Vous êtes sur la page 1sur 18

Revue Sciences de Gestion, n° 84 p.

65 à 81

L’adaptation d’une stratégie RSE aux organisations


événementielles, un nouveau mode de communication
vis-à-vis des parties prenantes ?

Jean-Philippe Danglade
Professeur, Docteur en sciences de gestion
Euromed Management, Marseille
(France)

Alors que les événements sportifs et culturels, du fait de leur


marchandisation croissante, ont acquis une importance considérable,
leurs impacts environnementaux se sont multipliés. En conséquence,
de nombreuses manifestations sportives et culturelles sont entrées
dans une démarche éco-responsable. Cependant, cette stratégie
nécessite la mobilisation des parties prenantes internes et externes
disposant d’un important pouvoir d’influence sur les organisateurs
d’événements.
L’objectif de cet article sera de déterminer les enjeux de
l’application d’une stratégie de responsabilité sociale et
environnementale du point de vue des parties prenantes composant le
système événementiel.

Mots-clés : événement – parties prenantes – stratégie responsable.

Whereas sporting and cultural events have become a huge


business, their environmental impacts have increased at the same
time. Consequently, numerous sporting and cultural events have
66 Philippe DANGLADE

questioned their own responsibility strategy. However this kind of


strategy has to consider the involvement of all the stakeholders which
can influence event managers.
The objective of this article is to focus on the stakes of the
implementation of a sustainable strategy in the event context
considering its stakeholders.
Keywords: event – stakeholder- sustainable strategy.

Cuando los eventos deportivos y culturales, debido a su mayor


negociación (merchandissing?) adquieren considerable importancia,
sus impactos medioambientales se multiplican.
Por esta razón, numerosas manifestaciones deportivas y culturales
han emprendido un enfoque eco responsable. Sin embargo, dicha
estrategia requiere la participación de las partes involucradas
internas y externas que poseen gran poder de influencia sobre los
organizadores de eventos.
El objetivo del presente artículo será de determinar lo que está en
juego en la aplicación de una estrategia de responsabilidad social y
medioambiental desde la óptica de las partes involucradas que
forman parte del sistema de eventos.

Palabras claves: evento – partes involucradas – estrategia


responsable.

L’événement est un produit sans équivalent dans la sphère


d’action du marketing qui, loin d’être un terrain hostile pour le
chercheur, représente un champ d’investigation prometteur en raison
de la complexité du jeu des acteurs qui composent le système et de la
diversité des comportements et des attentes du public.
Nous assistons depuis une vingtaine d’années à une
démultiplication des événements, activités qui reposent sur la
rencontre physique entre des interprètes, un public et une œuvre ou un
objet artistique ou sportif, dont la consommation, en constante
progression, les positionne comme de véritables phénomènes
sociétaux.
Face à la multiplicité des enjeux et à la complexification du
montage des événements, le secteur de l’événementiel s’est
STRATÉGIE RSE DES ORGANISATIONS ÉVÉNEMENTIELLES 67

considérablement professionnalisé. En effet, de nombreuses


entreprises et collectivités n’hésitent plus à investir des sommes
parfois considérables dans le parrainage d’événements de plus en plus
médiatiques.
Toutefois, alors que les événements sportifs et culturels, du fait de
leur marchandisation croissante, ont acquis une importance
considérable, leurs impacts environnementaux se sont multipliés, des
émissions de gaz à effet de serre à la consommation d’eau en passant
par la production de déchets. En conséquence, de nombreuses
manifestations sportives et culturelles sont entrées dans une démarche
éco-responsable. Cependant, cette stratégie nécessite la mobilisation
des parties prenantes internes et externes disposant d’un important
pouvoir d’influence sur les organisateurs d’événements.
L’objectif de cet article sera de déterminer les enjeux de
l’application d’une stratégie de responsabilité sociale et environne-
mentale du point de vue des parties prenantes composant le système
événementiel.
Dans un premier temps, nous nous attarderons sur la nature
partenariale de l’objet événementiel avant d’envisager l’implantation
d’une stratégie RSE. Puis, après avoir précisé notre méthodologie,
nous traiterons le cas d’un événement sportif international, l’Open 13.
Au sein d’un secteur d’activités dynamique en matière de
développement durable, nous montrerons en quoi l’Open 13 se
distingue en proposant à l’ensemble de ses parties prenantes une
réflexion générale sur les enjeux liés à la RSE pouvant se concrétiser
par un panel d’opérations s’adaptant aux multiples possibilités
d’optimisation offertes par l’événement (sensibilisation des publics,
participation des champions, mises en place de jeux).

1. – L’événement en tant qu’objet d’étude

1.1. L’événement, un système de parties prenantes

Ferrand (1995) définit l’événement comme un lieu où des


hommes et des femmes se rassemblent dans une sorte de célébration
collective, pour assister à un spectacle sportif ou culturel.
L’événement est une entité complexe qui se vend aussi bien à des
consommateurs qu’à des parties prenantes. Selon Freeman (1984), est
« stakeholder » ou partie prenante, tout groupe ou individu qui peut
affecter ou est affecté par la réalisation des objectifs de l’organisation.
Senaux (2004) distingue deux principaux modèles de gouvernance
d’entreprise : le modèle actionnarial, qui se concentre sur la relation
68 Philippe DANGLADE

entre les actionnaires et les dirigeants, et le modèle partenarial, qui


s’intéresse aux différentes parties prenantes (stakeholders). Dans le
cadre de notre recherche, nous privilégierons une approche parte-
nariale qui semble plus appropriée afin de cerner la complexité des
événements sportifs et culturels. Clarkson (1995) note la notion de
forte dépendance entre une organisation et ses parties prenantes et
précise que les parties prenantes ont mis quelque chose en jeu dans
leur relation avec la firme.
Pigeassou et Garrabos (1997) précisent que les managers des
événements doivent impérativement appréhender la nature complexe
de leur environnement. Selon cette optique, il s’agit d’envisager
l’environnement en termes d’un réseau de partenaires et d’alliances,
de considérer l’organisation comme un facilitateur dans la création de
valeur par l’intermédiaire de plusieurs constituants du réseau et de
prendre conscience que l’environnement devient de plus en plus
complexe.
Dépendant financièrement de parties prenantes qui interagissent,
l’événement ne peut se définir par une simple équation « produit –
consommateur – distributeur ». La clientèle d’un événement est certes
constituée de consommateurs, mais également de médias, d’entre-
prises partenaires ou de collectivités territoriales. Katz-Bénichou
(2004) confirme que de multiples exemples attestent du pouvoir
exercé par les parties prenantes comme les médias ou les sponsors sur
l’événement : « ce ne sont plus les sponsors et les médias qui
s’adaptent aux contraintes sportives, mais bien l’inverse ».
Les médias, et en particulier les télévisions, demeurent un
stakeholder fondamental finançant parfois certains événements
comme le championnat de France de football (les ressources
financières des clubs de football professionnels proviennent à 50% des
droits télévisés). Andreff et Nys (2002) précisent que les relations
économiques entre l’événement et la télévision sont basées sur une
convergence d’intérêts. « Le sport attire la télévision en ce qu’il est un
gisement d’audience, ce que confirme l’augmentation de la durée
annuelle des émissions sportives, dont certaines réalisent des taux
d’audience exceptionnels, en particulier la retransmission de
spectacles sportifs internationaux ».
Les partenaires privés sont également des parties prenantes
essentielles du point de vue du financement des événements. Walliser
(2006) définit le parrainage comme « une forme d’association
caractérisée par la mise à disposition de moyens financiers et/ou non
financiers par un parrain (une organisation à but lucratif ou non
lucratif, un individu) à une entité parrainée (événement, groupe,
organisation, individu) dans le domaine du sport, de la culture, du
STRATÉGIE RSE DES ORGANISATIONS ÉVÉNEMENTIELLES 69

social ou de l’environnement ayant comme double objectif : soutenir


l’entité parrainée et favoriser les objectifs de communication du
parrain ».
Les collectivités locales sont perçues comme un stakeholder
primaire finançant les événements, notamment par l’intermédiaire des
subventions. Les activités événementielles sont progressivement
devenues des vecteurs stratégiques de diffusion de la réalité locale. En
échange d’avantages fiscaux, d’équipement public ou de
financements, l’organisation événementielle produit un certain
nombre d’outputs en termes d’emploi, de retombées touristiques,
d’animation du territoire, de notoriété ou d’image de la localité.
Le support événementiel accorde ainsi de la légitimité aux
revendications des collectivités locales espérant des effets sociaux
positifs sur leur territoire.
Enfin, les spectateurs sont les consommateurs finaux de
l’événement, de manière directe ou indirecte (via les médias). Pour
Walliser (2006), le public d’un événement recherche la distraction, la
stimulation, l’information, voire la sensation en « consommant » cet
événement lors de son temps libre, soit grâce aux médias, soit en se
déplaçant sur le lieu du spectacle.
Schéma n°1 : Objectifs recherchés par les parties prenantes événementielles
Partenaires privés Partenaires publics
Contrats de sponsoring Subventions
Vs Vs
Visibilité / Image / Impacts économiques et
Ventes / relations sociaux
publiques

Organisation
événementielle

Médias Spectateurs

Droits de retransmission Achats de billets + produits


Vs et services annexes
Audiences Vs
Spectacle
70 Philippe DANGLADE

Le schéma n°1 récapitule les objectifs recherchés par les parties


prenantes événementielles en échange de leurs contributions
financières versées aux organisateurs.
Les managers d’événements ont donc pour objectifs
l’organisation et la pérennisation d’un spectacle en tenant compte des
objectifs variés de leurs parties prenantes. L’événement s’avère être
un objet ambigu mêlant des dimensions de production artistique et/ou
sportive à des impératifs de gestion inhérents à tout type d’entreprises.
Les organisateurs d’événements doivent donc avant tout maîtriser des
domaines spécifiques en termes d’ingénierie de spectacle mais
également se comporter en gestionnaires d’entreprises en intégrant la
comptabilité, l’administratif, le législatif, les ressources humaines, le
commercial et le marketing. L’événement, spectacle éphémère destiné
à divertir, est aussi un service commercial devant être vendu à
différents types de clientèles. Dans cette optique, l’événement, comme
toutes les autres entreprises, doit intégrer la responsabilité dans son
champ d’activités.
Après avoir décrit les spécificités de l’organisation
événementielle, nous allons nous intéresser aux conditions
d’implantation de stratégie RSE dans ce contexte.

1.2. Organisation événementielle et stratégie RSE

La responsabilité sociale de l’entreprise ou RSE représente


d’après le Livre Vert lancé par la commission européenne (2001)
« l’intégration volontaire des préoccupations sociales, environne-
mentales des entreprises à leurs activités commerciales et leurs
relations avec toutes les parties prenantes internes et externes
(actionnaires, personnels, clients, fournisseurs et partenaires,
collectivités locales, associations, etc.) et ce afin de satisfaire
pleinement aux obligations juridiques applicables, investir dans le
capital humain et respecter son environnement (écologie et
territoire) ».
La notion de RSE est donc tout simplement l’application aux
entreprises du concept de développement durable. Depuis 2002, la loi
NRE impose à toutes les sociétés cotées de rendre compte des
conséquences sociales et environnementales de leur activité.
Il existe en France une réelle volonté politique d’intégrer de façon
pérenne une démarche responsable dans toute activité événementielle,
comme en témoignait Jean-Louis Borloo, Ministre d’Etat, Ministre de
l’Ecologie, du Développement et de l’Aménagement durables lors du
STRATÉGIE RSE DES ORGANISATIONS ÉVÉNEMENTIELLES 71

lancement de la Coupe du Monde de rugby organisée en 2007 en


France.
L’impulsion a été donnée dès novembre 2006 par l’ANAE
(Association des agences de communication événementielle) afin de
mobiliser l’ensemble de la filière regroupant les associations et les
syndicats professionnels de l’événement (Chambre Syndicale des
Professionnels de l’Evénement, Fédération Française des Métiers de
l’Exposition et de l’Evénement, France Congrès, Foires Salons et
Congrès de France, Synpase et Traiteurs de France). Les partenaires
mobilisés autour de l’ANAE ont signé une charte d’engagement des
professionnels de l’événement en faveur du développement durable.
En s’appuyant sur les travaux initiés par le Ministère de l’Ecologie, du
Développement et de l’Aménagement durables et menés par
l’ADEME, l’ANAE appelle tous les organisateurs de festivals et de
manifestations culturelles ou sportives et de salons professionnels à
mettre en place une démarche éco-responsable, qu’il s’agisse de la
réduction des déchets ou de la maîtrise de l’énergie notamment.
Au sein d’une filière événementielle de plus en plus active en
matière de responsabilité sociale et environnementale, les
organisateurs d’événements déploient ce type de stratégie au sein de
leur activité.
L’implantation d’une stratégie de développement durable
s’envisage dès lors à chaque étape du processus organisationnel.
Chaque phase (avant –pendant - après) événementielle intègre
diverses actions.
En amont de la manifestation, le choix du lieu de l’événement est
crucial. Les organisateurs doivent tenir compte, par exemple, de
l’accessibilité du site en transports en commun, ferroviaires ou
routiers.
En ce qui concerne l’installation du site, les dirigeants
d’événements peuvent mobiliser et sensibiliser les intervenants en
intégrant des impératifs environnementaux à l’intérieur des appels
d’offres destinés aux éventuels prestataires techniques, ou en
rédigeant une charte à l’égard du personnel et notamment des
bénévoles.
Dans le même ordre d’idée, la sélection des équipements et des
infrastructures n’est pas neutre en termes d’économies d’énergie. En
effet, les managers pourront, par exemple, choisir des éclairages
naturels ou des ampoules à basse consommation, installer des
systèmes de réduction des dépenses d’eau ou encore investir dans des
conteneurs de collecte sélective et de tri des déchets. Si, pendant de
nombreuses décennies, les stands ont été conçus et démontés sans
préoccupation particulière vis-à-vis de l’environnement, les pratiques
72 Philippe DANGLADE

ont récemment évoluées vers plus d’ « éco-conception ». Des


bénéfices considérables sont réalisés en fonction d’une durée de vie
accrue du matériel ou de la réduction du temps de montage et de
démontage.

Pendant la manifestation, le véritable défi est de mobiliser les


spectateurs présents sur le site à la thématique du développement
durable. La diffusion maîtrisée de l’information demeure un point
essentiel de l’« éco-conception » événementielle. A cette fin, il est
indispensable d’évaluer au mieux les besoins en documents tout en
jouant sur une alternance entre le papier et le numérique.
Les organisateurs devront mettre en place des stands destinés à de
la sensibilisation et à de l’information.
D’une manière générale, les managers d’événement tentent de
limiter des consommables comme les objets promotionnels en évitant
la distribution intempestive des gadgets non réutilisables.

Après l’événement, la phase de nettoyage du site et de valorisation


des déchets est devenue en enjeu primordial. Les organisateurs font
appel à des entreprises spécialisées dans l’orientation des déchets vers
des filières adéquates et dans le démontage et le stockage des
infrastructures réutilisables.
Par ailleurs, une information précise concernant le bilan
environnemental (quantité de déchets générés, consommation d’eau,
de papier et d’énergie, bilan des transports) de l’événement doit être
communiquée à l’ensemble des stakeholders.
Enfin, les managers d’événement doivent savoir évaluer les
bénéfices induits par leurs actions en faveur du développement
durable et compenser les impacts négatifs qui n’ont pas pu être évités.
L’implantation d’une stratégie de développement durable a donc
des incidences fortes d’un point de vue du déroulement de
l’événement. Cependant, cette intégration du développement durable à
l’événement ne peut se faire qu’en totale adéquation avec les parties
prenantes de l’organisation.

2. – Méthodologie

La méthodologie de recherche utilisée est une méthode de type


recherche-intervention (Savall et Zardet, 2004). Elle s’inscrit dans une
approche qualitative fréquemment utilisée lorsqu’il s’agit d’étudier les
comportements des acteurs sur le moyen et long termes et d’observer
l’évolution des pratiques de gestion des ressources humaines. La
STRATÉGIE RSE DES ORGANISATIONS ÉVÉNEMENTIELLES 73

méthodologie de recherche-intervention s’attache à son objet et


l’observe sur un temps plus au moins long pour suivre les évolutions
naturelles ou les changements provoqués (Wacheux, 1996).
La méthode qualitative est recommandée lorsque l’on se centre
sur des événements contemporains dans leur contexte en temps réel,
où les limites entre le phénomène étudié et le contexte ne sont pas
évidentes (Yin, 1984). Cette recherche à visée descriptive, explicative
et prescriptive s’appuie sur l’élaboration et la validation d’hypothèses
de connaissances à partir de l’observation scientifique et de la collecte
de données dites de terrain. Le processus de la recherche est
également fondé sur l’interaction cognitive entre le chercheur et les
acteurs d’entreprise. Le chercheur utilise l’action qu’il pilote afin de
produire des connaissances et les acteurs contribuent à la construction
même du processus de recherche (Plane, 2000).
Dans le cadre de cet article, précisons que l’auteur est mandaté
par l’organisateur de l’événement sportif pour piloter la mise en place
de la stratégie RSE sur plusieurs années, 2009 étant la première
édition. Son rôle est de définir les principales orientations
stratégiques, de structurer une cellule dédiée en interne et de mettre en
place, d’animer et d’évaluer les diverses actions.
L’Open 13 de Marseille est tournoi international de tennis se
déroulant, depuis 1993, tous les ans au mois de février au Palais des
Sports de Marseille. L’Open 13 fait partie du circuit ATP (association
supervisant l’ensemble des plus grands tournois de tennis
professionnels masculins). Cette étape marseillaise appartient à la
catégorie « International Series » de l’ATP Tour et se joue « indoor »
(en salle) sur une surface souple (le Greenset). Cet événement, l’un
des principaux rendez-vous sportifs de la ville de Marseille, accueille
chaque année les meilleurs joueurs de tennis de la planète. Par
ailleurs, le budget global du tournoi (4 ME) est dépendant, à plus de
70% de ses partenaires. Les autres recettes proviennent de la
billetterie, des loges et du merchandising.

3. – La RSE, nouveau mode de communication vis-à-vis des


parties prenantes de l’Open 13?

3.1. Descriptif du dispositif RSE

L’organisation Open 13 a développé, depuis sa création, un


certain nombre d’actions sociales et environnementales. Ces
opérations étaient menées au coup par coup, sans volonté stratégique.
74 Philippe DANGLADE

Pour l’édition 2009, la direction du tournoi a décidé d’inscrire


cette démarche dans la continuité par la création d’un dispositif liant
altruisme et pragmatisme.
Une cellule dédiée à la RSE et dotée d’un budget de 25000 euros
est donc créée. Elle est pilotée par un consultant extérieur chargé
d’établir un plan d’actions sur trois ans concernant aussi bien l’interne
à travers l’implication des salariés de l’événement et l’externe par la
mise en place d’actions soutenues par les partenaires.
Cet événement a réussi à fidéliser depuis plusieurs années
partenaires, médias et spectateurs autour d’un spectacle sportif
prestigieux et rare dans la région. Les organisateurs maîtrisent
également les relations publiques et l’accueil des VIP par la mise en
place d’un village partenaire particulièrement rentable.
Après avoir exposé le dispositif RSE de l’événement, notre
objectif sera d’analyser en quoi l’implantation d’une stratégie de ce
type, permet-elle de repenser la relation aux parties prenantes ?

Décrivons dans un premier temps le dispositif mis en place par


l’organisation en matière d’actions responsables.
En ce qui concerne les partenariats privés, l’Open 13 a décidé de
mobiliser des entreprises partenaires de l’événement en s’appuyant sur
l’idée d’un prolongement naturel de leur propre politique de
développement durable.
Le constructeur automobile Peugeot a mis à disposition de
l’organisation des véhicules équipés de la technologie des moteurs
diesels modernes HDI Common Rail pourvus systématiquement de
filtres à particules. Par cette action, Peugeot contribue à améliorer
l’empreinte écologique du tournoi en assurant une prestation de
transport à faibles émissions de CO2.
L’agence de travail temporaire Adecco est intervenue dans le
cadre d’un projet d’aide à l’insertion de personnes handicapées en leur
permettant de s’intégrer à l’équipe d’organisation du tournoi tout en
suivant un accompagnement professionnel spécifique.
L’Open 13 valorise également son partenariat avec la Fondation
Danone en reversant une partie de la recette billetterie au bénéfice de
l’achat de nourriture pour des enfants touchés par la malnutrition.

Par ailleurs, l’Open 13 a tenu également à repenser sa relation


avec son stakeholder public. Comme son nom l’indique, l’Open 13 est
principalement financé par le Conseil Général des Bouches-du-Rhône,
en tant que partenaire principal. L’Open 13 est fortement dépendant,
au regard de son budget, du financement de ses partenaires principaux.
STRATÉGIE RSE DES ORGANISATIONS ÉVÉNEMENTIELLES 75

Le CG13 mène une politique très active en matière de financement


d’événements sportifs et culturels. Le CG 13, partenaire principal de
l’événement est également sollicité à travers la mise en place
d’opérations multiples (reboisement, invitations de jeunes issus de
milieux défavorisés, sensibilisation des écoliers autour d’un dispositif
Sport-Santé, organisation de compétitions avec des associations
locales).
Enfin, l’Open13 collabore activement avec des associations
réputées pour leur savoir-faire opérationnel déjà vérifié sur d’autres
événements :

 L’association « AVIE » (Association de Valorisation et d’Insertion


pour l’Environnement) a accompagné la cellule Développement
Durable de l’Open 13 à travers la présence d’animateurs formés à
l’information en termes de tri sélectif des déchets.
 « Surfrider Fondation » a été mobilisée autour d’une opération de
nettoyage des plages du littoral du département des Bouches-du-
Rhône.
 L’association Plan International est intervenue, quant à elle, sur la
question de la protection des droits des filles dans le monde.
 L’association « Autour de l’Enfant » a participé à la campagne de
sensibilisation enfance - sport - nutrition.
 La politique de recrutement pendant la semaine de l’événement est
également tournée vers le partage et l’accessibilité : L’association
« ADDAP » (Association Départementale pour le Développement
des Actions de Préventions 13) a été sollicitée pour le recrutement
des parkmen.

3.2. Analyse critique

Après avoir décrit le dispositif RSE mis en place par les


dirigeants de l’événement, quelle analyse critique peut-on établir du
point de vue de l’évolution de la communication entre l’organisation
et ses parties prenantes ?
En premier lieu, il s’avère fondamental de remarquer que les
managers de l’Open 13 se sont éloignés du mode opératoire
« classique » d’implantation de stratégie RSE aux événements décrit
précédemment. Loin de suivre un cheminement séquencé « avant-
pendant-après », le dispositif élaboré se concentre essentiellement sur
les parties prenantes de l’événement et non sur l’activité de
l’entreprise.
76 Philippe DANGLADE

En ce qui concerne les partenaires privés, la RSE se présente donc


ici comme une nouvelle manière d’activer des partenariats parfois très
anciens. Au-delà des traditionnels objectifs poursuivis par les sponsors
(image, notoriété, lancement de produit, preuve produit,
communication interne), l’événement se présente aussi comme une
plateforme efficace afin de communiquer sur les stratégies
responsables des entreprises.
L’organisation événementielle, perçue comme un relai des
initiatives en matière de développement durable des entreprises,
accroît son attractivité vis-à-vis des sponsors potentiels. Le savoir-
faire de l’Open 13 en matière d’activation de partenariats responsables
devient un argument de vente additionnel auprès de partenaires actuels
ou potentiels.
Les dirigeants de l’entreprise Veolia Environnement, sponsor de
l’événement depuis 2008, convaincus par la mise en place d’un atelier
pédagogique « Aquajunior » destiné à sensibiliser les enfants autour
de la thématique de la découverte de l’eau en 2009, ont décidé
d’augmenter leur contribution financière pour l’édition 2010 en
devenant l’un des 4 partenaires officiels de l’Open 13 à hauteur de
200000 euros.
La RSE permet donc de communiquer différemment avec des
partenaires privés qui, en pleine réflexion sur leurs propres stratégies
RSE, trouvent dans l’événement une plateforme nouvelle et originale
afin de valoriser certaines initiatives.
La relation avec les collectivités locales suit la même logique,
dans le sens où l’événement offre une vitrine intéressante à la
collectivité pour mener à bien des opérations de sensibilisation. Dans
le cas de l’Open 13, la collectivité, en l’occurrence le Conseil Général
de Bouches-du-Rhône, est le stakeholder principal et en tant que tel
reste fréquemment associé à toutes les décisions importantes prises
par l’organisation aussi bien sur le plan sportif que sur le plan extra-
sportif. Il s’avère important de noter que la stratégie RSE développée
a été initiée par cette collectivité avec pour objectif de faire de l’Open
13 un modèle d’événement éco-conçu. Toutes les actions décrites ci-
dessus rentrent dans une stratégie plus globale du Conseil Général.
Enfin, les partenaires associatifs ainsi que les ONG apportent une
véritable caution à l’organisation événementielle dans sa mise en
place de stratégie RSE.
En effet, le choix des thématiques de sensibilisation a été réalisé
en fonction du savoir-faire d’associations ou d’ONG réputées
localement (AVIE pour le tri des déchets) ou sur le plan international
(Plan pour le droit des femmes et des enfants ou Surfrider pour la
préservation des océans). Ces stakeholders associatifs bénéficient en
STRATÉGIE RSE DES ORGANISATIONS ÉVÉNEMENTIELLES 77

retour d’une visibilité importante sur l’événement (stands de


sensibilisation, annonces micro, projections de films sur l’écran géant
du stade) leur permettant d’accroître leur notoriété.
Si les relations entre l’organisation événementielle et ses parties
prenantes partenariales peuvent être améliorées par l’activation parfois
commune d’actions responsables, qu’en est-il de la communication
vis-à-vis des spectateurs ?
Nous avons vu précédemment que le public d’un événement
recherche la distraction, la stimulation, l’information, voire la
sensation en « consommant » cet événement lors de son temps libre,
soit grâce aux médias, soit en se déplaçant sur le lieu du spectacle.
La véritable problématique est de déterminer si le contexte
événementiel s’avère propice à la sensibilisation sur les questions
relatives à la responsabilité. Légitime en termes de gestion d’un
événement (manifestation sportive, accueil des participants, du public
et des partenaires), l’organisateur de spectacle peut-il être crédible
dans des missions de sensibilisation de son public à des causes
éloignées de son métier de base ?

Tout d’abord il s’avère important de noter que l’Open 13 a


énormément communiqué sur sa stratégie RSE à travers de nombreux
supports de communication (gazette grand public, site web, partenariat
avec le quotidien La Provence).
Parallèlement à ce dispositif de communication, les dirigeants de
l’événement ont pensé les actions responsables comme une extension
de leur offre de service. A côté de services traditionnels comme le
service sportif ou comme la restauration, l’Open 13 a mis en place des
stands de sensibilisation autour de cause comme le handicap ou le tri
des déchets.
Par ailleurs, les organisateurs ont su utiliser des particularités du
spectacle tennistique afin de renforcer l’impact de certaines actions. A
titre d’exemple, chaque fois qu’un joueur de tennis réussissait un
« ace » (service gagnant non touché par l’adversaire), cent euros
étaient reversés au profit d’une association.
78 Philippe DANGLADE

Schéma n°2 : La RSE comme outil visant à améliorer la communication vis-


à-vis des parties prenantes
<

Partenaires privés et Partenaires associatifs


publics
L’Open 13 utilise les
L’Open 13 est le relai des associations et les ONG en
stratégies RSE des tant que caution
partenaires RSE = outil de légitimation
RSE = outil d’activation
des partenariats

Organisation
événementielle

Médias Spectateurs

L’Open 13 utilise les L’Open 13 sensibilise son


médias pour communiquer public au développement
sur ses actions RSE durable
RSE = outil de RSE = outil de sensibilisation
communication

Comme le montre le schéma n°2, la stratégie RSE mise en place par


les dirigeants de l’Open 13 doit avant tout être analysée comme un
outil au service du relationnel avec la clientèle. Loin des dispositifs
classiques consistant à évaluer l’impact négatif d’un événement à
l’aide d’un Bilan Carbone puis à élaborer un dispositif d’actions
cohérents en découlant, l’Open 13 optimise de manière opportune son
potentiel de plateforme de communication afin de repenser ses
relations avec ses parties prenantes.

3.3. Apports, limites et prolongements de la recherche

Parmi l’ensemble des pistes de recherche suscitées par le


marketing des services, l’événement a longtemps été ignoré par les
chercheurs en sciences de gestion. Pourtant l’événement s’avère être
un terrain riche compte tenu de sa nature partenariale et de l’ensemble
des parties prenantes pouvant être étudiées.
STRATÉGIE RSE DES ORGANISATIONS ÉVÉNEMENTIELLES 79

Le principal apport de cette recherche est de questionner une


problématique « classique » et d’actualité (l’implantation d’une
stratégie RSE) à l’intérieur d’un champ original et peu étudié
(l’événementiel sportif).
Par ailleurs la méthodologie de recherche-intervention semble
bien appropriée à la description d’un dispositif RSE concernant
diverses parties prenantes poursuivant toutes des objectifs diversifiés
dans l’organisation événementielle. L’auteur, mandaté en tant que
consultant pour piloter cette implantation, a donc été confronté à des
problématiques variées. L’objet événementiel se présente en définitive
comme un relai de communication efficace pour ses partenaires.
Toutes les entreprises et collectivités locales impliquées étant en
pleine réflexion sur leur propre stratégie RSE, l’« auteur-consultant »
a privilégié une approche d’activation de partenariats permettant à
chaque partenaire de bénéficier d’une plateforme visible de
communication pendant l’événement. Au final, l’approche RSE de
l’Open 13 peut être perçue comme l’agrégation des stratégies RSE de
ses partenaires. Pour les dirigeants de cet événement sportif, la RSE
représente une nouvelle façon d’envisager le sponsoring.
En ce qui concerne les limites de la recherche, le parti-pris de
l’auteur reste très interprétatif et l’approche très globalisante. Le point
de vue des organisateurs de l’événement est essentiellement mis en
avant au détriment des autres parties prenantes. Afin de gagner en
rigueur scientifique, il aurait été pertinent de mener une grille
d’entretiens, partie prenante par partie prenante, pour récolter les
impressions de responsables sponsoring ou des spectateurs.
Nous devons formuler également un certain nombre de limites
d’un point de vue managérial. L’implantation d’une stratégie RSE en
2009 à l’Open 13 n’est, selon nous, pas satisfaisante. Limitée par un
budget insuffisant (25000 euros) au regard du budget total du tournoi
(4 millions d’euros) ; la cellule RSE s’est concentrée sur la
sensibilisation des publics internes et externes et la mise en place
d’actions diverses. Essentiellement pensée comme un nouveau mode
de communication vis-à-vis des parties prenantes, la stratégie RSE de
cet événement sportif se caractérise en 2009 par un manque d’outils
d’évaluation.
L’objectif de la cellule pour les prochaines éditions du tournoi
sera de mener une démarche d’évaluations sérieuses des effets
négatifs induits ou évités sur l’environnement. A cet égard, un Bilan
Carbone mené en partenariat avec l’ADEME est programmé pour
2010. Ce Bilan Carbone permettra de mieux évaluer l’empreinte
écologique du tournoi avant d’envisager la création d’opérations. Par
ailleurs, le bilan du tournoi devra passer de l’analyse descriptive à
80 Philippe DANGLADE

l’exposé d’une méthode de chiffrage des effets RSE. Il conviendra


également de distinguer les trois piliers du développement durable, ce
qui n’a pas été fait pour 2009 où toutes les actions ont été mélangées
au sein d’une stratégie globale.
Au niveau des prolongements de la recherche, une approche
comparative pourrait permettre de confronter plusieurs cas
d’implantation de stratégie RSE dans les événements sportifs. Une
opportunité nouvelle se présente en 2010 à travers la création d’un
nouveau tournoi professionnel de tennis à Nice. Ce tournoi sera
organisé par la même structure que l’Open 13 de Marseille mais dans
un contexte totalement différent du point de vue des ressources et
exigences des stakeholders.

4. – Conclusion
Le cas présenté illustre bien le fait que la mise en place d’une
stratégie RSE est un processus participatif dans lequel les parties
prenantes de l’organisation événementielle doivent nécessairement
être impliquées. L’essentiel est de négocier, avec chacun, des réflexes
RSE et de montrer que l’entreprise peut être socialement responsable
sans remettre en cause son activité économique. La satisfaction des
différentes parties prenantes, et plus particulièrement pour notre cas la
satisfaction des partenaires quant aux politiques de RSE garantit le
bon fonctionnement de l’entreprise et donc sa performance. Aussi bien
au niveau conceptuel que pratique, le déploiement d’une démarche de
RSE en entreprise nécessite une instrumentation rigoureuse, le risque
étant de se perdre dans la multiplicité des actions, des dispositifs et
outils ainsi que dans la dilution des responsabilités. Le rôle des
managers est primordial pour renégocier des règles du jeu, réinventer
des coopérations. Notre cas illustre la nécessité de repenser certaines
habitudes de communication à l’égard des parties prenantes. D’une
manière générale, les événements sportifs et culturels sont des
occasions propices à la mise en place d’une stratégie éco-responsable
du fait de leur caractère festif et souvent multiculturel. L’engagement
de ces manifestations, véritables lieux de rassemblement populaires,
représente un véritable moyen pour sensibiliser le grand public aux
gestes respectueux de l’environnement et diffuser les bonnes
pratiques. Ce type de démarche implique l’ensemble des acteurs :
organisateurs, équipes, fournisseurs, participants, partenaires, mais
aussi visiteurs et publics présents
Le développement durable est une opportunité intéressante pour
les organisateurs d’événement à des fins de différenciation,
STRATÉGIE RSE DES ORGANISATIONS ÉVÉNEMENTIELLES 81

d’élargissement de l’offre et de création de business via la


mobilisation de partenaires financiers.
Par ailleurs, si le terrain événementiel est propice à la réalisation
de stratégie de développement durable mobilisant les diverses parties
prenantes présentes, nous pouvons nous poser la question de la
sincérité des actions menées par les organisations événementielles.
L’objet événementiel n’échappe pas à la dérive constatée dans de
nombreux autres secteurs par rapport à l’utilisation abusive de
l’argument développement durable ou greenwashing.

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

ANDREFF W. & NYS J.-F., Economie du sport, Que sais-je ?, PUF, 2002.
CLARKSON M. B. E., « A stakeholder framework for analysing and evaluating
corporate social performance », Academy of Management Review, 20,
1995, p. 92.-117.
FERRAND A., « La communication par l’événement sportif : entre émotion et
rationalité », In Loret A.coord., Sport et Management ; de l’éthique à la
pratique, Editions EPS, 1995, p. 280.- 294.
FREEMAN R.E., Strategic Management: A Stakeholder Approach, Pitman
Press, 1984.
KATZ-BENICHOU G., « L’éthique sportive est-elle un instrument du
marketing ? », Revue Française de Gestion, n°150, vol. 3, 2004, p. 177.-
192.
PIGEASSOU C. & GARRABOS C., Management des organisations de services
sportifs, PUF, 1997.
PLANE J-M., Méthodes de recherche-intervention en management,
L’harmattan, 2000.
SAVALL H. & ZARDET V., Recherche en sciences de gestion : approche
qualimétrique. Observer l’objet complexe, Economica, 2004.
SENAUX B. (2004), Gouvernance des clubs de football professionnel : une
approche partenariale, Actes de la 13ème Conférence de l’AIMS,
Normandie.
WACHEUX F., Méthodes qualitatives et recherche en gestion, Economica,
Paris, 1996.
WALLISER B., Le parrainage sportif, Sponsoring et Mécénat, Dunod, 2006.
YIN R.K., Case Study Research, Design and Methods, Sage, Beverly Hills,
1984.
Copyright of Revue Sciences de Gestion is the property of ISEOR and its content may not be copied or emailed
to multiple sites or posted to a listserv without the copyright holder's express written permission. However,
users may print, download, or email articles for individual use.

Vous aimerez peut-être aussi