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Chapitre 9

Transformation de Fourier

La transformation de Fourier décompose une fonction à valeurs complexes


de plusieurs variables réelles en ondes planes. Il s’agit donc d’une extension de
la théorie des séries de Fourier à des fonctions non nécessairement périodiques.
Dans ce chapitre, nous nous intéressons à la transformée de Fourier des fonctions
de L1 ou de L2 , au chapitre suivant nous étendrons encore cette notions aux
distributions tempérées.

9.1 Transformée de Fourier des fonctions de L1


Définition 9.1. Soit u ∈ L1 (RN ; C). La transformée de Fourier û du u est la
fonction définie pour ξ ∈ RN par

û(ξ) := u(x)e−2iπx·ξ dx,
RN

où x · ξ désigne le produit scalaire de x par ξ dans RN .

Remarquons que la définition ponctuelle de û a bien du sens partout en


raison du théorème de comparaison.
Proposition 9.2. La tranformation de Fourier est une application linéaire
continue de L1 (RN ; C) dans L∞ (RN ; C).
Démonstration. La linéarité suit celle de l’intégrale. Pour la continuité, notons
simplement que pour tout u ∈ L1 (RN ; C) et tout ξ ∈ RN ,

|û(ξ)| � |u(x)||e−2iπx·ξ | dx = �u�1 ,
RN

de sorte que �û�∞ ≤ �u�1 .


Si nous dérivons formellement û par rapport à ξi , où i ∈ {1, . . . , N }, on
obtient �
∂ û
(ξ) = −2iπ xi u(x)e−2iπx·ξ dx.
∂ξi R N

Pour justifier l’interversion de la dérivée et de l’intégrale, il suffit par exemple


que x �→ xi u(x) appartienne à L1 (RN ; C). De la même manière, pour expliciter

92
∂ 2 û
∂ξi2
il nous suffit de supposer que x �→ x2i u(x) ∈ L1 (RN ; C). Cela laisse
(ξ)
suggérer que la régularité de û est liée à la décroissance de u à l’infini.
Inversement, si u est suffisamment régulière, on peut écrire pour ξi �= 0,
� �
−2iπx·ξ 1 ∂u
û(ξ) = u(x)e dx = (x)e−2iπx·ξ dx.
R N 2iπξ i R N ∂x i

Cela suggère cette fois que la décroissance de û est intimement liée à la régularité
de u.
Introduisons l’espace de Schwartz des fonctions indéfiniment dérivables à
décroissance rapide.

Définition 9.3. (Espace de Schwartz) Une fonction u : RN → C appar-


tient à l’espace de Schwartz, noté S(RN ), si n’importe quelle de ses dérivées
partielle décroit à l’infini plus rapidement que l’inverse de tout polynôme. Plus
précisément,
� �
N ∞ N N β α
S(R ) = u ∈ C (R , C) | ∀α, β ∈ N , ∃C > 0 t.q. sup |x ∂ u(x)| ≤ C .
x∈RN

Rappelons que pour un multi-indice α := (α1 , . . . , αN ) ∈ NN , on désigne par


α
∂ u la dérivée partielle

∂ |α|
∂ α := α1
,
∂x1 · · · ∂xN αN
où |α| := α1 + · · · + αN est la longeur de α, et par xα le réel

xα := xα αN
1 · · · xN .
1

En utilisant la règle de Leibniz :


� α! β
∂ α (u v) = ∂ u ∂γ v
β!γ!
β+γ=α

pour u, v ∈ C ∞ (RN ; C) et α ∈ NN quelconques, et où α! := α1 ! · · · αN !, le


lecteur vérifiera aisément le résultat suivant :

Proposition 9.4. Pour tous u, v ∈ S(RN ), α ∈ NN et P ∈ C[X1 , . . . , XN ], on


a que uv, ∂ α u et P u appartiennent tous à S(RN ).
Mentionnons aussi que bien sûr D(RN , C) ≡ Cc∞ (RN ; C) ⊂ S(RN ), et que
2
x �→ e−|x| ∈ S(RN ) \ Cc∞ (RN ; C).
L’espace de Schwartz, par définition, est le cadre approprié pour énoncer la

Proposition 9.5. Pour tout u ∈ S(RN ) et tout α ∈ NN ,

� α u(ξ),
∂ α û(ξ) = (−2iπx)
∂�α u(ξ) = (2iπξ)α û(ξ),

quel que soit ξ ∈ RN .

93
Démonstration. Comme il a été mentionné plus haut, il suffit dans le premier
cas de dériver l’expression intégrale définissant û, et dans le second de procéder
par intégrations par parties. Dans l’un et l’autre cas, le fait que u ∈ S(RN )
permet de justifier l’opération (convergence dominée et termes de bords nuls à
l’infini).
Rappelons que C0 (RN ; C) désigne l’espace de toutes les fonctions continues
qui s’annulent à l’ infini, ou de manière équivalente l’adhérence de Cc (RN ; C)
dans BC(RN ; C). Nous pouvons maintenant renforcer la Proposition 9.2 de la
manière suivante.
Théorème 9.6 (Riemann-Lebesgue). La transformation de Fourier est une
application linéaire continue de L1 (RN ; C) dans C0 (RN ; C).
Démonstration. Soit u ∈ L1 (RN ; C). Par densité, il existe une suite (un )n∈N ⊂
Cc∞ (RN ; C) ⊂ S(RN ) qui converge vers u dans L1 (RN ; C). En utilisant la Pro-
position 9.2, on déduit que ûn → û dans L∞ (RN ; C). Grâce aux propositions
6.9 et 9.5, pour tout n ∈ N, on a ûn ∈ C0 (RN ; C). En effet, si ε > 0 et α ∈ NN
est tel que |α| = 1, alors
1 1
|ûn (ξ)| ≤ �∂�
αu �
n ∞ ≤ �∂ α un �1 < ε
2π|ξ| 2π|ξ|

pour tout ξ �∈ Kε , où Kε := {ξ ∈ RN : |ξ| ≤ 2π/ε�∂ α un �1 } est un compact.


Par conséquent, comme C0 (RN ; C) est fermé pour la convergence uniforme, on
obtient que û ∈ C0 (RN ; C).

Le résultat qui suit nous sera utile dans la suite.


Proposition 9.7 (Passage du chapeau). Si u et v ∈ L1 (RN ; C), alors
� �
ûv dx = uv̂ dx.
RN RN

Démonstration. Remarquons d’abord que si u et v ∈ L1 (RN ; C), alors par la


Proposition 9.2 û et v̂ ∈ L∞ (RN ; C) et par conséquent ûv et uv̂ ∈ L1 (RN ; C)
(via Hölder), de sorte que les intégrales ci-dessus sont bien définies. Par les
théorèmes de Fubini et Tonelli, on obtient
� � �� �
−2iπx·y
û(x)v(x) dx = u(y)e dy v(x) dx
RN RN RN
� �� �
−2iπx·y
= v(x)e dx u(y) dy
N RN
�R
= v̂(y)u(y) dy.
RN

La transformation de Fourier jouit de propriétés remarquables relativement


au groupe des translations et des dilatations.

94
Définition 9.8. Si u : RN → C, pour a ∈ RN et λ ∈ R \ {0}, on définit la
translatée de u par a, et la dilatée de u par λ comme

(τa u)(x) := u(x − a),


� �
(δλ u)(x) := u λx ,

pour tout x ∈ RN .

Lemme 9.9. Si u ∈ L1 (RN ; C), a ∈ RN et λ ∈ R \ {0}, on a

τ�
a u(ξ) = e
−2iπa·ξ
û(ξ),
δ� N
λ u(ξ) = |λ| δ1/λ û(ξ),

pour tout ξ ∈ RN .
Démonstration. On a, par définition,
� �
τ�a u(ξ) = u(x − a)e−2iπx·ξ dx = u(y)e−2iπ(y+a)·ξ dy
RN RN

−2iπa·ξ
= e u(y)e−2iπy·ξ dy = e−2iπa·ξ û(ξ).
RN

De même,
� �x� �
δ�
λ u(ξ) = u e −2iπx·ξ
dx = |λ| N
u(y)e−2iπ(λy)·ξ dy
RN λ RN

= |λ|N u(y)e−2iπy·(λξ) dy = |λ|N û(λξ)
RN
N
= |λ| δ1/λ û(ξ).

2
Corollaire 9.10. La fonction u : x �→ e−π|x| est laissée invariante par la
transformation de Fourier.
Démonstration. En effet, si α ∈ NN est un multi-indice de longueur |α| = 1, par
les propriétés de l’exponentielle on a

∂ α u = (−2πx)α u.

Comme u ∈ S(RN ), nous pouvons prendre la transformée de Fourier des deux


membres de l’égalité, et en tenant compte du fait que par la Proposition 9.5,
(2iπξ)α û = (−i∂)α û, on obtient

∂ α û = (−2πξ)α û.

Dès lors � �
ûα (∂ α û)u − (∂ α u)û
∂ = = 0.
u u2
Comme α est quelconque de longueur 1, on déduit que ûu est constante. Comme
� � �
û û(0) 2
(0) = = û(0) = e−π|x| dx.
u u(0) RN

95
Pour calculer la dernière intégrale, on observe que, grâce au théorème de Fubini,
on a � � �
2 2 2 N
e−π|x| dx = ( e−πx dx)N = ( e−π|x| dx) 2 = 1.
RN R R2
L’utilisation de coordonnées polaires pour l’intégrale en dimension 2 montre que
celle-ci égale un, et la conclusion suit.
Si t > 0, on déduit du Lemme 9.9 et du Corollaire 9.10 que


e−πt 2 |x|2
= δ1/t�
2 2
(e−π|x|2 ) = t−N e−π|x| /t .

Nous allons maintenant montrer le résultat principal de cette section, qui


est l’analogue du Théorème 8.3 du chapitre précédent.
Théorème 9.11 (Formule d’inversion de Fourier). Soit u ∈ L1 (RN ; C) ∩
ˆ
BC(RN ; C) telle que û ∈ L1 (RN ; C). Alors, pour tout x ∈ RN , û(x) = u(−x).
Démonstration. Par définition,

ˆ
û(x) = û(ξ)e−2iπξ·x dξ.
RN

Malheureusement, il n’est pas possible d’appliquer la Proposition 9.7 car la


fonction ξ �→ e−2iπξ·x n’appartient pas à L1 (RN ; C). Cependant, comme û ∈
L1 (RN ; C), il suit du théorème de convergence dominée de Lebesgue que

2 2
ˆ
û(x) = lim+ û(ξ)e−2iπξ·x e−πt |ξ| dξ
t→0 RN
2 2 2 2
car e−πt |ξ| → 1 ponctuellement lorsque t → 0+ , et |û(ξ)e−2iπξ·x e−πt |ξ| | ≤
2 2
|û(ξ)| pour tout ξ ∈ RN , avec |û| ∈ L1 (RN ). Ensuite, puisque ξ �→ e−πt |ξ| ∈
L1 (RN ; C), on déduit du Lemme 9.9 et de la Proposition 9.7 que
� �
2 2
−πt2 |ξ|2
û(ξ)e−2iπξ·x e−πt |ξ| dξ = τ�
x u(ξ)e dξ
RN RN

= �
τx u(ξ)e−πt 2 |ξ|2

RN

2 2
= u(ξ − x)t−N e−π|ξ| /t dξ
N
�R
2
= u(ty − x)e−π|y| dy.
RN

En conséquence,
� �
2 2
ˆ
û(x) = lim+ u(ty − x)e−π|y| dy = u(−x) e−π|y| dy = u(−x),
t→0 RN RN

où nous avons utilisé une fois encore le théorème de convergence dominée de


Lebesgue en se basant sur la continuité de u et sur le fait que
2 2
|u(ty − x)e−π|y| | ≤ �u�∞ e−π|y|
2
et que y �→ e−π|y| ∈ L1 (RN ).

96
Corollaire 9.12. La transformation de Fourier est une application linéaire
bijective de S(RN ) dans S(RN ).

Démonstration. Soit u ∈ S(RN ). Montrons que pour tous multi-indices α et


β ∈ NN , on a
sup |ξ β ∂ α û(ξ)| < ∞.
ξ∈RN

� α u(ξ) et dès lors


Par la Proposition 9.5, ∂ α û(ξ) = (−2iπx)

ξ β ∂ α û(ξ) = � α u(ξ)
ξ β (−2iπx)
1 � α u(ξ)
= (2iπξ)β (−2iπx)
(2iπ)|β|
1 � α u).
= ∂ β ((−2iπx)
(2iπ)|β|

Comme u ∈ S(RN ), par la Proposition 9.4 x �→ ∂ β ((−2iπx)α u(x)) ∈ S(RN ), et


en particulier appartient aussi à L1 (RN ; C). Il suit alors de la Proposition 9.2
� α u) ∈ L∞ (RN ; C). Nous avons ainsi montré que si u ∈ S(RN ),
que ∂ β ((−2iπx)
alors û ∈ S(RN ). On peut dès lors appliquer la formule d’inversion de Fourier
dans S(RN ) de sorte que

ˆ
ˆ
ˆ=u
û pour tout u ∈ S(RN ),

et par conséquent u �→ û est bijective.

Remarque 9.13. Au vu du Théorème 9.11 et du Corollaire 9.12, on peut écrire


la transformation de Fourier inverse comme

u(x) = û(ξ)e2iπx·ξ dξ
RN

pour tout u ∈ S(RN ).


Une des caractéristiques importantes de la transformation de Fourier est
qu’elle transforme les produits de convolutions en multiplications, et inverse-
ment.
Corollaire 9.14. Si u et v ∈ S(RN ), alors u ∗ v ∈ S(RN ) et
(i) u� ∗ v = ûv̂ ;
�v.
(ii) û ∗ v̂ = u

Démonstration. Commençons par (ii). Par définition du produit de convolution,


on a, en utilisant la Proposition 9.7, le Lemme 9.9 et le Théorème 9.11,
� �
(û ∗ v̂)(z) = û(z − y)v̂(y) dy = (τz δ−1 û)(y)v̂(y) dy
N RN
�R �
= (τ�z δ−1 û)(y)v(y) dy = e−2iπy·z δ�−1 û(y)v(y) dy
R N R N

= e−2iπy·z u(y)v(y) dy = u �v(z).
RN

97
Ci-dessus, on a également utilisé le fait que δ�
−1 û = u, et qui est une consé-
quence de la formule d’inversion de Fourier appliquée à û.
Venons-en maintenant à ii). Par bijectivité de la transformation de Fourier
sur S(RN ), u = fˆ et v = ĝ pour certains f et g ∈ S(RN ). Par conséquent,
par (ii) on déduit que u� ˆ ∗ ĝ = f�
∗ v = f� �g = (δ−1 f )(δ−1 g) = ûv̂ puisque, par le
ˆ
Théorème 9.11, δ−1 f = fˆ = û et de même pour g.
Enfin, grâce à (i) on a u ∗ v = δ−1 ûv̂.� Comme S(RN ) est stable par la
transformation de Fourier, par la multiplication, et bien évidemment par δ−1 , il
suit que u ∗ v ∈ S(RN ), ce qui termine la preuve.
Corollaire 9.15. Si u ∈ S(RN ), alors

�û�2 = �u�2 .

Démonstration. En effet, par la Proposition 9.7 et la formule d’inversion de


Fourier on a,

�û�22 = û(ξ)û(ξ) dξ
RN
� �
= û(ξ) u(x)e−2iπx·ξ dx dξ
RN RN
� �
= û(ξ) u(x)e−2iπx·(−ξ) dx dξ
RN RN
� �
= �(−ξ) dξ =
û(ξ)u û(ξ)δ�
−1 u(ξ) dξ
N RN
�R �

= u(ξ)δ�−1 u(ξ) dξ = u(ξ)δ−1 δ−1 u(ξ) dξ
N RN
�R
= u(ξ)u(ξ) dξ = �u�22 .
RN

Dans la section qui suit nous définirons la transformation de Fourier des fonc-
tions de L2 (RN ; C). Mentionnons que L2 (RN ; C) �⊂ L1 (RN ; C) et que L1 (RN ; C) �⊂
L2 (RN ; C), il sera ainsi nécessaire de s’assurer que les deux notions coïncident
sur l’intersection.

9.2 Transformation de Fourier des fonctions de


L2
D’après le Corollaire 9.15, la restriction de la transformation de Fourier à
S(RN ) ⊂ L2 (RN ; C) est linéaire et continue (et même unitaire) de S(RN ) ⊂
L2 (RN ; C) dans S(RN ) ⊂ L2 (RN ; C). Comme S(RN ) est dense dans L2 (RN ; C)
pour la norme � · �2 (en effet Cc∞ (RN ; C) ⊂ S(RN ) et Cc∞ (RN ; C) est dense dans
L2 (RN ; C) pour la norme � · �2 ), on déduit, par exemple de la Proposition 5.5
appliquée à une suite constante, qu’il existe une unique extension continue

F : L2 (RN ; C) −→ L2 (RN ; C)
u �−→ F (u),

98
telle que F(u) = û pour tout u ∈ S(RN ). On désigne par F(u) la transformée
de Fourier pour u appartenant à L2 (RN ; C). Comme mentionné plus haut, a
priori il n’est pas immédiat que

F(u) = û

pour u ∈ (L1 (RN ; C) ∩ L2 (RN ; C)) \ S(RN ). Nous reviendrons sur ce point dans
la suite. Commençons par le
Théorème 9.16. La transformation de Fourier F est une bijection linéaire
isométrique de L2 (RN ; C) dans L2 (RN ; C). De plus, pour tout u ∈ L2 (RN ; C),

F(F (u)) = δ−1 u.

Démonstration. La conservation de la norme L2 et la formule de Fourier inverse


ont lieu sur S(RN ) (ceci est l’objet du Théorème 9.11 et du Corollaire 9.15).
Il suffit alors d’invoquer la densité de S(RN ) dans L2 (RN ; C) et de passer à la
limite en utilisant la continuité de F pour la norme L2 .
Le résultat suivant étend la Proposition 9.7 aux fonctions de L2 (RN ; C).
Proposition 9.17. Soient u et v ∈ L2 (RN ; C), alors
� �
F(u)v dx = uF (v) dx.
RN RN

Démonstration. Ici à nouveau, on utilise la densité de S(RN ) dans L2 (RN ; C).


En effet, soient (un ) et (vn ) ⊂ S(RN ) telles que un → u et vn → v dans
L2 (RN ; C). De la Proposition 9.7, on déduit que
� �
ûn vn dx = un v̂n dx.
RN RN

Comme pour chaque n ∈ N, un et vn ∈ S(RN ), on a ûn = F(un ) et v̂n = F(vn ).


Il suffit alors de passer à la limite lorsque n → ∞ dans l’égalité précédente et
d’utiliser la continuité de F dans L2 (RN ; C) et l’inégalité de Cauchy-Schwarz.

Corollaire 9.18. Si u ∈ L1 (RN ; C) ∩ L2 (RN ; C), alors F(u) = û.


Démonstration. Soit χn ∈ Cc∞ (RN ; [0, 1]) telle que χn = 1 in B(0, n). Si v ∈
Cc∞ (RN ; C), alors χn v ∈ Cc∞ (RN ; C) ⊂ S(RN ). En utilisant la Proposition 9.7
et la Proposition 9.17 on obtient
� � � �
ûχn v̄ dx = �
uχ n v dx = uF (χn v) dx = F(u)χn v dx,
RN RN RN RN

de sorte que �
(û − F(u))v dx = 0
B(0,n)

pour tout v ∈ Cc∞ (RN ; C). On choisit v = ρj ∗ û − F(u), où (ρj )j∈N est une suite
régularisante (cfr Définition 4.15). En prenant la limite lorsque j → ∞, et en
utilisant le Lemme 4.16 et le Théorème 3.25, on obtient que û = F(u) presque
partout dans B(0, n). Finalement, comme n est arbitraire, les deux fonctions
coïncident presque partout sur RN .

99
Nous terminons cette section par un résultat analogue au Corollaire 9.15
pour les fonctions de L2 (RN ; C).
Corollaire 9.19 (Identité de Plancherel). Si u ∈ L2 (RN ; C), alors
�u�2 = �F(u)�2 ,
et aussi, si u, v ∈ L2 (RN ; C), alors
� �
u v̄ dx = F(u)F(v) dx.
RN RN

Démonstration. On procède encore par densité. Pour u ∈ L2 (RN ; C), soit (un ) ⊂
S(RN ) une suite telle que un → u dans L2 (RN ; C). Alors, par le Théorème 9.16,
ûn = F(un ) → F(u) in L2 (RN ; C), et grâce au Corollaire 9.15 on aboutit à
�u�2 = lim �un �2 = lim �ûn �2 = lim �F(un )�2 = �F(u)�2 .
n→∞ n→∞ n→∞

En ce qui concerne le deuxième énoncé, il suffit d’observer que pour tous u


et v ∈ L2 (RN ; C),

�u + v�22 − �u − v�22
uv̄ dx =
RN 2
�F(u + v)�22 − �F(u − v)�22
=
2
�F(u) + F(v)�22 − �F(u) − F(v)�22
=
� 2
= F(u)F(v) dx.
RN

Maintenant que nous avons montré que l’ extension F correspond à l’appli-


cation � pour u ∈ L1 (RN ; C) ∩ L2 (RN ; C), nous pouvons utiliser indifférem-
ment les notations û ou F(u) pour u ∈ L1 (RN ; C) ∪ L2 (RN ; C), et même pour
u ∈ L1 (RN ; C) + L2 (RN ; C).

9.3 Application à la résolution de l’équation de


la chaleur
L’équation de la chaleur (avec donnée initiale u0 ) sur l’espace entier s’écrit

 ∂u
 (t, x) − Δu(t, x) = 0 pour (t, x) ∈ R+ × RN ,
∂t


u(0, x) = u0 (x) pour x ∈ RN ,
�N 2
où u : R+ × RN → R, et Δu(t, x) = i=1 ∂∂xu2 (t, x).
i
Considérons, au moins formellement, la transformation de Fourier de u par
rapport à la varialbe x uniquement :

v(t, ξ) := u(t, x)e−2iπx·ξ dx.
RN

100
En utilisant la Proposition 9.5, on obtient , après avoir appliqué la transforma-
tion de Fourier à l’équation,

 ∂v
 (t, ξ) = −4π 2 |ξ|2 v(t, ξ) pour (t, ξ) ∈ R+ × RN ,
∂t


v(0, ξ) = û0 (ξ) pour ξ ∈ RN .
L’avantage de cette dernière formulation est que pour ξ fixé (et donc consi-
déré comme une paramètre), il s’agit là non plus d’une équation aux dérivées
partielles mais d’une équation différentielle ordinaire, dont la solution s’écrit
simplement
2 2
v(t, ξ) = û0 (ξ)e−4π |ξ| t .
2
Notons que si l’on pose ρ(ξ) := e−π|ξ| , alors
2
|ξ|2 t
e−4π = δ1/√4πt ρ
= δ1/√4πt ρ̂
= (4πt)−N/2 δ�

4πt ρ,

où on a utilisé le fait que ρ̂ = ρ par le Corollaire 9.10. En particulier, si u0 ∈


S(RN ), en utilisant le Corollaire 9.14, on obtient

v(t, ξ) = û0 (ξ)(4πt)−N/2 δ�



4πt ρ(ξ) = (4πt)
−N/2
u0 ∗�
δ√4πt ρ(ξ).
Par ailleurs le Corollaire 9.12 nous assure que la transformation de Fourier est
bijective sur S(RN ), et donc,

|x−y|2
u(t, x) = (4πt)−N/2 u0 ∗ δ√4πt ρ(x) = (4πt)−N/2 u0 (y)e− 4t dy.
RN

Maintenant que nous avons "deviné" la forme de la solution, nous pouvons


démontrer le :
Théorème 9.20. Soit u0 ∈ L1 (RN ). Alors la fonction u : (0, ∞) × RN → R
definie par �
|x−y|2
−N/2
u(t, x) := (4πt) u0 (y)e− 4t dy
RN
N
est indéfiniment dérivable sur (0, ∞) × R . De plus, elle vérifie
∂u
(t, x) − Δu(t, x) = 0 pour tout (t, x) ∈ (0, ∞) × RN ,
∂t
et on a
lim �u(t, ·) − u0 �1 = 0.
t→0+
|x−y|2
Démonstration. On remarque aisément que la fonction (t, x, y) �→ (4πt)−N/2 e− 4t
admet des dérivées partielles de tout ordre par rapport à t et/ou x qui sont bor-
nées (et donc appartiennent à L∞ (RN ) par rapport à la variable y). Comme
u0 ∈ L1 (RN ) on est en droit d’appliquer le théorème de convergence domi-
née de Lebesgue et donc de dériver sous le signe intégral ce qui assure que
u ∈ C ∞ ((0, ∞) × RN ). De plus, on vérifie également aisément que
∂u
(t, x) − Δu(t, x) = 0
∂t

101
pour tous (t, x) ∈ (0, ∞) × RN .
Nous nous intéressons maintenant à la convergence vers la donnée initiale.
On note que, pour tout t > 0,

|y|2
(4πt)−N/2 e− 4t dy = 1 (9.3.1)
RN

et donc

|y|2
−N/2
|u(t, x) − u0 (x)| ≤ (4πt) |u0 (x − y) − u0 (x)|e− 4t dy
RN

ce qui implique, après intégration suivant la variable x et utilisation du Théo-


rème de Fubini, que
� � � |y|2
e− 4t
|u(t, x) − u0 (x)| dx ≤ |u0 (x − y) − u0 (x)| dy dx
RN R N RN (4πt)N/2
� �� � − |y|2
e 4t
≤ |τy u0 (x) − u0 (x)| dx N/2
dy
B(0,δ) RN (4πt)
� �� � − |y|2
e 4t
+ |τy u0 (x) − u0 (x)| dx dy
RN \B(0,δ) RN (4πt)N/2
� |y|2
e− 4t
≤ sup �τy u0 − u0 �1 + 2�u0 �1 N/2
dy.
y∈B(0,δ) RN \B(0,δ) (4πt)

Par la continuité des translations dans L1 (RN ), on obtient

sup �τy u0 − u0 �1 → 0
y∈B(0,δ)

lorsque δ → 0. Par ailleurs, par changement de variable il suit que pour tout
δ > 0,
� |y|2 �
e− 4t 2

N/2
dy = √ e−π|z| dz → 0
N
R \B(0,δ) (4πt) N
R \B(0,δ/ 4πt)
2
lorsque t → 0, car z �→ e−π|z| ∈ L1 (RN ). Finalement, en prenant d’abord la
limite lorsque δ → 0, et ensuite celle lorsque t → 0 on aboutit à

lim �u(t, ·) − u0 �1 = 0,
t→0+

ce qui termine la démonstration.


Remarquons pour terminer qu’une conséquence de la propriété (9.3.1) est
que pour tout t > 0,
� �
u(t, ·)dx = u0 , (9.3.2)
RN RN

ce à quoi on fait généralement référence dans la littérature comme la préservation


de masse (ce qui nous éloigne de la température !).

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