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Comment le GIGN prépare ses hommes

aux prises de décisions dans l’urgence ?


Une unité de contre-terrorisme est organisée pour pouvoir répondre à une
crise de grande ampleur nécessitant l’engagement de la quasi-totalité de
ses ressources et moyens. Dans cette posture, le GIGN apporte alors une
réponse spécifique prenant en compte la gestion de crise en mettant à
disposition des autorités une capacité de conseils, de négociation de haut
niveau, d’aide à la communication de crise, de renseignement, d’analyse,
de planification et de conduite d’une action de force adaptée à la menace.
Nous avons besoin de personnels avec un mental très fort et une capacité
d‘engagement totale au sein d’un groupe soudé.

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Recruter des personnels est un enjeu majeur pour toutes les unités

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militaires spécialisées. Aujourd’hui, plus que jamais. Le contexte

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sécuritaire s’est aggravé avec la montée du terrorisme islamique et

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l’évolution de la société occidentale. Ma mission en tant que chef de la
formation d’une unité de contre-terrorisme a été d’adapter la sélection, le

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recrutement et la formation pour répondre aux exigences du
commandement et du contrat opérationnel fixé par les plus hautes
autorités de l’État.
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Pour s’assurer que le militaire ne flanchera jamais face à n’importe quelles
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situations, il est nécessaire de se donner du temps et de séquencer les


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phases de sélection. Le principe retenu est d‘accompagner les candidats


pour observer les potentiels et détecter ceux qui ont une valeur ajoutée.
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Dans cet esprit, deux filtres ont été mis en place. Le premier privilégie les
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aptitudes individuelles et le second consiste à observer le comportement


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de ces fortes individualités lorsqu’elles sont réunies en groupe.


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Le premier filtre de sélection dure une semaine. Dès leur arrivée, des
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inventaires de personnalité sont effectués. Un premier évalue les


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tendances dysfonctionnelles (troubles) de la personnalité. Il repère les


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individus qui risquent d’être vulnérable et de poser des problèmes majeurs


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dans les contextes spécifiques de violence ou de stress. Ces situations


rencontrées dans l’exercice des fonctions de militaire peuvent provoquer
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des conduites ou des réponses inadaptées. Le second inventaire de


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personnalité évalue, quant à lui, les styles comportementaux, les


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ressources de la personne, les potentialités qu’elle mettra au service de


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son activité professionnelle. Cette première sélection reste malgré tout


axée au niveau de l’engagement physique. Le candidat placé dans une
situation inhabituelle va devoir mettre en place une stratégie propre pour
gérer son stress et réussir l’exercice demandé qu’il soit physique ou
intellectuel. La fin de semaine est marquée par deux épreuves :
l’entretien de motivation et le test d’agressivité.

Le jury, composé d’officiers et de sous-officiers opérationnels recherche


avant tout l’authenticité dans la motivation. Durant cette épreuve, les
instructeurs vont également chercher à tester la stabilité émotionnelle du
candidat, composante essentielle dans notre métier.
Ces quelques jours permettent de percevoir déjà quelques traits de
caractère important. Il convient alors de vérifier de façon empirique ce qui
a été décelé durant ces quelques jours en augmentant la durée
d’observation et surtout la difficulté des exercices. Ce second filtre est
appelé stage probatoire.

Le stage probatoire va permettre de définir le profil de chaque candidat en


mettant en relief ses points forts et ses points faibles.
Pour maîtriser les situations insolites et éprouvantes, les instructeurs vont
chercher à augmenter le seuil de tolérance au stress. Pour cela, le

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candidat sera exposé à des situations nouvelles en ajoutant chaque jour

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de nouveaux paramètres à prendre en considération. Il s’agit ici de

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retarder « l’effet tunnel ». Cette situation de stress inhibant un certain

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nombre de facteurs cognitifs. Le candidat, concentré sur sa mission, ne
peut percevoir la totalité de son environnement.

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La construction de ce stage permet d’observer le candidat lorsqu’il est

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poussé dans ses retranchements physiques ou psychologiques. Il met en
évidence la stratégie propre que peut mettre un individu lorsqu’il est en
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difficulté et par conséquent son potentiel à servir une unité spécialisée.
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A la fin du stage, les instructeurs sont en mesure de donner un avis précis
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sur le profil des candidats, sur ses points forts, ses points faibles, les
points à améliorer et surtout son potentiel à servir en unité. Les plus
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enthousiastes devront être encadrés alors que les plus matures pourront
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être responsabilisés rapidement. Les premières années qui vont suivre


seront très importantes pour le développement des candidats.
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Durant toute sa carrière, le militaire sera soumis au principe d’exposition


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au danger. Cette exposition continue va lui permettre de développer son


seuil de tolérance au stress. Il est essentiel pour avoir une unité prête à
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intervenir en tout temps et en tout lieu. La décharge émotionnelle liée à la


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dangerosité de la situation viendrait handicaper sa capacité de réflexion et


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d’action.
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La formation doit prendre en compte le domaine psychologique.


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Quelles sont mes faiblesses, mes peurs, mes forces ? Comment je gère
mon stress ? Quelles stratégies mettre en œuvre ?
Enfin, la formation doit s’attacher à comprendre ce qui nous pousse, ce
que l’on pourrait appeler le domaine métaphysique. Qu’est ce qui nous fait
nous dépasser ? Pour quelles valeurs suis je prêt à combattre ?
Lorsque ces trois domaines, physique, psychologique et métaphysique
sont inclus dans la formation, le résultat est exceptionnel.

Tout comme la roue de Deming, le cycle de la crise au GIGN comprend 4


étapes :
- L’analyse
- L’adaptation du dispositif
- La mise en œuvre
- Le retour d’expérience
L’analyse permet d’anticiper sur les grandes problématiques pour
lesquelles le GIGN est leader ou acteur. Il peut s’agir de missions de
contre-terrorisme (aérien, maritime ou concernant des intérêts français à

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l’étranger) mais aussi de missions de police judiciaire (arrestations de

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personnes très dangereuses, extorsion de fonds) ou encore de missions de

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police administrative comme un forcené armé (personne retranchée

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armée pouvant être une menace pour son entourage).

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L’adaptation du dispositif est continue. Le GIGN est confronté à la

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nécessité perpétuelle de réorganisation et de modification de ses modes

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d’actions. Cette adaptabilité et cette réactivité se révèlent indispensables
pour pouvoir répondre au mieux aux nouvelles menaces.

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La mise en œuvre correspond à l’exécution des missions et le retour

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d’expérience dispose alors d’une place prépondérante dans ce cycle de la
crise.

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Le retour d’expérience, encore appelé RETEX, a plusieurs objectifs. Il
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permet non seulement de valider la procédure au travers d’une analyse,
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d’une critique et des évolutions éventuelles. C’est également une occasion


de dire ce que l’on pense des moyens alloués et d’envisager soit des
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achats, ou une remise à niveau des équipements. Mais c’est surtout un


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moment de partage essentiel pour tout manager. Cela permet d’identifier


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les axes d’amélioration à intégrer lors des prochaines préparations. Les


débriefing à chaud au GIGN ont cette particularité que chacun peut
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s’exprimer y compris le dernier arrivé.


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Si les structures, les équipements et les tactiques ont évolué en


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s’enrichissant des expériences tirées de chaque mission, l’esprit qui anime


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les membres du GIGN n’a pas changé : « S’engager pour vivre pleinement
l’exceptionnel au quotidien »

Merci pour votre attention.

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