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IAE DE BORDEAUX

M2 SMEFP
ANNEE UNIVERSITAIRE 2017-2018

MEMOIRE PROFESSIONNEL
LES COÛTS CACHÉS DE
L’ENTREPRISE FAMILIALE

Par Samuel Rochecouste


Sous la direction de M. BABEAU


Mme. ROCHECOUSTE
DIRECTRICE ADJOINTE
+230 5421 1960

IMMERSUB & CO. LTD

ENTREPRISE FAMILIALE ET
PERFORMANCE DURABLE : LE
PROBLÈME DES COÛTS CACHÉS

ILE MAURICE
FEVRIER – AOUT
2018



MEMOIRE PROFESSIONNEL

RÉSUMÉ

Les entreprises familiales occupent aujourd’hui une place extrêmement importante dans le
tissu économique mondial. Elles sont de véritables modèles économiques de par leur performance
durable et leur aptitude à résister aux turbulences de l’environnement. Pourtant, travailler en famille
n’est pas une mince affaire en raison de l’interaction dominante entre deux systèmes distincts : la
famille et l’entreprise.

Gouverner une entreprise familiale revient à réguler les émotions. L’interaction de ces systèmes
peut être autant bénéfique que néfaste à l’entreprise ou à la famille, ce qui rend nécessaire la
recherche d’un équilibre entre les deux. Dans ce travail nous avons choisi de révéler les
conséquences négatives de cette proximité, en étudiant les dysfonctionnements organisationnels qui
découlent de l’enchevêtrement des systèmes étudiés.

Bien que les dysfonctionnements soient présents dans tout type d’organisation, nous avons constaté
qu’il en existe certains qui semblent intimement liés à l’organisation familiale. Depuis 1974,
l’application des méthodes de gestion socio-économique et la méthode des coûts cachés montrent
que les organisations disposent d’une réserve endogène d’efficience comprise entre 20 000 et 70
000 euros de coûts cachés par personne et par an, dont au moins un tiers peut être convertible en
performance.

Lorsque l’on est en position de seul offreur sur un marché, il n’y a pas de réelle remise en question
de sa performance, car tant que le marché existera l’entreprise survivra. Mais dans un
environnement concurrentiel, tous les coûts ne sont pas permis. En l’occurrence, les coûts cachés
peuvent représenter un manque à gagner colossal et mettre ainsi en péril la survie de l’entreprise.
L’évaluation des coûts cachés permet de démontrer les coûts d’opportunité de l’entreprise, afin que
cette dernière prenne conscience de son réel potentiel de création de valeur.

Le contrôle de gestion socio-économique se distingue des méthodes de gestion classique en


intégrant l’ensemble des collaborateurs dans la recherche de mesures correctives et le pilotage de la
performance. De par son approche à la fois économique et sociale, cette méthode de gestion semble
s’appliquer parfaitement aux caractéristiques et aux objectifs de pérennité des entreprises familiales.

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MEMOIRE PROFESSIONNEL

ABSTRACT

Family Businesses is a huge part of the global economy. These organizations are a model of
performance and sustainability, able to adapt to any kind of economic environment. Although,
working with members of your family is no small task due to the interactions between two different
systems: the family sphere and the company sphere.

To manage a family business is equal to manage emotions. The link between the two systems can
either be constructive or destructive for both of them. In this essay, we chose to unveil the negative
impacts of the proximity between the two systems, by studying the various organizational
dysfunctions caused by the lack of stability between the family and the business.

Every organization has to deal with organizational dysfunctions, but some of these dysfunctions
seem to be specific to family businesses.

Since 1974, socio-economic management applications have shown that organizations have a
dormant resource of efficiency, from 20 000 to 70 000 euros of hidden costs per person, per year.
At least one third of these hidden costs can be turned into performance.

Being in a monopoly situation is confortable enough to put aside performance problems: as long as
the market lives, the company survives. But when you have to face competitors in your market, you
have to start worrying about your cost management. Hidden costs evaluation is meant to
demonstrate the opportunity costs missed by the company, by making the company’s directors
realise the real potential of their business.

Socio-economic management is distinct from many other management methods, as all collaborators
are involved in the improvement process. Based on its social and economic approach of
management, this method seems to perfectly suit the characteristics and the commitment to
sustainability of family businesses.

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MEMOIRE PROFESSIONNEL

FICHE SIGNALÉTIQUE DE L’ENTREPRISE

Comme beaucoup d’entreprises familiales, l’histoire d’Immersub c’est avant tout


l’histoire d’une famille. Tout commence sur un petit paradis en plein cœur de l’Océan Indien,
l’île Maurice. À l’origine de cette histoire, un couple très complémentaire : d’une part une
professionnelle incontestable habitée par une recherche constante de la perfection, et d’autre
part un capitaine de la marine marchande, doté d’une vision et d’une connaissance pratique
indiscutable du secteur maritime.

Le couple décide en 2004 de se lancer un nouveau défi en impliquant cette fois activement la
deuxième génération dans le projet : sur la base de la passion du fils aîné de la famille pour la
plongée sous-marine, le couple d’entrepreneur décide de lier cette passion au secteur maritime
alors en plein essor à l’île Maurice. En tirant profit de la situation géographique de l’île et
compte tenu du manque d’infrastructure des ports et cales sèches, la famille a l’idée novatrice
de proposer des services de maintenance et de réparation de navires à flot.




Pierre-Yves R. Doris R.

(Père)
(Mère)


40% 15%







30% 15%



Amaury R. Tessa R.

Schéma 1 : La structure actionnariale de l’entreprise Immersub

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MEMOIRE PROFESSIONNEL

Dès le départ, l’affectio familiae est déjà bel et bien présent, et la structure actionnariale de
l’entreprise (toujours inchangée depuis), symbolise d’autant plus la volonté du couple
dirigeant de mettre en œuvre ce « projet familial » avec l’ensemble des membres de la famille.

Le projet repose sur des valeurs fortes que le couple s’entache à respecter et à transmettre aux
générations suivantes. Parmi ces valeurs, on peut citer :
- Qualité
- Sécurité
- Expertise
- Réactivité

La famille quant à elle prône des valeurs de respect, de mérite et de solidarité entre
l’ensemble des membres. Ces valeurs sont également reflétées au sein de l’entreprise : le
respect des clients mais aussi de tous les collaborateurs de l’entreprise, le mérite qui peut
s’apprécier au niveau de la rémunération et des divers avantages qu’offre l’entreprise à ses
collaborateurs, et enfin la solidarité car l’entreprise c’est aussi une grande famille où il est
parfois nécessaire de se serrer les coudes et faire des sacrifices pour des lendemains meilleurs.

La société compte dans ses rangs 14 employés dont 4 membres familiaux officiellement
intégrés dans l’entreprise (l’organigramme est présenté en Annexe 2). En effet il faut noter
que certains membres familiaux comme Gabrielle par exemple ne peut être légalement
considérée comme salariée de l’entreprise, mais sa contribution en tant que conseillère
juridique est très profitable à l’organisation, justifiant ainsi sa place dans l’organigramme.

En termes de chiffres, on constate que le chiffre d’affaires de l’entreprise stagne depuis ces
dernières années (c.f Annexe 3). En 2017, la SARL Immersub a réalisé un chiffre d’affaires
de plus d’un million d’euros. Son taux de profit s’élève à environ 45%, et comme beaucoup
d’entreprises familiales elle a un taux d’endettement extrêmement faible voire quasiment nul.
L’entreprise réalise plus de 60% de son chiffre d’affaires au travers de travaux de nettoyage
de coques de navires, et de polissage d’hélices. Avant janvier 2018, Immersub détenait 100%
des parts de marché du secteur des travaux subaquatiques à l’île Maurice. Aujourd’hui,
l’arrivée d’un compétiteur étranger vient bouleverser la stratégie de l’entreprise en grappillant
progressivement des parts de marché. L’entreprise familiale doit désormais repenser sa
stratégie dans ce nouvel environnement concurrentiel si elle veut rester pérenne.

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MEMOIRE PROFESSIONNEL

REMERCIEMENTS

Avant de vous présenter ce mémoire professionnel qui symbolise la fin d’une riche
aventure universitaire, je voudrais adresser des remerciements à certaines personnes.

Tout d’abord, je salue l’ensemble des membres de la société Immersub & Co. Ltd, plus
particulièrement les membres de la direction pour leur confiance en mon travail, et pour
m’avoir offert la possibilité d’assumer des responsabilités auxquelles j’aspire en tant que futur
repreneur de l’entreprise familiale.

J’adresse mes remerciements aux membres de l’équipe de plongeurs, pour avoir participé
activement à l’accomplissement de mon étude sur les dysfonctionnements de l’entreprise et
l’optimisation de sa performance.

Je souhaite également remercier M. Trebucq, notre professeur de contrôle de gestion qui nous
a fait partager sa culture, sa riche documentation et au delà de cela sa vision de la
performance d’une organisation.

Je remercierai également M. Babeau, mon charismatique professeur tuteur qui nous aura
donné pendant deux ans de stratégie (Master 1 et Master 2), l’ambition de poursuivre une
carrière professionnelle bien remplie, avec un peu de chance dans le métier du Conseil.

Enfin je souhaiterais présenter ma reconnaissance à l’IAE de Bordeaux et plus


particulièrement à M. Hirigoyen, pour avoir mis en place ce Master 2 SMEFP (Stratégie et
Management des Entreprises Familiales et Patrimoniales) extrêmement intéressant et utile
pour de futurs repreneurs. Je souhaite que cette formation puisse apporter autant de
connaissances théoriques et pratiques aux futurs étudiants, qu’il m’a été donné de recevoir
durant cette année universitaire 2017-2018.

SOMMAIRE

PARTIE THÉORIQUE………………………………………………………12

LES SPECIFICITES DES ENTREPRISES FAMILIALES ET SES CONSEQUENCES


SUR LES DYSFONCTIONNEMENTS ORGANISATIONNELS………………...……..13

PARTIE PRATIQUE…………………………………………………………42

LE CAS IMMERSUB & CO. LTD : UNE GESTION NÉCESAIRE DES COUTS
CACHES DANS UN NOUVEL ENVIRONNEMENT CONCURRENTIEL……….......43

TABLE DES ANNEXES……………………………………………………...83

TABLE DES FIGURES……………………………………………………....90

BIBLIOGRAPHIE……………………………………………………............91

8
INTRODUCTION

INTRODUCTION

Dans son livre « La mornifle », l’auteur Canadien Jacques Garneau souligne le fait que
« l’ennemi invisible est le plus redoutable ». En gestion des entreprises, l’évaluation de la
performance économique et sociale d’une organisation s’appuie de manière générale sur ce
qui est visible et disponible dans les comptes ou les systèmes d’informations officiels. Or il
existe dans toutes les entreprises quelles qu’elles soient, des phénomènes qui ne sont ni
quantifiés, ni surveillés et qui pourtant, ont une incidence considérable sur la performance
durable de l’entreprise. Ces phénomènes sont aussi connus sous le nom de « coûts cachés »,
qui par définition désignent à la fois des coûts qui sont pris en compte mais dilués dans
différents postes et également des coûts qui ne sont pas pris en compte par les systèmes
comptables et les systèmes d’informations (Henri Savall, 1974).

Ces coûts trouvent leur origine dans des dysfonctionnements organisationnels résultant en
grande partie des comportements et des activités humaines1. C’est l’interaction entre les
structures et les comportements des différents acteurs au sein de l’entreprise qui sont à
l’origine de ces dysfonctionnements. Au sein d’une organisation qu’elle soit de type familiale
ou non, les individus peuvent adopter des comportements allant à l’encontre de l’esprit et de
la synergie du groupe. À titre d’exemple, le phénomène du « passager clandestin » modélisé
par le socio-économiste américain Mancur Olson en 1965, qui désigne le comportement d’une
personne qui obtient et profite d’un avantage sans y avoir investi autant d’efforts (argent ou
temps) que les autres membres du groupe. Dans la théorie-méthode des coûts-performances
cachés inventée par le professeur Henri Savall en 1974, puis développée et propagée avec son
équipe de l’ISEOR, les dysfonctionnements majeurs peuvent prendre plusieurs formes. Nous
pouvons ici citer l’absentéisme ou les retards répétés au travail, les surconsommations des
biens et services par certains membres de l’organisation, les défauts de qualité ou encore le
manque de qualification de certains collaborateurs.



1
Lexique de gestion et de management d’Alain Charles Martinet et Ahmed Silem, Dunod, 2009, 8e
édition.

9
INTRODUCTION

Depuis 1976 à l’ISEOR 2 , des chercheurs travaillent sur une méthode de management
particulière appelée le contrôle de gestion socio-économique de l’entreprise. Cette méthode
consiste à améliorer simultanément la performance sociale et économique des organisations.
À l’origine de la méthode, Henri Savall le précurseur des coûts cachés, était arrivé à la
conclusion que l’approche macroéconomique ne permettait pas de rendre compte du
processus de création de valeur. Il y a donc véritablement un résidu de valeur inexpliqué, que
le contrôle de gestion socio-économique cherche à identifier afin d’orienter des actions
correctives pour réduire les dysfonctionnements des organisations et de fait réduire les coûts
cachés qui en résultent.

Dans ce travail notre intérêt s’est plus particulièrement porté sur les entreprises familiales, qui
se distinguent justement des autres types d’organisations par l’interconnexion et les relations
réciproques qu’il y a entre l’entreprise et la famille (Sharma, 2004). Pour Westhead et
Cowling (1998), « l’entreprise familiale est une entreprise détenue par au moins deux
membres de la même famille, unis par un lien de sang ou par un lien d’alliance, et qui se
perçoivent eux-mêmes comme appartenant à une entreprise familiale ». L’intérêt porté à ce
type d’organisation sur le sujet des coûts cachés est justifié par l’interaction des systèmes
famille et entreprise qui dans bien des cas, a pour conséquence directe ou indirecte des
dysfonctionnements organisationnels et des coûts indétectables par les systèmes comptables
traditionnels.

Pendant plus de six mois, nous avons étudié les pratiques organisationnels et le
fonctionnement quotidien d’une PME familiale au travers des observations de terrain, de
l’analyse des systèmes comptables et par le biais de dialogue avec les différentes parties
prenantes de l’entreprise. Nous avons également pu analyser les relations entre les membres
de la famille fondatrice de l’entreprise afin d’être en mesure de poser un diagnostic relationnel
et d’en mesurer les conséquences. Cette étude a permis de révéler plusieurs
dysfonctionnements qui sont pour beaucoup d’entre eux intimement liés au caractère familial
de l’organisation. Depuis très récemment, l’entreprise étudiée doit faire face à un défi majeur :
alors qu’elle était encore jusque là en situation de monopole sur son marché, l’arrivée d’un
nouveau compétiteur vient bouleverser la stratégie de l’entreprise et remettre en cause sa
pérennité sur son marché.


2
ISEOR : Institue de socio-économie des entreprises et des organisations.

10
INTRODUCTION

Au vue des nombreux dysfonctionnements qui relevaient jusque là d’une importance mineure
en raison du monopole que détenait l’entreprise sur son marché domestique, il convient
logiquement de s’interroger sur la pertinence de sa stratégie face au nouveau concurrent. La
problématique suivante prend dès lors tout son sens :

Face au constat des coûts cachés auxquels l’entreprise est confrontée, comment le
contrôle de gestion socio-économique permettrait-il d’optimiser sa performance et
favoriser ainsi sa pérennité dans son nouvel environnement concurrentiel ?

Afin d’apporter des éléments de réponses au problème posé, nous avons organisé ce mémoire
en deux parties. La première partie de ce travail regroupe les éléments théoriques qui nous
permettent de comprendre les spécificités des entreprises familiales et leur mode de
gouvernance. Nous verrons en effet que l’aspect psychologique et émotionnel prédominant
dans ces types d’organisations, ainsi que l’enchevêtrement des systèmes famille-entreprise,
ont tendance à devenir au fil du temps des vecteurs de dysfonctionnements au sein de
l’organisation. Il conviendra dans cette même partie d’étudier en profondeur la méthode de
contrôle de gestion socio-économique mise en place par Savall et Zardet (1987) afin de
comprendre comment cette méthode peut s’appliquer à l’entreprise étudiée.

Nous mettrons de fait en pratique les concepts étudiés dans une deuxième partie, en posant le
diagnostic relationnel de la famille fondatrice et en évaluant les coûts cachés qui découlent
des dysfonctionnements repérés au sein de l’organisation. Cette analyse nous permettra enfin
de proposer des actions et des mesures correctives afin d’optimiser la performance de
l’entreprise et favoriser ainsi sa pérennité dans son nouvel environnement concurrentiel.

11
PARTIE
THÉORIQUE

12
LES SPÉCIFCITÉS DE L’ENTREPRISE
FAMILIALE ET SES CONSÉQUENCES
SUR LES DYSFONCTIONNEMENTS
ORGANISATIONNELS.

13
CHAPITRE 1 : LES SPÉCIFICITES DE L’ENTREPRISE FAMILIALE ET LES DYSFONCTIONNEMENTS
ORGANISATIONNELS

Comprendre les spécificités et les dimensions psychosociologiques des entreprises


familiales est une étape nécessaire pour être en mesure d’expliquer en quoi ces
caractéristiques propres à ce type d’organisation favorisent l’émergence de coûts cachés en
son sein. L’entreprise familiale, pose de par sa nature même des problèmes spécifiques de
gouvernance (Mintzberg et Waters, 1982). Si ces problèmes de gouvernance ne sont pas pris
en considération et ne font pas l’objet de mesures correctives, l’entreprise sera susceptible de
faire face à des dysfonctionnements organisationnels pouvant freiner sa performance et sa
pérennité.

Dans cette partie, nous allons d’abord traiter les problèmes spécifiques de gouvernance des
entreprises familiales, en s’appuyant sur les nombreux travaux de recherches dont ont fait
l’objet ces organisations. Par la suite, nous verrons comment ces spécificités peuvent créer
des dysfonctionnements organisationnels qui ont pour lourdes conséquences l’émergence de
coûts cachés pour l’entreprise. Il conviendra par conséquent d’étudier en profondeur la
méthode des coûts-performances cachés afin de mieux comprendre comment l’appliquer à
l’entreprise étudiée.

I. L’ENTREPRISE FAMILIALE : ENTRE DEFINITIONS ET


SPECIFICITES

L’entreprise familiale est sans aucun doute le type d’organisation le plus ancien que le
monde ait pu connaître. Bien avant l’ère capitaliste des entreprises managériales, travailler en
famille relevait d’une certaine logique car le travail c’était avant tout la survie de la famille.
Toutefois bien que ces entreprises représentent plus de 80% des PME et des ETI de France,
leurs problèmes de gouvernance restent entiers et pour les comprendre, il convient d’étudier
ce qui rend les entreprises familiales si particulières.

A. DEFINITION DE L’ENTREPRISE FAMILIALE

Une entreprise familiale c’est avant tout une famille et des valeurs. Pour définir
l’entreprise familiale on ne peut de fait passer outre la définition de la famille, qui comme
nous le verrons fait également l’objet de certaines divergences dans la doctrine. En ce qui

14
CHAPITRE 1 : LES SPÉCIFICITES DE L’ENTREPRISE FAMILIALE ET LES DYSFONCTIONNEMENTS
ORGANISATIONNELS

concerne la définition des entreprises familiales, nous retiendrons dans ce travail les
définitions les plus pertinentes par rapport au sujet que nous avons choisi de traiter dans ce
mémoire.

1. L’ÉVOLUTION TEMPOREL DU CONCEPT DE FAMILLE

Il n’existe pas de réelle définition de l’entreprise familiale. Certains s’attachent à dire


qu’une entreprise familiale est une organisation économique dont le capital est détenu à
majorité par la famille, mais ce serait réducteur de s’en tenir à cette définition. En réalité, le
concept même de la « famille » complexifie la simplicité de cette définition. Avec le temps,
on constate une certaine évolution dans la conception et la représentation de la famille dans la
société.

Selon une étude de l’Insee parue le 28 octobre 2017, les ménages constitués des personnes
partageant le même logement, sont de plus en plus petits, comportant en moyenne 2,2
personnes en 2013 contre 2,4 en 1999. Pour Fabienne Daguet de la division Enquêtes et
études démographiques de l’Insee, cette baisse s’explique en grande partie par les évolutions
qui touchent notre société depuis les années 1970, et qui se poursuivent aujourd’hui. Parmi
elles, les changements profonds dans les modes de vie (hausse des séparations notamment), le
vieillissement de la population et un certain déclin des valeurs religieuses du mariage. Certes
les ménages ne doivent pas être confondues avec les familles. Un ménage est constitué par
l’ensemble des occupants d’une résidence principale, qu’ils aient ou non des liens de parenté,
alors qu’une famille suppose la corésidence au sein d’un même ménage entre deux conjoints
ou entre enfant(s) et parent(s). Toutefois d’un point de vue global, la baisse de la taille des
ménages montre bien qu’on est bien loin aujourd’hui des grandes familles de huit enfants !

En 1892, le sociologue Durkheim parlait de famille conjugale, qui rejoint la définition de la


famille nucléaire, soit une famille composée des époux et des enfants uniquement. C’est une
conception très étroite de la famille, qui a elle aussi évolué avec son temps. En 1949, Lévi
Strauss définit la famille comme une communauté d’individu réunit par des liens de parentés
et existant dans toutes les sociétés humaines. Elle est dotée d’un nom, d’un domicile et elle
crée entre ses membres une obligation de solidarité morale et matérielle, qui est censée
protéger et favoriser leur développement social, physique et affectif.

15
CHAPITRE 1 : LES SPÉCIFICITES DE L’ENTREPRISE FAMILIALE ET LES DYSFONCTIONNEMENTS
ORGANISATIONNELS

Mais la réduction de la taille des familles dans les pays occidentaux pousse à une conception
de plus en plus large de la famille, comme nous le montre Distelberg et Sorenson (2009) dans
leur définition. Selon eux, la famille est composée de tous les individus qui sont apparentés
par le sang, le mariage ou l’adoption. Mais cette définition inclue également les individus qui
ne sont pas liés les uns aux autres par le sang, le mariage ou l’adoption mais qui partage des
objectifs, des moyens et des investissements personnels ensemble. Dans la Rome antique par
exemple, tous ceux qui vivait sous le même toit, qu’ils soient liés par le sang ou non (esclave
et domestique) faisaient partie de la famille. C’est donc une conception très large de la famille
qui n’est pas partagée par tous mais qui complexifie grandement aujourd’hui la définition des
entreprises familiales de par la nature de plus en plus floue du concept de famille.

2. L’ENTREPRISE FAMILIALE : UNE ORGANISATION A PART ENTIERE

Parler d’une entreprise familiale revient à adopter une conception très large de la
famille, soit une vision très éloignée de celle de la famille nucléaire. Lansberg et al (1988) se
sont penchés sur la définition de l’entreprise familiale dans le premier numéro de la Family
Business Review. Jusqu’à ce jour, aucun consensus n’a été trouvé pour clairement définir ce
type d’organisation économique. Alors que certains auteurs estiment qu’il faut au moins deux
membres de la famille pour parler d’une entreprise familiale, d’autres estiment qu’il en faut
au minimum trois. La question de la majorité dans le capital de l’entreprise a notamment été
l’objet de nombreuses divergences : si certains pensent qu’il faut que la famille détienne au
moins 50% du capital de l’entreprise, d’autres estiment que détenir 20% du capital est
suffisant pour définir une entreprise familiale.

En 1967, Miller et Rice privilégient la notion d’investissement pour distinguer une entreprise
familiale. Selon eux, pour qu’une entreprise soit familiale, il faut qu’il y ait un investissement
de la famille dans l’entreprise. Cet investissement peut être à la fois moral, financier ou
physique (travail). À travers cet « investissement » de la famille, il est possible de voir si il y a
propriété familiale (exemple : investissement financier) ou alors une gestion familiale
(investissement de travail par exemple).

Pour Westhead et Cowling (1998), « l’entreprise familiale est une entreprise détenue par au
moins deux membres de la famille, unis par un lien de sang ou par un lien d’alliance, et qui se

16
CHAPITRE 1 : LES SPÉCIFICITES DE L’ENTREPRISE FAMILIALE ET LES DYSFONCTIONNEMENTS
ORGANISATIONNELS

perçoivent eux-mêmes comme appartenant à une entreprise familiale ». De cette définition,


découle deux notions indispensables pour déterminer une entreprise familiale :
• L’affectio societatis : élément indispensable à la reconnaissance de l’existence d’une
société dans le droit français qui s’apprécie par la volonté des fondateurs de s’associer
pour créer une société.
• L’affectio familiae : dans les entreprises familiales plus particulièrement, c’est la
volonté de plusieurs membres de la famille d’œuvrer ensemble à un projet commun,
incarné par l’entreprise.

Ce qui distingue l’entreprise familiale des autres organisations, c’est justement cette notion
fondamentale qui est l’affectio familiae. Le tableau suivant synthétise le degré d’affectio
familiae en fonction de 11 caractéristiques : le périmètre de la famille, le sentiment
d’appartenance, l’objectif commun, les valeurs, les principes d’éducation, la présence d’un
fédérateur, la connaissance de l’histoire de la famille, l’existence d’un symbole fédérateur, les
plans de transmission, les conflits et les projets communs.

Niveau élevé Niveau Faible


Périmètre de la famille clairement défini et Périmètre est flou et non partagé
partagé
Sentiment d’appartenance fort (partagé par Individualisme
tous)
Accord sur des objectifs communs Pas d’objectifs communs envisagés
Vision commune des valeurs Absence de vision des valeurs
Principes d’éducation partagés par tous Pas de principes partagés
Présence d’une personnalité exemplaire et Absence ou disparition du modèle
fédératrice d’identification
Connaissance parfaite de l’histoire commune Ignorance de ses racines
Existence d’un symbole fédérateur (nom Absence de symbole lisible
patronymique ou marque)
Existence de plans de transmission clairs et Sujet non abordé
partagés
Absence de conflits Absence de relation
Existence de projets communs partagés par Absence de projets communs
tous

Naturellement, un niveau élevé du degré d’affectio familiae est plus favorable à la pérennité
d’une entreprise familiale, mais il est très rare qu’au travers des générations ce niveau reste
inchangé. Les relations familiales ne sont pas figées dans le temps, elles évoluent et régulent
le courant émotionnel. Si l’atmosphère familiale est pleine de changements et de déviations

17
CHAPITRE 1 : LES SPÉCIFICITES DE L’ENTREPRISE FAMILIALE ET LES DYSFONCTIONNEMENTS
ORGANISATIONNELS

brusques, il peut surgir de profonds sentiments de frustrations, inévitablement accompagnés


d’hostilité générant des biais comportementaux.

L’entreprise familiale est une arène émotionnelle, une conjonction d’éléments cognitifs, où
l’apport des sciences sociales (plus particulièrement la psychologie et la sociologie) a joué un
rôle indispensable à la compréhension de ces relations (B).

B. LES DIMENSIONS PSYCHOSOCIOLOGIQUES DES ENTREPRISES


FAMILIALES

Dans les théories économiques classiques, l’homo-economicus est considéré comme


rationnel, dont les décisions sont dépourvues d’émotions. Aujourd’hui il est impossible
d’écarter les émotions pour comprendre les comportements. Dans les entreprises familiales,
l’émotion est omniprésente, autant dans le système familial que dans le système de
l’entreprise. Ces émotions ont tendance à induire des biais comportementaux ainsi que des
biais décisionnels pouvant entraîner des dysfonctionnements majeurs au sein de l’organisation.

1. DE L’ECOLE CLASSIQUE A L’ECOLE DES RELATIONS HUMAINES

Depuis l’organisation scientifique du travail qui a surtout produit de l’aliénation, du


contrôle et de l’infantilisation, l’enjeu aujourd’hui est d’imaginer une organisation plus
humaine, où l’homme serait au centre du système. L’école des Relations Humaines
apparaissant après la crise économique de 1929, considère l’homme comme un « cœur »
plutôt qu’un « corps » (en référence à l’organisation technique du travail). À partir de cette
réflexion et compte tenu de l’échec de la théorie classique des organisations, il est désormais
admis qu’un salarié heureux au travail est deux fois moins malade, six fois moins absent, et
neuf fois plus loyal. L’individu n’est pas seulement motivé par l’appas du gain mais aussi par
son affectivité et par des besoins psychologiques plus ou moins conscients, comme l’a
démontré Mayo dans sa célèbre expérience de la Western Electric en 1933. L’amélioration
des conditions de travail dans une société où la machine et l’intelligence artificielle prend de
plus en plus de place, passera nécessairement par la compréhension psychologique de
l’homme dans son environnement professionnel.

18
CHAPITRE 1 : LES SPÉCIFICITES DE L’ENTREPRISE FAMILIALE ET LES DYSFONCTIONNEMENTS
ORGANISATIONNELS

Partant de ce postulat, il devient plus que nécessaire dans notre société moderne de
comprendre les dimensions psychologiques qui façonnent les comportements, les émotions et
les états de conscience des individus dans une organisation, afin d’améliorer d’une part
l’environnement général au travail mais d’autre part pour améliorer la performance globale de
l’entreprise qui dépend majoritairement de ses ressources humaines.

L’entreprise familiale est devenu aujourd’hui un objet d’intérêt pour de nombreuses


disciplines mais surtout pour la psychologie et la sociologie (Allouche et Amann, 2000).
Ainsi depuis les années 1980, on assiste à une prise en compte grandissante de l’impact et de
la qualité des liens familiaux sur la gouvernance de l’entreprise. En effet, à la différence des
entreprises managériales, les entreprises familiales ont une dimension émotionnelle
prépondérante, qui est à l’origine des principaux problèmes de gouvernances d’entreprise.
Nous ne pouvons prédire avec précision les actes et comportements humains, mais nous
pouvons tenter de comprendre le chemin de pensée afin d’orienter les décisions dans le
meilleur sens possible.

Pour les entreprises familiales, ce sont les liens émotionnels et affectifs entre les membres de
la famille qui constituent à la fois la force et la faiblesse de ce type d’organisation.

2. UN PROCESSUS DE DECISION INFLUENCE PAR L’EMOTION ET


L’AFFECTION

Pour David et Stern (1980), les liens émotionnels et affectifs des membres de la
famille sont des déterminants essentiels des comportements organisationnels. Ils remettent
ainsi en cause la rationalité au sein de l’organisation, qui est écartée par la prise en compte des
émotions personnelles dans les processus décisionnel. Ces biais peuvent être cognitifs,
émotionnels, individuels ou collectifs (Greenfinch, 2005), et sont souvent sources de
dysfonctionnements au sein de l’organisation.

i. Le biais d’Hubris : Li & Tang 2010

D’un point de vue étymologique, « hubris » se traduit en grec par la démesure. Il


désigne le niveau excessif de confiance en soi, rendant l’homme égocentrique et mégalomane.
Dans son livre publié en 2007, l’auteur américain David Owen montre la transformation de la

19
CHAPITRE 1 : LES SPÉCIFICITES DE L’ENTREPRISE FAMILIALE ET LES DYSFONCTIONNEMENTS
ORGANISATIONNELS

personnalité des personnes ayant accédé au pouvoir. Les chefs d’entreprise peuvent être
associés à ce biais : plus l’entreprise est performante, plus l’égo du dirigeant est nourrit.
Toutefois le dirigeant qui a un fort hubris aura plus de mal à déléguer et faire confiance aux
autres, et il aura également beaucoup de mal à transmettre l’entreprise car persuadé que le
succès de l’entreprise lui est entièrement dû.

Ce biais cognitif est très commun dans les entreprises familiales où le père fondateur, à la fois
chef de famille et chef d’entreprise est la figure de proue. Mais cet égo surdimensionné peut
parfois mener à des conflits ouverts ou latents, ou encore brider des décisions plus judicieuses
et rationnelles et par dessus tout, les décisions collectives. L’hubris peut être une source de
dysfonctionnements organisationnels importante, car l’excès de confiance du dirigeant peut
freiner la prise de décisions démocratiques qui est ordinairement un avantage pour les
entreprises familiales pérennes.

ii. Le biais de préférence pour le connu (Duesenberry, 1952) et l’aversion à l’ambiguïté


(Ellsberg, 1961)

D’ordre général, l’être humain préfère être sûr, et privilégie les environnements qu’il
connaît car ce qui est connu est rassurant. Dans l’entreprise familiale, ce biais peut apporter
des conséquences positives comme négatives. L’impact négatif de ce biais peut en effet
conduire à un certain immobilisme, une volonté de rester dans sa zone de confort. Le faible
taux d’endettement des entreprises familiales et la supériorité des fonds propres sont des
facteurs qui illustrent parfaitement cette aversion à l’ambiguïté. Plusieurs entreprises
familiales souhaitent croître, tout en restant petit (syndrome du fief) et refusent
catégoriquement l’ouverture du capital pour aspirer se développer.

On peut par ailleurs observer des phénomènes de repli sur soi, de manque d’ouverture sur
l’extérieur et de maintien de routines organisationnelles parfois inefficientes. C’est un biais
que l’on retrouve très souvent dans les entreprises familiales et qui comme nous le verrons
plus tard dans le cas d’Immersub, peut engendrer des coûts cachés importants mettant en péril
la pérennité de l’entreprise et sa survie dans un nouvel environnement concurrentiel.

20
CHAPITRE 1 : LES SPÉCIFICITES DE L’ENTREPRISE FAMILIALE ET LES DYSFONCTIONNEMENTS
ORGANISATIONNELS

iii. Théorie de l’échange social et fonction d’utilité

En sciences de gestion, les thèses utilitaristes appelées théorie de l’échange social


s’intéressent aux comportements adoptés par les acteurs dans une perspective psychologique
et sociologique. En 1739, Humme décrit les hommes comme régis par une logique égoïste du
calcul des plaisirs et des peines mais aussi par leur seul intérêt. Dans la même ligne de pensée,
Crozier et Friedberg pensent que « l’être humain est un acteur calculateur, qui ne peut se
défaire de son instinct stratégique » (1977).

Pour la majorité des théoriciens, toutes les relations humaines sont ainsi guidées par une
analyse subjective des gains et des coûts associés à chaque situation. Par définition, les coûts
sont des éléments de la vie rationnelle qui ont un impact négatif ou contraignant sur la
personne. Les gains quant à eux, sont les éléments d’une relation qui ont un impact positif sur
une personne et qui sont ressentis comme agréable et satisfaisant. Ainsi chaque situation
qu’on expérimente apporte des gains et des coûts, la satisfaction dépend du rapport entre les
deux.

La théorie de l’échange social postule que les coûts et les gains issus d’une situation peuvent
être mesurés sur une échelle de valeur. Dans chacune des interactions les individus opèrent un
calcul d’utilité, c’est à dire qu’il calcule la différence entre les gains et les coûts liés à une
situation, et parviennent à ce qui est appelé le résultat d’utilité. La formule est donc la
suivante : résultat d’utilité = gains – coûts.

En fonction du résultat d’utilité, les individus choisissent de continuer ou non une interaction,
de maintenir ou non une relation, et prennent ou non une décision.

Toutefois, le fait de raisonner en termes d’utilité n’exempte pas de prendre en compte les
dimensions morales ou qualitatives (Clerc, 2014), au contraire car celles-ci pèsent parfois
davantage dans la balance. La plupart des gains et coûts que l’on évalue sont majoritairement
psychologiques et émotionnelles, plus que matériels. Les considérations morales et éthiques
entrent par ailleurs en ligne de compte dans les calculs. La formule doit ainsi se lire de la
manière suivante :

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CHAPITRE 1 : LES SPÉCIFICITES DE L’ENTREPRISE FAMILIALE ET LES DYSFONCTIONNEMENTS
ORGANISATIONNELS

Résultat d’utilité = (Gains matériels + Gains socio-émotionnels) – (Coûts matériels +


Coûts socio-émotionnels)

La théorie de l’échange social ne signifie pas que les individus sont uniquement motivés par
l’égoïsme et l’appât du gain, mais elle soulève un point important qui est celui de la prise en
compte de l’intérêt propre de l’individu. On a souvent tord de penser qu’une entreprise
familiale est régi par un intérêt général, celui de la famille qui se confond avec celui de
l’entreprise, mais il est important de noter que chaque individu en fonction de ses propres
besoins a aussi son intérêt propre qui peut être parfois opposé à celui de l’entreprise.

Il est donc nécessaire de prendre en considération l’individu, dans la schématisation des


systèmes famille-entreprise.

C. SPECIFICITES DE LA GOUVERNANCE DES ENTREPRISES FAMILIALES :


L’INTERACTION DE PLUSIEURS SYSTEMES

Une des principales spécificités des entreprises familiales est l’interaction de plusieurs
systèmes. Le nombre de systèmes varie en fonction des auteurs et de leur représentation de
l’entreprise familiale. Nous nous intéresserons dans ce travail à la représentation bi-
systémique et la représentation tri-systémique, avant de se pencher sur la question du contrôle
de ces systèmes pour une amélioration de la performance.

1. LA REPRESENTATION BI-SYSTEMIQUE DE LABAKI ET AL (2013)

La notion de système est issue de la théorie générale des systèmes de Von Bertalanffy
(1968). Selon l’auteur, le monde entier est composé de systèmes qui interagissent entre eux.
Chaque système est doté de quatre caractéristiques :
- il y a des interactions entre les systèmes ;
- il est organisé ;
- il est complexe car évolue dans le temps ;
- et il est total car il forme une entité globale.

Les entreprises familiales ont fait l’objet de plusieurs représentations systémiques, certains à
deux systèmes et d’autres à quatre systèmes en fonction des travaux des auteurs sur le sujet.

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CHAPITRE 1 : LES SPÉCIFICITES DE L’ENTREPRISE FAMILIALE ET LES DYSFONCTIONNEMENTS
ORGANISATIONNELS

Dans ce mémoire, nous avons choisi d’étudier la représentation bi-systémique de Labaki et al.
(2013).

Le schéma suivant illustre le degré d’enchevêtrement des systèmes famille-entreprise (cf.


schéma 2).



Degré d’enchevêtrement

Schéma 2 : La représentation bi-systémique de Labaki et al (2013).

L’analyse des travaux de Labaki et al. est intéressante dans le cadre de l’étude des coûts
cachés de l’entreprise familiale car elle illustre bien la source des problèmes de gouvernance
que font face les entreprises familiales. On observe en effet trois situations :

(1) Le système famille et le système entreprise sont séparés : dans cette configuration,
l’entreprise est distincte de la famille, soit ce qui se passe dans l’entreprise reste au sein de
l’organisation et n’affecte pas le système famille car les deux entités sont séparées. Ce cas de
figure est très rare dans les petites et moyennes entreprises familiales (PMEF) où la vie de la
famille se confond très souvent avec celle de l’entreprise. On peut néanmoins retrouver ce
type de configuration dans les grandes entreprises familiales où la gestion de l’organisation
n’est pas nécessairement (et exclusivement) familiale même si le capital peut être détenu en
majorité par la famille.

(2) Les systèmes famille-entreprise sont équilibrés : c’est la configuration idéale pour une
entreprise familiale car il y a un juste milieu entre la vie de l’entreprise et la vie de la famille.
Il est difficile d’arriver à ce type de configuration car cela nécessite une structure de

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CHAPITRE 1 : LES SPÉCIFICITES DE L’ENTREPRISE FAMILIALE ET LES DYSFONCTIONNEMENTS
ORGANISATIONNELS

gouvernance solide pour entretenir cet équilibre. Dans bien des cas, l’élaboration d’une charte
familiale peut être très utile pour arriver à ce niveau car la charte établit des règles strictes de
gouvernance et de bonnes conduites pour assurer le bon fonctionnement de l’organisation. À
titre d’exemple, une charte familiale peut contenir des articles qui contraignent les membres
familiaux à se réunir sous la forme d’un conseil de famille pour parler de l’entreprise. Ainsi,
même si cela est difficile à concevoir, les sujets qui touchent l’entreprise ne peuvent pas être
discutés à tord et à travers, n’importe où et à n’importe quel moment.

(3) Les systèmes famille - entreprise sont enchevêtrés : l’enchevêtrement des deux
systèmes est le cas de figure à éviter à tout prix car la famille et l’entreprise se confondent
pour former qu’une seule entité et cela peut à la fois nuire à l’entreprise et aussi à la famille. Il
ne faut pas oublier que « les entreprises familiales sont des terrains fertiles pour le conflit »
comme le soulevaient très justement Harvey et Evans en 1994. Les conflits font partie de tous
les systèmes, familiales ou non et se produisent lorsque les attentes diffèrent d’une personne à
l’autre et lorsque ces attentes ne sont pas compatibles. Les conflits peuvent subvenir dans la
famille comme dans l’entreprise, or lorsque les deux systèmes sont enchevêtrés, un conflit
familial peut vite devenir un conflit professionnel. Par conséquent, ce qui affecte la famille
d’un point de vue émotionnel, affecte également l’entreprise d’un point de vue professionnel
et économique en ajoutant un frein à la performance de l’entreprise. De même, un conflit dans
le milieu professionnel peut également affecter grandement les relations entre les membres de
la famille au sein même de la maison familiale. C’est donc une configuration à éviter car
risquée pour la survie de l’entreprise mais aussi de la famille.

2. LA REPRESENTATION TRI-SYSTEMIQUE

Il existe un autre modèle qui peut être intéressant à développer dans ce travail car il
découpe le système famille en deux, prenant en considération les attentes des individus qui
peuvent parfois diverger de celle de la famille dans sa globalité. En 2003, Habbershon et al.
créent la représentation tri-systémique de l’entreprise familiale (cf. schéma 2).

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CHAPITRE 1 : LES SPÉCIFICITES DE L’ENTREPRISE FAMILIALE ET LES DYSFONCTIONNEMENTS
ORGANISATIONNELS

Schéma 3 : Le modèle tri-systémique d’Habbershon et al. (2003).

Ce modèle peut également être représenté sous la forme suivante (cf. schéma 4), qui nous
semble plus pertinent dans ce travail sur les coûts cachés :







Entreprise




Famille Individus


Schéma 4 : proposition de modélisation tri-systémique (S. Rochecouste, 2018)

Cette représentation illustre le fait que les attentes et comportements de la famille, des
individus, ainsi que de l’entreprise sont dans la plupart des cas hétérogènes. La famille a des
attentes et des besoins, qui se distinguent des individus et qui évoluent dans le temps. Ces
attentes même si elles diffèrent en fonction des systèmes, suivent une certaine tendance en
fonction du cycle de vie de l’entreprise. Ainsi, le cycle de vie de l’entreprise familiale peut
être mis en relation avec le cycle de vie de ses membres familiaux (cf. annexe 4).

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CHAPITRE 1 : LES SPÉCIFICITES DE L’ENTREPRISE FAMILIALE ET LES DYSFONCTIONNEMENTS
ORGANISATIONNELS

Dans le schéma présenté en annexe 4, nous distinguons deux courbes représentant deux cycles
de vie qui évoluent de manière plus ou moins symétrique. La première courbe représente le
cycle de vie de l’entreprise (qu’elle soit familiale ou non). On distingue cinq phases
différentes :
- La phase de recherche où émerge l’idée
- La phase de lancement où l’idée se matérialise
- La phase de croissance lorsque le projet fonctionne et arrive à se vendre sur le marché
- La phase de déclin qui nécessite un virage stratégique afin de relancer la croissance de
l’entreprise
À chaque phase correspond ainsi un niveau de profitabilité, qui augmente dans le temps
jusqu’à la phase de déclin où les profits diminuent progressivement.

En mettant en relation le cycle de vie des membres familiaux, il nous est possible de
distinguer quatre phases différentes de la famille fondatrice, en fonction notamment de l’âge
de l’entreprise, l’âge des parents et des enfants.

La première phase est celle de l’espoir, où les fondateurs peuvent croire en leur projet mais ne
sont pas certains que cela fonctionne. Au cours de cette phase les attentes financières des
membres fondateurs sont faibles car tout est investi dans le projet.

La phase suivante est celle de l’ambition, en lien avec la phase de croissance de l’entreprise.
Le projet est en croissance rapide, nécessitant temps et argent avec pour seule motivation le
succès de l’affaire. Les attentes financières de la famille augmentent progressivement mais la
priorité stratégique reste le succès de l’affaire. À ce stade les enfants sont encore jeunes (entre
0 et 10 ans).

La troisième phase qui est celle de l’engagement correspond à la phase de maturité de


l’entreprise. Les profits stagnent en atteignant leur plus haut niveau, l’organisation devient
plus large et complexe et les attentes financières de la famille augmente considérablement car
les besoins de confort et d’éducation progressent avec l’âge des enfants (entre 15 et 25 ans).

Enfin, la phase du détachement correspond à la phase de déclin de l’entreprise. Les profits


n’augmentent plus et tendent même à baisser, et les membres familiaux se détachent
progressivement du projet commun qui est l’entreprise familiale. Toutefois, les attentes

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CHAPITRE 1 : LES SPÉCIFICITES DE L’ENTREPRISE FAMILIALE ET LES DYSFONCTIONNEMENTS
ORGANISATIONNELS

financières ne baissent pas car le niveau de vie acquis jusqu’à présent implique de percevoir
au moins le même niveau de rémunération.

Il est intéressant de noter dans cette représentation que lorsque l’entreprise entame sa phase de
déclin, sa profitabilité est en baisse alors que les attentes financières des membres familiaux
stagnent. Les besoins de l’entreprise se retrouvent donc opposés à ceux de la famille, qui,
pour entretenir le niveau de vie acquis au fil du temps, s’octroie le même niveau de
rémunération. Dans cette phase de déclin, l’entreprise doit entreprendre un virage stratégique
important qui dans la majorité des cas nécessite un investissement important, à la fois moral
et financier. Or les enfants entrent dans la vie adulte et ont des besoins de plus en plus larges :
fonder une famille, construire une maison, ou se construire une carrière par exemple. Ainsi,
lorsque les profits auraient dû, pour les besoins de l’entreprise et son renouvellement
stratégique, être réinjectés dans l’entreprise, le taux de distribution des dividendes augmente
pour subvenir aux besoins de la famille et de la nouvelle génération. Ce cas de figure a été
constaté au sein de l’entreprise Immersub, que nous étudierons dans la deuxième partie de ce
mémoire professionnel.

3. PEUT-ON CONTROLER CES SYSTEMES AFIN DE LES RENDRE PLUS


PERFORMANT ?

Lorsque l’on parle du contrôle des systèmes, nous ne pouvons passer outre la notion
de cybernétique. Développé par le mathématicien américain Norbert Wiener (1948), ce
concept désigne une science du contrôle des systèmes vivants ou non-vivants, visant à la
connaissance et au pilotage de ces systèmes.

Un système cybernétique peut être défini selon l’auteur comme un ensemble d’éléments en
interaction, où ces interactions prennent la forme d’échanges de matière, d’énergie, ou
d’information. Ce sont ces interactions entre les éléments du système qui forment un « tout »
avec des caractéristiques spécifiques, que chacun des éléments pris séparément ne possède
pas.

En 1950, Wiener met en garde les responsables politiques contre les conséquences d’une
évolution « post-industrielle » des structures de la société dans laquelle l’homme pourrait être
libéré du travail, mais il met en garde contre le chômage et l’exclusion sociale. La

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CHAPITRE 1 : LES SPÉCIFICITES DE L’ENTREPRISE FAMILIALE ET LES DYSFONCTIONNEMENTS
ORGANISATIONNELS

cybernétique a ainsi fourni des voies de développement intéressantes pour le contrôle de deux
systèmes importants : la société et l’économie. Nous citerons ici quatre principes majeurs
d’une politique cybernétique :

• L’équilibre des flux du circuit socio-économique, en améliorant la communication


et greffant des interactions entre les éléments, et en éliminant les boucles néfastes.
Dans notre société moderne, l’application de ce principe cybernétique peut être
représenté par une fiscalité qui intégrerait les paramètres écologiques.

• Répartir l’équilibre. Ce principe de la cybernétique est très intéressant car il consiste


à accompagner une mesure qui peut être défavorable à une catégorie de personnes par
une contre mesure favorable destinée à équilibrer la première mais pas sur le même
terrain. L’équilibre est ainsi rétabli et réparti, en prenant en considération tous les
éléments composant le système cybernétique.

• Favoriser la remontée des informations. Il est plus que nécessaire de stimuler la


communication et donc de mettre en place des outils permettant la remontée des
informations de la périphérie du système (soit, là où les décisions s’appliquent) vers
son noyau, où les décisions sont élaborées.

• Fermer les boucles de rétroaction : si un élément agit sur un autre élément, alors le
second élément doit agir en retour sur le premier. C’est un principe de réciprocité qui
peut être très intéressant à appliquer dans un système cybernétique. En politique, le
concept du « pollueur payeur » est un exemple d’application de ce principe de
fermeture des boucles de rétroaction.

L’entreprise familiale peut être considérée comme un système cybernétique, car il y a des
interactions constantes entre les différents éléments composant le système : des échanges de
matière (financière par exemple, mais pas seulement) et d’information. L’application des
principes cybernétiques à l’entreprise familiale peut ainsi intéressante pour favoriser le
contrôle des systèmes et leur équilibre.

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CHAPITRE 1 : LES SPÉCIFICITES DE L’ENTREPRISE FAMILIALE ET LES DYSFONCTIONNEMENTS
ORGANISATIONNELS

D. SYNTHÈSE : ENTREPRISES FAMILIALES ET COÛTS CACHÉS

Pour le professeur Gérard HIRIGOYEN « l’entreprise familiale est une arène


émotionnelle. Elle fait ressortir les limites de l’approche rationnelle (au sens de la théorie
classique) de la décision, du comportement, et du fonctionnement des organisations » (1984).
Une des spécificités les plus importante de la gouvernance des entreprises familiales est
qu’elle implique une gestion à la fois sociale, psycho-sociale et économique, plus que dans
n’importe quel type d’organisation. C’est là où l’application de la cybernétique devient
pertinente pour ce type d’organisation, car au travers des principes énoncés précédemment,
nous pouvons concevoir l’idée de contrôler ces systèmes et leurs interactions afin de favoriser
la performance du « tout ».

1. L’ARBITRAGE COUTS EMOTIONNELS – COUTS FINANCIERS

Il existe des coûts cachés dans toutes les organisations, qu’elles soient managériales ou
familiales. Le problème majeur des coûts cachés n’est pas en soi de les repérer, mais d’arriver
à les réduire et les transformer en performance. Or le changement de pratique et politique
dans une organisation est toujours source de nouveaux problèmes et dysfonctionnements :
résistance des collaborateurs, perte de confiance en l’organisation, perte de motivation. De
plus lorsqu’il s’agit de contrôle de la performance, la résistance est d’autant plus redoutable.

Le problème que rencontre les entreprises familiales avec les coûts cachés réside dans le fait
que ces dysfonctionnements sont souvent connus mais toutefois acceptés par les membres de
la direction. Dans ce cas de figure, il n’y a pas de réelle volonté de la part des dirigeants de
réduire ces coûts, car les contrôler pourrait entraîner des conflits latents ou ouverts dans les
systèmes famille et entreprise. Pour reprendre l’expression utilisée par Crozier et Friedberg «
les entreprises familiales sont des terres fertiles pour les conflits » et lorsque les systèmes
famille et entreprise sont enchevêtrés et non équilibrés (cf. schéma 2) les conflits apparaissant
dans l’entreprise peuvent être répercutés dans la famille, abîmant ainsi les liens familiaux qui
unissent les membres de l’organisation.

Afin de sauvegarder l’unité familial et d’éviter des conflits qui peuvent nuire à la fois à
l’entreprise et la famille, il est donc préférable dans certains cas de supporter ces coûts
financiers pour l’entreprise, car ils seraient moins lourds à supporter que les coûts

29
CHAPITRE 1 : LES SPÉCIFICITES DE L’ENTREPRISE FAMILIALE ET LES DYSFONCTIONNEMENTS
ORGANISATIONNELS

émotionnels relatifs à la régulation de ces dysfonctionnements. On peut ainsi observer dans


l’entreprise familiale, un arbitrage entre les coûts financiers supportés par l’entreprise et les
coûts émotionnels supportés par la famille. Pour illustrer ces propos nous pouvons prendre
l’exemple d’un salarié d’une entreprise familiale, également membre de la famille, qui aurait
des problèmes personnels affectant son travail et son assiduité. Les problèmes rencontrés par
l’individu sont connus de la famille, qui choisi ainsi de ne pas tenir rigueur de son manque
d’implication dans son travail (pouvant se manifester par des absences répétées par exemple)
car lui reprocher ses manquements pourrait faire naître des conflits au sein du système famille.
Or dans une entreprise de type managériale, l’employeur ne cherche pas forcément à
comprendre les causes des absences répétées du salarié, mais ne regarde que les conséquences
négatives de ce manque d’assiduité sur les résultats et la performance de l’entreprise.

Il est intéressant de noter que plus l’entreprise familiale est jeune, soit entre la première et la
deuxième génération, plus les coûts cachés seront importants car l’enchevêtrement des
systèmes famille et entreprise sera plus importante. Au stade de la deuxième génération, nous
sommes encore dans la famille nucléaire au sens de Durkheim (parents – enfants), les liens
familiaux sont donc encore solides et l’entretien des bonnes relations entre les membres
familiaux est primordial pour assurer la pérennité de l’entreprise.

Nous pouvons également faire le lien avec le cycle de vie de l’entreprise familiale. Au
lancement de l’entreprise, les membres familiaux sont très engagés car souhaitent que le
projet aboutisse et rencontre un certain succès, ils se mettent ainsi au service de l’entreprise.
La phase de croissance stimule par la suite cet engagement, l’effort fourni par les membres de
l’entreprise est récompensé par la croissance de celle-ci. À la phase de maturité, l’engagement
des membres familiaux peut se réduire car les chiffres de l’entreprise se stabilisent. Durant
cette phase il est donc possible de voir apparaître un certain nombre de dysfonctionnements
organisationnels entraînant des coûts cachés : retards au travail, manque d’implication,
surconsommation des biens et services de l’entreprise, sursalaires etc. Comme nous l’avons
expliqué précédemment, la direction ne cherchera pas nécessairement à prendre des mesures
correctives pour réduire ces dysfonctionnements, qui sont perçus comme acceptables et qui
ont par voie de conséquence, tendance à augmenter. Toutefois, au delà de l’impact négatif que
peuvent avoir ces dysfonctionnements sur l’entreprise et son fonctionnement, il peut
également y avoir un impact néfaste sur les autres membres de l’entreprise qui ne sont pas
membres de la famille.

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CHAPITRE 1 : LES SPÉCIFICITES DE L’ENTREPRISE FAMILIALE ET LES DYSFONCTIONNEMENTS
ORGANISATIONNELS

2. L’IMPACT DES COUTS CACHES SUR LA PERFORMANCE GLOBALE DE


L’ENTREPRISE FAMILIALE

Être salarié et également membre de la famille d’une organisation familiale c’est un


peu comme être un élève et se retrouver dans la salle de classe d’un de ses parents instituteur :
même s’il y a un effort de neutralité de la part de l’instituteur, l’élève sera toujours perçu
comme privilégié par rapport à ses camarades de classe. Il perdurera toujours une certaine
jalousie de la part des autres membres de l’organisation vis à vis du salarié membre familial,
et ce même si ce dernier est moins bien gratifié que la majorité des autres employés. En réalité
le membre familial aura toujours un traitement favorable de la part de la direction mais il y a
toutefois une certaine limite à ces pratiques.

Le problème survient lorsque la différence de traitement entre le membre familial et le


membre non familial est jugée trop importante, freinant ainsi la motivation et l’implication
des membres non familiaux de l’organisation à participer au succès de l’entreprise. Certains
dysfonctionnements peuvent être jugés acceptables par les membres non familiaux, tel que la
surconsommation de certains biens et services ou même les sursalaires, mais lorsque ces
dysfonctionnements touchent à l’activité même de l’entreprise et que ces derniers ont un
impact négatif sur le service ou le produit final, le mécontentement des autres employés se fait
sentir d’une manière ou d’une autre.

Ainsi, les dysfonctionnements qui étaient auparavant causés par un seul membre de
l’organisation (membre de la famille), deviennent généralisés car les autres membres de
l’entreprise perçoivent une injustice trop importante. Il est évident que tous les salariés ne
vont pas se mettre à s’absenter régulièrement ou se permettre des retards quotidiens (même si
dans certains cas cela peut arriver), mais c’est la motivation même de l’ensemble des salariés
de l’organisation qui est mis à mal, mettant ainsi en péril la performance globale de
l’entreprise.

Dès lors, il semble logique de s’interroger sur les moyens permettant d’améliorer la
performance durable de l’entreprise et de réduire les dysfonctionnements. La méthode des
coûts-performances cachés est une méthode de gestion socio-économique qui mérite que l’on
s’y intéresse.

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CHAPITRE 1 : LES SPÉCIFICITES DE L’ENTREPRISE FAMILIALE ET LES DYSFONCTIONNEMENTS
ORGANISATIONNELS

II. LA METHODE DE CONTROLE DE GESTION SOCIO-


ECONOMIQUE : UNE DEMARCHE PERTINENTE POUR REDUIRE
LES DYSFONCTIONNEMENTS ORGANISATIONNELS ET LES
COUTS CACHES DES ENTREPRISES FAMILIALES

La mise en œuvre d’une méthode de contrôle de gestion socio-économique pour


réduire les coûts cachés ou les transformer en performance requiert avant tout la
compréhension des concepts et l’origine de la méthode. Après avoir étudié l’intérêt pour les
auteurs d’avoir développé une telle méthode, nous nous pencherons sur la mise en application
de celle-ci au sein d’une organisation.

A. UN RESIDU DE VALEUR INEXPLIQUEE

1. L’ORIGINE DE LA METHODE DES COUTS CACHES

La théorie-méthode des coûts cachés a été inventée par le professeur Henri Savall en
1974. Elle a été par la suite développée et propagée avec son équipe de l’ISEOR au travers de
l’observation approfondie de 1854 entreprises et organisations de taille variée (effectifs de 2 à
30 000 employés), dans 42 pays et 72 secteurs d’activité différents.

Ce programme de recherche a permis d’identifier que malgré les différences de pays, de


secteurs d’activité, de taille et de statut juridique d’entreprises, celles-ci présentent une
certaine « pathologie » commune. Pour Savall, l’approche macroéconomique ne permettait
pas de rendre compte du processus de création de valeur. En 1972, des chercheurs français ont
étudié la croissance française sur 30 ans, et ont démontré que la moitié de la création de
valeur calculée selon les modèles économétriques classiques ne pouvait s’expliquer par la
formule macroéconomique classique : Y = f (K*L), soit par la variation des quantités de
capital et des quantités de travail.

Il existe ainsi un résidu de 50% de la valeur produite qui ne peut s’expliquer par les méthodes
classiques. Savall et Zardet se sont ainsi penchés sur la question afin d’expliquer l’origine de
ce résidu. Ils émettent ainsi deux déductions :

32
CHAPITRE 1 : LES SPÉCIFICITES DE L’ENTREPRISE FAMILIALE ET LES DYSFONCTIONNEMENTS
ORGANISATIONNELS

- il manque à la formule classique une variable essentielle qui permettrait de prendre en


compte cette création de valeur non visible.
- ils déduisent également que les instruments de mesure que l’on connaît bien tel que la
comptabilité nationale et la comptabilité d’entreprise, ne permettent pas de détecter ou
de mesurer cette variable inconnue (Savall et Zardet 2005, 2011).

Tout le travail de Savall et Zardet repose ainsi sur la recherche d’explication de ce résidu de
50% de valeur inexpliquée. Pour qualifier ce résidu de valeur, Savall propose le concept de
coûts-performances cachés selon l’idée qu’un individu peut percevoir certains éléments
visibles, mais n’en perçoit pas d’autres qui se trouvent cachés.

2. UNE APPROCHE COLLABORATIVE AFIN DE REDUIRE LE FOSSE ENTRE LA


THEORIE ET LA PRATIQUE

Afin de percer le mystère du résidu de valeur inexpliqué, les chercheurs décident


d’adopter une méthodologie différente en pénétrant les organisations économiques afin d’y
observer les processus et les phénomènes qui accompagnent la création de valeur. C’est ainsi
qu’ils créent la méthodologie de recherche-intervention d’ordre qualimétrique, permettant
d’étudier en profondeur les phénomènes de création de valeur au sein des organisations et
prenant la forme d’une méthode de contrôle de gestion socio-économique.

Savall et Zardet cherchent ainsi à distinguer la méthode des coûts cachés des méthodes de
contrôle de gestion classiques en se rapprochant au plus près du terrain et des collaborateurs
participant à la création de valeur. La méthode repose ainsi sur le paradigme de l’Evidence-
Based Management - EBM (Pfeffer et Sutton 2006 ; Rousseau 2006) qui signifie l’élaboration
de connaissances théoriques, à partir d’une observation rigoureuse des faits sur le terrain.
Éliminer le fossé entre la théorie et la pratique semble être en effet indispensable afin de
rendre crédible une action de contrôle pour l’ensemble des parties prenantes. En 2006, Van de
Ven et Johnson proposaient une analyse de l’écart entre la théorie et la pratique, en arrivant à
la conclusion qu’il y avait un problème de production de connaissances. Ils développent ainsi
le concept d’Engaged Scholarship (la recherche engagée et collaborative) qui repose sur deux
principes : la coproduction de connaissances entre chercheurs et praticiens, et l’arbitrage
contradictoire qui signifie la validation des observations au travers d’un dialogue entre
chercheurs et praticiens.

33
CHAPITRE 1 : LES SPÉCIFICITES DE L’ENTREPRISE FAMILIALE ET LES DYSFONCTIONNEMENTS
ORGANISATIONNELS

La recherche-intervention qualimétrique de la méthode des coûts cachés s’appuie ainsi sur le


cadre la recherche engagée et collaborative ainsi que sur l’EBM, car elle vise à coproduire des
connaissances avec les acteurs de l’organisation au travers de divers entretiens avec les
personnes engagées dans le processus de création de valeur. La pratique de la recherche
intervention qualimétrique a fait émerger trois grands principes (Buono et Savall 2007, 2015 ;
Buono et al. 2018) :
• L’interactivité cognitive : le fait que la construction de la connaissance collective
résulte de l’interaction entre deux ou plusieurs acteurs. Chaque membre d’une
organisation est ainsi porteur de connaissance ce qui justifie la nécessité d’une entente
entre le chercheur et le terrain.
• La contingence générique : toute situation est contingente mais une analyse
approfondie révèle un composant générique qui se retrouve dans d’autres situations.
• L’intersubjectivité contradictoire : dialogue permettant à deux personnes dont les
points de vues divergent, de construire au cours du temps une représentation commune
acceptable.

En considérant ainsi que les systèmes comptables classiques sont essentiellement centrés sur
les coûts-valeurs visibles et non cachés des activités humaines, les chercheurs décident
d’adopter une approche à la fois économique et sociale du contrôle de gestion, en impliquant
les collaborateurs dans le contrôle de la performance.

B. LE CONTROLE DE GESTION SOCIO-ECONOMIQUE

1. LES TROIS PRINCIPES FONDAMENTAUX DU CONTROLE DE GESTION


SOCIO-ECONOMIQUE

Depuis 1974, le contrôle de gestion socio-économique et sa méthode des coûts cachés


ont été implantées dans plusieurs entreprises de taille diverses : Brioche Pasquier pour les ETI,
Pôle Emploi ou l’URSSAF pour les organisations publiques, ou encore au sein de certaines
professions libérales comme dans les cuisines de l’institut Paul Bocuse.

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CHAPITRE 1 : LES SPÉCIFICITES DE L’ENTREPRISE FAMILIALE ET LES DYSFONCTIONNEMENTS
ORGANISATIONNELS

Le contrôle de gestion socio-économique repose sur trois principes fondamentaux qui le


distinguent des autres méthodes de contrôle de gestion tel que le tableau de bord prospectif de
Robert Kaplan et David Norton, ou encore les méthodes de Lean management initiées dans
les usines japonaises du groupe Toyota. Savall et Zardet cherchent justement à aller au delà de
ces méthodes de réduction des coûts qui ont tendance à réduire l’activité de l’organisation et
négliger le capital humain. Les trois principes sont donc les suivants :

Ø Cette méthode de contrôle de gestion repose avant tout sur la base de recherches-
interventions fondées sur l’observation des pratiques concrètes de contrôle.
L’observation du processus globale de la création de valeur dans l’entreprise est donc
le point de départ de la méthode.

Ø Le contrôle de gestion socio-économique repose sur l’hypothèse que la performance


durable d’une entreprise dépend à la fois de sa performance sociale, soit la satisfaction
des salariés et des parties prenantes à l’organisation, et de sa performance économique.

Ø Enfin, il repose sur la méthode des coûts cachés qui permet d’évaluer et mesurer les
conséquences économiques des dysfonctionnements, souvent pas pris en compte par
les systèmes d’informations traditionnels.

L’objectif principal du contrôle de gestion socio-économique consiste à améliorer la capacité


de survie-développement d’une organisation en recyclant ses coûts cachés en performances
pour dégager des ressources utiles au développement de l’activité (Voyant et al. 2017).
Dans le cadre d’un travail sur les entreprises familiales, il semble logique d’appliquer cette
méthode à ce type d’organisation qui s’inscrit justement dans une logique de performance
durable avec une vision dite long-termiste contrairement aux autres organisations
économiques. Dans son ouvrage « la pérennité des entreprises », Arie de Geus, considéré
comme le père de l’organisation apprenante, décrit les caractéristiques spécifiques aux
entreprises de grande longévité : elles ont les capacités d’apprendre et de s’adapter ; elles sont
porteuses de valeurs ainsi qu’une forte identité et inspirent un fort sentiment d’appartenance ;
elles sont tolérantes et ouvertes aux expériences non conventionnelles ; elles savent également
préserver leurs ressources et assouplir leur organisation pour favoriser leur évolution.

35
CHAPITRE 1 : LES SPÉCIFICITES DE L’ENTREPRISE FAMILIALE ET LES DYSFONCTIONNEMENTS
ORGANISATIONNELS

Arie de Geus montre clairement que l’entreprise vivante (entreprise familiale) est guidée par
un souci de pérennité à long terme, alors que l’entreprise économique est guidée par un
principe de profitabilité à court terme.

De même, dans leur enquête sur la résilience des entreprises familiales face à la crise, Alain
Bloch, Nicolas Kachaner et Sophie Mignon démontrent que les entreprises familiales
performantes (de type Michelin, Ricard, Hermès) partagent certaines caractéristiques
communes :
+ des compétences stratégiques pour une performance durable (capacité d’anticipation,
rapidité de prise de décision, qualité de l’exécution) ;
+ des traits communs source de résilience face à la crise (frugalité, ambidextrie,
fiabilité) ;
+ une attention particulière portée au facteur humain (stabilité de l’emploi, valeurs fortes
et implication émotionnelle dans le management).

Tout laisse ainsi penser que l’entreprise familiale est un terrain propice à l’application de cette
méthode de contrôle de gestion qui concilie l’économique et le social.

2. LES TROIS AXES DU CONTROLE DE GESTION SOCIO-ECONOMIQUE

La durée moyenne d’implantation du contrôle de gestion socio-économique est


d’environ 8 mois dans les entreprises de moins de 100 salariés, et de 12 mois dans les
entreprises plus conséquentes en termes de ressources humaines. Tous les managers sont
impliqués dans la méthode de contrôle, qui repose sur le principe de « décentralisation
synchronisée » : les managers utilisent les outils avec l’assistance du contrôleur de gestion
(principe de décentralisation), lui même piloté par la direction de l’entreprise (principe de
synchronisation). La conception du contrôle de gestion socio-économique repose sur trois
axes que nous allons détailler successivement.

D’abord, un axe politique, qui vise à stimuler les décisions politiques et stratégiques de la
direction de l’entreprise concernant le contrôle de gestion et la négociation de ses objectifs
avec les acteurs. L’objectif étant de stimuler l’engagement de la direction de l’entreprise.

36
CHAPITRE 1 : LES SPÉCIFICITES DE L’ENTREPRISE FAMILIALE ET LES DYSFONCTIONNEMENTS
ORGANISATIONNELS

Puis il mobilise également un axe instrumental au travers des outils de contrôle de gestion
utilisés par l’équipe de direction et le contrôleur de gestion. Savall et Zardet distinguent six
domaines et instruments incontournables pour favoriser la performance socio-économique et
créer une cohérence managériale intra-organisationnelle : la gestion du temps, la grille de
compétences, le tableau de bord de pilotage, le plan d’actions stratégiques internes et externes,
le plan d’actions prioritaires et le contrat d’activité périodiquement négociable.

Enfin, l’axe processus orienté vers la résolution des problèmes et des dysfonctionnements.
Cet axe peut être découpé en trois modules distincts :

Ø Le module qualitatif : le diagnostic socio-économique


Au travers des entretiens qualitatifs avec au moins 30% des salariés, l’évaluateur recherche
les dysfonctionnements autour de six thèmes en lien avec le fonctionnement de l’entreprise et
sa création de valeur : les conditions de travail, l’organisation du travail, la communication-
coordination-concertation, la gestion du temps, la formation intégrée et la mise en œuvre
stratégique.

Ø Le module financier : l’évaluation des coûts des dysfonctionnements


Le module financier consiste à comptabiliser les dysfonctionnements au travers de nouveaux
entretiens, cette fois quantitatifs et financiers. L’objectif étant de repérer la cause des
dysfonctionnements au travers de cinq indicateurs : l’absentéisme, les accidents de travail et
les maladies professionnelles, la rotation du personnel, les défauts de qualité et les écarts de
productivité directe (ou ce qu’on appelle également la sous efficacité).

Après avoir repéré les causes des dysfonctionnements, on recherche le coût des conséquences
des dysfonctionnements, appelés « actes de régulation ». Ces actes de régulation sont
composés de six éléments :
o Les sursalaires : lorsqu’une activité est réalisée par une personne occupant un poste
mieux rémunérée que celui qu’il devrait normalement assumer, ou lorsque des salaires
sont versés à des personnes absentes ;
o Les surtemps : correspondent à des activités de régulations qui prennent du temps
supplémentaire (mais pas comptabilisé) ;
o Les surconsommations : ce sont des biens et des services qui sont consommés en
excès par le personnel de l’organisation ;

37
CHAPITRE 1 : LES SPÉCIFICITES DE L’ENTREPRISE FAMILIALE ET LES DYSFONCTIONNEMENTS
ORGANISATIONNELS

o Les non-productions : surviennent en cas d’absence d’activité ou d’un arrêt de travail ;


o Les non-créations de potentiel
o Les risques qui correspondent à des actes de régulations futures ou probables.

On constate ainsi que ces actes de régulations sont de deux types : les activités humaines
d’une part, dont le coût est mesuré en fonction de la contribution horaire à la valeur ajoutée
sur coût variable. D’autre part les surconsommations de biens et services qui sont évaluées à
partir des coûts d’achat de ces biens et services.

Ø Le module de présentation du diagnostic socio-économique : la recherche


collaborative de solutions d’améliorations
Lorsque le diagnostic est complet, il est présenté aux personnes interviewées afin de valider
les dysfonctionnements et les coûts cachés identifiés. Le groupe de projet socio-économique
aura donc pour objectif de trouver des solutions pour réduire les dysfonctionnements et
convertir les coûts cachés en performances.

Le tableau suivant présente le modèle général de calcul des coûts cachés à partir des causes
des dysfonctionnements, et des coûts des conséquences des dysfonctionnements (actes de
régulations) mentionnées précédemment.


Surconsommations

Non-créations de
Non-productions
Sursalaires

potentiels
Surtemps

risques

Absentéisme

Accident du travail
Rotation du personnel
Défauts de qualité
Écarts de productivité directe

Schéma 5 : Modèle de calcul des coûts cachés

38
CHAPITRE 1 : LES SPÉCIFICITES DE L’ENTREPRISE FAMILIALE ET LES DYSFONCTIONNEMENTS
ORGANISATIONNELS

3. LE CONTROLE DE GESTION SOCIO ÉCONOMIQUE APPLIQUE AUX


ENTREPRISES FAMILIALES

Compte tenu des spécificités des entreprises familiales, nous pouvons rajouter à cette
méthode de contrôle de gestion socio-économique une étape qui semble primordial pour
évaluer l’interaction entre les systèmes famille – entreprise. Cette étape consistera en effet à
réaliser au préalable un diagnostic relationnel de la famille et des différentes relations entre
les membres familiaux.

Dans un premier temps, l’utilisation d’un génogramme peut être pertinent pour se faire une
vision générale des relations entre les individus. Conceptualisé par Mc Glodrick et Gerson en
1985, ce modèle est une représentation graphique d’un arbre généalogique schématisant les
relations entre les individus d’une même famille. Au départ utilisé pour la médecine, cet outil
est désormais largement au service de la sociologie et la psychologie.

Il existe également un autre outil intéressant pour poser un diagnostic relationnel de la famille.
Conceptualisé par Olson et al. (1979). Le modèle du Circomplexe est enraciné dans la théorie
des systèmes, et a été construit pour faire un pont entre théorie, recherche et pratique dans la
psychologie de la famille.


Schéma 6 : Carte des couples et familles selon les dimensions de cohésion et de flexibilité
(Olson et al. 1979).

39
CHAPITRE 1 : LES SPÉCIFICITES DE L’ENTREPRISE FAMILIALE ET LES DYSFONCTIONNEMENTS
ORGANISATIONNELS

Il permet de poser un diagnostic relationnel à partir de trois dimensions que sont la cohésion,
la flexibilité et la communication.

Ø La cohésion
La dimension cohésion familiale est définit comme l’attachement qui unit les membres du
couple et de la famille. Elle est mesurée selon un certain nombre de variable : les liens
émotionnelles, l’implication dans la famille, la relation maritale, les relations parents-enfants,
les frontières internes (l’utilisation du temps et de l’espace, la prise de décision) et les
frontières externes (gestion des relations amicales, des intérêts et des activités).

Elle consiste avant tout à évaluer la façon dont les systèmes couple et famille balancent entre
séparation et unité.

La cohésion est mesurée par 5 niveaux : « désengagée » ; « quelque peu connecté » ; «


connecté », « très connecté » et finalement « enchevêtré / trop connecté ».

Ø La flexibilité :
La dimension de flexibilité peut être définie comme le degré de changement dans les rôles et
les règles familiales. Elle est mesurée selon un certain nombre de variables : le leadership, la
discipline, les négociations, la répartition des rôles, les règles de fonctionnement.

Elle a pour objectif d’évaluer la façon dont les systèmes couple-famille balancent entre
stabilité et changement.

La flexibilité est mesurée par 5 niveaux : quand elle est très basse, le système est dit « rigide /
inflexible », puis au fur et à mesure que la flexibilité est plus élevée, le système est dit «
quelque peu flexible », « flexible », « très flexible », t finalement « chaotique / trop flexible ».

Ø La communication
Enfin la dimension communication est celle qui n’apparaît pas sur le schéma du modèle du
circomplexe. Elle est considérée comme la dimension « facilitatrice » qui permet à la famille
de modifier son niveau de cohésion et de flexibilité. Elle est évaluée selon la qualité

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CHAPITRE 1 : LES SPÉCIFICITES DE L’ENTREPRISE FAMILIALE ET LES DYSFONCTIONNEMENTS
ORGANISATIONNELS

d’expression (parler pour soi et pour les autres), d’écoute, d’ouverture, de continuité, de
respect et de considération.

La combinaison des deux dimensions (cohésion et flexibilité) permet de construire une carte
des relations couple-famille qui aboutit à 25 types de relations en fonction du croisement des
cinq niveaux de chaque dimension.

Avant d’appliquer la méthode de contrôle de gestion socio-économique à l’entreprise


familiale étudiée, il conviendra avant tout d’établir le diagnostic relationnel de la famille afin
de mesurer le degré d’enchevêtrement des systèmes et les différentes relations qui peuvent
être sources de dysfonctionnements organisationnels.









41
PARTIE
PRATIQUE

42
LE CAS IMMERSUB & CO. LTD :
UNE GESTION NÉCESSAIRE DES
COÛTS CACHÉS DANS UN NOUVEL
ENVIRONNEMENT CONCURRENTIEL.

43
CHAPITRE 2 : LE CAS IMMERSUB & CO. LTD : UNE GESTION NÉCESSAIRE DES COÛTS CACHÉS
DANS UN NOUVEL ENVIRONNEMENT CONCURRENTIEL

Dans le but d’illustrer l’importance de l’impact des coûts cachés sur une entreprise
familiale, nous nous pencherons dans ce cas d’étude sur la situation d’une petite PME
familiale positionnée dans le secteur maritime à l’île Maurice, pour qui tout semblait
extrêmement prometteur. Cependant, certaines décisions prises par la direction familiale de
l’entreprise et les évènements qui ont suivi, ont conduit à remettre en question la pérennité de
cette organisation. Cette situation peut-elle aujourd’hui s’expliquer par l’importance des
dysfonctionnements dans l’entreprise ? C’est ce que nous tenterons ici de démontrer. Après
avoir évalué l’importance des coûts cachés de cette entreprise, nous tenterons de proposer des
mesures correctives pouvant améliorer la performance durable de l’entreprise face à son
nouveau concurrent.

I. L’ENTREPRISE FAMILIALE IMMERSUB

Avant tout, commençons par le commencement en retraçant l’histoire de la famille et


de l’entreprise, afin de comprendre l’évolution de la situation et la position délicate dans
laquelle elle se trouve aujourd’hui.

A. UNE IDÉE, UN MARCHÉ

Comme toute entreprise, l’histoire d’Immersub commence avec de l’ambition et une


idée, concrétisée par la suite en projet, puis en succès. La famille R (famille fondatrice de la
société Immersub dont le nom complet a été écourté pour ce travail) a toujours eu des
ambitions entrepreneuriales louables, de la fabrication de coffrets médicales pour les radeaux
de survies, au commerce de peintures antifouling pour navires marchands, il y a toujours eu
un certain effort co-entrepreneurial en lien avec le milieu marin. Cela sans réelle surprise car
le père de la famille R est un ancien Capitaine de la marine marchande, ayant passé plus de
dix huit ans de sa vie à naviguer sur les océanes du globe. Quant à la mère de famille, une
professionnelle incontestée attachée à la perfection et au service de qualité. Ce couple
d’entrepreneur a, comme tout entrepreneur à succès, essuyé de nombreux échecs avant
d’arriver à une idée ingénieuse et difficilement égalable. Pour Immersub, la naissance de cette
idée n’est pas seulement due au couple d’entrepreneur visionnaire, mais également à la
passion de leur aîné pour une profession très particulière, celle de la plongée professionnelle.

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CHAPITRE 2 : LE CAS IMMERSUB & CO. LTD : UNE GESTION NÉCESSAIRE DES COÛTS CACHÉS
DANS UN NOUVEL ENVIRONNEMENT CONCURRENTIEL

L’entreprise familiale Immersub a donc vu le jour grâce à la fusion de deux professions à la


fois proches distinctes et complémentaires : la mariage entre la navigation et la plongée
professionnelle, donnant naissance au métier de plongeur commerciale encore inexistant sur
le territoire mauricien il y a quatorze années de cela. Ainsi, fondée en 2004 à l’île Maurice,
l’entreprise a en effet su saisir l’opportunité de se positionner sur un marché de niche, celui
des travaux de réparations et de maintenance sous-marines ou plus communément appelé la
plongée commerciale. Ce secteur se distingue de la plongée touristique qui consiste
essentiellement à l’exploration de sites de plongée, un marché qui bénéficie de l’attractivité
touristique de l’île mais qui est de fait atomisé en raison du grand nombre de concurrents dans
ce secteur d’activité (hôteliers, entreprises privées, etc.). En revanche, nous pouvons décrire
un marché de niche comme un marché très étroit sur lequel une entreprise dispose d’une
position très forte et relativement protégée. Le secteur de la plongée commerciale semble
remplir ces critères de définition, requérant un savoir-faire et des compétences particulières,
ce qui représente une importante barrière à l’entrée pour d’éventuels intéressés.

B LES DIFFERENTS SERVICES PROPOSÉS PAR IMMERSUB

Parmi les services proposés par la société, un d’entre eux sort particulièrement du
cadre, car elle représente en moyenne 65% du chiffre d’affaires réalisé par l’entreprise. Il
s’agit des opérations de nettoyage de coques et de polissage d’hélices de navires marchands
essentiellement. Concernant cette activité dont la législation reste encore incertaine dans
plusieurs pays du monde, il a été estimé que le nettoyage sous-marin permettrait à l’ensemble
de la flotte australienne de navires marchands, de guerre et de pêche d’économiser jusqu'à 300
millions de litres de carburant et 320 millions de dollars par année. D’où l’intérêt grandissant
pour les armateurs et les affréteurs de prendre la décision de s’arrêter dans un port où ils
bénéficieront de ce type de service.

D’un point de vue législatif à l’île Maurice, il est judicieux de préciser que la société
Immersub est contrainte depuis 2010 de respecter un quota de deux nettoyages de coques de
navires par mois. Cette contrainte légale justifiée par des préoccupations environnementales,
contribue également à l’élévation des barrières à l’entrée pour d’éventuels concurrents sur ce
marché.

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CHAPITRE 2 : LE CAS IMMERSUB & CO. LTD : UNE GESTION NÉCESSAIRE DES COÛTS CACHÉS
DANS UN NOUVEL ENVIRONNEMENT CONCURRENTIEL

Le schéma suivant représente la matrice BCG regroupant les principales activités de la société
Immersub (cf. Schéma 9).




10% VEDETTES DILEMMES



TAUX DE CROISSANCE DU MARCHÉ

Class
Survey
Autres
travaux



Nettoyage de
coques
5%




Hélices
Cale
sèche


0%
VACHES À LAIT POIDS MORTS
10 1 0

PART DE MARCHÉ RELATIVE (PMR)

Schéma 7 : La matrice BCG de l’entreprise Immersub

Les cercles représentant les activités principales de l’entreprise sont de tailles différentes afin
d’illustrer leurs contributions dans le chiffre d’affaires de la société. On peut ainsi distinguer
cinq activités principales :

D’abord le nettoyage de coques, qui représente plus de 60% du chiffre d’affaires de


l’entreprise car ayant la plus grande rentabilité, sans forcément nécessiter de besoins
financiers très important. Cette activité est très lucrative et c’est également une des activités
phares de l’entreprise qui détient des compétences stratégiques importantes grâce à la grande
expérience de ses ressources humaines pour ce type de travaux. On constate ainsi que cette

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CHAPITRE 2 : LE CAS IMMERSUB & CO. LTD : UNE GESTION NÉCESSAIRE DES COÛTS CACHÉS
DANS UN NOUVEL ENVIRONNEMENT CONCURRENTIEL

activité se trouve sur la matrice entre la « vedette » et la « vache à lait ». L’objectif étant ainsi
pour Immersub de transformer cette activité en une pure vache à lait afin de maximiser la
rentabilité et les profits de l’entreprise.

Le polissage d’hélice est une activité qui peut être comprise dans le nettoyage complet du
navire. Mais lorsque le quota de nettoyage de coques est atteint (pour rappel, la société est
contrainte de respecter un quota de deux navires par mois), elle ne peut que proposer le
polissage d’hélice. Ce travail permet aux navires de gagner entre 10% et 12% de performance
seulement, alors qu’un nettoyage de coque peut garantir un gain de performance pouvant
atteindre les 40%. De fait, ces travaux sont moins rentables que les nettoyages car ils
rapportent moins d’argent, mais demande toutefois moins de ressources humaines pour les
réaliser (besoins financiers moins importants).

Les Class Surveys autrement dit les inspections de navires sous l’égide de sociétés de
classifications (type Bureau Veritas ou Lloyds par exemple), sont des activités intéressantes
pour l’entreprise car témoignent de son professionnalisme. À ce jour, Immersub est accrédité
par sept sociétés de classifications, et reçoit environ deux demandes d’inspections à flot par
mois. Ces activités sont donc classées en vedette car même si elles ne sont pas aussi rentables
que les nettoyages, elles permettent à l’entreprise de jouir d’une très forte réputation dans le
secteur de la marine marchande.

Parmi les autres travaux réalisés par l’entreprise, nous pouvons citer les travaux de réparations
en tout genre tel que la soudure et le découpage hyperbare, le renflouage de navire ou la pose
de câbles de fibre optique par exemple. Certains travaux sont à très fortes valeurs ajoutées et
peuvent être extrêmement rentables, mais demandent des besoins financiers qui dépassent
parfois les capacités d’investissements de l’entreprise. Dans bien des cas, l’équilibre entre les
dépenses et les gains pour ce type de travaux est flou, et l’entreprise préfère décliner les
appels d’offres de peur de ne pas avoir suffisamment de cash flow pour respecter les termes
du contrat de service.

Enfin les travaux de mise en cale sèche représentent un poids morts pour l’entreprise. La
rentabilité est très faible, de même que les besoins financiers, mais l’entreprise ne souhaite
pas abandonner pour autant cette activité car elle permet de garder de bonnes relations avec

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CHAPITRE 2 : LE CAS IMMERSUB & CO. LTD : UNE GESTION NÉCESSAIRE DES COÛTS CACHÉS
DANS UN NOUVEL ENVIRONNEMENT CONCURRENTIEL

les chantiers navales de l’île Maurice qui sont des concurrents indirectes d’Immersub. La cale
sèche est en effet un service de substitution important, car un navire peut se voir offrir les
mêmes types de services, mais à sec. Toutefois, la cale sèche est nettement plus coûteuse
qu’un entretien à flot qui nécessite moins de temps et d’argent.

Véritable pionner dans le domaine de la plongée commerciale, Immersub a toujours joui


d’une position de monopole naturel, justifiée par l’existence de nombreuses barrières à
l’entrée sur son marché de niche. En tirant profit de cette innovation de service, cette affaire
familiale a su se construire une réputation encore inégalée localement dans ce secteur
d’activité, attirant au fil du temps de plus en plus d’intéressés. Face à l’attractivité
économique de ce secteur en plein développement, plusieurs acteurs de taille conséquente ont
tenté d’acquérir le savoir-faire d’Immersub, proposant ainsi joint-venture, prise de
participation minoritaire ou encore rachat de la société dans son intégralité. Conserver ses
valeurs et sa particularité « familiale » devenait dès lors un enjeu majeur pour cette petite
entreprise. Malgré le grand nombre de propositions, Immersub a souhaité préserver ses
valeurs et garantir la qualité de ses services en conservant un capital à 100% familial.
Cependant, le refus de ces propositions n’a certainement pas su freiner l’élan de ces entrants
potentiels, mais a eu pour effet contraire le don d’alimenter cette envie de prendre des parts de
marché dans ce secteur d’activité.

L’année 2018 marquera à jamais cette entreprise familiale qui, pour la première fois de son
histoire a du faire face à l’arrivée d’une concurrence féroce et inattendue.

C. UNE SITUATION DE MONOPOLE PENDANT 14 ANS, JUSQU’AU JOUR OU…

Le monopole est une situation de marché dans laquelle un seul producteur fait face à
une multitude d’acheteurs. Il s’applique par l’existence de barrières à l’entrée, par
l’impossibilité pour d’autres entreprises de pénétrer le marché. Cette situation est
généralement perçue comme un objectif ultime où une entreprise seule sur son marché,
national ou international, répondrait à elle seule à la demande et fixerait elle-même son prix.
Mais cette situation qui, faut-il le rappeler n’est jamais éternelle, n’est pas toujours bénéfique,
non seulement pour le consommateur mais aussi pour l’entreprise en monopole.

48
CHAPITRE 2 : LE CAS IMMERSUB & CO. LTD : UNE GESTION NÉCESSAIRE DES COÛTS CACHÉS
DANS UN NOUVEL ENVIRONNEMENT CONCURRENTIEL

Du point de vue du consommateur, ce dernier n’a pas le choix de l’offre sur le marché, il est
donc contraint de se tourner vers le seul offreur, au prix auquel ce dernier voudra bien lui
vendre le produit ou le service. Le consommateur n’aura pas non plus le choix de la qualité du
service ou du produit. En résumé, deux solutions s’offrent au consommateur : acheter le
produit/service ou non.

Du côté de l’entreprise en situation monopolistique, le pouvoir que confère cette


configuration du marché peut s’avérer néfaste pour la survie et la réputation de l’entreprise.
Un des pouvoirs majeurs du monopole est la liberté de fixer ses prix. Pendant quatorze ans,
Immersub fixait ses prix de manière très aléatoire, en fonction de ses besoins
d’investissements, de ses projets ainsi que ceux de la famille car il ne faut pas oublier que
nous sommes dans le cadre d’une affaire familiale. Cette situation peut parfois créer la
confusion pour les clients, qui se voient pour un même service payer des prix différents. De
même, concernant la qualité du service offert, il n’y a pas de réelle crainte pour la société de
voir son client aller voir la concurrence car elle est la seule organisation capable d’offrir ce
type de service. Heureusement pour Immersub, il n’a jamais été question de lésiner sur la
qualité du service offert, même en situation de monopole.

Enfin, lorsque l’on se trouve en situation de monopole et que l’on a conscience du nombre de
barrières à l’entrée à franchir pour pénétrer le marché, le pouvoir que l’on croit détenir peut
rendre aveugle ou pire encore, immobile. Pour Immersub, les évènements survenues au cours
de l’année 2018 illustrent de manière plus que parfaite cette hypothèse selon laquelle le
monopole peut conduire à un certain immobilisme et une perte de contrôle du marché, face à
l’arrivée d’un compétiteur décidé à franchir les barrières à l’entrée du marché en question.

En janvier 2018, une société sud-africaine de plongée commerciale décide de


s’internationaliser et pénétrer le marché mauricien avec comme service phare : le nettoyage
de coques de navires à flot. Les sud-africains décident ainsi de s’attaquer au gros morceau de
gâteau, mais choisissent de contourner le quota de deux navires par mois en proposant une
technologie nouvelle, supposément plus écologique. Ils obtiennent ainsi l’aval des autorités
pour procéder à dix nettoyages par mois, soit huit de plus qu’Immersub. Ils proposent
également comme service le polissage d’hélice, les inspections de routines (car ils ne sont pas

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CHAPITRE 2 : LE CAS IMMERSUB & CO. LTD : UNE GESTION NÉCESSAIRE DES COÛTS CACHÉS
DANS UN NOUVEL ENVIRONNEMENT CONCURRENTIEL

encore accrédités par les sociétés de classifications) ainsi que les autres travaux de
maintenance et de réparation sous-marines.

Les dirigeants de l’entreprise pouvaient-ils prévoir cette situation ? Aurait-elle pu être évitée ?
Aujourd’hui encore ces questions hantent les dirigeants de la société Immersub, qui pour la
première fois de leur carrière se questionnent sur la pérennité de celle-ci dans un
environnement concurrentiel qui leur était encore inconnu jusque là. .

D. UNE PERTE DE CONTROLE EVITABLE

À la question : « les dirigeants pouvaient-ils prévoir cette situation ? », nous


répondrons par l’affirmative. En réalité, l’entrée potentielle du concurrent sud-africain sur le
marché mauricien a été annoncée dès la fin de l’année 2016 lors d’une réunion avec
l’ensemble des parties prenantes du secteur. Toutefois, le pouvoir que détenait encore
Immersub à cette époque sur son marché n’a pas poussé l’entreprise à prendre les mesures
nécessaires pour empêcher l’arrivée du concurrent. En réalité, aussi sérieux que cette réunion
pouvait être, les dirigeants de l’entreprise Immersub ne croyait pas au projet sud-africain.
Nous ne pouvons donc pas dire que cette situation était imprévisible, bien au contraire, elle
aurait même pu être évitée. Alors la perte de contrôle du marché en 2018 peut-elle s’expliquer
par l’existence ou l’excès de dysfonctionnements organisationnels, propres à l’entreprise
familiale Immersub ? C’est ce que nous tenterons de démontrer dans la partie suivante.

II. LES COUTS CACHES DE LA SOCIETE IMMERSUB

La mise en place de la méthode des coûts cachés n’est pas chose facile car cette
pratique nécessite une coopération générale de l’ensemble des membres de la direction de
l’entreprise. Comme précisé précédemment, la durée moyenne du contrôle de gestion socio-
économique est d’environ 8 mois dans les entreprises de moins de 100 salariés, comme chez
Immersub.

Dans le cas étudié, nous pouvons dire que c’est un peu par sérendipité que la méthode des
coûts cachés a été plus ou moins appliquée à cette entreprise familiale d’une quinzaine de

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CHAPITRE 2 : LE CAS IMMERSUB & CO. LTD : UNE GESTION NÉCESSAIRE DES COÛTS CACHÉS
DANS UN NOUVEL ENVIRONNEMENT CONCURRENTIEL

salariés. En effet, comme nous l’avons également mentionné plus tôt dans ce travail, le
principal problème que rencontre les entreprises familiales avec les coûts cachés réside dans
le fait que ces dysfonctionnements ne sont pas toujours cachés mais acceptés par la direction
de l’entreprise. Chez Immersub comme dans bien d’autres entreprises familiales, l’entreprise
supporte des coûts pour le compte de la famille, tout comme la famille peut supporter des
coûts pour le compte de l’entreprise mais nous ne rentrerons pas ici dans ce sujet.

Afin d’étudier en profondeur les causes de certains de ces dysfonctionnements au sein de


l’entreprise, il convient dans le cadre d’une évaluation des coûts cachés d’une entreprise
familiale, d’analyser dans un premier temps les relations au sein de la famille. Dans le cas
d’Immersub, nous avons réalisé un diagnostic psychosociologique et socio-économique afin
de révéler les différents dysfonctionnements qui peuvent freiner la performance de
l’entreprise. Nous étudierons ainsi dans un premier temps le diagnostic psychosociologique
de la famille qui nous sera utile pour mesurer les liens familiaux et nous permettrons par la
suite d’expliquer certaines causes des dysfonctionnements que nous avons pu relever au sein
de cette organisation.

A. ETUDE PSYCHOSOCIOLOGIQUE DE LA FAMILLE FONDATRICE


D’IMMERSUB

1. LE GENOGRAMME DE LA FAMILLE R

L’étude psychosociologique de la société Immersub c’est avant tout l’étude de la


famille fondatrice de l’entreprise. La famille R compte dans ses rangs trois filles et deux
garçons, pour un total de sept membres dans la famille. C’est une famille nombreuse, dont les
besoins financiers sont conséquents et également justifiés par le fait que le plus jeune membre
de la famille nécessite un encadrement médical et paramédical très important. Issus de milieu
tout à fait modeste, le couple d’entrepreneur a toujours souhaité offrir le meilleur cadre de vie
à ses enfants, en les faisant grandir dans un environnement sain et harmonieux favorisant ainsi
un lien familial uni entre tous les membres, malgré les écarts de générations.

Le génogramme suivant permet de résumer les relations entre les individus dans les systèmes
famille et entreprise.

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CHAPITRE 2 : LE CAS IMMERSUB & CO. LTD : UNE GESTION NÉCESSAIRE DES COÛTS CACHÉS
DANS UN NOUVEL ENVIRONNEMENT CONCURRENTIEL

Schéma 8 : Génogramme de la Famille R, fondatrice de la société Immersub.

Nous avons choisi de représenter dans ce génogramme uniquement les relations de mariages
et de naissances qui ont un lien avec l’entreprise. Pour cette raison la famille paternelle n’est
pas représentée dans ce génogramme. Comme nous pouvons le constater, la famille R est
composé de cinq enfants : Amaury, Tessa, Gabrielle, Samuel et Océane. Parmi les enfants,
deux sont officiellement membres de l’entreprise familiale : l’aîné Amaury qui peut être
également considéré comme un des fondateurs de la société, et Samuel qui a rejoint très
récemment l’organisation. Mise à part les relations conflictuelles et distantes existantes entre
certains membres de la famille d’un des co-dirigeants de l’entreprise Immersub , nous
sommes forcés de constater qu’il y a un lien d’affection très fort entre l’ensemble des
membres de la famille R, symbole d’une très bonne entente entre les individus.

2. LE DIAGNOSTIC RELATIONNEL DE LA FAMILLE A TRAVERS LE MODELE


DU CIRCOMPLEXE D’OLSON

L’absence de conflits majeurs est un aspect très positif pour la famille mais aussi pour
l’entreprise, mais ce qui est important de mesurer dans le cadre d’une entreprise familiale

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c’est avant tout le degré d’enchevêtrement entre les différents systèmes. En ce sens, il est
pertinent d’utiliser ici le modèle du circomplexe d’Olson, qui permet de poser un diagnostic
relationnel sur la famille à partir de trois dimensions : la cohésion, la flexibilité et la
communication.

Schéma 9 : Le modèle du circomplexe d’Olson appliquée à Immersub

Le schéma ci dessus est une représentation du modèle d’Olson dans sa globalité. L’auteur
distingue dans sa carte 16 types de famille en fonction du degré de cohésion familiale et du
degré de flexibilité. La variable communication n’est pas représenté sur cette carte car
considérée comme une dimension facilitatrice, modifiant le niveau de cohésion et de
flexibilité au sein de la famille. Pour Olson, plus la famille se trouve au centre du modèle,
plus elle est fonctionnelle. Inversement, plus elle est éloignée du centre, plus elle est
productrice de dysfonctionnements.

Ø Évaluation du niveau de cohésion

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Selon Olson et son équipe, cette dimension qui définie l’attachement unissant les membres de
la famille est mesurée selon un certain nombre de variables que nous avons étudié dans la
première partie.

La culture de la famille sur un petit territoire comme l’île Maurice est un aspect très important
de la vie insulaire. Tel un petit village de province, tout le monde se reconnaît par le nom de
famille. On retrouve en effet cette idée de propriété socio-émotionnelle (Nicholson et
Bjoenberg, 2007) car on s’identifie sans cesse à la famille mais aussi à l’entreprise. Ainsi, il
faut aussi préciser que le paysage économique de l’île est constitué à plus de 95%
d’entreprises familiales.

Si on garde en tête une conception restrictive de la famille (parents et descendants, soit le


couple Dorys Pierre-Yves et les cinq enfants), il est nécessaire de signaler qu’il n’existe aucun
conflits (latents ou déclarés) entre l’ensemble des membres de la famille. Il y a une très bonne
cohésion au sein de la fratrie : les frères et sœurs s’impliquent dans la vie de famille ainsi que
dans la vie de l’entreprise. À titre d’exemple, Amaury (le frère aîné) est celui qui possède les
compétences techniques stratégiques dans la société Immersub ; son savoir faire est
indispensable à l’entreprise. Le lien émotionnel s’est très récemment renforcé de manière
importante avec la naissance du premier petit-fils de Dorys et Pierre-Yves, Léo. De son côté
Gabrielle est très impliquée dans la vie de famille car elle est très proche de la petite dernière
(Océane) qui demande beaucoup d’attention en raison de graves problèmes de santé. Elle joue
également un rôle important dans l’entreprise en tant que consultante juridique. Samuel quant
à lui est le dernier membre à avoir officiellement rejoint l’entreprise familiale et est amené à
assurer la gestion de l’organisation aux côtés de son frère aîné avec qui il est très proche.
Enfin, la fille aînée de la famille (Tessa) ne vit pas sur le territoire mauricien, mais reste
cependant très attachée au cocon familial qu’elle tient à rendre visite au moins deux fois par
an.

La relation parents-enfants est également très forte : la mère détient un rôle de soutient moral
et affectif, alors que le père veille à assurer aux enfants un avenir certain et sécurisé (un toit
ou un sol pour chaque enfant de la famille, avant même qu’ils n’aient la majorité et les
moyens financiers). Toutefois, les parents ne s’ingèrent pas dans la gestion des relations

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amicales ou même amoureuses de leurs enfants, car ils accordent une confiance totale en leurs
progénitures. Il y a donc une certaine volonté à accorder une indépendance aux enfants.

En ce qui concerne la relation maritale, nous pourrions la caractériser de fusionnelle mais


aussi de conflictuelle. Les deux individus sont radicalement opposés car venant de milieux
très différents : l’un est issu d’une famille de haut fonctionnaire avec un niveau de vie très
élevé (Dorys), et l’autre d’un milieu plus modeste (Pierre-Yves). Par ailleurs, les carrières
suivies par ces individus ne se ressemblent pas : l’un très académique et l’autre beaucoup plus
pratique ; ce qui permet aussi d’expliquer les divergences de point de vue. Toutefois, c’est
une fois encore ce lien émotionnel fort avec les enfants qui permet ici d’assurer la pérennité
de la famille et du couple maritale malgré les quelques différents.

Pour conclure, nous pouvons caractériser la cohésion familiale comme « liée » voire «
enchevêtrée » même si il existe des frontières externes dans la relation parents-enfants. Les
liens émotionnels demeurent en effet très forts, ce qui justifie ce niveau de cohésion très fort.

Ø Évaluation du niveau de flexibilité

La flexibilité peut être appréciée selon certaines variables comme le leadership, la discipline,
la répartition des rôles et les règles de fonctionnement. Comme le niveau de cohésion, le
niveau de flexibilité dépend aussi des circonstances et peut varier d’une étape de vie à l’autre.

De manière générale, nous pouvons dire que la famille R est aujourd’hui assez flexible : il n’y
a pas de réelles règles de fonctionnements, la discipline se fait naturellement sur la base de la
confiance entre les membres de la famille. Le leadership est partagé dans le couple en ce qui
concerne la vie de famille. Les changements ont lieu lorsqu’ils sont nécessaires pour
l’amélioration de la qualité de vie ou de la cohésion familiale.

Pour ce qui concerne la vie de l’entreprise Immersub par contre, le leadership peut sembler
partagé mais pas tout à fait égalitaire en termes de pouvoir. Conformément au schéma sexué
traditionnel de répartition des rôles, au sein d’Immersub c’est encore une fois l’homme qui
détient des responsabilités entrepreneuriales alors que la femme elle a un rôle plus
administratif. Cette répartition des rôles peut s’expliquer par les carrières respectives suivies

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par le couple : Dorys détient des compétences en management et tout ce qui englobe
l’administration ; alors que Pierre-Yves quant à lui possède une réelle expérience « sur le
terrain ». Par conséquent, leurs points de vue divergent sur bien des sujets car il existe une
réelle dichotomie entre la sphère administrative qui connaît les besoins routiniers de
fonctionnement de l’entreprise, et la sphère « entrepreneuriale » qui implique des décisions
d’investissements plus délicats (acquisition d’immobilisations, gestion financière etc.).
Relativement à ces décisions, on constate que le niveau de flexibilité varie entre « structurée »
voire « rigide » (du côté de Pierre-Yves) et « souple » pour la mère de famille. Dans un co-
preneuriat où les pouvoirs et le leadership sont partagés, le niveau de flexibilité n’est donc pas
figé, mais dépend à la fois des circonstances, de l’importance de la décision à prendre et de
l’état de santé de l’entreprise. En effet comme nous avons pu le voir dans les enseignements
de Madame A. Villégier (2018) – Dimensions psychologiques des entreprises familiales,
l’état de santé de l’entreprise affecte de manière significative les relations entre les membres
de l’entreprise familiale : une bonne santé économique par exemple est synonyme d’un
environnement plus calme, moins tendu. À contrario, des difficultés économiques de
l’entreprise dans une période de crise par exemple, tend à complexifier les relations entre les
membres qui subissent une pression pesante dans l’organisation. Dans tous les cas, le niveau
de flexibilité dépendra du compromis trouvé entre le couple de dirigeant, qui doit
nécessairement trouver un terrain d’entente pour le maintien des bonnes relations entre les
membres.

Pour trouver ce compromis, la variable qui semble déterminante est celle de la


communication.

Ø La variable communication

La variable communication dans le modèle du circomplexe est certainement celle qui fait le
moins parler d’elle, alors que c’est à travers cette variable que la famille peut modifier son
niveau de cohésion et de flexibilité. Dans le cas d’un co-preneuriat la communication est
d’autant plus importante car le pouvoir et le leadership est partagé entre le couple. Ainsi,
chacun dispose d’une voix et peut peser dans la balance. Par ailleurs, les enfants jouent
également un rôle important dans les décisions prises par l’entreprise familiale, d’autant plus
si ces derniers sont membres de celle-ci.

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Au sein d’Immersub, certaines décisions sont prises en consultation avec le conseil de famille,
incluant bien évidemment les enfants dans le processus décisionnel. Les enfants, qu’ils soient
membres ou non membres de l’entreprise, sont amenés à donner leur avis. Dans bien des cas,
nous avons pu constater que pour des décisions impliquant des orientations stratégiques
importantes ou des investissements importants, le père de famille devenait très rigide et
refusait le changement (i.e achat de nouveaux outillages, nouvelles machines etc.). Le seul
moyen de parvenir à modifier ce niveau de flexibilité était la variable communication au
travers de réunion familial. Il est pertinent de noter ici qu’intégrer les enfants dans ce
processus décisionnel (membres ou non membres de l’entreprise familiale) est déterminant
car ils permettent de réguler le débat et agir en tant que médiateur entre le couple de dirigeant
dont les avis sont souvent opposés.

Toutefois, compte tenu des responsabilités assurées par le père de famille, notamment la
gestion financière de l’entreprise, il est pertinent de noter que certaines décisions qui
impliquent un décaissement important ou non sont parfois bloquées par le père de famille, qui
souhaite toujours garder une trésorerie au moins trois fois supérieure à son besoin en fonds de
roulement. De même certaines décisions d’investissements (mineurs ou même majeurs) sont
parfois prises sans consulter les autres membres de la direction, entraînant parfois certains
conflits entre les membres de l’organisation. Nous pouvons ici rapprocher le profil
psychologique du père de la famille R avec le biais d’Hubris, développé par Li et Tang en
2010, qui signifie le niveau excessif de confiance en soi. Dans bien des cas ce biais peut
empêcher l’individu de prendre les décisions les plus judicieuses et rationnelles. Le dirigeant
qui a un fort Hubris a notamment plus de mal à déléguer et faire confiance aux autres, ce que
l’on peut également noter chez le dirigeant d’Immersub. Cet excès de confiance en soi, a
notamment joué en la défaveur de l’entreprise en ce qui concerne l’arrivée du nouveau
concurrent et la perte de contrôle du marché.

3 CONCLUSION DU DIAGNOSTIC RELATIONNEL DE LA FAMILLE

En résumé, nous constatons au sein de la famille R une très forte cohésion entre
l’ensemble des membres familiaux. Le niveau de cohésion familial se situe entre le niveau

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liée voire enchevêtrée car les relations entre le couple parent-enfant sont très fortes, ce qui
n’est pas forcément idéal comme nous avons pu le voir en première partie de ce travail.

Par ailleurs, le niveau de flexibilité varie entre souple et rigide, en fonction des circonstances,
de la santé de l’entreprise et de l’importance des décisions à prendre. La variable
communication permet ainsi d’ajuster ce niveau de flexibilité, lorsque les décisions sont
prises de manière démocratique avec l’ensemble du conseil de famille. Toutefois, certaines
décisions restent la chasse gardée du père de famille qui a la responsabilité des caisses de
l’entreprise et qui considère que lui seul est en mesure de prendre les décisions
d’investissements finales.

En conséquence, nous placerons la famille R sur le modèle d’Olson entre le type :


« Souplement enchevêtrée » et « Structurellement enchevêtrée ». Cette situation n’est pas
équilibrée pour l’entreprise et la famille, car les systèmes se confondent : il n’y a pas de
séparation entre la vie de l’entreprise et la vie personnelle de ses membres et il perdure une
certaine interdépendance entre les deux systèmes. Cette configuration est susceptible
d’entraîner des dysfonctionnements importants, connus ou inconnus, mais susceptibles d’être
acceptés par la direction.

B. CONSEQUENCE DE L’ENCHEVETREMENT DES SYSTEMES FAMILLE ET


ENTREPRISE

Si l’on applique Olson au schéma de Labaki que nous avons étudié en première partie,
nous arrivons à la conclusion que les systèmes famille et entreprise tendent vers
l’enchevêtrement. Il y a une certaine fidélité à l’entreprise, tout comme l’entreprise a une
certaine fidélité à la famille. Cette situation fait à la fois naître et perdurer les
dysfonctionnements qu’il peut y avoir au niveau de l’organisation. Plus ces systèmes sont
enchevêtrés, moins les coûts cachés font l’objet de mesures correctives pour réduire leur
niveau ou les transformer en performance.

Nous pouvons en effet émettre l’hypothèse d’un arbitrage entre les coûts émotionnels que
vont engendrer des mesures correctives de réduction des coûts cachés, et les coûts financiers
que doivent supporter l’entreprise au travers de ces dysfonctionnements. Dans la plupart des

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cas, les coûts émotionnels pèsent plus dans la balance lorsque les deux systèmes sont
enchevêtrés, ce qui poussent les dirigeants à fermer les yeux sur les dysfonctionnements afin
de ne pas détériorer le niveau de cohésion familiale.








- surconsommations

- sursalaires

- non-productions


- rupture de la
cohésion familiale

- risque de conflits

- affaiblissement de
l’affectio familiae

Schéma 10 : L’arbitrage coûts émotionnels – coûts financiers

Ce schéma de la balance a été réalisé selon l’étude du cas de l’entreprise familiale Immersub.
Nous émettons ainsi l’hypothèse à partir de ce cas, que la plupart des entreprises familiales
étant dans cette configuration d’enchevêtrement des systèmes, les coûts émotionnels pèsent
plus lourds que les coûts financiers. Beaucoup de PME ne dispose pas de contrôleur de
gestion pour évaluer le montant total de ces dysfonctionnements et leurs impact sur le chiffre
d’affaires de l’entreprise. Alors il devient pertinent de s’interroger sur la limite qui existe à cet
arbitrage coûts émotionnels – coûts financiers ? Dans le cas d’Immersub, cette limite a été
atteinte dès l’arrivée du premier concurrent sur le marché des travaux subaquatiques, qui a en
quelque sorte remis en question la pérennité de l’entreprise dans son environnement
économique.

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C. COUTS ECONOMIQUES ET FINANCIERS

La société Immersub emploie aujourd’hui 14 salariés et réalise un chiffre d’affaires


annuel d’un peu plus d’1 million d’euros, avec une marge sur coût variable équivalent à 819
076 euros. Le dirigeant de la société est conscient que les compétences stratégiques de
l’entreprise sont en grande partie détenue par ses ressources humaines qui participent
activement au développement et à la pérennité de l’entreprise. Ainsi pour les satisfaire, une
grande partie de leur rémunération est variable en fonction de l’activité de l’entreprise. Leur
salaire peut ainsi doubler voire tripler tous les mois si l’activité fonctionne bien. Les salariés
travaillent 7 heures par jour, 5 jours par semaine et 48 semaines par an.

Depuis quelque temps, plusieurs dysfonctionnements sont à déplorer. Le manque de


compétence de certains employés par exemple, qui engendre des surtemps pour d’autres
membres de l’organisation ou des coûts supplémentaires qui auraient pu être évités. On note
également un absentéisme assez important et des surconsommations de biens et services qui
sont supportés par l’entreprise. En outre, certains dysfonctionnements caractéristiques des
entreprises familiales ont également été constatés. Ces dysfonctionnements que l’on pourrait
même assimiler à une erreur stratégique sont liés à la politique de distribution des dividendes
de l’entreprise. Nous avons ainsi tenté d’évaluer l’impact financier de cette politique au
travers de la méthode des coûts cachés.

1. POLITIQUE DE DISTRIBUTION DES DIVIDENDES : ILLUSTRATION DE


L’OPPOSITION ENTRE LES BESOINS DE L’ENTREPRISE ET LES BESOINS DES
INDIVIDUS

i. Un taux de distribution de dividende en désaccord avec les besoins


d’investissements de l’entreprise

La perte de contrôle du marché par Immersub est non seulement dû au biais d’Hubris
du directeur de l’entreprise qui, pris d’un excès de confiance n’a pas cru en l’arrivée du
concurrent, mais également à une gouvernance de l’entreprise très particulière notamment en
ce qui concerne la rémunération des actionnaires familiaux de l’entreprise.

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Le premier coût caché que nous aborderons a été très difficile à évaluer mais nous tenterons
dans cette étude d’arriver à une estimation assez proche de la réalité. Au sein d’Immersub, il
n’y a pas de politique de distribution des dividendes, ces derniers étant distribués de manière
assez aléatoire et très rarement réinjectés dans l’entreprise. Nous avons constaté que la
politique de distribution des dividendes était fortement influencée par la vie des membres de
la famille, leurs projets et leurs besoins propres. Comme nous avons pu le voir précédemment,
le cycle de vie des membres familiaux est généralement opposé au cycle de vie de l’entreprise,
ce qui peut s’avérer problématique lorsque l’entreprise atteint un niveau critique de sa
croissance.

Il faut noter que l’entreprise Immersub se trouve depuis quelques temps à un stade critique de
son développement. En raison du quota de nettoyage de coques imposé par les autorités, son
chiffre d’affaire est en stagnation depuis ces dernières années. Le nettoyage de coque
représentant plus de 60% de son chiffre d’affaires annuel, deux choix s’offrent à l’entreprise :
la diversification de son activité pour la dépendance à cette activité, ou l’innovation
technologique afin de lever le quota de deux nettoyages par mois. La première solution
semble plus compliquée à réaliser car une diversification naturelle dans le prolongement des
activités qui font le cœur de métier de l’organisation nécessite une réflexion stratégique
importante et un risque d’échec non négligeable. Or les entreprises familiales sont réputées
pour avoir une très grande aversion aux risques de manière générale, et Immersub fait
également partie de cette catégorie. La deuxième solution, celle de l’investissement
technologique de renouvellement semble ainsi plus facilement envisageable pour une PME tel
qu’Immersub.

Dans plusieurs pays du monde l’activité de nettoyage de coques de navire a été bannie pour
des raisons environnementales. Cette interdiction peut s’expliquer par le fait qu’un navire
transporte d’un port à un autre des organismes marins sur sa coque. Comme chaque
écosystème est différent, certains organismes vivant sur la coque d’un bateau pourraient, une
fois introduit dans un autre environnement, bouleverser l’écosystème du pays dans lequel le
navire déciderait de jeter l’ancre pour se faire nettoyer. Afin de contourner cette restriction et
assurer une meilleure croissance à l’entreprise, Immersub s’est investie depuis 2016 (après
l’annonce de l’arrivée du compétiteur sud-africain) dans de la veille technologique, ayant

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pour objectif de surveiller les innovations, les projets de recherche et développement ainsi que
les informations scientifiques sur ce sujet. L’objectif ultime étant de changer les méthodes de
travail traditionnelles pour ce type de prestation, et d’adopter des procédés plus respectueux
de l’environnement et conserver ainsi la position de leader de l’entreprise sur son marché.
Toutefois, en raison de la complexité du milieu marin, ces équipements restent très longtemps
en phase de recherche et développement, et ne sont que très peu commercialisés. Ainsi dès
l’année 2017, les dirigeants d’Immersub avaient la ferme intention d’investir dans une
nouvelle technologie, mais malgré les profits réalisés durant cette année aucune provision n’a
été effectuée pour anticiper cet investissement.

Le tableau suivant montre la politique de distribution des dividendes de l’entreprise depuis


2013.

POLITIQUE DE DISTRIBUTION DES DIVIDENDES D’IMMERSUB (EN % DES


BÉNÉFICES)
Année financière 2013 2014 2015 2016 2017

% de distribution 60% 60% 75% 75% 95%

Tableau 2 : Politique de rémunération des actionnaires depuis 2013

Comme nous pouvons le constater, 95% des profits réalisés par l’entreprise durant l’année
2017 ont été distribués aux actionnaires familiaux pour des raisons très précises que sont
l’acquisition de terrains pour la famille et la construction de deux maisons familiales. Était-il
raisonnable compte tenu des futurs investissements à réaliser, d’avoir décider d’un taux de
distribution de dividendes aussi élevé ? Cette décision a t-elle été prise en concertation avec
les membres de la famille ? Nous répondrons par la négative à ces interrogations, car cette
décision a été prise pour la famille. Toujours est-il qu’aujourd’hui, l’entreprise doit investir
massivement en utilisant son cash flow, et pour une des premières fois de son histoire, par le
biais de financement externe.

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ii. Les coûts cachés de cette politique de distribution des dividendes

En janvier 2018, le compétiteur sud-africain pénètre le marché mauricien avec une


nouvelle technologie présumée écologique. Il obtient ainsi l’autorisation pour effectuer dix
nettoyages de coques par mois, contre seulement deux pour Immersub. Les dirigeants de
l’entreprise familiale décident ainsi d’activer les recherches pour l’acquisition d’une nouvelle
technologie. Toutefois, tous les profits ont été distribués, il n’y a plus de réserves et il faudra
compter uniquement sur les flux de revenus dégagés par l’activité de l’entreprise pour le
financement du nouvel équipement.

Après imposition, l’entreprise Immersub réalise en 2017 près de 400 000 euros de profit. Le
coût initial de l’investissement dans une nouvelle technologie est d’environ 500 000 euros,
incluant :

- La construction d’une nouvelle barge pour accueillir l’équipement : 225 000 euros
- Les frais de construction de la machine : 264 000 euros
- Les frais de formation pour le pilotage et la maintenance de l’équipement : 6 000
euros

Désormais, il faut rajouter à cet investissement les charges financières correspondant au prêt
demandé par la société pour financer ce projet. Immersub a toujours choisi de se développer
sans faire appel à la dette, comme beaucoup d’entreprises familiales. Si elle avait conservé au
moins 80% de ses profits, l’entreprise aurait été en mesure d’autofinancer son projet
d’investissement et conserver son indépendance financière. Mais en raison d’une politique de
distribution des dividendes trop généreuse, elle se trouve dans l’obligation de prendre ce
risque. Aujourd’hui, toute la trésorerie dégagée par l’entreprise est utilisée pour financer ce
projet, il n’y a donc aucune place pour d’autres investissements comme le marketing, qui
s’avère aujourd’hui plus que nécessaire dans un environnement concurrentiel.

En outre, afin de palier à ce manque de provisions et de réserves financières, le dirigeant


d’Immersub a passé environ 30% de son temps, ces deux derniers mois à la recherche de
financement pour son projet. Ce qui est regrettable car ce temps aurait dû être mis à profit
pour répondre aux différents appels d’offre de travaux sous-marins à haute valeur ajoutée reçu

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durant cette période. Au sens de Savall et Zardet, nous pouvons conclure qu’il s’agit d’un
manque à gagner que nous classerons ici dans la catégorie de non-création de potentiel
stratégique.

Pour évaluer ce coût, nous utiliserons la méthode ISEOR présentée en première partie, en
commençant d’abord par calculer la contribution horaire à la marge sur coût variable
(CHCAV).

CHCACV = CA-CV / Nombre d’heures de travail attendu

Les données dont nous disposons sont réunies dans le tableau ci-dessous, et concerne l’année
financière 2017 :

IMMERSUB & CO. LTD


CA HT 1 014 075,725 €
Charges variables 650 000 €
Marge sur coûts variables 819 076 €
Nombre d’heure de travail attendu sur l’année 23 520 heures
CHCACV = Contribution horaires à la marge sur coût variable 34,82 €/h

Si le dirigeant d’Immersub a passé environ 30% de son temps ces deux derniers mois à
chercher des sources de financement, plutôt qu’à gérer les appels d’offre et se concentrer sur
la croissance de l’entreprise, nous pouvons estimer ce manque à gagner à :
30% * 34,82€/h * 7h * 5j * (48*2/12) semaines = 2 924,88 €.

Si l’on ajoute à ce coût le montant des charges financières de l’emprunt effectué pour soutenir
le projet, le coût caché de cette politique de distribution des dividendes est de : 2 924,88 + 12
000 = 14 924,88 €.

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2. L’EVALUATION DES DIFFERENTS DYSFONCTIONNEMENTS DE LA


SOCIETE IMMERSUB

Nous allons désormais nous intéresser à l’ensemble des dysfonctionnements que nous
avons pu relever chez Immersub au travers de trois indicateurs proposés par Savall et Zardet :
les écarts de productivité directe, la rotation du personnel et l’absentéisme. Ces derniers ont
pu être identifiés au travers d’entretiens semi-directifs individuels. Nous avons également
choisi de rajouter une catégorie d’indicateur de dysfonctionnement qui est dans le cas de la
société étudiée, propre au caractère familiale de l’organisation et qui fait également le lien
avec l’hypothèse selon laquelle certains dysfonctionnements de ces organisations sont connus
mais acceptés pour ne pas ternir les liens familiaux. Nous appellerons cet indicateur
l’ « absence de contrôle ».

i. Les écarts de productivité.

Au sein d’Immersub, il y a un manque de compétence criant en terme d’ingénierie


mécanique. Les machines utilisées sont souvent mises à rude épreuve dans le milieu marin, ce
qui nécessite un suivi important pour la maintenance et la réparation des équipements. Dans
l’entreprise, une seule personne est officiellement affiliée à ce poste mais ne détient que des
compétences pratiques sur le terrain et non académiques. Cette personne rencontre des
difficultés majeurs à lire les plans et manuel de maintenance des équipements. Par conséquent,
lors des pannes qui durent en général 7 jours (incluant l’importation de pièces de l’étranger) le
dirigeant doit consacrer 50% de son temps à lire les plans et analyser les pièces à commander
pour la réparation de l’équipement. En se basant sur l’année 2017, nous avons constaté 6
pannes majeures, soit une panne tous les deux mois. Au sens de Savall et Zardet, le temps
consacré par le dirigeant à l’analyse des plans constitue avant tout un surtemps que l’on peut
valoriser au CHMCV :

Surtemps valorisé au CHMCV = 50% * 34,82€/h * 7 h * 5 j * 6 semaines = 3 656,1 €

Ces pannes fréquentes constituent un des plus gros dysfonctionnements de la société et


engendrent des coûts importants comme nous pouvons le voir. Ces coûts auraient pu être
réduits ou évités si la maintenance était effectuée régulièrement. Mais le dirigeant

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d’Immersub tient à ce que ce soit lui qui passe la commande des pièces détachées car il ne fait
pas confiance en ses collaborateurs à ce sujet (nous pouvons une fois encore faire un lien avec
le biais d’Hubris du dirigeant).
Il faut noter que ces pannes engendrent notamment des coûts de non productions en raison de
l’arrêt des travaux. Ces coûts sont estimés à 70 000 € (correspondant à une moyenne de cinq
opérations manqués en raison des pannes de machines).

ii. L’absentéisme

Les salariés d’Immersub sont absents en moyenne quinze jours par an. Nous nous
intéresserons plus particulièrement à l’un des membres familiaux de l’entreprise qui est par
ailleurs le chef des opérations, qui s’est absenté 60 jours durant l’année 2017. Ces absences
sont compensées par la suractivité des collègues qui assurent 60% de son activité. En d’autres
termes, il y a une inactivité de 40% qui a pour conséquence une non-production (traitement
des appels d’offres, entretien de la relation clientèle, supervision des équipes et de la qualité
du travail). Nous valoriserons cette non-production à la CHMCV :

Non-production = 40% * 7h * 60 * 34,82 €/h = 5 849,76 €

Dans une organisation économique classique, il paraît évident que ces absences ne seraient
pas acceptées par la direction. Dans le cas d’une entreprise familiale comme Immersub, il est
plus difficile de venir sanctionner un membre familial de l’entreprise car cela pourrait abîmer
les liens familiaux même si la sanction peut paraître justifiée. De manière générale, ces
absences sont justifiés par des raisons personnelles, la plupart du temps connus par la famille
qui de fait accepte plus facilement ces absences répétées.

iii. La rotation du personnel

La mauvaise intégration du personnel administratif engendre des démissions


fréquentes, constituant un véritable frein à la performance durable de l’entreprise. Cette
mauvaise intégration est également due aux absences répétées de certains membres familiaux
dans l’entreprise, laissant le personnel administratif avec une charge de travail lourde et
difficilement soutenable. Ces démissions ont pour conséquence principale de contraindre

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d’autres membres de l’entreprise à réaliser un travail qui n’était pas initialement le leur. Ainsi,
le temps passé à réaliser ces missions le temps de recruter à nouveau quelqu’un de compétent
engendre une non création de potentiel stratégique car le remplacement du personnel partant
est en général réalisé par le Business Developer d’Immersub, qui a pour mission principale
d’améliorer la qualité du service et de rechercher de nouvelles voies de développement
stratégiques pour l’entreprise.
Durant l’année 2017, le Business Developer a passé 60 % de son temps pendant 30 jours à
effectuer ce travail administratif avant de pouvoir recruter quelqu’un de compétent pour ce
poste.

La non création de potentiel valorisée au CHMCV est donc égale à : 60% * 34,82 €/h * 7 h *
30 j = 3 133,8 €.

En outre, la formation du nouveau personnel administratif requiert un contrôle et une


vérification systématique du travail des nouvelles recrues. En effet, Immersub évolue dans un
marché de niche très particulier, dont le champ lexical maritime est difficile à intégrer
rapidement. De plus, les outils à utiliser demandent un temps d’adaptation assez conséquent,
qui dépend également des aptitudes et compétences de l’individu. En 2017, le Business
Developer a passé environ 10% de son temps pendant une période de 3 mois à contrôler et
vérifier que les rapports de travaux subaquatiques étaient bien rédigés, que les montages vidéo
étaient bien réalisés et que le nouveau personnel comprenait bien les termes techniques de
bases permettant d’assurer les réponses aux clients. Ce surtemps est évalué de la manière
suivante :

Surtemps = 10% * 34,82 €/h * 7h * 5 j * 12 semaines = 1 462,44 €

iiii. L’absence de contrôle : la conséquence de la confusion des systèmes famille et


entreprise

Nous avons choisi de rajouter cet indicateur car certains dysfonctionnements observés
chez Immersub ne rentraient dans aucune autre catégorie d’indicateur proposée par Savall et
Zardet. Notre analyse nous pousse à penser que ce manque de contrôle peut se retrouver dans
plusieurs organisations familiales, qui supportent des dépenses pour le compte de la famille et

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CHAPITRE 2 : LE CAS IMMERSUB & CO. LTD : UNE GESTION NÉCESSAIRE DES COÛTS CACHÉS
DANS UN NOUVEL ENVIRONNEMENT CONCURRENTIEL

non pour celui de l’entreprise. Cet indicateur très particulier peut être perçu comme la
conséquence de la confusion des systèmes famille et entreprise.

Chez Immersub, l’absence de contrôle sur les consommables et les achats de l’entreprise de
manière générale (essence, achats d’outillage et autres consommations intermédiaires) pousse
certains membres familiaux à abuser de la caisse de l’entreprise à des fins personnels. Ces
dysfonctionnements alourdissent de manière significative les coûts variables de l’entreprise
car ils entraînent une surconsommation que l’on estime à environ 1 650 € pour l’année 2017.

De la même manière, l’absence de contrôle sur les retards des salariés au travail rallonge dans
certains cas considérablement la durée d’une opération. Or dans le secteur maritime, le facteur
temps est un avantage concurrentiel stratégique majeur. Un navire qui décide de s’arrêter dans
un port pour un service de nettoyage de coque à titre d’exemple, souhaite passer le moins de
temps possible à l’ancre, car il est contraint de respecter des délais de livraison et un
programme de voyage très stricte. L’avantage concurrentiel que détient Immersub par rapport
à son concurrent réside dans le fait qu’Immersub peut réaliser un nettoyage en un jour, alors
que son concurrent en prend cinq. Il est donc primordial pour l’entreprise de conserver cet
avantage et de respecter les délais donnés au client concernant la durée de l’opération. À
plusieurs reprises, nous avons pu constaté que les salariés se permettaient d’arriver en retard
au travail. Aucune sanction n’a jamais été prise en ce sens, pour la simple et bonne raison que
le chef des opérations (qui pour rappel est également un membre de la famille) est celui qui
compte à son actif le plus de retard au travail. Ainsi, afin de ne pas créer de différences de
traitement entre le membre familial et les membres non familiaux, la direction n’a pas
souhaité sanctionner les retards, mais compte sur le bon comportement des collaborateurs
pour arriver à l’heure prévue au travail. Ces retards constituent ainsi un surtemps, rallongeant
parfois la durée de l’opération de quelques heures. Cependant comme les travaux
subaquatiques doivent s’arrêter lorsque la nuit tombe, le navire doit rester à l’ancre un jour de
plus afin que les travaux reprennent à la première lueur du jour le lendemain.

Nous estimons la valeur de ce surtemps à 10 heures supplémentaires par mois, à 15€ par
heure, ce qui nous amène à un montant total de 1 800 €.

68
CHAPITRE 2 : LE CAS IMMERSUB & CO. LTD : UNE GESTION NÉCESSAIRE DES COÛTS CACHÉS
DANS UN NOUVEL ENVIRONNEMENT CONCURRENTIEL

Enfin, il nous a également été donné de constater un coût caché d’une importance
considérable, qui est très caractéristique de cette entreprise familiale et qui illustre une fois
encore les méfaits de l’enchevêtrement des systèmes famille et entreprise. La confusion des
systèmes famille et entreprise entraîne chez Immersub des sursalaires considérables, en
d’autres termes des salaires qui sont versés à des individus qui ne participent aucunement à
l’activité de l’entreprise mais qui sont en réalité des employés de la famille. Ces sursalaires
sont évalués à 1 250 € par mois, soit 15 000 € par an.

3. SYNTHÈSE

Suite à cette étude, nous pouvons constater l’importance des coûts cachés chez
Immersub, soit un montant total de 102 552,1 € (environ 10,1 % du chiffre d’affaires de
l’entreprise). Les coûts des dysfonctionnements les plus importants sont les non productions
qui sont à la fois causé par le manque de compétence en terme de mécanique, mais aussi par
l’absentéisme excessif de certains membres familiaux de l’entreprise.

Le manque de compétence mécanique entraîne également un surtemps important pour le


dirigeant de l’entreprise, temps qui aurait pu être mis à profit pour étudier et répondre aux
appels d’offre de gros projets qui nécessitent une attention particulière. Ces projets sont
compris dans les « autres travaux » que nous avons placés sur la matrice BCG présenté
précédemment comme une activité dilemme. Cette activité a tout intérêt à devenir une vedette,
car leur rentabilité est très forte malgré des besoins financiers importants. Une fois encore, si
la politique de distribution de dividendes de la société était moins généreuse, cela aurait
permis de garder une trésorerie solide pour avoir les capacités de répondre à ces appels
d’offres à haute valeur ajoutée. Il est difficile d’estimer ce manque à gagner car nous ne
pouvons savoir si l’offre aurait pu être allouée ou non à Immersub, mais nous pouvons
légitimement penser que ce coût d’opportunité (le fait de renoncer à répondre à ces appels
d’offres requérant des besoins financiers importants afin de conserver de la trésorerie pour le
projet) peut être valorisée à plusieurs centaines de milliers d’euros.

Par ailleurs, ignorer ces appels d’offres revient à laisser la place à d’autres concurrents sur le
marché des travaux subaquatiques à l’île Maurice. En prenant ces décisions, Immersub laisse
une ouverture aux entrants potentiels sur son marché, et risque d’autant plus de perdre le
contrôle de sa position de leader.

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CHAPITRE 2 : LE CAS IMMERSUB & CO. LTD : UNE GESTION NÉCESSAIRE DES COÛTS CACHÉS
DANS UN NOUVEL ENVIRONNEMENT CONCURRENTIEL

Si nous nous concentrons sur ce qui est réellement mesurable, les coûts cachés liés au
caractère familiale de l’organisation s’élèvent à 24 299,76 €, soit plus d’1% du chiffre
d’affaires de l’entreprise pour l’année 2017. Ces coûts comprennent :

- les sursalaires
- les surconsommations
- les surtemps causés par les retards fréquents
- les non-productions causés par l’absentéisme.

De par l’importance de ces dysfonctionnements et le poids économique et financier qu’ils


représentent pour l’entreprise, nous comprenons désormais l’intérêt de trouver des mesures
correctives pour les réduire ou les transformer en performance pour l’organisation. Nous
tenterons ainsi de proposer des mesures correctives dans le but d’améliorer la performance
globale de l’entreprise et sa pérennité sur son marché.

D. LES MESURES CORRECTIVES DE REDUCTION DES COUTS APPLICABLES


A IMMERSUB

L’objectif principal de ce travail, au delà de révéler le poids économiques et financiers


des différents dysfonctionnements liés à l’activité d’Immersub, est de proposer un plan
d’action réalisable pour améliorer la performance globale de l’entreprise. Comme nous
l’avons étudié, l’enchevêtrement des systèmes famille et entreprise favorise l’émergence de
coûts cachés, qui sont dans la plupart des cas ignorés et indirectement acceptés par la
direction de l’entreprise. Ainsi il convient avant tout de trouver des solutions pour rétablir
l’équilibre entre ces systèmes, tout en conservant la solidité des liens familiaux et la
performance de l’organisation. Nous nous intéresserons par la suite aux outils de contrôle de
gestion socio économique qui permettront à l’entreprise Immersub de contrôler, réduire et
transformer ses coûts cachés en performance.

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1. REEQUILIBRER LES SYSTEMES FAMILLE ET ENTREPRISE PAR LE BIAIS


DE LA CHARTE FAMILIALE.

L’enchevêtrement des systèmes famille et entreprise est une situation que l’on pourrait
caractériser de néfaste pour une organisation familiale. Le manque de séparation entre les
deux entités peut en effet freiner la performance de l’organisation et/ou abîmer les relations
entre les membres de la famille. Dans le cas d’Immersub, on constate que cette confusion des
systèmes entraine des dysfonctionnements qui brident l’efficacité économique de
l’organisation. Il est donc légitime de s’interroger sur le rééquilibrage possible de ces
systèmes au travers d’un outil de plus en plus utilisé par les entreprises familiales : la charte
familiale.

La première famille à avoir mis en place une charte familiale en France n’est autre que la
famille Mulliez, célèbre mais discrète famille du nord de la France possédant un des plus
grands empires économiques français incluant des entreprises comme Auchan, Immochan,
Decathlon, Saint Maclou et bien d’autres. La famille Mulliez est un exemple même de
réussite et de pérennité d’organisation familiale et tout porte à croire que cette réussite est en
grande partie due à l’établissement de certaines règles de gouvernance très stricte contenues
dans leur charte familiale.

Chez Immersub, le manque de rigueur dans la gouvernance de l’entreprise laisse planer un


sentiment de désorganisation dans l’entreprise constatable par le fort taux d’absentéisme de
certains membres (familiaux ou non familiaux), par la confusion des missions et
responsabilités, et également par des prises de décisions stratégiques non concertés avec
l’ensemble des membres de la direction. Comme nous avons pu le voir au travers du modèle
du circomplexe d’Olson, il existe au sein de la famille R une très forte cohésion entre les
membres de la famille. Ce lien familial doit être préservé pour les générations suivantes et la
charte familiale peut s’avérer efficace pour formaliser les valeurs de la famille ainsi que les
valeurs de l’entreprise si ces dernières sont différentes. Avant d’établir cette charte, la famille
doit se réunir autour d’un Conseil de famille pouvant réunir les membres familiaux de
l’entreprise mais également les membres n’en faisant pas partie. Il est également nécessaire de
fixer une fréquence de réunion régulière pour le Conseil afin de favoriser un dialogue constant
entre les membres. Ainsi, les sujets en lien avec l’entreprise devront uniquement être discutés

71
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DANS UN NOUVEL ENVIRONNEMENT CONCURRENTIEL

au sein de ce Conseil afin de séparer vie de famille et vie de l’entreprise. Il est dès lors
préférable que ce Conseil de famille se tienne en dehors de la maison familiale afin
d’accentuer la séparation des deux entités.

En outre, la charte familiale peut également inclure des articles régissant la gouvernance de
l’entreprise. Au sein d’Immersub, nous avons constaté que le biais d’Hubris du fondateur
dirigeant pouvait avoir pour conséquence des prises de décisions trop souvent contre
productives. Le manque de communication et l’excès de confiance ont à plusieurs reprises
entraîné des dysfonctionnements qui auraient pu être évités. Le Conseil de famille doit ainsi
favoriser une prise de décision plus démocratique, favorisant ainsi le niveau de flexibilité
dans la prise de décision (au sens du modèle du circomplexe d’Olson).

Enfin, la charte familiale doit également favoriser une prise de décision démocratique en ce
qui concerne la politique de distribution des dividendes. Il paraît en effet nécessaire de
privilégier la pérennité de l’entreprise lorsque celle-ci se trouve à un moment stratégique de
son développement. La politique de distribution de dividende doit donc être orienté en ce sens,
et le taux de distribution doit être voté de manière démocratique par le Conseil de famille.

En lien avec le schéma du cycle de vie de l’entreprise couplé au cycle de vie des membres
familiaux où nous avons pu faire le constat que ces deux cycles évoluaient de manière plus ou
moins opposés, nous pouvons également proposer la mise en place d’une bourse familiale au
sein de l’entreprise afin de subvenir aux différents besoins que peuvent avoir les individus de
la famille. La bourse familiale permettrait en effet aux membres familiaux de vendre leurs
actions à d’autres membres familiaux afin de pouvoir bénéficier des liquidités dont ils ont
besoin à un moment précis de leur vie. Ils pourront ensuite racheter ces actions dès qu’ils
arriveront au terme de leur projet, ou dès qu’ils auront la liquidité suffisante en leur
possession pour retrouver leur part initial dans le capital de l’entreprise. Ce mécanisme
permettrait ainsi aux membres familiaux de disposer d’une certaine liquidité, sans porter
atteinte à la performance économique de l’entreprise.

72
CHAPITRE 2 : LE CAS IMMERSUB & CO. LTD : UNE GESTION NÉCESSAIRE DES COÛTS CACHÉS
DANS UN NOUVEL ENVIRONNEMENT CONCURRENTIEL

2. LA MISE EN ŒUVRE DE PLAN D’ACTIONS POUR REDUIRE LES


DYSFONCTIONNEMENTS ET LEURS COUTS CACHES

Une fois le diagnostic des coûts cachés réalisé, la mise en œuvre du contrôle de
gestion socio-économique requiert la présentation des résultats aux membres de la direction et
aux membres de l’organisation interrogés dans les entretiens semi-directifs, c’est ce que l’on
appelle la séance « effet miroir ». Cette présentation est une étape cruciale dans la mise en
œuvre du contrôle de gestion socio-économique, car c’est l’occasion pour les collaborateurs
de débattre sur les dysfonctionnements et les coûts cachés analysés et s’entendre par la suite
sur un plan d’actions pour réduire ces coûts ou les transformer en performance.

Sans surprise, la présentation des résultats du diagnostic aux membres d’Immersub a fait
l’objet de débat et de discussions houleuses, notamment concernant le coût des non-
productions causées par l’absentéisme de certains membres familiaux ou la
surconsommations de biens et services de ces derniers. De manière générale, le diagnostic a
été validé par consensus et les membres de l’entreprise ont accepté de se plier au jeu et de
trouver des pistes d’améliorations pour réduire ces coûts.

Nous avons ainsi traité chaque dysfonctionnement de l’organisation relevé dans le diagnostic
et il a été convenu d’adopter un plan d’action pour chaque dysfonctionnement que nous
traiterons successivement.

i. Le manque de compétence en mécanique pour la maintenance des équipements

Le dysfonctionnement le plus criant et le moins contesté que nous avons révélé dans
l’analyse est le manque de compétence des salariés en terme de mécanique hydraulique. Ce
dysfonctionnement engendre un coût caché de plus de 73 000 € pour l’entreprise, entraînant
un surtemps pour le dirigeant d’Immersub qui doit parfois passer 50% de son temps à lire les
plans et passer la commande de pièces, mais entraînant par dessus tout une non production en
raison de la panne des machines. Pour palier à ce problème, l’équipe a proposé trois
solutions :

• La formation du personnel à la mécanique hydraulique

73
CHAPITRE 2 : LE CAS IMMERSUB & CO. LTD : UNE GESTION NÉCESSAIRE DES COÛTS CACHÉS
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• Le recrutement d’un ingénieur mécanique


• L’allocation de budget mensuel pour la commande de pièces à changer régulièrement

Par consensus, il a été convenu d’adopter deux de ces propositions. D’une part, le dirigeant
d’Immersub s’engage à former une partie du personnel à la mécanique hydraulique afin de
réduire le surtemps passé par ce dernier à analyser les plans et commander les pièces
nécessaires. Il est pertinent de noter qu’Immersub n’investie que très peu dans la formation de
ses ressources humaines ce qui peut engendrer un impact négatif sur la performance durable
de l’entreprise. En 2017, les dépenses de formation représentaient seulement 1,5% de la
masse salariale de l’entreprise, il y a donc véritablement un effort à réaliser en ce sens.

D’autre part, le dirigeant d’Immersub a également accepté d’allouer un budget mensuel pour
la commande de pièces à changer régulièrement. Dès lors que les dépenses à réaliser
respecteront le budget, l’accord du dirigeant pour la commande ne sera pas nécessaire.
Toutefois, si la commande de pièces dépasse le budget mensuellement alloué, le dirigeant
devra donner son accord préalable. L’objectif étant ainsi de réduire le coût du surtemps du
dirigeant, mais par dessus tout éviter les pannes majeures qui engendrent des non productions
importantes.

Afin de mesurer les retombées de ce plan d’actions, nous pouvons lister les indicateurs qui
permettront d’assurer le suivi de la performance :

Indicateurs quantitatifs :

- Évolution du CA par rapport à l’année N-1


- Évolution du budget de formation par rapport à l’année N-1
- Évolution des dépenses de maintenance et réparations des équipements / N-1
- Nombre de pannes majeures par année / N-1

Indicateurs qualitatifs :

- Temps moyen des pannes (objectif : vérifier que la formation du personnel leur permet
de repérer rapidement les problèmes et agir en conséquence).

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CHAPITRE 2 : LE CAS IMMERSUB & CO. LTD : UNE GESTION NÉCESSAIRE DES COÛTS CACHÉS
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- Temps moyen de réalisation d’une opération classique de nettoyage (objectif : vérifier


que la machine fonctionne à plein régime et que par conséquent la maintenance est
bien effectuée).

Ces indicateurs pourront également être formalisés au sein d’un tableau de bord de pilotage.

ii. L’absentéisme des membres familiaux

Dans une organisation familiale, il est plus difficile de sanctionner les membres familiaux
pour leur manque de rigueur dans leur travail. Pour Immersub, nous avons constaté que
l’absentéisme d’un membre en particulier avait pour conséquence une non production de près
de 6 000 €, en raison d’un résidu d’inactivité de 40% qui ne pouvait être compensé par les
autres collègues de travail. Ne souhaitant pas s’engager dans des sanctions financières à ce
sujet pour ne pas soulever de conflits latents ou ouverts, la direction d’Immersub ainsi que les
autres membres de l’équipe ont proposé deux solutions :
• Un transfert des compétences en terme de relation clientèle, de traitement des appels
d’offres etc.
• En cas d’absence au travail, il a été convenu que l’employé absent devrait dans la
mesure du possible compléter ses missions à la maison (télétravail).

Le transfert des compétences au personnel administratif ou au superviseur des opérations par


exemple, a pour objectif de diminuer les coûts de non-productions engendré par l’absence du
membre familial. Nous avons donc réalisé une évaluation des compétences disponibles au
sein de l’équipe afin de savoir si l’équipe peut réagir en cas d’absence du chef des opérations
pour réduire les coûts de dysfonctionnements. La grille de compétences telle que présentée ci-
dessous pourra être utilisée :

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CHAPITRE 2 : LE CAS IMMERSUB & CO. LTD : UNE GESTION NÉCESSAIRE DES COÛTS CACHÉS
DANS UN NOUVEL ENVIRONNEMENT CONCURRENTIEL

Compétence de
Connaissance des Compétence
Collaborateur Discours client plongeur
procédures administrative*
hyperbare

Amaury n n n n
Patrice n n þ

Thierry þ n þ -
Joel - n -
Jean-Jacques - - n -
Andrew þ n -
Philipe þ n n
Mélodie n n - n

n: maîtrise satisfaisante de l’opération


þ: manque de maîtrise de l’opération
: absence de pratique de l’opération mais connaissance des principes

- : pas de pratique de l’opération ni de formation théorique reçue


* Compétence administrative = aisance rédactionnelle, aisance à l’oral (français et anglais).

À la lecture de la grille de façon horizontale, nous pouvons repérer le degré de polyvalence


des collaborateurs, et dont les compétences doivent être assez satisfaisantes pour remplacer
Amaury lors des opérations importantes, sans que cela n’engendre des non-productions. Nous
pouvons dès lors constater que Patrice et Philippe sont les deux personnes les plus
compétentes pour remplacer Amaury lorsque ce dernier est absent. Il serait toutefois
nécessaire et profitable pour l’entreprise de renforcer leur maîtrise pratique de l’opération en

76
CHAPITRE 2 : LE CAS IMMERSUB & CO. LTD : UNE GESTION NÉCESSAIRE DES COÛTS CACHÉS
DANS UN NOUVEL ENVIRONNEMENT CONCURRENTIEL

terme de plongée hyperbare et de pratique administrative pour Patrice ; et en terme de


discours client et de pratique administrative pour Philippe.
Au plan vertical nous pouvons repérer les opérations vulnérables sur lesquelles les
compétences des collaborateurs doivent être développées.

Cette grille permet d’évaluer les besoins de l’entreprise et de faire monter en compétence les
employés conformément à la stratégie d’Immersub. Par dessus tout, elle permet à l’entreprise
de repérer les collaborateurs pouvant participer à la réduction des coûts cachés de l’entreprise,
engendré par l’absentéisme de certains membres de l’organisation.

Toutefois, cette proposition reste précaire car le chef des opérations détient des compétences
stratégiques qui sont parfois nécessaires sur le terrain. Dès lors que ses compétences sont
nécessaires sur le terrain, ce dernier s’est engagé à être toujours présent. En contrepartie, un
quota d’absence lui est accordé avec l’unique condition qu’il effectue ses missions à la
maison lorsqu’il s’absente. Il doit également rester joignable lors des heures de travail
lorsqu’il est absent.

Il paraît nécessaire d’opérer un suivi de ce plan d’action car dans l’hypothèse où les coûts de
ces dysfonctionnements persisteraient à l’année N+1, la direction s’est engagée à prendre des
sanctions financières envers les membres familiaux dont les absences sont récurrentes. Les
indicateurs que nous retiendrons pour suivre cette performance sont donc les suivants :

- Durée de traitement des appels d’offre


- Temps moyen de réponse aux courriels d’ordre techniques (demande d’informations
techniques des clients sur des travaux précis)
- Présence sur les grosses opérations (exemple : inspections de sociétés de
classifications, opérations sur navires de plus de 280 mètres).

iii. La rotation du personnel

Chez Immersub, l’année 2017 a également été marqué par un turnover important du
personnel administratif, en raison de la mauvaise intégration de ces derniers dans l’entreprise
et du manque d’accompagnement qu’ils on subi. Cette rotation du personnel a eu pour lourde

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CHAPITRE 2 : LE CAS IMMERSUB & CO. LTD : UNE GESTION NÉCESSAIRE DES COÛTS CACHÉS
DANS UN NOUVEL ENVIRONNEMENT CONCURRENTIEL

conséquence en 2017 un surtemps et une non-création de potentiel stratégique car ces


missions ont dues être effectuées par un autre employé qui occupait initialement un autre
poste.

Pour éviter de supporter ces coûts dans le futur, nous avons proposé l’utilisation du contrat
d’activité périodiquement négociable du contrôle de gestion socio-économique, qui permet de
motiver les ressources humaines et rétribuées leurs efforts de manière équitable. Le contrat
doit être adapté en fonction des lacunes de l’individu mais aussi en fonction des besoins de
l’entreprise en terme de qualité du service fourni. À titre d’exemple, si le responsable
administratif met trop de temps à réaliser et envoyer les rapports de travaux subaquatiques au
client, on pourra l’encourager à s’améliorer avec ce type de contrat. Ainsi, chaque semestre 4
à 5 objectifs sont négociés avec l’individu.

Le tableau suivant présente un exemple d’un contrat d’activité périodiquement négociable qui
pourrait être proposé au personnel administratif :

Objectifs du Indicateurs Etalonnage du niveau final à atteindre Moyens % de


semestre en fin de semestre pondération
3/3 2/3 1/3

Diminuer le Temps moyen 3 jours 2 jours 1 jour - 30%


temps de remise de remise des
des rapports rapports
Réactivité aux Temps moyen 7 heures 4 heures 1 heure Grille 25%
demandes de de réponse aux tarifaire
cotations demandes

Organisation et Note donnée par 12/20 15/20 18/20 Fiche 5%


rangement des le directeur lors d’évaluation
documents de ses visites
hebdomadaires

Capacité à Demande de 2 3 polissages 4 polissages - 40%


vendre les nettoyage polissages
services de transformé en
polissage (non polissage
soumis au d’hélice
quota)

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CHAPITRE 2 : LE CAS IMMERSUB & CO. LTD : UNE GESTION NÉCESSAIRE DES COÛTS CACHÉS
DANS UN NOUVEL ENVIRONNEMENT CONCURRENTIEL

L’indicateur permet de mesurer l’atteinte des objectifs, qui est échelonnée en trois étapes afin
de rendre crédible et réalisable les objectifs sur le semestre. Pour certains objectifs, certains
moyens sont mis à disposition du personnel, comme par exemple la grille tarifaire qui permet
de répondre au plus vite aux demandes de cotations des clients. Enfin, chaque objectif est
pondéré, le total devant faire 100%. La formule de versement des incitations aux salariés est
inscrite dans le contrat. Il est avant tout primordial de vérifier que le contrat d’activité
périodiquement négociable est largement autofinancé par les réductions des coûts cachés des
dysfonctionnements cités précédemment.

Cet outil nous montre que certains coûts cachés peuvent être transformés en performance pour
l’organisation. Il suffit de trouver un compromis entre les attentes de l’individu et la stratégie
de l’entreprise.

iiii. L’absence de contrôle des coûts

L’absence de contrôle des coûts de la part de la direction est une conséquence de la


confusion des systèmes famille et entreprise, dont nous espérons rétablir l’équilibre au travers
de la charte familiale. Les discussions qui ont porté sur ces dysfonctionnements ont sans
surprise provoquée de nombreuses contestations, car comme nous avons pu le démontrer
précédemment, la distinction entre la famille et l’entreprise n’est pas clairement définie. Pour
la plupart des membres familiaux, la famille est au service de l’entreprise tout comme
l’entreprise est au service de la famille.

Conscient de l’objectif principal de cette mission d’évaluation des coûts cachés qui consiste
pour rappel à renforcer la performance globale de la société et favoriser ainsi sa pérennité
dans son nouvel environnement concurrentiel, un changement majeur dans la gouvernance de
l’entreprise a été discuté : le recrutement d’un contrôleur de gestion extérieur à la famille.
L’objectif principal de cette proposition est de contrôler les coûts que doivent supporter
l’entreprise pour le compte de la famille, à titre d’exemple : les surconsommations de biens et
services et les sursalaires qui alourdissent de manière considérables les coûts fixes et coûts
variables de l’entreprise.

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CHAPITRE 2 : LE CAS IMMERSUB & CO. LTD : UNE GESTION NÉCESSAIRE DES COÛTS CACHÉS
DANS UN NOUVEL ENVIRONNEMENT CONCURRENTIEL

Cependant, le directeur de l’entreprise ne souhaite alourdir la masse salariale de l’entreprise


pour l’année en cours mais s’est engagé à réduire les coûts des sursalaires de manière
significative pour améliorer la performance de l’entreprise. Nous porterons ainsi une attention
particulière sur la gestion de la masse salariale d’Immersub afin de vérifier que ces
engagements sont respectés durant les mois à venir.



80
CONCLUSION

CONCLUSION

81
CONCLUSION

Au delà des diverses missions accomplies durant ce stage de fin d’étude, celui-ci
renfermait par dessus tout un objectif de préparation au processus de transmission. Mais
l’arrivée récente du compétiteur sur le marché anciennement contrôlé par l’entreprise
familiale est venue bouleverser le tapis de lauriers sur lequel se reposait Immersub, remettant
ainsi en question sa stratégie, sa gouvernance et par conséquent sa pérennité. La personnalité
du dirigeant et sa réaction face aux bouleversements laisse penser que ce dernier n’est pas prêt
à initier une transmission, dans une période de changement et d’instabilité.

Ce mémoire de fin d’études aura tout de même été l’occasion de mettre à profit la richesse des
enseignements académiques reçus durant ces cinq dernières années d’étude. L’évaluation des
coûts cachés et la recherche des mesures correctives pour les réduire ou les transformer en
performance, se sont présentées comme une suite logique des missions qui m’on été conférées
ces derniers mois.

Nous avons en effet pu constater que les spécificités des entreprises familiales, et plus
particulièrement l’interaction de plusieurs systèmes en son sein (famille, entreprise et
individu) ainsi que la prédominance des dimensions émotionnelles et psychosociologiques,
pouvaient engendrer des dysfonctionnements aux conséquences financières non négligeables
pour l’entreprise. En raison notamment du caractère familiale de l’organisation et de
l’enchevêtrement des systèmes, ces dysfonctionnements semblent être souvent acceptés car
les coûts émotionnels qui découleraient d’une tentative de régulation de ces
dysfonctionnements seraient plus lourds à supporter que les coûts financiers pesant sur
l’entreprise. Par conséquent, avant d’aspirer réduire ces dysfonctionnements, il conviendra
avant tout de rééquilibrer l’équation famille et entreprise tout en conservant la cohésion qui y
règne. À cette fin, la charte familiale semble être l’outil à privilégier pour assurer les principes
de cybernétiques nécessaires pour contrôler et équilibrer les interactions entre les systèmes.
Par la suite, le contrôle de gestion socio économique et ses outils pratiques permettront de
piloter la performance durable de l’entreprise, en révélant ses dysfonctionnements et les
mesures correctives possibles pour réduire les coûts cachés avec l’aide la collaboration de
l’ensemble des parties prenantes à l’entreprise.

82
CONCLUSION

On ne peut de fait qu’espérer que cette étude aura le mérite d’avoir mis en lumière «
l’invisible », et d’avoir démontré la nécessité d’un changement des pratiques de gouvernance
pour la survie de l’entreprise dans son nouvel environnement concurrentiel.

Il convient toutefois de nuancer les effets néfastes de la proximité des systèmes famille-
entreprise, car cette interconnexion peut également être bénéfique à l’entreprise, entraînant
non pas des coûts cachés mais des gains cachés. En effet, lorsque l’entreprise apporte
tellement de soutien à la famille notamment du point de vue financier, il semble parfois
nécessaire de rendre la pareille, et d’autant plus dans des situations compliquées. Immersub
est une excellente illustration de ce phénomène, car c’est l’entreprise qui a permis d’assurer
une vie confortable et un avenir heureux au couple parents-enfants, soutenant les projets
familiaux et individuels de tout un chacun. Aujourd’hui, la famille s’est résolue à investir du
capital personnel dans l’entreprise afin de financer le nouveau projet et assurer ainsi un
matelas de sécurité financière confortable à la société. Ce réengagement financier de la
famille dans l’entreprise symbolise l’objectif de pérennité si caractéristique des entreprises
familiales et la vision long-termiste qui les accompagne. Ce réengagement annonce ainsi une
nouvelle phase de développement de l’entreprise et peut être même un nouveau départ pour
celle-ci.

Apporter sa pierre à l’édifice, participer comme on peut à la pérennité du « sixième enfant »


de la famille, rien n’est plus motivant que de produire un travail qui peut permettre à
l’organisation de grandir, prospérer et se développer, tout en conservant le lien familial solide
qui unit les membres de la famille.

83
MÉMOIRE PROFESSIONNEL

TABLE DES ANNEXES

Annexe 1 : Logo de l’entreprise Immersub & Co. Ltd………………………………………85

Annexe 2 : Organigramme de l’entreprise Immersub………………………………..………86

Annexe 3 : Évolution du chiffre d’affaires…………………………………………………...87

Annexe 4 : Cycle de vie de l’entreprise familiale et cycle de vie des membres familiaux.
………………………………………………...……………………………………………... 88

Annexe 5 : Grille d’évaluation des coûts cachés…………………………………….…….....89

84
MÉMOIRE PROFESSIONNEL

ANNEXES

85
MÉMOIRE PROFESSIONNEL

ANNEXE 1

LOGO DE L’ENTREPRISE IMMERSUB & CO. LTD

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MÉMOIRE PROFESSIONNEL

ANNEXE 2

ORGANIGRAMME DE L’ENTREPRISE IMMERSUB

CEO

Capt. Pierre-Yves ROCHECOUSTE

Operations Business
Managing Director Manager Development

Mrs. Dorys ROCHECOUSTE Mr. Amaury Mr. Samuel
ROCHECOUSTE ROCHECOUSTE

Administrative Legal Advisor &


Officer Diving Inspector Q/A Manager

Mrs. Mélodie CHUNG- Mr. Patrice GRANCOURT Mrs. Gabrielle
CHIN ROCHECOUSTE

Divers

1. Joel ALBERT
2. Jean Jacques ALBERT
3. Thierry JOLLIVET
4. Phillipe WILAIN
5. Andrew Ahkong
6. Christophe PELICIER
7. Patrice GRANCOURT
8. Amaury ROCHECOUSTE

Mechanics & Boat


Attendant

Mr. Mukesh HOOKOOM

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MÉMOIRE PROFESSIONNEL

ANNEXE 3

ÉVOLUTION DU CHIFFRE D’AFFAIRES

REVENUE GROWTH (MUR)


50000000,00

45000000,00

40000000,00

35000000,00

30000000,00

25000000,00

20000000,00

15000000,00

10000000,00

5000000,00

0,00
2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017

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MÉMOIRE PROFESSIONNEL

ANNEXE 4

CYCLE DE VIE DE L’ENTREPRISE FAMILIALE ET


CYCLE DE VIE DES MEMBRES FAMILIAUX

Auteur : Samuel Rochecouste (élaboration propre).

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SURCHARGES MANQUE À GAGNER TOTAL
GRILLE D’ÉVALUATION DES COÛTS CACHÉS

SURSALAIRE SURTEMPS SURCONSO NON NON-CREATION


MMATIONS PRODUCTION DE POTENTIEL
STRATEGIQUE
ABSENTEISME
N.E N.E N.E 5 849,76 € N.E 5 849,76 €
Indicateurs de dysfonctionnements

ACCIDENTS DU
TRAVAIL N.E N.E N.E N.E N.E N.E
MÉMOIRE PROFESSIONNEL

ANNEXE 5

ROTATION DU
PERSONNEL N.E 1 462,44 € N.E N.E 3 133,8 € 4 596,24 €
DEFAUT DE
QUALITE DES N.E N.E N.E N.E N.E N.E
PRODUITS
ECART DE
PRODUCTIVITE N.E 3 656,1 € N.E 70 000 € N.E 73 656,1 €
DIRECTE
ABSENCE DE
CONTROLE 15 000 € 1 800 € 1 650 € N.E N.E 18 450 €
TOTAL
15 000 € 6 918,54 € 1 650 € 75 849,76 € 3 133,8 € 102 552,1 €


MÉMOIRE PROFESSIONNEL

TABLE DES FIGURES

Schéma 1 : La structure actionnariale de l’entreprise Immersub (élaboration propre)………..5

Schéma 2 : Les niveaux du degré d’enchevêtrement émotionnel entre les systèmes famille-
entreprise (Labaki et al. 2013)………………………………………………………………..23

Schéma 3 : Le modèle tri-systémique (Habbershon et al. 2003)…………………………….24

Schéma 4 : Proposition de représentation tri-systémique (élaboration propre)……………...25

Schéma 5 : Modèle de calcul des coûts cachés (ISEOR, 2018)……………………………...38

Schéma 6 : Carte des couples et famille selon les dimensions de cohésion et de flexibilité
(Olson et Al. 1979)…………………………………………………………………………...39

Schéma 7 : La matrice BCG de l’entreprise Immersub (élaboration propre)………………..46

Schéma 8 : Le génogramme de la famille R, fondatrice d’Immersub (élaboration propre)…52

Schéma 9 : Le modèle du circomplexe d’Olson appliquée à Immersub……………………..53

Schéma 10 : L’arbitrage coûts émotionnels – coûts financiers (élaboration propre)………...59

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MÉMOIRE PROFESSIONNEL

BIBLIOGRAPHIE

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MÉMOIRE PROFESSIONNEL

TABLE DES MATIERES

PARTIE THEORIQUE : LES SPECIFICITES DES ENTREPRISES FAMILIALES ET SES


CONSEQUENCES SUR LES DYSFONCTIONNEMENTS
ORGANISATIONNELS……………………………………………………………………………..13

I. L’ENTREPRISE FAMILIALE : ENTRE DEFINITIONS ET SPECIFICITES .......................14

A. DEFINITION DE L’ENTREPRISE FAMILIALE ......................................................................................... 14

B. LES DIMENSIONS PSYCHOSOCIOLOGIQUES DES ENTREPRISES FAMILIALES ..................................... 18
i. Le biais d’Hubris : Li & Tang 2010 ....................................................................................................... 19
ii. Le biais de préférence pour le connu (Duesenberry, 1952) et l’aversion a l’ambiguïté (Ellsberg,
1961) ..................................................................................................................................................... 20
iii. Théorie de l’échange social et fonction d’utilité .............................................................................. 21

C. SPECIFICITES DE LA GOUVERNANCE DES ENTREPRISES FAMILIALES : L’INTERACTION DE PLUSIEURS
SYSTEMES .............................................................................................................................................. 22

D. SYNTHÈSE : ENTREPRISES FAMILIALES ET COÛTS CACHÉS ............................................................... 29

II. LA METHODE DE CONTROLE DE GESTION SOCIO-ECONOMIQUE : UNE


DEMARCHE PERTINENTE POUR REDUIRE LES DYSFONCTIONNEMENTS
ORGANISATIONNELS ET LES COUTS CACHES DES ENTREPRISES FAMILIALES .......32

A. UN RESIDU DE VALEUR INEXPLIQUEE ............................................................................................... 32

B. LE CONTROLE DE GESTION SOCIO-ECONOMIQUE ............................................................................ 34

PARTIE PRATIQUE : L'ENTREPRISE FAMILIALE IMMERSUB : UNE GESTION


NECESSAIRE DES COUTS CACHES DANS UN NOUVEL ENVIRONNEMENT
CONCURRENTIEL …………………………………………………………………………...…….43

I. L’ENTREPRISE FAMILIALE IMMERSUB ...............................................................................44

A. UNE IDÉE, UN MARCHÉ ..................................................................................................................... 44

B LES DIFFERENTS SERVICES PROPOSÉS PAR IMMERSUB ..................................................................... 45

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C. UNE SITUATION DE MONOPOLE PENDANT 14 ANS, JUSQU’AU JOUR OU… ..................................... 48



D. UNE PERTE DE CONTROLE EVITABLE ................................................................................................ 50

II. LES COUTS CACHES DE LA SOCIETE IMMERSUB ............................................................50



A. ETUDE PSYCHOSOCIOLOGIQUE DE LA FAMILLE FONDATRICE D’IMMERSUB ................................... 51

B. CONSEQUENCE DE L’ENCHEVETREMENT DES SYSTEMES FAMILLE ET ENTREPRISE ......................... 58

C. COUTS ECONOMIQUES ET FINANCIERS ............................................................................................ 60
i. Un taux de distribution de dividende en désaccord avec les besoins d’investissements de
l’entreprise ............................................................................................................................................ 60
ii. Les coûts cachés de cette politique de distribution des dividendes ................................................. 63
i. Les écarts de productivité. ................................................................................................................. 65
ii. L’absentéisme ................................................................................................................................... 66
iii. La rotation du personnel .................................................................................................................. 66
iiii. L’absence de contrôle : la conséquence de la confusion des systèmes famille et entreprise ......... 67

D. LES MESURES CORRECTIVES DE REDUCTION DES COUTS APPLICABLES A IMMERSUB .................... 70
i. Le manque de compétence en mécanique pour la maintenance des équipements ......................... 73
ii. L’absentéisme des membres familiaux ............................................................................................. 75
iii. La rotation du personnel .................................................................................................................. 77
iiii. L’absence de contrôle des coûts ..................................................................................................... 79

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