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Au vu du poids important qu’ont pris les acteurs non étatiques dans les relations
internationales, il est intéressant de se demander si les États victimes des agressions armées
faites par les acteurs non étatiques ont la possibilité de recourir à la légitime défense
directement contre eux.
Tout d’abord l’évolution de la place des acteurs non étatiques sur la scène
internationale peut avoir un impact sur les conditions du droit à la légitime défense (I).
Cependant cette évolution reste fragile et les États restent les seules à se voir opposer la
légitime défense (II)
I- l’apparition des acteurs non étatiques sur la scène internationale : L’évolution
du principe de légitime défense
l’ambiguïté de l’article 51 de la Charte laisse la possibilité aux acteurs non étatiques d’être
visé par le principe de légitime défense (A). Cependant la réelle évolution de la place des
acteurs non étatiques dans le droit de recourir à la force a eu lieu suite aux attentats du 11
septembre 2001 (B).
A- Le cadre légal de la légitime défense : des termes ambigus lassant une chance aux
États attaqués d’utiliser la légitime défense contre des acteurs non étatiques.
Les attaques du 11 septembre 2001 par des terroristes ont marqué un tournant dans la
conception que les États se font du droit à la légitime défense. En effet, pour la première fois,
le terrorisme a été envisagé comme étant-lui même une agression armée qui nécessite un
recours à la légitime défense, pourtant la résolution 3314 de l’Assemblée Générale des
Nations Unies, précise bien que les agressions doivent être faites par un État si la victime de
cette agression peut utiliser la légitime Défense. Cependant les États-Unis ont réussi à se voir
octroyer la possibilité d’avoir recours à la force grâce à la résolution du conseil de sécurité
1368 du 12 septembre 2001, selon laquelle les attaques terroristes contre le Word Trad Center
et le Pentagone constituaient une attaque armée au sens de l’article 51 de la Charte des
Nations Unies. D’autre part, les Etats-Unis ont désigné l’État Afghan en sa qualité d’État qui
avait hébergé le groupe terroriste Al-Qaida responsable des attaques terroristes sur son
territoire. En conséquence ils pouvaient se prévaloir du droit de légitime défense, un principe
issu de la résolution 1373 du Conseil de Sécurité adoptée le 28 septembre 2001. Les États-
Unis ont donc, à ce moment-là, innové les circonstances dans lesquelles il était possible
d’utiliser la légitime défense. Celle-ci ne s’arrêtait plus à un cadre interétatique mais s’ouvrait
à des acteurs non étatiques.
Cependant, cette résolution reste une exception et n’a pas servi d’exemple pour l’avenir,
en effet, lors des attentats du 13 novembre 2015, le principe de légitimité était écarté dans ce
cas, c’est le conseil de Sécurité qui a permis une intervention.
La légitime défense repose sur une caractéristique très importante : l’agression armée (A) ;
cette caractéristique a permis à la jurisprudence d’exclure les États non étatiques du principe
de légitime défense (B).
L’agression étant un acte fait par un État, les actes terroristes ne peuvent être qualifiés
d’agression car ils ne sont pas l’œuvre d’un État. Il fallait donc réagir face à la résolution
1368 qui autorise de se prévaloir du droit de légitime défense contre un acteur qui n’est pas un
État. Ainsi la cour de justice internationale a décidé de recadrer la légitime défense dans un
cadre interétatique mettant fin aux résolutions antérieures contraires au principe du cadre
interétatique. Ce principe d’État contre État, excluant les acteurs non étatiques se retrouve
dans l’article 3 de la résolution 3314, qui dans chaque exemple précise que l’agression a été
commise par un État, à travers divers exemples. De plus, l’arrêt du 19 décembre 2005, relatif
à l’affaire des activités armées sur le territoire de la République démocratique du Congo,
rendu par la cour de justice internationale, celle-ci va réaffirmer que la légitime défense doit
s’exercer dans un cadre interétatique. Le recadrage jurisprudentiel est donc clair, même en ce
qui concerne les attaques terroristes, la légitime défense n’a pas lieu d’être, comme ce fut le
cas pour les attentats du 13 novembre 2015 en France où l’intervention contre Daech a pu être
possible grâce à la résolution 2249 du conseil de sécurité et non pas le biais de la légitime
défense. L’évolution de la légitime défense semble donc encore fragile, en effet, elle ne peut
être employée seulement contre des États, rendant ainsi délicat une potentielle attaque d’un
acteur non étatique qui ne sera pas prise en charge par le conseil de sécurité.