné par l’expression :
Pp Mg
m k = = c
ηtot PCI f ηtot PCI