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Cours de Droit Civil : Dr.

Azzedine Kettani

*Introduction.

A. la notion d’obligation :

OBLIGATIO ES JURIS VIUCULUM QUE NECESSITATE ADSTRINGIMUR


SOLVENDEX REI.
D’après cette définition romaine, les différents éléments qui
composent l’obligation et qui traduisent ses caractères sont : le
lien de droit, le pouvoir de contrainte, la prestation et le
créancier de l’obligation.

a. Le lien de droit.

En tant que lien, celui ci est protégé par la loi qui lui donne
son caractère juridique. Celle ci a mis en place un système qui a
permis à cette protection de se traduire dans les faits dans le
pouvoir de contrainte. En conséquence, l’obligation résultant de
ce lien est également protégée par la loi. Inversement,
l’obligation résultant d’un lien contraire à l’ordre ne peut pas
bénéficier de cette protection.

Le lien de droit dont il s’agit ne doit pas être détaché des


autres éléments de la définition, pas plus qu’il ne doit être
détaché à l’environnement dans lequel cette définition a été
donnée.

En effet, le droit romain est un système formaliste dans


lequel la solidité et la naissance de l’obligation est tributaire de
l’accomplissement des formes et des rites prévus pour le
contrat qui donnera naissance à l’obligation. Il est dés lors
logique de limiter les effets des obligations aux seules
personnes qui les ont contracté, comme le pouvoir de
contrainte ne pourra s’exercer qu’à leur encontre. Ce lien relève
donc un caractère personnel qui a dominé les obligations
pendant longtemps à Rome. On ne peut donc procéder ni au
changement du débiteur ; ni à celui du créancier car celui qui
pourrait se substituer à ces derniers n’aura certainement pas
accompli les rites et les formalités qui ont permis la naissance
de l’obligation.

Il faut cependant relever que ce caractère personnel a


partiellement disparu, et on peut dire qu’actuellement les

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considérations objectives ont pris le pas sur les appréciations
liées à la personne ou fondées sur celle ci.

b. Le pouvoir de contrainte.

*La force obligatoire :

On retrouve dans le système juridique romain une place


importante accordée au principe du respect de la parole
donnée. Ce principe se retrouve aussi bien dans les droits
religieux que dans le droit moderne.
S’agissant du D.O.C, ce principe se trouve à l’art230 qui
stipule que : les obligations contractuelles valablement formées
tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et ne peuvent être
révoquées que dans leur consentement mutuel ou dans les cas
prévus par la loi.

Par ailleurs, il convient de signaler que la force obligatoire


couvre non seulement l’obligation elle-même, mais aussi les
suites de celle ci comme cela est prévu par l’art231 qui dispose
que : Tout engagement doit être exécuté de bonne foi, et oblige
non seulement à ce qui est exprimé, mais encore à toutes les
suites que la loi, l’usage ou l’équité donne à l’obligation d’après
sa nature.

Cette force obligatoire rend l’obligation opposable non


seulement à ceux qui l’ont contracté mais encore au juge et au
législateur.
La force obligatoire ne s’attache cependant qu’aux obligations
qui sont le produit d’une obligation protégée juridiquement.

*La force et l’exécution forcée.

En conséquence du caractère obligatoire de l’engagement,


il était nécessaire de mettre en place un système de contrainte
et de dissuasion afin de permettre la sécurité et la pérennité du
négoce.

La contrainte a été envisagée chez les romains comme le


moyen idéal de parvenir à une prévention de l’irrespect de
l’obligation, mais aussi comme moyen de forcer le débiteur à
exécuter son engagement lorsqu’il apparaît que celui ci se

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trouve en état de défaillance et après qu’il ait été mis en
demeure par le créancier.

La contrainte s’est traduite de plusieurs manières à travers


l’évolution historique :

*Elle s’est traduite initialement par la forme qui fut la plus


prépondérante et la plus dissuasive à savoir la forme physique.
En effet, dans les systèmes primitifs on considère que c’est la
personne physique du débiteur qui répond de l’exécution de
l’obligation. C’est ainsi qu’en droit romain le créancier avait le
droit de s’emparer de la personne du débiteur insolvable à
l’aide de la MANUS INJECTIO, et au bout de 60 jours il pouvait le
vendre comme esclave.

*Pendant le moyen âge, on assiste à une manifestation


draconienne de la contrainte physique qui se traduisait
notamment par des sévices corporels.

*L’évolution consista non à éliminer la contrainte mais à


l’aménager. C’est ainsi qu’apparaît l’idée que l’obligation est
garantie par les biens du débiteur, c’est dans ce contexte que
LOYSEL disait : qui s’oblige, oblige le sien. Cependant, il semble
que l’exécution sur la personne ait été maintenue à coté de
l’exécution sur les biens.

Ainsi, il est d’abord procédé à une exécution forcée sur les


biens meubles du débiteur par voie de saisie, et en cas
d’insuffisance de ces derniers, les biens immeubles seront
saisis, et c’est seulement en cas d’insuffisance ou d’inexistence
que le recours sera fait à la contrainte par corps.

Le système moderne et l’exécution forcée appellent deux


remarques :

- D’une part, dans certains pays, la contrainte par corps, qui


s’exerce d’ailleurs dans une prison civile a été purement et
simplement supprimé. Il y a lieu de signaler qu’en France,
c’est la loi du 22 juillet 1867 qui a supprimé la
contrainte par corps aussi bien en matière civile qu’en
matière commerciale. Au Maroc, c’est à partir de l’âge de
65 ans que la contrainte par corps ne s’exerce plus.

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- D’autre part, elle suppose une décision juridique


exécutoire avant que ne se déclenchent les mesures de
saisie. Par contre, on assiste régulièrement à des mesures
dites conservatoires de saisie qui, bien entendu, ne
correspondent pas à une exécution forcée, mais
néanmoins peuvent amener le débiteur à payer sa dette.
Cela consiste pour le créancier dont la créance résulte
d’un titre et dont l’apparence n’est pas contestable de
s’adresser au juge pour lui demander, en attendant le
jugement, d’ordonner à titre provisoire, une saisie dite
conservatoire mobilière ou immobilière ou encore une
saisie arrêt. Dans les deux premiers cas, un bien meuble
ou immeuble sera saisi, mais à la différence de la saisie
exécutoire, ce bien ne sera pas vendu parce que
justement aucun jugement exécutoire n’a été rendu. On
veut simplement empêcher le débiteur de vendre ce bien
et d’organiser ainsi son insolvabilité (l’action paulienne). Il
pourra le louer, l’exploiter mais il ne pourra pas le vendre.

De la même manière, la saisie arrêt aura pour effet de


geler des sommes d’argent ou des valeurs appartenant au
débiteur et se trouvant entre les mains d’un tiers. Là encore, il
sera fait défense au débiteur d’en disposer puisque le tiers saisi
n’a pas le droit de les lui rendre.

Cette démarche conduit à donner au créancier une


assurance de recouvrer sa créance lorsque le jugement aura
été donné.

Ainsi donc, avant l’exécution forcée et l’exercice de la


contrainte sous ses différentes formes, d’autres mécanismes
sont en place permettant de garantir le créancier contre
l’insolvabilité du débiteur.

c. la prestation.

L’obligation dont il s’agit consiste en une prestation


laquelle n’est pas nécessairement une chose que l’on a promise
mais peut être un acte juridique ou une abstention. Dés lors on
constate que la prestation est multiforme, celle qui nous
intéresse est celle qui est évaluable en argent, les autres

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relèvent plutôt du droit naturel même s’ils ont un caractère
pécuniaire.

On constate par ailleurs que la prestation traduit les


caractères les plus importants de l’obligation en ce sens qu’elle
met en évidence le créancier d’une part, et le débiteur de
l’autre et distingue ainsi l’obligation du droit.

B. Classification des obligations :

Les classifications en matière d’obligation sont


commandées par l’impératif de poser dans le cadre d’une
théorie générale des obligations des règles dont l’application
sera commune à toutes les obligations relevant d’une même
catégorie. Elles sont également commandées par le critère
retenu pour la classification. Enfin, elles sont commandées par
la méthode choisie, laquelle peut déboucher sur des
classifications différentes selon que l’on opte pour une méthode
objective ou subjective de raisonnement.

La méthode objective avait la préférence des juristes


anciens de sorte que les classifications qui ont pu être réalisées
n’ont certainement pas été d’une grande utilité dans
l’élaboration ultérieure de la théorie générale des obligations.
Les romains avait déjà ainsi mis au point une classification
fondée sur le critère du contrat distinguant les obligations de
darré, de facéré et de non facéré. A l’analyse cependant, il n’y a
aucune raison qui pousse à appliquer des règles différentes à
chacune de ces catégories puisque les trois peuvent être régie
par des règles uniformes.

L’évolution a consisté à rechercher des critères permettant


une appréciation réelle des différentes justifications que des
règles spécifiques soient appliquées à chaque catégorie
d’obligation.

a. La classification traditionnelle fondée sur les sources.

*Elle consiste à distinguer les obligations en 5 rubriques :

-Les obligations contractuelles : Ce sont celles qui découlent


des contrats.

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-Les obligations quasi-contractuelles : Ce sont celles qui ne
résultent pas d’un contrat, mais d’un acte juridique qui lui
ressemble (gestion d’affaires).

-Les obligations délictuelles ; Dans ce cadre, l’obligation


consiste à réparer un préjudice résultant d’un fait intentionnel.

-Les obligations quasi-délictuelles : L’obligation consiste à


réparer un préjudice résultant d’un acte non intentionnel.

-Les obligations légales dans lesquelles les auteurs de la


classification ont inscrit toutes les obligations qu’ils n’ont pas pu
mettre dans une des catégories précédentes.

*Critique :

A l’actif de cette classification, il faut noter le fait qu’elle a


pu survivre et qu’elle se trouve dans les différents codes civils
notamment dans le D.O.C et ce, à l’art 1 qui stipule que : les
obligations découlent des conventions et autres déclarations de
volonté, des quasi-contrats, des délits et des quasi-délits.

A son passif, il faut reconnaître que sur le plan pratique, se


trouve le fait qu’elle n’a pas été véritablement mise en œuvre
dans l’élaboration de la théorie générale des obligations, elle
pèche par le nombre de rubriques alors que celles ci auraient
pu avantagement être simplifiées.

Ainsi, on peut constater que les obligations contractuelles


et quasi-contractuelles sont de la même source à savoir : la
volonté. Il est dès lors préférable de les ranger dans une seule
rubrique avec comme appellation les obligations volontaires.

Quant aux obligations délictuelles et quasi-délictuelles,


c’est en vertu de la loi qu’elles sont instituées, dés lors ces
deux rubriques peuvent se fondre en une seule avec comme
appellation les obligations légales.

Enfin, la dernière rubrique qui embarrassait les auteurs de


la classification peut à son tour simplement se confondre avec
la deuxième catégorie de sorte qu’en définissant la
classification traditionnelle attribuée à GALLIUS, on arrive à une

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classification moderne en 2 catégories : les obligations
volontaires, les obligations légales.

b. la classification moderne fondée sur le contenu :

DEMOGUE a proposé de distinguer les obligations en partant de la


réponse à la question de savoir ce que l’on attend du débiteur ? Cette
classification a été reprise par MAZEAUD qui l’a présenté sous une autre
appellation. L’appellation classique distingue les obligations de moyen des
obligations de résultat, MAZEAUD a qualifié les premières d’obligations de
prudence et de diligence et les deuxièmes d’obligations déterminées.

*Exposé de la classification :

Cette classification bipartite se fonde sur ce que le


créancier attend de son débiteur. Selon que l’on s’attend à ce
que le débiteur s’acquitte coûte que coûte de son obligation ou
que l’on accepte qu’il fasse seulement son possible à ce sujet,
nous serons dans le premier cas en présence d’une obligation
de résultat, et dans le deuxième cas en présence d’une
obligation de moyen.

Comme exemple du premier cas, on peut citer celui du


contrat de transport qui crée au profit du passager (le
créancier) une situation qui se distingue par l’obligation de
sécurité qui en résulte à la charge du transporteur (le débiteur).
Cette obligation doit être exécutée coûte que coûte, et le
constat de son exécution résultera de l’accident causé et du
préjudice qui en est résulté pour le passager. On constate alors
que cette obligation est appréciée d’une manière objective.

Comme exemple du deuxième cas, on peut citer celui du


contrat médical. Celui ci met à la charge du praticien
l’obligation d’utiliser tous les moyens dont il dispose afin de
guérir le patient. Le résultat de l’obligation restera un souhait.
On constate que l’appréciation du contrat est faite de façon
subjective, càd qu’il est tenu compte de la personne du
débiteur, de sa compétence de sorte que le régime de
réparation sera tout à fait différent.

*Régime juridique :

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Le régime juridique diffère selon que l’on se trouve en
présence d’une obligation de moyen ou d’une obligation de
résultat.

-En matière d’obligation de résultat, l’inexécution de celle


ci doit conduire à la réparation. Ce principe subit des exceptions
chaque fois que l’inexécution sera justifiée par la force majeure.
Il s’agit d’un événement imprévisible, irrésistible et invincible
selon la définition donnée par la jurisprudence. L’art 268
dispose à ce sujet qu’ : il n’y a lieu à aucun dommages-intérêts
lorsque le débiteur justifie que l’inexécution ou le retard
proviennent d’une cause qui ne peut lui être imputée, telle que
la force majeure, le cas fortuit ou la demeure du créancier.

L’art 269 rappelle par contre que : N’est point considérée


comme force majeure la cause qu’il était possible d’éviter, si le
débiteur ne justifie qu’il a déployé toute diligence pour s’en
prémunir. N’est pas également considérée comme force
majeure la cause qui a été occasionnée par une faute
précédente du débiteur.
Ainsi, si le principe est la sévérité en matière d’obligation de
résultat, celui ci subit un adoucissement chaque fois qu’on sera
en présence d’une obligation de moyen.

- En effet, en matière d’obligation de moyen, on peut


admettre qu’il ne peut y avoir que quelques cas dans lesquels
la réparation du préjudice sera possible. En raison du fait que le
créancier accepte dés le départ l’éventualité de l’inexécution de
l’obligation, Le débiteur sera exonéré chaque fois qu’il aura fait
son possible pour s’acquitter de son obligation. Il reste au
créancier de prouver le contraire ou plus souvent de prouver
une faute du débiteur pour obtenir la réparation.

Dans le domaine du contrat médical, la preuve de la faute


va se traduire par celle d’une faute professionnelle pour le
médecin. Cette faute s’apprécie en principe par une expertise
faite par d’autres médecins, permettant de mettre en évidence
la défaillance fautive du débiteur.

La preuve de la faute médicale est nécessaire pour


permettre l’octroi d’indemnités compensatrices du dommage.

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Il convient de signaler que certaines obligations sont
aujourd’hui appelées obligations de moyen renforcées ou
aggravées. On assiste souvent, en effet, à des contrats
médicaux qui se rapprochent de ceux comprenant des
obligations de résultat en matière de chirurgie esthétique. Celle
ci a pour but de réduire ou d’améliorer un état que la nature a
défavorisé, il n’y a pas en général urgence médicale ni
nécessité de soin, et le patient souhaite simplement obtenir un
résultat qui améliore ou change radicalement l’aspect de son
corps qui est soumis à cette chirurgie. Il est évident que ce
patient sera plus exigeant et que le praticien sera plus
sévèrement jugé.

Plus de la simple faute professionnelle, on s’approche de


l’évaluation du résultat selon les mécanismes utilisés pour les
obligations de moyen.

On constate dés lors que l’obligation de moyen n’est plus


un mode d’engagement à l’abri de la sévérité de l’appréciation
et de l’évaluation objective de la défaillance.

*Portée de la classification :

A première vue, on peut dire que cette classification


fonctionne en pratique sans difficultés. Or, si cette classification
est largement utilisée dans les contrats comme dans la
jurisprudence, il y a toujours un problème de qualification.

En effet, il faut chercher un critère sur la base duquel on


peut donner à telle obligation telle ou telle qualification. Cela
est d’autant plus important qu’en réalité les parties n’ont pas
nécessairement la même appréciation des obligations
découlant des contrats : La qualification que peut donner le
créancier d’une obligation sera toujours en faveur de
l’obligation de résultat, en effet, pour lui, il n’y a pas de raison
de considérer qu’il puisse y avoir un risque d’inexécution. De
même, pour le débiteur, toute obligation à sa charge sera
considérée comme une obligation de moyen. En effet,
l’obligation qu’il doit exécuter sera appréciée par lui comme
l’engagement de faire son possible.

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Ceci a poussé les juristes à trouver des critères permettant
la distinction entre les obligations de moyen et les obligations
de résultat.

Le critère de l’aléa : Un auteur du nom de TUNC avait


proposé de prendre en considération le caractère plus ou moins
aléatoire du résultat escompté. Si celui ci est accessible,
l’obligation sera de résultat et s’il y a un risque évident de ne
pas atteindre le résultat, l’obligation sera de moyen.

A cela on peut encore répondre par le débat qui oppose le


créancier et le débiteur. Dés lors le critère l’aléa n’a pu être
retenu.

Le critère de l’attitude : La jurisprudence a eu recours


quant à elle à l’examen de l’attitude du créancier lors de
l’exécution de l’obligation. Si ce dernier a une attitude passive
comme dans le contrat de transport, l’obligation sera de
résultat. Si son attitude est active, càd qu’il contribue à
l’exécution, l’obligation devient de moyen. C’est dans un arrêt
du 7/2/1949, que la cour de cassation française a dégagé
ce critère à l’occasion de l’affaire remonte-pente.

- Cela étant, on doit reconnaître que la distinction de


l’obligation de moyen et l’obligation de résultat a gardé le
mérite d’être parfaitement adaptée à une articulation
d’une théorie générale des obligations en pratique des
contrats et en jurisprudence. Toutefois, en ce plaçant au
niveau de l’élaboration d’une théorie générale des
obligations, c’est la distinction bipartite entre obligation
volontaire et obligation légale qui a connu un réel succès.

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* Première partie : Les obligations volontaires.

Art1 : Les obligations découlent des conventions et autres


déclarations de volontés, des quasi-contrats, des délits et des
quasi-délits.

Les obligations volontaires sont celles que cite l’art


premier du D.O.C lorsqu’il énonce : des conventions et autres
déclarations de volonté et des quasi-contrats.

On peut distinguer les obligations volontaires selon un


certain nombre de critères.

On peut tout d’abord citer les obligations alternatives qui


sont celles qui portent sur deux ou plusieurs objets, au choix de
l’une des deux parties, de telle sorte que le débiteur soit libéré
en accomplissant une seule des prestations promises.

Existe également les obligations conjonctives, dans


lesquelles on retrouve deux ou plusieurs objets.

On peut ensuite citer les obligations facultatives càd celles


qui ont pour objet une prestation déterminée, mais avec faculté
pour le débiteur de se libérer en accomplissant une autre
prestation.

On peut encore distinguer les obligations conjointes dans


lesquels sont impliquées plusieurs personnes, lesquels peuvent
être créancières ou débitrices pour la même obligation. Dans ce
cas, il y a autant de créances ou de dettes indépendantes les
une des autres. Chaque créancier ne peut réclamer que ce qu’il
lui est du personnellement ; Chaque débiteur ne peut être
poursuivi que pour ce qu’il doit personnellement.

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On peut enfin citer les obligations solidaires qui constituent
une exception aux obligations conjointes. Il faut préciser qu’il
existe deux sortes de solidarité, celle ci pouvant être active ou
passive. Il y a solidarité active lorsque l’un des créanciers peut
réclamer du débiteur le montant intégral de la créance et que le
paiement fait à l’un d’eux libère le débiteur à l’égard de tous. Il
y a solidarité passive ou entre débiteurs lorsque plusieurs
débiteurs sont obligés à une même chose, de manière que
chacun d’eux puisse être contraint pour la totalité et que le
paiement fait par un seul libère les autres envers le créancier.

Sur le plan du temps, on peut citer les obligations à terme.


Dans ce cas la naissance ou l’extinction de l’obligation sont
liées à un événement futur et inévitable.

Cela étant, l’obligation principale peut être complétée par


une ou des obligations accessoires. A défaut de celles ci, il faut
dire que l’engagement porte sur tout.

Enfin, il ne faut pas perdre de vue que les obligations


volontaires ne sont pas nécessairement bilatérales ou
multilatérales. Rappelons que l’engagement volontaire
unilatéral a été accepté en droit moderne et réglementé
notamment par le code civile allemand. Les romains n’avaient
pas accepté la validité de tel engagement, et considéraient que
celui qui s’engage seul ne s’engage pas réellement.

En droit moderne, on pose en principe qu’une personne


peut, par une manifestation de sa seule volonté, faire naître à
sa charge une obligation au profit d’une autre personne, et que
cette obligation aura une existence juridique avant d’être
acceptée par le bénéficiaire.

On retrouve dans le D.O.C l’engagement par volonté


unilatérale notamment dans le cadre de la promesse. Celle ci
est une déclaration unilatérale et ce type de déclaration est régi
par les articles 14 à 18. Le D.O.C qui a tiré profit de l’évolution
allemande énonce dans son art 18 que : Dans les obligations
unilatérales, les engagements sont obligatoires, dés qu’ils sont
parvenus à la connaissance de la partie envers laquelle ils sont
pris. Néanmoins, l’art14 stipule clairement que : la simple
promesse ne crée point d’obligation.

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* Première sous partie : la formation des obligations.

Le mode de formation des obligations dépend de la nature


du système juridique dans lequel elles sont crées et dans lequel
elle doivent recevoir l’exécution.

Formalisme et consensualisme :

Dans les systèmes juridiques anciens, tel le droit romain,


le formalisme commandait la naissance valable de l’obligation
et sa validité. Il existait une liste de contrats dit contrats
nommés dans lesquels la place de la volonté était moins
importante que celle du formalisme auquel ils étaient soumis :
les rites, les gestes, les formules prévus pour un contrat
devaient être accomplies pour que celui-ci et les obligations qui
en découlent, puissent produire leurs effets.

Cela appelle quelques observations :

- En conséquence de l’accomplissement des formes


prescrites par les cocontractants seuls, le changement de
l’un d’eux n’était pas envisageable et le caractère
personnel du lien d’obligation était prévalant.

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- La place des vices de la volonté et du consentement ne


pouvait qu’être réduite puisque par définition la place de
la volonté l’était aussi.

- Lorsque le contrat est conclu, peu importe par la suite les


motifs qui ont conduit les auteurs à contracter, le système
formaliste se caractérisant par la prépondérance du
raisonnement objectif.

L’évolution économique ainsi que celle des idées a permis


d’élargir les champs de réflexion et de diminuer l’impact du
formalisme. C’est l’avènement du consensualisme, lequel
caractérise pratiquement tous les droits modernes à des degrés
variables. La primauté est donnée au consentement, à la
volonté créative de l’obligation, et le champ devient libre pour
l’imagination des contractants qui peuvent contracter toute
sorte de contrats. Cette liberté n’est pas sans limites,
seulement celles-ci sont liées à des raisons de justice et d’ordre
public.

Le D.O.C a également opté pour ce système et il suffit


pour s’en convaincre de se référer à l’art 488qui dispose que :
la vente est parfaite entre les parties dés qu’il y a
consentement entre les parties, l’un pour vendre, l’autre pour
acheter, et qu’ils sont d’accord sur la chose, le prix et les autres
clauses du contrat.

Autrement dit, par le seul consentement des parties, le


contrat est né et il est parfaitement valable. On ne relève
l’exigence d’aucune autre condition notamment de forme.

Pourtant, certains contrats nécessitent l’accomplissement


de quelques formalités, tel la formalité de l’enregistrement, de
la légalisation des signatures, du dépôt ou encore de la
publication. A l’analyse cependant, les défauts de ces formalités
n’entraînent pas la nullité, mais handicapent parfois l’efficacité
de l’acte.

L’autonomie de la volonté :

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La volonté a toujours été le détonateur de l’engagement
qui a permis toujours à celui-ci de prendre forme et de
s’articuler en vue de créer des effets de droit.

Néanmoins, il faut constater que dans les systèmes


juridiques classiques le formalisme a handicapé le déploiement
de la volonté de façon libre.

Depuis l’apparition du consensualisme, la place


prépondérante prise par la volonté ne cesse d’augmenter. La
négociation pré-contractuelle va être de plus en plus fréquente,
mais surtout la préoccupation liée à la nécessité d’avoir une
volonté parfaitement autonome comme source d’obligation va
permettre de changer les données de l’environnement
contractuel. Le raisonnement subjectif est prioritaire, et dans
l’analyse de l’engagement pris, on recherchera d’abord si la
volonté a été parfaitement libre, car c’est à ce prix que
l’obligation à laquelle il donne naissance est susceptible
d’engager celui qui l’a contracté.

Paradoxalement, la même évolution économique va dicter


l’apparition de certains freins qui vont s’ajouter à ceux, déjà
classiques, liés à l’ordre public. Ces freins permettront
d’indiquer le déclin de l’autonomie de la volonté. En effet, on
assiste à des contrats d’adhésion dans lesquels il n’existe
aucun pouvoir de négociation, un certain déséquilibre s’installe.
Déjà cette inégalité était manifeste dans certains contrats
comme le contrat de travail.

L’exemple type des contrats d’adhésion est le contrat


d’assurance : l’assureur présente à son assuré un contrat pré-
imprimé non susceptible de négociation.

Néanmoins, il faut relever que si la théorie de l’autonomie


de la volonté a décliné, il n’en reste pas moins vrai que pour la
plupart des contrats plus ou moins sophistiqués, il est d’usage
que leur négociation soit précédée de véritables négociations.

C’est dans ce domaine, mais aussi en matière de statut


personnel que l’autonomie de la volonté continue à se
développer de façon significative.

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TITRE1 : LE CONSENTEMENT

Le consentement est l’accord des parties contractantes sur


tous les points du contrat : WORUM VEL PLUNIUM IN IDEM
PLACITIUM CONSENSUS.

Il s’agit de la première condition de formation valable


d’une obligation tel que le D.O.C en dispose dans l’art 19.

Art19 :La convention n’est parfaite que par l’accord des


parties sur les éléments essentielles de l’obligation ainsi que
sur toutes les autres clauses licites que les parties considèrent
comme essentielles.

La primauté du consentement est donc incontestable, elle


est le corollaire de l’exigence de la volonté comme élément
créateur de l’obligation. Il faut que le consentement soit
exprimé de manière claire et sans réserve.

En pratique, le consentement ne se déploie pas toujours


de la même façon, et il peut être exprimé sous différentes
formes selon les circonstances et l’environnement dans lequel
l’engagement va naître.

Dans les contrats synallagmatiques, une partie offre et


l’autre accepte ou fait une contre proposition. On parle alors
d’échange des consentements. Il peut avoir lieu au même
endroit ou se faire par correspondance.

1.1.1. CHAPITRE1 :l’échange des consentements :

SECTION1 :L’OFFRE.

C’est l’acte unilatéral par lequel une personne fait


connaître à autrui son intention de contracter. Le D.O.C traite
des questions relatives à l’offre et à l’acceptation à l’art23 et S.

§1 : Les formes de l’offre.

En général, l’offre est expresse, elle peut être faite à une


personne présente ou absente. Elle peut être dans le premier
cas verbale ou écrite, et dans le second cas être contenue dans
toutes formes de correspondance.

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Cependant, l’offre peut être aussi tacite. Dans ce cas,


l’offrant s’exprime par l’exposition du contenu et des conditions
de l’offre (le commerçant qui expose les articles de son
commerce).

On classe également dans le cadre de l’offre tacite celle


résultant d’une attitude, tel est le cas du chauffeur de taxi en
stationnement.
L’offre peut aussi être collective, faite au public (annonce dans
un journal, vente aux enchères) : le premier venu pourra s’en
saisir sauf si certaines conditions sont exigées.

L’offre peut être accompagnée ou non de réserves auquel


cas elle est subordonnée à une acceptation qui tient compte de
ces dites réserves.

§2 : Les effets de l’offre

L’offre a pour effet, si elle est acceptée, de déclencher la


naissance du contrat, mais le problème réside dans le fait de
savoir quelle est sa valeur une fois émise ?

Ce problème est résolu par l’art26 qui dispose que : La


proposition est révocable, tant que le contrat n’est point parfait
par l’acceptation ou le commencement d’exécution entrepris
par l’autre partie.

Lorsque l’offrant décède ou tombe en incapacité, l’offre est


révocable tant qu’elle n’a pas été acceptée par celui à qui elle a
été destinée sauf si elle est accompagnée d’un délai, auquel
cas elle ne peut être retirée avant l’expiration de celui ci.
Lorsque l’acceptant l’accepte en ignorant le décès ou
l’incapacité de l’offrant, elle produit son entier effet.

SECTION2 :L’ACCEPTATION.

L’acceptation doit être expresse car l’adage selon lequel


QUI NE DIT MOT CONSENT n’est pas applicable dans ce
domaine. Toutefois, l’acceptation peut résulter dans certains
cas de l’attitude (le chauffeur de taxi qui, au lieu de répondre à
l’offre du passager de l’emmener à une destination donnée,
décide de prendre le chemin de celle ci) ou même du silence

17
Cours de Droit Civil : Dr. Azzedine Kettani
(c’est ainsi que l’art25 considère que l’absence de réponse vaut
consentement lorsque le contrat se rapporte à des relations
d’affaires déjà entamées entre les parties).

Cela étant, il faut relever que le législateur n’exige aucune


forme particulière, ni pour l’offre, ni pour l’acceptation, et que
même lorsqu'elles sont écrites, l’acte qui les comporte peut
avoir la forme d’un acte sous seing privé. C’est la consécration
sur ce plan des règles du consensualisme ;

SECTION3 : LES CONTRATS PAR CORRESPONDANCE.

Ce sont des contrats conclus entre deux ou plusieurs


personnes ne se trouvant pas au même endroit.

§1 : Exposé du problème.

Les contrats par correspondance peuvent être conclus par


tout moyen de communication. Plusieurs questions se posent
dans ce domaine, en effet, on peut d’abord se demander à
quelle datte le contrat est né ? Dans quel lieu il a vu le jour ? A
quelles lois et quelles juridictions faut-il le soumettre si rien n’a
été prévu par les parties ?

Dans le cadre des relations internes, les problèmes


peuvent être mineurs, mais ils ne le sont plus dans le cadre du
commerce international.

§2 : Les solutions possibles et le droit positif.

Elles sont nombreuses et dépendent de l’approche dans


laquelle le système juridique a décidé de s’installer. A la
question de savoir quand et où le contrat est né, plusieurs
solutions et réponses peuvent être données.

La première se fonde sur la théorie dite de la déclaration


selon laquelle le contrat est parfait au moment et dans le lieu
où celui qui a reçu l’offre déclare son acceptation.

On peut par ailleurs considérer que le contrat est né au


moment et dans le lieu où celui qui a reçu l’offre a émis son
acceptation. C’est la théorie de l’émission qui consacre ce
système.

18
Cours de Droit Civil : Dr. Azzedine Kettani

On doit noter cependant que l’offrant est à ce stade dans


l’ignorance de la réponse de son partenaire au contrat. On peut
alors considérer que le contrat ne va naître que lorsque
l’acceptation aura été reçu par l’offrant, C’est la solution
consacrée par la théorie dite de la réception. En poussant le
raisonnement à l’extrême, on peut dire que l’offrant ayant reçu
l’acceptation ne l’a pas encore lu et donc se trouve toujours
dans l’ignorance de la volonté de son partenaire au contrat.

C’est ainsi que la théorie de l’information défend ce point


de vue et estime que le contrat est parfait au moment et dans
le lieu où l’offrant aura su l’acceptation.

Pour ce qui est du D.O.C, celui ci a opté à l’art 24 pour la


théorie de la réception à l’instar de l’art130 du B.G.B, et c’est
ainsi que : le contrat par correspondance est parfait au moment
et dans le lieu où celui qui a reçu l’offre répond en l'acceptant.

Lorsqu’il s’agit d’une offre faite en moyen d’un messager


ou d’un intermédiaire, le contrat : est parfait au moment et
dans le lieu où celui qui a reçu l’offre répond à l’intermédiaire
qu’il accepte.
Il faut par ailleurs noter que les offres peuvent être faites avec
ou sans délai. En effet, L’acceptant peut émettre l’acceptation
dans le délai, mais celle ci parvient à l’offrant après l’expiration
du délai. Dans ce cas, l’art 30 précise que : le proposant n’est
pas engagé sauf le recours de la partie en dommages et
intérêts contre qui de droit.

Enfin lorsqu’il n’y a pas de délai, L’art 30 prévoit aussi


que : Celui qui a fait une offre par correspondance, sans fixer un
délai, est engagé jusqu’au moment où une réponse, expédiée
dans un délai moral et raisonnable, devrait lui parvenir
régulièrement. C’est la notion de délai moral raisonnable qui est
problématique et peut être la cause de nombreux problèmes.
1.1.2 CHAPITRE 2 : Les vices du consentement.

En vertu du principe du consensualisme et de


l’attachement du droit moderne à la nécessité de ne donner des
faits aux obligations que parce qu’elles ont été librement

19
Cours de Droit Civil : Dr. Azzedine Kettani
consenties, la qualité du consentement passe par une priorité. Il
en résulte que celui ci doit être exempt de tout vice.

En conséquence, le contrat sera annulable si tel n’est pas


le cas. Il ne doit cependant pas être exposé à l’annulation pour
toute sorte de vices ou de raisons, seuls les vices les plus
importants doivent être retenus.

Il convient de signaler que la sélection a été faite très tôt


pour retenir seulement 3 vices principaux pouvant annuler le
contrat : il s’agit de l’erreur, du dol et de la violence.

L’art39 du D.O.C énonce qu’ : Est annulable le


consentement donné par erreur, surpris par dol ou extorqué par
violence.

Même si le D.O.C traite de la lésion dans le cadre des vices


du consentement, celle ci ne constitue guère un vice mais une
inéquivalence des prestations d’un contrat commutatif qui fait
que celui ci devient annulable à certaines conditions.

L’institution des vices du consentement a pour objet de


protéger à la fois le négoce et l’intérêt des parties.

SECTION1 :L’erreur.

L’erreur peut être définie comme la représentation inexacte de


la vérité. Dans ce cadre l’une des parties invoque sa propre
erreur pour se dégager du contrat. Cette approche paraît
surprenante car le réflexe logique en pareil cas est de laisser à
la charge de celui qui s’est trompé la responsabilité et les
conséquences de son acte.
Il ne serait pas logique, pensaient déjà les romains, de
permettre à quelqu’un de commettre une faute tout seul et
d’en tirer avantage, c’est ce qu’exprime le principe : NEMO
AUDITUR PROPRIAM TURPITUDINEM ALLEGANS. (Nul ne peut
invoquer son erreur pour en tirer avantage).

Cette règle correspond à ce souci de justice à l’égard de


l’autre partie au contrat. Pourtant, le droit moderne a bien
écarté l’application de cette règle et ce, au nom du nécessaire
liberté du consentement et de la garantie que celui ci doit avoir.

20
Cours de Droit Civil : Dr. Azzedine Kettani

§1 : Les formes de l’erreur.

L’erreur peut se traduire par plusieurs manifestations : elle


peut porter sur la chose ou sur la personne. L’erreur peut être
aussi de calcul ou être une erreur de droit par opposition à
l’erreur de fait.
Généralement, on ramène à trois formes les erreurs selon leur
intensité :

a. L’erreur obstacle ou erreur destructrice du consentement :


càd, celle dont l’intensité est telle qu’aucun accord de volonté
n’est envisageable. Il en est ainsi de l’erreur qui porte sur la nature
de l’acte ou sur son objet.

b. L’erreur indifférente : Elle doit être simplement rectifiée


et n’entraîne pas la nullité. Il en est ainsi de l’erreur de calcul ou
de l’erreur qui porte sur la qualité non substantielle de la chose.

c. L’erreur nullité ou erreur viciant le consentement : càd,


celle qui est assez grave pour révéler l’absence d’un
consentement saint et parfait, mais pas suffisamment grave
pour empêcher le contrat de naître. Il en est ainsi de l’erreur sur
la substance ou de l’erreur sur la personne dans les contrats
conclus en fonction de la personne. C’est cette forme d’erreur
qui constitue un vice de consentement. Dans ce cas le contrat
est annulable.

§2 : Régime juridique de l’erreur :

Il faut relever dans ce cadre la prédominance de la


méthode subjective de raisonnement. En effet, l’erreur sera
appréciée en fonction d’un certain nombre de circonstances
ayant entouré le contrat, mais aussi en tenant compte de la
personne qui a commis l’erreur.

Et c’est ainsi que l’art 44 dispose que : Dans l’appréciation


de l’erreur et de l’ignorance soit de droit, soit de fait, les juges
devront toujours avoir égard à l’âge, au sexe, à la condition des
personnes et aux circonstances de la cause.

21
Cours de Droit Civil : Dr. Azzedine Kettani
D’autre part, et en raison du fait que l’on a admis par
principe de ne retenir l’erreur que si elle a été d’une certaine
gravité, on considère que cette gravité existe dés lors que
l’erreur a été déterminante du consentement de celui qui l’a
commise, càd qu’en son absence le consentement n’aurait pas
été donné.

Par ailleurs, pour éviter qu’on prenne en considération


l’erreur qui porte sur des éléments extérieurs au contrat, on a
du imposer que l’erreur, pour entraîner la rescision, doit porter
sur le motif impulsif et déterminant intégré dans le champ
contractuel. Et c’est ainsi que se définit l’erreur qui entraîne
l’annulation du contrat.

En matière d’erreur de droit, et nonobstant le principe


selon lequel : Nul n’est censé ignorer la loi, l’art 40 dispose
que : l’erreur de droit donne ouverture à la rescision de
l’obligation :
1° :Lorsqu’elle est la cause unique ou principale
2° :Lorsqu’elle est excusable

En matière d’erreur de fait, on retient également la règle


du caractère déterminant de l’erreur.

En conclusion, il faut retenir que l’erreur a un aspect civil


seulement qui provient du fait que le contractant s'est trompé
lui-même, et qu’il n’a subi l’influence d’aucune intervention
extérieure.

SECTION2 : Le dol.

Le dol est généralement définit comme étant des


manœuvres frauduleuses tendant à induire autrui en erreur, et
à l’amener ainsi à conclure un acte auquel il n’a pas consenti.

§1 : Les formes du dol.

On peut les ramener à trois formes principales : Les


mensonges, les réticences, et les manœuvres proprement dites.

Le mensonge est l’acte par lequel on représente comme


vrai une donnée fausse ou inversement.

22
Cours de Droit Civil : Dr. Azzedine Kettani

La réticence est le fait de taire ce que l’on a l’obligation de


dire et ce qu’autrui a intérêt à savoir.

Les manœuvres proprement dites sont constituées par des


mensonges et éventuellement des réticences doublés d’une
mise en scène avec une utilisation de fausses pièces, de
fausses qualités, de faux témoignages… C’est là, la
représentation du DOLUS MALUS, càd le dol qui donne lieu à la
rescision, par opposition au DOLUS BONUS, càd le dol
acceptable.

Par ailleurs, il convient de distinguer le dol du contractant


lui-même de celui des tiers. Il arrive en effet, que le contractant
ait recours à un tiers, et que celui ci, pour obtenir la conclusion
du contrat, se livre à des manœuvres dolosives.

§2 : Régime juridique.

a. S’agissant de la sanction, il faut relever que le dol a un


aspect dualiste puisqu’il est en même temps représentatif
d’une démarche pénale et d’un acte civil. Il a dés lors des
aspects civils et des aspects délictueux. La victime du dol peut
ainsi recourir soit, par voie civile, soit par voie pénale, mais pas
les deux et ce, en vertu du principe UNA VIA ELECTA. Et c’est
ainsi que l’annulation du contrat peut être prononcée, soit par
le juge pénal, soit par le juge civil. En effet, le juge pénal ayant
condamné l’auteur du dol à une sanction pénale, peut
prononcer l’annulation du contrat, et sera même compétent
pour accorder des dommages-intérêts à la victime.

Le dol du tiers donne lieu également à la rescision lorsque


ce dernier a agit en complicité avec le contractant à qui le dol
profite. S’il agit à l’insu de ce dernier, la victime du dol peut
seulement lui réclamer des dommages et intérêts pour le
préjudice causé.

b. S’agissant de l’intensité du dol, il faut passer en revue


les formes de celui ci.
- Le mensonge ne peut être considéré comme dol que s’il
est accompagné d’une réticence ou d’une certaine manœuvre,
car on considère toujours normal que le vendeur vante son

23
Cours de Droit Civil : Dr. Azzedine Kettani
produit, et on recommande une certaine vigilance de la part de
l’acheteur.
- La réticence obéit aux mêmes règles que le mensonge et
on demande aussi une certaine vigilance de la partie
prétendant avoir été victime du dol.
- Les manœuvres proprement dites combinent le tout dans
une mise en scène appropriée, et représentent le dol entraînant
la rescision.

Cela étant, le mensonge comme la réticence ont pour


sanction dans certains cas la nullité, et l’exemple le plus
significatif est celui de leur application en matière d’assurance.

Ainsi, l’arrêté viziriel du 28 novembre 1934 relatif aux


contrats d’assurances a prévu que le mensonge intentionnel
aussi bien lors de la déclaration du risque qu’au cours de la vie
du contrat, peut entraîner l’annulation de celui ci. Par ailleurs, si
le mensonge n’est pas intentionnel, c’est la règle
proportionnelle qui sera appliquée.
c. L’exigence du caractère déterminant imposé en matière
d’erreur se trouve dans le dol. Ainsi, il faut que le dol ait été tel
que sans lui il n’y aurait pas eu de contrat. C’est ce qui résulte
de l’art 52 qui dispose que : Le dol donne ouverture à la
rescision, lorsque les manœuvres ou les réticences de l’une des
parties, de celui qui la représente ou qui est de complicité avec
elle, sont de telle nature que, sans ces manœuvres ou ces
réticences, l’autre partie n’aurait pas contracté.

On retrouve ainsi l’idée du motif impulsif et déterminant


intégré dans le champ contractuel, déjà développée dans le
cadre de l’erreur.

SECTION3 : La violence.

L’art 46 définit la violence comme étant : la contrainte


exercée sans l’autorité de la loi, et moyennant laquelle on
amène une personne à conclure un acte qu’elle n’a pas
consenti.

§1 : Les formes de la violence.

24
Cours de Droit Civil : Dr. Azzedine Kettani
a)Violence et voie de fait : Certes l’acte de coups et
blessures peut être déterminant du consentement de la
victime, mais dans la plupart des cas la violence s’exprime par
d’autres moyens.

b) Violence et menace : En réalité, ce sont plus les


préparatifs à la violence que la violence elle-même qui
conduisent au résultat souhaité. En effet c’est la menace de
voies de fait qui amène généralement la victime à contracter.
Par contre, et à l’opposé du chantage qui est condamnable, la
menace de voies de droit ne peut justifier la rescision si elle est
légitime.

c) Violence et crainte révérencielle : Dans ce cas, l’auteur


utilise son lien d’ascendance ou son pouvoir hiérarchique pour
obliger la victime à contracter.

d) Violence et victime : Généralement, la victime de la


violence est le cocontractant lui-même. Seulement la violence
peut se traduire aussi par la crainte d’exposer non seulement
sa personne, mais également son honneur ou ses biens ou
encore une personne avec laquelle le contractant entretient des
relations étroites à un préjudice quelconque.

§2 : Régime juridique.

Les romains accordaient une place à la violence en


l’appréciant objectivement, de sorte qu’elle doit être de nature
à ébranler l’homme le plus courageux, faute de quoi elle
n’entraîne pas la rescision.

Les juristes de droit musulman notamment hanéfites,


considèrent que le violenté garde un choix, et en acceptant de
conclure le contrat il choisit des deux mots le moindre, et doit
donc respecter l’engagement résultant de son choix quitte à
poursuivre pénalement l’auteur de la violence.

A l’opposé, le droit moderne quant à lui, accorde une place


importante à la violence en la rangeant parmi les vices du
consentement.

25
Cours de Droit Civil : Dr. Azzedine Kettani
a)La violence doit par principe avoir été la cause
déterminante du consentement. De plus, il faut qu’elle soit
d’une certaine intensité de sorte que les faits qui la
caractérisent soit de nature à produire chez celui qui en est
l’objet soit une souffrance physique, soit un trouble moral
profond, soit la crainte d’exposer sa personne, son honneur ou
ses biens à un préjudice notable (art 47).
On remarque également dans ce domaine la prédominance de
la méthode subjective de raisonnement. Pour s’en convaincre, il
suffit de se reporter à l’art47 qui dispose : …...eu égard à l’âge,
au sexe, à la condition des personnes, et à leur degré
d’impressionnabilité.

S’agissant de la crainte résultante des menaces et plus


précisément de la crainte révérencielle, il faut que cela soit
accompagné de menaces graves. Là encore, le juge tiendra
compte de la victime de la violence.

b) La violence développe des aspects contractuels et


délictuels comme le dol, et c’est pour cela que la victime aura
le choix entre l’action pénale et l’action civile.

TITRE 2 : LA CAPACITE.

26
Cours de Droit Civil : Dr. Azzedine Kettani

La capacité constitue la deuxième condition de formation


valable du contrat et correspond à une exigence de bon sens
puisqu’il faut que la partie qui s’oblige soit non seulement d’un
âge suffisant mais encore qu’elle soit en parfaite possession de
ses facultés mentales.

Le droit marocain connaît ainsi deux catégories


d’incapables : Les mineurs et les majeurs. L’incapacité de ces
derniers peut être liée, soit à une déficience mentale, soit une
décision de justice.

Il faut distinguer ainsi entre l’incapacité de jouissance et


l’incapacité d’exercice.

2.1.1 :CHAPITRE1 : les incapacités d’exercice.

Pour exercer un droit, il faut que l’individu soit capable


d’obliger et de s’obliger, et l’on doit se référer pour régir sa
capacité à son statut personnel. L’art3 du D.O.C dispose à ce
sujet : la capacité civile de l’individu est réglée par la loi qui
régit son statut personnel.

SECTION1 : la capacité selon la moudawana.

Les règles de la moudawana s’appliquent aux


ressortissants marocains musulmans. La capacité est fixée
dans le code de statut personnel (C.S.P.) à 20 ans. Avant cet
âge la vie du mineur est organisée de la façon suivante :

*Jusqu’à l’âge de 12 ans, le mineur est dépourvu de


discernement et ne peut gérer son patrimoine.

*De 12 à 15 ans, et lorsqu’on constate chez le mineur


quelques prédispositions à la maturité, il pourrait être autorisé,
sous le contrôle du représentant légal, à avoir un pécule qu’il
pourrait administrer.

*De 15 à 18 ans, le tuteur, après autorisation du juge peut


permettre au mineur d’administrer, à titre d’expérience une
partie de ses biens.

27
Cours de Droit Civil : Dr. Azzedine Kettani
*Entre 18 et 20 ans, le mineur peut faire l’objet d’une
émancipation qui est un accès anticipé à la majorité (tarchid).
Cela s’effectue par une déclaration du représentant légal, et se
traduit par une décision du juge qui décidera si le mineur peut
ou non bénéficier de cette mesure.

La représentation légale appartient au père, puis elle


revient à la mère en cas de décès de celui ci ou de son
incapacité. Cependant, la mère ne peut aliéner les biens du
mineur qu’après autorisation du juge. Ensuite, le tuteur
testamentaire désigné normalement par le père. La
représentation légale revient enfin au juge qui la transmet à un
tuteur datif désigné par lui et sur lequel il garde un droit de
contrôle et de révocation.

D’ailleurs, le juge peut intervenir même à l’encontre du


père. A ce propos, l’art 150 de la modawana dispose que :
Lorsque le père est indigent, le juge lui interdit tout
prélèvement sur les biens de son fils. Si le magistrat craint une
aliénation de la part du père, il désigne un subrogé tuteur.

SECTION2 : la capacité dans les autres régimes de statut


personnel.

En dehors du statut personnel musulman, on relève d’une


part, la situation des marocains de confession juive, et d’autre
part, celle des marocains qui ne sont, ni juifs, ni musulmans.

A l’instar de la moudawana, le statut personnel hébraïque,


qui n’est pas codifié, est également religieux, celui ci lie la
capacité à l’âge de 21 ans. Cet âge était lié primitivement à la
puberté, puis, les décisions rabbiniques (tacamotes) l’ont fixé à
l’âge de 25 ans.

Il faut dire qu’actuellement, cette disposition n’a que peu


d’intérêt eu égard à la législation actuelle notamment en
matière commerciale qui fixe l’âge de la majorité à 20 ans.

Quant aux marocains qui ne sont ni de l’une ni de l’autre


des confessions, ces derniers sont soumis dans leur statut
personnel à la moudawanna sauf pour les règles où la qualité
de musulman est requise, par ex : La répudiation, La polygamie,

28
Cours de Droit Civil : Dr. Azzedine Kettani
Les règles successorales ne leur sont pas applicables.
S’agissant de la capacité, la règle de 20 ans sera applicable à
leur égard.

Pour ce qui est des étrangers, il faut distinguer dans ce cas


entre les musulmans et les non musulmans. En effet, les
étrangers musulmans sont soumis, dans leur statut personnel à la
moudawanna, et donc leur capacité est lié à l’âge de 20 ans. On
dit dans ce sa que le religieux prend le pas sur le social.

Par contre, lorsque l’étranger en question est d’une autre


confession que musulmane, c’est sa loi nationale qui prévaut. En
matière commerciale, il convient de signaler que cette disposition
n’a plus qu’une place fictive, en effet, l’art 15 du C de C. stipule
qu’ : est réputé majeur pour exercer le commerce tout étranger
ayant atteint vingt ans révolus….

SECTION 3 : Capacité et actes de commerce.

Le code de commerce a rappelé dans son art 12 le principe


selon lequel la capacité pour exercer le commerce obéit aux
règles du statut personnel. Il a également introduit des
exceptions à ce principe, et c’est ainsi que l’art 15 dispose : Est
réputé majeur…, même si sa loi nationale prévoit un âge de
majorité supérieur à celui qui est édicté par la loi marocaine. Ce
texte a le mérite d’éviter les conséquences des situations
semblables à l’affaire LIZARDY dans laquelle l’âge de la majorité
de l’individu en question était selon sa loi nationale supérieure à
celui contenu dans la loi française.

Il faut par ailleurs relever qu’il est impossible que le


commerçant puisse connaître l’âge de la majorité dans tous les
systèmes juridiques, comme il n’est pas concevable que le
commerçant demande systématiquement à l’acheteur de
produire une attestation confirmant sa majorité.

Certes, le commerçant aura toujours la possibilité d’exercer


une action pénale pour escroquerie contre le mineur qui s’est fait
passé pour un majeur, mais cela ne satisferait guère les
aspirations du commerçant. En outre, il faudrait que le mineur

29
Cours de Droit Civil : Dr. Azzedine Kettani
dont il s’agit ait atteint l’âge de la majorité pénale tel qu’il est fixé
dans le pays du commerçant.

Le code de commerce a également posé un autre principe


concernant la capacité de la femme mariée. Celle ci peut exercer
le commerce selon l’art17, sans l’autorisation de son mari.

SECTION4 : la capacité dans le D.O.C :

Les art. 2 et S comportent des règles concernant la


capacité.

§1 : Rappel des règles :

Le D.O.C. a prévu une dizaine d’art (3-13) régissant la


capacité. Leur contenu s’articule autour de deux principes
universels et de certaines règles particulières. Dans le cadre
des premiers, on trouve l’obligation pour le mineur d’avoir un
tuteur de sorte que s’il contracte sans l’autorisation du père ou
du tuteur l’obligation est nulle. On trouve également le principe
selon lequel le tuteur ne peut entreprendre aucun acte de
disposition sans l’autorisation du juge. Le D.O.C. vise le père à
travers l’art11 lorsqu’il dispose que : Le père qui administre les
biens de son enfant mineur ou incapable, le tuteur, le
curateur… ne peuvent faire aucun acte de disposition sur les
biens dont ils ont la gestion, qu’après avoir obtenu une
autorisation spéciale du magistrat compétent….
Sont considérés comme acte de disposition, au sens du présent
article, la vente, l’échange, la location pour un terme supérieur
à trois ans, la société, le partage, la constitution de
nantissement et les autres cas expressément indiqués par la loi.

Parmi les principes particuliers se trouve la règle de l’art 9


selon laquelle le mineur n’est obligé qu’à concurrence du profit
qu’il a tiré de l’opération, et le texte précise qu’il y a profit,
lorsque l’incapable a employé ce qu’il a reçu en dépenses
nécessaires ou utiles ou lorsque la chose existe encore dans
son patrimoine. Cela veut dire que si le mineur dilapide le
produit de l’obligation il est libéré de la restitution alors que son
contractant majeur ne l’est pas.

30
Cours de Droit Civil : Dr. Azzedine Kettani
L’art6 comporte également une décision très
préoccupante. En effet, il prévoit que : l’obligation peut être
attaquée par le tuteur ou par le mineur après sa majorité alors
qu’il aurait employé des manœuvres frauduleuses pour induire
l’autre partie à croire à sa majorité, à l’autorisation de son
tuteur ou à sa qualité de commerçant. Le mineur demeure
obligé toutefois à concurrence du profit qu’il a retiré de
l’obligation, dans les conditions prévues au présent dahir.

Par ailleurs, L’art5 autorise les mineurs à améliorer leur


situation financière même sans l’assistance de leur père, tuteur
ou curateur, en ce sens qu’ils peuvent accepter une donation
ou d’autres actes de ce genre.

§2 : Appréciation des règles du D.O.C :

On sait que la capacité de marocains musulmans est régie


par la moudawanna, que celle des marocains israélites est régie
par le droit hébraïque, que celle des étrangers est régie par leur
loi nationale, et que celle des marocains qui ne sont ni
musulmans ni israélites est régie par la moudawanna sous les
réserves déjà indiquées.

Face à cette situation, on peut se demander à qui les


règles du D.O.C vont être appliquées ? La question qui se pose
à ce niveau est celle de savoir à qui cette construction juridique
s’applique ?

La réponse logique est qu’elle concerne les cas dans


lesquels le mineur n’a aucune loi nationale applicable et que
l’on ne peut pas ranger parmi l’une des catégories existantes.
C’est le cas des apatrides notamment. Il s’agit donc d’une
forme de droit commun de la capacité.

En réalité, les textes dont il s’agit semblent s’adresser à


des destinataires non existants.

On peut donc dire dans ce cas que les règles du D.O.C


n’ont pas de domaine d’application et s’expliquent plus par des
raisons historiques.

2.2.1 :CHAPITRE2 : les incapacités de jouissance.

31
Cours de Droit Civil : Dr. Azzedine Kettani

Il y a d’autres causes qui font que le sujet de droit devient


incapable, en effet, à l’âge de 20 ans, on devient définitivement
majeur lorsqu’on est marocain musulman. Par contre,
l’individu peut devenir incapable, soit parce que son état
mental est déficient, soit parce que l’autorité judiciaire lui a
retiré une partie ou la totalité de sa capacité.

SECTION1 : la démence et la prodigalité.

Le dément est celui qui a perdu la raison, que sa démence


soit intermittente, càd coupée de période de lucidité ou qu’elle
soit continue. Il faut préciser à ce niveau que la démence n’est
pas en droit civil qualifiée de la même manière qu’en médecine,
il peut s’agir d’un état permanent voisin de la démence ou
encore d’une faiblesse de l’esprit. La législation civile
s’intéresse à toutes les faiblesses rendant le sujet de droit
incapable d’administrer, de gérer ou de disposer de son
patrimoine.

Dans une situation de démence, c’est la famille qui


demande généralement au juge de placer l’incapable sous le
régime d’interdiction. Un curateur sera alors désigné, et agira
en qualité de représentant légal du dément. Cela n’est
cependant pas toujours le cas, et assez souvent l’individu en
question demeure livré à lui-même.

Le prodigue est celui qui dilapide son patrimoine dans des


dépenses sans utilité ou considérées comme telles par des
personnes raisonnables.

Cette double forme d’incapacité conduit à l’interdiction de


l’intéressé de jouir de ses droits et de disposer de ses biens. Les
actes accomplis par le dément ou le prodigue sont annulables
et sans effets. Le juge prononce l’interdiction du dément et du
prodigue, et désigne l’homme qui fera fonction de tuteur.

SECTION2 :l’interdiction de jouir de certains droits.


Le C.P. a prévu, à titre de peines accessoires, l’interdiction de
jouir de certains droits notamment à l’égard des personnes qui
sont sous les coups des peines de l’art16.

32
Cours de Droit Civil : Dr. Azzedine Kettani
Il est évident qu’une personne condamnée à la réclusion
perpétuelle ne peut plus gérer ses biens, il est normal qu’il lui
soit désigné un curateur qui entreprendra des actes juridiques
pour son compte.

Il arrive aussi que l’efficacité de la peine pénale exige que


l’on interdise à l’intéressé de jouir de ses droits. Quoiqu’il en
soit l’interdiction peut être levée lorsque les motifs auront
disparu.
TITRE 3 : L’OBJET.

Le D.O.C. n’a pas définit l’objet dont il traite aux articles 57


à 61, il a simplement procédé par délimitation en énonçant à
l’art 57 que : les choses, les faits et les droits incorporels qui
sont dans le commerce peuvent seuls former objet d’obligation.

On constate que les choses, les faits et les droits qui


peuvent faire l’objet de l’obligation sont définit de façon large. Il
peut donc s’agir de toute sorte de choses, de faits ou de droits.
L’art 57 apporte cependant une restriction lorsqu’il indique
que : Sont dans le commerce toutes les choses au sujet
desquelles la loi ne défend pas expressément de contracter.
3.1.1. CHAPITRE1 : les caractères de l’objet.

Ils sont issus des dispositions du D.O.C. et peuvent être


ramenés à 4 : la détermination, la possibilité, le caractère
personnel, et la licéité.

SECTION1 : la détermination de l’objet.

L’art 58 précise que : la chose qui forme l’objet de


l’obligation doit être déterminé au moins quant à son espèce.
La quotité de la chose peut être incertaine, pourvu qu’elle
puisse être déterminée par la suite.

L’exigence de la détermination répond à une condition de


bon sens, en effet, on ne saurait contracter sur un objet
indéterminé.

En principe, l’objet doit être indiqué avec toutes ses


composantes. Néanmoins, on peut trouver des contrats dans
lesquels l’objet ne peut être déterminé qu’approximativement.

33
Cours de Droit Civil : Dr. Azzedine Kettani

En réalité le problème a été résolu pour ne pas handicaper


le négoce. Ainsi on se place à 2 moments qui correspondent à 2
étapes du processus contractuel : A la conclusion de l’acte, la
détermination peut être approximative alors qu’au moment de
l’exécution la détermination doit devenir précise.

L’art61 confirme cette solution lorsqu’il dispose que :


l’obligation peut avoir pour objet une chose future et incertaine,
sauf les exceptions établies par la loi.

SECTION2 : la possibilité de l’objet :

A ce sujet, on suit la règle romaine : IMPOSSIBILIUM NULLA


OBLIGATIO.
Est nulle l’obligation qui a pour objet un fait impossible
matériellement ou juridiquement au moment de l’échange des
consentements. Toutefois, la nullité s’estomperait si
l’impossibilité disparaissait avant le temps fixé pour l’exécution.

Dans ce cadre, il ne faudrait nullement songer à une vente


de terrains dans la lune, mais à des hypothèses plus pratiques
d’impossibilité soit matérielle (ex : livraison d’une marchandise
qui ne se fabrique plus), soit juridique (ex : livraison d’une
denrée étrangère que son pays d’origine frappe d’une
prohibition d’exportation)

En tout cas, seule l’impossibilité absolue est prise en


considération par opposition à l’impossibilité relative, càd
subjective.

SECTION3 : le caractère personnel.

Il est logique d’exiger que celui qui propose un fait ou une


chose comme objet du contrat en soit le propriétaire. Or pour
faciliter le négoce il a été nécessaire d’aménager cette
condition. Et c’est ainsi qu’on se place à 2 stades du processus
contractuel : lors de la conclusion l’objet peut ne pas appartenir
au contractant, il peut même ne pas exister pour peu que lors
de l’exécution il lui soit personnel.

34
Cours de Droit Civil : Dr. Azzedine Kettani
D’ailleurs, l’art 61 admet l’objet futur et incertain, et ce
double caractère se rattache aussi bien à la détermination qu’à
la possibilité.

SECTION4 : La licéité de l’objet.

L’art 57 pose cette condition en exigeant que l’obligation


soit dans le commerce. Il considère ainsi qu’il faut se référer à
la loi pour vérifier que celle ci n’a pas exclu l’objet en question.
Ainsi, le commerce des choses impures considérées comme
telles par la loi musulmane seront exclues du domaine de
l’objet acceptable.

La licéité s’applique aussi à des cas dans lesquels il est


plus question de considérations morales que de religion. Ainsi,
les contrats sur le corps humain seront illicites par application
de la notion de l’objet illicite. Il faut dire que par le recours à la
notion de cause, ces contrats ont été acceptés lorsqu’ils se
rapportent à des actes louables. Cela s’explique par le fait
qu’un objet en tant que tel ne peut être considéré ni licite, ni
illicite. On constate, en effet, que c’est l’usage auquel l’objet a
été destiné par le contrat ou les raisons pour lesquels celui ci a
été conclu qui donnent à ce dernier le caractère licite ou illicite.

3.2.1. CHAPITRE2 :l’équilibre contractuel.

Ce problème se pose dans le cadre des contrats


commutatifs. Dans ce cas, les parties ont entendu mettre en
place un équilibre entre prestations et contre-prestations. Cet
équilibre peut être rompu soit dés le départ (lésion), soit en
cours de contrat (dépréciation monétaire).

SECTION1 : la lésion.

La lésion peut être définit comme le préjudice pécuniaire


résultant, pour l’une des parties, d’une inégalité de valeur entre
les prestations. L’art 56 dispose à ce sujet dans son aliéna2 :
Est réputée lésion toute différence au-delà du tiers entre le prix
porté au contrat et la valeur effective de la chose.

§1 : Régime juridique.

35
Cours de Droit Civil : Dr. Azzedine Kettani
Ce sont les articles 55 et 56 du D.O.C qui traitent de la
lésion et distinguent selon qu’elle a lieu entre majeurs ou au
détriment d’un mineur.

L’art 55 qui régit le premier cas dispose que : la lésion ne


donne lieu à la rescision, à moins qu’elle ne soit causée par le
dol de l’autre partie ou de celui qui la représente ou qui a traité
pour elle, et sauf l’exception ci après.

Par ailleurs, l’art56 qui régit le deuxième cas dispose que :


la lésion donne ouverture à la rescision, lorsque la partie lésée
est un mineur ou un incapable, alors même qu’il aurait
contracté avec l’assistance de son tuteur ou conseil judiciaire
dans les formes déterminées par la loi, et bien qu’il n’y ait pas
dol de l’autre partie.

§2 : Critiques.

Il faut préciser que dans le premier cas, la lésion à elle


seule n’a aucun effet. De plus, c’est le dol qui est exigé et non
pas n’importe quel vice du consentement. Or, on peut rétorquer
que s’il y a dol, la victime n’a pas de raisons particulières
d’invoquer la lésion pour obtenir la rescision, et peut arriver au
même résultat sinon mieux en se fondant sur le dol. Cela
montre bien l'inutilité de la lésion lorsqu’il s’agit de majeurs,
ainsi qu’elle ne peut être considérée comme un vice du
consentement.

Quant à la lésion qui implique un mineur lésé, on assiste à


une super protection de ce dernier puisque la lésion opérera
sans dol et malgré le fait que le contrat a été conclu par le
tuteur. En effet, logiquement, le cas aurait dû être régit par
l’art55 étant donné que le tuteur est un majeur. De plus, une
telle démarche ne tient pas compte des intérêts de l’autre
partie qui a pris toutes les précautions nécessaires afin que le
contrat ne soit pas annulable. Cela montre également le peu de
place que la lésion peut occuper en matière de rescision pour
déséquilibre contractuel.

SECTION2 : les clauses tendant à parer à la dépréciation


monétaire.

36
Cours de Droit Civil : Dr. Azzedine Kettani

Les clauses dont il s’agit s’adaptent à des situations dans


lesquelles le déséquilibre contractuel n’apparaît que lors de
l’exécution du contrat et non à sa naissance.

Les parties peuvent naturellement le rééquilibrer au


moyen d’un arrangement, mais peuvent aussi y mettre fin. Pour
éviter cette situation, les parties auront recours à des clauses
que la pratique a forgées et qui sont plus ou moins valables
selon les cas.

§1 : les clauses de paiement en or.

Les parties conviennent dans ce cas que le paiement sera


effectué au moyen d’une quantité d’or déterminée. Cette clause
suppose un régime de convertibilité de la monnaie permettant
au débiteur de disposer auprès de la banque centrale de la
quantité d’or qu’il s'est engagé à restituer à son cocontractant.
Vu que ce régime est abandonné depuis longtemps au profit de
celui du court forcé de la monnaie, cette clause n’est pas
valable.

§2 : les clauses de paiement en valeur or.

Le paiement dans ce cas se fera au moyen d’une somme


d’argent nécessaire à l’acquisition d’une quantité d’or fixée au
contrat. Cette démarche se présente comme une façon de
détourner la politique économique et monétaire du pays et
d’éviter les conséquences de l’inflation, c’est pour cela que
cette clause ne peut être valable.

§3 : les clauses de paiement en devises étrangères.

Le paiement sera effectué dans ce cas au moyen d’une


devise étrangère. Cette clause est non seulement permise mais
obligatoire dans les transactions concernant le commerce
extérieur, alors qu’elle demeure prohibée dans les transactions
internes.

§4 : les clauses d’indexation ou clauses d’échelle mobile.

37
Cours de Droit Civil : Dr. Azzedine Kettani
On les trouve très souvent en pratique. L’idée consiste à
choisir un indice de référence et l’appliquer au contrat. S’il
s’agit par exemple d’un bail, le loyer augmentera ou diminuera
selon les variations de cet indice. Parmi les indices les plus
utilisés, et qui sont d’ailleurs publiés et connus du public, on
retrouve l’indice du coût de la vie ou encore celui portant sur
les coûts de construction. Par ailleurs, le contrat va prévoir une
actualisation périodique en fonction de l’indice choisi.

TITRE 4 : LA CAUSE.

La cause constitue la quatrième condition de formation


valable d’une obligation. Elle répond elle aussi à une exigence
de bon sens qui fait que l’on s’oblige nécessairement pour une
cause présumée licite. Elle peut être définit comme le mobile
déterminant en l’absence duquel le contractant ne se serait pas
engagé ou encore comme la réponse à la question de savoir
pourquoi le contactant a contracté ?

La réponse à cette question varie selon que l’on se trouve


dans un système formaliste ou consensualiste. En effet, si on se
réfère aux droits anciens, formalistes par excellence, on
constate que la place de la cause y est relativement réduite à
cause de la prédominance du raisonnement objectif et de
l’inviolabilité du secret contractuel.
Par contre, si l’on se situe dans un système
consensualiste, la cause prend de l’importance et devient utile
et nécessaire, et permet au moyen de raisonnement subjectif
d’ouvrir de nouveaux horizons permettant d’étendre le rôle
juridique de la cause.

4.1.1. CHAPITRE1 : La théorie classique de la cause :

SECTION1 : Exposé de la théorie :

Cette théorie est le produit d’un raisonnement objectif pur.


Elle est attribuée à DOMAT et à POTHIER qui l’ont recueilli de
l’ancien droit. La cause de l’obligation varie suivant la nature du
contrat.

- Dans les contrats synallagmatiques, chaque obligation sert


de cause à l’obligation corrélative, càd que la prestation

38
Cours de Droit Civil : Dr. Azzedine Kettani
constitue la cause de la contre-prestation et inversement.
Ainsi dans une vente, le vendeur s’oblige à transférer la
propriété de la chose qu’il vend, et l’acheteur s’oblige de son
coté à lui payer un prix déterminé. In versement, l’acheteur
s’oblige à lui payer un prix déterminé parce que le vendeur
s’oblige à lui transférer la propriété de la chose vendue.

- Dans les contrats réels, la cause du contrat est constituée


par l’engagement de remettre la chose que le débiteur
s’oblige à restituer. Ainsi, dans le prêt d’une somme
d’argent, la cause de l’obligation de l’emprunteur consiste
dans la somme qu’il a reçue à titre de prêt.

- Dans les contrats gratuits, la chose donnée, la donation elle-


même a pour cause l’animus donandi, càd l’intention de
donner. S’il n’y avait pas cette intention, il n’y aurait pas eu
de contrat et ce par défaut de cause.
SECTION2 : Critiques.

On constate que la caractéristique principale de cette


théorie réside dans le fait que la cause est la même pour toutes
les personnes qui ont conclu un contrat de la même catégorie,
et ce en raison du fait que la cause n’est pas recherchée à
travers les intentions des parties, ni dans leurs motivations
profondes et personnelles.

Les critiques principales émanent des anti-causalistes


comme PLANIOL qui ont repris chacune des catégories pour
expliquer que la théorie classique est fausse.

- Dans les contrats synallagmatiques, la prestation et la contre


prestation constituent l’objet du contrat et non pas sa cause.
Par ailleurs, si on dit que chaque obligation sert de cause à
l’obligation correspondante, cela paraît inconcevable
puisqu’elles naissent en même temps.

- Dans les contrats réels, faire consister la cause de


l’obligation dans la prestation fournie au débiteur, c’est
confondre la cause de l’obligation avec le contrat lui-même.

- Dans les contrats gratuits, l’animus donandi n’a aucun


intérêt, et plutôt que d’exiger la cause, il faut se référer au

39
Cours de Droit Civil : Dr. Azzedine Kettani
consentement car une donation ne vaut rien si elle n’est pas
acceptée par le donataire.

Ainsi, selon les anti-causalistes, la cause s’est avérée


inutile et n’a aucun intérêt, car tantôt elle peut être remplacée
par l’objet, tantôt par le consentement, tantôt par une condition
d’existence même du contrat.

Si la théorie classique considère que la cause n’a pas


d’intérêt, il faut dire que cela s’explique plus par son recours à
la méthode objective que par une analyse pratique de l’utilité
de la cause. En effet, la cause considérée subjectivement
permet de dégager une réelle utilité de celle ci et parfois, sa
propension à supplanter l’objet.

4.2.1 : CHAPITRE2 : les conceptions modernes.

SECTION1 : l’approche moderne de la cause.

JOUSSRAND, RIPERT et HENRY CAPITANT ont démontré


l’importance de la cause et ont permis l’approche moderne de
cette notion. Celle ci n’est possible que par le recours au
raisonnement subjectif et à la recherche des intentions des
parties dans le cadre du processus contractuel. Or dans ce
cadre, diverses notions peuvent apparaître. Ainsi, le motif ou
encore le but, qui peuvent être seuls ou multiples et qui
peuvent avoir été constitutifs d’un élément du consentement.
Le but ne permet une définition exacte de la cause car il est
lointain et correspond à une forme d’objectif idéal. Par contre,
le motif est plus immédiat que le but et c’est pour cela que la
jurisprudence a retenu le motif comme critère de définition.

En réalité, on invite l’analyste à une recherche dans le for


intérieur du contractant en vue de dégager l’ensemble des
éléments qui l’ont poussé à conclure le contrat. Parmi ces
éléments, il faut dégager le plus important, càd le motif impulsif
et déterminant, càd celui qui a poussé le contractant et qui a
déterminé sa décision, tout en écartant les motifs subsidiaires.
Pour cela, on se posera la question de savoir si en l’absence de
ce motif, le contractant aurait il contracté ? Si la réponse est
négative, nous sommes en présence du motif recherché et dans
le cas contraire, nous serons en présence d’un motif incident et

40
Cours de Droit Civil : Dr. Azzedine Kettani
sans importance. Il faut également préserver la sécurité
contractuelle et veiller à ce que le motif retenu ne soit pas
extérieur au contrat.

La cause se définirait alors comme le motif impulsif et


déterminant intégré dans le champ contractuel. Il est
donc évident qu’elle sera différente d’un contrat à un autre et
d’un contractant à un autre, même s’il s’agit de contrats
portant sur un objet identique.

SECTION2 : Les applications de la notion de cause.

§1 : La preuve de la cause.

Dans la pratique des contrats, on constate que rarement la


cause est expressément stipulée à l’acte et ce, qu’il s’agisse
des actes civils ou des actes de commerce. De plus, tous les
contrats ne se présentent pas sous la forme écrite.

Entre une obligation de stipuler la cause dans tous les


actes juridiques, et celle de supposer simplement que tout acte
a une cause, le législateur a préféré laha deuxième solution.
C’est ainsi que le D.O.C dispose à l’art 63 que : Toute obligation
est présumée avoir une cause certaine et licite, quoiqu’elle ne
soit pas exprimée. Cet article laisse aux parties une liberté de
choix entre le mentionnement de la cause dans le contrat ou
non. Néanmoins, cette liberté ne pose pas une présomption
irréfragable, en effet, il s’agit d’une présomption simple qui
admet la preuve contraire. Le législateur considère, lorsque la
cause est exprimée, que celle ci est vraie. Toutefois, il arrive
que les parties n’aient pas réellement exprimé la véritable
cause de leurs engagements. La présomption est néanmoins
posée par l’art64 qui précise que : la cause exprimée est
présumée vraie jusqu’à preuve contraire. Ainsi, la partie qui
prétend que la cause exprimée est fausse ou illicite doit le
prouver.

§2 : la cause et les vices du consentement.

Lors de l’étude des vices du consentement, nous avons


posé le principe selon lequel ni le dol, ni la violence, ni l’erreur
ne pourront entraîner la rescision que si le vice a été

41
Cours de Droit Civil : Dr. Azzedine Kettani
déterminant du consentement de celui qui en a été victime. Le
principe a été également posé dans le sens de l’exigence du
caractère impulsif du vice. Autrement dit, en l’absence de ce
vice, le contractant n’aurait pas accepté de s’engager.

En conclusion, le vice doit être causal et avoir déterminé et


motivé l’engagement pris.

La cause trouve ainsi un domaine naturel d’application


dans les vices du consentement sans que celui ci ne soit
exclusif d’autres applications.

§3 : la licéité de la cause.

Selon l’art 63 du D.O.C, l’obligation doit non seulement


avoir une cause certaine, mais celle ci doit être licite. C’est
dans ce sens que l’art62 dispose que : L’obligation sans cause
ou fondée sur une cause illicite est non avenue. La cause est
illicite lorsqu’elle est contraire aux bonnes mœurs, à l’ordre
public ou à la loi.

En analysant la licéité de la cause, il faudrait prendre en


considération le motif impulsif et déterminant intégré dans le
champ contractuel. Par ailleurs, il convient de signaler que la
preuve de la cause illicite incombe au débiteur qui refuse
d’exécuter.

Dans ce contexte, on relève une préoccupation qui n’est


plus liée seulement à l’intérêt privé mais à l’ordre public.

En effet, on s’accorde généralement à considérer que la


protection de l’ordre public appelle l’interdiction de certains
actes juridiques de sorte que les obligations qui en résultent ne
sont pas opposables à ceux qui s’y sont engagés.

Le problème de la licéité concerne également l’intérêt


individuel en ce sens qu’il en résulte une limitation du pouvoir
de la volonté créatrice de l’obligation.

La cause appliquée au domaine de la licéité joue


cependant deux rôles distincts, non seulement dans le cadre de
la protection, mais également en ce qui concerne les effets que

42
Cours de Droit Civil : Dr. Azzedine Kettani
l’on veut faire déployer à certains actes juridiques. La cause
intervient ainsi pour interdire certains contrats, mais elle
intervient aussi pour en permettre d’autres et pour les valider.

Il suffit ainsi de rappeler le cas de certains contrats relatifs


au corps humain qui ne peuvent être considérées comme licites
par leur objet, mais le deviennent par le recours à la notion de
cause. Inversement, le bail d’appartement considéré licite par
son objet, peut devenir illicite par celle de la cause si ce bail se
justifie par une activité délictueuse. Dans ce cas, il est évident
que la cause réelle ne sera pas exprimée, mais la cause
stipulée pourra être démontrée fausse et illicite.

Cela a conduit bon nombre de doctrinaires à considérer


que la cause était d’une telle utilité que finalement elle peut
même remplacer l’objet en tant que condition.

43
Cours de Droit Civil : Dr. Azzedine Kettani

DEUXIEME SOUS-PARTIE : les effets des obligations


volontaires.

Il y a des effets qui sont communs à tous les contrats et


qu’on peut d’ailleurs ramener à deux principes essentiels :
*Les conventions sont obligatoires pour les parties ;
*Elles ne produisent aucun effet à l’égard des tiers ;

TITRE1 : LES EFFETS DES OBLIGATIONS VOLONTAIRES ENTRE LES PARTIES.

L’art 228 dispose que : Les obligations n’engagent que


ceux qui ont été partie à l’acte : elles ne nuisent point aux tiers
et elles ne leur profitent que dans les cas exprimés par la loi.

L’art230 ajoute que : Les obligations valablement formées


tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et ne peuvent être
révoquées que dans leur consentement mutuel ou dans les cas
prévus par la loi.

La règle énoncée par l’art 230 a deux sens :

1. Elle veut dire que les parties contractantes sont


tenues à l’exécution de leurs conventions comme
elles sont tenues à l’observation de la loi.
2. Elle veut dire, en outre, que les dispositions de la loi
ne doivent pas s’appliquer pour tous les points qui
ont été réglés formellement par les parties dans un
contrat. Par conséquent, les tribunaux doivent se
borner à faire exécuter les contrats dans leur
teneur et dans leur esprit. Cependant, il faut dire

44
Cours de Droit Civil : Dr. Azzedine Kettani
que dans la pratique cette règle connaît plusieurs
exceptions.

On doit cependant préciser ce que l’on entend par le mot :


parties. De toute évidence, il s’agit de ceux qui figurent à l’acte,
mais il peut arriver que ces derniers ne soient que les
représentants d’autres personnes qui sont les véritables
parties. Il existe également d’autres cas dans lesquels celui qui
s’est présenté au contrat n’est pas la véritable partie. Ceci nous
amène à dire que les parties contractantes sont tous ceux qui
ont fait en personne la convention, et ceux qui ont été
représentés par un mandataire, conventionnel ou légal.

Pour éviter toute confusion, on peut dire que pour avoir la


qualité de partie, il faut être l’auteur de l’une des déclarations
de volonté qui concourent à former le contrat.

Cela étant, si le contrat peut concerner des personnes qui


ne sont pas des tiers, mais qui ne l’ont pas matériellement
contracté, il peut avoir le cas dans lequel le contrat comporte
des difficultés liées à sa rédaction, c’est un problème
d’interprétation.

Chapitre 1 : L’interprétation des contrats.

Pour être appliquée, la loi contractuelle requiert souvent


une interprétation préalable, comme la loi générale, mais pas
pour les mêmes causes. C’est le juge qui, à défaut d’accord
entre les parties, a mission d’interpréter la loi contractuelle,
comme il a mission d’interpréter la loi générale, mais pas de la
même manière. Interpréter un contrat c’est, en cas de doute,
déterminer le sens et la portée exacte des clauses de ce
contrat.

A ce niveau, on peut se poser la question de savoir lequel


des juges est apte à entreprendre l’interprétation ? Est ce le
juge du fond ou le juge du droit. Autrement dit, la recherche de
l’intention des parties est-elle question de droit ou de fait ?

Il convient de préciser à ce sujet que, depuis l’arrêt Lubert


du 8 février 1808, la cour de cassation française a
constamment affirmé le principe que l’interprétation des
contrats ressortit au pouvoir souverain des juges du fond. Par

45
Cours de Droit Civil : Dr. Azzedine Kettani
exception à ce principe, la cour de cassation se réserve le droit
d’intervenir lorsque les clauses qui ont fait l’objet d’une
interprétation sont claires et précises puisque dans ce cas, il n’y
a plus à interpréter le contrat mai seulement à l’exécuter.

Par ailleurs, il convient de signaler que l’interprétation ne


se pose qu’en matière d’actes écrits. D’ailleurs, dans certains
cas l’écrit sera obligatoire. Il peut même arriver que l’on exige
un acte authentique. C’est ainsi que l’art 443 dispose que : Les
conventions ou autres faits juridiques ayant pour but de créer,
de transférer, de modifier ou d’éteindre des obligations ou des
droits, et excédant la somme ou valeur de 25.000 francs, ne
peuvent être prouvés par témoins, il doit en être passé acte
devant notaire ou sous seing privé. Il y a donc un problème de
preuve qui se pose lorsque les parties n’ont pas consigné par
écrit leurs engagements.

Par ailleurs, l’art 446 précise que : La preuve testimoniale


sur la demande d’une somme dont le quantum est inférieur à
celui prévu à l’art 443 ne peut être admise, lorsque cette
somme est déclarée faire partie d’une créance plus forte qui
n’est point prouvée par écrit.

La preuve testimoniale est cependant admise dans le


cadre de l’art 448 et de façon générale lorsqu’il s’agit d’établir
certains actes ou certains faits y compris en matière de perte
ou de vol de titres ou de choses.

En dehors de ces cas, l’interprétation peut néanmoins


s’avérer nécessaire et va permettre de préciser de façon
adéquate les engagements des parties.

On peut se trouver devant deux situations, soit celle des


lacunes et obscurités, soit celle de discordance entre ce qui est
exprimé à l’acte et la véritable volonté des parties.

SECTION 1 : Lacunes et obscurités.

On considère dans ce cas que l’acte a omis de prévoir une


disposition concernant un ou plusieurs éléments ou que cet
acte comporte quelques obscurités.

46
Cours de Droit Civil : Dr. Azzedine Kettani
S’agissant des lacunes, le juge ne peut y supplier en
prévoyant la clause manquante. Ce principe connaît cependant
des atténuations, en effet, l’acte en question ne prévoit pas
nécessairement tous les détails de l’obligation. Par ailleurs, il
convient de rappeler que lorsque l’on s’oblige, l’engagement
n’est pas limité littéralement à l’obligation décrite à l’acte.
D’ailleurs l’art 231 va dans ce sens lorsqu’il stipule que : Tout
engagement doit être exécuté de bonne foi, et oblige, non
seulement à ce qui est exprimé, mais encore à toutes les suites
que la loi, l’usage ou l’équité donne à l’obligation d’après sa
nature.

On comprend donc que s’il y a lacune, sur ce plan, le juge


puisse avoir le pouvoir d’y supplier. L’art 463 autorise cette
initiative puisqu’il prévoit qu’ : on doit suppléer les clauses qui
sont d’usage dans le lieu où l’acte a été fait ou qui résultent de
sa nature. Par contre, s’il s’agit d’un élément substantiel de
l’obligation ou d’une condition essentielle de l’acte, le juge ne
peut pas combler la lacune.

Quant aux obscurités, celles ci appellent une interprétation


car elles signifient que les parties se sont mal exprimées sur
certains points.
Si les termes de l’acte sont formels, il n’y a pas lieu à
interprétation, laquelle ne s’impose que dans les cas prévus par
l’art 462. Celui ci stipule qu’ : Il y a lieu à interprétation :
1°. Lorsque les termes employés ne sont pas conciliables avec le
but évident qu’on a eu en vue en rédigeant l’acte.
2°. Lorsque les termes employés ne sont pas clairs par eux même
ou expriment incomplètement la volonté de leur auteur.
3°. Lorsque l’incertitude résulte du rapprochement des
différentes clauses de l’acte, qui fait naître des doutes sur la
portée de ces clauses.

L’art précité précise par ailleurs que : Lorsqu’il y a lieu à


interprétation, on doit rechercher quelle a été la volonté des
parties sans s’arrêter au sens littéral des termes ou à la
construction des phrases.

En matière de clauses ambiguës, l’art 464 précise qu’elles :


doivent être interprétées les une par les autres, en donnant à
chacune le sens qui résulte de l’acte entier.

47
Cours de Droit Civil : Dr. Azzedine Kettani
En matière de clauses inconciliables, l’art précité précise
qu’il faut s’en tenir à la dernière dans l’ordre de l’écriture.

Il peut arriver dans certains cas qu’une clause soit


susceptible de deux sens, le D.O.C pose à ce sujet dans son art
465 le principe selon lequel : Lorsqu’une expression ou une
clause est susceptible de deux sens, on doit plutôt l’entendre
dans celui avec lequel elle peut avoir quelque effet, que dans le
sens avec lequel elle n’en aurait aucun.

Enfin, la règle en matière de termes qui peuvent avoir un


sens figuré, L’art 466 énonce que ceux ci : doivent être entendus
selon leur sens propre et leur acceptation usuelle dans le lieu où
l’acte a été fait. Et s’il s’agit d’un terme technique, L’art
précédent incite à prendre sa signification technique puisque
c’est dans cette signification qu’on est censé l’avoir employé.

Par ailleurs, les actes peuvent comprendre les renonciations


à des droits. Ces renonciations, selon l’art 467 : doivent être
entendues strictement et n’ont jamais que la portée qui résulte
évidemment des termes employés par leur auteur, et ne
peuvent être étendues au moyen de l’interprétation.

Les art 471 à 473 ont prévu enfin des règles dont
l’application pratique est fréquente. En effet, il arrive assez
souvent que la somme ou quantité soit écrite en toutes lettres et
en chiffres, et que les deux ne correspondent pas. Dans ce cas,
L’art471 pose la règle selon laquelle il faut prendre en
considération la somme écrite en toutes lettres.

Il arrive également qu’une somme ou une quantité soit


écrite plusieurs fois et en toutes lettres et qu’il y est une erreur
de sorte que certaines fois, les sommes ou quantités écrites
différent les unes des autres. La règle qui prévaut dans ce cadre
est posée par l’art 472 lorsqu’il dispose que l’acte vaut … pour la
somme ou quantité la moins forte…

En conclusion, il faut dire que dans ce domaine, le juge ou


toute personne qui se livre à l’interprétation, ne doivent pas
isoler l’acte de son contexte qui aurait conduit à sa conclusion,
comme il ne faut pas l’isoler des usages et des coutumes qui
sont en vigueur dans le lieu où l’acte a été conclu.

48
Cours de Droit Civil : Dr. Azzedine Kettani

Pour finir avec le problème d’interprétation, il convient de


rappeler l’énoncé de l’art 473 : Dans le doute, l’obligation
s’interprète dans le sens le plus favorable à l’obligé.

SECTION 2 : La simulation.

Il s’agit d’un cas dans lequel il y a une discordance entre les


éléments qui sont exprimés au contrat et ceux qui
correspondent réellement aux engagements des parties et en
fait à la vérité.

En effet, la simulation consiste à donner à un acte que les


parties font ouvertement, l’apparence d’un acte différent de
celui qu’elles font en réalité. De sorte qu’on se retrouve en face
de deux actes : un acte ostensible qui est faux, et un acte secret
qui est vrai et qui est représenté par la contre lettre. Celle ci
peut avoir pour objet de supprimer, modifier ou déplacer les
effets de l’acte apparent.

La simulation est une institution qui n’est pas réglementée


de façon directe par le D.O.C. Elle a un aspect douteux qui
permet de s’interroger sur la portée de ses conséquences et la
validité des mécanismes dont elles requièrent l’application. En
effet, simuler c’est cacher, et l’on peut se demander dans quelle
mesure la loi peut venir au secours d’une situation dans laquelle
les parties ont décidé de cacher certaines choses.

§1 : Les formes de la simulation.

On peut les ramener à trois :

- La simulation peut porter sur les personnes figurant à l’acte.


Dans ce cas, l’acte en question est conclu par deux parties qui
ne sont pas en apparence des mandataires, ni des représentants
de quiconque et se présentent comme de véritables parties.
L’une d’elle, rarement les deux même si cela peut arriver, ne fait
cependant qu’agir pour le compte de quelqu’un d’autre. C’est
un HOMME DE PAILLE qui couvre une autre personne, laquelle

49
Cours de Droit Civil : Dr. Azzedine Kettani
est la véritable partie. La simulation permet ainsi de masquer le
véritable bénéficiaire de l’acte derrière une personne interposée.

- La simulation peut changer la nature de l’acte. Pour certaines


raisons qui demeurent secrètes, les parties n’indiquent pas la
véritable nature de l’acte. Il en est ainsi d’une donation déguisée
en vente. On peut prendre le cas du père qui veut avantager un
fils par rapport aux autres enfants et à qui il veut faire une
donation. Craignant la réaction des autres enfants, il va convenir
avec son fils bénéficiaire de l’opération de ce qu’il s’agit d’une
vente.

- La simulation peut modifier l’une des conditions de l’acte. Il en


est ainsi lorsque les parties, dans un contrat de vente stipulent
un prix inférieur à la réalité. Cela arrive souvent dans les ventes
immobilières, en effet, les deux parties peuvent avoir un intérêt
à minorer le prix. Le vendeur paierait ainsi un taux sur les profits
immobiliers inférieur à celui exigé normalement. L’acheteur doit
payer des droits de mutation et des droits d’inscription à la
conservation foncière, les deux sont fonction du prix de vente. Il
est donc nécessairement intéressé par une déclaration minorée.

- Certains auteurs ajoute une autre forme de simulation, C’est


le cas du contrat fictif. La simulation porte sur l’existence même
de l’acte. Il en est ainsi du cas du débiteur qui, pour soustraire
ses biens à une saisie imminente, vend en apparence à un ami
qui reconnaît secrètement n’en être pas devenu propriétaire.

Dans les quatre cas précédents, on constate que l’acte ne


comporte pas en tout point des énonciations conformes à la
vérité. Pour rétablir la vérité qui reste secrète, les parties ont
recours au mécanisme de la contre lettre. Celle ci étant l’acte
secret dans lequel sont comprises les véritables données que
l’on a décidé de déguiser dans l’acte apparent.

Les motifs de la simulation sont variables, parfois licites, le


plus souvent illicite. La simulation illicite tend à porter préjudice,
soit aux créanciers de l’un des contractants, soit à ses héritiers,
soit au fisc.

Quels que soit les motifs de la simulation, et quelles qu’en


soit les formes, le problème qu’elle pose est le même : Il faut

50
Cours de Droit Civil : Dr. Azzedine Kettani
déterminer quelle est la force obligatoire respective des deux
contrats simultanés. Ceci nous amène à étudier le régime
juridique.

Cependant, avant d’entreprendre cette démarche, il convient


de comparer la simulation avec le dol. A ce sujet, on peut dire que
la simulation ressemble au dol en ce qu’elle procède d’une pensée
de fraude. Mais elle en diffère en ce que le dol est pratiqué par
l’une des parties contre l’autre, tandis que la simulation est
l’œuvre commune des deux parties contractantes.

§2 : Régime juridique.

La simulation pose la question de savoir quelle valeur donner à


l’acte apparent et à la contre lettre ?

Pour répondre à cette question, il va falloir passer en revue les


trois principaux cas de simulation :

- Dans la simulation entraînant le changement de personnes,


l’acte apparent ou l’acte ostensible aura son entier effet à
l’égard des tiers, mais aussi à l’égard de ceux qui l’ont
matériellement conclu. La contre lettre restée secrète, sera
opposable à l’homme de paille de la part de son partenaire.
- Dans la simulation portant sur la nature de l’acte, et en
prenant l’exemple précité, il y aura vente à l’égard des tiers,
mais entre les parties, c’est la contre lettre qui prévaudra.

- S’agissant de la simulation qui porte sur une condition de


l’acte comme le prix, et en partant de l’exemple donné, la contre
lettre ne concerne que le vendeur et l’acheteur, et l’acte
apparent sera opposable aux tiers.
A ce sujet, il faut indiquer que l’administration fiscale a, en
tout état de cause, qu’il y est simulation ou non, le droit de
considérer que le prix déclaré est insuffisant et de faire
procéder à un redressement.
En réalité, dans l’exemple cité plus haut, la contre lettre n’a
d’intérêts que si le prix de vente n’a pas été payé au
comptant. En effet, les parties peuvent avoir décidé d’un
payement échelonné du prix de vente en totalité ou
partiellement, et dans ce cas, le vendeur a tout intérêt

51
Cours de Droit Civil : Dr. Azzedine Kettani
d’obtenir une contre lettre de son partenaire indiquant le prix
réel.

TITRE2 : LES EFFETS DES OBLIGATIONS VOLONTAIRES À L’ÉGARD DES TIERS.

En application des deux principes classiques à savoir :


celui de la personnalité d’une part, et celui de la relativité
d’autre part, les obligations doivent être exécutées par les
personnes qui les ont contracté et sont sans effets à l’égard des
tiers, ceux ci représentent toutes les personnes autres que les
parties et leurs ayants cause à titre universel.

Ce principe que l’on retrouve en droit positif est exprimé à


l’art 228 du D.O.C. Il paraît cependant que ses origines
remontent au droit romain dans lequel on trouve la règle selon

52
Cours de Droit Civil : Dr. Azzedine Kettani
laquelle : RES INTER ALIOS ACTA ALIIS NEQUE NOCET NEQUE
PRODEST. L’évolution a consisté à développer les effets de ce
principe et à prévoir des exceptions dont le nombre a pu croître
par l’admission de nouvelles institutions auxquelles les romains
répugnaient. Aussi bien le principe de la personnalité que celui
de la relativité ont vu leur champ se réduire en raison de ces
exceptions.
Chapitre1 : Le principe de la personnalité et ses exceptions.

A l’époque romaine, on s’est aperçu des injustices de


l’application stricte du principe de la personnalité des
obligations. En fait, la première exception a été admise dans le
domaine successoral, puisque la mort du créancier ou du
débiteur devait par application du principe mettre fin à
l’obligation. Ceci avait pour conséquence de produire une
injustice à l’égard du créancier. En effet, après le décès du
débiteur, ses héritiers se trouvaient dégagés à l’égard du
créancier. Par ailleurs, si le créancier venait à disparaître, ses
héritiers ne pouvaient nullement réclamer la dette. Cette
injustice qui tournait toujours en faveur du débiteur a permis
d’accepter relativement tôt une exception du principe de la
personnalité.

Lorsqu’on a admis l’exception il en est résulté une autre


forme d’injustice puisque la continuation de la personne du DE
CUJUS aboutissait ou pouvait aboutir à faire tenir l’héritier
personnellement responsable des dettes de son auteur avec ce
que cela entraîne et notamment sur le plan de l’exécution
forcée et de la contrainte.

Cette injustice a néanmoins pu être réparée avec


l’évolution et l’on trouve dans le droit moderne trois possibilités
à l’héritier, à savoir :

• L’acceptation pure et simple de la succession faisant de


l’héritier le continuateur de son auteur.

• Le refus pur et simple de la succession faisant de l’héritier un


étranger à celle ci.
• L’acceptation de la succession sous bénéfice d’inventaire
faisant de l’héritier un liquidateur de biens de la succession

53
Cours de Droit Civil : Dr. Azzedine Kettani
non tenu sur son propre patrimoine en cas d’insuffisance de
l’actif successoral.

Les autres exceptions qui ont été admises ultérieurement


se ramènent à des situations dans lesquelles le créancier allait
changer, mais aussi dans lesquelles il y aurait un changement
de débiteur. Le changement de créancier a été facilement
admis puisqu’il doit être indifférent pour le débiteur de payer la
dette à un créancier plutôt qu’à un autre. Par contre, le
changement de débiteur a toujours été problématique car dans
le choix de ce dernier plusieurs facteurs déterminent le
consentement du créancier. Ce dernier n’a aucun intérêt à
changer son débiteur par un autre sauf si celui ci présente plus
de garantie.

En matière de changement de créancier, on a admis la


subrogation et la cession de créance. En matière de
changement de débiteur, on a admis la novation et la
délégation.

SECTION 1 : Changement de créancier.

SOUS SECTION 1 : La subrogation.

Elle est régie par les articles 211 et S du D.O.C. dans le


cadre du chapitre qui traite du transport des obligations. Dans
son sens le plus large, le mot subrogation exprime une idée de
remplacement. Il y a subrogation lorsque le paiement, ayant été
effectué par un tiers ou avec des deniers fournis à cet effet par
un tiers, la dette éteinte à l’égard du créancier originaire est
censée subsister au profit de ce tiers.

Subrogation veut dire en somme substitution d’une


personne à une autre. Elle suppose ainsi trois personnes : le
créancier originel qui sera appelé subrogeant, le tiers càd le
nouveau créancier appelé subrogé, et le débiteur.

Nature juridique de la subrogation. La subrogation


comporte une fiction en ce sens qu’elle suppose quelque chose
de contraire à la réalité des faits. Le paiement, que le tiers a
procuré par son intervention, a éteint la dette dans les rapports
du débiteur et du créancier, et cependant cette même dette

54
Cours de Droit Civil : Dr. Azzedine Kettani
subsiste au profit du subrogé. Cette survivance ne peut être
que le résultat d’une fiction de la loi.

§1 : Les formes de la subrogation.

L’art 211 dispose que : La subrogation aux droits du


créancier peut avoir lieu, soit en vertu d’une convention, soit en
vertu de la loi.

A travers cet article, le D.O.C. distingue clairement les


deux formes de subrogation que sont : la subrogation
conventionnelle et la subrogation légale.

1. La subrogation conventionnelle.

Comme son nom l’indique, la subrogation conventionnelle


résulte d’une convention. Il existe deux sortes de subrogation
conventionnelle, celle qui émane du créancier et celle qui
procède du débiteur.

• La subrogation du chef du créancier est le cas normal de


subrogation : elle suppose qu’un tiers paie le créancier aux
lieu et place du débiteur. Ce tiers sera subrogé aux droits,
actions, privilèges ou hypothèques que le créancier a contre
le débiteur. Selon l’art 212, cette subrogation doit être
expresse et faite en même temps que le paiement.

• La subrogation a lieu du chef du débiteur lorsque le débiteur


emprunte une somme à l’effet de payer sa dette et de
subroger le prêteur dans les droits du créancier. Elle diffère
essentiellement de la première espèce de subrogation en ce
qu’elle n’exige pas le consentement du créancier. L’art 213
qui régit cette forme de subrogation stipule que : Il faut, pour
que cette subrogation soit valable :
1° Que l’acte d’emprunt et la quittance soient constatés par
acte ayant date certaine.
2° Que, dans l’acte d’emprunt, il soit déclaré que la somme
ou la chose a été empruntée pour faire le payement, et que,
dans la quittance, il soit déclaré que le payement a été fait
des deniers ou de la chose fournie à cet effet par le nouveau
créancier ;…

55
Cours de Droit Civil : Dr. Azzedine Kettani
3° Que le débiteur ait subrogé expressément le nouveau
créancier dans les garanties affectées à l’ancienne créance.

2. La subrogation légale.

Elle correspond à des cas dans lesquels ce n’est plus une


convention des parties, mais la loi qui donne de plein droit le
bénéfice de la subrogation à celui qui a payé dans certains cas
prévus par l’art 214 et que l’on peut ramener à trois :

a. Paiement par celui qui étai tenu de la dette.

On peut être tenu avec d’autres ou pour d’autres :

*Lorsqu’on est tenu avec d’autres, on est présence de


codébiteurs solidaires. En vertu des règles de la solidarité, le
créancier peut à l’échéance réclamer le paiement à l’un
quelconque des codébiteurs solidaires, celui qui paye prend la
place du créancier originel et devient subrogé dans ses droits.
Il peut par la suite réclamer le remboursement de ce qu’il a
payé à l’un quelconque des autres codébiteurs solidaires,
déduction faite de sa quote-part.

*Quant on est tenu pour d’autres, on est en présence des


cautions. Le cautionnement est l’acte par lequel une personne
garantit la dette d’autrui, en s’engageant à exécuter son
obligation au cas où le débiteur ne l’exécuterait pas lui-même.
L’expression caution est donnée à la personne qui fournit la
garantie. Il convient tout d’abord de signaler que s’il s’agit
d’une seule caution, la subrogation ne lui rapporte rien à moins
que la dette ne soit entourée d’autres garanties.

Par contre, en cas de pluralité des cautions, la caution qui


a payé la dette peut se retourner contre n’importe quelle autre
caution et lui réclamer l’intégralité des sommes sans déduction
à la différence du cas des codébiteurs solidaires.

b. Payement par celui qui aurait intérêt à payer la dette.

Ici aucune obligation de payement n’incombe à celui qui y


procède, mais il a tout intérêt à le faire. Les deux exemples
suivants permettent d’illustrer cette situation :

56
Cours de Droit Civil : Dr. Azzedine Kettani

*La personne qui a donné son bien au débiteur pour le


constituer en gage a tout intérêt à payer la dette le jour du
payement si celui ci est défaillant. A défaut de son intervention,
son bien pourra être saisi par le créancier. L’individu en
question aura la qualité du subrogé du créancier originel même
si cette subrogation ne lui rapporte rien en fait puisque la
garantie était inscrite sur son propre bien.

*C’est le cas également du créancier hypothécaire du rang


inférieur qui, le jour de l’échéance de la créance du créancier
hypothécaire de rang supérieur, le désintéresse et prend sa
place.

On suppose que l’on se trouve en période de baisse de


l’immobilier, le créancier de rang inférieur craint que le produit
de la vente de l’immeuble à laquelle le créancier de rang
supérieur va faire procéder ne rapporte pas suffisamment de
quoi désintéresser d’autres créanciers que lui. En payant ce
dernier, la vente est empêchée jusqu’à l’échéance suivante.

c. Payement par celui dont la dette est convenu avec la


dette d’autrui.

On suppose que le créancier a deux débiteurs, mis


naturellement il ne peut percevoir qu’une seule fois la somme
qui lui est due. C’est le cas en matière d’assurance de
dommage, en effet, si on prend l’exemple d’un assuré qui a
couvert sa maison par une police d’assurance contre l’incendie,
son débiteur, en cas de sinistre, est l’assureur. S’il n’était pas
assuré, son débiteur serait seulement l’auteur. On est donc en
présence de dettes connexes, l’une d’origine contractuelle
(celle de l’assureur), et l’autre d’origine quasi-délictuelle ou plus
rarement délictuelle (l’auteur).

L’assuré victime a la qualité de créancier, et en vertu du


principe de l’enrichissement sans cause, il n’a droit qu’une
seule fois à la réparation du dommage. Il réclame celui ci à
l’assureur qui le paye. Ce dernier le subroge donc dans ses
droits à l’encontre de l’auteur.

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Cours de Droit Civil : Dr. Azzedine Kettani
L’assureur devenu subrogé en raison du payement peut se
retourner contre l’auteur et lui réclamer le remboursement de
ce qu’il a payé.

Lorsque le dommage subi par l’assuré est supérieur au


montant payé par l’assureur, l’assuré conserve son droit en
partie contre l’auteur. Ce dernier sera donc l’objet de deux
recours, l’un de l’assureur en tant que subrogé partiellement
dans les droits de l’assuré, et l’autre de l’assuré victime pour le
reliquat non payé par l’assureur.

En cas d’insolvabilité partielle de l’auteur, la question se


pose de savoir si le subrogeant doit passer avant le subrogé ou
l’inverse, ou ils doivent concourir sur un pied d’égalité.

§2 : Les effets de la subrogation.

Les deux aspects contradictoires de l’opération s’y


reflètent : la subrogation a un effet translatif, comme une
cession de créance, mais limité, parce qu’il s’agit tout de même
d’un paiement, et que le paiement a un effet extinctif, elle a
donc un effet accessoire.

1. L’effet translatif.

La subrogation entraîne un transport et une translation de


la créance des mains du subrogeant à celle du subrogé. Elle
investit ainsi le subrogé de tous les droits qu’avait le créancier
désintéressé et non pas seulement des garanties de la créance
(privilège, hypothèque, cautionnement). Autrement dit, le
subrogé récolte la créance avec l’ensemble de ses garanties,
mais aussi de ses faiblesses dont la plus importante est le
risque d’insolvabilité.

Ainsi, dans l’exemple des codébiteurs solidaires, et


lorsqu’il n’y a plus que deux, le subrogé qui se voit confronté à
l’insolvabilité du débiteur n’a aucun recours contre le
subrogeant ou les autres codébiteurs déjà dégagés.

Dans l’exemple de la dette connexe, les romains faisaient


application de ce principe en cas d’insuffisance du patrimoine
du débiteur. En effet, le subrogé ne pouvait commencer à

58
Cours de Droit Civil : Dr. Azzedine Kettani
récupérer ce qu’il a payé que lorsque le subrogeant a été
totalement désintéressé.

Cela signifie que le subrogé peut ne rien récolter, mais


c’est là un risque inhérent à cette situation.

S’agissant du D.O.C, il faut signaler que la règle apportée


par l’art215 se traduit par l’application de la proportionnalité.
Celui ci dispose clairement que : le créancier qui a été payé en
partie, et le tiers qui l’a payé, concourent ensemble dans
l’exercice de leurs droits contre le débiteur, à proportion de ce
qui est du à chacun.
Il faut enfin relever que le débiteur a le droit d’articuler à
l’encontre du subrogé tous les arguments et moyens de
défense qu’il aurait pu opposer au créancier originel s’il n’y
avait pas eu de paiement ni de subrogation.

Limites à l’effet translatif. Ce sont autant de


différences entre la subrogation et la cession de créance.
• Le créancier primitif n’est pas tenu d’une obligation
de garantie, car il n’a fait que recevoir un paiement.
• Le subrogé obtient parfois un droit moins étendu que
celui qui appartenait au créancier primitif.
- Le codébiteur solidaire qui, poursuivi le premier, a
payé toute la dette ne profite pas complètement de la
subrogation, car il ne peut faire jouer à son tour la
solidarité contre les autres.
- Le solvens qui a reçu quittance de toute la dette, bien
qu’il n’en ait payé qu’une partie, ne peut recourir contre
le débiteur que jusqu’à concurrence de ce qu’il a
réellement versé.

2. L’effet accessoire.

Contrairement à la cession de créance, la subrogation


n’est pas une institution indépendante. Elle est subordonnée au
paiement à tel point que dans la subrogation conventionnelle,
l’art 213 a prescrit un formalisme rigoureux qui montre bien
que la subrogation a réellement un caractère accessoire en ce
sens que les trois conditions prévues par cet article visent
toutes à démontrer que le payement est une condition
essentielle.

59
Cours de Droit Civil : Dr. Azzedine Kettani

Cela implique quelques conséquences notamment trois


importantes :
• S’il s’agit d’une subrogation conventionnelle, l’écrit est
indispensable et doit avoir une date certaine.
• Le paiement suppose l’échéance. On conçoit rarement un
payement par anticipation quoique cela puisse arriver en
pratique. Autrement dit, la subrogation n’est pas
envisageable avant l’échéance du paiement.
• L’absence et l’inutilité de toute notification. En effet, dés
lors que la subrogation va intervenir à l’échéance, la
formalité de notification au débiteur n’est pas prévue
puisque ce dernier est censé s’acquitter de sa dette ce jour
là. De plus, il est rare qu’un tiers spontanément intervienne
pour payer la dette du débiteur. Donc, le risque d’un double
paiement n’est pas réel comme dans la cession de créance.
Cela fait effectivement des différences entre cette dernière
institution même si l’art 216 du D.O.C. prévoit que les art.
190, 193 à 196 et 203 prévus pour la cession de créance
sont applicables. L’art 195 qui prévoit la notification de la
cession de créance ne s’applique guère à la subrogation
légale puisque l’art 214 énonce clairement que celle ci a lieu
de plein droit dans les cas qui y sont prévus. Tout au plus
pourrait-on accepter la notification dans la subrogation
conventionnelle, mais celle ci peut avoir lieu selon l’art 213
sans le consentement du créancier ou malgré son refus.

SOUS SECTION 2 : La cession de créance.

Il s’agit du deuxième mécanisme le plus courant de


changement de créancier permettant de transférer les droits
d’une personne à une autre. Ceux ci peuvent être également
des droits de créance, et la cession est qualifiée dans ce cas de
transport.

La cession de créance est l’opération juridique qui consiste


à faire passer une créance de son titulaire actuel (cédant) à un
titulaire nouveau (cessionnaire).

La cession de créance apparaît comme un contrat conclu


entre le cédant et le cessionnaire. Mais elle peut aussi avoir lieu
en vertu de la loi comme en matière successorale.

60
Cours de Droit Civil : Dr. Azzedine Kettani

La cession de créance est soumise en tant que telle à des


conditions de validité et d’opposabilité, et ses effets rappellent
ceux de la subrogation avec laquelle elle ne doit pas être
confondue. Elle est régie par les dispositions des art 189 et S du
D.O.C.

Il faut également ne pas confondre la cession de créance


civile avec la cession de créance de droit commercial et la
cession de créance professionnelle qui vient d’être introduite
par le nouveau code de commerce dans les articles 529 et S.

Section2 : Changement de débiteurs :

SOUS-SECTION 1 : la novation.

Selon l’art 347 du D.O.C, la novation est l’extinction d’une


obligation moyennant la constitution d’une obligation nouvelle
qui lui est substituée. Cela étant, l’obligation ancienne ne
disparaît pas sans laisser de traces : elle est la cause efficiente
de l’obligation nouvelle, même si celle ci diffère d’elle par
quelque trait.
La situation ancienne va ainsi complètement disparaître
pour laisser la place à celle que l’on a décidé de créer.

La novation s’opère, selon l’art 350, de trois manières :


1° Lorsque le créancier et le débiteur conviennent de
substituer une nouvelle obligation à l’ancienne, laquelle est
éteinte, ou de changer la cause de l’obligation ancienne.
2° Lorsqu’un nouveau débiteur est substitué à l’ancien, qui
est déchargé par le créancier ; cette substitution peut s’opérer
sans le concours du premier débiteur.
3° Lorsque, par l’effet d’un nouvel engagement, un
nouveau créancier est substitué à l’ancien, envers lequel le
débiteur se trouve déchargé.
La simple indication, faite par le débiteur, d’une personne
qui doit payer à sa place, n’opère point novation ; il en est de
même de la simple indication, faite par le créancier, d’une
personne qui doit recevoir pour lui.

61
Cours de Droit Civil : Dr. Azzedine Kettani
Sur le plan du changement des personnes, la novation
nous intéresse surtout dans le cas où elle conclu à remplacer un
débiteur par un autre.

§1 : les conditions de la novation.

La novation, étant tout d’abord un contrat, elle suppose la


réunion des conditions habituelles à savoir, le consentement, la
capacité, l’objet et la cause. Par ailleurs, pour qu’il y ait
novation, il faut : la succession de deux obligations, une
différence entre elles, l’intention de nover.
- Succession de deux obligations :

C’est la succession de l’obligation ancienne, à éteindre, et


de l’obligation nouvelle, à créer.
1° L’obligation ancienne doit être valable. Une obligation
nulle ne pourrait servir de cause à une obligation nouvelle, du
moins si la nullité était absolue.
2° L’obligation nouvelle doit être également valable. Son
annulation judiciairement prononcée ferait, en général, revivre
la première obligation.

Cette double exigence ressort de l’art 348 du D.O.C.

- Différence entre les deux obligations :

Il faut d’une obligation à l’autre quelque chose de nouveau


qui soit la raison d’être de la convention de novation. Cet
élément de nouveauté concerne tantôt l’un des sujets du
rapport obligatoire, créancier ou débiteur, tantôt l’objet lato
sensu de ce rapport, la dette envisagée dans tous ces
caractères : La novation est tantôt subjective, tantôt objective.

a. La novation subjective intervient par changement de


créancier ou de débiteur.

1. Novation par changement de créancier : Elle évoque assez


facilement la cession de créance. Ce n’est pourtant pas une
cession, car le nouveau créancier a une créance nouvelle qui
n’est pas assortie de la garantie de l’ancienne, ni affectée de
ses vices, et à ce niveau rapport obligatoire il faut que le

62
Cours de Droit Civil : Dr. Azzedine Kettani
débiteur consente tandis que la cession de créance peut se
faire sans la volonté du débiteur cédé.

2. Novation par changement de débiteur : Dans ce cas, le


nouveau débiteur vient spontanément s’obliger envers le
créancier à la place du débiteur ancien ; celui ci sera libéré sans
que sa volonté y soit pour rien, c’est l’expromission. De
même que l’on libérer un débiteur en payant pour lui, on peut le
libérer en s’obligeant pour lui, mais il y faut le consentement du
créancier.

b. La novation objective suppose un changement de la dette. Ce


qui peut s’entendre d’un changement de son objet, de sa
cause, peut être aussi de ses modalités.

1. Novation par changement d’objet : L’opération ressemble à


une dation en paiement sous réserve que dans la dation
en paiement, il n’y a pas véritablement création
d’obligation, puisque le paiement est immédiat.

2. Novation par changement de cause : Le même débiteur


s’engage envers le même créancier pour le même objet,
mais à un titre différent. C’est sur la source, la cause
efficiente de l’obligation que porte l’obligation.

3. Novation par changement de modalités : La substance de


l’obligation est altérée, et il y a novation si l’on y insère ou
si l’on retranche une condition. Ceci revient au fait que la
condition affecte l’existence de l’engagement.

- L’intention de nover :

La Novation est tout d’abord une convention, et comme


toute convention, elle postule un accord de volontés. Mais
l’intention de nover est plus que le consentement nécessaire à
la formation des conventions. C’est que la novation implique,
dans son effet extinctif, une renonciation u créancier à la
créance primitive. Or, il est de principe que les renonciations ne
se présument pas. Cette exigence ressort de l’art 347 qui
stipule que : la novation ne se présume point ; il faut que la
volonté de l’opérer soit exprimée.

63
Cours de Droit Civil : Dr. Azzedine Kettani
§2 : les effets de la novation.

La novation produit deux effets : un effet extinctif


(l’obligation ancienne est éteinte de la même manière qu’elle le
serait par un paiement réel) ; un effet créateur (une obligation
nouvelle est créée de la même manière qu’elle le serait par un
contrat indépendant).

Mais l’opération est unique, les deux effets sont liés,


chacun est la cause de l’autre : la première obligation ne
s’éteint que si la seconde est valablement créée ; la seconde ne
se crée qu’autant que la première est valablement éteinte.
Entre les deux obligations en question, il y a une discontinuité.
Celle ci a deux faces : l’intransmissibilité des garanties et
l’inopposabilité des exceptions.

• Intransmissibilité des garanties : Le principe est que les


sûretés qui accompagnaient la créance originaire ne
profitent pas à la créance nouvelle. L’art 355 dispose dans
ce sens que : les privilèges et hypothèques de l’ancienne
créance ne passent point à celle qui lui est substituée, si le
créancier ne les a expressément réservés. L’art précité
précise d’ailleurs que : la convention qui transfère les
garanties réelles de l’ancienne dette à la nouvelle n’a d’effet
à l’égard des tiers que si elle est faite en même temps que
la novation, et que si elle résulte d’un acte ayant date
certaine.

• Inopposabilité des exceptions : les exceptions, les moyens de


défense que les débiteurs pouvait faire valoir contre
l’ancienne créance ne sont pas opposables à la créance
nouvelle. Cela revient à dire que les vices, les motifs de
nullité qui affectent l’obligation primitive se trouvent purgés
par la novation.

SOUS SECTION 2 : la délégation.

Autrement dit, la délégation est une opération par laquelle


une personne appelée délégant, charge une autre personne
appelée délégué, de s’obliger à sa place envers une troisième
personne, appelée délégataire.

64
Cours de Droit Civil : Dr. Azzedine Kettani
Habituellement, le déléguant est créancier du délégué et
débiteur du délégataire. C’est ainsi que l’art 217 du D.O.C
énonce que : la délégation est l’acte par lequel un créancier
transmet ses droits sur le débiteur à un autre créancier, en
payement de ce qu’il doit lui-même à ce dernier ; il y a aussi
délégation dans l’acte de celui qui charge un tiers de payer
pour lui.

§1 : les conditions de la délégation.

La délégation suppose elle aussi un acte juridique distinct,


à l’initiative soit du créancier, soit du débiteur. L’art 218 du
D.O.C précise que : la délégation ne se présume pas ; elle doit
être expresse.

La délégation doit réunir par ailleurs les conditions


habituelles de validité du contrat. L’art 219 indique qu’elle : est
parfaite par le consentement du déléguant et du délégataire
même à l’insu du débiteur délégué.
L’art 220 ajoute que : la délégation n’est valable :
1° Que si la dette déléguée est juridiquement valable.
2° Que si la dette à la charge du créancier déléguant est
également valable.
Des droits aléatoires ne peuvent être délégués.

§2 : les effets de la délégation.

On distingue deux sortes de délégations : la délégation


parfaite et la délégation imparfaite.

• La délégation est dite parfaite lorsqu’elle libère le délégant


envers le délégataire moyennant l’engagement que prend à
son égard le délégué. Elle a les mêmes effets que la
novation.

• La délégation est dite imparfaite lorsque le délégant reste


tenu envers le délégataire à coté du délégué. Elle ajoute le
délégué comme second débiteur aux cotés du déléguant
mais sans libérer celui ci.

Le débiteur délégué peut opposer au nouveau créancier,


selon l’art 222, tous les moyens et exceptions qu’il aurait pu

65
Cours de Droit Civil : Dr. Azzedine Kettani
opposer au créancier délégant lorsque la délégation a lieu à
l’initiative du créancier.

En principe, et selon l’art 223, la délégation valable libère


le déléguant. Cependant, l’art 224 énonce clairement que : la
délégation ne libère point le déléguant, et le délégataire a
recours contre lui pour le montant de sa créance et des
accessoires :
1°Lorsque l’obligation déléguée est déclarée inexistante ou
est résolue, pour l’une des causes de nullité ou de résolution
établies par la loi.
2°Dans le cas prévu à l’art 354. (Le débiteur peut opposer au
nouveau créancier les exceptions relatives à la capacité de la
personne, lorsque ces exceptions étaient fondées au moment
où il a accepté la délégation et qu’il les ignorait à ce moment.)
3°Lorsque le débiteur délégué démontre qu’il s’est déjà
libéré avant d’avoir eu connaissance de la délégation….

En conclusion, on peut dire que ces mécanismes de


changement de débiteurs n’ont pu être admis dans les
systèmes juridiques anciens pour des raisons évidentes liées à
la personnalité des obligations. De nos jours, ils ont droit de
citer et sont mis en œuvre pour seule réserve, l’existence de
garanties réelles et objectives de paiement de la dette par le
nouveau débiteur.

Chapitre 2 : Le principe de la relativité des obligations et ses


exceptions.

En vertu du principe de la relativité des obligations, qui est


le corollaire de la personnalité, l’obligation est sans effets à
l’égard des tiers. Elle ne peut ni leur profiter ni leur préjudicier
autrement que dans les conditions prévues par la loi.
Ce principe découle de l’art 228 du D.O.C qui énonce : les
obligations n’engagent que ceux qui ont été parties à l’acte :
elles ne nuisent point aux tiers et elles ne leur profitent que
dans les cas exprimés par la loi.

66
Cours de Droit Civil : Dr. Azzedine Kettani
Cependant, l’art 229 déjà, apporte une exception à ce
principe lorsqu’il dispose que : les obligations ont effet, non
seulement entre les parties elles-mêmes, mais aussi entre les
héritiers ou ayants cause, à moins que le contraire ne soit
exprimé ou ne résulte de la nature de l’obligation ou de la loi.

La relativité des obligations suppose la définition de la


notion de partie, puisque c’est à l’égard de celle ci que
l’obligation est censée produire ses effets.

LA NOTION DE PARTIES.

Dans son sens étroit, le mot : partie signifie les personnes


figurant à l’acte. Cette définition n’est pas fausse, mais ne peut
avoir une application générale. En effet, plusieurs situations
permettent de constater que les personnes qui figurent à l’acte
ou l’une d’elle ne sont pas les vrais bénéficiaires de l’obligation
résultant de l’acte en question.

Il en est ainsi du mandat, de la représentation légale ou


conventionnelle ou encore de la stipulation pour autrui qui, par
certains aspects, dérogent à la relativité.

A : Le MANDAT.

Le mandat est un contrat par lequel une personne,


appelée mandant, charge une autre personne, appelée
mandataire, de faire un acte en son nom et pour son compte.

Le mandataire figure à l’acte, mais en réalité, il s’agit


justement d’une simple figuration. Il est le représentant de son
mandant, et l’acte qu’il conclue en cette qualité, mais dans la
limite de ses pouvoirs, n’engendrera à sa charge aucune
obligation.

Les obligations vont s’adresser au mandant, et ni le


contractant ni les tiers n’ont d’action contre le mandataire en
cette qualité pour le contraindre à exécuter l’obligation. En
conséquence, le mandant est tenu directement d’exécuter les
engagements contractés pour son compte. On constate que la
véritable partie est bien le mandant qui est resté à l’écart de la
transaction. Toutefois, le mandataire, qui doit en tout état de

67
Cours de Droit Civil : Dr. Azzedine Kettani
cause agir en bon père de famille, peut se trouver responsable
et être tenu de dommages et intérêts à l’égard du mandant et
éventuellement de tiers notamment pour dépassement des
pouvoirs. D’ailleurs, le législateur invite le juge à examiner plus
sévèrement les actes du mandataire lorsque le mandat est
rémunéré.

B : LA REPRESENTATION LEGALE.

Il s’agit ici des tuteurs et autres représentants qui eux non


plus n’agissent pas pour leur compte personnel. Ils figurent à
l’acte, mais celui ci produit ses effets à l’égard du mineur, de
l’interdit ou plus généralement de l’incapable.

Néanmoins, la responsabilité personnelle du représentant


légal peut être recherchée en cas de dépassement de ses
pouvoirs et d’abus ayant conduit à un préjudice.

A cela il faut assimiler le cas des représentants des


personnes morales qui eux non plus ne contractent pas
l’obligation pour leur compte personnel, et sont censé agir dans
l’intérêt de l’entité morale qu’ils représentent. C’est celle ci qui
recevra le bénéfice de l’obligation ou qui en assumera les
charges et fera face à leurs conséquences.

C : LES AYANTS CAUSE A TITRE UNIVERSEL.

On entend par ayants cause universels d’une personne


ceux qui ont acquis le patrimoine ou une quote-part du
patrimoine de cette personne. Telle est la position des héritiers.

Cette situation ne se conçoit qu’à cause de mort, puisque


entre personnes vivantes, il est difficile d’imaginer que l’une
d’elles se dépouille totalement de l’ensemble et de l’intégralité
de ses biens, de ses droits et de ses obligations (mort civile).

Dans le système juridique romain, on avait d’abord


considéré les héritiers comme étant les continuateurs de la
personne du DE CUJUS. Les injustices auxquelles cette règle
donna lieu avaient justifié assez tôt l’exception. On a admis que
les héritiers devaient avoir un moyen de ne pas souffrir des
déboires résultants d’une situation successorale déficitaire. En

68
Cours de Droit Civil : Dr. Azzedine Kettani
effet, continuer la personne du DE CUJUS signifiait
naturellement être tenu de ses dettes à titre personnel.

Rappelons que cette solution avait été envisagée pour


contrecarrer les conséquences d’un formalisme sévère qui
aboutissait à libérer le débiteur en cas de décès du créancier et
à empêcher le créancier de réclamer en cas de décès du
débiteur la dette à ses héritiers. On peut dire que les romains
avait remplacé une injustice par une autre.
Il a donc fallu attendre que l’on arrive à une possibilité de
considérer l’héritier comme un liquidateur de la succession et
c’est ainsi que le droit français notamment a fini par admettre
les modalités déjà étudiées concernant l’acceptation pure et
simple, le refus pur et simple ou l’acceptation sous bénéfice
d’inventaire.

On retrouve dans le D.O.C, à l’art 229, des règles


concernant ce problème puisque cet article précise bien que les
obligations ont leurs effets non seulement à l’égard des parties,
mais encore à l’égard des héritiers sauf si le contraire résulte
de la nature de l’obligation ou de la loi. La règle posée est
cependant la limitation à concurrence successorale de sorte
que les héritiers ne sont pas tenus sur leurs biens personnels.
Le dernier aliéna de l’art 229 permet par ailleurs le refus de la
succession et son abandon aux créanciers.

L’art 229 pose néanmoins le problème de savoir à qui il


s’applique ? Car nous savons que dans ce domaine, la loi
compétente est celle du statut personnel de l’individu, càd la loi
nationale de l’étranger, et pour les Marocains, la Moudawanna
ou le droit hébraïque selon leurs confessions.

D : LES AYANTS CAUSE A TITRE PARTICULIER.

Les ayants cause à titre particulier sont ceux qui ne


détiennent pas le patrimoine ou une quote-part du patrimoine
de leur auteur, mais qui ont acquis un bien déterminé, tels sont
les acheteurs, les donataires, les légataires à titre particulier.
Ces derniers récoltent les biens vendus, donnés ou légués avec
tous les droits et obligations s’y attachant.

69
Cours de Droit Civil : Dr. Azzedine Kettani
L’exemple le plus courant est celui de la vente d’un bien
immobilier utilisé par des locataires. Le principe traditionnel et
ancien donne la primauté à la vente. Le premier effet de celle ci
étant de rendre caducs des contrats de bail. Ce principe
s’exprimait dans la formule : VENTE PASSE BAIL.

L’évolution a consisté à adopter une exception à ce


principe qui était le corollaire de la relativité. De la sorte, on a
inversé la règle pour considérer que le bail étendait ses effets à
l’encontre du nouveau propriétaire comme si le nouveau
contrat aurait été conclu par celui ci. Ainsi, en matière
immobilière, le nouveau propriétaire doit continuer les liens
locatifs avec le locataire en place.

Sur le plan du droit positif, c’est le dahir du 25/09/1980


relatif aux baux professionnels et à usage d’habitation
qui s’applique. C’est ainsi que le principe est retenu de la
continuation des liens locatifs qui ne peut donner lieu à rupture
que dans des conditions précises exigées par le législateur.

LA STIPULATION POUR AUTRUI.

Elle peut être considérée également comme une forme


d’exception au principe de relativité des obligations puisqu’une
personne qui n’a pas conclu le contrat va en tirer un bénéfice.

La S.P.A est une institution qui suppose trois personnes :


La première (promettant) promet à la seconde (stipulant)
que sous certaines conditions, elle verserait une somme
d’argent ou un avantage convenu à une autre personne (tiers
bénéficiaire).

A fait promettre à B une prestation en faveur de C.


C

A B

70
Cours de Droit Civil : Dr. Azzedine Kettani

Cette opération tripartite a été l’objet d’un rejet pur et


simple par le droit romain ou l’on retrouve le principe : NEMO
ALETRI STIPULARE POTEST.

Cette interdiction de la S.P.A a été reprise dans l’ancien


droit français et transmise au code Napoléon et on la retrouve
comme principe à l’art 33 du D.O.C qui énonce que : Nul ne
peut engager autrui, ni stipuler pour lui, s’il n’a pouvoir de le
représenter en vertu d’un mandat ou de la loi.

Cette interdiction de principe connaît néanmoins dans le


D.O.C des atténuations à travers l’art 34 qui stipule :
Néanmoins, on peut stipuler au profit d’un tiers, même
indéterminé, lorsque telle est la cause d’une convention à titre
onéreux que l’on fait soi même ou d’une libéralité que l’on fait
au promettant.

Ces atténuations se retrouvent en droit français, car la


pratique de la S.P.A a été étendue avec beaucoup de succès
dans le domaine où elle est aujourd’hui pratiquée sans
difficultés, celui de l’assurance de personnes et en particulier
de l’assurance vie. Dans ce cas, on assiste à la conclusion d’un
contrat par lequel une personne, appelée assuré, stipule d’une
compagnie d’assurance que, moyennant le paiement d’une
prime annuelle, la compagnie versera à sa mort un capital
déterminé à une personne désignée dans la police, et qu’on
appelle le bénéficiaire de l’assurance.

§1 : les formes de la stipulation pour autrui.

On reconnaît à la S.P.A deux formes : tacite ou expresse :

• La S.P.A tacite correspond à une situation dans laquelle une


personne est considérée avoir stipulé, en raison d’un acte
juridique, l’avantage qu’il comporte qui va au profit d’une
autre personne. La stipulation va agir directement en faveur
de cette dernière. Cette forme de S.P.A a été découverte par
la jurisprudence. Ainsi, pour permettre aux héritiers d’un
voyageur, victime d’un accident mortel, d’agir contre le
transporteur sur la base de la violation de l’obligation

71
Cours de Droit Civil : Dr. Azzedine Kettani
contractuelle de sécurité issue du contrat de transport, la
jurisprudence a découvert dans le contrat de transport une
S.P.A tacite : stipulation du voyageur en faveur de ses
héritiers. Il convient de préciser que cette solution représente
une exception au principe de la relativité des obligations. En
effet, en vertu de ce principe, les héritiers ne peuvent pas se
prévaloir, après le décès de l’auteur, d’un bien quelconque.
Le champ d’application de la S.P.A tacite n’est pas étendu, et
celle ci avait connu sa
période de gloire lorsque l’action directe en matière
d’assurance, notamment en cas d’assurance automobile,
n’avait pas encore été reconnu.
Le recours à cette stipulation est donc devenu inutile puisque
les tiers victimes d’accidents mortels de la circulation
peuvent faire bénéficier leurs ayants droits de l’action
directe, leur permettant de s’adresser à l’assureur et
d’obtenir directement la réparation sans recours à la S.P.A
tacite.

• La S.P.A expresse est la forme la plus courante et qui se


présente comme l’accessoire à contrat principal. En réalité,
elle est contenue dans une clause de ce dernier.
Son domaine d’élection est celui de l’assurance vie. Ainsi, le
tiers bénéficiaire désigné par la stipulation recueille dans le
cadre du contrat d’assurance le capital du promettant
(l’assurance) que celui ci s’est engagé de verser en contre
partie de la prime perçue.

§2 : les conditions de la stipulation pour autrui.

Dans ce cadre, il s’agit de la S.P.A expresse dont les


conditions de forme et de fond sont les suivantes.

• Conditions de forme :

La S.P.A n’est soumise à aucune forme particulière, mais


elle doit résulter de l’écrit. D’ailleurs, le contrat qui comporte la
stipulation doit être établi par écrit comme l’exige l’arrêté
viziriel du 28 novembre 1934. Cette exigence, qui se justifie
pour des raisons évidentes liées à des problèmes de preuve
des conditions et des modalités de la garantie consenties par

72
Cours de Droit Civil : Dr. Azzedine Kettani
l’assureur, est reprise dans le projet de loi portant code des
assurances actuellement en discussion.

• Conditions de fonds :

Il faut rappeler à ce niveau le caractère accessoire de la


S.P.A. Celle ci étant contenue dans un contrat principal, elle se
trouve en principe soumise aux conditions de celui ci.

Il faut distinguer le contrat principal de la stipulation :

*Le premier est un acte juridique contractuel écrit dans


lequel la condition du consentement comme celle de la
capacité ne posent pas de problèmes. En effet, entre le
stipulant et le promettant s’opère un échange des
consentements classique, régi par le droit commun. De même
qu’il est logique que le stipulant comme le promettant soient
capables de s’engager. S’agissant de l’objet, il porte sur la
stipulation, il est donc licite malgré la répugnance du
législateur à travers l’art 33 du D.O.C. puisque celui ci admet
des exceptions à l’art précité à travers l’art 34. Pour ce qui est
de la cause, son appréciation implique également celle de la
cause de la stipulation elle-même qui a été, sur ce plan,
problématique.

*Les conditions propres à la S.P.A sur le fond doivent être


effectivement appréciées d’une manière distincte.

- Ainsi, le tiers bénéficiaire doit seulement accepter le


bénéfice de la stipulation. L’acceptation du tiers bénéficiaire
n’est cependant pas nécessaire pour lui faire acquérir son droit
de créance contre le promettant, car ce droit lui est acquis, dés
avant l’acceptation, par le seul effet de la convention
intervenue entre les deux parties.

Le consentement du tiers bénéficiaire sera, par contre,


indispensable lors de l’exécution par le promettant de sa
promesse.

C’est dire que, si l’acceptation est nécessaire, c’est pour


d’autres raisons :

73
Cours de Droit Civil : Dr. Azzedine Kettani
1°On ne peut imposer à un individu une acquisition
contre son gré.
2°L’acceptation consolide le droit du tiers, puisque le
droit de révocation dont dispose le stipulant disparaît par
cette acceptation.
3°L’acceptation est nécessaire pour obliger le tiers
envers le promettant, dans le cas particulier où le bénéfice
stipulé est grevé d’une obligation corrélative.

- La capacité quant à elle est indifférente depuis qu’on a


accepté que la S.P.A dans le domaine de l’assurance soit faite
au profit d’enfants mineurs ou encore d’enfants qui ne sont pas
encore nés. De toute façon, le mineur et l’incapable ne font que
recueillir dans la S.P.A un bénéfice sans contre partie.
- Quant à l’objet, l’art 34 stipule que l’on peut stipuler pour
un tiers même indéterminé. Par ailleurs, l’art 36 prévoit
l’inverse lorsqu’il précise que l’ : on peut stipuler pour un tiers
sous réserve de notification. En réalité, on se situe sur le plan
de la détermination dans le cadre du raisonnement fait en
matière d’objet en général, lequel peut être déterminé
seulement par son espèce ou de manière imprécise, à condition
que lors de l’exécution, la détermination imprécise devient
effectivement précise.

On constate qu’en pratique, les bénéficiaires sont indiqués


parmi les héritiers légitimes, et c’est généralement lors de la
remise du capital que l’assureur demande les justifications de
qualité.

- S’agissant de la cause, sa licéité a fait l’objet de


divergences dans la jurisprudence fondées sur le droit direct du
tiers bénéficiaire. Pour ce qui est du droit français, on peut
affirmer que la S.P.A est aujourd’hui toujours valable, pourvu
que le stipulant puisse justifier d’un intérêt, au moins moral, qui
soit pour lui la cause de l’opération.

§3 : les effets de la stipulation pour autrui.

Il faut examiner à cet effet les relations qui se nouent


entre les différentes parties concernées par la S.P.A. Ces
relations sont : D’une part, les relations entre le stipulant et le
promettant, d’autre part, celles du stipulant avec le tiers

74
Cours de Droit Civil : Dr. Azzedine Kettani
bénéficiaire et enfin, celles du tiers bénéficiaire avec le
promettant.

1. Rapport stipulant-promettant.

Ce rapport se caractérise par sa similitude avec tout


rapport contractuel ordinaire dans lequel une partie prend un
engagement souscrit par son cocontractant. Le stipulant qui
agit au profit d’un tiers conserve la qualité de partie au contrat
et les droits qui s’y attachent. Il peut donc réclamer l’exécution
au promettant, quoique ce ne soit pas à lui qu’elle doive, en
définitive, profiter. Cette règle est confirmée par l’art 35 du
D.O.C qui précise que : celui qui a stipulé en faveur d’un tiers
peut poursuivre, concurremment avec ce dernier, l’exécution de
l’obligation.

D’ailleurs, le stipulant pourrait même, en cas


d’inexécution, demander la résolution du contrat originaire.

Dans l’ex de l’assurance vie, l’assureur (promettant)


accepte de s’engager à payer une somme d’argent ou une
rente convenues à l’avance au tiers bénéficiaire désigné par le
stipulant. En contre partie, ce dernier accepte de payer une
prime annuelle au promettant de sorte qu’en cas de non-
paiement le contrat pourra être résilié. Le contrat d’assurance
revêt cependant un certain particularisme quant aux
conséquences de non-paiement de la prime et de la résiliation.

2. Rapport stipulant-tiers bénéficiaire.

Ce rapport doit être examiné selon que le tiers bénéficiaire


est connu déjà lors de la conclusion de l’acte ou seulement lors
de l’exécution. Dans le premier cas, aucune difficulté réelle ne
se pose.

Cette question ne s’examine dés lors que lorsque le


stipulant informe le tiers bénéficiaire de la stipulation qui est
faite en sa faveur. Dans ce cas, la situation se présente comme
une offre faite par le stipulant au tiers bénéficiaire avec les
conséquences juridiques qui s’attachent à celle ci. On sait alors
que l’acceptation consentie à l’autre partie donne naissance

75
Cours de Droit Civil : Dr. Azzedine Kettani
au rapport contractuel, et le tiers bénéficiaire sera alors à titre
définitif comme déjà précisé.

Cette situation pose des problèmes auxquels le droit


français a déjà répondu. Il s’agit notamment du cas dans lequel
le stipulant aurait désigné comme tiers bénéficiaire son épouse
qui a accepté la stipulation. Les conjoints ayant divorcé, la
bénéficiaire de la stipulation perd la qualité d’épouse, et par
conséquent, perd le bénéfice de la stipulation.

On ne trouve pas en droit marocain de réponse sur ce plan


de sorte que même divorcée, l’épouse nommée comme
bénéficiaire garde cette qualité à moins que le contrat principal
ne soit résilié de sorte que la stipulation va nécessairement
connaître le même sort que celui ci.

Par ailleurs, il faut signaler que dans ce rapport, le tiers


bénéficiaire n’a aucune possibilité d’intervenir dans le contrat
d’assurance. Ainsi, si le stipulant arrête de payer les primes, il
ne peut le forcer à continuer pas plus qu’il ne peut payer à sa
place contre son gré.

- Cela étant, et d’une façon générale, on peut dire que dans


les rapports entre le stipulant et le tiers, la S.P.A peut
s’analyser en un acte à titre gratuit ou en un acte à titre
onéreux, suivant le cas.

*Acte à titre gratuit : C’est un acte à titre gratuit


lorsque aucune obligation antérieure n’existait à la
charge du stipulant dans l’intérêt du promettant, et que
c’est dans un esprit de libéralité qu’a agi le stipulant. Il
est ainsi notamment dans le cas de l’assurance vie.

*Acte à titre onéreux : C’est un acte à titre onéreux


lorsque le stipulant était débiteur du tiers. La S.P.A
équivaut alors à un paiement.

3. Rapport promettant-tiers bénéficiaire.

Ce rapport se caractérise par le droit direct dont dispose le


tiers à l’égard du promettant, et ce nonobstant le fait qu’il
n’existe entre eux aucun contrat. En effet, dés que les

76
Cours de Droit Civil : Dr. Azzedine Kettani
conditions de la remise du bénéfice de la stipulation sont
réunies, le tiers bénéficiaire a le droit de réclamer directement
au promettant le bénéfice stipulé. L’existence de ce droit direct
est attestée par l’art 34 du D.O.C qui reconnaît que : la
stipulation opère directement en faveur du tiers.

Or, à ce niveau, certains problèmes peuvent jaillir :

• D’une part, lorsque le stipulant décède en laissant une


succession déficitaire, les créanciers du stipulant seraient
tentés de demander au tiers bénéficiaire de verser à la
succession les sommes reçus du promettant. Cela n’est
cependant pas possible, car le bénéfice de la stipulation
provient du patrimoine du promettant et non de celui du
stipulant.

• D’autre part, les héritiers du stipulant, surpris par la


stipulation qu’il considèrent comme illégitime, pouvaient
demander l’annulation de la stipulation. Il s’agit ici du
problème de la cause de la stipulation avec les divergences
que l’on connaît sur ce point dans la jurisprudence française.

• Par ailleurs, le tiers bénéficiaire peut ne pas encore être au


courant de la stipulation faite en sa faveur, et avec le décès
du stipulant, le droit de révocation dont ce dernier était
titulaire de son vivant se transmet à ces derniers. Dans l’ex
de la concubine, l’épouse du défunt ou ses héritiers n’ont
aucune raison de ne pas l’utiliser, et risquent ainsi de retirer
au tiers le bénéfice de la stipulation et de le remplacer par
quelqu’un d’autre ou tout simplement par eux même. Cette
situation serait tout à fait injuste à l’égard des tiers et
compte tenu de la volonté du stipulant. C’est pour cela que le
principe dans ce domaine est que l’assureur informe le tiers
de l’existence de la stipulation en sa faveur, et lui demande
de déclarer s’il entend accepter cette nomination. Le délai
habituel est de 30 jours à 3 mois. A l’expiration de ce délai,
les héritiers peuvent alors utiliser le droit de révocation.
Ce principe se trouve aussi dans le D.O.C à l’art 36 qui
énonce : On peut stipuler pour un tiers sous réserve de
ratification. Dans ce cas, l’autre partie peut demander que le
tiers, au nom duquel on a contracté, déclare s’il entend
ratifier la convention. Elle n’est plus tenue si la ratification

77
Cours de Droit Civil : Dr. Azzedine Kettani
n’est pas donnée dans un délai raisonnable, et au plus tard
15 jours après la notification de la convention.

TROISIEME SOUS PARTIE : L’EXTINCTION DES OBLIGATIONS.

Les obligations peuvent s’éteindre pour des raisons


ordinaires notamment dans certaines catégories de contrats. Il
est ainsi de ceux qui sont conclu intuiti personnae. Il est évident
que dans ces contrats, le décès de la personne en considération
de laquelle ils ont été conclus, entraîne leur extinction. D’autres
causes peuvent être assimilées au décès sans toutefois
entraîner l’extinction des contrats. S’agissant des personnes
morales par ex, le redressement judiciaire où la liquidation
n’impose pas la résiliation du contrat en cours, mais au
contraire puisque le code de commerce le maintient.

Les obligations peuvent aussi s’éteindre parce qu’elles ont


été exécutées. Ils peuvent en outre s’éteindre à cause d’un
événement survenu ou encore parce que les parties ont prévu
dans le contrat des dispositions qui se sont avérées nulles soit,
parce qu’elles sont contraires à l’ordre public ou encore,
entachées d’un vice.
On remarque donc que les causes d’extinction des obligations
sont de deux sortes : les unes opèrent seulement pour l’avenir
et laissent subsister les effets que le contrat avait produits dans
le passé, ce sont les différents modes prévus par l’art 319. Les
autres opèrent rétroactivement et font considérer le contrat
comme n’ayant jamais existé, ce sont la nullité et la résolution.

TITRE 1 : L’EXTINCTION DES OBLIGATIONS PAR EXÉCUTION OU À CAUSE D’UN


ÉVÉNEMENT.

L’art 319 énumère une série de modes d’extinction des


obligations. Il s’agit du paiement, de l’impossibilité
d’exécution, de la remise volontaire, de la novation, de la
compensation, de la confusion, de la prescription et enfin,
de la résiliation volontaire.

CHAPITRE 1 : L’EXTINCTION DES OBLIGATIONS PAR EXECUTION.

78
Cours de Droit Civil : Dr. Azzedine Kettani

Pour l’extinction par exécution, il faut retenir le paiement,


la remise volontaire, la novation, la compensation et la
confusion.

SECTION 1 : le paiement. (320 et S)

Alors que tous les autres modes d’extinction ont un


caractère accidentel et imprévu, le paiement est le mode
d’extinction normal et désiré de l’obligation, en ce sens que le
rapport obligatoire s’est dissout parce qu’il s’est accompli. Il
suppose un contrat synallagmatique dans lequel existe un
rapport de dettes.

Dans un sens étroit, payer, c’est, par excellence exécuter


une obligation de somme d’argent. Le paiement se définit alors
comme un versement de monnaie, de deniers, du débiteur au
créancier. Mais dans un sens large, payer veut dire dénouer le
lien de droit résultant d’une obligation ; donc, c’est exécuter
l’obligation quelqu’en soit sa nature.

Selon l’art 320 du D.O.C, le paiement, pour produire son


effet juridique qui est l’extinction de l’obligation, doit être fait
dans les conditions déterminées par la convention ou par la loi.

Comme déjà précisé, le paiement le plus courant consiste


dans la remise d’une somme d’argent. Cependant, le paiement
peut être également effectué au moyen d’une chose, d’une
créance ou d’un droit incorporel. Dans ce cas, et selon l’art 322
du D.O.C, le débiteur qui utilise ce moyen est tenu de la même
garantie que le vendeur à raison, soit des vices cachés de la
chose, soit de l’insuffisance du titre.

Le paiement peut être partiel, et dans ce cas, il s’impute


sur une partie de la dette. Il peut également arriver que le
débiteur ait à sa charge plusieurs dettes. Dans ce cas, et selon
l’art 323, les paiements s’imputent sur la dette que le débiteur
désigne lorsqu’il paye ; s’il n’a rien dit, il conserve le droit de
déclarer la dette qu’il a eu l’intention de payer ; en cas de
doute, l’imputation se fait sur la dette qu’il a, pour lors, le plus
d’intérêt à acquitter, et de préférence sur celle qui est échue ;
entre plusieurs dettes échues, sur celle qui offre le moins de

79
Cours de Droit Civil : Dr. Azzedine Kettani
garanties pour le créancier, entre plusieurs dettes également
garanties, sur celle qui est la plus onéreuse pour le débiteur ;
entre plusieurs dettes également onéreuses, sur la plus
ancienne en date.

Dans l’ensemble de ce raisonnement, on cherche


effectivement à avantager le débiteur et à alléger le poids de sa
dette tout en tenant compte des intérêts du créancier.

Lorsque le paiement est effectué, il produit un effet


libératoire en ce sens qu’il a dégagé le débiteur de la dette.

SECTION 2 : la remise volontaire. (340 et S)

Il s’agit d’un mécanisme d’extinction des obligations par


lequel le créancier accepte de renoncer à la dette quelques
soient les raisons prises en considération.
C’est normalement un abandon sans contre partie, donc un
acte à titre gratuit, plus précisément une donation indirecte.

La question qui se pose à ce niveau est celle de savoir si la


remise doit être expresse ou seulement tacite. Vu les
conséquences de la remise, il serait normal d’exiger qu’elle soit
expressément formulée. La remise peut ainsi résulter d’une
convention, d’une quittance ou autre acte portant libération ou
donation de la dette au débiteur.
Cependant, l’art 341 prévoit dans son deuxième aliéna que
la remise peut aussi être tacite et résulter de tout fait indiquant
clairement chez le créancier la volonté de renoncer à son droit.

C’est dans le même ordre d’idée qu’il stipule que la


restitution volontaire du titre original, …, fait présumer la
remise de la dette. On se situe ainsi dans le cadre de la
présomption de remise volontaire et de renonciation. Mais il ne
s’agit là que d’une présomption simple qui admet donc la
preuve contraire. En effet, en dehors de la restitution du titre
original, la remise tacite doit résulter d’un fait indiquant
clairement chez le créancier la volonté de renoncer à son droit.

Par ailleurs, il peut arriver que le créancier procède à la


remise en étant atteint de sa dernière maladie. A ce sujet, le
D.O.C distingue à travers les art 344 et 345, le cas où la remise

80
Cours de Droit Civil : Dr. Azzedine Kettani
est faite à un héritier ou à un tiers. Dans le premier cas, la
remise n’est valable que si les autres héritiers la ratifient.
Lorsqu’il s’agit d’un tiers, elle est valable jusqu’à concurrence
du tiers de ce qui reste dans la succession après le payement
des dettes et des frais funéraires. La remise volontaire a pour
effet d’éteindre le rapport d’obligation et libère ainsi
définitivement le débiteur.

La question qui se pose à ce niveau consiste à savoir si la


remise peut être révoquée ? La réponse est négative pour
autant que la remise soit parvenue à la considération du
débiteur et que celui ci l’ait accepté. D’ailleurs, l’art 343 énonce
que la remise de l’obligation n’a aucun effet, lorsque le débiteur
refuse expressément de l’accepter. Par contre, une fois
acceptée, elle est non seulement obligatoire pour le créancier
pour le créancier mais aussi pour le débiteur.

En somme, on fait une application stricte des effets de


l’offre et de l’acceptation.

SECTION 3 : la novation. (347 et S)

La novation est un mécanisme qui conduit à l’extinction


d’une obligation moyennant la constitution d’une obligation
nouvelle qui lui est substituée. La novation ne peut être tacite,
elle doit être expresse. Elle requiert les mêmes conditions de
validité qui s’attachent à l’obligation.

En outre, pour qu’il y ait novation, il faut que l’ancienne


soit valable et que la nouvelle le soit aussi. La novation se
présente sur 3 formes énumérées à l’art 350 :

• Le créancier et le débiteur décident de changer une


obligation par une autre.
• Un nouveau créancier est substitué à l’ancien.
• Un nouvel engagement d’un nouveau créancier qui est
substitué à l’ancien envers lequel le débiteur se trouve
déchargé.
Dans tous ces cas, on constate une substitution soit
d’obligations, soit de personnes. La conséquence principale et
primordiale est que la situation ancienne disparaît au profit
d’une situation nouvelle qui est mise en place.

81
Cours de Droit Civil : Dr. Azzedine Kettani

SECTION 4 : la compensation. (357 et S)

La compensation est l’extinction de deux obligations de la


même espèce, en particulier de deux obligations de somme
d’argent, existant réciproquement entre deux personnes ; En
somme il s’agit de la situation dans laquelle les parties sont
réciproquement et personnellement créancières débitrices l’une
de l’autre ;

Compenser signifie aussi payer, et la compensation


apparaît ainsi comme un paiement abrégé, par lequel on
s’épargne un double transfert de fonds. C’est aussi un
paiement par préférence. Le créancier-débiteur d’un insolvable
a intérêt à compenser : Sans la compensation, il devrait payer
intégralement sa dette, puis réclamer sa créance en concours
avec les autres créanciers ; grâce à la compensation, il se paie
sur sa propre dette par préférence à tous autres créanciers.

On constate alors que la première condition imposée pour


la validité de la compensation est la Réciprocité. En effet, les
deux obligations doivent exister en sens inverse entre les deux
mêmes individus. La difficulté est, parfois, de bien distinguer les
personnes qui sont les sujets véritables du rapport obligatoire.

Comme le précise l’art 361 du D.O.C, la compensation


suppose pour sa validité des dettes de même espèce et de
même qualité. En outre, elles doivent être liquides et exigibles,
mais il n’est pas nécessaire qu’elles soient payables au même
lieu. Une dette n’est liquide qu’autant qu’elle est claire et
certaine à la fois dans son existence et dans son montant. Par
ailleurs, la condition d’exigibilité exclut de la compensation les
dettes conditionnelles ou à terme, qui ne sont pas actuellement
exigibles, comme aussi les obligations naturelles, qui ne le
seront jamais.

Selon l’art 364, la compensation est valable même si les


dettes ont des causes et des quotités différentes. Lorsque les
deux dettes ne sont pas de la même somme la compensation
s’effectue jusqu’à concurrence de la dette la moins forte.

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Cours de Droit Civil : Dr. Azzedine Kettani
L’art 365 a par ailleurs prévu les cas dans lesquels la
compensation ne peut avoir lieu, il en est ainsi :
1°Lorsque l’une des dettes a pour cause des aliments ou autres
causes non saisissables (Dans l’intérêt d’une partie, en ce sens
que le créancier d’aliments ne doit pas être privé d’une rentrée
de fonds qui lui est immédiatement nécessaire. De même,
lorsqu’un débiteur d’une créance non saisissable, prétend se
payer de ce qui lui est du en ne payant pas ce qu’il doit, c’est
comme s’il saisissait cette créance insaisissable qui existe
contre lui-même ; or, l’insaisissabilité lui interdit).
2° Contre la demande en restitution d’une chose dont le
propriétaire a été injustement dépouillé, soit par violence, soit
par fraude, ou d’une créance ayant pour cause un autre délit ou
quasi-délit.
3°Contre la demande en restitution d’un dépôt, d’un prêt à
usage ou d’un précaire, ou contre la demande en dommages-
intérêts résultant de ces contrats, au cas de perte de la chose
due.
4°Lorsque le débiteur a renoncé dés l’origine à la
compensation, ou lorsque l’acte constitutif de l’obligation l’a
prohibé.
5°Contre les créances de l’état et des communes pour
contributions ou taxes, à moins que la créance de celui qui
oppose la compensation ne soit due par la même caisse qui
réclame la contribution ou la taxe.

Dés lors que sont réunies les conditions énumérées, les


deux obligations en balance s’éteignent jusqu’à concurrence de
la plus faible, avec tous leurs accessoires, notamment les
sûretés qui pouvaient les assortir. En fait, il s’agit d’un
mécanisme qui est utilisé très fréquemment dans la pratique.

SECTION 5 : la confusion. (369-370).

La confusion est définie par l’art 369 qui stipule que :


Lorsque les qualités de créancier et de débiteur d’une même
obligation se réunissent dans la même personne, il se produit
une confusion de droits qui fait cesser le rapport de créancier et
de débiteur.

83
Cours de Droit Civil : Dr. Azzedine Kettani
L’art précité précise par ailleurs que la confusion peut
n’être que partielle si elle n’a lieu que pour une partie de
l’obligation.

Dans certains cas, la confusion n’a qu’une cause


passagère de sorte que la créance pourrait revivre avec ses
accessoires à l’égard de toute personne comme si la confusion
n’a jamais existé

CHAPITRE 2 : EXTINCTION PAR EVENEMENT.

Dans ce cas, on est en présence d’un événement qui va


entraîner l’extinction des obligations.

SECTION 2 : l’impossibilité d’exécution. (335 et S)

Dans ce cas, l’obligation ne peut pas être exécutée car,


depuis sa naissance et pour une raison quelconque ou un
événement donné, la prestation qui en fait l’objet est devenue
impossible naturellement ou juridiquement. A cela s’ajoute
encore deux conditions à savoir que cette impossibilité ne
résulte pas d’un fait ou d’une faute précédente du débiteur et
que le débiteur soit mis en demeure avant la survenance de
l’impossibilité.
L’impossibilité peut être totale ou partielle. Dans ce
deuxième cas, le débiteur n’est appelé à exécuter qu’une partie
de l’obligation. Il est dès lors logique que le créancier ne peut
être obligé d’accepter une exécution partielle lorsque
l’obligation en question est de telle nature qu’elle ne peut se
partager sans préjudice pour lui.

Ainsi, et selon les dispositions de l’art 336, il aura le choix


de recevoir l’exécution partielle ou de résoudre l’obligation pour
le tout.

Lorsque l’obligation est éteinte pour une cause


indépendante de la volonté des deux parties et avant la mise
en demeure du débiteur, celui ci est libéré, mais il perd le droit
de demander la prestation qui serait due par l’autre partie.

L’art 339 vise le cas dans lequel l’impossibilité d’exécution


dépend du fait du créancier ou d’une autre cause qui lui est

84
Cours de Droit Civil : Dr. Azzedine Kettani
imputable. Dans ce cas, le débiteur conserve le droit d’exiger
l’exécution de l’obligation pour ce qui lui est dû, mais il est tenu
de faire raison à l’autre partie de ce qu’il épargne par suite de
l’inexécution de son obligation ou du profit qu’il a retiré de la
chose qui en fait l’objet.

Pour conclure, on peut dire que l’obligation est éteinte


lorsqu’en réalité l’impossibilité n’est due à la faute ni de l’un ni
de l’autre des cocontractants. On assimile ce cas à ce qui
résulte de la force majeure qui est classiquement considérée
comme une cause d’exonération du débiteur de ses obligations.

SECTION 2 : la prescription. (371-391).

Le rapport d’obligation se dissout par l’inaction du


créancier prolongée pendant un certain temps. C’est la
prescription dont le D.O.C traite à travers une vingtaine
d’articles. Elle est définie comme une durée prescrite par la loi
à l’expiration de laquelle s’éteint l’action naissante de
l’obligation.

La prescription va donc empêcher l’exécution de


l’obligation de sorte que le débiteur ne peut plus se voir
réclamer l’obligation à laquelle il s’est engagé. La prescription
va également éteindre les accessoires de l’obligation.

Toutefois, certaines limites ont été apportées par le


législateur à la mise en œuvre de la prescription. Ainsi, et selon
les dispositions de l’art 378 : Aucune prescription n’a lieu :
1°Entre époux pendant la durée du mariage.
2°Entre le père et la mère et leurs enfants.
3°Entre l’incapable, le habous ou autre personne morale, et le
tuteur, curateur ou administrateur, tant que leur mandat n’a
pas pris fin et qu’ils pas définitivement rendu leurs comptes.

D’autres limites sont apportées par l’art 379 à l’égard des


mineurs non émancipés et autres incapables s’ils n’ont pas de
tuteur, de conseil judiciaire ou de curateur, jusqu’après leur
majorité, leur émancipation ou la nomination d’un représentant
légal.

85
Cours de Droit Civil : Dr. Azzedine Kettani
Par ailleurs, et selon l’art 377, la prescription n’a pas lieu,
lorsque l’obligation est garantie par un gage ou un hypothèque.

Il y a lieu de signaler à ce niveau que la prescription


n’éteint pas l’action de plein droit en ce sens qu’elle doit être
invoquée par celui qui y a intérêt.

En matière de délais de prescription, le législateur a posé à


travers l’art 387 le principe selon lequel toutes les actions
naissant d’une obligation sont prescrites par 15 ans.

Cependant, l’art 388 apporte des exceptions au principe


en ce sens qu’il prévoit le délai de 5 ans pour certaines actions,
le délai de 2 ans pour d’autres et enfin, un délai d’une année de
365 jours pour la dernière catégorie.

La prescription peut être interrompue dans des conditions


prévues par les art 381 et 382. L’art 381 stipule ainsi que : la
prescription est interrompue :
1°Par toute demande judiciaire ou extrajudiciaire… ;
2°Par la demande d’admission de la créance à la faillite du
débiteur ;
3°Par un acte conservatoire ou d’exécution entrepris sur les
biens du débiteur, ou par toute requête afin d’être autorisé à
procéder à un acte de ce genre.

Dans le même ordre d’idées l’art 382 ajoute que la


prescription est interrompue par tout acte par lequel le débiteur
reconnaît le droit de celui ci contre lequel il avait commencé à
prescrire.

SECTION 2 : la résiliation volontaire. (393 et S)

Il s’agit d’une démarche qui consiste à défaire par la


volonté des parties ce que cette même volonté a créé. Ce sont
elles-mêmes qui se départissent des obligations contractées et
ce, conformément à l’art 393 qui précise que : les obligations
contractuelles s’éteignent lorsque, aussitôt après leur
conclusion, les parties conviennent d’un commun accord de
s’en départir, dans les cas où la résolution est permise par la
loi.

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Cours de Droit Civil : Dr. Azzedine Kettani
On peut imaginer une résolution volontaire tacite. Il en est
ainsi lorsque, après une vente conclue, les paries se restituent
réciproquement la chose et le prix.
En raison de ses conséquences, la résiliation est soumise, quant
à sa validité, aux règles générales des obligations
contractuelles comme cela résulte de l’art 395 du D.O.C.
En général et en pratique, la résiliation se présente comme
un acte juridique généralement écrit, par lequel les parties
décident de mettre fin à leurs obligations réciproques, à
condition que celles ci ne nuisent pas aux tiers qui ont acquis
régulièrement des droits sur des choses qui font l’objet de
résiliation.

Sur le plan des effets, la résiliation a un caractère


rétroactif. Ainsi, et selon les dispositions de l’art 397, la
résiliation remet les parties dans la situation où elles se
trouvent au moment de la conclusion du contrat. Les parties
doivent se restituer réciproquement ce qu’elles ont reçu l’une
de l’autre en vertu de l’obligation résiliée.

Dans certains cas, la rétroactivité est empêchée par la


nature même de l’obligation. Ainsi, lorsqu’il s’agit d’un contrat
de travail, sa résiliation devait conduire d’une part, à la
restitution du travail accompli et d’autre part, au
remboursement du salaire perçu. Si le remboursement du
salaire est possible, la restitution du travail n’est point faisable,
il faut donc procéder par compensation.

La résiliation volontaire est d’ailleurs utilisée comme


mécanisme d’extinction de la résiliation du travail.

En conclusion, on peut dire que le paiement, dont la


compensation peut être rapprochée, doit être mis à part
puisqu’il s’agit non seulement d’un mode d’extinction du
rapport obligatoire, mais de son accomplissement parfait, et
comme son épanouissement. La novation quant à elle a un effet
extinctif, mais en même temps, un effet créateur. La remise de
dette et la prescription ont de commun le fait qu’elles apportent
au débiteur une libération gratuite.

La confusion, de son coté, n’a qu’une faible importance


pratique car elle consiste dans un obstacle matériel à

87
Cours de Droit Civil : Dr. Azzedine Kettani
l’exécution, résultant de ce que le créancier a succédé au
débiteur, ou réciproquement.

TITRE 2 : RÉSOLUTION ET RÉSILIATION.

L’extinction est dictée par des causes légales produisant à


mettre fin à l’obligation car un vice déterminé frappe celle ci.

CHAPITRE 1 : LA NULLITE ET LA RESCISION.

La nullité constitue la sanction de l’absence d’un élément


constitutif et plus généralement comme la sanction des
irrégularités qui peuvent affecter la formation du contrat. La
nullité intervient ainsi pour anéantir rétroactivement le contrat
irrégulièrement formé.

D’un autre point de vue, le mot nullité vise la sanction d’un


agissements qui porte non seulement atteinte à l’intérêt des
parties, mais aussi à l’ordre public, et parfois aux deux.

Lorsque l’un des deux est touché, la nullité en droit


français est affectée d’une précision. On parle ainsi de nullité
absolue lorsqu’il s’agit de l’ordre public, et de nullité relative
lorsqu’il s’agit de l’intérêt privé.

Le droit marocain ne retient pas de distinction de ce genre


et retient le mot nullité pour les cas dans lesquels l’ordre
public est en jeu.

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Cours de Droit Civil : Dr. Azzedine Kettani
Le mot rescision est utilisé en droit français pour l’action
en rescision pour lésion, tandis qu’en droit marocain il englobe
tous les cas dans lesquels l’intérêt privé est en jeu.

SECTION 1 : la rescision.

Il s’agit de ce que le droit français appelle la nullité


relative. L’art 311 énonce que : l’action en rescision a lieu dans
les cas prévus au présent dahir, articles 4 (mineurs et
incapables), 39 (vices du consentement), 55 et 56 (lésion), et
dans les autres cas déterminés par la loi.

§1 : Domaine de la rescision.

On peut donc considérer que la rescision sanctionne la


violation des règles de formation du contrat destinées à
protéger les contractants qui des incapables, victimes d’un vice
du consentement ou encore victimes d’une lésion.
Le domaine de la rescision englobe ainsi les vices du
consentement, la capacité et la lésion.

Aux causes de rescision énumérées par l’art 311, on


devrait pouvoir ajouter la maladie et les cas analogues prévus à
l’art 54 du D.O.C, d’autant plus que celui ci parle expressément
de rescision.

On remarque cependant qu’on ne trouve pas dans le D.O.C


une liste exhaustive des cas d’application de la rescision.
D’ailleurs, on se pose souvent en pratique la question de savoir
quelle est la sanction de l’inobservation d’un formalisme
prescrit pour un contrat donné ou une obligation déterminée ?

La réponse est que lorsque cette forme particulière est


exigée, il faut rechercher si elle vise la protection de l’intérêt
privé ou celle de l’ordre public. Ce travail appartient au juge,
mais en règle générale, on constate que le formalisme est
prévu surtout dans l’intérêt des parties.

§2 : le régime de la rescision.

Le D.O.C prévoit une prescription d’un an pour l’action en


rescision sauf le cas où la loi prévoit un délai différent, mais il

89
Cours de Droit Civil : Dr. Azzedine Kettani
ne s’agit là que de la voie d’action. Il faut, en effet, distinguer
deux modalités procédurales : la voie d’action et la voie
d’exception.

Dans le premier cas, le contrat a été exécuté et la partie


qui invoque la rescision a découvert une cause de celle ci, par
ex un vice, elle introduit donc une action.

Dans le deuxième cas, l’exécution n’a pas eu lieu et le


motif de rescision est invoqué pour échapper à l’exécution. Il
s’agit du cas dans lequel l’une des parties demande à l’autre
l’exécution et celle ci lui oppose une cause de rescision. On dit
ici que la rescision est invoquée par voie d'exception.

Ces deux modalités se retrouvent aussi bien dans la nullité


que dans la rescision. Elles sont soumises aux règles suivantes :

• L’action en rescision appartient au contractant dont le


consentement a été vicié ou qui était incapable, à celui qui a
été lésé ou encore celui qui était malade ou dans un cas
similaire. Par ailleurs, et selon les dispositions de l’art 313,
l’action en rescision se transmet aux héritiers pour le temps
qui restait à leur auteur.

• Les personnes protégées par la loi ou leurs représentants ont


le droit de renoncer à la rescision en confirmant l’acte dans
la mesure où cela est conforme à leurs intérêts. Cette
confirmation peut être tacite ou expresse. La confirmation
tacite peut résulter de l’exécution volontaire de l’obligation
alors que l’on a connaissance de la cause de la rescision. La
confirmation expresse apparaît quant à elle comme un acte
juridique unilatéral par lequel celui qui est en droit d’invoquer
la rescision renonce à son droit de critique faisant ainsi
disparaître le vice ou l’irrégularité.

• Le délai de prescription diffère pour ces deux modalités. En


fait, ils sont d’une part, celui prévu à l’art 312 qui compte à
partir de la découverte du vice et qui prévoit les cas
particuliers des mineurs et des incapables, et d’autre part,
celui prévu à l’art 314, càd 15 ans. De la sorte, la prescription
va être acquise par l’arrivée de l’un ou de l’autre des deux

90
Cours de Droit Civil : Dr. Azzedine Kettani
délais. En somme, le délai d’un an se déploie à l’intérieur du
délai de 15 ans.

§3 : les effets de la rescision.

La rescision développe un effet rétroactif prévu à l’art 316


en vertu duquel la rescision de l’obligation remet les parties au
même et semblable état où elles étaient au moment où
l’obligation a été constituée. Les parties doivent alors se
restituer réciproquement tout ce qu’elles ont reçu l’une de
l’autre en vertu ou en conséquence de l’acte annulé.

En ce qui concerne les droits régulièrement acquis par les


tiers de bonne foi, on suit les dispositions spéciales établies par
les différents contrats particuliers.

SECTION 2 : la nullité en droit marocain.

Il s’agit d’une sanction dont la nature est liée à une


atteinte à l’ordre public. Elle représente la nullité absolue en
droit français.

§1 : le domaine de la nullité.

Le domaine de la nullité est délimité par l’art 306 qui


considère que l’obligation est nulle de plein droit :
1°Lorsqu’elle manque d’une des conditions substantielles de sa
formation ;
2°Lorsque la loi en édicte la nullité dans un cas déterminé.

Le débat peut s’engager sur le contenu substantiel


d’autant plus qu’il s’agit d’une question trop importante pour
qu’elle soit laissée à l’appréciation du juge.
La nullité tend ainsi à sanctionner les règles de formation du
contrat visant à protéger, non pas l’intérêt particulier d’un
contractant, mais l’intérêt général de la société.

§2 : le régime de la nullité.

Tout d’abord, il y a lieu de signaler que la nullité de


l’obligation principale entraîne celle des obligations accessoires.

91
Cours de Droit Civil : Dr. Azzedine Kettani
Par contre, la nullité de l’obligation accessoire n’entraîne point
la nullité de l’obligation principale.
De même, la nullité d’une partie de l’obligation annule
l’obligation pour le tout, à moins qu’elle puisse valablement
survivre.

En deuxième lieu, et contrairement à la rescision dont la


cause peut être ratifiée et confirmée, la nullité de plein droit ne
peut être ni confirmée ni ratifiée. Autrement dit, les parties
n’ont pas le pouvoir de considérer une telle obligation comme
valable et opposable nonobstant la nullité dont elle est frappée
dans la loi.

On peut par ailleurs se demander par quel moyen la nullité


peut être invoquée. Comme pour la rescision, la voie d’action et
la voie d’exception peuvent les deux être utilisées. Le problème
qui se pose à ce niveau concerne le délai de prescription. En
réalité, on ne devrait pas permettre qu’une cause de nullité
puisse échapper à la sanction quelque soit l’époque de sa
découverte. Mais on doit cependant admettre qu’il y ait une
limite dans le temps, c’est celle de la prescription par 15 ans,
durée après laquelle la nullité ne peut plus être invoquée par
voie d’action. Quant à la voie d’exception, celle ci peut être
utilisée à tout moment aussi longtemps que l’exécution peut
être demandée.

Enfin, et par opposition à la rescision qui ne peut être


invoquée que par la partie victime d’une des causes de
rescision, la nullité peut être invoquée par les deux parties
contractantes.

§3 : les effets de la nullité.

Elles sont marquées par le principe rappelé à l’art 306


selon lequel : l’obligation nulle de plein droit ne peut produire
aucun effet, sauf la répétition de ce qui a été payé indûment en
exécution ce cette obligation. On envisage la restitution des
prestations de part et d’autres.

Cependant, dans certaines situations comme dans le jeu


par ex, on trouve un vielle adage selon lequel : Dette de jeu
dette d’honneur. Cela signifie que le système judiciaire devrait

92
Cours de Droit Civil : Dr. Azzedine Kettani
rester à l’écart d’une telle opération, de sorte que si le joueur
débiteur ne paye pas, le juge ne peut pas le forcer à le faire, et
s’il a déjà payé, le juge ne devrait pas pouvoir ordonner à son
partenaire la restitution. Cette situation, si elle devait être
soumise à l’art 306 du D.O.C, tournerait toujours à l’avantage
du débiteur ce qui est contraire à la règle romaine NEMO
AUDITUR PROPRIAM TURPITUDIMEN ALLEGANS. L’application de
celle ci devrait justement priver le débiteur de se prévaloir de
sa propre faute pour en tirer profit.

En droit marocain, il faut retenir que le D.O.C a opté pour


la règle contraire et se prononce en faveur de la restitution de
ce qui a été payé indûment en exécution de l’obligation nulle.
Par contre, il n’ordonne pas la remise de la prestation due dans
le cadre d’une obligation nulle. Cette démarche du droit positif
marocain se voulait quelque peu équitable, mais demeure
néanmoins critiquable.
CHAPITRE 2 : La suspension et la résolution des obligations.

Si la règle générale est que le contrat valablement formé


stipule des obligations bien définies et dont l’exécution doit
intervenir théoriquement sans difficultés d’ordre juridique, il
n’en reste pas moins vrai que la pratique contractuelle n’est
pas toujours dans ce sens. C’est ainsi qu’on rencontre des cas
dans lesquels les parties ont stipulé des obligations
interchangeables, c’est le cas de l’obligation alternative qui
permet à chaque partie de se réserver le choix d’exécuter l’une
ou l’autre des obligations stipulées.

A coté de l’obligation alternative, il y a aussi l’obligation


affectée d’un terme ou d’une condition. Tout cela rentre dans le
cadre des causes volontaires de suspension ou de résolution
des obligations. Parallèlement, il existe des cas dans lesquels la
loi est intervenue pour donner d’autres causes.

On peut dire alors qu’il y a résolution d’un contrat


lorsqu’un contrat régulier en tous points, est mis à néant,
postérieurement à sa formation, par l’effet d’un événement, qui
avait été prévu par les parties ou par la loi.

SECTION 1 : les causes volontaires.

93
Cours de Droit Civil : Dr. Azzedine Kettani
C’est, en général, aux parties qu’il appartient de
déterminer, par leur commune volonté, le commencement et la
fin de la loi contractuelle appelée à les régir. Elles disposent
pour cela de deux modalités temporelles élémentaires : le
terme et la condition ;

Le terme et la condition ne concernent pas seulement les


obligations et le contrat, ils peuvent affecter tous les droits,
notamment les droits réels.

Le terme est un événement futur et d’accomplissement


certain qui suspend soit l’exigibilité, soit l’extinction des
obligations et, par-delà, l’exécution ou la disparition des
contrats eux-mêmes. En réalité, on peut dire qu’il ne s’agit pas
tout à fait d’un événement, mais d’une échéance, puisqu’il est
exprimé en temps et on est en présence d’une date.

La condition est un événement futur et d’accomplissement


incertain qui suspend soit la naissance, soit la résolution des
obligations et, par-delà, celles des contrats eux-mêmes.

Le D.O.C, comme le C.C français, ont rapproché le terme et


la condition, et il est courant de les étudier ensemble.

A première vue, on serait tenté de dire que ces deux


institutions s’opposent : l’obligation à terme a un caractère de
certitude, tandis que si l’obligation est conditionnelle, un doute
plane sur son existence. De même, le terme se distingue de la
condition par le fait que dans le premier cas il s’agit plus d’une
échéance que d’un événement proprement dit.

Mais le terme et la condition ont quelque chose de


commun, c’est qu’ils aboutissent à étaler dans le temps
l’exécution du contrat. Ils ont encore ceci de commun qu’ils ne
sont jamais nécessaires à l’existence ou à la validité du contrat.

§1 : le terme.

Le terme correspond à une échéance future, mais certaine.


C’est une modalité qui peut affecter le contrat de deux
manières : il peut être suspensif ou extinctif.

94
Cours de Droit Civil : Dr. Azzedine Kettani
Dans le premier cas, l’obligation n’aura pas à être
exécutée et ne le sera qu’à la date prévue. Par contre, dans le
deuxième cas, le contrat sera exécuté pendant une certaine
période à la fin de laquelle il va s’éteindre.

L’ex suivant permet d’illustrer cette distinction : Je loue le


1 mars une villa pour les vacances, entre le 1er juillet et le 31
er

août ; le 1er juillet est un terme suspensif ; le 31 août un terme


extinctif. Le contrat existe dés le 1er mars. C’est son exécution
qui est retardée ; il ne pourra pas être exécuté avant le 1er
juillet, ni après le 31 août d’ailleurs.

• La notion du terme.

Plusieurs classifications en sont proposées :

a. Selon sa nature, le terme est un droit ou une faveur. Dans le


premier cas, il s’agit d’un terme de droit lequel est un terme
conventionnel, consentie par le créancier au débiteur, soit
dans le contrat originaire, soit dans une convention
postérieure. Dans le deuxième cas, il s’agit d’un terme de
grâce qui est celui que l’art 127 du D.O.C permet au juge
d’accorder au débiteur lorsque le terme résulte de la nature
de l’obligation, de la manière ou du lieu indiqués pour son
exécution.

b. Selon le degré de précision, il faut distinguer le terme certain


et le terme incertain. Cette distinction lève le voile sur la
distinction : terme échéance et terme événement. Dans le
premier cas, on sait non seulement que le terme arrivera,
mais encore quand il arrivera. Tandis que le terme
événement, càd le terme incertain, est un événement dont
on est sûr qu’il arrivera, sans qu’on sache quand il arrivera.
L’ex classique de ce deuxième cas est celui de la mort d’une
personne : on est sûr qu’elle mourra, mais on ne sait quel
jour.

c. Selon l’intérêt de la combinaison s’établit une dernière


différence. Le terme peut être inséré au contrat dans l’intérêt
soit du débiteur soit du créancier, soit des deux.
Généralement, si le contrat est affecté d’un terme, c’est dans

95
Cours de Droit Civil : Dr. Azzedine Kettani
l’intérêt du débiteur en ce sens qu’en reculant dans l’avenir
le moment où sa dette sera exigible, on lui donne du temps,
ce qui est un avantage. Tel est le principe, selon l’art 135 qui
dispose que : le terme est censé stipulé en faveur du
débiteur. Il en résulte que le débiteur peut renoncer
unilatéralement au terme et payer par anticipation. Cela
n’est cependant pas toujours vrai en droit commercial.
Toutefois, il est des fois où le terme est stipulé dans l’intérêt
du créancier. C’est une exception, et la conséquence est
alors inversée de sorte que seul le créancier peut renoncer
au terme. Mais il peut arriver encore que le terme ait été
inséré dans l’intérêt commun des deux contractants, et dans
ce cas, aucun des deux n’a le droit d’y renoncer
unilatéralement.

• Les effets du terme.

Ils varient selon que le terme est suspensif ou extinctif.


- Pour le terme suspensif, on peut résumer ses effets dans cette
double proposition : qu’il ne modifie pas l’existence, mais
seulement l’exigibilité de l’obligation. Cela revient à dire qu’il a
pour effet de différer l’exécution du contrat mais celui ci et les
obligations qui en découlent existent avant l’arrivée du terme.
Ceci à une double conséquence :d’une part, le créancier à
terme peut faire des actes conservatoires de son droit ; d’autre
part, l’exécution de l’obligation avant l’échéance est valable
sous réserve que le créancier n’ait pas d’inconvénients à la
recevoir. D’un autre coté, l’obligation à terme n’est pas exigible
en ce sens que le créancier n’est pas en droit de l’exiger. Le
créancier ne peut donc contraindre le débiteur d’une obligation
à terme et ne dispose d’aucune voie à cette fin. Il arrive
cependant que le débiteur vienne à perdre le bénéfice du
terme, ce qui permet au créancier de recouvrer le droit d’exiger
le paiement. Le débiteur perd le bénéfice du terme, selon l’art
139, s’il est déclaré en faillite, si, par son fait, il diminue les
sûretés spéciales qu’il avait données par le contrat, ou s’il ne
donne pas celles qu’il avait promises.

- Pour le terme extinctif, la situation est plus simple. Avant


l’échéance, le contrat se déroule comme s’il n’y avait aucune
modalité. A l’échéance, l’obligation cessera, mais- et c’est la

96
Cours de Droit Civil : Dr. Azzedine Kettani
différence entre terme extinctif et condition résolutoire- sans
rétroactivité, pour l’avenir seulement.

§2 : la condition :

Ce qui caractérise l’obligation conditionnelle, c’est


l’incertitude, le doute, qui plane sur son existence et par delà
sur l’existence du contrat.

- Notion de condition.

Selon les dispositions de l’art 107, la condition est une


déclaration de volonté, qui fait dépendre d’un événement futur
et incertain, soit l’existence de l’obligation, soit son extinction.

1 : Généralités.

La condition est liée à l’événement que les paries ont


décidé de prévoir. Comme pour le terme, l’obligation peut être
suspendue et il s’agit alors d’une condition suspensive, ou se
trouve éteinte et il s’agit alors d’une condition résolutoire.

A la différence du terme, une grande place est faite en


matière de condition à des facteurs dépendants ou
indépendants de la volonté des parties.
Les conditions se répartissent en différentes catégories selon
ces facteurs :

a. Lorsqu’elles dépendent de la volonté des parties, elles sont


appelées potestatives.

* Lorsque la condition potestative dépend purement et


simplement de la volonté des parties, on l’appelle condition
purement potestative. L’art 112 précise à ce sujet que :
l’obligation est nulle, lorsque l’existence même du lien dépend
de la nue volonté de l’obligé.
* Si elle dépend à la fois de la volonté et de l’activité des
parties, la condition est appelée simplement potestative. Cette
condition est valable, et donc peut avoir des effets juridiques.

97
Cours de Droit Civil : Dr. Azzedine Kettani
A titre d’ex, on peut indiquer les deux obligations
suivantes : J’achète votre bien si je veux. Il s’agit là d’une
condition purement potestative qui n’a aucune valeur, car celui
qui s’engage de cette façon ne s’engage pas réellement. Je
m’engage à acheter votre bien si je suis muté à Casablanca. On
constate qu’il y a un élément de volonté avec l’activité du
débiteur. Il s’agit donc d’une condition simplement potestative.

b. Lorsqu’elles dépendent d’un événement extérieur, elles sont


dites casuelles.

* Les conditions purement casuelles sont celles qui ne


dépendent en rien de la volonté, mais seulement d’un
événement extérieur.

* Les conditions mixtes sont celles qui dépendent d’un


événement extérieur et de la volonté.
Ainsi donc, on constate que diverses conditions peuvent,
soit suspendre l’obligation, soit en déclencher l’extinction.

2 : Conditions.

L’événement qui sert de condition doit présenter certains


caractères :

1 : La condition doit dépendre d’un événement futur et


incertain. Le caractère futur est prévue par l’aliéna 2 de l’art
107 lorsqu’il stipule que : l’événement passé ou présent, mais
encore inconnu des parties, ne constitue pas condition. Le
caractère incertain signifie quant à lui que l’événement doit
être indépendant de la volonté des parties.

2 : La condition doit être possible comme cela résulte de


l’art 108 qui dispose que : Toute condition d’une chose
impossible…est nulle et rend nulle l’obligation qui en dépend.

3 : La condition doit être licite. Cette condition est


également prévue par l’art 108 lorsqu’il stipule que : Toute
condition d’une chose…contraire aux bonnes mœurs ou à la loi
est nulle et rend nulle l’obligation qui en dépend.

98
Cours de Droit Civil : Dr. Azzedine Kettani
4 : La condition doit être utile comme cela résulte de l’art
111 qui énonce : Est nulle et non avenue la condition qui ne
présente aucune utilité appréciable, soit pour son auteur ou
pour toute autre personne, soit relativement à la matière de
l’obligation.

5 : La condition doit en outre être compatible avec la


nature de l’acte, en effet, l’art 110 précise que : la condition
incompatible avec la nature de l’acte auquel elle est ajoutée est
nulle et rend nulle l’obligation qui en dépend.

- Les effets de la condition.

Ces effets doivent être examinées distinctement selon


qu’il s’agit d’une condition suspensive ou d’une condition
résolutoire.

a. Condition suspensive :

Pour examiner les effets, il faut se placer successivement à


deux moments :

* Pendant la période d’incertitude et tant que la condition


est pendante, les obligations qui trouvent leur source dans le
contrat n’existent pas à proprement parler- ce qui fait la
différence entre l’obligation affectée d’un terme et l’obligation
sous condition, puisque le débiteur à terme est déjà débiteur,
tandis que le débiteur sous condition suspensive ne l’est pas
encore. C’est pourquoi le créancier ne peut exiger le paiement
et, si le débiteur sous condition s’acquitte de sa dette, on
considère qu’il a payé ce qu’il ne devait pas.

Ceci n’empêche pas de dire qu’il existe, pendant cette


période d’incertitude, un germe de créance et de véritables
rapports de droit se nouent entre les parties qui trouvent leur
source dans le contrat assorti d’une condition suspensive. Ainsi,
le débiteur se trouve-t-il déjà engagé puisque l’art 122 précise
que la condition sera réputée accomplie lorsque le débiteur,
obligé sous condition, en a sans droit empêché l’événement ou
est en demeure de l’accomplir. De plus, le débiteur sous
condition ne peut, tant que la condition est pendante, accomplir
aucun acte de nature à compromettre les droits du créancier ou

99
Cours de Droit Civil : Dr. Azzedine Kettani
à lui porter préjudice. Enfin, et selon l’art 126, le créancier peut,
avant l’accomplissement de la condition, faire tous les actes
conservatoires de son droit.

* La période d’incertitude peut être interrompue par


l’accomplissement ou le non accomplissement de la condition.
La question qui se pose à ce niveau est celle de savoir quand la
condition peut être considérée comme accomplie ou comme
défaillie ? La réponse dépendra le plus souvent des termes du
contrat. Néanmoins, le D.O.C contient quelques règles relatives
à la question.

C’est ainsi que l’art 117 dispose que : lorsqu’une obligation


est contractée sous la condition qu’un événement arrivera dans
un temps fixé, cette condition est censée défaillie, lorsque le
temps s’est expiré sans que l’événement soit arrivé. …..Si
aucun terme n’a été fixé, la condition peut toujours être
accomplie, et elle n’est censée défaillie que lorsqu’il est devenu
certain que l’événement n’arrivera pas.

De même, continue l’art 118 : Lorsqu’une obligation licite


est contractée sous la condition qu’un événement n’arrivera
pas dans un temps fixé, cette condition est accomplie, lorsque
ce temps est expiré sans que l’événement soit arrivé ; elle l’est
également si, avant le terme, il est certain que l’événement
n’arrivera pas ; et, s’il n’y a pas de temps déterminé, elle n’est
accomplie que lorsqu’il est certain que l’événement n’arrivera
pas.

Si la condition ne se réalise pas, tout ce passe comme si


l’obligation conditionnelle n’avait jamais existé. Il y a donc
effacement rétroactif des rapports ayant existé entre les parties
et du contrat projeté.

Par contre, si la condition s’accomplit, le contrat est censé


avoir existé depuis le jour de l’accord des volontés. La condition
accomplie a un effet rétroactif au jour auquel l’obligation a été
contractée. Mais en droit marocain, la rétroactivité n’est pas
d’ordre public car l’art 124 l’a prévu dans le cas dans lequel il
résulte de la volonté des parties ou de la nature de l’obligation
qu’on a entendu donner à l’obligation un tel effet. Pour la
jurisprudence, la condition réalisée ne rétroagit au jour de la

100
Cours de Droit Civil : Dr. Azzedine Kettani
naissance de l’obligation qu’en présence de la volonté des
parties ou de la nature de l’obligation.

b. Condition résolutoire.

Le contrat sous condition résolutoire produit normalement


effet comme s’il n’était affecté d’aucune modalité particulière
car la condition résolutoire affecte non pas la mise en œuvre du
contrat, mais son extinction. L’art 121 dispose dans ce sens que
la condition résolutoire ne suspend point l’exécution de
l’obligation.
S’il est établi que la condition ne se réalisera pas, le contrat se
trouve à l’abri de la menace d’anéantissement et les effets qu’il
a pu produire se trouvent confirmés et consolidés.

Par contre, si la condition résolutoire se réalise, le contrat


cesse de produire effet et ses effets antérieurs sont
rétroactivement effacés. C’est dans le même ordre d’idées que
l’art 121 stipule : Elle oblige seulement le créancier à restituer
ce qu’il a reçu dans le cas où l’événement prévu par la
condition s’accomplit.

SECTION 2 : les causes légales.

Puisque le contrat a force obligatoire, son inexécution est


un fait contraire au droit. Il existe des hypothèses où c’est la loi
qui intervient pour non pas suspendre mais considérer que
l’obligation ne peut pas être exécutée. On peut ramener ces
hypothèses à deux situations dans lesquelles l’inexécution se
rapporte à des règles de droit positif.

§1 : l’inexécution unilatérale du contrat.

On suppose que l’une des parties a tout simplement


décidé de ne pas faire ce qu’il devait faire à savoir, l’exécution
de l’obligation. Dans ce cas, elle a clairement contrevenue à
son engagement et a rompu en réalité le contrat. L’inexécution
est aussi attentatoire au droit et notamment à la force
obligatoire du contrat tel que celle ci est prévue par l’art 230
qui énonce que les obligations contractuelles valablement
formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites, et ne

101
Cours de Droit Civil : Dr. Azzedine Kettani
peuvent être révoquées que dans leur consentement mutuel ou
dans les cas prévus par la loi.

Il est dès lors logique que l’inexécution se doit d’être


sanctionnée. La partie qui souffre de l’inexécution doit donc
pouvoir disposer de moyens lui permettant d’agir contre l’autre
partie défaillante et de fait, le droit met à sa disposition divers
moyens pour faire face à cette situation. Ainsi, la partie lésée a
en principe le choix entre trois solutions : la première est de
forcer son partenaire à exécuter son obligation, la seconde de
recourir à la résolution de l’obligation et la troisième qui
consiste à recevoir des dommages-intérêts pour inexécution
unilatérale. Toutefois, avant de passer à l’action, le droit positif
a mis en place des règles dont la première figure à l’art 254 du
D.O.C qui précise que le débiteur doit être mis en demeure
lorsqu’il est en retard dans l’inexécution. Mais cette mise en
demeure n’est pas toujours indispensable et ce, notamment
dans les cas où l’obligation est assortie d’un terme puisque est
censé être en demeure à l’échéance. De même, la mise en
demeure n’est pas nécessaire non plus lorsque le débiteur a
refusé formellement d’exécuter son obligation ou lorsque
l’exécution est devenue impossible (art 256). Par contre, si
aucune échéance n’est établie, précise l’art 255, le débiteur
n’est constituée en demeure que par une interpellation formelle
du représentant légitime de ce dernier. En pratique, cela se fait
par un écrit. Elle peut résulter même d’un télégramme, d’une
lettre recommandée, d’une citation en justice même devant un
juge incompétent.

Lorsque la formalité de la mise en demeure est accomplie,


le créancier peut :

1 : Soit forcer la main au débiteur pour l’obliger à exécuter


l’obligation. Si le débiteur ne s’acquitte pas spontanément de
ses obligations, le juge doit pouvoir l’y contraindre. C’est
l’exécution forcée du contrat également appelé exécution
directe.

2 : Mais l’exécution forcée n’est pas toujours possible et dans


certains cas, le créancier ne pourra recevoir satisfaction que
d’une manière indirecte. Le créancier aura alors droit à une

102
Cours de Droit Civil : Dr. Azzedine Kettani
exécution par équivalence. Pour y parvenir, le créancier doit
engager la responsabilité contractuelle du débiteur.

3 : Le créancier de l’obligation inexécutée peut aussi chercher à


se libérer d’un contrat qui tourne mal et il agira en résolution
pour provoquer l’anéantissement d’un contrat dont il ne veut
plus.

La résolution apparaît comme la sanction la plus


importante vu les conséquences qu’elle a en pratique, c’est
pour cela qu’on se contentera à son seul développement.

Il y a lieu de signaler tout d’abord à ce sujet qu’on peut


rencontrer deux sortes de résolutions. Ainsi, si l’inexécution est
imputable au débiteur, la résolution du contrat viendra pour
sanctionner le manquement du débiteur à ses obligations ;
Par contre, si l’inexécution est due à un cas de force majeur,
il y aura résolution en vertu de la théorie des risques.

A : La résolution du contrat pour


manquement de l’un des contractants à ses obligations.

Quand une partie manque à ses obligations, l’autre peut


préférer sortir de ce contrat qui tourne mal et le faire
disparaître définitivement. Aussi l’art 259 du D.O.C lui donne la
possibilité d’ouvrir une action en justice aux fins de résolution.
La résolution n’a donc pas lieu de plein droit, mais doit être
prononcé en justice. Toutefois, l’art 260 précise que la
résolution du contrat peut s’opérer de plein droit si les parties
sont convenues que le contrat sera résolu dans le cas où l’une
d’elles n’accomplirait pas ses engagements.

• Résolution judiciaire.

Elle se fonde sur l’art 259 du D.O.C qui stipule que lorsque
le débiteur est en demeure, le créancier a le droit de
contraindre le débiteur à accomplir l’obligation, si l’exécution
en est possible ; à défaut, il peut demander la résolution du
contrat, ainsi que des dommages-intérêts dans les deux cas….
La résolution du contrat n’a pas lieu de plein droit mais doit être
prononcée en justice.

103
Cours de Droit Civil : Dr. Azzedine Kettani
L’art 259 subordonne l’action en résolution à la mise en
demeure du créancier mais la citation en justice vaut mise en
demeure comme cela résulte des dispositions de l’art 255.

Par ailleurs, si le juge estime que l’inexécution n’est pas


suffisamment grave justifier l’anéantissement du contrat, il
refusera la résolution mais accordera des dommages-intérêts
et/ou un délai de grâce pour permettre au débiteur d’exécuter
ses obligations.

Selon l’art 259, la résolution ne serait possible que si


l’exécution du contrat est impossible. Cependant, on remarque
que la pratique déroge à cette règle et que la résolution peut
être demandée et obtenue même lorsque l’exécution est
possible.
Sur le plan des effets, le jugement qui prononce la résolution
provoque l’anéantissement rétroactif du contrat et les
restitutions réciproques permettent de placer les parties dans
l’état où elles se trouvaient avant la conclusion du contrat. Mais
il n’est pas toujours possible de remettre les parties dans la
situation où elles se trouvaient avant la conclusion du contrat.
Dans ce cas, la résolution n’aura pas d’effet rétroactif et le
contrat prendra fin pour l’avenir seulement.

• Résolution conventionnelle.

Les incertitudes inhérentes au pouvoir d’appréciation dont


dispose le juge en matière de résolution judiciaire conduisent
souvent les contractants à prévoir une clause résolutoire. Cette
initiative autorisée par l’art 260, présente l’avantage d’éviter le
recours aux tribunaux, même si, en cas de désaccord sur
l’interprétation ou la portée de la clause, le recours au juge sera
inévitable. Néanmoins, le juge ne disposera pas d’un grand
pouvoir d’appréciation comme dans le cas de la résolution
judiciaire.

B : Résolution en vertu de la théorie des risques.

104
Cours de Droit Civil : Dr. Azzedine Kettani
La théorie des risques concerne les conséquences de
l’impossibilité d’exécution dans les contrats synallagmatiques,
lorsque cette impossibilité résulte d’une force majeure.

En principe, l’impossibilité d’exécution par suite de force


majeure éteint l’obligation sans qu’il y ait lieu à dommages-
intérêts comme cela résulte de l’art 268 du D.O.C.

La question qui se pose à ce niveau est celle de savoir qui,


du débiteur ou du créancier, devra supporter les risques de
l’inexécution. La réponse donnée par le D.O.C varie selon qu’il
s’agit d’un contrat translatif ou non translatif de propriété.

S’agissant des contrats non translatifs de propriété, la règle


est énoncée par l’art 338 : Lorsque l’inexécution de l’obligation
provient d’une cause indépendante de la volonté des deux
contractants… le débiteur est libéré mais il n’a plus le droit de
demander la prestation qui serait due par l’autre partie. On
remarque alors que si la force majeure éteint l’obligation du
débiteur, elle éteint aussi et du même coup l’obligation du
créancier. Si le créancier s’est acquitté de sa propre obligation
avant la force majeure, il aura le droit d’agir en restitution. On
dira donc que les risques sont pour le débiteur pour signifier
que le créancier n’aura pas à subir les conséquences de la force
majeure.

Par contre, s’agissant des contrats translatifs de propriété,


les risques sont à la charge du propriétaire. Ainsi, dans la vente,
si le vendeur se trouve dans l’impossibilité de livrer, l’acheteur
qui n’a pas encore payé ne sera pas libéré de l’obligation de
payer le prix car ici les risques sont pour le propriétaire et
l’acheteur est devenu propriétaire au moment de l’échange des
consentements. Mais si la force majeure survient avant le
transfert de propriété, les risques seront pour le vendeur resté
propriétaire et non pour l’acquéreur qui n’est pas encore
devenu propriétaire.

§2 : Les diminutifs de la résolution : L’exception


d’inexécution et la suspension.

A : L’exception d’inexécution.

105
Cours de Droit Civil : Dr. Azzedine Kettani
C’est un principe, reconnu par la jurisprudence, que dans
les contrats synallagmatiques les deux obligations doivent être
exécutées simultanément. Chacune des deux parties n’est en
droit d’exiger la prestation qui lui due qu’autant qu’elle offre
d’exécuter la sienne. Réciproquement, elle peut se refuser à
exécuter sa prestation tant que son partenaire n’offre pas lui-
même d’exécuter. Ce refus se manifestera par une exception,
l’exception du contrat non accompli ou l’exception
d’inexécution qu’on rencontre en droit romain dans la formule :
EXCEPTIO NON ADIMPLETI CONTRACTUS.

On se retrouve alors dans une situation de blocage dans


laquelle chacune des parties rejette sur l’autre la responsabilité
de l’inexécution. En réalité, il serait préférable que l’une des
parties prenne l’initiative de l’exécution, elle peut ainsi mettre
en défaut l’autre qui sera dans un cas d’inexécution unilatérale
du contrat.
Mais il faut reconnaître qu’en pratique il ne peut y avoir de
simultanéité absolue entre la remise de la prestation et celle de
la contre prestation.

Néanmoins, pour résoudre le problème, on a souvent


recours à l’usage pour déterminer qui doit le premier
entreprendre l’exécution, le vendeur ou l’acheteur. Cela a
certainement un grand intérêt sur le plan procédural car c’est
de là que dépend que l’on puisse exercer la voie d’action ou
seulement la voie d’exception. Les usages peuvent rarement ne
pas donner la solution, mais dans ce cas, la loi prévoit des
mécanismes tel que les offres réelles ou encore la consignation
dans le dépôt indiqué par le tribunal. Ainsi, l’auteur de l’offre ou
de la consignation se trouve libéré de son engagement, et se
trouve alors en droit d’exiger l’exécution forcée de l’autre, soit
en définitif, lui réclamer des dommages-intérêts pour
inexécution unilatérale.

B : La suspension du contrat.

C’est le développement moderne de notions plus


traditionnelles telles que l’exception d’inexécution ou même le
délai de grâce. On peut y voir aussi une adaptation logique du
principe même de la résolution : si un obstacle définitif entraîne
la cessation du contrat, un obstacle simplement temporaire doit

106
Cours de Droit Civil : Dr. Azzedine Kettani
seulement le suspendre. C’est pourquoi, la suspension peut
répondre à une exécution soit fortuite, soit fautive.

•Suspension pour cause d’inexécution fortuite.

C’est à ce niveau que se rencontrent les cas les plus


nombreux de suspension, tantôt légaux, tantôt jurisprudentiels.

Pour les premiers, on peut donner l’ex du contrat de travail


dans lequel le mécanisme de la suspension a une importance
particulière. En effet, le vœu de la loi est que, lorsque le travail
se trouve temporairement interrompu par force majeure ou
pour motif légitime, le contrat ne sera pas résilié mais
simplement suspendu, de telle sorte que le salarié puisse
retrouver son emploi et même son ancienneté.

Au niveau de la jurisprudence, celle ci a consacré le


principe que, lorsque la force majeure a un caractère
momentané, le débiteur n’est pas libéré, le contrat n’étant que
suspendu, jusqu’au moment où la force majeure aura cessé.
Pour ce qui est du régime, on peut dire qu’il s’agit d’une
réduction de la théorie des risques, en ce sens que tant que l’un
des contractants ne peut exécuter ses obligations, l’autre est
dispensé d’exécuter les siennes. Dés que l’empêchement aura
cessé, le contrat reprendra de plein droit son cours aux mêmes
conditions.

• Suspension pour cause d’inexécution fautive.

On peut citer deux cas :

1 : Suspension par faveur : Le délai que l’art 127 permet au


juge d’accorder équivaut à une suspension du contrat
synallagmatique. C’est une faveur faite au débiteur en défaut,
qui invite ainsi la résolution.

2 : Suspension par sanction : Dans l’ex du contrat d’assurance,


pour le cas de non-paiement des primes, il s’agit d’une
véritable peine privée contre l’assuré, car il cesse d’être
couvert par l’assurance, tout en continuant à être tenu de ses
obligations envers l’assureur.

107
Cours de Droit Civil : Dr. Azzedine Kettani

QUATRIÈME SOUS PARTIE : L’ENGAGEMENT PAR VOLONTÉ UNILATÉRALE : LA


GESTION D’AFFAIRE.

La théorie de l’engagement par volonté unilatérale a


toujours provoqué de vastes discussions doctrinales en raison
de la répugnance que le système classique montrait à l’égard
de cette forme d’engagement, et ce en vertu du principe
traditionnel : celui qui s’engage seul ne s’engage pas
réellement.

L’évolution a consisté à accorder une place à la possibilité


de s’engager seul et de faire produire à un tel engagement les
mêmes effets que les autres. Et c’est ainsi que de nos jours,
l’engagement par volonté unilatérale, en tant que source
d’obligations, est pratiqué sans difficultés et les obligations qui
en résultent reçoivent la même protection et le même régime
juridique que les autres obligations. Il y a lieu de signaler à ce

108
Cours de Droit Civil : Dr. Azzedine Kettani
niveau que le droit romain a été le premier à avoir admis dans
le BGB l’engagement par volonté unilatérale.

Pourtant, et nonobstant ce qu’on vient de développer, les


romains connaissaient certains mécanismes qui dérivent bien
de la volonté unilatérale et qui donne lieu à des obligations qui
n’ont pas été convenues et qui engagent néanmoins leurs
auteurs, il en est ainsi de la gestion d’affaire.

Pour ce qui est du D.O.C, celui ci, en traitant des sources


d’obligations, a bien prévu que celles ci pourraient résulter des
conventions et autres déclarations de volontés et des quasi-
contrats.

Le quasi-contrat peut être définit comme un fait licite,


volontairement accompli, d’où découle des obligations à la
charge de son auteur ou à la charge d’un tiers. La notion de
quasi-contrat ressemble au contrat : il l’imite, parce que la
volonté y joue un rôle, mais il se sépare parce qu’il ne repose
pas sur un accord de volonté. Il y a lieu de signaler par ailleurs
que le fait dont il s’agit consiste dans un avantage procuré à
autrui.

La gestion d’affaires rentre dans le cadre du quasi-


contrat comme ayant pour fondement l’avantage procuré par le
gérant au maître.
Il y a gestion d’affaire toutes les fois qu’une personne (gérant
de l’affaire) accomplit un acte dans l’intérêt et pour le compte
d’un tiers (maître de l’affaire)
Cette institution a pour exemple classique en droit romain celui
de la personne qui prend sur elle d’entreprendre directement
ou par d’autres personnes des travaux généralement de
réparation au profit de son voisin qui est empêché ou absent
qui, pare la suite rembourse le gérant pour les dépenses
exposées par lui à cette occasion. Il s’agit ainsi d’une opération
de gestion d’une affaire d’autrui, mais qui ne se traduit pas par
un bénéfice quelconque pour le gérant.

TITRE 1 : LES CONDITIONS DE LA GESTION D’AFFAIRES.

109
Cours de Droit Civil : Dr. Azzedine Kettani
Pour qu’il y ait gestion d’affaires, trois types de conditions
sont requises : les premières sont liées à l’affaire, les
deuxièmes se rapportant au gérant, et enfin, les dernières
concernent le maître.

CHAPITRE1 : LES CONDITIONS SE RAPPORTANT À L’AFFAIRE.

SECTION 1 : les actes du gérant et leur nature.

La gestion d’affaires peut se traduire par des acte naturels


(matériels), juridiques ou mixtes. On remarque à ce niveau
l’existence d’une différence entre la gestion d’affaire et le
mandat, car celui ci, selon l’opinion générale, ne saurait se
rapporter qu’à des actes juridiques.

• Les actes naturels ou matériels consistent à traduire


l’initiative du gérant par des actes qu’il entreprend
personnellement.

• Les actes juridiques consistent pour le gérant à faire


entreprendre l’aide ou les actes de gestion par les tiers avec
lesquels il contracte. Il peut s’agir d’un contrat conclu par le
gérant pour son propre compte afin de s’acquitter de la
gestion, càd un acte juridique sans représentation. On peut
aussi imaginer, ce qui est plus rare, que le gérant se
présente comme le représentant du maître. Si le tiers
accepte de contracter sous cette forme, on parlera de
gestion avec représentation. On peut cependant difficilement
que quelqu’un puisse accepter de conclure un acte par
l’intermédiaire d’une personne qui va engager une autre
sans que celle ci le sache. En règle générale, le tiers
répugnera à cette transaction. L’acte juridique peut être soit
un acte d’administration, soit un acte de disposition.

• Les actes mixtes sont ceux dans lesquels il y a des actes


matériels et juridiques avec ou sans représentation, càd
lorsque le gérant entreprend lui-même certains actes et a
recours lui même à un tiers.

SECTION 2 : l’utilité de la gestion d’affaires.

La gestion doit être utile en ce sens qu’elle doit se traduire


par un résultat positif. Or, tel n’est pas toujours le cas, c’est

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pour cela que se pose la question de savoir à quel moment
l’utilité doit être appréciée.

Dans l’ex du sauvetage, on peut se trouver dans le cas où


l’action se traduit par un résultat négatif. Il en est ainsi lorsque
le sauveteur a entrepris l’acte de sauvetage mais n’a pu sauver
le baigneur, et a subi des dommages dont il souhaite la
réparation. Le résultat dans ce cas est certainement négatif et
concrètement la gestion a été inutile.

Avant d’arriver à cette conclusion, il faut évaluer les


chances de sauvetage au moment où il a été décidé. Ainsi, au
cas où cette initiative n’avait aucune chance de succès dés le
départ et qu’elle était vouée à l’échec dés le début, elle ne peut
être qualifiée d’utile et donc, on ne saurait parler de gestion
d’affaire ni de réparation du dommage subi par le sauveteur.

Par contre, si le sauvetage avait dés l’origine de sérieuses


chances d’aboutir, l’opération sera qualifiée de gestion
d’affaires même si le résultat n’a pas été positif.
Ainsi donc, l’utilité de la gestion doit être appréciée non pas en
fonction du résultat, ni à la fin du processus qui y conduit, mais
au début de celui ci de sorte que dans l’ex indiqué, le premier
cas correspondrait à un simple acte de bravoure sans
application juridique et dans l’autre, on assisterait à une
véritable gestion d’affaires nonobstant le résultat décevant.

SECTION 3 : l’affaire doit être urgente.

On a tendance à considérer que les actes de gestion


doivent résulter d’une absolue nécessité caractérisée par
l’urgence, de sorte qu’on peut pas attendre que l’intéressé soit
en état de les accomplir.
Il faut noter que cette condition n’est pas prévue par la loi, mais
résulte de la jurisprudence.

D’un autre coté, il y a lieu de signaler que l’utilité peut


servir de critère à l’appréciation de l’urgence. D’ailleurs, on
peut considérer que le défaut d’urgence diminue ou supprime
l’utilité.

Chapitre 2 : les conditions se rapportant au gérant.

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Le gérant doit d’abord être capable, càd qu’il doit être


capable de s’engager par contrat. Cela étant, pour qu’il y est
gestion d’affaires, il faut encore que l’intervention du gérant
soit à la fois spontanée et altruiste.

SECTION1 : le caractère spontané.

Il s’agit là encore d’une différence entre la gestion


d’affaires et le mandat. Cette condition signifie
que l’intervention du gérant doit être spontanée de sorte que
s’il était tenu d’accomplir l’acte en vertu d’une obligation
préexistante, soit contractuelle (mandat), soit légale (tutelle),
on ne serait plus en présence d’une gestion d’affaire, et il y
aurait lieu d’appliquer le contrat ou la loi. Toutefois, quand un
administrateur légal ou conventionnel, et notamment un
mandataire, dépasse ses pouvoirs, tout ce qu’il fait au-delà de
la loi ou de la convention doit être regardé comme gestion
d’affaire.

L’initiative du gérant doit alors être unilatérale, et résulter


ainsi de sa décision spontanée, libre et volontaire
d’entreprendre un ou certains actes utiles au maître, mais à
l’insu de celui ci ou tout simplement parce que ce dernier est
empêché. En somme, la spontanéité exclut toute entente
préalable à l’acte.

SECTION 2 : le caractère altruiste.

Il faut encore, pour qu’il y est gestion d’affaire, que


l’intervention du gérant ait été désintéressée, qu’il ait eu
l’intention d’agir dans l’intérêt et pour le compte d’autrui.

En effet, la gestion doit être entreprise dans l’intérêt du


maître, c’est une initiative altruiste destinée à lui rendre
service. Ainsi donc, elle n’est guère une opération qui doit se
traduire par un bénéfice pour le compte du gérant. C’est pour
cela que le gérant n’a droit qu’au remboursement de ses
dépenses ou ses frais ou à la réparation du préjudice qui lui a
été causé lors de la réalisation de cette gestion.

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L’ex des révélateurs de succession appelés généralistes
est assez édifiant dans ce cadre. Le généraliste agit à l’insu du
maître, sans accord préalable de celui ci, et entreprend des
dépenses pour les recherches qu’il fait. Il découvre les preuves
pour faire du maître un héritier et demande à ce dernier de le
payer en contre partie de la révélation des preuves de cette
qualité. On constate cependant que l’initiative du généraliste
n’est pas spontanée et lui permet de réaliser un profit. Dés lors,
elle n’a pu être acceptée par la jurisprudence comme étant une
gestion d’affaire. Mais en même temps, le généraliste a le droit
de récupérer ses dépenses et frais en plus de la rémunération
des services. Mais cela est fondé sur un autre fondement à
savoir, l'enrichissement sans cause.

Chapitre 3 : Les conditions se rapportant au maître.

La capacité du maître est indifférente, car ce n’est pas sa


volonté qui est la source de l’obligation dont il est tenu.
Normalement, les faits de gestion sont accomplis à son insu. S’il
en a connaissance, on peut douter qu’une gestion d’affaire soit
encore possible : ou il proteste, et son opposition a pour
conséquence de faire de l’intervention du prétendu gérant une
voie de fait, un délit civil ; ou il ne dit mot, et son silence forme
un mandat tacite, qui est un contrat véritable non un quasi-
contrat.

Néanmoins, pour qu’il y ait gestion d’affaire, il faut que le


maître soit absent ou empêché de sorte qu’il se trouve dans
l’impossibilité d’accomplir l’acte en question.
L’absence constitue une condition classique car dans l’ex
romain, le voisin était absent, parti en voyage et ne peut être
contacté.

L’évolution a consisté à mettre en valeur plusieurs cas où


on ne peut éviter de parler de gestion d’affaire alors que le
maître n’est pas absent, il en est ainsi lorsque le maître est
empêché d’agir pour son compte. L’empêchement peut être
physique ou psychologique ou encore, moral. Le cas de la
noyade comme celui de la tentative de suicide illustrent cette
situation dans laquelle le maître est présent.

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On peut donc élargir l’empêchement par la notion
d’absence pour l’englober dans les conditions requises. En
effet, on peut même se trouver devant une opposition à la
gestion, c’est le cas de la tentative de suicide dans laquelle la
gestion est imposée puisqu’il s’agit d’une obligation légale à
savoir, celle de porter secours à une personne en danger.

TITRE2 : LES EFFETS DE LA GESTION D’AFFAIRES.

Les effets de la gestion d’affaires doivent être analysés à


deux niveaux : entre les parties et éventuellement à l’égard des
tiers.

Chapitre 1 : Les effets entre les parties.

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Ce sont des obligations qui naissent des deux cotés : du


coté du gérant et du coté du maître. Cela revient à dire que la
gestion d’affaire est un quasi-contrat synallagmatique.

SECTION 1 : les obligations du gérant.

Les obligations du gérant envers le maître sont calquées


sur celles du mandataire. L’assimilation de la gestion d’affaire
au mandat à la fin des opérations de gestion permet de
considérer que le gérant assume les obligations du mandataire
pour agir en bon père de famille.

Du critère du bon père de famille, employé par l’art 945, il


résulte que le gérant d’affaire est responsable de toute faute,
même d’imprudence ou de négligence, même légère, qu’il
commet dans sa gestion.

L’art 903 concernant le mandataire énonce clairement que


celui ci est tenu d’apporter à la gestion dont il est chargé la
diligence d’un homme attentif et scrupuleux, et il répond du
dommage causé au mandant par le défaut de cette diligence.

Toutefois, sa responsabilité peut être atténuée : soit par


analogie avec l’art 904, al. 1, en considération de la gratuité du
service qu’il rend ; soit, par application directe de l’art 943,
compte tenu de toutes les circonstances qui l’ont conduit à se
charger de l’affaire (ex. les intérêts en souffrance étaient
exposés à un péril particulièrement pressant, et il était le seul à
accepter de s’en occuper).

Il peut, du reste, se trouver engagé au-delà de ce qu’il


avait envisagé au début de son intervention : l’art 944 l’oblige à
continuer la gestion qu’il a commencée, jusqu’à ce que le
maître soit en état de la continuer lui-même, si cette
interruption de la gestion est de nature à nuire au maître.

La perspective de cette responsabilité étendue est


destinée à décourager des immixtions trop faciles, et de pure
curiosité, dans les affaires d’autrui.

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Enfin, et comme le précise l’art 946, c’est une obligation
essentielle pour le gérant que de rendre compte de sa gestion,
de la même façon qu’un mandataire.

SECTION 2 : les obligations du maître.

L’art 953 énonce clairement que : la gestion d’affaires est


essentiellement gratuite. Par ailleurs, l’art 954 stipule que : le
maître n’est tenu d’aucun remboursement lorsque le gérant a
entrepris l’affaire sans l’intention de répéter ses avances. Cela
veut dire que le gérant a décidé purement et simplement
d’offrir la gestion et renoncer ainsi à ses propres dépenses.
D’ailleurs, le même art donne des ex dans lesquels ces
renonciations sont présumées.

En général cependant, le gérant n’a pas à subir de


préjudice pour avoir rendu service à autrui. Il n’a pas droit à un
salaire, mais il peut exiger d’être indemnisé de ses pertes. Cela
revient à dire que le maître a l’obligation de rembourser au
gérant les frais, dépenses et dommages engagés à la gestion.

S’il s’agit d’actes juridiques, les conséquences résultant


seront à la charge du maître en cas de représentation et
donneront lieu au règlement au profit du gérant s’il n’y a pas de
représentation.

Dans les actes mixtes, la part sera faite entre acte


matériel et acte juridique. Il y a cependant un certain nombre
de problèmes qui peuvent se poser lorsqu’il y a contestation. Il
en est ainsi lorsque le gérant a agi contrairement à la volonté
connue ou présumée du maître. Non seulement il n’y aurait pas
remboursement des dépenses du gérant, mais au contraire, ce
dernier devra réparer les dommages résultant de sa gestion,
même si aucune faute ne lui est imputée, comme cela résulte
de l’art947 du D.O.C.

Inversement, il peut arriver que le maître ne veuille pas


ratifier la gestion faite à son profit. On peut cependant la lui
imposer en partant des critères de l’urgence, de l’utilité et de
l’empêchement.

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Par ailleurs, l’art 948 prévoit une gestion d’affaire imposée
malgré la volonté contraire du maître. Il en est ainsi lorsque le
maître aura une obligation légale dont l’intérêt public exige
l’accomplissement.

Selon l’art 958, la ratification de la gestion par le maître a


pour effet de transformer la gestion d’affaire en mandat.

Enfin, l’art 957 prévoit le cas dans lequel le gérant meurt,


ce qui met fin à la gestion d’affaires. Les héritiers doivent en
informer immédiatement le maître, mais cette disposition n’a
pas lieu de s’appliquer, selon l’art 941, lorsqu’il s’agit d’héritiers
mineurs tant qu’ils ne sont pas pourvus d’un tuteur.

En conclusion, on constate que le législateur a essayé de


mettre un équilibre entre les parties en protégeant les intérêts
d’une personne qui est le maître, qui n’a en définitif rien
demandé, et l’autre personne gérante qui voulait simplement
rendre service.

Chapitre 2 : Les effets à l’égard des tiers éventuellement.

Lorsque le gérant a traité avec les tiers en son nom


personnel, il est obligé envers eux, et le maître ne l’est pas.

Lorsqu’il a, au contraire, déclaré agir pour le compte du


maître, c’est celui ci seul qui, en principe, est obligé : il y a
représentation. Mais cette obligation du maître envers le tiers
est subordonnée, elle aussi, soit à l’utilité de la gestion, soit à la
ratification.

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